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1
L
MÉMOIRES
TOME XII
(1895-1900)
MÉMOIRES
DE LA
(SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE
D'EURE-ET-lOIRj
TOME XII
(1895- 1900)
CHARTRES
IMPRIMERIE GARNIER
15, Rue du Grand-Cerf, 15
1901
SOCIÉTÉ ^ )z-
ARCHÉOLOGIQUE
D'EURE-ET-LOIR
MÉMOIRES
LES COMTES DE CHARTRES
DE GHATEAUDUN ET DE BLOIS
Aux IX^ et X^ siècles
CHAPITRE I"
GÉOGRAPHIE HISTORIQUE DU PAYS CHARTRAIN
ANTÉRIEUREMENT AU IX® SIÈCLE
Dans les siècles qui précédèrent la naissance du Christ, au
temps où la Gaule était indépendante, Chartres, qui se nom-
mait alors Autricum, fut le chef-lieu d'une grande peuplade
celtique. Cette peuplade , appelée Carnutes, avait son terri-
toire au cœur même de la Gaule \ Outre Autricum, capitale
des Carnutes, on connaît une ville importante, comprise
dans les frontières de cette tribu : Caesar, est-il dit dans les
\ Cf. César, Commentaires^ 1. 6, c. 4: tn finibus Camutum quae regto
totius Galliae média habetur.
T. XII, M. 1
M887050
— 2 —
Commentaires, in oppido Carnutuni, Genabo, castra ponit*.
Genabum est aujourd'hui Orléans 2.
Le territoire, qu'occupait en Gaule chaque tribu indépen-
dante, analogue à celle des Carnutes, est désigné par César
sous le nom de civitas ou cité. Cette expression fut celle
qu'adoptèrent les empereurs romains comme titre des cir-
conscriptions administratives qu'ils créèrent en ce pays
après la conquête.
L'empereur Auguste, par une sage mesure politique,
conserva généralement aux petits États gaulois leurs ancien-
nes limites qui devinrent celles des cités. Il en fut ainsi pour
le pays chartrain. C'est ce que l'on peut induire en partie du
témoignage des géographes Strabon et Ptolémée.
Le premier, qui écrivait sous Auguste et sous Tibère, nous
apprend qu'à cette époque Orléans dépendait encore de la
cité des Carnutes ' ; le second, qui vivait environ cent ans
plus tard, nous montre que l'état des choses n'avait pas
changé * : les deux villes principales des Carnutes sont, dit-
il, Autricum et Genabum.
On peut donc présumer que , pendant les deux premiers
siècles de notre ère, la contrée, appelée civitas Carnutum par
les Gallo-Romains, représentait assez exactement celle qu'oc-
cupait, au temps de César, la peuplade gauloise des Carnutes.
Dans le cours du IIP siècle, la cité chartraine fut démem-
brée en deux circonscriptions * . L'une conserva la ville
^ L. 8, c. 5.
2 L'identité de Genabum et d'Orléans est aujourd'hui démontrée. — Cf.
Bulletins de la Société Archéologique de l'Orléanais, 1865, p. 234 et ssv.;
Boucher de Molandon, Nouvelles études sur IHnscription romaine trouvée à
Mesve (Mémoires lus à la Sorbonne, avril 1867), etc.
3 rîjvKjSov, TÔ Twv KapvoùTwv siinopsïov. Cf. dom Bouquet, Recueil des
Historiens des Gaules et de la France^ I, 22.
■* Uapâ. Tov Sïjxoavav, KapvouTat, xàt TroXstç : AO'rptxov, KijvajSov. Cf.
dom Bouquet, livre cité, I, 74.
' On ne peut préciser davantage l'époque à laquelle eut lieu le démembrement
de la civitas Carnutum. Au 1I« siècle de notre ère , d'après Ptolémée , Orléans
dépendait encore de la cité chartraine. D'autre part, dès le début du IV^ siècle,
le démembrement était opéré; caç, lorsque les évêchés furent constitués en
cette région, dans la première moitié du iV* siècle, Orléans devint le chef-lieu
d'un diocèse répondant au territoire de la civitas Aurelianorum. Ce dut donc
être dans le courant du III® siècle- que la civitas Aurelianorum fut constituée et
séparée de la civitas Carnutum,
u
— 3 —
d'Autricum pour chef-lieu avec le titre de civHas Carnutum^
l'autre eut pour capitale l'ancienne ville de Genabum , qui
devait être dès lors communément appelée Aurelianis* : d'où
le titre de civitas Aurelianorum, donné à cette seconde cir-
conscription.
« La ligne de démarcation des deux nouvelles cités peut être
encore aujourd'hui partiellement rétablie grâce à un certain
nombre de villages, qui, s'étant créés sur cette frontière,
tirèrent de leur situation les noms caractéristiques de Fines^
Ad Fines 2.
C'est ainsi que du côté de la Beauce on peut citer les bour-
gades ou lieux -dits de Fains, d'Auffains, de Terminiers
Terminarium (?), de Fins ; et du côté de la Sologne, le village
de Feings avec le hameau dit Maison de Fins ^.
D'autres raisons permettent du reste de tracer avec plus
de précision cette ligne de démarcation.
Dans le temps où fut démembrée la civitas Carnutuni,
c'est-à-dire dans le cours du III*' siècle, le christianisme se
répandait déjà en cette contrée : il y fit même bientôt de
grands progrès et, sous les gouvernements protecteurs de
* Une idée très répandue est que la ville de Genabum aurait été nommée
Aurelianis, après avoir été reconstruite par l'empereur Aurélien, lors d'un
séjour de ce prince en Gaule, vers 273. Cette hypothèse ne repose sur aucun
fondement historique, et, quoique séduisante, elle n'est pas admissible. Si
Aurélien avait imposé son nom à Genabum, cette ville aurait été appelée
Aureliana et non Aurelianis (Cf. Augusla d'Augustus, Constantia de
Constantius, etc). On doit plutôt reconnaître, suivant M. Aug. Lonenon, dans
le mot Aurelianis , un composé du suffixe latin anus et du gentilicc bien connu
Aurdius. 11 est possible qu'un faubourg de Genabum portât ce nom d'Aurelianis
à cause des domaines qu'y aurait possédés la famille Aurélia; puis le nom
romain du faubourg se serait étendu pu à peu à toute la ville et aurait elfacé
l'antique appellation de l'oppidum gaulois.
2 II suffit de parcourir la table de Peutiuger pour voir combien de villages,
s'étant formés dans la Gaule romaine sur les limites des différentes cités, avaient
tiré de leur situation ce nom de Fines. Beaucoup de ces anciennes bourgades
ont complètement disparu ; mais il n'y a pas un pays en France qui en ait
conservé un aussi grand nombre que la région chartraine.
3 Fains'la-Folie , Eure-et-Loir, aiT^ Chartres, con Voves.
Auffains (hameau), c'»*' Baignolet, Eure-et-Loir, arrt Chartres, con Voves.
Terminiers^ Eure-et-Loir, arr^ Chàteaudun, c»" Orgères.
Fins (hameau), c^^ de Goncriers, Loir-et-Cher, arr^ Blois, co" Mai*chenoir'.
Feings, Loir-et-Cher, arH Blois, 6on Contres.
Maison de Fins , hameau marqué ' sur la carte de Cassini , à deux kilomètres
environ au nord-est de Fougères, Loir-et-Cher, arr^ Blois, c"" Contres.
— 4 —
Constance-Chlore et de Constantin (292-337), il s'y organisa
définitivement.
On possède pour Chartres et Orléans deux documents qui
peuvent servir à déterminer approximativement Tépoque où
furent régulièrement constituées les églises diocésaines de
ces cités. Ce sont deux catalogues ou listes d'évêques * :
transcrits seulement au XI® siècle, ces catalogues paraissent
être dérivés des anciens diptyques des deux cathédrales.
Malgré leur extrême sécheresse, ils ont une réelle valeur
historique, en ce sens que là où Ton peut les contrôler par
des titres originaux, ils n'offrent ni erreur, ni lacune, et que
par suite on peut leur supposer une semblable précision pour
la succession des quelques pontifes qu'ils sont seuls à nous
faire connaître.
La liste épiscopale d'Orléans indique comme ayant été le
premier évêque de cette ville Diclopetus, qui signa les actes
du Concile de Sardique en 343 sous cette forme, AyixXi^tustoç^.
A Chartres, le premier évêque de la cité fut Adventus qui
semble avoir été contemporain de Diclopetus ^.
Ces deux diocèses ne furent donc organisés que dans la
première moitié du IV® siècle, vraisemblablement sous l'em-
pereur Constantin, alors que ce prince eut autorisé l'exercice
du culte chrétien dans tout l'empire.
^ Le catalogue des évêques de Chartres se trouve au folio 137 d'un manuscrit
du XI^ siècle, conservé a la Bibliothèque nationale sous le n^ 13758 latin.
Il a été publié dans les Mémoires de la Société Archéologique (T Eure-et-Loir,
t. IX, p. 453460. Quant au manuscrit qui contient le catalogue des évêques
d'Orléans, il n'est plus en France aujourd'hui : on le conserve à la bibliothèque
du Vatican , parmi les manuscrits de la reine de Suède , sous le n® 465 ; il date
également du XP siècle. La liste qu'il renferme a été publiée dans les Bulletins
de la Société Archéologique de l'Orléanais, t. IV, p. 55.
2 Sur Diclopetus voir l'intéressante notice consacrée à cet évêque par
M. Cuissard dans son travail sur les premiers évêques d'Orléans (Mémoires de
la Société Archéologique de l'Orléanais, t. XXI, p. 124-143).
3 C'est ce que rend fort probable le tableau que j'établis ici d'après les deux
catalogues du XI« siècle.
PREMIERS ÉVÊQUES D'ORLÉANS PREMIERS ÉVÊQUES DE CHARTRES
1. Diclopetus (conc. de Sardique, 343). 1. Adventus.
2. Alitus. 2. Optatus.
3. Desinianus. 3. Valentinus.
4. Evurtius. 4. Martinus.
5. Anianus. 5. Anianus.
6. Magnus. 6. Severus.
Quant à retendue donnée à ces diocèses, tout tend à
prouver que ce fut précisément celle des cités romaines de
Chartres et d^Orléans. L'Église, qui trouvait en Gaule des cir-
conscriptions territoriales toutes tracées et acceptées par
les populations , ne pouvait songer à en créer de nouvelles.
Un fait analogue s'est produit de nos jours, quand, après
la Révolution, la France ayant été divisée en départements.
Ton attribua aux diocèses rétablis les limites mêmes de ces
départements.
Par conséquent tant que la cité et le diocèse coexistèrent,
leurs frontières se confondirent : lorsque la cité romaine eut
disparu par suite de la conquête franque, le diocèse religieux
demeura. Car, si les premiers rois mérovingiens imposèrent
de grands changements à Tadministration impériale, ils
adoptèrent la religion chrétienne et respectèrent ses insti-
tutions. Aussi, tandis que la cité était le plus souvent frac-
tionnée en pagi, le diocèse put en général traverser le moyen
âge sans être modifié dans son étendue ^ .
C'est ce qui eut lieu en particulier pour les diocèses de
Chartres et d'Orléans. Si Ton trace en effet la ligne de dé-
marcation des deux églises au XIIP siècle ^, on voit que cette
7. Febatus. 7. Castor.
8. Gratianus. 8. Africanus.
9. Monitor. 9. Possessor.
10. Prosper. 10. Polochronius.
11. Flosculus. 11. Palladius.
12. Dago. 12. Arboastus.
13. Eusebius (concile d'Orléans, 511). 13. Flavius.
14. Sollemnis.
15. Adventinus(conc. d'Orléans, 511).
Si Ton prend comme point de comparaison les évèques Ëusebius et Adventinus
qui assistèrent tous deux au concile d'Orléans en 511 , on voit que le premier
eut 12 prédécesseurs, et le second 14. Adventus devait donc vivre à la même
époque que Diclopetus; car on sait oue les évoques d'Orléans, Evurtius et
Anianus , occupèrent le siège épiscopal ae cette ville pendant de longues années
(370 environ à 450) , et il n'est pas surprenant de trouver à Chartres , dans un
même espace de temps, deux évêques de plus au'à Orléans.
Pour cette chronologie, je suis complètement d'accord avec M. l'abbé Duchesne.
Cf. Fastes épiscopaux de l'ancienne Gaule, Paris, Thorin, 1894, in-8o, p. 11.
^ Les décrets des conciles contribuèrent pour une grande part à faire res-
pecter les limites primitives de chaque diocèse.
2 On peut intégralement reconstituer cette ligne frontière grâce au pouillé du
diocèse de Chartres au XII1° siècle , pubUé par Guérard dans le Carttdaire de
Saint-Père, p. CCXCVII-CCCXLIV.
— 6 —
ligne passe près des villages signalés plus haut comme ayant
dû délimiter primitivement les deux cités romaines, c'est-à-
dire prés de Fains, Auffains, Terminiers, Fins, en Beauce ;
près de Maison-de-Fins et de Feings en Sologne. On est donc
en droit de rétablir la carte des deux cités d'après celle des
deux diocèses * .
Connaissant retendue des cités romaines de Chartres
et d'Orléans, on en tire celle de la primitive civifas Cnrnu^
tuni, et approximativement celle du pays des Carnutes au
temps de l'indépendance gauloise.
Ce vaste territoire se trouvait ainsi traversé par la Loire
sûr une étendue de plus de cent kilomètres 2, et l'on comprend
comment TibuUe, après un voyage en Gaule dans les années
qui suivirent celles de la conquête de César, pouvait par
souvenir appeler la Loire « le fleuve bleu du blond Carnute. »
Garnuti et flavi caerula lyinplm Ligev^.
Au cours du V® siècle, les peuplades germaines s'étant
jetées sur la Gaule parvinrent à y renverser de fond en
comble la domination romaine. Vers l'année 495, le pays
chartrain tomba au pouvoir du roi des Francs Clovis *.
^ Sur les limites de la cité romaine de Chartres, on peut signaler encore : le
hameau de Fins, représenté aujourd'hui par les lieux dits du hrand-JFins et du
Petit-Fins , commune de Ternay ( Loir-et-Cher ) , arrondissement de Vendôme ,
canton de Montdoubleau. Ce lieu,- à l'époque gallo-romaine, devait a\oir une
certaine importance. Il était à Textrême limite de la grande forêt de Gàtine, qui
servait alors de frontière commune aux trois cités du Mans , de Chartres et de
Tours. Par suite des défrichements ultérieurs chacune de ces trois cités,
devenue diocèse, s'agrandit aux dépens de la foret. C'est ainsi que le diocèse du
Mans, englobant le village de Fins, s'étendit à c[uelques lieues au-delà. ( Sur
la forêt de Gàtine, cf. Mabille, Divisions territoriales de la Touraine , Biblio-
thèque de l'Ecole des Chartes, 186-4, p. 239). — L'on peut aussi men-
tionner un village du nom de Feings (Orne, arrondissement et canton de
Mortagne), sur la frontière des cités de Chartres et de Sées.
2 Depuis Sully jusqu'à Limeray.
3 Tibulle, Hvre I, élég. 8.
' * Le siège de la ville de Chartres par Clovis est mentionné par un auteur
presque contemporain, je veux parler du disciple de saint Laumer, qui écrivit la
vie de cet abbé, et qui rapporte que Laumer naquit dans le temps où l'armée
des Francs assiégeait la cité chartraine. Beatus Launomarus, tempore quo
Francorum exercitus Carnoiensium vallabat civitatem , exortus est ( Mabillon ,
Acta SS. ord. S. Benedicti, Ssêc. /, p. 335). Ce texte important a échappé
aux minutieuses recherches de M. lunghans, qui, outre le témoignage de l'his-
— 7 —
Ce prince et ses premiers successeurs transformèrent peu
à peu la division territoriale établie en notre pays par les
Romains. Ils avaient trouvé le territoire divisé tout entier
en civhates. A la civitas, ils substituèrent au point de vue
administratif le pagus. La Gaule sur toute sa surface fut bien-
tôt morcelée en pagi.
« A l'origine, le pagus emprunte le plus souvent les limites
» de la civitas ; mais dans les contrées où dominent les
» hommes de race franque ou bourguignonne, les pagi se
» multiplient par le morcellement des cités, et il semble que
» leur nombre soit en rapport avec celui de la population
» germanique^ ».
La région environnant Chartres aurait été au nombre de
celles où les Francs s'établirent en grand nombre, car ils
démembrèrent la cité romaine en plus de six pagi.
Les documents originaux des siècles postérieurs permet-
tent en effet de constater que le territoire de la civitas Car^
nutiim avait servi à former : le pagus Carnotonus, chef-lieu
Chartres ; le pagus Durocassinus^ chef-lieu Dreux ; une partie
du pagus Madriacensis, chef-lieu Mérey ^ ; le pagus Piniscia-
censis, chef-lieu Poissy ^ ; une partie du pagus Sfanipensis,
chef-lieu Etampes ; le pagus Dunensis, chef-lieu Châteaudun ;
le pagus Vindocinensis, chef-lieu Vendôme ; le pagus Dlesen-
sis, chef -lieu Blois.
De ces huit pagi, quatre étaient déjà certainement consti-
tués au VP siècle. Grégoire de Tours mentionne en effet le
Chartrain, le Dunois, le Blésois et l'Étampois.
Dès le VHP siècle, les limites de toutes ces circonscriptions
torien Procope, ifa connu que deux documents du VI* siècle, où il soit fait
mention de la lutte que Clovis eut à soutenir contre les cités d'entre Seine et
Loire, lorsqu'il entreprit la conquête de ce pavs. L'un de ces documents est la
Vie de sainte Geneviève^ où est raconté en détail le siège de Paris qui dura
cin(| ans ; l'autre est un épisode du siège de Nantes par l'armée franque , cité
incidemment par Grégoire de Tours dans le De Gloria Martyrum, I, c. 00.
Cf. lunghans, Histoire critique des règnes de Childérich et de Chlodovech^
traduit de l'allemand par G. Monod, P^ris, Vieweg, 1879, in-H© (Collection de
la Bibliothèque de l'École des Hautes Etudes).
* Ce passage est emprunté au beau travail de M. Aug. Longnon sur les pagi
de la Gaule (Atlas historique de la France ^ p. 89, 90).
2 Mérey (Eure), arrondissement d'Évreux, canton de Pacy-sur-Eure.
3 Poissy (Seiue-et-Oisc), arrondissement de Versailles.
— 8 —
étaient fixées et elles ne changèrent plus jusqu'à la fin du
X* siècle.
On a pu , grâce aux chartes octroyées par les rois et les
particuliers pendant cette longue période de temps, reconsti-
tuer d'une manière précise l'étendue de chacun de ces huit
pagi. M. Longnon, dans son Atlas historique de la France, a
fort bien résumé, en les rectifiant souvent, les travaux
consacrés à cette question par ses devanciers. Aussi bien les
résultats auxquels on est arrivé aujourd'hui sont assez
définitifs, pour que je n'aie pas à revenir après tant d'autres
sur cette étude*.
Je me contenterai de relever, dans un document daté de
l'année 615, les noms de plusieurs localités de la région
chartraine, afin de montrer que, dès cette époque reculée,
les pagi étaient constitués, et que, pour ainsi dire, on plaçait
alors tel village dans tel territorium^ ou pagus, comme
aujourd'hui nous plaçons telle commune dans tel département.
Le document, dont je veux parler, est le testament de
Bertrand, évêque du Mans, en date du 27 mars 615 ^.
Par ce testament, Bertrand, entre autres donations, lègue
à l'un de ses neveux, Sigechelmus, deux villas dans le terri-
torium Dunense. Il les désigne simultanément sous les noms
de Villam Pannonio et de Macerias*. J'avais cru pendant
longtemps que Villam Pannonio était le hameau de Plainville,
près de la commune de Coudreceau*, hameau qui, vers l'an-
^ Il suffit de renvoyer quiconque voudrait connaître Tétat de la question à
V Atlas historique de M. Longnon, pages 108 et 109.
2 Le mot territorium est alors souvent employé comme synonyme de pa^.
Ce dernier terme effaça presque entièrement dans la suite toute autre appellation.
3 L'authenticité du testament de Bertrand a été admise par les plus grands
énidits des siècles derniers. Mabillon et Le Cointe ont jugé que cet acte était
un des monuments les plus précieux que nous ait légués le VII» siècle. De nos
jours , Pardessus , dans son recueil des Diplomata chartae , s'est rangé à la
même opinion. Tout récemment un érudit, qui s'était acquis une grande répu-
tation dans rétude des questions mérovingiennes et qu'une mort prématurée a
enlevé à la science, M. Julien Havet, préparait sur le testament de Bertrand une
étude, dans laquelle il devait conclure à l'authenticité de ce document, comme
il nous l'écrivait à nous-même à la date du 17, juillet 1891. Cf. Les actes des
évêaues du Mans dans la Bibliothèque de l Ecole des Chartes, année 1894,
p. 18.
* Cf. Pardessus, Diplomata, chartae..,, I, 210.
^ Coudreceau (Eure-et-Loir), arrondissement de Nogent-le-Rotrou , canton de
Thiron.
I
— 9 —
née 1120, est appelé Peneinvilîa^, vers 1130, Peleinvilla^, d'où
est directement dérivé le nom de Plain ville. Mais ce hameau
était à quelque distance en dehors des frontières du pajus
Dunensis, et du reste aucun village du nom de Mézières
(Macerias) n'existe dans les environs. J'ai retrouvé dans la
partie méridionale du pays dunois, non loin de Sémerville ^,
les deux villas qui appartenaient en 615 à Tévêque du Mans,
Bertrand. Macerias est aujourd'hui Mézières % près de Sémer-
ville, et la Villa Pannonio est Plainville *, situé à un kilomè-
tre environ de Mézières.
Le territorium Stampense est également mentionné dans
le testament de Bertrand. On y lit: Villam Bualone, sitam in
Stampense, secus Aequalina^. Bualone est aujourd'hui Bul-
lion^, qui au XUP siècle se nommait J^oo/otî •. En 1511 ce
village est appelé Boullon^; en 1652 Boulon*^, Entre les années
1652 et 1701 Boulon changea son nom en celui de BuUion^^
La situation de cette commune est encore aujourd'hui telle
que la représente le testament de Bertrand, c'est-à-dire à
côté de la forêt Iveline ou de Rambouillet, secus Aequalina.
^ Cartulaire de N.-D. de Chartres, par MM. de Lépinois et Meriet, III, p. 42.
2 Cartulaire de Tiron, par M. L. Meriet, I, 146.
3 Sémerville (Loir-et-Cher), arrondissement de Blois, canton d'Ouzouer-le-
Marché.
* Mézières, hameau, commune de Verdes (Loir-et-Cher), arrondissement de
Blois, canton d'Ouzouer-le-Marché.
^ Plainville est marqué sur les cartes de Cassini et de F État-major; mais il
ne se trouve pas dans le Dictionnaire des Postes,
* Pardessus, liv. cité, p. 202. Bertrand donna cette villa à son parent
Leuthraranus.
' Bullion (Seine-et-Oise), arrondissement de Rambouillet, canton de Dourdan.
® Aptid Longam Quercum decimam vinee, que sita est inter villam et viam
que ducit ad Boolon (Cart. des Vaux-de-Cemay, par MM. Moutié et Meriet,
T. I, p. 216). Longchesne est un hameau de la commune de Bullion.
* L'abbaye des Vaux-de-Cernay possède la granche dimeresse de Long-
Chesne..., ttem, la moitié par indivis de toutes les dixmes de grains et vins
sur le fief de Ronqueux (hameau, commune de Bullion); item une pièce de
pré en la grande prairie de Boullon (Cart, des Vaux-de-Cernay, II, 130).
^® Bullion est ainsi désigné sur la carte de Beauce parN. Sanson d'Abbeville,
géographe du Roy, à Paris, chez Pierre Mariette, 1652.
** C'est sous cette forme qu'il a encore aujourd'hui, que Bullion est porté sur
la carte du diocèse de Chartres par Jaillot, en date de 1701.
— 10 —
En même temps que BuUion, le testament de Bertrand
mentionne inibi,,, locellum de Fontanido. C'est le village de
Fontenay-lés-Briis , non loin de BuUion ^ . Fontenay est éga-
lement placé dans le pagus Stainponsis par un acte original
de l'année 670 2.
Une autre villa est encore attribuée au territoire étampois
par ce même document : Villain liolmne, quae est in territorio
Stampense, super fhivio ('alla ^. Villani Bohane est aujourd'hui
Boinville ^ Le renseignement que fournit ici le testament
de Bertrand est précieux en ce sens qu'il fait connaître l'an-
cien nom du ruisseau qui passe à Boinville. — La Chale
(Calla) n'est point arrivée sous ce nom jusqu'à nous. Elle coule
en effet tout à côté d'une autre petite rivière, appelée la
Louette, qui vient se confondre avec elle auprès d'Etampes
avant de se jeter dans la Juisne. La langue vulgaire, qui re-
cherche les consonnances, fondit en un seul les noms de la
Chale et de la Louette et désigna par Chalouette le ruisseau
qui arrose Boinville, Chalou-Moulineux et Chalo-Saint-Mars^,
tandis qu'elle conservait le nom de Louette ^ à l'autre cours
d'eau.
^ Pardessus, livre cité, I, 202. Fontenay-lés-Briis ( Seine-et-Oise ) , arrondis-
sement de Rambouillet, canton de Limours. — Cette villa fut donnée par Ber-
trand en partie à féglise de Saint-Pierre et Saint-Paul du Mans, en partie
à son parent Leuthramnus.
- Pardessus, livre cité, II, 149. Aux VII, VIII et ÏX« siècles, toute la vallée
de l'Orge, au-dessus d'Arpajon, dépendait du pagus Stampensis. Plus tard, les
villas de Limours, Bruyères-le-Chatel et Souzy-la-Briche , comme celle de
Fontenay-lés-Briis, furent rattachées au Châtrais. Cf. Longnon, Atlas historique,
p. 108 et 112.
3 Pardessus, livre cité, I, 202. Bertrand donna Boinville à l'abbaye de Saint-
Germain de Paris.
* Boinville, hameau, commune de Chalo-Saint-Mars (Seine-et-Oise), arron-
dissement et canton d'Etampes. Le b, placé dans les mots latins entre deux
voyelles dont la première est un ou un u, a le plus souvent disparu dans le
français moderne. C'est ainsi que de robiginare, devenu robiilare, est sorti le
verbe rouiller. D'un mot baibare nubaticum est dérivé notre mot nuage. De
même Bobane villa s'est transformé en Boainville, écrit aujourd'hui Boinville.
s C'est la Chale qui a du donner son nom aux deux villages de Chalou et de
Chalo.
* Au VIP siècle, alors que la CAa/otte//c s'appelait Calla, h Louette s'appelait
Loa : Theudericus Stampas per fluvium Loapervenit (Frédégaire, ch. 26, dom
Bouquet, R. desHist.,ll, 422). Le diminutif de Louette, substitué plus tard au nom
de la Loue (Loa) dut correspondre à une diminution dans le cours de cette rivière.
Le déboisement considérable qu'a subi ce coin de la Beauce, pendant des siècles,
- 11 —
En terminant cette courte étude sur le testament de Ber-
trand , il convient de faire remarquer que les villages de
Bullion, de Fontenay-les-Briis et de Boin ville, étaient situés
dans le pagiis Stampensis tel que nous le font connaître les
documents des VHP et IX® siècles. La délimitation des diffé-
rents pagi de la cité chartraine remonte donc au temps même
qui suivit la conquête de la Gaule par les Francs.
- Le pagus était une circonscription administrative. Les pre-
miers rois Francs s'y firent représenter par un officier appelé
cornes, comte, auquel ils déléguèrent le droit d'exercer à la
fois, dans le pagus, le pouvoir judiciaire, le pouvoir militaire
et le pouvoir administratif.
Par suite de cette triple autorité, dès le VI® siècle, les
comtes de la région chartraine avaient acquis une influence
considérable sur la population de cette contrée.
En 584, un violent conflit s'était élevé entre les habitants
des pagi Orléanais et blésois d'une part, et ceux des pagi
dunois et chartrain de l'autre. L'on en était venu aux mains
et la Beauce tout entière avait été pillée et saccagée. Les
comtes , chargés de la garde des pays dévastés , intervinrent
alors, et ordonnèrent une suspension d'armes jusqu'au jour
où ils pourraient juger par eux-mêmes de quel côté étaient
les torts et qui paierait les dégâts ^
produisit en effet sur toutes les rivières de la région une évaporation très sensible
et par suite un abaissement de niveau. C'est ainsi que la Conie, dans le Dunois,
est aujourd'hui devenue intermittente. J'ai eu moi-même l'occasion d'observer un
phénomène singuHer relatif au dessèchement de la Ghalouette. — Dans le
com*ant de 1887, on découvrit à Orlu, sur le canton d'Auneau, de vastes
souterrains, que l'on prétendit tout d'abord avoir été creusés par les premiers
habitants de la Gaule. En août 1888, avec plusieurs membres de la Société
archéologique d'Eiu*e-et-Loir, j'allai visiter ces souterrains, dont l'orifice se
trouvait au milieu des champs et où l'on descendait par un puits d'environ dix
mètres de profondeur. Il fut reconnu au premier coup-d'œil que ces longues
galeries n'avaient point été creusées par la main de l'homme , mais on constata
qu'elles étaient le résultat du passage continu d'un cours d'eau qui s'était
frayé peu à peu son lit dans le calcaire. Après avoir étudié la direction de ce
ruisseau desséché, Ton jugea qu'il devait sortir anciennement de terre dans une
petite vallée oii la Ghalouette prend aujourd'hui sa source, à deux lieues en aval,
près de Ghalou-Mouhneux. Il devint ainsi évident que c'était la Ghalouette elle-
même, l'ancienne Calla, qui avait autrefois coulé dans les souterrains d'Orlu.
' Aurelianenses , cum Blesensibus juncti, super Dunenses inruunt, eosque
inopinantes proterunt : domos annonasque , vel quae movere facile non
poterant, incendio tradunf, pecora diripiunt, atque res quas ievare poterant ,
sustulerunt : quibus discedentibus, conj.uncti Dunenses cum reliqms Carno-
— 12 —
Au commencement de l'année suivante, en 585, Thistoire
mentionne le comte de Châteaudun. A cette date le roi Gon-
tran envoyait à Tours un émissaire, chargé de faire périr
Évroul, qui était accusé d'avoir assassiné le roi Chilpéric.
L'émissaire de Gontran, étant passé par Châteaudun, avertit
le comte de la ville, cornes loci, de mettre à sa disposition
trois cents hommes d'armes, pour garder toutes les portes et
issues de la cité de Tours, afin qu'Évroul ne pût s'échapper ^
Ces récits, empruntés à Grégoire de Tours, montrent que
la situation politique et administrative des pac/i chartrains
était telle à la fin du VI® siècle qu'elle apparaît au commence-
ment du IX*.
Toutefois, durant cette période de deux siècles, l'usage
s'introduisit de confier souvent au même comte la garde de
plusieurs pagi.
En 584, les villes de Blois, de Chartres et de Châteaudun
avaient chacune un comte, cornes loci. Depuis le IX® siècle, au
contraire, le Dunois, le Chartrain etleBlésois furent presque
toujours unis en un seul comté. On peut même dire que,
depuis l'an 925 environ, ce fut une règle constante qui dura
jusqu'au XIIP siècle.
Ces trois pagi néanmoins restèrent distincts les uns des
autres ; le comte qui les gouvernait, tout en ayant à Blois sa
résidence principale, maintint à Châteaudun et à Chartres le
siège d'une administration particulière.
CHAPITRE II
LE COMTE DE BLOIS, GUILLAUME
Vers l'année 830, sous le règne de l'empereur Louis le Pieux,
la majeure partie de la région qu'occupait autrefois la tribu
tenis de vestiqio subsequunlur, simili sorte eos adficientes , qua ipsi adfecti
fueranty nihu in domihus^ vel extra domos, vel de domibus relinquentes .
Cumqtte adhttc, inier se jurgia commoventes ^ desaevirent,,.. intercedentibus
comitibus, pax usque in audtentiam data est , scilicet ut in die quo judicium
erat futurum, pars , quae contra partent injuste exarserat , justitia mediante ,
componeret. Et sic a bello cessatum est ( Grégoire de Tours , Historia Fran-
corum, 1. 7, c. II).
^ Grégoire de Tours, ibidem, liv. 7, ch. XXIX.
- 13-
gauloisedes Carnutes était administrée par deux personnages
appartenant à une puissante famille de race franque. Tous
deux avaient le titre de comte ; ils étaient frères, et se nom-
maient Guillaume et Eudes. Guillaume avait reçu de Tempe-
reur la garde des pays de Blois et de Châteaudun ^ ; Eudes
celle du pays Orléanais. D'ailleurs chacun de ces gouverne-
ments était d'étendue à peu près égale, et ils confinaient l'un
à l'autre. Le premier avait Blois ^ pour ville principale, le
chef-lieu du second était Orléans.
On ne sait pas qui était le père d'Eudes et de Guillaume,
mais il est certain que c'était un personnage de haute nais-
sance. Le comte Guillaume, en effet, dans un poème composé
en son honneur, est représenté comme surpassant tous les
Francs par l'antiquité et la noblesse de sa maison ,
Francigenum primo, proavis abavisque peralto ,
Guillelmo..,,^.
En faisant la part de l'exagération poétique, il reste certain
* Outre les pays de Blois et de Châteaudun , le comté qu'administrait Guil-
laume comprenait sans doute le pays de Chartres. En effet, à dater de l'époque
où les textes authentiques fourmssent des renseignements certains , c'est à dire
dès le début du X° siècle , on constate que les pays de Châteaudun et de Chartres
ont toujours été gouvernés par un seul et même comte. Il y a tout heu de sup-
poser, bien que la rareté des chartes du IX'' siècle empêche de l'affirmer, que
cet état de choses était plus ancien et q[ue le Chartram et le Dunois se trou-
vaient déjà réunis au temps de Louis le Pieux sous l'administration du comte de
Blois, Guillaume. On verra dans la suite de ce travail que plusieurs indices
semblent aussi prouver qu'Eudes, comte de Châteaudun sous Charles le Chauve,
était en même temps comte de Chartres.
2 Pendant toute la période où Chartres , Châteaudun et Blois lurent entre les
mains d'un même comte , ce fut à Blois que le comte établit sa résidence habi-
tuelle. Chartres cependant était alors une ville plus importante que Blois; mais
elle était le séjour de l'évêque , dont la puissance portait ombrage à celle du
comte. Aussi celui-ci ne résidait-il que rarement dans la cité chartraine , et c'est
pourquoi les évêques , au XIII® siècle , imaginèrent et prétendirent que, jusque
vers l'an mil , c'était à eux qu'avait appartenu le comté de Chartres. Ils firent
rédiger en faveur de cette théorie , qui ne supporte pas l'examen , de longues
dissertations, dont quelques-unes lurent insérées dans les cartulaires du chapitre
de la cathédrale. On peut lire en particuher celle qui se trouve dans la Vieille
chronique (CarttU, de N.-D, de Chartres, par de Lépinois et L. Merlet, I, 44
et 45).
^ La pièce de vers , à laquelle est empruntée cette citation , est rédigée sous
forme d'acrostiche. Elle a été composée par un moine du nom de Gozbert et
dédiée ad Guillelmum, Blesensium comitem. Cf. Duenunler, Poetae latini aevi
carolini, t. I, p. 620-622.
— 14 —
qu'Eudes et Guillaume étaient issus, sinon de la plus noble,
du moins d'une des plus nobles familles de l'empire franc.
De même que les Hugues de Tours, les Mafroi d'Orléans , les
Lambert de Nantes et tant d'autres, ils devaient être origi-
naires de cette contrée, voisine des bords du Rhin, qu'on
appelait alors Frauda. Leurs ancêtres avaient été les compa-
gnons , les égaux des aïeux de Charlemagne et de Louis le
Pieux : quand la famille carolingienne fut montée sur le
trône, ils formèrent l'entourage de cette nouvelle cour et
devinrent les agents exécutifs du pouvoir central.
J'ai dit que le comté, confié par Louis le Pieux à Guillaume,
comprenait les pays de Blois et de Châteaudun, qui étaient
unis au point de vue administratif. En effet, du temps
que Guillaume exerçait à Blois ses fonctions de comte, l'em-
pereur, dans un diplôme, émané de sa chancellerie et daté
de Chouppes\ en Poitou, le 19 novembre 832 2, désigne à
plusieurs reprises la circonscription civile ou pagus dont dé-
pendait la villa de Chambon ^, près de Blois, sous le nom de
pagus Dlesensis vel Dunensis. Les deux pagi étaient donc
alors confondus en un seul.
D'ailleurs, le titre de comte du pays de Blois et Château-
dun n'était pas la seule distinction dont Guillaume se pouvait
honorer. Il occupait à la cour impériale une haute charge
militaire, celle de connétable, et, dans le poème, qui lui est
^ Chouppes, Vienne, arr* Loudun, c°^ Monts.
2 y oiv pièces justificatives y n*» II.
3 Ghambon, Loir-et-Cher, c<*° Herbault, arr* Blois. Dans ce diplôme, Louis
le Pieux, à la prière de l'impératrice Judith, confirme à l'abbaye de Marmoutier,
villam nomine Cambonem, quae est inpago Blisense vel Dunense.., cum locellis,
quae ad eam pertinere videntur^ id est Galliaco, Lurarias^ Varennas, Culturas
Villam Aitardi. On lit encore plus loin : Villam Cambonem, quae in prescripto
pago Blisense vel Dunense sitam esse diximus, — On peut identifier les villas
dont il est ici question : toutes sont situées dans le pagus Blesensis proprement
dit. Lurarias est Lourières^ c"« Ghambon ; Varennas ^ Varennes, c"'' Ghambon ;
Cultvras, Gouture , c"'' Maves , aiT* Blois , c^" Mer ; Villam Aitardi , Villetai'd,
c"*' Maves. Quant à Galliaco, je pense qu'il faut Tidentifier avec la villa de
Gilliaco^ in pago Blesiacinse, où l'évèque de Paris, Renaud, donna diverses
terres à Marmoutier, en 995. (Cf. Mabille, Cartul. de Marmoutier pour le
Dunoisy charte n» 96). C'est aujourd'hui le lieu-dit Gély, c"* de Chouzy, arr'
Blois , c»" Herbault. — Les comtes de Blois et leurs vassaux usurpèrent plus
tard les biens de Marmoutier à Gouture et à Villetard. On a conservé les chartes
de restitution de ces biens. (Voir abbé Métais, Carttdaire de Marmoutier pour
le Blésois, charte n** 4 ; et Mabille, Cartulaire de Marmoutier pour le Dunois,
charte no 98).
— 15 —
dédié, se trouve un passage qui fait sans doute allusion à cet
office :
Hex cujus vexilla geris certando valenter.... *.
Au IX« siècle, en effet, le connétable devait porter Téten-
dard royal à l'armée ^, et, bien que le roi, dont il est ici ques-
tion, soit le Roi du ciel, il est présumable que la dignité offi-
cielle de Guillaume a inspiré ce vers au poète.
Le crédit dont Guillaume jouissait près de Tempereur
explique la part importante qu'il prit, ainsi que son frère
Eudes, aux guerres civiles qui désolèrent le règne de Louis
le Pieux.
A la mort de son père Charlemagne, l'empereur Louis
s'était entouré d'un grand nombre de conseillers et de favoris.
Parmi ces derniers, les plus célèbres furent Hugues et Mafroi,
l'un comte de Tours, l'autre comte d'Orléans. Ils étaient rapi-
dement arrivés tous deux près du nouveau souverain au
comble de la faveur ; leurs contemporains sont unanimes à
témoigner de la grande influence qu'ils avaient acquise sur
l'esprit de ce prince facile à capter ^.
En 821, Louis le Pieux avait donné en mariage à son fils
aîné, Lothaire, Ermengarde, fille du comte Hugues *. Mais le
* Le titre de connétable est donné au comte Guillaume par un contemporain,
l'Astronome , auteur de la Vie de Louis le Pieux : Intra hujus hiemis dura-
tionem , gregatim poptdi tara Franciae quant Burgundiae necnon Aquitaniae
sed et Germaniae coeuntes, calamitosisquerelis de imper atoris infortunio que-
rebantur. Et quidem in Franciam Eagebardus cornes et WiÙelmus cornes
stabuli quos poterant sibi in unione voluntatis restituendi imperatoris coadu-
nabanl. (Dom Bouquet, Recueil des Hist., VI, 114). Cela se passait pendant
l'hiver 833-834. Le zèle que déploie en cette circonstance le connétable Guil-
laume fait reconnaître en lui le comte de Blois du même nom, ce dévoué
partisan de Louis le Pieux, qui, quelques mois plus tard, perdait la vie en
combattant contre les complices de Lothaire révolté.
2 La fonction de porte - étendard fut attribuée plus tard au sénéchal , qui , au
IX** siècle, n'avait à la cour que des occupations domestiques. Pendant tout le
moyen âge , en certains pays , le connétable conserva le titre et les fonctions de
signifer. Voir Du Gange, au mot Cornes stabuli,
3 Cf. dom Bouquet, hvre cité, VI, 43, 59, 259, 359.
* Dom Vaissète, dans une note de V Histoire du Languedoc {nowi . éd., 11, 352
et s.), s'est efforcé à tort de prouver que Hugues, comte de Tours, n'était pas le mê-
me que Hugues, beau-père de Lothane. Ce qui la induit en en-eurestun passage
de la Vie de Louis le Pieux, composée par l'Astronome. Il y est dit qu'en 835
mourut Bérenger, fils de feu le comte Hunmoch (Pertz, Scriptores, II, 642).
Les manuscrits portent en cet endroit : Huronici quondam comitis; dom
— 16 —
mérite du comte de Tours n'était point à la hauteur de son
crédit. Thégân le peint comme poltron par-dessus tous les
hommes ; sa poltronnerie était môme devenue légendaire, et
ses familiers en avaient fait le sujet d'une chanson ^
Du reste , il donna bientôt des preuves manifestes de son
incapacité. Dans le courant de Tannée 827, il fut envoyé,
ainsi que Mafroi, à la frontière d'Espagne menacée par les
Sarrasins. L'empereur les avait investis tous deux du com-
mandement suprême sur les troupes cantonnées dans les
marches de Septimanie. Mais ils se conduisirent en cette cir-
Bouquet avait cru devoir lire H, Turonici quondam comitis , et avait prétendu
qu'il était ici question de Hugues, comte de Tours. Dom Vaissète, adoptant
cette version, conclut que Hugues, comte de Tours, mort en 835 d'après ce
texte , ne peut être le même que Hugues , beau-père de Lothaire , que l'on sait
avoir péri de la peste en Italie dans le courant de l'année 836. Mais M. Simson
a montré qu'il n'y a pas lieu d'altérer le texte de l'Astronome et que Bérenger
était fils d'un comte Hunruoch connu d'ailleurs {lakrbiicher, H, 300). Ajoutons
que la théorie de dom Vaissète , distinguant l'un de l'autre le comte de Tours et
le beau-pèi'e de Lothaire, tombe devant le témoignage positif d'un contemporain.
On lit dans la partie des Annales Xantenses, composée vers 850 : anno 8^i,..
Ludewicus imperator dédit filio suo Lothario régi ad conjtwium fUiam Hugonis,
comitis Turonicorum (Pertz, Scriptores, II, 224), — En résumé, Hugues,
comte de Tours , fut le père d'Ermengarde , femme de Lothaire ; il resta comte
de Tours jusqu'en Tannée 828, époque où il fut privé de ses honneurs à l'assem-
blée d'Aix-la-Chapelle. Il mourut de la peste en Italie pendant l'année 836.
Mabille, dans l'introduction aux Chroniques des comtes d'Anjou, a adopté
l'avis de dom Vaissète relativement à Hugues, comte de Tours. Il prétend que
dès 825 Hugues de Tours était mort et remplacé par le comte Robert que men-
tionne un capitulaire de Louis le Pieux. Mais ce Robert est shnplement désigné
par le capitulaire de 825 conmie missus dominicus dans la province de Tours.
La division territoriale , adoptée conmie répartition des missi dans la Gaule en
cette année 825 , fut l'ancienne division romaine de ce pays en provinces : on
n'a pour s'en convaincre qu'à parcourir l'adresse du Capitulare missorum (Peitz,
Leges, I, 246), où chaque province est désignée par sa métropole. Robert eut
donc à exercer ses fonctions sur la province de Tours qui comprenait les six
pagi de Tours, Angers, Nantes, Vannes, Rennes et le Mans. Il est certain que
l'empereur prenait généralement ses missi parmi les comtes de la région où
était ordonné le missaticum. En 825 , Hugues était comte de Tours , Lambert ,
comte de Nantes, Gui et Rorigon, comtes du Maine, chargés en même temps
de la surveillance des mai'ches de Bretagne, l'un dans le comté de Vannes,
l'autre dans le comté de Rennes : Robert devait donc être comte d'Angers.
Robert a été considéré par plusieurs historiens comme frère de Guillaume
de Blois (Du Bouchet, Origines de la Maison de France, pages 165-170).
Cette hypothèse me paraît assez plausible, mais on ne saurait l'appuyer d'aucune
preuve.
* Lotharius . . . suscepit in conjugium fUiam Hugonis comitis , qui erat de
stirpe cujusdam ducis, nomine Edith, qui erat timidu^ super omnes homines.
Sic enim cecinerunt ei domestici sui , ut aliquando pedem foris sepem ausus
ponere non fuisset (Thégan, ad an, 821, dom Bouquet, livre cité, VI, 80).
— 17 —
constance avec une lâcheté si révoltante qu'ils soulevèrent
contre eux Topinion publique et s'attirèrent le blâme de
l'empereur lui-même * . Ce fut pour eux la cause d'une dis-
grâce complète et pour Louis le Pieux le commencement
d'une longue série de malheurs domestiques.
En février 828, Hugues et Mafroi furent dépouillés de leurs
dignités à l'assemblée d'Aix-la-Chapelle", et, tandis que Ber-
nard, duc de Septimanie, réparait leurs fautes par ses succès
en Espagne, le comté d'Orléans, enlevé à Mafroi, était donné
à Eudes, frère du comte de Blois, Guillaume ^.
Suivant l'opinion de leurs contemporains , Hugues et Ma-
froi avaient mérité la mort, et l'empereur avait montré la plus
grande miséricorde en ne les faisant pas périr*. Mais Louis
le Pieux eut bientôt à se repentir de sa clémence. Les deux
comtes disgraciés ne lui pardonnèrent jamais d'avoir été
privés de leurs honneurs, et, dès ce jour, ils n'eurent point
de relâche qu'ils n'eussent provoqué les plus grands désor-
dres dans l'Empire.
Tandis que Hugues, usant de son influence sur l'esprit de
Lothaire, son gendre, l'excitait contre le jeune prince Char-
les, fils de la nouvelle impératrice Judith*, Mafroi, demeuré
en Aquitaine, agissait près du frère de Lothaire, Pépin, qui
gouvernait cette province, et le poussait à se révolter contre
la puissance toujours grandissante du duc de Septimanie,
Bernard.
* Dom Bouquet, ibidem, VI, 108.
2 Ibid., VI, 312.
3 Siquidem Matfrido, comité ^uondam Aurelianensi , ob cidpam inertiae
proprits honoribus privato , Odo m ejus locum subsiituitur ( MiraetUa sancti
Benedicti^ édit. de la Soc. de THist. de France, p. 47.)
* Ho8 ergo solummodo honoribus ademptis luere jussit imperator cidpam
hujus ignaviae. Equidem imperatoris animus, natura misericordissimus,
semper peccantibtts misericordiam prerogare stttduit. At vero hi^ in quibus
talia prestita sunt, quomodo dementia illius abusi sunt in crudelitatem post
pauca patebit , cum darwrit quomodo pro vitae beneHcio summam ei , quan-
tum in se fuit y imporlaverint dadem (Astronome, aom Bouquet, VI, 109).
» Nithard raconte que Lothaire avait promis à son père , Louis le Pieux, de
prendre sous sa protection son jeune frère Charles , mais qu'incité à la jalousie
par Hugues et Mafroi, il s'était bientôt repenti de sa promesse. Instigante
dutem Hugone , cujus filiam in matrimonium Lodharius duxerat , ac math-
frido ceterisaue , sero se hoc fecisse penituit , et quemadmodum illud quod
fecerat annullare posset quaerebat (D. bouquet, VI, 67, 68).
T. XII, M. 2
— 18 —
Louis le Pieux, au milieu du mois d'août 820, convoqua à
Worms une assemblée de la nation. Là, instruit des machi-
nations clandestines ourdies contre lui par ceux auxquels il
avait conservé la vie, il résolut d'opposer à leurs sourdes
menées le duc Bernard, qu'il éleva à une des plus hautes
charges de son palais. « Ce qui, dit l'Astronome, n'étouffa
» point le germe des discordes, mais le développa bien plu-
» tôt * . »
La révolte en effet ne tarda pas à éclater ouvertement.
Elle s'organisa dès le début de l'année suivante, 830, pendant
le Carême, et tandis que Louis le Pieux, sur les conseils de
Bernard, dirigeait une expédition en Bretagne 2. Hugues et
Mafroi étaient enfin parvenus à se concilier de puissants
alliés. Forts de cet appui, ils vont trouver Pépin en Aquitaine,
lui représentent son abjection et l'insolence de Bernard
qu'ils accusent d'être l'amant de l'impératrice Judith. Ils lui
disent qu'un bon fils ne peut supporter de sang-froid le
déshonneur de son père, et qu'en renversant Bernard il
accroîtra non seulement la renommée de sa vertu, mais
aussi son royaume terrestre. Séduit par leurs paroles. Pépin
se décide à les suivre. — Mafroi cependant no perdait pas de
vue ses propres intérêts. Ayant entraîné Pépin contre l'em-
pereur, il le conduit par Orléans, et, après avoir chassé Eudes
de cette ville, il se fait restituer le comté ^,
^ In eo etiam conventu comperiens clandestinaa contra se eorum quos vitae
reservaverai machinationes more cancri serpere et multorum animos qtuisi ver
quosdam cuniculos sollicitarey statuit contra eos quoddam propugnacutum
erigere. Nam Bernardum, eatenus Hispaniarum partium et limiium ^omitem,
cameraè suae praefecit. Quae res non seminarium discordiae extinxit , sed
potius augmentum creavit (Astronome, dom Bouquet, VI, 110).
2 Anno 830. — Conventus [Aqutsgrani] factus est, in qiio [imperator^
statuit cum universis Francis hosttliter in partes Britanniae proficisci, maxi-
meque hoc persuadente Bemardo camerario. Et non multopost Aquis exivit ,
id est IV ferla, quae dicitur caput Jejunii (2 mars 830) (Ann. Bertin.,
dom Bouquet, VI, 192).
3 Fretî ergo multitudine et assensu plurimorum fUium imper atoris, Pippi-
num, adeunt, pretendentes abjectionem m, Bernardi insotentiam et caete-
rorum despectionem , asserentes etiam eum , quod dictu nefas est , thori inces-
tatorem paterni, porro patrem adeo quibtisdam elusum prestigiis, ut haec non
modo non vindicare , sed nec advertere posset. Oportere ergo dicebant bonum
filium indigne ferre dedecus patemum patremque restituere et menti et digni-
tatij et haec agentem non solum fama prosequeretur virtutis, sed etiam amplt^
ficatio regni terrestris, hoc nomine pretexentes culpam. His ergo allectus
— 19 —
La conséquence de cet acte fut de créer en Neustrie deux
partis désormais irréconciliables : d'un côté, Hugues et Mafroi,
qui avaient su gagner à leur cause Lambert, comte de Nan-
tes ; de l'autre , Eudes et Guillaume, qui devinrent dès lors
et restèrent jusqu'à leur mort les plus zélés défenseurs de
l'empereur.
D'Orléans, les révoltés se dirigèrent sur Compiègne, où
Louis le Pieux, ayant renoncé à son expédition de Bretagne,
s'était retiré avec quelques fidèles. Hugues et Mafroi pensè-
rent un instant à déposer l'empereur, mais ils en furent
détournés par Louis le Germanique, son second flls^
Toutefois l'impératrice Judith fut contrainte de prendre le
voile: le duc Bernard, prévenu à temps, s'était enfui vers
l'Espagne. A ces nouvelles, Lothaire, qui, l'année précé-
dente, avait été envoyé en Italie par son père, arriva en
toute hâte à Compiègne (mai 830) : aussitôt toute la faction
hostile à l'empereur se donna à lui 2,
Lothaire semble s'être sur-le-champ emparé du pouvoir:
il sévit immédiatement contre ceux qui défendaient la cause
de Judith et de Bernard, dont les relations prétendues trop
intimes avaient servi de prétexte à la révolte. Eudes, qui
venait d'être dépouillé par Mafroi de son comté d'Orléans,
fut dégradé et envoyé en exil , comme ayant ouvertement
protesté contre les ennemis de l'impératrice et de Bernard ^
Cependant toutes ces persécutions, accomplies contre le
gré de Louis le Pieux, nuisirent au parti des révoltés ; elles
soulevèrent contre eux bien des gens, notamment les peu-
incitamentis , juvenis cum eis et suorum multis copiis per Aurelianensem
urbem, sublato inde Odone et resiituto Matfrido , Werimhriam usque vénérant
(Astronome, dom Bouquet, VI, 110).
* On lit dans Thégan que , l'empereur étant à Compiègne , venit et ohviam
Pippinus, filius ejuSy cum magnatibus primis pairis sui, Hilduino archica-
peltano et Jesse^ Ambianensi episcopo, Hugone et Mathfrido et multis aliis
perfidis , et voîuerunt dominum imperatorem de regno expellere , quod prohi-
ouit dilectus aequivocus filius ejus (dom Bouquet, VI, 80).
2 Circa maium porro mensem filius imperatoris , Lotharius ex Italia venit
eumque in Compendio reperit. Ad quem venientem tota se illa contulit factio
imperatori inimica (Astronome, dota Bouquet, VI, 111).
3 Heribertus, Bemardi frater^ luminum amissione mulctatus est contra
votum imperatoris; Odo, consobrinus illius, armis ablatis, exilio deportatus,
tanquam eorum, qui Bernardo et reginae adclamabantur , conscii et fautores.
( Astronome , dom Bouquet , VI , 111).
— co-
pies de la région rhénane restés étrangers à ces dissensions.
Bientôt même Tempereur eut recouvré assez d'autorité pour
faire décréter la tenue d'une assemblée générale à Nimègue,
chez des populations qui lui étaient dévouées. La diète eut
lieu au mois d'octobre 830 ; elle marqua la fin de cette pre-
mière discorde civile. Louis le Pieux, s'y sentant appuyé par
le plus grand nombre, agit avec énergie : il fit arrêter les
principaux séditieux qui avaient excité contre lui ses fils
Lothaire et Pépin. Au mois de février 831, Hugues, Mafroi
et plusieurs autres étaient condamnés à mort par l'assemblée
d'Aix-la-Chapelle : l'empereur leur fit encore grâce de la vie
et se contenta de les exiler ou emprisonner sous bonne garde.
Le comte Eudes revint en faveur : il reçut à nouveau le comté
d'Orléans et le conserva depuis lors jusqu'à la fin de sa vie^
La paix ne fut pas de longue durée. Il paraît constant que
là où se trouvait Mafroi, .l'esprit de séditipn était avec lui.
Détenu en Allemagne par ordre de l'empereur, il sut obtenir
sa liberté de Louis le Germanique ^. On le voit, dès le début
de l'année 832, inspirant à ce prince des idées de révolte
contre l'autorité paternelle^. Louis était jusque-là le seul des
fils de l'impératrice Ermengarde qui eût conservé pour son
père le respect qu'il lui devait ; mais, sous l'influence perni-
cieuse de Mafroi, il se corrompit peu à peu. Quant à Mafroi,
dès qu'il se vit libre, son premier soin fut de reformer la
iigue rompue par l'assemblée de Nimègue. La haine qu'il
avait vouée à Louis le Pieux était implacable.
Il serait trop long de dire comment se réorganisa la révolte
dont les promoteurs principaux furent encore Hugues, Mafroi
et Lambert, le comte de Nantes. Les trois fils de Louis le
^ Adrcvald nous apprend en effet qu'Eudes était encore comte d'Orléans,
lorsqu'il périt dans un combat contre Mafroi, Hugues et Lambert en 834. Cf.
Miracida sancti Bénédictin édition de la Société de l'Histoire de France , p. 48
et suivantes.
2 Hi [Lodhuwicus] et Pippinus.., Walanam, Elisachar, Mathfridum cete-
rosque, qui in exilium retrusi fuerant, custodia emittunt (Nithard, dom Bou-
quet, VI, 68).
3 A cette date , un chroniqueur contemporain montre Mafroi excitant Louis
le Germanique contre son père : Et hoc maxime Malhfridus dolose meditaius
et machinatus est , cui domnus imperator , anno priore, cum ad mortem diju-
dicatus fuerat, vitam et memhra et hereditatem kabere concessit (Ann, Bert.
ad an 8S2, dom Bouquet, VI, 194).
— 21 —
Pieux y trempèrent, et l'on sait comment, au mois de juin 833,
ils s'emparèrent de leur père, à Rothfeld près Colmar \ Ils
lui enlevèrent toute autorité et le donnèrent en garde à
Lothaire, après avoir partagé l'Empire entre eux.
Lothaire, comme aîné de ses frères, s'attribua le titre et la
puissance de l'empereur : il prit pour conseillers Lambert et
Mafroi, qui s'attachèrent désormais entièrement à lui. Mais
la mutuelle ambition de ces deux comtes leur devint funeste :
les disputes incessantes qui s'élevaient entre eux furent une
des causes premières de la chute de Lothaire et du revire-
ment qui s'opéra dans l'esprit du peuple et des autres fils de
Louis le Pieux. « Tandis que Lambert et Mafroi, écrit
» Nithard, se disputaient pour savoir qui d'entre eux serait
» dans l'Empire le second après Lothaire, et qu'ils cher-
» chaient avant tout leur propre intérêt, ils négligeaient
» complètement les affaires publiques ; ce que voyant, le
» peuple en était indigné ^. »
Dans toutes ces circonstances, le rôle de Hugues, comte
de Tours, semble avoir été assez effacé. Lothaire faisait sans
doute peu de cas du mérite de son beau-père, et, de fait, on
devait fortement mépriser, en ces temps où la bravoure
était comme de règle , un homme traité publiquement de
poltron.
Durant les quelques mois que Lotliaire fut au pouvoir,
Mafroi paraît avoir été trop gravement préoccupé pour in-
quiéter de nouveau Eudes, son ancien ennemi, qui se main-
tint en possession du comté d'Orléans. Eudes, du reste, ne
demeurait point inactif. De concert avec Guillaume, son frère,
et quelques autres puissants personnages, il soutenait ouver-
tement le parti de l'empereur, et, parcourant, sans relâche,
les pays situés au nord de la Loire, il excitait la colère du
peuple contre les traitements indignes que Lothaire faisait
subir à son père ^.
* Voir Himly, Wala et Louis le Débonnaire^ pages 152 à 166.
- Insuper autem , dum hue Lambertus atque Mathfridus , quis illorum se-
cundus post Lodharium in imperio haberetur, ambigerent , dissidere ceperunt.
Et quoniam quisque eoriim propria querebat , rempublicam penitus néglige-
haut; quod quidem populus cernens, molestus erat (Nithard, dom Bouquet,
VI, 69).
3 Voir plus haut, page 15, note i.
— 22 —
GuillaiînK-% ainsi qu'un comte nommé Eg^^obanl, enip
reut même mie partie de Thiver 8î^-834 à rassombltM
petite urinëo destinée à tenter un coup do main en t
opiK>rtun. An mois de février 834, une occasion favoral
préHenta. Liiihaire revenait du Hasbain vers Paris, ei
nant .son perc avec lui : Eggebardet Guillaume s'apprèl
à arracher l'empereur des mains de son filn* Louis le P
instruit de lour dessein, les fit supplier de renoncer
projet qui eût entraîné Teffusion du sang.
Lothaire parvint ainsi sans coup férir ;iu monastèi
Saint-lïeniM '. Cependant de tous côtés lesplainl^ss^^ev
contre lui. Au commencement du Carême Jévrior 834
partisan.^ de Louis le Pieux députèrent h Paris plujH
d'entre eux : on enjoignit à Lothaire de mol Ire en libert
père qu'il Ira liait comme un prisonnier. Euiies tl'Orléaii
part à cen pourparlers^, dont le résultat fut que Loth
se voyant menacé d'un côté par les seigneurs imlignés
conduite, de Tautre par ses frères jaloux il<* sa puiss;
prit la fuite tout à coup et ne s'arrêta qu rn l*!"ovenct
même tetuî»s. Mafroi et Lambert, oubliant lU^s qiierelle.s
sonnelle^ ildUH un péril commun, se retirèrent prompte
tous deux vers l'ouest de la Gaule. Mais \U ne voulur»
aucun prix se rendre à Louis le Pieux ; ils denieurèrei
le pied de yruerre et désolèrent le pays où ils avaient lui
leurs complices.
C'était, comme nous l'apprend Nithard, la marche de
tagno^. Laînbert étant comte de Nantes, sa première pf
avait été île chercher refuge en cette région. La marcl
^ Et qitîfiem hi Franciam Eggebardus cornes et WiUdmm eûmes s\
ûîios ptiferant jiihi in unione voluntatis restituendi imp^^fuinris ioathma
tiirmf.' aufem exarfa et vere adpropinquante , Lothanus^ paire asximpi
pagitm Hftsitfifikttsem iter arripuit et Parisius urbem petiii^ ubi ohi'k
cuncios fifMe!^ ff*re precepit. Cui Eggebardtis cornes et (âii al tus pagi p
citm magna tourfa manu, obviam, pro liberatione imperatons pugr,
pmcnserunf , peivmissettjue res ad effeclum nisi piissimtui tmf^ralor,
et lunUonmi prnviihtm stmul et proprium^ ab hoc inctpto prereph et
tatione ms inhibuisset. Tandem ergo perventum est ad mffnasft*rirmi
Djfùnisii murfgns [Astronome, dom Bouquet, VI, lU, MT^l
3 Commandait sunt Guerinus cornes et Odo, necnon Ftilco et Hugo t
ad se vmùent Asiionome, dom Bouquet, VI, 115).
^ Per idf'm iempus Mathfridus et Lambertus^ ceterî^m a parle Li
pênes marcam Britannicam morabantur (Dom Bouque! . VI, (il*).
— 23 ^
Bretagne s'étendait alors non seulement sur le Nantais, mais
encore sur une grande partie du pays de Vannes où comman-
dait Gui, parent de Lambert ^ Soit du consentement de Gui,
soit contre son gré, les deux partisans de Lothaire occupè-
rent ce territoire et s'y apprêtèrent, à la résistance.
Louis le Pieux, irrité, ordonna à Eudes d'Orléans de se
mettre avec Guillaume, son frère, à la tête des fidèles d'entre
Seine et Loire pour réduire à l'impuissance Lambert et Ma-
froi^. Eudes assembla son armée dans les environs d'Orléans.
Adrevald, moine de Saint-Benoît-sur-Loire, raconte les bri-
gandages auxquels se livrèrent en toute cette contrée les
soldats que le comte d'Orléans avait fait venir de la Bour-
gogne supérieure '. L'on se mit en marche trois jours après
l'arrivée des auxiliaires bourguignons. Confiant dans leur
nombre bien supérieur à celui des ennemis , les troupes de
l'empereur agirent sans prudence aucune : le désordre et les
dissensions se glissèrent dans leurs rangs, tandis que la fai-
blesse même des révoltés, rendant nécessaire pour eux une
union parfaite, les fit redoutables \
Le projet du comte Eudes était de chasser Lambert etMa-
froi du pays qu'ils occupaient^ : par suite, la rencontre des
deux partis devait avoir lieu sur les marches de Bretagne.
Mais les alliés de Lothaire ne laissèrent pas leurs adversai-
res parvenir au but. Ils fondirent sur eux à l'improviste ^ et
les mirent en complète déroute.
Suivant toute vraisemblance, l'engagement eut lieu en
* Voir de la Borderie, Examen chronologique des chartes du Cartul. de
Redon, Bibliothèque de l'École des Chartes (année 1864, p. 271). Gui appa-
raît jusqu'en 832 dans les chai'tes du cartulaire de Redon. On doit , je crois,
l'identifier avec Gui , comte du Maine , lequel périt , en 834 , dans le combat où
furent tués Guillaume de Blois et Eudes d'Orléans.
^ Ad quos [Mathfridum et Lambertum] pdlendos, missiis est Uodo et omnes
inter Sequanam et Ligerim degentes (Nithard, dom Bouquet, VI, 69).
3 Miracula sancti Benedidi, p. 48.
* Et hos quidem paucitas ac per hoc summa nécessitas unanimes effecit.
Uodonem autem et suos maxima multitudo securos, discordes et inordinalos
reddidit (Nithard, dom Bouquet, VI, 69).
* Odo cornes et alii multi imperatoris partibus faventes contra eos arma
corripiunt eosque pellere illis nitebantur locis, aut cerie cum eis congredi
(Astronome, dom Bouquet, VI, 116).
^ Dum enim insperato illis hos tes supervenirent (Ibidem).
— 24 —
Touraine * . Eudes et son frère Guillaume y perdirent la vie ;
d'après Nithard, le nombre des morts fut considérable. On
comptait parmi eux Théoton, abbé de Marmoutier et chan-
celier de Louis le Pieux, les comtes Vivien, Fulbert, Gui et
bien d'autres * (juin 834).
Il me reste à dire comment se termina cette guerre civile.
Lothaire, rapidement averti du succès inespéré remporté par
les siens, quitta la Provence pour venir sejoindre à Lambert
et à Mafroi. Quant à ceux-ci, ne trouvant plus désormais
d'obstacles à leurs envahissements, ils se répandirent dans
les pays proches de la Loire et particulièrement dans le
Blésois, le Dunois et le Chartrain, privés alors de leur défen-
seur, le comte Guillaume.
L'empereur forma en toute hâte, vers le milieu du mois
d'août, une armée à Langres et la conduisit lui-même dans
les régions envahies. Après avoir chassé les révoltés hors
de la Beauce, il les poursuivit dans le Maine '. Alors Lothaire,
arrivé de Provence, se mit à la tête des troupes de Lambert
et de Mafroi. Il établit son camp près de celui de son père,
tout à côté de Saint-Calais *, et y demeura quelques jours
^ La bataille dut se livrer hors la marche de Bretagne qu'occupaient Lambert
et Mafroi. Adrevald rapporte qu'un fuyard qui avait assisté au combat arriva
deux jours plus tard au monastère de Saint-Benoît -sur-Loire. On peut supposer
que ce fuyard avait fait en ces deux jom's une quarantaine de lieues : c'est à
peu près la distance qui sépare Saint-Benoit-sur-Loire de la Touraine. De plus,
la présence de Vivien , comte de Tours , et surtout de Théoton , abbé de Mar-
moutier, parmi les combattants, donnerait à penser que le lieu de la bataille
n'était pas très éloigné de Tours. — Sur la date de ce combat, voir Simson,
lahrbucher... unter Ludwig dem frommeny II, 105, note 4.
2 Cecidil Uodo et Odo, Vivianus, Fulbertm ac plebis innumera multitudo
(Nithard, dom Bouquet, VI, 69). — Interfecti sunt Odo et Willelmus, frater
ejus , ac Fulbertus , comités , et Theoto, monasterii Sancti Martini abbas , et
alii quamjflures (Ann. Sert,, ad an. 834, dom Bouquet, VI, 196). — Duc-
tores belli, Odotiem, fratremque illius Guillelmum^ comitem Blesensium,
Teutonem denique , abbatem Sancti Martini, Guidonem , comitem Cenomanen-
sem... mortem [oppetierunt] (Miracula Sancti Benedicti, p. 51).
^ Imperator convocavit exercitum Lingonis, medio mense augusto... ad
liberamium populum contra invasores regni...per Tricassinorum et Camotum
ac Dunensium regiones juxta Blisum castellum... pervenit (Ann. Sert., ad
an. 8Sà, ibidem),
* A Matualis. L'emplacement de cette villa n'est pas exactement connu ,
mais il est certain que ce fut sur son territoiie que fut constniite Tabbaye de
Saint-Calais, aujourd'hui chef-lieu d'arrondissement du département de la
Sarthe.
— 25 --
sans rien tenter ; puis, une nuit, il s'éloigna tout à coup et
rétrograda vers le sud^ L'empereur, accompagné de son
fils, Louis le Germanique, le poursuivit de près et l'accula
dans une sorte de presqu'île, formée par la Loire et par la
Cisse, à l'endroit où se trouve le village de Chouzy ^.
Là, Pépin, à son tour, vint grossir de ses troupes l'armée
impériale. Lothaire, ne voyant plus le moyen de résister à
des forces supérieures aux siennes, se rendit, k condition
qu'on lui permît de se retirer au-delà des Alpes. Thégan ra-
conte avec détail comment Lothaire fit sa soumission à son
père dans le camp de Chouzy :
« L'empereur, dit-il, était assis sur un trône élevé, au
» milieu d'une grande plaine, d'où son armée entière pou-
» vait le contempler ; ses fils fidèles avaient pris place à ses
» côtés. Alors arriva Lothaire qui se jeta aux pieds de l'em-
» pereur ; Hugues le poltron, beau-père de Lothaire, puis
» Mafroi et les autres chefs de la révolte firent de même :
» ils confessèrent tous avoir gravement failli à leur devoir.
» Lothaire jura fidélité à l'empereur, et promit qu'il allait
» immédiatement passer en Italie, d'où il ne sortirait qu'avec
» la permission paternelle : les autres prêtèrent un semblable
» serment. Après quoi, Louis le Pieux, toujours indulgent,
* Lotharius inde Aurelianam urbem pervenit ; deinde in pagwn Cenoman-
nicum, in villam cujus vocabulum est Matualis, devenit.,. Lotharius, iam
suis receptis, non mulio intervallo a pâtre castra fixit ; ibique quatuor diebus,
legatis tntercurrentibus , moratum est, Quarta sane nocte, Lotharius cum
suis omnibus re ferre pedem in posteriora cepit (Astronome, dom Bouquet,
VI, 116, 117).
* Chouzy, Loir-et-Cher, an* Blois, c<>" d'Herhault. — L'identification du
lieu où Louis le Pieux et Lothaire se rencontrèrent n'a pas été faite par les
historiens allemands qui se sont occupés de la vie de l'empereur Louis le Pieux.
Ce lieu est d'ailleurs désigné d'une manière certaine par les divers chroniqueurs
du temps. On lit dans Nithard : juxta vUlam quae Calviacus dicitur castra
ponunt. L'Astronome précise cette indication : Perventum est ad fluvium Lige-
rim , prope castrum blesense , quo Ciza fluvius Ligeri confluit. La Ciza est la
Cisse, rivière qui anciennement avait son confluent près de Blois à Chouzy.
Calviacus est Chouzy. Dans un récit de translation de reliques écrit au ix*^ siècle,
on voit qu'en 847 Renaud, abbé de Marmoutier, rapportant de Rome les
reliques de saint Gorgon s'arrêta entre Orléans et Tours à Calviacum , villam
Majoris Monasterii (Mabillon, Acta SS. ord. S. Bened,, sœc. IV, pars I, p.
595). Or la route d'Orléans à Tours suit la vallée de la Loire et, à mi-chennn
environ, se trouve Chouzy, où l'abbaye de Marmoutier avait un prieuré. Du
reste, au point de vue philologique, la ti'ansfonnation de Calviacum en Chouzy
s'explique assez régulièrement.
— 20 —
» leur pardonna ; et Lothaire, quittant la Cour, se dirigea
» aussitôt vers l'Italie avec ses complices *. »
Deux ans plus tard, une affreuse peste, qui ravagea Tltalie
entière, enlevait à la fois les comtes Mafroi, Hugues et Lam-
bert (septembre-octobre 830) ^. La mort des deux frères
Eudes et Guillaume fut ainsi vengée tout d'un coup^.
CHAPITRE ni
LE COMTE EUDES ET SES FILS
Le pays qu'avait administré le comte de Blois, Guillaume,
fut, après sa mort, démembré en deux comtés. A Blois,
Guillaume eut pour successeur le comte Robert, devenu
célèbre sous le nom de Robert le Fort ; à Châteaudun , il fut
remplacé par le comte Eudes, qui joua également, sous le
règne de Charles le Chauve , un rôle politique important.
J'ai déjà exposé ailleurs * les raisons qui me font considérer
Robert le Fort et Eudes comme étant fils tous deux du comte
de Blois, Guillaume. A la vérité, aucun document, contem-
porain de ces personnages , ne permet d'affirmer que c'est
là un fait certain : il est extrêmement rare en ces époques
reculées de trouver des témoignages positifs, indiquant
nettement la filiation des divers représentants de Taristo-
* Postquam venit Lotharius , ubi erat imperator, pater ejus, sedens in
papilione sm qui erat extemus valde in allum in campo magno , ubi eum
exercitus omnis coniemplabatury et filii ejtts fidèles steteruni juxta eum. Tune
Maihfridus et céleri omnes qui primi erant in facinore illo , postquam surre-
xerunt de terra, confessi sunt se valde deliquisse. Post haec Lotharius juravit
patri sm fidelitalem..., et ut iret in Italiam et ibi maneret, et inde non exiret
nisi permissione palris : tune juraverunt et céleri. Post haec piissimus
princeps indulgenttam dédit eis... Diviserunt se ibi, et Lotharius perrexit in
Italiam eum consenlaneis suis (Thégan, dom Bouquet, VI, 84 et 85).
2 Cf. Astronome, dom Bouquet, VI, 119.
3 Je me suis uniquement occupé dans tout ce récit de montrer le rôle poli-
tique que jouèrent de 830 à 834 les comtes d'Orléans , de Blois , de Tours et
de Nantes. En ce qui regarde Hugues et ^lafroi , les historiens français ou alle-
mands , qui ont étudié cette époque , paraissent généralement ne pas avoir été
frappés de ce fait que la haine, vouée par ces deux comtes à Louis le Pieux,
fut la cause première de tous les malheurs qui fondirent alors sur l'Empire.
* Origine de Robert le Fort dans les Mélanges J. Havet ( Paris, Leroux,
1895, in-8o), p. 97-109.
— 21 —
cratie franque; mais un certain nombre d'indices, disséminés
dans les chroniques et les chartes , indices qu'il serait trop
long d'énumérer ici et que je signalerai dans la suite de ce
récit, tendent à créer dans l'esprit la conviction qu'Eudes et
Robert étaient frères. Si donc le comté de Blois, après la
mort de Guillaume, fut scindé en deux parts, et si cette
scission fut opérée en faveur des deux frères, Eudes et
Robert, c'est qu'en réalité ceux-ci étaient fils de Guillaume ^ .
Je le répète, il n'y a pas là certitude absolue, mais je pense
que cette hypothèse recevra une certaine force grâce à la
lumière qu'elle jette sur des événements assez obscurs.
De la succession du comte Guillaume, Robert le Fort reçut
donc le gouvernement du pays blésois ^, Eudes celui du pays
dunois ^ et aussi , suivant toutes probabilités , du pays char-
* Cette filiation a déjà été admise par un grand nombre d'érudits. De nos jours,
M. An. de Barthélémy, dans une intéressante étude, intitulée Origines de la
Maison de France [nev. des quesL hist., année 1873), a savamment souteim
que Robert le Fort était fils de Guillaume, comte de Blois. — D'autre part, en
ce qui concerne le comte Eudes, tous les historiens se sont accordés à lui
donner Guillaume pour père (Cf. Du Bouchet, La véritable origine de la Maison
de France, Paris, 1646, in-folio; Dernier, Histoire de Blois, Paris, 1682,
in-i®, etc.). — N'étant point le premier à proposer cette solution d'un problème
qui a préoccupé beaucoup de savants, je m'efforcerai simplement d'ajouter de
nouveaux arguments à ceux qui ont été déjà fournis en faveur de cette thèse.
2 Robert le Fort est, après Guillaume, le premier comte de Blois signalé
dans les chartes. Au mois de mai 865, il échangea avec Actard, évêque de
Nantes, diverses ten'es dépendantes de son comté de Blois. Cet acte d'échange
a été plusieurs fois publié : la meilleure édition en a été donnée par Mabille
[Introduction aux Chroniques des comtes d Anjou, p. 89-91). Dans les années
qui suivirent la mort de Robert le Fort, le comté de Blois fut administré,
semble-t-il, par son fils aîné, Eudes. Quand Eudes fut élu roi en 888, il aban-
donna cette charge à son frère Robert. Celui-ci resta comte de Blois jusqu'en
Tannée 922, époque où il devint lui-même roi des Francs. M. Éd. Favre
s'est montré bien sceptique à l'égard de cette transmission si naturelle du
comté de Blois aux fils de Robert le Fort (Cf. Eudes, comte de Paris et roi de
France, Paris, 1893, in-8o, p. 12 et 13, note 1).
3 Tous les historiens blésois ont jusqu'aujourd'hui prétendu à tort qu'Eudes
avait été comte de Blois après son père Guillaume. Cette erieur remonte à
Du Bouchet, qui a publié une charte, tronquée et corrompue à dessein, où
Eudes se dit comte de Blois [Origine de la Maison de France, preuves, p. 251).
Le titre de cornes blesensis, attribué à Eudes par cette charte, aurait dû de
prime abord paraître suspect ; car, dans les actes du IX° siècle, les comtes
s'intitulent généralement cornes, sans ajouter de quel pagus ils sont comtes. On
a d'ailleurs la preuve que Du Bouchet a fait un faux en cette circonstance. La
charte qu'il a éditée se trouvait authentique dans la Pancarte noire de Saint-
Martin de Tours. Plusieurs copies nous en ont été conservées (Voir plus
loin, pièces justificatives, u« 111). Eudes y prend simplement le titre de comte ;
— 28 —
traîna Cos trois comtés furent, après la mort de Guillaume,
successivement réunis aux royaumes que l'empereur Louis le
Pieux forma pour son ;fils Pépin en 835, puis pour Charles le
Chauve en 838 ^. Deux ans plus tard, Louis le Pieux mourait près
de Mayence (20 juin 840). De violentes dissensions éclatèrent
alors entre ses quatre fils au sujet du partage de TEmpire ;
elles durèrent jusqu'au jour où fut conclu le traité de Verdun
(août 843). Aux termes de ce traité, la région d'entre Seine
et Loire, dont dépendaient les pays de Blois, de Châteaudun
et de Chartres fut attribuée à Charles le Chauve.
Ce prince, fils de Louis le Pieux et de Fimpératrice Judith,
dont Guillaume de Blois avait autrefois vaillamment défendu
la cause, combla de ses faveurs les comtes Eudes et Robert,
et il ne tarda pas à en faire deux des plus puissants dignitaires
de ses États. Dès les premières années de son règne, il leur
avait concédé, semble-t-il, divers biens, dépendants de
révêché de Reims, alors vacant. Hincmar, élu archevêque
de Reims le 3 mai 845, se fit restituer, quelques mois après
son élection, les villas épiscopales que Charles le Chauve
avait illicitement données à ses fidèles. Dans le diplôme de
restitution sont mentionnés Eudes et Robert, ainsi que Donat,
comte de Melun ^, et plusieurs autres*.
La première fois que Ton voit le comte Eudes intervenir
dans les affaires politiques de ce temps, c'est durant les
guerres qui eurent lieu en Aquitaine entre Charles le Chauve
et son neveu Pépin.
Tacte est passé publiquement à Châteaudun , au mois de mai 846, en présence
des boni homines qui y souscrivent. Eudes y agit comme comte de Château-
dun et non comme comte de Blois.
* Voir plus haut, p. 13, note. 1. — La suite de ce récit montrera que l'au-
torité du comte Eudes ne s'étendait pas seulement au pays de Châteaudun,
mais sans doute aussi au pays de Chartres, et que ces deux comtés devaient
être dès lors unis au point de vue administratif.
3 Cf. A. Longnon, Atlas historique de la France, p. 69 et 70.
3 Donat avait été gratifié de la villa de Neuilly-Saint-Front , dont il ne voulut
pas se dessaisir en 845. Hincmar a écrit à ce sujet un traité intitulé Noticia
de villa Novilliaco (Voir dom Bouquet, Rec. des hist. VII, 215). On sait par
les miracles de saint Benoît d'Adrevald que Donat était comte de Meluu
{Miracula sancti Henedicti, édit. de la Soc. de l'Hist. de France, p. 56).
* Quidquid ex eodem episcopatu [Remensi] Odo cornes habuit, seu et illa
quae,.. Rotbertus.,. vel Donatus habuerunt (dom Bouquet, VIÏI, 478).
— 29 —
Pépin avait été dépossédé par le traité de Verdun en 843
du royaume d'Aquitaine, qu'avait jadis gouverné son père
Pépin P% mort le 13 décembre 838. Cette grande province
était échue à Charles le Chauve ^ Pépin, dont le nom était
très populaire au midi de la Gaule , après s'être assuré l'ap-
pui du duc de Septimanie, Bernard^, pensa disputer au roi
son oncle les états paternels. Toutefois il fut déçu dans ses
espérances. Dès le commencement de l'année 844, six mois
à peine après le traité de Verdun , le duc Bernard , son plus
puissant allié, tombait au pouvoir du roi des Francs, qui le
condamnait à mort et le faisait exécuter sur-le-champ^. Pépin,
de son côté, malgré une victoire éclatante, remportée sur
l'armée de Charles près d'Angoulème, était forcé, l'année
suivante, de venir prêter serment de fidélité à son oncle
dans le monastère de Saint-Benoît-sur-Loire (juin 845) *. En
reconnaissance de sa soumission, il conservait la jouissance
d'une grande partie de l'Aquitaine, à condition de ne point
chercher à s'y rendre indépendant.
Aussitôt que Charles le Chauve eut fait périr le duc Bernard
qui était à la tête des marches d'Espagne , il avait nommé ,
pour le remplacer dans ce commandement , Sunifred , comte
d'Urgel*. Cependant Bernard avait laissé un fils, Guillaume,
âgé de dix-huit ans. Désireux de venger la mort de son père,
Guillaume , après avoir capté la faveur de Pépin , excita ce
prince à secouer de nouveau lejougduroi Charles. Mais bien
des obstacles se dressèrent entre lui et sa vengeance. Le prin-
cipal vint des seigneurs d'Aquitaine qui, jaloux de voir un tout
jeune homme plus avancé qu'eux-mêmes dans les bonnes
^ [Lotharius et Hltuiowictis] cetera usqm ad Hispaniam Carolo cesserunt
{Ann. Bert.y ad ann. 843, dom Bouquet, VII, 62).
* Ce Beraard, duc de Septimanie , est celui qui avait été accusé autrefois
d'être l'amant de l'impératrice Judith. II avait jugé sans doute qu'il aurait une
influence plus absolue à la cour du jeune Pépm qu'à celle du roi Charles le
Chauve.
3 Les Annales Bertiniennes font mourir le duc Bernard avant le pape
Grégoire IV (janvier 844).
* Ann, Bert., ad an. 845, dom Bouquet, VII, 63.
* Le 19 mai 844, Sunifred porte déjà le nom de marchio dans un édit de
Charles le Chauve, relatif aux Espagnols réfugiés en Septimanie ( dom Vaissète ,
Histoire de Languedoc, nouv. édit., tome II, preuves, col. 228).
— 30 —
grâces de leur suzerain, se soulevèrent de toutes parts contre
le nouveau favori et, refusant de s'associer aux projets am-
bitieux de Pépin , vinrent en grand nombre à Orléans prêter
serment de fidélité à Charles le Chauve (848) ^
Charles soupçonnait depuis quelque temps déjà les idées
de révolte qui germaient dans Tesprit de Pépin ; il partit
aussitôt pour l'Aquitaine, afin d'y affermir son autorité^. 11
ne resta d'ailleurs que peu de semaines en ce pays. Au mois
de janvier 849, il était revenu dans le nord de son royaume;
mais, avant de se retirer, il avait eu soin de nommer un
successeur au duc de Septimanie , Sunifred , qui venait de
mourir 3. Comme il lui fallait en cette région lointaine des
agents dévoués, il donna le commandement des marches
d'Espagne à l'un de ses fidèles, Aleran, comte deTroyes*.
^ Ann. Bert.y ad an, 848, dom Bouquet, VII, 65.
2 Chron, Fontanel., ad an. 848, dom Bouquet, VII, 41.
3 Les nouveaux éditeurs de Y Histoire de Languedoc ont , dans une note
rectificative, contredit à tort dom Vaissète qui faisait mourir Sunifred en 848 ;
ils reculent cette mort jusqu'en 851 ou 852. Comme preuve, ils renvoient à un
diplôme de 850 environ, oii il n'est point question de Sunifred, mais de
Suniaire, comte de Roussillon (Cf. Hist. de Languedoc, nouv. édit. II, preuves,
col. 286). Leur second argument est qu' Aleran, signalé en 849, comme comte
des marches d'Espagne , n'est nulle part appelé duc de Septimanie ; ils le sup-
posent simplement comte de Barcelone : de sorte qu'Aleran n'aurait pas, en
848, succédé au duc de Septimanie, Sunifred {ibidem , II, 317). Mais ils n'ont
pas remarqué sans doute un diplôme publié par eux-mêmes. Le 18 octobre 849,
Charles le Chauve , étant à Albi, donne à un de ses vassaux , Etienne, les
domaines de Villerouge et de Védillan^ dans le comté de Narbonne : à la fin du
diplôme, on lit : Aledrans amhasciavit (ibidem, II, preuves, col. 282).
Aleran joue certainement ici le rôle de duc de Septimanie ; un comte de Barce-
lone n'aurait point eu à intervenir officiellement pour des biens situés en Nar-
bonnais. Si donc Aleran, en 849, était duc de Septimanie, c'est que Sunifred
était mort ; car on ne peut supposer que le roi ait disgracié Sunifred , puisque,
quelques années plus tard , il comblait d'honneurs les nls de ce comte, Wifred,
Sunifred et Miron (ifttrfein, II, 293). Disons en terminant qu'Aleran est appelé par
un contemporain cu^ios limitis Hispanici [Chron. Fontanel. ad an. 849) et que
ce même titre est donné par l'Astronome au duc de Septimanie, Bernard (cornes
Hispaniarum limitum, dom Bouquet, VI, 110).
* L'identification d' Aleran, comte de Troyes, avec Aleran, duc de Septimanie,
semble très probable : ils sont contemporains , tous deux fidèles de Charles le
Chauve, ils portent un même nom, rare chez les comtes carolingiens, et de
plus ils meurent tous deux dans le même temps. Enfin , la suite de ce récit
montrera qu'après la mort d'Aleran, le comté de Troyes revint à Eudes de
Chàteaudun et que cette succession paraît avoir été réglée en Septimanie lors
de l'expédition que fit Charles le Chauve en cette contrée au mois d'octobre 849.
— Rien d'ailleurs n'était plus fréquent à cette époque que d'opposer aux inva-
sions sarrasines des comtes de pays éloignés : c'est ainsi que Louis le Pieux ,
— 31 —
A peine rentré dans ses États, Charles apprit que Guil-
laume, fils du duc Bernard, s'était emparé d'Ampurias et de
Barcelone, après en avoir chassé Aleran (commencement
de l'année 849) \ Il convoqua au mois de juin un grand plaid
à Chartres, où il forma son armée : de là, il se mit en marche
vers le midi. Le comte Eudes partit avec lui. Ils traversèrent
la Loire , arrivèrent rapidement à Limoges et y reçurent la
plupart des grands d'Aquitaine, qui venaient renouveler à
Charles leur acte de soumission ; puis ils se dirigèrent direc-
tement sur la ville de Toulouse, qui fut emportée après
quelques jours de siège. Le comte Eudes avait été chargé
avec Herbert, abbé de Saint- Wandrille , de surveiller la
porte Narbonnaise, et de l'attaquer par le feu ^. Ils s'acquit-
tèrent bravement de cet office et contribuèrent pour une
grande part à la prise de la ville.
Ce succès rendit Charles le Chauve maître de toute l'Aqui-
taine, et, d'après Prudence, il put dès lors disposer à sa
guise de la marche d'Espagne : il y rétablit aussitôt le comte
Aleran ^.
Un de ses premiers soins fut également de récompenser
les services de son fidèle, Eudes de Châteaudun. Le 11 octo-
bre 849, étant encore à Narbonne, il lui donna, dans le pays
d'Omois, la villa de Nogent, près de Château-Thierry ^
en 827, avait envoyé aux marches d'Espagne Hugues, comte de Tours, et
Mafroi, comte d'Orléans. Aleran, par sa grande réputation de bravoure,
paraissait désigné pour le poste périlleux que lui confiait Charles le Chauve :
l'épopée populaire chantait encore ses exploits au XII® siècle. Dans le poème
d'Aye d'Avignon, il est question, à plusieurs reprises, d'Aleran, comte de
Troiesin , qui se bat vaillamment { Ave (T Avignon , édition Guessard et Meyer,
1861, p. 81).
* Cf. Chronkon Fonlanel., ad ann. 849 (dom Bouquet, VII, 41, 42).
2 In qua obsidione commissa est porta quae vocatur Narbonensis venerabili
viro Heriberto, abbaii Fontinellensts monasterii^ simulque Odoni, viro illmtri^
ad eustodiendum. Homines quoque Heriberti abbatis, injecto igné, praedictam
poriam igni cremaverunt maxima ex parte (Chron. Fontanel., aa ann. 849,
dom Bouquet, VII, 42). Le récit de toute cette campagne nous a été conservé
par le moine de Saint -Wandrille , auteur du Chronkon Fontanellense ; il
devait le tenir de la bouche même d'Herbert, abbé de Saint- Wandrille, qui
joua un rôle assez important dans cette expédition.
^ Marcam quoque Hispankam pro libilu disponit (Ann. Bert.,adan,Si9),
* Voir dom Bouquet, VIIÏ, 505. — Nogent, cne de Baulne, Aisne, arr* de
Château-Thierry, c»" de Condé. — Sur le pays d'Omois, voir Longnon, Revue
Archéolog., 1868, I, 361 et ssv., et Atlas historique, p: 121.
— :© —
Cetto iloiiiiticai faitf il KtiiK^i* * (l*iiii «loiiiai
ilu ririiiU^ ih' Tnneît, t*t In pnWiKH^ î*iiijiilla
«rAlf^rati ^ aiiiirt*H du rut* peinlaiil ce inoh il ti
Iirirtnil à cnnrx* qu'on r**i^la fii ratk» occasîo
à la inorl d'Alonnit
Quoi qu'il eu stiii, au Uiuis «le ilôcombiv Ri
VI' i> la Loire i*n |i;ih}<:uH (lar liourges. U ri>vi
nouvelle tlu ehaliijtetit ilu nuiit** riuilliujrue. J
de l'aiiïiée K5(l, le?* parlihauîi d Alernn î*>m
rebelle ([ui fut auHKitAt déea|»ilé ; sictfnv
pertU^ ajoute le iiioine de Saiiil-WanilHIk**.
Ile gravLH itiLeretii avaimit rappelé Cliiirlt^ii
le ntird de la (taule.
Le chef ileî> BreliHis. Xoniîiiôé, qui venait
clamer roi* avail profjl<*de Vab^ence dedraH
sur 1 Anjou et dc'Holer tnute la cunlrée. Lt>i*uml
alors* Lambert, ti*ès habile ra[uiaine^ qui pan
çetN* atlaquo inopiuce* Charles, revenu tl,
février HOU/, conlia aumtèt a Lambert le cornu
laire de ta région dentro Seine et Ixure *, Midi
après, [mv \m brnK<|Ui* cJiangenieiii 4le polii
expliquer» Lanjberl trahissait la cause des Fi
luui à coup atec son frëri? GarDi(?r dans le ca
(vors juillet K5iï). La wî tuât ion deviniait tn*
Cliaiie^ le Chauve : il lui fallail d'abord veilk
couité d'Anjou, que la défection de Lanibc
' Il r'sl vA^vXmn c|ue le coraU* Ëiiilrs , a cftit Iit roi mmh
Nt»gt'iit m Uniois. rsi k mHm cjii^Kuiirs, lomlf ri»* iWM-n
dé (llLùlt".itidmi, rn rilet , tlm^ h dmrii' ij^^ KUî (jUm* ^lus
sa ft^pme iiuaiiilêlaiûtle \\mpircrsjtis(., ii" JUu Oi% m H7I
de Nog*^nt eu Ontots, doiitia par tf*siamL'nU [*ûur li/ rt-pos «
lîuanfIdrno(li\ sa ft'rrim*\ iliM' villa do NugeiU au din|irtf
Tiîurs (Voir plirs loin pti'r^?t imlif., ii** IV|.
^ Akrad ^*' tryijvîui |ïri>s iji' Charles li' (♦liîiiivi' ;i Allii ,
jour ou il intervint eu tavi'ur tt'ini %asi^ii ilu mi , uojiuilé. ^i
de Ciliarlcis divers biens daa» le C4j|iite de Narltoiux?. Voir
noie »i
3 Ç^roiiifûtt Fontunel, nd an. H-iîi, doai Bciuquf!l, VU,
* Sur LEimliért et mt Noniinne, d\ R. >b'rN, Cu^rres d
Bretagne aotia Nomim^ ai Enxfmv ^ dnns b /ïerwc t/r Ôr<
£fA»/o«y année IHIK,
I
— 33 —
défense aux Bretons. Les circonstances exigeaient en cette
contrée un homme brave et expérimenté : le comte Eudes, qui
venait de faire ses preuves dans la dernière expédition
d'Aquitaine, parut au roi remplir ces conditions ^ Charles
réunit lui-même une armée et partit pour la Bretagne, Il se
rendit directement à Rennes où il établit une garnison ; mais à
peine s'était-il éloigné de cette ville que Nominoé et Lambert
vinrent en faire le siège. La garnison se rendit sans coup
férir et les murailles de Rennes furent aussitôt rasées par les
assiégeants.
De là les deux rivaux de Charles le Chauve se dirigèrent
sur Nantes, défendue parle comte Amauri : la ville tomba
en leur pouvoir et subit le même sort que Rennes. Puis ils se
jetèrent avec une indicible fureur sur l'Anjou. Le comte
Eudes fut forcé de reculer devant eux; il se replia, en
remontant la vallée du Loir, sur le comté de Chartres 2,
suivi de près par les Bretons qui arrivèrent promptement
dans le Maine. Un chroniqueur du XV® siècle, Pierre LeBaud,
nous a conservé, d'après d'anciennes annales aujourd'hui
perdues, le récit de cette invasion bretonne en Neustrie.
« Quand Nominoé, dit-il, eut ainsi dégastée celle cité
» [d'Angers] , il s'en départit , et conduisit son exercite selon
» les rives du fleuve de Loir, qui se plonge en Mayenne au-
» dessus de la dite cité, et bruslant et détruisant les territoires
» d'Anjou, du Maine et de Neustrie, depuis Loire jusques à
» Neustrie, parvint à Vendosme, ou il s'arresta, attendanty re-
)> cueillir ses ost qui estoient espandus par les dits territoires,
» afin d'assaillir le païs de Chartres : mais, comme jà partie
» de son exercite commençast à gaster celle grande plaine
» qu'on appelle la Beausse , il devint soudainement infirme,
* Eudes apparaît comme comte d'Anjou dans deux diplômes rovaux, Tun du
3 juillet, l'autre du 16 août 851 (Voir R. Merlet, Guerres d'indépendance de
la Bretagne, mém. cité, pièce justificative no III, et dom Bouquet, VIll, 518).
2 II y a, semble-t-il, dans ce fait historique, un indice ou'Eudes, comte
d'Angers et de Ghâteaudun, devait être aussi chargé de l' administration du
comté de Chartres. Charles le Chauve, au mois de janvier 851, était à Chartres;
ce qui confirme que cette ville était alors menacée par l'armée bretonne. Il est
également à noter que c'est en partant de Chartres pour l'Aquitaine que le
roi, en 849, avait emmené avec lui le comte Eudes. (Voir plus haut, p. 31).
T. XII, M. 3
— 34 —
» et par gravité de doleur finit dedans briefs jours sa vie^ »
(7 mars 851).
La mort subite de Nominoé sauva Charles le Chauve d'un
grand danger ; car elle eut pour effet d'obliger l'armée bre-
tonne à rentrer en Bretagne , et le royaume franc tout entier
semble avoir joui pendant quelques mois d'une tranquillité
relative. Charles retourna dans ses villas orientales, tandis
qu'Eudes rentrait en possession de son comté d'Anjou.
Mais la paix ne fut pas de longue durée. Vers le mois de
juin, le roi convoquait à Roucy une assemblée où fut décidée
une nouvelle expédition en Bretagne. Charles voulait prendre
sa revanche et croyait le moment favorable. Le nouveau
chef des Bretons était Erispoé, fils de Nominoé : Charles
espérait contraindre aisément ce jeune prince à abandonner
les pays que Nominoé, dans sa dernière campagne, avait
conquis sur les Francs.
Le commandement des troupes d'entre Seine et Loire fut
confié au comte de Tours, Vivien, qui eut la charge de
conduire l'expédition. Charles lui-même se dirigea vers
Tours, et de là en Anjou, où il séjourna quelque temps. Le
3 juillet 851, il confirma un acte passé entre le comte Eudes
et Doon, évêque d'Angers ; c'était un échange, aux termes
duquel Eudes abandonnait à Doon l'emplacement sur lequel
était bâti le palais des comtes, ses prédécesseurs, et recevait
en retour une terre sise à l'intérieur des murs d'Angers pour
y construire sa nouvelle résidence ^. Le IG août, le roi, se
trouvant à JuvardeiP, accorda, à la requête du comte Eudes,
un diplôme à l'abbaye de Saint-Aubin d'Angers*. Six jours
plus tard, le 22 août, et par conséquent non loin de Juvardeil,
eut lieu la rencontre des armées franque et bretonne.
Erispoé remporta une victoire complète ; le duc Vivien et
plusieurs autres grands personnages périrent dans le combat.
^ Histoire de Bretagne, Paris, 1638, in-folio, p. lli.
2 Dédit Dodo episcopus.., j>agiiiam terrae intra murum civitatis AndecaviSj
in qua opportunitas jam dicti comitis mansurae sedis suorumgue successorum
esse cognoscitury et in compensatione htijus rei dédit Odo cornes ex comitatu
suo terram...y in qua praeaecessorum suorum comitum sedes fuisse memoratur
(GalL Christiana, XIV, Instr., col. 145).
3 Juvardeil, Maine-et-Loire, arr* Segré, c^'" Chàteauneuf-sur-Sarthe.
♦ Dom Bouquet, VIII, 5i8.
i
L
— 35 —
Après cette défaite, Charles ne songea plus qu'à traiter avec
son vainqueur. Revenu à Angers , il fit faire à Erispoé des
propositions de paix avantageuses. Erispoé arriva aussitôt
en cette ville : il fut reconnu par Charles comme roi des
Bretons ; les pays de Rennes , de Nantes et de Retz , dont
Nominoé s'était emparé l'année précédente et que Charles
n'avait pu recouvrer, furent définitivement réunis à la Bre-
tagne. De son côté, Erispoé promit au roi des Francs de
forcer son allié Lambert à abandonner le pays de Nantes où
ce comte rebelle s'était établi en maître. Instruit du danger
qui le menaçait, Lambert n'attendit pas qu'on lui signifiât sa
disgrâce ; il quitta précipitamment la ville de Nantes et
s'enfuit à Craon en Anjou. Lambert était un guerrier de
grand talent ; avec les quelques hommes qui l'avaient suivi
dans sa fuite, il parvint à se créer un petit état indépendant
dans les environs de Craon. Il mit en déroute le comte du
Maine, Gui, qui voulait le chasser de ce territoire : il se
construisit un château-fort sur l'une des rives de l'Oudon
et s'empara en quelques mois de toute la partie de l'Anjou,
située à l'ouest de la Mayenne. Il ne domina du reste que peu
de temps sur cette contrée ; car il fut tué le l®"" mai 852 par
Gauzbert, comte du Maine ^
Ce qui contribue à expliquer les succès rapides de Lambert
en Anjou pendant les premiers mois de l'année 852, c'est
l'absence forcée du comte Eudes, alors retenu dans l'est du
royaume par les aô'aires de succession du comte de Troyes,
Aleran, qui venait de mourir en Espagne.
De graves changements se produisirent en efi*et, dès le
début de cette année 852, dans la situation politique respec-
tive des comtes Eudes et Robert le Fort.
Après sa malheureuse expédition en Bretagne, le roi
Charles , rentré dans ses États , tint un plaid à Compiègne
(vers février 852). Ayant eu sans doute, au cours des der-
nières campagnes, l'occasion d'apprécier les talents militaires
du comte de Blois, Robert, il lui donna, du consentement des
grands , les charges du duc Vivien , tué dans le combat du
22 août précédent. Ces charges se composaient du gouver-
nement de Touraine et du commandement en chef des
< Cf. R. Meriet, Guerres dindépendatice de la Bretagne^ mém. cité.
— :» —
de ne pas laisser mus lilulain* deux nilJces iiusî
malf'r*^ lo traiti^* d^AngCT», le» invanicms brod
loujours à craiudre» el il fallail «e tenir pre
iiemuul ',
Vem le iii(*ine t<?mp», le duc de Septi manie» A
lyarcat de HoUert le Fort et trEudcH*» iierît à B:
* ÏA* «4*ti1 hi^tnrifn roiitam|toniiri ijui ait nifuliortiit^ Vu^^en
mrrcs.svm du dur li'riïtr*^ Soi ut» H Loin», Vivirii, «st ï'abbé é
Mais a' rhnniiqiiiTiir *iiriv:ul rinquaiiU* un^ ajimn !iîs «iri^nufii*
!4(»i* rr*iiMMtflHtII«Hib qui' di* MHm'4'?^<ilîllis, .-ii lueit iiu*ii :i fun
ili» Vivini et l'oliodi* i.Am\M^ri^(^m ducdinm ùnebrii mter JLr^*
Ri^^îiijiju s'rjtprîjiit! ùium à hi dale tir' Kli! , Oin^iuApituiitim A
rfio, ibitiut ^ tum optimutum afmtitHi. HoHherht €ùmtti fttt-'
et St^iuautim tifhrryttm ïkitkmts mmmtmiar^î : qm-m s-
aliqmti temfm^ tri il. Pour Hi^giDui) U uunûliftlioii é^ U
CQN^i'queiMf' iniiTM'ili.itr de U moH éeLHntati fM< aupmfîvm
Aussi, s'il rsi t'iLiiii tniv Lninbrr! ft Vivifii m moiimrtMii
tm|»nâ<it1di^ tl iijnvilrr foi n lu d.iU' li** K(i| ^idrilHir-r jinr Ri-^fiiiO
dr Ri»ljcrt. Lt'inl dttJini*!' Li gruviU*' ili** tinouïitiiM) *'.> , iUiîi
Soiivait [»;is te^T le dm'lM* tlriilrr' S^'iur rt biirtî ViH ;iiil j
rpiii^ H5I , daïL* lie b morl Ai* Vivien, iiiiuiuVii KIM , i
Campi^gïti.' ïuivsuii Rt'gmûJi. A Vmnwt' Ki>2^ li«*|ffinaH tm
Noiuiuai' qui fut Iftîu fu K5I ; à raiiuéi' KliCK il tai^ôult? lavet
le Lûiidiat du :^^ nQÙi el le Lraiié d Au^ei>, éveucmeiib ijuj
en H51 (IVrli, Scriphm'x. h 571), 11** *ju'il faut ûam retenir ,
Er^finon, y \i\mï de Conipi^j|ïnr fut à jt»?u \m*s LOtilempoi
NimiiiiOi% de Lamlu-rl et iie Vivien. — \j\icu. due il eutre ï
tuo le ti mût HoL Peu de temws aprêt, Charlâs le Ckn
ti-îiiié irAnf^ers, revint daiis lEsi (fe son royitiiiiie, Le* diid
fesid:uiî a Toui's, le ft uovemijre H5l , à Saitit-D*^iiis près Pnnï
k Hrieutie (Ardemies, mv^ Rélliel, eo" Asfeldi, le 10 fevner <
le isîi février; eulîti on voit qull ^Uiit eiiœre ii yuifr/y le 3
tlcrnière dîile, RokTt le Fort, devenu abbé de Msirmoutii-
okeiialt du roi (dusieuts villas pour sou moufl,-iêrf! iCf. de
517, 511*, TîïîÙ et l*t»A, DoCiitHi'ntii originaux antérimn
Archives rfc Saûm-fl- Loire, jt. i). — Entre Ir? rilOi*i de
d'avril 85!2, (ikaiiei^ le illiauve iiésiJa doue ihuis les environs
plus f aidérîeui^iuent au 3 uvril , R^ibei l le Fort avait éle grat
Mamioutter ]H Touis. Ik \k il résulte, l\ mon îivb, (jue le rc
Bretaf^ne, ilnl ronvoiinei' ù (.ompiègue, eu février ou eu m
Joui parle Réginwu, et où Flobert Ic^ frori fut créé dur d'eu
en reiiiidaeemenl du eonite i\v Tours, Vivien, tué le 2â août de 1
^ Ou if^nore quel lieu de paienlé uniîiisait Robert et End
cette iiareulé même parait certaine. Ver:^ Tannée *MK le du(^ d
IK!lit-fils (le Robert , donnait à Snûit-Maitiu île Toi us Tidleu
arri d Éjiernav, c^'^ de Sézaiine), sis au i uni lé de Mean\. La
apiuend que Lachi , du temps de Cliai lemagne, appajlenaît au
Âlenui , et que ce domaine , u la mort d'Aîeran , élail entré
— 37 —
du sac de cette ville par les Sarrasins, au commencement de
l'année 852 ^ Aleran ne laissait sans doute pas d'enfants; le
comte Eudes fut appelé à lui succéder dans le comté de
Troyes 2.
Cette nouvelle fonction n'aurait plus permis à Eudes de
s'occuper assez activement de son comté d'Anjou, devenu
marche de Bretagne depuis le dernier traité entre Charles
et Érispoé : aussi est-ce à cette époque qu'il faut vraisem-
blablement attribuer la substitution de Robert à Eudes dans
ce poste périlleux ^. Et, de fait, en novembre 853, le capi-
tulaire de Servais nous montre, d'une part Robert le Fort
nommé missus dominicus dans la Touraine et l'Anjou, de
l'autre Eudes appelé au même office dans les pays de Troyes
et de Meaux *.
En résumé, vers le milieu de l'année 852, voici quelles
étaient respectivement les charges officielles de Robert le
Fort et du comte Eudes. Robert était à la tête de plusieurs
pays se tenant les uns les autres, la Touraine, l'Anjou, le
Blésois; en outre, le duché d'entre Seine et Loire qu'il venait
d'obtenir le rendait le plus puissant personnage de cette
région. Eudes, de son côté, se trouvait préposé à la garde du
dans la maison des ducs de France , vduii hères ipsius Aledramni in eo
existens idoneus^ dit Hugues [Pièces justif, n° VI). M. d'Arbois de Jubainville,
qui n'a point signalé cette charte, a montré, au moyen d'autres documents,
qu' Aleran était déjà comte de Troyes au temps de Charlemagne (Histoire des
comtes de Champagne^ I, p. 58). Quand ce comte mourut en 852, c'était
Robert le Fort qui représentait la maison des ducs de France. Robert eut donc
part à l'héritage d'Aleran. Nous savons d'un autre côté qu'à la même époque
Eudes succéda à Aleran dans le comté de Troyes. — Cette commune parenté
de Robert et d'Eudes avec Aleran confirme ce que j'ai déjà dit à leur sujet : si
Eudes et Robert sont frères, il est naturel qu'ils aient hérité tous deux
ensemble du comte de Troyes.
^ Histoire de Languedoc, nouv. édit., I, 1065. Dès le 10 septembre 852, le
successeur d'Aleran en Septimanie, Odalric, est cité dans un acte (/6id«m, II,
preuves, col. 287).
2 Le 25 avril 854, Eudes, devenu comte de Troyes, obtenait du roi un
diplôme en faveur de l'abbaye de Montiéramey. On y voit qu' Aleran, son prédé-
cesseur, était alors effectivement décédé : tempore predecessoris sui Aledramni,
quondam fidelis comitis nostri (d'Arbois de Jubainville , Histoire des comtes de
Champagne, I, 440).
' Divers textes contemporains, entre autres les Annales de Saint-Bertin
{ad ann. 864 et 865), attestent que Robert fut comte d'Anjou, sans dire à
quelle époque il le devint.
* Cf. dom Bouquet, VII, 616, 617.
— 38 —
pays de Troyes, ainsi qu'à celle du Dunois et probablement
du Chartrain.
Il eût été difficile à Eudes d'administrer à lui seul des
comtés aussi éloignés les uns des autres; mais, depuis un
certain temps déjà, l'habitude qu'avaient prise les successeurs
de Charlemagne de confier à un même officier plusieurs
gouvernements, avait insensiblement conduit les comtes à
se faire remplacer dans chacune de leurs villes par un
lieutenant qu'ils nommaient eux-mêmes, et qui, appelé
d'abord niissus comitis, prit bientôt le titre de vicecomes^
vicomte. Cette institution fut de bonne heure acceptée par
les rois carolingiens, et, au milieu du IX^ siècle, elle fonc-
tionnait régulièrement. Eudes , qui , à partir de 852 , semble
avoir séjourné de préférence dans le pays de Troyes, se fit
représenter dans son comté d'outre -Seine par un vicomte
qu'il établit à Châteaudun. La Chronique de ï abbaye de
Bonneval en Dunois nous apprend que, vers l'année 865, il y
avait à Châteaudun un vicomte du nom de Rampon ^ .
Eudes n'administra donc l'Anjou que deux ans à peine, et
néanmoins, durant son court séjour en ce pays, il y acquit de
grands domaines que l'on retrouve plus tard entre les mains
de ses descendants. Devenu comte de Troyes, il se consacra
d'abord entièrement à son nouvel office. En 853, comme je
l'ai dit, le roi le nommait missus dominicus dans la province
de Sens; en 854, Eudes intervenait lui-même auprès de
Charles le Chauve en faveur d'une abbaye récemment fondée
dans le Troiesin et qui prit plus tard le nom de Montiéramey^.
Cependant, comme la majeure partie de ses possessions était
entre la Seine et la Loire , il se trouvait intéressé à tous les
graves événements qui avaient lieu en cette contrée, et
l'intimité incontestable qui existait entre lui et Robert le
Fort fit qu'il suivit toujours la même politique que ce puissant
comte neustrien.
^ Cf. René Merlet, Petite Chronique de Vabbaye de Bonneval (Extrait des
Mém. de la Soc. Arc. d'Eure-et-Loir, année 1890).
2 Le diplôme original de Charles le Chauve, obtenu par Eudes pour
Montiéramey, est encore consei-vé aux Archives de TAube : il est daté du
25 avril 854. Voir d'Arbois de Jubainville, Histoir^e des comtes de Champagne,
I, MO. — Dans ce diplôme le roi appelle Eudes, Karissimus nobis atque
satis dilectissimus Odo,
— 39 —
A répoque où nous sommes arrivé , une grave révolte
contre le roi était prête à éclater dans toute la région où
Robert le Fort exerçait son office de duc. Cette révolte ,
fomentée d'abord en Aquitaine, s'était étendue peu à peu
dans les pays plus septentrionaux et elle grandit à tel point
qu'elle faillit causer la perte de Charles le Chauve.
Charles, dans le courant du mois de septembre 852, était
parvenu à s'emparer de la personne de Pépin d'Aquitaine ^ et
Tavait fait enfermer au monastère de Saint -Médard de
Soissons. Les partisans de Pépin, privés de leur chef,
tâchèrent de se créer de nouveaux appuis pour résister au
roi des Francs. Dès le commencement de 853, ils députèrent
plusieurs d'entre eux vers Louis, roi de Bavière, le sollicitant
de venir lui-même ou d'envoyer son fils se mettre à leur
tête ; autrement ils seraient contraints peut-être de demander
aux pirates normands un secours qu'ils ne pouvaient trouver
auprès de rois chrétiens ^.
En même temps, ils profitaient du mécontentement pro-
voqué en Neustrie contre Charles le Chauve par la condam-
nation imprévue et l'exécution du comte du Maine, Gauzbert
(mars 853) ^. Celui-ci avait de nombreux parents et alliés,
qui occupaient de hautes charges et qui s'unirent au parti
des séditieux *.
Malgré ce secours inespéré, les Aquitains comprirent qu'ils
n'étaient pas encore de force à lutter avec avantage contre
Charles le Chauve. Aussi, lorsque Louis, fils du roi de Bavière,
arriva en Aquitaine l'année suivante , il ne fut reçu que par
les parents de Gauzbert, dont les troupes trop faibles ne lui
permirent pas de tenir tête à celles du roi des Francs , et ,
dès l'automne de 854, il était forcé de repasser le Rhin *.
^ Chron. Aquit,, dora. Bouquet, VII, !223.
2 Ann, Fuldenses, ad an. 853, dora Bouquet, VII, 164.
3 Chron. Aquit,, dora Bouquet, VII, 223.
* Kaickstein, Robert der Tapfere, p. 33, 34 et 37.
s Ann. Bert., ad an. 85i. — Ann. Fuldenses, ad an. 85i, dora Bouquet,
VII, 165. Hludowicus^ fUius Hludowici régis, ad Aquitaniam pergit, volens
experiri si vera essent quae patri suo per legatos gentis promittebantur. Cum
ergo venisset et non essel suscepliis , nisi ab ea tanlum sola cognatione quam
Karlus maxime offendit propter inierfectionem Gozberti eorum propinqui quem
jussit occidif ceteris omnibus ad susceptionem ejm dissimtdantibuSy adventum
— 40 —
Cette première révolte avait été rapidement apaisée, et,
sans doute, elle ne se serait pas renouvelée, si Charles ne
s'était aliéné ceux des seigneurs de Neustrie qui lui avaient
été jusque-là le plus dévoués. La puissance considérable
que le duc Robert le Fort avait acquise en cette contrée
commençait peut-être à inquiéter le roi. En 856, Charles le
Chauve constitua en faveur de son fils Louis un duché
juxtaposé à celui de Robert. Ce duché, appelé duché du
Maine, s'étendait à toute la partie septentrionale de la
Neustrie ; il était séparé du duché d'entre Seine et Loire par
la grande route de Paris à Tours * . C'était une atteinte portée
à la suprématie de Robert, qui se trouvait désormais soumis
à l'autorité du jeune prince Louis: car, comme nous l'apprend
un auteur du temps, outre le duché du Maine, Charles avait
conféré à son fils la puissance souveraine sur tout le reste
de la Neustrie ^.
Toutefois cette marque de méfiance n'aurait peut-être pas
suffi pour déterminer Robert à se révolter ouvertement;
mais elle fit éclater en lui contre le roi une irritation mal
contenue et ayant une autre cause. Depuis quelques années
déjà, les pirates normands ravageaient sans relâche les
bords de la Loire, et les trois villes comtales de Robert,
Angers, Tours et Blois, avaient été successivement sacca-
gées. Or, les progrès de ces brigands auraient été moins
rapides si Charles le Chauve eût mis plus d'empressement à
suum illo supervacuum fuisse ratiis, cum suis se circa tempus autumni in
Franciam reoepit,
^ Karlus rex cum Respogio, Britonum principe , paciscens , filiam ejus fUio
suo Hludowico despondet, dato illi ducatu Cenomannico usque ad viam quae a
Lutetia Parisiorum Cesaredunum Turonum ducit (Ann. Berlin., aa ann.
856, dom Bouquet, VII, 71).
2 II est certain que Charles le Chauve avait permis à son fils de prendre le
titre de roi. En effet, Hincmar, dans ses Annales, nous dit qu'en 865 Charles
délégua de nouveau son fils en Neustrie sans lui interdire de reprendre son titre
de roi, nec reddito nec interdicto sibi nomine regio (dom Bouquet, VII, 91 ).
Nous avons du reste à cet égai-d le témoignage positif de l'auteur contemporain
oui a écrit la Translation de saint Regnobert et qui raconte incidemment cet
événement de Tannée 856 : In villam (jue Vetera Domus vocatur veniens
[Karlus], venit ad eum ibi Britontm Htlispoaius princeps , cum filio prefati
sublissimi Karli régis, Hludovicho nomine, ibidemme,[Hilispogii\ consilio,
cum proccribus Francorum nobilibus, Hlttdovico , fuio suo, regnum Neustrie
dédit, et in hac reqni parte eum reqnandum constituit (d'Acherv, Spicileqium,
II, p. 133).
— 41 —
les combattre. Robert reprochait au roi sa lenteur à agir, et
il se servit de ce prétexte pour donner à sa révolte une
apparence de motif légitime.
Charles n'eut donc pas plus tôt créé le duché du Maine en
faveur de son fils, que la plus grande partie des seigneurs
neustrîens, faisant cause commune avec les Aquitains mécon-
tents, sollicitèrent Louis le Germanique de venir à leur aide ^
Mais le roi de Bavière était en ce temps trop occupé par des
guerres personnelles pour pouvoir passer en Gaule. Décou-
ragés par ce refus, les révoltés firent la paix avec Charles ,
et tout rentra de nouveau dans Tordre 2.
Sauvé de ce péril , Charles aurait dû mettre tous ses soins
à reconquérir la confiance de ses sujets : il aurait dû surtout
ne pas avoir de trêve qu'il n'eût chassé les pirates normands
de son royaume. Bien loin de là : jamais l'audace des enva-
hisseurs ne fut poussée impunément aussi loin que dans
Tannée qui suivit ces événements. Non contents de ravager
les rives de la Loire, ils dévastèrent celles de la Seine : ils
pillèrent encore une fois Tours et Blois, les villes de Robert ;
Paris même fut incendié, et personne ne semble s'être
opposé à leurs incursions ^.
On trouve comme un écho des murniures qui s'élevaient
de toutes parts contre le roi , dans ces phrases de Paschase
Radbert, écrites en cette année 857, peu de temps après que
les Normands se furent emparés de Paris : « Qui croirait
» jamais, je le demande, que d'ignobles bandits aient pu avoir
» une telle audace ? Qui pourrait admettre qu'un royaume
» si glorieux, si fort et si vaste, si populeux et si puissant, ait
* Ce fut si bien la promotion de Louis, fils du roi, comme duc du Maine, qui
causa le soulèvement de 856 , que , deux ans plus tard , lorsque les seigneurs
neustriens se révoltèrent pour la seconde fois , ils n'eurent rien de plus pressé
Sue de chasser du Maine le prince Louis. Cf. Ann. Bert., ad ann. 858, dom
bouquet, VII, 73.
^ Comités pêne omnes ex regno Karli régis cum Aquitanis adversus eum
conjurant, invitantes Hludowtcum, regem Germanorum, ad smtm consilium
perficiendum, Quo diutius in expeditione Sclavorum détente , ubi et magnam
partem sut exercitus amisit, isti môras illius non ferentes Karlo régi reconci-
tiantur (Ann, Bert,, ad ann, 856, dom Bouquet, Vil, 71).
3 Charles le Chauve cependant ne manquait ni de réflexion ni de courage.
En maintes circonstances de son règne, il fit preuve d'intellieence et d'activité.
Il y a, dans son inaction vis à vis des Normands de 853 à 858, un fait anormal,
dont il serait intéressant de rechercher la cause.
— 42 —
»' été humilié et sali parles atteintes de tels hommes? Assuré-
p^ ment aucun des rois de la terre ne pourrait le penser, et
n aucun habitant du globe ne se laisserait persuader que
t l'ennemi ait pu entrer dans notre Paris ^ »
Si un homme d'église, en ces circonstances, ressentait une
toile indignation , on s'imagine quelles plaintes pouvait faire
entendre un homme de guerre hardi comme Robert le Fort.
Dès le commencement de l'année 858, une révolte plus
violente que les autres éclatait pour la seconde foisenNeus-
lî'ie : Robert la dirigeait, et son premier acte de rébellion
lut de chasser du Maine son rival, le prince Louis, qu'il
contraignit à passer la Seine et à se réfugier près du roi son
Hère^.
Jusque-là, le comte Eudes n'avait probablement pas pris
une part active à tous ces troubles; mais il est hors de
doute que ses sympathies étaient déjà acquises aux révoltés.
Bientôt de nouveaux brigandages des Normands le déci-
dèrent à se jeter ouvertement dans la sédition dont il
devint l'un des chefs ^.
Au mois de juin 858*, les pirates fondirent sur Chartres,
^ Quis unqtmm , queso , erederet , quod latrones promisctiae genlis unquam
taiia auderent? Vel quis estimare potuisset quod tam gloriosum regnum,
tumque munitum et latissimum^ tam populosum et firmissimum, talium homi-
num humiliari vel sordibus foedan deberet ? Fateor enim quod nullus ex
trgibus terrae ista cogitaret neque ullus habitator or bis nostri audire potuisset
quod Parisium nostrum hostis intraret (Pasch. Radbert, lib. A, in lamenta-
fiones Jeremiae, dom Bouquet, VII, 72, note c).
2 Comités Karli régis cum Britonibus juncti , déficientes a Karlo , fUium
Bjiis Hludowicum ejusque sequaces, a partibus Cenomannicis deterritum,
&<'quanam transire atque ad patrem refugere compellunt {Ann, Berlin., ad
ann. 858, dom Bouquet, VII, 73).
3 Ce qui prouve que Robert et Eudes furent les chefs de cette sédition qui
[hillit faire perdre le trône à Charles le Chauve, c'est que, dans la lettre
;i[lressée l'année suivante aux révoltés par les pères du concile de Savonnières,
Robert et Eudes sont nommés en tête des autres rebelles. Universalis synodus
ex diversis partibus, in nomine Domini, ad vicinum locum Tullensi urbiy
mi dicitur Saponarias, congregata, utinam bonis filiis Rotberto, Odoni ,
tîmveo, Truanda, Ingelboldo, Frotmundo, item Heriveo, Magenardo, Cadoloni
ef ceteris in vestra societate conjunctis, salutarem conversionem (dom Bouquet,
VU, 584).
^ La prise de Chartres par les Normands est rapportée à tort dans les Annales
i\i' Saint-Bertin à la fin de l'année 857. Ces annales contiennent du reste pour
lu même époque quelques erreurs chronologiques. C'est ainsi qu'à l'année 859,
j'Iles relatent la mort d'Immon, évêque de Noyon, et celle d'Ermenfroi,
pvéque de Beauvais, lesquels vivaient encore en 860 (Cf. dom Bouquet, VII,
75, note d).
— 43 —
et mirent la ville à feu et à sang : Tévêque Frotbold et un
grand nomdre de Chartrains furent massacrés sans pitié ^
Quant à Eudes, retenu sans doute dans son comté de Troyes,
il ne put empêcher ce désastre, mais tout son mécontente-
ment se tourna contre le roi qui laissait s'accomplir de sem-
blables horreurs. Le pillage de Chartres avait eu lieu le
12 juin, et, dès le mois de juillet suivant, Eudes, accompagné
d'Adalart, abbé de Saint-Bertin , était de l'autre côté du
Rhin auprès de Louis de Germanique et le sollicitait instam-
ment de venir délivrer le peuple de Gaule si mal protégé
contre les Normands. Les deux députés représentèrent à
Louis le triste état de leur pays : personne ne résistant aux
Danois et n'opposant la force à la force , ces brigands pre-
naient, vendaient, pillaient ou massacraient tout; ceux qui
échappaient à leurs coups n'étaient pas mieux traités par
leur souverain ^.
Ce récit était certainement exagéré ; mais il fallait frapper
fortement l'esprit du roi de Bavière pour le décider à marcher
contre son frère. Louis finit par céder aux instances d'Eudes
et d'Adalart, et, ayant assemblé une armée, il partit pour la
Gaule.
Cependant Charles le Chauve s'était résolu à tenter quelque
chose contre les Normands. Il était allé au mois de juillet
assiéger les pirates dans une des îles de la Seine, et était
encore occupé à ce siège, lorsque Louis le Germanique
arriva le l®'" septembre à Ponthion ^. Le roi de Bavière
^ // idus junii, anno incarnationis dominice DCCCLVIIL indictione VI, a
paganis Sequanensibus fada est magna cèdes Carnotis, in qua interempti
sunl: Frotboldus episcopus, Stephanus presbiter, Titulfm presbiter et
monachus, Tttbertus presbiter, Rainulfus presbiter, Adalgaudus clericus,
Landramnus subdiaconus , Leiramnus subdiacontis , Almanaus subdiaconus,
UlgaHus subdiaconm, Adalbertus clericus, Gaubertus clericus, et cetera
multitiido, pro quibtis exorate Dominum (R. Merlet et abbé Clerval, Un
manuscrit cliartrain du XI'' siècle, p. 166).
2 Mense autem julio, legati ab accidente venerunt, Adalhartus abbas et
Oto comes, postulantes eum ut populo periclitanti et in angustia posito
praesentia sua subveniret : tyranmdem enim Karoli se diutim ferre non
passe testati sunt , quia quoa ex eis pagani extrinsecus , nemine resistente
aut scutum opponente , preaando, captivando , occidendo atque vendendo reli-
quissent, ille intrinsecus subdole seviendo disperderet (Ann. Fuldenses, ad
ann, 858, dom Bouquet, VII, 167).
3 Ponthion, Marne, arr* Vitry-Ie-François , c°° Thiéblemont,
— 44 —
passant par les pays de Châlons, de Queudes' et de
Sens, parvint en Orléanais, où il reçut d'Aquitaine et de
Neustrie tous ceux qui depuis cinq ans déjà lui deman-
daient de se mettre à leur tête*. Cette jonction effectuée,
ramené par le comte Eudes vers la ville de Troyes , Louis ,
au cœur même du royaume de son frère, se trouvait en
pays soumis.
Charles le Chauve abandonna alors son entreprise contre
les pirates danois et accourut à la rencontre de ses nouveaux
ennemis; il s'avança jusqu'à Brienne^, non loin de Bar-sur-
Aube; mais, apprenant chaque jour la défection de quelqu'un
des siens, il n'osa engager le combat et s'enfuit en Bour-
gogne où les grands lui étaient demeurés fidèles ( 12 no-
vembre 858). Louis le Germanique de son côté se rendit à
Troyes et y distribua à ceux qui l'avaient appelé en Gaule
les comtés, les monastères, les domaines royaux ; puis il alla
à Attigny, à Reims, à Laon, et célébra les fêtes de Noël dans
le monastère de Saint-Quentin.
Le triomphe du roi de Bavière avait été trop rapide pour
pouvoir être durable. Il était dû surtout à l'intervention des
comtes mécontents de la Neustrie et de l'Aquitaine : quand
ceux-ci furent retournés dans leurs provinces, Louis perdit
avec eux son plus puissant soutien.
Pendant les premiers mois qui suivirent l'époque de la fuite
de Charles en Bourgogne, Louis résida exclusivement dans
les parties orientales de la Gaule ; mais, malgré sa présence
en cette région, il ne put empêcher qu'il ne s'y manifestât en
faveur du roi légitime une réaction provoquée par tout le haut
clergé, sous l'inspiration de l'archevêque Hincmar. Cette
réaction fut même si complète que Charles le Chauve, moins
de trois mois après sa retraite forcée de Brienne , rentrait
victorieusement dans les provinces occupées par son frère
* Queudes, Marne, arr* Epernay, c»*» Sézanne.
2 Intérim comités ex regno Karoli régis Hludowicumy Germanorum regem,
guem per quinque annos invitaverant , adducuni. Qui Kalendis Septembris
PotUeonem, regiam villam, advenienSy per Catalaunos et Cupedenses,
Agedincum Senonum pervenit. Inde Aurelianensem pagum adiens, receptis ah
Aquitania et Niustria atque Britonibus qui ad eum se venturos spoponderant,
eadem pêne via usque ad Cupedenses remeat (Ann. Bertin., ad ann. 858,
dom Bouquet, VU, 74).
3 Brienne-le-Chàteau , Aube, arrt Bar-sur-Aube.
— 45 —
et le forçait à s'enfuir en Germanie presque sans coup férir
(janvier ou février 859) *.
Cet échec inattendu n'abattit pas le parti des seigneurs
révoltés de Neustrie : sous le commandement de Robert et
d'Eudes, ils continuèrent la lutte ; il semble même qu'ils se
maintinrent en possession des pays avoisinant la Bretagne ^.
Ils eurent pour principaux auxiliaires les Bretons; quant
aux Aquitains, effrayés de ne plus être soutenus par Louis
de Bavière, ils se retournèrent du côté de Charles le Chauve.
Pépin qui, dès l'année 854, s'était évadé du monastère de
Saint-Médard de Soissons, fit alors alliance avec le comte
Robert et les Bretons ^.
Au mois de juin 859, Charles le Chauve convoqua un
concile à Savonnières, près de Toul, et fit adresser par cette
assemblée une lettre comminatoire à Robert, à Eudes et à
leurs complices.
Cette lettre fort curieuse nous a été conservée*. « Nous
» nous sommes réunis, disent les évêques, à cause des dis-
» sensions et des luttes de toutes sortes qui se sont élevées
» dans vos régions *. — Vous n'ignorez pas, ajoutent-ils, et
» les sages de ce monde l'ont toujours enseigné, que les
» petites choses croissent par la concorde et que les plus
* Carolus et Hludowicus cominus, preparatis utrinque armatorum cuneis et
erectis vezillis, secus locum qui Breona aicitur convenerunt ; populus qui cum
domno Karolo erat ex parte maxima illum reliquU, sicque eumdem regem
Karolum pridie idus novembris inde abire coegit. Tertio autem mense,
Karolo revertente, qui cum domno Hludowico erant ab eo separati, et solitario
pêne relicto , insequente illum Carolo , de pago Laudunensi ad propria redire
destitutione sua fecerunt (Lettre d'Hincmar, dom Bouquet, VII, 546).
' Les comtés de Robert, par exemple, semblent n'être pas immédiatement
tombés au pouvoir du roi. Car, lorsque Robert se réconcilia avec Charles, il
rentra en possession de ses gouvernements d'Anjou , de Touraine et de Blésois.
Si le roi s'était emparé tout d'abord de ces pays, il en aurait sans doute disposé
en faveur de quelques-uns de ses fidèles, comme il le fit pour les pays de
Troyes et de Cnàteaudun , qui étaient à Eudes et qu'il donna aux comtes Raoul
et Lambert.
3 Aquitani ad Karlum puerum omnes jam convertuntur, Pippinus Rotberto
comiti et Britonibus soctatur (Ann, Berlin,^ ad ann. 859, dom Bouquet,
VII, 75). Ce Karlus puer, dont il est ici question, est un des fils de Charles le
Chauve. Il avait été déjà, en 855, accepté conune souverain par les Aquitains.
* Cf. dom Bouquet, VII, 584.
^ Propter dissensiones et diversas contentiones quae in vestris regionibus
exortae sunt (ibidem).
— 40 —
» grandes périssent par la discorde. La vérité de cette
» sentence est apparue en ce royaume que nous vîmes tou-
» jours grand, quand y régnait la concorde, et que nous
» voyons maintenant presque anéanti, depuis que la discorde
» y est entrée. ^ » Vient ensuite un tableau de tous les excès
auxquels , dans l'ouest de la Gaule , se livraient les troupes
des révoltés, et, à la fin, une menace d'excommunication
générale contre les séditieux s'ils ne dissolvaient au plus
tôt leur fatale société. Cette lettre ne contenait ni promesse
ni garantie pour Robert et ses alliés, au cas oii ils se fussent
soumis au roi : aussi ne pensèrent-ils pas encore à se rendre.
L'année suivante, 860, Louis de Bavière et Charles le
Chauve se réconciliaient publiquement à Coblentz. Charles,
comprenant qu'il devait faire des concessions aux Neustriens
révoltés, s'il voulait les soumettre , fit insérer la clause sui-
vante dans les capitulaires promulgués à cette occasion :
« Quant à ceux qui dans ce royaume se sont soulevés contre
» notre seigneur le roi Charles, s'ils reconnaissent leurs
» torts, Charles veut leur pardonner tout ce qu'ils ont méfait
» contre lui, par égard pour Dieu et pour les prières de
» Louis, son frère ; et, dans ce cas, ainsi qu'il l'a décrété, il
» leur rendra tous leurs alleux, héréditaires ou acquis, même
» ceux qui leur furent donnés par l'empereur, son père,
» sauf toutefois les alleux qu'il leur a concédés lui-même ^. »
Cette promesse pouvait paraître avantageuse aux sédi-
tieux ; mais ils ne s'en contentèrent pas encore ; ils voulaient
rentrer en possession de leurs anciennes charges, ou obtenir,
en compensation de leurs comtés perdus, de nouveaux gou-
vernements.
Charles le Chauve en effet avait, dès 859, disposé en faveur
de son entourage de la plupart des bénéfices ayant appar-
^ Quod verum esse probatur in nobis qui regnum Francorum, cum in
concordia esset, magnum vidimus, et nunc, cum est in discordia^ jam pêne
nullum videmus (dom Bouquet, VII, 584).
- Et ut un homines qui in isto re^no contra seniorem nostrum domnum
Karolum mispriserunt, si se recognovennt, propter Deum et pronter fiatris sui
deprecationem , quicquid contra eum misfecerunt^ eis vult indulgere, et, sicut
praescriptum est , alodes illorum de hereditate et de conquisitu , quod tamen
de donatione sua non venit, sed et illos alodes quos de donatione domni
imperatoris Hludotvici habuerunt, eis concedit, si talem firmitatem ei fecerint,
sicut praediximus (Dom Bouquet, VII, 646).
— 47 —
tenu aux seigneurs qui s'étaient jetés dans la révolte. Nous
en avons la preuve pour Adalart et pour Eudes, les deux
ambassadeurs qui , au mois de juillet 858, étaient allés cher-
cher le roi Louis en Germanie, et il est assez naturel que la
colère de Charles le Chauve se soit d'abord exercée contre eux.
Le 24 mars 859, Charles avait donné à Hugues, son cousin-
germain, l'abbaye de Saint-Bertin qui appartenait depuis
quinze ans déjà à Adalart ^ A la même époque il dépouillait
Eudes de ses comtés de Châteaudun et de Troyes, accordant
le premier à Lambert 2, et le second à Raoul, son oncle ^.
Eudes avait donc eu particulièrement à souflfrir de la ven-
geance du roi. Il était avec Robert le Fort le principal chef
de la révolte. Charles crut qu'il ne parviendrait jamais à
triompher de cette faction, s'il ne faisait de nouvelles conces-
sions à ceux qui la dirigeaient. Au mois de juin 860, il leur
* Igitur vost kaec , anno dominicae nativitaiis DCCCL VIII (859 n.s.) etpraefati
régis Karoli XX , praefalus abbas Adalardus apud eundem regem incusatus,
anno reqiminis sut XVl, abbatia ab eo est abêtracia atque Hugoni iuniori est
data , VIIII Kalendas aprilis , qui erat canonicus et films Chonradi et avun-
ctdus Karoli régis (Cartul. de Saint-Bertin par Guérard, p. 107). Hugues,
qui venait d'être ainsi gratifié de l'abbaye de Saint-Bertin , était l'un des plus
puissants seigneurs bourguignons , près desquels Charles avait , en 858 , trouvé
refuge et protection. Cf. Em. Bourgeois, Hugues Vabbé (Caen, 1885).
2 La petite chronique de Bonneval en Dunois montre qu'en 863 Lambert
remplaçait Eudes comme comte de Châteaudun. A cette date , Lambert donna
aux religieux de Bonneval, pour leur seivir de refuge contre l'invasion des
Normands, un pré et des grottes pratiquées dans le roc sous les murs de
Châteaudun. Deffuncto rege Karolo et germano ejus Ludovico succedente, anno
primo regni ejus , fuit quidam cornes Castrodunensium , Lambertus nomine ,
qui.., dédit... ad refugtum infra Castridunum de prato agripennos duos et
dimidium in proprium... habendos, et criptas desubtus usaue in aauas
(René Uerlei, Petite Chronique de V Abbaye de Bonneval, p. 15, 21 et 22).
Lambert porte ici le titre de cornes Castrodunensium, et cela se conçoit, puisque
c'est comme comte de Châteaudun qu'il agit. Je pense qu'il reçut, avec le Dunois,
le gouvernement du Chartrain ; car, depuis le commencement du IX® siècle , ces
deux pays semblent avoir été entre les mains d'un même comte , comme ils le
furent toujours dans la suite.
^ Raoul apparaît comme comte de Troyes dans deux diplômes royaux , qu'il
obtint en faveur de l'abbaye de Montiéramey. Le premier, daté du 15 juillet 863,
a été publié par M. A. Giry (Documents carolingie?is de l'abbaye de Montiéramey^
dans Etudes d'histoire du moyen âge dédiées à Gabriel Monod. Paris, 1896,
in-80, p. 125). — Le second diplôme, où Raoul intervient comme comte de
Troyes, est daté du 15 mars 864. Le roi, à la prière de son oncle Raoul,
confirme aux religieux de Montiéramey les essarts que les moines ont faits
sur un terrain dépendant du comté de Troyes (Cf. dom Bouquet, VIII, 590).
Raoul , comme Hugues l'abbé , était resté fidèle à Charles le Chauve pendant
la révolte de 858 (Voir une lettre d'Hincmar, dans dom Bouquet, VII, 523).
- 48 —
avait assuré à Coblentz la rentrée en possession de toutes
leurs terres allodiales ; en 861, il fit plus encore. Il promit de
leur rendre celles de leurs charges qui seraient vacantes ou
de leur conférer d'autres honneurs en échange de ceux qui
seraient perdus.
Ces avances du roi mirent fin à la sédition. Vers le milieu
de Tannée 861 , la plus grande partie des factieux se soumi-
rent à Charles, qui les combla de ses faveurs. Peu de temps
après, Charles, traversant la Seine, allait lui-même recevoir
à Meung-sur-Loire ^ Robert, qui*, au dire d'Hincmar, obtint
du roi tout ce qu'il voulut^. Et, de fait, depuis ce jour, la
puissance de Robert, alla toujours en grandissant : il fut
réintégré dans tous ses offices, et, jusqu'à sa mort, il domina
plus complètement que jamais sur la Neustrie.
Quant à Eudes, qui était très problablement présent à l'as-
semblée de Meung , le roi ne se montra pas moins généreux
à son égard. Une nouvelle période s'ouvre dès lors dans sa
carrière politique. Les gouvernements du Dunois et du
Troiesin ne pouvaient lui être restitués ; mais tous les alleux,
qu'il avait jadis possédés en ces contrées et qui lui étaient
rendus aux termes du traité de Coblentz , lui garantissaient
ainsi qu'à ses descendants une influence considérable dans
ces deux pays. D'autre part, il fut bientôt appelé à de nou-
velles fonctions.
Charles le Chauve méditait alors de s'emparer de la
Provence, où régnait son neveu, Charles^, prince encore
jeune et affligé d'une maladie épileptique. Quelques mois
après l'assemblée de Meung-sur-Loire , le roi des Francs,
pour réaliser ses projets, levait une armée et marchait sur
Lyon, séjour habituel de son neveu. Mais il rencontra dans
le duc Girart, principal conseiller du roi de Provence, un
< Meung-sur-Loire, Loiret, arr* d'Orléans, ch. L con.
2 Pêne omnes , qui nuper a Karolo ad Hludowicum defecerant, ad Karolum
reverluntur, et ab eo familiarilaie et honoribus redonantur, — Karolus
Rodbertum cum placitis honoribus recipit (Ann. Berlin., ad ann, 86i^
dom Bouquet, Vil, 77). Nous voyons par le cartulaire de Saint-Bertin que, le
25 juillet 861 , Adalart fut réintégré par Charles le Chauve dans la jouissance
de l'abbaye (Guérard, CartuL de Saint-Bertin, p. 109).
3 Charles, roi de Provence , était fils de l'empereur Lothaire. Il avait deux
frères : Louis , empereur et roi d'Italie , et Lothaire, roi de Lorraine.
— 49 —
redoutable adversaire. Son armée ne put aller plus loin que
Mâcon% et, après plusieurs revers, elle fut forcée de rétro-
grader vers le nord (fin de Tannée 861).
A cette courte et infructueuse expédition se rattache Tori-
gine de l'autorité déléguée au comte Eudes sur toute la
région adjacente à la Saône. Depuis lors, Eudes joua un rôle
prépondérant en Bourgogne, où la présence d'un agent
éprouvé devenait indispensable à Charles le Chauve pour
faire face à toute tentative d'hostilité de la part des Proven-
çaux ; car, de l'autre côté de la Saône, s'étendait le duché de
Lyon où commandait le vaillant comte Girart.
La première fois que les textes contemporains nous mon-
trent Eudes établi en cette contrée, c'est dans le courant de
l'année 863. Les moines de Glanfeuil, en Anjou (aujourd'hui
Saint-Maur-sur-Loire) S ayant voulu, par crainte des Nor-
mands, mettre en lieu sûr les reliques de leur patron saint
Maur, les avaient transportées près du Mesle ^ au diocèse de
Sées, où elles étaient demeurées un an et demi. Après ce
laps de temps, en 863, les moines se virent de nouveau
contraints par les incursions des pirates danois d'abandonner
leur refuge ; ils ne savaient plus où aller, quand l'idée leur
vint d'implorer l'aide du comte Eudes, alors tout puissant en
Bourgogne , et qu'ils avaient connu autrefois comme comte
d'Anjou. Eudes leur accorda aussitôt, en deçà de la Saône,
un grand domaine où le corps de saint Maur resta quelque
temps en sûreté ^
^ Ann. Berlin., ad ann. 861, dom Bouquet, VII, 77,
2 Saint-Maur-sur-Loire , hameau de la commune de Saint-Georges-des-Sept-
Voies, Maine-et-Loire, arr^ Saumur, c**^ Gennes.
3 Mesle-sur-Sarthe (le), Orne, arr' Alençon, ch. I. c<>».
* Tous ces renseignements se trouvent dans le récit de la Translation de
saint Maur par Eudes , abbé de Glanfeuil. Ce récit a été publié plusieurs fois :
la meilleure édition est celle donnée par Mabillon (Acta SS. Ord, S. Benedicti,
saec. IV. pars 2, p. 173). La bibliothèque municipale de la ville de Chartres
possède un manuscrit de la fin du IX« siècle contenant la Vie et la Translation
de saint Maur par F abbé Eudes. Ce manuscrit semble avoir été copié dans le
temps même oii Eudes vivait : il doit dériver directement du manuscrit original.
J'ai emprunté à ce mss. le passage suivant qui fait partie de la préface mise par
Eudes en tète de la vie de saint Maur. \Cum nullus] jam uspiam refugii nobis
tutiis superesset locus,., cum corpore ejusdem sancti Mauri partes Burgundiae
petere aecrevimus. Cumque in predium inlustris viri Auaonis comitts, dira
flumum quem Ararim vocant , devenissemus , quod nobis^ ob reverentiam et
T. XII, M. 4
— 50 —
Le 25 janvier de cette même année 863, Charles, roi de
Provence, était mort subitement à Lyon sans laisser d'enfant.
Ses deux frères, Tempereur Louis, roi dltalie, et Lothaire,
roi de Lorraine, se partagèrent sa succession : Louis eut
la partie méridionale de l'ancien royaume de Provence,
Lothaire en eut la partie septentrionale et devint ainsi sou-
verain de tous les pays situés à Test de la Saône , depuis la
source de cette rivière jusqu'à Lyon, c'est-à-dire souverain
de ce qu'on appelait en ce temps la Bourgogne cisjurane.
Girart conserva la garde du duché de Lyon qui comprenait
la plus grande partie de ce territoire.
Ce voisinage importunait Charles le Chauve, qui ambition-
nait de donner à ses États les limites naturelles du Jura et
des Alpes. Aussi, jusqu'en 809, année où mourut Lothaire,
ces deux rois furent-ils toujours sur le pied de guerre, et ils
en seraient certainement venus aux mains sans l'interven-
tion réitérée du pape.
Dès 803, la situation politique était des plus tendues de
part et d'autre sur les rives de la Saône. Outre le témoi-
gnage que nous en donne Réginon\ Hincmar en fournit
la preuve dans ses Annales. Vers le mois de mai 863,
Charles le Chauve revenait de Neustrie ^ , quand se présen-
tèrent à lui trois députés des rois Louis et Lothaire, lui
demandant de ne pas troubler la paix générale. Cette paix,
dit Hincmar, Charles voulut toujours la conserver, tant que
les hostilités de ses ennemis le lui permirent, quantum infes-
tât io contrariorum sibi permisit ^. Hincmar fait ici allusion
aux événements des années 803 et 804. Les confrarii \
amorem sancti corporis sive etiam pro aeterna remuneratione^ aliquandiu ad
habiiandum concesserat^ benigno favore ibidem commorantium ac munifica
largitate excepti, anno dominicae incamationis octinaentesimo setxagesimo
tertio, indictione décima , digno cum honore, congruo iïlud et apto condidimus
loco (ms. 89 de la bib. com. de Chartres). L'abbé Eudes écrivait ces lignes
vers 868.
^ Carolus rex, filius Hlotarii imperatoris, moritur, qui Provinciam regebat,
et ex regno quod tenuerat facta est nan modica controversia inler Hlotarium
regem et avunculum ejus Carolum (Reginonis chronicon, Pertz, Scriptores,
T. I, p. 659).
2 Charles avait célébré, le 11 avril 863, la fête de Pâques au Mans.
3 Cf. domBouquet, VII, 81.
* On retrouve les seigneurs bourguignons du royaume de Lothaire ainsi
— 51 --
dont il parle, ce sont les seigneurs de Bourgogne cis-
jurane dont le duc Girart était le chef. La plupart d'entre
eux possédaient des domaines dans le royaume de Charles
le Chauve et refusaient cependant de prêter à ce prince
le serment de fidélité, ne voulant ^n aucune façon recon-
naître son autorité. Charles irrité ordonna la confiscation
de tous leurs biens, a Qu'il ne soit permis , dit-il dans un
» de ses capitulaires, en 865, à aucun de ceux qui nous refu-
» sent serment de fidélité, infidèles vel contrarii nostri, s'ils
» sont hommes libres, de demeurer en notre royaume et d'y
» posséder quoi que ce soit ^ . »
Le duc Girart était le plus en vue parmi ces infidèles ou
contrarii, Flodoard, dans son Histoire de l'Église de Reims,
nous a conservé le résumé fort curieux d'une lettre que
Girart adressait à cette époque à l'archevêque Hincmar. Le
comte de Lyon avait, dans le royaume de Charles le Chauve,
aux environs d'Auxerre et de Langres, de vastes possessions
et y avait fondé, vers l'année 860, deux abbayes, l'une à
Vézelay, l'autre à Pothières. Ayant appris que tous ses biens
allaient être confisqués par le roi, ainsi que les deux monas-
tères qu'il venait de mettre sous la protection du Saint-
Siège, il écrivit à Hincmar, le priant d'avertir Charles le
Chauve que , si les deux abbayes n'étaient pas respectées,
lui Girart s'emparerait de tout ce qui pouvait appartenir au
roi des Francs dans la Bourgogne cisjurane 2.
Comme le prouve cette lettre du duc Girart, les biens d'un
certain nombre de seigneurs bourguignons durent être alors
désignés par Charles le Chauve lui-même , dans les capitulaires qu'il envoya en
Bourgogne au mois de février 865 : nostri infidèles et communes contrarii
(cap. I) ; idem (capit. XIII). Voir dom Bouquet, VII, 667 et 669.
^ Praecipimus... ut omnes qui fidelitatem nohis adhuc promissam non
habenty fiaeliiatem nobis promiilant ; ... ut qui fidelitatem nohis promiserunt,
etpost Ulud sacramenlum ad infidèles nostros in nostrum damnum se conjunxe-
runt, proprietas illorum in nostrum indominicatum recipiatur ; ... ut nullus
infiddium nostrorum, qui liberi homines sunt, in nostro regno immorari vel
proprietatem habere permittatur, nisi fidelitatem nobis promiser it^ et noster
aut nostris fidelis homo deveniat (dom Bouquet, VII, 668).
2 De hoc etiam quod scripserat [Hincmaro] hic comes [Gerardm] se
audisse quod rex iste Karolus monasteria vellet usurpare quae beato Petro
apostolo idem Gerardus tradiderat , et quia si res ipstus , quae in hoc regno
eonjacerent , ab eo forent ablalae , ipse , ticet invitus , res hujus regni quae in
iUo habebantur regno praesumeret (Flodoard, Hist. eccl. Rem. 1. III, c. 26,
Pertz , Scriptores , XIU , 540 ) .
— 52 —
mis sous séquestre. Les fonctions, que le comte Eudes exer-
çait en Bourgogne , le désignaient pour présider à l'exécu-
tion des ordres de Charles le Chauve , et nous voyons en
effet qu'il fut chargé de veiller à la confiscation des domaines
des seigneurs infidèles \
Ces violentes dissensions, qui éclatèrent vers 863-864 entre
Charles le Chauve et les seigneurs bourguignons du royaume
de Lothaire, faillirent amener une guerre générale. Lothaire
prit fait et cause pour ses sujets. Vers le mois de mai 864,
il eut, à Orbe en Suisse , avec son frère l'empereur Louis ,
une entrevue où ils durent s'entendre sur les moyens
à prendre pour empêcher Charles le Chauve de porter la
moindre atteinte à l'ancien royaume de Provence.
A dater de cette entrevue , l'empereur Louis ne manqua
pas une occasion de témoigner à son oncle Charles le Chauve
le plus mauvais vouloir. Un mois à peine s'était écoulé, qu'il
refusait aux députés de Charles l'entrée en Italie ; peu après,
il défendait au Pape de lui envoyer des ambassadeurs ^.
* Un bourguignon , nommé Evrard , possédait , près de Màcon , la villa de
Sennecé. Ce seigneur, ayant refusé de prêter serment de fidélité à Charles le
Chauve, sa villa fut confisquée au profit du fisc royal. Quand la paix fut faite,
Evrard réclama de Charles la restitution de Sennecé : Charles y consentit , et
Evrard se dessaisit aussitôt de ce domaine en fîAveur d'un de ses neveux,
Adalart ; mais il n'avait pas eu la précaution de se munir d'un diplôme royal
constatant sa rentrée en possession. Le comte Eudes, dans une de ses tournées,
voyant Adalart détenir indûment une villa récemment mise sous séquestre , s'en
saisit de nouveau au nom du roi. L'affaire ne fut terminée que le «juin 871. A
cette date , Charles le Chauve accorda à Adalart un diplôme qui lui confirmait
la possession de Sennecé. C'est dans ce diplôme que se trouvent les quelques
renseignements relatifs à ce différend: Aledrannus, dit le roi, ...intulit qualiter
Hevrardus res sue proprietatis , sitas in comitatu Matisconensi, in villa que
vocatur Senisciacus.,. contra nos, a nostra fidelitate deviando, forfecerit et
oh id ad fiscum nostrum ipse res devenerunt... Nos easdem res.,. Hevrardo...
reddiderimus , et ipse eas nepoti suo... Adalardo tradiderit.., Oddo cornes
easdem res ad nostrum fiscum receperit, quia Hevrardus..., cui ipsas res
reddimus, preceptum... non exinde obtinuerit (Bruel, Cart, de Cluny, T. I,
p. 20).
2 Lotharius obviam fratri suo ad locum qui Urba dicitur vadit. Carolus
cum epistolis , per Rodbertum , Cinomannicae urbis episcopum , Romam, sieut
Apostolicus jtisserat, Rothadum dirigit... quibus Hludowicus transitum
denegat {Ann. Bert., ad ann. 864, dom Bouquet, VU, 87). — Hludowicus a
NicolaOy Romanae sedis pontifice, per Arsenium apocrisarium petitur ut
eidem papae legatos suos liceat pro quibusdam causis ecclesiaslicis ad Carolum
mittere ; sed credens quia non sincera intentione adversus eum velit in
Franciam missos suos dirigera, contradicit (Ann. Bert.y ad ann. 864,
dom Bouquet, Vil, 88).
— 53 —
De son côté, Charles, vers le milieu du mois de février 865,
eut, àTousey^ près de Vaucouleurs , une conférence avec
son frère Louis le Germanique. Il envoya de là en Bourgogne
plusieurs capitulaires qui nous ont été conservés. Les dispo-
sitions qui y sont contenues offrent le plus haut intérêt : elles
nous montrent quelle était alors la situation politique des
marches bourguignonnes, situation sur laquelle les historiens
ont gardé le silence le plus absolu. D'après ces capitulaires,
les États de Charles le Chauve étaient, semble-t-il, sur le
point d'être envahis.
« Si ceux qui nous sont infidèles, dit le roi , s'apprêtent à
» dévaster notre royaume, nous voulons que tous nos fidèles,
» tant évêques qu'abbés , comtes, hommes des abbesses et
:» vassaux, s'unissent entre eux dans retendue d'un missa-
» ticum; que nos missi veillent à ce que chaque évêque, abbé
» et abbesse envoient, au temps et lieu indiqués, leurs
» hommes tout armés sous la conduite d'un gonfalonier. Et
» si un seul missaticum ne suffit pas à repousser les ennemis,
» que nos missi réclament au plus vite l'aide du missaticum
» voisin : si cela n'était pas suffisant, qu'ils aient alors recours
» à notre personne pour que nous leur apportions par nous-
» même ou par notre fils le secours nécessaire. Quant à nos
» missi, évêques, comtes et vassaux, résidant sur les fleuves
» que doivent traverser nos ennemis, qu'ils fassent en sorte
» de bien garder leurs navires pour empêcher toute descente
» préjudiciable à notre royaume. Et si, dans la suite, par la
» négligence de quelqu'un, ces dits navires n'étaient pas
» bien gardés, qu'on nous le fasse savoir pour que nous
» agissions à l'égard du contempteur de nos ordres comme
w à l'égard d'un traître au pays 2. »
• Tousey, c»° Vaucouleurs, Meuse, arr» Commercy.
2 Praecipimus.., ut si infidèles nostri se adunaverint ad devastationem
regni nostri, fidèles nostri, tam episcopi quam ahbates et comités et abba-
ttssarum homines , sed et ipsi comités ac vassi nostri seu ceteri qui(jjm fidèles
Dei ac nostri de uno missatico se in unum adunare procurent. Et mtssi nostri
de ipso missatico providentiam habeant qttaliter unusquisque episcopus, vel
abbas seu abbatissa, cum omni plenitudine et necessario hostili apparatu
et ad temptts , suos homines illuc transmiserit cum guntfanorio. . . Et si de
uno missatico ad hoc praevalere non potuerint , ad alium missaticum celeriter
missos suos dirigant , et omnes , sicut praediximus , de alio missatico ad illos
qui indigent praeparati occurrant. Et si illi duo missalici ad hoc non suffecerint,
nobis ad tempus hoc mandent, qualiter aut per nos, aut per filium
— 54 —
Ces dispositions, on le voit, sont loin d'être pacifiques.
Lothaire se montra extrêmement effrayé de l'entrevue de
Tousey : il crut que ses oncles méditaient d'anéantir son
propre royaume. Sans perdre un instant, il écrivit à son
frère Louis d'obtenir du pape qu'il intervînt auprès des deux
rois pour le maintien de la paix et la sauvegarde du royaume
de Lorraine ^
Le pape Nicolas consentit aisément à remplir ce rôle de
pacificateur. Dès le mois de juin 865, il envoyait au-delà des
Alpes le légat Arsenius ^. Nous possédons les lettres du pape
annonçant l'arrivée d'Arsenius aux évêques de Gaule : il les
invite entre autres choses à avertir le roi Charles de renoncer
à sa téméraire ambition, de ne plus convoiter le royaume
de l'empereur Louis ni de menacer les frontière du roi
Lothaire ^. Faut-il attribuer à l'influence du pape Nicolas P*"
la paix qui suivit de près la venue en Gaule du légat Arsenius?
Vers le mois de juillet 865, Charles et Lothaire se réconci-
lièrent solennellement à Attigny% et, depuis cette époque,
leurs rapports restèrent assez pacifiques. Charles cependant
hostrum, aut sicut viderimus, eis necessarium solatium transmittimus... Et
missi nostri , cum episcopis et comitibus ac vassis nostris , qui super ayuas
commanent , per quas infidèles nostri ad regnum nostrum transeunt, ordtnent
qualiier illae naves custodiantur, ne infidèles nostri ad regnum nostrum
devastandum transire possint. Et per eu jus neglectum ipsae naves postea bene
custoditae non fuerint , nobis renuntietur , ut nos decemamus ^uatiter de illo
contemptore praecepti nostri quasi de proditore patriae agi debeat (dom
Bouquet, VII, 669 et 670).
* Lotharius, vero putans quod sibi regnum subripere et inter se vellent
dividere, Liutfridum avunculum suum ad fratrem et Italiae imperatorem
tratismittil , pelens illum apud Apostolicum obtinere quatenus pro eo patruis
suis epistolas mitteret ut^ pacem servantes, de regno suo nullum ei impedimen-
tum facerent ; quod et aludowicus imperator obtinuit (Ann. Bert., ad ami.
865, dom Bouquet, VII, 89).
2 Arsenius episcopus, Nicolai, papae Romanae urbis, legatus, ob pacem
et concordiam tnter Hludowicum et Karolum fratrem ejus , necnon Hlotarium
nepotem eorum, renovandam atque constituendam missus est in Frandani
(Ann, Fuld., ad ann. 865, dom Bouquet, VII, 172).
3 Cesset temeraria praesumptio, et avidi anhelitus medullitus comprimantur,
maxime finibus dilecti filii nostri excellentissimi Augusti , vel a métis regni
uterini ejus longe distantis (dom Bouquet, VII, 404).
^ Interea Lotharius missos suos ad Carolum dirigit, volens etpetensut mutua
firmitate inter eos amicitia foederarentur : quod, et Irmentrude résina interve-
niente, obtinuit. Et veniens in Attiniacum, amicabiliter et hononfice a Carolo
est susceptus et foedere postulato receptus (Ann. Bert., ad ann. 865, dom
Bouquet, VII, 91).
-- 55 —
ne renonça jamais, comme la suite des événements le prou-
vera, au désir de joindre à ses États l'ancien royaume de
Provence ; mais peut-être l'attitude résolue des seigneurs de
cette région , et peut-être aussi quelques revers que n'ont
point signalés les historiens, le déterminèrent-ils à accepter
une trêve temporaire. Il est certain qu'en 868 le duc Girart
et Charles le Chauve étaient dans les meilleurs termes,
comme le prouve un diplôme où Charles appelle Girart
carissimus valdeque amant issimiis nobis ^
Après la conclusion de cette paix, il fut loisible au comte
Eudes de se relâcher pendant quelque temps de l'active sur-
veillance qu'il avait dû exercer jusque là en Bourgogne.
Dans les premiers mois de l'année 866, l'oncle du roi, Raoul,
comte de Troyes, mourut subitement. Eudes, qui avait été
dépouillé en 859 du comté de Troyes, put alors rentrer en
possession de ce gouvernement 2, et cela explique comment,
aussitôt après la mort de Raoul, il eut à intervenir dans les
contrées voisines de la Seine. Les Normands, ayant remonté
le cours de ce fleuve, s'étaient avancés jusqu'à Melun. Pour
empêcher leur débarquement, Charles le Chauve dirigea
contre eux plusieurs troupes : à la tête de la plus importante,
il préposa Robert le Fort et le comte Eudes. La renommée
de Robert et d'Eudes brillait alors du plus vif éclat;
mais cette expédition n'ajouta rien à leur gloire. S'étant
trouvés trop inférieurs en nombre, ils aimèrent mieux
reculer que livrer combat aux Normands, et les pirates,
chargés de butin, purent impunément regagner leurs navires.
A la suite de cet échec, Charles le Chauve dut acheter la paix
de ces pillards moyennant quatre mille livres d'argent^.
^ Voir Aug. Longnon, Girart de Roussillon dans r histoire (Bévue
historique, année 1878, p. 260).
2 Ce qui donne lieu de croire qu'en 866, Eudes rentra en possession du
comté de Troyes , c'est que , après sa mort , ses deux fils lui succédèrent lun
après Tautre dans cette charge.
3 Rodulfus, Caroli régis avunculus, passione colica moritur. Norimanni
per alveum Seqtianae ascendentes usque ad castrum Milidunum, et scarae
Karoli ex utraque parte ipsius fluminis pergunt; et, egressis eisdem
Nortmannis a navibus , super scaram quae major et fortior videbalur, cujus
praefecti erant Rodbertus et Odo, sine conflictu eam in fugam mittunt, et,
onustis praeda navibus, ad suos redeunt. Karolus cum eisdem Nortmannis in
quatuor millium libris argenti ad pensam eorum paciscitur (Ann. Bert.,
ad ann. 866, dom Bouquet, VII, 92).
— 56 —
Le comte Eudes continua d'ailleurs d'exercer jusqu'à sa
mort les fonctions que le roi lui avait confiées dans toute la
région adjacente à la Saône. A la fin du mois de décembre 866,
en compagnie dlsaac, évêque de Langres, il présidait à Lux * ,
comme nijssus dominicus, un plaid de justice. A ce plaid
comparut l'avoué du monastère de Saint-Bénigne de Dijon,
portant plainte contre un certain Hildederne , qui avait fait
abattre par ses fermiers des chênes de la forêt de Saint-
Bénigne sur les territoires de Cessey ^ et de Bressey ^.
Hildeberne fut assigné à comparaître dans les quarante
nuits par devant Eudes et Isaac qui s'apprêtaient à poursuivre
leur tournée d'inspection dans l'Attouar et l'Oscheret*. Les
quarante nuits expirées, au mois de février 867, le comte
Eudes et Isaac se trouvaient à Couzon, in Curagone^^ sur les
frontières des pays de Langres et d'Attouar : l'avoué de
Saint-Bénigne se représenta devant eux. Hildeberne ne ré-
pondit pas à l'assignation et fut condamné par défaut*. Deux
ans plus tard, Eudes était encore appelé en cette contrée par
ses fonctions de missus dominicus. Comme il était à Cou-
ternon ^ pour y rendre la justice, le procès entre Hildeberne
et l'avoué de Saint-Bénigne fut définitivement terminé •.
^ Lux, Côte-d'Or, arr* Dijon, c^n Is-sur-Tille.
3 Cessey-sur-Tille , Côte-d'Or, arr^ Dijon, c»" Genlis.
3 Bressey-sur-Tille, Côte-d'Or, arrt et c®" Dijon.
^ Post XL noctes , in proxitno mallo quod in Uscarense et in Attoeriis ipsi
missi tenant. — Sur les deux pagi d'Attouar et d'Oscheret, \oir Aug. Longnon ,
Atlas historique, p. 96.
^ Couzon, Haute-Marne, arr* Langres, c*>» Prauthoy.
® Les deux actes relatifs à cette affaire se trouvaient dans le cartulaire de
anno XXVII reananfe Karolo rege^ c'est-à-dire le mois de décembre 866. Le
second acte postérieur de 40 jours au premier est de février 867. Le copiste du
cartulaire de Saint-Bénigne l'a daté du mois de février de la XXVIII® année du
règne de Charles le Chauve ; c'est la XXVII« année qu'il faut lire. Les erreurs de
transcription de ce genre ne sont pas rai*es dans les cartulaires. Peut-être même
n'y a-t-il pas erreur de transcription ; il est possible que le rédacteur de la charte
ait ajouté une unité à l'année du règne en même temps qu'à l'année de l'incar-
nation , et qu'il ait fait son calcul comme si Charles le Chauve était devenu roi
le 1®»" janvier 840.
' Couternon, Côte-d'Or, arr* et c®" Dijon.
^ Pérard, ibid., p. 149. Cet acte est ainsi daté: Die martis, in Curtanono,
anno XXX régnante domino nostro Karolo rege.
— 57 —
L'influence du comte Eudes sur la région supérieure du
cours de la Saône est donc certaine; mais elle s'étendait
beaucoup plus bas jusqu'en Maçonnais et en Autunois. Nous
avons déjà vu comment Eudes intervint vers cette époque
dans le comté de Mâcon, où il confisqua au nom du roi la
villa de Sennecé. Un autre document du même temps nous
le montre pris comme arbitre dans le comté d'Autun pour un
diôérend qui s'était élevé au sujet de la villa de Perrecy^
L'archevêque de Bourges, Vulfald, et le comte Eccard se
disputaient la propriété du domaine de Perrecy. Vulfald
intenta un procès à Eccard : l'affaire fut portée devant
l'évêque d'Autun, Leudo, et le comte Adalart^, qui, comme
missi domittici , tenaient un plaid dans le village de Mont^.
Les deux parties produisirent divers témoins : l'un d'entre
eux, nommé Mauron, prétendit qu'on avait déjà eu recours
au comte Eudes relativement à la possession de Perrecy ;
mais il ignorait ce qui en était advenu *.
Le comte Eudes, avant de mourir, fut encore employé à
diverses missions par Charles le Chauve. Le 8 août 869,
Lothaire, roi de Lorraine, finissait misérablement ses jours à
Plaisance, en Italie. Ce fut une occasion pour Charles de dé-
tourner à son profit un héritage si longtemps convoité. Un
mois ne s'était pas écoulé depuis la mort de Lothaire qu'au
mépris des droits de l'empereur Louis, frère et héritier du
défunt, Charles le Chauve faisait déjà acte d'autorité en
Provence. Il députait à Vienne le comte Eudes et signifiait à
l'archevêque de cette ville, Adon, de sacrer Bernier comme
évêque de Grenoble*.
* Perrecy-les-Forges, Saône-et-Loire , arr* Charolles, c^n Toulon-sur-An*oux.
2 Le comte Eccard gagna son procès contre Vulfald , car, en 876, il donnait
la villa de Perrecy à l'abbave de Saint-Benoît-sur-Loire (Gallia Christiana,
T. VIII, col. 15U).
3 Mont, Saône-et-Loire, aiT* Charolles, c"" Bourbon-Lancy.
^ Deinde audivit qmd venit ad Odono comiti pro ipsa ratione^ sed nesciebat
quod inde fecit; amplius illi cognitum non erat (Pérard, ibid., p. 33). Cet
acte n'est point daté : sa rédaction se place entre les années 866 et 871 . En
effet Vulfald fiit archevêque de Bourges de 866 à 876 ; d'autre part, le comte
Eudes mourut en 871.
» La lettre de Charles le Chauve ordonnant à Adon de sacrer Tévêque de
Grenoble fut reçue par Adon le 27 août, accepta VI kal. septembris (dom
Bouquet, VII, 560). Eudes était déjà depuis cpielques jours à Vienne: Per
Odonem et alios fidèles nostros volurUatem nostram vobis aperuimus (ibidem).
— 58 -^
Toutefois Charles ne fut pas sans rencontrer d'obstacles
dans la réalisation de ses projets. Une grande partie des sei-
gneurs provençaux, et surtout le comte de Lyon , Girart, lui
opposèrent la plus vive résistance. D'autre part, l'empereur
Louis, dont les droits à l'héritage fraternel étaient indiscu-
tables, fit intervenir le pape Adrien en sa faveur ^
Charles le Chauve ne pouvait plus triompher que par la
violence. Mais, avant de marcher sur Lyon les armes à la
main, il voulut s'assurer la neutralité de son frère, Louis de
Bavière. A cet effet, il consacra l'année 870 presque tout
entière à des négociations qui amenèrent la conclusion du
traité de Mersen (8 août 870). Aux termes de ce traité, Charles
et Louis de Bavière partageaient entre eux les États de leur
neveu, le roi Lothaire ^. La majeure partie de la Bourgogne
cisjurane, les comtés de Lyon, de Vienne, de Viviers et d'Uzès
échurent à Charles.
L'empereur Louis comprit alors que toutes ces provinces
allaient lui échapper : il tenta une dernière fois d'employer
contre l'usurpateur l'influence du pape et les menaces d'ana-
thème^. Vers le mois de novembre, Charles le Chauve mar-
chait sur Lyon , s'en emparait, et, avant le 25 décembre , la
ville de Vienne, longtemps défendue par Berthe, la
vaillante femme du comte de Lyon , tombait au pouvoir du
roi des Francs. Toute résistance était désormais inutile :
Girart vint lui-même se livrer à Charles, qui lui accorda
trois navires pour se retirer par le Rhône, en emportant
tous ses meubles *.
Après la prise de Vienne , le gouvernement du comté fut
donné à Boson, beau-frère du roi *. Le comte Eudes paraît
avoir rempli à Lyon une mission analogue à celle de Boson
à Vienne. Il fit en effet restituer alors à Rémy % archevêque
< Ann. BerL, ad ann. 869, dom Bouquet , VII, 107 et 108.
3 Ann. Bert,, ad ann. 870, ibidem, VII, 108 et 109.
3 Ann. Bert., ad ann. 870, ibidem, VII, 111.
* Carolus , tribus navibus Gerardo datis , per Rhodanum , cum sua uxore
Berta et mobilibus suis a Vienna permisit abscedere (Ann. Bert., ad ann. 871,
dom Bouquet, Vil, 112).
5 Ipsam Viennam Bosoni, fratri uxoris suae, commisit {ibidem).
^ Le diplôme de Charles le Chauve confirmant cette restitution n'est pas daté.
Il dut être accordé en 871 , puisque Charles n'entra à Lyon que vere
— b9 —
de Lyon, les villas de Changy en Autunois ^ et d'Écuelles en
Chalonnais ^.
Je crois que vers la même époque Eudes rentra en posses-
sion du comté de Châteaudun qui lui avait été enlevé en 859.
Lambert, qui l'avait remplacé dans cette charge, semble être
mort ou du moins avoir quitté la Gaule vers 870^ ; le roi au-
rait alors rendu à Eudes , fidèle exécuteur de ses comman-
dements, Melitatis strenuus executor, les offices que ce comte
avait autrefois possédés*. Quelques années plus tard, en
effet, le fils aîné d'Eudes est signalé comme exerçant son
autorité sur les pays de Châteaudun et de Chartres.
Eudes ne survécut guère à la conquête du duché de Lyon
par Charles le Chauve. Signalé une dernière fois le 8 juin 871 ^
il mourut le 10 août de la même année *, léguant au chapitre
décembre 870 et au'Eudes mourut le 10 août 871. Ce diplôme a été publié par
dom Bouquet , VIII , 622 : Eudes y est ainsi désigné : Oddo illustris cornes et
nostrae fideliiatis strenuus executor.
^ Changy, Saône-et-Loire , an-i et c»" Charolles.
3 Ecuelles, Saône-et-Loire, c*" Verdun-sur-le-Doubs , arr^ Chalon-sur-Saône.
3 Le comte Lambert appartenait , suivant toute vraisemblance, à la famille
des Lamberts et des Guis, puissante en Neustrie au IX** siècle, et à laquelle se
rattachait la branche italienne des ducs de Spolète. Un allemand, M. Wûstenfeld,
a publié un important travail sur cette mmille dans les Forschungen zur
deùtschen Geschichte (T. IIÏ, année 1863, p. 383-434). M. Wûstenfeld a
signalé la présence en Italie , dans le courant de l'année 871 , d un comte de
Gaule , nommé Lambert , lequel se trouva mêlé aux luttes que soutint alors le
duc de Spolète, Lambert, contre l'empereur Louis II, {livre ctté, p. 404 et 405).
Pour distinguer ces deux homonymes, Hincmar dans ses annales appelle le
comte de Gaule, Landbertus Calvus. Ce qui prouve, connue rajustement fait
observer M. Wûstenfeld, que ce personnage était bien connu en deçà des Alpes.
On pourrait peut-être reconnaître dans ce comte de Gaule, surnommé par
Hincmar, Lambert le Chauve, notre comte de Châteaudun, Lambert, qui
aurait été attiré en Italie par la haute fortune et la renommée de son parent, le
duc de Spolète. Lambert le Chauve mourut dans le sud de TltaUe, en 873
(Ann. Berlin., ad ann. 873, dom Bouquet, VII, 116).
* A cette époque le roi se plaisait à accumuler entre les mains de ses favoris
honneurs sur honneurs. C'est ainsi que Boson, déjà comte en Bourgogne, était,
en 871 , gratifié du comté de Vienne ; en 872, du comté de Boui^es ; en 876,
du duché de Pavie (Ann. Sert., à ces dates). Dans le même temps, Hugues
l'abbé était à la fois comte de Toui-s, d'Angers, d'Orléans et duc des pays
d'entre Seine et Loire (Cf. Em. Bourgeois, Hugues lAbbé).
^ Il s'agit ici du diplôme de Charles le Chauve, daté du 8 juin 871, où
Eudes est mentionné conrnie délégué du roi en Maçonnais (Bruel, Cart. de
Cluny, I, 20).
® On lit dans l'obituaire du chapitre de Saint-Martin de Tours au IV des Ides
d'août (10 août): Obiit FredegisuSy abba, et OdOy cornes (Nécrologe de
— co-
de Saint-Martin de Tours la villa de Nogent en Omois, que
le comte Boson et Bernard, ses exécuteurs testamentaires,
remirent entre les mains de Fabbé Hugues, en ce même mois
d'août 871 <.
Eudes avait épousé Guandilmode : il eut de son mariage
deux fils, Eudes et Robert, Au mois de mai 846, Eudes et
Guandilmode avaient fait ensemble une donation au chapitre
de Saint Martin de Tours : leurs deux fils ne devaient pas
être encore nés ^. Guandilmode mourut avant son mari. Le
testament d'Eudes en faveur du chapitre Saint-Martin de
Tours nous apprend en effet qu'Eudes avait, à la mort de
Guandilmode, aliéné déjà une partie de la villa de Nogent en
Omois, villam Novientum, excepta quod ohm Odo dederat ad
sepulturam uxoris suae ^.
Le comte Eudes en mourant laissait sans titulaire plusieurs
charges importantes, dont ses deux fils semblaient appelés à
hériter : la plus considérable de ces charges était celle
qu'Eudes avait eue comme représentant du roi en Bourgogne.
Mais, de même que Robert et Eudes, les fils de Robert le
Fort, avaient été, en 866, jugés trop jeunes pour succéder à
leur père dans le duché d'entre Seine et Loire*, de même
Saint-Martin de Tours, Bibliothèque Nationale, coll. Baluze, T. 77, f® 433 ro)
Frédégise, abbé de Saint-Martin, mourut le 10 août 834. Quant à Eudes, dont
il est ici ouestion , on doit y reconnaître notre comte Eudes , qui lé^a à Saint-
Martin de Tours la villa de Nogent à condition que les chanoines pnassent pour
le repos de son âme. — Diverses raisons concourent à prouver que c'est bien de
lui qu'il s'agit ici. En effet, il n'y eut jamais que deux comtes de Tours du nom
d'Eudes , et ils ne moururent ni Tun ni l'autre au mois d'août. Le premier, qui
fiit comte de Tours et de Chartres, décéda le 12 mars 995 (obituaire de Saint-
Père de Chartres, ms. 1038 de la Bibl. communale de Chartres) ; le second, mii
fut comte de Tours, de Chartres et de Troyes, fiit tué le 15 novembre 1037
dans un combat célèbre contre Gothelon, duc de Lorraine (Cf. d'Arbois de
Jubainville, Hist. des comtes de Champagne ^ I, p. 343). Ce n'est donc pas
un comte de Tours qui est mentionné au 10 août dans le nécrologe de Samt-
Martin. — Ajoutons qu'il est certain que notre comte Eudes, encore vivant
le 8 juin 871, était mort avant la fin d'août suivant, époque où ses exécuteurs
testamentaires donnèrent en son nom la villa de Nogent au chapitre de Saint-
Martin de Tours.
* Voir pièces justificatives^ n® IV.
3 Cf. ibidem, n» IIL
3 Cf. ibidem, n» IV.
* Siquidem Odo et Ruotbertus, filii Ruotberti, adhuc parvuli erant
[Réginon, ad ann. 867, Pertz, Scriptores, I, 578).
— 61 —
Eudes et Robert, fils du comte Eudes, furent, en 871, consi-
dérés par Charles le Chauve comme incapables de remplir
en Bourgogne la mission autrefois confiée à leur père.
A la mort de Robert le Fort, Hugues TAbbé avait été
envoyé en Neustrie pour le remplacer * : quand Eudes mou-
rut, ce fut Fun de ses exécuteurs testamentaires , le comte
Boson, qui le remplaça en Bourgogne^.
Quant aux comtés de Châteaudun et de Troyes , ils furent,
semble-t-il, réservés aux fils du défunt, qui, pour cause de
minorité, n'en furent pas aussitôt mis en possession. Ce
fut peut-être le duc d'entre Seine et Loire, Hugues l'Abbé,
qui eut la garde provisoire du pays Dunois ^. D'autre part, on
voit par les titres que Boson administrait temporairement le
comté de Troyes pendant les années qui suivirent immédia-
tement la mort du comte Eudes*.
La dernière fois que Boson intervient officiellement dans
le pays de Troyes, c'est le 29 mars 877 *, époque où il obte-
nait de Charles le Chauve, en faveur de l'abbaye de Montier-
la-Celle, la forêt de Jeugny * et 2 manses et demi à Lirey
dans le Troiesin ^. Quelques mois plus tard, son pupille, le
jeune Eudes, agissait personnellement comme comte de
^ Hugonem in Neustriam loco Rotberti diriqit (Afin. Bert., dom Bouquet,
VII, 94).
^ Depuis 871 , en effet, Boson joua en Bourgogne un rôle analogue à celui
qu'y avait joué jusque là le comte Eudes. On le voit dès tors en possession des
plus riches abnayes des bords de la Saône ( de Gingins la Sarra , Bosonides ,
Lausanne, 1851 , in-8o, p. 41 ). — Entre 879 et 880, Boson céda à son frère
Richard toute son autonté sur la Bourgope (de Gingins, ibidem, p. 67).
Richard a toujours été cité par les historiens comme le premier duc de
Bourgogne , mais , d'après ce que j'ai dit précédemment , il y a Heu de conclure
(qu'avant d'appartenir à Richard , le duché de Bourgope, créé par Charles le
Chauve pour faire face aux attaques des seigneurs d'outre Saône, fut confié
vers 862 à Eudes, puis, de 871 a 879 environ, au comte Boson.
3 Au commencement de Tannée 878, c'est Hugues l'Abbé qui appelle en
Neustrie le roi Louis le Bègue , pour obtenir son intervention contre les fils de
Geofiroi du Maine qui s'étaient emparés de Châteaudun et avaient usurpé les
honneurs du jeune comte Eudes. Voir plus loin, p. 63, notes 2 et 3.
* D'Arbois de Jubainville, Histoire des comtes de Champagne , T, I,
p. 64, 65.
* Vers la même époque, Boson obtint, pour Fabbaye de Montiéramey au
comté de Troyes, ,un diplôme de Charles le Chauve. Cf. A. Giry, Etudes caro-
lingiennes , dans Etudes,,, dédiées à G. Monod,^ p. 128.
* Jeugny et Lirey, Aube, arr* Troyes, c^n Bouilly.
' Cf. dora Bouquet, VIII, 659.
•
— 62 —
Troyes. C'est à M. d'Arbois de Jubainville que revient le
nit^^rite d'avoir découvert le curieux document où Eudes est
si^j:!! aie pour la première fois avec son frère Roborl^ Le
25 octobre 877^, Eudes, comte de Troyes, met son frère
R(ihert en possession du village de Chaource ^.
Dans cette charte, Eudes seul est qualifié de comte ; Robert
ify porte encore aucun titre*. Cette supériorité honurifique
iTKudes sur son frère ne peut s'expliquer que par une «upé-
riiiriUï d'âge. Étant Taîné de Robert, Eudes dut être d'abord
aeul chargé des dignités paternelles. Aussi, à Ui luénie
époque, le voit-on intervenir dans les comtés que son père
avait eus en Neustrie.
Louis, fils de Charles le Chauve, avait été sacré roi a
Cujiipiègne le 8 décembre 877. Les premiers moiw do son
règue furent signalés par les révoltes de plusieurs comtes
qui lui étaient hostiles. La plus importante de ces révoltes
fut celle qui éclata, immédiatement après son sacre, dans les
pays d'entre Seine et Loire. Geoffroi, comte du Maine, et ses
lils, ainsi que ses neveux, Bernard et Émenon*, furent les
promoteurs de cette sédition. On se souvient que le roi Louis
' Histoire des comtes de Champagne, t. I, p. 446. M. d'Arbois, en pulïliajU
<c \î\W, n'a pas reconnu les personnages qui y figuraient. Il a coiifini'lu hatde^
H fîobert, fils du comte Eudes, avec les fils de Robert le Fort. Son friL^m^ a
d<'jA Hm signalée par M. de Barthélémy dans son article sur les Oi'itjînes de la
MnUm de France [Revue des Quest. historiq., année 1873, T. 1, p. lii).
* Vingt jours auparavant, le 6 octobre 877, Charles le Ghaiivf% rcvcjmiil
illmlii*. était mort misérablement dans un village de Savoie.
=' niiaource (Aube, an*t Bar-sur-Seine, ch. 1. c^n) appartenait, au IX° sïècle,
au pagiis Tomodorensis ou Tonnerrois ; mais depuis l'an 859 au pins tat^ le
\mpi$ Tomodorensis était uni au comté de Troyes. C'est ce que jjronve un
dit>irim4^ de Charles le Chauve en date du 10 janvier 859. La villa df^ SHviniacus
j aujourd'hui Sainte-Vertu, au sud de Tonnerre), y est dite dépendri^ du romté
iW Tiayes, quoiqu'étant dans le Tonnerrois ; Precepimus... quandum mlimn de
iomilatu et dominio Trecassine urbis.., restitut... Vocatur siqukkm mdem
villa,., Silviniacus^ et est in pago Tomodorensi... subdita potesttUi comiiatiist
ejtts urbis [Trecassine]. Cf. dom Bouquet. VIII. p. 547. C'esl ilonr cummp
romui de Troyes qu'Eudes, en 877, mit son frère Robert en possession de h
villa lie Chaource.
* C\^st à la prière de sa femme, Richilde, la sœur du duc Bohoii, tuteur
d Kiules et de Robert, que Charles le Chauve, empereur, avait concédé la villa
tk <:haource au jeune Robert. Cf. Giry, Etudes caroling., liv. cité, p. 1!27.
■' Les deux frères , Bernard et Émenon , étaient fils de BHchildc , su^ui' île
GedlTroi du Maine (Cf. Histoire du Languedoc, nouv. édition, note itM:lilicative,
T. 11,1). 280).
— C3 —
avait été autrefois gratifié par son père Charles le Chauve
du duché du Maine, et qu'il s'était alors aliéné tous les sei-
gneurs de la région. Aussi le soulèvement qui eut lieu en
Neustrie à la nouvelle de son avènement au trône n'a-t-il
rien qui puisse surpendre.
Flodoard, dans son Histoire de l'Église de Reims, cite une
lettre qu'Hincmar , en ces circonstances , écrivit à Gozlin ,
frère de Geoflroy du Maine, l'exhortant à détourner son frère
ainsi que son neveu, Bernard, de leur révolte contre le roi ^
Mais cette lettre fut sans effet. Tandis qu'Émenon, frère de
Bernard, s'emparait d'Évreux et dévastait les environs, les
fils de Geoffroi, se jetant sur les comtés voisins, se rendaient
maîtres de Châteaudun ^, et dépouillaient de ses honneurs le
jeune comte Eudes.
Le duc d'entre Seine et Loire, Hugues l'Abbé, retenu à
Tours par une attaque imminente des Normands, ne put
intervenir contre les envahisseurs des pays commis à sa
garde. Il appela à son aide le roi Louis le Bègue qui était
alors à Saint-Denis près de Paris. Le roi traversa la Seine et
se rendit à Tours où il tomba malade. Contraint par la
gravité des événements à user de prudence , Louis consentit
à recevoir en grâce le comte Geoffroi et ses fils, auxquels il
confirma les honneurs du comte Eudes ^ (878).
^ [Scrihit Hincmarus] Gozlino pro Bemardo nepote qui seditionem contra
regem moliri ferebatur, hortans ut ab hac intentione studeat eum revocare, et
ut ipse Gozlinus pro nullo carnali affectu a recta via declinety fratrem quoque
8uum^ Gozfridum, commoneat ut ambo, memores parentum suorum, a fidei
sinceritate non dégénèrent (dom Bouquet, VIII, 154).
^ Hincmar rapporte que les fils de Geoffroi du Maine s^emparèrent alors d'un
casteUum appartenant au fils du défunt comte Eudes , caslellum filii Odonis ,
quondam comitis , invaserunt. Or le comte Eudes ne possédait en cette rét^non
que Châteaudun et peut-^tre Chartres; Chartres avait litre de civitas, le
castellum^ dont il est ici Question, ne peut donc être que Châteaudun, qui
avait effectivement dès lors le titre de castellum : sur les deniers carolingiens
du IX^ siècle, cette ville est appelée castel dvno, dvnis castello.
3 [Ludovicus], suadente Hugone, abbate et markione, perrexit ultra
Sequanam , tam pro auxilio Hugonis contra Nortmannos quam et pro eo quod
filii Gozfridi castellum et honores filii Odonis y quondam comitis y invaserant,
et Imino, frater Bernardi, markionis, Ebroce^isem civitatem usurpans^
multas depraedationes circumcirca in illis regionibus exercebat... Et veniens
Ludovicus usque Turonis, infirmatus est usque ad desperationem vitae ; sed. . .
aliquantulum convalescens.,, venit ad eum GozfriduSy adducens secum filios
suas, ea conditione ut castellum et honores quos invaseranty Ludovico régi
redderent, et postea per concessionem illius haberent (Ann. Berlin. ^ ad ann.
878, dom Bouquet, VIII, 28).
— 64 —
Moins d'une année s'était écoulée que Louis le Bègue mou-
rait à Compiègne, le 10 avril 879, à l'âge de trente-trois ans.
Il avait épousé, encore tout jeune, Ansgard, la sœur d'nii
comte de ses amis (mars 862) ^ De ce mariage il avait eu une
fille Gisla, et deux fils, Louis et Carloman, qui, après sa mort,
furent sacrés rois au mois de septembre 879 et se partagèrent
ses États en mars 880.
Louis et Carloman étaient fort jeunes ; ils avaient à peine
quinze ans l'un et l'autre lorsque leur père mourut, Xwml
est-il naturel qu'ils aient recherché la société de jeu nés gens
de leur âge : cela explique la haute faveur dont jouirent sous
le règne de ces princes les deux fils du comte EudeB. Robert
semble avoir été lié d'une amitié toute particulière avec le
roi Carloman, qui lui donna sa sœur Gisla en mariage ^. Giala,
d'ailleurs , peu de temps après avoir épousé Robert, mourut
à peine âgée de vingt ans.
Robert n'avait ni titre ni honneur lorsque son frère Eudes,
comte de Troyes, le mit en possession de la villa de Chaource
en 877 ; mais, après son union avec la sœur des rois Louiw et
^ Ce comte s'appelait Eudes. Ansgard et Eudes étaient les enfants du tomtc
Hardouin. Eudes, fils d'Hardouin, ne peut être confondu avec le comle Eudes
de Ghàteaudnn, mort en 871. Le 13 janvier 859, Eudes, fils d'Hardouin,
donna, du consentement de sa mère, Warimburge, diverses terres k labljave
de Saint-Maur-des-Fossés pour le repos de l'àme de son père, Hatdouin.
(Cf. Tardif, Monuments historiques). La charte est datée de la 1U'= ajiriée du
règne de Charles le Chauve. Or, en janvier 859, Eudes de Ghàteaudujit ["évolté
contre Chai-les le Chauve et dévoué à la cause alors triomphante de Louis le
Germanique, n'aurait pas daté une charte du règne de Charles le Cliuuve. —
Ce doit être le comte Eudes, fils d'Hardouin, que Charles envoya en nmbasiiadfe,
avec un autre comte Hardouin, auprès de Louis le Germanique eu HIQ
(Cf. Ann. Bert., ad ann, 870, dom Bouquet, VII, 109).
2 Gisla, fille de Louis le Bègue et d'Ansgard, n'a pas été mentionnée [>ar
Y Art de vérifier les dates ni par aucun auteur moderne. Son existence cependant
a été connue des auteurs de la fin du XYI® siècle et du commenwnjent du
XVI1° siècle. Gisla, en effet, était signalée dans le cartulaire de Montiéramey ;
mais ce cartulaire fut perdu vers le milieu du XVII« siècle , la trace de Gisla ht
effacée et les historiens postérieurs nièrent l'existence de cette princesse. Gj-àce
à la précieuse analyse du cartulaire de iMontiéramey q^ui nous a élé consei'vée
par André Duchesne, il est maintenant certain que Louis le Bègue eut une fille
de ce nom (Cf. A. Giry, Etudes caroling,, livre cité, p. 130). — On .sait que
Carloman , frère de Gisla , mourut à l'âge de dix-huit ans en 884 {Antiates de
Saint-Vaast) ; il était donc né en 866. Son frère aîné, Louis, moil en 88â,
dut naître dans l'année qui suivit le mariage de Louis le Bègue, c'est-à-dire
en 863. Quant à Gisla, morte avant Carloman, elle naquit vraiseml)lablenient
en 864 ou 865. Tous les enfants de Louis le Bègue et d' Ansgard mourureot
donc avant d'avoir accompli leur vingtième année.
— 65 —
Ca^loman^ il s'éleva rapidement aux plus hautes charges. Il
devint d'abord comte de Troyes : son frère Eudes lui céda
ce gouvernement vers 880, lorsque lui-même fut rentré en
possession des honneurs du Dunois et du Chartrain qui lui
avaient été enlevés par les fils de GeoflTroi, comte du Maine 2.
Plus tard, Robert devint ministre palatin : il portait ce titre
quand il donna à Tabbaye de Montiéramey sa villa de
Chaource^. Sa fortune était donc à son comble lorsqu'il périt
à la fleur de Tàge dans un combat contre les Normands.
Tout le monde connaît la lutte mémorable que les Pari-
siens soutinrent en 886 contre les pirates danois. Cette lutte
a été curieusement racontée par le poète Abbon, moine de
Saint-Germain-des-Prés, et témoin occulaire des diverses
^ M. F. Lot m'a fait observer que, d'après ma thèse, Robert de Troyes et
Gisla étaient cousins au l'' degré, comme rétablit le tableau généalogique
suivant :
N
^ ! ,
Eudes, comte d'Orléans, GuiUaume, comte de Blois,
t 834. t 834.
Hei-mentnide Eudes, comte de Troyes,
épouse le roi Charles le Chauve. f 871.
Louis le Bègue Robert ae Troyes
épouse Ansgard. épouse Gisla.
Gisla
épouse Robert de Troyes.
Je crois bon de noter, à ce propos, que l'Église, au IX® siècle, se montrait
bien moins sévère qu'elle ne le nit dans la suite à Tégard des unions entre
proches parents. En cette matière, les règles canoniques étaient encore loin
d'être fixées. D'après Raban Maur, sont seuls expressément interdits les
mariages jusqu'à la 2® génération (cousins au 4® degré). Raban Maur s'empresse
d'ajouter que , si l'on veut s'abstenir de se maiier même jusqu'à la 5', 6« ou
70 génération, il jie faut pas l'empêcher, mais plutôt l'approuver. C'est là un
conseil et non pas un ordre (Cf. Raban Maur, De consanguineorum nuptiiSy
Migne, P. L., t. 110, col. 1093 et ssv.). — Cette opinion de l'un des plus
fameux prélats du 1X« siècle suffit à prouver que Robert de Troyes, en épousant
Gisla , n'avait pas commis d'infraction aux lois de l'Église , qui n'étaient pas , à
cette époque et sur cette question , ce qu'elles furent aux XJc et XII« siècles.
2 La première fois que Ton trouve Robert mentionné comme comte de
Troyes, c'est le 17 novembre 882 (Giry, Etudes caroling., liv. cité, p. 131).
— - 11 est bien certain qu'Eudes ne se serait pas dessaisi du comté de Troyes s'il
n'avait reçu d'autres honneurs en retour. Sa rentrée en charge dans le
pays chartrain n'est pas d'ailleurs une hypothèse: en 886, l'histoire nous
montre Eudes défendant en personne la ville de Chartres contre les Normands.
3 Cf. Giry, liv. cité, p. 129.
T. XII, M. 5
— 66 —
péripéties de cet épisode des guerres normandes * .
poème , Abbon nous a conservé le souvenir des dei
Eudes et Robert de Troyes , et les a peints sous 1
plus favorable.
Le siège de Paris par les Normands commença a
novembre 885 et ne fut levé qu'au mois de nover
On sait avec quelle énergie se défendirent les Paris
la conduite de leur comte Eudes, fils de Rober
Aussi, après plusieurs assauts infructueux, un gran<
d'assaillants se décidèrent-ils, en février 886, à s'élo
murs de Paris. Ils se répandirent dans les contrées
pour s'y livrer au pillage. Le pays de Troyes fut le bui
leurs premières expéditions ; d'après Abbon, aucun
n y avait encore pénétré. C'est alors que le jeui
Robert, surpris par une troupe de pirates, trouva la i
sa propre maison. Voici comment le poète Abbon raco
nement : « Les Normands montent sur leurs cours
rapides que l'oiseau et se dirigent vers les contrée
taient seules à la triste France encore exemptes de
Ils détruisent toutes les habitations dont les maîtr
devant eux et attaquent celle de l'illustre Robert, s
le Porte-Carquois (Phavetratus), Un seul cheva
avec lui pour le servir ; une seule maison les n
tous deux. — Je vois, dit le chevalier à son seij
vois des Normands accourir à grands pas. — Ro
prendre son bouclier; mais il ne le voit plus, i
Tavait emporté en allant par ses ordres à la d<
des Danois. Cependant il s'élance sur eux Tépée
perce deux et lui-même succombe à la mort le t
car personne ne vint à son secours. Son neveu
était alors avec la troupe de ce comte : gn
attristé, il s'écrie : — Allons, braves guerriers, pi
boucliers et vos armes, et courons venger la moi
» oncle. — Il dit, et marche sur la villa, attaque le:
brigands, les bat, les massacre et remplit toute l'I
de leurs corps expirants ^ » (février 886).
* Récemment , rhistoire du siège de Paris par les Normands \
d'une façon très remarquable par M. Ed. Favrc dans son livre sur 1
Eudes y comte de Paris et rot de France^ Paris, 1893, in-S®.
2 Abbon, 1. I, vers 438-460, traduction Taranne, 129-131. La
— 67 —
AUeaume, qui vengea si énergiquement la mort de son oncle
Robert, lui succéda aussitôt dans le comté de Troyes^ Eudes,
frère du défunt, aurait dû recevoir cet héritage ; mais il
était lui-même occupé à repousser les Normands du Chartrain,
et le pays de Troyes ne pouvait, en ces circonstances,
demeurer sans défenseur ^.
Dans le même temps, une autre troupe de Normands s'était
éloignée de Paris pour aller piller les pays occidentaux de
la Gaule. Ce fut le Chartrain et le Maine qui eurent d'abord
à souffrir de leurs brigandages. Le comte Eudes, de Chartres^,
Robert, comte de Troves, et de son neveu, AUeaume, dans le poème d'Abbon,
m'a été signalée par M. Aug. Longnon. Une charte du cartulaire de Montiéramey
rend certaine l'identification du comte Robert dont il est ici question avec
Robert, comte de Troyes. Dans cette charte, datée de 893, AUeaume, comte de
Troyes, appelle son prédécesseur, Robert, avunculus noster^ comme il le fait
dans le poème (Giry, Etudes carolingiennes, liv, cité, p. 133).
^ AUeaume , devenu comte de Troyes, est signalé de nouveau dans le poème
d'Abbon conune accompa^ant Eudes, comte de Paris, qui, au mois de juin 886,
revenait d'AUemagne, où il avait été demander des secours à l'empereur (Abbon,
1. Il, vers 209-216, p. 181-183). La dernière fois que nous voyons AUeaume
agir dans les chartes comme comte de Troves c'est au mois de février 893. A
cette date , U confirme à l'abbaye de Montiéramey la vUla de Chaource que son
oncle Robert avait autrefois donnée à ce monastère. Cet acte nous apprend oue
la femme d'AUeaume se nommait Ërmengarde (Giry, Etudes carol., p. 13à].
D'après le nécrologe de Montiéramey, AUeaume mourut le 22 avrU d'une année
inconnue, X Kalendas maii, obitt Adelermtis, cornes (Bibl. Nat., collect,
Duchesne, T. XXI, f*' 7). Au mois de décembre 926, le successeur d'AUeaume,
Richard, comte de Troyes, est nommé dans un diplôme du roi Raoul (Giry,
ibidem, p. 134). — M. d'Arbois de JubainviUe, dans son Histoire des comtes
de Champagne, a nié à tort l'existence d'AUeaume et de Richard en tant que
comtes de Troyes. M. Ed. Favre n'a pas mieux réussi dans l'essai qu'il a mit
pour reconstituer la liste des comtes de Troyes à la fin du IX'^ siècle. Cf. Eudes,
comte de Paris et roi de France, p. 202-206.
^ Vers l'année 1020, le comté de Troyes étant devenu vacant par la mort
d'Etienne de Vermandois , le comte de Ghai'tres , Eudes II , malgré l'opposition
du roi Robert le Pieux , recueiUit la succession du comte défunt. 11 est possible
qu'il ait fait valoir en cette occasion les droits dont son aïeul, Eudes de Chartres,
avait été frustré en 886. Jusqu'à ce jour, la succession d'Eudes au comté de
Troyes vers 1020 a paru mfficUe à comprendre. L'explication que j'en
propose peut faire disparaître en partie cette difficulté.
3 Abbon , en parlant de Geoffroi du Maine et d'Eudes de Chartres, s'exprime
ainsi (1. I, v. 653) : Belligeri fuerunt Uddonis consulis ambo. C'était donc ,
d'après Abbon, Eudes, comte de Paris, qui avait chaîné Eudes de Chartres
de combattre les pirates danois. Abbon écrivait ces vers alors qu'Eudes de Paris
avait été élu roi. Du reste, dès le mois de février 886 , le comte de Paris était
en réalité l'àme de la résistance faite aux Normands, et comme U fut,
quelques mois plus tard, nonamé duc d'entre Seine et Loire, il devint, depuis
lors, chef immédiat du comte de Chartres.
— 68 —
aidé du comte Geoffroi, du Mans\ vint à leur rencontre peu
de jours après que son frère Robert eut perdu la vie en
voulant chasser leurs congénères du pays de Troyes. Mais
Eudes fut plus heureux que Robert. Un combat terrible eut
lieu près de Chartres, et les Normands taillés en pièces
laissèrent plus de quinze cents morts sur le champ de
bataille (février 886) 2.
Les pirates n'eurent pas un meilleur succès dans le Maine,
et aucune ville de Neustrie ne céda devant eux ^. Abbon, en
racontant ces événements , a consacré à Eudes de Chartres
quelques vers qui nous sont précieux, parce qu'ils témoi-
gnent que ce comte n'avait pas dégénéré de ses aïeux : « Cet
» Eudes, dit-il, lutta bien des fois dans la suite contre les
» Normands, et toujours il en fut vainqueur. Il avait autre-
» fois perdu à la guerre sa main droite et l'avait remplacée
» par une main de fer qui ne le cédait pas en vigueur à la
» première*. » — Abbon écrivait cela vers 896. Par consé-
quent, depuis 886 jusqu'en 896, Eudes s'était signalé par ses
victoires contre les Normands.
Je ne puis ajouter aucun détail à cette simple assertion du
* On a vu précédemment qu'en Tannée 878 la ville de Chàteaudun est
signalée par Hmcmar comme appartenant au jeune comte Eudes. Il y a, dans
le fait de la défense de Chartres par le même Eudes en 886, un indice impor-
tant qu'il est bon de mettre en lumière , indice qui tend à prouver qu'à cette
époque les pays de Chàteaudun et de Chartres étaient défendus et administrés
par le même comte. Cela confirme également, en une certaine mesure, la
supposition que j'ai déjà faite pour plusieurs autres motifs, à savoir qu'Eudes,
comte de Chàteaudun en 846 et père de celui dont il est ici question, était aussi,
très probablement, comte de Chartres.
2 Camoteno innumeros conflictus applictierunt
Allophyli ; verum liauere cadavera mille
Hic quingenta simm, rubeo populante duello :
Una dies istum voluit sic ludere ludum ,
His ducibus, Godefredo necnon et Odone.
(Abbon, I. 1, vers 648-652).
3 Nec satius quidquam sortiti apud hi Cinomannos,
Haud equidem reliquae ces$erunt suavius urbes,
(Abbon, L I, v. 658-659).
* Idem Odo praeterea opposuit se saepius illis,
Et vicit jugiter victor. Heu! liqueratillum
Dextra manus bello quondam , cujus loca cinxit
Ferrea pêne vigore nihil infirmior ipsa,
(Abbon, 1. 1, v. 654-657).
moine de Saînt-Germaîn-des-Prés ; car je ne sais rien de
plus positif sur les expéditions qu'Eudes put faire à cette
époque contre les pirates danois. Les récits d'auteurs con-
temporains font presque entièrement défaut pour toute la
partie de notre histoire qui s'étend de 890 à 920 environ.
Et pourtant, durant ces trente années, jamais tant
d'événements importants ne durent se succéder les uns aux
autres. C'est la période pendant laquelle les Normands
exercèrent le plus de ravages, pendant laquelle le pays
chartrain lui-même eut le plus à souffrir. Peut-être est-ce en
raison de l'étendue de ces désastres qu'il ne se trouva
personne pour les raconter. Quoi qu'il en soit, avec les
quelques chartes que l'on possède, avec les récits des écri-
vains postérieurs , il faut suppléer à cette pénurie de docu-
ments et s'efforcer de reconstituer l'histoire de ces temps de
trouble, en se tenant toutefois en garde contre les nom-
breuses légendes qu'enfantèrent les guerres incessantes de
cette triste époque.
11 est tout d'abord nécessaire de réfuter une opinion
admise par plusieurs historiens relativement à un prétendu
comte de Chartres de la fin du IX'' siècle. On a souvent
répété que le comté de Chartres avait été, vers l'an 880, cédé
par le roi à un chef normand bien connu, Hasting, et que
celui-ci s'en serait peu après dépouillé au profit d'un comte
du nom de Thibaut. — Pour savoir quel cas on doit faire de
ces assertions, il est indispensable de réunir les renseigne-
ments positifs que les chroniqueurs nous ont laissés sur
Hasting.
La présence d'Hasting, danois d'origine, n'est signalée
pour la première fois en Gaule, d'une manière certaine, que
dans le courant de l'année 866. A cette date, Réginon rap-
porte que Hasting était à la tête des pirates qui tuèrent, dans
l'église de Brissarthe *, le duc Robert le Fort. De 867 à 882,
Hasting paraît ne pas avoir quitté les pays riverains de la
Loire, car il les ravagea à diverses reprises. En 882, le roi
Louis III, à force d'argent, obtint qu'Hasting fît reprendre la
mer à ses compagnons. Les Annales de Saint- Vaast ajoutent
que le roi, non content de traiter avec le chef normand,
' Brissarthe, Maine-et-Loire, arr' Segré, c»" Chàteauneuf-sur-Sarthe.
— 70 —
conclut alors une étroite alliance avec lui, volens Ahtingum
in amicitiam recipere, qiiod et fecit ^ .
Ce dernier fait est pleinement confirmé par ce que raconte
Dudon de Saint-Quentin ^ : « Dans ce temps, dit-il, la France
» était presque réduite en un désert; on tremblait à Tap-
» proche des Normands comme aux sourds mugissements de
» la foudre ; le roi des Francs ne savait que tenter pour
» résister à Taudace des païens. En ces circonstances, il prit
» une décision salutaire et résolut de faire un pacte d'alliance
» avec Hasting, le plus redoutable des pirates , afin que la
» paix conclue entre eux régnât dans tout le royaume...
» Des députés sont envoyés au féroce chef normand, qui,
» adouci par les sommes d'argent qu'on lui propose, consent
» à accepter la paix pour une durée de quatre ans. Pendant
» cette période, le roi de France et Hasting, étroitement
» alliés l'un à l'autre, vécurent en parfaite concorde, et le
» royaume n'eut plus à craindre de nouveaux ravages ^. »
Dudon devait tenir ces informations de personnes bien
instruites sur la vie et les actions d'Hasting. Tout ce qu'il dit
ici est confirmé par les annalistes contemporains. D'abord, il
* Annales Vedast., ad ann. 882. Cf. Ann. Bertin,, ad ann, 882.
3 Dudon de Saint-Quentin, longtemps mis à l'écart comme narrateur peu
digne de foi, a été justement réhabilité par M. J. Lair en 1865. Aujourd'hui on
ne saurait plus nier tout ce que le récit de Dudon contient de vérités cachées
sous un fatras de développements oratoires. J'ai eu moi-même à constater après
M. J. Lair combien de cet ouvrage on peut tirer d'utiles renseignements pour
l'histoire d'Hasting. Tout récenunent encore, un danois, M. Steenstrup, a été
amené à avouer que ce que l'on connaissait de plus certain sur l'origine du
fameux duc normand, Rollon, se trouvait dans l'ouvrage de Dudon (Steenstrup,
Etudes préliminaires pour servir à l'histoire des Normands, Caen, 1880, in-S®,
p. 98-110).
3 Interea, dum quasi solitudo Frauda déserta haberetur, dumque, veluti
tonitrualis mugitus rugientia arcana, pavidi Northmannorwn adventus
formidarentur, rexque Francorum unde audaciae paganorum hostiïiter
résister et non haberet, reperit consilium valde sibi suisque saluberrimum, ut
cum Alstigno neqniorum nequissimo foederaretur^ paxque totius regni,
serenata ingruentium depopulationum tempestate, inter utrumque haberetur...
Diriguntur legati ad atrocem Alstignum pacifici. Dehinc vectigali pensorum
tributorum summa mitigatus, et a Francigenis exacti muneris pondère sensim
placatttSj pacem quae posttUabatur non abdicat diutius, verum dat ultroneus,
Inconvulsa igitur praesulum pace firmata, ducitur ad regem, pqngitaue
inextricabili foedere olympiaais cum eo munera pacis. Qui imperialious
competentiis mutuaque voluntate vicissim foederatt^ concordes unanimiter
sunt effecti , quievitque Francia, multimoda antehac depoptdatione afflicla ,
eursuque illius temporis, hoslili peste privata, intumescentium paganorum
vastatione est liberata {Dudon, édit. J. Lair, p. 136 et 137).
r- 71 —
raconte comment le roi s'allia avec Hasting; nous avons vu
que ce traité d'alliance eut lieu en 882. On sait de plus par
les Annales de Pulda * qu'à la même date l'empereur Charles
le Gros achetait la paix de deux autres puissants chefs nor-
mands, Godefroi et Sigefroi. Aussi est-il hors de doute que,
pendant plusieurs années, comme le prétend Dudon, la ma-
jeure partie de la Gaule fut délivrée des incursions des pirates.
Il n'y eut plus que les contrées septentrionales, telles que
celles voisines de la Somme, qui eurent à souffrir des ra-
vages de Danois venus d'Angleterre. Dudon ajoute que la
paix entre Hasting et les Francs fut de quatre ans « foedere
olvmpiadis. » On ne peut s'empêcher d'être frappé de la
vraisemblance de cette assertion.
Il est en effet digne de remarque que, la même année
qu'Hasting (882), le chef normand, Sigefroi, traita avec les
Francs . Sigefroi, depuis ce temps , vécut à la cour des rois
carolingiens. En 884, il était auprès de Carloman et s'entre-
mettait entre ce prince et les païens qui désolaient alors les
rives de la Somme^. Deux ans plus tard, en 886, c'est-à-dire
quatre ans après le traité de 882, Sigefroi abandonne les
Francs et retourne tout à coup se joindre à ses compatriotes
occupés à faire le siège de Paris ^.
D'après Dudon, Hasting suit la même ligne de conduite.
Après avoir conclu en 882 une trêve de quatre ans, il passe
ce laps de temps en bonne intelligence avec les Francs et
s'entremet entre eux et les Normands de la Seine. Puis, quel-
ques années plus tard, l'histoire le montre combattant de
nouveau à la tête des pirates danois. Le témoignage de Dudon,
en ce qui concerne cette période de la vie du chef normand,
mérite donc toute créance.
J'ai dit qu'Hasting, à l'exemple de Sigefroi, s'entremit
entre les Francs et les Danois. Ce fut en l'année 885.
Au mois de juillet de cette année, les pirates, qui désolaient
le nord de la Gaule, abandonnèrent les rives de la Somme et
pénétrèrent dans le cours de la Seine; ils entrèrent le 25
juillet à Rouen. Les Francs, sous la conduite de Renaud, dtic
^ Ann. Fuld., ad ann. 882, dom Bouquet, VIII, 42.
2 Ann. Vedast., ad ann, 884, ibidem, VIII, 83.
3 Ann. Fuld., ad ann. 886, ibidem, VIII, 46.
— 72 --
du Maine^ tentèrent de s'opposer à leur envahissement ; mais
ils furent battus et Renaud fut tué dans le combat * (vers
août 885), — Le récit de Dudon permet de compléter ce
simple exposé des événements. Quand les Danois eurent pris
Rouen, ils descendirent le cours de la Seine jusqu'au village
des Damps*, près Pont-de-l' Arche ^. Les Francs, ayant aussi-
tôt mandé Hasting, partirent sous la conduite du duc Renaud
à la rencontre des pirates et vinrent occuper le cours de
l'Eure près de son confluent avec la Seine. Renaud décida
alors Hasting à aller trouver les Danois pour leur persuader
de se retirer. L'entrevue de l'ancien chef normand avec ses
compatriotes a été rapportée par Dudon en des termes fort
curieux : « Les comtes francs , dit Hasting aux pirates , vous
» prient de dire qui vous êtes, d'où vous êtes, ce que vous
» voulez. — Nous sommes Danois, répondent ceux-ci; nous
» venons de Dacie ; nous voulons conquérir la Gaule. — Quel
» nom porte votre chef? — Aucun, car tous nous sommes
» égaux. » Hasting, voulant savoir ce qu'ils pensaient de lui,
leur demande : « Avez-vous jamais entendu parler d'un cer-
» tain Hasting, votre compatriote, qui vint autrefois ici avec
» une grande flotte? — Oui, répondirent-ils, cet Hasting a eu
» de glorieux débuts, mais il s'est mal comporté dans la
» suite et il a mal fini. — Voulez-vous , reprit Hasting, vous
» soumettre au roi Charles * et recevoir de lui en retour de
» grands bénéfices? — Jamais, dirent-ils, nous ne nous sou-
» mettrons à personne , et ce bénéfice seul peut nous plaire
» que nous conquérerons par les armes. » Après ces pour-
parlers inutiles, Dudon raconte le combat qui s'ensuivit, la vic-
toire des Danois, la fuite d'Hasting et des comtes francs,
enfin la mort du duc Renaud (éd. Lair, p. 154 et ssv.).
Ce récit de Dudon, très vraisemblable, fut repris, une cinquan-
taine d'années plus tard, dans la seconde moitié du XP siècle,
parl'abréviateur de cet historien, Guillaume de Jumièges, qui
amplifia et dénatura la narration de son devancier. Renaud,
^ Ann. Vedast., ad ann. 885, dom Bouquet, VIII, 84.
2 Les Damps, Eure, arr* Louviers, c*"* Pont-de-l'Arche.
3 Rollo , a Rotomo divulsis navibus, subvehitur ad Archas usque quae as
Dans dicitur (Dudon, éd. J. Lair, p. 153 et 154), Comme on le voit, suivant
Dudon, Rollon aurait fait partie de cette expédition.
* C'était Charles le Gros qui gouvernait alors la Gaule.
-^ 73 -^
ayant établi son camp près du cours de l'Eure, envoie vers les
Danois Hasting, qui, d'après Guillaume, demeurait alors dans
la ville de Chartres, qui in Carnotena urbe morabaturK Après
l'entrevue d'Hasting et des pirates, après la bataille qui eut
lieu sur les bords de l'Eure;, après la fuite des Francs et
d'Hasting, événements que Guillaume a rapportés presque
mot à mot d'après Dudon, se présente un passage qui appar-
tient en propre au moine de Jumièges. Le comte Thibaut, dit
Guillaume, croyant que l'occasion était favorable pour trom-
per Hasting , vint trouver le chef normand et lui dit sour-
noisement : « Ignores-tu donc que le roi Charles veut te faire
» périr pour se venger de toi et te faire expier ce que tu as
» fait souffrir autrefois aux chrétiens : sois sur tes gardes si
» tu ne veux subir les plus terribles châtiments. » Hasting,
effrayé par ces paroles, vendit aussitôt sa ville de Chartres à
Thibaut, et depuis ce temps on ne le vit plus en Gaule 2.
Ce marché conclu entre Thibaut et Hasting est fabuleux
et invraisemblable. Et d'abord, il était contraire aux usages
de ce temps qu'un comte vendît à un autre sa ville ou son
comté : quand le roi confiait une ville à un comte , il ne lui
en donnait pas la pleine propriété et il n'aurait pas toléré
de semblables contrats ^. Guillaume de Jumièges ajoute
qu'Hasting, après ces événements qui se passaient en 885,
ne reparut plus en Gaule : cela est faux, car les chroniqueurs
contemporains le montrent ravageant les rives de la Somme
pendant les années 890, 891 et 892 (cf. Annales de Saint- Vaast,
* Tune RainaldttSj totius Francie dux, agnito paganorum repentino
adventUy cum valida exercituum virtute^ super Auture fiuvium eis obvius
processit, Hastingum , qui in Carnotena urbe morabatur, ob periliam lingue
cum aliis legatis premittens. Je cite le texte de Guillaume de Jumièges tel que
l'offre le ms. latin 15047 de la Bibliothèque nationale. Ce manuscrit est un des
seuls qui nous ait conservé Tœuvre de Guillaume de Jumièges sans interpola-
tions. Ce passage s'y trouve au folio 191 r". Cf. dom Bouquet, VIII, 255.
2 Considerans ergo Teboldus cornes se tempus repperisse opportunum ad
decipiendum Hastingum, tdibus verbis falso appétit illum: Ignoras regem
Karolum te velle morte oppetere ob christtanorum sanguinem a te olim fusum
injuste?... Consule autem tibi ne inconsuUus puniaris. Quibus verbis
Hastingus territtis, confestim Camotenam urbem Tetbaldo vendidit, et,
distractis omnibus, peregre profecttùs disparuit (Guillaume de Jumièges,
ms. lat. 15047 de la Bibl. Nat. f° 191 ro. Cf. dom Bouquet, VIll, 255).
3 Ces sortes de marché auraient pu , à la rigueur, s'accomplir vers la fin du
XI*î siècle , au temps oii écrivait Guillaume de Jumièges , mais , au IX« siècle ,
le roi seul pouvait disposer ainsi d'un comté.
— 74 —
à ces dates). Il est en outre historiquement impossible qu'en
885 Hasting ait vendu Chartres à un comte Thibaut : la
Petite chronique de l'abbaye de Bonneval en Danois nous
apprend en effet que Thibaut le Tricheur, mort en 975, fut
le premier comte de Chartres ayant porté le nom de Thibaut * ;
ce serait donc à lui qu'Hasting aurait vendu la ville en 885,
et il faudrait supposer que Thibaut le Tricheur aurait vécu
plus de cent dix ans et qu'il avait déjà cent ans quand, en
965, il combattait contre Richard, duc de Normandie ^, Enfin,
en 886, il y avait à Chartres un comte qui était Eudes et qui
tailla en pièces les Normands sous les murs mêmes de la
ville.
Il me reste à dire quelques mots des dernières invasions
danoises en Gaule, car le dénouement de ces luttes sanglantes
eut pour théâtre le pays chartrain.
Durant les six années qui suivirent celle où Paris fut
assiégé par les Normands (887-892), jamais notre pays n'eut
tant à souffrir de la férocité de ces pirates. Le résultat de
leurs brigandages fut d'amener la disette dans le Royaume :
une famine terrible éclata en 892. Les Normands abandon-
nèrent alors le continent, traversèrent la Manche à l'au-
tomme et portèrent leurs ravages dans les Iles Britanniques',
* Le chroniqueur de Bonneval, qui vivait au commencement du XI« siècle,
s'exprime ainsi en parlant de Thibaut le Tricheur, cornes Thetbaldtis primus.
Ces mots , tirés d'une chronique locale presque contemporaine , montrent que
Thibaut le Tricheur fut le premier comte de Chartres de ce nom. Cf. René
Merlet, Petite chronique de Bonneval^ p. 19 et 23.
2 Guillaume de Jumières est le premier auteur qui mentionne cette possession
de Chartres par Hasting. On peut s'expliquer comment le récit de Dudon a pu
l'amener à faire cette supposition. Dudon montre Hasting vivant au milieu des
comtes francs : Guillaume en aura induit qu'Hasting, après avoir fait sa paix
avec le roi , reçut un comté en retour ; et comme ce fut sur l'Eure cfu'eut lieu
l'entrevue d'Hasting et des Danois, Guillaume en a conclu qu'Hasting était comte de
Chartres. L'idée de faire vendre Chartres à Thibaut devait se présenter à
l'esprit de Guillaume : car c'était une occasion de présenter sous un jour
défavorable Thibaut le Tricheur, trompant par ses ruses le chef normand,
Teholdus cornes ad decipiendum Hastingum talibus verbis falso appétit illum,
— Aubri des Trois-Fontaines a emprunté à Guillaume de Jumièges Je récit de
la vente de Chartres à Thibaut et a mis cet événement dans sa Chronique à
Tannée 904 : De Hastingo vero dicitur quod , cum esset ei persuasum quod ob
susjficionem favendi Normannis Karolo reai fuit invisus , prae timoré vendita
civitate Carnoto Turonensi comiti, Theobaïdo, clam discessit et post in Francia
non est visus (Chronicon Alberici, ad ann. 904, dom Bouquet, IX, 63).
3 Northmannij videntes omne regnum famé atteri, relicta Francia ^ tempore
— 75 —
Pendant près de quatre ans , on ne les revit plus en Gaule
(893-896) <.
Hasting qui, de 890 à 892, avait dévasté le bassin de la
Somme, apparaît dès 893, à la tête des Danois, établis à l'em-
bouchure de la Tamise. Les chroniqueurs anglo-saxons
racontent avec détail les défaites que le roi Alfred lui fit
éprouver dans le pays de Kent ^,
Dans le même temps qu'Hasting, vers 892, RoUon avait
quitté la Gaule ; Dudon de Saint-Quentin témoigne que RoUon,
quelques années après le siège de Paris , s'en alla avec ses
compagnons guerroyer dans la Grande-Bretagne^.
Mais les échecs qu'ils éprouvèrent en Angleterre rame-
nèrent en Gaule un grand nombre de Normands.Vers le mois
de novembre 896, une flotille danoise reparaissait à l'entrée
de la Seine sous la conduite d'Hunedeus, et, avant Noël,
une multitude d'autres barques étaient venues se joindre à
elle*. RoUon était du nombre de ces envahisseurs, mais il
n'était pas encore reconnu par eux comme chef suprême.
C'est ce qui ressort d'une note historique d'origine aquitaine
autumni, mare transierunt (Annal. Vedast., ad ann. 892, dom Bouquet,
VIII, 89).
^ Pendant ce laps de temps aucun chroniqueur contemporain ne mentionne la
présence des Normands en Gaule.
2 Cf. J. Lair, Introduction à l'édition de Dudon de Saint-Quentin,
p. 45-46. — En 896, Hasting disparaît d'Angleterre ; il revint dans la suite sur
le continent. Cf. Vita sancti Viventii, dom Bouquet, IX, 130.
3 Voir Dudon, éd. Lair, p. d 58-160. — Dudon rapporte l'expédition de
Rollon dans la Grande-Bretagne après les sièges de Bayeux et d'Evreux , qui
eurent lieu vraisemblablement en 890, quand les Normands allèrent piller
le Cotentin (^4»», de Saint-Vaast, ad ann. 890). Rollon suivit donc le courant
qui, en 891 et 892, entraînait les pirates en Angleterre. M. Lair, qui paraît
n'avoir pas remarqué qu'à cette époque les Normands abandonnèrent en masse
la Gaule pendant quatre années, a prétendu à tort qu'il fallait intervertir, dans
le récit de Dudon, l'ordre des expéditions de Rollon et placer l'expédition
d'Angleterre avant celles de Bayeux et d'Evreux. Dudon , ici comme ailleurs ,
n'est pas à reprendre. Il est vrai que, d'après lui, Rollon aurait été appelé en
Grande-Bretagne par Guthrun-Athelstan , lequel, suivant la Chronique saxonne,
serait mort en 890 ; mais d'autres annalistes mettent cette mort en 893
(Cf. J. Lair, Introduction, p. 59-61). Quoi qu'il en soit, il reste certain
qu'en 892 Rollon , comme tous les autres chefs danois , avait quitté la Gaule et
était passé en Angleterre.
* Per idem tempus iterum Nortmanni , cum duce eorum , Hunedeo nomine,
et auinque barchis iterum Sequanam ingvessi.... Nortmanni vero,jam multi-
tiplicati, paucis ante Nativitatem Domini diebus, Hisam ingressi (Ann.
Vedast., ad ann. 896, dom Bouquet, VIII, 92).
— 76 —
oîi sont résumées avec précision les expéditions normandes
de cette époque. « Les pirates, y est-il dit, après avoir dévasté
» le nord de la Gaule, abandonnèrent, d'abord avec BaretS en-
» suite sous la conduite d'Hasting, les régfons maritimes du
» continent et se mirent à ravager la terre voisine de France 2;
» mais ils furent taillés en pièces par les ducs de ce pays. Alors
» de nouvelles troupes de Danois entrèrent dans la Seine, et
» leurs chefs, trouvant Rouen et les cités d'alentour dépour-
>> vues de défenseurs, s'en emparèrent et s'y établirent. Puis
» ils élevèrent au-dessus d'eux et créèrent roi RoUon , qui
» était de leur race et qui fixa sa résidence à Rouen ^. »
La conquête de la province de Rouen fut accomplie par les
pirates dans le cours des années 897 à 900 environ *. C'est
' Baret revint d'Angleterre en Gaule, comme la plupart des autres chefs
danois, car, le 30 juin 903, ce fut lui qui brûla la ville de Tours : Anno incamati
Verbi DCCCCII/, pridie Kalendas julii ^ festo Sancti Pauli, régnante Carolo,
filio Ludovici Balhi^ post obitum Odonis régis in anno VI et Roberti abbatis
anno XV ^ iterum succensa est basilica âincti Martini cum XXVIII aliis
ecclesiis ab Heric et Baret , Nortmannis , cum toto castra [Chron. de Saint-
Martin de Tours, dom Bouquet, VIII, 317).
2 II s'agit ici de l'Angleterre.
3 Et Nortmannorum aliae cohortes Franciam superiorem dévastantes,
primum cum duce Bareto, deinde cum rege Astenco oras mantimas désertantes,
postijuam desolaverunt terram vicinam Francie, prostrati sunt a vicinis
ductbus Francie, Deinde cum alia multittidine Nortmannorum Rodomum urbs
et vicine sibi civitates inventae vacuae vindicate sunt ad habitandum a
ducibus eorum, qui elevaverunt super se ex eorum geute regem nomine Rosum
qui sedem sibi in Rodomo constituit (Pertz, Scriptores, IV, 123). Ces lignes
ont été écrites par un moine de Saint-Martial de Limoges, au XII® siècle. Elles
offrent un résumé véridique des expéditions normandes de 890 à 900 environ.
On y voit que Rollon n'était qu'un chef secondaire avant l'invasion de 896.
C'est précisément le résultat auquel M. Lair était arrivé au sujet de Rollon dans
son Introduction à F Histoire de Dudon de Saint-Quentin, p. 59. Le moine de
Limoges a emprunté vraisemblablement ce passage à une ancienne source d'ori-
gine aquitaine aujourd'hui perdue.
^ En l'année 900, le roi Charles le Simple, inquiet de voir les pirates
s'établir malgré lui dans son royaume , avait mandé à sa cour les ducs Robert
et Richard, ainsi qu'Herbert, comte de Vermandois, et Manassès, comte de
Dijon. Il voulait avoir leur avis sur la conduite à tenir vis à vis des envahisseurs.
Mais des disputes s'élevèrent entre Robert et Manassès ; la conférence n'aboutit
à aucun résultat , et personne ne songea plus à inquiéter les Normands dans
leur conquête. Rex cum Roberto et Ricardo atque Heriberto coepit semwcinari
quid de Nortmannis agerent. Unde contigit quadam die ut Manassès, quidam
ex fidelihus Ricardi, régi loquens, quae illi non conveniebant de Roberto
locutus est. Quod ubi Roberto nunctatum est , ascenso equo , rediit in sua,
atque ita omnes discordantes sine ullo ejfectu reversi sunt unusquisque in
sua {Ann. Vedast., ad an, 900, dom Bouquet, VIII, 93).
— 77 —
alors que RoUon fut proclamé chef par les autres capitaines
danois dont les troupes étaient cantonnées dans la région
roumoise^
RoUon s'appliqua d'abord à asseoir solidement la conquête
que ses compagnons avaient faite des pays riverains de la
Basse-Seine. Aussi, pendant une dizaine d'années (900 environ
à 910), la Gaule septentrionale fut-elle peu inquiétée par les
incursions des Danois.
Grâce à ce répit, pour ne citer qu'un exemple, Hervé, élu
archevêque de Reims le 6 juillet 900, pouvait consacrer les
premiers temps de son épiscopat à relever les murailles des
places fortes de son diocèse et k réédifier un grand nombre
d'églises autrefois brûlées par les Normands. Le 29 décembre
900, rassuré par la contenance des pirates , il transféra hors
des murs de sa cité de Reims le corps de saint Rémi, qui
avait été mis, quelques années auparavant, à l'intérieur de la
ville par crainte des incursions danoises ^.
Ce ne fut que lorsque Rollon sentit sa domination sûrement
établie à Rouen qu'il résolut de l'étendre plus loin. On était
alors en l'année 910. Gui, archevêque de Rouen, venait de
mourir 3. Ce prélat avait su prendre sur les pirates danois
* Rollon n'exerça jamais Tautorité souveraine gue sur les Normands de la
Seine. Dans le temps même où ceux-ci le choisissaient pour chef, d autres
pirates, établis à l'embouchure de la Loire, ravageaient le centre de la Gaule.
En 903, Baret et Héric pillèrent et brûlèrent la ville de Tours ; ils poussèrent
leurs incursions jusqu'en Berry, où ils détruisirent labbaye de Deuvre (c"« de
Saint- Georges -sur-la-Prée). Cf. pièces justif. n® V. Hasting, de son côté,
chassé d'Angleterre, était rentré en Gaule. Un auteur du X*' siècle menlioiine
une invasion de ce terrible capitaine en Bourgogne, peu d'années avant la
bataille qui eut lieu à Chartres le 20 juillet 911. Au cours de cette expédition,
Hasting dévasta les rives de la Saône et ruina de fond en comble le monastère
de Sadnt-Vivant-en-Amous (Jura). Cf. Vita S. Viventii, dom Bouquet, IX, 130.
Aucun de ces chefs n'obéissait à Rollon. Plus de quinze ans après le traité
conclu à Saint-Clair-sur-Epte entre Rollon et Charles le Simple, les Normands
de la Loire, sous la conduite de leur duc Ragnold, désolaient encore notre
pays (Flodoardy ad annos 923-930).
2 Cf. Flodoard, HisL eccl. Rem., 1. IV, c. 13, dom Boutjuet, VIII, p. 162,
note 6 et p. 163. — Le récit de Dudon de Saint-Quentin me confirme dans
l'opinion que, de 900 à 910, les Normands de la Seine firent peu d'incursions
hors de la région roumoise où ils étaient établis. Dudon, en effet, après avoir
montré que Rollon avait fixé sa résidence à Rouen, d'où il dominait sur toute la
contrée (éd. Lair, p. 106), ne mentionne aucune expédition de ce chef des pirates
avant la fameuse campagne de 910-911 que je raconterai dans la suite.
3 Gui est signalé pour la dernière fois le 26 juin 909, jour où il souscrivit les
décrets du concile de Trosli, près de Soissons.
— 78 —
un certain ascendant ; il en avait converti beaucoup à la foi
chrétienne ^ et avait dû contribuer pour une grande part à
réprimer les projets belliqueux de RoUon. Mais le successeur
de Gui, Francon, se trouva impuissant à s'opposer à la lutte
qui était imminente entre les Normands et les Francs.
Vers la fin de l'année 910, RoUon vint assiéger Paris et se
mit à désoler les pays environnants '. Le roi Charles le
Simple, effrayé par cette brusque attaque, manda à lui l'arche-
vêque Francon et obtint par son entremise une trêve de trois
mois^. Plusieurs puissants comtes de Gaule s'indignèrent
de voir le roi solliciter ainsi des pirates une paix déshono-
rante. Richard, duc de Bourgogne, et Ebles, comte de
Poitiers, lui firent savoir qu'ils étaient prêts à accourir à son
secours et qu'il ne fallait à aucun prix transiger avec les
Danois *. RoUon, instruit de l'alliance prête à se former contre
lui , n'attendit pas que ses ennemis eussent réuni leurs forces ;
il rompit la trêve et fondit à Timproviste sur les Francs :
puis, pour terrifier le duc Richard, il envoya ses navires par
le cours de la Seine et de l'Yonne porter leurs ravages
jusqu'en Bourgogne *. A Auxerre, les Normands furent taillés
en pièces par les habitants qui étaient allés à la rencontre
des pirates sous la conduite de leur évêque Géran*. Trois
• On possède une longue épître d'Hervé , archevêque de Reims, en réponse à
une lettre dans laquelle Gui lui avait demandé conseil sur la conduite à tenir
vis à vis des Normands nouvellement convertis (Cf. Labbe, Concilia, ï. IX,
col. 484-494).
^ [Rollo]y Parisius veniens, eoepit urbem oppugnare et terrant super
inimxcos suos devastare (Dudon, éd. Lair, p. 160).
^ Francon , au rapport de Dudon , était alors assujetti à Rollon. Karolm rex
rogavit ad se venire Franconem, Rotomagensem episcopum, Rolloni jam
attributum (Dudoriy édit. Lair, p. 160). C'est une nouvelle preuve que Rollon
dominait souverainement à Rouen bien avant le traité de Saint-Clair-sur-Epte.
* Dudon, édit., Lair, p. 160-161.
5 Illico Rollo,,, eoepit laniare et affligere atquedelere populum, Sui autem
in Burgundiam pergentes , perque lonam in Sigonam navigantes, terrasque
amnibus affines usque Clarum Montent undique secus dévastantes, Senonis
provinciam invaserunt, atque cuncta depopulantes ad Sanctum Benedictum
contra Rollonem revenerunt,,. Stampas equtdem adiens, [Rollo] totam terram
adjacentem perdidit, quamplurimos captivavit. Inde, ad Vilemetz vemens,
finitimas terras praedavit, hincque Parisius remeare acceleravit {Dudon,
éd. Lair, p. 161.)
® Géran avait été élu évêque d'Auxerre le 14 janvier 910.
— 79 —
étendards furent pris, deux chefs faits prisonniers ; on pré-
cipita Tun d'entre eux du haut des murs de la ville *.
Toutefois cette résistance des Auxerrois ne fut guère qu'un
fait isolé. Après avoir dévasté la Bourgogne supérieure , les
Normands descendirent la Saône, puis remontèrent vers la
province de Sens, en suivant la Loire; ils séjournèrent au
monastère de Fleury où ils rejpignirent RoUon ; de là ils se
dirigèrent sur Etampes, ensuite sur Dreux, campèrent à
Yillemeux 2, près du cours de l'Eure, enfin revinrent vers
Paris, ne laissant sur leur passage que la ruine et la mort.
Entre Dreux et Paris, RoUon fut arrêté dans sa marche
par un obstacle inattendu. Les paysans des régions saccagées,
s'étant rassemblés en grand nombre, voulurent barrer la
route aux Normands; mais la plupart étaient sans armes, et
ceux qui en portaient ne savaient même pas les manier :
RoUon en fit un grand carnage et mit les survivants en
déroute ^.
Ces événements se passaient vers le milieu de l'année 911,
A la nouvelle de l'approche des Danois, le comte Robert, fils
de Robert le Fort, s'était jeté dans Paris avec Manassès,
comte de Dijon, l'un des plus braves capitaines de l'époque*.
Décidés à tenter un effort suprême contre RoUon , ils écri-
virent au duc de Bourgogne , Richard , pour qu'il vînt unir
ses forces aux leurs : « Sachez, lui dirent-ils, que nous
» sommes sortis de Paris pour aller à la rencontre des
* [GeranwîwJ, cum suis tantum urbe egressuSy speculaiores praemittit,
hostesque inventt : initur beUum , jpotitur Victoria, et, profiigatis adversariis,
tria iliorum revehuntur labara. Duo illic hostium nobtles capti sunt, quorum
unus de muro civitatis praecipitatus periit ( Vita sancti ùeranni , auctore
anonymo coaevo, Bollandistes, Acta Sanctorum, tome XXXIII, p. 598).
* ViUemeux, Eure-et-Loir, air* Dreux, c«n Nogent-le-Roi.
3 L'histoire mentionne plusieurs soulèvements analogues des paysans d'entre
Seine et Loire contre les Normands. En l'année 859, vulgus promiscuum inter
Sequanam et Ligerim inter se conjurans adversus Dams in Sequana consis-
tantes , fortiter resistit ; sed , quta incaute suscepta est eorum conjuratio , a
potentioribm nostris facile interficiuntur {Ann, Bertin.y ad an. 859, dora
Bouquet, VII, 74). — En 862, quand les moines de Saint-Maur-sur-Loire se
réfugièrent au Mesle , au pays de bées , l'évêque de Sées , Hildebrand , était
occupé à diriger une expédition générale du peuple contre les Danois, et il ne
put venir recevoir les reliques de saint Maur que les moines apportaient avec
eux (Dom Bouquet, VIII, 347).
^ Duchesne, dans son Histoire de la maison de Vergtfy a fort bien résumé
tout ce que l'on sait sur ce comte de Dijon.
— 80 —
» Normands: mais ne les ayant pas trouves, nous sommes
» rentrés dans la ville, et nous vous faisons demander si oui
» ou non vous viendrez à nous *. » Comme on le verra par la
suite, Richard répondit à cet appel.
Cependant RoUon s'était arrêté dans sa marche sur Paris ^,
Pour enlever aux paysans de la Beauce toute pensée de
tenter contre lui une nouvelle attaque , il fit brusquement
volte-face, envahit les comtés chartrain et dunois, et y
mit tout à feu et à sang. Puis il se dirigea sur la ville de
Chartres, résolu à la détruire de fond en comble^.
De môme que, l'année précédente, l'évèque Géran avait
été forcé d'organiser la défense à Auxerre , de même l'évoque
de Chartres, Gousseaume *, était alors seul pour défendre la
cité. Dès qu'il fut averti des intentions de RoUon , il manda
au comte Robert d'accourir à la rencontre des Normands *•
* Cette lettre est transcrite en marge d'un manuscrit de l'église cathédrale
de Chartres (Bibl. commun, de Chartres, ms. 92, f« 38 yo). Les auteurs
du Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de Chartres ont, en 1890,
édité ce curieux document; mais ils n'y ont ajouté aucune note et ne
semblent oas en avoir compris l'intérêt. Ils ont sans doute cru que le duc
Richard, dont il est question ici , était un duc de Normandie , car ils atU-ibuent
cette lettre au XI« siècle. Leur erreur est évidente. L'écriture de cette courte
missive appartient au commencement du X° et non au XI« siècle. L'époque où
elle fut transcrite est déterminée par ce fait que, dans la même marge, ont été
ajoutés, d'une écriture conteniporame, ces mots : Galterius archipresul, Gautier,
archevêque de Sens, de 887 à 923. Voici en quels termes est conçue cette
lettre: notbertus, cornes , et dux Mariasse Richardo comiti, saluiem, Scitote
quoniam fuimus perrecti contra Normannos, sed non invenientes, regressi
sumus ParisiuSf miltentes ad vos, et requirimus utrum vos necne venietis ad
nos. — On comprend aisément la raison qui, en l'année 911 sans doute, fit
copier, dans un manuscrit de l'église de Chartres , cette lettre à laquelle la cité
dut son salut ; car ce hit grâce à la venue du duc Richard que Rollon et ses
compagnons purent être repoussés de Chartres par les Francs.
^ Ce doit être à cause de ce brusque changement de direction dans la marche
de l'armée danoise que Robert et Manassès ne rencontrèrent pas les Normands
dont on leur avait annoncé l'approche.
3 Postea Rollo, nimio furoris aestu inhians et flagrans, super suos
inimicos, civitatem Carnotis hostiliter expetiit, atque Dunensem comitatum et
Camotensem vastans, cum magno exercitu obsedit (Oudon, éd. Lair, p. 162).
* Le souvenir de l'évèque Gousseaume était encore vivant à Chartres au
XIII*' siècle (Cf. Le livre des miracles de Notre Dame de Chartres, par Jehan
Le Marchant, édit. Gratet - Duplessis , p. 181). Dans les chroniques latines
imprimées, cet évêque est appelé Waïtelmus, Mais la forme populaire du
XIII« siècle, Gousseaume, montre que son vrai nom était Walcelmus.
^ Misit ad Francos hujus maestiferae legationis nuntios. Dudon ajoute que
Gousseaume écrivit aussi au duc Richard et à Ebles de Poitiers ; mais ces
%
— 81 —
Robert venait d'opérer sa jonction avec le duc Richard.
Les deux armées franque et bourguignonne atteignirent
Chartres le samedi 20 juillet 911. Comme elles arrivaient,
RoUon était sur le point de s'emparer de la ville ^ Le combat
fut acharné des deux côtés; mais, tandis que les troupes de
RoUon étaient aux prises avec celles de Richard et de Robert,
révoque Gousseaume, revêtu des habits pontificaux, entouré
des hommes d'armes de la cité, sortit de Chartres tenant en
main la croix et le voile de la vierge Marie ^, Tous les habi-
tants et les clercs le suivaient. Ils fondirent par derrière sur
les païens, et cette intervention inattendue décida du sort de
la journée^. Pris entre deux ennemis, les Normands se mirent
t
capitaines devaient avoir été prévenus auparavant ; sans cela ils n'auraient pas
eu le temps d'arriver. On a vu que c'était Robert qui avait fait venir Richard
' cf. plus haut, p. 80, note 1 ) ; il en fut sans doute de même pour le comte Ebles.
iC moine Paul, auteur du cartulaire de Saint-Père de Chartres, affirme que
l'évêque Gousseaume écrivit alors non seulement au duc de Bourgogne et au
comte de Poitiers, mais aussi à deux puissants comtes des Francs, duos
potentissimos Franciae comités : û s'agit sans doute des comtes Robert et
Manassés. Ce renseignement, qui ne se trouve pas dans l'ouvrage de Dudon,
prouve que le moine Paul ne s'est pas contenté de copier le récit du doyen de
Saint-Quentin et qu'il a eu à sa disposition quelque autre document, proba-
blement d'origine locale {Carttd. de Saint-Père, p. 47).
* DCCCCXi. Hocanno, XII [I] Kalendas augusU, in sabbato, cum obsiderent
Nortmanni Carnotinam urbem , et jam penitus esset capienda, supervenientes
Ricardus et Rothbertus comités, omnipotentis Dei auxUio et heatae Mariae
patrocinio roborati, fecerunt stragem maximum paganorum, a paucis qui
remanserant absides capientes (Ann. Sanctae Cotumbae Senonensis, Pertz,
SS. I, 104). — Plus de vingt chroniqueurs des siècles suivants mentionnent le
siège de Chartres ; mais ils ont tous puisé leurs renseignements à deux sources
qui sont certainement <l'origine contemporaine: les Annales de Sainte-Colombe,
que je viens de citer, et la Chronique de Saint - Maurice d'Angers, qui
s'exprime ainsi : DCCCCXI, apu4 Carnotum proeliatum est die sabbati contra
paganos per Richardum atque Rotbertum auces , et perempti sunt fortissimi
paganorum VI millia DCCC [Chroniq, des églises d* Anjou, par Marchegay et
MabiUe, p. 8).
3 Cette antique relique , encore conservée à Chartres aujourd'hui , aurait été
donnée , suivant la tradition , à l'église de Notre-Dame par Charles le Chauve.
Quoi qu'il en soit, il est bien certain qu'elle était déjà fort vénérée dans la cité,
il y a près de mille ans, comme le prouve l'usage qu'en fit l'évêgue Gousseaume
pour entraîner les Chartrains au combat. Les annales de Sainte-Colombe dé
bens font sans doute allusion à cette intervention de l'évêque tenant en mains la
croix et le voile de la vierge Marie, lorsqu'elles disent que les Normands furent
taillés en pièces Dei auxilio et beatae Mariae patrocinio (voir la note pré-
cédente).
3 Caesis ergo christianorum ac paganorum pluribuSy stabat uteraue in
proelio exercitus mtUuans vitam altemis ictibus, quum stcbito Guaitelmus
episcopus, quasi missam cekbraturus infulatus, bajulansque crucem atque
T. XII, M. 6
- 82 —
à fuir et se frayèrent comme ils purent un passage au travers
de leurs adversaires ^ Ils laissèrent plus de six mille cinq
cents morts sur le champ de bataille , sans compter ceux de
leurs compagnons qui se noyèrent dans l'Eure ou qui mou-
rurent des suites de leurs blessures^.
L'issue de ce mémorable combat ne fut pas un simple effet
du hasard. Depuis plus d'un an , les Francs ne cherchaient
qu'une occasion d'engager une lutte sérieuse avec les Nor-
mands. C'est surtout au comte de Paris, Robert, que revient
l'honneur d'avoir organisé contre les pirates cette résistance
qui finit par délivrer le pays de leurs incursions ^. Dès l'an
iunicam sacrosanctae Mariae virginis manihus, prosequente clero cum civibus^
ferratisque aciebus constipatus , exsiiiens de civitatej paganorum terga telis
verberat et mucronibus [Dttdon, éd. Lair, p. 162).
D'après le moine Paul, qui nous rapporte Topinion du clergé chartrain de la
fin du XI« siècle, Tévêaue Gousseaume aurait joué, en cette journée du
20 juillet 911, un rôle différent de celui qui lui est attribué par Dudon.
Gousseaume n'aurait pas quitté la ville: seuls les habitants de Chartres
auraient opéré une sortie ; l'évêque serait demeuré sur les murs d'enceinte, se
contentant d'exposer aux regards des assaillants, du haut de la Porte-Neuve, le
voile de la vierge Marie (Cart. de Saint-Père ^ p. 47). On avait peine à
admettre au XI« siècle que l'évêque eût pris une part active à la mêlée. Le récit
de Dudon cependant paraît préférable a la tradition chartraine. On ne peut
oubHer en effet que l'évêque d'Auxerre, Géran, combattit en personne , sous les
murs de Chartres {Vita sancti Geranni, Acta SS., t. XXXIII, p. 598). Les
évêques, aux IX® et X*^ siècles, ne craignaient pas de se joindre aux expéditions
dirigées contre les pirates danois, et ils ne se croyaient pas obligés à s'éloigner
des champs de bataille.
^ Le lieu du combat ftit, suivant toute vraisemblance, la prairie connue
aujourd'hui sous le nom de Grands-Prés. Cette prairie, qui s'étend entre
Chartres et Lèves , le long de la rivière d'Eure , est implicitement désignée par
les divers chroniqueurs comme l'endroit oii se livra la bataille. On sait en effet
aue beaucoup de Normands se noyèrent en voulant traverser l'Eure, et que
aautres se réfugièrent en grand nombre sur les coUines de Lèves après le
combat {Dudon, éd. Lair, p. 164).
^ Maxima paganorum caedes acta est, in tantum vt inventi sint jugulatorum
cadavera plus quam VI millia D, exceptis his quos vorago fluminis Audurae
absorbuit, longusque fugae tractus silvarumque vastitas vulneratos et exanimes
obtinuit {Vita sancti Geranni, Acta sanctorum, T. XXXllI, p. 598).
3 Robert , chargé par Charles le Simple de la défense du royaume contre les
Normands, ne put quitter Paris pendant près deux ans (910-912). Une charte
de Marmoutier nous apprend , en effet , que les occupations diverses qui lui
incombaient le forcèrent à rester durant ce laps de temps éloigné de sa ville de
Tours. Anno incarnationis dominice DCCCCXII, cum.., domnus Rotbertus^
abba et cornes , propter diversa regnorum Franciae atque Neustriae. negotia^
quibus a rege praepositus erat, ab urbe Turonica fereper biennium defuisset
(Mabille, Invasions normandes dans la Loire, Bibl. de l'Ec. des Chartes,
année 1869, p, 451). .
— 83 —
900, Fannaliste de Saînt-Vaast nous montrait Robert, à la
cour de Charles le Simple, délibérant avec Richard de Bour-
gogne, Herbert de Vermandois et Manassès de Dijon sur les
moyens à employer pour chasser de Gaule les Normands.
Une dispute survenue entre Robert et Manassès avait em-
pêché cette conférence d'aboutir. Plus tard, les relations
amicales de ces deux comtes se renouèrent. En 911, Robert
avait appelé près de lui Manassès, et nous les avons vus
allant de compagnie à la rencontre des pirates. Dans le même
temps, Robert écrivait à Richard de Bourgogne et à Ebles de
Poitiers, leur rappelant la promesse qu'ils avaient faite au
roi, Tannée précédente, de marcher contre les Danois au
premier appel. Richard était accouru en toute hâte avec ses
troupes ; Tévêque d'Auxerre , Géran , était avec lui , et il se
battit bravement sous les murs de Chartres ^ Quant à Ebles
de Poitiers, il n'arriva que le soir de la bataille , alors que les
Normands étaient dçjà dispersés de toutes parts ^.
Le combat de Chartres fut un des grands événements de
notre histoire nationale. Les auteurs contemporains sont
unanimes à reconnaître qu'il marqua la fin des incursions
des Normands de la Seine ^. Les Danois, comme les Francs,
comprirent que tout sentiment patriotique n'était point éteint
en Gaule. RoUon ne songea plus qu'à s'assurer la possession
pacifique des provinces qui lui appartenaient en fait depuis
dix ans déjà, et, après une autre tentative infructueuse*, il
^ [Geranni] victrix dextra^ una cum Richardo et RobertOy duobus maximis
proceribus, proelio^ quod apud Camotum urbem gestum fuit, interfuit
(Vita sancti Geranni, loco citato),
^ Finito tali et tam maano certamine belliy Ebalus vespere advenit cum
suis (Dudon, éd. Lair, p. 164).
3 Quidam Francorum ac Burgundionum primores, duce Richardo
preeunte.,. irruerunt in [Normannos] in pago Camotense, tantaque strage
Ulos deleverunt ut ulterius in exterorum fines minime raptim exire tentarent
(Vita sancti Viventii, dom Bouquet, IX, p. 131). — Post bellum quod Robertus,
cornes, contra [Normannos] Carnotenus gessit, fidem Christi suscipere
coeperunt (Flodoard, Hist, eccl. Rem., 1. IV, c. 44). Voir aussi Dudon et Vita
sancti Geranni, lacis citatis,
* Après la défaite qu'ils essuyèrent à Chartres, les Normands tentèrent encore
une fois de pénétrer en Bourgogne, mais ils furent taillés en pièces par le duc
Richard dans le Nivernais, et, depuis lors, Rollon et ses compagnons ne se
risquèrent plus à sortir de la province de Rouen ( Vita sancti Geranni ) . Voir
aussi Dudon, éd. Lair, p. 165.
— 84 —
conclut avec Charles le Simple le traité de Saint-Clair-sur-
Epte (912).
Les diverses chroniques sont muettes sur la part que prit
le comte Eudes aux événements dont le pays chartrain fut le
théâtre en 911. Subordonné au duc d'entre Seine et Loire,
Eudes devait combattre à Chartres sous le commandement
de Robert, et il se trouvait ainsi confondu avec les autres
belligérants ^ Son rôle avait dû être tout différent quand ses
comtés de Chartres et de Châteaudun avaient été ravagés
par RoUon - ; car c'était à lui surtout qu'incombait alors le
soin de les défendre. Dudon, malheureusement, ne .nous a
laissé aucun détail sur la manière dont le comte de Chartres
agit en ces circonstances.
On ignore l'époque exacte à laquelle Eudes mourut. Il est
certain qu'il avait cessé de vivre avant l'année 926, date à
laquelle Thibaut le Tricheur apparaît comme comte de
Chartres 3.. Je crois qu'Eudes avait épousé Richilde*, qui se
fit religieuse après le décès de son mari, et qu'il fut le père
du célèbre comte de Chartres, Thibaut le Tricheur et de
Richard *, archevêque de Bourges. Eudes aurait eu en outre
une fille qui épousa dans la suite le duc de Bretagne , Alain
Barbe-Torte.
* Déjà, en 886, lorsqu'Eudes repoussa de Chartres les Normands, il
combattait sous les ordres du comte de Paris , Eudes , frère de Robert. Belligeri
fuerant Uddonis consulis ambo (Abbon, 1. I, vers 653).
2 Rollo, nimio furoris aestu inhians,... atque Dunensem comitatum et
Carnotensem vastans (Dudon, éd. Lair, p. 162).
3. Cf. pièces justificatives, n° V.
* Il y avait à Chartres, au moyen âge, un quartier que Ton appelait la Cour-
Richeux, Curia Richildis. Ce quartier, attenant au Chàtelet, me paraît avoir
tiré son nom de Richilde , fenune du comte Eudes , aucune autre comtesse de
Chartres ne s'étant appelée ainsi.
^ Sur Richilde et ses fils Thibaut et Richard, voir une charte de 980 environ,
pubhée par d'Arbois de Jubain ville. Histoire des comtes de Champagne, I, 461 ,
462.
(A suivre), R. Merlet.
L'ÉCOLE CHARTRAINE DE SCULPTURE
AU
DOUZIEME SIECLE
d'après Les Origines du Style monumental au Moyen Age; étude sur la pre-
mière floraison de la plastique française , par le D»" Wilhelm Voge. —
Strasbourg, J. H. Ed. Heitz (Heitz et Mundel), 1894.
« Une étude sur Tart français au moyen âge se justifie
d'elle-même. Le foyer de culture le plus éclatant du moyen
âge, ce n'est pas l'Empire germanique avec son souverain,
c'est la France ; là se déploie la vie la plus intense de cette
époque ; là se constituent en fin de compte ses caractères et
son art classiques. 11 est impossible de résoudre, en se
fondant sur les monuments allemands et italiens, les
questions élémentaires de l'art au moyen âge , ayant trait
notamment à l'héritage de l'Antiquité , à la part de l'Orient,
aux influences artistiques des nations occidentales. Et pour
étudier le problème de la formation du style du moyen
âge, c'est en définitive toujours au sol français qu'on en
revient; là seulement, se dévoile le secret du génie du
» moyen âge. »
Tel est le début du livre du D"^ Voge, qui après avoir re-
marqué à quel point le problème de l'origine du style gothique
tient une place prépondérante dans les recherches de nos
archéologues , se demande si leurs conclusions ne reposent
pas sur des idées préconçues, si, en particulier, VioUet-le-Duc
ne s'est pas fait illusion sur les véritables origines du style
du XII® siècle. Après avoir fortement affirmé la pleine origi-
nalité, la priorité absolue du style gothique français, M.Voge
relève, après M. Louis Gonse, l'extrême importance du
portail occidental de la cathédrale de Chartres, « premier
— 86 —
» coup d'aile dn génie français émancipé. » C'est à ce portail
que M. Voge ramènera toute son étude, Fabbaye de Saint -
Denis ne venant qu'au second plan.
I
COMPTE RENDU Ï>E LA PREMIÈRE PARTIE
La première partie du livre est consacrée à la plastique
romane de la Provence, du Languedoc et de la Bourgogne
envisagée dans ses rapports avec l'école du nord de la
France. Elle commence par une description circonstanciée
de la « Porte royale de Chartres. » L'auteur, relevant l'unité
de ce remarquable morceau, n'hésite pas à le déclarer « sorti
» d'une seule tète, ce qui n'empêche du reste nullement d'y
» distinguer plusieurs mains ; par exemple , les statues pla-
» cées tout à fait à droite et tout à fait à gauche sont d'une
» autre main que les groupes centraux contigus. Ainsi
» s'explique une suite d'incohérences de style et d'ordon-
» nance. » L'une des plus frappantes est l'inégalité des
statues et des socles de la porte centrale. Bien que ces
disproportions concourent avec un rare bonheur à attirer les
regards sur la figure dominante du Christ, M. Vôge n'y voit
pas l'effet d'un calcul et les attribue à ce simple fait qu'on
avait fourni aux sculpteurs des blocs inégaux.
<c II faut toujours dans les arts trouver un point de départ »
a dit VioUet-le-Duc. « L'effort que marque le portail de
Chartres.... met en évidence, par sa supériorité, un groupe
d'œuvres,.... une école; » tel est l'avis de M. Louis Gonse,
et cet archéologue ajoute que « les origines profondes de
l'école chartraine se rattachent vraisemblablement à la
célèbre école romane de l'Aquitaine (Toulouse, Moissac)
avec un fort appoint bourguignon, ou mieux clunisien
(Vézelay, Charlieu, Avallon); style mixte, qui paraît avoir
évolué autour de Paris, en passant d'abord par les portes
latérales de Bourges, lesquelles semblent le trait d'union
entre les types méridionaux et l'école chartraine. » M. Vôge
ne croit pas cette opinion absolument juste. Selon lui,
M. Gonse « n'a pas nommé l'école qui précisément aurait
» dû occuper le premier rang : l'école de Provence. » Il
s'attachera donc à prouver que « sans aucun doute, les carac-
— 87 —
» tères essentiels de rartchartrain viennent de là, et qu'en
» première ligne, c'est avec le portail occidental de l'église
» Saint-Trophime d'Arles, si richement décoré, que notre
» maîtresse-œuvre de Chartres se relie par les liens les plus
» nombreux. Jusqu'à présent, on n'avait pas reconnu ces
» rapports parce qu'entre les deux œuvres la différence de
» style est frappante. Mais est-on bien en droit de tabler
» uniquement sur des rapports de technique et de style? » ....
» Venons-en d'emblée â la comparaison : faisons un
» examen approfondi des deux compositions de Chartres et
» d'Arles. Le tympan du portail de Saint-Trophime présente,
» comme le tympan central de Chartres, un Christ trônant,
» environné des symboles des quatre Évàngélistes. Le tympan
» est entouré d'une double rangée de demi-figures d'anges ;
» sur le linteau, apparaissent les douze apôtres assis. Le
» tympan orné du Christ est séparé du linteau par une
» moulure décorée de feuilles d'acanthe ; celle-ci empiète à
» droite et à gauche sur les chambranles que l'on a décorés
» de figures d'apôtres et de saints de grandeur naturelle en
» haut relief; ces figures sont séparées par des pilastres
» ornementés. Au dessus de ceux-ci , se développent deux
» bandes en relief, celle d'en haut maintenue à la largeur du
» linteau , auquel elle est d'ailleurs intimement reliée , celle
» d'en bas, la plus étroite, ornée de scènes bibliques ^ »
Même disposition à Chartres, « figure par figure 1 » Rien
n'y manque. La même observation s'impose si, au lieu du
portail de Saint-Trophime, on prend celui de Saint- Gilles.
« Rien de plus vraisemblable, par conséquent, que de
» considérer le riche programme iconographique des artistes
» chartrains comme conçu par une autre école; on en
» trouverait une nouvelle preuve dans le rapport intime et
» spécial entre la décoration plastique et l'appareil architec-
» tonique.... Nous trouvons donc, comme on le voit, au bord
» du Rhône une école plastique qui a produit, à en juger par
» ses deux monuments les plus importants, un système bien
» défini de décoration plastique; dans presque tous ses
» caractères essentiels, ce système présente avec les ouvrages
» chartrains des rapports qui sautent aux yeux. » Cette
* P. 13. . .
— 88 —
concordance avait déjà frappé M. Henry Revoil, mais il
attribuait à l'influence de Byzance les différences d'aspect
entre les statues de Chartres, plus longues, plusraides, et
celles d'Arles, dans lesquelles l'influence de la statuaire
romaine se fait encore sentir. « Il dénie toute originalité à
» l'œuvre des artistes chartrains ^ » M» Vôge n'a guère de
peine à démontrer qu'il s'est grossièrement trompé. Dans
leurs créations, les artistes chartrains tirent avec une
rigoureuse logique les conséquences de leur principe de
construction; « le style chartrain n'est pas moins français
» que la composition chartraine ! Il n'y a là aucune relation
» directe avec des ouvrages byzantins ou grecs ; cette école
» s'élève, si j'ose m'exprimer ainsi, sur les épaules de sa
» devancière autochtone et ses sources coulent sur le sol
» national. Ce qui distingue ses ouvrages de ceux de la
» Provence, c'est l'habileté et la finesse de la main française,
» le tour d'esprit français, le sérieux de la première étude de
)x la nature. C'est le souffle du génie français qui a fait des
» reliefs d'Arles les rois de Chartres. »
Nous ne suivrons pas M. Voge dans sa minutieuse
description « des statues des portails du Mans, de Paris,
» d'Etampes, qui ont avec celui de Chartres une étroite
» parenté. » De ce qu'à Chartres les ressemblances avec les
ouvrages du Midi sont plus visibles qu'ailleurs , notre auteur
tire cette conclusion : « Chartres est de tous les ouvrages
» appartenant à cette école le plus ancien. » Les rapproche-
ments à faire entre ces ouvrages, les comparaisons avec
l'école de Provence portent sur plusieurs points. Et d'abord,
le type des personnages. Comme VioUet-le-Duc , dont il cite
un passage célèbre, M. Voge est frappé du caractère
essentiellement français de ce type. Mais il fait observer que
sous cette uniformité apparente, on distingue de nombreuses
variétés; « or, la variété des types, par laquelle l'art du
» XII® siècle tranche si complètement sur celui du xiii®, qui
» s'est fait un type uniforme, repose au moins en grande
» partie sur ce fait que la vieille tradition est encore vivace
» à ce moment. Ce qui rend vivantes les tètes comme celles
» dont nous parlons , c'est en premier lieu le souffle original
* P. 18.
» qui anime le ciseau sûr et presque génial de l'artiste, c'est
» son œil ouvert sur les formes organiques qui l'entourent.
» Assurément, ces artistes de Chartres ont vu de près la vie,
» ils ont une compréhension originale de ses formes, mais,
» comme nous le verrons, leurs figures tout entières ont
» autant ce caractère que leurs têtes ; rien ne leur est plus
» étranger que le portrait, la tête d'expression modelée
» d'après nature; ils étudient la structure, l'anatomie des
» formes organiques , ils l'étudient sous toutes ses faces ; la
» physiognomonie ne les intéresse pas^ » En ceci, M. Vôge
se sépare de VioUet-le-Duc , qui considérait les statues de
Chartres comme des portraits.
L'étude du costume conduit à des conclusions analogues :
à Arles et à Chartres, même vêtement de dessous à manches
étroites, même « robe de dessus à manches un peu plus
» larges, qui, relevée de côté, s'élève par des plis en escalier
» jusqu'au dessus du genou ^. » Enfin, par dessus le tout,
» une pénula en forme de cloche, » qui devient à Chartres un
manteau drapé sur l'épaule. Dans la coiôure, les sandales,
dans l'attitude, dans le geste toujours identique de cette
main qui tient un livre, les différences d'exécution ne sau-
raient dissimuler une évidente parenté.
Mais comment expliquer que l'art si original et si puissant
du XII® siècle soit issu de l'école de Provence au moment oîi,
bien près de sa décadence, celle-ci enfantait Saint-Trophime
d'Arles et Saint-Bernard de Romans? Viollet-le-Duc déclarait
ce miracle impossible. Et pourtant, dit M. Vôge^, une source
a jailli de là ! « Le développement de la plastique au cœur
» de la France , de cette plastique qui mène droit à l'art du
» XIII® siècle , se rattache aux sculptures de la Provence ;
» c'est à ces œuvres du Midi, sans descendance proprement
» dite , sans continuation dans la Provence même , que
» s'allume le génie juvénile de l'Ile-de-France. Comme nous
» l'avons dit, le détail n'est pas ici moins significatif que le
» thème ordinaire de la composition ; les statues d'Arles et
» de Romans sont pour ainsi dire les avant-coureurs de celles
* P. 26.
2 P. 27.
3 p. 47 ss.
— 90 —
» de Chartres; et ce n'est pas seulement les œuvres du
» Grand Maître de Chartres S mais aussi leurs dérivations
» qui ont en Provence leur origine évidente, leur source
» propre. Chartres même a été le point de départ de
» rinfluence provençale, non point parce que c'est le
» monument le plus notable que nous ayons sous les yeux ,
» mais parce que c'est comme nous le verrons , le centre le
» plus important de l'école du Nord ; de là , elle se ramifie
» de tous côtés. Je ne crois donc pas que l'influence de la
» Provence sur les ateliers chartrains se soit produite par
» dos intermédiaires , comme pourrait l'être Bourges , quand
» même ce fait serait en accord avec la situation géogra-
» phique. Le phénomène dont il est ici question n'est
» nullement comparable à la crue constante d'un flot de
)ï marée , mais à l'irruption d'une étincelle ; l'étincelle saute
» directement à Chartres.
» Il ne faudrait cependant pas en conclure que précisément
» les œuvres dont nous nous sommes servi pour mettre en
» lumière les rapports entre les deux écoles (par exemple
» les portails d'Arles et de Romans et quelques figures iso-
» lées du cloître d'Arles) soient en même temps les agents
» directs de ces influences. N'oublions pas à quel point nous
» sommes ignorants des voies et moyens , de la marche qu'a
» suivie la tradition des formes et des motifs en se transmet-
» tant , soit dans le sein même des ateliers du moyen âge ,
» soit d'un de ces ateliers dans l'autre. A côté de copies et
» d'esquisses d'après des œuvres achevées, les modèles, les
» collections de dessins jouent évidemment leur rôle; ce
» sont eux sans doute les colporteurs entre les deux écoles ;
» il n'est pas nécessaire d'admettre une filiation avec des
» monuments achevés, ni des rapports entre ceux d'entre
» eux qui nous ont été conservés, mais bien des relations
» vivantes entre les ateliers et les maîtres que ces monu-
» ments supposent.
» Selon toutes les vraisemblances, on n'a pas, alors,
» appelé au Nord d'artistes provençaux, car les sculptures
» de Chartres ne sont pas l'œuvre de mains proven-
^ Des Chartrerer Hauptmeister ; M. V. désigne sous ce nom T artiste intonhu
qui a conçu et exécuté l'ordonnance du portique royal de Chartres. H. L.
— 91 —
» cales. Ce que la corporation des maçons de Chartres a
» cherché en Provence, c'était l'inspiration et non le secours.
» Désireux d'adapter à une façade du Nord une décoration
» de grand style, ils se sont enquis d'un programme de déco-
» ration figurée, de modèles, de formes, des conditions
» fondamentales du style monumental, de motifs et de
» types. »
» — .. Le moment est maintenant venu de chercher les
» rapports des ateliers de Chartres avec les écoles de sculp-
» ture du Languedoc et de la Bourgogne , que l'on a consi-
» dérées, ainsi qu'il a été dit plus haut, comme le point de
5) départ de l'art chartrain. Sans doute, personne n'a très
» explicitement soutenu cette thèse, mais il ne serait pas
» admissible que l'on eût signalé des ressemblances, si beau-
y> coup d'arguments ne militaient en faveur d'une telle sup-
» position. Si même il est prouvé que l'impulsion principale
» est venue d'un autre côté, il est bien possible que l'in-
» fluence des deux autres centres puissants de la plastique
» se soit fait sentir.
» On trouve dans le Languedoc, vers la fin du xi® siècle
» et dans les premières années du xir*, un atelier d'une
» fécondité extraordinaire, à l'œuvre en même temps à
» Toulouse et à Moissac , et qui use de la plastique figurale
» à grande échelle avec de solides principes techniques et
» une unité de style achevée *. »
» Brusquement, le style de cette école change; » son
travail , tel que le révèlent les statues conservées au Musée
de Toulouse, se rapproche de celui des maîtres de Chartres.
« Sur le socle de la statue de saint Thomas, on lit : Gilabertus
» fecit; » le même nom se retrouve sur la statue de saint
André ; quatre autres de ces figures peuvent être attribuées
à ce Gilabert, qui s'intitule parfois, avec une modestie toute
gasconne : Vir non incertus, « moi, qui ne suis pas le pre-
mier venu. » « Il est clair comme le jour que Gilabert prend
» pour point de départ l'ancien style de son pays » ainsi que
l'attestent les attitudes des personnages , moins raides que
ceux de Chartres, mais il n'est pas moins clair qu'il a subi
des influences du dehors.
< P.
— 92 —
M. Voge voit ici l'influence évidente et directe des grands
maîtres chartrains ; c'est par le moyen de Gilabert que cette
influence se serait propagée dans le sud-ouest. « La puissante
» école du nord de la France, qui a fait de tous côtés de
» rapides conquêtes, allant de cathédrale en cathédrale,
» prend aussi pied sur les bords de la Garonne. » Ce n'est
donc pas Gilabert qui a enseigné aux Chartrains les secrets
de son art, mais bien plutôt l'école de Chartres qui lui a
donné de grandes leçons. En eflet , comparé aux maîtres du
nord de la France , il n'est qu'un artiste de second ordre * .
« Essayons maintenant de déterminer s'il est vrai
» que l'école de sculpture bourguignogne ait eu, comme on
» l'a dit, de l'influence sur Chartres. Il faut de nouveau
» prendre pour point de comparaison le grand Maître de
» Chartres. Nous ferons ici la même observation qu'au sujet
» du Languedoc: entre les œuvres originales, fonda-
» mentales, de la Bourgogne, comme par exemple les
» sculptures de Vézelay et d'Autun, et les créations de
» l'artiste chartrain, il n'y a pas l'ombre de parenté. Le
» tympan de Vézelay est un curieux morceau d'iconographie,
» d'un style étrange et parfaitement original. A la longueur
» démesurée des statures s'allie, dans cette vieille école
» bourguignonne, une frappante maigreur des membres et
» beaucoup de vie dans les gestes des mains; ces figures
» sont d'un autre tempéramment. Sans doute, les draperies
» sont fines, mais d'une autre manière que celles des artistes
» chartrains ; elles flottent ça et là en lignes ondulées , bouil-
» lonnent, se gonflent, puis soudain redeviennent plates.
» Ni Charlieu , ni Cluny , ni Mâcon ne fournissent d'analogies
» avec Chartres, soit pour l'iconographie, soit pour la
» technique ; et l'ornementation , dont le caractère revêt la
» même énergie que les figures, est diff'érente par ses motifs
» et par ses masses.
« L'artiste chartrain , qui a donné l'occasion de supposer
» des relations entre la Bourgogne et Chartres, est le Maître
» des trois dernières statues de gauche du portail royal
» En efl*et, on y découvre des rapports de technique avec les
» sculptures de Vézelay ; c'est de la manière tranchante de
* Voir les figures 22 et 23.
■:^
— œ —
» traiter les draperies qu'il est ici question. Les plis arrondis
» sur la poitrine rappellent ceux en spirale de Yézelay , que Ton
» retrouve d'ailleurs, là aussi , sur les cuisses. Cependant ce
» détail manque aux figures debout de Yézelay, qui ont été
» dressées le long des ébrasements, et n'est-ce pas précisé-
» ment là que Ton devait s'attendre à le retrouver? La
» technique elle-même semble ici différente. Je ne puis
» entièrement me débarrasser de Tidée que ces statues de
» Chartres ont été exécutées par une main bourguignonne ,
» mais il serait aussi vraisemblable que cette manière se
» soit spontanément développée dans le bassin de la Seine.
» Ainsi, dans le courant du xii* siècle, on voit éclore en
» Bourgogne comme en Languedoc des œuvres de sculpture
» qui ont avec celles du Grand Maitre de Chartres des
» analogies frappantes. Bien que par sa conception grandiose
» et la puissance de ses formes le portail occidental de
» Saint -Bénigne de Dijon, soit un fruit spontané du sol
» bourguignon, sa décoration le classe dans le groupe
» chartrain. C'est un portail à statues comme celui de
» Chartres; sur le tympan, apparaît le Christ sur son trône,
» et quant au type des statues, il est malaisé de le distinguer
» des figures de l'école chartraine. Nous sommes encore une
» fois en droit de nous demander s'il ne faut pas voir là
» bien plutôt des descendants que des ancêtres de Chartres. »
Sur les débris qui ont été conservés de l'église Saint-
Bénigne, on lit le nom d'un certain abbé Pierre. « On a été
» amené à voir dans cet abbé Pierre... le troisième du nom, »
ce qui reporterait à la fin du xii* siècle la date du monument.
Mais, fait remarquer M. Voge, c'est le deuxième abbé du nom
de Pierre qui entre 1130 et 1145 a fait subir à l'église « une
» importante restauration. Même dans ce cas, cet ouvrage
» serait, selon toute vraisemblance, de date plus récente que
» Chartres ^ »
« La question des rapports entre les sculptures du Nord de
» la France et celles du Languedoc et de la Bourgogne est,
» comme on le voit, difficile^,» nous sommes en ceci pleine-
^ Gomme on le verra plus bas, M. Vôge fait erreur ici ; la façade de Chartres
est plus récente de quelques années qu'il ne le croit. — H. L.
2 p. 101 ss.
— 94 —
ment d*accord avec M. Vôge ; « les fils se sont entrecroisés, »
comme il le dît. En revanche, les rapports entre Arles et
Chartres « ne laissent place à aucun doute sur la situation
» respective de celui qui a donné et de celui qui a reçu. »
Et notre auteur démontre, dans un chapitre, que malgré son
haut intérêt nous ne croyons pas devoir reproduire, comment
récole provençale, « qui apparaît rajeunie à Chartres » s'est
formée sur place, par une combinaison d'inspirations locales
et de réminiscences de l'antiquité ; c'est en somme un art de
décadence. Il y a, dans certaines figures du cloître de
Saint-Trophime, « une singulière faiblesse de dessin », et pour-
tant^ l'iensemble est grandiose, les figures sont exquises de
finesse et débordantes de vie, la décoration est bien comprise :
les principes de l'antiquité gallo-romaine ne sont pas oubliés.
Il reste, cependant, à élucider un certain nombre de
difficultés chronologiques ^ « Si, en fait, l'école du Midi est
» la partie donnante,, et celle de Chartres la partie prenante,
» cette dernière est évidemment la plus jeune des deux.
» L'atelier d'Arles devait être florissant lorsque sa féconde in-
» fluence se propagea vers le Nord. Irons-nous en conclure que
» nécessairement le portail de Chartres est plus récent que
» celui d'Arles ? J'accorde que si on pouvait l'établir par des
» dates solidement appuyées , ce serait un fait d'une très
» grande valeur. Mais quand bien même ce ne serait pas le
)) cas, quand bien même quelqu'un s'aviserait de prouver le
» contraire, notre thèse n'en serait pas pour cela réfutée»
» Malheureusement, nous ne saurions , en nous basant sur
» l'héritage littéraire ou sur les indices archéologiques,
» arriver à une chronologie certaine des deux monuments.
» Le Nécrologe de la cathédrale de Chartres *, si riche en noms
» de bienfaiteurs, ne nous a pas laissé les noms de nos
» sculpteurs : nous n'y trouverons pas une notice qui puisse
» être sûrement rapportée au portail occidental actuel, et
» dans les nombreux relevés d'offrandes en faveur des deux
» tours occidentales, il est à peine possible d'obtenir des
» dates précises. A la vérité, dans la rédaction la plus
» ancienne, que malheureusement, sans donner leurs raisons,
< P. 117 et ss.
3 Publié par MM. E. de Lépinois et Lucien Merlet. — Note de Tauteur,
— 95 —
» les éditeurs placent en 1120, il n'est question que de la
» tour méridionale , du « clocher vieux * » ; c'est seulement
» dans la seconde rédaction, qui de l'avis des éditeurs serait
» de 1180, que l'on trouve à côté des formules adopns turris,
» ad ediûcationem turris, ad restaurationem turris, cette autre
» ad opus turrium. Mais l'année à laquelle se rapporte la
» première offrande ad opus furriuûi, en d'autres termes, la
» date de la fondation du « clocher neuf », nous ne l'apprenons
» pas. Et pourtant ce serait d'une importance particulière,
» car nous pourrions en tirer une conclusion sur l'âge de
» notre portail. En comparant sans parti pris la partie
» inférieure des deux tours avec 4e portail, on a l'impression
» très nette que le portail se rapproche plutôt du clocher-
» vieux que du clocher-neuf 2.
» Au sud du premier se trouve un petit portail aujourd'hui
» muré , dont le socle est traité exactement comme ceux du
» portail de Chartres; à l'angle sud -est de la tour est
» accolée une figure d'ange dont le socle et le baldaquin
» paraissent appartenir à l'appareil primitif de la tour, et
» cette statue est certainement de la main du Grand Maître
» de Chartres ; les chapiteaux qui se trouvent dans la salle
» basse de la tour se rattachent de même, par leur caractère,
» à ceux du portail ; c'est presque exclusivement des chapi-
» teaux à feuille d'acanthe ; dans la « chapelle des Fonts » ,
» sous le clocher neuf, il n'y en a plus trace. Ainsi, selon
» toutes les apparences , le portail occidental est à peu près
» contemporain de la partie inférieure de la tour méri-
» dionale.
» Or nous savions à la vérité que la construction de celle-
» ci a avancé fort lentement; vers 1140, on paraît être en
» plein chômage, et vingt ans plus tard le clocher vieux
» n'était pas encore achevé jusqu'au faîte. Mais sommes-
» nous en droit d'admettre qu'en l'an 1145, oii grâce au
» concours empressé de la population, les travaux de la
» façade furent repris, le clocher n'était pas sorti de terre
^ M. y'ôge commet ici une confusion, comme on le verra dans la suite de
ce chapitre. -- H. L.
2 Cette impression nous paraît infiniment moins nette qu'à M. V'ôee, qui
semble avoir été à son insu influencé par la confusion relevée dans la note
précédente. — H. L.
— 96 —
» au-dessus des fondations. Est-ce que sa construction n'était
» pas alors à Tordre du jour depuis près d'un demi-siècle * ?
» Et dans les textes qui nous ont livré la date de 1145, n'est-
» il pas question de deux tours? Les travaux furent alors,
» non pas commencés, mais continués, il faut donc considé-
» rer au moins les étages inférieurs du clocher-vieux comme
» antérieurs à 1145. Il s'ensuit que, contrairement à l'opinion
» courante, le portail occidental de Chartres ne peut être
» rattaché à la période qui commence seulement en 1145 ; il
» est antérieur. Le maître qui a taillé les statues du portail
» central de Saint -Denis a été, selon toutes les apparences,
» appelé de Chartres ; il a dû l'être dans les dernières années
» de la quatrième décade, car, en 1140, le portail de Saint-
» Denis était achevé dans ses parties essentielles ; j'en
» conclus que vers cette époque , les travaux du portail de
» Chartres étaient en pleine activité.
» Maintenant, on peut se demander comment ce résultat
» s'accorde avec ce que nous savons de la date des sculptures
» d'Arles.
» Les hypothèses que l'on a émises sur l'âge du portique
» d'Arles reposent de préférence sur la figure de saint
» Trophime dressée à une place apparente du portique. Elle
» se trouve à main gauche ; en face , on voit la lapidation de
» saint Etienne. On a souvent pensé que jusque vers le
» milieu du xii® siècle, l'église avait été exclusivement placée
» sous l'invocation de saint Etienne; en 1152, quand les
» reliques de saint Trophime furent solennellement appor-
» tées dans l'église, elle aurait reçu le titre de Saint-Tro-
» phime. On en conclut que le portail décoré de la statue de
» saint Trophime n'a pu être ajouté à l'église qu'après cette
» année , et qu'il a été élevé précisément en souvenir de la
» solennité de la translation. Si plausible que semble cette
» hypothèse , le fondement sur lequel elle repose n'est pas
» tenable. Les chroniques d'Arles nous apprennent que la
» cathédrale de cette ville, dédiée à l'origine à saint Etienne
» seulement, a porté, depuis l'époque de l'archevêque Pon-
» tius, c'est-à-dire depuis le commencement du xi® siècle, le
^ Cette hypothèse aurait besoin d'être mieux appuyée que par un simple point
d'interrogation. — ■ H. L.
•f?
_ 97 —
» double nom Saricti Stephani et Sanctl Tropbimi; cette déno-
» mination est restée dominante jusque dans le courant du
» xir siècle; mais à côté de cela, apparaît déjà dans la pre-
» mière moitié de ce siècle et même au xi®, la dénomination
» simplifiée: « Saint -Trophime ». Il n'est donc nullement
» question d'une modification officielle du nom en 1152. S'il
» était permis de tirer une conclusion chronologique de la
» présence simultanée des images des deux patrons sur la
» façade, ce serait celle-ci : qu'à une époque donnée, l'église
» a porté les deux noms. Quand bien même cette désignation
» se retrouverait encore dans les dernières décades du
» XII® siècle, il ne faudrait pas crier victoire. L'an 1152 n'est
» pas plus un terminus ante qu'un terminus post^
» L'archéologie arlésienne locale soutient obstinément une
» deuxième hypothèse, en vertu de laquelle le portail d'Arles
» remonterait au deuxième quart du xiii® siècle (I) »
Des arguments mis en campagne, un seul mérite d'être
examiné : c'est la présence de la mitre cornue sur la
figure de saint Trophime; or cette coiffure ne figure qu'à
partir de 1225 sur les sceaux des évêques d'Arles. Mais
M. Vôge n'a pas de peine à démontrer qu'en réalité, dans les
figures des monuments provençaux de cette époque, les unes
ont la mitre cornue et les autres pas.
« Toutes les fois qu'on a comparé les façades d'Arles et de
» Saint-Gilles, on n'a pas manqué d'affirmer que l'ordon-
» nance d'Arles était une copie de Saint-Gilles. Je considère
» cette opinion comme erronée , et les conséquences qu'on
» en a tirées ne valent pas la peine d'être combattues. » Le
dispositif de la façade d'Arles, avec son fronton, ses colonnes
dégagées et son soubassement, dérive en effet directement
des portiques des temples païens, tandis qu'à Saint-Gilles on
a suivi un tout autre système. A Saint-Trophime , l'unité de
composition est frappante , « on a l'impression d'un art mûri
» et achevé , tandis que l'examen de Saint-Gilles révèle la
>) diversité dans le travail; et l'influence de l'école du Lan-
» guedoc... 11 est certain que Saint-Gilles dénote l'avène-
» ment d'un style ranimé et rajeuni.
. » Or nous savons que la reconstruction de l'église a com-
mencé en 1116. » Et le portail n'a pas été entrepris en dernier
lieu, « comme il arrivait souvent dans les cathédrales du
T. Xll, M, 7
— 98 —
» xin« siècle , » puisqu'il est la seule partie de l'église supé-
» rieure qui ait été achevée. Il me semble donc déflnitive-
» ment prouvé que cette composition, dans son état actuel,
» date des environs de 1150. » M. Vôge est donc en droit de
conclure que « le sort de sa thèse ne dépend pas de cette
» question. »
Nous avons tenu à citer ce chapitre de chronologie presque
in extenso etk ne pas l'interrompre par les observations qu'il
pouvait nous suggérer. D'ailleurs, bien loin d'infirmer les
conclusions de M. Voge, nos observations les appuient plutôt.
Dans la détermination des dates relatives à la cathédrale de
Chartres, le savant archéologue allemand a un moment
d'hésitation ; il est à court de documents ; il rencontre une
époque ténébreuse qui l'embarrasse, Nous savons cependant
que cette époque a été marquée , pour la ville de Chartres ,
par des événements d'une haute importance, qui peuvent
éclaircir bien des points obscurs de l'histoire de la Cathé-
drale*
En 1134, un incendie dévore la plus grande partie de
Chartres. Sans doute, au dire des témoins oculaires, la
cathédrale n'est pas détruite, mais divers indices certains
permettent d'affirmer qu'elle a été plus ou moins endom-
magée. Dans tous les cas, après cet incendie, « on jeta par
terre ce qui restait de l'ancienne façade * » et on se mit à en
bâtir une nouvelle. Cette date de 1134 est donc, pour ainsi
dire, le pivot de toute la chronologie de l'édifice à cette
époque.
Auparavant, il existait une façade construite vers 1028 et
une tour élevée aux environs de 1075. C'est à elle que se
rapportent les mentions « ad opus turris » du nécrologe.
» Il ne faut pas confondre cette tour avec l'une de celles
» qui subsistent encore aujourd'hui près de la façade occi-
» dentale ^ (M. Vôge fait précisément cette confusion) et que
» Ton n'érigea que quarante ans plus tard. »
Ainsi, voilà la date trouvée : c'est après 1134 qu'a été
commencée la façade principale de la cathédrale de Chartres ;
^ Un Manuscrit chartrain du -XI» Stcc/e, par MM. R. Merlet et Tabbé
Clerval.
2 Ouvrage cité, p. 84.
*%
— 99 —
la oonstruction en a donc été menée assez rapidement. Nous
savons en effet qu'elle a été achevée avant 1150, date de la
mort de l'archidiacre Richer, qui avait donné la statue de la
Vierge surmontant le portail de droite. C'est à peu près la
date à laquelle arrive M. Voge : ses hypothèses se trouvent
doiic absolument confirmées par les faits, les objections et
les difficultés tombent d'elles-mêmes, et sans plus nous pré-
occuper de ces questions de date , nous pouvons, avec notre
auteur, aborder de plus près l'étude du portail royal et des
maîtres qui l'ont sculpté.
n
CHARTRES ET LA PLASTIQUE DU NORD ET DU CENTRE DE LA
FRANGE A L'ÉPOQUE DU STYLE DE TRANSITION.
Jusqu'à présent, M. Voge s'est demandé d'où l'art qui se
déploie dans le portail de la cathédrale de Chartres tirait son
origine. Il va maintenant établir comment cet art s'est pro-
pagé, et, tout d'abord, l'étudier attentivement dans ses
caractères, distinguer la main de ses divers maîtres dont
nous ne savons pas même les noms, et reconstituer ainsi, par
leurs œuvres immortelles, leurs personnalités disparues.
« En recherchant les origines de l'art chartrain, nous avons
» déjà obtenu une esquisse à grands traits du jeu d'ensemble
» des forces mises en œuvre dans le portail occidental; le
» moment est venu d'achever le tableau ébauché.
» Ce qui frappe dès l'abord le regard dans la comparaison
» critique de ces sculptures, c'est l'unité, le caractère parfai-
» tement arrêté du style du Grand Maître de Chartres;
» comme nous l'avons dit, il est l'auteur, non seulement des
» statues du portail central et des parties contigûes des
y> portails latéraux, mais encore du tympan et du chambranle
» de ce portail central. Comme un coin puissant, ce groupe
-» central se dresse en les dominant entre les œuvres des
y> deux autres ateliers, placées symétriquement à ses côtés.
» Le modelé et le coup de ciseau ne laissant aucun doute sur
» l'unité de la main, nous avons bien ici le style dans son
» expression classique ; le groupement des statues révèle des
— 100 —
» principes arrêtés, qui ne se retrouvent chez aucun des
» autres maîtres de Técole, et Tartiste est parvenu bon gré
» mal gré à leur imposer aussi l'ordonnance de son tympan.
» La statue d'ange accolée au clocher vieux est du même
» maître. :
» Chez les deux maîtres des portails latéraux, le style n'est
» pas en relation aussi étroite avec Tarchitectonique. Ainsi,
» les statues ont été orientées moins strictement par rapport
» aux colonnes ; aussi la direction des épaules n'estr-elle pas
» symétrique. Les têtes se séparent ici et là du système des
» colonnes, les coudes sont moins serrés, moins appliqués au
» corps, les robes des femmes sont moins canelées comme des
» colonnes , les longues tresses tombent en lignes plus natu-
» relies, elles ne descendent pas d'à-plomb des épaules, et le
» mouvement est dépourvu de ces articulations régulières et
» comme géométriques. Il n'est nullement question , ici , de
» disposer les figures en perspective, de sorte qu'au point de
» vue iconographique, on observe un certain flottement.
» A côté des figure^ nimbées , on en trouve qui n'ont pas de
» nimbe ; c'est là aussi que se rencontre la seule figure à
» pieds nus. Les socles sont tantôt en demi-cercle, tantôt
» échancrés, tantôt zoomorphes, tandis que le Grand Maître
» ne connaît que la première de ces formes; les colonnes
» socles ne sont pas, comme celles de ce maître, revêtues de
» simples ornements, mais elles sont aussi masquées par des
» figures d'hommes et d'animaux. Entre les deux groupes
» latéraux, les détails communs ne manquent pas, comme on
» l'a déjà dit, mais quant à les attribuer tous deux au même
» maître, c'est absolument inadmissible; ils sont de deux
» artistes différents ; on a déjà relevé les fines particularités
» de style qui les rapprochent du Languedoc et de la
» Bourgogne ; comme nous avons d'excellents motifs de le
» supposer, ces deux maîtres, ou sont venus de deux côtés
» absoluments différents, ou ont reçu deux influences absolu-
» ment différentes.
» A un quatrième maître se rapportent les sujets des archi-
» voltes ainsi que les arcs latéraux, dont les parties inférieu-
» res ont été exécutées par des élèves; le Maître des
» archivoltes est digne de fixer l'attention ; il nous occupera
» plus longuement.
— 101 —
» Je tiens ici à insister sur ce fait : à cette répartition du
» travail entre diverses mains, telle qu'une étude sou-
» vent répétée de toutes les parties de Tœuvre nous Ta
» suggérée > les vraisemblances internes ne font pas défaut.
» On ne saurait s'étonner de ce que le fondateur classique de
» l'école , le Grand Maître de Chartres, ait été certainement
» préféré aux autres au moment où les parties les plus
» importantes de Tœuvre , celles qui dès l'abord tombaient
» soijs le regard, lui ont été attribuées, tandis que les artistes
» moins biens formés ont été chargés d'exécuter les parties
» latérales ; il est de plus très vraisemblable en soi que des
» talents de moindre importance aient trouvé leur emploi
» dans les parties secondaires des tympans latéraux.
» M. Emeric David a déjà établi que parmi les artistes
» chartrains, c'est le maître des archivoltes qui mérite la
» palme. Nous trouvons chez lui une largeur et une liberté
» de style que nous chercherions en vain dans les statues du
» Grand Maître: de plus, il joint à un sens du style non
» moins clair une observation supérieure de la nature. Que
» l'on étudie , à droite , les philosophes assidûment appuyés
» sur leiu*s pupitres, ou le délicieux groupe"^ des jumeaux;
» les vieillards regardant en l'air, du portail central , ou ,
» à gauche, la naïveté ingénue du zodiaque, on y découvre
» une grande adresse de ciseau, une grande sûreté de style,
» et aussi une heureuse observation et de l'habileté de corn-
» position.
» Les parties supérieures des portails latéraux, le Christ de
» gauche accompagné d'anges avec le groupe de quatre
» anges au-dessous, enfin, de l'autre côté, la Madone sur son
» trône sont certainement du même ciseau ; nous avons ici ,
» comme une étude détaillée nous le. fera mieux connaître ,
» un groupe d'un caractère non moins défini que celui du
» Grand Maître.
» Eh bien, ce sculpteur des archivoltes de Chartres a aussi
» travaillé à Paris ; le célèbre groupe de la Madone de la
» porte Sainte-Anne de Notre-Dame, est l'œuvre de ses mains.
» Et c'est précisément ce chef d'œuvre, étroitement apparenté
» aux images de Chartres , qui va nous donner le caractère
» d'ensemble de tout ce groupe d'ouvrages.
» Nous bornerons notre étude aux œuvres du maître qu'il
— 102 —
» est possible d'obtenir en photographie. Ces points de com-
» paraison fournis par le hasard valent certes d'autres
» témoignages. Plaçons par exemple à côté de la madone de
» Paris l'un des vieillards apocalyptiques du portail royal
» de Chartres.
» Les analogies les plus évidentes sautent aux yeux, bien
» que nous soyons en présence de deux sujets d'espèce et
» d'échelles différentes. J'étudie d'abord les draperies. L'étoffe
» semble finement striée , comme si elle était d'une texture
» très molle et si elle se repliait toute seule sur elle-même.
» La masse finement plissée est disposée en houppes épaisses,
» plusieurs couches se superposent, et tandis que, dans le bas,
» des motifs se déroulent en tuyaux d'orgues, dans le haut
» ils apparaissent plus larges et comme aplatis. Pour
» remarquer à quel point tout ceci est caractéristiqiie, il suffit
)) de jeter un coup d'œil sur telle figure d'un autre maître,
» par exemple sur les figures du chambranle du portail de
» droite de Chartres, qui sont, comme nous l'avons déjà dit,
» d'un élève du Grand Maître.
» Et la tête de la madone nous montre le même type
» merveilleux que celle du roi : le crâne dolichocéphale, le
)) front large et proéminent, les yeux et les sourcils remontant
» vers les tempes comme ceux des Chinois, le nez de forme
» détachée. La couronne elle-même est placée de la même
» manière dans les deux figures, plus haut derrière que devant,
» il est facile de le voir même à la tête du roi, quLest levée.
» Les cheveux du roi sont coupés court devant et ramenés
» vers le front; quatre mèches semblables à des tresses
» passent sous la couronne La statue de l'enfant Jésus,
» à Paris, présente le même motif, de la même forme carac-
» téristique. Un pan relevé du manteau de la madone
» retombe , à gauche , sur le siège du trône ; le même se
» retrouve dans l'image du roi I
» Il faut aussi remarquer, dans ces ouvrages, la finesse
>) tout à fait exceptionnelle du rendu de tous les ornements ;
» les bordures sont d'un fini remarquable, les bijoux ciselés
» avec une netteté parfaite ; les nimbes eux-mêmes sont
» entourés d'un rebord ornementé, ce que, par exemple, les
» statues du Grand Maître n'ont pas. Les deux couronnes se
» ressemblent jusque dans les détails ; que l'on fasse de
— 103 —
» nouveau la comparaison : combien est différente la couronne
» dans la scène de la Visitation I
» Prétendre dès^lors identifier les deux maîtres, c'est
» faire une proposition incompatible avec la notion d'une
» saine critique.
» Comme on Ta dit, c'est de ce même artiste que procèdent
» les parties hautes du portail latéral de Chartres. Là éclate la
» preuve de la complète concordance des deux madones.
» L'exemplaire de Chartres est malheureusement mal
» conservé ; cependant, la reproduction qui existe au musée
» de Chartres permet de s'en faire une idée trè^ précise * . J'ai
» été absolument stupéfait de retrouver là les traits caracté-
» ristiques de la madone de Paris, que par suite de l'éloigne-
» ment, je n'avais pu discerner aussi facilement dans
» l'original. La concordance va jusqu'à des traits accessoires,
» des détails de facture : les deux madones portent, au doigt
» du milieu de la main droite, un anneau; la chevelure
» soyeuse, légèrement ondulée, est ramenée sous l'ourlet du
» vêtement qui enserre le cou , comme pour le préserver du
» froid ; c'est un de ces motifs heureux dont cet artiste est si
» riche. Le caractère et la disposition des draperies concor-
» dent. A Chartres aussi, la figure portait un sceptre de la main
» gauche, l'enfant levait sa main droite pour bénir, la gauche
» reposant, à Chartres, sur un globe, tandis qu'à Paris ce
» globe était remplacé par un petit livre. La chevelure de
» l'enfant présente à Chartres la même disposition , un peu
» en perruque, qu'à Paris.
» La composition de l'ensemble ne pouvait se déployer
» aussi largement à Chartres, où la tête couronnée de la
» madone atteint presque la clé de l'arc , tandis qu'à Paris il
» restait encore de la place pour la ravissante coupole du
» baldaquin. A Chartres, le groupe était évidemment couronné
» d'une simple arcade trilobée qui reposait à droite et à
» gauche sur une colonne. Aux côtés des deux madones, se
» tiennent deux anges qui agitent l'encensoir ; la pose est la
^) même, à Chartres ils ressortent plus librement, et les ailes
» sont en mouvement, à Paris ils sont debout, serrés entre
* M. V. doit sans doute cette appréciation à sa myopie. Il n'est pas nécessaire,
pour juger de cette statue, de recourir à une reproduction. -— H. L.
— 104 —
» un roi agenouillé à droite et l'évèque de Paris avec un
» ecclésiastique à gauche. Il faut considérer le groupe de
» Chartres comme une image de Tenfance du Christ, placée
» en face de son ascension, qui est représentée sur le tympan
» de gauche. Une couronne de feuillage borde la scène, les
» anges s'avancent pour adorer Tenfant. C'est une scène de
» l'Evangile, jouée sur une verte prairie ; le récit évangélique
» de l'enfance du Christ continue sur les deux frises du
» tympan. A Paris, la scène est devenue une figure de dévo-
» tion d'un plus grand style ; c'est Notre-Dame qui sert ici
» de thème; entourée de nuages, encensée par les anges,
^) elle apparaît au roi de France et à son évêque. Les scènes
» bibliques placées au-dessous sont traitées, comparativement
» au groupe central, à une plus petite échelle; aussi en
» sont-elles séparées par des motifs d'architecture, tandis
» qu'à Chartres, les scènes ne sont divisées que par de
» minces arcades de feuillage. »
M. Voge, regrettant de ne pouvoir reproduire dans son
livre « la profusion d'images qui décorent le portail de
Chartres », s'en tient à un ou deux exemples ; il montre, en
particulier, dans les personnages des mois d'avril et de juillet
des signes du zodiaque , « le type bien connu du maître des
deux madones. » Puis il poursuit : « Les parties hautes du
» tympan de gauche sont malheureusement, comme celles
» du tympan de droite, assez mal conservées; la tête du
» Christ est complètement effacée ^ mais si l'on examine par
» exemple, le groupe des quatre anges au-dessous du Christ,
» on y distingue cette même direction oblique des yeux, qui
» se relèvent en arrière vers les tempes, les cheveux ramenés
» sur le front, comme ceux de l'Enfant Jésus du tympan de
» Paris ; les bordures mêmes des vêtements présentent
» distinctement les motifs que nous avons découverts sur le
» trône et les vêtements de la madone de Paris. »
» Paul Durand a déjà relevé avec raison l'étroite parenté
» entre les deux madones. Moins heureux me semble son dire
^ Le tympan de gauche , comme celui de droite , est au contraire en fort bon
état ; après avoir reçu toutes les pluies tombées pendant 750 ans , c'est à peine
si îa tête du Christ est légèrement usée. Nous engageons vivement M. VÔgè à
s'en assurer ûu moyen d'une lorgnette. — H. L. . '
— 105 —
» au sujet des lignes en relief qui s'allongent, dans les deux
» portails, aii-dessous du groupe du faîte. A la vérité, il
» remarque avec raison qu'à Chartres une autre main s'y
» révèle certainement : mais les conclusions qu'il en tire
» sont tout à fait erronées : Elles ont dû être refaites après
» coup, et copiées d'après un modèle ancien auquel on se
» conforma, car elles sont complètement paireilles aux scènes
i> que ïon voit sur le tympan de la porte Sainte-Anne, à Notre-
» Dame de Paris.
» Il n'est pas douteux pour moi que ce ne soit pas là des
» copies d'époque postérieure ; comme style, elles sont en
» relations aussi étroites que possible avec les statues du
» Grand Maître de Chartres; c'est sans aucun doute, non à
» lui-même, mais à son atelier qu'elles appartiennent. Que
» l'on place seulement la petite Madone de la scène de la
» Visitation où le Saint Joseph de la Nativité à côté de l'une
» ou l'autre des statues du portail principal 1
» Et dans sa conception du récit biblique, cet artiste de
» second ordre déploie une originalité bien attachante. La
» scène de la Présentation au temple a été augmentée du
» cortège des ancêtres de l'enfant; ils arrivent des deux
» côtés, l'un derrière l'autre, chargés de présents. Dans la
» représentation de la nativité , l'ange conduit les bergers à
» l'enfant. La composition de cette frise est également très
» habile : la présentation au temple remplit à elle seule le
» compartiment supérieur; l'enfant se tient au milieu, debout
» sur l'autel; dans la zone inférieure, l'enfant et la mère
» sont de nouveau placés au centre. La composition stricte-
» ment symétrique du groupe du faîte est déjà préparée dans
» ces bas-reliefs.
» Une critique plus exacte démontre ici plutôt le contraire ^ :
» selon toutes les apparences, ces parties inférieures sont plus
» anciennes que la madone et que les archivoltes qui entou-
» rent le tout. Car au bas-relief d'en haut, on a ajouté à
» droite et à gauche une figure, et ces deux figures sont sans
• aucun doute du Maître des deux madones. Draperie, type,
y> forme des yeux^ personne ne reconnaîtra ici la même main.
» 11 s'ensuit que précisément le sculpteur des archivoltes a
< De l'opinion de P. Dui'and. — H. L, . . - . .
— 106 —
» mis la dernière main à ces reliefs, qui avaient été laissés
» inachevés, ou bien qui, tels qu'ils étaient, n'entraient pas
» dans 1q cadre du portail. Ce que Durand attribuait à un
» achèvement tardif (et moins habile) , doit être mis sur le
» compte d'irrégularités qui, selon toute apparence, se sont
» produites lorsque le portail a été monté à sa place
» actuelle * : les deux blocs sculptés ont été portés un peu trop
» à droite, car tandis que du côté gauche, les sujets repré-
» sentes n'atteignent pas tout à fait le pied-droit, et que par
» conséquent la surface n'est pas remplie, la dernière figure
» de droite est coupée par l'archivolte. On a tâché de corriger
» sommairement la négligence commise lorsque l'on a déplacé
» les blocs. Mais comment prétendre que les sujets eux-
» mêmes aient été retravaillés à ce moment !
» Durand fonde son hypothèse sur des analogies avec la
» porte Sainte-Anne ; c'est sur elle que les scènes bibliques
» auraient été copiées. C'est l'opinion d'un dilettante
» d'archéologie ^. Ces représentations de sujets bibliques des
» deux portails n'ont aucun rapport les unes avec les autres ;
» même une scène aussi simple que celle de la Visitation,
» pour laquelle on peut à peine remarquer des différences
» de type, présente à Chartres d'autres nuances; les repré-
» sentations de la Nativité appartiennent à deux types
» d'iconographie différents, le saint Joseph de la scène de
» Paris est assis, morose à côté du lit, comme dans les images
» byzantines, et il n'est pas jusqu'au choix des sujets qui ne
» soit pas le même.
» Pour nous, l'intérêt porte ici sur une autre question. Les
» autres parties sculptées du portail de Paris, dans la mesure
» où elles datent du xn® siècle (ainsi les bas-reliefs placés
» au-dessous de l'arc et la plus grande partie des sujets de
» l'archivolte), sont-elles de la main du maître des deux
» madones ; est-il aussi l'auteur des huit statues de grandeur
» naturelle qui décoraient autrefois les ébrasements? J'avoue
» que je me sens ici pris au dépourvu ; je ne découvre ni
< « Après rincendie de 1194 » (Note de Pauteur). Nous laissons à M. Vôge
la responsabilité de cette assertion. — H. L.
3 Dos ist die aussicht eines archœologischen Dilettanten. Nous traduisons,
nous n'apprécions pas. — H. L.
— 107 —
» dans les scènes bibliques , ni dans les archivoltes le type
» de tête idéal de ce maitre, et je remarqui9 aussi dans les
» draperies des traits étrangers. Si les sujets des archivoltes
» étaient du même artiste que ceux de Chartres , il faudrait
» bien que des ressemblances intimes y apparussent. Les
» statues des ébrasements ne nous ont été conservées que
» dans les gravures de Montfaucon, dont Texactitude est
» reconnue. D'après elles, ces statues étaient en très étroite
» parenté avec les figures des archivoltes et des scènes
» bibliques ; elles n'avaient rien à faire avec le maître des
» deux madones. Dans tous les cas , ce deuxième maître est
» aussi venu des grands ateliers de Saint-Denis et de Chartres,
» il a passé comme l'autre par l'école sévère du Grand Maître
» de Chartres. Aux montants du portail central de Chartres,
» on remarque du reste plusieurs figures d'anges dont les
» draperies sont mouvementées d'une façon particulière,
» complètement absente dans les motifs des anges du portail
» parisien. Celui des maîtres postérieurs de l'école qui
» ressemble le plus à ces artistes de Paris, c'est le Maître de
» CorbeiL
» Bornons-nous à établir que le maître dont le talent peu
» ordinaire a décoré de scènes et de figures les archivoltes
» des trois portails de Chartres, a aussi exécuté le tympan
» de la porte Sain te- Anne ; il a mis la dernière main au por-
» tail de Chartres; il n'a pas ciselé seulement les parties
» hautes du tympan latéral , mais a aussi achevé les parties
» inférieures, qui ont été commencées par un autre artiste.
» Le triple portail de la façade actuelle de Notre-Dame de
» Paris date probablement du commencement du xiii® siècle,
» seule la porte de droite, celle de Sainte-Anne, est en grande
» partie du xii« ; elle a été incorporée dans les constructions
» du xïii® et complétée à cette époque par des adjonctions.
» Le portail Sainte-Marie, à gauche, est aussi des premières
» années du xiii® siècle, et il va de soi que l'œuvre classique
» de cette heureuse renaissance dépasse de beaucoup les
» sévères créations de la vieille école. »
Citant l'opinion de plusieurs archéologues, entre autres de
M. Mortet, en vertu de laquelle la porte de Sainte- Anne
remonterait au premier quart du xii® siècle, M. Voge
s'écrie:
— 108 —
» Je tiens cette opinion pour erronée. Le point de départ
» de ce style n'est pas à Paris mais à Chartres ; le Maître des
» deux madones a été appelé de Chartres à Paris, et non
» rinverse; car les racines de son style se trouvent
» à Chartres. Dernier venu, il se règle sur les maîtres char-
» trains qui ont travaillé avant lui, il combine le style du
» Grand Maître avec le naturalisme dont notamment la
» statue de la Vierge, au portail de gauche de Chartres,
» donne un exemple frappant. Plus tard, il a subi à Chartres
» d'évidentes influences de l'école de Toulouse.
» Comment donc pourrait-il être plus ancien que ces artis-
» tes chartrains et avoir produit à Paris son chef-d'œuvre
» avant que ceux-ci fussent à l'œuvre? » D'où il faut conclure
que la reconstruction de Notre-Dame de Paris « a été entre-
» prise par Maurice de Sully dès le début de son épiscopat ,
» en 1160. »
Les considérations qui suivent présentent un haut intérêt ,
mais elles nous éloignent un peu de Chartres ; elles ont trait
plutôt à l'histoire de Notre-Dame de Paris, et d'ailleurs
M. Voge lui-même « ne prétend nullement avoir dit le dernier
» mot dans ces questions de chronologie, » Nous nous garde-
rons d'être plus hardi que lui.
Il ajoute les observations suivantes :
. » Les noms des deux grands artistes chartrains , le Grand
» Maître et le Maître des deux madones ne nous ont pas été
» conservés ; les documents, soit chartrains, soit parisiens ne
» nous fournissent sur ce point aucun renseignement. En
» revanche, nous connaissons le nom d'un des artistes de
» second ordre qui ont travaillé au portail : Rogerus. Ce
» nom est écrit en lettres capitales sur l'un des piliers ornés
• de petites figures, à droite, au-dessus de la tête de la
» statuette supérieure ; elle représente un homme qui immole
» un bœuf. Il n'est pas possible de déterminer exactement
» si l'on est ici en présence d'une signature d'artiste ou d'une
» légende expliquant le sujet de cette petite figure de genre ;
» je suis disposé à y voir une marque de tailleur de pierre
» plus achevée, telle qu'on en trouve aussi dans les parties
» supérieures du clocher vieux, et telle que M. Revoil en a
» relevé plusieurs dans les édifices du Midi de la France. La.
» question est seulement de savoir à qui cette marque doit
— 109 ~
» être attribuée ^ Il est permis de supposer que ce Roger
» a exécuté des détails d'un caractère et d'une fonction
» analogues, ainsi, quelques-unes des statuettes qui décorent
» les montants des portes et les deux piliers en saillie.
» Sommes -nous certains que la sculpture des archivoltes
» ait été confiée à un seul artiste? Cette opinion serait
» erronée: les sujets des montants et des pilastres ne se
» distinguent pas seulement par un dessin varié, on y aperçoit
» encore très distinctement plusieurs mains. Certes, nous y
» reconnaissons sûrement la main des deux artistes qui ont
» travaillé, à côté du Grratnd Maître, aux grandes statues des
» ébrasements, et précisément, leurs statuettes sont placées
» du même côté que leurs grandes statues I Mais outre ces
» deux -là, on reconnaît encore bien d'autres mains, Roger
» est donc en nombreuse compagnie; selon toute apparence,
» il faut lui attribuer la plupart, sinon tous les sujets du pilier
» de droite, où se trouve la signature. Le profit pour l'histoire
» de l'art est ici bien mince : cependant, la conclusion géné-
» raie qu'on peut en tirer est plus importante : la répartition
» des rôles parmi les ouvriers du grand atelier n'était nuUe-
» ment systématique. Les Maîtres des grosses œuvres plas-
» tiques, par exemple des statues, se sont réparti les multi-
i pies détails plus petits de la composition. On ne travaillait
» pas en fabrique: ainsi, l'on ne chargeait pas exclusivement
» l'un de toutes les colonnes ornementées, l'autre de tous les
» chapiteaux, un troisième de tous les tailloirs, un qua-
» trième des baldaquins, un cinquième de la décoration des
» piliers et des montants. Si même il n'était pas impossible
» qu'un tel cas se présentât, ce n'était cependant jamais le
» principe de la production. Cette remarque saute aux yeux
» seulement si l'on s'en tient à la critique des parties pure-
» ment ornementales, comme, notamment, les tablettes de
» chapiteaux décorés de feuilles d'acantiie. La disposition
» de ces feuilles, prises séparément, est manifestement
» variée; ainsi, dans le portail latéral de gauche, le style
y» n'est pas du tout celui du portail central , et dans celui-ci
» même, il y a plusieurs nuances. Là aussi, beaucoup d'ou-
* « Il ne saurait être question d'y voir le nom de Tarchitecte du portail ou
celui du Grand Maître ». — Note de Fauteur.
— 110 —
» vriers ont été à l'œuvre et Ton peut suppQser que les grands
i maîtres leur ont prêté leur concours même dans ces parties.
» Les baldaquins dont le maître du portail de gauche a
» surmonté ses statues, doivent être nettement distingués de
» ceux du grand maître ; ils sont certainement du même style
» que les statues placées dessous; et comme nous l'avons
» déjà dit, les colonnes-socles donnent lieu à la même obser-
» vation. Ainsi donc, le maître de ces statues a mis lui-même
» la main aux parties accessoires qui en dépendaient. Je ne
i& saurais trouver de preuve plus convaincante de ce jeu
D d'ensemble des forces que les colonnes d'apparat revêtues
» de rinceaux et de figures qui séparent les grandes statues,
» enserrant comme d'un cadre précieux leur sévère beauté*
» Quelle étonnante richesse de motifs I Comment un seul
» homme aurait-il pu concevoir tout cela ? L'ornementation
» ne varie pas seulement d'une colonne à l'autre , dans le
» même ouvrage, la décoration se modifie d'un bloc à l'autre.
» Nous trouvons donc à côté de la sévérité, de la rudesse
» même des grands traits des figures et des attitudes qui
> distingue tout ce travail artistique , la diversité des forces
» isolées, la personnalité dans l'action commune. Si celle-ci
» assure à la composition la direction uniforme, le calme, le
» style, le mode d'exécution du travail apporte dans cet
» ensemble la variété , le mouvement changeant. Et c'est ce
» qui fait le charme des œuvres du moyen âge.
» Comme on le voit, les secrets de la façade de Chartres
» se dévoilent peu à peu. La netteté avec laquelle nous
» envisageons maintenant l'histoire de la création de l'œuvre
» nous permet une plus sûre critique de l'iconographie. Bien
» que jusqu'à présent, on ait considéré ce portail presque
» uniquement au point de vue iconographique (comme on
» avait torti) les deux énigmes qu'il nous présente sont
» restées sans solution : je veux dire le tympan de gauche
» et les statues. Les diverses opinions restent l'une en face
j> de l'autre sans se joindre et l'on n'a pas essayé de fonder
» l'une ou l'autre sur des bases solides.
» Si pour le tympan de gauche, on n'avait formulé jusqu'à
» ces derniers temps des suppositions très diflérentes et
» très aventurées, on comprendrait à peine que l'on y trouvât
» une énigme. Tout est si simple , si logique , que l'on ne
— m —
» conçoit pas la folie de refuser à ce sujet des rapports avec
» Tensemble ou de fermer obstinément les yeux sur les
» différences de style. Il est hors de doute qu'il s'agit ici
» d'une Ascension.
» Avec quoi doit-on comparer ce tympan? Non avec tel ou
» tel texte, mais avec le tympan correspondant du côté droit I
» Car, où verrait-on se déployer plus largement Tart avec
» lequel tout l'ensemble est composé, que dans ces deux
» tympans? Les deux sont à triple étage.
» La répartition du sujet entre le faîte et les deux bandes
> en bas-relief placées au dessous , n'était pas plus difficile
» du côté droit, car on avait à y représenter un groupe de
» scènes faciles à intercaler dans plusieurs compartiments.
» A gauche, des images correspondantes devaient trouver
» place dans les mêmes compartiments, de sorte que la
» scène devait être conçue conformément à ces exigences
» d'espaces. L'artiste introduisit entre le Christ et la rangée
» des apôtres une bande chargée de quatre anges, qui, sortant
» de nuages, se joignent aux apôtres.
» Ce motif des quatre anges est constant dans les repré-
» sentations de l'Ascension de cette époque ; on le retrouve
» nettement figuré sur le tympan de Cahors , seulement les
» anges y sont placés de manière à fermer le tableau par le
» haut. Comment s'étonner encore de ce qu'à Chartres , ils
» se trouvent sur des bandes spéciales et placées ailleurs I
» Nous en arrivons à la scène principale. Ce qu'il y a de
» remarquable, c'est que le Christ n'y apparaît pas en figure
» complète , comme dans toutes les autres représentations
» de l'Ascension, mais qu'il surgit de derrière les nuages
» semblable à une figure agenouillée. Comme on sait, les
» champs des deux tympans latéraux sont l'œuvre du maître
» des deux madones. Quelle finesse dans son sentiment de la
» symétrie, dans sa manière de composer I Le motif central
» apparaît, sur les deux tympans, entouré d'une paire d'anges
» et les deux figures centrales sont à la même échelle I
» A droite, il fallait placer une figure assise de Madone;
» à gauche, sur le même espace, un Christ debout. Si on
» l'avait figuré tout entier, il aurait été à une beaucoup plus
te petite échelle que la Madone ; alors, on ne le montre que
t> jusqu'aux genoux et à demi couvert de nuages. Paul Durand,
— 112 —
» qui abordait avec moins de bonheur les énigmes iconogra-
» phiques que les restaurations d'églises, a prétendu que ce
» Christ se tenait dans Teau, qu'il s'arrosait avec les amphores
» tenues par les anges; de celle-ci, il n'y a pas trace. Cette
» attitude des anges prosternés d'une manière particulière, le
)f) jeu de leurs mains, qui n'a remarqué cela cent fois dans
» les représentations de l'Ascension ?
, » On voit combien facilement les considérations d'esthéti-
» que éclairent et résolvent les problèmes d'iconographie !
» Ce qui peut encore nous étonner, c'est la rangée des
» apôtres ; ils ne sont pas debout, mais assis ; l'on a introduit
» ici un motif qui devait à l'origine figurer dans la représen-
• tation du Christ trônant. Cependant, on trouve beaucoup de
» faits analogues dans la plastique française ; mais , dans ce
» cas particulier, il n'y a pas à se demander laquelle des deux
» scènes est représentée, puisque le portail central est orné
» du Christ sur son trône. Et n'avons-nous pas déjà reconnu
» que justement à cette place, le style même de nos repré-
» sentations est rompa? Le linteau décoré d'apôtres est de la
» main d'un élève qui n'a pas encore appris à tenir compte
» des dispositions des masses données I Une anomalie ico-
» nographique n'est donc rien moins qu'étonnante à cet
» endroit.
» De plus, la représentation de l'Ascension n'est pas seule-
» nient un des motifs préférés de la plastique des portails
» français , on la retrouve également dans plusieurs autres
» œuvres de l'école chartraine. Une image comme celle du
» portail sud de Notre-Dame d'Etampes suffirait à prouver
» que sur le portail de Chartres, on n'a pas représenté autre
» chose qu'une Ascension.
» Maintenant, abordons le problème capital : quels person-
» nages représentent les rois et les reines, et les figures sans
» couronnes des ébrasements?
» Augmenter sans nécessité la foule d'hypothèses émises
* sur cette question, ce serait pécher contre les convenances
» littéraires et donner une pierre au lieu de pain. La solution
» est-elle vraiment possible? N'est-on pas en présence d'une
» inconnue irréductible.
» A Chartres, pas une seule figure n'est déterminée par
)) une inscription, et le caractère de l'iconographie est encore
— 113 —
» vague, tâtonnant même. Ce sont des types de création
» récente, dans les têtes et les attributs desquels se retrouvent
» encore en partie des réminiscences des Anciens. A qui
» demander ici la critique de Ticonographie ? M. Bulteau
» place ici, à titre de conjecture, une copieuse liste de noms.
» Mais cela a-t-il le sens commun^ de baptiser une statue:
» Charlemagne, — même par conjecture, — simplement parce
» qu'elle représente un homme de haute taille? Et comment,
» par exemple , peut-on voir un saint Pierre dans la figure
» de droite , à côté du portail de la Madone , quand on ne
» peut s'appuyer ni sur le type de la tête, ni sur aucun autre
» critère?
» Cherchons maintenant le nom de famille du groupe tout
» entier.
» C'est le vénérable père de l'archéologie française, Lebeuf ,
» qui nous trace la véritable route. Sans se livrer beaucoup
» à l'étude des détails, il s'appuie sur des bases plus larges ,
» et conclut des affinités de la composition entière qu'il s'agit
» ici de figures de la Bible, et non de personnages du moyen
» âge.
» Lebeuf avait d'ailleurs sous les yeux les portails
» analogues de Paris. Pour Chartres, on peut objecter que
» le groupe manque d'unité. Durand et Bulteau ont remarqué
» avec raison que quelques-unes des statues sont restées
» sans nimbe , et les deux en concluent qu'il faut y voir des
» portraits de bienfaiteurs et non des personnages bibliques,
» Mais l'un et l'autre ne se sont pas aperçus que dans cette
» rangée de statues, outre les différences d'iconographie, on
» distingue fort bien des différences de style, de composition ;
» que les figures sans nimbe confinent aux portes latérales,
» dont les maîtres ont un style moins soutenu, d'autres
» principes d'Ordonnance, et même toutes sortes de particu-
» larités iconographiques, ainsi, à gauche, ces longs sceptres
» descendant jusqu'aux pieds. Ils ne voient pas qu'il ne
^ Le mot est un peu dur, que M. Tabbé Bulteau ait tort, ce qui n'est après
tout pas impossible, ou qu'il ait raison ; étant donné le point de départ, nous ne
voyons pas ce que sa supposition peut avoir de contraire, non-seulement au sens
commun, mais même à la simple vraisemblance. Ce n'est pas à l'époque de la
Chanson de Roland que la présence d'une statue de Charlemagne au portique
royal de Chartres pouvait en elle-même surprendre* — H. L,
T. XII, M, 8
— 114 —
)> s*agit pas seulement, ici, de divergences iconographiques
» considérables, mais des différences d^habitudes et de
» traditions des divers ateliers qui ont travaillé côte à côte
» à cette façade. Il est permis de l'affirmer, car des œuvres
» nous ont été conservées à Etampes et à Saint-Denis, où ces
» ateliers ont, ou travaillé seuls, ou agi de concert ; et dans
» ces œuvres, se trouvent précisément des statues sans nimbe I
» Laissons cependant à Tarrière-plan les statues des côtés,
» et tournons nos regards vers le seul groupe central. N'est-
» il pas probable que ce Grand Maître de Chartres, si logique
» dans Texécution de chaque partie de son œuvre, ait aussi
» poursuivi, d'une manière claire et conséquente, son thème
» iconographique?
» Comment peut-il être question , ici , de rois de France ?
» D'abord, les figures ne sont pas toutes couronnées, et
» quelques-unes seulement tiennent des sceptres ; plusieurs
» sont tête nue et, deux fois, on voit au lieu de la couronne
» un bonnet rond à côtes. Quels personnages l'artiste a voulu
» désigner par ces bonnets, c'est ce que révèlent, à ce que
» je crois, les scènes bibliques du tympan de droite, œuvre,
» comme nous le savons, d'un élève du Grand Maître ou
» d'un de ses compagnons d'atelier ; on retrouve ce chapeau-
» melon * dans l'image des ancêtres du Christ, qui décore les
» bas-reliefs supérieurs. Saint Joseph le porte aussi dans la
» scène de la Nativité. Nous supposons que les grandes
» statues représentent aussi les saints ancêtres, la généalogie
» du Christ.
» Et quelle scène serait plus à sa place, ici, que celle-là?
» Des deux textes bibliques qui ont pu servir de thème à
» ces images', celui de saint Matthieu semble avoir été
» préféré. Car le /iAer^e/jera^iOflis ne constitue pas seulement
» le chapitre premier du récit biblique, il joue* aussi un rôle
» dans la liturgie du moyen âge, et, comme Corblet nous
» l'apprend, c'est aussi ce récit, et non celui de Luc , qui a
» servi de base à la représentation de l'Arbre de Jessé.
» L'artiste ne pouvait pas donner intégralement la liste des
* Diesen melonenfonnigen Hut.
^ « Math. I, 1 et Luc III, 23 ss. » Note de Tauteur. — Les passages de saint
Matthieu qui vont être cités se lisent aux versets 5 et 6 du chapitre premier ; la
généalogie comprend les versets 1 à 16. -— H. L.
»
— 115 —
ancêtres, il a dû faire un choix. Mais comme son choix
» devait toujours être judicieux, il fallait réserver une place
» dans le portrait central , aux pieds du Christ trônant , à
» David et à Salomon, les illustres fondateurs de la maison
» royale juive. De plus, il est vraisemblable qu'on a placé
» dans le portail de gauche leurs ascendants, dans celui de
» droite leurs descendants; de cette manière, ces tableaux
» s'enchaînent avec le récit de l'enfance du Christ. Nous en
» tirons cette conséquence, que les figures du portail principal
» doivent se suivre de gauche à droite, ou de droite à gauche
» si l'on suit l'arbre généalogique en remontant»
» Eh bien, il est remarquable au plus haut point que l'on
» trouve dans le portail principal une suite de statues
» couverte figure par figure par le passage de saint Matthieu
» dont il est question.
» Si nous désignons par le nom de Salomon la figure de
» roi placée tout à fait à droite, et que nous allions, à la fois
» de droite à gauche et en remontant l'arbre généalogique ,
» nous pouvons placer un nom sur chaque figure. La femme
)) à gauche de Salomon est Bethsabé^ puis vient David : David
)) autem rex ille genuit Salomonem ex ea quœ uxor Uriœ, A
» gauche de David, devrait venir Jessé : nous voyons en effet
» tout à côté de l'ouverture de la porte, un personnage barbu
» sans couronne : c'est le suivant. La figure à gauche de Jessé
» (nous passons au côté gauche du portail), doit représenter
» Obed : Obedus autem genuit Jesscn . Puis viennent de
» nouveau un homme et une femme ; cela correspond de
» môme au texte : Boozus autem genuit Obedum ex Rutha ;
» ainsi, Booz et Ruth. La figure suivante n'a pas été conservée ;
» ensuite vient une femme ; à mon avis , il est hors de doute
» qu'entre les deux femmes, il y avait un homme. Voici donc
» de nouveau un couple ; on lit dans le texte : Salmo genuit
» Boozum ex Rachaba; ainsi, Salmon et Rachab. Notre
» opinion est donc bien établie : Hommes et femmes, rois et
)> ancêtres, se suivent dans le même ordre dans l'image et
» dans le texte. Si le texte de saint Matthieu a été seul mis
» en avant, c'est bien à cet endroit ; car en dehors des trois
» femmes déjà nommées, le passage tout entier n'en cite
» qu'une autre, Thamar, tandis que dans saint Luc aucune
» femme n'est désignée.
n
— 116 —
» On pourrait souhaiter de trouver à Tappui une inscrip-
» tion.
» On en chercherait vainement une à Chartres, mais il y
» en a une au portail méridional de la cathédrale du Mans ,
» dont le maître est directement sorti de Tatelier du Grand
» Maître de Chartres. »
Cette inscription, encore lisible en 1856 et aujourd'hui
presque effacée, contient le mot SALOM. et se rapporte à la
statue « d'un jeune roi imberbe ». M. Vôge, parlant de ce
Salomon, a trouvé la même succession de figures qu'à Chartres
ce qui confirme son hypothèse ; le portail d'Angers, qui est
d'ailleurs plus récent, lui apporte des preuves plus convain-
cantes encore : « David y est représenté comme psalmiste ,
» il tient une harpe. »
Mais poursuivons la citation :
« Aux ébrasements voisins du portail principal de Chartres,
» dont les statues sont encore du Grand Maître, deux figures
» seulement ont été conservées; toutes deux sont des figures
» d'hommes ; l'une porte le bonnet à côtes déjà décrit, l'autre
» était sans couronne, à en juger par le dessin de Gaignières ;
» en face, à droite, on a placé, outre une figure barbue, deux
» statues couronnées. Sauf erreur, il n'y a plus d'images de
» femmes, quoiqu'on fait saint Matthieu en nomme encore
» une, comme nous l'avons déjà dit : très probablement, le
» Grand Maître a poursuivi sur les portails latéraux l'exé-
» cution de son plan, concordant avec le texte qu'il avait
» pris comme base : à gauche, il avait à placer les ancêtres
» mentionnés dans le 1®*" verset de saint Matthieu, à droite, la
» suite des rois de Juda et tel et tel des prédécesseurs du
» père nourricier.
» Faut-il s'attendre à voir le programme du Grand Maître
» repris et poursuivi selon sa pensée par les Maîtres des
» portails latéraux? Ne savons-nous pas que certainement
» ils ont travaillé pour leur propre compte à ses côtés?
» N'ont-ils pas protesté contre ses principes de composition,
» revêtant leurs colonnes de motifs choisis selon leur goût,
» donnant à leurs socles d'autres formes, à leurs personnages
» d'autres attitudes ? Et la représentation de l'Ascension sur
» le tympan de gauche ne prouve-t-elle pas avec évidence
» qu'il y a, comme nous l'avons dit, dans les œuvres des
— 117 —
» maîtres des ateliers latéraux, un style moins soutenu, une
» iconographie réglée plus par la fantaisie que par la réflexion,
» plus d'individualité que de vues d'ensemble ? N'ont-ils pas
» fait un linteau, conçu trop grand par sa masse et placé hors
» de rôle par son iconographie ?
» L'artiste de gauche aplacé dans la partie des ébrasements
» qu'il avait à décorer deux rois et une femme couronnée.
» Prétendait-il par ce moyen exécuter le plan du Grand
» Maître ? Alors il faudrait s'en rapporter aux ancêtres de
» la généalogie, et voir dans cette femme la seule dont saint
» Matthieu parle encore : Thamar. Ou bien,a-t-il simplement
» compris plus largement le programme qui lui était tracé,
» et a-t-il fabriqué un certain nombre d'an cêtres, sans chercher
» une allusion précise aux textes? Dans tous les cas, le
» maître de droite a aussi sculpté un couple royal, bien que
» les textes ne nomment plus aucune femme. En revanche, la
» troisième figure me semble absolument à sa place : l'ex-
» pression un peu morose, le type de la tête, garnie d'une
» barbe de longueur moyenne, les pieds nus, tout cela fait
» penser au père nourricier saint Joseph, le dernier anneau
» de la chaîne, que nous nous attendions a priori à trouver
» à ce portail.
» Une question se pose : le Grand Maître de Chartres ne
» serait-il pas plus jeune que les autres, et les incohérences
» de l'œuvre ne s'expliqueraient-elles pas par le fait que les
» divers ateliers et maîtres se sont succédé ? Alors les ano-
» malies du linteau de gauche n'étonneraient plus, nous
» admettrions que ce morceau, abandonné par les anciens
» maîtres , n'était pas destiné primitivement à la place qu'il
» occupe, mais peut-être au portail principal. Le défaut de
» cohésion de la rangée de statues s'expliquerait sans peine.
» L'atelier plus récent du Grand Maître aurait relégué aux
» portails latéraux les morceaux déjà achevés des maîtres
» précédents, et aurait entrepris pour son propre compte
» toute la partie centrale. Nous avons déjà dit que les
» sculptures du Grand Maître pénètrent comme un coin entre
» les œuvres des maîtres d'à côté.
» Si séduisante que paraisse cette hypothèse, elle a contre
» elle ce fait que les statues des côtés ont été dressées d'après
» d'autres principes que ceux du Grand Maître, et que par
1
— 118 —
» conséquent, elles auraient été déplacées par les maîtres
» mêmes qui les avaient faites. D'ailleurs, si à l'époque où
» les parties basses du portail ont été construites, le Grand
» Maître avait été pour ainsi dire seul à l'œuvre, les parties
» accessoires, par exemple les colonnes-socles, seraient
» moins dissemblables. Il est donc hors de doute que les
» divers ateliers ont travaillé ensemble, et que les anomalies
» proviennent du conflit de leurs individualités. »
M. Vôge, après avoir donné une solution si intéressante et
si plausible de ce difficile problème, identifié les personnages
du portail de Chartres, se garde bien d'étendre sa proposition
à tous les portails qui de près ou de loin dérivent du nôtre.
Il fait observer avec raison que « dans le sein même de
» l'école, les types ont avant tout une signification comme
» motifs d'art, » et que, par conséquent, on peut donner à
chacun d'eux plusieurs noms. Les personnages varient donc
d'un portail à l'autre , mais partout on retrouve , en plus ou
moins grand nombre, les ancêtres du Christ.
» Si l'on se demande pour quel motif, à Chartres etàSaint-
» Denis , le cortège des rois et des ancêtres a pris la place
» occupée, dans le Languedoc et la Provence, par les apôtres,
» il faut se souvenir du rôle important que joue le liber
» generationis dans la liturgie française du temps. Comme
» nous l'apprennent, entre autres, des manuscrits chartrains
» de la haute époque du moyen âge , ce texte était solen-
» nellement lu ou chanté dans la nuit de Noël. On le trouve
» fréquemment annoté ou accompagné d'instructions pra-
» tiques dans les évangéliaires ou les dernières pages des
» missels. On lisait aussi le liber generationis le jour de la
» Nativité de la Vierge et à la fête de sainte Anne ; aucun
» passage des Évangiles n'était à ce point mis en lumière,
» car il tombait en même temps au début du récit biblique. »
Plus loin, notre auteur ajoute * :
« Il est probable qu'au point de vue de l'iconographie le
» portail de Chartres est le premier de son espèce, le premier
« portail royal. » Nulle part, la relation avec le texte biblique
» n'est aussi distincte que dans l'œuvre du Grand Maître de
» Chartres. Cependant, il est possible que ce thème ait déjà
< P. 183.
— 119 —
» été familier à la décoration intérieure, aux fresques, avant
» d'avoir été développé sur les portails. » M. Vôge cite
notamment les fresques de l'église Saint-Martin de Laval.
n recherche ensuite quelle a été « la part des artistes dans
» les compositions iconographiques. Certainement, dit-il,
» que dans la règle ils ne travaillaient pas à leur guise : les
» nouveaux genres et groupements d'étoffes, les cycles
» d'images n'ont en général pas été inventés par l'artiste ;
» ici l'ecclésiastique a dirigé la main du laïque possédant des
» connaissances techniques. D'autre part, rien ne serait plus
» faux que la prétention de rapprocher chaque composition
» prise à part, d'une source littéraire, de l'isoler et de la
» rattacher directement à tel ou tel écrit. Lorsqu'une école
» d'art produit son plein, par conséquent à l'époque de sa
» floraison, cette école est une puissance indépendante ; elle
» est comme un arbre qui se ramifie, porte une profusion de
» fruits ; les rejetons isolés ne surgissent plus directement du
» sol de la culture littéraire. Les petites œuvres se font à
» l'image des grandes, les composées sortent des simples , et
» inversement. On voit où l'on veut en venir : à reconnaître
» les rapports réciproques des monuments de l'art, c'est-à-
» dire, puisque nous ne possédons plus les plans ni les études,
» à comparer entre elles les œuvres achevées, dans la mesure
» où elles sont comparables. Dans ce cas, la situation de
» l'artiste est bien autrement indépendante, il est le porteur
» de la tradition de son art ; il ne crée pas souvent à la fois
» le dessin et le contenu des compositions , mais il les inter-
» prête et les élargit à son idée. L'auteur du programme
» règle peut-être les contours de l'œuvre et met tel ou tel
» détail dans le ton. »
Il résulte de là que des œuvres comme le portail sud de la
cathédrale du Mans ne sauraient être la traduction en images
des « Sermons de Tévêque Hildebert. » Bien que ce portail
soit dû à un artiste chartrain^ nous ne suivrons pas M. Voge
dans la description qu'il en fait ; bornons-nous à relever la
frappante analogie de ce portail avec celui de Chartres. On
pourrait faire, au sujet du portail moins important de l'église
Saint-Loup de Naud, la même observation. C'est là une de
ces œuvres secondaires qui attestent, avec beaucoup d'autres
du reste, la puissance de l'école de Chartres.
— 120 —
Dans un chapitre intitulé Œuvres de ï atelier du Grand
Maître de Chartres au Mans, à Saint-Denis , à Paris, à Pro-
vins et à Saint'Loup'de-Naud , M. Voge prétend nous donner
une idée soit de l'activité exubérante du Grand Maître de
Chartres et de ses compagnons, soit de l'étendue de son
influence: les deux points extrêmes, Le Mans et Provins,
sont à environ 30 lieues de Chartres à vol d'oiseau. A vrai
dire, les relations qui existent entre les portails d'églises
de ces différentes localités n'avaient pas toujours été
relevées avec une précision suffisante. Dans bien des cas,
les idées de M. Voge différent de celles de nos archéologues,
qui, d'ailleurs, ne concordent pas toujours entre elles.
Notre auteur compare à « de nombreux satellites groupés
« autour de l'œuvre du Grand Maître » les monuments
énumérés dans le titre du chapitre. Ce ne sont pas les seuls,
du reste ; un chapitre subséquent nous entretiendra de la
Madeleine de Châteaudun, et une note, placée au bas de la
page 191, fait allusion au portail de l'ancienne église Saint-
André , à Chartres , œuvre contemporaine de la façade de la
cathédrale et qui présente avec elle de nombreux rapports.
Nous avons déjà eu l'occasion de mentionner le portail
méridional de la cathédrale du Mans. Un peu plus récent que
celui de Chartres, il est, comme on sait, l'œuvre d'un élève
du Grand Maître , et diffère complètement du portail occi-
dental, plus ancien, de l'édifice.
Si l'on compare une à une les statues du Mans avec celles
de Chartres, on trouve bien aux unes et aux autres le même
type, un peu moins allongé au Mans, à cause des proportions
du portail , mais on ne saurait attribuer aucune supériorité
aux figures du Mans ; la manière est un peu différente , les
draperies plus simples ; un examen attentif semble révéler la
collaboration de deux artistes. En revanche, il y a dans
l'ordonnance des figures un notable progrès : les statues sont
placées dans des sortes de niches; cette disposition n'existe
pas à Chartres, où le nouveau type de portail, essayé pour
la première fois, conserve encore dans son ordonnance
quelque chose d'inachevé, de provisoire.
Quant aux trois statues de rois du cloître de Saint -Denis,
dont Montfaucon nous a laissé le dessin et la description ,
« elles nous prouvent que le Grand Maître de Chartres, ou
— 121 —
» tout au moins un de ses élèves directs, a travaillé à Saînt-
» Denise » On voit à Chartres des figures identiques. A la
vérité, Suger ne parle pas de travaux entrepris dans le
cloître de Tabbaye, mais, ainsi que le fait observer M. Voge,
ces travaux ont fort bien pu se placer entre la clôture , en
1147, du liber de rébus in administratione sua gestis^ et la
mort de Suger en 1152.
« n est très regrettable que les deux œuvres parisiennes
» de récole de Chartres nous soient parvenues dans un aussi
» pitoyable état de conservation. Nous en sommes encore
» plus fâché pour le portail occidental de Saint-Germain-des-
» Prés que pour la porte Sainte-Anne. Car non seulement,
» on a détruit la décoration des ébrasements , mais encore ,
» après le moyen âge, les parties hautes de la composition
» ont été bouleversées autant qu'il était possible^. » Et les
gravures parfois inexactes de Montfaucon ne sauraient
combler cette lacune : elles se bornent d'ailleurs, dans Tespèce,
« à reproduire la gravure de Dom Ruinart » (1699). En
revanche, la gravure de Dom Bouillart, dans son Histoire de
ï abbaye royale de Saint- Germain-des-Prés (Paris 1724) est
tombée dans un injuste oubli. Elle suffit à convaincre M. Voge
« que le Maître du portail de Saint -Germain -des -Prés tient
» plus du Grand Maître de Chartres que du Maître des deux
» madones^. »
Les chapiteaux de la façade présentaient avec ceux du
chœur une étroite ressemblance. Comme Téglise a été
consacrée en 1163, « on peut considérer cette date comme
» celle de Tachèvement du portail ; c'est au même moment
» que Maurice de Sully entreprit la construction de la cathé-
» drale*.
» On retrouve le style du portail central de Chartres au
» delà de Paris, jusque dans le département de Seine-et-
» Marne. La façade à triple portail de Saînt-Ayoul, à Provins,
» n'est pas autre chose qu'une œuvre de l'école de notre
» Grand Maître. Mais c'est une production de second ordre.
< P. 198.
2 P. 200.
3 P. 202.
* P. 203 ss.
— 122 —
» Pas de trace, ici, du travail gracieux du monument char-
» train. » L'ordonnance est la même, mais quelle rudesse
dans les statues et les ornements I Si Ton est bien en présence
de la pensée du Grand Maître, on ne retrouve pas son talent.
« Non loin de Provins, également dans le département de
» Seine-et-Marne , se trouve la petite localité de Saint-Loup-
» de-Naud. On est surpris d'y trouver une œuvre de plastique
» aussi ravissante que celle de la façade occidentale de
» réglise, dont nous avons déjà mentionné le portail orné
» de statues. » C'est l'œuvre d'un artiste du pays , qui n'a
pas joué un bien grand rôle, mais « que son talent n'éloigne
» guère des Grands Maîtres de l'école : le « Maître des deux
» madones, » le « Maître de Corbeil, » voire même le
» Grand Maître de Chartres Ses têtes sont pleines d'une
» saine vigueur, mais sans âme. » Elles rappellent un peu
celles du maître de Corbeil.
« Cette œuvre n'est donc pas, comme on l'a dit, antérieure
» au portail occidental de Chartres et n'est pas la première
» de son espèce. » Mais elle est pleine d'originalité; « au
» point de vue architectonique , elle sort de la sphère
» ordinaire du développement. » Le maître qui l'a construite
« s'est jeté avec ardeur dans la voie du progrès, » il a l'un
des premiers employé l'ogive. Mais, en somme, il dérive di-
rectement de l'école de Chartres, sans avoir passé par Provins.
« L'influence directe du grand atelier de Chartres s'étend
» du Mans à Provins, elle est visible à Saint-Denis, ainsi que
» dans la métropole parisienne. Les maîtres secondaires de
» Chartres eux-mêmes ont laissé dans d'autres endroits des
» traces de leur activité ou de leur influence. Il faut rapporter
» au merveilleux artiste qui a ciselé les trois statues supé-
» rieures du portail de gauche de Chartres et quelques
» détails isolés dans l'ensemble, les sculptures du portail
» méridional de Notre-Dame d'Etampes et quelques autres
» statues qui ont trouvé place dans l'intérieur de cette église,
» dans une des chapelles chorales.
» Il est étonnant qu'on n'ait presque jamais rapproché le
» portail d'Etampes de celui de Chartres ^ , car aucune œuvre
^ Il faut cependant citer de Beuzelin, Notes sur la statistique monumentale
de Seine-et'Oise. — (Note de l'auteur,)
— 123 —
» ne mérite, mieux que celle-ci, d*ètre appelée : œuvre de
» récole chartraine. On y trouve, en effet — ce qu'on ne voit
» nulle part ailleurs, — la parenté la plus complète dans
» toute Tordonnance. Un pilastre en saillie , du même plan
» que celui de Chartres, enserre le portail de chaque côté,
» les chapiteaux s'alignent, comme à Chartres, en une frise
» continue à sujets bibliques, qui se prolonge également par
» dessus le pilastre ; les scènes se retrouvent sous les rangées
» d'arcades garnies d'architectures minuscules ; les tailloirs,
» au-dessus, sont ornés des mêmes feuilles d'acanthe ; au-
» dessus des statues, on retrouve les baldaquins taillés dans
» des blocs antiques; au-dessous d'elles, les socles canelés.
» A la hauteur du tympan, sur l'angle du portique en saillie,
» siu* le retrait de la muraille, on a placé une statue,
» également sous baldaquin ; elle rappelle Tange du clocher
» vieux de Chartres.
» Comme il est curieux de voir le maître d'Etampes
» choisir précisément une Ascension, et l'entourer des vieil-
» lards de l'apocalypse I Son maître n'avait-il pas précisément
» travaillé au portail à l'Ascension de Chartres I Comme on
» voit clairement que les artistes avaient leur part dans les
» compositions iconographiques ; ilâ avaient des images à
» profusion, ils en composaient des groupes. De plus, on
» découvre sur un des côtés du portail trois statues qui
» correspondent figure par figure aux trois de l'artiste
» chartrain ; nous avons ici , dans les figures d'hommes, le
» même costume caractéristique , la même forme échancrée
» du socle, le même sceptre descendant jusqu'aux pieds, les
» pieds tournés sensiblement en dehors. De même, la femme
» qui est à droite est la même à Étampes qu'à Chartres ;
» cependant, le maître transporte sur la figure de femme le
» système de draperies de ses figures d'hommes : il la tatoue
» de plis circulaires sur la poitrine , le ventre et les cuisses.
» Comment s'étonner que cette manière se montre plus
» exclusivement là qu'à Chartres ? l'artiste était, à Étampes^
» complètement livré à lui-même , tandis que le maître de
» Chartres avait directement sous les yeux les œuvres du
» Grand Maître, c'est d'après ses images qu'il a sculpté sa
» figure de femme.
» En fait, le monument d'Etampes est d'une unité de style
— 124 —
» achevée: les figures des chapiteaux, des tympans, des
» archivoltes sont de la même main. Aux trois statues de
» droite, correspondent, à gauche, trois autres du même
» caractère, et Ton peut en conclure avec certitude que
» Tartiste chartrain avait projeté, sinon déjà mis en œuvre,
» des figures de même nature pour le second côté de son
» portail, lorsque le Grand-Maître de Chartres lui coupa la
» route.
» Il semble qu'à Étampes on ait à Torigine conçu une
» décoration plastique d'une plus large envergure, car on
» remarque deux nouvelles statues de la même espèce
» dressées dans l'intérieur de l'église, à gauche et à droite de
» l'autel du chœur.
» On les a baptisées saint Pierre et saint Paul ; mais l'une
» des figures est très certainement un Christ. Au point de
» vue iconographique, ce ne sont donc pas des pendants, et
» dans tous les cas, elles n'étaient pas destinées, à l'origine,
» comme on l'a prétendu, à ce rôle de pendants dans un
» recoin de l'intérieur. De Guillermy a supposé que c'étaient
» des restes d'un portail détruit : il me paraît plus vraisem-
» blable que ces statues ne sont jamais parvenues à desti-
» nation. S'il n'est guère possible d'admettre qu'on ait
» voulu percer ici, à l'origine, un triple portail occidental,
» comme celui de Chartres , on peut cependant avoir eu en
» vue un deuxième portail, du côté du nord.
» Les sculptures d'Etampes sont des ouvrages de second
» ordre , comme celles de Provins. A côté de ces figures de
» femmes, de quel éclat resplendit la beauté classique de
» telle image féminime de Chartres, quelle merveilleuse
» finesse d'exécution, avec quelle intelligence achevée le
» détail du costume est traité I On sent bien que ce courant
» latéral a sa source à Chartres.
» Il vaut la peine d'observer que cette disposition en
» escalier des statues, propre au Grand Maître de Chartres ,
» est aussi absente à Étampes que dans les figures chartraines
» du même auteur; on remarque ici, à gauche, la même
» singulière manière de dresser les images que là : la figure
» centrale est placée le plus en haut, mais celle placée à
» sa droite , tout à côté de l'ouverture , est beaucoup plus
» grande et domine sa voisine . C'est une nouvelle preuve
— 125 —
» que même sur ces matières, chaque atelier avait ses habi-
» tudes, et que la manière spéciale dont les images de Chartres
» sont dressées est bien celle du maître même qui les avait
» faites : le Grand Maître et les maîtres secondaires étaient
» à Fœuvre en même temps.
» D'Étampes, une lumière inattendue tombe sur le deuxième
» grand cycle de statuaire qui apparaît à cette époque dans
» le département d'Eure-et-Loir, je veux parler des figures
» de rois de la façade nord de Tancienne église abbatiale de
» la Madeleine, à Châteaudun. Les merveilleux originaux ne
» nous sont pas parvenus * ; mais les archéologues du siècle
» dernier les avaient encore sous les yeux. Montfaucon a
» pris la peine d'en faire faire une vue pour ses Monuments
» de la Monarchie française. En 1733, Lancelot, accompagné
» d'un dessinateur, entreprit un voyage à Châteaudun,
» spécialement dans le but d'étudier ces sculptures. Grâce à
» lui, nous possédons dans le neuvième volume de V Histoire
» de r Académie royale des inscriptions et belles-lettres, une
» description circonstanciée des hgures qui sont sur la façade
» de ï église de l'Abbaye Royale de la Magdeleine de Cbasteaudun,
» ainsi que les deux gravures de Simonneau, qui, eu dépit
» d'une exécution assez peu soigneuse, peuvent cependant
» nous donner des indications, soit sur l'ordonnance, soit sur
» le style et le caractère des figures. On se demandera
» pourquoi je raconte si longuement tout cela : c'est pour que
» nous nous souvenions de ces vaillants devanciers et que
» nous suivions leur exemple.
» Il ne s'agissait pas ici , comme d'habitude dans l'école
» chartraine, de décorer de sculptures un portail : l'ornemen-
» tation plastique s'étendait beaucoup plus sur la façade tout
» entière. On avait mis deux figures à droite et à gauche, à
» côté des archivoltes du portail principal, quatre à la hauteur
» de la rangée supérieure des fenêtres, à côté d'une rosace ^ ;
» cinq autres se distribuaient sur autant de consoles ; elles
» étaient à peu près au même niveau que les quatre
^ Assertion très exagérée ; les statues de la Madeleine sont en fort mauvais
état, mais elles sont bien loin d'avoir totalement disparu. — H. L.
^ Ces six figures ont laissé des traces parfaitement distinctes ; la décoration
des archivoltes est, de même, très visible par place. — H. L.
— 126 —
» précédentes. Encore plus haut, disposée sans symétrie d'un
» seul côté, une scène historique en grandes figures. En
» revanche, des trois portails, celui du milieu seul avait été
» décoré de figures. Dans la structure architectonique , dans
» la distribution de la décoration, il n'y a, comme on le voit,
» aucun point de contact avec Chartres.
» Par suite, j'avais eu impression qu'une toute autre école
» avait travaillé là, car les figures ont aussi, en quelque
» mesure, des particularités iconographiques inconnues,
» partout ailleurs, à l'école de Chartres; plusieurs person-
» nages ont une épée ; ils la tiennent nue dans la main droite,
» ou au fourreau, sur le flanc ; l'un a une hache de combat,
» quelques-uns sont munis d'éperons, et au-dessus de la tête
» de la figure de gauche , à côté du portail central, on avait
» placé un cor de chasse ou de bataille.
» Mais, malgré tout, il y a d'étroites ressemblances avec
» l'atelier d'Etampes. Sans aucun doute, il a exécuté une partie
» de ces Bgures.
» Les statues que nous allons envisager sont celles qui
» étaient dressées sur des consoles. Il y a une figure d'hom-
» me et deux de femmes qui ressemblent jusqu'aux moindres
» détails à celles du portail sud de Notre-Dame d'Etampes.
» La statue d'homme, que Lancelot a par erreur qualifiée de
» femme, est exactement celle qui se trouve, à Etampes, à
» droite, à côté de la porte: à Châteaudun, elle est placée
» sur un socle échancré de la même manière , elle tient le
» long sceptre de la main droite , le rouleau de la gauche.
» Les motifs du costume et le dessin des plis concordent —
» La femme placée à côté, à droite, est à classer avec celle
» qui se trouve du môme côté du portail d'Etampes. Les plis
» de la draperie sur les cuisses semblent ciselés par la même
» main. On reconnaît même , sur le dessin , les bandes qui
» descendent sur le vêtement entre les genoux, motif tout à
» fait caractéristique de l'atelier d'Etampes. Cette figure est
» aussi dressée sur un socle échancré. Enfin , la deuxième
> figure de femme a son pendant sur le portail d'Etampes ; et
» là encore, on découvre sur la gravure les bandes entre les
» genoux I
» Cependant, on ne saurait en aucune manière attribuer à
» l'atelier d'Etampes tout ce groupe de statues ; autant que
— 127 —
» les gravures permettent d'en juger, il lui reviendrait, outre
» les trois figures déjà décrites, une autre figure de
» femme, qui se trouvait à côté d'elles, à droite, sur la qua-
» trième console ( et probablement aussi la scène historique
» représentée tout en haut, à droite). Là, on voyait à
» gauche une figure assise * en face d'une autre debout,
» évidemment supposées en conversation. Lancelot fait
» observer qu'à ce moment déjà, l'image était incomplète;
» il en avait sous les yeux un dessin plus ancien, qui la
» reproduisait plus exactement : « En 1654 on voyait une
y> autre figure étendue le long de la plinthe, dont la main portait
» sur le pied de la figure assise. Cette figure est tombée, et il
» n'en reste plus que la main posée sur ce pied, » Il opine —
» non sans esprit — pour le Christ et la pècheresese , un
» sujet qui certes était à sa place dans une église Sainte-
» Madeleine.
» A la vérité , dans les autres statues , on remarque ça et
» là dans les draperies des analogies avec les groupes cor-
», respondants d'Etampeg. Mais il semble que les draperies y
» aient été traitées avec moins de finesse que dans ceux-ci ;
» on ne retrouve pas les détails de costume caractéristiques
» d'Etampes, et au point de vue de l'iconographie, il faut
» citer les particularités dont il a déjà été question. Il est
i> regrettable qu'on ne puisse mieux élucider la composition
» de ces deux groupes. Ne trouvons-nous pas cependant,
» dans cette dérivation si intéressante de l'Ecole chartraine ,
» une communauté de style évidente avec l'atelier qui a les
» mêmes particularités ? Peut-être que l'histoire de cette
» manière merveilleuse s'éclairerait pour nous, si nous
» avions encore les originaux sous les yeux.
» Je mentionne encore que depuis peu l'on a découvert
» sur la façade méridionale de l'église un portail décoré de
» sculptures ; les archivoltes sont ornées de personnages et
» d'animaux fantastiques ; il paraît antérieur à la décoration
» plastique du côté nord ^.
* Cette figure subsiste encore derrière le contrefort de droite du portail ; elle
est décapitée, mais, à part cela, relativement bien conservée. ~ H. L.
2 Ces personnages et animaux , d'une facture barbare et dépourvus de tout
caractère religieux, sont évidemment beaucoup plus anciens que la décoration de
— 128 —
» Nous ne pouvons rien dire de précis au sujet de la date
» de nos statues. M. Lefèvre-Pontalis attribue au milieu du
» XII® siècle les constructions attenantes. »
De réglise de la Madeleine de Châteaudun , M, Vôge passe
à rétude de l'église abbatiale de Saint-Denis.
Le triple portail de Saint -Denis, orné de statues comme
celui de Chartres, « est le second exemple de ce système
» qui nous soit parvenu dans le domaine de cette école. »
Mais , tandis que le portail de Chartres forme un tout , « une
» création géniale , dans laquelle tout a été calculé en vue
» de Teffet d'ensemble , » il n'y a rien de pareil à Saint-
Denis. Les trois portails n'y forment pas un monument
unique, ils sont simplement juxtaposés avec symétrie. « Deux
» puissants contreforts, nus et frustres, les séparent. » La
décoration est un peu incohérente , à cause de l'intervention
fâcheuse de l'instigateur des travaux, qui a lié les mains
aux artistes. Il faut reconnaître cependant que ces malen-
contreux contreforts étaient nécessaires, puisqu'à Saint-
Denis, l'ordonnance du portail déborde sur les deux tours.
A Chartres, au contraire, elle est comprise tout entière entre
celles-ci. M. Vôge les considère comme un « hors-d'œuvre »
un reste de l'ancienne église qu'on n'a pas voulu jeter à bas.
Nous avons déjà eu l'occasion de combattre cette opinion.
Elle ne tient pas devant les textes : la façade de la Cathé-
drale de Chartres devait comprendre, telle qu'elle a été
conçue par le Grand Maître, un portail triple, d'une merveil-
leuse richesse, surmonté de trois grandes fenêtres et encadré
de deux tours dont l'architecture austère et les surfaces nues
devaient servir de repoussoir au portail. M. Voge nous accor-
dera qu'une telle conception n'est pas faite pour ravaler le
mérite du Grand Maître , bien loin de là ; elle rentre d'ail-
leurs pleinement dans l'esprit du livre que nous analysons,
et nous pouvons dire avec son savant auteur : Ce n'est pas à
» Saint-Denis , c'est à Chartres que naît l'idée géniale de cette
» ordonnance qui, appliquée ici pour la première fois, ne repa-
j> raît qu'au XIII^ siècle, à Reims ^ »
la façade nord. Dans tous les cas, ils ne sauraient être attribués à la même
école. — H. L.
P. 224.
— 129 —
Nous ne pouvons ici nous livrer à une étude circonstanciée
des statues de Saint- Denis. D*une manière générale, « le
» style des grandes statues est moins serré , moins logique ;
H les sculptures restées en place aux tympans, aux archi-
» voltes, aux pieds-droits sont exécutés avec un faible relief»
» elles n'ont pas cette vigoureuse tendance à la ronde bosse
a qui se montre à Chartres dans toutes les images et même
ïï dans len petites figures des archivoltes et des piliers.
» Comme Fart de Chartres est bien le devancier de celui du
ï' XIII« siècle ! Mais poursuivons : Quel abîme entre les deux
3i figures du Christ ^ . Comme Tune paraît rude et maniérée a
n c6té de la technique achevée, du style élevé et serré do
fl l'autre ! Comme les rois apocalyptiques de Saint -Denis
» semblent sans vie, « schématiques, » sans expression, à
n côté des figures correspondantes du « Maître des deux nia-
» dones l o Qu'elles sont insignifiantes , ces figures de pou-
» pées des mois et du zodiaque de Saint-Denis I »
« La technique des parties conservées est inégale. » Les
parties purement ornementales sont supérieures aux figures;
elles trahissent une main plus exercée. Quant aux belles têtes
conservées au musée du Louvre, M. Voge croit qu'elles
proviennent de la porte des Valois, et non du portail occi-
dental, dont elles n'ont pas le style et aux torses duquel
elles ne s'adaptent pas bien. Elles remontent d'ailleurs, d'après
M. Courajod, à la fin du xii® siècle ou aux premières années
du xiir, taudis que « le portail royal » était achevé
avant 1150.
» Nous avons déjà dit que l'auteur des statues du portail
» central de Saint -Denis tient probablement de très près à
» Tartiste chartrain auquel on doit les trois statues de droite
» du portail de la madone... Je rends attentif à ce fait que
* les statues de Saint -Denis reposaient sur des socles ornés
» d'images d'hommes et d'animaux, détail familier au maîlre
w chartrain, mais qu'on ne retrouve pas dans les œuvres du
» Grand Maître ^. » Cet artiste venait probablement du
Languedoc; il était secondé par deux autres maîtres, qui
s'étaient chai^gés des portails latéraux, tandis qu'il avait
* De Saint-Denis et de Chartres.
^ P. 230-â3L
T. XII, M. 9
— 130 —
gardé pour lui le portail central. L'influence directe du
Grand Maître de Chartres est facile à discerner dans ses
œuvres.
Quant à la figure assise de Dagobert, qui se trouvait au
rez-de-chaussée de la porte du nord, elle ressemble aux
statues du portail de gauche de Chartres, et pourrait être
des mêmes artistes.
De Saint-Denis à Corbeil, la distance est peu considérable.
» Avec sa sagacité habituelle, VioUet-le-Duc a rapproché
» des types du Grand Maître de Chartres les têtes des deux
» merveilleuses statues qui ont subsisté du portail principal
» de Notre-Dame de Corbeil. • Il a pris comme point de
comparaison la première figure de gauche du portail central
de Chartres, en partant de la porte. De son judicieux travail,
M. Vôge retient les résultats généraux.
« Le maître de Corbeil est plus fin, plus distingué. D'un
» ciseau plus délicat, il sait revêtir comme d'une peau tendre
» et veloutée même un corps de structure sévère ; par la
» finesse de leurs formes, l'élévation de leur style, ses têtes
» donnent la plus haute idée de son talent.
» Ce maître est certainement postérieur au Grand Maître
» de Chartres; à côté des figures du portail de Chartres,
» celles de Corbeil sont comme la fleur à côté du bouton. On
» y trouve cette souveraine maîtrise du style , cette science
» achevée dans le rendu du détail et l'interprétation des
» motifs traditionnels qui caractérise le maître des deux
» madones. Ces deux artistes sont supérieurs à l'auteur des
» grandes statues de Chartres.
» J'ai déjà fait observer que le sculpteur de la porte
» Sainte-Anne avait des points de contact avec le maître de
» Corbeil; il en est de même du deuxième maître parisien »,
celui de Saint-Germain des Prés. Toutefois, il n'est plus
possible de porter un jugement précis, puisque l'église Sainte-
Marie de Corbeil est aujourd'hui détruite. Les deux statues
que Legendre a sauvées se trouvent aujourd'hui à Saint-
Denis; « on les a dressées à l'intérieur de la porte des
» Valois, à gauche et à droite. Nous possédons en outre une
» description du portail, faite peu avant la démolition de
» l'église » , ainsi que des dessins. Les scènes représentées
ne sont pas toutes les mêmes qu'à Chartres , cependant on y
— 131 ^
retrouve le Christ trônant et les vieillards de Tapocalypse.
En résumé, c'est là une œuvre de l'époque de la maturité de
l'école de Chartres.
M. Voge nous transporte maintenant à quarante lieues au
sud de Chartres , à Bourges , où nous trouvons une nouvelle
preuve de Fextension qu'avait prise l'école de sculpture de
notre ville , car les portails nord et sud de la cathédrale de
Bourges, « enchâssés dans un édifice complètement gothique »,
appartiennent à l'école chartraine. Quoi qu'en dise Mérimée,
ce sont bien là les restes d'une église plus ancienne.
« MM. Girardot et Durand étaient d'avis que ces sculptures
» décoraient à l'origine la façade occidentale de cette église. »
Telle n'est pas l'opinion de M. Voge. « Nous ne savons
» rien, dit-il, de la façade occidentale ; il est possible qu'elle
» n'ait reçu aucune décoration plastique » et, d'ailleurs, les
portails en question n'auraient pu, en raison de leurs dimen-
sions, y trouver place ; on n'aurait pu les placer tous deux
sur la même façade. Ils semblent avoir été, non des portails
de transept, mais de simples entrées latérales de la nef.
Les dispositions générales sont bien celles de Chartres, mais
la manière de comprendre l'ornementation trahit l'influence
de la Bourgogne, qui serait venue, à Bourges, contrebalancer
l'influence directe des ateliers chartrains. Comme on l'a déjà
dit, malgré sa situation au centre de la France, Bourges
n'est pas une étape intermédiaire de l'art d'Arles se propa-
geant, vers le nord, et quant à des rapports avec les
sculptures du Languedoc, t il ne saurait en être question » ^
En comparant les portails de Bourges avec celui du Mans ,
on a l'impression que ce dernier est de beaucoup le plus
ancien. Ceci est d'ailleurs confirmé par les documents histori-
ques : on n'a travaillé à la cathédrale de Bourges que tout
à la fin du XIP siècle. Les deux portails nord et sud ne
sont donc pas très antérieurs à la masse de la cathédrale
actuelle. Les types superbes du portail de Chartres disparais-
sent déjà dans cette œuvre plus récente, et en résumé, « il
» faut placer les sculptures de la cathédrale (de Bourges) dans
» une école locale » qui a de nombreux points d'attache avec
l'école chartraine.
< P. 247.
— 132 —
Cette école locale de Bourges « nous a laissé une deuxième
» œuvre de grand style, les sculptures du portail occidental
» de Notre-Dame du château de Loches. » M. Vôge leur
consacre un court chapitre , le VHP de la seconde partie de
son livre ; nous ne croyons pas nécessaire d'en parler.
S'il ne fallait considérer que les distances, nous ne ferions
peut-être pas le voyage d'Angers , malgré l'intérêt que pré-
sente encore ce portail de la cathédrale Saint-Maurice, si
souvent réparé et défiguré. Mais au point de vue particulier
de cette étude, il mérite une mention toute spéciale : M. Vôge
n'hésite pas, en effet, à l'attribuer à un élève du maître des
deux madones, dont le style exquis s'y déploie dans toute sa
beauté.
Cet élève « qui nous a laissé à Angers même une deuxième
œuvre * » est le digne émule de son maître , dont il possède
la finesse d'exécution et la suavité. Ce n'est d'ailleurs plus
dans les motifs de l'école qu'il a travaillé ; son système de
décoration est exempt des tâtonnements et des maladresses
dont, malgré sa splendeur, le portail de Chartres offre d'assez
nombreux exemples.
Cependant, les sujets traités sont à peu près les mêmes:
« les vieillards apocalyptiques des archivoltes sont de la
» même famille que ceux du portail principal de Chartres ; il
» en est de même des petites figures d'anges qui tiennent,
» soit un rouleau, soit un livre, soit un disque. Au-dessus de
» la tête du Christ trônant, se trouvent, à Angers, deux anges
» tenant une couronne placée entre eux. Nous avons
» à Chartres le même groupe identiquement. Il y a d'indubi-
» tables parentés dans les types, une foule de points de
» contact dans les motifs de décoration, le même goût dans
» les draperies. Que l'on compare avec le baldaquin de la
» madone de Paris le rendu des chapiteaux à feuilles
» d'acanthe et des tailloirs d'Angers ! ^ »
Quant aux statues — assez mal conservées — de l'ancienne
église Saint-Martin, elles offrent une complète analogie avec
^ Les douze statues du chœur de Saint-Martin , ancienne église aujourd'hui
convertie en dépôt de tabac. — H. L.
2 P. 261-262.
— 133 —
celles de la cathédrale. L'atelier qui les a taillées a donc eu
autant d'activité que d'éclat.
a Pour la première fois, nous avons une image précise de
» la grande école : nous apercevons distinctement dans son
• sein plusieurs ramifications de style.
» Au portail occidental de Chartres, elles apparaissent net-
» tement circonscrites, dissemblables, juxtaposées. A côté du
» Grand Maître de Chartres, se tient le maître des trois
» figures du portail gauche. D'espèce plus fine, mais faciles
» à apercevoir, sont les nuances du style dans les remarqua-
is blés figures de droite.
» Au portail du Mans, on sent encore de légères différences
» dans lesquelles les contrastes entre les maîtres de Chartres
» vont s'évanouissant.
» Il est impossible de mettre aucun groupe de telle autre
» œuvre en relation , soit avec le Grand Maître de Chartres,
» soit avec celui du portail latéral de gauche, ni de délimiter
» leurs sphères d'influence.
» Les tendances du maître unique du portail de gauche
» étaient assez faciles à discerner à Châteaudun et à Etampes,
» avec moins de certitude à Saint-Denis ; le rôle du Grand
» maître de Chartres était autrement important. Nous
» retrouvons dans le portail principal de Suger le maître des
» trois figures de droite ou ses tendances.
» Nous avons établi qu'à proprement parler l'école avait
» son siège à Chartres. Si la place de Saint-Denis dans cette
» école est moins facile à fixer , c'est bien en partie à cause
» du lamentable état de conservation du monument. Dans
» l'histoire de l'école, il faut faire une large part aux
» influences du Languedoc, très visibles à Saint -Denis;
» après avoir lu les développements qui vont suivre , on se
» rendra mieux compte de l'importance des sculptures de
» Saint-Denis, comme point de départ d'un développement
» ultérieur.
» Le style des grands maîtres de l'école: le maître des
» deux madones, le maître de Corbeil, est un développe-
» ment des germes des ateliers les plus anciens. Ils se ratta-
» chent à l'école du Grand Maître de Chartres, mais leur
» influence s'étend au dehors.
» En particulier le maître des deux madones était, à ce
\
— 134 —
» qu'il paraît, un artiste dont Tinfluence est parvenue fort
» loin ; Tatelier d'Angers dérive de lui.
» Déjà dans la première partie (de ce livre) , nous avions
» pu jeter un coup d'œil d'ensemble sur les rapports entre la
» grande école du nord et les autres écoles de sculpture du
« territoire français ; nous avions essayé de discerner où elle
» avait pris, où elle avait donné. Il convient ici de toucher
» encore à ce dernier point. L'art de Gilabert de Toulouse
» nous était apparu comme un rejeton du tronc chartrain,
» bien que nous ne fussions pas tout à fait sûr qu'il ne fût
» pas issu des racines de la vieille école de Toulouse , sans
» apport du dehors. Le portail occidental de Saint-Bénigne
» de Dijon, cet ouvrage qui offre tant de rapports avecles
» sculptures de Chartres, nous avait paru, selon toute appa-
» rence, également conçu sous l'influence du nord de la
» France. Les rapports nous avaient semblé assez grands
» pour que l'hypothèse d'une influence directe n'ait pu être
» écartée d'emblée. Rien ne nous autorise à admettre que
» les influences venues du midi aient atteint Chartres en
» traversant la Bourgogne ; nous concluons, ici encore, bien
» plutôt à des importations du nord de la France.
» D'autre part, les sculptures des portiques de Bourges
« montrent combien l'influence de l'école bourguignonne
» a été étendue, puisqu'elle semble ici se croiser avec les
» influences du nord de la France. Bourges — et il était
» important de l'établir — ne joue pas dans l'histoire de la
» plastique française le rôle de médiateur qu'on a prétendu
» lui attribuer. La route allant des bords du Rhône et de la
» Garonne au bassin de l'Eure et de la Seine ne passe pas par
» Bourges et la cathédrale Saint-Etienne ^ ».
m
l'enchaînement avec le développement subséquent
ET l'importance DE L'ARCHITECTONIQUE DANS LA SCULPTURE
FRANÇAISE DU MOYEN AGE
Cette partie du livre , la dernière , est de beaucoup la plus
courte et forme en quelque sorte la conclusion. C'est aussi,
< P. 265.
— 135 —
à certains égards, la partie la moins originale de Vœuvre, en
ce sens que Topinion de M. Vôge ne diffère pas sensiblement,
en ces matières, de celle de ses prédécesseurs, et notamment
de VioUet-le-Duc.
Il reconnaît même que « personne n'a mieux compris la
» relation, voire même la confusion deTarchitectureetdela
» sculpture au moyen âge que VioUet-le-Duc, et que personne
» ne Ta exprimée en termes plus clairs. Contrairement à
» celle des anciens et des modernes, la plastique du moyen
» âge ne -se sépare pas de l'architecture ^.. Dans les monu-
ments de l'antiquité grecque, qui conservent les traces de la
statuaire qui les décorait, celle-ci ne se lie pas absolument avec
T architecture. L'architecture l'encadre, lui laisse certaines
jplaces mais ne se mêle point avec elle... L'alliance entre ces
deux arts est bien plus intime au moyen âge.
Cependant, d'après M. Voge, VioUet-le-Duc aurait eu tort
de passer sous silence « l'évidente influence de l'architecture
» du moyen âge sur le développement du style de la statuaire
» de cette époque », ou du moins, sans méconnaître absolu-
ment cette influence , il l'aurait attribuée à d'autres causes
que c la liaison absolue de la statue et de la muraille, »
Dans l'école chartraine, en effet, la plastique dérive directe-
ment de Tarchitectonique ; c'est ce fait que VioUet-le-Duc
avait méconnu, lorsqu'il a dit que c'est au XUP siècle que
cette réunion est le plus intime. « VioUet-le-Duc fait commen-
» cer le développement indépendant du style de la statuaire
» au moyen âge avec le style émancipé du XIII® siècle, il
» dénie l'originalité de l'hiératisme du moyen âge ! »
Il affirme qu'à partir de la révolution radicale du XIII® siècle,
l'architecture et la sculpture abandonnèrent complètement les
errements de l'école byzantine; l'artiste repoussa l'hiératisme.
M. Vôge se demande « comment on peut concevoir a priori
» une idée aussi invraisemblable, puisque l'école de sculpture
» plus ancienne, qui s'est alors développée, n'était ni byzan-
» tine, ni traditionnelle, ni monacale, mais qu'elle est au
» contraire la première création originale de l'esprit français ;
et que l'incorporation de la statuaire dans les éléments
»
» même de la construction, c'est-à-dire la formation d'un
^ P. 295. Les parties soulignées sont de Yiollet-le-Duc.
— 136 —
» style indépendant, parfaitement conforme à l'architecture,
» a précisément été pleinement réalisée dans cette vieille
» école ? Qui est-ce qui aurait soulevé contre elle la généra-
» tion suivante, comme contre un ennemi héréditaire, alors
» que justement elle lui ouvrait la voie ? Comment aurait-on
» abandonné sans nécessité le terrain conquis, les solides
» principes d'un style monumental indépendant, les considé-
» rant comme des méthodes surannées et des erreurs ?
» En fait, combien nombreux sont les liens qui rattachent
» cette vieille école à la plastique gothique subséquente * » .
Et notre auteur n'a pas de peine à montrer que toutes les
dispositions qui distinguent l'art chartrain du XIP siècle, et
en constituent à la fois les innovations et les caractères, se
retrouvent développés, précisés, agrandis, assujettis à des
règles plus sûres dans l'art merveilleux des trois siècles
suivants. Sans quitter Chartres, et par conséquent sans sortir
de l'objet de cette étude, il suffira de comparer entre elles
les différentes parties de la cathédrale pour que ces relations
sautent aux yeux, et il nous paraît bien improbable que
VioUet-le-Duc mérite le reproche de les avoir* méconnues ,
ou à plus forte raison, de ne pas avoir su les voir. Quand il
parle des grands changements survenus au xiii® siècle dans
les arts plastiques, il prend le moment où. les principes
nouveaux sont partout admis , où l'on a partout su en tirer
les conséquences, il ne se préoccupe pas de leurs origines.
Si l'école de Chartres a régné sur une vaste région , elle n'a
cependant pas exercé une influence directe sur tout le nord
de l'Europe: elle a été l'initiatrice, peut-être ignorée, incom-
prise, méconnue ; elle est la mère d'une génération tellement
brillante que son éclat a fait oublier un peu ses origines
plus modestes.
Il a dû se passer là un phénomène analogue à celui dont
l'art grec nous offre un exemple — Les découvertes récentes
ont révélé, à Tirynthe et à My cènes principalement, un
art merveilleux, profondément original, juvénile, puissant,
parfois inexpérimenté, comme l'a été l'art chartrain du
xii^ siècle. Comparez le style des palais de Mycènes avec
celui du Parthénon, ou avec tel autre modèle achevé de
^ P. 299.
— 137 —
la merveilleuse période classique: tous les caractères du style
dorique s'y révèlent malgré de très grandes différences
apparentes ; ils s'y révèlent comme les caractères de l'archi-
tecture gothique se révèlent déjà dans les monuments du
style de transition.
C'est par des degrés insensibles que de monument en
monument la transformation s'est opérée : Notre-Dame de
Mantes, les cathédrales de Sens, de Senlis, de Laon — que
nomme M. Vôge — en sont des exemples. — Et toute cette
discussion se termine par une longue citation de VioUet-le-
Duc, dans lequel le savant auteur allemand retrouve toutes
ses idées : nous avions soupçonné dès le début que dans cette
querelle il y avait avant tout un malentendu.
Les considérations qui suivent, sur le développement
ultérieur de l'architecture gothique, sur les relations entre
le costume du temps et celui des figures, les attitudes que ce
costume impose à ces figures, présentent un grand intérêt,
mais ainsi que nous l'avons déjà dit, M. Vôge suit, dans cette
voie, les traces de VioUet-le-Duc et cesse de nous parler de
Chartres.
Après cela, viennent deux appendices, dont nous nous bor-
nerons à énoncer le contenu: dans le premier, l'auteur
recherche les monuments, aujourd'hui disparus, qui appar-
tenaient à l'école chartraine ou dérivaient d'elle à un titre
quelconque : le portail méridional de Notre-Dame-en-Vaux à
Châlons-sur-Marne, ceux des abbayes de Château -Chalon
(Jura), Nesle-la-Reposte (Marne), celui de Saint - Pierre de
Nevers , et enfin celui de l'église paroissiale de Saint-Pour-
çain (Allier).
Le second appendice est consacré aux statues de femmes.
Et maintenant, quelle est l'idée qui se dégage de tout le
livre?
M. Vôge s'est senti attiré , comme tant d'autres archéolo-
gues , par le captivant et difficile problème des origines de
l'art gothique. Il admet que cet art est né en France, et plus
exactement aux environs de Paris ; mais sa conception offre
trois caractères absolument originaux :
1^ Jusqu'alors, considérant les formes architectoniques et
les procédés de construction comme l'essentiel, on avait
établi entre les styles roman et gothique deux différences
— 138 —
principales : Tune toute extérieure, la substitution de l'arc
brisé au plein cintre ; l'autre beaucoup plus profonde , la
substitution à la voûte en berceau, et par conséquent aux
jours étroits et aux murs épais appuyés de contreforts, de la
voûte d'arête , permettant , commandant même Touverture
de larges baies et l'emploi des arcs boutants ^ Quant à la
sculpture, dont on ne songeait à méconnaître Tunion intime
avec Tarchitecture de ce temps , on l'avait placée au second
rang; on avait considéré son développement comme dicté
par celui de la construction. M. Voge, au contraire, donne à
la sculpture la première place, et sans s'occuper grandement
de la théorie des courbes ni de la transformation de la ma-
nière de bâtir, prend pour point de départ l'ordonnance
et la décoration des portails; il y trouve des procédés
nouveaux, dont il recherche . l'origine ; il y voit surtout
l'indice d'une prodigieuse poussée du génie national, facteur
moral auquel il attribue exclusivement la naissance de l'art
nouveau.
2® Personne ne contestait les relations qui unissent la
sculpture du nord de la France au xii® siècle aux illustres et
puissantes écoles qui étaient alors, sur plusieurs points de
notre territoire, soit en pleine floraison, soit sur leur déclin.
Mais ces relations n'avaient peut-être pas été étudiées à
fond ; on paraissait même ne pas les avoir toujours bien
suivies et bien comprises. M. Vôge, frappé de l'importance
de ces problèmes , les aborde avec une haute compétence ,
une grande sûreté de coup d'œil et une grande richesse d'in-
formations. Il présente une solution nouvelle et inattendue :
pour lui , la sculpture du nord de la France dérive directe-
ment, sans aucun intermédiaire, de la vieille école proven-
çale , alors en décadence.
3® Enfin, c'est jusqu'alors à Saint -Denis qu'on plaçait le
berceau de notre architecture nationale. M. Vôge enlève cet
honneur à la vieille abbaye et le décerne à Chartres, où il
révèle l'existence d'une école de sculpture très importante
* On a dit, en outre, que le style roman, presque identique à lui-même
pendant toute sa durée, varie d'une province à l'autre, tandis que l'ai'chitecture
gothiqpB , presque identique à elle-même dans tout le nord de l'Europe, varie
d'une époque à l'autre. Il faut voir dans ce fait une simple conséquence de
l'immense succès de l'école du nord de la France.
— 139 —
dans la première moitié du xiT siècle. Il circonscrit le do-
maine de cette école . détermine les limites de sa zone d*in-
fluence, et laisse entrevoir que sa mort a été la naissance de
Tart merveilleux du xni® siècle.
Qu'y a-t-il de vrai dans ces théories et dans la manière
dont elles sont présentées? sans doute, elles prêteront à la
critique, comme toutes les idées neuves; et, ne visant pas
directement Tarchitecture , elles ne répondent pas toujours
aux questions qu'elles soulèvent de ce côté-là. Mais il nous
est impossible de croire que le résultat auquel est arrivé le
savant auteur s'éloigne beaucoup de la vérité , dût-on y par-
venir, dans la suite, par d'autres voies, dût-on se montrer,
sur certains points, moins afflrmatif; en somme, dans cet
ouvrage, la part des conjectures est assez faible. Quant aux
erreurs que nous avons eu l'occasion de relever, elles por-
tent sur des points de détail et souvent n'infirment en rien
la thèse fondamentale du livre. Elle doit donc contenir au
moins une très grande part de vérité.
Le livre de M. Voge est d'une lecture intéressante ; nous
lui souhaitons beaucoup de succès dans notre pays. Il en dit
long sur notre passé , que nous connaissons parfois si mal ;
sur notre force et notre influence, que souvent nous ne soup-
çonnons pas. Le peuple du cœur de la France a enfanté au
moyen âge un style qui a conquis non seulement toute la
vieille terre des Gaules, mais tout le nord de l'Europe et qui
a exercé sur l'art du midi une influence indiscutable. En
Angleterre , en Allemagne , notre art national s'est implanté
si bien , qu'on a pu , au-delà de la Manche et du Rhin , le
croire autochtone, et que plus d'un français tient même
cette opinion pour exacte ^
Le livre de M. Voge a été édité à Strasbourg : comment
ne pas se rappeler que la merveilleuse cathédrale de cette
ville passe pour être le modèle le plus achevé de l'art des
bords du Rhin? Dans cette flèche d'un profil unique, dans
cette inoubliable façade , l'art du xiii® siècle se déploie dans
* Voir, à ce sujet, certaine mosaïque récente du Louvre.
— 140 —
toute sa luxuriante splendeur, dans toute la force de sa
pleine maturité. Eh bien, lorsque Erwin de Steinbach enfanta
son chef-d'œuvre, il en avait été chercher — à son insu peut^
être — l'inspiration en France : dans sa géniale création,
il y avait une pensée française, une vieille pensée chartraine.
Henry Lehr.
L'ORAGE DE 1788
Le registre de la paroisse Saint- Valérien de Chàteaudun
pour Vannée 1788 se termine par cette remarque, qui aujour-
d'hui paraîtra certainement énigmatique : « Le souvenir de
cette année tristement célèbre sera peut-être plus durable
que rempreinte de ces caractères. »
En dépit de cette prédiction, les caractères tracés par
Fauteur de cette réflexion durent encore ; mais Tannée 1788
est rangée au nombre des années dont on ne parle pas, et
son souvenir n'oflre rien de particulier au commun des mor-
tels. Si celui qui a écrit ces mots avait été quelque peu
prophète, il aurait prévu que Tannée 1789, avec ses immor-
tels principes, et Tannée 1793, avec ses sanglantes exécutions,
dépasseraient de beaucoup la triste célébrité qu'il croyait
assurée à Taunée dont il faisait ainsi Toraison funèbre.
On se demande quelle calamité, quel événement avait eu
à subir Tan de grâce 1788, pour mériter d'être regardé
comme line année de malheur. L'histoire politique nous
apprend qu'on l'employa à préparer laborieusement les
Etats-Généraux de 1789 , et elle ne nous y signale d'ailleurs
aucun fait de quelque importance. L'histoire économique
nous dit bien qu'il y eut disette de grains, et par suite cherté
et misère ; mais ce n'est point là une chose extraordinaire à
cette époque, et dans le xviii* siècle un certain nombre
d'années auraient mérité, autant et plus que celle-ci, de
laisser sous ce rapport de pénibles souvenirs.
Si Thistoire générale, la grande histoire comme on l'appelle
aujourd'hui, ne nous donne pas le mot de cette énigme, nous
serons plus heureux en consultant l'histoire locale. Notre
pays en effet subit cette année-là un désastre sans nom, un
cataclyame si épouvantable que la Beauce n'en vit jamais de
— 142 —
pareil, depuis le commencement des temps historiques. Ce
désastre était connu de nos pères sous le nom d'orage de
1788, et l'impression qu'il avait laissée dans les souvenirs
était telle que Ton disait Vannée du grand orage ^ comme on
avait dit longtemps Vannée du grand hiver, pour désigner
Tannée 1709, comme nous disons encore aujourd'hui Vannée
de la guerre, pour désigner l'année 1870.
Mais depuis lors plusieurs générations se sont succédées,
et le temps, qui tout détruit, a effacé ces souvenirs que les
contemporains croyaient ineffaçables. Il m'a semblé que je
ferais chose agréable non moins qu'utile, en les faisant re-
vivre. L'orage est toujours l'ennemi redouté du cultivateur
beauceron, tant que les biens de la terre ne sont pas récoltés ;
il verra que ses ancêtres ont connu ce fléau avant lui, et il
apprendra par leur exemple qu'il n'est point de désastre, si
complet qu'il paraisse, dont on ne puisse se relever avec le
temps et du courage.
LORAGE
Le dimanche 13 juillet 1788, à 7 heures et demie du matin,
un orage parti du sud-ouest, c'est-à-dire du Bas-Maine et du
P^rche-Gouet, venait s'abattre sur la Beauce. Eclairs effra-
yants, roulements de tonnerre presque incessants, vent de
tempête, grêle énorme, tout se réunissait pour contribuer à
l'horreur de cet ouragan. Mais, ce qui le rendait surtout
terrible, c'était la grêle qui tombait avec fracas, et était
mêlée de glaçons énormes dont quelques-uns pesaient jus-
qu'à 6, 8 et 11 livres. Cette tempête continua avec la même
violence pendant environ un quart d'heure. On se figure
facilement l'épouvante des malheureux spectateurs de ce
cataclysme; les plus intrépides n'étaient pas éloignés de
penser qu'on touchait à la fin du monde.
L'orage sévissait avec la même violence sur un espace de
4 à 5 lieues de large. Quant à la longueur de son parcours on
l'évalue à 50, à 80, et même à 120 lieues. Une relation dit
qu'il couvrit de ruines un tiers du royaume ; une autre, beau-
coup plus modérée, parle seulement d'un dixième de la
— 143 —
France, ce qui est encore considérable. Il est certain qu'il
parcourut le Maine, le Perche, le Pays chartrain, la Beauce,
le Pinserais et les provinces qui séparent notre contrée de la
Flandre, où il alla épuiser les derniers efforts de sa rage. Un
des meilleurs récits qui nous aient été faits de cet événement
semble dire que Torage qui ruina la Flandre était distinct de
celui de la Beauce, bien qu'ils aient eu lieu le même jour.
Quoi qu'il en soit, les désastres que celui-ci a laissés après
lui, dans notre région seulement, sont suffisants pour le faire
regarder comme un épouvantable fléau. On aura une idée de
rétendue de ces désastres quand on saura que 84 paroisses
furent frappées dans la seule élection de Chartres ^ et 107
dans les élections de Châteaudun, Dourdan et Poissy. Une
autre statistique dit qu'il y eut en tout 600 paroisses grêlées,
dont 274 pour le diocèse de Chartres.
n
EFFB?rS DE L^ORÂGE
Quand le calme fut rétabli, après le passage de cette hor-
rible trombe, les habitants épouvantés restèrent quelque
temps comme frappés de stupeur. Ils étaient étonnés de se
retrouver vivants, et ils se demandaient avec anxiété s'il
leur était resté quelque chose de ce qu'ils possédaient, moins
d'une heure auparavant. Il leur fallut pourtant bien regarder
en face le malheur qui les frappait et se rendre compte de la
triste réalité. Hélas I celle-ci dépassait encore leurs prévi-
sions les plus pessimistes. La terre, si riche le matin encore,
était dépouillée de tout ce qui faisait sa richesse ; couverte
de débris de toute nature, elle présentait l'aspect de la plus
complète désolation.
Dans la partie centrale de l'orage, les récoltes étaient
anéanties, tout était pilé : « La moisson est faite », disaient
tristement les pauvres cultivateurs. Là où Forage n'avait
point passé, la moisson commença cette année-là le 16 juil-
-^ L'élection était une division administrative établie pour la perception des
tailles et gabelles. Elles avaient à peu près la circonscription de nos arrondisse
ments actuels.
— 144 —
let ; les victimes du 13 juillet étaient donc frappées à la
veille de mettre la faux dans leurs blés. Voici les apprécia-
tions des pertes de quelques paroisses, appréciations dont la
plupart sont officielles, ayant été établies par les procureurs-
syndics du bureau intermédiaire du département de Chartres
et de Dourdan * , M. Bêchant, chanoine de Notre-Dame,
archidiacre de Blois, et M. Bouvet, grand-juge consul. La
paroisse de Saint-Loup eut 62,624 livres de perte ; le Gault-
Saint-Denis 80,000 livres ; Montainville (la moitié de la
paroisse seulement fut grêlée) 20,000 livres. Total pour l'é-
lection de Châteaudun, 700,000 livres, pour Tensemble des
provinces grêlées, 12 millions. Il ne faut pas oublier que
l'argent n'a plus aujourd'hui la valeur qu'il avait à cette
époque ; pour avoir Timportance réelle des pertes en ques-
tion, on devra doubler le chiflre des sommes qui sont portées
ici.
Si les dégâts subis par les récoltes fiu'ent les plus considé-
rables, ils ne furent pas pourtant les seuls dont on eut à se
plaindre. Les jardins étaient dévastés ; les vignes, les arbres
étaient brisés ; on dit même qu'une forêt de châtaigniers fut
anéantie. Les bâtiments avaient eu beaucoup à souffrir ; les
toitures étaient enlevées ou découvertes. Dans la seule ferme
de Chaunay (Fontenay-sur-Eure) il y avait 10,000 tuiles à
remplacer. Le clocher de Gallardon fut enlevé par la tem-
pête et celui de Logron faillit avoir le même sort.
Mais au lieu d'un récit assez incolore de cet émouvant
drame atmosphérique, on préférerait sans doute connaître
les impressions de ceux qui en furent les témoins, on pourrait
presque dire de ceux qui y furent acteurs. Voici donc quel-
ques relations contemporaines puisées dans les registres
paroissiaux de cette année fatale.
J'avais eu d'abord l'intention de choisir parmi ces relations
celles qui paraîtraient plus riches en détails ; mais , en les
étudiant et en les comparant, je me suis convaincu qu'un
choix était difficile à faire. Les plus concises contiennent
parfois quelque trait qu'on ne retrouve pas dans les autres.
^ Le département d'Eure-et-Loir porta d'abord ce nom. Le bureau intermé-
diaire était une commission qui fonctionnait dans l'intervalle des sessions de
l'assemblée provinciale de l'Orléanais.
— 145 —
et, eh somme, il en est bien peu qui n'offrent quelque parti-
cularité intéressante à signaler. J'ai donc admis sans distinc-
tion tout ce que j'ai trouvé dans les anciens registres de
paroisses, cette mine si féconde en renseignements de toute
nature ^ J'y ai ajouté quelques passages empruntés aux
cahiers de doléances rédigés pour les États-Généraux de 1789.
Le tout formera un ensemble qui permettra de se faire une
idée plus juste de l'épouvantable malheur qui s'abattit alors
sur notre Beauce char tr aine.
Une carte de la contrée ravagée m'a semblé le complé-
ment nécessaire de ce travail. En regardant cette carte de
bas en haut on pourra suivre la marche de l'orage. Les
limites ne sont pas aussi précises qu'on l'aurait désiré ; la
grêle s'est permis de faire des pointes dans des localités
qu'elle aurait laissées indemnes, si elle avait suivi sans
déviation les lignes qu'elle semblait avoir adoptées. Les
récits d'ailleurs manquent eux-mêmes de précision ; le voisi-
nage immédiat de la trombe a semblé à plusieurs narrateurs
assez fortement endommagé pour pouvoir être confondu avec
les heux où elle avait exercé toute sa rage.
Alluyes. — Le dimanche 13 juillet 1788, à 7 heures du matin,
le même jour que Tannée précédente 2,
Un fléau qui répand la terreur,
Fléau que Dieu dans sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La grêle, puisqu'il faut l'appeler de son nom,
a dévasté, ruiné, anéanti Tespérance de toutes les espèces de
récolte en plusieurs provinces, et particulièrement dans notre
Beauce et notre diocèse. Il est diflîcile de se peindre la désolation
et le malheur des pauvres grêlés, surtout de ceux des paroisses
nos voisines, Saumeray, Bouville, Vitrai, Montemain, qui éprou-
vaient pour la seconde fois de suite cette affreuse calamité. Il
V La justice me fait un devoir de reconnaître que j'ai copié la plupart de ces
relations dans les extraits des registres paroissiaux que M. Lucien Merlet,
archiviste d'Eure-et-Loir, a insérés dans V Inventaire-Sommaire des archives
départementales, archives civiles, série E suppl. (3 vol. in-4o).
3 Par une coïncidence remarquable, le 13 juillet 1787, les paroisses nommées
dans cette note avaient déjà été ravagées par un orage presque aussi désastreux
que celui du 13 juillet 1788. Il faut accepter avec réserve ce qui est dit ici des
secours ; le rédacteur de cette note donna dans les idées révolutionnaires.
T. XII, M. 10
— 146 —
s'est trouvé des grains de grêle d'une grosseur incroiable, du
poids de plusieurs livres dans les environs de Rambouillet. Ce
n'a été d'abord que plaintes et mémoires présentés de tous les
cantons au Roy et aux premiers ministres ; mais le mal étoit
trop grand pour espérer des secours efficaces. Le Gouvernement
a commencé par distribuer une foible portion de secours aux
plus pauvres cultivateurs pour encourager les semences pro-
chaines. La paroisse d'AUuye a reçu au total la quantité de
30 septiers de blé, mesure de Châteaudun, puis une somme de
500 livres dans le fort de l'hiver pour les plus nécessiteux, culti-
vateurs ou non, plus une somme de 200 livres. Les gros fermiers,
ceux dont les pertes montent à des 5, 6, 7, 10,000 livres sont
encore à attendre des secours : il paraît qu'on se repose sur les
propriétaires, qui sont dans l'impossibilité de subvenir à tout le
mal.
MoNTBOissiER. — Le 14 juillet 1788 S grêle épouvantable le
dimanche, à 7 heures du matin, qui a détruit toutes les récoltes
dans cette paroisse et autres voisines, dans un rayon ou étendue
de plus de 50 lieues de pays.
Châteaudun. — Paroisse de Saint-Médard. A sept heures du
matin, horrible grêle qui a désolé une étendue de plus de
40 lieues, depuis environ Vendôme jusque par de là Paris. Dans
le seul diocèse de Chartres la perte est de près de 12 millions :
celle de l'élection de Châteaudun, qui a été la moins maltraitée,
monte à environ 700,000 livres. Ce terrible fléau s'est fait en
même temps sentir en d'autres provinces.
Mézières-au-Perche. — 3 Une grêle considérable accompa-
gnée d'un tonnerre épouvantable a dévasté dans le seul diocèse
de Chartres 274 paroisses. Elle a porté ses ravages jusque dans
la Flandre et peut-être au delà. La perte qu'elle a occasionnée à
cette paroisse a été estimée à environ 30,000 livres, par des
experts nommés par MM. les députés de la Commission inter-
médiaire de Chartres et de Dourdan. Le même malheur étoit
arrivé l'année dernière, le même jour 13 juillet, à trois heures
après-midi, mais avec beaucoup moins de perte.
LoGRON. — Le terrible ouragan du 13 juillet dont pareil ne fut
vu en notre continent, et plaise à la Providence de ne plus acca-
* Le 44 juillet est mis ici pour le 13 juillet : on remarquera plusieurs autres
erreurs de même genre sur le jour et l'heure, ce qui prouve que certaines notes
ont été écrites longtemps après l'événement.
^ Pour abréger, nous omettons désormais la date et l'heure, quand la clarté
du récit le permettra, car cette répétition n'aurait aucune utilité.
— 147 —
hier de pareil fléau notre Roiaume, dont plusieurs provinces
furent ravagées, cet ouragan, dis-je, qui avait renversé des
églises nous fit craindre le même sort pour la nôtre. Occupés
que nous étions pendant la tempête à considérer le clocher, nous
créions à chaque instant voir Téglise écrasée par sa chute qui
serait indubitablement arrivée, si cette tempête eût été aussi
violente ici qu'en beaucoup d'endroits.
Saint-Gloud. — Le 13 juillet 1788, il y a eu 85 paroisses du
diocèse de Chartres entièrement grêlées.
DouY. — A six heures et demie du matin, il s'éleva un horrible
ouragan qui fit des ravages terribles : bâtiments renversés,
arbres arrachés, coupés, vitres brisées, moissons enterrées, bes-
tiaux tués ou blessés, hommes et femmes blessés. Ce n'étoit pas
dans plusieurs endroits de la grêle, c'étoient des glaçons qui
bondissoient sur terre et portoient quatre ou cinq coups meur-
triers à ce qu'ils rencontroient. On en a pesé à Chambourcy *
qui se sont trouvés du poids de 10 livres ; une forêt de châtai-
gniers a été ruinée. Icy, toute la plaine du Haut-Douy a été
perdue ; il n'y restoit pas un boisseau d'avoine ; dans plusieurs
champs, le fourrage même étoit enterré, les méteils de même,
les froments couchés ou égrainés aux trois quarts, quoique la
grêle ne fût pas plus grosse pour ainsi dire que celle du 29 mai 2.
La rose du pignon de l'église a été brisée. L'autre partie de la
paroisse n'a pas été si maltraitée. On a évalué la perte d'ici à
10,117 livres. Les gazettes annoncent que Chartres, Rambouillet,
Saint-Germain, Marly, Clermont-en-Beauvoisis ont eu le même
ouragan ; le bruit est qu'il a été jusqu'à Donny, en Flandre. On
m'a assuré que mon prédécesseur qui a été icy 40 ans, tenoit de
M. Ledevin, son oncle, curé d'icy pendant plus de 20 ans, que de
mémoire d'homme cette paroisse n'avoit été grêlée. Il y a une
lotterie à Paris dont le fond est de 30,000,000 livres ^ en faveur des
grêlés. Le Gouvernement a fait distribuer du bled aux plus
pauvres cultivateurs pour ensemencer ; cette paroisse en a eu un
muid et 120 livres d'argent. Dans le mois de janvier on reçut
encore 100 francs qui furent distribués en pain aux pauvres ; le
pain valoit, pesant 9 livres, 22 soûls. Dans le mois de mars on
reçut 27 septiers d'avoine qui furent distribués pour la semence ;
^ Chambourcy, paroisse près de Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise).
2 Douy avait été grêlé le 29 et le 30 mai précédents. La grêle du 29 mai
était grosse comme des balles.
' ^ Ce chiffre parait notablement exagéré ; on ne jonglait pas avec les millions
alors, comme on le fait aujourd'hui. 11 est probable qu'il faut Ure 30,000 livres.
^
- 14Ô —
les ij^vres de là Mainferme, Gergué et Frileuse, comme plus
grêlées, en eurent chacun 3 septiers. Dans le mois de mai on
reçut 30 livres qui furent distribuées en pain.
Dambron. — a 8 heures et demi du matin, a éclaté un ouragan
terrible et inouï meslé d'éclairs, de tonnerres affreux, qui a,
presque en môme temps et dans l'espace dun quart d'heure,
ravagé, détruit, abysmé moisson, luzernes, fruits, légumes,
arbres fruitiers, et cela dans toute l'étendue des deux tiers de la
Beauce, du Perche, du Chartrain. A Auneau, Sours, Gallardon,
Bellegarde ^ et plusieurs autres endroits les plus écrasés, on a
vu des glaçons de gresle pesants jusqu'à 7 livres. Les toits des
maisons emportés, les charpentes brisées, les édifices, même les
églises, découverts, écroulés. Les autres endroits, sauf le Gasti-
nais et la Sologne qui n'ont souffert presque aucun dommage,
les moins malheureux ont encore perdu les deux tiers de leur
récolte tant de bleds que d'avoine. Ces environs-ci un peu moins
attaqués n'ont recueilli que pour les frais.
Levainville. — Un ouragant affreux, accompagné de grêle
épouvantable, a ravagé toute la campagne, détruit toutes les
toitures en ardoises et thuilles. Il n'y a eu aucune espèce de
récolte en quoy que ce soit. Ce dommage a été fait en cinq mi-
nutes, à une heure et demie du matin K
OiNViLLE-sous-AuNEAU. — Une grêle moissonna toutes les
espérances du laboureur ; étant décimateur, je partageai leurs
pertes. Ce fléau fut d'autant plus mortel qu'il frappa 84 paroisses.
Sans doute on n'avoit point d'exemple d'une semblable calamité.
Le découragement étoit dans tous les cœurs, j'aurois presque dit
le désespoir, si la religion ne l'eût point empêché de naître. Ce
ne fût là que la moitié du mal ; la famine qu'on avoit ni prévue,
ni soupçonnée, fut réelle au mois de juillet et août 1789.
Umpeau. — Entre 7 à 8 heures du matin, cette paroisse a été
grêlée de manière que l'on n'a pu rien récolter. La perte a été éva-
luée à plus de 200,000 livres. Cette grêle a perdu 65 paroisses de
cette Election. Elle a tombé fort dru icy et grosse comme des
œufs de pigeon ; elle a cassé beaucoup de tuiles et presque toutes
les vitres. Elle a abattu, avec la foudre qui l'accompagnoit, le
clocher de Gallardon, l'église de Sours, 3 à 4 moulins à vent.
Proche Saint-Germain-en-Laye, on a pesé des morceaux de
* Bellegarde, canton du Loiret, arrondissement de Montargis.
2 Erreur manifeste qui prouve que la note fut rédigée longtemps après Tévê-
nement.
— 149 —
grêle qui ont pesé depuis 8 jusqu'à 10 livres : c'étoit des mor-
ceaux de glace. Jamais on a vu tant de dommages dans les
campagnes et dans les villes, et plusieurs personnes y ont péri,
et il en seroit péry davantage si cet accident fust arrivé im jour
de travail : enfin c'est une désolation. On dit, mais je doute fort
de la vérité de ce récit, qu'en 1380 pareil accident est arrivé.
Dieu veuille que cela n'arrive jamais I *
CoLTAiNviLLE. — Il y a eu un si terrible orage mêlé d'une
grêle si forte, si grosse et. si généralle qu'elle a ravagé toute la
belle Beauce. Cette paroisse a été grêlée à moitié ; le cloché de
Gallardon a été renversé et tous les fermiers de la belle Beauce
ont été ruinés. Les vignes ont beaucoup souffert : le grain a
augmenté considérablement, surtout après la semence ; le vin
fort cher.
Ver-les-Chartres. — Ad perpetuam calamitosœ rei memoriam,
— L'année 1788 a été des plus désastreuses. Il ni a point eu
d'hiver ; le printemps assez beau, l'été affreux. Le dimanche
13 juillet, vers les sept heures et demie, il fit un orage affreux,
un ouragan terrible qui ravagea la maison de l'abbaye de lEau,
renversa l'église de Sours, et une grêle qui, en moins de cinq
minutes, dévasta nos campagnes, au point que je n'ai fait
aucune récolte et que je fis remise totale à Nicolas Hamard, mon
fermier. Il paroit que cet orage, qui a dévasté spécialement
l'Election de Chartres, a eu 100 lieues de long sur 4 de large. Les
mémoires du temps feront sans doute mémoire de cette horrible
journée ^,
BoisviLLETTE. — Vers les sept heures et demie du matin, il a
paru un orage considérable et terrible, qui a donné une gresle
très grosse et multipliée poussée par un vent violent d'environ
un quart d'heure qui a tout brisé dans les champs et jardins. Cet
orage avoit environ 4 lieues de large sur plus de 80 lieues de
long : ce qui a fait rehausser le prix des grains dans fort peu.
Brossard, curé de Boisvillette.
Saint-Loup. -— A sept heures et demie, il est tombé pendant
l'espace de trois minutes, une gresle qui a ruiné aux deux tiers
les moissons de cette paroisse, a ruiné tout à fait plusieurs pa-
* L'histoire chartraine n'a pas signalé cette tempête de 1380; elle signale
ceUes de 1581, 1589, 1602, 1711 et 1727.
2 M. le baron de Tubeuf, seigneur de Ver, donna à l'hiver 1,400 livres pour
former un bureau de charité,.
— 150 —
roisses, a renversé Féglise de Sours, la tour de Féglise de Gal-
lardon, plusieurs bâtiments, causé un dommage considérable
dans près de 600 paroisses. La perte de cette paroisse a été esti-
mée à 65,624 livres.
Oinville-Saint-Liphard. — A. huit heures du matin, un orage
furieux s'est élevé du côté du sud-ouest ; le tonnerre, le vent, la
grêle, formaient tous ensemble un bruit effroyable. Depuis
Paris jusqu'à Barmainville dans la largeur de Gasville à Cham-
pillory *, tout a été battu en ruine. Le dégât a commencé au
bourg et s'est étendu bien au delà de Paris. Cet ouragan a ruiné
un grand nombre de paroisses, depuis la Croix-Briquet ^, route
d'Orléans, en remontant vers le nord, à l'orient et à l'occident.
La Beauce, l'Ile-de-France, la Picardie et, dit-on aussi, la Bre-
tagne, ont ressenti ses effets désastreux. La perte qu'il a causée
est immense. On a rapporté avoir trouvé dans des registres
anciens que pareil ouragan avoit occasionné, à même jour, à
même heure, il y a 400 ans, de semblables ravages. Par une
suite funeste de l'ouragan, on n'a presque rien recueilli dans la
partie grêlée de la paroisse, et c étoit celle qui donnoit le plus
d'espérance. Dans le reste de la paroisse, le manque de produc-
tions a produit le même effet, de telle sorte que la récolte en
bled et en toute espèce de mars et de menus grains a été très
mauvaise.
Sours. — Le dimanche 13 juillet 1788, à sept heures et demie
du matin a commencé le plus affreux des orages, le plus désas-
treux de tous les ouragans, venant du Sud-Ouest. En cinq
minutes tout a été perdu, bleds, mars, fruits de toute espèce ont
été généralement et entièrement hachés par la grêle. La moisson,
qui devait commencer quelques jours après, a entièrement été
détruite, en sorte que elle coûtera à ramasser plus qu'il ne vjault.
De quatre moulins celuy de pierre est resté seul et fort endom-
magé ; dans celuy du château, où six personnes s'étaient
réfugiées, deux ont été tuées et inhumées le lendemain. Plu-
sieurs bâtiments renversés, un très grand nombre d'endommagés,
beaucoup de personnes dangereusement blessées. Notre pauvre
église a été renversée depuis le pignon jusqu'au clocher, qui,
resté seul a garanti le bout du rond-point, si fort ébranlé qu'on
n'a osé sonner les cloches. La voûte de la Vierge, la charpente,
tout a été brisé ; le banc-d'œuvre, la chaire entièrement encom-
brés ; tous les bancs cassés, les confessionnaux brisés. Si le sieur
* Ghampilory, hameau d'OinviUe-Saint-Liphard.
2 La Croix-Briquet, hameau de Chevilly (Loiret).
— 151 —
curé eût été dans le sien, comme il étoit dans la sacristie lors de
l'orage, il étoit écrasé : heureusement qu'étourdy par la chute
de la fenêtre entierre du rond-point et par la prodigieuse quan-
tité de grêle qui tomboit sur luy par cette ouverture, il suivit
ridée que Dieu luy inspira de se réfugier sous la voûte de la
fontaine de la sacristie et d'y appeler la personne qu'il confessoit
et xme autre qui étoit à la porte. S'ils eussent cherché à se sau-
ver ils étoient écrasés et ensevelis sous les ruines ; jamais ils
n'auraient pu gagner la porte, puisque deux filles qui étoient
tout auprès ont eu toute la peine du monde à y arriver et non
sans être dangereusement blessées.
Vaugeois, vicaire de Sours,
Bailleau-sous-Gallardon. — Le 13 juillet 1788, la grêle a
traversé la France et a ravagé dans son cours cette paroisse.
Droub. — Une grêle telle que nos climats n'en éprouvèrent
peut-être jamais a ravagé, le 13 juillet 1788, plusieurs provinces
du Royaume. Dans la seule élection de Chartres, sur l'étendue
de 84 paroisses, la récolte a été comme broyée sans qu'il en res-
tât aucun vestige. Des églises, un grand nombre d'autres édifices
publics ou d'autres habitations particulières, ont été renversées
ou endommagées ; et ces ravages, étendus avec une fureur
presque égale sur 170 autres paroisses des élections de Château-
dun, de Dourdan et de Poissi, font monter au-delà, de 12 millions
la perte que le diocèse de Chartres a éprouvée.
Raisin, curé.
Epernon. — Le 13 juillet 1788 est tombée une grêle affreuse
dont on n'a pas d'exemples dans l'histoire. A 7 heures 1/2 du
matin, on eut une obscurité presque égale à une éclipse ordinaire.
11 commença à tomber quelques grains de grêle, mais sans
aucune suite, à Epernon ; une légère tempête l'enleva jusqu'à
Chaleine, paroisse d'Emancé*, où tout fut saccagé. La nuée com-
mença à Brezolles, parcourut une partie du Perche, la majeure
partie de la Beausse, Janville, Etampes et au-delà, Saint-Ger-
main-en-Laye et tous les adjacents, partie de la Brie, de la
Bourgogne, de la Picardie, de la Flandre, de la Hollande et un
peu en Angleterre, et tous les ravages presque à la même heure.
Presque aussitôt le bled doubla de prix et de 18 livres monta à
près de 30 ; le petit bled qui valoit 10 à 12 livres augmenta jus-
qu'à 22. Pour surcroit d'affliction, les terres épargnées n'ont
^ Émancé, autrefois paroisse du diocèse de Chartres, aujourd'hui commune
de Tan'ondissement de Rambouillet (Seine-et-Oise).
— 152 —
produit en général que 2 septiers... La misère est devenue exces-
sive : les propriétaires ont été obligés de remettre les loyers et
de donner de quoi ensemencer les terres.
SouLAiRES. — Au matin sur les 7 et 8 heures, il a paru sur
Foccident une nue d'orage qui en moins de 2 heures a greslé plus
de 80 paroisses, l'espace au moins de 20 à 30 lieues sur au moins
3 lieues de large. On a dit qu'on a pesé des grains de grêle qui
pesaient jusqu'à 11 livres. Par où elle a passé, elle a tué tout le
gibier et jusqu'aux lièvres.
MoNTAiNviLLE. — La paroissc a été grêlée partie, savoir le
terroir de Montainville et de Chavernay. La perte a été de plus
de 20,000 livres : il y a eu plus de 20 paroisses qui ont plus
souffert que la nôtre.
Broué. — Le registre de 1788 signale à la date du 21 septembre
le Mandement de M«'^ l'Evêque de Chartres << pour ramasser des
questes pour secourir les infortunés habitants , qui , à compter
depuis Poissy jusqu'à Chartres et Châteaudun , on compte près
de 200 paroisses dans le diocèse de Chartres, qui ont esté grès-
lées et ravagées par une énorme gresle, avec une tempeste et
orage violent... ; ainsy près de 200 paroisses dans le diocèse de
Chartres sont perdues entièrement par ce fléau..., dont on évalue
la perte au-delà de 12,000,000.
Chérisy. — Le 1^ juillet * 1788, il y a eu un orage qui a été
accompagné d'une grêle qui a dévasté 140 paroisses de la Beauce
et les a laissées sans aucune ressource. Trois autres provinces
ont éprouvé le même sort.
Brezolles. — Cette année est remarquable parle dégât causé
par la grêle en plusieurs provinces et notamment dans la Beauce
et la Picardie. Dans la seule élection de Chartres, il y eut
99 paroisses ravagées. Les grains de toute espèce furent pillés
sans qu'il en restât aucun vestige ; les vignes et les arbres
furent brisés et même arrachés. ►. Ces ravages... ont causé uno
perte de plus de 12 millions dans le diocèse de Chartres.
J'ai cru devoir admettre, au même titre que les autres,
l'extrait suivant que j'emprunte aux registres de la paroisse
d'Oigny près de Mondoubleau. Si cette paroisse n'appartient
pas au diocèse de Chartres, l'auteur de la note était un
* Erreur de date : il est visible que cette note a été rédigée assez longtemps
après l'événement.
— 153 —
compatriote et les détails qui s'y trouvent ne nous permettent
pas de la laisser de côté ^
OiGNY. — Le 13 juillet 1788 sur les 6 h. 1/2 du matin on a
vu paraître une nuée qui annonçait tout le désastre qu'elle a
causé. Elle a fait beaucoup de ravages dans la Bretagne, dans
le Maine, dans le Blésois, dans le pays chartrain, autour de
Paris, dans la Brie et dans beaucoup d'autres endroits, de
manière qu'il y eut plus de 600 paroisses victimes de cette mal-
heureuse grêle. Le pays chartrain a été le plus maltraité : il y
eut 160 et quelques paroisses dans le seul évôché de Chartres
qui ont été ravagées. La foudre était si grande qu'elle a renversé
quantité d'édifices, déraciné quantité d'arbres, coupé les branches,
ôté l'écorce de ceux qui sont restés.
Dans la paroisse de Sours, mon pays natal, elle a renversé
toute la nef de l'église, de manière qu'il y aurait eu plus de
300 personnes écrasées, si cet accident fut arrivé trois quarts
d'heure plus tôt. Trois moulins ont été renversés et brisés, dans
l'un desquels deux personnes ont été écrasées. La flèche de
Gallardon remarquable par sa hauteur a été coupée à la hauteur
de l'église. Dans le seul évôché de Chartres qui a été le plus
ravagé on a estimé la perte à 12,000,000 : cette affreuse nuée a
parcouru toutes les provinces et les pays susdits dans l'espace
de trois hem'es ; par où elle passait, elle avait jeté toute sa furie
dans l'espace de cinq minutes. On a vu des grains de grêle
pesant jusqu'à dix livres, elle était ordinairement de la grosseur
d'un œuf de pigeon. De mémoire d'hommes on n'a jamais lu
quelque part qu'il ait paru sous notre sphère un pareil ouragan.
Deux autres témoignages contemporains me semblent, à
cause de leur origine , faire une suite naturelle de ces rela-
tions empruntées aux registres paroissiaux. Le premier est
consigné dans le Registre des délibérations du Chapitre de
Notre-Dame de Chartres en ces termes :
1788. 16 juillet. — Il est donné lecture d'une lettre du sieur
curé d'Umpeau, par laquelle il prie la Compagnie de venir au
secours de sa paroisse plus à plaindre que jamais après les
malheurs que la grêle a causés.
C'est à la fin du Cartulaire de l'abbaye de Saint-Cheron
que se trouve le second témoignage, dans une sorte de jour-
* La Société archéologique en a jugé de même, car elle a inséré cette note
dans le tome Vlli de ses procès-verbaux, p. 407.
— 154 —
nal oh sont relatés, année par année, les faits intéressant
cette maison religieuse. L'orage eut d'ailleurs une consé-
quence dont les chanoines de Saint-Cheron ne durent pas se
plaindre, ainsi qu'on va le voir :
L'année 1788 fera longtemps époque dans le pays chartrain à
cause des malheurs qui y sont arrivés. ( Après avoir raconté les
démêlés des rehgieux avec leur abbé commandataire, qui deman-
dait les 2/3 des revenus, Tannaliste ajoute :) Les pourparlers
durèrent jusqu'au 13 juillet, jour à jamais mémorable par la
grôle épouvantable qui a ravagé les deux tiers du pays chartrain.
Comme les biens sur lesquels on se disputait se sont trouvés à
peu près détruits, on a parlé de paix... Il est inutile d'entrer dans
le détail des malheurs arrivés par la grêle ; les annales en par-
leront assez *. Voilà la liste des paroisses, où les chanoines
réguliers ont des biens, qui ont été ravagées : Barjouville, Bou-
ville, Berchères-l'Evôque, Gellainville, Frainville, Francourville,
Prunay-le-Gillon, Saint-Cheron-du-Chemin et les environs du
Bois-Baudry, Allonnes, Sours, Voise, Thivars, Lucé, le Bois-de-
Fugères, Nogent-le-Phaye. Notre ferme d'Archévilliers a eu une
pièce d'avoine de 28 setiers absolument perdue. La désolation a
été si complète qu'on a remis aux fermiers le fermage de l'année,
et qu'on a été obligé d'avancer des semences aux fermiers de
Prunay, de Nogent et de Bouville. Pour combler le vide on a
exploité les chênes du Bois-Baudry dont le produit a été de
4.000 livres.
Cahiers des doléances. — On parla longtemps de cette
funeste journée, non seulement sous le manteau de la che-
minée pour charmer les loisirs des soirées d'hiver, mais
encore dans les actes publics, et dans toutes les circonstances
oii il était permis au peuple d'exposer sa misère. Les cahiers
de doléances pour les Etats-Généraux de 1789 ont été pré-
parés en cette malheureuse année 1788, c'est-à-dire lorsqu'on
était encore sous le coup de l'émotion causée par ce désastre.
Il ne faut donc pas s'étonner si l'orage du 13 juillet s'y trouve
fréquemment signalé, comme une des principales causes des
souffrances de la culture. En voici quelques preuves.
Meslay-le- Vidame met sous les yeux du Roi l'état déplo-
' Le bon religieux a été trompé dans ses prévisions : 1789 et ses suites ont
détourné l'attention de l'orage de 1788. Chevard, un conteniporain, n'en dit
pas un mot dans son Histoire de Chartres,
— 155 —
rable d'une partie des paroisses du bailliage de Chartres,
notamment de cette paroisse de Meslay qui a essuyé le
13 juillet llSl et 1788 deux ouragans qui ont ravagé toutes
les moissons de grains de toute espèce ; en conséquence, il
sollicite la remise des impositions de 1787 et 1788.
Andeville, petite paroisse aujourd'hui annexée à Meslay-
le-Vidame, et Cernelles, autre paroisse aujourd'hui annexée
au Gault-Saint-Denis, font les mêmes observations et à peu
près dans les mêmes termes.
Ermenonville-la-Grande fait cette doléance : « Tous les
habitants de cette paroisse vivent difficilement, ayant été
affligés par la grêle du 13 juillet dernier. Ils se sentiront au
moins 10 ans de la perte qu'ils ont faite, ayant été obligés
d'emprunter beaucoup pour ensemencer les terres, ayant
perdu une grande partie des paillis nécessaires aux engrais,
ce qui détruit l'espoir de grande récolte. »
RÉCLAMATIONS. — La misère fut grande pendant la période
révolutionnaire, mais cela n'empêcha pas la culture beauce-
ronne d'être accablée d'impôts et surtout de réquisitions
exorbitantes. Les réclamations étaient nombreuses, et, au
nombre des raisons que faisaient valoir les cultivateurs aux
abois, se trouve souvent l'orage de 1788, dont les ravages
n'étaient point réparés encore. Voici ce que nous lisons au
Registre des délibérations du Directoire du département
d'Eure-et-Loir :
2 août 1790. — M. Bunel, curé de Dammarie, demande à
être déchargé de ses impôts, parce qu'il a été grêlé en 1788.
— Rejeté,
15 octobre 1790. — Il sera sursis pour le recouvrement des
prestations dans les paroisses grêlées le 13 juillet 1788, dans
l'Election de Châteaudun.
27 octobre 1790. — M. de Montboissier a remis 26,454 fr. à
ses fermiers à cause des grêles de 1787 et de 1788; il
demande à être déchargé de ses vingtièmes proportionnelle-
ment à ses remises. — Renvoyé au garde général des minutes
de l'impôt des 20^\
23 février 179L — Montlouet grêlé en 1788, 1789, 1790,
demande décharge de ses impositions. — Ajourné,
16 juin 1791. — Les députés des paroisses grêlées en 1788
T^
— 156 —
du district de Châteaudun présentent au Directoire du
Département une lettre du ministre faisant espérer du
secours. — Le recouvrement des impositions de 1788 sera
suspendu.
12 mars 1791. — Jacques Dupont, menuisier à Oin ville-
sous- Auneau, demande la remise de ses impôts de 1789,
attendu la perte qu'il a faite par la grêle du 13 juillet 1788,
— Renvoyé au district.
Fatigué de ces demandes qui se renouvelaient sans cesse,
le Directoire du Département d'Eure-et-Loir en référa à
l'Assemblée Nationale. Dans la séance du 29 mars 1791, ses
délégués, de retour de Paris, racontent qu'ils ont été mal
reçus. On leur a répondu : « Le peuple paiera et on ne fera
point de remise : la cause est vidée. » Les amis du peuple
commençaient à laisser voir de quelle nature était leur
amitié.
Je ne crois pouvoir mieux terminer ces citations concer-
nant notre ouragan beauceron que par le récit littéraire que
nous en a laissé un personnage de grand mérite. M, l'abbé
Moisant, qui après avoir été professeur au séminaire de
Beaulieu, émigra en Russie, où il donna des leçons de langues
mortes et vivantes dans de nobles familles, et revint mourir
curé d'AUuyes (1814) *.
« Le roi chassait dans la forêt de Rambouillet * quand tout à
coup un ouragan parcourt, avec la rapidité de l'éclair, 100 lieues
de pays dans sa longueur, sur environ 4 à 5 de large.
Dans cet espace, le ciel semble avoir rompu une partie de la
voûte azurée, qui tombait en morceaux de glace dont la dureté
égalait celle du cristal. Tout fut détruit par ce fléau dévastateur;
les hommes mêmes qui se trouvent dans les champs ne peuvent
s'y soustraire qu'en gagnant avec la plus grande vitesse les
' Ce récit a été rédigé plusieurs années après l'événement, comme il est
facile de le voir par certains détails et par une erreur de date qui a fait
intituler ce récit Ouragan du 14 juillet 1788. On remarquera que l'auteur ne
s'est pas contenté de consulter sa mémoire ; il a eu aussi recours à son imagi-
nation, ce qui explique comment il nous montre les paysans beaucerons s'abri-
tant dans les cavités des rochers.
3 Le roi Louis XVI et son frère le comte de Provence, qui fut plus tard
Louis XVIII, surpris pai* l'orage en revenant de Rambouillet à Versailles, furent
heureux de pouvoir se réfugier sous un hangar ; ils virent tomber des grêlons
du poids de 2 livres.
— 157 —
cavités des rochers ; les troupeaux sont écrasés ; la cime
orgueilleuse du chêne est abattue et brisée par ces morceaux de
glace, comme le plus faible arbrisseau. Emblème trop frappant
de ce qui arriva dans le cours de Tannée qui suivit celle-ci.
Il ne resta, dans retendue dont je viens de parler, rien qui pût
dédommager le laboureur de son travail. Les blés prêts à rece-
voir la faucille étaient non seulement hachés, mais la terre avait
été tellement déchirée par la chute de ces grêlons, (il y en avait
du poids de 10 livres), que les racines étaient étendues sur le
sol. Rien n'était comparable à la désolation que cette tempête
laissa après elle et que la bienfaisance seule des riches proprié-
taires adoucit*
M. le duc de Penthièvre non seulement remit à ses fermiers
leurs redevances, il fit encore distribuer des secours considé-
rables ; Madame de Lamballe y joignit des dons particuliers.
J'étais à cette funeste époque au séminaire de Beaulieu, à une
lieue de Chartres. Au bruit du tonnerre se (joignit le feu multi-
plié des éclairs.
Cet ouragan était si aifreux que mes séminaristes n'osaient
traverser un corridor pour arriver à ma chambre. La cour du
séminaire était couverte de grêlons à un demi-pied de hauteur
Les blés des champs (au milieu desquels est située cette aimable
solitude) étaient hachés comme la paille que l'on destine à la
nourriture des chevaux de trait, ou comme le chaume qu'a
déraciné la chaumette. On ne voyait plus l'épi, on ne voyait que
des racines dont l'épi avait pris la place, enfoncé dans la terre
par la pesanteur des grêlons dont la tempête redoublait le poids
et précipitait la chute. Les fermiers du séminaire, rendus insen-
sibles par la douleur, apportent leurs baux au procureur de la
communauté : « Nous sommes ruinés sans ressource. Voyez ce
que vous voulez faire ; nous ne pouvons tenir ce que nous avons
promis *. »
Le tableau est complet ; Fensemble comme les détails
prouvent jusqu'à l'évidence que l'orage de 1788 ne ressemble
à aucun de ceux dont nous pouvons avoir connaissance. Le
Bureau des Longitudes le cite comme un des cataclysmes les
plus terribles dont les annales de la France fassent mention.
Ses ravages, on l'a vu, s'étendirent plus loin que la Beauce
et eurent d'autres conséquences que la ruine des cultivateurs.
* Sur M. l'abbé Moisant, voir le Messager de la Beauce et du Perche y année
4874. C'est là que j'ai trouvé cette lettre.
-- 158 —
Dans un rapport présenté le 8 décembre 1792, par Creuzé-
Latouche à la Convention Nationale, en faveur de la liberté
entière des commissaires des grains, nous lisons ces paroles :
« Le fléau d'une grêle sans exemple avait ravagé nos moissons
en 1788, surtout dans les provinces les plus fertiles telles que
la Brie, la Beauce, le Soissonnais, la Normandie, la Picardie,
le Hainault, la Flandre, la Champagne et beaucoup d'autres.
L'approche des Etats-Grénéraux, l'attente des plus grands
événements, le sentiment confus que le peuple commençait
déjà à avoir de ses droits excitèrent partout d'avance une
certaine agitation. A ce mouvement se joignit quelque
inquiétude produite par l'évidence d'une mauvaise récolte. »
Il ne faut donc pas s'étonner si un des hommes qui ont le
plus étudié, à notre époque, la Révolution française ne craint
pas de nommer, parmi les incidents qui ont contribué à
amener ce grand événement, Forage de 1788 *.
m
SECOURS
En face de cette immense calamité, quelle fut l'attitude des
victimes et de leurs concitoyens ? Au premier moment, les
cultivateurs demeurèrent comme anéantis sous le coup qui
les frappait si durement ; il leur semblait qu'ils ne se relève-
raient jamais d'une catastrophe aussi terrible. « Le découra-
gement était dans tous les cœurs, écrit un contemporain ;
j'aurais presque dit le désespoir, si la religion ne l'eût pas
empêché de naître. » La religion qui soutint leur courage
dans cette épreuve leur rendit un autre service non moins
précieux, en suscitant en leur faveur un admirable élan de
charité chrétienne.
Déjà les philosophes avaient prêché la philantropie, et
leurs disciples allaient bientôt inventer la fraternité démo-
cratique ; mais, à la veille de la Révolution, la société toute
entière était encore fortement imprégnée d'esprit chrétien,
et, à ceux que visitaient le malheur ou la souffrance, elle
^ Charles d'Héricault. Almanach de. la Révolution, 1887, p. 13.
— 159 -^
savait offrir des consolations plus eflBcaces que les sensible-
ries déclamatoires des tribuns démagogues, et des secours
plus opportuns que ceux des fêtes luxueuses de nos modernes
comités de bienfaisance.
Dès le lendemain du désastre , les détails les plus navrants
arrivèrent à Chartres de tous côtés. Sans perdre de temps,
tout le monde se mit à Tœuvre pour en atténuer, dans la
mesure du possible, les tristes conséquences. Nos pères
savaient mettre en pratique le conseil du vieil adage qui dit:
Celui qui donne vite donne deux fois. Les démarches, les
sacrifices, les efforts qu'ils firent pour secourir les victimes
de la grêle ne sont peut-être pas le côté le moins intéressant
de ce mémorable épisode de notre histoire locale.
Administrations civiles. — La fatale nouvelle était à peine
connue, que le Corps municipal de Chartres se réunissait en
assemblée générale (15 juillet). Voici le procès- verbal de sa
délibération : « Sur les représentations qui ont été faites que
dans les circonstances actuelles de calamité qui vient de
subvenir dimanche dernier dans cette province par la grêle,
il serait très intéressant de frapper promptement les oreilles
du gouvernement pour venir au secours des infortunés
laboureurs qui sont sans ressources et de députer en Cour
trois de Messieurs... ; il a été unanimement arrêté que
MM. Triballet du Gort, maire de cette ville, Grandet de la
Villette, conseiller assesseur de cet hôtel-de-ville, et l'abbé
Duplessis du Colombier, notable, se transporteraient en
Cour le plus tôt que faire se pourra, munis d'un mémoire
circonstancié des malheurs qui viennent d'accabler la plus
grande partie des paroisses les plus fertiles de la Beauce.
Comme aussi a été arrêté qu'il serait à l'instant écrit quatre
lettres par le Corps municipal, à M. le principal ministre, à
M. le Contrôleur général, à M. le Chancelier de Mgr le Duc
d'Orléans, et à M. l'Intendant. »
La lettre envoyée à ces quatre personnages a été transcrite
sur le registre des délibérations ; elle est conçue en ces
.termes :
Chartres, ce 15 juillet 1788.
Monseigneur,
' Dans une circonstance désastreuse où la plus grande partie
des cultivateurs est absolument ruinée, où la fortune d'un
— 160 —
nombre immense de propriétaires est en danger, il appartient
au Corps municipal de la ville de Chartres de porter les plaintes
de la province et de solliciter les secours nécessaires pour pré-
venir encore de plus grands maux.
Un orage dont il n'y a jamais eu d'exemple vient, le dimanche
treize du présent mois, sept heures et demie du matin, de ravager
nos contrées au moment de la moisson. Des églises renversées,
des fermes presque, entièrement détruites, des hommes morts
de ce cruel fléau ; il est impossible de tracer ici tout ce qui a
accompagné ce fatal duragan. On ignore où il a commencé ses
désastres, et dans quel endroit il s'est amorti. Mais ce que nous
savons, c'est que déjà soixante-quatre paroisses, sur deux cents
dont l'élection est composée, sont venues nous faire part de ses
ravages et de leurs pertes ; tout y est pilé et dévasté I II n'y a
pas le moindre espoir d'y récolter ; tous les laboureurs, dont la
plupart sont obérés par des fermages arriérés, sont sans res-
sources. Ils viennent ici en foule pour remettre leurs baux ou
demander des remises totales, et exiger de plus qu'on leur
fournisse des deniers et des grains pour ensemencer, poiœ
vivre, eux et leurs familles , et pour la subsistance de leurs bes-
tiaux. Plusieurs, abattus et consternés, sont déterminés à quitter
leurs exploitations. Dans une occurence aussi fâcheuse, la Pro-
vince a besoin des secours les plus pressants et les plus abon-
dants ; elle est trop intéressante pour rester sans cultivateurs.
Des plaines fertiles deviendraient bientôt un friche ; nous
n'osons pas prévoir tous les malheurs qui ne manqueraient pas
d'en résulter.
Nous comptons, Monseigneur, sur votre bienveillance pour
prévenir tant de calamités, et pour apporter le plus prompt
remède au désastre dont nous ne venons de vous donner qu'une
faible idée. Nous laissons à votre sensibilité et à votre humanité
à faire donner les ordres les plus efficaces, pour que des secours
abondants parviennent très promptement dans les campagnes
et y préviennent les suites et les eifets du désespoir. Nous som-
mes prêts à faire tout ce qui sera en nous pour assurer le succès
des mesures que vous croirez convenables.
Nous sommes avec respect,
Monseigneur
Vos très humbles et très obéissants serviteurs.
Les officiers du corps municipal de la ville de Chartres *.
* La copie n'est pas signée dans le registre ; mais les signataires de l'origi-
nal devaient être : MM. Triballet du Gord. Le Tellier. Petey-Vallet. Langlois.
— 161 —
Comme dans une semblable détresse les secours ne pou-
vaient pas être trop abondants, on résolut de s'adresser au
roi lui-même, et les porteurs de la lettre précédente furent
en même temps chargés de présenter à Sa Majesté le place!
suivant :
PLAGET AU ROr
Sire, les officiers municipaux de la ville de Chartres viennent
au pied du trône exposer à Votre Majesté le plus grand des
fléaux dont leur Province vient d'être la victime, et lui deman-
der des secours prompts dont elle est dans Timpossibilité de sp
passer. (L'énoncé de Tévènement est presque textuellement le
même que dans la lettre précédente.) Tout ne présente que
l'image du bouleversement, de la mort et de la stérilité.
Nous ne pouvons, Sire, rester tranquilles spectateurs d'uîi
tel désastre. Nous en envisageons les suites et elles sont
horribles. Tous les cultivateurs sont ruinés sans ressource, et
ils sont au désespoir. Nous avons vu une paroisse entièrr
regretter que l'ouragan qui a détruit son église ne soit pas arriv^^^
pendant la grand'messe. La mort, comparée à la situation
actuelle, eût été un bienfait pour elle. L'extrémité accablante
où ces infortunés sont réduits les porte à toutes sortes d'entre-
prises. Dans l'impuissance où ils sont de continuer leur culture,
ils se liguent entre eux, et, par des traités de confédération,
arrêtent, ou que les propriétaires reprendront leurs baux, ou
qu'ils leur donneront le moyen de cultiver, d'ensemencer et de
vivre, eux et leurs familles et leurs bestiaux, jusqu'à l'année
prochaine. Ils viennent, avec la fierté et l'audace que donne
l'extrême malheur, faire ces propositions à des propriétaire^ s
presque aussi malheureux qu'eux. Tout est à redouter dans cette
occurence fâcheuse. Tous les excès, tous les crimes sont voisins
du désespoir. Pour les prévenir. Sire, nous osons venir avee
confiance intéresser votre sensibilité et implorer votre bonto
paternelle. En 1727, votre auguste ayeul, frappé d'un événement
semblable, mais dont les circonstances étaient sûrement moins
déchirantes, fit parvenir promptement dans notre province dew
deniers, des grains, des fourrages. Nous venons demander ii
Votre Majesté, d'abord provisoirement, les mômes bienfaits.
Nous la supplions de nous les accorder tout d'un coup. Si nous
nous en retournions sans être en état de procurer ces premiert*
seco\u*s à nos cultivateurs, ils vendraient sur le champ à vil
Grandet de la Villette. De Bâillon de Forge. P. de Borville. Du Temple. Asselin,
Foisy.
T. XII, M. 11
— 102 —
prix leurs bestiaux et leurs meubles ; ils abandonneraient leurs
exploitations, se fermeraient à jamais la facilité d'y rentrer,
laisseraient la province stérile, et nous livreraient à tous les
malheurs qui suivraient nécessairement une catastrophe de cette
nature. Daignez, Sire, la détourner et vous laisser toucher. Nous
vous apportons les pleurs et les gémissements d'une partie pré-
cieuse de vos sujets. C'est déjà une consolation pour eux de
savoir que nous sommes aux genoux de Votre Majesté. Ils vous
béniront et reviendront à la vie, dès que nous leur annoncerons
que votre cœur a été ému à la vue de leur détresse et que nous
leur apportons de votre part des soulagements, sans lesquels ils
ne peuvent susbsister*.
Les solliciteurs furent bien accueillis en cour royale et ils
reçurent les promesses les plus consolantes. Le duc d'Orléans,
possesseur du duché de Chartres, promit un secours de
12,000 livres. Dès que ces bonnes nouvelles furent connues à
Chartres, le Corps de ville envoya aux délégués des félicita-
tions pour l'heureux succès de leurs démarches, les priant
de continuer leurs bons offices auprès des ministres pour
obtenir l'exécution des promesses qui avaient été faites. Par
ses soins également, les Affiches chartraines — ainsi s'appe-
lait le seul journal de la ville — publièrent cet avis au
public :
BIENFAISANCE
Mi^ le duc d'Orléans touché de la situation désastreuse dans
laquelle se trouvent les malheureux habitants d'un grand nombre
de paroisses de l'Election de Chartres par l'aifreux ouragan du
13 de ce mois, a bien voulu leur accorder un secours de 12,000
livres... Cet acte de bienfaisance, dont les officiers municipaux
sont pénétrés, et qu'ils s'empressent d'annoncer, leur fait espérer
que les âmes sensibles et généreuses viendront également au
secours de ces infortunés...
Le Tellier. Parent. Petey de la Charmoys.
Le 20 août, le Corps municipal choisissait MM. Le Tellier
et de Milleville de Bouthonvilliers, tous deux échevins, pour
se concerter avec les membres du Bureau intermédiaire, qui
avaient visité 91 paroisses grêlées , et s'étaient fait remettre
^ J'ai vu quelaue part cette supplique citée comme un échantillon de mauvais
goût et de maladresse. Son succès la justifie du reproche de maladresse ; quant
au mauvais goût c'était celui de l'époque.
•
— 163 —
les états des pertes de chaque laboureur. Ils avaient à dis-
tribuer les secours accordés par le duc d'Orléans, plus 60i)
livres que M. de Bernard de Tachainville avait donné àm
les premiers jours.
Plus tard ils s'occupèrent de procurer aux cultivateurs le^*
semences qui leur manquaient; je ne crois pas devoir les suivre
dans toutes les démarches que leur inspira leur bienfaisante
activité.
Au cours de ce récit, j'ai eu deux fois occasion de parler
des membres du Bureau intermédiaire du département ; ils
ont joué un rôle si important dans cette circonstance que je
crois devoir les signaler nommément à la reconnaissance do
la postérité. — M. Bêchant (Pierre-François), procureur-
syndic de ce Bureau, était du diocèse de Toul. Chanoine de
N.-D. de Chartres depuis le 28 avril 1783, il avait été nommé
chapelain de la grande chapelle du roi le 15 janvier 1787, et
archidiacre de Blois le 18 juin 1788. Il fut élu député supplé-
mentaire à la Constituante, et siégea au défaut de M. do
Gauville. C'était un publiciste distingué : il n'a point reparu
dans le diocèse après la Révolution.
M. Bouvet (Pierre-Etienne-Nicolas), marchand à Chartre^^
et grand-juge consul, fut élu par le Tiers-Etat député aux
Etats-Généraux de 1789.
Tous deux se transportèrent de leur personne dans les
localités visitées par la grêle ; ils distribuaient des secours et
des consolations, et faisaient le relevé des pertes. M. Bêchant
a fait un rapport circonstancié sur cette inspection officielle ;
je regrette de n'avoir pu le consulter.
Tout le monde rendit hommage au zèle et au dévouement
avec lesquels ces deux hommes de bien s'acquittèrent de
cette pénible fonction.
Administration ecclésiastique.
Quelque diligence que la municipalité chartraine ait
déployée en cette occuiTence, elle fut devancée par le Cha-
pitre de Notre-Dame de Chartres. Dès le lendemain de l'orage,
les vénérables chanoines nomment une commission pour
s'occuper des dommages considérables que le Chapitre vient
d'éprouver dans ses domaines et biens, par la grêle du 13 du
présent mois (séance du lundi 14 juillet). Le même jour ot
-
— 164 —
les jours suivants, les régents de prébende se coUoqaent avec
leurs prébendes afin d'aviser aux mesures à prendre pour
remédier au mal.
Le 28 juillet, le Chapitre avance à ses fermiers grêlés
60 muids de blé et 30 muids d'avoine pour semence. « Puis
sur la proposition du sous-doyen, attendu les malheurs ex-
traordinaires et sans exemple que viennent d'éprouver les
fermiers, la Compagnie autorise Messieurs de la commission,
nommée le 21 pour les choses de la grêle, à faire aux dits
fermiers les remises qu'ils jugeront suivant leurs lumières et
leurs prudences, devoir leur être faites, leur avancer les
sommes qui seront nécessaires... et les dits sieurs priés de
prendre toutes les instructions et tous les éclaircissements
qu'ils croiront utiles et nécessaires à leurs opérations. »
Le 23 août « pour rendre le courage et l'activité aux fer-
miers abattus par leurs pertes. Messieurs de la commission
sont autorisés de les assurer que le Chapitre est dans le
dessein de leur faire les remises convenables et les avances
nécessaires pour ensemencer leurs terres et continuer leur
culture. »
Le 2 octobre, le Chapitre accorde, aux malheureux du dio-
cèse qui ont été affligés par la grêle du 13 juillet, une somme
de 6,000 livres que ses agents emprunteront. Sa bienfaisance
ne se limite donc pas à ses seuls fermiers. Un peu plus tard,
c'est une somme de 20,000 livres qu'il emprunte pour le
même motif.
Le 8 novembre, il avance 3,000 livres aux chanoines de
Saint-Piat. Ces chanoines n'étaient autres que les musiciens
de la cathédrale qui étaient trop pauvres pour secourir leurs
fermiers.
On disait jadis en Allemagne : Il fait bon vivre sous la
crosse. Nos ancêtres de Beauce pouvaient bien dire : Il fait
bon vivre sous l'enseigne de la chemisette de Notre-Dame *.
Les autres Chapitres et les maisons religieuses du diocèse
imitèrent le généreux désintéressement du chapitre cathé-
dral. Les curés, qui partageaient la misère de leurs parois-
siens et perdaient leurs droits de dîmes et champarts, furent
* Une chemisette était et est encore la marque du Chapitre Notre-Dame de
Chartres.
— 165 —
leurs consolateurs dans cette immense détresse. Ce fut grâce
à leur concours que Ton put se rendre compte de l'étendue
des pertes ; ce fut par leurs soins qu'une partie des secours
parvint aux victimes les plus dignes d'intérêt.
Quand tout son clergé se montrait si admirable de charité,
le premier Pasteur du diocèse ne pouvait pas se montrer
indifférent au malheur de ceux dont il se disait le Père. Il
faut dire à sa louange que M»' de Lubersac se montra le
digne successeur de Me^ de Mérinville et de M«^ de Fleury,
de si charitable mémoire. Dès qu'il eut connaissance de la
catastrophe, il n'épargna rien pour venir en aide à ses dio-
césains si durement éprouvés. Dans une notice que lui a
consacrée un érudit chartrain, M. RouUier, on lit ces paroles :
» La grêle ayant ravagé, le 13 juillet 1788, toutes les récoltes
de la Beauce, M. de Lubersac fit des démarches inouïes et
obtint des secours très considérables pour ses concitoyens *,
Il crut qu'il ne lui suffisait pas de payer ainsi de sa personne,
il employa son autorité à stimuler la charité des autres.
Quand la moisson fut terminée, il ordonna une quête par tout
son diocèse ; elle eut lieu au mois de septembre et fut aussi
fructueuse qu'on pouvait l'espérer dans les tristes circons-
tances que l'on traversait ^.
Qu'on me permette une réflexion en terminant. Une cer-
taine école, qui se prétend historique, n'a pas assez de malé-
dictions contre Vancien régime, c'est-à-dire contre le temps
qui a précédé la Révolution de 1789. On vient de voir à
l'œuvre cet ancien régime tant décrié ; il me semble qu'il
* Messager de la Beauce et du Perche^ 1863, p. 46. L'année suivante fut
une année de profonde misère pour le jjays chartrain. Le corps municipal de
Chartres ayant ordonné qu'une quête serait faite dans la ville tous les mois Jus-
qu'à la moisson, Mgr de Lubersac s'engagea à verser 300 livres par mois.
^ On a vu précédemment une allusion à ce Mandement ; en voici deux autres
relevés aussi dans les registres paroissiaux. — Saint-Médard de Chàteaudun. —
a Le 22 septembre 1788, en exécution du Mandement de M. l'Evêque de
Chartres qui ordonne une quête pour les grêlés, nous avons, M. le Curé et moi,
fait la quête dans la paroisse. Nous avons trouvé 408 livres. Signé : F. F. Bê-
chant, chanoine archidiacre de Blois.
Saint-Cloud. — Dans la présente année, au rapport du Mandement envoyé
dans toutes les paroisses par Mgr Lubersac, évêque du diocèse, il y eut dans la
seule élection de Chartres 84 paroisses entièrement ruinées par la grêle et
70 autres dans les élections de Chàteaudun, Dourdan et Poissy.
— 166 —
s'est acquitté honorablement de son devoir dans une circons-
tance aussi critique.
Si, ce qu'à Dieu ne plaise, un pareil malheur s'abattait
encore sur notre contrée, croit-on que la municipalité du
chef-lieu du département prendrait en main la cause de
toutes les communes ravagées ? Croit-on que les propriétaires
du sol, imitant la générosité des chanoines, des religieux et
des curés, remettraient à leurs fermiers leurs redevances
pour cette année désastreuse, et avanceraient des semences
pour Tannée suivante ? Croit-on enfin que les paysans dans
leur détresse rencontreraient partout cette chaude et frater-
nelle sympathie qui relève le courage abattu, et qui est un
baume souverain pour les plus grandes douleurs ?
Assurément on se montrerait sensible au malheur des
sinistrés ; on se donnerait même beaucoup de mouvement
pour leur être utile. Secours de l'Etat, fêtes mondaines, quêtes,
souscriptions, loteries, rien ne serait épargné de ce qui pour-
rait provoquer la commisération et exciter l'intérêt. Mais
outre que ces moyens d'action ne produisent pas toujours ce
qu'ils promettent, leurs résultats ne seraient pas durables,
parce qu'ils auraient pour source une émotion passagère, et
les cultivateurs se retrouveraient bientôt seuls en face de
leur misère , plus abandonnés que ne le furent leurs pères,
après l'orage de 1788. Ne regrettons donc point de l'ancien
régime ce qui a disparu sans espoir de retour ; mais souhai-
tons d'en retrouver ce que le régime nouveau aurait eu inté-
rêt à conserver; et pour ne parler que du sentiment qui s'est
si noblement manifesté dans la calamité dont on vient de lire
le récit, souhaitons que la charité chrétienne et française de
nos aïeux rentre en souveraine dans notre moderne société.
APPENDICE
Ce Mémoire était terminé et imprimé, lorsque j'ai pu obte-
nir communication du rapport de M. l'abbé Bêchant, rapport
que j'ai signalé plus haut en exprimant le regret de n'avoir
pas pu le consulter. L'intérêt qu'il présente demanderait sa
reproduction intégrale ; mais ce récit déjà bien long serait
ainsi démesurément allongé. J'en consigne donc ici quelques
■%
— 167 —
extraits seulement, persuadé que des extraits provenant
d'un document officiel, donneront plus d'autorité à tout ce
qui a été dit sur l'étendue du désastre, l'empressement
général à y porter remède , et la charité du clergé et des
seigneurs qui savaient faire autre chose que s* engraisser de
la sueur du peuple.
RAPPORT
Sur la recette et la dépense du Bureau intermédiaire du départe-
ment de Chartres et Dourdan à l'occasion de la grêle du i 3 juil-
let 1788, par M. l'abbé Bêchant^ procureur-syndic *.
La première année de votre administration, Messieurs, a été
marquée par un événement bien désastreux, et l'ouragan du
18 juillet dernier laissera un souvenir pénible et douloureux
dans notre département. Une étendue de quatre-vingt-quatorze
paroisses, dont plus de quatre-vingt perdues sans ressources,
voilà la scène de désolation dont vous avez été les témoins ;
les habitants de ces quatre-vingt-quatorze paroisses, voilà les
malheureux qui vous ont environnés sans cesse depuis cette
triste journée. Combien de fois. Messieurs, au milieu de ces
circonstances accablantes, aurais-je été découragé, si vous ne
m'aviez soutenu de vos exemples!
Le jour même de l'orage, vous vous assemblez extraordinai-
rement ; dès le lendemain vous partez pour aller, dans chacune
de ces paroisses ravagées, porter quelques espérances de sou-
lagement et de consolation.
Quel voyage. Messieurs ! Des campagnes qui présentaient
l'image du deuil et de la mort, des habitants prêts à se livrer
au désespoir, le même spectacle se renouvelant pour vous
dans chaque paroisse... Qu'on apprécie, Messieurs, notre sen-
sibilité, et qu'on juge combien le commencement de notre
carrière a été rempli de peines et d'amertumes...
Cependant, Messieurs, vous vous occupiez déjà de procurer
des secours aux pauvres malheureux que vous visitiez; des
détails insérés dans le journal de Paris annoncèrent nos désas-
tres, et ils touchèrent les âmes sensibles. Avec quelle inquié-
tude mêlée d'espérance, nous ouvrions chaque jour cette
feuille de Paris ; et chaque jour pendant environ cinq semaines.
^ A Chartres, chez Fr. Le Tellier, imprimeur du Roi et du clergé, rue des
Trois-MaiUets, MDCGLXXXIX, 33 p. in-Ao.
— 168 —
nous eûmes la douce consolation de voir la capitale nous offrir
des soulagements. Nous recueillîmes de cette source 13,869 livres
12 sous.
Déjà le zèle de MM. les Officiers municipaux de Chartres
avait porté au pied du trône le tableau de nos malheurs...
Je ne vous dirai point, Messieurs, toutes les démarches que
fit à la capitale pour nous obtenir des soulagements Tillustre
Prélat qui préside à notre assemblée de département * ; il m'en
coûte de respecter la loi du silence qu'il m'a imposée, mais je
lui suis trop attaché pour lui désobéir. Messieurs les officiers
municipaux ont raconté avec quel empressement il avait
appuyé leurs efforts près du trône et de M«' le duc d'Orléans.
Alors je touchai une somme de 1,200 livres que M. l'abbé de
Bouville avait léguée pour les pauvres, à la disposition de
M«^ l'Evêque. Je touchai de M. le N. 600 livres, de Madame
48 livres, de M. 24 livres.
Aux approches du temps des semences, le gouvernement
nous fait donner pour cet objet un secours provisoire de
24,000 livres ; il devait être distribué aux petits cultivateurs de
notre département, à raison de leur peu de ressources. Nous
arrêtâmes alors. Messieurs, de faire une distribution de
25,000 livres; les inconvénients de donner ce secours en argent
vous frappèrent, l'embarras d'acheter le blé, les difficultés de
le répartir ne vous effrayèrent pas. (Suit l'exposé de la méthode
employée pour arriver à une répartition équitable).
Monseigneur avait projeté, dès le moment même du désastre,
d'ordonner une quête en faveur des grêlés, dans toute la
partie de son diocèse qui avait échappé à ce terrible fléau.
Mais il avait sagement compris que, pour la rendre plus abon-
dante, il fallait l'ordonner dans les campagnes en nature de
denrées, et attendre le temps où le cultivateur, inquiet jusqu'au
moment de la récolte, eût enfin dans ses greniers ou la moisson
de ses champs, ou le produit de ses vignes, etc. Monseigneur,
pour rendre son mandement plus efficace par son exemple me
fit remettre 24,000 livres.
Je me souviens avec attendrissement. Messieurs, de la joie
que vous éprouvâtes à la nouvelle d'un secours si nécessaire à
votre position, et qui vous donna l'espoir de porter plus de
consolation dans les campagnes dévastées. Le Chapitre de
l'église cathédrale fut aussi touché de vos malheurs ; il oublia
la grandeur de ses pertes, les remises, les avances faites à ses
* Mgr de Lubersac fut nommé en 1788 président de l'assemblée provinciale
du département de Chartres et Dourdan.
fermiers; il ne se souvint que des pauvres, et, par une délibé-
ration digne de sa charité généreuse, il vous donna 6,000 livres
pour les semences des malheureux cultivateurs du diocèse....
Aucune précaution ne vous a été étrangère; vous avez
recommandé aux syndics de ne pas délivrer le blé sans l'avoir
mis préalablement en chaux, de veiller à ce qu'il ne fût ni
vendu, ni converti en farine, mais employé en semence sui-
vant sa destination.
Au milieu de ces distributions, Messieurs, combien de
plaintes il a fallu écouter... il a donc fallu entendre et répondre
à chaque habitant de ces 94 paroisses.
Cependant plusieurs Chapitres du diocèse et plusieurs Com-
munautés religieuses s'empressèrent de nous envoyer leurs
aumônes pour les malheureux. Messieurs les Bénédictins An-
glais de Paris pour le prieuré de Bonnelle* me remirent
600 livres. M. l'abbé de Morlet 2, de l'Académie française, me
fit passer 240 livres. Une émulation louable semblait s'être em-
parée de toutes les paroisses du diocèse, et les plus petites
disputaient de générosité ; la petite paroisse de Faings, avec la
plus mauvaise récolte, a fourni une somme considérable^.
Sans doute c'est un voile dont a voulu couvrir son aumône
un patriote vertueux et modeste, aussi digne d'une couronne
civique que des récompenses militaires qui le décorent....
Vous vous réjouissiez. Messieurs, d'avoir trouvé des res-
sources de travail pour le pauvre, quand le froid le plus ri-
goureux et le plus long est venu redoubler encore nos calami-
tés en enchaînant les travaux que vous aviez fait commencer.
Sans doute ils retentiront longtemps dans vos cœurs. Messieurs,
ces cris perçants du malheureux au désespoir qui venait à vos
portes solliciter du pain, et vous saviez que le désespoir traîne
à sa suite tous les crimes. La seule consolation que vous éprou-
viez, dans des conjonctures aussi cruelles, était d'apprendre
que plusieurs seigneurs bienfaisants nourrissaient, habillaient,
chauffaient leurs vassaux; vous les connaissez, Messieurs, et
je ne ternirai pas par des louanges la noblesse de leur conduite.
* Les Bénédictins de Saint-Martin-des-Champs de Paris avaient un prieuré
à Bonnettes, paroisse du diocèse de Chartres , aujourd'hui commune du canton
de Dourdan (Seine-et-Oise).
^ L'abbé Morellet, célèbre philosophe et littérateur, dernier prieur de Thimert
près de Ghâteauneuf.
3 Fains (aujourd'hui Faius-Ia-Folie) donna 1 ,200. Evidemment cette offrande
était due en ^ande partie au seigneui*, M. de Fains. Deux paroisses voisines,
BaignoUet et Viabon, donnèrent, la première 18 livres et la seconde 62 livres;
la moyenne des offrandes ne dépassait pas 50 livres par paroisse.
— 170 —
Vous devinez sans doute qu'à côté de si belles actions je
vais placer celle d'un citoyen honnête et charitable qui m'ap-
porta une aumône de 2,400 livres pour donner du pain aux
malheureux pendant une saison aussi sévère.
... C'est à cette époque que le gouvernement vous accorda
une somme de 7,000 livres pour les semences de mars, et que,
pour le même objet, MM. les Officiers municipaux vous remirent
9,000 livres de celle que leur zèle et leurs prières avaient obte-
nue de M?' le duc d'Orléans.
Sans doute une récolte abondante viendra terminer la misère
qui ne fait qu'accroître tous les jours; mais l'intervalle est
long... Cette considération a frappé l'illustre prélat qui gou-
verne ce diocèse et son zèle a prévalu sur les ménagements
qu'il devait à sa santé. La quête ordonnée par son mandement
n'était pas encore faite dans la ville de Chartres; il l'entre-
prend avec courage ; des ecclésiastiques respectables l'accom-
pagnent ; les dames distinguées par leur mérite s'empressent
de le seconder dans une si bonne œuvre ; il la commence par
un grand acte de générosité; les citoyens, touchés par son
exemple, oublient qu'ils n'ont plus de ressources, et leur
aumône est féconde. Il a visité la cabane du pauvre, mais il l'a
visitée, moins pour y recevoir le denier de la veuve, que pour
savoir où il aurait des aumônes à répandre. Cette démarche
était digne de la sensibilité de son cœur, et les bénédictions
de son diocèse en seront la récompense; déjà. Messieurs, vous
avez entendu les citoyens de cette ville publier qu'il était véri-
tablement le père et l'ami du peuple.
Cette quête. Messieurs, dont le tiers a été remis à MM. les
Curés de la ville a produit pour le diocèse une somme consi-
dérable... En récapitulant tous les articles de recettes pour le
diocèse nous aurons une somme de 63,349 livres à partager
entre tous les départements, au marc la livre de leur perte...
qui est au total pour le diocèse de 8,917,744 livres. En compa-
rant à cette somme celles qu'ont produites les quêtes, c'est un
marc la livre d'un denier, obole et les quatre cinquièmes d'une
pite, un peu plus*.
Cette somme (44,409 livres des quêtes pour le département
de Chartres) vous a donné quelques facilités pour augmenter
le nombre et les fonds de vos ateliers de charité: vous avez
senti tout le prix de ces moyens qui avaient un objet d'utilité
publique ; vous avez ordonné qu'on réparât les rues de plu-
* Obole, monnaie valant environ 15 centimes : pite ou plutôt pitte , moitié
d'une obole et le quart d'un denier.
— 171 —
sieurs villages, qu'on améliorât les communications avec les
grandes routes *.
Pour concourir à des vues aussi sages, le Chapitre de l'église
cathédrale après avoir déjà donné 6,000 livres pour les se-
mences de blé, après avoir donné beaucoup aux pauvres de
ces paroisses pendant l'extrême rigueur du froid, s'est em-
pressé de vous offrir encore une somme de 4,000 livres. Vous
l'avez acceptée avec admiration, et c'est avec une joie profonde
que j'ai été l'interprète de votre reconnaissance. Pour les
mêmes fins un ecclésiastique respectable m'a remis 100 livres,
et un ecclésiastique encore, avec qui les relations me sont pré-
cieuses, m'a donné un ouvrage dont, par le secours d'une lote-
rie, j'ai tiré 255 livres 12 sous.
Vous auriez désiré. Messieurs, pouvoir comprendre dans ce
tableau * la remise sur les impositions que le gouvernement
accordera sans doute à ces paroisses grêlées. Il est déjà déter-
miné que celle sur la prestation représentative de la corvée
sera proportionnelle à la perte... Les considérations puissantes
que vous avez développées, avec tout l'intérêt que vous inspire
la misère affreuse des campagnes, toucheront sûrement le mi-
nistre vertueux et éclairé qui préside aux finances, et, en nous
accordant une remise en mesure de nos pertes, il fera bénir le
nom du Roi.
Vient ensuite l'état des quêtes par paroisses, puis le tableau
des secours en blé, avoine, pain, riz, et travaux des ateliers de
charité. Je cite comme exemple Dammarie :
Perte 286,771 livres, secours en blé 85 setiers, en avoine
350 minos, en pain 4,800 livres, fonds du gouvernement
2,400 livres.
Avis. — Après l'impression du compte, le Chapitre fait
encore remettre 1,800 livres pour les ateliers de charité.
Récapitulation : pour le diocèse, recettes et dépenses, 63,349
livres; pour le département, 108,739 livres.
Le rapport est approuvé et signé par MM. de Beaurepaire,
abbé Thierry, Grandet de la Villette, Horeau, Le Vassort, Barré,
secrétaire. (La date manque; mais l'impression fut faite au
mois de mars 1789).
< Les hommes gagnaient 12 sous, les vieillards et les femmes 6, les enfants
de Tun et l'autre sexe 6, 7, 8, 9 sous suivant leur âge. (Page 14 de ce
Rapport).
2 Le rapport est suivi d'un tableau du produit des quêtes par paroisses ; à la
suite se trouve le tableau des sommes reparties à chaque paroisse grêlée.
ICI FUT BLESSE
il l» SIPTEMBRE I7»t
/^AKCEAU
GÉNÉRAL FRANÇAIS
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f ,• f f '*'
I i ■ I I , , , I i Ja C< /»*
Monument élevé à Marceau par le Comte de Reiset, ministre de France à Darmstadt
et à Wiesbaden, en IMS.
LA MORT DE MARCEAU
A l'ouverture de la campagne, au printemps de 1796, le
général François-Séverin Marceau reçut du directoire de la
République Française le commandement supérieur de l'armée
du Rhin et de la Moselle, forte de 70,000 hommes, tandis
que Jourdan était nommé général en chef de l'armée de
Sambre-et-Meuse, forte de 80,000 hommes.
Après que Marceau avec l'aide de Jourdan eût passé le
Rhin à Kehl le 25 juin 1796, ce dernier vint sur ce fleuve le
2 juillet entre Dusseldorf et Reuwind, prit Francfort le
16 juillet 1796, entra de force dans Wurzbourg, mais fut
entièrement séparé de Marceau , et après plusieurs violents
combats à Teiming, Amberg et Viirzbourg fut rejeté sur la
rive gauche du Rhin par l'Archiduc Charles d'Autriche.
Marceau, après le passage du Rhin à Kehl, se jeta aussitôt
sur les corps ennemis dispersés , battit le général Latour , le
5 juillet 1796 à Rastadt, le 9 l'Archiduc Charles à Ettlingen ,
et força les Autrichiens à repasser le Danube. L'Archiduc le
laissa vis-à-vis de Latour et se tourna avec l'autre partie de
son armée contre Jourdan qui opérait en Bavière. Jourdan
ayant été battu à Teiming, à Amberg et à Wurzbourg,
Marceau craignit d'être coupé sur le Rhin; il prit donc la
résolution, au milieu de toutes les difficultés, de regagner ce
fleuve avec son armée. Il franchit, entouré d'ennemis, et en
combattant, les défilés de la Forêt Noire, et parvint malgré
d'innombrables dangers à regagner le Rhin qu'il repassa a
Fumingen dans la nuit du 24 octobre 1796.
Le général François-Séverin Marceau-Desgraviers, né à
Chartres le 1®*" mars 1769, reçut dans la campagne de 1794, le
commandement d'une division de l'armée des Ardennes, puis
— 174 —
de celle de Sambre-et-Meuse. Le 26 juin 1794, il décida la
victoire de Fleurus à la tête de Taile gauche, prit en automne
Aix-la-Chapelle , Bone et Coblentz et força les Autrichiens à
se retirer de l'autre côté du Rhin. A la retraite de Tarmée
française sur la rive gauche de ce fleuve dans la campagne
de 1795, il conduisit Tarrière-garde avec courage et habileté.
Dans la campagne de 1796 il commanda sous Moreau dans les
bras du Rhin. Avec Paile gauche forte de 30,000 hommes, il
bloqua Mayence, mais il dut, par suite des défaites de Jourdan
à Teiming, à Amberg et à Wiirzbourg, suivre le mouvement
rétrograde de ce général et se retirer également à Limbourg
avec l'armée de Sambre-et-Meuse.
Jourdan lui donna la mission de se jeter avec Tarrière-
garde contre TArchiduc Charles qui cherchait à gagner les
défilés d'Altenkirchen avant l'armée Française et qui, par là,
voulait lui couper la retraite. Marceau remplit cet ordre avec
la plus grande énergie et sauva ainsi l'armée française qui se
trouvait en pleine déroute. 11 atteignit, avec son armée, au
commencement de septembre 1796, la Lahn à Runkel,
Limbourg et Diez et tint plusieurs jours durant, malgré les
attaques violentes de l'ennemi.
Le 16 septembre eut lieu une attaque générale des Autri-
chiens contre les PYançais, de Runkel jusqu'à Balduinstein.
Le centre Autrichien qui s'avançait de Mennfeld à Limbourg
et Diez était conduit par l'Archiduc Charles.
Marceau fit contre l'ennemi une résistance héroïque , mais
ne put tenir la route contre la supériorité des forces de
l'ennemi et se retira en bon ordre , combattant sur le côté
droit du chemin , il fit sauter le pont, se plaça encore sur les
hauteurs qui dominent le côté droit de la route , fut repoussé
au-delà de Freilingen jusqu'aux rochers de Steinen, où, pro-
tégé par des étangs qui se trouvent dans le voisinage, il for-
ma un camp avec son armée le 17 septembre au soir , sur la
grande route de Francfort à Cologne qu'il couvrait; et lui-
même passa la nuit dans la cour de la maison Hochborn. Le
18 septembre il fut attaqué par l'avant-garde Autrichienne ,
attaque qui fut repoussée par lui , et l'ennemi mis en pleine
retraite.
Par cette persistance héroïque contre un ennemi bien supé-
rieur en nombre, il assura la retraite sur le Rhin de l'armée
— 175 —
de Jourdan qui cherchait, par Giessen, Wetzlar, Dillembourg,
Herboin, Hachembourg, Altenkirchen à gagner la Sieg et le
Rhin à Cologne, et repoussa l'ennemi du Neckar.
Dans la nuit du 18 au 19 septembre 1796 quelques troupes
légères Autrichiennes sous les ordres du général Hotze,
composées principalement de Hussards-Hongrois et de chas-
seurs Tyroliens dont faisait partie la compagnie Borke du
chasseur Leloup, avaient cherché à envelopper Marceau , en
quittant la grand'route devant Freilingen, ils tâchèrent,
partie par Vreifeld-Steimbach, partie par Mundersbach et
Hôchstembach, à atteindre les Français, cependant ils furent
repoussés le 19 septembre, et la retraite des Français s'opéra
en bon ordre sur Altenkirchen, protégée par une batterie
amenée dans la cour de la maison Hochborn. La route de
Francfort à Cologne va de Hochborn à Hôchstembach, petit
endroit situé dans le Duché de Nassau, très entouré par une
épaisse forêt sur les hauteurs assez importantes du Wester-
wald.
Cette forêt se termine devant Hôchstembach, elle coupe
d'une manière escarpée la route de ce dernier endroit, pour
s'amoindrir de l'autre côté sur les hauteurs de Wahlend à
Altenkirchen.
A la fin de la forêt de Hôchstembach se trouvaient quel-
ques vieux chênes sous lesquels on aperçoit la route de
Francfort à Cologne, de même que celle de Hachembourg à
Altenkirchen.
Marceau se trouvait là à cheval, le matin du 19 septembre,
pour guider la retraite de son armée. Il fut attaqué vers dix
heures du matin par la compagnie Borke du chasseur Leloup
(chasseurs tyroliens), qui s'était glissée par le Windbachthal
et les hussards Hongrois qui avaient pénétré par Herschbach
dansles flancs de l' arrière-garde Française, l'avaient attaquée
sur la lisière de la forêt en question et avaient commencé à
la mettre en déroute.
Marceau se mit alors lui-même à la tête d'une partie de ses
troupes, consistant en hussards bruns et un bataillon d'infan-
terie, se porta contre l'ennemi pour assurer sa retraite et
celle du gros de l'armée. Ce général, dans cette attaque
violente, fut approché si près par plusieurs ennemis princi-
palement par les chasseurs Frédéric Holder et Rolof de la
— 176 —
compagnie Borke qui se tenaient cachés dans un fossé
derrière des buissons, que Holder ne se trouvait qu'à vingt
pas de lui, mais frappé de sa beauté extraordinaire, il baissa
son fusil et tua d'un coup de feu le cheval du général qui
tomba sur le champ.
Les Français furent donc arrêtés dans leur marche, et
plusieurs chasseurs hongrois qui , profitant de la confusion ,
voulaient s'emparer de Marceau , furent taillés e#i pièces par
l'entourage de ce général.
L'ennemi se retira et les Français purent tranquillement
pendant quelque temps continuer leur retraite. Marceau
remonta à cheval sur le plateau devant Hôchstembach, d'où
il pouvait apercevoir tous les environs, et d'où il opéra la
retraite de son armée en bon ordre. Il se tenait à l'ombre des
arbres, entouré de son état-major, tenant avec courage tète
à l'ennemi qu'il avait repoussé à environ cinquante pas.
Alors un coup de feu, tire à peu de distance, renversa de cheval
Marceau mortellement blessé d'une balle au côté droit de la poi-
trine.
Deux chasseurs Tyroliens, c'est-à-dire , les chasseurs déjà
nommés Frédéric Holder et Rolof de la compagnie Borke, qui
connaissaient très bien les environs, avaient quitté la grande
route à Freilingen avec leur compagnie à laquelle ils servaient
de guides ; ils s'étaient glissés à travers le Windbachthal au
milieu des buissons de la forêt jusqu'à la lisière du côté de
Hôchstembach et étaient restés, lorsque leur compagnie avait
été repoussée par les Français, cachés dans ce fourré, puis
après que les Français eurent continué leur retraite, ils
avaient de nouveau pénétré dans la forêt, s'étaient couchés
dans un fossé , sans être vus de l'ennemi , à la lisière de la
forêt, derrière un épais buisson, pour y attendre l'arrivée
des Autrichiens. Marceau avec son état-major s'était avancé
à 60 pas de ces chasseurs sans se douter qu'il y avait un
ennemi si près et là il fut atteint d'une balle mortelle.
Frédéric Holder, né à Reuwind, le 23 janvier 1772, entra
dans l'année 1792 dans un régiment de dragons Hollandais
sous le prince de Wind-Runkel ; il se trouva le 17 mai à la
bataille de Charleroy avec les hussards de Blankenstein, fut
fait prisonnier le 18 mai, envoyé à Cambray, puis de là à
Paris et conduit à l'hôtel du Luxembourg. Là se trouvaient
— 177 —
beaucoup de prisonniers Allemands, entr' autres: un comte de
CoUoredo Mansfeld, deux comtes de Linauge Westerburgund,
le prince de Wind-Runkel. Sa fuite préméditée ainsi que
ceile de ces seigneurs fut empêchée par la surveillance d'un
jeune sergent.
Dans la nuit du 17 juin 1793, Holder se sauva pourtant en
société du comte de CoUoredo Mansfeld, d'un comte de
Linauge Westerburgund et du prince de Wind-Riinkel. Il
entra alors dans le régiment des chasseurs Leloup, entière-
ment composé de Tyroliens, avança comme chasseur d'élite
et fit partie de la compagnie Borke qui, le 18 septembre 1796,
formait la tête de l'avant-garde Autrichienne , et qui depuis
la défaite à la Bahn, suivait les Français sur les talons.
Comme Holder et son camarade Rolof cachés sur les hau-
teurs de Hôchstembach derrière d'épais buissons, virent les
officiers Français qui se tenaient auprès d'eux, Holder crut
reconnaître dans Marceau, qui montait un cheval blanc, en
ayant perdu un noir dans l'attaque contre les Autrichiens, le
sergent qui s'était opposé à son projet de fuite de l'hôtel du
Luxembourg et avait par le fait prolongé sa captivité.
C'est pourquoi il doit, dans ce même moment, avoir juré
de se venger et être convenu avec son camarade Rolof que
ce dernier tirerait sur l'adjudant du général qui se tenait
près de Marceau en brillant uniforme et qu'ils prenaient pour
le général, tandis que lui-même tirerait sur Marceau avec
lequel, selon son expression, il avait une noix à casser. Après
d'autres arrangements, Rolof doit avoir déclaré à Holder
« Maintenant je le jetterai à bas de son cheval blanc »
(Marceau), tandis que Holder disait : il est vraiment trop beau
et trop jeune pour devoir déjà mordre la poussière. Ils tom-
bèrent d'accord, de sorte que tous deux, Holder et Rolof,
firent feu en même temps , et Marceau blessé mortellement
tomba de cheval.
Holder et Rolof se sauvèrent alors en toute hâte à travers
les buissons de la forêt, mais ils trouvèrent dans le bois les
tirailleurs de l'armée Autrichienne desquels ils s'éloignèrent.
Cela eut lieu le 19 septembre à midi. La balle frappa Marceau
au côté de la poitrine dans la direction du cœur qui fut par là
lésé, il n'y avait pas à trouver de médecin, de sorte que le
T. XII,ilf. 12
— 178 —
général dut se servir de son propre mouchoir de poche pour
arrêter la perte du sang,
Marceau fut porté à Altenkirchen dans la maison du gouver-
neur de Pullnitz. Des soldats de l'infanterie Française s'étaient
procuré une échelle qu'ils avaient fait venir de Hochstembacb,
et ils en avaient fait un brancard sur lequel ils avaient placé
leur bien-aimé général mortellement blessé et l'avaient trans-
porté de leurs propres mains aussi rapidement que son état le
permettait et avec autant de ménagement que possible à
Altenkirchen, Il avait pour escorte des hussards Français
bruns. Après la chute de Marceau à Hochstembach, la retraite
des Français prit le caractère d'une fuite, parce que les
Autrichiens, qui arrivaient d' Altenkirchen , menaçaient de
leur couper le chemin.
Auprès de Gielotth, petit village situé à une lieue en deçà
d' Altenkirchen, il y avait déjà une telle foule que Marceau
fut obligé d'être transporté par un chemin latéral. A son
arrivée à Altenkirchen la masse des Français qui fuyaient
était si forte à la porte de la ville , qui était entourée d'une
muraille, qu'il fut impossible de songer à transporter le blessé
plus loin, mais lorsque les soldats reconnurent leur chef chéri,
ils s'écrièrent les uns, les autres, « Faites place pour ce brave
Général ».
Marceau, comme nous l'avons dit, îxxt transporté au premier
étage de la maison du Gouverneur de Poellnitz, après quoi on
fit venir plusieurs médecins militaires et le chirurgien de
l'arrondissement Mager qui examinèrent la blessure du
Général, et bien qu'elle fut reconnue mortelle, ils donnèrent
les plus grands soins au blessé. Lorsqu'au matin du 20 septem-
bre, les Autrichiens parurent sur les hauteurs d' Altenkirchen,
les Français se retirèrent. Marceau ne pouvant être transporté
fut abandonné à la générosité de l'ennemi. On ne laissa auprès
de lui qu'une garde de quatre hommes. Le matin du 20 septem^
bre les premières colonnes Autrichiennes entrèrent à Altenkir-
chen, et r Archiduc Charles donna f ordre de soigner Marceau
avec la plus grande sollicitude; en considération du malheur
arrivé à ce brave général, on conclut une trêve de trois Jours,
Marceau expira le 21 septembre entre S et 6 heures du matin.
Son corps fut transporté à Andernach par des soldats
Français et Autrichiens, avec tous les honneurs dus à un
— 179 —
Général en chef. A Andernach, amis et ennemis se réunirent
pour lui faire les obsèques les plus solennelles. Son corps fut
déposé plus tard sur le Petersberg près de Cohlentz et lors-
qu'un fort (le fort Français) fut construit dans ce lieu, sa
dépouille mortelle fut transportée dans une vallée adjacente.
Marceau avait un extérieur extrêmement beau, il était
d'une santé très robuste , son esprit était ardent, se distin-
guant par une fermeté de volonté au-dessus de son âge , il
était remarquable par son courage personnel et par son
caractère plein d'humanité.
Ce général fut au nombre de ceux qui par leur énergie
aussi bien que par des sentiments d'humanité parvinrent à
rétablir la discipline dans l'armée qui était sous leurs ordres
et qui surent établir une diflFérence entre des citoyens paisi-
bles et des hommes de guerre.
Ses actes de bonté et de générosité s'étendaient jusqu'aux
ennemis; à Coblentz surtout où il a fait un assez long séjour,
on conserve de lui le souvenir le meilleur. Il a sauvé plus
d'une ville des désastres affreux de la guerre, tandis que
dans les campagnes antérieures, les actes d'inhumanité
commis dans ces mêmes villes d'Allemagne, avaient fait
maudire le souvenir de plus d'un général Français.
Marceau était estimé de ses ennemis aussi bien que de ses
amis ; c'est pourquoi le gouvernement Prussien lui a fait éri-
ger un monument honorable dans l'enceinte des fortifications
de Coblentz et que les Autrichiens avec la coopération de
plusieurs officiers Français ont placé au printemps de l'année
1797, à l'endroit même où la carabine d'un chasseur tyrolien
l'avait mortellement blessé, une table de marbre monumen-
tale, dont l'inscription, en langue Française, est ainsi conçue :
ICI FUT BLESSÉ
LE 19 SEPTEMBRE 1796
MARCEAU
GÉNÉRAL FRANÇAIS
IL MOURUT ESTIMÉ, PLEURÉ DU SOLDAT
DE l'habitant ET DE L'eNNEMI.
La faux du temps a fait sentir son effet à cette inscription
et la jeunesse, dans ses ébats, s'est servie de cette table de
marbre comme d'une glissoire , de sorte que ce monument
— 180 —
tombe en ruines, bien qu'en 1837 la commune de Hôchstem-
bach Tait fait entourer à ses propres frais d'un treillage en
bois de chêne. La population de ces contrées bénit encore le
souvenir de Marceau, et sa mort tragique est encore aujour-
d'hui racontée de la même manière que nous venons de le
faire. Sa mémoire vit encore parmi ses contemporains.
Encore quelques années et la génération sous les yeux de
laquelle ont eu lieu ces événements historiques ne sera plus,
et le lieu où un héros, que le plus beau trône de l'Europe
semblait attendre, a subi une destinée inexorable sera couvert
de ronce et voilé aux yeux de la postérité , si le monument
qui lui a été érigé n'est joas restauré ou renouvelé, bien que le
Gouvernement de Nassau ait recommandé à toutes les auto-
rités du Duché de protéger cette pierre monumentale. Le
même jour où l'étoile de Marceau, qui jusqu'alors avait brillé
d'un éclat plus vif que tous les autres de la même époque,
vint à s'éteindre une nouvelle étoile paraissait à l'horizon ,
celle de Napoléon Bonaparte né le 15 août 1769. Le 19 septem-
bre 1796, ce jour fatal où Marceau fut mortellement blessé à
Hôchstembach, ce même jour Bonaparte mettait en déroute
aux portes de Mantoue l'armée Autrichienne sous les ordres
de Wiirmser et commençait ainsi une série de victoires qui le
menèrent au trône de France où comme empereur Napoléon P*"
procura aux Français l'époque la plus glorieuse de leur his-
toire, et où de nos jours son digne successeur Napoléon III
qui, semblable au chef de sa dynastie , a su mettre fin aux
troubles civils, a de nouveau conduit la France à une élévation
d'où elle commande aux destinées des nations même au-delà
de l'Europe.
Selters, le 17 août 1862. LE Comte de REISET,
Ministre de France à Darmstadt
et dans le Duché de Nassau.
Redevances au pays chartmin
DURANT LE MOYEN AGE
Dans une grande partie des chartes de donation du xi® au
XIII® siècle , on trouve cette formule , ab omni consuetudine et
exactione liberum et immunem, formule que Ton a toujours
traduite ainsi « libre et exempt de toute coutume et de toute
exaction. » C'est là assurément l'interprétation la plus natu-
relle des expressions latines , mais cette traduction littérale
rend-elle le sens qu'attachaient à ces mots les donateurs du
moyen âge ? Nous ne le pensons pas : coutume, passe encore ;
mais exaction n'est pas le mot propre. La vraie traduction
pour nous est celle-ci : « libre et exempt de toute rede-
» vance ordinaire et extraordinaire. »
Voilà donc, dès l'abord, une grande division établie parmi
les divers droits qui pesaient au moyen âge sur la propriété
et les individus : d'une part, les redevances ordinaires,
consiietiidines , coiistunifp, les coutumes, pour conserver
l'appellation généralement adoptée: de l'autre, les rede-
vances extraordinaires, cxactiones, qui ne répondent pas
toujours, comme on le verra, à notre mot moderne y*
exactions. Nous nous occuperons d'abord des coutumes,
et, sous leur multiplicité, nous reconnaîtrons qu'on peut
les ramener à quelques types principaux.
I
La plus ancienne et la plus répandue des coutumes était
a le cens, » censiis, souvenir de l'ancien impôt public des
Romains, transformé par les conquérants du sol en un droit
privé. C'était une rente due au seigneur en raison de sa su-
zeraineté sur le tenancier. Souvent, pour l'abolition d'un
— 182 —
service ou la concession d'un privilège , le roturier grevait
sa terre ou sa maison déjà chargées du cens, d'un second
cens, supercousus, « surcons ou crois de cens. » On enten-
dait au contraire par « menu cens » une somme minime,
sorte de symbole par lequel le tenancier reconnaissait que
la propriété du fonds appartenait au seigneur. Enfin, indé-
pendamment du cens qui frappait les propriétés , il en était
un autre, « la capitation, » census capitalis, capitagium, cava-
giuni, qui atteignait la personne même du censitaire '.
Ce n'était pas au reste seulement les terres, les maisons
qui devaient payer le cens , mais aussi en général tout ce
qui servait à l'exercice d'une industrie privée. Nous pour-
rions en citer de nombreux exemples ; nous ne rappellerons
qu'une charte de Geoffroi III, vicomte de Châteaudun (vers
1038) dans laquelle il dit posséder dans le faubourg de Cha-
mars le cens des chaudières des teinturiers -.
Synonymes de cens, nous rencontrons dans plusieurs
chartes les mots oblatœ, obliatœ. En 1173, Hubert de Péron-
ville déclare qu'il reçoit sur chaque maison de Péronville ,
pour droit d'oblage , 2 pains, 2 poules, 2 deniers et 2 mines
d'orge ^. En 1166, les moines de Tiron partagent avec le sei-
gneur de Langey le champart, la dîme, les oblages et le
cens de Langey*.
Dans un sens plus restreint, appliqué spécialement aux
bourgeois des villes, le cens prenait parfois le nom de burde-
sagiuni. Au mois de décembre 1214, Robert de Bapaume
donne à l'Aumône de Châteaudun 12 deniers de cens, avec
tout droit de bourgage appartenant à la censive^ Le droit
de « fouage, » feuagium, était synonyme de burdesagium.
* Nec de terra tantum, verum etiam de suis propriis capitibus censtts
annui redditus debetur,
^ Censum caldariarum iinctorum vel iinctricum , de unaquague caldaria
denarios Ulî (Arch. d'Eure-et-Loir, H. 2272).
3 Ohlatas pro singulis masuris, duos panes, duos gallinas, duos denarios,
duas minas ordei ad magnam mensuram (Arch, de la Maison-Dieu de
Châteaudun, p. 15).
* Campars et décima , obliate et census apud Langeium ( Cart. de Tiron,
II, p. 94).
^ Duodecim denarios census , cum omni hur desagio et obnoxietate ad eam-
dem censivam pertinentibus [Arch, de la Maison-Dieu de Châteaudun,^, 74).
— 183 —
Vers l'an 1100, le prieur de Saint-Denis de Nogent-le-Rotrou
donne aux fils de Bonon le meunier la maison qu'occupait
ledit Bonon, libre et exempte de cens et de fouage ^
On donnait le nom de villenagium à la tenure d'un vilain
qui la possédait sous la redevance du cens, et par suite le
mot de villenagium fut pris pour le cens lui-même : Nos tene-
nius in villenagium, id est ad censunu
Se rapportant au droit seigneurial imposé sur les im-
meubles, nous devons mentionner les droits de « lods et
« ventes et de gants, » leudumise, ventse, venditiones, venda-
gium, ganni, correspondant à notre droit de mutation actuel.
Les lods et ventes étaient la somme payée au suzerain pour
avoir le droit d'aliéner une terre dépendante de sa sei-
gneurie ; les gants étaient une redevance , souvent payée en
nature, comme épingles d'un marché. Au mois d'avril 1244,
Guillaume de Samoessel abandonne au chapitre de Saint-
Spire de Corbeil les lods et ventes dans la terre de Seine-
Port 2. Au mois de mai 1235, Aimery Oison, comme maire
d'Happonvilliers , réclame le treizième denier de toutes les
ventes faites dans l'étendue de sa mairie^. Vers 1110, les
religieux de Saint - Père donnent à GeofFroi d' Arrou , maire
de Boisruffin, les gants des ventes faites dans la terre de
Boisruffin*.
C'est encore dans le même ordre d'idées qu'il faut classer
le droit de « relevage » ou de rachat, relevatio, rachatum,
payé par tout tenancier à son suzerain au moment où il attei-
gnait sa majorité, pour être remis en possession de sa pro-
priété tombée en caducité. Au mois de juillet 1260 , Gui de
Lévis, seigneur de Mirepoix, donne à l'abbaye de Saint-Jean,
pour construire l'église d'Achères , un hébergement libre de
tout cens et de tout relevage*. Au mois de mai 1224, Amaury
' Propriam plaieam dicii BononiSj liberam et quietam ah omni censu et
feuagio (Cart, de Saint-Denis, p. 83).
2 In terra de Sacro-Portu vente, lattdumie, investiture {Cart, de Corbeil,
p. 91).
3 Tercium decimum donarium tocius vendicionis nemoris et terrarum de
Harponvilleir, quociens contingeret ea vendi (H. 3304).
* Gannos et districturas in terra de Boseo-Rufini (Cart, de Saint -Père,
p. 484).
* Herbergamentum quoddam liberum ab omni censu, relevatione, exactione,
redibentia seu costuma quacumque (H. 3333).
— 184 —
de Fréniont exempte du droit de rachat les hommes de
Pré*.
Presque aussi ancien que le cens, le droit de « dime, »
dcciinay fut constitué dans le principe pour pourvoir aux
besoins de TÉglise. L'obligation de payer la dîme, le dixième
des fruits, fut un précepte pour les tidëles plutôt qu'une loi
pour les Francs jusqu'à Charlemagne qui la prescrivit à tous
ses sujets en même temps qu'il s'y astreignait lui-même. Peu
à peu , les seigneurs usurpèrent ce droit ou le reçurent en
tief, ce qui donna naissance aux dîmes inféodées et aux
dîmes seigneuriales.
A la dîme se rattachaient les « prémices, » primitifp, droit
ecclésiastique qui se prélevait sur les premiers fruits et sur
les premières portées des animaux. Vers 1130, Guillaume,
abbé de Tiron, déclare que toutes les dîmes de Fontaine-
Raoul, tant menues dîmes que prémices, lui appartiennent-.
Les dîmes elles-mêmes se distinguaient en « grosses et
menues dîmes, » grossfp et minutai decima\ Les premières
se prélevaient sur les champs ensemencés en blés , pois ou
vesces, guède, garance, etc.; les menues dîmes frappaient
les animaux domestiques ^, le lin , le chanvre , la vigne , les
fruits et légumes des jardins, etc. On disait aussi « les vertes
dîmes » pour celles des menues dîmes qui se percevaient sur
les légumes. En 1769, le président de Meslay reconnaît que
les terres de l'abbaye de Saint-Avit à Yitray-en-Beauce sont
exemptes « de tous droits de dixmes grosses, menues et
» vertes, de charnage et autres dixmes sous quelque déno-
» mination que ce soit. » (abh. de Saint-A vit). Enfin on dis-
tinguait encore « les dîmes des novales, » c'est-à-dire les
dîmes des terres nouvellement mises en culture. Celles-ci
n'appartinrent jamais exclusivement à l'Église : créées à une
époque plus récente, elles furent dès le principe seigneu-
' A rachato et bovagio (H. 2347).
' Quod décime omnes hominum de Fonte-Radulfi , tam minute quam pri^
mitie vocantur, quam allé, sue proprie sunt (Cart, de iV.-D. de Chartres,
I, p. 128).
3 Panni les droits donnés en 4055 au prieuré de Liancourt, on voit citée la
menue; dîme des troupeaux et des chevaux, minutam decimam pecudum et
jumentorum [Cart, de Saint-Père, p. 200).
^
- 185 —
riales, propriété du seigneur, qu'il fût laïque ou ecclésias-
tique.
Chacune de ces dîmes recevait un nom particulier. La
dime sur les grains s'appelait bladeagium» messio, mestiva.
Vers 1190, GeofFroi IV, vicomte de Châteaudun, donne à
l'abbaye de la Madeleine de Châteaudun la dîme et le terrage
de tout le domaine de la Chauvelière et la mestive dudit
territoire*. On lit dans le registre des cens du comté de
Chartres : » Les coutumes des portes de Chartres appartien-
» nent à la Prévosté, c'est assavoir le deauplage, le tonli et
» le buschage et les mestives de Beauce ; mais le prévost
» paie lors le past aux mères, qui doivent avoir chacun à
» disner le jour que les mestives sont assises. »
Le « fromentage, » frumentagium . était la dîme sur le
froment. La dîme sur l'orge s'appelait ordeacum; sur les fèves
et karicots fabiaciim; sur la vesce viciaciim^; sur les pois
pisiacium ; sur les lentilles lenticularium ^.
La dîme sur les animaux en général était dite « charnage, »
carnaticum Sur les bêtes à cornes on percevait « le cornage, »
cornagium. En 1193, Louis, comte de Blois,. abandonne à
l'abbaye de Saint-Avit le cornage de sa terre, tel qu'il l'exi-
geait de ses hommes et de ses autres abbayes*. Les bœufs
payaient le droit de « bouvage, » bovagium. Au mois de
décembre 1211, l'abbé de Coulombs exempte les hommes de
Marville de la taille et du bouvage qu'ils lui payaient*. La
dîme sur les vaches s'appelait vascagium *, sur les moutons
* Decimam et terragium totius territorii de Chavaleria, tam de hibernagio
quam de avena, et mestivam de predicto territorio (Cart. de la Madeleine,
p. 45).
* En mars 1212, Etienne, maire de Champseru, vend au chanoine (îeoffroi
d'Auneau viciacum , fabiacum , ordeacum (Cart. de iV.-D. de Chartres, II,
p. 63).
3 Dans le Polyptique de Téglise de Chartres (4300), nous voyons que les
prébendiers de bouglainval possédaient ordeacium, fabarium, pisiacium,
veciacium, lenticularium (Ibidem, II, p. 291).
* Comagium terre sue, sicut a ceteriê abbatiis suis et Kominibus exigebat
[Abb, de Saint-Avit).
* A tallia et bovagio quod sibi reddebant ( Cart. de Saint-Etienne de
Dreux, fo 13, r«).
* Le 6 janvier 1049, Geoffroi, comte d'Anjou, donne aux chanoines de Saint-
Maurice d'Angers, in curte Sancti-Dionisii vaccagium totum, et frumentagium,
et multonagium, et friscingagium (Cart. de la Trin. de Vendômeyl. p. 167),.
— 186 —
ttmhonagium, sur les jeunes brebis bidennium, sur les porcs
frescennaginin et fnscingagium, sur le chanvre canabusium,
sur le lin linesium * ; sur les chardons « charderonnage. »
Toutes ces dénominations se rencontrent fréquemment dans
nos chartes et nos cartulaires.
Il serait trop long d'énumérer tous les objets sur lesquels
se percevait la dîme : nous en citerons seulement deux
exemples. En 1135, Guillaume de Vaupillon donne à Tabbaye
de Tiron le droit de dîme sur tout ce qui se faisait dans ses
bois, dans ses alleux, dans ses landes, dans ses marais, c'est-
à-dire la dîme du pasnage, des charpentiers, des charbon-
niers, des novales et de toute autre nature-. En 1097,
Hamelin, seigneur de Montigny, fait don au prieuré de
Saint-Hilaire-sur-Yerre de la dîme de tous les produits de sa
chasse '•
La perception, Tamenage de la dîme dans les granges
dîmer esses se faisaient par des agents spéciaux « métayers, »
mestivarii, délégués par le seigneur, et des droits particu-
liers pesant sur les tenanciers étaient affectés à ces offices.
Le collecteur, recevait le dixième de la dîme, redecima, et
quelquefois forragium. En 1131, Hervé de Gallardon donne
à Tabbaye de Josaphat la dîme de la dîme de la terre qu'il
possédait à Soulaires*. Le charroyeur recevait « le trait de
dîme, » tractus decimse. Cette redevance, d'abord réservée
au charroyeur, fut dans la suite possédée par le propriétaire
même de la dîme ou par d'autres personnes étrangères au
fait matériel du charriage. En octobre 1232, Girard de Luisant *
^ Au mois de mai 1213, un accord intervint entre les religieuses de Saint-
A\it et Geoffroi , maire de Rameau , ce dernier prétendant avoir le droit d'aller,
avec le serviteur de Tabbaye, percevoir la dîme dans le fief de Rameau, et
exinde habere unum agnum et unum vellus , et canabi et Uni canabusitim et
linesium [Abb, de Saint- Avit),
^ Decimam omnium que in boscisy sive in defensis, aut moriolis, vel in
gralou tune fiebant, scthcet de pasnagiis , de carpentariis, de carbonariis, de
novalibusy sivé de quocumque alio labore in ipsis facto [Cart. de Tiron,
L p. 225).
3 Decimam omnium venationum suarum , quolibet modo capte sunt
(H. 2449).
* Redecimam totius terre sue que est apud Solierrium, tam in luco quam in
piano (Cart. de Josaphat, p. 96).
— 187 —
prétend qu'à lui appartient un trait de dîme et un métayer
dans la grange des religieux de Saint-Jean à Lucé ^
La valeur de la dîme variait infiniment. Dans le principe,
comme son nom l'indique, ce devait être la dixième partie
des fruits ; mais quand la dîme eut passé entre les mains des
seigneurs, son application subit de nombreuses modifications.
La dîme des céréales se distinguait en « dîme nombrée et
portée, » numerata, illata^ c'est-à-dire comptée par l'agent
du propriétaire et engrangée par les soins du tenancier *, et
en « dîme laissée dans les champs, » reUcta in eampis, c'est-
à-dire à l'engrangement de laquelle les tenanciers restaient
étrangers. Généralement, ces dîmes se payaient à la
onzième gerbe; pourtant, certaines terres ne devaient à
titre de dîme qu'une ou deux gerbes par setier ; d'autres
acquittaient seulement une demi-dîme, c'est-à-dire la vingt-
unième gerbe.
Nous citerons quelques exemples tirés du riche chartrier
de l'abbaye de Saint-Avit, afin de montrer quelles variations
subissait la perception de la dîme. Au mois de mai 1219,
Henri de Montreuil, sénéchal de Mondoubleau, consent que,
pour droit de mestive , il lui soit payé par les hommes de
Saint- Agil, par chaque habitant cultivant avec ses propres
bestiaux, un setier de seigle et une mine d'avoine , et par
ceux qui ne cultivent qu'avec des bestiaux d'emprunt une
mine de seigle et une mine d'avoine *. — Au mois de no-
vembre 1241 , il est convenu que les hommes possédant des
vignes depuis Sain t-Denis-les-Ponts jusqu'à Châteaudun, et à
Ségland et à Botain, paieront pour la dîme 5 sous par arpent,
tandis que ceux qui ont des vignes au-delà de Saint-Denis,
à Toriau et à la Chapelle-du-Noyer ne paieront que 4 sous.
* Quod debebat habere tracium décime et unum mestivarium in granchia
monachorum Sancii-Johannis que sita est apud Luceium {Cart, de Saint-
Jean, fo 12 V»).
3 En 1212, Jean d'Auzaiuville reconnaît que Fabbaye de Saint- Jean doit avoir
le champart et la dime nombrée sur une terre qu'il lui a vendue , in terra ven-
dita campipartagium et decimam numeratam cum omni dominio (H. 3275).
^ Pro mestiva, ab unoquoque hospicium tenente qui cum propriis bestiis
ierram excolet unum sextarium siiiginis et unam minam avene , et ab alio
homine ^ui iuam terram per aecommodationem bestiarum excolet unam
minam stliginis et unam avene.
— 188 --
— En 1759, les religieuses de Saint-Avit font un accord avec
le président de Meslay pour les dîmes de la paroisse de
Vitray-en-Beauce : il est arrêté entre les parties que le pré-
sident percevra les grosses dîmes à raison de 4 gerbes pour
chaque setier ensemencé en blé ou en mars et 4 roulions pour
chaque setier ensemencé en pois ou vesces ; que les menues
dîmes des lins , chenevières , chanvres et clausages se paie-
ront à la treizième gerbe; les menues dîmes de veaux à
raison d'un fromage par chaque vache ; les menues dîmes
des cochons et oies à raison du treizième ; les menues dîmes
des vignes à raison de 4 pintes par poinçon; les menues
dîmes des bêtes à laine sur pied d'un sou par mouton, brebis
ou agneau.
Le paiement de la dîme et des autres redevances se faisait
ordinairement à la Saint Rémy : cependant, nous voyons
indiqués dans certaines chartes les termes de Noël et de la
Saint Jean-Baptiste, et aussi, quand il est question des droits
appartenant à des abbayes, les jours de fête de patrons de
ces abbayes, Saint Avit, Saint Etienne, etc.
Ce que la dîme était pour l'Église, « le champart , » cam-
pars, campipars, Tétait pour le seigneur. Les mêmes terres
étaient d'ailleurs souvent assujetties à l'un et à l'autre droit,
et il arrivait fréquemment des discussions entre le champar-
teur et décimateur. Pour prévenir ces constes.tations, les par-
ties intéressées exigeaient que les serviteurs chargés de la
perception offrissent toutes les garanties de probité. Adam
d'Ouarville possédait le champart à Ouarville de plusieurs
terres dont la dîme appartenait au prieur du lieu : au mois
de mars 1212, il fut convenu Qu'avant de recevoir les gerbes
du champart , le serviteur du seigneur d'Ouarville prêterait
serment au prieur de lui faire connaître exactement le
nombre de gerbes recueillies (H. 3467). Le salaire de ce ser-
viteur était réglé à l'avance et payé par le tenancier * ; c'était
une redevance appelée numeragiiim-.
* Serviens campipartor unum annone sextarium pro campipartagio habebit
{Cart.deJosaphat,i^.bO),
'Au mois d'août 1238, Raoul Maunoury abandonne à l'abbaye de Saint-
Jean numeragiuméBt campipartem et generaliter omne jus qmd habebat apud
Amervillam (H. 3229).
— 189 —
Le champart avait pour synonymes « le terrage, » terra-
gium, terradium^ « l'agrier, » agraria, « le. deauplage, »
diablagium. Vers 1100, Robert, prévôt de Ceton, donne au
prieuré de Saint-Denis de Nogent-le-Rotrou le terrage et la
dîme de Cohemont-. Vers 1120, les religieux de Saint-Père
baillent à rente une terre à Encherville, à condition que
chaque année ils en recevront Tagrier ^. Thibaut Gaudin, en
1236, donne à Fabbaye de Marmoutier le deauplage qu'il
percevait au terroir de MaroUes^.
Les trois coutumes dont nous venons de parler, le cens,
la dîme et le champart pesaient sans exception sur toutes
les propriétés du tenancier : elles étaient dues à tous les
suzerains, quels qu'ils fussent. Il n'en était pas de même
d'une foule d'autres droits, soumis le plus souvent à la volonté
arbitraire du seigneur. Plusieurs chartes, fabriquées au
XV® siècle et ayant la prétention de remonter au XIIP siècle,
nous donnent une énumération de coutumes dont les sei-
gneurs exemptent les hommes des abbayes demeurant dans
leurs domaines. Nous voulons parler des chartes soi-disant
octroyées à l'abbaye de Tiron par les comtes du Perche , les
vicomtes de Châteaudun, les seigneurs d'IUiers, d'AUuyes,
etc. (Voir Cart. de Tiron, II, p. 39). Par ces actes, les
hommes du monastère de Tiron sont affranchis a pedagiis,
traversibus, barragiis, rotagiis, portuagiis, transitibus^ chan-
telagiis, corveiis, talliis, ponthiagiis, corvagiis, fetagiis,
biannis , foagis , tabernagiis, mensuraghs , ponderibus et pon-
deragiis, foragiis, vini venditionibus , stalagiis, tonleiis,
plateagiis, havagiis, toUuris, bladeagiis, pavagiis, boisselagiis,
moUuris, corrodiis, corratagils, vendagiis, pastis procurationi-
busqué, quadrigagiis, salagiis, furnoruni, molendinoruni, taber-
narum, torcularium bannis, vicoruni, pontium, itinerum,
villarum et castrorum reparationibus , et eorum custodiis,
vigiliis et gueto.
J « Terrage et champart, qui est la même chose » [Coutume de Dunois).
^ Terradium et decimam in villa de Coshamone [Cart. de Saint Denis,
p. 97).
3 Quod ex ea agraria annua revolutione reddatur (Cart, de Saint-Père,
p. 489).
^ Totum deablagium quod percipere solebat in toto territorio de Mareoles
[Cart. Blésois, p. 216).
— 190 —
Voilà une énumération qui assurément peut effi*ayer tout
d^abord : mais un grand nombre de ces droits ne sont que la
répétition les uns des autres, et la plupart n'étaient exigés
que dans des cas particuliers. Nous tâcherons de définir en
quoi consistaient ces diverses redevances ; mais, parmi
celles-ci, il en est quatre qui offrent un caractère plus général
et sur lesquelles nous devons davantage nous appesantir, ce
sont le tonlieu, le terceau, la voirie et la moute.
Le « tonlieu, » teloneuni, était un droit de douane perçu
exclusivement dans le principe sur les marchandises trans-
portées par eau^ On trouve également dans le même sens
le mot vuUagium. Vers 1110, Pierre le Baube donne à Tabbaye
de Marmoutier le vuUagium des navires et de toutes les
choses qui seraient apportées à Marmoutier-.
Le droit de tonlieu s'étendit bientôt sur toutes les mar-
chandises, qu'elles fussent amenées par terre ou par eau.
Dans un accord passé entre Guillaume Gouet et les religieux
de Saint-Romain de Brou vers 1115, il est dit que Guillaume
Gouet prendra le tonlieu sur tous les étrangers qui apporte-
ront des marchandises dans le bourg de Saint- Romain,
tandis que les religieux le percevront sur les objets vendus
et achetés par les hommes dudit Guillaume '. Vers la même
date, Joslein, fils d'Henri, vicomte de Mortagne, donne au
prieuré de Saint -Denis de Nogent le tonlieu de tout ce qui
sera vendu ou acheté à Flacey*.
Plus tard, le tonlieu s'entendit des droits de marché et fut
imposé sur les bestiaux et autres objets vendus dans les
marchés et dans les foires. « Tonlieu, c'est coustume de
marché. » (Cart. du Bec). Vers 1229, Thibaut IV, comte de
^ Vers Tannée 1100, Adèle, comtesse de Chartres, donne à l'abbaye de
Marmoutier tdoneum quod erat solita una navis reddere ad portum Ble»msem
(Cart, BUsois, p. 10).
3 VuUagium de navigiis et omnibus rébus que ad Majus Monasterium
apportarentur {Cart. Blesois, p. 119).
3 Ab omnibus extra venientibus, si aUmUd vénale attulerint et in burgo
Sancti' Romani vendiderint, Guillermus ab ipsis teloneum accipiet; monachi
vero a burgensi Guillermi, si emerit vel vendiderit (Cart. de Siànt-Père,
p. 473).
* Teloneium de omnibus quicumque apud Flaciacum aliquid vendiderint
vel emerint {Cart. de Saint-Denis^ p. 169).
— 191 —
Champagne, donne à son clerc, Etienne de Provins, le ton-
lieu des pommes, de la basanne et de la pelleterie de Provins.
« Le péage , » paagium, pedagium, exitus, était une forme
du tonlieu, et même en certains cas était pris pour le tonlieu
lui-même, teloneum quod vulgaritev dicitur paagium. Dans son
sens primitif, le péage était un droit de circulation dû pour
les marchandises transportées à dos d'hommes ou d'animaux,
par opposition au rouage, qui se percevait sur' les voitures.
Plus tard, le péage s'entendit de tout droit de circulation.
En 1190, Ives de Vieuxpont abandonne au prieuré de
Chuisnes le péage que devaient les hommes dudit prieuré ,
péage que Ton appelle sortie ^ Le 17 avril 1289, Guillaume
de Vieuxpont, seigneur de Courville, accorde au prieuré de
Saint-Nicolas de Courville, « pendant cinq sepmaines, Tas-
» siette des paages, de prendre toutes manières de coustumes
» et toutes manières de paages, par tous lieux où l'en peut
» et doit recevoir paage hors la ville à chemin paager. »
(H. 3402). Le péage n'était parfois que temporaire. Au mois
de mars 1262, Thibaut V, comte de Champagne, voulant se
procurer la somme nécessaire pour réparer les rues de
Meaux, fait poser dans cette ville des chaînes et y établir
"des péages qui devaient durer six ans.
Un titre de 1423, conservé dans le chartrier de l'abbaye de
Bonneval et relatif au prieuré de Saint-Sauveur de Bray,
membre dépendant de cette abbaye, nous renseigne complète-
ment sur le droit de péage. Nous voyons par là que c'était,
à peu d'exceptions près, notre droit d'octroi, représenté
avant la Révolution par ce qu'on appelait les Pancartes des
seigneuries. Nous croyons intéressant de reproduire ce
document. « C'est le droit que l'église de Saint-Sauveur a
» acoustumé'de tout temps de prendre et lever au péage de
» la ville de Bazoches. Premièrement, chaque cheval portant
» bât passant par les rives du dit péage 1 den. ; une jument
» ob. ; un bœuf ou toreau den.; la vache, soit grande ou
^ Pedagium quod ah hominibus Chonie iUi reddebatur, quod homines ejus-
dem ville exitum vocabant (H. 2310). — Le mot exitus se rencontre ailleurs.
Vers 1095, Chrétien, prévôt de Robert de Belléme, prétendait percevoir le
droit de sortie sur les hommes qui achetaient du blé dans le cloître de Saint-
Léonard de Belléme, in hominibus qui annonam in claustro Sancti Leonardi
emebant exitum accipere voluit (Cart. pour le Perche, p. 30).
— 192 —
» petite, ob. ; la vache à veau qui allaite, la mère acquitte le
» veau; le porc mâle den. ; la femelle ob. ; un mouton den. ;
» une brebis ob. ; un char, quelques denrées qu'il meine,
» 8 den. ; une charrette, quelques denrées qu'elle meine ,
» 4 den. ; un lit estant en charrette ou en char ou sur un
» cheval 4 den. ; un bouc ou un daim den. ; une chèvre ob. ;
» une pelle ferrée ob. ; un trépied ob. ; un grez ob. ; une
» seille à eau ob. ; une civière ob. ; un berceau pour coucher
» un enfant ob. » (H. 120G).
Ces redevances perçues sur tous les charretiers, rouliers et
autres, venant, traversant et sortant chargés des lieux
soumis au péage, portaient le nom de « grosses coutumes , »
par opposition aux « menues coutumes , » qui frappaient les
menues marchandises étalées et vendues aux halles et
marchés.
a Le travers, » transversum , était un droit perçu sur les
marchandises transportées à travers les terres d'un seigneur,
d'un lieu dans un autre, principalement au passage des
rivières. En 1218, Thibaut VI, comte de Blois, confirme à
l'abbaye de Saint-Laumer de Blois 10 livres parisis sur le
péage et le travers de Creil \ Avec le même sens que le
travers, nous rencontrons le droit de « passage, » passagium.
En 1122, Henri, roi d'Angleterre, affranchit les lépreux du
Grand-Beaulieu du tonlieu, du passage et toute autre coutume^.
Le tonlieu perçu spécialement pour le passage des ponts
s'appelait ponthmgium , celui pour la traversée des places
plateagium, pour le débarquement des marchandises, portua-
gium et caiaglum.
Si nous examinons maintenant le tonlieu dans son sens le
plus moderne , le droit des foires et marchés , nous verrons
qu'on payait un droit « d'étalage, » astaïagium, stalaglum,
pour l'usage des étaux et boutiques. Vers 1100, Aimery
Guimard, seigneur de Lavardin, donne au prieuré du dit lieu
l'étalage du pain vendu à Lavardin ^. En 1476, les religieux
^ Decem lihras parisiensium in pedagio et transverso de Credulio [Hist. de
Saint Laumer, p. 168).
3 De theloneo et passagio et omni consmtudine (Cart. du Grand-Beaulieu,
p. 368).
^ Astaïagium de pane quod colligitur per lotum castrum Laverzini {Cart.
Vendômois, p. 324).
— 193 -
de Saiot-Calais déclarent posséder le droit « de lever la
» coustume ou estalaîge au bourg de Montailler des denrées
» vendues et estalées a rassemblée du dit bourg » (Cart, de
» Saint-Calais, p. 11). En 1604, Charlotte des Ursins,
comtesse d'Auchy, avoue avoir droit de prendre, à cause de
3a châtellenie de Ferrières, « sur tous les maistres du mestier
» de boucher du bourg, de Chambrais pour leurs estaux et
» estallages 12 solz par chascun an, sur les bouUengers,
» drapiers, cordonniers, merciers, chandelliers et autres
» mestiers d'estalliers , aussi au dit bourg, 4 solz 2 deniers
» pour estallage. »
Les marchandises qu'on exposait en vente dans des
boutiques étaient soumises au droit de « fenestrage, »
fenestraghim. En 1302, nous trouvons cette mention: « à
A Chasteauneuf, le fenestrage se paie par chascune personne
» qui vent pain à fenestre. » Ailleurs, on voit ce droit perçu
pour des fromages, œufs et harengs, « vendus à fenestre
V bâtarde.
Le droit sur le poisson s'appelait c maraige. » Une place
assise au Vieux Marché de Châteaudun , appelée « Festau au
» maraige, » était chargée de 13 s. 6 den. de maraige envers
le vicomte de Châteaudun {Notaires de Châteaudun, année
1371). Saîagium était le droit perçu sur le sel; corratagium,
sur les cuirs.
D'autres redevances étaient encore payées pour les objets
apportés au marché : c'était d'abord le droit de « pesage , »
ponderagium, nommé perreya à Chartres \plumbata à Nogent-
le-Rotrou ^. Avec le droit de pesage étaient perçus les droits
de « mesurage, » mensuragium , de « minage, » minagium^,
* Prope portam Guillelmiy est quidam locus qui voeaiur Perreya, ubi ven-
duntur et pondêrantur lane qtte vocantur aigDelins ; que perreya est comitis
eamotensxs (Cart, de iV.-D. de Chartres, II, p. 420). — Le droit de perrée
existait également à Provins. « Les officiers des comtes de Champagne pesaient
» les laines dans neuf maisons différentes, six dans la vallée et trois au chàtel ,
)> et le comte percevait à Thôtel des Ouches un denier pour chaque pierre de
n poids » (Htst. de Provins, par Bourquelot, I, p. 418).
3 Le 20 septembre 1240, Jacques, seipeur de Ghâteau-Gontier, reconnaît
3u'il reçoit des hôtes du prieuré de Saint-Denis de Nogent ementibus in villa
e NogentOy in die mereatiy ad pondus quod plumbata vuigariter appeUatur,
duos solidos pro una plumbata {Cart. de Saint-Denis, p. 220).
3 Au mois de juin 1265, Jean de Châtillon déclare que les moines de Saint-
T. XII, M. 13
— 194 —
parce qu'on se servait de la mine pour mesure, de
« boisselage » boessalarium ^ mot qui dérive du boisseau qui
était employé dans le mesurage.
« Le terceau, » tercolagium , était une redevance généra-
lement prélevée en nature par le seigneur sur la vendange
ou le vin nouveau de ses tenanciers. Au mois de juillet 1250,
Barthélémy le Drouais donne à Renaud, maire de Saint-Prest,
le terceau de quatre arpents de vigne sis au Puits-Drouet 2.
Le droit payé pour la vendange elle-même s'appelait vinde-
miagium^. On nommait « pressurage, » pressoragium , la
redevance que chaque tenancier devait au seigneur pour
faire son vin au pressoir banal. Au mois de juillet 1221, les
religieux de Saint- Vincent-aux-Bois cèdent à ceux de Saint-
Père la dime et le pressurage à Sèche-Côte *.
Dans presque toutes les seigneuries existait le droit de
« ban-vin, » c'est-à-dire que, pendant un certain temps (40
jours généralement), le seigneur avait seul droit de vendre
du vin, à l'exclusion de tous autres. Pour proclamer ce ban ,
pour annoncer chaque jour le prix auquel le vin serait
vendu, pour faire la livraison du vin, le seigneur avait un
serviteur spécial appelé « tavernier, » et à ce serviteur était
allouée une redevance supportée par les tenanciers ; cette
redevance est mentionnée dans nos chartes sous le nom de
« criage, » criagium, levagium doliovum ^. '
Père sont en droit percipiendi coustumas tjue vocantur tonleium et minagium
de omnibus rébus venditis et mensuratis m domibus et plateis eorum (Cart,
de Saint- Père , p. 707). — En 1203, Jean, seigneur de Beaugency, accorde
aux religieux du Saint-Sépulcre de Beaugency le droit de percevoir minagium
omnium leguminum, vicie et milionis^ cum mina et boisseUis suis {Cart, de
la Trin. de Vendôme^ III, p. 14). — - Le serviteur qui percevait le minage s'ap-
pelait mtna^tator, c'est lui qui, en rémunération de son travail, percevait la
redevance.
^ Vers 1140, Thibaut IV, comte de Blois, déclare qu'il possède dans la ville
de Bonneval boessalarium, quod, quando primo fuit imfositum, solvebatur
una mina de modio et dimidio bladi^ ordei, avene, ptsorum, fabarum et
et cujuscumque grani, modo accipitur de modio una mina (H. 613).
* Tercolagium vini quatuor arpentorïtm vinearum sitarum apud Puteum
Droeti (Abbaye de l'Eau),
^ En 1184, Rahier de Montigny abandonne à l'abbaye de Marmoutier censum
et fenagium et vindemiaqium burqi monachorum apud Montiniacum
(H. 2359).
* Decimam et pressoragium in territorio de Sieca-Crusta (H. 3962).
■ Rahier de Montigny, en donnant à Maiinoutier en 4184 le boiirg de
— 1% -
t.e commerce du vin était d'ailleurs soumis à plusieurs
droits qu'il est assez difficile de distinguer les uns des
autres et qui ne différaient peut-être que de nom. C'était les
droits de « jaugeage, » ou de jalaie S » de « vin âge, »
vinagium^^ de « courtage, » corrataffium , de « chantelage, »
chanteîagium *, de « forage, » foragium, de « pertuisage, »
pertuisagium, de « boutage^ » botagium*.
Les droits de tonlieu et de terceau , avec leur divers syno-
nymes ou tout au moins leurs divers analogues figurent dans
un nombre de titres assez grand pour prouver combien ils
étaient universellement répandus. Une autre redevance, assez
fréquente aussi, est la « voirie, » vîaria, viatoria. Ce
terme s'entendait pour tout ce qui concernait la voirie en
général, et la redevance était due à tout seigneur « voyer, »
c'est-à-dire à tout seigneur ayant la basse justice sur les
terres des tenanciers. En 1191, Jean de Friaize abandonne au
Chapitre de Chartres tout le droit de voirie qu'il avait dans
la terre de l'église de Notre-Dame *. Vers 1125, Armand de
Chevillon exempte la terre de l'abbaye de Saint-Jean à
MontigDv, se réserve, quando bannum suum erit^ costumam de hominibus
burgi majoris-Monasterii tt criagium tabemarii sui (H. 2359). — En
1207, Jean, comte de Vendôme, donne au prieuré de Lavardin criagium vint,
leva^ium doliorum et ipsius vint, et omnes consuetudines et costumas tam
vint quam bladi apud Lavarziacum {Cart. Vendômois, p. 342).
^ En 1458, le prieur de Meslaud avoue » avoir ung droit spécial nommé^
» jalaie, qui est tel, c'est assavoir que, quant aucun vend ou fait vendre en la
» justice audit prieur tonneau de vin à destail, il est tenu paier au dit prieur
» une jalaie de vin contenant 8 pintes » (Cart. ÈlésoiSy p. 431).
2 « Les droits de vinage se doivent paier à bord de cuves, et ne peut tirer le
» détenteur son vin sans avoir premièrement paie le dit vinage. » (Cart, de
la Trin. de Vendôme, III, p. 167).
3 En 1232, les religieux de Bonneval abandonnent à Tabbaye de Saint-Père
chanteîagium quod petebant de vino abbatie Sancti-Petri apud Bonamvallem
[Cart. de Saint- Père, p. 638). — « Se uns bourgoys de Paris achète vin à
» Paris dedans la ville et le vend dedans la ville , il doit droit de chantage :
» tous ceux qui paient le chantelage ont droit d'ôter le chantel de leur tonneau
» et la lie vuider. »
^ Au mois d'août 1243, Simon, seigneur de Beaugency, reconnaît devoir à
Tabbaye de Beaugency quatuor modios vini in botagio de Travers et quadra-
ginta solidos in pedagw Ligeris {Cart, de Beaugency, p. 22). — « Le sei-
» ^eur de Lignières en Berry a droit de boutage , quand les hommes du dit
» lieu vendent en gros ou en détait un tonneau ou poinçon de vin. >
* Totam viariam quam in terra eccksie Beate-Marie Camotensis habebat
(Cm, de N.'D, de Chartres, I, p. 225).
— 196 —
Emerville du droit de voirie et de toutes coutumes *. Au
mois d'août 1211, Foucaud de Hauville renonce en faveur des
religieux de Saint-.Tean à la voirie qu'il avait à Hauville-.
Une des formes les plus ordinaires de ce droit de voirie
était la redevance appelée « rouage, » rotaticum, votagium.
C'était à proprement parler une taxe levée sur les voitiu*es à
titre d'indemnité pour les dommages que les roues causaient
aux chemins. Dès 924, Raoul, roi de France, donne à l'abbaye
de Saint-Laumer de Blois toutes les coutumes par terre et
par eau, la vicairie, le tonlieu, le rouage, le ban ^. En 1176,
Henri, comte de Champagne, aumône au chapitre de Saint-
Quiriace de Provins le rouage des charrettes apportant des
vins du dehors*. Dans la confirmation par Louis VI à l'abbaye
de Saint-Père du prieuré de Saint-Paterne d'Orléans, en
1115, le roi défend de réclamer le rouage aux hôtes dudit
prieuré*. En 1557, le prieur du Saint-Sépulcre de Chàteaudun
baille pour 12 livres par an la ferme du rouage et du lignage
qui lui appartiennent en la ville de Chàteaudun (H. 2660).
Au droit de voirie nous rattacherons la redevance appelée
faîtage, » festaghim, une des plus souvent mentionnées dans
nos chartes. C'était une certaine somme payée pour la faculté
de construire et de posséder une maison dans une ville ou
dans un bourg. Au mois d'avril 1230, Jean de Friaize donne
au prieuré de la Bourdinière 5 sous de rente sur ses cens et
faîtages de Charray *.
Tous les moulins étaient soumis à un droit appelé « monte »
ou « moulage, » molta, nioUura, molturengia, et aussi farina-
giuDi, monnagium et molneragium'' ^ droit qui était payé par
^ A bannearia et viaria et omnibus consuetudinibus (H. 3229).
3 Viatoriam quam habebat apud Hauvillam (H. 3210).
3 Omnes eontuetudines ipsius terre et aque, videlicei viairiam, theloneum,
rotaticum j bannwn {Hist, de Saint-Laumer, p. 95.)
^ Botagium qmdrigarûm atiunde vina deferentium (Cart, de Saint-
Quiriace de Provins).
^ Ut nuUus présumât clamare rotagium, (oragium, bannum, talliam in
hospitibus qui ibi hospitabuntur (Cart, de Saint-Père^ p. 456).
" Quinque solidos in censibus et festagiis suis de Karreto (Prieuré de la
Bourdinière),
' L'expression molneragium s'ap^iquait aussi à Toffice de meunier et avait
pour synonyme jundragium, Molendinorum curam sive custodiam quod moine-
— 197 —
les usagers des dits moulins. Tout le blé récolté dans
retendue de la seigneurie devait être moulu au moulin
banal : si , avant d*être transformé en farine , le blé était
exporté hors du ban, il n'en devait pas moins le droit de
moute au propriétaire du moulin.
La moute se distinguait en « moute mouillée, » pesant sur
les personnes et les habitations, et « et en moute sèche, ^) due
par les terres labourées * . On disait aussi « la moute
> cherchée, » molta qiisesita, ainsi nommée parce que, le
moulin n'étant pas banal , le meunier avait la charge d'aller
solliciter la pratique et de rapporter la marchandise, par
opposition à « la moute non cherchée , » molta non qiiœsita,
perçue dans les moulins banaux où les tenanciers étaient
tenus de conduire eux-mêmes leurs grains.
En 1232 , le clerc Hugues vend au prieuré de BrezoUes le
quart du droit de moute qu'il percevait sur deux moulins à
BrezoUes ^. Au mois d'octobre 1212, les religieux de Saint-
Vincent-aux-Bois consentent à remettre aux boulangers de
Châteauneuf un boisseau sur trois que lesdits religieux
avaient coutume de prendre par six setiers pour droit de
moute sur le moulin de Monneaux ^. En 1225, Hamelin,
seigneur de la Milesse, achète des meuniers de Neuville-sur-^
Sarthe le tiers de la moute des moulins dudit Neuville *.
Ce n'était pas seulement sur la farine que se percevait le
droit de moute, mais sur tout ce qui était ouvré dans les
moulins. Le 5 mai 1216, Thomas, comte du Perche, donne à
Eudes Grandin la moute des moulins du bourg Neuf et du
ragium sive jundragium dicitur (Cart, de Saint Père, p. 306). Une partie
du droit de moute était parfois attribuée au meunier.
^ En 1604, Charlotte des Ursins dit avoir « droictm*e de moultes sèches sur
» les teneures de la baronnie de Ferrières, lesquelles moultes se payent aux
» trois festes de Tan, savoir est Pasques, my-aoust et Noël ; au moyen de quoi
» ses hommes subjectz aux dites moultes ont droicture de mouldre à chacune
» des dites fêtes 16 boesseaux de bled ou aultre grain. »
^ Quartam partem mtdture sive farinagii quam habebat in duobus molen-
dinis apud Brurolas (H. 411).
^ De tribus busseUis que de sex sexiariis in molendino Molnel pro molitura
capiebant (H. 3933).
^ Tertiam partem monnagii molendinorum apud Novam-ViUam-super-
Sartam (Cart, de Tiron, II. p. 136).
— 198 —
bourg des Prés à Nogent-le-Rotrou , tant sur les draps que
sur les blés^
Nous rattacherons au droit de moute dû pour le blé moulu
dans les moulins le droit de u fournage, » fornagium, fiirna-
gium, redevance que les sujets banniers payaient au fournier
ou boulanger du four banal pour la cuisson de leur pain.
Vers 1100, Gautier de Montmirail accorde aux religieux de
Saint-Denis de Nogent le privilège de cuire leur pain à son
four sans payer le droit de fournage-. Vers 1115, les religieux
de Saint-Père construisent un four à Champhol et décident
que, par chaque fournée, il sera payé un pain, alternativement
blanc ou bis ^. Dans une charte de 1202, nous voyons que la
maison où demeurait la mère de Jean le Roux, seigneur de
la Moutonnière, devait aux religieux de Vieuvicqle fournage
et la moute de tout le blé qui sera employé pendant une nuit
dans la dite maison *.
Le droit de fournage était quelquefois perçu directement
sur les boulangers. En 1443, le prieur de Lavardin « a droit
» de prendre sur chacun talmenier, boulanger, pannetier,
» demeurant à Lavardin, qui font pain pour vendre à détail,
» par chacune sepmaine oii ilz ont fait le dit pain, une maille
» de rente ou une maillée de pain » [Cart. Vendômois,
p. 266).
Ce sont là les coutumes les plus généralement répandues ;
mais il en était un grand nombre d'autres que nous devons
également signaler. Prenons d'abord le régime des bois et
des forêts, et nous allons voir combien de redevances diverses
étaient attachées à la jouissance de cette sorte de propriété.
Il était interdit à tout possesseur de bois de faire aucune
coupe, de vendre aucune parcelle ou de la mettre en culture
sans l'autorisation préalable du seigneur suzerain : c'est
^ Molneragium molendinorum de Nôgento-Rotrodi secundum consttetudinem
ville^ et moltam de burgo Novo et de burgo de Pratis , tam in drapis quant
in bladis (Cart, des Clairets, p. 76).
2 Panem eorum in fumo suo eoquere sine fomaqio [Cart. de Saint-Denis^
p. 167).
3 Ut (f^ecumque fumeia, sive unus sive plures eam facianty unum panetn^
altéra vtce de albOy altéra bisOy reddat (Cart, de Saint-Père, p. 308).
^ Fumagium et multuram de iota annona que in una nocte in dicta domo
fuerit (H. 2502).
— 199 —
ce qu'on appelait le droit de « danger, » dangerium ou
de « gruerie, » griaria, gviagium. Au mois de mars 1319,
Philippe lY reconnaît que les chanoines de Chartres
possèdent les bois dlngré libres de gruerie, de danger et de
toute redevance quelconque ^ Au mois de mai 1222, Amaury,
seigneur de Montfort, consent à ne réclamer aucun droit de
garde ou de gruerie dans les bois appartenant aux religieux
des Moulineaux*. Le 11 mai 1282, Raoul, seigneur de Beau-
gency , renonce , en faveur du prieuré du Saint-Sépulcre de
Beaugency, au droit appelé, gruerie en la paroisse de Saint-
Laurent-des-Eaux ^.
L'abandon de ces droits se traduisait ordinairement par
une redevance payée au seigneur ; mais ce n'était pas la seule
coutume pesant sur les propriétaires roturiers des forêts. En
retour de la permission que le seigneur leur accordait de
couper du bois pour leur usage ou pour la vente, ils devaient
payer le droit « de lignage, » lignagiunu Au mois d'août 1218,
Isabelle, comtesse de Chartres, donne à Philippe Couriaud
100 sous à prendre sur le lignage qu'elle reçoit à la porte des
Epars *. Nous trouvons dans le chartrier de l'abbaye de
Saint-Avit une véritable pancarte du droit de lignage-
En 1408, Guyot de Courtalain vend à Jeanne de Chantemesle
c< tout et tel droit de lignage que le dit Guiot avoit et prenoit
» chacun an à Pons, en la paroisse de Saint- Avy emprès
» Chasteaudun : premièrement, pour une charreste qui maine
» bois carré 1 den. ; pour une charreste qui maine bardeau
» 1 den. ; pour une charreste qui maine essaune maille ; pour
» une charreste qui maine pouldre maîUe ; pour une charreste
» qui maine bois à feu 1 busche; pour chacun cheval, jument
» ou asne qui mainent bois pour vendre, chacune d'iscelles
^ Absque griagio vel dangerio et redibencia ac dominio quibuscumque
{Cart, de N.-D. de Chartres, II, p. 261).
2 Quod gardant vel griariam vel àliud jus non poterit redamare {Cart. des
Moulineaux, p. 13).
3 Juri quod vocatur griagium, in parrochia Sancti-Laurentii-de-Ereolis,
videlicet quod monachi non poterant vendere, donare dicta nemora, nec dictas
terras reaucere ad cuUuram, sine ejus assensu et voluntate (Cart. de la Trin.
de Vendôme, III, p. 170).
* Percipiendos in lignagio suo quod recipitur in porta de Exparris
(Abbaye de Œau).
— . 200 —
» bestes à somme doivent 1 tizon ; quand ilz ne mainent que
» pour leur user ilz ne doivent rien : une charreste qui maine
» fagoz 1 fagot; une charreste qui maine seilles ou boessaulx
» peliez doit ung chef-d'œuvre pour toute l'année; cheval,
» jument ou asne qui mainent seilles, boessaulx, barilz ou
» penniers peliez doivent ung chef-d'œuvre pour toute
» l'année ; une charreste qui maine charnier pour vignes
» doit demi-cent de bastons; cheval, jument ou asne qui
» mainent charnier doivent 1 chiquet, lequel fait 13 bastons ;
» charreste, cheval, jument ou asne qui mainent balaiz
» doivent 1 ballay; charreste, cheval, jument ou asne qui
» mainent corbeilles ou corbeillons doivent un chef-d'œuvre
» pour toute l'année : une charreste qui maine huches doit
• 1 denier. »
Sur les charbons et les fagots se percevait le droit de
« buschage, » (Reg. des cens du comté de Chartres). « Le
» plessage, » plessagiuni, était imposé sur les branchages
destinés aux haies et aux clôtures. Enfin une redevance que
nous n'avons trouvée mentionnée qu'une fois, le motanagium,
se payait pour la permission d'enlever de la tourbe dans les
bois. Au mois de mai 1221, Hugues de Saint- Agil remet à l'ab-
baye de Saint- Avit la coutume que Ton appelle motannage ^
Un des privilèges le plus souvent accordé par les seigneurs
aux communautés d'habitants et aux monastères est l'auto-
risation de faire paitre dans les forêts les porcs et les autres
animaux, à l'exception des chèvres. Pour reconnaître ce
privilège , les tenanciers devaient un droit de « panage, » de
« paisson » ou de < glandée, » pasnagium, pasnadiiim, pasnati-
cum. En 1104, Adèle, comtessse de Blois, reconnaît que les
hôtes du prieuré de Clamars doivent le panage de leurs porcs,
non pas à ses agents , mais aux religieux du prieuré ^. En
1202, Renaud, seigneur d'AUuyes, donne à l'abbaye de Saiut-
Avit la dîme des panages des porcs, panages qui sont payés
deux ou trois fois par an, soit que les porcs paissent dans les
bois ou les champs, ou qu'ils soient nourris dans les maisons ^.
1 Consuetttdinem illam que motanagium vocatur (Abbaye de Saint-Avit).
^ Reddant pasnagium de porcis suis, non minisiris comitisse, sed menachis
(Cart.^Dunois, p. 70).
3 Decimam pasnagiorum porcorum, que colliguntur bis aut ter unoquoque
— 201 —
Dans raccord dont nous avons déjà parlé passé entre
Guillaume Gouet et les religieux de Saint-Romain de Brou, il
est convenu que si les hommes des religieux envoient leurs
porcs dans les bois de Guillaume Gouet, le dit seigneur
recevra le panage; les moines à leur tour auront le panage
qui est appelé stipulage * , c'est-à-dire le droit perçu pour le
panage du chaume. Le chaume jouait en effet un grand rôle
dans la culture de la Beauce au Moyen Age. La moisson se
faisait à la faucille , comme elle se fait encore en Bretagne
par exemple, et le chaume assez long, nommé « estoube, »
ou « étueil, » était laissé dans les champs. Pour l'enlever, les
tenanciers payaient une redevance spéciale, « Técoublage, »
escoblagium, sans cesse mentionnée particulièrement dans les
<5hartes du pays du Perche.
Si le suzei*ain accordait le privilège de chasser dans ses
bois , et ce privilège était rare , il exigeait en retour le droit
« d'épaulagé, » espallaguim, consistant ordinairement en une
épaule des bêtes abattues.
Pour surveiller les bois, pour en recevoir les revenus, les
seigneurs avaient de nombreux « forestiers » ou « verdiers, »
et le principal bénéfice de ceux-ci était le droit de
t< f orestage , » forestagium , perçu par eux d'après le nombre
des chevaux et des chariots dont se servaient les usagers.
En 1104, Adèle, comtesse de Blois, accorde aux hôtes du
prieuré de Chamars d'user gratuitement et sans forestage de
la Forêt Longue pour tous leurs besoins ^. C'est dans le même
sens qu'on trouve le nom de forestage, forestagium lapidum,
employé pour exprimer le droit qui appartenait à l'évèque de
Chartres sur les chariots transportant les pierres extraites
des carrières de Berchères-l'Evêque {Cart de N.^D. de
Chartres, II, p. 243).
Parmi ces agents forestiers, il en était appelé « aurilleurs,
» bigres, » apicularii, bigri, et qui étaient particulièrement
arino , sivt percurrent nemora vel campos, sive pascentur in domibus (Abbaye
de Saint^Avit),
^ Siporcos suos in nemora Guillermi homines monachorum mittere volue-
rint, Guillermus pamagium nemoris accipiet, monochi vero pamagium
habebunl quod siipularum dicilur (Cart, de Saint-Père^ p. 473).
2 Quod de tota foresta Silve-Lognie gratis et sine forestagio ullo capient ad
omnes siws necessarios quando voluerint (Cart, Dunots, p. 70).
— ao2 —
chargés de récolter le miel trouvé dans les forêts. Roger de
Toény, seigneur de Nogent-le-Roi, donne à Tabbaye de
TEstrée un bigre, c'est-à-dire le droit de prendre les abeilles
dans la forêt de Couches ' ; mais cette autorisation de recueil-
lir le miel sauvage était soumise à une redevance appelée
melagium. Nous n'avons vu ce droit cité qu'une seule fois, avec
une autre coutume nommée gallinagium, dîme sur les poules.
La culture dans la Beauce au Moyen Age ne différait pas
beaucoup de celle d'aujourd'hui : c'était surtout les céréales
qui faisaient la richesse du colon, et parmi celles-ci l'avoine
était alors, comme aujourd'hui, une des plus répandues.
Aussi une redevance spéciale, « l'avenage, » avenagium,
frappait-elle les champs ensemencés en avoine. Rien de
plus fréquent que la mention de ce droit, et du champ
cultivé il semble s'être étendu au grain déjà récolté. Au mois
de juin 1221, Guillaume, comte du Perche, exempte les
animaux des religieuses des Clairets de toute coutume qu'elle
soit appelée avenage ou de tout autre nom ^. Il est évidem-
ment question ici du grain transporté par les animaux. On
ne se contentait pas d'ailleurs de prendre un droit sur le
grain , on en percevait aussi sur les sacs qui les contenaient*
En 1209, Jean, maire de Mévoisins, donne au Chapitre de
Chartres tout ce qu'il possédait en la grange de Mévoisins ,
excepté une mine d'avoine qu'il a retenue pour le prêt des
sacs ^.
Nous avons parlé de la (}îme et du champart, perçus sur
les champs ensemencés en blé. Une fois le blé engrangé et
battu, si le tenancier l'apportait en vente, il devait une
nouvelle redevance au seigneur ; c'était « le havage, » hava-
giiim, et « l'éminage, » eminagium. Vers 1080, GeofFroi, comte
de Mortagne, abandonne au prieuré de Sî^int-Denis de Nogent
le havage et toutes les autres coutumes qui lui appartenaient
dans le bourg de Saint-Denis *. Le Registre des cens du comté
* Unum bigruntf id est acquisitiones apum in foresta mea de Conchis,
'^ Ab omni consuetudine, sive avenagium sive alto vocahulo cênseatur (Cart.
des Clairets, p. 87).
3 Excepta una mina avene quam retinuit pro submonitione saccorum
{Cart. de N.-D. de Chartres, il, p. 46).
^ Havadium et omnes alias consuetudines quas in burgo Sancti-Dionisii
accipiebat {Cart, de ^aint-Denis, p. 29).
— 203 —
de Chartres nous donne des renseignements sur la manière
dont se percevait le havage : « Le havage de chascun setier
» de blé vendu en la ville de Chartres hors franchise , se cil
» qui le vent Ta acheté, il doit un havagiau ; se il a creu dans
» sa terre , il doit dou sestier un demi-havagiau , et de tout
» grain autressi fort que d'avoine, et l'avoine paie au
» double. »
L'éminage est cité dans l'accord entre Guillaume Gouet et
les religieux de Saint-Romain de Brou. Il est convenu , que ,
sur le blé apporté au marché, Guillaume Gouet prendra
l'éminage dans le bourg de Saint-Romain depuis la neuvième
heure du mardi jusqu'à la première heure du jeudi ; lorsqu'au
contraire le blé sera conservé dans les greniers, l'éminage
appartiendra aux moines ' ♦
Si les champs, si les blés étaient soumis à diverses rede-
vances, les prés n'en étaient pas exempts. Outre le droit de
« fenage, » fenagium, payé au seigneur lors de la récolte du
foin, il était d'autres redevances destinées à payer les
serviteurs chargés de la surveillance des prairies. Le plus
important de ces serviteurS était « le maréchal, » qui avait la
haute direction des chevaux , qui réglait les distributions de
fourrages. Un droit appelé « maréchaussée, » mareschaucia,
marescalciata, était attaché à cet office. Parfois aussi la
maréchaussée était perçue directement par le seigneur. Au
mois de décembre 1239, Geoffroi, seigneur d'IUiers, abandonne
à l'abbaye de Saint-Père une coutume appelée maréchaussée,
perçue sur les prés de Thivars et consistant dans le droit de
prendre pour ses besoins l'herbe et le foin existant dans les
dits prés *.
Sous les ordes du maréchal étaient d'autres serviteurs qui,
avec le maire, devaient veiller à la récolte des foins,
A ceux-ci était aussi attribuée une redevance spéciale.
* In die mercatiy eminagium capiet Gûillermus in burgo Sancti-Romani, ab
hora nona diei martis usque ad primam diei jovis. . .. Omnes vero homines qui
habebunt annonas in burgo Sancti-Romani, qui volent ibi annonas suas
conservare, sine contradictione hoc facient et minagium reddent monachis
{Catt. de Saint-Père, p. 473.)
' Jus quoddam quod vocatur mareschaucia in pratis apud Tevasium,
scUicet quod capiebat et capi faciebat herbam et fenum existens in dietis
pratis {Cart, de Saint-Pire, p. 685).
— 204 —
« le ràtelage, » restalagium, c'est-à-dire le droit de racler les
prés après renlèvement des foins ou leur mise en menions et
de s'approprier Therbe ainsi récoltée. Au mois de novembre
1266, Jean, maire de Thivars, réclame sur le Grand-Pré sis à
Thivars, « la place des muions et un faix d'herbe tant que les
faucheurs seraient dans le dit pré*. »
Une coutume, très souvent mentionnée aux XP, XIP et
XIIP siècles comme étant payée en nature, mais qui fut géné-
ralement convertie en une certaine somme d'argent à partir
du XIV* siècle, était le droit de « past, » de « gîte, » ou de
« procuration, » pas tus, gestnm, parata, procuratio, herbergst-
gium, corrodiuoi'. Vers 1090, Barthélémy Boël, vidame de
Chartres, remet à l'abbaye de Saint- Père la mauvaise
coutume appelée gîte , en vertu de laquelle il pouvait loger
avec ses gens dans l'abbaye à son départ pour une expédition
ou à son retour dans ses foyers'. En 1153, Louis VII exempte
le prieuré de Liancourt de la coutume qui lui appartenait de
loger dans le dit prieuré , retenant son hébergement sur les
habitants de la dite ville*. En 1207, Philippe, archidiacre de
Pinserais, dispense les religieux *de Neaufle -le -Vieux des
procurations qu'il exigeait des dits religieux pour les maisons
possédées par eux hors l'abbaye dans son archidiadoné*.
Quand le seigneur passait une année sans se rendre dans
les localités où il avait droit de gîte, il forçait les tenanciers
à lui payer une somme équivalente à la dépense que sa visite
leur eût causée. En 1223, Thibaut IV, comte de Champagne,
* Restalagium , sedem mullonorum et u ittan oma herbe quandiu faleatores
in dictoprato existèrent (H. 105).
' 11 est assez difficile d'établir des distinctions précises entre ces différents
termes, et pourtant ils ne sont pas absolument synonymes. Dans un bail de la
prévôté de Chablis, du mois d'avril l!2i1, il est établi que les droits de garde
et de gîte appartiennent à Blanche de Navarre , comtesse de Champagne, tandis
que le droit de procuration est réservé au Roi. 11 faut sans doute entendre ici
par gîte le droit de logement, et par procuration le droit de nourriture.
3 Pravas consuetudines quas vulgo gesia dicimus , quia ibi jacere et des-*
cendere cum suo equiiatu , pro/iciscens in expeditiontm vel revertens, consue--
verat (Cart. de Satnt-Père, p. 320).
. * A consuetadine jacendiy retento herbergagio suo super rusticos viUe^
(Cart. de Saint-Père, p. 648).
^ Procurationes quas in domibus Ulorum extra abbatiam, in archidiaconatu
Pissiacensi canstitutis, ah ipsis monachis exigebat (G. 31 5â).
— 205 —
abandonne à Enguerrand, seigneur de Coucy, la taille par lui
levée pour droit de gîte.
Nous avons dit que le droit de past en nature fut converti
peu à peu en argent. En 1200, pour être délivré de la procu-
ration que devait le prieuré de Saint-Hilaire-sur-Yerre au
seigneur de Montigny, Tabbé de Marmoutier donna à Jean,
seigneur de Montigny, 100 livres angevines et 3 coupes
d'argent, et le dit Jean retint 20 sous sur le prieuré comme
reconnaissance de ladite procuration*. Les comtes de Blois
avaient à Coulommiers (c^ de Selommes) un droit appelé
« le past de Coulommiers, » qui, dès le XIV® siècle, avait été
changé pour une rente annuelle. Le 27 juillet 1321 , Gui de
Châtillon déclare être en possession « d'avoir sexante sous
» pour un past, chascun an, sur les couchant, levant et
» manant en la ville de CoUommiers en Vendosmoys » {Car t.
de la Trin, de Vendôme, III, p. 293). Le prieur du Saint-
Sépulcre de Châteaudun devait au vicomte de Châteaudun un
dîner le jour de Saint- André : au XV® siècle, ce droit fut
converti en une rente de 10 livres, qu'on appelait « le droit
» de manger » (H. 2653).
C'est dans un sens analogue à l'expression de past que nous
devons entendre le mot monacatus, la quantité de pain et de
vin donnée chaque jour à un moine. En 1173, Ansold le
forestier abandonne au prieuré de Chauvigny le service et le
repas qu'il réclamait sur la terre dudit prieuré *.
Ce n'était pas seulement pour eux-mêmes que les seigneurs
réclamaient le past, c'était aussi pour leurs chiens de chasse
etpour^eurs veneurs, et cette redevance particulière s'ap-
pelait brennagium ou perandinatio. En 1108, Louis VI exempte
de toute redevance la terre de Nids, sauf de la moitié du
terrage et de cette coutume qu'on appelle brennage^. En 1202,
Louis, comte de Blois, accorde aux religieux de Marmoutier
toute exemption de procuration, de past, de pérandination ou
^ In priùratu iUo viginii solidos usuatis monete in reeognitionem memorate
procurationis (H. 2451).
^ Servantiam et monacatum quod reclamabat in terra monachorum de
Calvigniaco ( H. 2304).
3 Medietatem tantum terragii et consuetudinem iUam quam brennagium
vacant sibi reiinens {Cart. de Saint-Père, p. 461).
— 206 —
du logement de ses chiens et de ses \eneurs dans leurs
granges*.
Pour prix de toutes ces coutumes dont nous venons de
parler, les seigneurs devaient à leurs tenanciers aide et
protection ; mais cette protection ils ne la leur accordaient
que sous le bénéfice d'autres redevances, commendisia ou
commendatïtia, tensamentum, condiwtus* En 1041, Hervé,
vicomte de Blois, remet à Tabbaye de Marmoutier la recom-
mandation et toutes les autres coutumes qu'il possédait à
Chouzy^. Vers 1150, les hommes de Baigneaux reconnaissent
devoir à Bourreau de Conan le droit de recommandation,
c'est à savoir que ceux qui possèdent des bœufs doivent un
setier d'avoine, ceux qui n'ont pas de bestiaux une mine
d'avoine^. Au mois de mars 1209, Hervé, comte de Nevers,
affranchit les hommes du Chapitre de Chartres, demeurant à
Grénarville, la Ronce, Coulommiers et le Houssay, de toute
corvée et exaction quelconque, à l'exception des revenus du
tensement qui lui est dû chaque année pour la protection de
la terrée Une charte de 1198 du chartrîer de Bonneval nous
apprend que tous les ans, huit jours avant la Saint Rémy , le
sergent du comte se rendait dans les villes où se devait le
tensement, et là, devant le maire du lieu, on arrêtait la
somme à laquelle devait monter la redevance *. Au mois de
juillet 1265, Jean de Châtillon, comte de Blois, exempte
l'abbaye de Saint-Père de toute redevance de coutume, de
rouage et de conduit *.
^ Ut a procuratione et perandinatione seu pastu, aut jacere canum suorum
et caniceriorum et venatorum in grangiis ipsorum, immunes habeantur
{Curt. Blésois, p. 188).
3 Commendatitiam et omnes alias cùnsuetudineê quas habebat in vUla que
Gilliacus appdlata est {Cart. Dunois, p. 96).
3 Commendisiam , unusquisqm videlicet qui boves habet unum sextarium,
qui vero boves non Habet unarà minam avene (Cart. de la Trin, de Vendôme,
II, p. 180).
* Ab omni consuetudine^ corveia et exactione quolibet^ retentis tantummodo
redditibtts tensamenti quos pro terra iensanda stngtdis annis kabet (Cart, de
N.-D. de Chartres, 11, p. 44).
' Octo diebus ante festum Sancti Remigii, serviens comitis per villas in
quibus est tensamentum veniebat , et quantitas tensamenti coram majore loci
computabatur (H. 615).
• A prestatione toustumie, rotagii et conductus (Cart. de Saint-Père^
p. 707).
- ao7 —
Non contents des droits qu'ils percevaient sur leurs tenan-
ciers, les seigneurs avaient encore souvent recours à des
emprunts forcés, roga coacta, imprunctus, prenant pour leur
usage les chevaux, les charrettes et autres meubles, avec
promesse de les rendre...., s'il n'arrivait aucun accident. En
1210, Eudes Bourreau, seigneur de Courtalain , exempte les
hommes de Saint-Pellerin de toute tolte, emprunt de chevaux,
de charrettes et de tous autres objets, prêt forcé, charroi K
En 1183, Thibaut V, comte de Blois, renonce, à la prière des
religieux de Bonneval, à la coutume qu'il avait d'emprunter
dans la ville de Bonneval des couêtes, des nappes, des plats,
des chaudières et des tréteaux*. Une ordonnance du roi Jean
de l'année 1355 porte : « Nostre très chière compagne et
» nostre fils allenz par chemin par nostre roj'^aume, noz
» maistres d'ostel pour nous pourront hors bonnes villes faire
» prendre par la justice des lieus fourmes, tables, tresteaux,
» coustes, cousins, fourres. »
Telles sont les redevances ordinaires qui étaient perçues
dans le pays chartrain. En parcourant cette longue énuméra-
tion , on peut justement être au premier abord effrayé de la
multiplicité des charges qui pesaient sur le roturier. Les
moindre actes de sa vie semblent atteints par les droits du
seigneur. 11 ne pouvait sortir de sa demeure sans être exposé
aux réclamations des agents seigneuriaux : on exigeait même
parfois de lui une redevance appelle remanentia pour lui
permettre d'habiter la maison qu'il avait reçue de ses pères.
Voulait-il tirer profit des produits de ses terres ou de son
industrie ? Après avoir payé le péage ou le travers pour leur
transport, il lui fallait acquitter les divers droits de tonlieu
établis sur les moindres denrées. La condition -du vilain
paraît encore un reste de l'ancien servage. Aussi ne faut-il
pas s'étonner de la révolte des Pastoureaux et des désordres
de la Jacquerie.
Et pourtant, il ne faut pas trop s'exagérer la lourdeur de
ces redevances : beaucoup n'étaient que fictives et la répéti-
* Ab omni tolta, et imjpruncto equorum, quadrigarum et alterins modi,
roga coaeta, charreio (H. â450).
* Consuetudinem quam in villa Bonevallis hahebat impruntandi ctdcitras
et napas et patellas sive caldarias atqtie tripetias (H. 614).
— 208 —
tion d'un seul et même droit sous des appellations différentes.
Et puis, les exemptions étaient nombreuses : exemptions pour
des communautés d'habitants, exemptions pour des individus.
C'était surtout les hôtes des églises et des communautés
religieuses qui étaient particulièrement favorisés. Là, comme
ailleurs , TÉglise avait pris en main la cause des opprimés ,
et, en retour de ses prières , elle obtenait des seigneurs les
privilèges qu'elle souhaitait pour ceux qui se mettaient sous
sa protection. Faute de renseignements positifs, il est assez
difficile de se rendre un compte exact de la situation maté-
rielle des tenanciers ; mais nous croyons pouvoir dire que si
pour beaucoup les charges étaient intolérables, pour d'autres
au contraire elles étaient fort légères et leur permettaient
d'arriver peu à peu à une plus grande aisance et à une plus
grande liberté. ,
II
Nous avons à examiner maintenant la seconde nature des
redevances qui nous sont signalées par les chartes de l'époque
dont nous nous occupons, les exactiones» Nous avons déjà dit
que cette expression exactio ne nous paraît pas correspondre
absolument au sens de^notre mot actuel « exaction, » et que
nous considérions plutôt les charges comprises sous cette
appellation comme des redevances extraordinaires.
Il est vrai que parfois ces redevances extraordinaires
étaient de véritables exactions. On les trouve désignées sous
le nom de consuetudhies niaise [Cari. Dunois^ p. 164), cousue-
tudines tortœ (Cart. de Saint -Père, p. 227), exactivse
consuetudines (H. 2012). Ces coutumes mauvaises sont
indiquées sous le nom générique de ^ tolte, » tolta^ toltura.
En 1137, Louis VII exempte la ville de Fresnay de toute
coutume, c'est à savoir de la tolte, de la taille, de toute
violence et exaction*. En 1202, Catherine, comtesse de Blois,
abandonne à l'abbaye de Froidmond un quart de vin qu'elle
* Ab omni consuetudine , .a toUa scilicet et tallia et omni violentia et exac-
tione (Cart, de N.f). de Chartres, I, p. 143).
— 209 -
recevait chaque année de Texaction vulgairement appelée
tolte^.
La tolte était si bien une exaction que, jusqu'à la Révolution,
le nom de « maltôtiers » donné à ceux qui percevaient cette
redevance fut un signe de haine et de mépris. Nous voyons
la maltôte citée dès 1222 dans une charte de Jean d'Oisy,
comte de Chartres : ce seigneur consent que la maltôte
imposée au lieu de taille sur les étoffes des bourgeois de
la Rivière de Chartres soit supprimée à partir de la Saint-
Michel suivante*.
Des serviteurs spéciaux appelés « toulaiers » étaient
chargés de recevoir les toltes ou redevances payées par les
marchands. Un acte de 1296 nous apprend qu'à Orléans, tous
les samedis, à la nuit tombante, ils allaient aux portes de la
ville recueillir les recettes faites par les portiers pendant la
semaine.
Laissant de côté ces exactions véritables, examinons s*il
n'en était pas d'autres qui, levées dans des cas exceptionnels,
formaient des redevances extraordinaires. Vexactio en effet
pour nous était ce qui se faisait hors de la règle commune
(ex actu) : elle devait, dans son principe, n'être que tempo-
raire, créée pour des besoins particuliers. Cela dit, et le sens
du mot indiqué par nous tel que nous le comprenons, on nous
pardonnera, pour la clarté de notre exposition, de nous
servir du mot exaction comme nous nous sommes servi de
celui de coutume.
Deux exactions dominent toutes les autres : « la taille » et
« la corvée. » Ces redevances, originairement seigneuriales,
devinrent des impôts royaux, et, plus que tout autre, exci-
tèrent la rancune des contribuables. Que de fois n'a-t-on pas
exploité la fameuse formule : « taillable et corvéable à
» merci J » Mais nous n'avons pas à les considérer comme
impôts, contentons-nous de dire ce qu'elles étaient au Moyen-
Age.
La taille était bien une exaction : cela ressort d'une charte
* Unum auarterium vini quod annuatim Uli reddebatur de exactione, que
vulgo appeltatur toute,
^ Quod mala tosta, que loco talie erat imposita super parmos burgensium
camotensium de riparta , a festo Sancti Miehàetis proxtmo venturo inantea
nuUo modo capiatur,
T. XII, M. 14
— 210 —
d'Henri-Étienne, comte de Chartres, de Faniiée 1100 environ,
par laquelle ce seigneur supprime Texaction appelée taille
qui , à la mort des évoques, était imposée sur les serviteurs
et les colons du défunt *. La taille n'était pas régulière ; elle
se percevait en argent dans des cas spéciaux. En 1109, Adèle,
comtesse de Chartres, renonce en faveur de Tabbaye de
Bonneval à l'argent nommé taille qu'elle avait ordonné de
percevoir dans le bourg de Bonneval *. En 1236, Alexandre
de Long-Chêne abdique le droit de faire la taille et d'en fixer
à son gré la valeur sur les hommes de Paray ^. Vers 1160, les
religieux de Saint-Jean reconnaissent qu'ils ne pourront rien
exiger des habitants de Brou, excepté la taille si elle est
imposée sur tout le domaine de l'abbaye pour quelque néces-
sité évidente*. Vers 1175, Eudes Bourreau, seigneur de
Courtalain, déclare que les hommes du Gault- Saint -Denis
devront tous les quatre ans s'imposer la taille ordinaire , sans
être contraints à aucune autre taille, même pour le rachat de
son corps *. En 1324, à la requête de Guillaume, abbé de Gra-
mont, les prieurs du dit ordre imposent une taille sur tous les
prieurés de l'ordre de Gramont pour pourvoir aux besoins de
douze frères envoyés aux Universités *.
Les serviteurs des hommes d'église étaient exempts de la
taille comme leurs maîtres; les femmes étaient taillables
aussi bien que les hommes, mais si elles épousaient un
homme libre de la taille elles en devenaient elles-mêmes
^ Exactionem quam vulgo talliam vocant, que, defunctis episcopis vel dece-
dentibus, fieri solet in servientes episcopi vel rusticos (Cart, de N,-D. de
Chartres, 1. p. 104).
' Pecuniam quam, que consueiudinarie tallia nominatur, in burgo Bone^
vaUensi perdpi preceperat (H. 606).
^ Juri faeiendi talliam et taxandi ad voluntaiem suam super homines de
Pareio (H. 2263).
* Prêter talliam, si facta fuerit communiter in terra Saneti Johanuis
propter evidentem aliquam necessitaiem (Cart, de Saint-Jean, ^ 44 y^),
^ Quarto quoque anno, facient talliam convenientem ', aliam talliam non
facient, nec etiampro redemptione corporis sui (Cart, de N,^D, de Chartres^
, p. 194).
* TaUiafn universis prioribus ordinis Grandimontis ad providendum duo^
decim fratribus professis mitiendis ad studia litterarum (Cart. des Jfouit-
neaux, p. 33).
:- 211 —
exemptes. Dans une déposition de 1194, nous voyons que
Bretel de Beauvoir, d'abord serviteur du chantre de Chartres
Amaury, était libre et exempt de la taille ; mais, à la mort
du chantre, le dit Bretel, étant passé dans la bourgeoisie,
devint taillable. Plus tard, pressé par la nécessité, il entra
au service du sous-doyen Gislebert, et par ce fait fut libre de
la taille ; pendant qu'il était ainsi en service, il épousa une
femme taillable, qui, du fait de ce mariage, devint libre et
exempte *. ^
Dans le même sens que la taille, nous devons entendre
« la quête, » questa, « l^ proie, » prseda, que nous rencontrons
dans quelques documents. En 1153, Louis VII déclare que les
habitants de Sceaux en Gâtinais sont exempts de toute taille,
exaction et quête ^. Vers 1130, Raoul Mauvoisin s'engage à
ne réclamer sur la terre d'Ormoy ni exaction, ni proie, ni
taille, excepté dans le cas où son fils serait fait chevalier ou
bien où il marierait sa fille 3.
La corvée, corveia^ eorvedia, s'entendait en général de
tous les services en nature exigés des roturiers. Si nous
classons ce droit parmi les redevances extraordinaires, c'est
qu'il ne s'acquittait que dans des circonstances particulières
et qu'il variait singulièrement suivant les différentes seigneu-
ries. Pris dans son sens le plus large, nous le voyons cité
dans une charte du roi Henri P' de l'année 1050 environ, par
laquelle ce prince défend de grever les hommes de l'abbaye
de Saint-Père d'aucune corvée, de ban, detonlieu, de vigne-
rie et de toute autre exaction *. Vers 1215, les hommes du
prieuré de Saint-Jean-de-Brou qui possèdent des bœufs ou
* BreteUus de BêUo-Videre , in servicio eanioris Amaurid exiêtens, diu
liber fuit et immunis y et, eo mortuo , rediit ad buraenciam et taUiabUis fuit.
Postea vero gravatus , ad servicium Gisleberti subdecani rediit , et foetus est
liber et immunis , et in eo servicio duxit uxorem talliabUem , que per copulam
ejus fada est immunis et libéra {Cart, de N,-D, de Chartres, I, p. 234).
2 Ab omni tallia, exactione et questa (H. 601).
3 Neque exactûmem neque predam neque taHiam, excepto quod si fUium
suum militem faceret, vel fUiam suam matrioniojungeret (Cart. de Coulombs,
p. 161).
* Ne Sancti Pétri homines eorvedis aliauis premat, neque banno , neque
teloneo, neque vicaria, neque exactione aliqua gravet (Cart. de Saint-Père,
p. 128).
— 212 —
des chevaux reconnaissent devoir à Eudes du Thoreau une
corvée d'un jour par an *.
Il serait trop long d'énumérer tous les services imposés
aux roturiers : il nous suffira de citer quelques exemples pris
dans nos chartes et nos cartulaires. Vers 1050, Salomon de
Lavardin déclare qu'il a le droit de prendre chez ses tenan-
ciers des vendangeurs pour faire sa vendange, des faneurs
pour couper ses foins, et, s'il le veut, une corvée des ânes -.
En 1149, les prévôts du Chapitre de Chartres font le serment
de ne point exiger des paysans des épaules de porcs, ni des
tourteaux ou des œufs, ni des corvées pour le labour ou pour
la tonte des moutons '. Vers 1120, Gilbert, chefcier de Saint-
Père, ayant acheté la terre de Fournoisis, la donne à culti-
ver, à condition que les preneurs feront avec leurs animaux
une corvée en mars et une aux guérêts, et aideront à couper
et à herser le blé *. Au mois de juillet 1223, les hommes du
prieuré de Maintenon reconnaissent devoir au seigneur de
Maintenon trois corvées pour la réparation des chaussées et
des biefs des moulins *. En 1141, Roger le Baube donne la
ville des Autels à l'abbaye de Coulombs, en se réservant la
monte, les corvées et les aides pour faire et réparer les
fossés, les clôtures et les fortifications de son castel de Saint-
André *.
Les corvées n'étaient pas absolument gratuites, presque
toujours les hommes qui les accomplissaient étaient hébergés
aux frais de celui qui les employait. Au mois de septembre
^ Qui boves vel eauos habuerini una die per annum corveiam facient (Cart
de Saint-Jean, fo ii v®).
3 Ut singulos vindemiatores ad vindemias suas faeiendas toUeret, et fena-
tores tempore sectioniê, eort^atam quoque, si vdlet, de asinis (Cart. Ven-
dômoiSy p. 295)*
3 Nec humeras forcorum , nec tortelios at^ ova, neque corveias aliqwts
arature aut lanificti (Cart, de N.-D. de Chartres, I, p. 158).
^ Corveias terre facerent de animalibus suis in martio et ad garedta et
resecanda et ad eooperiendwa (Cart. de Saint-Père, p. 439).
^ Très coi^eias ad molendinorum bezia reparanda et ad eorum calceias
reparandas (Cart. de Maintenon , p. 146).
^ Exœptis molta , corveiis et auxiliis hominum ad facienda et reparanda
fossata, sepes et palatia castri sui de Sancto Andréa (Cart, de Coulombs,
p. 212).
— 213 —
1215, Raoul de Beauvoir, chambrier de Téglise de Chartres,
déclare que les hôtes du Chapitre kAdey, possédant chevaux
et charettes, sont tenus envers lui en un jour de corvée
chaque année, à condition qu'ils puissent le même jour re-
tourner à leur demeure, et qu'il leur donne, au retour, du
pain et du vin seulement, à moins que, de sa grâce spéciale,
il ne consente à leur donner davantage ^ Le 20 mars 1265,
les hommes d'Abonville reconnaissent devoir aux religieux
de Saint-Père la dîme, le champart, le charroi et deux
corvées par an, en mars et aux guérêts; mais les religieux
doivent donner à celui qui fera la corvée du pain, du vin et
trois œufs tant qu'il travaillera 2. En 1414, le prieur deMorée
a droit à trois corvées des habitants de Morée, l'une pour
biner les terres, une autre pour herser ou semer les blés,
une troisième pour faire les avoines et les autres blés en
mars, et il est tenu de donner aux travailleurs autant de pain
qu'ils en peuvent manger et un faix de vin ^.
. Angaria est le nom qu'on donnait ordinairement à la
corvée dans les temps les plus anciens, et ce mot resta long-
temps synonyme de corvée. En 1102, Adèle, comtesse de
Chartres, confirme les libertés du bourg de Saint-Père et
défend d'imposer aucune corvée aux hommes de l'abbaye *.
En 1264, Jean de la Roche donne à l'abbaye du Trésor les
corvées que les hommes de Fourges lui doivent pour la
fenaison de ses prés '.
^ Unusquisque hospes , si hahet equos et quadrigam , débet corveiam unitis
diei per annum , ita quod eodem aie possit reverti ad domum suam , et Ule
débet et, in reditu , dare ad comedendum panem et vinum tantum , nisi plus
et faciat de gratia (Cart, de N.-D, de Chartres, II, p. 79).
- Décimas, campiparies, charreium, corveias bis in anno, videlicet unam
corveiam in mente martio et aliam in garetis, ita tamen quod religiosi tene-
buntur dare servienti, dum faciet corveiam, panem et vinum et tria ova
[Cari, de Saint-Père, p. 7H).
^ IJnum jornale pro binoMdo in terris prioris , aliud mo cooperiendo vel
seminando blada , tercium pro faciendo avenas et alia blada in marcio ; pro
quo laboragio prier tenetur ministrare laborantibus tantum de nane quantum
possent comedere, et dare certam quantitatem vint dictam gallice un fè de
vin {Cart Blésois, p. 440).
* Qmd non liceat homines Sancti-Petri ad quamlibet angariam compellere
(Cart, de St-Père. p. 324).
^ Angarias quas homines de Furgis illi debebant ad prata fenandu (Cart.
du Trésor),
±
— 214 —
Un des synonymes de corvée est aussi biennum , « le bian ,
» corvée tant d'hommes que de bestes, » comme le définit la
coutume de Poitiers. En 1237, Ursion de Meslay, seigneur de
Fréteval, affranchit pour un an du droit de bian les religieux
de Saint-Hilaire-la-Gravelle *. Vers 1197, Hervé, seigneur
d'AUuyes, reconnaît que les hommes du prieuré de Saint-Jean
de Brou sont exempts de toute exaction, de sorte qu'il ne
peut exiger d'eux le bian ou autre redevance, sauf les aides
qui lui sont dues 2. En 1181, Thibaut V, comte de Blois,
déclare avoir reçu mille livres des chanoines de Chartres, de
telle sorte que si, à l'avenir, les murs de la ville venaient
par un accident quelconque à tomber ou à être détruits, ou
les fossés à être comblés, les chanoines ne seraient plus
tenus à réparer les dégâts, mais seraient quittes et exempts
du bian qu'il avait droit d'exiger d'eux ^.
Le droit de « charroi » pour les blés et pour les vins,
viuericia, cbarvchim, ([uarragium , était également une des
formes de la corvée. En mai 1209, Geoffroi, vicomte de
Châteaudun, dit qu'il a droit dans le bief de Boursay à un
charroi et à un bian de quinze jours, et excepte de cette re-
devance les hommes de Boursay, moyennant 6 sous par an
pour ceux qui cultivent avec une charrue et 3 sous pour ceux
qui ne possèdent pas de charrue *.
Le charroi et le bian étaient soumis à certaines restric-
tions : le seigneur ne pouvait exiger qu'ils fussent faits hors
certaines limites, et ils devaient être réclamés à des époques
déterminées. Vers 1175, Eudes Bourreau, seigneur de Cour-
talain, reconnaît ne pouvoir exiger des hommes du Gault-
Saint-Denis le charroi que dans des lieux où la sécurité est
certaine, à Châteaudun, Vendôme, Mondoubleau, Montmirail
* A biennio usque in unum annum [Cari, Blésois^ p. 223).
' Ab omni exactions^ quod ab eis non potest exigere biennium nec aliud^
prêter justa auxilia {Cart, de St-Jean^ p. 65).
3 In tait conditione quod si deinceps quoquo modo murum cadsteaut dirui,
vel fossatos impleri contigerit^ non teneantur amplius vel in mûris vel in
fossatis aliqutd mittere, sed ab omni bienno quod in eis kabebat quiti
remaneant et absoluti {Cart. de N.-D, de Chartres y 1, p. 206).
* Quod per quindecim dies habebat charreium et totidem biegnium in feodo
de Burseio (Abbaye de Saint-Avit],
— 215 —
et Brou *. En 1179, il est accordé que les hommes du Cha-
pitre de Chartres à Lutz et à Beauvilliers devront conduire
pour le seigneur de Beauvilliers un muid de blé à Chartres
ou à Bonneval ou au Puiset, pourvu qu'ils en soient requis
avant la fête de la Toussaint ; autrement, ils seront dispensés
de la corvée pour Tannée courante *. En 1150, Archambaud
de Sully exige de ses tenanciers qu'ils fassent huit jours de
bian par an, quatre jours en février pour faire les haies, et
quatre jours en mai pour les fossés; mais si à ces deux
termes le bian n'a pas été requis, il sera remis à Tannée sui-
vante ^.
Le droit de charroi s'appliquait le plus ordinairement au
vin et au blé, mais on le trouve pourtant parfois employé
pour le transport du bois et des matériaux. Au mois de sep-
tembre 1306, les habitants d'AUuyes, Saumeray, Bouville et
Moriers reconnaissent « qu'ils doivent le charroy à Tédifica-
» tion et à la réparation du chastel d'Aluie et des ponts du
» dit chastel elt des ponts de la ville. >> (Ahh. de Bonneval).
Tout ce qu'on appelait les « services vilains » était donc
compris sous le nom générique de corvée; mais il était
d'autres services que Ton désignait sous le nom de « nobles »,
parce qu'ils faisaient en quelque sorte participer les vilains
à ce qui était la plus importante prérogative de la noblesse,
le droit de se défendre et de conquérir. A ces époques de la
féodalité oti chaque seigneur se considérait comme un petit
souverain, oîi Ton était sans cesse sur le pied de guerre pour
défendre sa propriété ou pour s'emparer de celle dé son
voisin, où souvent même on prenait les armes pour conquérir
un butin dont on avait besoin pour vivre, les seigneurs
devaient avoir recours aux services de leurs tenanciers pour
être aidés dans leurs entreprises. De là les droits « d'expé-
* Quarrarium nisi securo toco, videlicetad Castridunum, ad Vindocinum,
ad Montem DubldlutHy ad Mummiralium vel ad Braiotum (Cart. de iV.-/). de
Chartres, 1, p. 194).
^ Modium annone Camotum vel Bonnevallem vel Pusiacum ducere , dum
tamen de hoc ipso infra festum Omnium, Sanctorum requirantùr , alias ab
illius anni ductu debtto penitus absolvantur {Ibidem, I, p. 199).
3 Quod facient octo dies de bienno in anno, quatuor in februario in aiis
faciendis et quatuor in maio in fossatis, et si in duobus terminis de bieno
requisitio facta non fuerit, usque ad alterum annum non respondebunt ei.
— 216 —
dition, » expédition exer citas, « d*host, » hostis, de « chevau-
chée, » equitatus, caballicatio, calvacata, tyrocinium.
Souvent ces droits sont mentionnés sans aucune restriction»
En 1115, Louis VI reconnaît qu'il ne pourra contraindre les
hôtes du prieuré de Saint-Paterne d'Orléans à aucun host ni
à aucune chevauchée *. Vers 1125, le même roi affranchit un
hôte de Tabbaye de Tiron à Mantes de toute taille et exaction,
de la chevauchée, de l'expédition, en un mot de toute cou-
tume 2. En 1188, Hugues, vicomte de Châteaudun, exempte
la terre des Tronchais appartenant à l'Aumône de Château-
dun du charroi, du bian, de l'expédition, de la chevauchée,
de la taille, de la corvée ^. Au mois de septembre 1215,
Raoul de Beauvoir avoue que les hôtes de Fontaine ne lui
doivent ni expédition, ni chevauchée, ni taille *.
Mais souvent aussi les droits d'expédition, d'host, de che-
vauchée, étaient soumis à certaines conditions. Ils n'étaient
dus que pour la défense du seigneur si sa terre était attaquée
par ses ennemis. Le 26 avril 1085, Raoul de Beaugency
consent à n'imposer aucune corvée, aucune chevauchée sur
les hommes de l'abbaye de la Trinité de Vendôme, à moins
qu'on ne vienne piller ses domaines ou que quelque ennemi
veuille construire un château fort sur sa terre *. En 1185, les
hommes de l'abbaye de Vendôme reconnaissent devoir une
corvée de quinze jours pour la réparation des fossés de la
ville et être dans l'obligation de secourir le comte en host et
en chevauchée pour la défense de sa terre •. D'un accord
fait au mois de mars 1293 entre Gui, seigneur d' Anneau, et
* Ire in suam caballationem neque in hostem (Cart. de St-Père, p. 456).
^ Ab omni talliata et exactione, ab equitatu et expeditione et ab omni
penitus consuetidune (Cart, de Tiron, I, p. 95).
3 De charreio^ de biennio, de exercitu, de equitatione, de iallia , de corveia
[Arch, de la Maison-Dieu de Châteaudun^ p. 21).
^ Neque exercitum, nec calvacatam nec talliam [Cart, deN.-D. de Chartres,
II, p. 81).
* Quod de hominibus monachorum nullum faciet ire in bannum vel
mrveiam sive equitatum, nisi forte aliqui in terram ejus venient d^redaturi,
aut si quis inimicus castellum voluerit facere in terra sua {Cart, de la Trin.
de Vendôme, II, p. 38).
^ Debent quindecim diebus per annum reparare fossata Vindocini, comitem
juvare in guerra et equitatione pro terra defendenaa (Ibidem, II, p. 447),
- 217 —
les moines de Bonneval, il résulte « que les hommes des
» religieux d'Auneau sont tenus à aller en ost ou en chevau-
» chée avec le commun de la ville d'Auneau, ou assaut d'en-
» nemis fet en honte et domage de la chatellenie d'Auneau. »
(G. 3115).
D'autres actes indiquent les limites dans lesquelles sont
dus les services nobles et spécifient que le seigneur ne peut
les exiger que si lui-même accompagne ses tenanciers. En
1118, Louis VI consent que les hommes de Tabbaye de Saint-
Spire de Corbeil n'aient à se rendre à son expédition qu'en
cas de guerre, et cela seulement deux fois par année ; que si
on les appelle en chevauchée, ils ne pourront s'éloigner plus
de douze lieues de CorbeiP. Vers 1125, les moines de
Saint-Romain de Brou reconnaissent devoir à Guillaume Gouet
la garde de ses places fortes si elles sont assiégées par ses
ennemis, en sorte qu'ils ne puissent être entraînés à la guerre
hors des dites places, mais qu'ils restent seulement à
l'intérieur pour les défendre «. En 1131, Thibault IV, comte
de Blois , déclare qu'il a le droit de mener avec lui en expé-
dition les hommes du bourg de Chamars : s'il veut y fortifier
un château, ils l'entoureront de pieux et de fascines, mais
ils ne seront tenus à autre chose qu'à veiller à sa propre
sûreté dans le château ^. En 1120, par un accord avec
Guillaume Gouet, les moines de Saint-Père consentent que si
le dit Guillaume veut aider avec ses gens le roi ou le comte
dans une expédition, il pourra emmener les hommes de
Bois-Ruflin pour la garde de son corps, mais ceux-ci ne
seront tenus au service qu'autant que Guillaume sera
lui-même présent*. En 1176, Henri comte de Champagne,
• Nec expeditiones nostras, nisi submoneantur in nomine belU, eant, et hoc
solummodo bis in anno ; in cavalcariis autem nostris, si submoneantur,
vadant, sed XII leucas a Castro Corbolio non excédent {Cart, de Corbeil ,
p. 5).
2 Inimicorum obsidione constrictus , ad oppida sua custodienda , ita tamen
ut extra oppida ad bellum non promoveantur, sed intra, ad eadem defendenda
{Cart. de St-Père, p. 473).
3 Quod homines burgi de Chamartio fergunt cum eo in exercitum et in
expeditionem y et si ibi castrum firmavent, illud claudent de palis et virgis,
et in Castro nichil plus facient prêter hoc quod corpus ejus excubabunt
(H. 2273).
* Si ipse in expeditione régis vel comitis, cum omni génie sua, ire voluerit
— 218 —
prescrit que quiconque moudra dans les moulins ou cuira
dans les fours du chapitre de Saint-Quiriace de Provins paiera
la taille au dit chapitre et lui rendra à lui le service d'expé-
dition à condition qu'il soit présent *.
Il faut encore classer parmi les services nobles le droit de
« garde » ou de guet, ^art/a, excubia, gaitagiam, chaugeita, que
Ton rencontre dans quelques documents. Vers 1050, Salomon
de Lavardin déclare être en possession de prendre tous les
ans sur chaque maison de Lavardin 6 deniers pour le droit
de garde, vulgairement appelé guet ^. En février 1283, Jean
d'Aumale, seigneur d'Épernon, confirme aux religieux des
Moulineaux le don fait par Simon de Montfort d'un serviteur
à Épernon , libre de toute taille , vente , corvée , expédition ,
chauguette et de toutes autres exactions et coutumes^. Dans
une charte de 1222, Philippe- Auguste dit qu'il possède au
bourg de Saint Germain et au clos Bruneau à Paris les droits
d'expédion et de chevauchée , ou la taille imposée pour ces
droits, et le guet comme dans le reste de la ville de Paris*.
Outre les services, il était une sorte de redevance, aiixilium,
qui, d'après la coutume généralement admise, était due au
seigneur dans trois occasions, lorsqu'il était prisonnier,
lorsque son fils était reçu chevalier, lorsqu'il mariait sa fille.
C'est ce qui est expressément indiqué dans un accord passé
en l'année 1150 environ entre le chevalier Bouard et les
religieux de l'abbaye de Coulombs*. Dans la charte de 1222
déjà citée par nous, Philippe-Auguste dit qu'il possède dans
hominei BoseiRufini, pro cusiodia corporh m, ducere poterit ; homines
tamen absqtie presentia corporisejus nunquam ibunt (Cart. de St-Père, p. 484).
^ Bealo Quiriaco talliam^ mihique exercilum cum per sonna mea persolvet
(Cart, de St-Quiriace de Provins).
' De unaquaque domo annuatim tex denarios de excubia quant vulgo
gaitagium appeUant [Cari. Vendômois, p. 295).
^ Liberum ab omni tallia, venda^ corvada^ exercitu^ chanaeita et ab
omnibus aliis exactionibus, consuetudinibus, costumis {Cart, des Moulineaux,
p. 31).
* Exercitum et eouitalionem^ vel talliam propter hoc factam^ et guetum
sicut in communi ville Parisius {Cart, de Parts, I, p. 123).
' Auxilium in tribus, scilicet in corporis sui redemptione , aut in filii sut
armorum preparatione , aut in plie sue matrimonii convention^ (Abbaye de
Coulombs)» /
— 219 —
les terres de Tévêque de Paris le droit de taille quand il élève
ses fils à la dignité de chevalier, quand il marie ses filles ou
quand il a besoin de se racheter de captivité *.
Mais ces trois occasions n'étaient pas toujours les seules où
les seigneurs s'arrogeaient le droit de réclamer à leurs
tenanciers le secours dont ils avaient besoin. Au mois d'oc-
tobre 1258, Hugues de Chàteauneuf, seigneur de BrezoUes,
déclare que les hommes de Boissy lui doivent un secours
pour sa réception et celle de son fils en chevalerie , pour le
mariage de son fils ou de sa fille , pour sa rançon ou celle de
son fils ou de ses héritiers^. En 1166, Hugues, vicomte de
Châteaudun , moyennant une rente de dix livres , abandonne
aux religieux du Saint-Sépulcre de Châteaudun le secours
qu'ils lui devaient pour le mariage de son fils ou de sa fille
ou de sa sœur, pour sa rançon, pour Tachât d'une terre ^. Au
mois de février 1215, Thomas, comte du Perche , réclame de
ses hommes la taille pour sa réception comme chevalier, pour
sa première rançon, pour la chevalerie de son fils aîné, pour
le mariage de sa première fille *.
Plus d'une fois aussi les seigneurs profitèrent de leur
départ pour la croisade afin d'obtenir un secours extraordi-
naire. C'est ce qui arriva en 1190 pour Thibaut V, comte de
Blois, qui reçut des hommes de l'abbaye de Saint-Laumer une
taille pour le secours de sa croisade *; en 1199, pour Louis,
comte de Blois, auquel les religieux de Bonneval consentirent
à accorder un secours à cause de la croix qu'il avait prise
pour la défense de Jérusalem *.
* Talliam quando filios nostros faciemus novos milites y et quando filias
nostras mat'itabiinus, et etiam si redimeremus de captione proprii corporis
nostri facta in guerra {Cart, de Paris, I, p. 123).
3 Anxilium milicie site et filii sui, auxilium maritagii fUii sui et fUie sue,
auxilium redemptionis captionis sue vel filii sui vel hereaum suorum (Cart,
du Grand-Beauîieu, p. 3d0).
3 Auxilium ad filium vel filiam vel sororem maritandos, ad redemptionem
cotporis sui, ad terram acquirendam {Cart, de St-DeniSy p. 45).
* Pro prima milicia sua , pro prima captione sua de guerra , pro milicia
filii sui primogeniti, pro prima fUia sua mariianda ( Cari, pour le Perche,
p. 60).
* Talliam ad auxilium sue crucis (Hist. de l'abb, de St-Laumer, p. 160).
^ Auxilium propter crucem quam ad subventionem terre Jerosolimitane
receperat (H. 615).
— 220 —
Enfin, sous le nom « d'aide, » aidia, on entendait des dons
volontaires et temporaires faits par les tenanciers dans des
circonstances exceptionnelles. En 1198, les habitants de
Saint-Hilaire-sur-Yerre donnent à Jean, seigneur de
Montigny, 15 livres angevines, volontairement, en don
gratuit, pour la réparation du château de Montigny *. En
1209, Simon, comte de Montfort, reconnaît que l'aide qu'il a
reçue de la communauté des habitants d'Épernon pour la
clôture de la ville n'a pas été et ne peut être un droit, mais
qu'elle a été toute libérale et volontaire ^.
Là semblent devoir s'arrêter nos citations pour ce qui
regarde les coutumes et les exactions seigneuriales :
pourtant, avant de clore ce chapitre, nous voulons signaler,
au milieu de beaucoup d'autres, quelques-unes des pratiques
bizarres usitées dans les rapports du tenancier avec son
seigneur.
Le jour de la fête de sainte Soline (16 octobre), les usagers
de Ver devaient présenter à l'offrande de la grand'messe de
l'abbaye de Saint-Père une oie blanche avec un ail pendu au
cou (H. 41). — Le seigneur des Gués était tenu envers le
prieur de BrezoUes, chaque fois qu'il en était requis,
d'envoyer un valet à cheval pour l'accompagner et porter
sa malle (H. 424). — Le prieur d'Épernon devait au seigneur
de Gazeran « une souUée de pain et de vin, deux fois, à
» Pasques et à Nouel, et le devoit faire apporter au château
» de Gazeran sur le cheval du dit prieur, sans qu'il y faille
» ne fer ne clou » {Cart. (TÉpernon, p. 105). — Le même
prieur, « le lendemain de Pasques, estoit tenu apporter au
» chasteau de Montorgeoîl, à heure de dix heures du matin ,
» ung gasteau d'un boisseau de fleur de froment, avecques
» ung pot de vin, mesme que celuy prieur boit, bon et suffl-
» sant, et iceulx porter sur ung cheval, un chapeau de
» pervenche sur sa teste, une espée ceinte à son costé, une
» blanche touaille ou tablier à tenir le dit gasteau, avecques
* Quindecim libras andegavensis monete, sponte sua^ dono et gratis, ad
reparationem castri Montigniaci (H. 2452).
3 Qmd aidia illa, quant habuit de communibus hominibus Spamonis ad
ejtisdem castri dausturamy non fuit neque potest esse ex debiio, immo fuit
liberalis atque volontaria (H. 2321).
— 221 —
» des gants neufs en ses mains , son cheval bien ferré , sans
» que lui faille un fer et clou » {Cart. d*Kpernon, p. 112). Et
ces conditions étaient rigoureusement observées; car, en
l'année 1515, comme il fut reconnu qu'il manquait au cheval
un clou au pied de devant hors le montoir, le dit cheval fut
confisqué et vendu au profit du seigneur de Montorgueil. —
Le prieur de Chouzy avait droit d'avoir « par les garçons de
» Chouzy, l'une des festes de Noël, un oiseau appelé roitelet
» autrement bourillon , qui lui doit estre présenté par deux
» garçons sur deux bastons, entourez de loriez liez et attachez
» de rubans de soye. » — De même, le jour de la Pentecôte,
le dit prieur avait droit « de faire baigner deux des garçons
» de la paroisse par lui choisis, par trois fois dans la rivière de
» Loire, et sont obligez de lui rapporter chaque fois de l'eau
» de la dite rivière dans chacun un verre. Et est octroyé aux
» dits garçons par le dît prieur la permission de faire payer
» à tous les nouveaux mariez de la paroisse du dit Chouzy,
» qui n'ont point eu d'enfant dans l'an de leur nouveau
» mariage, chacun 5 sous, et après icelui bain de faire courir
» l'éteuf aux nouveaux mariez. » [Cart. Blésois, p. 329). —
Jusqu'à la Révolution , le prieur de Beaugency offrit au sei-
gneur de Beaugency, le jour de Noël, « 13 petits pains blancs
» s'entretenant en forme de couronne, 2 pintes de bon vin
» clairet dans 2 petits pots en terre, 13 œufs bouillis, frits
» dans l'huile, dans un pot de terre recouvert d'un autre. »
Nous pourrions multiplier à l'infini les exemples de ce
genre ; mais nous pensons que ces seules citations suflâront
pour donner une idée des naïfs usages qui existaient au
Moyen Age.
III
Toutes les redevances dont nous nous sommes occupé
jusqu'ici étaient dues indiff'éremment au .seigneur, qu'il fût
laïque ou ecclésiastique. Il en était d'autres spécialement
affectées au service du culte, à l'entretien de l'évêque et des
curés. Nous avons dit que tel avait été à l'origine le but de la
dîme et des prémices. Lorsque celles-ci eurent été détournées
— 222 —
de leur affectation primitive , il resta un certain nombre de
droits, dont beaucoup subsistent encore et qui forment
aujourd'hui le « casuel » des curés et des desservants ; c'est
ce qu'on appelait le vindragium au Moyen Age, fevum presbi-
terale quod vindragium vocant (H. 2429).
Mais, avant de dire quelques mots de ces redevances que
nous retrouvons dans nos mœurs actuelles, nous devons
parler de quelques droits aujourd'hui disparus : d'abord ceux
appartenant aux évêques ou archidiacres, catbedraticum ,
circada, synoduus. Par cathedraticum, on entendait la pension
payée aux évêques par les églises en signe de subjection.
En 1208, Renaud de Mouçon, évêque de Chartres, affranchit
la chapelle d' Aigrement des droits de synode, de visite et de
tout cathedraticum ^
La redevance appelée circada, « visite, » était dans le
principe le droit qu'avaient l'évêque et les archidiacres d'être
hébergés, lors de leurs tournées pastorales, par les curés et
les maisons religieuses. Dans la suite, ce droit fut converti en
une redevance fixe ; elle tirait son nom du mot circumire, qui
rappelait la visite diocésaine, objet de la prestation. Circada
avait le même sens que l'expression parata, qui s'entendait
des frais préparés pour la réception des envoyés royaux et
des officiers publics. Aussi, dans une charte de Ragenfroi,
évêque de Chartres, de l'année 949 environ, trouve-t-on cette
désignation, circadas quas alii paratas nominant {Cart. deN,-D.
de Chartres, I, p. 81).
« Le synode , » synodus , était la taxe imposée aux ecclé-
siastiques que l'évêque réunissait chaque année en synode
au siège épiscopal. Cette taxe représentait iine partie des
frais faits par l'évêque pour la réception de ceux qu'il
convoquait : qu'ils vinsssent ou non, tous devaient personnel-
lement cette redevance. Cependant, nous voyons qu'en 1195,
Gui, seigneur d' Anneau, s'engagea envers les religieux des
Moulineaux à payer chaque année le synode sur les cens
qu'il recevrait à la fête de Saint Rémy ^.
^ Ab otnni synodo et circada et ah omni cathedratico et ah omnibtts
consiietudinihus et exactionibus (H. 3336).
^ Dominus castelli reddet synodum singulis annis de censibus qui sunt ad
festum Sancti Remigii {Cart, des Moulineaux ^ p. 4).
— 223 --
Parmi les droits réservés aux curés et aux établissements
religieux, nous en avons reconnu principalement deux qui
sont tombés en désuétude. Le premier est appelé altare,
altarium, altalagium, et une charte de 1157 nous apprend qu'il
consistait parfois dans les dîmes des agneaux, des cochons de
lait, du lin et du chanvre attribuées au prêtre ^ . Faut-il donner
toujours un sens aussi étendu au droit d'autel? Nous ne le
croyons pas, et peut-être doit -on seulement souvent le
considérer comme synonyme de vindragium. Vers 1020,
Albert, fils du vidame de Chartres, veut que les prêtres de
Châteaudun aient le casuel et les offrandes pendant tout le
cours de Tannée *.
Le second droit dont nous voulons parler est celui de
« mortage », movtagium^ qui se payait aux églises sur les legs
faits par les défunts. Au mois d'août 1278, les lépreux du
Grand-Beaulieu exemptent Guiard de Villeray , leur hôte, de la
redevance du mortage qu'il devait à cause de son héberge-
ment^.
« Les offrandes » , oblationes, existent encore, volontaires,
il est vrai, tandis qu'à certains jours elles étaient obligatoires
au Moyen Age : elles étaient alors beaucoup plus importantes,
et excitaient de fréquents et longs procès entre les moines et
les prêtres séculiers. Les plus considérables se faisaient aux
cinq fêtes annuelles, Noël, l'Epiphanie, la Purification,
Pâques el la Toussaint*. Elles consistaient en pains, appelés*
panes consutuedinarii^ qui étaient présentés le lendemain de
Noël, le lendemain de Pâques et le jour de l'Ascension*, les
premiers appelés également tortelli, panes Kalendarii, ceux
de l'Ascension nommés parfois panes Rogationum (Arch. de la
Maison-Dieu de Châteaudun, p. 139); en chandelles de cire
^ Reliqua que altario pertinent^ jure saeerdotali, sicuti agnos etparceUos, et
decimam Uni et chanvre (Cart, de N.-D- de Chartres, I, p. 165).
2 Habeant altare et offerendas per circulwn anni(Cart, de St-Père, p. 212).
^ Ab mère seu servitute mortagii ratione herbergamenti sui (G. 2959).
* De oblationibus que in V festivitatibus annualibus, in Nativitate icilicet^
Theophania, Purificatione Sancte Marie, Pascha, Omnium Sanctarum
festiviiate ojferuntur {Cart. de St-Père, p. 612).
^ De panibus consuetudinariis, qui in craslino Nativitatis daminice, in
crastino sancte Pasche et die Ascensionis Domini sunt oblati (H. 2363).
— 224 —
dues particulièrement^aux cinq fêtes de Pâques, de la
Toussaint, de Noël, de la Purification et de l'Assomption ; —
en toisons de brebis, etc.
Lorsque Gontier, comte du Vexin , donne à l'abbaye de
Saint-Père l'église de Liancourt, au mois de février 1055, il
spécifie parmi les droits attachés à cette église la chandelle^
le pain et la sépulture*. Ce droit de « sépulture » , le même
qui se perçoit aujourd'hui pour les enterrements, est en effet
souvent cité. Plusieurs chartes prouvent qu'il était propor-
tionnel à l'âge et à la condition des défunts. En 1080, Foulques,
en donnant à l'abbaye de Saint-Père le tiers de l'église d'Arrou,
ne lui abandonne que les sépultures de quatre derniers,
c'est-à-dire celles des enfants baptisés ^. La même charte
indique un autre droit, archadium^^ qui s'appliquait aux
revenus des « troncs ».
En 1163, le curé d'Orchaise atteste qu'à lui appartient
l'offrande des femmes lors de leurs relevailles, l'offrande
aussi faite par la nouvelle mariée lorsqu'elle vient entendre
la messe le lendemain de son mariage *.
Tout le casuel appartenant aujourd'hui aux églises se
trouve rapporté dans les chartes énumérant les droits des
curés de Saint-Sauveur et de Saint-Martin de Bellême : on y
voit des redevances supprimées depuis, comme celle pour les
confessions de Carême. En 1127, le curé de Saint-Sauveur
reçoit de Jean, évêque de Sées, la liberté de percevoir le
tiers des offrandes et les messes d'obit, et la moitié des
confessions de Carême, et toutes les autres prières faites pour
les infirmes et les défunts*. Vers 1185, Lisiard, évêque de
Sées , déclare qu'au curé de Saint-Martin du Vieux-Bellême
appartiennent les deniers des fiançailles, et la quête du
* Candelam et panem et sepulturam hominum ibidem Habitantium {Cart, de
S^Père, p.. 200).
^Sepulturam IIII denariorum, scilicet puerorum albatorum (Cart. de
St-Père, p. 208).
3 Medietatem archadii ipsius ecclesie,
* Oblationem mulieris que purificata est, oblationem cum , post cekbratas
nuptias, die crastina, nova sponsa advenit ad missam {Cart. Blésois, p. 159).
^ Totam terciam partem oblationum , et privatas missas defunclorum , et
dimidias confessiones Quadragesime . et cêteras omnes infirmorum et omnes
orationes mortuorum (Cart, pour le Perche, p. 42).
- 225 —
dimanche, et l'argent et la chandelle des baptêmes, et l'argent
et le pain des relevailles^
Une charte de 1145 nous fait connaître deux redevances
aujourd'hui complètement disparues du casuel des ecclésias-
tiques. L'une , pei^a, consistait dans l'offrande faite au prêtre
pour la bénédiction du manteau que le voyageur emportait
pour sa route; l'autre, refectio mortuorum, nous semble
concerner la réfection, le repas dû au prêtre après l'enterre-
ment*.
Nous avons voulu nous en tenir à notre programme et ne
nous occuper que des redevances proprement dites. C'est
donc volontairement que nous n'avons rien dit des amendes,
freduni, foris factura, appliquées si souvent, et parfois si
arbitrairement, sinon par les seigneurs, au moins par leurs
officiers. C'était d'abord la vicaria, appartenant au viguier,
la sergenteria, banneavia, districtura, droits des sergents de
faire les citations, d'arrêter les délinquants, de percevoir les
amendes. Tout cela résultait du droit de « juslice », justicia,
appartenant au seigneur suzerain , et nos chartes nous font
ccînnaître les cas principaux, où devait s'exercer cette justice
et où l'amende était perçue par le seigneur : fur, latro, « le
vol » ; incendium, « l'incendie » ; raptus, « le rapt » ou « le
viol » ; n^urdrum, homicidium, « l'assassinat », « l'homicide > ;
sanguis, « le sang répandu » ; encis, le meurtre de l'enfant
dont une femme est enceinte ; duellum, « le duel », l'amende
que devait la partie vaincue.
Ce n'était pas là, à proprement parler, des redevances,
puisque c'était l'expiation de crimes ou de délits, mais ces
amendes n'en pesaient pas moins lourdement sur le tenancier.
A ces époques aux mœurs rudes et brutales, les querelles,
les vengeances étaient fréquentes : aussi la justice était un
< Denarios ex spomalibusy et in die dominica denarium decaritate,
denarium et candelam baptizatorum , et denarium et panem purificationis
(Cart. potir le Perche, p. bO).
* Confessiones , peras , nuptias , reconciliationes mulierum , nummos de
caritate, refectionem mortuorum {Cart. de Montiéramey, p. 59).
T. XII, M. 15
— 220 —
des droits dont les seigneurs se montraient le plus jaloux,
non pas seulement à cause du prestige justement assuré au
pouvoir de condamner ou d'absoudre, mais bien aussi à cause
du profit qui pour eux résultait des amendes, dont la valeur
était laissée à leur bon plaisir.
— 227 —
TABLE ALPHABÉTIQUE
DES DIVERSES REDEVANCES
Agraria, 189.
Aidia, 220.
Altarium, altare, altalagium,
223.
Angaria, 213.
Archadium, 224.
Astalagium, v. Stalagium.
Auxilium, 212, 214, 218, 219.
Avenagium, 202.
Bannearia, 196, 225.
Barragium, 189.
Bidennium, 186.
Biennum, Biannum, Biegnium,
189, 214, 215, 216.
Bladeagium, v. Mestiva.
Boisselagium , Boessalarium ,
189, 194.
Botagium, 195.
Bovagium, 184, 185.
Brennagium, 205.
Burdesagium, 182. •
Buschage, 185, 200.
Gaiagium, v. Portuagium.
Gampars, campipars, campi-
partagium, 182, 187, 188, 189,
213.
Ganabusium, 186.
Gandela, 224, 225.
Capitagium, v.Gensus capitalis.
Carnaticum, 7, 8.
Cathedraticum, 222.
Cavagium, v. Census capitalis.
Cavalcata, caballicatio , 216,
217.
Census, 181, 182, 183, 196, 222;
— census capitalis, 182.
Chantelagium, 189, 195.
Charreium, 207, 213, 214, 215,
216.
Chaugeita, v. Guetum.
Circada, 222.
Commendisia , commendatitia ,
206.
Conductus, 206.
Gonfessiones, 224, 225.
Comagium, 185.
Corratagium, 189, 193, 195.
Corrodium, v. Pastus.
Corveia, corvagiœ, corvata,
189,206,209, 211, 212, 213,
214, 216, 218.
Criagium, 194.
Dangerium, 199.
Décima, 184, 185, 186, 187, 188,
189, 194; — décima grossa,
184, 188 ; — décima illata, 187 ;
— décima minuta, 184, 188;
— décima de novalibus, 184,
186 ; — décima numerata,
187; — - décima relicta in
228 —
campis, 187 ; — tractus déci-
mée, 186.
Diablagium, 189.
Districtura, 183, 225.
Eminagium, 202, 203.
Equitatus, v. Cavalcata.
Escoblagium, 201.
Espallagium, 201.
Excubia, v. Guetum.
Exercitus, v. Expeditio.
Expeditio, 216, 217, 218.
Exitus, V. Pedagium.
Fabiacum, fabarium, 185.
Farinagium, v. Molta.
Fenagium, 194, 203.
Fenestragium, 193.
Festagium, fetagium, 189, 196.
Feuagium, foagium, 182, 183,
189.
Foragium, 195, 196.
Forestagium, 201,
Forisfactura, v. Fredum.
Fornagium, furnagmm, 198.
Forragium, v. Redecima.
Fredum, 225.
Frescennagium , friscinga -
gium, 185, 186.
Frumentagium, 185.
Gaitagium, v. Guetum.
Gallinagium, 202.
Ganni, 183.
Garda, 189, 218.
Gestum, 204.
Griaria, Griagium, 199.
Guetum, 189, 218.
Havagium , Havadium , 189 ,
202, 203.
Herbergagium, 204,
Hostis, 216.
Imprunctus, 207.
balaie, jaugeage, 195.
Jundragium, 196.
Lenticularium, 185.
Leudumiee, 183.
Levagiimi, doliorum, 194.
Lignagium, 199.
Linesium, 186.
Maraige, 193.
Mareschaucia , marescalcîata ,
203.
Melagium, 202.
Mensuragium, 189, 193.
Messio, V. Mestiva.
Mestiva, 185, 187, 189.
Minagium, 193.
Molneragium, v. Molta.
Molta, molitura, moltura, mol-
turengia, multura, 189, 196,
197, 198; ~ molta queesita,
197; —molta non quœsita,
197 ; — moulte sèche, 197 ; —
moulte mouillée, 197.
Monacatus, 205.
Monnagium, v. Molta.
Mortagium, 223.
Motanagium, 200.
Multonagium, 186.
Numeragium, 188.
Oblatee, obliatœ, 182.
Oblationes, 223, 224.
Ordeacum, 185.
Paagium, v. Pedagium.
Panes consuetudinarii, 223, 225.
Parata, 201, 222.
Pasnagium, pasnadium, pas-
naticum, 200.
Passagium, 192.
Pastus, 189, 204, 206.
Pavagium, 189.
Pedagium, 189, 191, 192, 195.
Pera, 225.
Perandinatio, v. Brennagium.
Perreya, v, Ponderagium.
Pertuisagium, 195.
Pisiacium, 185.
Plateagium, 189, 192.
Plessagium, 200.
Plumbata, v. Ponderagium.
— 229 —
Ponderagium, 189, 193.
Pontinagium, 189, 192.
Portuagium, 189, 192,
Prœda, 21.
Pressoragium, 194.
Primitiœ, 184.
Procuratio, 189, 204, 205.
Purifîcationes, 224, 225.
Quadrigagium, 189.
Quarragium, v. Gharreium.
Questa, 211.
Rachatum, v. Relevatio.
Redecima, 186.
Relevatio, 183, 184.
Remanentia, 207.
Restalagium, 203, 204.
Roga coacta, 207.
Rotagium, rotaticum, 189, 196,
206.
Salagîum, 189, 193.
Sepultura, 224.
Serjenteria, 225.
Stalagium, 189, 192, 193.
Stipulagium, 201.
Submonitio saccorum, 202.
Supercensus, 182.
Synodus, 222.
Tabemagium, 189.
Tallia, 185, 489, 196, 209, 210,
211, 216, 218, 219.
Teloneum, teloneium, 185, 190,
191, 192, 194, 196, 211.
Tensamentum, 206.
Tercolagium, 194.
Terragium , terradium , 185 ,
189, 205.
Tolta, toltura, 189, 207,209.
Tonleium, v. Teloneum.
Transversuiïi, traversas, 189,
192.
Tyrocinium, v. Cavalcata.
Vaccagium, 185.
Vendagium, v. Ventœ.
Venditiones, v. Ventœ.
Ventœ, 183.
Viaria, viatoria, 195, 196.
Vicaria, 196, 211, 225.
Viciacum, veciacium, 185.
Villenagium, 183.
Vinaginm, 195.
Vindemiagium, 194.
Vindragium, 222.
Vinericia, v. Charreium
Vullagium, 190.
Lucien Merlet.
UN DOCUMENT DU XT SIÈCLE
CONCERNANT LA BEAUCE
Parmi les pièces justificatives d'un livre assez récent, qui a
pour titre : Campagne des Anglais dans ï Orléanais, la Beauce
chartraine et le Gatinais (1421-1428) \ j'ai été heureux de
retrouver un document que j'avais vu autrefois, et qui
m'avait paru alors assez important pour désirer qu'on l'insé-
rât dans nos Bulletins. Je ne sais quelle préoccupation
m'avait fait perdre de vue ce projet; mais en rencontrant
naguère à nouveau cette pièce historique, il me sembla,
comme la première fois, qu'elle avait pour l'histoire et pour
la géographie de notre pays, une importance capitale, et que,
dans nos Procès-Verbaux ou dans nos Mémoires , elle serait
à sa place mieux que partout ailleurs., De peur d'un nouvel
oubli, j'ai aussitôt copié ce document, je l'ai annoté, et c'est
lui que je présente aujourd'hui à l'appréciation de notre
Société.
Ce court préambule suffit pour faire comprendre que je
n'ai point la prétention d'apporter un document inédit. Il
s'agit en effet d'une pièce connue dans l'histoire de France
sous le nom de Lettre du comte de Salisbury aux Maire et
aldermens de la cité de Londres; ou plutôt, ce qui nous inté-
resse, c'est moins cette lettre elle-même qu'une liste qui lui
est annexée, et qui contient le nom des villes que le capi-
taine anglais se vante d'avoir emportées de vive force, sur
les troupes de l'infortuné Charles VII. La lettre n'a pour
nous qu'une importance secondaire ; mais la liste nous inté-
< Par M»e Amicie de Villaret, 168 p. in-8o. H. Herluison, Orléans, 1893.
N» 1,079 de la Bibliothèque de la Soc. archéol. d'E.-et-L.
— 231 —
resse au premier chef, puisque sur 38 noms, 21 et peut-être
même 22 ou 23, appartiennent au territoire compris aujour-
d'hui dans le'département d'Eure-et-Loir * .
Cette liste a été publiée pour la première fois par M. Jules
Delpit, dans la Collection générale des documents français qui
se trouvent en Angleterre (p. 237). M. Aug. Longnon, archi-
viste aux Archives nationales, la lui a empruntée pour son
savant mémoire sur Les limites de la France (Revue des
questions historiques. Octobre 1875, p. 487). M"* A. de Villa-
ret Ta donnée en pièce justificative dans la Campagne des
Anglais, (p. 142). Il ne serait donc ni vrai, ni loyal de vouloir
attribuer à cette pièce la saveur de l'inédit. Si, après les
trois publications précédentes, j'en propose une quatrième,
c'est que celle-ci sera, non pas ad usum Delphini, mais ad
usum Carnutensium, c'est-à-dire qu'elle sera faite à un point
de vue exclusivement local, et avec des annotations qui ne
peuvent avoir d'intérêt que t)our des .Chartrains.
M. Longnon a cherché à identifier les noms de cette liste,
qui sont presque tous défigurés et méconnaissables dans
l'original. Son expérience de paléographe l'a heureusement
servi dans ce difficile travail, et il faut dire à sa louange
qu'un étranger à la Beauce ne pouvait pas faire mieux. Tou-
tefois, sans vouloir mettre en parallèle mon incompétence
en pareille matière avec la science de ce maître consommé,
je me permets de contrôler plusieurs de ses identifications,
d'en contredire quelques-unes , et d'émettre des doutes sur
d'autres. La partie neuve de ce travail consiste donc dans les
commentaires dont j'accompagne la plupart des noms de
cette liste.
Pour rendre à chacun ce qui lui est dû, sans confusion
possible, j'ai adopté la disposition suivante. En première
ligne, sont les noms tels qu'on les lit dans l'original anglais ;
les parenthèses accolées à plusieurs de ces noms sont l'œuvre
de M. Longnon, qui redresse ainsi l'incorrection du premier
copiste. En regard sont les noms modernes avec lesquels
M. Longnon croit pouvoir identifier les noms du texte
* La lettre de Salisbury n'ayant pas un rapport direct avec le présent mémoire,
je n'ai point cru devoir Ty insérer ; mais comme il est fait allusion plusieurs
fois à cette lettre, on la trouvera en appendice, sous forme de pièce justificative.
— 232 —
anglais. Avant chaque nom, j'ai placé un chifift-e auquel cor-
respond en note un chifire semblable , sous lequel se trouve
l'observation que j'ai cru devoir faire sur le bien-fondé de
ridentification proposée, pour Tappuyer ou la combattre,
selon mon appréciation personnelle. Le lecteur appréciera à
son tour; ayant ainsi sous les yeux les pièces du procès, il lui
sera facile de formuler son jugement, qui pourra bien n'être
en faveur d'aucun des deux interprétateurs.
1. Nogent-le-Roy.
2. Sacha-Nœf.
3. Mounteney - le • Gavoron
(Mounteney-le-Ganeron) .
4. Mono (Meno).
5. Laffarte, Veemille (Laf-
fertô-VeenuUes).
6. Seint-Simond.
7. Percheras.
8. Lareyneville.
9. Macheville.
10. Patoye.
11. Euville (Onvile).
12. Envyle.
13. Lapesett.
14. Towdy (Towry).
15. Basseosse-la-Galarand.
16. Praperye.
17. Harteney.
18. Saint-EIy.
19. Emondville.
20. Introville (Intreville).
21. Roveray, Seint - Denys
(Roveray-Saint-Denis) .
22. Aleyit (Ablyt).
23. Rochefort.
Nogent-le-Roi (Eure-et-Loir).
Châteauneuf-en-Thimerais (E. - et-L.) .
Montigny-le-Gannelon (Eure-et-Loir).
Manon (Eure-et-Loir).
La Ferté-Villeneuil (Eure-et-Loir).
•
Saint-Sigismond (Loiret).
Porcheresse, château, commune de
Saint-Sigismond.
Renneville, h., commune de Saint -
Péravy-la-Colombe (Loiret).
Marché ville (Eure-et-Loir).
Patay (Loiret).
Hon ville, commune de Boisville-la-
Saint-Père (Eure-et-Loir).
Houville (Eure-et-Loir).
Le Puiset (Eure-et-Loir).
Toury (Eure-et-Loir).
Bazoches-les-Gallerandes ( Loiret) .
Poupry (Eure-et-Loir).
Artenay (Loiret).
Santilly (Eure-et-Loir).
Ymonville (Eure-et-Loir).
Intreville (Eure-et-Loir).
Rouvray-Saint-Denis ( Eure-et-Loir ).
Ahlis (Seine-et-Oise).
Rochefert (Seine-et-Oise).
24. Brutecourt.
25. Lamote-de-Mercoye.
26. Anngerville -la - Gâte
(Aungerville).
27. Etreville (Otreville).
28. Saintelyon (Saint-El [er]
yon?)
29. Teverne (Tevernon).
30. Termenerys.
31. Sowche.
32. Nowy.
33. Gratelyne.
34. Cranys (Tranys).
35. Grangreville (Trangré-
vUle).
36. Mansuflera.
37. Yenville.
38. Meun-sur-Loire.
— 233 —
Brétencourt, commune de Saint-Martin-
de-Brétencom't (Seine-et-Oise).
Angerville (Seine-et-Oise).
Oytreville, hameau d' Angerville (Seine-
et-Oise).
Saint-Hilarion ( Seine-et-Oise ).
Tivernon (Loiret).
Terminiers-en-Beauce (Eure-et-Loir) .
Sougy (Loiret).
Neuvy-en-Beauce (Eure-et-Loir).
Trogny, commune d'Huôtre (Loiret).
Trancrainville ( Eure-et-Loir ).
La Mancelière (Eure-et-Loir).
Jan ville ( Eure-et-Loir ) .
Meung-sur-Loire ( Loiret ) .
1. Nogent-le-Roi, tombé aux mains des Anglais en 1421, repris
par Giraud de La Pallière en 1427, fut emporté par Salisbury au
début de la campagne de 1428, c'est-à-dire vers le mois de
juillet.
2. Ghâteauneuf a partagé les différentes fortunes de Nogent-
le-Roi.
3. Montigny-le-Gannelon, grâce à sa position et à une enceinte
de murailles, était comme une petite place forte.
4. M. Longnon a lu Manon pour Manou, qui, je crois, n'est pas
en cause ici. Il est facile de voir qu'il y a un certain ordre topo-
graphique dans cette nomenclature ; il n'est donc guère admis-
sible que le nom placé entre ceux de Montigny et de la Ferté
indique une localité du Perche. D'ailleurs, on conn^,ît l'itinéraire
suivi par l'armée de Salisbury, et le Pgrche est complètement
en dehors de cet itinéraire.
5. Le texte original faisait deux places différentes de Laffarte
et de VeenuIIe, M. Longnon a uni les deux noms pont n'en faire
— 234 —
qu'une place. Il est hors de doute que la Ferté-Villeneuil, alors
ville fortifiée, après avoir été occupée une première fois par le
roi d'Angleterre en 1421 , fut prise de nouveau en 1428 par
Salisbury. (Histoire de Charles VII par Vallet de Virville, I,
p. 273.)
6. L'auteur de la liste a écrit ce nom tel qu'il l'avait entendu
prononcer par les habitants du pays. On dit encore aujourd'hui
plus fréquemment Saint-Simond que Saint-Sigismond, qui est
le nom authentique.
8. Dans son savant Mémoire sur le Compte de l'armée anglaise
au siège d'Orléans (1428-1429) M. L. Jarry propose, au lieu de
Renneville, La Rainville^ paroisse de Villampuy, qui avait alors
château et tour fortifiée. {Mémoires de la Société archéologique de
rOrléanais, XXIII, p. 514.)
9. Le môme auteur, loeo citato^ propose de lire Machelainville,
commune de Péronville, au lieu de Marchéville, qui est en effet
bien éloigné de la Beauce orléanaise, dont font partie les loca-
lités qui précèdent et qui suivent. Machelainville était un manoir
féodal, flanqué de demi-lupes, entouré de larges fossés. Un aveu
de 1587 dit que cette tour « était une forteresse renommée dans
les guerres intestines.» Quoique les fortifications soient détruites,
Machelainville conserve encore quelques vestiges de son passé ;
on l'appelle communément le « Château-Rasé ». Je partage
entièrement l'avis de M. Jarry pour cette identification et pour
la précédente.
10. J'ai trouvé dans des actes notariés de 1550 la preuve que
Patay avait encore fossés et murailles de défense au XVI« siècle.
Salisbury, en prenant cette petite ville , était loin de penser que
l'année suivante, l'armée anglaise subirait non loin de là une
défaite qui vengerait Azincourt.
il. 12. Ces deux attributions doivent être acceptées sous béné-
fice d'inventaire. L'armée de Salisbury ne parait pas avoir
pénétré dans le Chartrain, et cette pointe, en dehors de la ligne
qu'elle a suivie constamment, est d'autant moins admissible
qu'il n'est fait aucune mention des localités intermédiaires entre
la Beauce orléanaise et ces deux villages , qui sont au cœur du
pays chartrain. Les noms de lieux terminés en ville sont assez
communs dans cette contrée, pour que le scribe anglais, les
confondant les uns avec les autres, n'ait écrit qu'approximati-
vement les noms qu'il voulait consigner.
13. Le Puiset conservait encore à cette époque quelque chose
— 235 -.
de cette force qui lui avait permis de tenir longtemps en échec
Tarmée de Louis-le-Gros. Mais sa garnison était trop peu nom-
breuse pour résister à une armée. Salisbury, abusant de sa vic-
toire, fit pendre tous ses défenseurs.
14. La petite place de Toury avait pour commandant Gérard
ou Giraud de la Pallière qui, Tannée précédente, avait enlevé
plusieurs places aux Anglais. Malgré sa bravoure éprouvée, il
prit la fuite pour des raisons que Thistoire ne donne point,
laissant la garnison à la merci d'un vainqueur qui ne connaissait
guère la clémence. Toury offrit de capituler, mais Salisbury
préféra le bombarder et le brûler.
15. Bazoches-les-Gallerandes, (1.100 hab.) canton d'Outarville,
arrondissement de Pithiviers f Loiret).
16. Poupry, comme Santilly, Ymonville etc., n'avait probable-
ment pas d'autre moyen de défense qu'une église fortifiée, selon
l'expression de la lettre de Salisbury. Certains clochers de Beauce,
tels que celui de Rouvray-Saint-Denis, sont des tours massives
dans lesquelles une poignée de soldats déterminés pouvaient
impunément résister aux efforts d'une troupe ennemie ; mais ce
n'étaient pas des obstacles capables d'arrêter une armée
entière.
17. Artenay, {1.000 hab.), chef-lieu de canton, arrondissement
d'Orléans.
18. Saint-Ely. Si le texte porte ce nom écrit ainsi en deux
mots, ne désignerait-il pas plutôt Saint-Lyé iLoiret), qui est aussi
près d' Artenay que Santilly ?
21. Rouvray-Saint-Denis. Le texte avait fait de Rouveray et
de Saint-Denis deux localités différentes. En rapprochant les
noms, M. Longnon n'en a fait qu'une ; celle-ci devait l'année
suivante être le théâtre de la Journée des Harengs.
22. Le premier copiste avait lu Aleyit, M. Longnon en exami-
nant le texte plus attentivement y a lu Ablyt qu'il traduit avec
raison par Ablis (900 hab.) canton de Dourdan, arrondissement
de Rambouillet (Seine-ct-Oise). La première lecture aurait plutôt
semblé indiquer Alluyes qui est beaucoup plus éloigné de cette
ligne des opérations.
23. Rochefort, (600 hab.), canton de Dourdan, arrond. de
Rambouillet. (Seine-et-Oise).
24. Brétencourt. Aujourd'hui Saint-Martin- de -Brétencourt
(600 hab.), canton de Dourdan, arrondissement de Rambouillet.
— 236 —
25. Lamote-de-Mercoye. M"« de Villaret écrit La Mole ; Fautre
version semble plus probable, quoique Ton ne puisse appliquer
ce nom à aucune localité connue aujourd'hui. Le département
d'Eure-et-Loir compte 16 hameaux du nom de 7a Motte, mais
aucun ne se trouve dans cette contrée de la Beauce ; le plus
rapproché est près de Bazoches-en-Dunois. Le surnom Mercoye
fait penser à Mérasville (Fresnay-fEvêque), à Mérouvilliers
{Ymon ville) et à Marray, (Guilleville) * qui sont dans le voisinage;
mais la terminaison ne permet pas de s'y arrêter. Il est probable
qu'il s'agit d'une localité du Loiret, ce qui nous rend l'identiflca-
tion impossible.
26. Angerville, (1.500 hab.) canton de Méréville, arrondisse-
ment de Rambouillet, a porté le surnom de la Gâte jusque dans
les premières années de ce siècle.
27. Oytreville étant un hameau d' Angerville, il est assez
naturel de penser que c'est ce nom qui correspond au nom
Otreville du texte anglais. Pourtant ce nom pourrait tout aussi
bien convenir à Outrouville, hameau d'AUaines, qui s'est long-
temps écrit Outreville.
28. Saint-Hilarion près d'Epernon me semble ici peu admissible.
Le texte porte Saintelyon ; M. Longnon suppose les lettres er
entre el et yon, probablement parce que l'original a une lacune,
un blanc en cet endroit : il arrive ainsi à avoir Saint-Eleryon
qu'il traduit par Saint-Hilarion. Mais je crois que Saint-Hilarion
étant un peu loin, il vaut mieux chercher plus près et proposer
Santilly par exemple, Saint-Lyé, ou encore Lyons-en-Beauce
qui sont dans le voisinage, et dont la consonnance se rapproche
de Saintelyon autant que Saint-Hilarion.
29. Tivernon, (500 hab.) près Toury, commune du canton
d'Outarville, arrondissement de Pithiviers (Loiret.)
30. 31, 34. Terminiers (Eure-et-Loir), Sougy (1.000 hab.) et
Trogny, hameau de Huôtre (Loiret) se trouvaient sur le chemin
* On sera surpris que je trouve une certaine ressemblance entre Marray et
Mercoye. Je base le rapprochement de ces deux noms sur les observations sui-
vantes. Dans cette partie de la Beauce, le son er est très souvent remplacé par
le son ar : on dit encore aujourd'hui Tarminiers, Jarmignonville pour Termi-
niers y Germignonville, De plus la terminaison ay, ai s'écrivait prescpie toujours
oi : il étoit. Nous en avons une preuve dans ce document même ou Patay est
écrit Patoye, Mercoye peut donc très bien être écrit ici pour Marcay dont la
parenté avec Marray est visible. Il n'y a plus qu'une lettre qui diffère. L'écrivain
anglais ou son copiste ont pu faire cette erreur. ,
— 237 —
de Janville à Patay, et par conséquent sur le chemin de Tarmée
anglaise, comme Tannée suivante, ils se trouvèrent sur le che-
min de Jeanne d'Arc, lorsqu'elle reconduisit précipitamment la
môme armée de Patay à Janville.
32. Neuvy-e?n-Beauce nous ramène fort en arrière, et pourtant
il est difficile d'interpréter autrement le Nowy du texte anglais.
11 est certain d'ailleurs qu'un curé de Neuvy fut pendu par les
Anglais à cette époque ; mais on ne sait s'il s'agit de Neuvy-en-
Beauce.
33. Aucun nom de localité beauceronne ne rappelle aujourd'hui
le nom de Cratelyne. La fin de ce mot pourrait faire penser à
Allaines, mais le commencement ne permet pas de s'y arrêter.
36. Mansufîera ne se rapporte à aucune des localités qui existent
aujourd'hui dans cette partie de la Beauce, et il vaut mieux ne
pas identifier ce nom que d'aller chercher La Mancelière sur les
confins de la Normandie. Peut-ôtre pourrait-on y voir Le Maza-
rier, manoir seigneurial de la paroisse de Loigny, qui est devenu
par la suite des temps le château de Goury ; mais je ne propose
que bien timidement cette interprétation*.
37. Janville fut attaquée par le gros de l'armée , pendant que
des colonnes volantes allaient s'emparer de places moins impor-
tantes. Cette ville se défendit et se laissa bombarder. La résis-
tance, organisée par Prégent de Coétivy , fut acharnée, si on en
juge par la lettre même de Salisbury qui dit s'être approché
plusieurs fois de cette ville, et ne l'avoir emportée qu'après le
plus fort assaut qu'il vit jamais. La place se rendit le Dimanche
29 août ; c'est du moins la date la plus probable, car les dates
précises des opérations de cette campagne n'ont point été
conservées par l'histoire. Les soldats qui défendaient la ville se
retirèrent dans la tour, mais ils furent bientôt forcés de se
rendre à discrétion.
L'armée anglaise fit de Janville le centre de ses approvision-
nements ; mais le lendemain de la bataille de Patay, les vaincus
^ On ne doit point prendre trop à la lettre ce que je donne comme impro-
bable à cause de l'étoiçnement de }a ligne que suivait Salisbury. On peut admettre
en effet que des capitaines de routiers auxquels on laissait une certaine indé-
pendance ont pu, par un hardi coup de main, s'emparer de La Mancelière,
au début de la campagne, et Salisbury^ ayant oublié de placer ce nom auprès de
celui de Chàteauneuf, Ta consigné ici à tout hasard. C'est sans doute a cause
de La Mancelière que M. Longnon donne l'Avre comme point initial de cette
campagne {loeo citato, p. 486.) Ce qui est ceitain, c'est que le principal effort
des Anglais s'est promptement porté vers la Beauce.
— 23g —
s étant sauvés précipitamment jusqu'à J an ville, les habitants
leur en fermèrent les portes.
38. Salisbury ne s'empara pas en personne de la ville de
Meung. Un détachement de son armée alla chevaucher de ce côté
dans les premiers jours de septembre, et la ville se rendit sans
résistance.
Salisbury, dans sa lettre, parle de 40 villes ou châteaux
conquis par ses armes ; il n'y en a en réalité que 38, mais on
remarquera qu'ayant séparé Saint-Denis de Rouvray, et Vil-
leiieuil de la Ferté, il devait trouver exactement le nom-
bre quarante. Dans le nombre des 38 places tombées alors en
sa possession, on n'en trouve guère que 5 ou 6 qui soient
dignes du nom de ville, et autant qui étaient des lieux plus
ou moins fortifiés. Les autres n'étaient que des villages sans
défense dont la prise nous rappelle la réflexion si juste d'un
de nos poëtes :
A vaincre sans péril on triomphe sans gloire.
A la lecture de cette lettre, les honorables fonctionnaires
de Londres ont pu croire que leur compatriote était un émule
de César et venait de renouveler les exploits racontés dans
le livre De bello gallico ,- la liste qu'il a dressée réduit ses
hauts faits à leur juste valeur, et nous permet de conclure
que le capitaine anglais avait la gloriole facile.
Tel est donc ce document qui m'a semblé n'être pas sans
intérêt pour l'histoire de notre province beauceronne.
L'orthographe plus que fantaisiste des noms qu'il nous a
conservés ne nous permet pas d'en tirer tout le profit que
nous aurions désiré. Quelques-uns seulement de ces noms
sont reconnaissables à première vue ; d'autres sont déchif-
frables après quelques recherches, mais plusieurs sont si
singulièrement défigurés qu'on les croirait étrangers à notre
contrée, si on n'avait pas la certitude qu'ils n'appartiennent
pas à une autre.
J'ai donné mon opinion à leur sujet, non pas pour contre-
dire les interprétations précédentes, mais parce qu'il m'a
semblé qu'un beauceron avait bien le droit de dire son mot
dans la question. Entre l'opinion de M. Longnon et la mienne,
— 239 —
quand il y a divergence, le lecteur pourra choisir; peut-être
même donnera-t-il tort à Tune et à l'autre, en en proposant
une troisième qu'il croira plus rationnelle. En ce qui me
concerne, je ne le trouverai pas mauvais, et je serai même
reconnaissant à cet heureux œdipe, s'il veut bien me faire
connaître la solution qu'il aura donnée à ces curieux pro-
blèmes onomastiques.
Puisque l'occasion s'en présente, j'appellerai l'attention
des jeunes travailleurs de notre Société sur l'étude des noms
anciens du pays chartrain. Ils ont eu des précurseurs dans
cette voie. M. Lucien Merlet a consacré à ces noms une de
ses premières œuvres, sous le titre de Dictionnaire topogra-
phiqiie du département d'Eure-et-Loir * et M. Ed. Lefèvre,
dans ses Documents historiques et statistiques sur les com-
munes - aborde incidemment cette question toutes les fois
que le nom de quelque localité se présente sous sa plume. Je
connais ces ouvrages et je rends justice à leurs mérites res-
pectifs ; pourtant je crois qu'après eux il reste encore beau-
coup à faire, et qu'il y a là une veine dont on a commencé
l'exploitation, mais qui est loin d'être épuisée. Un diction-
naire étymologique et interprétatif des noms anciens de la
Beauce rendrait les plus grands services.
Ce qui le prouve, c'est l'embarras où se trouvent tous ceux
qui ont à traduire ou à commenter quelque vieux texte
contenant des noms de localités. Malgré toute sa science de
paléographe et le concours éclairé de son père, qui ne lui a
pas fait défaut, M. René Merlet s'est vu dans ce cas, lorsqu'il
a publié la Petite chronique de Bonneval (Mémoires X, p. 28).
Il donne en appendice le commencement du texte de la
Petite chronique où fourmillent les noms de localités. Il a
identifié un grand nombre de ces noms, mais parfois il ne l'a
fait qu'en hésitant, et plusieurs ont échappé à toute identi-
fication.
Depuis les travaux de M. L. Merlet et de M. Lefèvre, on a
.édité plusieurs cartulaires qui ont apporté de nouveaux élé-
* 254 p. in-4°. Paris, imprimerie impériale.
' Publiés dans les Annuaires du département d'Eure-et-Loir de 1864 à 1877,
puis réunis en volume. Celte publication a été interrompue avant d'être'
complète.
— 240 —
ments à la topographie ancienne de la Beauce, du Perche et
du Dunois. Ces savantes publications sont toujours complé-
tées par des tables, où les noms de lieux cités dans les docu-
ments originaux sont consciencieusement étudiés ; mais les
rédacteurs de ces tables ne connaissent qu'imparfaitement
les pays où sont situés ces différents lieux, parfois très éloi-
gnés les uns des autres, et comme ils n'ont aucun guide pour
les diriger et éclairer leurs recherches, ils n'avancent que
d'un pas incertain dans ces régions où les voies ne sont pas
tracées, et malgré toute leur prudence il leur arrive de com-
mettre de véritables erreurs * .
Il me semble donc incontestable qu'un travail approfondi,
raisonné, et autant que possible documenté, sur les noms
anciens, serait un auxiliaire très apprécié de ceux qui se
livrent à l'étude des vieux textes. Ce travail, du reste, sans
se borjier exclusivement aux noms de lieux, pourrait
s'étendre à tout ce qui fait partie de l'archéologie topogra-
phique, aux lieux d'habitation disparus, aux limites despagi,
aux traces de demeures souterraines, etc. La statistique
archéologique de M. de Boisvillette n'embrasse que les pé-
riodes de l'indépendance gauloise et de la Gaule romaine; on
pourrait la continuer et la conduire jusqu'à la fin du moyen-
âge. Il est vrai que certaines parties de cette statistique n'ont
subi aucune modification en traversant les siècles, telles sont
l'hydrographie, l'orographie et en grande partie la stratigra-
phie (voies militaires et publiques). Mais d'autres ont subi des
modifications profondes, ou bien elles sont postérieures aux
époques précédemment étudiées v. g. les monuments, ces
curieux témoins de son passage que chaque siècle a laissés
après lui avec des marques qui le caractérisent. De plus la
statistique de M. de Boisvillette a laissé de côté l'histoire
naturelle et presque tout ce qui s'y rattache ; or plusieurs de
ses branches pourraient rentrer dans une étude sur la topo-
graphie ancienne, comme la paléontologie et même la géolo-
gie ; on pourrait en un mot donner à ce travail presque toute ,
l'extension qu'on donne aujourd'hui à la géographie, et
l'appeler Géographie de l'ancienne Beauce.
^ Sans avoir la science des éditeurs de nos cartulaires, je crois avoir décou-
vert quelques erreurs de ce genre, concernant les lieux que je connais parti-
culièrement, dans les cartulaires les plus récents.
— 241 —
Cette proposition, je le crains, ne paraîtra qu'une utopie
plus ou moins irréalisable. Elle pourrait cependant amener
des résultats utiles, si elle était prise au sérieux par quelque
jeune travailleur qui n'a point encore de but déterminé. Il
sortirait de ses recherches un travail qui ne serait ni sans
profit pour la science, ni sans gloire pour son auteur.
1 , 2. LETTRE DU COMTE DE SALISBURY AUX MAIRE ET
ALDERMEN DE LA CITÉ DE LONDRES «.
Très fidèles et très chers amis, nous vous saluons très cordia-
lement, et connaissant parfaitement votre impatience d'avoir de
bonnes nouvelles de la guerre que notre souverain seigneur
a entreprise pour conquérir le pays ennemi où nous sommes
présentement, nous vous informons que depuis notre retour en
France, nous avons remporté des avantages considérables dont
je ne cesse de remercier Dieu , le suppliant aussi de nous conti-
nuer ses miséricordieuses faveurs. Après nous être emparés de
plusieurs villes, châteaux et forteresses, nous sommes allés
mettre le siège devant la place de Janviïle et , après divers tra-
vaux d'approche, huit jours après, le dimanche 19, nous avons
conquis ladite place de Janviïle après le plus formidable assaut
que nous ayons jamais vu. Après quoi nous avons également
soumis à l'obéissance du Roi un grand nombre d'autres villes ,
châteaux et églises fortifiées. Dieu en soit loué ! Quelques-uns
se sont rendus, d'autres ont été pris de vive force ou de tout
autre manière , Ils sont au nombre de 40 ! Dieu en soit béni. Et
aussi chaque jour nous regagnons à force de peine et de fatigue
quelque nouvelle portion du territoire. Nous serions heureux
d'être soutenu dans notre labeur par quelques-unes de vos lettres
et nous vous demandons de nous continuer votre bon vouloir,
comme nous aussi , ferons , comme par le passé , ce que nous
pourrons pour, le mériter. Nous prions la Sainte Trinité de vous
garder sous sa protection.
Écrit à Janviïle le V« jour de septembre.
Le comte de Salisbury et du Perche.
^ Je ne donne ici que la traduction de ce document écrit en un anglais
archaïque assez difficile à comprendre, et, de plus, fort obscurément rédigé
(Note de M*^« de Villaret à laquelle cette traduction est empruntée.)
T. XII, M. 16
— 242 —
Item, nous vous informons qu'après avoir écrit ce qui précède
nous avons su que notre frère, sir Richard Hankeford, que nous
avions envoyé devant les ville et château de Meung-sur-Loire
s'y est, par la grâce de Dieu, si bien employé, qu'il a mis la
ville, le château et les habitants en l'obéissance de notre Souve-
rain Seigneur. Cette ville et ce château étaient abondamment
fournis de défenseurs et suffisamment approvisionnés. Dieu en
soit loué ! et nous retrouvons en cette circonstance la continua-
tion de la protection divine. Cette ville a un très beau pont sur
la Loire et est située à environ cinq lieues d'Orléans.
Abbé Sainsot.
CHRONOLOGIE
DES
PREMIERS SEIGNEURS DE CODRVILLE
NOTICE GÉNÉALOGIQUE
COURVILLE ET VIEUXPONT
La pièce la plus ancienne et la plus importante du fonds
de la seigneurie de Courville, aux Archives d'Eure-et-Loir,
est un aveu de 1366 que nous avons collationné sur différentes
copies peu correctes et que nous donnons in extenso à la fin
de ce travail.
:. Les Archives du Calvados ne renferment pas de documents
anciens relatifs à la seigneurie de Vieuxpont-en-Auge, ber-
ceau de la famille qui nous occupe. Celles du département
de TEure possèdent le fonds très riche de la Seigneurie du
Champ-de-Bataille dont le château servait de résidence aux
seigneurs du Neubourg. Nous y avons trouvé des pièces du
plus haut intérêt relatives à Ives de Vieuxpont-Harcourt.
Les archives de la famille avaient suivi, au château du
Champ-de-Bataille, l'aîné des fils de ce Ives, qui, délaissant
Courville a ses frères, avait conservé le Neubourg. Malheu-
reusement ces archives ne remontent pas au-delà du
XV* siècle.
Parmi les sources auxquelles nous avons eu recours, nous
pouvons citer les manuscrits de la Collection des Titres de la
Bibliothèque nationale, les Cartulaires de nos anciennes
abbayes, et le Prieur de Mondonville.
— 244 —
M. Bourbon, archiviste de l'Eure, a obligeamment mis à
notre disposition les notes qu'il avait prises sur certaines
pièces des dossiers du fonds du Champ -de -Bataille, non
encore classés, et M. de Lyée de Belleau, conseiller général
du Calvados, allié à la famille de Vieuxpont. nous a confié
les documents que M. Bénet, archiviste du Calvados, avait
rassemblés à son intention. Nous adressons tous nos remer-
ciements à ces Messieurs.
Les auteurs qui se sont occupés des Vieuxpont- Courville,
y compris Larroque, sont unanimes à affirmer que les
membres de cette famille portaient « confusément » ces
deux surnoms. Néanmoins, d'accord avec les titres de nos
cartulaires, nous préférons établir une distinction.
I
SEIGNEURS DU NOM DE COURVILLE
I. Le nom du premier seigneur de Courville ne nous est pas
parvenu. Il vivait dans la seconde partie du x« siècle, était
un des fidèles et probablement des proches de Thibaut-le-
Tricheur; il relevait de lui, et la forteresse de Courville,
comme la plupart des places fortes des environs, se rattachait
au système de défense des frontières de son comté.
De ce Seigneur :
1° Ives, deuxième seigneur de Courville, ci-après ;
2^ Otran, qui donne naissance : 1» à Gautier ; 2» à Ives,
mari de Basilisse, neveu et futur héritier de Gaston de
Châteauneuf, fils du grand Gaston, ainsi mentionné dans
une charte de Coulombs non datée, relative à la dîme
de Chalet.
II. Ives, deuxième seigneur de Courville, se trouve men-
tionné vers 1025-48 dans la charte de donation de l'église de
Chuisnes, puis en 1042-44 dans le titre de fondation du
prieuré de Saint-Hilaire-sur-Yerre avec Raoul, son fils, et
Ives son petit-fils, fils de Ives de Beaumont. Dans cette charte
(xxii^ du cart. de Marmoutier pour le Dunois) le seing de
— 245 —
Ives est placé le troisième, le seing du roi étant le premier
et celui du comte Thibault le second ; quant au seing de
Raoul, il vient le cinquième avant celui de Hugues, vidame
de Chartres. — Dans la charte de Villeberfol de 1042-52, du
même cartulaire, Ives de Courville, seigneur dominant,
figiu'e avec ses enfants : Giroie, Raoul, Ives et Hugues. — En
1055, il fait donation à Chuisnes du moulin de Tranchesac
pour le repos de son âme, de celle de Otran, son frère, de
Agathe, sa femme, et de tous ses fils et filles.
De sa femme Agathe, Ives eut, entre autres enfants :
lo Giroie, troisième seigneur de Courville ;
2® Ives, tige des comtes de Beaumont-sur-Oise, qui
souscrivit la charte de confirmation accordée par le roi
Robert à Tabbaye de Coulombs, mort en 1091 ;
3® Raoul ;
40 Hugues, dont le fils Hugues est mentionné en 1130
dans le Cartulaire de Tiron ;
50 Thibault ;
6° Simon.
m. Giroie, troisième seigneur de Courville, époux de
Philippe, dont la filiation, précédemment établie, se trouve
confirmée par Tacto de cession (1066) des droits de supé-
riorité qui lui appartiennent sur les huit chanoines fondés par
Ives son père. — Il se qualifie de possesseur de la forteresse
de Courville dans une donation qu'il fait vers 1077-80, à
Tabbé Barthélémy et ses religieux, de Téglise de Saint-
Nicolas de Courville, du consentement de sa femme Philippe
et de ses frères Thibault et SimoA. — La date de 1095-98
attribuée par M. Mabille à la charte de donation de l'église
de Saint- Avit, du . consentement de Giroie de Courville, ne
peut être postérieure à 1095, puisque, par une autre charte
de Saint-Père-en- Vallée du 19 mars 1094 (v. st.), Philippe de
Courville et Ives son fils donnent à l'abbé Eustache le ban
qu'Ives et Giroie leurs prédécesseurs, possédaient à la
Pommeraye.
Giroie et Philippe ont laissé :
1^ Ives, quatrième seigneur de Courville;
2<* Une fille mariée à Ives fils de Herbert.
— 24i} —
IV. Ives, quatrième sei^meur de Courville, qui, ainsi que
nous Favons vu , était mineur à la mort de Giroie son père,
donne en présence de sa femme, postérieurement à 1101, aux
moines de Saint-Père-en-Yallée, les coutumes que Giroie et
Philippe ses père et mère avaient sur leurs terres. — Résigne
en 1115, entre les mains de l'Évêque de Chartres, l'église
Saint-Nicolas de Courville. — Consent vers 1117 la donation
de la moitié de Véglise d'Anet. — Vers 1118, donne aux
moines de Tiron sa terre d'Augerville. — En 1127 Ives,
renonçant au monde, abandonne au comte Thib'ault, moyen-
nant deux cents marcs d'argent, Courville avec ce qu'il tient
en fief de lui et du vicomte de Chartres sous condition de les
rendre à Robert de Vieuxpont et à son défaut au fils de
Guillaume de Tourouvre, neveu dudit Robert, contre rem-
boursement de ladite somme. — Vers 1128, Ermesende ou
Hermenfrede, sa veuve, donne à Marmoutier l'église de
Saint-Martin-de-Chuisnes. Ives est ici désigné avec le surnom
de Cotella « gonelle ».
Dans une charte datée de 1120-1127 et portant le n<* 28 du
cartulaire de Saint-Jean que M. R. Merlet publie actuelle-
ment, les moines constatent que Foulques, seigneur de Cour-
ville, que nous avons trouvé dénommé tantôt Foulques du
Chesne, tantôt Foulques de Courville, a concédé diverses
possessions au prieuré de Courville moyennant dix livres.
Ives de Courville figure parmi les témoins avec le qualificatif
de domiims.
Nous n'avons mentionné que les noms dont le rattachement
nous paraît indiscutable écartant à dessein ceux dont la
parenté ne se trouve pas établie : Gontier époux de Odeline ,
dont le fils Aimery fait en 1066 avec Bonne, sa femme, une
concession aux religieux de Chuisnes; Roscelin, Giraud,
Constant, Raoul, chambrier de l'Évêque de Chartres, mort
le 16 septembre 1146; que la mise au jour de documents
ignorés aujourd'hui permettra un jour d'identifier.
— 247 —
II
SEIGNEURS DU NOM DE VIEUXPONT
Armoiries : D'argent à dix annelets de gueule, — Supports :
Deux levrettes au naturel accolées de gueule, bordées, clouées,
et bouclées d'or et armées de 'gueule, — Cimier : une tête de
Maure au naturel bandée d*azur, — Devise : Sur ce vieux
pont je me repose,
I. Robert de Vieuxpont dut, après le départ de Courville
de Grand-Jean le Friaize qui avait occupé la forteresse
pendant rinvasion anglaise, accéder au désir exprimé .par
Ives de Courville, car, si nous ne le rencontrons pas men-
tionné avec le titre de seigneur de Courville, nous voyons
son fils :
II. Guillaume de Vieuxpont, cinquième seigneur, appa-
raître dès 1150 dans les titres de Josaphat, au sujet de la
remise du droit qu'il avait sur la dîme donnée à cette abbaye
par Eudes de Boisville. — Vers la même époque, assisté de
Ives et Robert, ses fils, il abandonne aux mêmes religieux
les droits d'entrée qu'il prélevait aux portes de Courville sur
les denrées leur appartenant. — En 1108 (titre de Beaulieu)
il consent, comme seigneur du fief, la donation du bois de
Lèves faite par Gautier de Friaize. — Enfin dans les premières
années du règne de Philippe- Auguste, Guillaume de Vieux-
pont, alors chevalier, se trouve compris avec Girard, son
frère, dans une assiette faite aux hoirs de Robert, comte
d'Alençon, de la terre d'Ecochay en échange de celle d'Estau.
Guillaume de Vieux^^ont eut de Perronnelle :
1° Ives de Vieuxpont, sixième seigneur de Courville ;
2° Robert de Vieuxpont, seigneur de Courville après son
frère ;
3° Guillaume de Vieuxpont, chevalier, époux de Mar-
guerite de Chartres, fille de Girard et de Isabelle de
Houville.
— 248 —
III. Ives de Vieuxpont, sixième seigneur de Courville
épouse en premières noces Albérède d'Anet, puis en secondes
Perronnelle. — En 1185 il fait aux religieux de Marmoutier,
du consentement de Robert et Guillaume ses frères et de
Albérède sa femme, une donation ratifiée en janvier 1235
par un autre Ives alors seigneur de Courville et sa sœur
Isabelle, veuve du seigneur de la Ferté-Bernard, et confirmée
par Marie mère de ce Ives. — Albérède vivait encore en 1187.
— En 1190 Ives, de concert avec Perronnelle sa femme, Robert
et Guillaume ses frères, confirme la remise qu'il a faite à
Marmoutier, pour l'anniversaire de son frère Guillaume, d'un
droit de péage qui lui était dû.
IV. Robert de Vieuxpont S frère du précédent, septième
seigneur de Courville, épouse Marie de Châtillon, fille de
Guy* de Châtillon et de Alix de Dreux. — Marie de Châtillon
était veuve de Jean III de Montoire, comte de Vendôme, et
avait épousé en premières noces Renaud, comte de Dam-
martin, qui l'avait répudiée. — Nous trouvons Robert men-
tionné avec son titre de seigneur de Courville en 1196 dans
la charte cciii du cartulaire de Marmoutier pour le Dunois. —
En 1197 (titre de Saint-JeanJ il fait abandon, en présence de
son frère Guillaume, de toutes ses prétentions sur l'église et
le prieuré de Saint-Nicolas de Courville et confirme tous les
droits octroyés par ses prédécesseurs. — La même année il
confirme aux religieux de Beaulieu la donation que Ives de
l'Eau leur fait d'un bois près Hattonville.
Marie de Châtillon, dame de Courville, donne, en avril 1230,
à l'aumône de Châteaudun, cinq sols de rente sur la prévôté
de Courville, du consentement du chevalier Ives son fils,
pour le repos de son âme , de celle dudit Ives et de Robert
de Vieuxpont, autrefois son mari. Son anniversaire était
célébré le 3 des ides de mars en l'église de Saint-Nicolas de
Courville.
De Robert et de Marie de Vendôme :
* Mathieu Paris fait mention, en son histoire d'Angleterre, de Robert de Vieux-
pont et Ives son frère, conseillers du roi d'Angleterre en 1211. Robert est
encore nommé en 1217, parmi ceux qui s'assemblèrent pour faire le siège du
château de Montfort.
— 249 —
1° Ives, huitième seigneur de Courville.
2° Etienne, chevalier, seigneur de Courville en partie,
époux de Luce, vivant en 1239.
3° Isabelle, femme de Bernard III seigneur de la Ferté,
dont les descendants ont possédé la Ferté -Bernard
jusqu'en 1319;
4« Alicie, femme de Geofroy d'IUiers.
V. Ives de Vieuxpont, huitième seigneur de Courville,
figure comme témoin sous le nom d'Ivonnet, en mars 1200
dans une charte de Louis, comte de Blois et de Clermont,
relative aux foires de la Madeleine. — En 1224 il sert de
témoin à Girard de Chartres. — En mai 1225 il confirme aux
religieux de Saint-Jean la donation du Moulin Charvel que
leur fait Guérin de Friaize. — En avril 1230 Ives et Isabelle
de la Ferté-Bernard \ sa femme, s'accordent avec les religieux
de Chuisnes. — Il concède en 1241, 20 sols de rente donnés à
Saint -Jean par Marie autrefois comtesse de Vendôme, sa
mère. — En décembre de la même année il ratifie, avec l'assen-
timent d'Ysabeau, sa femme, de Robert, Ives, Guillaume,
Philippe, Jean, Marie, Agnès et Marguerite, ses enfants, la
donation faite aux lépreux de Beaulieu par Gautier de Friaize
et Guillaume de Vieuxpont, son ayeul. — La veille de Pâques
1243, en présence de sa femme et de ses enfants, il donne
20 sols de rente à Beaulieu.
Ives eut d'Isabelle de la Ferté-Bernard :
1° Robert de Vieuxpont, neuvième seigneur de Cour-
ville ;
2o Ives de Vieuxpont;
3° Guillaume de Vieuxpont, chevalier, seigneur de
Courville et de Vieuxpont en partie, époux de Mabile ;
4° Philippe de Vieuxpont, chevalier, seigneur de Cour-
ville en partie, qui fonde, le premier samedi de juin 1280,
moyennant quinze livres de rente à prendre sur la prévôté
de Courville, une messe quotidienne de Notre-Dame. —
Fait en 1287 des libéralités en faveur de l' Hôtel-Dieu de
Chartres et de celui de Courville ;
^ La Ferté-Bernard et Fresnel portent : d'or à un aigle de gueule becqueté et
membre d'azur, écartelé de Meullant : de sable au lion d'argent, la queue
fourchue et passée en sautoir.
— 250 —
5© Jean de Vieuxpont , qualifié clerc en son testament
de décembre 12(>5 par lequel il donne quarante sols de
rente à Téglise de Courville. Il meurt le 11 des nones de
décembre ;
6» Marie de Vieuxpont ;
7° Agnès de Vieuxpont;
S^ Marguerite de Vieuxpont.
VI. Robert de Vieuxpont, neuvième seigneur de Courville,
écuier en 1252, est qualifié chevalier en 1256. — En mai 1256
ses frère et belle-sœur Guillaume et Mabile font avec lui et
sa femme Isabelle de Maillebois échange de tout leur droit
en la Seigneurie de Courville, à Texception de vingt livres
de rente sur le prévôt de Courville et sur Guillaume le
Bastard leur bourgeois, contre tout le bois de feu Ives, la
terre de Rimberdière et celle de La Loupe sur lesquelles
Robert a la haute justice. — En décembre 1265, Isabelle
de Maillebois est veuve. — Avant 1272 elle est remariée
à Geofroy de Rochefort, seigneur de Rochefort sur Charente
ainsi que nous l'apprend un contrat de vente de cent livres
de rente sur le fief de Rochefort en Saintonge consenti en
avril 1272 par Geofroy, seigneur de Rochefort, et Isabeau,
dame de Courville, en faveur de Jean Sarrazin. — En 1300,
Jeanne de Rochefort, dame de Foras, vend à Isabeau,
dame de Maillebois, sa mère, trois cents arpents de bois. —
Enfin en 1305 Isabeau de Maillebois, veuve de Geofroy de
Rochefort, chevalier, cède au roi le droit qu'elle a sur la
seigneurie de Foras. Jean de Vieuxpont, sire de Courville,
fils de ladite Isabeau est mentionné dans ce dernier acte.
Robert avait eu d'Isabeau, dame de Maillebois :
1° Jean de Vieuxpont, dixième seigneur de Courville ;
2° Guillaume de Vieuxpont, seigneur de Courville en
partie, qui parait en 1280 dans une sentence de l'officialité
de Chartres rendue entre lui et le prieur de Courville,
puis en 1299 dans une sentence du bailly de Chartres,
et en 1300 dans un contrat passé sous le scel de la châ-
tellenie de Chartres entre ledit prieur et lui. La même
année Charles de Valois lui fait remise de quelques droits
qu'il avait sur Courville moyennant trois cents livres
parisis. En 1307, le mercredi avant la Pentecôte, Béatrice,
— 251 —
dame de Bury,veuve de Guillaume Borel (alias le Bordu) *
chevalier, seigneur de Bury, donne audit Guillaume son
neveu, chevalier, seigneur de Courville, sous réserve de
l'usufruit sa vie durant, la cinquième partie de tous les
conquôts qu'elle peut avoir au lieu et territoire de Bury,
et ce « en récompense de plusieurs bontés, services et
» courtoisies que ledict Guillaume luy avait faicts et
» qu'elle espérait en recevoir » ;
3® Adam de Vieuxpont mort en Terre Sainte ;
4° Jeanne de Vieuxpont, femme de Pierre du Mée.
VIL Jean de Vieuxpont, chevalier, dixième seigneur de
Courville, fait abandon en 1279 à Saint -Jean -en -Vallée de
quelques terres dont les religieux se prétendent proprié-
taires. — Fait hommage de Courville à Philippe le Bel en
1308. — Figure en 1312 dans un contrat de cession et trans-
fert du fief de Champront en faveur de Charles de Valois
comte de Chartres. — En 1310 il cède au même ses droits au
fief de Pierre du Mée, écuier. — Il avait épousé l'^ fille de
Jean du Châtel et de Jeanne de Gallardon, dame de Gallardon
et Soulaires.
Quelques auteurs le marient à Gillette de Dicy, fille de
Pierre de Dicy, chevalier et conseiller du roy, mais celle-ci
était femme d'un autre Jean de Vieuxpont, écuier.
Les enfants de Jean de Vieuxpont furent :
1» Robert, onzième seigneur de Courville;
2° Jean de Vieuxpont, chevalier , mari de Jeanne de
Rouvray, dame de Mont jardin qui, veuve , rend aveu en
1369 pour le fief Martel;
3° Jean de Vieuxpont le jeune ;
4° Adam, chevalier, seigneur des Yys , fait prisonnier
au combat d'Auray par Pierre Boucher, mort sans
enfants en 1370.
VIIl. Robert de Vieuxpont, onzième seigneur de Courville.
— Le 20 avril 1317 Philippe V, par lettres datées de Fon-
taines-Ia-Sorel, fait une donation pour récompense de services
au chevalier Robert de Vieuxpont, seigneur de Chailloué.
* Bordu, sire de Bury : D'azur au chef d'argent chargé de trois merlettes de
sable.
— 252 —
— Le jeudi après la Sainte-Luce 1330, Robert confirme aux
religieux de Saint-Jean les droits octroyés au prieur de
Courville par feu Guillaume de Vieuxpont, son oncle, le lundi
d'après la Quasimodo 1289. — Le 4 mai 1334 Jean de Vieux-
pont, chevalier, fait hommage à Tévêque de Chartres de ce
qu'il possède à Charré, en présence de Robert de Vieuxpont,
seigneur de Courville, et de Jean son frère. Il est encore
cité dans une lettre de Philippe de Valois au bailly de Caen *
datée de Breteuil en Normandie le 24 juillet 1337, portant
transaction avec les religieux de Saint- Jean au sujet du
prieuré de Courville. — En 1338 il paraît dans une transaction
avec les religieux de Marmoutier. — En 1349 Robert, sire de
Vieuxpont et de Courville, est dit prisonnier des ennemis. Il
est présumable que sa captivité fut de longue durée, puisque
dans un titre de 1350 nous trouvons Guillaume de Vieuxpont,
seigneur de Mauny, qualifié châtelain de Courville. — Le
mercredi veille de Saint-Pierre et Saint-Paul 1357 les abbé
et couvent de Tiron s'engagent en faveur de Messire Robert
de Vieuxpont, de Madame sa femme et de leurs successeurs, à
les associer à. leurs prières et oraisons , et promettent en
outre de faire dire à chacun, le jour de la fête Sainte-Croix,
au mois de mai, une messe de Saint-Esprit dans l'église de
leur couvent en une chapelle peinte aux armes desdits
seigneur et dame pendant leur vie, et, après leur mort une
messe de requiem annuellement le jour de leur décès, en
considération des bienfaits dont ils avaient comblé le cou-
vent-. Par lettres données à Calais le 24 octobre 1360 le roi
Jean promet à Edouard III d'Angleterre « luy bailler en ostage
» Robert de Vieuxpont ou son fils à faulte de luy délivrer
» le comte de Montfort ».
Robert de Vieuxpont eut de Mathilde de Tillj'^ :
1^ lyes de Vieuxpont, doyen d'Avranches, qui hérita
Thury de son frère Jean de Vieuxpont le jeune, décédé
sans enfants ;
2° Jean de Vieuxpont l'ainé, douzième seigneur de
Courville ;
< Bibl. nat., ms. fr. 634.
2 Idem.
— 253 —
3o Jean de Vieuxpont le jeune, seigneur de Chailloué
et de Thury en Sologne, qui vendit au roi Charles V, en
mai 1379, six vingt quinze livres de rente à prendre sur
les festages de Beaugency-sur-Loire , moyennant sept
cents livres d'or ;
4» Marguerite de Vieuxpont, dame de Fresnay-le-
Gilmert et des Yys, qui , de Adam le Brun , seigneur de
Palaiseau et Moinville-la-Jeulain, eut: 1° Jacques le
Brun tué à Azaincourt; 2^ Jeanne le Brun mariée 1*> en
1399 à Guillaume de Harville le jeune, échançon du roy,
seigneur de Chanhoudry, Lerable, les Bordes, Beaumont
et Voise, tué à Azaincourt en 1415, d'où les seigneurs de
Palaiseau ; 2° à Anthoine de Gugnac, seigneur de Bellin-
court, d'où les seigneurs de Dampierre , barons d'Ymon-
ville ;
5® Jeanne de Vieuxpont, dame de Vaujolly, alliée à
Louis d'Estoute ville, seigneur (Je Villebon et du Bouschet,
dont l'arrière-petite-fille au cinquième degré , Marie de
Beaumanoir, épousera François de Billy, son cousin,
seigneur de Courville. Jeanne avait été mariée en
premières noces à Mathieu de Trie, seigneur de Fontenay
et de Radeval avec lequel elle vivait en 1335. En 1366
elle était veuve pour la seconde fois.
IX. Jean de Vieuxpont, chevalier, douzième seigneur de
Courville, seigneur de Vieuxpont, Chailloué et de Bury. —
Un arrêt de 1343 mentionne un différend survenu entre le
comte de Blois et Jean de Vieuxpont , chevalier, seigneur de
Chailloué, conjointement avec Guy de Mauvoisin, Pierre de
Gracey, Jourdain et Jean de Beauvilliers , Renaud de Tlsle ,
chevaliers et quelques écuyers. — En 13GC, comme seigneur
de Courville, il rend aveu au roi Charles V pour les chastel
et chastellenie de Courville, «'excusant de ne pouvoir déclarer
plusieurs de ses arrière-vassaux « attendu que les adveux
» baillés à ses prédécesseurs ont esté ars au lieu de la Forêt
» où demeuroit feu son père lors de la course que fit
» Monseigneur Philippe de Navarre et ses complices * ». —
Jean meurt le 5 des nones de mai 1371 ^ et, dès le 20 mai
* Voir le texte de l'aveu, annexe II.
^ Nécrologe de Saint-Nicolas de Courville, communiqué par M. le chanoine
Métais.
— 254 —
Jeanne de Vendôme, dame de Yieuxpont et de Bury, sa
veuve, accorde pour elle, ainsi que pour Jeanne, Jacqueline
etYvonnet, ses enfants mineurs, aux chanoines de Téglise et
hôpital Saint-Jacques nouvellement fondé à Bloys , le terme
de quatorze ans pour lui faire hommage du lieu de Mont-
gautier, paroisse de Saint -Lubin- de -Vergognois, tenu en
fief de Bury, moyennant 20 florins d'or. — Le 3 mai 1381,
Jeanne de Vendôme , alors veuve de Messire Charles dlvry,
chevalier, comme ayant le gouvernement d'Yvonnet de Vieux-
pont, écuier, seigneur de Courville, son fils mineur, frère
aîné de demoiselle Jeanne de Vieuxpont, femme de Pierre de
Malvoisin, écuier, seigneur de Serquigny, cède audit seigneur
de Malvoisin, à cause de sa femme, la terre de la Motte et le
droit qu'elle a sur la terre de Vieuxpont-en-Auge, pour leur
tenir lieu, pendant la minorité dudit, d'assiette de 200 liv. de
rente promise au traité de leur mariage. — En 1382, le
dimanche 18 mai, Jean le Sénéchal le jeune, seigneur de
Lymési, mari de Jeanne, paravant femme de noble homme
Monseigneur Charles d'Ivry et femme aussi jadis de feu
Monseigneur de Vieuxpont, seigneur de Courville, en son
nom tf comme au nom de ladicte damoiselle Jehanne comme
» douiere et comme ayant le bail de ses enfans et enfans
» dudit feu seigneur de Viezpont » avoue tenir Courville du
roy. — Le 1) septembre 1398, Hector de Vendôme, seigneur
de la Chartre, quitte Messire Yon de Garancières des foy et
hommage de la terre de Louvaines, ci-devant donnée à la
sœur dudit seigneur de Vendôme , mère de Messire Ives ,
seigneur de Vieuxpont, en la main duquel ladite terre était
écheue.
Jeanne de Vendôme était fille de Amaury , seigneur de la
Chartre-sur-Loir, La Ferté-Ernault et Villepreux, et de Marie
de Dreux. Elle avait donné à Jean de Vieuxpont son premier
mari :
lo Ives, treizième seigneur do Courville ;
2*^ Jeanne de Vieuxpont, mariée le 3 mars 1387 à Pierre
de Mauvoisin, seigneur de Serquigny. Par partage du
23 juillet 1393, intitulé Guillaume Mauvinet, bailly de
Chartres, son frère Ives lui donne Thébergement de la
Forêt, près Pontgouin et celui de Glemars, sauf cent
livres de cens, les foy et hommage et 20 livres de rente.
— 255 —
s'engageant à lui assurer 97 livres 10 sols de rente à la
mort de Jeanne de Vendôme, leur mère, femme de M. le
Sénéchal d'Eu.
3° Jacqueline de Vieuxpont, femme de Hutin le Baveux,
seigneur de Maillebois. Par cession du 28 mars 1399,
elle reçoit de son frère , pour sa part de succession, les
seigneuries de Villepreux et de Bazemont. En septembre
1439, elle donne quittance à Laurent, Guillaume et Louis
de Vieuxpont» ses neveux, de la somme de cinq cents
livres d'or que leur avait prêtées son mari pour leur
permettre de recouvrer la terre du Neubourg que déte-
nait le comte dHarcourt, leur oncle.
X. Ives de Vieuxpont, treizième seigneur de Courville dès
1371 était encore mineur en 1381. — 11 fut dans sa jeunesse
écuyer tranchant de Louis de France alors qu'il était duc de
Touraine, comte de Valois et de Beaumont, puis promu
Chambellan quand il devint duc d'Orléans , en 1393. — Ives
remplit aussi l'office de capitaine du château de Bayeux. —
Le 11 juin 1400, le roi lui fait remise de 700 francs qu'il luy
devait pour le relief de sa part de la terre du Neubourg. —
Le 14 août 1481 , Ives épouse Blanche de Harcourt , fille de
Philippe, seigneur de Bonnétable et deChallouay, et de Jeanne
de Tilly, qui lui apporte en mariage 300 livres de rentes
et 3000 francs d'or. — Le 11 avril 1407, Ives échange avec
Guillaume d'Escobar ^ la terre de Charré contre celle de la
Motte tenue de Pontgouin. que Jean de Vieuxpont- Vendôme
^ Le 8 juin 1408, Guillame d'Escobar « meu de très grand et affectueuse
» dévotion envers la benoiste et glorieuse vierge Marie, mère de nostre sauveur
» Jesus-Christ, louée et servie contynuellement en Teglise de Chartres curieu-
» sèment, désirant pour le salut des âmes de feu noble et honoré seigneur
» messire Jehan de Vieuxpont, chevalier, et de tous les hoirs de Vieuxpont en
» dolance dudit Guillaume après son trespassement et de ses parents , amys et
^) prédécesseurs qui ont pocedde et tenu le chastel et chastellerie, manoir et
» appartenances de la terre de Charré-en-Dunois estre accompaignez et parti-
» cippant en dévotes et pures oraisons et messes qui seront dites et faictes en
» ladicte église de jour en jour, dict ordonne fonder une messe basse estre dicte
» et cellebree perpétuellement pai* chacun jour en nostre dicte éghse a ung
» autel qui sera nouvellement fait et ediffié en nostre dite église juste le cœur
» dicelle par dehors du coste du revestiere de nostre dicte église au-dessous la
» chapelle Saint Jehan l'Evangéliste nommé et appelé l'autel de Vieuxpont a
» rheure et tant comme on chantera l'heure de pryme en nostre dicte église par
» l'un ou plusieurs de nos chappelains (Archives de l'Eure, Fonds de la
seigneurie du Champ-de-Bataille, carton H, 1).
— 256 —
lui avait donnée en 1393. — En août 1408, Charles VI adresse
au bailly d'Evreux des lettres patentes en faveur de son
féal et amé chevalier et chambellan Ives de Vieuxpont et de
Courville au sujet de la tierce partie de tous les châteaux,
villes, forteresses, bois, garennes, forêts, eaux, rentes,
hommes, hommages, patronages d'églises et autres héritages.
— Par contrat du 20 décembre 1412, intitulé Pierre des
Éssars, prévôt de Paris, Ives vend à discrette personne
M* Jean Perler, conseiller et avocat du roi en son Parlement
à Paris, 60 livres de rentes à prendre en quatre termes sur
sa terre, châtel et châtellenie de Courville , moyennant 600
livres tournois. — Les comptes de la châtellenie du Neubourg
constatent en 1415, (n. s.) à la date du 9 février, Tenvoi d'une
somme de cent livres par le receveur du Neubourg à Ives, en
son hôtel de Chaillouai, et enregistrent la même année une
dépense de XL sols « pour le salaire de six hommes qui
» portèrent des torches à convoier le corps de Madame
» dont Dieu et (sic) l'âme, du château de Sainte- Vaubourg
» jusques à Courville ; à chacun VI sols VIII deniers. » —
Fait prisonnier à Azaincourt, Ives meurt en captivité laissant
cinq enfants en bas-âge.
Le 28 avril 1416, Charles VI, sur l'exposé fait par son cher
et bien aimé cousin Philippe de Harcourt, chevalier, seigneur
de Bonnétable, demoiselle Jeanne de Vieuxpont, Richard de
Tournebu, chevalier, seigneur d'Auvilliers, Hutin le Baveux,
chevalier, seigneur de Maillebois, Jean de Vendôme , cheva-
lier, seigneur de Chaulvière, Galerand de Montigny, chevalier,
seigneur de Beaulieu, et Jean de Coûtes, dit Minguet, écuier,
et d'autres parents et amis de son aimé et féal conseiller et
chambellan Ives , seigneur de Vieuxpont et de Courville et
baron du Neubourg, que pour le payement de certaines
sommes d'argent qu'il avait fallu payer pour sa rançon quand
il avait été pris par les Allemands , ledit Ives de Vieuxpont
avait engagé ses terres, avant qu'il allât en voyage en armes
au pais de Picardie, où il était demeuré à la bataille qu'il y
avait eue au mois d'octobre de Tannée précédente, et comme
on ne savait s'il était mort ou prisonnier et que le retrait de
ce qui était engagé, notamment de la somme de 3.200 liv. de
rentes qu'il devait partie en rente et partie à vie audit sieur
comte de Harcourt, les dits enfauts s'il n'y était prévu étaient
— 257 —
en voie de perdre toutes leurs terres et seigneuries, en quoy
il y aurait d'autant plus de dommage pour eux qu'ils* étaient
de noble et grande génération, mande au Parlement de créer
des tuteurs et administrateurs au gouvernement des per-
sonnes et biens desdits mineurs et de leur dit père. Le len-
demain le Parlement ordonne que ces lettres seraient
registrées ce qui fut exécuté le 22 mai 1416. Sur l'avis desdits
parents et amis la tutèle fut donnée à Jean de Coûtes dit
Minguet * et ordonné que M. de Bonnétable leur ayeul et
M. d'Auvilliers, leur oncle, lui serviraient de conseil et que,
comme ledit Jean de Coûtes avait été fait prisonnier par les
Anglais à la prise de Harfleur et qu'il était nécessaire qu'il
allât en Angleterre ou ailleurs tenir prison, lesdits seigneurs
de Bonnétable et d'Auvilliers demeureront pendant ce temps
chargés de ladite tutèle et qu'enfin s'il arrivait qu'il fallut
vendre ou engager quelques héritages, la vente ou l'engage-
ment s'en ferait par le conseil desdits sieurs de Bonnétable ,
d'Auvilliers et de M. de Maillebois qui avait épousé la tante
desdits mineurs, — Le 23 septembre 1416, Jean comte
d'Harcourt et d'Aubigny, vicomte de Châtellerault , en pré-
sence de Philippe de Harcourt, son oncle, chevalier, seigneur
de Bonnétable, Richard de Tournebu et Hutin le Baveux,
donne quittance à Jean de Coûtes, dit Minguet, écuier,
tuteur et curateur des enfants d'Yves de Vieuxpont-Courville,
cousin dudit comte d'Harcourt, pour principal et intérêts
d'une somme de 20.000 livres que ledit Ives avait empruntée
audit comte et Jean d'Harcourt, son fils.
* Minguet était seigneur de Fresnay-le-Giimert , fils de Gauvin de Gouttes
seiffneur de la Gadeliere, près Saint-Luperce, et époux de Catherine Le Mercier
de Novion qui lui donna cinq enfants : Louis, seigneur de Nogent; Anne, femme
de Guillaume de Harville , seigneur de Palaiseau ; Jeanne, fenune de Florent
dllliers ; Jean, seigneur du Plessis, près Pontgouin, et Raoullin. Son testament
existe aux Archives d'Eure-et-Loir, série G, sous la cote 1232. Les Archives
de FEure possèdent, attachée à l'inventaire des biens trouvés, en 1416, à
Paris , en l'hôtel du sénéchal d'Eu , une reconnaissance portant la signature
autographe « Minguet », ainsi conçue : « Saichent tous que je Jehan de Gouttes
» dit Mmguet, chambellan de Monseigneur le duc d'Orliens, congnois et confesse
)) devoir et estre loyaulment tenu a Monseigneur de Viepont, conseiller et
» chambellan duroy, la somme de sept cents quatorze livres tournois lesquelx
» il m'a prestez a mon besoing et lesquelx je lui promect paier a sa voulente
» soubz l'obligation de tous mes biens meubles et héritaiges presens et advenir.
» Tesmoing mon scel et seing manuel cy mis le XVI» jour de juillet , l'an mil
» quatre cens et quinze. »
T. XU, M. 17
— 258 —
L'inventaire des biens appartenant à Ives-de Vieuxpont,
trouvés' à Paris en Thôtel du Sénéchal d'Eu en 1416, est très-
intéressant, les bijoux estimés à 974 livres 9 deniers y étant
minutieusement décrits. ^
Les Archives de TEure possèdent aussi une copie informe
des lettres patentes du roi Charles VII obtenues par les
enfants de Ives de Vieuxpont-Harcourt. Nous reproduisons
la première partie de ces lettres qui contient l'historique de
leurs infortunes :
« Charles etc. , à tous ceulx etc. . . , humble supplication de
» nostre bien amé escuier et chambellan Laurens , seigneur
» de Vielz-Pont, Guillaume et Loys de Vielz-Pont, escuiers,
» ses frères, et de François de Beaumont, chevalier et Marye
» de Vielz-Pont sa femme, sœur desdits de Vielz-Pont enfans
» de feu Yves de Vielz-Pont , en son vivant chevalier, et de
» feue Blanche de Harcourt, sa femme, mère desd. supplians,
» contenant que en l'an mil IlII*^ et XIII ou environ ladite
» Blanche ala de vie a trespassement, laissie ledit Yves, son
» mary , et lesdits supplians ses enfans en minorité , et ledit
» Laurens, qui est Taisné estoit seulement aagié de vu à vin
» ans ou environ et les autres de v, un et ii ans ou environ
» et demouroient souz la garde et gouvernement dudit Yves,
» leur père , qui par la coustume gardée entre les nobles fist
» tous leurs biens meubles siens , et a la bataille d'Agincourt
» qui fut en l'an mil IIII*^ et XV ledit Yves fina ses jours, et
» ausdits suppliants qui estoient demeurez orfenins de père et
» de mère et mineurs en bas aage fut baillé tuteur et curateur
» Jehan de Couttes dit Minguet et tantost après ladite bataille
» d'Agincourt les Anglois qui par force invaderent Norman-
» die, occupèrent la terre et seigneurie dudit Neufbourg', de
» Vielz-Pont, Gailloueai, appartenant aux feuz père et mère
» desdits supplians, et tantost après lesdits Anglois par siège
» prindrent le chastel et seigneurie de Courville, appartenant
» audit feu Yves de Vielz-Pont, et les dites terres et seigneu-
» ries qui appartenoient ausdit père et mère desdits supplians
» ont détenues lesdits Anglois et les ont desmolies et abatues
^ Cet inventaire a été publié par M. Geoi^es Bourbon, archiviste de l'Eure,
dans le Bulletin du Comité des Travaux historiques (Archéologie) n® 3 de 1884.
— 259 —
» et dicelles ont joy et usé par l'espace de xvii ou xviii ans
» ou environ, et pour l'adversité des guerres ledit Minguet
» de Coûtes, leur tuteur et curateur, les trahist deçà la
« rivière de Loire en nostre obéissance, en laquelle ilz ont
» esté nourris et demouré durant leur minorité et esté
» nourris par leurs parans et amis tenans nostre obéissance
» et a l'an mil IIIP XXXIII ou environ quand nostre ville de
» Chartres fut réduicte en nostre obéissance et lois que ledit
» Laurens estoit de l'aage de xxv ans ou environ et ses autres
» frères et sœur encore mineurs, nostre cher et ame cousin
» le bastard d'Orléans, prist sur les Anglois par siège ledit
» Chastel de Corville qui est en frontière et toujours a este
» et le bailla audit Laurens et le commist à la garde et gou-
» vernement de par nous, et nagueres et ung pou au devant
» des trieves. Robinet de Floques, dit Floquet, escuier, nostre
» bailly d'Evreux \ réduisait a force d'armes ladite terre du
» Neufbourc a nostre obéissance que detenoient lesdits
» Anglois et depuis par certains moyens la bailla ledit
» Floquet audit Laurens de Vielz-Pont et le commist à la
» garde ; est ledit Minguet aie de vie a trepassement sans
» ce que lesdits supplians aient eu de lui compte ne reliqua de
» leur tutelle et curacion ne oncques des biens meubles de
» leurs père et mère namanderent en. Neantmoins plusieurs
» que se dient créanciers des père et mère desdits supplians
» les veuUant dire héritiers de leurs feux père et mère les
» ont assailliz de procès et leur demandent bien mil ou
» XIP livres tournois de rente et grans sommes d'or et
» d'argent, en quoy ilz dient ledit feu Yves leur père et aussi
» leurdite feu mère estre obligez... »
Ives de Vieuxpont et Blanche d'Harcourt avaient laissé :
lo Jean, décédé jeune ;
2° Laurent, chambellan du roi, baron de Neubourg, né
en 1407. — Par contrat du 8 août 1443, intitulé Jehan de
la Prune, prévôt de Torcy- en-Brie, passé par Pierre
Millart, Laurent, alors écuier, reçut à titre de prêt de
Messire Guillaume de BrouUart, sire de Badonville et de
* En juillet U44, Laurent, seigneur de Vieuxpont, et Messire Florent
d'IUiers, chevalier, avaient promis à Robert Floquet, bailly et capitaine d'Evreux,
huit cents saluz d'or pour la délivrance de la place du Neuboui^.
— 260 —
Thorigny, et de Marguerite d'Orgemont, sa femme
« deux fermeillez d'or en lun desquelx a trois dyamans
» pointus, trois grosses perles, ungrubiz etune esmeraude
» estime six vings saluz d'or, et en lautre trois perles,
» trois ballaiz et ung saffire prise huit vins saluz dor »
s'engageant les rendre à la Saint-Jean-Baptiste prochaine.
— Le 19 mars 1469, à la montre générale de la noblesse, il
se présente « armé de brigandines honnestes, salade,
» harnois de jambes, ganteletz, vouge et haches d'armes,
» accompagné de Jehan de Vieuxpont, son fils, en
» abillement de homme darmes, et deulx archiers et
» ung paige montez de six chevaulx. » — Laurent compa-
rait en 1484 à l'échiquier de Normandie. 11 avait épousé
en premières noces, le 30 novembre 1442, Marie de
Husson ^, fille d'Olivier, comte de Tonnerre et de Mar-
guerite de Chalon ; en secondes noces, en 1466, Guillemette
de Tournebu, dame d'Auvillars ;
3° Guillaume, écuyer, seigneur de Mauny, Ghailloué
et Courville en partie, époux : 1° de Marguerite d'Estou-
teville, veuve de Jacques de Bethencourt ; 2« de Jeanne
de Beuzeville, dame des Moutiers-en-Auge , restée sa
veuve, fille de Hue de Beuzeville et de Jeanne d'Harcourt;
4° Louis, quatorzième seigneur de Courville ;
5° Marie de Vieuxpont, femme de François de Beau-
mont, seigneur de Marroy, qui eut Bury en mariage
pour deux cents livres de rente.
XL Louis de Vieuxpont, écuier, quatorzième seigneur de
Courville, seigneur aussi de Prunay-le-Gillon. Il reçoit par
partage du 30 décembre 1451, intitulé Thibault d'Armignac
dit de Ternes, bailly de Chartres, le château et dépendances
de Courville, Laurent, son frère aîné, se réservant le patro-
nage de Thôtel-dieu et les aumônes de Courville. — Par accord
du 19 octobre 1452, Louis obtient encore de son aîné les
terres, fief et seigneurie d'Avon et appartenances. Le Pèi:e
^ Charles, duc d'Orléans et de Valois, comte de Blois et de Beaumont,
seigneur d'Assé et de Coucy, par lettres du 8 février 1442 (v. s.) en considé-
ration des bons et agréables services que lui avait faits et à la duchesse son
épouse, dîunoiselle Marie de Husson a présent femme de Laurent de Vieuxpont,
écuier, lui donne toutes les robes nuptiales qu'elle avait en épousant ledit de
Vieuxpont, ne voulant pas qu'elles soient à la chaîne de Jean de Husson, son
frère, qui était tenu de la « vestir selon l'état de sa personne. »
— 261 —
Anselme assigne à son mariage avec Jacqueline de Brouillart
de Brie, Tannée 1475, alors qu'une permission de célébrer la
messe en date du 20 mai 1465 « coram ea in puerperio
decubante » paraît nous indiquer la naissance de leur fille
unique Louise.
Louise de Vieuxpont, leur fille, épousa : 1° Claude
RouUet (alias Roussel), écuier d'écurie du roi, duquel
elle eut trois filles, religieuses toutes trois à Saint-
Sauveur d'Evreux; — 2o Perceval de Biliy, seigneur
d'Yvori; \ fils de Jean de Billy et de Marguerite d'Or-
gemont.
Xn. Perceval de Billy devient, par soir mariage avec Louise
de Vieuxpont, quinzième seigneur de Courville. Le Père
Anselme, en rectifiant avec raison Larroque au sujet des père
et mère de Perceval de Billy, se trompe à son tour en disant
que celui-ci acquit de son Z>e5w-/rère Guillaume de Vieuxpont,
seigneur de Mauny, le 6 septembre 1495, les prévôté, juri-
diction, etc., de Courville. Guillaume de Vieuxpont était
Fonde et non le frère de Louise. — Le jeudi 18 février 1496
(n. s.), Perceval est reçu en foy pour raison de Tachât
anciennement par luy fait de Guillaume de Vieuxpont,
écuier, seigneur de Mauny « de la prevosté, jurisdiction et
» siège prevostoire de la ville et chastellenie de Courvill-e,
» amendes, defiaulx dicelles, sentences, et de la rivière des
» Marais dépendant de ladite prevosté assize en la rivière
» d'Eure commençant au moulin Genestay jusques au pont
» de la Chaussée. « — Le 10 décembre 1505, par lettres
datées de Bloys, Louis XII mande au bailly de Chartres que
« sa chère et bien amée Loyse de Vielzpont, dame de Cour-
» ville, veuve de feu Parceval de Billy luy a fait aujour-
» d'hui les foy et hommage lige en son nom et comme ayant
» garde de ses enfaus mineurs pour raison du chastel et
» chastellenie, ville et baronnie de Courville tenue de sa conté
» de Chartres. » — Le 29 novembre 1507, composition de
rachat en faveur de Loyse de Vieuxpont, dame de Courville
' La seigneurie d'Yvort était écheue à la maison de Billy comme descendue
d'une fille du comte de Valois, d'où la croix qu'ils portaient en leurs armes :
« D'or à neuf pals vairés d'azur barrés de gueule avec une croix d'azur. »
— 262 —
pour raison de la prevosté de Courville, ensemble le péage,
acquis de Guillaume de Vieuxpont, le manoir et garenne de^
Mauny et les festages et four et ban de Courville tenus en
fief du roy. — Louise assiste en 1508 à la rédaction des coutu-
mes de Chartres.
De Perceval de Billy et Louise de Vieuxpont :
1° Jean de Billy, abbé de Ferrières et de Saint-Michel
en TErm, renommé pour sa violence, usait volontiers de
son bâton qu'il appelait rost de Billy ;
2° François, seizième seigneur de Çom'ville ;
3» Louis de Billy, chevalier, seigneur de Prunay-le-
Gillon, Crossay et Genainvilliers, gouverneur de Guise.
Il eut onze enfants de Marie de Brichanteau, veuve de
Gilles d'Anglure, seigneur de Givry, et fille de Charles
de Brichanteau et de Marie de Vères ;
4<» Charlotte de Billy, femme : 1* de Jean de Gaston,
seigneur de Menainville et de Chassant ; 2<» de François
de Meaucé ;
5® Claudine de Billy, mariée : 1« à Guillaume Poignant,
seigneur d' Anneau ;.2« à Laurent de Languedoue, écuier,
seigneur de Chavannes et de Gaudigny ;
6» Anne de Billy, mariée le 11 juillet 1506 à Jamet de
Condé, seigneur de Chantereine.
XIII. François de Billy, chevalier, seigneur d'Yvort et de
VaujoUy, lieutenant d'une compagnie de cent hommes
d'armes sous le connétable Anne de Montmorency, seizième
seigneur de Courville, s'allie à Marie de Beaumanoir, sa
parente, fille de Jean de Beaumanoir-Lavardin et de Hélène
de Villebranche, sa seconde femme. — Le 2 mai 1517, Fran-
çois 1" mande au bailly de Chartres que « son aimé et féal
» François dé Billy, chevalier, seigneur de la terre, seigneu-
» rie et baronnie de Courville a luy escheue par le trespas
» de damoiselle Loyse de Vieuxpont, sa mère , a fait les foy
» et hommage pour ladite terre et ce tant pour les propres
» de sadite mère que de l'acquêt par elle fait de partie de lad.
» seigneurie mouvant de Chartres. » Le V^ juin 1517, par
contrat devant Jehan Hermier, tabellion à Courville il aban-
donne à Charlotte et Claudine, ses sœurs, et à Louis son frère,
les terres de Vaujolli,la Haie près Villebon et le fief de Curé.
— 263 —
— Par transaction faite en 1519 avec François de Beaumanoir,
son frère , seigneur de Lavardin , Anthony et Beauchesne ,
ladite Marie reçoit pour sa part en la succession de leur père
la terre et seigneurie de Beauchêne. — François meurt avant
1539, car Louis de Billy, son frère, passe procuration le 25
janvier 1539 (n. s.) « pour élire curateur aux enfens de
» Messire François de Billy, chevalier, baron de Courville ,
» noble homme François deMeaussé, seigneur de Frunçay ».
— Le 2 avril 1543, Michel Bregent, prévôt de Courville, au
nom de Marie de Beaumanoir, ayant la garde de ses enfants
mineurs, donne aux doyen et Chapitre de Chartres quittance
de 345 livres 18 sols 8 deniers.
François de Billy et Marie de Beaumanoir ont laissé :
lo Louis, dix-septième seigneur de Courville ;
2» Françoise de Billy, femme de Pierre le Vavasseur,
chevalier, seigneur d'Eguilly, gouverneur de Chartres;
30 Denise de Billy, mariée, le 15 février 1540, à Pierre
des Noues, seigneur du Plessis-Bomain.
4° Ai-tuse de Billy, religieuse.
50 Anne de Billy, religieuse.
XIV. Louis de Billy, seigneur d'Ivort, Launay et VaujoUy,
chevalier, baron et dix-septième seigneur de Courville, lieu-
tenant de la gendarmerie de M. le Connétable, épouse, le
22 février 1557, Félice de Rosny, fille de Messire Lancelot de
Rosny, seigneur de Brunelles, issu des. Comtes de Dreux, et de
Marie Aubry, de la maison de Radrets, sa première femme. —
Louis assiste en 1558 à la rédaction de la coutume du Perche.
— Le 6 octobre 1563, il rachète du prieur de Saint-Michel de
Chartres, pour 500 livres, la moitié du mioulin du Nouvet-les-
Hayes, prés, aunaies, appartenances dudit valant 20 livres
de revenu. — Par son testament dii 19 juillet 1566, il élit sa
sépulture près de ses père et mère en Téglise de Saint-Nicolas
de Courville et désigne pour tuteurs de ses enfants les seigneurs
deBrunelles, d'Eguilly et de Prunay. — Félice de Rosny, veuve,
donne (décembre 1566), quittance de sept vingt dix livres
tournois pour Testât d'enseigne de Louis de Billy à la compa-
gnie de M. le Connétable, pour les quartiers d'avril-mai-juin.
— En 1568, elle était remariée à Jacques Barat, seigneur de
— 264 —
Montraversîer et des Chaises, duquel elle eut un fils. —Le 27
avril 1572, M" Lancelot de Rosny, comme tuteur de Marie et
Françoise de Billy, obtient contre le gré de Guillaume de
Brie et Denise de Billy la mise en adjudication du bail de la
terre de Courville moyennant 3.500 livres par an.
Louis de Billy avait eu de Félice de Rosny :
1*» Denise de Billy, dame de Launay, mariée : 1® à
Guillaume de Brie, chevalier, seigneur de la Motte-
Serrant ; 2® à Charles de Jouvin, chevalier, seigneur de
la Brosse.
2© Françoise de Billy, dame de Billy, Courville et Saint-
Jean de la Forêt, femme de Théodore des Ligneris, à
cause d'elle dix-huitième seigneur de Courville ;
3» Marie de Billy, qui épouse le 22 janvier 1578, messire
Jean de Nicolaï, seigneur de Goussainville et de Presles,
fils d'Antoine de Nicolaï, seigneur d'Orville.
XV. Théodore des Ligneris ^ seigneur des Ligneris, de
Morancez, Ormoy, Chauvigny et Fontaine-la-Guy on, né vers
1554, était fils de Jacques des Ligneris, chevalier, et de
Jeanne de Calligault. — Le 17 juillet 1569, Pierre Hoteman,
bourgeois de Paris, procureur de Adrien de Gallot, chevalier
de l'ordre, capitaine de 50 hommes d'armes des ordonnances
de sa majesté, seigneur de Fontaine-la-Guyon, tuteur et
curateur de Théodore de Ligneris, fils mineur de feu messire
Jacques des Ligneris , conseiller du roi et président en sa
court de Parlement à Paris, et de damoiselle Jeanne de
Challigault, sa femme, donne à François de Vigny, receveur
de la Ville de Paris, quittance de 50 sols tournois, pour un
quartier de rente échu. — Le 25 août 1576, Théodore des
Ligneris, écuier, gentilhomme ordinaire de Monseigneur,
frère du roi, donne quittance au même. — En 1577, il épouse
Françoise de Billy, par contrat passé à Nogent-le-Rotrou , le
16 février, par devant Julien du Pin , en présence de Félice
de Rosny, demeurant à Brunelles, mère de la future, Messire
Lancelot de Rosny, seigneur de Brunelles, gentilhomme
ordinaire du roi, son aïeul, tuteur et curateur, et de Jean de
* Des Ligneris : De gueules, fretté d'argent, au franc canton d'or, chargé d'un
lion de sable et d'un lambel d'azur.
— 265 —
Rosny, son oncle. — Devenu gouverneur de Verneuil,
Théodore des Ligneris vend son gouvernement au comte de
Soissons, ce qui le perd dans Tesprit de Henri III, qui
s'opposera à son élection aux États-Généraux de 1588. —
Par représailles, sans doute, Tannée suivante , il fait prison-
nier et met à rançon le procureur général de la Guérie qui
se rendait à Tours pour répondre au désir du roi. Des Ligneris
intriguait alors auprès de Réclainville pour obtenir, au prix
de six mille écus, le gouvernement de Chartres. — Dans une
déclaration en date, à Chartres, du 29 mars 1619, Théodore
des Ligneris est dit : « chevalier, seigneur de Chauvigny et
» Fontaine-la-Guyon , conseiller du roi et capitaine de cin-
» quante hommes d'armes , demeurant ordinairement en ^on
» chasteau de Fontaine-la-Guyon, de présent logé au Chapeau-
» Rouge. »
Théodore des Ligneris et Françoise de Billy ont laissé :
1« Louis, dix-neuvième seigneur de Courville ;
2° Jacques, chevalier, seigneur de Fontaine, époux de
Lucrèce de Fourmentières. Il habitait Courville en 1619
et Chuisnes en 1623;
3* Geoffroy, chevalier de Malte de Tordre de Saint-Jean
de Jérusalem qui, le 10 janvier 1622, constitue son
procureur général Nicolas de Dangeul, son beau-frère,
pour recevoir annuellement de Louis , Jacques , Albert ,
Jeanne, veuve de Louis de Fontenay, et de Lancelot de
Kaerbont et Marie des Ligneris, sa femme, ses frères et
sœurs, les huit cents livres de la pension à lui par ses
père et mère accordée par contrat devant Nicolas OUivier,
tabellion à Courville, du 18 novembre 1614 ;
4® Albert des Ligneris, seigneur de Saint-Jean, époux
de Geneviève du Lorens ;
5« Jeanne des Ligneris, dame de Saint- Jean de la Forôt,
épouse de Louis de Fontenay, chevalier, seigneur de la
Fresnaye.
6° Marie des Ligneris, femme de Lancelot de Kaerbount,
(alias de TEscarbot) chevalier, seigneur de Gemmasse.
7° Angélique des Ligneris, femme de Nicolas de
Dangeul, chevalier, seigneur de Sours.
XVI. Louis des Ligneris, chevalier, prend le titre de
seigneur de Courville à la mort de Françoise de Billy, sa
— 2(56 —
mère, du vivant de son père. — Dès 1629, il aliène ce
domaine qui, pendant six siècles au moins, avait appartenu à
la même famille. Nous ignorons les causes qui ont déterminé
la vente de Courville survenue toutefois à la suite d'une
séparation. En effet en 1630, « dame Anne de Fourmentières,
» épouse de Messire Louis des Lygneris , chevalier seigneur
» baron de Courville, autorisée par justice, demanderesse et
» requérante en exécution des sentences par elle obtenues
» contre Michel Auvray, fermier du havage; Jehan JoUye,
» fermier du greffe de Courville ; Loys Lesmellin , fermier
» du péage; M* Robert OUivier, fermier du tabellionné;
» Blaize Therault, fermier du courtage; Mathurin Bouthry,
» fermier des poids et mesures ; Estienne Rocu ; Pasquier du
» Teilleur , fermier de la boucherie ; Gilles Bouschet, meusnier
» du moullin du Chappitre; Jacques JouUet, Pierre et
» Guillaume les Colletz, meuniers ; Georges Gouppil ; Michel
» Baugis, meusnier du moullin du Prieuré, Mathurin Gou-
» geon ; Loup Marie, fermier de la sergenterie, tous fermiers
» particulliers du revenu de la terre, seigneurie et baronnie
» dudit Courville , débiteurs et redevant à la dite seigneurie
» par devant et encore en continuant » — fait condamner
messire François de Bethune, chevalier, comte d'Orval, acqué-
reur, à luy payer les arrérages de sa pention qui sont echeus
et continuer icelle tant qu'elle aura lieu.
Il appose en 1622 sa signature sur le martyrologe de Cour-
ville ^
Nous donnons en annexe : P les origines de la famille de
Vieuxpont, telles que nous les avons trouvées dans les
manuscrits de la collection des Titres à la Bibliothèque
nationale, nous contentant de rejeter en notes les rensei-
gnements qui ne peuvent trouver place dans la descendance ;
"2^ Taveu de 1366.
Roger Durand.
* Communication de M. le chanoine Métais.
— 267 —
ANNEXE I
I. Bodo seigneur de Veilpont, chevalier, eut de Bernarde
de Grantemesnil :
II. Anslec, seigneur de Veilpont, chevalier en 770, époux
de Aloïse de Monfort, fille de Lolo, chevalier, seigneur de
Mohtfort et de Anslecthe de Briquebec, d'où :
III. Arnault de Veilpont, mort en 802 époux de Ancelle de
Dourcam, fille de Herbert, seigneur de Dourcam et de
Thiburge de Beaumont * d'où :
IV. Hugues, seigneur de Veilpont, vivant en 870, époux de
Hermengarde de Dreux fille de Hugues ^ seigneur de Dreux
et de Hilswinde de Chàteaufort ^, d'où :
V. Gautier de Veilpont, vivant en 870, eut de Godfrède de
Seez, fille de Richard de Seez * et de Umfride la Danoise* :
Aligne ou Adeloise de Veilpont qui, de Rotrod Goyet, des
Goths ou de Gothie, seigneur du Perche-Goyet, aurait eu
Egmond Goyet, seigneur du Perche-Goy.
* Herbert descendait de Geofroy de Dourcam et de Mahaud d'Argouges;
Thiburge, de Dorf de Beaumont et de Manilde de Boessay.
' Hugues, fils de Robert de Dreux et de Adèle de Montfort , petit fils de
Lothaire seigneur de Dreux at de Jehanne de Houdan , et , par sa mère , de
Gérard, seigneur de Montfort et de Hermentrude de Chevreuse.
3 Hilswinde, fille de Alard , seigneur de Chàteaufort , et de Alix de Dourdan
petite-fille de Himbaud, seigneur de Chàteaufort et de Adeline d'Espernon;
et par sa mère de Rabot, seigneur de Dourdan et de Hilsumphe de Pithiviers.
*• Richard de Seez, fils de Regimfroid de Seez, chevalier, qui était fils
de Ingerger, comte du iMaine et de Alix de Montfort-Bretagne, et petit-fils :
1° de Gosbert, comte du Maine et de Rotrude, fille de Charlemagne et de
Sainte-Hildegarde de Souabe ; 2® de Audran, sire de Montfort et de Goet et de
Guiotte, princesse de Venues. — AUx, mère de Richard, fille de Torquatus,
chevalier romain, maître forestier du roi es marches d'Anjou et de Bretagne,
gouverneur de Rennes, et de Aldune de Vermandois, et petite-fille : 1° de Lucius
Torquatus et de Marcilie ; 2° de Hierosme comte de Vermendois et de Narre-
conde de Hasley.
^ Umfride, fille de Godiroy le Danois et de Gisles fille de Lothaire , roi de
Lorraine et de Waldrade de Suse, fille de Mainfroid , marquis de Suse , comte
du Palais sous Charles-le-Chauve.
— 268 —
AVEU DE 1366.
Du roy notre sire à cause de son chastel et chatellenie de
Chartres je Jehan, sire de Vieuxpont et de Courville, cheva-
lier, advoue atenir les choses qui ensuivent :
Premièrement le chastel et chastellenie de ladite ville de
Courville, avec tous les droits appartenans à ladite chastellenie
et qui auxdits chastel et chastellenie peuvent et doivent
appartenir, avec tous péages, travers et toutes autres redeb-
vances quelconques appartenans à tous chemins, péages et
es fins et mixtes de ladite chastellenie durant ou allant dudit
chastel de Chartres jusques ou val par font et du chastel en
allant à lUiers jusques aux terres de Brehenville et d'autre
part en allant à Belhomer par la ville de Pontgoing jusques
à Forme appelé Ferré, et en allant au chasteau neuf jusques
à Forme de Goinville. Et semblablement, de Pontgoing à
Chartres jusques au droit de la Mothe-Richart, ai sur tous
les lieux dessusdits toute la justice haulte, moyenne et basse,
punition sur tous malfaiteurs tant desdits péages, trespassés,
comme autres en tous cas.
Et audit chastel sont et appartiennent les choses qui en-
suivent, c'est à scavoir :
La prevosté vallant par an tant esdits péages, coutumes,
havaiges et autres choses appartenans à icelle comme es
exploicts du bailliage et de la prevosté, cent livres tournois
ou environ rabattues les charges. .
Item le feistage des maisons de lad. ville vallant par an
trente livres ou environ.
Item les cens de lad. ville et de la ville de Chuisnes vallant
par an vingt-deux livres tournois ou environ.
Item le four de ladite ville vallant par an dix livres tour-
nois ou environ.
Item le couvert de la halle de ladite ville vallant par an
quatre livres tournois.
Item six minots d'avoine sur plusieurs hostises.
Item un moulin fouUends à draps et à tan vallant par an
dix livres.
— 269 —
Item trois moulins à bled, l'un appelé Gennestay, l'autre
Nouvet-le-Chetif, et l'autre Quignevert, vallant par an tous
ensemble huit muids, rabatues les charges.
Item neuf arpens de prez en plusieurs pièces rallant douze
livres par an ou environ.
Item huit rivières appelés gours vallant par an vingt livres
ou environ.
Item la garenne dudit chastel à touttes manières de bestes
et oizeaux qui tiennent et doivent tenir garenne durant ladite
ville en allant selon la rivière jusques au pont de la Bische,
et d'iceluy pont en allant à Billoncelles jusques à la croix de
ladite ville de Billoncelles et de ladite croix en venant toutes
les vallées jusques à la ville du Couldray, et de ladite ville
du Couldray en venant à l'orme appelé l'orme de Haraumont
jusques à un fossez abutant à la rivière appelée la rivière de
Haraumont.
Item la haye du Guichet et le bois du Tronchay-Macruel
avecq les hayes, gaz et bruyères à la haye de Billoncelles
ainsy comme elles se comportent esquelles a garennes jurées
et anciennes à toutes bestes et oizeaux.
Item audit chastel appartient les mestairies qui ensuivent:
La mestayrie de la Touche, de Crochay et du Tartre o
leurs appartenances avec neuf muyds de terres que gast que
gaignable et cinq arpens de bois.
Item la mestairie de Rozeux o ses appartenances, quatre
arpens de bois et deux septiers de terre.
Item la mestairye de Many avec cinq muids de terre que
gast que gaignable, deux arpens de prez et tous les bois
appartenans à ladite mestairye et garenne jurée et antienne
en tous bois dessusdits à toutes bestes et oizeaux.
Item ou terrouer du Brouceron et du Breuil sept muids de
terre gaignable ou environ en plusieurs pièces et deux
arpens de noë ou environ tenans aux dites terres.
Item à Betaincourt sur deux ostises six gelynes par chacun
an avec trente sols de cens.
Item sur plusieurs héritages abonnes à vingt-deux septiers
^de grain cest ascavoir les deux parties bled et le tiers
avoine.
Item à Bassigny tant en champart comme en avoine len-
— 270 —
demaîn dé Noël, cinq septiers que bled que avoyne, quatre
pains, quatre gelynes et quatre deniers de fournement.
Item trente deux sols de cens sur plusieurs héritages du
terroir de Dangiers et de Tessonville paies par chacun an
au chapiteau de l'église de Dangiers.
Item le banaige de ladite ville trois fois Tan, à Noël,
Pasques et Pantecoste durant chacun trois semaines, payant
chacun tonneau de vin vendu audit banaige trois sols,
vallant pour chacun an sept livres dix sols tournois, une
année plus, Tautre moins.
Item le profflt des places pour le chainge fait en ladite
ville vallant soixante sols tournois par an ou environ.
Item le profflt de la cervoise et autres breuvaiges vallant
vingt sols par chacun an ou environ.
Item de chacun vendant sel à destail ou en gros en ladite
ville de Courville, un minot de sel, par an quatre septiers de
sel ou environ.
Item cinq sols de cens en la ville de Serez paies chacun
an, receus par le maire dudit lieu pour les voieries et pour
les places des fumiers.
Item la mestairye de Prunay-le-Gillon qui jadis fut feu
Thibault le Roux si comme elle se comporte avec cinq muids
et demi de terre gaignable.
Item dix septiers de terre qui ne furent oncques audit feu
Thibault assis à la croix appelle la croix de pierre.
Item trois septiers et trois minots de terre qui jadis furent
feu Gillot Raveneau.
Item cent dix sols de cens ou environ en ladite ville de
Prunay sur plusieurs terres gaignables deubs par chacun an
à la feste de Saint Remy.
Item la mestairye de Crossay et ses appartenances en la
paroisse de Prunay qui jadis fut feu Monseigneur Guy de
Villebon avecq onze muidz et demi de terre ou environ,
assis en plusieurs pièces, avec plusieurs places vuides qui
jadis furent hébergées, et deux arpens de vignes ou environ
et les hayes d'alentour de ladite vigne avec la garenne de
connins.
Item la moitié d'une disme à Gesainville vallent huit
septiers de grain par an, aucune fois plus, aucune fois
moins.
— 271 —
Item une disme à Prunay vallant six septiers de grain,
aucune fois plus, aucune fois moins.
Item un fief bourcier à Prunay-le-Gillon vallant soixante
sols quand le seigneur chainge dont Thibault Hm'tault porte
la bourse, et sont dépendentsdudit fief les hoirs f eu Toutbien,
les hoirs feu Pierre Savouré, les hoirs feu Simon Milochau,
Jehan Guillemin, les hoirs feu Jehan le Mareschal et plu-
sieurs autres dont nous ne pouvons avoir connoissance.
Item par les domaines dessusdits je Jehan dessusdit
garendist les vassours qui s'ensuivent :
Messire Adam de Viezpont sire des Ys qui en tient le lieu
des Ys o toutes ses appai-tenances tant en terres gaignables
comme non gaignables, bois, estangs, prez, cens, rentes,
garennes, en ces domaines et plusieurs autres domaines par
lesquels il garendist envers moy plusieurs vassours et rierre-
vassours lesquels je ne peux plainement déclarer pour ce
que ledit messire Adam est au saint voiage et aussi que ne
peux avoir cognoissance des vassours pour ce que les uns
sont morts par les guerres, et les terres en frische, et par ce
n'y pust assigner. Et en tous ces lieux a, ledit messire Adam
toutes justices haulte, moyenne et basse.
Item, Messire Pierre d'Oynville, chevalier, a cause de
Madame Jehanne de la Haye sa femme, qui en tient le dit
lieu de la Haye avec toutes les appartenances d'iceluy, sem-
blablement comme le dessusdit messire Adam, sauf qu'aux
dessusdits il n'a justice que de simple vasseur.
Item la mestairie de Lancey o toutes appartenances qui est
tenu de moy o toutes ses appartenances, dont je n'ai point
d'homme, laquelle je tiens en ma main tant terres gaignables
comme non gaignables, cens, rentes, vignes, rivières, et
plusieurs autres domaines par lesquels doivent être garendits
plusieurs vassours ou rierrevassours, laquelle chose je ne
puis déclarer par le deffaut dessusdit, et justice comme à
simple vassour.
Item messire Etienne Roger, chanoine de Chartres, qui en
tient le lieu appelé Thivars o toutes les appartenances tant
en terres, prez, cens, rentes, moulins, rivières, four de
bannye et autres domaines plusieurs par lesquels garendit
quatre vassours, c'est a scavoir : Jehan Moreau qui en tient
i
— 272 —
à deux foys, tant en son nom comme ayant la garde de ses
enfans vassours dudit Roger. — Item Jehan de Houville, vas-
sour dudit Roger qui en tient à deux foys le four de Thivars
et plusieurs autres choses. — Item Isabel jadis femme feu
Jehan Lambert, comme gardienne de ses enfans qui en
tiennent une disme à Thivars vallant par an quinze septiers
de grain les deux parts bled et le tiers avoyne, aucune fois
plus, aucune fois moins. —Item messire Jehan le Goret ',
chevalier qui en tient une noë de moulin assise à Thivars
avec le profit qui appartient a ladite noë, terres, cens, rentes,
prez et autres rivières par lesquels ils garendit plusieurs
vassours et rierrevassours, lesquelles choses je ne puis
déclarer par le défaut de son aveu non baillé, et pour ce je
tiens les choses dessusdites en ma main.
Item feu Jehan Chauveau qui en tient un prez qui fut jadis
Pierre du Vory à cause de sa femme, assis à Thivars, terres,
cens et rentes sans aucuns vassours.
Item Regnault Gouffier qui en tient à Prunay-le-Gilon
vingt-cinq livres de cens sur plusieurs hostises et terres
assises au terrouer de ladite ville de Prunay paies par chacun
an à la saint Remy et onze livres tournois vingt-neuf gelines
paiées par chacun an en ladite ville de Prunay le jour de la
feste aux morts avecq huit sols quatre deniers tournois
chacun an paiée le jour saint Georges et vingt septiers
d'avoyne le lendemain de Noël paies par chacun an en ladite
ville de Prunay et un muid de bled, vingt gelines et cinq sols
deus chacun an abonnagés lendemain de Noël à Prunay. —
Item ledit Regnault en tient à Thivas dix-huit septiers de
terre ou environ assis audit lieu. — Item quatorze septiers
d'avoine paies le lendemain de Noël audit lieu de Thivars.
— Item les dismes de Thivars qui vallent chacun an vingt-
sept septiers de grain aucune fois plus aucune fois moins. —
Item une oustise assise audit lieu de Thivars qui vaut par an
huit sols quatre deniers tournois paies le jour saint Rémy.
Item dix livres sur la prévosté de Courbeville de rente
paies a la feste aux Morts.
Item le péage de Cernay et les travers qui vallent de
Certaines copies portent Jehan le Boef.
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— 273 —
rente sept livres ou environ avec les profflts qui y appar-
tiennent par us et par coutume.
Item Pierre Gabille à cause de sa femme et de ses enfans
jadis enfants de feu Jehan de Bérou et d'elle qui en tient son
hébergement de Gesan ville o ses appartenances quatre muyds
et demi de terre ou environ assis en plusieurs pièces audit
terroir^ plusieurs cens et rentes en deniers par lesquels il
garendist plusieurs vassours et rierevassours audit lieu de
Prun ay-le-Gillon .
Item Baudouyn de Souplainville» ecuyer à cause de sa
femme qui en tient à une foy et hommage les domaines qui
ensuivent c'est à scavoir un hébergement, assis en la ville
d'Allone suivant côe il se poursuit et un moulin à than et à
bannie enclos audit hébergement.
Item les vergers enclos deriere ledit hébergement tenant
aux oustises. Item deux oustises assises devant ledit héberge-
ment entretenant Tune à Tautre.
Item quatre arpens tant en vignes comme en vergers et
un enclos auquel clos est assis un colombier. Item une
garenne assise au bout dudit clos.
Item sept muyds de terre semeure appartenant audit
hébergement assis au terroir d'Allonne en plusieurs pièces.
Item les cens de dix-neuf arpens et demy de vigne assis
audit lieu d'Alonne, pour chacun arpent cinq sols de cens et
une gelyne paies lendemain de Noël, et s'ils defiaillent de
paier il les peut exécuter de sept sols six deniers d'amende
de cens non paies.
Item neuf livres quatre sols douze gelynes et un quart de
gelyne de rente assises sur vingt-neuf septiers et mine de
terre aux champs. Item d'autre part quatre livres quinze
sols six deniers tournois et trois gelynes et demye assises
sur plusieurs oustises d'AUonne paies à la S' Christophe sept
.Item à la décolation S* Jehan-Baptiste soixante sept sols
deux deniers maille onze gelyne et un quart.
Item lendemain vingt et un sols trois deniers obolle deux
gelynes et un quart paiees par les habitans desd. oustises
à plusieurs paiemens et festes. Et au cas qu'ils deffaudraient
le paiement ils demeurent en sept sols six deniers d'amende
chacun envers ledit Baudouyn.
T. XII, M. 18
— 274 —
Item une ouche assize au droit de la trirouair de Tirepault
auquel il y a poisson et garenne de poisson et toute pesche-
rie prise et chasse de poissons.
Item plusieurs vassours qui tiennent dudyt Baudouyn c'est
àscavoir je Jehan dessusdit. Item Monsg^ Maupin deMaroUes
chevalier premier vassour. Item les hoirs feu Monsieur Hue
Goulart second vassour. Item Thomas d'Alonne tiers vassour.
Item la femme feu Geoffroy Robert quart vassour. Item Jean
Guiard quint vassour. Item Marie d'Alonne sixième vassour.
Item Jean Pottier septième vassour. Item Jean Gaucher le
jeune huitième vassour. Item Aubin Gaucher neuvième vas-
sour. Item Perrin le Royer dixième vassour. Item les hoirs
feu Girard le Royer onzième vassour. Item Petit-Jehan Gou-
lardeau douzième vassour. Item Jehannot Phelippeau
treizième vassour. Item Arnould Girard quatorzième vassour.
Item Thenot le Bourrelier quinzième vassour. Item Jehan
Boutaint seizième vassour. Item Richard le Couturier dix-
septième vassour. Item Jehan Hemery dix-huitième vassonr.
Item Jehan Debas dix-neuvième vassour. Item Guillaume
Georges vingtième vassour. Item Jehan Bouslart, boucher
vingt et unième vassour. Item Guillemete, femme de feu
Naveau vingt-deuxième vassour. Item Lorin, vingt-troisième
vassour. Item Jehan des Granches vingt- quatrième vassour.
Item avec les fermes domaines prevalable des susd. vassours
il tient en domaine de moy Jehan dessusdit tous les marchands
de vin en bannie manans et habitans delad.villed'Allonneet
es lieux dessusd. que nul ne nulle taverniers en taverne
vendant vin à destail ne peut vendre ne faire vendre vin à
taverne dès le samedy veille des grandes pasques jusqu'à
Tautre samedy ensuivant et aussy de la veille de Tassomption
notre Dame jusques au huitième d'icelle ensuivant. Et aussy
le samedy veille de Penthecoste jusqu'au samedy d'icelle en
suivant si ce n'est par la licence dudit Beaudouyn ou de ses
députés. Ne ou aucun ferait le contraire, le vin qui serait
dedans le tonneau de droit s'en applique ou à moy si le cas y
escheoit ou il rachepteroit de soixante sols un denier. Ne
aussy nul ne nulle des manans et habitans de ladite ville
d'AUonne ne peut achepter pain ne cuire pain hors de ladite
ville d'Alonne pour sen user si le bled n'est moulu au moulin
de bannie dudit Baudouyn et cuit en son four de bannie
— 275 ~
lesquels four et moulinsontassisenladitevilled'Alonneet les
tient de moy comme les demaines. Et au cas qu'ils feroient
le contraire ledit Baudouyn pouroit prendre ledit pain comme
sien acquis ou à moy si le cas y echeoit. Et aussy ledit Baudouyn
a touttes chasses de connins par tous les vergers d*Alonne
excepté celles qui aux hoirs de feu M' Hue GouUard appar-
tenent. Item tous cris subaltations d'héritages et pour force-
ment sur tous les manansethabitans de ladite ville d'Alonne
et sur tous tenans de luy en fief et en censive de eux monter
et fer monter en armes et en chevaux chacun selon son estât
touttes et quantes fois que mestier en sera, toute voierie par
toute ladite ville d'AUonne et au terroir d'Allonne esquelles
voiries et chemins nul ne nulle desd. manans et habitans ne
peuvent faire fumiers s'ils ne asseurent la place dudit Bau-
douyn ou de moy. Et ou cas qu'ils ne le feroient ledit Bau-
douyn pouroit prendre et appliquer par devers luy lesd.
fumiers en payant à celuy qui l'auroit fait quatre deniers
tournois pour chacune charete ou à moy si le cas y echeoit.
Item sur tous les domaines et vassaux dessusd. sauf en ce
que je suis vassour comme dit est ledit Baudoin a en la ville
dessusdite toute justice haute moyenne et basse et par toutte
ladite ville d'AUonne es chemins et boys, fiefs et arrière fiefs
et par tout le terroir d'icelle.
Item Monseigneur Thibault de Frainville chevalier vassour
de moy Jehan dessusdit qui en tient la mairye dç Prunay-le-
Gilion avec plusieurs domaines cens rentes et autres choses
dont nous ne pouvons avoir cognoissance parce que les terres
sont en friche et par ce ny pouvons assigner.
Item Jehan Langlois qui tient la moitié d'un hébergement
à Gezanville avec la moitié cy comme il se comporte avec
la moitié de sept livres tourn., quatre sols de cens et dix-huit
gelynes deus sur plusieurs outizes et terres assize a Gesan-
ville, aux Vaux, lui revenans avec Simon de Croce écuyer
duquel il tient l'autre moitié. Lesquelles choses dessusd.
furent à feu Geoffroy de Lestourville et après à Robinet
d'Izy son prédécesseur.
Vltem Symonet de Croce ecuyer, vassour de moi Jehan
dessusdit qui en tient en domaine son hébergement de Croce
cy comme il se poursuit et comporte, et les plantes et les
bois. Item deux muyds de terre assis en plusieurs pièces au
— 276 ~
terroir de Groce avec cens rentes et plusieurs domaines et
par les domaines dessusd. il garendist plusieurs vassours et
rierevassours.
Item Gaultier de Chartres qui tient de moy Jehan dessusdit
à trois foys les choses qui ensuivent c'est à sçavoir à la
première foy vingt six septiers et mine de terre en plusieurs
pièces assis au terroir de Croce. Item à la seconde foy dix-
sept septiers de terre. Item à la tierce foy un muyd de terre
en une pièce que Ton appelé le champ de la Ferté. Item par
les domaines dessusd. il garendist plusieurs vassours et
rierevassours et censiers.
Item Pierre Gabille à cause de sa femme qui en tient un
hébergement cy comme il se comporte avec un colombier
enclous audit hébergement assis à Loulappes. Item un muid
de terre en une pièce. Item seize septiers assis audit terroir
d*autre part et par les domaines dessusd. il garendist plu-
sieurs vassours.
Item les hoirs de feu Loys de Mesrobert qui en tiennent à
deux foys c'est à scavoir vingt septiers de terre assis au
terrouer de Loulappes. Item de la seconde foy cinq septiers
de terre assis audit terroir par lesquels domaines il garendist
plusieurs vassours et rierevassours.
Item les hoirs de Marion qui en tiennent vingt deux septiers
de terre assis es ousches et audit terroir de Prunay-le-Gillon.
Item plusieurs autres mes vassours audit lieu de Prunay-
le-Gillon.
Premièrement Jehan Morize qui en tient trois septiers à
Prunay.
Item Michau de la Forge qui en tient cinq mines à Prunay-
le-Gillon.
Item Thibault Hurthault qui en tient trois mines de terre
audit terroir de Prunay.
Item Michault d'Autebin qui en tient une houssoye à Prunay
contenant trois arpens.
Item Jehan Hurtault qui en tient trois minots audit lieu de
Prunay.
Item Pierre Germain qui en tient cinq mines de terre audit
lieu.
Item Jehan le Portier qui en tient un septier de terre audit
lieu.
■^
— 277 —
Item les hoirs feu Jehan Ghapellierqui en tiennent une mine.
Item Monsieur Jehan de la Barre qui en tient trois mines de
terre et garendist plusieurs vassours.
Item les hoirs feu Jehannot de Chantepré qui en tiennent
une myne.
Item Jehan Doublet qui en tient deux septiersde terre audit
terroir.
Lesquels en tiennent plusieurs héritages comme terre cens
rentes et autres domaines par lesquels il garendist plusieurs
vassours et rierevassours. Des domaines et vassours nous
n'en pouvons avoir ni bailler par déclaration parce que les
terres sont en friche et partie des personnes changées et
allées de vie à trepassement et par ce moyen nous n'en pou-
vons avoir cognoissance.
Item Jehan de Languedoue qui tient à une foy un héberge-
ment cy conime il se poursuit vignes vergers tout encloux
et vingt muis sept septiers de terre et bois en plusieurs
pièces par lesquels domaines il garendist plusieurs vassours
et rierevassours.
Item les hoirs Geoffroy de Lestourville jadis ecuyer qui en
tient à deux foys, c'est à scavoyr la première foy vingt sep-
tiers et myne de terre , l'autre en domaine pour ce que C'est
fie ancien par lesquels fiefs il garendist plusieurs vassours et
censiers c'est à scavoir Monsieur Thibault de Frainville che-
valier. Item Guillaume Roger. Item Michault de Francour-
ville. Item Jehan de Chantepie par lesquels sont garendist
les rierevassours et censiers.
Item les hoirs feu Pierre Savouré qui en tient à une foy
quatre septiers et trois mines en plusieurs pièces par lesquels
il garendist les vassours qui ensuivent. C'est à scavoir
Regnault Germain, Aubin le Hucher, Liger Thibault.
Item Regnault Desportes de Boissay qui en tient à trois
foys egallement. Premièrement vingt cinq septiers de terre
en domaines assis en plusieurs pièces par quoy il garendist
plusieurs vassours, c'est à scavoir : Sainxot Huet, Jehan
Bouguier, Denis Mace, Perrin Pichette, Regnault Desportes,
la veuve de feu Guillaume de Bethancourt. Item les hoirs
Jehan Philippot septième vassal. Item Jehan de la Rivière
écuyer huitième vassour par lesquels vassours sont garen-
dits plusieurs rierevassours dudit Desportes.
— 278 —
Item Philippe Delaporte, bourgeois de Chartres, qui en
tient à deux foys ce qui ensuit : C'est à scavoir la première
foy quatorze septiers de terre en une pièce au terroir de
Crocey. Item à la seconde foy quatorze septiers de terre en
plusieurs pièces audit terroir et une disme assise en iceluy
sur plusieurs héritages par laquelle seconde foy il garendist
les vassours qui ensuivent. C'est à scavoir d"' Isabelle jadis
femme de feu Huet de Bouvesqui en tient quatre livres treize
sols quatre deniers de menus cens sur plusieurs héritages.
Item Jehanne de Launoy jadis femme Huet de Bouves
qui en tient deux arpens de prez assis en la rivière
de Chuisnes et deux arpens de pâture fauchables tenant
à une foy.
Item Gillot Baron qui en tient demi muyd de bled de rente
par chacun an sûr le quart du moulin de Nouvet des Hays et
par quoy il garendist Michault de Chaillozau son vassour.
Item les héritages qui furent feu Regnault ChoUet pour un
vassour à deux foys lesquels en tient par deffaut d*homme
c'est à scavoir son hébergement et ses appartenances assis
au Brosseron et colombier, contenant ledit hébergement trois
septiers de terre. Item vingt neuf septiers et mine de terre
en plusieurs pièces à une seule foy et à la seconde foy un
arpent et demy de prez.
Item les hoirs feu Thibault Quatresols qui en tiennent dix
septiers de terre en plusieurs pièces au terroir et en la
paroisse de Meignay.
Item le quart des champarts qui jadis furent feu Macot de
Chautionart et Monsg' Guillaume de Thiville assis au terroir
des Vaulx de Jorran et le quart de trois sols de menus cens
qu'il a avec les dessusd. rendus par chacun an à la Pomme-
roye sur Cernoy tous tenu à une foi.
Item Jehan de Villete qui en tient à une foy c'est à scavoir
son hébergement de Challoiau cy comme il se comporte
toutes ses appartenances. C'est à scavoir trois arpens et
demy de bois juxte ledit hébergement et six septiers et mine
de terre par lesquelles il garendist les hoirs feu Guillaume
Langlois de environ cinq septiers de terre et deux arpens et
demy de bois ou environ.
Item Jean Simart comme garde des enfans feu Jehan le
Bastart à cause de sa femme qui en tient trois septiers de
— 279 —
terre assis au terroir de Bienfoul. Item trois septiers de terre
audit terroir. Item (deux) septiers de terre audit terroir.
Item deux septiers de terre au terroir de Gennestay et une
noue contenant trois muis assise entre Nouvay et Genestay.
Item Guillemin Barbou, bourgeois de Chartres, à cause de
sa femme qui en tient un hébergement appelé hetelasse cy
comme il se poursuit o toutes ses appartenances et sept
muyds quatre septiers de terre en plusieurs pièces environ
ledit hébergement. Et par ce garendit deux vassours. C'est
à scavoir les hoirs feu Simon ChoUet et Jehan de Rhemalard
à deux foys.
Item la femme feu Jehan Lory comme garde de ses enfants
qui en tiennent un hébergement cy comme il se poursuit
assis à l'encloux.
Item cinq septiers et mine de terre audit terroir et deux
arpens et un quartier que bois que noue et par ce garendit
deux vassours c'est à scavoir Jehan Largeur et Jehan Delaloge
à une foy.
Item Guillaume Jacquelin qui en tient à une foi un arpent
de noue.
Item quatre arpens de bois assis à la clousiere des Char-
mois et sept septiers et demy minot de terre en plusieurs
pièces et deux deniers de rente assis à Chermoy par lesquels
il garendit trois vassours. C'est à scavoir Etienne Descure,
Thevenin Thomas et Jehan Largeur ses vassours.
Item les hoirs feu Jehan Hubert qui en tiennent à une foy
six septiers de terre assis au terroir de Loulappes.
Item Noël Trouillard qui en tient une place assise à la
Touche et quatre septiers et mine de terre assis audit lieu et
par ce garendit les hoirs feu Gillot Throuillard.
Item Jehan Gaignon demeurant audit Prunay le Gillon qui
en tient une mine de terre a Prunay le Gillon.
Item Aulbin Guillot qui en tient une noë assis à Macelin.
Item Jehan Legras qui en tient uu muyd de terre assis audit
terroir d'environ le moulin de Nouvet le Chetif à une foy.
Item M® André Lagrue qui en tient à quatre fois ce qui
ensuit c'est à scavoir six muyds de terre tant gaignable comme
non gaignable assis en plusieurs pièces au terroir des cures.
Item trois arpens de bois et trois de noë.
Item à la seconde foy son hébergement du Tronchay juxte
— 280 —
Courbeville o ses appartenances avec vingt septiers trois
minots de terre ou environ led. hébergement.
Item trois muyds en une autre pièce et arpent et demy de
noë et un hébergement qui fut feu Jehan du Tronchay et par
ce garendit un vassour c'est à scavoir Colin Jougan.
Item à la tierce fois dix septiers de terre assis au terroir
de Broceron.
Item à la quarte foy trois septiers de terre assis au terroir
de la Noë>
Item Michault Regnault k cause de sa femme qui en tient
à deux fois : Premièrement à la première foy quatre septiers
de terre. Item à la seconde foy six septiers de terre et un
vassour c'est à scavoir Louis Lucas qui en tient quatre
septie'rs de terre lequel vassour garendit plusieurs rier-
vassours.
Item Jean Gouceaume qui en tient dix septiers de terre au
terroir de la Prestriere par lequel domaine il garendit plu-
sieurs censiers.
Item Sainxot Bourault qui en tient quinze septiers de terre
au terroir de Serez et par ce garendit deux vassours, c'est à
scavoir Jehan Louste et Jehan Surot.
Item Jehan Louste qui en tient à deux foys c'est à scavoir
à la première foy quatorze septiers de terre au bordeau de
Chuisnes. Item dix-sept septiers en plusieurs pièces à la
seconde foy au terroir d'environ le Tertre.
Item Jehan Moreau qui en tient six septiers de terre assis
au terroir des Bordes.
Item Simon Le Chat qui en tient quatre septiers de terre
assis au terroir d'Occonville.
Item Jehan du Charmoy qui en tient trois mines de terre au.
terroir de Charmoy.
Item Jehan de Merobert ecuyer qui en tient un prez appelé
le prez de la place. Et par ledit prez garendit Noël Trouillard
vassour entier de la moitié du moulin de la Place.
Item les hoirs feu Thomas Rousseau qui en tiennent trois,
arpens au terroir de Thivas. Item trois minots audit terroir.
Item quatre deniers oboUe de cens et rente par chacun an
le jour de la S^ Remy avec les proffits qui en peuvent
dépendre et par ce garendist.M® Estienne Bellot son vassour
de cinq mines de terre audit terroir.
— 281 —
Item les hoirs'ou ayans cause de feu Jehan de Richard qui
en tiennent sîx septiers de terre au terroir du Tertre*
Item Jacques Lefebvre à cause de sa femme, sergent du
roi notre sire lequel en tient quatre muyds et demy de terre
avec une borde qui est dans ladite terre et par ce garendit un
vassour c'est à scavoir Macé de la Barre qui en tient quatre
septiers de terre à une ioy.
Item les hoirs feu Colin Le Febvre qui en tiennent cinq
muiig et un septier de terre en plusieurs pièces assis au terroir
d'entre Boissay et le Coudray et par ce garendit Guillaume de
la Beurriere^ vassour desd. hoirs qui en tiennent vingt-trois
septiers de terre audit terroir à une foy.
Item Robin le Camus à cause de sa femme qui en tient à
une foy six septiers de terre assis devant le moulin de Gen-
nestay et par ce garendist Jehan Quatremaille de deux
septiers de terre audit terroir.
Item les hoirs de feu Jehan Sainxe qui en tiennent dix
septiers assis à l'orme du Couldreau sur la fontaine et par ce
garendit cinq vassours c'est assavoir Lubin du Burreau qui
en tient trois septiers un niinot de terre. Item Thiennot Jac-
quet qui en tient trois septiers un minot de terre. Item Girard
Violle qui en tient une mine de terre. Item Lucas du Coul-
dreau qui en tient une mine. Item Jehan des Vaux qui en
tient une mine*
Item Colin Jugan qui en tient à une foy cinq mines de terre
assis derrière la ville de Courbeville.
Item les hoirs ou ayans cause de feu Martin Dachesnay qui
en tiennent trois mines de terre assises au terroir de Thivas.
Item Jehan du Charmoy qui en tient deux septiers de terre
assis au terroir du bois feu Yves à une foy.
Item les hoirs feu Michelet de la Rivière qui en tiennent
quatorze septiers sceis en la paroisse de Chuisnes juxte la
voye qui vient de Betaincourt à Chuisne.
Item les hoirs Philippe de la Porte qui en tiennent à quatre
foys quatre septiers de terre et mine assis au terroir d'Aché.
Item Perot Nazart qui en tient à une fois un hébergement
et ses appartenances assises à Bienfol. Item cinq deniers
de cens de rente deus par chacun en ladite ville paies par
Gaucher de Chartres trois deniers tournois, et par Colin
d'Orouer deux deniers.
— 282 —
Item Noël Trouillard qui en tient à une foy. dix huit sep-
tiers de terre assis : un muid au vau de la Charentonne et
six septiers au terroir de Maillibert. Item dix septiers de
grains les deux parts bled et le tiers avoyne en la grande
disme de S^ Germain. Et par ce garendit trois vassours c'est
à scavoir les hoirs de feu Nicolas et Jacques les Trouillart et
Belon femme feu Guillot Trouillart lesquels conjointement
en tiennent autant de grains sur ladite dame de S^ Germain
comme ledit Noël.
Item Colin Boudon qui en tient trois mines de terre assises
aux Vaux en la paroisse de Prunay le Gillon.
Item M* Gilles de TAubépine à cause de sa femme lesquels
tiennent à trois foys c'est assavoir à la première foy cinq
mines de terre au terroir de Bienfol. Item à la seconde foy
cinq mines audit terroir. Item à la tierce foy quatre septiers
trois minots.
Item Supplice Bernier qui en tient la moitié d'un prez
assis environ de la Noë contenant demy arpent et un quar-
tier.
Item Jehan Estienne qui en tient la moitié d'un arpent et
demy joignant à mes prez.
Item les hoirs ou ayans cause de Jehan de Bré qui en tient
cinq septiers de terre en deux pièces au terroir de la place.
Item Jehan Boulehart qui en tient à une foy seize septiers
de terre assis au terroir de Pommeroy en plusieurs pièces.
Item Lucas des Ouches qui en tient un hébergement et
ses appartenances assis à Thivars.
Item Colin Jugan qui en tient trois arpens de terre assis
au terroir du Broceron.
Item Perret Beraudier qui en tient 7 boisseaux et demy
de terre assis au terroir de Prunay-le-Gillon.
Item les hoirs de feu Etienne de la Henriere qui en tient
la sixième partie de tous les champarts du Tielin et de touttes
les appartenances d'iceluy lieu qui souloient monter par
chacun an l'un par l'autre environ à trois muyds. Item la
sixième partie de la vente des dismes et des cens sur tous
iceux champarts qui vallent ou peuvent valloir à chacun an
l'un par l'autre de rente environ deux sols. Item demy quar-
tier de terre. Item quatre septiers de grain de rente sur la
sixième partie de Robert Garnier. Item quatre septiers de rente
— 283 -^
sur la partie Colin Vivien par raison de Colleté sa femme
et toute en une foy.
Item M'^ Robinet de Vieuxpont chlr qui en tient trois muids
de terres au terroir de Courbeville tout environ la justice
dudit lieu à une foy.
Item Madame Jehanne de Vieuxpont jadis femme feu
Monsieur Louis d'Estoute ville jadis chevalier qui en tient la
metayrie du Val Joly , le plessi«, colombier, estang et vivier et
vingtdeux muids de terre ou environ assis en plusieurs pièces
avec ungs éperons doré ou cinq sols pour la valleur pris sur
une maison devant la halle de Courbeville qui jadis fut feu
Guillaume le Cointereau barbier et la haye de Bethancourt,
la haye Tronchet o la haye aux malades, le bois feu Yvon,
la garenne neufve juxte les bois, et garenne a connins par
tous les lieux dessusd. Item deux mailles de cens sur le
pré de Nouvet qui jadis fut feu Colin Badin avec les prez
qui ensuivent c'est à scavoir le pré appelé le gain de Nouvet
la noe More juxte la mestayrie et les prez et pastures au
dessus du moulin de Ganelon par lesquels il garendit deux
vassours c'est à scavoir Jehan Michon d'un muid de terre ou
environ assis derrière le Tronchay. Item Jehan Chopin qui
en tient en la paroisse de Chuisne et ailleurs plusieurs héri-
tages. Item Jehan de Manyquien tient à Chuisne à une foy la
moitié de la noue More par deriere la croix. Item la moitié
de deux gelynes rendue à Noël pour le retour. Item la
moitié dudit retour du pont quardeux. Item deux muids
de terre aux bois Aubert. Et par ces domaines garendit deux
vassours c'est à scavoir Perrotle Chandelier qui en tient audit
terroir deux septiers et mine de terre. Item Jacques Follet
qui en tient à cause de sa femme deux septiers et mine audit
terroir.
Item Robert de Vignay qui en tient en la paroisse du Faivril
la moitié du bois carreau avec les friches, gas et brieres
auprès tenans au dessus des dessusdites friches.
Item Pierre Gabille à cause de sa femme comme ayant le
bail des enfans feu Gillot Courot de Pontgoing qui en tient la
moitié du bois carreau, friches, gas et bruyères auprès
tenans au dessous des dessusdites friches.
Item les hoirs feu Simon des Bois Hinoist pour le temps
qu'il etoit hébergé, la mothe et tous les fosses sus nommes cy
— 284 —
comme ils se comportent à Tenviron de ladite mothe avec un
arpent de bois tenant aux fosses dessusdits. — Item la terre
appelée le censsement que plusieurs censiers tiennent desdits
hoirs à cens et avenaiges paiëes le dimanche après S^ Remy
vallant en argent cinq sols et en arrérages neuf septiers
d'avoine à tels droits comme il pourroit appartenir et sont
tenus à trois foys.
Item les hoirs ou ayans cause de feu Perrot de Rothuxqui en
tiennent plusieurs domaines par lesquels sont garendis plu-
sieurs vassours lesquels nous tenons et sont en nostre main
par le deffaut d'homme et par ce n'en poures faire décla-
ration, generallement les domaines et vassours appelés les
Roseaux étant en la paroisse et terroir de Bailleau le Pin.
Item Michelet de Geouville ecuyer qui en tient à une foy
son hébergement de Gehouville o ses appartenances. Itenâ
sa part de l'aunoy dudit lieu qui contient uii arpent. Item
une pièce de rivière aux planches de Meauce. Item trois
arpens de bois audit lieu. Item cinq arpens de bois aux champs
du pays. Item trois arpens de bois assis à la Corveerie.
Item cinq arpens de pré au bout de la haye de Bellomer.
Item cinq septiers de terre assis aux Boissieres. Item neuf
septiers de terre au Chemin-Ferré. Item vingt septiers de
terre vers les planches de Meaucé. Item demi arpent de pré
audit lieu de Meauce. Item le champ du Murger contenant
deux septiers. Item trois mines de terre sur la fontaine
de Geouville. Item un Courtil contenant trois mines abutant
aux cour tilles Jehan de Geouville. Item une pièce de place
contenant un quartier de terre. Item en la paroisse de Bail-
leau le Pin deux septiers de terre delez CoUin Ferrant et
juxte Perinneau d'autre. Item une mine audit terroir et par
les domaines garendit le vassour Jehan de Geouville pour
deux septiers, Jehan des Avaux et Jehan de la Breviere.
Item Jehan des Courtils à cause de sa femme qui en tient à
quatre foys les héritages qui ensuivent en domaine. Premiè-
rement à la première foy vingt arpens de terre assis au ter-
roir de Cheville en plusieurs pièces. Item à la seconde foy
sept arpens et demy de terre assis à la sausaie Chauvelle en plu-
sieurs pièces. Item à la tierce foy cinq arpens et demy de
terre assis au terroir du Broceron en plusieurs pièces. Item
à la quarte foy demy de terré assis au terroir du Daulemont
— 285 —
en une pièce et par les domaines dessusdits garendist les
vassours qui ensuivent. C'est à scavoir Massot et Gillot les
Bidaux d'une mine et un boissel. Item Guillot fils de feu Jehan
Bidault de quatre arpents de terre. Item le fils de feu Philipot
Bidault et les vassours de feu Guillot Bidault qui entretien-
nent un septier de terre.
Item les hoirs de feu Perin Cothereau qui en tiennent une
mine de terre.
Item Guillaume de Riverain qui en tient deux arpens de
terre.
Item les hoirs de feu Gillot Fabin qui en tiennent trois
arpens et demy quartier de terre.
Item les hoirs et la femme feu Jehan de la Rivière qui en
tiennent trois arpens et demy de terre.
Item Guerin Cothereau qui en tient la moitié d'un arpent
et demy de terre.
Item les hoirs feu Jehan Bidault qui en tiennent im arpent
de terre.
Item Jehan fils feu Gillot Bidault qui en tient deux arpens
et demy quartier de terre.
Item les hoirs de feu Louis Bidault qui en tiennent l'autre
moitié.
Item Jehan d'Houart qui en tient sept arpens de terre.
Item Guillaume Langlois qui en tient trois arpens de terre.
Item Jehan Quatremaille qui en tient quatre arpens de
terre.
Item les hoirs feu Jehan de la Porte qui en tiennent demy
arpent de terre.
Item Ciprien Drouart qui en tient environ trois quartiers
de noe.
Item les hoirs feu Pierre de Beaumont qui en tiennent à
une foy dix septiers de terre au terroir du Breuil.
Item les hoirs feu Monsieur Michelet Michon prestre seize
septiers de terre en plusieurs pièces c'est à scavoir douze
septiers au chemin chartrain et quatre septiers au terroir de
Bosmont. Item ung fieg bourcier au terroir de Mondonville
6u il n'a rien laboure et par ce ne le puis bonnement
déclarer car je n'en ai point donnée.
Item la femme feu Guillaume de Bizay tant en son nom
comme ayant la garde de ses enfans qui en tient à trois foys
— 286 —
c'est à scavoir à la première foy trois mines de terre assis
au terroir de Girouville en plusieurs pièces. Item à la
seconde foy vingt septiers audit terroir au long deHuet Lan-
guedoue. Item à la tierce foy seize septiers de terre tenant au
long du chemin par lequel Ton va de Houville à Guignon-
ville.
Item les hoirs et ayans cause de feu Jehan de la Loge qui
en tiennent à une foy quinze septiers de terre au terroir du
Vau de la Charen tonne.
Item Richard le Barbier qui en tient trois septiers de terre
en une pièce au terroir de Brueil.
Item Jehan Poirier qui en tient cinq mines de terre juxte
la haye Robinet.
Item les hoirs ou ayans cause de feu Simon de la Ferté qui
en tient demy muid de terre assis entre Pommeray et le
Charmoy.
Item les hoirs feu Gillot d'Ancey qui en tient trois septiers
au terroir de Bizon.
Item Thomas Lepronnier qui en tient vingt septiers au ter-
roir devers Champeloux en deux pièces.
Item Jehan de Courville qui en tient à une fois onze sep-
tiers de terre et un arpent de noe avec une place et le
courtil tout à la closure en plusieurs pièces.
Item Agnes Laperière qui en tient cinq septiers de terre
assis entre Angerville et Prunay le Gillon par lequel domaine
elle garendit plusieurs vassours c'est à scavoir Mathurin de
la Forge, Colin Boudon et autres dont nous ne pouvons avoir
connoissance parce que les terres sont en friche à une foy.
Item Regnault Retel qui en tient cinq septiers de terre assis
au terroir de Houville à une foy.
Item Léger Le Clerc qui en tient un arpent assis à Prunay-
le-Gillon et par ce garendit M*" Thibault de Frainville qui en
tient un verger audit lieu de Prunay-le-Gillon.
Item Simon Milochau qui en tient une mine de terre assise
au terroir de Prunay.
Item Martin Doublet qui en tient cinq minots audit terroir
à une foy. — Item à une autre foy deux septiers de terre
audit terroir.
Item Guillemin de Mongerville ecuyer qui en tient comme
son propre domaine à trois foys c'est à scavoir un héberge-
— 287 —
ment assis au Tertre cy comme il se poursuit et dix arpens
deboistenans audit hébergement. Item vingt-cinq septiers de
terre assis au terroir du Tartre en plusieurs pièces. Item trois
sols de cens et deux gelynes paiées le jour de S' Remy et par
ces domaines garendit plusieurs vassours c'est à scavoir les
hoirs feu Macot Pichette vassour entier. Item les hoirs feu
Saixot entier vassour. Item les hoirs feu Monsieur Cordelle.
Item les hoirs feu Colin Estienne. Item Michault le Pileur.
Item feu Clément Suert.
Item M' Pierre de l'Eau chevalier qui en tient les domaines
censivement c'est à scavoir. Premièrement son hébergement
deBethaincourt o ses appartenances, l'ousche et le colombier
juxte ledit hébergement avec vingt-huit septiers de terre en
plusieurs pièces et deux arpens de noë ou environ et les deux
parts du pré de Laulnoy o ses appartenances, des mintes
et de ladite fosse longue. Item vingt-six deniers de rente
sur certains héritages paiez le jour de la Toussaint par
chacun an de dismes sur plusieurs héritages appartenant à
Sainxe de la Porte ou son preneur et aux terres dessus
Bourdeharelles et au grand courtil de Betaincourt. Item
six sols de rente païeesle jour delà Toussaint pour un septier
de terre. Item onze sols de cens sur les courtils de laCresso-
niere de Courbeville et vingt corvées pour faner ses près par
lesquels domaines il garendit un vassour c'est à scavoir les
hoirs feu Yvart de l'Eau qui en tient le tiers d'un pré appelé
le pré de l'aulnay desdites mintes et de lad. fosse longue et
deux sols de rente paiees le jour de la Toussaint sur plu-
sieurs héritages.
Item le prieur du Tramblay comme ayant le bail des
enfans feu Guillaume de Chartres à cause de sa femme qui
en tiennent à une foy : Premièrement un hébergement assis
à Crocé, une garenne et un arpent de vignes. Item six livres
de menus cens et dix-sept gelynes assis à Crocé à prendre
sur plusieurs oustises et héritages et amendes de cens non
paiée. Item sept muyds ou environ de terre assis au terroir
de Crocé et ailleurs en plusieurs pièces. Item je en tiens
justice haute moyenne et basse. Item un arpent de vignes
et une place de garenne en la vigne. Item un fief bourcier.
Item plusieurs vassours et riervassours qui en tiennent
plusieurs héritages assis en plusieurs lieux et en plusieurs
— 288 —
pièces c'est à scavoir Monsieur Guy de Villebon qui en tient
deux hebergemens assis a Crocé. Item G-uillaume Roger
vassour entier, Pierre Bellon vassour dudit chevalier et
Thomas de Crocé et ledit Jehan vassour dudit chevallier.
Item ledit chevalier a justice par partie de freiage. — Item
ledit Pierre Belon vassour dudit prieur et Thibault de
Croçé Taîné et le jeune qui en tiennent héritage.
Item Jehan Michon qui en tient huit muyds huit septiers et
mine de terre ou environ assis en plusieurs pièci^s et en plu-
sieurs lieux. Item la moitié du moulin de la Place o ses appar-
tenances et la moitié de la pescherie avec une noue appelée
la noue aux bœufs. Item la place d'un hébergement et ses
appartenances appelé le Pallis. Item sur la disme de
S^ Germain appelée la grande disme autant de septiers de
grain bled et mars par chacun an comme ladite disme est baillée
de muis par chacun an à la mesure de Courbeville paiees
par la main des tenans. Item une pièce de pré appelé le pré
de la Barre juxte la rivière de Haraumont avec douze deniers
de cens sur deux houstises à Courbeville. Item un pré appelé
le pré Bellat tenant à mes près. Et par les domaines dessusd.
garendit plusieurs vassours c'est à scavoir Pierre Gabille qui
en tient à cause de sa femme quatorze septiers de terre avec
un pré assis au moulin de la Place et trente sols de cens sur
plusieurs houstises en la rue Saint Pierre de Courbeville
avec justice de simple vassour avecq deux vassours : Perot
le Chandelier et JehanneEstienne. Item Perin Picherete vas-
sour dudit Michon qui en tient deux muyds de terre et garen-
dit Jehan Avril de demy muyd de terre. Item Jehan Brebion
vassour dudit Michon qui en tient dix septiers de terre à
cause de sa femme par lesquels il garendit Pierre Gabille à
cause de sa femme d'un muyd de terré. Item Jean Lebeauqui
en tient sept septiers de terre. Item Martin dés Vaux qui en
tient trois arpens de terre. Itemles hoirs feu LubinChiquot qui
en tiennent demy muid de terre en friche. Item Guillemin de
Magenville qui en tient dudit Michon une disme appelée la
disme de l'Erable vaut par an dix-huit septiers de grain une
année plus autre moins et tient ladite disme à cause de sa femme .
Item M® André Lagrue qui en tient à cause de sa femme cinq
arpens de terre. Item Guillemin Barbou qui en tient à cause
de sa femme cinq arpens de terre. Item Jehan Lescuyer comme
— 289 —
ayant le bail de sa fille, qui en tient cinq minots de terre.
Item Martin Boutanne qui en tient cinq minots. Item Jehan
Louste qui en tient trois mines de terre. Item Geoffroy Duchesne
qui en tient dudit Michon trois mines de terre. Item Perrotle
Chandelier qui en tient trois septiers de terre sur le moulin de
Nouvet les Hays. Item Simon Moreau qui en tient la moitié
d'une maison.
Item les hoirs de feu Jehan de TEau ecuyer, jadis sire du
Plessis, qui en tient à domaine à une foy, par deffault de la
garendie de feu M»" Pierre Le Jay jadis chevalier, de quoy il
était en la foy de feu Burgault Le Jay, demy muyd de terre
assis devant le Plessis feu Yves. Item trente-quatre deniers de
cens assis à la Belle Teste sur plusieurs censiers et censives
paiees à la feste de la Nativité S' Jehan Baptiste et à la
Toussaint. Item un pré juxte lepron le Fouxard. Item demy
arpent de terre ou environ, assis aux Gounardieres. Et par les
domaines dessusd. garendit les vassours qui ensuivent, c'est
à scavoirPerinPicheitevassour dudit ecuyer qui en tient cinq
septiers de terre audit terroir et garendit Jehan Avril de cinq
septiers. Item Guillemin de la Loge vassour desd. hoirs qui
en tient sept septiers de terre assis au terroir du Boys feu
Yvon à vingt-cinq deniers oboUe de cens. Item les hoirs feu
Gast de Charmoy qui en tiennent trois mines de terre au terroir
.de la Touche à six deniers de cens. Item les hoirs de feu
Michault de Chailliou qui en tiennent un septier de terre sur
la vigne de la Noue à six deniers oboUe de cens. Item Noël
Trouillard qui en tient quatre septiers de terre assis à la noue
de la Chardonniere à deux sols six deniers et une oye blanche
de cens. Item les hoirs feu Mairot Pichette qui en tiennent
cinq mines de terre devant la garenne de Courbe ville à quatre
deniers obolle de cens. Item lemaistre deTaumosne à quatre
deniers. Item les hoirs feu Guillaume Avril qui en tiennent
trois septiers de terre au terroir de Gennestay à neuf deniers
de cens. Item les hoirs feu Gillot Herart qui en tiennent desd.
hoirs sept septiers de terre en plusieurs pièces. Et par ce
garendit envers lesd. hoirs du Plessis deux vassours, c'est
à scavoir Jacqueline de la Loge qui en tient un septier de
terre au terroir des Portes et Guillaume Langloys qui en
tient deux septiers assis audit terroir. Item Noël Trouillard
T. XII, M. 19
— 290 —
vassour qui en tient dix septiers de terre au terroir de
Bethaincourt. Item Oudar Prevosteau vassour desd. hoirs
qui en tient à cause de sa femme deux septiers de terre.
Item les hoirs feu Colin Galette qui en tiennent desd. hoirs
du Plessys trois septiers de terre au terroir des Poutres. Item
les hoirs Pierre Roger qui en tiennent deux septiers de terre
au terroir du Parc. Item Simon Boullet à cause de sa femme
qui en tient six muids quatre septiers de terre en plusieurs
lieux et en plusieurs pièces. Item il en tient quatre arpens et
trois quartiers de bois aux Vieux Roseux avec un jardin qui
est clos de roseux. Item un vassour c'est à scavoir Jehan de
Villelequi en tient six septiers déterre au terroir des Roseux.
Item Olivier d'Orouer qui en tient à une foy un hébergement
cy comme il se poursuit, assis à Befoul, avec troys arpens et
demy de bois tenant audit hébergement. Item une place
assise à Cernoy tenant au cimetière de Cernoy. Item la moi-
tié des avenaiges et nombrages des Vaux de Cernoy sauf la
huitième partie que les hoirs feu Jehan Estienne en tiennent,
vallantpar an la part dudit Olivier deux septiers de grain ou
environ une année plus l'autre moins avec la moitié des vins
et des ventes appartenans ausd. héritaiges quand ils sont
vendus avec tel profit côe ils se poursuivent. Item ledit d'O-
rouer en tient trente-quatre septiers de terre assis en plusieurs
pièces et en plusieurs lieux et par les domaines dessusd.
garendit les vassours qui ensuivent, c'est à scavoir les hoirs
feu Jehan Estienne qui en tiennent huitième de disme
et champart des Vaux de Cernay qui en tient vingt septiers de
terre en une pièce. Item Jehan fils feu Thenot Aubert qui en
tient un septier de terre. Item les hoirs feu Robin Hellot qui
en tiennent deux septiers tenans audit Olivier. Item Monsieur
Berthault Courthieau qui en tient le quart des avenaiges et
nombrages des Vaux de Cernay avec les profiits qui en
appartiennent vallans par an un septier de grain ou environ
une année plus l'autre moins. Item NoelBretheau qui en tient
à cause de sa femme la quarte partie des avenaiges et nom-
brages dessusd. o leur appartenances. Item les hoirs feu Louis
de Montaudoyn qui en tiennent un fief bourcier appelé le fief
bourcierdeDoUemontàunefoy, et quatre septiers de terre en
domaine dudit d'Orouer avec tels droits de mairie comme à
maire appartient, avec les dépendances et apartenances
— 291 —
audit fief bourcier, lesquels en tiennent plusieurs héritages
cens rentes et autres choses, c'est à scavoir Jehan deMerobert
Vaine qui en tient onze minots et demy de terre. Item Henry
de Montaudouyn qui en tient trois arpens deux boisseaux de
terre. Item Thenot Bremont qui en tient vingt boisseaux de
terre. Item Guillot Groust qui en tient une mine de terre.
Item Huet de Bernave une mine de terre. Item les hoirs feu
Denise jadis sœur de feu M"^ Langlois qui en tient un septier.
Item les gaigers de l'église de S* Georges qui en tiennent
un minot de terre et lecuré de S* Georges un minot. Item Louis
Macé qui en tient un septier- Item les hoirs dudit Louis de
Montaudouyn comme appartenant dudit fief qui en tiennent
deux boisseaux. Item Gillot de Montaudouyn qui en tient huit
boisseaux. Item Michault le Moyne quatorze septiers. Item
Perrot des Banges qui en tient minot et demy de terre. Item
Guillot le relieur qui en tient quatre boisseaux de terre. Item
Jehan Morise qui en tient un septier de terre. Item Jehan Pioche
qui en tient dix septiers de terre en plusieurs pièces et une
mine. Item Thiennot Perier qui en tient une mine de terre.
Item Thienot Pische qui en tient trois minots de terre et demy.
Item Legier du -Val qui en tient une mine de terre. Item Macé
Gervaise qui en tient onze minots de terre. Item Michault
Hervé qui en tient trois septiers de terre et un minot en plu-
sieurs pièces. Item Jehan le Couturier qui en tient un septier.
Item Perrin Hervé quien tient cinq minots. Item leditMichault
Hervé qui en tient outre ce que dessus est dit cinq minots de
terre. Item Guillot Jacquet qui en tient cinq minots de terre en
plusieurs pièces. Item Lubin Pische qui en tient neuf minots.
Item Thienot son fils une mine. Item Jehan Pische un septier.
Item Tenot Pische trois septiers en plusieurs pièces. Item
Robert Loyson une mine. Item Perot Perier neuf minots. Item
Perrot Piche un septier etdemiminot. Item Jean Jacquet qua-
torze boisseaux avec un hébergement contenant trois minots.
Item Perrot Frain cinq minots. Item Jehan le Moyne septminots
deux boisseaux. Item Michault le Moine une mine. Item Huet
le Faucheur une mine. Item Thienot Hervé le jeune trois minots
et demy boisseau. Item Jehan Divon cinq minots. Item Colin
Rousseau un hébergement. Item Agnes le Bellie un héberge-
ment. Item les hoirs à ladite Agnes un hébergement. Item
Pierre Jourdain un hébergement. Item la Gebarde et ses
— 292 —
enfants un hébergement. Item Robert Cheron un hébergement
arec trois septiers de terre et un septier d'avoine qui luy est dû
chacun an lendemain de Noël sur les hebergem'ens à Jehan
Begain, Pérot Jourdain et Jehanne sa femme avec trois sols
deuxgelynes qui lui sont deus audit jour pour chacun an sur
rhebergement Colin Rousseau. Toutes les choses dessusd.
ou en fief de Daulemont.
Item Perrin Pischelle qui en tient à deux foys : la première
foy en domaine un aulnoy en Tisle de la Chaussée en Courbe-
ville. Item quarante sols de menus cens deus chacun an à la
S* Remy sur plusieurs courtils et houstises et noe avec les
proffits qui y peuvent appartenir avecques la simple justice sur
les censiers. Item un arpent et demy de prés. Item cinq mines
de terre assis au Tronchay . Item à la seconde foy quatre sep-
tiers de terre assis àBetaincourt, et par les domaines dessusd.
garendit deuxvassours c'estàscavoir Jehan Avril qui en tient
le tiers du moulin de Charonniau et une petite noë. Item Colin
Badiere à cause de sa femme qui en tient un arpent et demy
de pré. Item Jehan Avril qui en tient deux planches de
courtilles. Item Jehan Estienne qui en tient trois mines de
terre au chemin Chartrain. Item la moitié d'un pré contenant
un arpent ou environ. Item Supplice Bernier à cause de sa
femme qui en tient l'autre moitié de pré dessusdit comme
ledit s^ Etienne. Item Isabelle la Trouillarde qui en tient cinq
arpens de terre à la Haye Tronchee. Item Macé de la Barre
qui en tient quatorze septiers de terre au terroir de Herville.
Item deuxoustises que petit Mareau tient. Item Jehan Badiere
l'aisné qui en tient en domaine onze septiers et mine de terre
en plusieurs pièces et en plusieurs lieux et par le domaine
dessusdit garendit Jehan Michon vassour dudit Badiere qui
en tient six septiers de terre assis au terroir du Val- Jolis.
Item Lorin Lucas qui en tient deux septiers de terre en
domaine et par ce garendit Jehan du Charmoy qui en tient
quatre septiers de terre assis au droit du Charmoy. Item les
hoirs feu M. Guillaume de Prez qui en tenoit une censive et
une pièce de bois que Jehan dessusdit tiens en ma main par
defFault d'homme et par ce n'en ai point d'homme je ne les
puis plus pleinement déclarer.
Et touttes les choses dessusd. je Jehan dessusdit ad voue
atenir à une foy et un hommage dudit notre sire le Roy à
— 293 —
rachapt et cheval de service par la coutume du pais toute
fois que le cas y echeoit.
Et ne puis déclarer plus pleinement les choses dessusd. et
plusieurs autres vassours qui doivent tenir de moy pour ce
que partie des aveux ja pieça baillés à mes prédécesseurs et
les registres anciens ou ils étoient contenus furent ars au
lieu de la Foret auquel demeuroit feu M' mon père pour
le temps de la chevauchée et course que fist feu Monsieur
Philippe de Navarre et ses complices, et aussy que partie
des vassours sont morts tant par les mortalités comme par le
fait des guerres et les terres sont demeurées en friche et en
gas pour quoy je n'ai seu ni ne puis encore avoir eu con-
noissance ni avoyement. Et toutes fois que je les pourrai
avoir et scavoir je ferai mon pouvoir et mon devoir de les
bailler ainsy comme il appartiendra. Et es choses dessusd.
que j'avoue tenir à mon propre domaine et es domaines de
mes vassours et rierevassours qui n'ont haute justice,
j'avoue a tenir toute justice haute, moyenne et basse, et tous
droits de chastellenie à cause de mondit chastel et chastelle-
nie et aussi tous droits de chastellenie et ressort et souve-
raineté en mes vassours hauts justiciers qui tiennent de moy
leur justice haute moyenne et basse en la manière que
dessus est dit.
. En témoin de ce j'ay scellé le présent adveu de mon propre
seel. Donné l'an de grâce mil trois cens soixante et six le
vendredy suivant la feste Saint Clément (27 novembre).
Roger Durand.
HISTORIQUE
DE LA
SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE D'EURE-ET-LOIR
Fondation.
Le 16 mai 1856, M. de Caumont, directeur de la Société
Française pour la conservation des monuments, donnait une
conférence, en présence d'un public nombreux et choisi,
dans la salle des réunions du Conseil municipal de Chartres.
Le savant archéologue fit ressortir, avec tant d'évidence et
de conviction, l'intérêt que présentent les antiquités locales,
les avantages qu'on trouverait à les mieux étudier, la néces-
sitté de les conserver, que, séance tenante, il constitua une
Commission de 16 membres, avec mission de préparer un
plan de Chartres gallo-romain.
Le 21 mai, la Commission se réunit, et, sur la proposition
de M. Lucien Merlet, se transforme en Société Archéolo-
gique avec ce programme : on s'occupera d'archéologie sans
doute, mais surtout d'histoire locale ; on admettra la littérature
et les beaux arts ; on ne franchira pas la limite de 1789. Le
24, elle décide qu'elle s'étendra non seulement à la ville,
mais à tout le département.
Le 4 juin 1856, réunion d'ouverture avec 53 membres. Le
19, la nouvelle Société se donne un règlement, adopte la
deyise: A ntiqua venerari.progredi ad nieUora, et compose son
sceau des armes des quatre villes chefs-lieux d'arrondisse-
ment d'Eure-et-Loir. Le 5 février 1857, elle est autorisée par
décret, et ses statuts sont approuvés par M. le Ministre de
l'Instruction publique. — Dix ans plus tard on s'aperçut que
— 295 —
certains articles avaient besoin d'être modifiés ; le 20 dé-
cembre 1866, on les remplaça par %in règlement qui fut
abrogé en 1899. Le nouveau règlement, qui vient d'entrer en
vigueur, est conçu dans le même esprit que l'ancien ; il ne
fait que corriger ce qu'il y avait de défectueux dans la
lettre de celui-ci ; plus précis et plus clair, il est le fruit de
43 ans d'expérience. La Société en se le donnant a eu l'espoir
d'éviter les errements du passé et de régulariser son fonction-
nement et son administration.
La Société Archéologique d'Eure-et-Loir a été reconnue
d'utilité publique le 4 juillet 1868. Elle compte aujourd'hui
320 membres ; elle se réunit dix fois l'an. L'état de ses
finances lui a permis d'entreprendre et de mener abonne fin
de nombreuses et importantes publications, et elle se pro-
pose de faire mieux encore à l'avenir, conformément à sa
devise : Progredi ad meliora.
Récompenses.
1861. — Le 25 novembre 1861, on lui décerne le 1«'' prix
du Concours des Sociétés Savantes : Médaille d'or et
200 francs, pour la publication du Dictionnaire topographiqiie
d' Eure-et-Loir, par M. Merlet. Le rapporteur l'annonce en
ces termes : « Chartres l'emporte sur toute la ligne », et,
en remettant la médaille au Président de la Société en
séance publique, le Ministre lui serre la main et lui dit :
« Monsieur le Président, je vous félicite des succès glorieux
de la Société Archéologique d'Eure-et-Loir. »
1866. — Prix de la Section d'histoire du concours de 1865,
décerné à la réunion des Sociétés savantes le 7 avril 1866,
pour le Cartuîaire de Notre-Dame de Chartres ^ar MM, Merlet
et de Lépinois : 1,200 francs et deux médailles de bronze
aux auteurs ; une médaille de bronze et 300 francs à la
Société.
1878. — Prix de 1,000 francs à la réunion des Sociétés
savantes.
1889. — Médaille d'argent pour l'ensemble des publications
envoyées à l'Exposition universelle.
1894. — 3® Médaille d'argent décernée par l'Académie des
— 296 —
Inscriptions et Belles-Lettres pour la puhlicsLiion d' Un manus-
crit chartrain du XP ^ècle, par M. Fabbé Clerval et M. René
Merlet.
1895. — 2® Prix Gobert pour Les Écoles de Chartres au
moyen-âge par M. Tabbé Clerval.
De plus, de nombreuses subventions ont été accordées par
le Ministère de llntérieur, pour aider certaines publications
de la Société jugées très utiles, et aussi pour récompenser
ses autres travaux.
1861. — Subvention de 300 francs.
1864. — 400 francs.
1880. — 400 francs.
1883. — 800 francs (pour la publication du Cartulaire de
Thiron).
1890. — 1^000 francs (pour la publication des Pierres
tombales).
1892. — 500 francs (pour la publication d'Un manuscrit
chartrain du XI^ siècle).
Personnalités marquantes.
La Société archéologique d'Eure-et-Loir doit, en grande
partie, son intelligente organisation, son extension rapide,
les meilleurs de ses premiers travaux et ses nombreux
succès, à des esprits éminents. Citons :
M. de Boisvillette, son président pendant dix ans, qui
connaissait de visu tous nos monuments historiques et pré-
historiques, qui savait mettre sa science d'archéologue à la
portée de tous, dans des comptes rendus qu'on peut regarder
comme des modèles du genre, l'auteur enfin de cette savante
Statistique Archéologique d'Eure-et-Loir, qui n'a peut-être
pas son égale en France.
Le docteur Paul Durand, l'orientaliste hors de pair, le
voyageur infatigable, dont la science archéologique n'était
surpassée que par son extrême modestie.
M. Lejeune, le précurseur de nos archéologues modernes.
M. Doublet de Boisthibaut, dont l'esprit investigateur a
scruté, souvent avec plus de bonne volonté que de succès,
tous les recoins obscurs de notre histoire chartraine.
— 297 —
M. l'abbé Calluet, chez lequel le culte de la poésie n'avait
pas étouffé Tamour de l'histoire locale.
Deux universitaires de marque : M. Denain, inspecteur
d'Académie, le littérateur au style impeccable, et M. Person,
directeur de l'Ecole normale, qui joignait à la science péda-
gogique la pratique assidue de la météorologie.
M. l'abbé Brière, curé de Notre-Dame de Chartres, un
écrivain du grand siècle égaré dans un temps peu littéraire.
M. Lecocq, l'incarnation de l'archéologie locale, un savant
quelque peu fruste, dont la science était indéfectible, et qui
possédait son vieux Chartres mieux qu'un bon soldat sa
théorie.
MM. les abbés Bulteau et Brou, auteurs de la Monographie
de la Cathédrale de Chartres.
M. Alexandre de Saint-Laumer, numismate et historien,
qui apportait plus de soin à cacher sa science que d'autres
n'en apportent à montrer la leur.
Enfin, M. Lucien Merlet, ators archiviste et chartrain de
fraîche date, mais qui déjà promettait le docte et fécond
historien que nous avons connu depuis, et qui a été la tête
et la main de la Société, jusqu'au jour récent encore où une
mort presque inopinée a privé celle-ci des lumières et d'une
expérience auxquelles elle n'avait jamais en vain fait appel.
Ces maîtres ont eu des disciples qui se sont fait gloire de
marcher sur leurs traces et de conserver leurs traditions. La
discrétion ne permet pas de nommer ceux qui sont encore
vivants ; mais, parmi ceux qui ne sont plus, on peut signaler
M. l'abbé Hénault, qui, par ses connaissances techniques et
son goût artistique, a rendu plus d'un service à la cause de
l'archéologie.
Moyens d'action.
1. — Dès son début (1856) elle rédige un questionnaire sur
toutes les particularités archéologiques qui peuvent se ren-
contrer dans une commune, et elle l'envoie à tous les maires
et instituteurs du département, comme à tous les curés du
diocèse.
2. — Elle établit un concours sur des questions d'archéo-*
. logie et de littérature,
— 298 —
3. — Elle dresse le plan de Chartres avant la Révolution,
puis celui de Dreux.
4. — Elle organise chaque année une séance publique, à
laquelle elle donne plus d'attrait, en l'accompagnant d'une
conférence faite par une des illustrations de la science ou de
la littérature. C'est ainsi qu'elle a procuré à la ville de
Chartres l'honneur et le plaisir d'entendre MM. Le Yerrier,
Dumas, Charles Blanc, Wurtz, Félix Hément, de Montaiglon,
Fr. Lenormant, Léon Gautier, de Lasteyrie, Emile Chasles,
La Fenestre, Gaston Tissandier, dont les noms font autorité
dans le monde savant ; puis des littérateurs comme MM. Phi-
larète Chasles, Emile Deschanel, Talbot, Legouvé, SuUy-
Prudhomme, Antonin Rondelet, le Chinois Ly-Chao-Pee, et
les archéologues de Caumont et Raymond Bordeaux. Une de
ces séances réunit à Chartres 14 membres de l'Institut et
presque toutes les illustrations scientifiques et artistiques de
Paris. Ce fut un beau jour pour notre vieille cité.
5. — Elle a tenu pendant plusieurs années des cours
publics de science et d'histoire.
6. — Elle a transporté plusieurs fois le lieu de ses séances
hors de Chartres ; c'est ainsi qu'elle a tenu des séances
publiques à Dreux, à Châteaudun, à Nogent-le-Rotrou, à
Bonneval, à Anet, à lUiers, à Maintenon, à Nogent-le-Roi, à
Gallardon, à Anneau.
Elle a visité en corps des localités qui offraient un intérêt
particulier au point de vue de l'archéologie, comme Villebon,
Le Breuil-Benoît, Saint-Sulpice-de-Favières.
7. — Elle a fait explorer des souterrains, exécuter de
nombreuses fouilles et en a encouragé d'autres par des sub-
ventions.
8. — Elle a établi un concours d'histoire et de géographie
entre les instituteurs.
9. — Elle a pris sous son patronage des travaux historiques
dont elle avait reconnu le mérite (Dictionnaire topographique
* d'Eure-et-Loir, Invasion prussienne : Rapport des Maires,
etc.) ; elle a favorisé la publication de plusieurs autres par ,
— 299 —
ses souscriptions (Lettres de saint Yves, r Ancienne Maîtrise
de Notre-Dame de Chartres).
10. — Elle a édité elle-même des ouvrages de valeur
(Statistique archéologique d'Eure-et-Loir, Statistique scien-
tifique d'Eure-et-Loir, Cartulaire de Notre-Dame de Chartres,
Histoire du diocèse et de la ville de Chartres, par J.-B. Sou-
chet, Un manuscrit char train du A7® siècle, etc.).
11. — Elle a publié 9 volumes de Procès- Verbaux et
// volumes de Mémoires, et ces deux publications continuent
régulièrement.
12. — Elle a établi un Musée archéologique qui lui a permis
de sauver de la destruction de nombreux débris des temps
passés, et un Musée d'histoire naturelle vient de s'y ajouter
par suite d'un don qui lui a été fait.
13. — Elle a pris part aux réunions des Sociétés savantes
en y déléguant chaque année quelques-uns de ses membres
dont plusieurs ont présenté des Mémoires et des réponses
aux questions du programme.
14. — Elle a mis à la disposition du public de Chartres un
monumental baromètre.
15. — Elle a fait relever et graver de nombreuses pierres
tombales, qu'elle réunit dans un album avec texte ; un
premier volume a paru et le second est en cours de publi-
cation.
16. — Elle a favorisé par des subventions la vocation d'un
artiste peintre ; elle favorise la poésie en ouvrant ses Bulle-
tins aux vers composés par quelques-uns de ses membres,
quand ils lui paraissent mériter cet honneur. Elle a admis
ainsi de belles poésies de MM. Joliet, Le Goux, Bourdel,
de Chabot, Tasset, Touche, de M™* Rabot des. Portes.
17. -— Elle est intervenue pour empêcher la destruction de
plusieurs curiosités archéologiques, v. g. la Porte de l'Officia-
lité à Chartres, le portail du château de Sorel, l'église du
Champdé à Châteaudun ; elle a lutté depuis qu'elle existe
pour la conservation de la Porte-Guillaume à Chartres et,
— 300 —
grâce à la bonne volonté du Conseil municipal, elle vient de
rendre cette conservation définitive, en prenant cette Porte
à loyer et en y établissant sa résidence.
18. — Elle a organisé trois expositions rétrospectives des
beaux arts, et deux expositions de peinture, Tune consacrée
aux œuvres de tous les peintres chartrains, l'autre réservée
à l'œuvre de Mathieu Cochereau, peintre Dunois.
Assurément il serait possible d'allonger encore cette liste,
en y donnant place à des moyens d'action d'ordre secon-
daire ; mais, telle qu'elle est, elle prouve jusqu'à l'évidence
que la Société qui a tant de travaux à son actif n'a pas été
stérile.
Influence.
Si elle avait été proportionnée au nombre et à l'importance
des moyens d'action, l'influence exercée autour d'elle par la
Société Archéologique d'Eure-et-Loir aurait dû être considé-
rable. Le respect de la vérité ne nous permet pas de nier la
disproportion entre l'effort et le résultat. Elle a beaucoup
semé, et, sous le rapport de l'influence, elle a assez peu
récolté.
Dans son rapport annuel sur l'état de la Société, un de ses
présidents reconnaissait discrètement cet état de choses, et
il croyait en dévoiler la cause en disant : « Nous sommes
ignorés. » 11 y a plusieurs années déjà que ces paroles ont
été prononcées, et la situation est restée la même, parce que
la cause invoquée n'a pas disparu. Ce n'est pas ici le lieu de
rechercher pourquoi cette Société est ignorée; pourquoi elle
est victime d'une sorte de conspiration du silence ; mais il
était nécessaire de constater le fait pour expliquer comment
son action n'a pas répondu à ce qu'on était en droit d'at-
tendre.
Qu'on ne croie pas toutefois que cette action ait été nulle ,
que la Société archéologique d'Eure-et-Loir ait été frappée
d'impuissance, qu'elle ait toujours passé inaperçue de tous
ceux qui n'en font pas partie, qu'elle réalise à la lettre la
malicieuse boutade de Voltaire contre une académie de pro-
— 301 —
vince de son temps : « C'est une honnête fille, qui n'a jamais
fait parler d'elle. » Si l'influence exercée par cette Société
n'a pas été aussi complète, aussi décisive qu'elle aurait pu
l'être, elle a cependant été bien réelle, et il y aurait injustice
flagrante à vouloir la contester.
Grâce aux cours publics et aux différents concours qu'elle
a établis, elle a répandu, dans le clergé et le corps enseignant,
le goût des recherches historiques, l'étude du passé de notre
sol beauceron. Elle a mis des matériaux aux mains des tra-
vailleurs, en favorisant la publication des sources de l'his-
toire, et il y a peu de provinces qui possèdent aujourd'hui
autant de documents imprimés et d'instruments de travail
qu'en possède notre Beauce chartraine.
Elle a mis en honneur l'archéologie, qui auparavant avait
bien peu d'adeptes parmi nous. En visitant avec apparat les
localités les plus intéressantes du département, elle a appris
aux populations qui les habitent la valeur des vieux débris
du passé dont elles sont les gardiennes. Elle a provoqué la
création de la Société Dunoise, qui a tant fait déjà pour
mettre en relief le passé de la contrée à laquelle elle
consacre ses soins. Elle a appris aux administrations locales
à apprécier et à respecter les monuments et autres souve-
nirs confiés à leur sollicitude ; par ses lumières, et au besoin
par son concours financier, elle a aidé à la conservation de
plusieurs de ces monuments.
Par des expositions successives, intelligemment organisées,
elle a entretenu parmi nos concitoyens le goût des choses de
l'art, et ceux qui connaissent le peu de ressources intellec-
tuelles qu'offre notre modeste cité chartraine se demandent
à quelle distance elle aurait suivi les progrès accomplis
chaque jour dans les arts comme dans la littérature, si elle
n'avait pas eu le concours si précieux de la Société archéo-
logique.
Ce n'est là qu'un aperçu de l'action exercée par cette
Société, un exposé sommaire du bien qu'elle a fait et qu'elle
continue de faire. Elle compte 43 ans d'existence ; c'est l'âge
de la maturité chez l'homme, on ne prétendra pas que ce
doive être l'âge de la décrépitude pour une association. La
nôtre sait que son passé l'oblige, et elle ne faillira pas à cette
obligation. Elle vient de renouveler son pilote par l'élection
— 302 —
d'un président, et son armature par l'adoption d'un nouveau
règlement; elle espère ainsi pouvoir se lancer à pleines
voiles dans le siècle dont nous allons prochainement saluer
l'aurore.
L'abbé SAINSOT,
Curé-doyen de Terminiers,
Y ice-P résident de la Société Archéologique d Eure-et-Loir,
LE SÉMINAIRE
DU GRAND-BEAULIEU-LÈS-GHARTRES
(Suite)
VI
LE GRAND-BEAULIEU
SOUS l'épiscopat de m«^ godet des marais
Le grand séminaire de Beaulieu se trouvait en vacances,
lorsque le successeur de Mgr de Neuville fit son entrée solen-
nelle à Chartres, {l^ septembre 1692). Le nouveau Pontife
appartenait par sa naissance au diocèse qu'il venait régir ^ .
Contemporain de l'établissement des premiers séminaires en
France, M«^ Godet des Marais, jeune encore, avait profité du
bienfait de cette institution. Saint-Sulpice avait achevé sa
formation cléricale, taiïdis qu'en Sorbonne, âgé seulement
de vingt ans, il recevait le bonnet de docteur. L'éclat de sa
naissance, sa fortune, les honneurs qu'on lui prodiguait
n'avaient point réussi à l'éblouir. Il consacrait ses revenus
aux pauvres et aux prisonniers, et préférait à la société des
grands, la solitude de Saint-Cyr où Madame de Maintenon
l'avait fait venir comme confesseur et directeur spirituel.
Ses vertus l'avaient même rendu si recommandable parmi
le clergé, que l'archevêque de Paris l'avait choisi pour
* Talcy, près Blois, lieu d'origine de M«^ Godet des Marais, faisait partie du
diocèse de Chartres, dont il fut distrait en 1697, lors de la formation du dio-
cèse de Blois.
1
3f-
gouverner le Séminaire des Trente-Trois, établi dans la
capitale.
De tels antécédents devaient lui rendre chère, dès la pre-
mière heure, l'œuvre du Grand-Beaulieu, comme ils devaient
rendre cher au Séminaire un prélat si accompli. Le recru-
tement du clergé et la formation des ordinands furent en
effet Tune des premières sollicitudes de Ms^ des Marais. L'on
se souvient qu'à l'époque de l'établissement du Grand Sémi-
naire, M8»' de Neuville, tout en exhortant les ordinands à
profiter des avantages que leur offrait le nouvel institut,
n'avait pourtant point fait de la résidence à Beaulieu une
condition nécessaire de la réception des Ordres. Subir un
examen et faire la retraite préparatoire en commun, voilà
tout ce que la sagesse du prélat pensait pouvoir exiger.
Certes ce minimum répondait peu aux désirs du fondateur
de Beaulieu. Que voulait-il en effet en établissant, au prix de
tant d'efforts, son Séminaire, sinon d'y faire résider tous les
ordinands ?
M«r Godet des Marais n'était pas homme à temporiser
comme son prédécesseur. Exercé à une piété austère, et plus
âpre à la leçon que condescendant pour la faiblesse, il allait
droit au but que lui désignait sa conscience d'évêque. Quand
donc il eut assisté pendant une année scolaire au fonc-
tionnement du Grand-Beaulieu, et qu'il eût compté, en regard
des cinquante ou soixante séminaristes résidants, le grand
nombre des ordinands, qui prétendaient arriver au sacerdoce
sans passer par le Séminaire, il résolut d'agir ^
Une lettre épiscopale en date du d^"^ octobre 1693 fut en
effet adressée à tous les curés du diocèse : « Comme il n'y a
rien de plus important pour le bien de l'Église, disait le
prélat, que de lui choisir de fidèles ministres, j'ai dessein de
n'admettre personne à la tonsure, ni aux SS. Ordres, sans
m'être auparavant assuré, par une longue épreuve, de la
conduite de ceux qui se présentent pour les recevoir. C'est
* Le zèle de M?»* Godet des Marais parut toujours un peu âpre à ceux qui
en furent l'objet, et aliéna au prélat un grand nombre d'esprits. On retrouve
l'écho de cette disposition dans quelques phrases coname celle-ci, extraite du
journal de Michel Auvray : '< Regretté de peu de personnes, n'ayant pas su se
faire aimer du peuple et de la ville, pendant son épiscopat. » Journal de Michel
Auvray. Mss. appartenant à M. Merlet.
— 305 —
ce qui m'oblige d'exiger de tous ceux qui aspirent à Tétat ec-
clésiastique, que dans deux mois, ils s'adressent à M. Félibien,
chanoine de ma cathédrale, s'ils étudient à Chartres; au
principal ou recteur du collège de Nogent-le-Rotrou, de
Dreux ou de Thyron, s'ils y demeurent; au président de la
conférence ecclésiastique, s'ils sont dans quelque autre
endroit de mon diocèse, et à M. Boucher en Sorbonne, s'ils
sont à Paris. Ces Messieurs leur diront le règlement que je
désire qu'ils observent exactement, tandis qu'ils ne sont point
dans mon Séminaire, et leur prescriront ce qu'ils jugeront à
propos, pour le rendre plus utile et plus commode, par rapport
aux lieux où ils se trouveront. Et pour ce qui est de ceux qui
pourraient être dans quelque autre diocèse, hors de Paris,
ou dans quelque autre endroit de mon diocèse où il n'y aurait
pas de conférence établie, sur l'avis qu'ils me donneront du
lieu de leur demeure, je les adresserai à quelque personne
de confiance qui me rendra compte de leur conduite. Vous
donnerez, Monsieur, incessamment ces avis à tous les Clercs
de votre paroisse, et à ceux qui voudront ensuite se présenter
àlacléricature, àlaquelle je ne les recevrai point, s'ils n'ont
été du moins éprouvés durant six mois, par quelqu'une des
personnes que je viens de proposer. J'attends de votre piété
et de votre zèle que vous veillerez à l'exécution d'un dessein
que j'espère que Dieu bénira et rendra utile pour le bien de
son Église » * .
Ainsi, pour tous les ordinands qui se refusaient à entrer
au grand Séminaire, six mois de contrôle étaient imposés
sur l'observatioQ d'un règlement déterminé par l'Évêque lui-
même. En outre, M^ des Marais faisait rédiger par le savant
théologal du chapitre, Jean Baptiste Mareschaulx, un caté-
chisme par demandes et réponses sur la tonsure, catéchisme
qu'il fit imprimer et ajouter à celui qu'il .publia pour l'ins-
truction des enfants et imposa à tout le diocèse en 1699.
Tout aspirant à la cléricature devait l'apprendre et le
posséder pour y être admis.
Dans la pensée du pontife , ces réglementations n'étaient
qu'un acheminement à ce qu'il avait en vue, la résidence
obligatoire des futurs prêtres de Chartres au grand Sémi-
1 Mss. de Brillon. BibL munie, Mss. n» 1016.
T. XII, M, 20
— 306 —
naire de Beaulièu. En effet, une ordonnance épiscopale vint
bientôt faire avancer d'un pas la question. Elle prescrivait à
tous les prêtres nouvellement pourvus d'une cure , dans le
diocèse, de Venir faire huit jours de retraite, et trois mois de
Séminaire à Beaulièu, avant d'entrer en fonctions. C'était un
commencement timide. Oserons-nous dire qu'il y avait quel-
que chose de mieux à faire que d'obliger les prêtres à venir
faire un trimestre de Séminaire, quand on laissait aux jeunes
ordinands la faculté de recevoir les SS. Ordres, sans y rési-
der plus de huit jours? Y avait-il vraie chance de recueillir
de ces trois mois un changement notable, une préparation
sérieuse pour des hommes déjà avancés dans la vie, ayant
des habitudes faites et généralement peu disposés à se
remettre à un régime de noviciat? L'entreprise devait
échouer et Mff^ des Marais contribua lui-même à son naufrage ;
car comme' il Tavouait douze ans plus tard, « les besoins de
la campagne et la difficulté de trouver des desservants, ne
lui avaient pas permis de presser l'observance de son décret ».
De ce côté rien n'était donc fait.
Le prélat comprit alors que le recrutement normal du
Séminaire était attaché à une autre œuvre, celle que le
concile de Trente avait- tant recommandée aux Évêques,
l'œuvre des petits Séminaires. Réalisant les désirs et déve-
loppant les essais de ses prédécesseurs, il eut la joie de voir
s'élever tout près de sa maison épiscopale, l'école cléricale
connue plus tard sous le nom de Petit-Séminaire de Saint-
Charles (1699). Bien plus, Nogent-le-Rotrou, Saint-Cyr,
Fresnes voyaient, presqu'en même temps , g'élever d'autres
petits Séminaires, semblables à celui de Chartres, d'où les
jeunes enfants, élevés dans la discipline et le travail, devaient
tout naturellement et sans contrainte passer au grand Sémi-
naire de Beaulièu.
L'œuvre des retraites marchait de pair avec celle des
vocations et tendait à faire du Grand-Séminaire le véritable
centre du clergé chartrain. L'on se souvient que, dans la
charte de fondation de Beaulièu, M«r de Neuville avait stipulé
que tous les prêtres, curés et bénéficiers du diocèse, qui en
auraient le désir, pourraient être reçus au Séminaire pour
s'y renouveler et perfectionner dans la connaissance pratique
de leurs devoirs d'état. Cette vague invitation n'avait pas
— 307 —
eu de résultat. Sur les instances du nouvel évêque, plusieurs
cédèrent, mais visiblement contraints. Il fallait encore sur ce
point en venir à une mesure décisive. M«r Godet des Marais
n'hésita point. En 1699, quelque temps avant l'ordination, il
prévint les ordinands qu'il ne leur conférerait et qu'ilne
conférerait désormais à personne l'ordre de la prêtrise
« sans avoir reçu de chacun la promesse de venir faire
chaque année, à Beaulieu, les exercices de la retraite, à
moins d'en être légitimement empêché par maladie ou autre-
ment » ^
Il est toujours difficile de changer les habitudes invétérées.
Ce procédé si radical, et « extra juridique » au jugement de
plusieurs, n'aboutit à aucun résultat, tellement que cinq ans
après, le Pontife devait confesser publiquement à son clergé
l'insuccès complet de ses efforts. Loyal dans son zèle et
condescendant, pour cette fois, sur les faiblesses du passé,
il voulut un jour discuter avec ses prêtres les motifs de leur
abstention et les semblants d'excuses de leur négligence.
Les uns, disait-il, se sont abstenus « par dégoût de retraites
qui n'étaient point données en commun », système qui
paraissait en effet peu accommodé aux exigences spirituelles
du plus grand nombre ; les autres né sont point venus « par
crainte d'être regardés comme mis en pénitence », crainte
qui n'était pas absolument chimérique, puisque MK^de Neuville
avait fait du Grand-Beaulieu une sorte de pénitencier pour les
prêtres délinquants. D'autres enfin s'étaient abstenus parce
que, faute de local pour tous les retraitants, il leur était
arrivé d'être congédiés et remis à un autre temps.
Ce défaut d'organisation constituait une véritable excuse.
Mg^ Godet des Marais le comprit et, dans sa nouvelle ordon-
nance , en donnant l'absolution pour le passé , il statua que
désormais « tous les ecclésiastiques constitués dans les ordres
sacrés viendront chaque année au Séminaire de Beaulieu faire
une retraite qui durera huit jours, sans compter les jours de
l'entrée et de la sortie ». Pour obvier à toute difficulté, il
annonça que les prêtres de la Congrégation de la Mission,
directeurs du Séminaire, donneraient eux-mêmes les exer-
cices de la retraite, ce qui était un secours d'autant plus
* Brilion. BibL munie. Mss. N» 1016.
n
— 308 —
précieux que, par un Bref du Souverain Pontife, de précieuses
indulgences venaient d'être accordées à tous ceux qui feraîejit
les exercices spirituels sous la conduite de ces religieux.
Tous les eiercices devaient se faire en commun. Enfin, pour
éviter les encombrements, un avis du vicaire général convo^
querait douze ou quinze retraitants à la fois, ou même un
plus grand nombre suivant le local disponible (1704) *.
En même temps et de concert avec les directeurs de
Beaulieu, Tévêque de Chartres établissait le règlement à
suivre pendant ces retraites communes : Trois demi-heures
d'oraison chaque jour (à cinq heures et demie, neuf heures
trois quarts et quatre heures) , deux conférences spirituelles
(à six heures du matin, et quatre heures et demie du soir),
deux examens de conscience (à onze heures et à huit heures
un quart), l'office en commun, la grand'messe quotidienne,
selon l'usage, le silence absolu sans aucune récréation ; enfin
deux conférences de morale chaque jour (de huit heures à
neuf heures et demie et de deux heures à trois heures et
demie) -.
Ce fut la gloire de M^^ Godet des Marais d'avoir toujours
le premier mis en pratique les rigoureuses observances qu'il
imposait à son clergé diocésain. Chaque année, lors de l'une
des retraites communes , il montait au Grand-Beaulieu, y
suivait, comme simple retraitant, tous les exercices, et retrem-
pait son âiiie dans la méditation de ces vertus de pauvreté ^,
< Ibid.
^ Rituale Camot, de 1742. p. 246. — Recueil de pièces concernant Tépis-
copat de Us'^ Godet des Marais. Bibl. du Grand-Séminaire de Chartres. 14 B ;
p. 914. Le Chapitre de Notre-Dame avait décidé que ceux de ses membres qui
s'absenteraient pour faire leur retraite ou donner des entretiens aux ordinands
seraient, sur leur demande, tenus présents. On trouve dans les registres capitu-
laires de fréquentes mentions à ce sujet. Par exemple, en 1700, M. le Chanmrier
et M. de Cambon sont tenus pour présents pendant qu'ils sont à Beaulieu, le
second pour donner les entretiens, le premier pour faire sa retraite. Le chanoine
BriUon a, dans ses extraits, toute une hste de ces absences pour retraites.
Bibl. Comm. Registres CapUidaires, an 1700, p. 286 et seq. — Brillon, Mss.
no 4016 p. 29, 2*» col.
^ A Paris, sa chambre n'avait pour tout mobilier qu'une table, une chaise,
et une carte de Palestine. Quand il devint évêque, il n'eut d'auti-e argenterie
qu'une cuillère et une fourchette. Encore les garda t-il peu de temps, car en
1693, les besoins des pauvres étant devenus très grands, il vendit ces deux
objets pour les secourir. Doyen, Hist. de Chartres, t. I, p. 404.
— 309 —
d'assiduité au travail, de fermeté à défendre la doctrine *
dont il donna toute sa vie un si grand exemple.
Ce n'était pas tout ce que Ms^ Godet des Marais rêvait pour
Beaulieu. Il voulait en faire le foyer d'une autre œuvre toute
aussi chère à son cœur d'Évêque, la grande œuvre des
missions diocésaines. Nous avons vu comment, sous Tépiscopat
de Mgr d'Estampes, le vénérable M. Bourdoise, M. Olier et
leurs compagnons avaient parcouru le diocèse de Chartres,
prêchant la parole de Dieu et faisant les plus grands fruits
de conversion. Saint Vincent de Paul, en établissant sa
congrégation, s'était proposé l'évangélisation des campagnes;
déjà ses prêtres répandus par toute la France avaient obtenu,
par les armes de la douceur chrétienne, ce que Louis XIV
avait vainement exigé en plusieurs provinces par les armes
de ses dragons. Le diocèse de Chartres n'était pas demeuré
étranger à ce mouvement.
De généreuses donations semblaient provoquer l'éta-
blissement d'une œuvre. Déjà, nous l'avons dit plus haut, une
personne anonyme de Senonches avait donné au Séminaire
un capital de 4000 livres, produisant 100 livres de rentes,
pour être employées à la pension d'un Séminariste de cette
paroisse, et, tout sujet faisant défaut, à donner à Senonches
une mission de 7 ans en 7 ans (1681). Quatre ans plus tard,
c'était le vénérable curé de Frétigny, M. Michel Gouin, qui,
de ses propres deniers, fondait par testament une mission
décennale, pour sa paroisse. Une rente annuelle de 20 livres
recèvable par le grand archidiacre et les curés ses successeurs
devait en couvrir les frais (9 mars 1685) ^.
Il s'agissait maintenant, dans l'esprit de l'Évèque de
Chartres, d'organiser cette œuvre, de lui donner un fonc-
tionnement régulier, de lui assurer enfin pour l'avenir des
ressources suffisantes pour la mettre à l'abri des éventua-
lités.
Tout naturellement les Lazaristes se présentaient comme
^ Mi^c Godet des Marais défendit tour à tour la doctrine catholique contre les
nouveautés des Jansénistes et les pieux excès des Quiétistes. Fénelon, le
meilleur de ses amis, ne fut pas épargné, dans les coups vigoureux que Tévêque
de Chartres porta aux partisans du Quiétisme.
^ Arch. départ. Invent, du Grand-Beaulieu. Missions. Cf. Bibl. comni. Mss.
2« part, n» 1484.
— 310 —
les agents de cette entreprise, et dès lors le Grand-Beaulieu
était indiqué comme leur résidence à Chartres. Pendant cinq
ans M«^ Godet des Marais mûrit son dessein et en prépara
Texécution. Enfin, ayant pris toutes les dispositions conVe-
nables avec les supérieurs de Saint-Lazare, il publia en 1704
(21 mai) une ordonnance qui devait pendant près d'un siècle
assurer au diocèse Tinsigne bienfait des missions périodiques.
Pour cela le prélat faisait un pressant appel à la générosité
des fidèles ; il demandait aux pasteurs de diriger de ce côté
les fondations, et il désignait les Lazaristes de Beaulieu pour
centraliser les capitaux, les administrer et pourvoir à Texé-
cution des charges annexées , en procurant les missions en
temps voulu. Enfin il leur adjoignait, pour commencer Tœu vre,
un prêtre et un frère de la même congrégation, tous deux
spécialement consacrés aux missions ^
Ce fut le curé d'Argenvilliers, M. Michel Mauclerc, qui
répondit le premier à l'appel épiscopal. Le 9 octobre 1705, il
fondait pour sa paroisse une mission « à trois missionnaires »
et d'un mois entier de durée. Elle devait être donnée, dans
ces conditions, tous les douze ans, et pour cela le Séminaire
de Chartres recevait une rente foncière de 22 livres, et
160 livres en argent -. M. Michel de la Porte, curé de Boissy-
en-Drouais, suivit bientôt cet exemple en donnant 600 livres
au Séminaire, à charge de faire donner, tous les dix ans , une
mission dans sa paroisse (27 juin 1711) ^,
Le clergé chartrain se signalait vraiment pour cette entre-
prise, et nous lui devons cette louange qu'il fit presque seul
toutes les fondations de nos missions diocésaines. C'était par
exemple M. Marquentin, curé de Saint-Eliph, qui par acte
passé devant M® Collet, notaire à Pontgouin, donnait au
Séminaire un capital de 300 livres pour procurer tous les
dix ans une mission à sa paroisse. (18 décembre 1726).
Malheureusement le bon curé comptait sans la dépréciation
de l'argent et renchérissement des denrées. Le Séminaire
^ Arch. départ. Inventaire de Beaulieu, T. 1, p. 315.
' Ibid, Cette mission fut supprimée en 1764 (l®"* sept.) et Ift fabrique
d'Argenvilliers reçut du Séminaire le remboursement du capital.
3 Cette mission, pour laquelle on avait déboursé 107 livres 14 s. en 4740,
coûta 243 livres en 1760 et 300 livres en 4774. Ibid,
— 311 —
fut bientôt en retour et TÈvêque de Chartres dut réduire la
fondation ^ C'était encore le curé de Montainville, M. Abel
Gillet, qui fondait en 1735 pour sa paroisse une mission éga-
lement décennale et chargeait le Grand Séminaire de
l'acquitter moyennant un capital de 500 livres. Le Sémi-
naire eut d'abord plus que le nécessaire pour se couvrir de
la dépense, lorsqu'on donna, pour la première fois, la mission
en 1735. Mais cinquante ans plus tard, il fallait 400 livres
pour cette œuvre qui en coûtait alors 252 : il fallut encore
procéder à des réductions de charges.
Un respectable doyen du diocèse se montrait plus généreux
encore. C'était M. Nicolas Talfier, curé de Notre-Dame de
Nogent-le-Rotrou. En 1741 (24 avril) il avait donné lÔOO livres
de capital au Grand-Beaulieu pour une mission de dix en
dix ans, dans sa paroisse. Mais encore ici les désirs du bon
prêtre devaient être frustrés. Après avoir été seulement
donnée une fois, en 1751, dix ans après la mort du fondateur,
elle fut éteinte par acte authentique passé devant M® Chevard,
notaire à Chartres, le 19 octobre 1780. De graves raisons
avaient imposé au Séminaire cette nécessité. Ce ne fut pas
toutefois sans des protestations énergiques, des paroissiens
de Notre-Dame, qui savaient apprécier le bienfait de la
mission ^.
Le prêtre qui l'emporta sur tous, dans cette série de libé-
ralités sacerdotales, était un des directeurs même du Sémi-
naire de Beaulieu, le procureur ou économe de la maison,
M. Nicolas Darret. Son long ministère à Chartres l'avait
initié à toutes les œuvres diocésaines, et il avait conçu pour
celle-ci une particulière affection. Par son testament olo-
graphe du 28 octobre 1729, il avait légué au Séminaire une
somme de 8638 livres, 13 sols, 11 deniers, pour procurer des
missions diocésaines, laissant k l'évêque de Chartres d'en
déterminer plus spécialement l'emploi. C'était avec ces rentes
et quelques autres dons, venus dans la suite, que chaque
année on pouvait procurer à plusieurs paroisses de campagne
^ Décret de M»»" de Fleury (28 décembre 1770) établissant que le Séminaire
ne devra la mission que lorsque les rentes auront atteint le chiure de la dépense.
^ Arch. départ. Fonds du Grand-Beaulieu, n© 59, qui contient le texte de
cette protestation. Cf. Bibl. communale, Mss. 1184.
— 312 —
le bienfait d'une sérieuse évangélisation *. Pendant tout le
dix-huitième siècle, le diocèse fut sillonné par ces pieuses
caravanes de missionnaires, et partout de nombreuses
conversions signalaient leur passage. La mission durait tantôt
trois semaines comme à Saint-Aubin-des-Bois en 1763 et 1776,
tantôt quatre, comme à Nogent-le-Phaye, à Bailleau-rÉvêque
et à Ymonville en 1776, tantôt cinq comme à Voves en
1774.
L'on peut imaginer quel intérêt le Séminaire tout entier
prenait à cet apostolat ; comme on aimait à interroger les
Pères à leur retour au Grand-Beaulieu et comme on les
écoutait avec avidité quand ils racontaient leurs travaux,
les incidents de la mission et les succès de leur ministère.
Quelques laïques apportaient aussi leur concours. C'étaient
les bonnes demoiselles Recoquillé, qui, ayant déjà fait une
fondation en faveur des Séminaristes pauvres, ajoutaient
60 livres de rente pour des missions de huit en huit ans à
Coltainville, à Morancez ou à Ver. C'était une personne
désirant rester inconnue qui, en 1777, donnait au Séminaire
un capital de 1200 livres pour des missions à faire dans les
paroisses du Perche.
Au milieu de ces œuvres, les années scolaires se succé-
daient paisiblement sur la colline de Beaulieu agrémentées
de ces mille incidents qui font événement dans révolution
monotone d'une vie de Séminaire. Un jour c'était un com-
mencement d'incendie qui se déclarait dans la ville : et
comme on était bien placé aux fenêtres de Beaulieu pour
juger du sinistre et en suivre les phases î C'était un accident
arrivé au grand clocher de Notre-Dame : la croix de fer
abattue par un coup de vent -. Avec de bons yeux on
pouvait suivre dû Séminaire les travaux d'échafaudage et
de réparations- C'était quelque trouvaille faite dans les dé-
blaiements nécessités par les nouvelles constructions, un
denier chartrain , par exemple, qu'on recueillit en 1693 dans
* C'est avec ces capitaux que le Séminaire de Beaulieu put, à cette époque,
prêter au Petit-Séminaire Saint-Charles une somme de 20,080 Éttcs, moyennant
^3 livres 4 s. de rentes. Jusqu'à la ruine du Séminaire, ce revenu fut affecté
à Fœuvre des missions. Arch. départ. Inventaire de Beaulieu, t. I. Missions.
2 Doyen, Hist, de Chartres, t. II, p. 213.
"I
— 313 —
les anciennes fondations ^ A l'inspection de l'effigie on
établissait son antiquité. Il remontait au xii* siècle, peut-être
au xr, à l'origine même de la Léproserie.
Des événements plus sérieux se produisaient à Beaulieu.
A M. de Chevremont, premier supérieur lazariste, avait succé-
dé, en 1687, M. Denis Regnard, qui lui-même, tout en de-
meurant au Séminaire, avait été remplacé dans sa chage par
M. Charles Dorment (1690) 2. Celui-ci n'était resté que cinq
ans dans ses fonctions, et M. Nicolas Pierron, qui lui avait
succédé en 1695, avait dû lui-même quitter bientôt le Grand-
Beaulieu pour remplir l'importante charge de supérieur
général de la Congrégation (1697). Le supériorat suivant, au
Séminaire de Chartres, devait illustrer Beaulieu en le ren-
dant le théâtre de l'un des premiers et plus éclatants
miracles de saint Vincent de Paul.
M. Jean Bonnet, du diocèse de Sens, avait pris la direction
du Séminaire, au départ de Nicolas Pierron. Il \y apportait,
avec toutes ses éminentes qualités, une infirmité corporelle,
qui, depuis dix ans, déconcertait la science des médecins les
plus renommés ^. Il venait d'arriver à Beaulieu, lorsqu'il y
reçut la première circulaire de M. Pierron, supérieur général
enjoignant à tous les supérieurs locaux de rechercher et de
lui signaler les faits ou écrits susceptibles de servir à la
béatification de saint Vincent de Paul. Le vertueux malade,
par amour pour la souffrance, n'avait jamais voulu jusque-là
demander un miracle à son saint fondateur. Mais à cette
heure, pressé par une impulsion surnaturelle, il s'écria :
« Seigneur, si c'est votre volonté , et qu'il y aille de votre
gloire et de celle de votre serviteur, Vincent de Paul, je
vous prie de me guérir de ce mal par son intercession et de
* Bibl. comm. Janvier de Flainville. Recherches.., au moi Monnaies ^ p. 747.
2 Archives des Lazaristes de Paris. — Archiv. commun. Registre des sépul-
tures du Grand'Beaulieu, Ë, 14, 1.
3 « U y avait dix ans qu'il avait une de ces hernies complètes auxquelles la
descente de l'intestin et de Tépiplon a fait donner le nom d'entéro-épiplocelle.
Ce mal le fatiguait si cruellement que dans ses voyages il était quelquefois
oblieé de descendre de cheval, de chercher un fossé ou quelque endroit en pente
et de s'y mettre les pieds en haut pour se soulager. L'espèce d'ourlet qu'un
bandage toujours trop lâche au gré de la rupture, avait fait sur sa chair était si
profond que plus de trente ans après, il en portait encore les marques. » Vie
de Saint Vincent de Paul, in-4«, 4748, p. 524.
T. XII, M. 21
— 314 —
m'envoyer plutôt quelque autre incommodité, pour que je ne
sois pas sans souffrance. »
Sa prière n'était pas achevée qu'il sentit que le mal avait
disparu. Malgré sa vive émotion et le désir de proclamer le
miracle, il garda le silence et voulut éprouver de la manière
la plus rigoureuse sa guérison. Tous les appareils exigés par
son infirmité furent laissés, de longues courses entreprises,
soit à pied, soit à cheval, les exercices les plus violents et
presque excentriques, furent pratiqués sans la plus petite
douleur. C'était donc bien vrai, un miracle venait de s'accom-
plir au Grand-Beaulieu. Alors le digne supérieur révéla la
merveille. On pense quelle émotion et quelle joie ce furent
pour tout le Séminaire, quelles actions de grâces on rendit au
vénérable Vincent de Paul, quelle confiance on eut désor-
mais dans son intercession ^ .
D'autres événements, et ceux-là d'une note moins gaie,
s'accomplissaient à cette même époque au Grand Séminaire
de Chartres. L'année 1693 avait été désastreuse pour l'agri-
culture, la suivante n'était pas meilleure. Le blé valait 27 et
28 livres le setier : de mémoire d'homme on ne l'avait payé
aussi cher 2. A Chartres, Monseigneur des Marais provoquait
des assemblées de charité, centralisait les secours, organisait
des distributions, ordonnait des processions solennelles. Au
Séminaire, comme partout, le fléau se faisait sentir, et
d'autant plus, qu'à cette date le fameux procès avec les che-
valiers du Mont-Carmel était encore pendant, et Beaulieu
privé de la moitié de ses revenus. Mais si l'on souffrait, l'on
savait aussi compatir et soulager. Non content d'ouvrir sa
bourse, si réduite qu'elle fût, le Séminaire ouvrit encore ses
portes. Il avait ainsi recueilli récemment un pauvre vigneron
du Petit-Beaulieu, veuf, malade, abandonné et sans res-
sources. De ses deux enfants aucun ne pouvait ni le recevoir,
ni le secourir. Jacques, son fils, n'était encore qu'apprenti
chez un cordonnier de Chartres, et sa fille était petite ser-
vante chez un bourgeois de la ville. Jean Montmirault —
c'était son nom — avait trouvé à Beaulieu, avec une abon-
' Archiv. Nationales. Lettre de M. Bonnet (30 cet. 'J697). — Procès-verbal
de 1728, no 6.
2 Doyen : Hist, de Chartres, t. 1, p. 405.
— 315 —
dance relative, tous les soins nécessaires à son état. Il y
trouva quelque chose de plus précieux : la grâce de la Péni-
tence , du saint Viatique, de TExtrême-Onction, d'une bonne
mort enfin. Ce pauvre, cet abandonné du monde reçut de
notre Communauté l'hospitalité jusqu'après son trépas. Au
milieu des prêtres et des séminaristes qui déjà reposaient
dans la nef de la chapelle, on creusa pour lui une tombe à six
pieds du mur occidental et à quatre du mur méridional. C'est
là que, le 25 novembre de cette année 1693, M. Denis Reg-
nard déposa son corps avec les cérémonies accoutumées.
Touchant témoignage de fraternité chrétienne : avec les
supérieurs, les vicaires généraux, avec l'illustre évêque de
Chartres, reposaient dans cette terre, au môme titre de
chrétien, les domestiques de la maison, les artisans et jus-
qu'à cet indigent, recueilli par charité ^
Deux mois ne s'étaient pas écoulés qu'un acolyte, Guil-
laume Moriette, venait prendre sa place dans le caveau
funèbre à côté du pauvre vigneron (24 juin 1694). Un peu
plus tard, après un répit de quinze mois, la mort frappait
encore un coup sur le Séminaire. C'était François Dupuis, né
à Rosny, près Mantes, arrivé récemment à Beaulieu. Il avait
29 ans, et fidèle à l'appel de son évoque, il était venu au
Séminaire, avant môme d'avoir reçu la tonsure, pour y par-
courir au complet le cycle des préparations sacerdotales.
Dieu se contenta de ses pieux désirs, et tandis que l'Eglise,
dans sa liturgie, célébrait par ses joyeux Hosanna l'entrée
triomphale de Jésus à Jérusalem, la Communauté, rassemblée
autour de ce cercueil, priait pour l'entrée du séminariste
défunt dans la Jérusalem du ciel (15 avril 1695).
Les actes de sépulture, qui nous ont conservé ces détails,
à la différence de ce qui se pratiquait alors dans les paroisses,
sont rédigés avec beaucoup de soin et très circonstanciés.
Non seulement le lieu de la déposition funèbre y est nette-
ment indiqué par la distance des deux murs les plus voisins
ou d'autres indications analogues, mais encore le prôtre qui
a fait l'inhumation, celui qui a entendu la confession ou
administré les derniers Sacrements, quelquefois la maladie
du défunt, son ancienneté dans la maison, ses qualités, ses
* Archiv. commun. Regist. des sépultures du G, Beaulieu. kmêe 1693.
— 316 —
vertus, sont mentionnés. Il n'y a pas jusqu'à la physionomie
extérieure qu'on y trouve décrite, comme par exemple pour
ce Germain Touchard, domestique depuis trois mois, dont
l'acte porte qu'il était « d'une taille médiocre, d'un teint
picoté de vérole, et à poil châtain. » Il n'était âgé que de
18 ans et avait pris son rang à chapelle parmi les morts, au
commencement de mai 1696.
M. Darrest, le procureur de la maison, qui l'avait assisté
dans sa dernière maladie, venait de mener à bonne fin une
entreprise d'intérêt plus général, dont nous avons mainte-
nant à parler.
Vil
ORGANISATION INTERIEURE DU GRAND -BEAULIEU
Avec la simplicité du système légal qui régit aujour-
d'hui la propriété foncière, nous nous faisons difficilement
une idée exacte des mille embarras de toute sorte qui nais-
saient de l'enchevêtrement du système féodal. De nos jours,
dans la vie d'un sage propriétaire, un procès est une chose
relativement rare. 11 en était alors autremeiit. Une commu-
nauté, comme Beaulieu, qui possédait des biens-fonds dans
plus de trente paroisses, soit à l'occasion des loyers, soit
pour les limites des terrains ou pour les censives actives et
passives, les dîmes, les redevances, devait s'attendre à avoir
constamment un ou plusieurs procès sur les bras. Sans doute
on commençait, en France, à placer ses capitaux sur des
particuliers ou sur l'Etat, système qui a pris de nos jours un
développement si exagéré. Mais au xvii® siècle ce n'était
encore qu'un commencement : on y allait avec précaution.
D'ailleurs à l'époque où nous sommes arrivés, les finances de
l'Etat étaient loin d'être prospères, et l'on sait à quelle épou-
vantable banqueroute les hommes les plus experts devaient
bientôt entraîner le pays (1720). Quand donc on avait du
bien au soleil, on aimait à le garder, sauf à plaider un peu
plus souvent devant les baillis. Les religieux de la Mission,
voués à une vie de recueillement, se résignaient difficile-
ment à cette nécessité, surtout- quand il fallait porteries
— 317 —
différends dans des ressorts éloignés. Déjà la Congrégation
avait obtenu de Louis XIV en 1689 (28 février), des lettres
patentes qui autorisaient les Lazaristes à porter devant le
Grand Conseil tous les procès, litiges et différends, concer-
nant leurs maisons établies ou à établir en France ou hors
de France, dans les lieux soumis à sa Majesté. Et défense
expresse était faite à tout autre juge d'en connaître ^ Le
Grand-Beaulieu profitait naturellement de ce privilège géné-
ral, mais il se trouvait par ailleurs dans une situation excep-
tionnelle qui fit concevoir aux directeurs du Séminaire le
dessein d'obtenir mieux encore.
Dès l'origine de la Léproserie, nos rois avaient eu à cœur
de témoigner leur sympathie pour les pauvres malades en
leur assurant par des actes publics leur souveraine pro-
tection. Philippe VI de Valois, par ses lettres patentes
de 1332, avait pris « en sa main, protection, domaine et
commune de France pour lui et les Rois ses successeurs à
l'avenir, la maison et maladrerie de Beaulieu avec toutes ses
possessions, desquels les lépreux pourraient jouir à l'avenir
comme de toute ancienneté, user de leurs droits, privilèges
et franchises, élection des prieurs et directeurs. » Toutes
choses que Jean II avait confirmées (1353), y ajoutant pour
tout contrevenant Tordre exprès de réparer sur le champ
tout trouble apporté dans cet institut. Charles VI à son tour
avait renouvelé les mêmes privilèges (21 avril 1396) en
accordant de plus aux Lépreux vingt sergents pour garder
leurs domaines. En 1449, Charles VII avait spécialement
défendu aux gens de guerre de molester en rien la lépro-
serie, ni de l'imposer. Ses successeurs Louis XI, Charles VIII,
Louis XII , François P' avaient successivement élevé la voix
dans ce concert de protection et de louanges. Miles d'Illiers,
évêque de Chartres, laissait-il ses gens augmenter la taxe du
Grand-Beaulieu de 17 à 1800 livres , Charles VIII protestait
aussitôt (1489) déclarant que cette maladrerie n'était point
taxable, mais franche de tous droits ^.
^ Cartulaire des privilèges et des biens de la léproserie mère du Grand-
Beaulieu^ Biblioth. commun. Mss. 1079; Arc\\\\, dépaii. Inventaire du Grand-
Beaulieu, Louis XV confirma et renouvela ces lettres patentes en 1718.
2 Arch. départ., Archives du Grand-Beaulieu, t. 1, p. 63.
— 318 —
Au XVI® siècle, la léproserie étant sur son déclin et
presque vide, il n'y avait pas lieu de solliciter la rénovation
de ces privilèges. Les règnes suivants se passèrent donc sans
que la voix du souverain s'élevât en faveur de Beaulieu.
Mais , avec le Séminaire , une raison nouvelle et d'un ordre
supérieur se présentait. La tranquillité et la paix nécessaires
aux lépreux n'étaient^elles pas aussi instamment exigées
pour le fonctionnement régulier d'un noviciat sacerdotal ? Si
le Roi avait à cœur la formation du clergé de son Royaume,
ne lui appartenait-il pas de le tenir spécialement à l'abri des
vexations qui pouvaient le distraire de la grande œuvre
qu'il poursuivait dans la solitude de Beaulieu? Enfin le
Séminaire succédant à la Léproserie et étant entré dans
toutes ses charges, n'était-il pas en droit de demander de
lui succéder dans les faveurs royales ? Ces raisons amenèrent
M«** Godet des Marais et les directeurs du Séminaire à solli-
citer de Louis XIV ces lettres de protection connues sous le
nom de Lettres de garde - gardienne , qui devaient non-
seulement assurer à notre communauté un respect plus
grand de ses droits, mais encore lui obtenir le privilège
d'évoquer tous ses procès et différends devant un tribunal
déterminé.
Le moment était bien choisi. Le Séminaire, depuis 20 ans
tracassé et injustement dépouillé par les chevaliers du
Mont-Carmel venait, après des démarches infinies, d'ob-
tenir justice. Il y avait vraiment lieu de prévenir pour
l'avenir de semblables vexations. On le comprit à la Cour, et
la demande fut octroyée. Les lettres a scellées en cire verte
sur lacs de soye rouge et verte » furent signées par le
Monarque, le 5 mars 1696 ^
« La nécessité d'établir un Séminaire dans le diocèse de
Chartres, y était-il dit, et l'utilité qu'il en devait tirer ayant
engagé sa Majesté d'entrer dans les bonnes et pieuses inten-
tions de feu sieur Ferdinand de Neuville, évêque de Chartres,
* Inventaire général de tous les titres, paniers et archives du Grand Sémi-
naire de Chartres, t. I, Arch, départ., G. S921. Cf. Bibl. coram. Janvier de
Flainville, Recherches chartraines, au mot Séminaires. Ces lettres fiirent
enregistrées au Parlement le 28 août 1731 et au baillage de Chartres le
9 novembre suivant.
- 319 —
et pour cet effet, de supprimer le titre de Prieuré du Grand-
Beaulieu, qui était à sa nomination, pour Tunir au dit Sémi-
naire, en conséquence du décret du dit de Neuville, par
lettres patentes du mois de décembre 1059, un si pieux
dessein aurait été troublé dans la suite par les prétentions
de Tordre de Saint Lazare, qui sous prétexte que le dit
prieuré du Grand-Beaulieu uni audit Séminaire était autre-
fois chargé d'un hôpital de Lépreux, aurait voulu se préva-
loir de redit du mois de décembre 1672, et les protections
que le dit ordre aurait trouvées ayant contraint le dit défunt
sieur de Neuville d'abandonner la moitié des revenus du dit
prieuré à l'ordre de Saint Lazare, par une transaction contre
laquelle même il aurait fait des protestations, le sieur Paul
Godet des Marets à présent évêque de Chartres ayant connu
que cette transaction avait enlevé le moyen, à son Séminaire,
de subsister, s'était pourvu contre icelle devant sa Majesté et
les commissaires à ce députés, en conséquence des édits et
déclarations du mois de mars et 15 avril 1693 portant révo-
cation de redit du mois de décembre 1672 et fait voir l'in-
justice de cette transaction. S. M. aurait remis et réintégré
le dit Séminaire dans la possession et jouissance des reve-
nus dudit prieuré de Beaulieu, par arrêt du 19 novembre 1693,
et, parce que ce prieuré ayant toujours été sous la protection
du roi, comme en icelle de ses prédécesseurs, le dit Sémi-
naire qui est au lieu du dit prieuré de Beaulieu n'a pas moins
besoin de celle qu'il doit attendre de son autorité royale, ils
(les directeurs du Séminaire) ont remontré que les biens et
revenus du Séminaire sont situés en divers lieux et que
pour les conservations d'iceux, ils se trouvent obligés de
procéder en autant de juridictions différentes qu'ils sont
contraints d'intenter d'actions et de défendre à celles qui
leur seront faites, le plus souvent en lieux éloignés, ce qui les
surcharge non seulement de peines , soins et grands frais de
voyages, salaires de plusieurs personnes qui font les pour-
suites, mais encore consomme la meilleure partie du temps
qu'ils emploieraient beaucoup mieux en prières et oraisons,
dévots et pieux exercices de leur profession. Pour éviter
les dits inconvénients qui enfin pourraient causer la ruiné du
Séminaire, ils ont supplié Sa Majesté de les prendre sous sa
protection et sauvegarde et d'attribuer la connaissance de
— 320 —
leurs causes et différends à un seul et même juge... A ces
causes... voulant faciliter aux exposants les moyens de faire
avec quiétude leurs prières, veilles et oraisons pour notre
prospérité et celle de notre famille royale, la grandeur de
cet état et vaquer plus aisément à Tinstruction des ecclé-
siastiques qui leur sont commis... nous avons, les dits expo-
sants, leurs serviteurs et domestiques, maisons, biens,
domaines, terres, fiefs, cens et rentes, droits, usages et
possessions pris et mis, prenons et mettons en notre protec-
tion et garde spéciale, pour marque de laquelle notre auto-
rité, leur permettons de le faire savoir, publier partout ou
besoin sera, afficher avec nos armes, pannonceaux, et bâton
royaux, en leurs maisons, terres, seigneuries et autres lieux
qu'il appartiendra, à ce que personne n'en ignore... » Les
lettres se terminaient en attribuant au bailli de Chartres
juridiction pour toutes les causes du Séminaire de Beaulieu,
tant en demandant qu'en défendant, avec défense à tous
autres juges d'en connaître, et ordre aux mêmes de les lui
renvoyer, pourvu que les débiteurs ne fussent éloignés que
de huit lieues de Chartres.
Ces lettres eurent sans doute un bon résultat, car sous le
règne suivant, le Séminaire en demanda la confirmation et
rénovation, que Louis XV accorda en juillet 1731. Des placards
avec armes, pannonceaux et bâton royaux, affichés dans les
fermes et métairies de Morancez, Sours, Theuville, Boisvil-
lette, Néron, Angerville et autres lieux notifièrent aux inté-
ressés l'acte royal. En 1732, un fermier récalcitrant, celui de
la métairie de Sours, un nommé Texier, s'étant avisé de
contrevenir à ces lettres, le Séminaire se pourvut aussitôt
contre lui au baillage de Chartres et l'obligea à se désister
de ses prétentions.
La monarchie devait, jusqu'à la fin, maintenir ces faveurs.
En avril 1775, Louis XVI renouvela les Lettres de Garde-
Gardienne^ dans les mêmes termes que ses prédécesseurs. Ce
fut le dernier anneau de cette longue chaîne de privilèges
dont Beaulieu avait été l'objet depuis quatre siècles. Si l'on
y joint les concessions accordées par les comtes de Chartres,
les donations des évêques, chanoines, princes et seigneurs,
surtout les bulles de plusieurs souverains Pontifes, Inno-
cent II, Eugène III, Alexandre III, en faveur « des amis de
— 321 —
Dieu » les lépreux, et pour les prendre sous leur protection
et « celle des apôtres Pierre et Paul, » on concevra que la
maison du Grand-Beaulieu pouvait à bon droit être fière de
son passé *.
Ces sollicitudes extérieures n'empêchaient point les direc-
teurs du Séminaire de poursuivre activement l'œuvre de
l'organisation intérieure de la Communauté. Il y avait bien-
tôt quarante ans que Mk** de Neuville avait transporté sur la
colline la petite fondation de la Porte-Cendreuse ; les Laza-
ristes comptaient seize ans de résidence et depuis lors , que
d'efforts et de sacrifices avaient été faits pour donner à
l'illustre diocèse de Chartres un noviciat sacerdotal digne
de lui.
Deux choses , dans un Grand-Séminaire , sollicitent princi-
palement le zèle de ceux qui en ont le gouvernement. C'est
d'abord la chapelle avec tout ce qui tient au culte divin, puis
la bibliothèque pour la formation intellectuelle des clercs.
Pour inspirer aux jeunes ecclésiastiques le respect que doit
un prêtre aux choses saintes, pour les former à des habi-
tudes de ténue, de dignité et de religion dans l'accomplis-
sement des fonctions liturgiques, il est de toute nécessité que
la chapelle du Séminaire, la sacristie, les vases sacrés, les
ornements, les cérémonies se présentent à eux avec un
cachet d'ordre, de netteté et même de splendeur qui les
frappe, leur impose le respect et demeure comme une perpé-
tuelle leçon. C'est dans cette pensée que Me** de Neuville
avait remplacé l'antique et pauvre église de la léproserie par
une nouvelle chapelle que son épitaphe qualifie de ^des
magniûca. Les objets nécessaires au culte répondaient-ils à
cette splendeur. Nous sommes portés à croire que de ce côté
il y avait encore beaucoup à faire. Car lorsque vers cette
* Arch. départ, /nrentetrc aènéral, t. I. Bibl. coinm., Mss. n» 1079
Cartulaire des privilèges et des biens de la Léproserie-Mère du Grand-
Beaulieu, La bulle d'Innocent II est datée d'Auxerre, 13 sept. 1131 ; celle
d'Eugène III de Viterbe, 2 juillet 1U6; celle d'Alexandre III de Chartres même
2 mai \ 163. Cf. Wattenbach. La copie de ces bulles se trouve dans le Cartu-
laire de la Léproserie du Grand-Beaulieu, conservé à la Bibl. nation, à Paris,
Mss. latins nouvellement acauis, no 1408. Le mss. 1079 de la Bibl. comm. de
Chartres attribue ces bulles a saint Clément II, Eugène IV et Alexandre III. Il
y a là deux erreurs de transcription : St. Clément pour Innocent et Eugène 1111
pour Eugène III.
— 322 —
époque le procureur, M. Darrest, transcrivit sur son registre
d'Inventaires, l'acte d'union par moitié, au Séminaire, du
revenu du prieuré de Choisy-aux-Bœufs, étant arrivé à faire
mention du mobilier de l'église prieuriale supprimée, il
ajouta en appendice cette note où se reflète l'état précaire
de la sacristie de Beaulieu : « Monseigneur de Chartres s'est
réservé d'en disposer (des meubles et vaisselle de l'Eglise de
Choisy et son annexe) après le décret d'extinction du titre
de cette église, en faveur de quelque autre qui en aurait
plus besoin dans son diocèse. Il serait plus juste que ces
meubles et vaisselle d'église soient remis au Séminaire qui
en a plus besoin que tout autre endroit * . » Me*" de Neuville
avait voulu pourvoir à cette indigence lorsque par son tes-
tament il avait donné à son cher Beaulieu son parement
d'autel de brocard d'or, son pluvial de cérémonie et les deux
chapes que portaient les dignitaires qui l'assistaient dans ses
solennelles fonctions. Son exemple devait trouver des imi-
tateurs.
En attendant, la Bibliothèque faisait l'objet de soins tout
particuliers. Sur ce point tout était à créer. Le prieur de la
Léproserie , pas plus que les deux prêtres et les quatre ser-
vants, n'avaient songé à monter une bibliothèque. Leurs solli-
citudes étaient ailleurs. De fait, en grande majorité, les
livres possédés par le Séminaire à l'avènement de Ms*" Godet
des Marais, étaient des livres nouveaux. Quelques-uns remon-
taient au siècle précédent (xvi® siècle). Pas un incunable.
A part un missel gothique, écrit à la main sur vélin , les
autres manuscrits, peu nombreux d'ailleurs, étaient récents
et sans valeur. Si l'on considère qu'à cette époque les livres
étaient fort chers, et que le Séminaire, privé depuis 20 ans
de la moitié de ses revenus n'avait pii élever bien haut le
budget de son bibliothécaire, il y a lieu d'admirer avec
quelle rapidité cette œuvre s'était développée. La divine
Providence, en cela comme en toutes choses, avait suscité de
généreux donateurs, " comme l'ancien supérieur, M. de
Bagnols, dont tous les livres étaient venus se joindre, en
1666 , au petit fonds d'ouvrages acquis par le Séminaire. En
1697, 15 à 1600 ouvrages, formant un total de 4,000 volumes
< Bibl. comm., mss. n» 1079, p. 63 et 109.
— ;J2:^ —
environ, composaient la bibliothèque du Grand-Beaulieu. On
y voyait de grandes collections comme les Concilia Genernlia
de Bini, en 10 in-folio ' , d'importants commentaires comme
Cornélius à Lapide en 19 in-folio, les principaux théologiens :
Albert le Grand (12 in-folio), Saint Thomas, Suarez, Vasquez,
Grégoire de Valence, Bellarmin, Estius, presque tous les
Pères grecs et latins ; plusieurs bibles du commencement du
siècle, dont une de Robert Etienne; une concordance de
1506, le plus ancien, croyons-nous, des livres imprimés de
cette bibliothèque -.
Mais le livre de beaucoup le plus précieux sans contredit
était ce Missale vêtus, manuscrit dont nous avons parlé plus
haut, et qui jusqu'en 1793 occupa le numéro l^'^ du casier Y,
dans la bibliothèque du Grand-Beaulieu. De format grand
in-8®, relié en bois, écrit en gothique noire et rouge, sur un
vélin de toute beauté, enrichi d'enluminures au premier
feuillet, à la messe du jour de Pâques et aux principales
majuscules, ce missel était pour la bibliothèque de Beaulieu
un véritable trésor. Il portait au premier feuillet en carac-
tères gothiques les deux mots : Hioronyimis Fnissotus, C'était
sans doute le nom de l'un des anciens propriétaires. Sur le
second feuillet on avait récemment écrit : « Ex libris Scmi"
narii Carnotensis » et au-dessous « Missale vêtus carnoteiise. »
Vraisemblablement l'auteur de cette dernière inscription
n'avait parcouru ni le calendrier, ni le Propre des Saints de
ce Missel. Car après une rapide inspection, il eut été facile
de reconnaître que jamais ce livre liturgique n'avait été à
l'usage de l'Église de Chartres. On n'y lisait ni le nom de
saint Lubin ni celui de saint Cheron. Saint Yves y était
deux fois mentionné (18 mai et 28 octobre), mais c'était Yves
de Bretagne, et non celui qu'honore aujourd'hui le clergé char-
train. Point d'anniversaire de la Dédicace de la cathédrale de
' Severin Bini, chanoine de Cologne, donna une première édition de ses
Conciles généraux en 4 in-fol. (1606), une deuxième en 9 in-fol. (1618) et une
troisième en 10 in-fol. (1638).
2 Ces indications sont tirées du mss. 1169 de la Bibl. comm. de Chartres,
portant le titre : Catalogus librorum bibliothecœ domus Congre gationis Mis-
sionis, erectœ in Seminario Camotensi, vulgà du Grand Beaulieu^ prope
Camutum, conscriptus anno Dmi millesimo sexcentesimo nonagesimo septimo,
1 vol. de 119 pages et 7 feuillets.
— 324 —
Chartres, célébré cependant depuis le xiii® siècle dans cette
église, mais en revanche, à la date du 29 octobre, la Dédicace
de l'église de Saint-Malo, avec Octave ; la fête solennelle de
Saint Malo lui-même, au 15 novembre, avec Octave; la fête
de Saint Méen, abbé du monastère de Gaël en Bretagne
(21 mai) ; celles de Saint Samson, évêque de Dôle (28 juillet) ;
de Saint Paul, évêque de Léon (10 octobre) ; de Saint Corentin
(12 décembre). Toutes ces indications suffisaient à certifier la
provenance malouine de ce vénérable missel.
Les directeurs du Séminaire pouvaient d'ailleurs savoir
sûrement à cette époque ce que nous ne pouvons que conjec-
turer aujourd'hui. Ce livre liturgique de Saint-Malo n'avait-il
pas appartenu à M»*' de Neuville, naguère coadjuteur, puis
évêque de cette église ; et dès lors transporté à Chartres
avec les autres livres du prélat, n'avait-il pas été donné à
Beaulieu par les exécuteurs testamentaires, selon la volonté
de ce pontife à qui le Séminaire était si cher * ? Cette suppo-
sition est si vraisemblable que nous n'hésitons pas à nous y
arrêter et le « Missale vêtus Carnotense » , don de Ms*" de
Neuville , explique à lui seul la présence de si nombreux et
si précieux ouvrages dans la bibliothèque naissante du
Grand-Séminaire de Chartres 2.
Cependant, à cette belle collection de livres, dont l'avenir
s'annonçait plus beau encore, il fallait trouver un local et
donner une organisation capable de guider vite et bien les
travailleurs. Au point le plus central de la maison, sous la
coupole du pavillon qui occupait le milieu du grand bâtiment
était un espace libre et de facile accès* C'est là que
furent installés casiers et tablettes. Restait à faire le cata-
logue.
On s'y mit avec courage. Une main exercée en fit la rédac-
tion sur un registre in-folio solidement relié en pleine
basane, et dès l'année 1697 les chercheurs purent facilement
* Fisquet, La France Pontificale, Chartres, p. 193.
2 Ce missel, enlevé avec le reste de la Bibliothèque , à l'époque de la Révo-
lution, fut déposé à la Bibliothèque communale de Chartres, où il est coté sous
le no 536, sous le titre de Missel à l'usage de Saint-Malo. Les folios 10 à 15
sont consacrés au calendrier. Le missel lui-même a 215 feuillets à 2 colonnes,
il mesure 212 sur 140 mill. L'écriture gothique est fine, le vélin est très fin, les
miniatures indiquent que le mss. est du xv« siècle.
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— 325 —
s'orienter. Ce premier catalogue était disposé suivant des
titres généraux rédigés en latin et répondant aux différentes
branches d'études ecclésiastiques : Scriptura Sacra, Sacri
interprètes ; Patres latini ; Patres Grœci ; Concilia; theoîogi
polemici, scholastici, morales; Jus Canonicum, Jus civile;
Historici sacri, profani; Polihistores, Philosophi, Humanistse^
Goncionatores et Catechistœ ; PU et Ascetici ; Sacrorum
Rituum Interprètes ; Libri Prohibitif Des subdivisions suivant
le format des volumes, renvoyant aux casiers , au moyen de
lettres capitales et de numéros d'ordre, achevaient la classi-
fication.
Dans la suite on sentit le besoin d'un catalogue alphabé-
tique. L'exécution en fut confiée à un bibliothécaire qui
n'avait ni la main ni l'esprit d'ordre du précédent. Sur le
même registre, et à la suite du catalogue précédent, on
dressa la liste des ouvrages selon un ordre alphabétique
approximatif : à la suite furent inscrits les nouveaux livres
reçus. De là une grande confusion. C'est pensons-nous ce
qui empêcha l'achèvement de cette seconde partie. De fait,
un certain nombre d'ouvrages contenus dans la première n'y
sont point inscrits.
La bibliothèque, ainsi constituée, s'enrichissait chaque
année de quelque nouveau dons. Le xvm* siècle devait lui
apporter successivement sept à huit cents ouvrages dont
plusieurs fort importants : la Bibliotheca Veterum Patrum, en
27 volumes in-folio (édit. 1677), le Glossariuni, de du Cange,
les Concilia, de Labbe, en 18 in-folio, les Vitœ Sanctorum,
de Surius, le commentaire tout récent de Bernardin de
Picquigny (1706), de grands théologiens comme Ripalda,
Lessius, Cajetan, Bannes ; un grand nombre de précieux ser-
monaires, en latin, du xvi® siècle et enfin tous les menus
ouvrages de parénétique, ascétisme, pastorale et contro-
verse gallicane et janséniste, édités pendant le xviii®
siècle.
Ainsi, en moins d'un demi-siècle, la bibliothèque du
Grand-Séminaire possédait 2,300 ouvrages, parmi lesquels on
comptait les plus belles publications parues depuis l'origine
de l'imprimerie. Après la bibliothèque du vénérable et savant
chapitre de Notre-Dame, il n'y en avait pas d'aussi impor-
tante, ni de mieux composée dans toute la ville de Chartres,
— 326 —
et l'antique abbaye de Saint-Père se voyait elle-même de
beaucoup dépassée sur ce point ^
Il arrivait quelquefois que, par donations ou autrement,
d'importants ouvrages se trouvaient en double ou en triple
à la bibliothèque du Séminaire. Alors on tâchait de les céder,
et avec le prix qu'on en recevait, de nouveaux ouvrages
étaient achetés. Ainsi, quand le Séminaire Saint-Charles
organisa à son tour une bibliothèque. Le Séminaire de
Beaulieu lui vendit l'un de ses deux Cornélius a Lapide,
Toutes ces opérations étaient soumises au contrôle du Père
visiteur, délégué chaque année pour inspecter au nom du
Supérieur général de Saint-Lazare quelques-uns des établis-
sements de la province. Or il était d'usage que, la visite de la
bibliothèque achevée, etlesnotesprisespourlerapport.le Père
visiteur donnât acte de son inspection. A Beaulieu c'était le
plat intérieur du catalogue dont nous avons parlé qui servait
à ces constatations sommaires. M. Watel y mit le premier
son nom. « Ce présent catalogue, écrivit-il de sa main, a été
vérifié dans le cours de la visite de 1700. {Signé) Watel,
indigne prêtre de la Congrégation de la Mission. » Il fit la
même vérification en 1701, mais étant devenu, en 1704, supé-
rieur général, ce fut M. Faure qui lui succéda comme visi-
teur. Celui-ci vint à Beaulieu et signa sur le catalogue en
cette même année 1704, revint en 1706, puis en 1709.
M. Huchon le remplaça et fit la vérification de la bibliothèque
en 1712 et 1713 ; M. Jomond en 1735. Ce fut la dernière visite
mentionnée sur le catalogue de la bibliothèque du Grand-
Beaulieu -.
Le local où l'on venait d'installer cette belle bibliothèque
avait été achevé depuis peu. Il était le couronnement de la
grande œuvre de reconstruction entreprise, dix ans aupa-
ravant, par Me** de Neuville.
Beaulieu, nous l'avons dit, s'était renouvelé tout entier et,
des bâtiments de l'ancienne léproserie, il ne restait guère que
les fondements. Mgr de Neuville, qui avait commencé ces trans-
^ En 1791, la bibliothèque de Fabbaye de Saint-Père ne renfermait que
2,400 volumes, dont 800 m-folio, 550 in-i», 1,100 in-S^ et in-12. Archiv.
commun. Inventaire du 15 mai i79i,
' Bibl. comm. mss. 1169.
-- 327 —
formations, était mort avant d'en avoir vu Tachèvement, mais
son affection pour le Séminaire lui avait survécu au moyen
de généreuses libéralités. Suivant l'historien Challines, il
avait laissé par testament « 6,000 livres pour achever un
bâtiment commencé par son ordre. » Le testament dont nous
avons donné le texte plus haut ne contient, il est vrai, aucun
legs exprimé dans ces termes, mais nous pouvons penser que
Mg*" de Neuville avait donné de vive voix ces explications à
ses exécuteurs testamentaires auxquels le testament authen-
tique laissait le soin de régler l'emploi de la somme qu'il
donnait au Grand-Beaulieu ^ Grâce à ces ressources, les
travaux s'étaient poursuivis sans relâche. En 1697, époque à
laquelle nous sommes arrivés, les vœux du vénérable pon-
tife se trouvaient en grande partie réalisés. De la ville et
des villages voisins on venait admirer ces superbes édifices
qui couronnaient si fièrement la colline et paraissaient
l'âme de cette solitude.
Le Grand-Séminaire se composait alors de trois corps de
bâtiments contigus. Le plus vaste était orienté du nord-est
au sud-ouest. Il mesurait 56 mètres de longueur sur 11 de
largeur ^. Le milieu et les deux extrémités étaient construits
en forme de pavillon, ce qui lui donnait un aspect grandiose.
* La somme indiquée dans le testament de M«r de Neuville est de seize mille
livres. 11 -est à croire que le mss. de Chalines porte 6,000 livres par une
erreur de transcription. Cf. Chalines. Histoire sur l'histoire de Chartres ^
p. 318. Bibl. Commun. Mss. 1704.
2 Doyen, dans son Histoire de Chartres semble dire que ce bâtiment fut
l'œuvre de Mgr de Mérinville, dont il écrit : « Il fit bâtir à ses frais tout le corps de
bâtiment en face, au Séminaire de Beaulieu. » Hist. de Chartres, t. I, p. 411,
tandis que d'autres attribuent au même prélat la construction d'un bâtiment
latéral. « Il fit bâtir à ses frais une aile au Grand-Séminaire de Beaulieu. »
Lépinois, Hist, de Chartres, t. II, p. 484. Li plupart des historiographes
chartrains parlent d'un bâtiment élevé par Mgr de Mérinville, sans préciser
davantage. « 11 fit bâtir à ses frais tout un corps de bâtiment. » Fisquet,
France Pontif. Chartres, p. 205. « Il avait fait considérablement augmenter
les bâtiments du Grand -Séminaire. » Chevard, t. 2, p. 537. u II fit construire à
ses frais une grande partie du Grand-Séminaire de Beaulieu. » Ozeray, t. H,
p. 311. Nous préférons le témoignage de Pintard qui fut témoin oculaire de
ces constructions et qui dit dans son histoire : « 11 (Mgr de Neuville) releva à
neuf 1 Eglise et un grand bâtiment sur d'anciens fondements, et il fit construire
un autre bâtiment qui devait faire face à un autre pareil, si le démembrement
du diocèse n'empêchât qu'on réalisât ce projet. » Hist. de Chartres, an. 1657.
Ce sont ces constructions de Mgr de Neuville que Mgr de Mérinville compléta et
agi*andit à ses frais.
— 328 —
Les murailles, élevées sur les solides fondements de la lépro-
serie, étaient capables de braver les ravages du temps, si elles
n'avaient eu à compter avec les ravages des hommes. Les
montants des fenêtres et des portes offraient à Tœil un gra-
cieux mélange de pierres taillées et de briques. Tout y avait
été soigné. Au rez-de-chaussée, à la droite du grand vesti-
bule du milieu, était la salle d'exercices, éclairée par trois
fenêtres sur le parc; de l'autre côté se trouvaient deux
vastes salles destinées probablement aux supérieurs visi-
teurs et personnages de distinction. Vingt-deux cellules au
premier étage, et à peu près autant au second, permettaient
de loger dans ce bâtiment la plus grande partie des sémina-
ristes. Elles donnaient toutes sur un large corridor qui se
prolongeait dans toute la longueur et recevait la lumière
aux deux extrémités.
Le second bâtiment, construit perpendiculairement au pré-
cédent, présentait la même disposition, quoique dans de
moindres proportions. Long de 38 mètres environ sur 8 de
large, et élevé d'un étage seulement, il contenait de 20 à
25 cellules. Le rez-de-chaussée était occupé par le réfectoire
et une salle d'étude. C'est à l'extrémité de cette construction
et en retour, que se trouvait la chapelle à laquelle on com-
muniquait de l'intérieur par une porte latérale, donnant dans
le bas. de la nef. Nous connaissons déjà l'histoire et le plan
de cette église. M^»" de Neuville y reposait. Bien plus élo-
quemmént que l'épitaphe de son tombeau, ces nouveaux
édifices honoraient sa mémoire.
Cependant si magnifiques qu'ils fussent, le cadre dans
lequel ils s'offraient aux regards ajoutait encore à leur
beauté. Il fallait voir le Grand-Beaulieu par une belle
matinée de printemps, inondé de lumière, perdu au milieu
de ses jardins en fleurs, de ses avenues, de ses bosquets et
de ses bois. C'était surtout du côté du midi que s'étendait son
vaste parc de 18 hectares. Une grande allée, bordée de
charmilles, partait de la porte principale et se prolongeait
en droite ligne sur une longueur de 250 mètres pour aboutir
à un rond-point, où des bancs, disposés en demi-cercle,
offraient aux promeneurs un délicieux repos. Près de là, se
trouvait la maisonnette du vigneron, et le pressoir pour
l'exploitation des vignes. Car le parc contenait plusieurs
— 329 —
plants de vigne, qui, à droite et à gauche de la grande allée,
s'étendaient en lignes serrées, entourées elle-mêmes de
terre labourables et de taillis de bois. Une vaste pièce d'eau,
très poissonneuse, se trouvait au milieu du bois. Enfin le
jardin potager occupait le terrain longeant la route d'Or-
léans; il était muni de puits, réservoirs, canaux d'irrigation,
parfaitement disposés pour combattre la sécheresse natu-
relle de ce plateau. C'était entre ce jardin potager et le
parc qu'était située la basse-cour et toutes ses dépendances.
Car Beaulieu <îomme toutes les communautés vivant à
l'écart était un petit monde qui s'alimentait de ses produits.
Quand Chartres eût été investi et les communications
coupées, le Séminaire pouvait vivre encore. Cette basse-
cour n'était rien moins que tout un groupe de petites cons-
tructions ou la divine Providence préparait aux séminaristes
la vie matérielle de chaque jour. Buanderie, four, écurie,
grange, vacherie, toit à porcs, colombier, poulailler, rien
n'y manquait. Et ce n'était pas tout. Le Séminaire avait là sa
forge, son atelier de menuiserie, ses magasins, ses bûchers.
On pouvait, sans recourir au forgeron du village ferrer les
chevaux de labour et la monture plus modeste qui chaque
jour descendait à Chartres, traînant la « Kariole » du
Séminaire. C'est là qu'on cuisait le pain et qu'on faisait le
cidre et le vin.
La cour, plantée de charmes, où les élèves prenaient leur
récréation, était au couchant du côté du hameau des Chaises,
et un peu en avant du grand bâtiment. Elle était séparée
du potager par une avenue, plantée d'arbres, qui du chemin
des Chaises conduisait au Séminaire. C'était une superbe
allée. Entre les énormes piliers de pierre qui en formaient
l'entrée, les passants apercevaient au fond, entre les
branches des arbres, le pavillon central. Cette avenue était
même accessible au public car il fallait la suivre presque
jusqu'au bout pour arriver à la chapelle, dont la façade était
sur la gauche, un peu avant d'arriver à la cour du Séminaire.
Il y avait dans l'ensemble de cette disposition, aussi bien que
dans le site, une harmonie du plus grand effet. La cathédrale
de Chartres y ajoutait encore : car elle se présentait comme
le point de départ et la raison de tous ces plans. Un obser-
vateur placé sur le péristyle de l'entrée principale du Sémi-
T. XII, M. 22
— 330 —
naire et regardant dans la direction de notre avenue, ren-
contrait à rextrémité l'église Notre-Dame de Chartres. Elle
lui apparaissait au-delà de la vallée, à la même hauteur que
Beaulieu, encadrée par les arbres de l'allée comme une
douce et réconfortante vision. Tout était si bien harmonisé
que la nef de la cathédrale et le grand bâtiment du Sémi-
naire se trouvaient parallèles, tandis que la ligne des deux
clochers se confondait presque avec celle de l'avenue du
Séminaire. Ainsi, au regard de notre spectateur, le clocher
neuf était tout entier masqué par le clocher vieux : on n'en
apercevait que l'extrême pointe qui semblait comme le pro-
longement aérien de la vieille pyramide romane. Visiblement
tout avait été disposé pour que le berceau du clergé char-
train demeurât sous le regard de l'Eglise mère du diocèse.
On avait voulu que partout, dans le Grand-Beaulieu, aux
cellules comme dans la cour de récréation, la chère église
de Notre-Dame apparût aux ordinands comme le phare au
voyageur. Combien de fois en traversant par la voie ferrée,
ce plateau aujourd'hui ruiné, morcelé et désert, combien de
fois nous avons par la pensée rendu à notre Beaulieu ses
magnificences, ses couleurs, sa vie I De tant de belles
œuvres il ne reste plus que quelques débris sur lesquels
plane, comme une malédiction, le souvenir de la spoliation.
Les chapiteaux des pilastres de l'avenue gisent à terre, à
moitié ensevelis ; la cour des charmes est devenue un champ
nu ; deux petits pavillons subsistent à moitié ruinés : c'est la
maison du concierge et le parloir ; des grands bâtiments, il
ne reste pas pierre sur pierre. Le chemin de fer a coupé en
deux ce qui était naguère le beau parc percé d'allées
fraîches et mystérieuses ; la grande pièce d'eau est à sec au
milieu du petit bois, et sous le sol de l'ancienne chapelle,
retourné cent fois par le soc des charrues, reposent mécon-
nues et oubliées les cendres de nos morts K
< Les détails de cette description sont empruntés, pour la plus grande partie,
à un acte de « visite de Laurent Morin, expert-arcnitecte, juré au Baillage et
siège présidial de Chartres, les 10 et 11 janvier 1782. » Arch, dép., G. SSSO.
— asi —
VIII
Dernières années de Mp" Godet des Marais.
Poiir revenir à la fin du xvii® siècle, disons que ces restau-
rations magnifiques n'avaient pourtant point réalisé les plans
de Mg** de Neuville. Le fondateur du Séminaire avait rêvé
un monument régulier, un vaste corps de bâtiment, flanqué
de ses deux ailes, et déterminant avec elles une cour d'hon-
neur fermée du côté de l'avenue par une grille monumentale.
Jusqu'en 1695, les travaux furent exécutés suivant ce dessein
et tout en faisait espérer la réalisation. Mais tout à coup
survint un événement qui sembla anéantir pour toujours ces
belles espérances. Depuis son arrivée au siège de Chartres,
M^"* Godet des Marais sentait sa conscience chargée de
l'administration de son vaste diocèse. Il lui semblait que les
917 paroisses qui le composaient, avec les nombreuses
abbayes, les chapitres et prieurés, étaient un fardeau trop
lourd pour un seul pasteur. Dans une pensée très louable et
un parfait désintéressement, le prélat en était venu à solli-
citer le démembrement de son propre diocèse, en vue de
l'érection d'un nouvel évêché, celui de Blois (1695). La
question demeura pendante jusqu'en 1697, et secrètement
Ton espérait qu'elle n'aboutirait point. N'était-ce pas déso-
lant de voir morceler le beau diocèse de Notre-Dame de
Chartres et sur la demande même de son propre pasteur ?
Cet espoir fut trompé. Le l®'' juillet de cette année 1697 fut
donnée, par le pape Innocent XII, la bulle d'érection du
nouvel évêché * . Chartres y perdait les deux archidiaconés
de Blois et de Vendôme, et une partie de celui de Dunois,
c'est-à-dire cinq abbayes, plus de soixante prieurés, trois
églises collégiales et cent quatre-vingt-douze paroisses.
C'était une diminution dans le nombre des curés, et dès lors
* V. cette Bulle, avec les procès-verbaux d'enquête, dans les Mémoires du
Clergé de France^ t. Il, p. 111-198. Cf. Bibl. comm., Pintard. Recueil de
documents, mss. n® 1014.
— 332 —
une diminution dans le nombre des séminaristes à trouver.
Les vastes édifices projetés pour Beaulieu, par M^** de Neu-
ville, dépassaient manifestement les exigences du recrute-
ment sacerdotal. Le grand bâtiment du fond avec Taile qui
s'achevait, du côté du levant, paraissaient plus que suffisants.
On abandonna le reste.
Les directeurs du Séminaire n'avaient rien à voir dans
cette mesure d'administration, et même, à la rentrée de
novembre, rien ne parut changé. Tous les élèves apparte-
nant désormais au nouveau diocèse étaient revenus, car
l'évêque de Blois, M»** de Bertier, n'ayant ni évêché ni sémi-
naire, avait obtenu du Saint-Siège que les ordinands de son
diocèse fissent leur séminaire au Grand-Beaulieu jusqu'à
l'achèvement des bâtiments qui leur étaient destinés ^ Cet
état de choses dura deux ans. Le regret ne fut pas moins vif
dans le clergé de Chartres et tout spécialement parmi les
archidiacres dépossédés. M. Vuanet, l'ancien supérieur de
Beaulieu, avait été atteint dans son archidiaconé de Dunois.
Ce fut pour lui une rude épreuve et il s'en montra fort
blessé. Ce fut en vain qu'on lui conserva, ainsi qu'aux archi-
diacres de Vendôme et de Blois, son rang et son titre dans
le chapitre de Notre-Dame, en vain que sur l'abbaye de
Joyenval 2, donnée par le pape à l'évêché de Chartres en
compensation du démembrement, on lui avait assuré, comme
à ses deux collègues, trois cents livres de rente annuelle.
Ses collègues acceptèrent. Pour lui, il protesta qu'il ne
consentirait à aucune compensation, qu'il n'abandonnerait
rien de ses droits antérieurs, qu'il continuerait comme par le
* Statuimus quoque ut donec seminarium ad prcescriptum Concilii triden-
tini institutum fuerit, clerici sacris initiandt seu et initiati^ in seminario
Carnotensi educari et instrui poterunt. Bulle d'érection du diocèse de Blois.
Cf. Procès-verbal d'enquête. Ad octavum, dans les Mémoires du clergé, t. Il,
p. 111 et seq. Le nouvel évêque de Blois vint dès le début de son épiscopat,
rendre visite kM^ Godet des Marais. Il y a lieu de penser qu'il visita le Grand-
Beaulieu, pendant les jours qu'il passa a Chartres. Nous n'avons pu trouver
aucun document relatif à sa visite. A cette époque, les lazaristes finissaient une
mission à Morancez. Le jour de la clôture, b août 1698, les deux prélats se
rendirent à l'église de ce village. M?r Godet des Marais prêcha, donna la com-
munion pascale et fit faire la première communion aux enfants. L'évêque de
Blois administra la confirmation à près de 500 personnes. Arch. dép., G. 2933.
* L'abbaye de Jovenval était située entre les forêts de Saint-Germain et de
Marly. Son revenu était de 10,000 livres. Fouillé de 17 S8, p. 6.
— 333 —
passé ses visites dans tout le Dunois, démembré ou non *. En
face de cette opposition, les évêques de Chartres et de Blois
préférèrent temporiser. Sur leur demande, le Souverain
Pontife inséra pour M. Vuanet une clause toute spéciale dans
la Bulle d'érection, Tautorisant à conserver jusqu'à sa mort
ses droits et sa juridiction sur la partie démembrée de
l'archidiaconé de Dunois. C'est ce qui eut lieu 2.
La mort mit fin à ce conflit. M. Vuanet avait bien rempli
sa longue carrière. Successivement chanoine, archidiacre de
Dunois, supérieur du Séminaire, puis grand pénitencier,
supérieur des Ursulines de Chartres, il avait, dans ces diffé-
rents offices, si bien conquis la confiance des prêtres, qu'il
avait été nommé par eux député à l'assemblée générale du
clergé de France. Ces nombreuses sollicitudes ne l'empê-
chèrent point de conserver à son œuvre de Beaulieu un
attachement de prédilection. C'est là qu'il voulut recevoir la
sépulture. Décédé le mercredi 11 avril 1708, à Chartres,
« dans sa maison canoniale », il fut déposé le surlendemain
dans le caveau funéraire de la chapelle du Séminaire, à côté
de son prédécesseur en cette maison, M"" Camus de Bagnols^.
^ Fouillé manuscrit (Tun curé de Gouillons. Bibl. du Grand-Séminaire
St-Charles de Chartres. — Mémoires du clergé, 1. c. t. Il, p. 181, ad tertium
et ad quartum. — Brillon, Additions à la BibL chart. t. I, cahier 7, p. 86.
Bibl. comm., mss. 4073 : cf. Ibid., mss. 1016, fol. 118.
' Et casu quo modemus archidiaconus dunensis, ex nunc distractioni et
dismembrationi partis seu portionis sui archidiaconatus consentire et tali
compensationi acquiescere renuerii, nos jura et jurisdictionem ipsius in illa
parte seu portione sui archidiaconatus, ut prœfertur, distractâ et dismem-
bratâ, quamdin vixerit, et dictum archidiaconatum obtinuerit, reservamus.
Bulle d'érection. Cf. Mémoires du clergé, t. 2, p. 193, col. 1. Louis XIV
reproduisit cette exception dans ses lettres patentes pour l'érection du nouvel
évêché, mars 1698. Nous ne savons si cVst à l'occasion de ces prétentions, ou
pour d'autres raisons, qu'un conflit aigu s'éleva entre Mfi^r Godet des Marais et
M. Vuanet, dont il est écrit dans une note additionnelle au mss. de Claude
Joncquet : « En ladite année (1 702) la fierté du Sieur Vuanet, chanoine, un
des quatre archidiacres et pénitencier, l'a fait interdire de la confession et de
la charge de pénitencier par ledit Sieur Évéque. » Bibl. du Grand-Séminaire.
3 Dans la séance capitulaire du 12 avril (issue de matines), M. Gobinet rap-
pelle que M. Vuanet est mort la veille à 6 heures du soir, « qu'étant tombé en
apoplexie, sur les signes qu'il donna d'un grand regret d'avoir offensé Dieu, il
lui donna l'absolution qu'il reçut avec de grandes marques de piété : qu'on lui
administra ensuite l'extrême-onction... Chapitre ordonne que aujourd'hui à 10
heures et demie du matin le corps du défunt sera apporté à l'église oiî il lui
sera fait un service, qu'ensuite il sera mis en dépôt dans la chapelle Vendosme;
— 334 —
Plusieurs de ses confrères du chapitre étaient venus de la
ville pour lui rendre les derniers devoirs : M. Jacques Félibien,
Tancien professeur d'Ecriture Sainte et, depuis, chanoine et
archidiacre de Vendôme, MM. François de la Flèche,
Jacques de Ganeau, Mathurin Perrault ^ tous trois chanoines
de Notre-Dame, et M. Jean Gobinet, docteur de Sorbonne,
chanoine et chantre en dignité, lequel présida la céré-
monie 2.
En venant reposer au milieu des séminaristes, M. Vuanet
laissait au grand Beaulieu un autre témoignage de son
affection. Plus que personne, il avait compris la grande
œuvre du recrutement sacerdotal. Plus que personne aussi il
avait pu comprendre l'opportunité de l'œuvre des pensions,
et combien de fois sans doute il avait gémi de voir des
enfants arrêtés au seuil du Séminaire parce que toutes les
fondations avaient reçu leur application. Aussi, lorsque
quatre ans avant sa mort (14 juin 1704), il écrivit son testa-
ment, un de ses premiers soins fut d'y insérer trois articles
pour Beaulieu : le premier, pour s'assurer des Messes, l'autre
en faveur de l'œuvre des pensions, le troisième pour la
bibliothèque du Séminaire.
M. Vuanet donnait d'abord au Grand Beaulieu 300 livres
« pour un annuel de Messes basses » que les supérieurs
devaient faire célébrer immédiatement, et tous les jours
pour le repos de son âme. De plus, le Séminaire devait faire
célébrer à perpétuité une messe anniversaire aux mêmes
intentions, à la date de son décès. Il était spécialement men-
tionné que toutes ces messes devaient être dites dans la
chapelle du Séminaire, lieu de sa sépulture ^.
qu'après midi, après complies le corps sera porté à la Porte-Moral, ou il sera
remis à Messieurs du Séminaire. » Bibl. Commun. Mss. 1008-1009. Registre
des délibérations capitulaires. An. 1708.
* Il signe Pérot. On apportait alors très peu de soin à l'orthographe , et en
particulier à Torthographe des noms propres. Ainsi le nom de M. Wanet, ainsi
signé par lui, est écrit ailleurs Vuanet et Vanet, Le nom de M. de Bagnols se
trouve écrit Baignais,
' Registre des sépultures du Grand Séminaire de Beaulieu, Archiv. Commu-
nales Ë, 14, 1.
3 Testament de M, Vuanet, Archiv. Départ. G. 2935. Le testament spécifiait
que ces 300 livres devaient être prises sur Madame Grenet et M. Grenet, son
— 335 —
Un capital de 3000 livres, produisant annuellement 150
livres de rente, devait servir t à la nourriture d'un pauvre
séminariste » qui devait être choisi à perpétuité par MM. les
archidiacres de Dunois, dans la partie de cet archidiaconé
restée au diocèse de Chartres, après le démembrement de
1697, € en sorte néanmoins que ceux qui seront natifs de la
paroisse d'Yèvres seront toujours préférés aux autres, en cas
qu'il s'en trouve. » Aux termes du testament, le même sémi-
nariste ne pouvait jouir de cette « demi-bourse »que pendant
deux ans, durée régulière du stage clérical : et comme ces
150 livres ne représentaient que la moitié de la pension
alors exigée, M. Vuanet stipulait que les séminaristes titu-
laires de cette fondation, ou bien achèveraient à Beaulieu
Tannée scolaire « en y passant une demi-année à leurs
dépens », ou bien n'y demeureraient que les six mois
auxquels il était pourvu par le legs, • n'ayant pas le moyen
d'y ajouter du leur. » ^
Enfin M. Vuanet avait pensé à la Bibliothèque. Le Sémi-
naire, nous l'avons vu, avait déjà dans ses rayons de nom-
breux et importants ouvrages. M. Vuanet en possédait un
d'une grande valeur, qui justement manquait à Beaulieu.
C'étaient les Concilia Generalia du P. Labbe, en 17 volumes
in-folio ; superbe collection éditée en 1662 et beaucoup plus
complète que celle de Bini. Le Séminaire reçut avec recon-
naissance ce souvenir de son bienfaiteur, auquel le testament
adjoignait l'ouvrage alors estimé de Crespet « Snmma catho-
licse Mei, » ^
Ce fut le 28 juin suivant, après la levée des scellés, que
MM. De la Flèche et Gobinet, légataires universels. « frères
et conchanoines » du défunt , par devant MM. Dorinière et
de Pardieu, notaires capitulaires, délivrèrent au Supérieur et
au Procureur du Grand Séminaire les legs mentionnés par
fils, pour deux annuitésd'arréragesd'unerente constituée eu faveur de M. Vuanet.
Le capital de cette rente était une somme de 3000 livres, qui devait être donnée
par les débiteurs au Séminaire, pour la pension fondée.
• Ibid, article 10* du Testament. Nous avons vainement cherché la raison
de la préférence donnée à un jeune homme d'Yèvres.
2 Pierre Crespet, religieux Célestin, natif de Sens, mort en 1594, auteur de
plusieurs ouvrages de théologie.
— 336 —
le testament *. A Beaulieu, d'ailleurs, on n'avait pas attendu
ce temps pour commencer la célébration des Messes deman-
dées et déjà depuis quelques semaines Labbe et Crespet
avaient pris place dans les rayons de la bibliothèque. Quant
à la fondation de pension, nous verrons bientôt comment
l'exécution en fut assiurée.
Le Séminaire avait alors pour supérieur M. Pierre Fabre,
qu'assistait, dans le gouvernement de la maison, l'ancien
supérieur, le vénérable M. Denys Regnard. Le miraculé de
S. Vincent de Paul, M. Jean Bonnet avait quitté Beaulieu
pour devenir vicaire général de la Congrégation ^, et
M. André Cottard, qui lui avait succédé en 1703, n'avait pas
fait au Séminaire un long séjour. Le temporel était déjà au
mains du zélé procureur, M. Nicolas Darrest, qui pendant de
longues années devait rendre au Séminaire de si éminents
services. Le quatrième directeur était alors M. Antoine-Louis
Mareschal, qu'il ne faut pas confondre avec Jean-Baptiste
Mareschal ou Mareschaux, doyen du chapitre. ^
En cette même année (1708), un mois seulement après la
mort de M. Vuanet, l'on ouvrit de nouveau le sol de la chapelle
pour y déposer le corps d'un séminariste, décédé le matin
même (16 mai), le sous-diacre Guillaume Durand , originaire
de MeauUe, dans le doyenné de Poissy. C'était le premier
séminariste, dans les ordres sacrés, qui mourait au Grand-
Beaulieu.
Après les vacances, le Séminaire rentra, comme de cou-
tume, à l'automne de 1708. et paisiblement on passa le pre-
mier trimestre, sans prévoir les terribles épreuves qui, dès
le commencement de l'année suivante, devaient fondre sur
tout le pays. Ce n'est pas ici le lieu de redire le cruel et
désastreux hiver de 1709, que tous les historiens de Chartres
ont raconté : l'Eure glacée jusqu'au sable, les pauvres mou-
rant de froid dans leurs lits, les voyageurs gelés sur les che-
< Séance capitulaire du 24 juin. Bibl. Comm. Mss. 1008-1009 Ann. 1708.
3 Archives de la Congrégation de la Mission. Cf. Registre des Sépultures
Bibl. Comm. E. 14, 1. M. Bonnet devint, en 1711, supérieur de la Congi-é-
gation.
«Fouillé de 1738, p. 86. — Arch. Comm. Registre de Sépultures. —
Merlet, Biblioih. Chartrainey Mareschal
— 337 —
mins, les cadavres des oiseaux jonchant la terre, presque
tous les enfants morts de froid en naissant, les semences
entièrement perdues. Une horrible famine suivit ce désaatre. . .
Dans Chartres et la banlieue 3,400 pauvres étaient sans
pain ^
Quand de pareils fléaux sévissaient, TEvêque de Chartres
avait coutume de réunir au palais épiscopal, en assemblée
extraordinaire, tous les curés de la ville et de la banlieue,
ainsi que les dignitaires du clergé. Le supérieur de Beaulieu
s'y rendait fidèlement, ainsi que le curé du Coudray. Au nom
du Séminaire, et selon les ressources disponibles, il souscri-
vait pour l'assistance des malheureux, et ainsi les pauvres
du village de Beaulieu, ceux du Coudray et des Chaises, que
le Séminaire devait plus spécialement secourir, se trouvaient
compris dans les distributions générales de secours. Nous
verrons plus tard les curés de la ville s'opposer à cet ordre
de choses et exclure des secours les pauvres de la banlieue.
Pour le moment Ton s'en tint à l'usage, ce qui n'empêcha pas
les supérfeurs du séminaire de soulager directement plus
d'une infortune ^.
A cette misère, s'ajoutait pour le diocèse de Chartres une
nouvelle épreuve. Son Evêque, M«' Godet des Marais, était
mourant. Un travail opiniâtre pour maintenir la pureté de la
doctrine, des sollicitudes toujours croissantes pour ses œuvres
diocésaines, un lamentable conflit avec son chapitre de
Notre-Dame, enfin sa vie toute d'austérités et de privations
avaient achevé de ruiner sa santé depuis longtemps ébranlée.
Tout espoir de le sauver avait disparu.
Pourtant avant de quitter la brèche sur laquelle il luttait
si vaillamment, le zélé Pontife voulut porter un dernier coup
à l'ennemi. L'oratorien Juénin, professeur de théologie en
renom, venait de répandre le venin du Jansénisme dans un
' Journal de Michel Auvray, Mss. appartenant à M. R. Merlet.
2 Cette assemblée eut lieu le 21 mai 4709. Les souscriptions du clei-gé étant
insuffisantes, les curés des paroisses, assistés d'uii membre du Bureau des
pauvres, commencèrent le lundi suivant, une quête à domicile. Il y eut d'admi-
rables exemples de générosité et de désintéressement. Plusieurs riches habitants
de Chartres, qui moururent en cette année, avaient exprimé leur volonté d'être
enterrés à la manière des pauvres, afin que le prix des tentures et du luminaire
fut consacré au soulagement des indigents.
— 338 —
ouvrage destiné à la formation théologique des ordinands.
Déjà les Jnstituliones tbeologicœ ad usuni Seminarioruni
(7 volumes in-12) avaient eu quatre ou cinq éditions ; plu-
sieurs prélats les avaient louées et même les avaient adop-
tées pour leurs Séminaires. Le cardinal de Noailles, arche-
vêque de Paris, à qui le livre avait été déféré, se prononçait
au fond pour l'orthodoxie, et demandait seulement quelques
additions dans la forme. Alors M«^ des Marais éleva la voix,
et dans une magistrale et savante Instruction pastorale qui
n'a pas moins de 320 pages in-4**, il condamna les JusUtutiones
Tbeologicœ (25 juin 1708;.
« Les Institutions Tbéologiques, disait le prélat, composées
par le P. Juéniii pour Fusage des Séminaires et imprimées
plusieurs fois sous ce titre, faisaient espérer qu'on trouverait
dans cet ouvrage un précis de la plus saine et de la plus
exacte théologie. Le titre seul semblait promettre un corps
de doctrine conforme aux décisions de TEglise, fort éloigné
des pernicieuses maximes de ces derniers temps et propre
enfin à former ceux qu'on destine à llnstruction des fidèles
et à défendre la Religion contre les novateurs. Mais en
approfondissant cet ouvrage, nous l'avons trouvés! favorable
aux erreurs de Jansénius que nous aurions tout lieu de
craindre les suites des préventions fâcheuses qu'il laisserait
dans plusieurs esprits de notre clergé, si nous ne les précau-
tionnions contre une si subtile et si dangereuse séduction,
par une instruction particulière qui leur en découvre l'ar-
tifice et le venin ^ »
Le prélat entrait ensuite dans l'examen du livre, réfutait
les évasions subtiles de l'auteur pour se soustraire aux
condamnations de Rome, et démontrait qu'en réalité le livre
renfermait les cinq propositions de Jansénius.
^ Ordonnance et instruction pastoraleportani condamnation des Institutions
théologiques du P. Juénin (25 juin i7(fe), Chartres, André Nicolazo, 1708,
in-4o. Le P. Juénin répondit à M?'' Godet des Marais, par des Remarques sur
r Ordonnance de VEvéque de Chartres touchant les Institutions théologiques
de Juénin, Il publia ensuite une Dénonciation des théologies de Bécan, Abély,
etc., aux évéques de Chartres et de Noyon, dans laquelle le P. Juénin appor-
tait des textes de théologiens en faveur de sa doctnne. Au nom de Ue^ des
Marais, le vicaire général. M. Mareschal, répondit. La mort de TEvèque de
Chartres mit fin à ce conflit.
— 339 —
Ils gémissait en terminant sur « le scandale où il (le P.
Juénin) a fait tomber de jeunes ordinands et peut-être plu-
sieurs des maîtres qui les ont instruits. » Il flétrissait « l'arti-
fice, les équivoques et le déguisement odieux pratiqués en
tant d'endroits de cet ouvrage, par lesquels « cette perni-
cieuse doctrine s'est introduite dans les Séminaires. »
L'on pense bien que le vigilant évêque n'avait pas permis que
le Grand-Beaulieu fût de ce nombre. D'ailleurs, la Congrégation
de la Mission recevait encore de trop près l'influence de son
saint fondateur pour que sa doctrine se ressentît des nou-
veautés. Aussi, lorsque, pour obéir à l'ordonnance, llnstruc-
tion fut lue publiquement au Séminaire, personne n'eût
besoin de faire ni rétractation ni soumission.
Ce fut le dernier combat de ce Pontife, qui en avait glo-
rieusement soutenu tant d'autres. L'heure était venue de
déposer les armes. M»' des Marais voulut les remettre lui-
même aux mains plus vigoureuses, sinon plus vaillantes,
d'un homme de son choix. Son neveu, « à la mode de Bre-
tagne », M. Charles de Mérin ville, occupait depuis deux ans
dans l'église de Chartres la charge d'archidiacre de Pinse-
rais. Sa jeunesse semblait devoir l'éloigner pour plusieurs
années encore de l'Episcopat * , mais il était de ceux en qui
les vertus suppléent les années. Son oncle le demanda au
Roi comme coadjuteur, et l'obtint. (19 avril 1709).
On était alors au plus fort de l'épouvantable hiver. Le
moment était bien choisi pour élever à l'épiscopat cet autre
S'Charles, qui se dévoua, en effet, comme on pouvait l'attendre
de sa vertu. Ce fut lui qui présida la réunion de charité
tenue à l'évêché, car M»^ Godet des Marais, décidément
atteint d'un ulcère aux poumons, avait été demander aux
eaux de Bourbon quelque soulagement. Le vénéré malade
revint à Chartres pour faire un suprême appel à la Charité,
puis il se prépara à mourir ^.
Deux jours avant sa mort, « étant au lit malade de corps
et sain d'esprit >, en présence du doyen du chapitre, du
sous-doyen, du grand archidiacre et d'un prêtre de S^Sulpice
^ M. de Mérinville était alors âgé de 27 ans.
^ Lettre pastorale au clergé et aux fidèles de son diocèse, du 19 juin 1709.
— 340 —
de ses amis, M. Dizerand, il dicta au notaire royal Paul
Goussard ses dernières volontés.
Sa première pensée fut pour son digne coadjuteur : « Pre-
mièrement ledit seigneur testateur a dit que la grâce que le
Roi a faite au diocèse de Chartres en lui accordant pour
coadjuteur et successeur M. Tabbé de Mérinville, ayant fait
un grand changement par rapport au dit diocèse, en fait un
aussi par rapport aux anciens projets du dit seigneur
testateur, lequel a cru ne pouvoir rien faire de plus utile
pour le bien du troupeau que la Providence a confié à ses
soins, que de mettre son coadjuteur et successeur, M. Tabbé
de Mérinville, abbé de S* Calais, en état de servir ledit diocèse
et de faire les aumônes et bonnes œuvres qu'un bon
prélat doit à son troupeau; que dans ses vues et les
assurances que mondit Seigneur a de son zèle, de sa
piété, de son désintéressement et de sa grande charité
pour les pauvres, mondit Seigneur a, par ces pré-
sentes, déclaré qu'il donne et lègue à mondit sieur abbé de
Mérinville, son coadjuteur, généralement tous ses biens,
meubles, effets, dettes actives et tout ce qu'il peut lui donner
par testament, le faisant son légataire universel et exécuteur
du présent testament, à la charge par ledit sieur de Mérin-
ville, payer toutes ses dettes mobilières et immobilières dont
sa succession sera trouvée chargée, si aucune s'en trouve au
jour de son décès, et d'exécuter toutes les autres dispositions
ci-après énoncées, même celles qui pourraient être après
faites par codicilles.. J.
L'une de ses dispositions concernait sa sépulture. Le Prélat
ordonnait que s'il mourait à Paris, son cœur fût porté à la
maison de S'Cyr, dont il était resté le directeur et le conseiller
et que son corps fut inhumé dans l'église S' Sulpice. Il voulait
au contraire que s'il décédait à Chartres, son corps fut
déposé dans l'église de son Grand Séminaire de Beaulieu.
« Et en l'un et l'autre desdits lieux où il décédera, ledit
Seigneur Testateur ordonne que ce soit le plus simplement
et aux moins de frais qu'il se pourra. »
Avec ce témoignage d'affection, M**" des Marais donnait
Testament de Jtfs'Gorfe^de^^faraw (26 septembre 1 709). Arch. Départ. G. 2.
— 341 —
encore mille livres à son Séminaire. Si Ton compare ce don
aux autres contenus dans le testament, on est porté à se
demander pourquoi il était le moins élevé de tous. Le Prélat
donnait en effet 3000 livres au Bureau des Pauvres, 2000 à
l'Hôtel-Dieu, 5000 à la cathédrale « pour avoir un ornement
complet, » 6000 aux pauvres des paroisses dont il était le
Seigneur. Mais il faut se rappeler que, pendant son épiscopat,
Ms' des Marais avait beaucoup dépensé pour l'érection de ses
quatre petits Séminaires à Chartres, à S*-Cyr, à Fresnes et à
Nogent-le-Rotrou ; qu'il y entretenait à ses frais trente ou
quarante pauvres séminaristes; et que bien sûr, en
léguant à M. de Mérinville tous ses biens « pour faire les
aumônes et bonnes œuvres qu'un prélat doit à son troupeau »,
il l'avait chargé verbalement de pourvoir avant tout
aux besoins de ses Séminaires et de continuer ce qu'il
avait fait lui-même pour l'entretien des ordinands peu for-
tunés.
C'était le 26 septembre 1709. En parlant dans son testa-
ment de dispositions « qui pourraient être ci-après faites par
codicilles », le vénéré malade ne pensait pas être si proche
de sa fin. Le surlendemain il rendait son âme à Dieu, après
avoir reçu solennellement les derniers sacrements en pré-
sence de tout son chapitre, auquel il eut encore le courage
de faire une suprême exhortation. * Il mourait dans la joie
d'une vie bien remplie et du bon combat soutenu jusqu'à la
fin. Quelques jours auparavant, le Bref de Clément XI le
félicitant de son Instruction contre le livre de Juénin,
avait donné une solennelle sanction à tous ses ensei-
gnements et comblé de joie le vénérable mourant (7 sep-
tembre 1709).
Les cérémonies des funérailles à l'Evêché et à la cathé-
drale n'entrent pas dans le cadre de notre histoire. Elles furent
dignes d'un si éminent prélat. Toutes les communautés
vinrent à leur tour psalmodier l'office des morts près du
I Cette exhortation fut incidentée d'un trait qui fit rumeur dans le clergé
chartrain. M. Fauvelier, chanoine, qui faisait sous-diacre à cette cérémonie, se
trouvant près du Ht, le Prélat, au milieu de son exhortation, remarqua qu'il
portait une très riche perruque. Ce que voyant avec déplaisir, il se mit à parler
contre les perruques et fit une sévère sortie contre le chanoine. 11 mourut peu
après. Janvier de Flainville, Evéques, Bibl. Comm. mss n« 4011, IV.
— 342 —
corps, exposé dans la chapelle épiscopale sur un lit de
parade, revêtu de la mitre et de la chasuble violette ^
Pour le Séminaire, il se trouvait alors dispersé par les
vacances; seuls, les prêtres présents à Beaulieu, et les Sémi-
naristes voisins, vinrent rendre à leur évêque les derniers
devoirs.
Ce fut dans l'après-midi du 2 octobre que la dépouille
mortelle du prélat fut transportée, suivant sa volonté, au
Grand Séminaire. Tous les corps officiels, qui le matin
avaient assisté à la messe solennelle à la cathédrale se
réunirent de nouveau à trois heures pour la procession
funèbre. C'était un superbe cortège. En tête marchait le
Vidame avec des tambours garnis de drap noir. La maré-
chaussée suivait en habit d'ordonnance, accompagnée de
tous ses officiers, et tous les archers étaient armés de leurs
mousquetons. Venaient ensuite dans l'ordre réglé pour les
processions générales, toutes les œuvres de charité de la
ville; le clergé séculier et régulier. Derrière le cercueil,
M»^*" de Mérin ville conduisait le deuil; il était accompagné
d'un chanoine. Un valet le suivait « portant sa robe. » Deux
autres neveux du défunt marchaient à sa suite ; M. l'abbé
Guenet et M. l'abbé de Tlsle, également vêtus de robes traî-
nantes, que soutenaient des serviteurs. Douze chanoines
deuillants suivaient en camail ; enfin le Présidial marchant
sur la droite et le corps de ville sur la gauche, l'élection, les
administrateurs du Bureau des Pauvres et tous les corps
constitués. Le cortège s'arrêta à la porte Saint-Michel ou de
nombreux caresses attendaient. L'un d'eux reçut le cercueil
et deux prêtres du Séminaire se placèrent de chaque côté,
récitant les prières des morts ^. Dans les autres voitures
prirent place Ms"^ le coadjuteur et les deux autres neveux
ainsi que plusieurs chanoines.
A Beaulieu, on avait dressé une estrade funèbre dans la
• Les religieux de Saint-Père n'étant que quatre refusèrent de remplir cet
office .
2 Ces deux prêtres du Séminaire étaient M. Pierre Fabre, supérieur et
M. Antoine Mareschal, dont les noms se trouvent dans Tacte de sépulture avec
ceux de MM. Gobinet, Mareschal, doyen, et Florent de Ganeau, sous-doyen.
Registre des Sépult. du G. Beaulieu. Arch. Comm. E. 14. G. — Journal de
B, LeEeron, appartenant à M. Merlet; — Registres capituL An 1709.
— 343 —
cour d'honneur. A Tarrivée du cortège le corps y fut déposé,
et après quelques prières liturgiques, on le transporta à la
chapelle où devait avoir lieu, le lendemain à 10 heures, le
service d'inhumation. Ce fut M. Gobinet, chantre en dignité,
qui célébra la Messe, à laquelle deux autres chanoines
firent diacre et sous-diacre, et deux autres « porte-chapes ».
Les corps officiels n'y assistèrent point. Cependant le premier
président, M. Nicole , le maire de Chartres, M. Noël ,
MM. Goault et Auvray, présidents de l'élection, et plusieurs
autres dignitaires, tinrent à y être présents, honorant en
même temps la mémoire du défunt et le digne prélat qui
présidait ce deuil solennel. M?^ de Mérinville était en effet
revenu à Beaulieu, pour la sépulture. Et quelles pensées
devaient remplir son cœur à la vue de ce Séminaire, dont il
devenait dès lors le premier supérieur et le Père ? En voyant
descendre dans le caveau de la chapelle celui dont il avait
si bien connu le zèle pour la formation des clercs, quels
désirs il concevait lui-même de poursuivre cette grande
œuvre, soit à Beaulieu, soit a S. Charles, et partout où il y
avait des vocations à soutenir I
Par ordre de M^' de Mérinville, un dîner avait été préparé
dans le réfectoire du Séminaire et tous les assistants de dis-
tinction avaient été priés de s'y rendre après l'office. Il s'y
trouva plus de soixante personnes. Un des chanoines pré-
sents nous a laissé une note manuscrite sur le menu même de
ce dîner. Dans sa naïveté, elle a une couleur locale qui nous
la rend précieuse : « Le réfectoire dans lequel on a mangé
était presque rempli. Tous ont mangé à la portion, comme il
se pratique dans les Séminaires. On a servi d'abord une
soupe à chacun, avec un pigeon dessus, sans autre bouilli.
Ensuite deux pigeons à la compote, pour entrée, et un gros
poulet pour tout service. Pour dessert, deux petits biscuits,
avec un morceau de fromage. On a fait la lecture pendant
tout le repas. » ^
Par les soins du nouvel évêque de Chartres, un monument
funèbre fut placé dans le chœur de la chapelle, en regard
de celui de M*^'' de Neuville. L'épitaphe suivante, peut-être
un peu longue, retraçait en abrégé la vie du Pontife défunt :
^ Journal de Michel Auvray .
— 344 —
Hic exspectat beatam spem
Corpus III. ac Reverendiss. in Ghristo Patris
DD. Pauli Godet des Marais
Episcopi Garnotensis
qui clericali militiae, gœlo vocante, adscriptus
VlTAE INTEGRITATE DILEGTUS DeO
DOCTRIN/Ë LUGE AC PURITATE EcCLESliE PERUTILIS
ReLIGIONIS STUDIO S. S. PONTIFICIBUS PROBATUS
Omnibus boni antistitis virtutibus régi acceptus
Universo gregi charus vixit.
Regio s. Gyrici Parthenonï moderando pr^positus
GoNSiLio AC Sapientia
Majori se administratione, dignum pr^buit
huic dioecesi episcopus divino beneficio concessus
Sacros ministros egenos urbem provinciam
Optimis moribus et sanctiore disciplina
Propriis fagultatibus et exemplis
Instruxit pavit juvit excitavit confirmavit
Glero Garnotensi ganonicam institutionem
eruditionem necessariam utriusque perennitatem
providit atque in posterum asseruït
Antique fidei depositum vigilantissime servavit
PeRITISSIME ac STRENUE DEFENDIT
Ejusdem fidei HOSTES summa sagacitate detexit
Pari animo ac scientia debellavit
Frequens verbi divini pr^dicatio, condita seminaria
Atque in tenuiorum clerigorum subsidium dotata
Institut^îc inter parochos de fidei morumque doctrina
DiSCEPTATIONES ASSIDUiE
Pr^escripta eisdem in HOS ASCETARUM secessu exercitia
Ad revocandum pietatis ardorem identidem repetenda
EOREGIiE LUCUBRATIONES
Honorificentissimum de illis Ghristi Vicarii JUDICIUM
Affecta semper valetudine cura ovium indefessa
Mors ipsa acriori labore accelerata
Et pie inter pastoralis officii functiones obita
VI Kal. Octob. An. Ghristi MDGGIX ^tat. LXII
Episcopat. XX
iETATI SUAE PaULUM COMMENDARUNT
Posteritati TRANSMITTENT
Garolus Franciscus des Monstiers de Merinville
Pauli in sede successor avunculo beneficentissimo mœrens posuit.
Abbé Renard.
INVENTAIRE
DES
REGISTRES, TITRES & PAPIERS
DE L'HOTEL DE VILLE DE DREUX
Fait en l'année 1765.
AVANT-PROPOS
Les archives de la ville de Dreux ayant été détruites pen-
dant la Révolution de 1793, et les Archives Départementales
ne possédant guère sinon point de documents sur notre Ville,
nous pensons faire œuvre utile en publiant aujourd'hui
dans toute l'étendue du texte que nous avons trouvé et avec
la reproduction fidèle de son orthographe, Y Inventaire des
Registres, Titres et Papiers de ï Hôtel' de -Ville de Dreux ^
fait en Tannée 1765, dans lequel on trouve de précieux ren-
seignements pouvant servir à l'histoire de notre vieille Cité,
sur le salaire des fonctionnaires et des ouvriers, ainsi que
sur le prix des denrées et des matériaux aux xvi* et xvii«
siècles, et notamment sur la construction de notre Hôtel
de Ville, ce bijou de la Renaissance, tant admiré des archéo-
logues et des artistes.
Mais laissons l'auteur nous présenter lui-même son travail :
« Le présent inventaire contient l'état de tous les registres,
» titres et papiers de l'Hôtel de Ville de Dreux, trouvés
» existans dans les archives en l'année 17G5, en laquelle
» étoient officiers MM. Henry Cagnié, maire, Pierre-Martin
» Bureau, premier échevin, Jacques Auvry, second échevin
» et Guillaume Cheddé, procureur sindic, dressé en l'état cy-
T. XII, AT. 23
— 346 —
» après par Laurent Desjardins, greffier du dit Hôtel de Ville,
» pour satisfaire à Tédit du Roi du mois d'août 1764, concer-
» nant la nouvelle nomination d'officiers municipaux et Tad-
» ministration des affaires des villes et bourgs du Royaume.
» A commencer par les comptes-rendus aux maires, pairs
•> et échevins de la Ville et à la Chambre des Comptes à
>» Paris, en présence des commissaires qui étoient alors
» nommés, de la recette et dépenses faites par les receveurs
» des deniers d'octrois et patrimoniaux de ladite Ville, depuis
» Tannée 14^ jusqu'à Tannée 1674; les dits comptes ont été
>» liés et mis en 12 registres en 1764, desquels il en manque
» plusieurs qui apparemment ont été perdus ou autrement.
» La recette consistoit dans Toctroi nommé Droit de Cbo^
» qm^t ou appetissoment de la dixième partie de la mesure
» des vins et autres boissons vendues en détail dans la ville,
» fauxbourgs et Château de Dreux, accordé à la ville par
« lettres patentes données par les Rois de France.
» Dans d'autres droits, aussi accordés à la ville par lettres
» patentes, à percevoir sur chaque septier ou minot de sel
» vendu au grenier à Dreux et dans les villes de Nogent et
>^ Chàteauneuf, lesquels ont existé plus de 100 ans et ont été
» ensuite supprimés,
» Ditns les loyers et fermages des caves sous THôtel de
^ Ville, boutiques de la ix^issonnorie. des tourelles, de la
* tour Hannequiu, du ix>ntage et pavage, de Tessai des che-
V» vaux, du chantolage dos vins, du greffe de la VîUe, lors-
» qu il a eu lion, du moulin des Bleuras, des terres du champ
> dAllouotios, eio,
» La dé^vuse consistoit dans les re-ivinuions a faire aux
* murs et fonidoatic»ns de la Ville, des fossés, des ponts et
^ |\arages à laire à la rivière neuve de Dreux à Fermain-
» coiirtx îvur la rer.^lre navij^tble, à faire à TH«Mel de Ville,
^ aux portos do la Ville, aux tourelles, aux l»i:»uîiq\ios de la
* poi>5^-nr.orîe et gtî;ora;er.;er.ï on ce qui o>nvoïioiî faire
*■ tant pi'iir Tov.troîion do la Ville qr.o f»c»ur s^vaienir les
» guerres qui se <c«r.t in:»uveès fones oi freqiionîos : coninie
^ au?5si à }Viyer les charges, les taxes qui • »ï:i rte demai^dêes,
^ à 5H:\;:or.:r les ttwvs, oîc.
-n
— 347 —
» Ensuite du présent inventaire sont plusieurs remarques
» tirées par extrait de plusieurs sortes de choses qui ont été
» faites et passées en différentes années ainsy qull est
» énoncé dans les comptes rendus par les receveurs de la
» ville, qui pourront faire plaisir à quelques lecteurs et dont
» quelques unes peuvent devenir utiles pour les intérêts de
» la Ville.
> Et à la fin il y a un extrait de nominations de Maires,
» Echevins et Procureurs sindics de la Ville, ainsi que des
» greffiers à commencer de Tannée 1700, n'ayant pu en
» trouver au dessus, attendu les manques des registres et des
» actes. >
Nous avons trouvé une note indiquant qu'en juillet 1773,
Laurent Desjardins a donné copie de cet inventaire à MM. Le
Prince, Marquis, Cornu, Delaloge, maire, echevins et asses-
seurs alors en charge, en présence du S*^ Dumesnil, syndic-
receveur et qu'il leur aurait remis en même temps tous les
titres, papiers et registres, même les matrices de la Ville et
les clefs des armoires renfermant les archives, celles du
coffre-fort qui est construit dedans, et celles de la porte de la
Maison de Ville, des portes du pied de Tescalier et de la
Chambre du Conseil. — Il ajoute, d'ailleurs, « du tout ils
» m'avoient promis de me donner une décharge, ce qu'ils
» n'ont pas fait, dont j'en suis fort peu en peine. »
Une de ces copies, sinon l'original introuvable quant à
présent, existait encore dans les archives de la mairie de
Dreux en 1877. — M. Lucien Merlet, le regretté et savant
archiviste d'Eure-et-Loir la signale et en donne un exposé
sommaire dans son Inventaire des Archives Département
taies *, avec cette indication qui aidera peut-être à la
retrouver :
t AA, 1 (Registre). — In-folio, papier, 78 feuillets ».
Est-ce une autre de ces copies que nous aurions eue entre
< Archives civiles. Série E (Supplément, Tome IV 1877), page 226
(2* colonne).
— 348 —
les mains? Je ne le croîs pas. — C'est cependant un manus-
crit déjà ancien que M. Batardon, ancien maire de Dreux,
avait recueilli de la succession Louvet-Julienne — vieille
famille drouaise, — et c'est grâce à l'obligeance de sa parente
et héritière, M"*® veuve Letartre, qui nous en a permis la
publication, que nous pouvons offrir ce documenta la Société
Archéologique d' Eure-et-Loir. — Qu'elle reçoive ici avec nos
sincères remerciements l'hommage de notre bien vive recon-
naissance * .
G. G.
Juin 1899.
^ Un peu plus tard, dans le Rapport qu'il adresse annuellement au Conseil
général, M. René Merlet, le sympathique archiviste d'Eure-et-Loir, s'exprimait
ainsi sur le même sujet :
« Relativement aux archives de la municipalité de Dreux, M. l'Inspecteur
» général attirait, il y a trois ans, mon attention sur la disparition d'un manuscrit
» coté AA. I, et renfermant un ancien inventaire des titres de THôtel-de- Ville.
» Lors d'un voyage que ie fis à Dreux pour rechercher ce registre, le secré-
» taire de la mairie me répondit qu'en raison des travaux d'aménagements qu'oa
» faisait à l'Hôtel de ville, ce volume avait pu être égaré, mais que, quand les
» travaux seraient terminés, il s'efforcerait d'en retrouver la trace. J'ai su depuis
» que le manuscrit disparu n'avait pas encore fait retour aux archives munici-
» pales; j'ai appris en même temps qu'un collectionneur de Dreux avait découvert
» chez un particulier une copie de ce même manuscrit et qu'il s'apprêtait à la
blier en entier. Cette publication aura l'ava
a perte du registre original »
(Rapp. du Préfet, 1899, p. 252-253.)
» publier en entier. Cette publication aura l'avantage de suppléer provisoirement
» a la perte du registre original »
— 349 —
REGISTRES
Le premier Registre contient les comptes rendus de la
recette des droits du Choquet et du Sel et de la dépense par
MM. Pierre de Saint-Aulbin, des années 1495, 1496, 1497;
Guillaume Percheron, 1501, 1502, 1503;
Renault Le Charpentier, 1504, 1505, 1506;
Pierre Badouleau, 1512, 1513;
Thibaut Prunier, 1510.
Le deuxième Registre contient les comptes de
MM. Guillaume Buhot, 1629;
Pierre Buhot;
Martin Margas;
Pierre Secouret;
Guillaume de La Censerie ;
La veuve Michel Brisset ;
François Renou ;
Nicolas Quiquebœuf;
Guillaume Brisset (dernière année 1674).
Un autre registre, etc., de délibérations, etc.
350 —
TITRES ET PAPIERS
PREMIERE LIASSE
Les Chartes •
Une copie imprimée en laiin ei françois des Chartes de
la Ville, des tlrc»:îs et privil-^s ilonnês par les Comtes de
Drenx aux boarge«jis et habiians de la Ville en 1180, 1260.
1274 et autres années : ensen^ble la copie des lettres patentes
confirmatives des diis drc-its et privilt^es.
Armes vr la Ville '
La représentation des armes de la Ville en or et
azur sur deux quarrés de parcheciin données aux habitans
I^ir les ar^ciens comtes de r»reux. au dos de Tnn est
ecriî : - Robert Je Fr:ir.ce. î:I> de Loui< VI, r»>i de France.
» c» iiite de iTeux. faisant orilînaire:i.ei.i sa demeure dans la
• Tîlle «le I«reux. ain.a tant les habiians qu'après leur aroir
• c-^ir^-'Ve î lusîeîirs privil^^-es il leur donna encore ses armes
* •jui s-^nt VK •; -.1; r: : - f:r -' -irtz::.-. ne réservant que le
♦ t-:r*î de gueuîe et au lieu du l-nl de gi;eule. il fit mettre
» une branche de che>ne à Teniour. lequel chesne les Druides
♦ >.'rîenî en chan.p «rar^at avec le gui sonant d'icelui.
» l>eruis ce lesis les habiians ont louj* iir? |^:»rté et portent
• L?s -hv-;^ y- A ^:l-f > Ir^jx <•:- : .i:-?^ i^ irrj?if< ll^^^-Iffi^IfTi-
iriiT-ti^Kî ^: ii'± r. .ts Irirry^ r^tritrs iu r : L -> XIT fes cvrjL-Kiol.
• .: f^«f ■:■ >t-* î Pi_-i>. r: o :> i *::orfe !»>*'A L>s ^it éit rsfri^ôe^.
J^>i- ^ : :;:•':. i JL.^n-ff fur. %. Fvrr^O ft»c y>. iVji^O:c:;<. Mkb^. )i^aif;>lrW
*\ Ptirry J .u^^_-. P>js^ rt Es^tfMi-^ -i- i: I"-«i\. ïEOJStre C^sét IWCnm.
A'.ii!:». >r»>:a: riJLÛT^ ^' .tnte vl.*. ?? ÀKii^f^s»^ JKr Àe 101^ lti5T •-
— 351 —
« encore ces armes tellement que Téchiquier environné de
» chesne est une conjonction des armes des Druides avec
» celles du Seigneur Comte de Dreux.
»> Par ordonnance rendue le 14 février 1C08 par MM. les
» Commissaires généraux du Conseil, députés sur le fait
» des armoiries les armes telles qu'elles sont ici peintes
» et figurées, après avoir été reçues ont été enregistrées à
» Tarmoirial général dans le registre cotlé Généralité de
» Paris, en conséquence du payement des droits réglés par
»> le tarif et arrêt du Conseil du 20 novembre 1C9G, en foi de
» quoi le présent brevet a été délivré par nous Charles
» d'Hosier, conseiller du Roi et garde de Tarmorial général
» de France, à Paris le 3 avril 1698, signé d'Hosier. »
1512. — 1613. — 1741. — L'Oiseau de la Vhxe -
Une ordonnance des Maire et Pairs de la Ville de Dreux
pour être payé du droit accordé au Roi de l'Oiseau (appelé
anciennement papeguay) du 25 avril 1512.
Une copie collationnée des lettres patentes données
aux habitans de la Tille de Dreux sur la requête par eux
présentée au mois de mars 1613, par laquelle le Roi accorde
à celui qui abattera le papeguay l'exemption des tailles,
aides et autres impots pendant l'année.
Une délibération des Maire et Echevins et partie des
40 pairs de la Ville, approuvée par M. d'Argenson, intendant,
en date du 18 janvier 1741, qui accorde la suppression de
l'Oiseau, i Cotte 20'.
* D'après le manuscrit de A. Donnant, les anciennes annoiries de la ville de
de Dreux, remplacées, coimne nous le voyons, au xip siècle, par celles qui
enstent encore aujourd'hui, étaient : « un chêne de synople sur un champ
d'azur > avec cette légende : • Au guy Pan neuf ».
' Il existait autrefois, dans un grand nombre de villes du nord et notam-
ment dans notre contré<». à Dreux, Chartres, Chàteauneuf-en-ThjTnerais et
Gbàteaudun des Compagnies d'Arbalétriers dites de f Oiseau Royal, ou Compa-
gnoms du Papeguay. qui étaient étabhes sur le pied militaire, toujours prêtes,
au moyen-âge, à marcher en gu**rre. au prenuer signal de leur chef «Capitaine*,
mais qui devinrent, par !a >uite, beaucoup plus pacifiques, ne se bornant même,
en dernier lieu, qu'à faire escorte au Corps de Ville dans les cérémonies
d^apparat.
Celle de Dreux semble avoir formé une compairnie très bien organisée.
Elles furent toutes supprimées vers le miheu du xvni* siècle.
— 352 —
1532, — Bulle d'indulgence ▲ la Charité *
Une copie imprimée de l'Indulgence plénière accordée
en 1532 par le Pape Urbain VIII, aux frères de la Charité de
Dreux. (Cotte 21).
1282. — Prieuré de Fermincourt ^
Une copie sur papier, non signée, de la fondation du Prieuré
de Notre-Dame des Sept Joies à Fermincourt de Tordre des
Prémontrés, par Robert comte de Dreux et de Montfort et
Béatrix, sa femme, en Tannée 1282, avec plusieurs biens
laissés pour la fondation. (Cotte 22).
1604. — Chemin de Saint-Martin a Saint-Denis^
Une délibération en papier, non signée, du 4 août 1604,
touchant Téchange faite avec M. Pasquier Neveu et le
procureur sindic de la Ville, d'un chemin qui conduit de
S^-Martin à S'-Denis. (Cotte 26).
Inondation en 1677
Procès-verbal du 16 janvier 1677, signé Rotrou, de la visite
faite des désordres arrivés dans la ville et fauxbourgs en la
dite année par Tinondation des eaux qui a été terrible. Les
ponts ont été emportés, les murs dégradés, beaucoup de
maisons et jardins mis en ruines, ainsy qu'il parroit par ledit
procès- verbal. (Cotte 27).
* On trouvera le texte de cette bulle dans un ouvrage que nous préparons,
' sous ce titre : Documents inédits sur la Confrérie de la Charité de Dreux
(1550-1793).
^ Fermaincourt, village situé à 4 kilomètres de Dreux, au pied de la forêt de
ce nom, dépendant des communes d'Abondant, Chérisy et Montreuil, était autre-
fois une ville gauloise d'une certaine importance et le cintre de plusieurs établisse-
ments du culte druidique. Il s'y trouvait, conmie à Chartres, un autel dédié à la
Vierge qui devait enfanter {ibi olim altare Virgini pariturae dicatum).
Robert IV, fondateur du prieuré de Notre-Dame des Sept Joies, Toctroya, ainsi
que celui de Notre-Dame des Pézeries, fondé au même lieu par son ancêtre
Robert II, en 1185, aux moines de Saint-Yves de Braine, avec une rente peq)é-
tuelle de 100 sols pour la célébration d'un service annuel.
Il ne reste plus aujourd'hui que quelques ruines de la chapelle.
3 Ce chemin a été supprimé lors de la construction de la gare du chemin de
fer, et remplacé par les rues dites de la Gare et des Rochelles.
— 353 —
Chartres. — Appel
Pièces et procédures qui déchargent la ville de Dreux
d'aller par appel à Chartres. (Cotte 28).
1676. — Nominations
31 mai 1676, nomination de M. Charles Cagnyé pour Maire.
2 juin 1676, nomination de Louis Lemenestrel pour procu-
reur syndic. (Cotte 29).
1677. — Composition du Corps de la Ville
25 juin 1677, arrêt du Conseil qui ordonne que le corps de
la Ville de Dreux sera composé d'un Maire, de deux Echevins
et d'un procureur sindic. (Cotte 30).
DEUXIÈME LIASSE
Octrois Choquet
28 lettres patentes données et accordées par les Rois de
France aux Maire, pairs, echevins et habitans de la Ville de
Dreux, ensemble 6 lettres d'enregistrement à la Chambre des
Comptes de Paris et une en l'élection de Dreux, les dites
lettres dattées de 1454 à 1629, par lesquels est accordé par
continuation pendant une, deux, trois, quatre, six, huit et
neuf années de levés sur eux un aide nommé Choquet ou
appetitement de la dixième partie de la mesure des vins et
autres boissons nommées breuvages, vendus en détail dans
la Ville, fauxbourgs et Château de Dreux, à la charge que
les deniers seront employés aux réparations, édifices, forti-
fications et remparts et autres affaires de ladite Ville, ainsy
qu'à l'Hôtel de Ville et à l'horloge.
1638-1640
Une copie collationnée d'un arrôt du Conseil du 24 juillet
1638, confirmant autres arrêts, qui ordonne par supplément
la levée d'une somme sur les octrois de chaque Ville et une
quittance datée du 1*^ janvier 1640 de 3,500 livres, à laquelle la
Ville de. Dreux a été fixée et payée au sieur Gruénegaud^ thré-
— 354 —
sorier des Epargnes du Roi, par les Maire et Echevins; au
moyen de ce payement les octrois ont été confirmés et conti-
nués pendant 12 ans.
1478
Un acte du 13 octobre 1478 par lequel le Bailly de Chartres,
accompagné de son greffier, commissaire député par le Roi,
à la requête d'Antoine de Villiers, maire, Renauld Jabin,
procureur de la Ville et des pairs communs, à faire rendre
compte aux fermiers des droits d'aide nommés Choquet,
ordonne que les deniers restant seroient employés aux répa-
rations et fortifications de la Ville. (Cotte 38).
De 1483 A 1555
15 baux du droit de Choquet depuis 1483 jusqu'en 1555, à
la charge, outre le prix de l'adjudication, de payer par an
14 liv. parisis pour le luminaire de S^- Pierre ^ (Cotte 39).
1644. — Octrois sur les Marchandises et denrées
2 copies en papier ordinaire, non signées, des 25 mai et
3 décembre 1644 oîi il est ordonné sur la requête présentée
au Roi en son conseil, de lever pendant 6 années les droits
d'entrée sur diverses marchandises et denrées vendues et
consommées dans la Ville, énoncées au tarif présenté par les
Maire, pairs, echevins et habitans, pour aider à acquitter les
dettes de la Ville.
* Dans lorigine cette église n'était qu'une chapelle, dédiée à Saint-Sébastien,
dépendante d'un couvent de bénédictins, qui occupait toute la partie de la ville
comprise entre l'impasse Tillot, les rues du Mur, Bordelet, Godeau et partie de
la place Métézeau.
On trouve déjà le vocable de Saint-Pierre au xp siècle. Au xiv® elle était
paroisse.
Cet édifice, dont la longueur en œuvre est de 68 ra. 50 et la hauteur d'environ
17 mètres, est flanqué à droite et à gauche de deux grosses tours carrées. Celle
du nord, la tour Saint- Vincent, s'élève à 36 mètres au-dessus du sol; l'autre,
la tour Sainte- Anne, qui lui est parallèle, n'a jamais été achevée et n'atteint qu'à
peine la moitié de sa hauteur.
Conunencée au xn« siècle, l'église Saint-Pierre de Dreux ne fut terminée
que vers la fin du xvi°. Elle est classée comme monument historique.
— 355 —
Première moitié des Octrois payée au Roi
Une copie imprimée de Fairêt du Conseil du 15 novembre
1657, par lequel le Roi ordonne que la première moitié des
octrois sera payée à son profit ès-mains de fermiers pour ce
nommés.
Tarif de l'Octroi
Un tarif fait en 1712, vu et signé par M. Bignon, alors
intendant, du droit d'octroi à prendre sur les marchandises
y dénommées.
10 mai 1733, sentence de Télection de Dreux au profit de la
veuve Bernard Régnant, contre le fermier des dits octrois
pour les entrées des bois verts, saules et autres bois d'aulnes
propres à brûler. (Cotte 40).
TROISIEME LIASSE
Chantelage et Chargeage des vins
16 baux de la ferme du Chantelage et chargeage des vins
appartenants à la Ville, faits depuis 1508 jusqu'en 1662, la-
quelle ferme la Ville ne fait plus valoir depuis longtemps.
(Cotte 41).
Pontage et Pavage
22 baux à loyer de la ferme du pontage et pavage appar-
tenant à la Ville, depuis 1569 jusqu'en 1667, laquelle dans
quelques années a été affermée 290 liv., sans explication
sur quelles choses les droits doivent être perçus.
11 est seulement dit : la ferme du pontage et pavage ; on
voit dans quelques baux la charge par l'adjudicataire de
payer aux quatre sergens de Ville et au sonneur de la
cloche à chacun cinq sols et quatre livres de cire pour les
torches, et autres petites choses, ensemble un tarif imprimé,
droits de la dite ferme. (Cotte 42).
Nota. — On trouvera sur les registres de la Ville tous les
baux faits depuis 1700.
— 356 —
Fermage de l'essai des Chevaux
3 baux de la ferme de l'essai des chevaux, faits en 1620,
1623, 1642, dans lesquels il n'est point expliqué les droits à
percevoir, excepté dans celui de 1620 où il est dit deux sols
tournois par chaque cheval suivant l'usage.
Une procédure par laquelle les chevaliers de l'ordre de
Notre-Dame du Mont-Carmel et de S'-Lazarre ^ prétendoient
avoir le droit le jour de la foire de S' Giles et le Comman-
deur de Malte ^ le jour de la foire S'-Denis.
Nota. — On trouvera sur les Registres de la Ville les
baux faits de la ferme de l'essai des chevaux depuis 1700
jusqu'à présent. (Cotte 43).
Baux des Corps de garde et Boutiques de la poissonnerie ^
Plusieurs Baux à loyer des corps de garde, des portes et
des boutiques de la poissonnerie en 1578, 1620 et 1623, etc.
^ L'ordre de Saint-Lazare fiit fondé en Palestine par des Chrétiens charitables
et vaillants cpii se consacrèrent en même temps à la défense des Lieux-Saints et
au soulagement des pèlerins malades et plus particulièrement des lépreux. —
C'est vei*s 1154 qu'il fut établi en France, par Louis VII le Jeune, lequel avait
ramené de Terre-Sainte un certain nombre de Lazaristes, et leur avait fait don
de son château de Boigny, près Orléans, qui fut le siège de l'ordre.
Pendant près de trois siècles, l'institution comblée des faveurs des papes et des
rois de France, vit croître sa puissance et sa prospérité ; puis , les lépreux dis-
paraissant peu à peu, elle parut de moins en moins utile. — La dissolution de cet
Ordre était presque un fait accompli, lorsque le 11 octobre 1608, Henri IV
l'incorpora à Tordre de Notre-Dame du Mont-Carmel qu'il avait créé l'année
précédente.
La décoration consistait en une croix d'or à huit pointes perlées, émaillées
alternativement de pourpre et de vert, anglée de fleurs de Hs d'or ayant en outre
d'un côté l'effigie de la Sainte-Vierge, de l'autre la résurrection de Saint-Lazare
avec cette devise : Atavis et Armis.
2 L'Ordre de Malte fiit fondé en 1048, sous le nom de Saint-Jean de Jéru-
salem.
Après la prise de Jérusalem par les Croisés en 1099 l'institution fut richement
dotée par Godefroy de Bouillon. Les chevaliers s'engageaient à recevoir les
pèlerins et à défendre les Lieux-Saints contre les infidèles.
Après avoir transféré son siège à Saint-Jean-d'Acre, puis dans les îles de
Chypre et de Rhodes, l'ordre s'installa définitivement dans celle de Malte qui leur
fiit donnée par Charles-Quint en 1530.
La décoration consistait et consiste encore en une croix d'or émaillée de blanc,
à huit pointes, anglée de fleurs de lis et suspendue à un large ruban noir.
La devise est Pro Fide,
3 Au nombre de neuf, elles étaient placées sur le boulevard ou terre-plein de la
— 357 —
Nota. — On trouvera les Baux faits depuis 1700 jusqu'au
tems que ces objets ont été vendus à cens et rentes, ainsi
que les tourelles, sur les registres de la Ville. (Cotte 44).
Caves sous l'Hôtel de Vu.le
5 baux à loyer des caves sous l'Hôtel-de- Ville, des années
1569 à 1623.
Les Registres de la Ville depuis 1700, contiennent les
Baux de ces objets. (Cotte 45).
Construction de la Maison et Beffroy de la Ville
La grosse en parchemin d'un marché fait devant Couttet,
notaire à Dreux, le 21 avril 1516, par lequel Jean Desmou-
lins, maître maçon, s'est obligé envers les Maire , pairs et
communs de la Ville, de faire et parachever la maison et
beffroy de la Ville qui a été commencé par Etienne Chéron.
Copie d'un autre marché fait le 23 janvier 1522 devant le
Prévôt de Vernon, par lequel Jean Darmon ville et Basle
ont vendu à Jean Badouleau, bourgeois de Dreux, vérifica-
teur des œuvres et réparations de la Ville, une battelée de
pierres à prendre au pont de Vernon, avec obligation de
livrer la pierre sur le quai de Dreux % appelé le grand jardin,
et en cas de manque d'eau d'en laisser un tiers près la tour
de Fermincourt. (Cotte 46).
QUATRIEME LIASSE
Droits sur le sel vendu au grenier
Plusieurs lettres patentes accordées à la Ville de Dreux
par les Rois de France, pour lever sur chaque minot de sel.
Porte-Char train e aujourd'hui place Saint-Martin. <( Nul ne pouvait vendre de
hareng, morue ou saumon, s'il n'avoit une de ces boutiques. »
'* Ce quai se trouvait à l'emplacement actuel de la propriété de M. le marouis
d'Alvimare de Feuquières, rue Saint-Jean, n^ 15. 11 fut supprimé, en 1778,
lors delà construction de cette maison.
C'est sur remplacement de la place Louis-Philippe, dont l'habitation d'Alvimare
longe un côté, que Ton passait anciennement la rivière à gué. Ce n'est qu'en
— 358 -
même sur chaque septier, vendu au grenier à sel de Dreux ^ ,
un droit de dix deniers par minot et davantage dans diffé-
rentes années, et même sur le sel vendu dans les villes de
Nogent ^ et Châteauneuf ^, pour les deniers en provenant, être
employés aux édifices, remparts et fortifications de la Ville ;
la perception de ce droit a commencé en 1534 jusqu'à 1634.
(Cotte 47). Il a été supprimé depuis.
Droits d'entrée sur le vin
Plusieurs lettres patentes obtenues du Roi, en 1603, pour
lever pendant six années un droit d'entrée de quinze sols
par muid de vin, tant du cru que d'achat, au profit de la
Ville. {Cotte 48).
Engagement du domaine de Dreux en 1707
Les articles, en parchemin, tirés du contrat d'engagement
que le Roi a fait du domaine de la Ville, en 1586, ^u sieur Le
Vassor pour 20 années et les lettres patentes et autres pièces
concernant le dit engagement, ensemble une copie non
signée du contrat d'engagement du dit domaine fait par le
Roi à M. le duc de Vendosme^ en septembre 1707, avec aussi
1840 que le pont fut construit et la place nivelée. II existait alors, pour les
piétons, une petite passerelle en bois, établie dans le prolongement de la rue
des Gaves et aboutissant à l'angle de la maison du maréchal-ferrant.
< Ce fut, selon Quelques auteurs Philippe IV (1286) selon d'autres Philippe-
le-Long (1316) ennn, suivant l'opinion la plus générale, Philippe VI (1328) qui
institua ou plutôt qui régla l'administration de l'impôt sur le sel, car une ordon-
nance de samt Louis en fait déjà mention en 1246. C'était d'ailleurs un tribut
des empereurs romains qui a survécu à leur domination, bien qu'il ait été
souvent modifié depuis.
Dreux, ville royale, ne fut pas une des dernières à posséder son grenier à sel,
mais loin d'éprouver les vexations auxquelles cet impôt donnait lieu dans d'autres
contrées et les troubles qui en furent la suite, elle y trouva une source de revenu
pour alléger ses charges.
Il était situé au-dessous des murs du château, près la rue d'Orisson, sur la
place qui porte encore son nom.
2 Nogent-le-Roi, chef-lieu de canton, arrondissement de Dreux.
3 Chàteauneuf-en-Thymerais, chef-lieu de canton, arrondissement de Dreux.
* Louis-Joseph, duc de Vendôme, arrière-petit-fils de Henri IV et de Gabrielle
— 359 -
un arrêt pour netoyer et écurer les fossés de la Ville par
lequel les habitans des villages à 4 lieues à la ronde sont
obligés d'y contribuer. (49).
Lettres des Rois de France et autres
Plusieurs lettres des Rois François P% Charles IX, Henry IV,
Louis XII et Louis XIV et de plusieurs officiers généraux et
autres, écrites aux Maires, Echevins, pairs et habitans de la
ville de Dreux, tant pour les prévenir de tenir des logemens
et fournitures pour les troupes, etc., qu'en réponse aux
prières qui avoient été faites en demandant du soulagement
dans les misères où ils étoient réduits, causées par les
guerres et pour des publications de paix. (50).
CINQUIEME LIASSE
Acquisition du Moulin du Bléras en 1603
Plusieurs pièces et procédures entre Dame Olimpe Dufour,
veuve de Michel Hurault de L'hôpital, seigneur de Ba^ etc.,
et les Maire et Echevins, procureur sindic et habitans de la
Ville pour raison des loyers dus par la Ville à cause du Mou-
lin du Clos-Reignier *, et pour chaumage tant d'icelui que du
Moulin du Bléras ^, causés par les eaux de la rivierre qui
d'Estrées, naquit à Paris en 1654 et mourut dans le royaume de Valence, le
10 juin 1712, à l'àpe de 58 ans.
11 avait épousé le 15 mai 1710 Mademoiselle d'Enghien Marie-Anne de
Bourbon-Condé, fille de Henri-Jules de Bourbon, prince de Condé et d'Anne,
princesse Palatine de Bavière.
Prince d'Anet, il fit faire au château, pendant les 43 ans qu'il le posséda,
beaucoup d'augmentations et d'embellissements.
Il acheta le comté de Dreux, à titre d'engagement, par contrat du 26 sep-
tembre 1707, moyennant 200,000 livres de finance principale et 16,000 livres
pour le rachat des charges locales.
* Bû, commune importante du canton d'Anet, arrondissement de Dreux.
* Situé près des Osmeaux, commune de (.hérisy, canton de Dreux.
3 Ce moulin doit son nom, ainsi que le quartier où il se trouve, au cours
d'eau (bras de la Biaise) qui l'alimente.
Il n est plus propriété communale depuis une centaine d'années.
— 360 —
avoient été détournées dans les années 1599, 1600, 1601, 1602,
etc., ensemble une expédition de la transaction passée
devant Haudessaint et Herbin, notaires au Châtelet de
Paris, le dernier février 1603 entre lad. dame veuve L'hôpi-
tal et les Maire et habitans de Dreux, portant acquisition du
moulin du Bléras, moyen' cinq cent cinquante livres de
rente par chaque année. (Cotte 51).
Plusieurs pièces du procès entre les seigneurs de Beu, les
Maire, échevins, procureur sindic, habitans et autres parti-
culiers des quelles pièces est une production de la procédure
pour qu'il soit fait une visite de l'état de la rivière du Bléras.
(Cotte 52).
Le procès-verbal de visite de l'état de la rivière du Bléras,
de la rivière des Teinturiers * et de celle qui passe le long des
murs de la Ville. (Cotte 53).
Plusieurs autres pièces et procédures entre lad. dame de
Beu et les Maire, Echevins et habitans de Dreux auxquels
elle demande le payement de plusieurs années d'arrérages
de la rente de 550 liv., due sur le moulin du Bléras, un titre
nouvel et aussi le payement du chaumage du moulin du Clos
Reignier, ensemble celui des rapports d'Experts pour la
visite de l'état de la rivière. (Cotte 54).
Plusieurs baux à loyer du Moulin du Bléras appartenant à
la Ville. (Cotte 55).
Terres du Champ d'Allocettes ^
Trois baux à loyer des terres du Champ d'AUouettes ,
appartenant à la Ville, faits en 1615, 1620, 1664.
Nota. — On trouvera, les baux du moulin et ceux des
terres du Champ d'AUouettes faits par adjudications, sur les
Registres de la Ville depuis 1700 jusqu'à présent. (Cotte 56).
* Ce bras delà Biaise, ainsi nommé parce qu'il servait aux travaux de plu-
sieurs ateliers de teinture, lorsque la fabrique de draps florissait à Dreux, venant
du Louvet, passe entre les rues Mériçot et des Teinturiers et sous la place
Saint-Martin, pour se réunir au bras dit de l'Ecluse, en face de l'abreuvoir de
la rue Saint-Denis. Il servait autrefois à remplir les fossés du corps de gai'de et
des fortifications établies en avant du pont-levis de la porte Ghartraine.
2 Ces terres, qui n'appartiennent plus à la ville depuis longtemps, se trou-
vaient sur le plateau, appelé communément le Bléras, entre le boulevard de ce
nom et la ligne des chemins de fer.
— 361
SIXIEME LIASSE
Plaidoyers devant MM. de la Ville. — Réception
DES Maîtres de tous les Etats et Métiers
Plusieurs actes d'assemblées faites à THôtel de Ville, tant
pour les délibérations que pour les sentences et plaidoyer
faits devant les Maire et Echevins, lorsqu'ils en a voient
droit, ensemble les actes des Réceptions qu'ils ont faits des
Maîtres de tous les Etats et métiers de la Ville, gardes jurés,
nominations des collecteurs en Tannée 1689 jusqu'en 1699.
(Cotte 57).
Les comptes des octrois de la Ville des années 1744 jus-
qu'en 1750 rendus par M. Dalvimart, directeur des aides,
par autorisation de M. l'Intendant. (Cotte 58).
SEPTIEME LIASSE
Deniers Patrimoniaux
Les comptes des deniers patrimoniaux rendus par M. Clé-
ment, receveur desdits deniers, à commencer de l'année 1707
jusqu'au P'janvier 1765 que la charge du Receveur a été sup-
primée, desquels comptes il y en a un rendu en l'année 1743,
le 15 mai, des années 1707 jusqu'en 1741, que M. Coutier, son
oncle, avoit été Receveur et les autres comptes sont par lui
rendus de sa recette et dépense. (Cotte 59).
HUITIÈME LIASSE
DÉPENSES DE LAISSER ALLER LES MOUTONS DANS LES VIGNES
Plusieurs pièces de procédure et un arrêt contre Léonard
Brochand, boucher, pour avoir lassé aller ses moutons dans
les vignes après vendanges; par cet arrêt défenses lui sont
faites de récidiver et le condamne à l'amende et en tous les
dépens. (Cotte 60).
T. XII, M. 24
— 362 —
NEUVIÈME LIASSE
Titres de l'Ecole des Pauvres
La grosse, en parchemin, d'un acte de vente passé devant
M* Houard, notaire à Dreux, le 21 janvier 1741, par les
sieurs Principal du Collège * , Maire de la Ville, administra-
teurs de TEcole des pauvres, d'une maison et dépendances
située au Grand Carrefour de Dreux-, dont jouissoit Charles
Cochet, moy' 60 liv. de rente à Noël Brion et sa femme pour
la dite rente de 60 liv., et autres charges; sont joints plu-
sieurs pièces et procédures contre le dit Cochet et la copie
du testament d'Yves Dupré et Anne Turpin, sa femme, en
date du 22 décembre 1683, par lequel ils ont donné la dite
maison et lieux pour être enseignés 30 enfans mâles par un
maître d'école. (Cotte 61).
Miliciens ^
Plusieurs procès-verbaux des miliciens tombés au sort pour
la Ville depuis 1748. (Cotte 62),
22 août 1725, procès-verbal fait par les inspecteurs des
contrôleurs des actes des Notaires, à Louis Lefevre, notaire à
Dreux,, pour les actes trouvés en contravention, énoncés
au procès-verbal. (Cotte 63).
^ L'ancien collège de Dreux fut fondé par Robert Lemusnier, contrôleur au
grenier à sel de Dreux, et par Catherine Herbin, sa femme, oui donnèrent à cet
effet, par acte de 1536, la maison qui fait Fangle des rues Cnenevotte et Dorée,
dans la rue d'Orléans, où il resta jusqu'à sa suppression en 1794..
Après avoir été successivement affecté à divers services municipaux et même
translormé en caserne, pendant la Révolution, il devint en 1803, à l'arrivée de
notre premier sous-préfet, le chevalier Mars, Hôtel de la Sous-Préfeclure, et
conserva cette destination jusqu'à l'achèvement de l'Hôtel actuel en 1866. 11 est
occupé depuis par un pensionnat de jeunes filles.
2 Ce lieu s'appelle depuis 1832/ carrefour de Billy, en mémoire du général
de Billy, qui, tué à léna, naquit en 1763 dans la nîaison qui fait l'angle de la
Grande Rue et de la rue Parisis, Ces deux rues, ainsi que celles des Tanneurs^
d'Orisson et Rotrou, viennent y aboutir.
3 Sous le nom de milice on désigna d'abord l'art de la guerre, la profession
des armes, et aussi les forces militaires d'un Etat en général. Au xv° siècle il fut
appliaué aux levées temporaires de bourgeois et de paysans faites par la voie du
sort dans diverses circonstances , puis aux troupes bourgeoises organisées dans
certaines villes pour \eiller à la sûreté pubHque et au maintien des franchises de
la cité.
— 303 —
Tarif pour l'Hôtel-Dieu ^
Un tarif imprimé des droits de l'Hôtel-Dieu à percevoir
tous les ans aux foires S'-Giles et S^-Denis. (Cotte 64).
Transport gratis du pavé
Une ordonnance de M. du Harlay, Intendant, pour faire
achetter du pavé et le faire apporter gratis de Houdan à
Dreux et pour faire payer la main d'œuvre du pavage par
les habitans chacun au droit soi (le pavé étoit tiré de la grais-
serie de Gressey *. (Cotte 65).
Une ordonnance des Maire et Echevins pour porter les
immondices aux endroits y dénommés, datée du 12 avril
1739. (Cotte 66).
Une ordonnance de M. du Harlay, Intendant, contre le
nommé Poncelet, sergent au régiment de Vermandois, pour
avoir mal à propos engagé deux jeunes gens de la Ville.
(Cotte 67).
Procès de la dimb des Vignes
Un état des sommes avancées par plusieurs bourgeois de la
Ville y dénommés, pour le procès contre les chanoines, en
1747, pour la dime des Vignes. (Cotte 68).
Séance des Officiers de Ville dans le chœur de S'-Etibnne ^
Une copie du procès-verbal fait aux chanoines de S'-Etienne
* Suivant Dorât de Chameulles, historien de Dreux, la fondation de cette
Maison-Dieu remonterait au iii« siècle. E. Lefèvre, dans ses Documents histo-
riques sur le Comté et la Ville de Dreux, auquel nous empruntons bien des
renseignements, en flxe l'origine au vi« siècle. Quoi qu'il en soit, nous voyons,
au commencement du xii« siècle, la Maison-Dieu de Dreux gouvernée par des
frères hospitaliers, sous la conduite d'un prêtre, religieux comme eux, qui dépen-
daient des Chanoines de Saint-Etienne.
Louis YI, le Gros, son fils Robert h^ et les autres comtes de Dreux firent des
dons importants à notre Hôtel-Dieu ; mais ils ne consistaient, pour la plupart,
qu'en droits féodaux supprimés par la Révolution et dont les titres ont été brûlés
à cette époque.
2 Gressey, commune du canton de Houdan (Seine-et-Oise).
3 La Collégiale Saint-Etienne, ancienne église du Château de Dreux, vendue
— 364 —
par les Maire et Echevins pour la séance dans le chœur de
leur église le jour de la procession de l'Assomption et aux
processions générales. (Cotte 69).
Puits dans les rues comblés
1736, Une ordonnance de MM. les trésoriers de France,
grands voyers , sur la requête à eux présentée par les Maire
et Echevins, pour les puits dans les rues être remplis et
bouchés. (Cotte 70).
Ecuries des chevaux des Gardes du Roi
Ordonnance de M. du Harlay, Intendant, qui fixe le prix
du loyer des Ecuries pour les chevaux des gardes du Roi,
avant la construction des nouvelles écuries ^ (71).
Les copies des adjudications, des réparations locatives et
d'entretien des nouvelles écuries faites à Noël le Comte,
maçon, et a son déchet et folle encherre à Jean Masset.
(Cotte 72).
Le devis et les mémoires des portes et croisées, bancs,
réparations d'entretien des écuries et autres en 1740 (74).
Porte d'Horisson *
27 août 1738, placet présenté à M. du Harlay, Intendant, et
par lui répondu, pour abattre la porte d'Horisson.
et démolie en 1798, était située dans Fenceinte même dudit Château. La cha-
pelle -de la famille d'Orléans a été élevée sur ses ruines.
^ Ces nouvelles écuries, qui servirent ensuite pour la poste aux chevaux,
furent bâties sur la place qu'on nommait anciennement le marché aux Bœufs,
près les murs de la ville, proche la porte d'Orisson, dans la rue de ce nom.
C'est sur leur emplacement qu'ont été construits l'ancien tribunal civil
(aujourd'hui maison d'arrêt) et la caserne de gendarmerie.
2 II y avait là deux portes. — La première était flanquée de deux tourelles
rondes qui se reliaient par des courtines, d'un côté à une grosse tour cylindrique
de l'enceinte du château, de l'autre côté à la muraille qui rejoignait la porte de
la Bonde. La seconde porte tenait à la muraille qui longeait la rue des Embûches
(aujourd'hui la partie de cette rue s'appelle rue des Ecoles), et allait rejoindre la
porte Charlraine. En avant de la première porte d'Orisson, un bastion carré,
correspondant à la porte d'entrée du château qui était alors à cet endroit, proté-
geait les abords de la place.
1
— 3G5 —
Porte S'-Denis, Pont du Carrefour
Le devis et Tordonnance de M. de Harlay du 1*' octobre
t735 pour abattre la porte du faubourg S'-Denis * pour cons-
truire en pierre le pont sur la Commune ^, entre le carrefour et
la rue d'Horisson, à la place de celui en bois qui ne couvroit
que le tiers du passage. (Cotte 75).
DÉMOLITION DE LA PORTE NEUVE ^
Î737. Autorisation de M. Tlntendant pour démolir et
abattre la Porte Neuve et reconstruire le pont en bois neuf.
Ensemble plusieurs mémoires de quittances des répara-
tions faites aux portes de S'-Martin, S'-Denis, S'-Jean, S*-Thi-
baut, de la porte Parisis et autres endroits ordonnés par
M. Houard, procureur-sindic, en 1739 et 1740. (Cotte 70).
Services de M. le duc du Maine et du Gouverneur
Juillet 1736. Mémoires de là dépense du service de M. le
duc du Maine ^ et pour celui de M. de Sabre vois d'Ecluzelles,
gouverneur de Dreux. (Cotte 77).
* La ville de Dreux était entourée d'une muraille garnie de onze tours ou
tourelles garnies de barbacannes ; six portes y donnaient accès. La porte Saint-
Denis, du côté du midi, se trouvait dans le faubourg de ce nom.
^ En aval du moulin de Yemouillet, la Biaise se partage en deux bras : celui
de droite, qui conserve le nom de Biaise^ est le plus important, celui de gauche
qui prend le nom de Commune, traverse la ville de Dreux en passant dans la partie
sud de la rue Saint-Thibault, ainsi que sous les maisons, côté nord, des rues aux
Tanneurs et Parisis et se réunit au oras de la Biaise, dit de l'Ecluse, au moulin
des Promenades.
3 Cette porte « qui étoit toujours ouverte » se trouvait rue de Sénarmont,
près la rue du Mur.
Elle fut fermée après le cinquième siège de Dreux, en 1590, et on y établit
une casemate ou corps de garde.
♦ Louis- Auguste de Bourbon, prince d'Anet et de Bombes, duc du Maine et
d'Aumale, comte d'Eu, pair et grand-maître de l'artillerie de France, lieutenant-
général des Suisses et Grisons et gouverneur du Languedoc, fils de Louis XIV
et de Madame de Montespan, né" à Versailles en 1670, légitimé par lettre du
19 septembre 4673, fut élevé par Madame de Maintenon, et jouit de l'affection
particulière du roi .—Déclaré pnnce du sang et habile à succéder au trône en 1 71 4, il
reçut le coimnandement de la maison du Roi par le testament de Louis XIV,
1715. Ce dernier fut cassé par le Parlement à l'instigation du duc d'Orléans à
— 366 —
RÉPARATIONS DE L'HORLOGE
Copie de Tadjudication des réparations avec garantie de
rhorloge pendant dix ans, faite à Retou le 7 juin 1749.
(Cotte 78).
Saisie de Poinçons de fausse jauge
1738. Plusieurs pièces de la saisie faite de 45 poinçons neufs
de fausse jauge sur Pierre Hervé, tonnelier à Germainville,
qui ont été confisqués par Tordonnance de M. de Harlay,
intendant. (Cotte 79).
Comptes de Dépenses
Deux comptes des dépenses en 1747 et 1748 faites par
M. Thubeuf, procureur-sindic et un ancien compte de 1654.
(Cotte 80).
Lettres diverses
Plusieurs lettres de M. le Gouverneur de Llsle de France,
de M. rintendant et autres, pour réjouissances, avertisse-
mens de passages de troupes, etc. (81).
DIXIEME LIASSE
Rente de 17 liv. 12 s. due a la Ville
Une quittance du 13 juin 1724, signée Paris deMontmartel,
donnée aux Maire et Echevins de la Ville de Dreux de la
somme de 1760 liv. en billets de banque. Cette quittance a
été remise aux archives le 8 août 1725 par M. Mallet.
<iui il avait disputé sans succès la régence. Entré dans la conspiration de Cella-
mare, il fut découvert et enfermé dans la citadelle de Doullens (1718).
Remis en liberté il se réconcilia avec le Régent et fiit revêtu de hautes dignités,
qu'il conserva jusqu'à sa mort (4736).
Ce prince avait de belles qualités, mais son apathie et sa timidité le rendaient
incapaole de grandes choses. Il avait épousé, en 1692, Anne- Louise-Bénédicte de
Bourbon, petite-fille du grand Condé, qui devint comtesse de Dreux en 1733,
après le partage fait à cette date des biens de sa mère Anne, Palatine de Bavière.
Elle eut également la principauté d'Anet et la chàtellenie de Sorel.
— 367 —
Cette somme de 1760 liv. a été constituée en rente au
denier 50 sur les tailles et réduite à présent au denier 100
qui produit 17 liv. 12 sols par an. (82).
Rentes dues a la Vo-le
Une note sur papier ordinaire de plusieurs parties de
rente dues à la Ville par divers particuliers à cause de bail
à cens et rente des boutiques de la poissonnerie, tour Hanne-
quin \ tourelles et places.
Les trois grosses des rentes de Le Roux, Londaut, au lieu
vie M. Ménestrel, Corbonnois et une expédition en papier de
la rente de 15 liv. 10 s. due par Charles-Louis Londaut,
une autre expédition de la transaction passée entre la dame
de Novice et la Ville pour la terasse, ensemble plusieurs
pièces et procédures contre la veuve Maillard, qui est
condamnée faute de payement à déguerpir des cinq bou-
tiques qu'elle avoit acquises, lesquelles ont été revendues à
Raphaël Pauvert qui les a vendues à Martial Quéret, dit
Bretêche. (Cotte 83).
Rentes dues par la Ville
Deux copies collationnées par extrait des titres de la rente
de 7 liv. 10 s. duc sur les patrimoniaux de la Ville à Nicolas
Brisset, héritier de la veuve Neveu.
Une expédition du contrat de constitution de 137 liv. 10 s.
de rentes dues et crées par la Ville. Savoir : 55 liv. 10 s. au
Collège de Dreux et 82 liv. au sieur Charles Bureau et les
deniers du principal ont été employés au rachat de Y homme
au Roi donné pour les offices municipaux, suivant la quittance
* La tour Hennequin ou Hannequin est la seule des deux tourelles de la Porte
Chartraine, qui existe encore aujourd'hui. Elle sert d'habitation particulière
(bureau de tabac dit de la Tourelle) et les ouvertures et distributions intérieures
qu'on y a faites en ont enlevé tout le caractère architectural. 11 ne reste plus à
voir actuellement que l'escalier en limaçon, construit tout en pierre et dont chaque
marche porte sa portion de rampe, et qu'une partie de la voûte à nervure, de la
salle qui servait autrefois de geôle; les murs ont environ 1 m. 50 d'épaisseur.
11 existe sur la façade longeant la rue Porte-Chartraine, incrusté dans la maçonne-
rie, un écusson soutenu par deux anges grossièrement sculptés, qui semble être
des xni« ou xiv^ siècles. Les armoiries qui y étaient représentées ayant été
martelées on en ignore l'origine.
— 368 —
de finance du 21 avril 1763, signé Bertin et arrêt du Conseil
du 17 mai 1760. (Cotte 84).
Rachat de l'Homme ad Roi
La quittance de finance du 21 avril 1763 du rachat de
l'homme au Roi fourni par les officiers municipaux des
Villes, ensemble Tarrêt et la lettre de M. Tlntendant. (85).
Transaction pour la dîme des Vins
Une expédition en papier d'une sentence en forme de tran-
saction et règlement entre les chanoines de S'-Etienne et le»
habitans de la Ville de Dreux, pour cause de la dime des
Vins. La grosse en parchemin de la d. transaction a été
déposée par M. le procureur des Bénédictins de Coulombs S
chez Chantier, notaire à Chartres, le 12 juillet 1747. (Cotte 86).
Une expédition d'un acte passé devant Thubeuf , notaire à
Dreux, le 29 mai 1756, entre M. Le Veillard, médecin et
Jean Lasne, meunier du Bléras, pour cause d'un droit d'eau
à prendre près le moulin ; dans lequel acte est fait mention
du Maire et des Echevins. (Cotte 87).
ONZIÈME LIASSE
Cessation de la taille arbitraire ^
Plusieurs anciens et nouveaux édits, arrêts et déclarations
du Roi, concernant différentes affaires pour la Ville. (88).
^ L'abbaye Notre-Dame de Coulombs, ordre de Saint Benoît, était située dans
un vallon où coule la rivière d'Eure, borné au nord par un coteau au pied
duquel est le bourg de Coulombs, au midijpar un autre coteau sur lequel était
bàti le château des seigneurs de Negent-le-Roi.
On ne connaît pas exactement l'époque de sa fondation mais on suppose
quelle fut instituée par les seigneurs de Nogent antérieurement à Charles-Martel.
Vendue comme bien national en 1791 elle fut en partie démolie et il ne reste
plus aujourd'hui que les ruines du portail et d'une partie du cloître/
* Cet impôt se divisait en ordinaire et extraordinaire. La taille ordinaire
était levée par le Seigneur, sur les serfs de sa terre, une ou plusieurs fois par
année. La taille extraordinaire, dont les vassaux Hbres n'étaient pas exempts,
était due au Seigneur dans quatre circonstances principales : l» lorsqu'il
prenait la croix pour aller combattre en Terre-Sainte; S® lorsqu'il était fait
prisonnier en guerre ; 3® lorsqu'il mariait sa fille aînée ; enfin, 4<» lorsque son
fils aîné était fait chevalier.
— 369 —
Les grosses en parchemin des arrêts du conseil des
8 septembre 1733, 17 mai 1740, 17 février 1756, qui changent
la taille arbitraire de la Ville en une taille proportionnelle
et autres pièces y relatives. (89).
La grosse d'un arrêt du Conseil du 10 février 1761, qui
déclare M. Bureau, Echevin en titre, déchu de la prétention
d'être élu maire en vertu des prérogatives de son office. (90).
Provisions des Offices municipaux.— M. le Prince acquiert
LES charges de LA ViLLB
7 février 1750. Lettres patentes en forme de provisions de
douze offices municipaux remis au corps de la Ville de
Dreux, au nom du s' Charles Bureau, comme homme au Roi
vivant et mourant, ensemble les quittances de payement
faits en conséquence et Tarrêt du 14 août 1747, portant tarif
des droits qui seront perçus dans les Villes de la généralité
de Paris, ensemble les commissions de plusieurs charges
municipales obtenues en 1735 et la signification par M. Le
Prince de Tarrêt du Conseil portant acquisition par lui des
charges municipales de la Ville de Dreux en 1772. (Cotte 91).
Droits sur les boissons
Un placet présenté en 1747 à M. Bertier de Sauvigny,
Intendant, par les habitans et vignerons de Dreux pour
cause des droits que le fermier des aides perçoit sur les
boissons, ensemble le mémoire du fermier en réponse au
placet.
Arrêt et lettres patentes des 1*"" et 20 août 1741 qui ordonne
que toutes les boissons payeront le droit d'entrée et à la
vente comme le vin, excepté les boissons composées de marc
pressuré et enfoncé avec de l'eau. (92).
Pontage et Pavage
Une requête présentée par Antoinette Dufour, veuve
Charles Collet et à présent veuve François Bongard, fermière
de la ferme du Pontage et pavage, ensemble plusieurs
mémoires tendant à obtenir une pancarte des droits de la d,
ferme à percevoir. (93).
— 370 —
EcHANaE DU Comté de Dreux
Une copie de la déclaration faite par les Maire et Echevins
à MM. les Députés de la chambre des comptes à Paris, en
vertu de la commission à eux donnée pour Tévaluation du
Comté de Dreux, à cause de rechange faite par le Roi et
M. le Comte d'Eu * pour la principauté de Dombes *. (Cotte 94) .
Etat des Octrois et Biens Patrimonuux
Déclaration du dit Roi du 11 février 1764 qui ordonne que
les Villes et communautés du Royaume enverront à M. le
Contrôleur général et à M. le Procureur général à chacun un
état de tous leurs biens, revenus, charges, etc., tant des
octrois que des patrimoniaux, ensemble les copies des états
qui ont été envoyés et la lettre de M. Tlntendant à ce sujet
et pareille copie fournie à M. le Lieutenant en 1783 et 1787.
(Cotte 95).
DOUZIÈME LIASSE
Don gratuit et Comptes
Un arrêt et une déclaration du Roi pour la levée de 6,000
livres de don gratuit par an, pour six années, dans la Ville de
Dreux, ensemble plusieurs lettres de M. Tlntendant et des
modèles de projet pour en faire la levée.
Ensemble les comptes rendus par le Receveur du d. don
gratuit. (96).
TREIZIÈME LIASSE
Baux des Octrois
Plusieurs baux des octrois de la Ville depuis 1750, faits
par adjudication devant MM. les Trésoriers de France en
^ Louis-Charles de Bourbon, comte d'Eu et de Dreux, prince de Dombes.
3 Dombes (Principauté de). Dumbensis pagus. Comprise aujourd'hui dans
l'arrondissement de Trévoux (Ain), elle faisait partie anciennement du gouverne-
ment de Bourgogne.
— 371 -^
TElection de Dreux; ensemble les publications et pièces
justificatives, avec un arrêt du Conseil d'Etat du 14 juin 1689
concernant les droits d'octroi des villes et une lettre de
M- rintendant à ce sujet. (Cotte 97).
QUATORZIEME UASSE
Maruge de quatre filles — 1752
Plusieurs comptes des dépenses, tant pour réjouissances
que pour réparations extraordinaires approuvées par
M. rintendant jusques et y compris 1764; ensemble une
copie du contrat de mariage des quatre filles qui ont été
mariées par la Ville en janvier 1752 ^.
Poids et Mesures
La reconnoissance des poids et mesures, matrices de la
Ville, données à M. Delangle par le S' Desjardins, secrétaire-
greffier de la Ville, en vertu de l'acte d'autorisation du
9 mai 1732. (Cotte 98).
* Ces mariages, célébrés à Toccasion de la naissance du duc de Bourgogne,
eiu'ent lieu le 25 janvier.
Par délibération de l'assemblée tenue en la Chambre du Conseil de l'Hôtel de
Ville, le 7 de ce même mois, sous la présidence . de Jean Julienne, seigneur de
Saint- Cir-LvRozière et autres lieux, lieutenant général, civil et criminel, au bail-
liage et siège royal de Dreux, et maire de ladite ville, il fut convenu que les
quatre jeunes filles pauvres : Françoise Dalon et Marie Descombies de la paroisse
Saint-Pierre; Marie Milcent et Louise Moinet, de celle Saint-Jean ; choisies et présen-
tées par le sieur Guillaume Cheddé, procureur syndic^ auraient chacune une dot de
trois cents livres, fournie par la ville, dont il devait être employé celle de cin-
quante livres pour les habits nuptiaux ; le surplus de la somme devait leur être
remis entre mains la veille du mariage.
Ce furent les officiers de la ville qui conduisirent les jeunes mariées à Téglise
et qui les ramenèrent à la mairie, précédés des deux sergents de ville en cos-
tume, avec la hallebarde, et des tambours, violons et autres instruments enga-
gés à cet effet. Un déjeuner auquel assistèrent les maire, échevins, officiers et les
quarante de la ville amsi que les familles des jeunes époux, fut servi immédia-
tement après, et les danses commencèrent aussitôt le repas fini .
11 fut décidé en conseil que l'on prendrait sur l'octroi une somme de deux
mille livres pour couvrir toutes les dépenses.
- 3t2 —
QUINZIÈME LIASSE
Devis de Réparations diverses
Plusieurs expéditions de devis de réparations faites à
rhorloge, au moulin du Bléras, aux écuries, aux ponts et
autres endroits de la Ville, approuvées par M. llnten-
dant. (99).
SEIZIÈME LIASSE
Droits de Minage et Halage des Grains
Toutes les pièces et procédures entre S. A. S. M. Le Comte
d'Eu, seigneur de Dreux, et les Maire et Echevins de Dreux
et plusieurs laboureurs des paroisses voisines, concernant
les droits de minage et halage de tous les grains vendus,
réglés par arrêt de la Cour du Parlement du 11 août 1769.
Ensemble deux significations et une copie imprimée du d.
arrêt.
Nota. — La copie de cet arrêt est sur le registre de la
Ville en la même année 1769, page 514, pour y avoir recours
dans le besoin. (Cotte 100).
DIX-SEPTIÈME LIASSE
Taille et Logement de Troupes
Significations faites à la Ville depuis 1748 jusqu'en par
différentes personnes pour raison de la taille et logement de
gens de troupes. (Cotte 101).
DIX-HUITIÈME LIASSE
Lettres a mm. les Officiers de la Ville
Plusieurs lettres adressées à MM. les officiers de la Ville
par M. rintendant et autres personnes. (102).
373
DIX-NEUVIEME LIASSE
Plusieurs significations, placets renvoyés à M. l'Intendant.
(103).
VINGTIÈME LIASSE
Comptes des octrois et patrimoniaux depuis 1764. (104).
^
— 374 —
REMARQUES
DE PLUSIEURS SORTES DE CHOSES QUI ONT ÉTÉ FAITES ET PASSÉES
AINSY qu'il EST PORTÉ DANS LES COMPTES RENDUS PAR LES
Receveurs de la Ville et dans quelques titres et papiers
CITÉS dans l'inventaire ci-dessus.
Registre, Cotte 1'^*
Comptes de M. Pierre de S'-Aulbin
Dans les comptes de M. Pierre S'-Aulbin des années com-
mencées le l'f février 1495 jusqu'en Tannée 1497,
la recette a été faite du droit de 50 s. à prendre sur chaque
muid de sel vendu au grenier de Dreux.
Les lettres patentes sont citées dans la quatrième liasse.
(Cotte 47.)
Ancien Hôtel de Ville ^
Les deniers ont été employés aux réparations des fossés
de la Ville, aux portes Chartraines, Dorisson et Parisis, à
rétablir l'ancien Hôtel de Ville, à faire les fondemens
d'un batardeau, le long de la maison de Dieu, pour empêcher
Teau d'entrer dans la Ville, à la réparation des ponts, pour
les poutres et solives qui y étoient nécessaires et à paver
dans différons endroits de la Ville et à autres ouvrages.
De plusieurs articles des d. comptes a été extrait ce qui
suit.
Serrurerie
Payé à Jean Fardeau, serrurier, 7 Jiv, 4 s. li rf. pour avoir
baillé à la Ville neuf vingt-quatre livres de fer employées à
Ml y a peu de rensei^ements sur cet ancien Hôtel de Ville, qui fut en partie
consumé par le feu du ciel vers la fin du xv« siècle. 11 devait se trouver au-
dessus de la Porte Chartraine.
— 375 —
ferrer le pont-levis de la Porte Chartraine et pour avoir
baillé deux ferrures, Tune à Thuie du beflfroid et Fautre mise
à rhuie de la prison nommée la tourelle Hannequin, un
couplet de fer au guichet de la porte et une clef et un
crampon de fer.
A Jean Fardeau, serrurier, cent sols pour avoir répandu la
grosse cloche de la maison de Ville, pour 44 chevilles de fer
et deux chaînes de fer; et douze sols pour deux serrures,
Tune mise au 2* soUier et l'autre au 3* soUier du Beffroid de
la Ville.
Couverture
A Jean Guillaume Panou, la somme de cent sols, deux
deniers, pour avoir vacqué à redresser la • couverture en
plomb de la maison de Ville.
Clouts
A Michaud Pourchet, cloutier, la somme de vingt sols
pour un cent de clouts employés à clouer le dit plomb.
Gages des Gardes Portes
A Jean Fardeau dix sols pour ses gages d'avoir gardé cette
année présente, les clefs de la Porte Chartraine et avoir
fermé et ouvert la d. porte.
A Gilles Feron dix sols pour id. à la porte d'Orisson.
A Jean Le Mercier dix sols pour id. à la porte Parisis.
Prédicateurs
Au Cordelier qui a prêché pendant le carême, quatre
livres.
Au Cordelier qui a prêché pendant Tavent, trois livres.
Gages du Receveur
A Pierre de S' Aulbin, receveur, pour ses gages accoutumés
qui sont de six deniers pour livre de la recette.
Gages du Vérifieur
A Pierre Chaillou, vérifleur, pour ses gages accoutumés
— 376 —
qui sont de semblable somme de six deniers pour livre de la
recette.
Prix du Vin
A Léonard Jabin, grenetier, la somme de dix livres, dix
sols pour trois poinçons de vin merveille qui ont été donnés
à M. Delebret, capitaine du dit Dreux, à sa bienvenue au d.
lieu, quand il est venu prendre possession de sa d. qualité
après qu'il Ta retirée des mains de M. d'Argenton.
Comptes de M. Guillaume Percheron
Dans les comptes de M. Guillaume Percheron, des années
1501, 1502,1503:
La recette a été faite des droits sur le sel et de la ferme
du Choquet.
La dépense a été faite pour les réparations des fortifica-
tions, murailles, remparts, ponts, portes, à netoyer les fossés
du boulevart de la Porte Chartraine, à la couverture de
Tancien Hôtel de Ville et fournitures de pierres pour les
ponts.
De plusieurs articles de ces comptes a été extrait ce qui
suit :
Maçons et Charpentiers
Payé à Antoine Delorme et Jacquet Allain, maçon et
charpentier jurés de la Ville, cinq sols tournois pour leur
salaire, peines et vacations, avoir vacqué, monté et visité la
maison de la d. Ville et geôle et en faire par eux le rapport.
Plombier
A Thibaut Talon, plombeur, demeurant à Evreux, douze
livres tournois pour ses peines et salaires et vacations pour
être venu dud. Evreux, lui deuxième pour besogner à la
couverture de plomb de la maison et beffroi de la d. Ville de
la quelle il étoit tombé une partie considérable, etc.
Cordier
A Jean Robin, cordier, cinq sols pour avoir baillé au dit
plombeur douze livres de cordages pour s'échafauder.
— 377
Etamier
A Jean BâdouUeâu, vingt-six sols, un denier obole pour
neuf livres et demie d'étain, baillées au plombeur pour faire
la soudure pour la d. couverture de plomb.
Comptes de M. Renault Le Charpentier
Dans les comptes de M. Renault Le Charpentier, des
années 1504, 1505 et 1506 :
La recette a été faite des droits sur le sel et de la ferme
de Choquet.
La dépense a été pour les réparations aux ponts, portes et
autres endroits de la VîUe, et à faire creuser, pendant les
trois années, la rivière neuve qui va de Dreux à Fermincourt
pour la rendre navigable, et pour la fourniture des bois pour
la porte à bateau.
Rivierre de Fermincourt
La dite rivierre a été commencée en 1504 et portoit bateau
en 1506. Les ouvriers qui travailloient à la creuser gagnoient
vhifft deniers par Jour et les maçons deux sols.
Dans les premiers comptes, on lit :
Payé à Jean Detilly et autres manouvrîers la somme de
cent deux sols, six deniers tournois pour soixante et une
journées et demie de manœuvres à vingt deniers tournois
par jour, les quelles journées ont été employées au cours de
la rivière nouvellement faite et édifiée depuis la Ville jusqu'à
Fermincourt, pour faire passer, dessendre et avaller les
bateaux et marchandises par icelui cours, pour le bien
public de la Ville et ainsy qu'il a été ordonné.
Dans les comptes de la ferme de Choquet est aussy payé à
Jean Detilly et autres manouvriers, la somme de 17 liv, 10 s,
tournois pour huit vingt-huit journées et douze de maneuvres,
employées et faites au cours de la rivière navigable de
nagueres commencée à faire depuis Fermincourt jusqu'aux
fossés de la Ville de Dreux.
T. XII, M. 25
— 378 —
Premier bateau qui a monté la rivière en 1506
A Pierre Plomb, bourgeois dud. Dreux, la somme de six
livres tournois pour la dépense faite en sa maison des bate-
liers de Silvestre Duchesne et autres qui ont conduit et amené
le premier bateau au quai de rivière navigable de lad. ville.
A Sénéchal, de Fermincourt, 3 s, 6 d. pour avoir baillé du
vin aux bateliers conduisant le premier bateau venu en cette
ville.
Les deux articles sont du compte de 1506. La Ville fournis-
soit aux ouvriers tous les outils nécessaires.
Sable, Chaux, Pierres
La chaux coutoit W s. le muid.
Le banneau de pierre ^ s.
Le banneau de sable 1 s.
Nota. — Les comptes depuis 1506 jusqu'en 1512 n'existent
pas.
Comptes de M. Badoulead
Dans les comptes de M. Badouleau des années 1512 et 1513
finissant au dernier septembre :
Recette des droits du sel et de la ferme du Choquet.
Dépenses : — Achat de pavé pour paver le faubourg S'-
Martin, la rue de la Porte-Neuve, façon des fondements de
l'Hôtel de la Ville actuel, dont les eaux ont été difficiles à
épuiser à cause des sources, achat et taille des pierres pour
le construire.
Nouvel Hôtel de Ville
Pierre Caron, M® maçon * , a commencé à travailler aux fon-
demens de l'Hôtel de Ville en 1512, il est mort en 1516. Jean
Desmoulins et Clément Métézeau2,M®' maçons, ont repris les
ouvrages en 1516 et y ont travaillé jusqu'à la fin.
^ Le vrai nom de cet architecte paraît être Pierre Chéron.
La première pierre de THôtel ae Ville M posée en 1512, par Pierre de
Hauteterre, sieur de la Pleigne, au temps d'Alain d'Albret, comte de Dreux.
- Ce Clément Métézeau, qui est le premier connu de cette illustre famille
d'architectes, naquit vers la fin du xv^ siècle et mourut en 1556.
Le plus célèbre est un autre Clément, petit-fils du précédent, né à Dreux le
6 févner 1581 et mort à Paris vers 1650. — C'est lui qui éleva le transept et
— 379 —
1516. — Marché de la Construction du nouvel Hôtel de
Ville
Le dit Desinoulins a fait un marché avec les Maire, pairs
et habitans de la Ville de Dreux, en date du 21 avril 1516,
après Pasques, duquel la grosse est dans la 3* liasse, cottée46,
de parachever le d. Hôtel de Ville au moyen que tous les
matériaux et outils lui seroient fournis par la Ville et qu'il
lui seroit payé 5 sols par jour, 3 s.6d. k ses maîtres maçons
Qtl s. 6 d. k ses maneuvres.
Prix des Materl^ux et des journées des Ouvriers
La pierre de taille a été achetée à Vernon * et apportée par
eau jusqu'au quai de S*-Jean à Dreux, appelé le grand jardin
et en cas de manque d'eau, dans la rivière, il est dit, par le
marché, qu'on en laisseroit un tiers proche la tour de Fermin-
court, sans diminution de prix. On achetoit aussi la pierre de
grès à S*-Martin de Nigèle ^, elle servoit tant à la construction
de l'Hôtel de Ville qu'à celle des trois portes et des ponts; on
y achetoit aussi le pavé pour paver la Ville et les faubourgs,
il coutoit 7 liv. le millier, le banneau de sablon un sol, le
muid de chaux 20 s., le millier de thuiles^O s., le banneau de
petites pierres 10 deniers.
Gages des Gardes Portes
Les trois gardes qui ouvroient et fermoient les 3 portes
Chartraine, d'Orison et Parisis ^ et qui gardoient les clefs
avoient chacun 20 s. par an,
le portail sud de Téglise de Dreux ; — la voûte de ce transept, légère et sur-
baissée, passe pour une œuvre d'art remarquable et un véritable tour de force
d'architecture. C'est aussi sur ses dessins gue le magnifique buffet d'orgues de
cette église fut sculpté, en 1614, par un sieur Fortier. Mais c'est la construction
de la fameuse digue de La Rochelle en 1627-1628, qui contribua le plus à
établir sa réputation. Il fut alors nommé architecte du Roi, eut une pension de
1,800 livres et son logement au Louvre.
* VemoD, chef-lieu de canton, arrondissement d'Evreux (Eure).
* Saint-Martin-de-Nigelles, commune du canton de Nogent-le-Roi, à 22 k.
de Dreux.
3 Cette porte, fortement endommagée lors du siège de Dreux, par Henri IV,
en 1593, ainsi d'ailleurs que les fortifications qui l'avoisinaient, ne fut point réparée.
En 1737 l'intendant de Dreux en autorisa la démolition et les matériaux
furent employés à la réparation des ponts de la ville.
— 380 —
Horloge
L'entretien de Thorloge coutoit quarante sols.
Présents de Ville
A été fait présent au Général de Normandie, qui passoit
par Dreux, deux cailles, deux bécaces et quatre pots de vin
pour 17 sols.
Au capitaine de Bonneval, venu armé avec sa compagnie,
12 pots de vin, 6 chapons, trois cannes et six bécaces. Le
tout a coûté cinquante sols huit deniers^ plus six livres payées
pour la dépense faite par les commissaires du Roi qui ont
logé lad. compagnie dans la Ville.
Sable
Payé à Pierre Dupuis, voiturier, la somme de cent onze
sols tournois pour livraison par lui faite de 111 banneaux de
sablon à 12 deniers Tun, employés tant au pavement de la
rue Porte Neuve qu'à l'édifice de la maison de Ville.
Chaux
Au sieur Belot, chauchaire, la somme de huit livres quinze
sols tournois pour avoir baillé, vendu et livré huit muids
neuf septiers de chaux employés tant aux fondements du
nouvel édifice de la Ville qu'ailleurs.
Fer
A Jean Deshayes, maréchal, pour deux marteaux de fer
pesant 29 liv., dix-huit sols tournois^ pour deux coints de fer
pesant 34 liv., vingt-un sols quatre deniers et pour le ressu-
rage des d. trois coints de fer, par trois fois et pour la façon
de deux autres coins, six sols tournois avec neuf pointes de
pic à 14 deniers chaque pointe, dix sols six deniers.
Boissellerie
A Jean Moreau, boisselier, pour trois selles neuves et pour
l'enfonçure de trois autres, trois sols tournois, lesquelles
— 381 —
choses ont été employées tant à creuser les terres des fonder
ments de la maison de Ville que pour iceux maçonner, sur-
monter et épuiser les eaux qui sortoient desd. fondemens.
Pierres
AMatry Gervais et Jean Guille la somme de trente-six
sols tournois, savoir au d. Gervais dix sols six deniers^ pour
sept banneaux de pierres à maçonYier et au d. Guille vin^t-
six sols pour 26 banneaux de semblables pierres pour
employer à faire les fondemens de Tédifice qu'on fait de
nouveau à la maison de la d. Ville.
Compte de M. Thibault
Dans le compte de M. Thibault, V^ de Tannée à la Trinité,
1516 à 1517, qui est pour les patrimoniaux.
Il a été employé en recette les sommes cy-après :
Pour la ferme du pontage et pavage de la ville de Dreux,
de deux années.
Tune de 16 liv. parisis
l'autre de âO — —
Une année de loyer de la tourelle de
la porte Chartraine » 16 s.
id. de la porte d'Orisson » 6 s.
id. de la porte Parisis » 6 s.
id. de celle S* Thibault » 4 s.
id. de la porte Haton qui est celle du
Tourniquet^ » ^s.
La maison des tourelles de la Ville donnée au conducteur
de l'horloge.
La tourelle du BouUevard de la porte d'Orisson est retenue
pour déposer les pavés de la Ville.
Gages des Maire, Procureur sindic, Receveur, etc.
A été payé à honorable homme très sage, M. Pierre de
^ C'est par cette porte, qui se trouvait à l'extrémité actuelle de la rue du
Tourniquet, que l'on communiquait de l'intérieur de la ville à la première
enceinte du château de Dreux, au moyen d'un chemin couvert ou galerie sou-
terraine, converti aujourd'hui, en caves.
— 382 —
Gravelle, Maire de la Ville de Dreux, pour ses gages d'avoir
exercé Toffice de Maire, 16 liv,
A honorable homme très sage, M. Jacques Le Charpentier,
pour avoir exercé l'office de procureur, pour ses gages, 8 liv.
Au Receveur pour ses gages, 4 liv,
A chacun des quarentes * par le commandement de M. le
Maire, baillé au prétoire la somme de dix sols tournois pour
leur dépense du mardy d'après la Trinité, la quelle somme
leur auroit été ordonnée payée par le dit receveur, pour
éviter à la grande dépense, qu'on vouloit faire le d. jour au
diné et soupe des d. quarente qui se faisoient aux dépens de
la Ville.
A quatre hommes qui ont porté les quatre grosses torches
de la Ville le jour et fette dû S' Sacrement, 2 s, 8 d,
A Etienne Branslard huit livres parisis pour avoir des
médicamens à subvenir aux malades de la peste.
A Jean Chastignier pour avoir de la graisse pour oindre
les paillets de la cloche du Beffroi et aussi pour avoir des
chandelles la nuit de Noël, vingt-deux deniers.
REGISTRE, COTTE DEUXIEME
Comptes de M. Robert le Meunier
Dans les comptes de M. Robert Le Meunier des années
1514, 1515, 1516, 1517, 1518, 1519,
La recette a été faite des droits de sel et de la ferme de
Choquet.
La dépense a été faite pour les réparations ordinaires et le
surplus pour la construction de THÔtel de Ville.
* Les Quarante composaient le corps de ville. Elus, chaque année, le mardi
de la Pentecôte par 100 ou 120 habitants, choisis à la reauéte du Procureur
syndic, en sorte qu'il y en ait de chaque rue ou fauboui^, ils prêtaient le ser-
ment de « fidèlement servir le Roy et la Ville» et élisaient six d'entre eux, parmi
lesquels le Maire était choisi.
Après les autres formalités de l'élection du Maire^ qui avait toujours lieu le
jour de la Trinité, le Gouverneur avec les Quarante allaient chercher le nouveau
Maire, pour le conduire à la grand'messe paroissiale. — La messe dite, ils le
reconduisaient à son hôtel oi!^ il leur donnait à dîner. — Les Quarante allaient
ensuite par toutes les maisons faire la quête pour les pauvres auxquels la ville
distribuait aussi ce même jour la valeur d'un muid de blé en petits pains.
— 383 —
CONSTRUOnON DE LA MAISON DE ViLLB
Dans un des articles du 1®' compte de 1515 de la recette de
la ferme du Choquet, il est dit : les d. journées employées
tant à conduire Vœuvre qu'à tailler la pierre du portail de la
Maison de Ville et dans un autre article, payé à Antoine
André et Bernard les Cornets 46 deniers pour leur salaire
d'avoir vacqué chacun quatre jours et demi, employés tant à
monter le grand Engin sur la maison dlcelle Ville qu'à lever
et dresser la platte forme des ceintres de la première voûte
de la d. maison.
Payé à Jean Decourselle et Colas Fourcault, maçons, la
somme de 6 liv. 12 s. tournois pour avoir fait de leur métier
les traverses de deux croisées de bas de la maison d'icelle
Ville, c'est à savoir la croisée de devant la grande halle et
l'autre du côté de la maison ou pend pour enseigne le Berger * .
A Jean Coslin, menuisier, la somme de 35 s, pour avoir
baillé et livré sept toises de carreau employées à échafauder
à l'entour des tourelles de la maison de Ville.
A Michaud Delisle, serrurier, pour son salaire d'avoir ferré
et assis partie des croisées de la première chambre de la
maison de la d. Ville.
Pavage de la rue Saint-Pierre, etc.
On voit dans les autres comptes dud. sieur Robert Le
Meunier que la dépense a toujours été faite pour le payement
des ouvriers qui travailloient à l'Hôtel de Ville et pour les
matériaux nécessaires, ainsy que pour le pavage des rues
S'-Pierre, la Porte-Neuve, le faubourg S'^-Martin, la répara-
tion des murailles, des ponts, et des portes de la Ville.
Dans le compte premier rendu par les tuteur et curateur
des enfans de Mathurin Mussard, de 1520 et 1521, la recette
a été faite, de la ferme de Choquet, qui étoit affermée en
cette année 660 liv. parisis qui valent 700 liv. tournois. La
dépense a été en partie pour la réparation des outils des
< Sur Tancienne rue des Changes (de la Grande rue à la place Métézeau à l'angle
de la rue de la Porte Chartraine) dont il ne reste plus aujourd'hui que les maisons de
droite, celles de gauche ayant été démolies en 1858 pour Tagrandissement de la
place Métézeau et le dégagement de l'Hôtel de Ville.
— 384 —
ouvriers, pour les poutres, les solives, les cordages pour les
monter et pour échafauderet le surplus pour autres ouvrages
et réparations dans la Ville.
Est extrait dud. compte ce qui suit :
Croisée de la Maison de Ville
Payé à Pierre Bordier, vitrier, la somme de 8 liv, tournois
pour avoir par lui livré six panneaux de verre pour mettre à
la croisée de la maison de Ville, dont il y a à un les armes
du Roi, notre sire, avec bordure à l'en tour, à un autre les
armes de la Reine, à un autre les armes de Monseigneur et
les armes de la Ville.
Pavés, 8 sols le 100.
Payé à Jean Hervé, paveur, la somme de huit livres pour
avoir par lui vendu et livré au lieu de la carrière du Boulay-
Thiéry * deux charretés de pavés à raison de huit sols le 100,
employés à paver la rue S' Martin, faubourg du dit Dreux.
Cloche de l'Horloge
A Mathieu Gendron, la somme de 100 liv. pour la façon de
la cloche de Thorloge.
A Pierre Mussard, pour avoir baillé cinq pots de vin à ceux
qui ont aidé à descendre lad. cloche. ..... 6 s, 8 d.
Plus pour un pain 16
Plus pour le souper de ceux qui ont mis la
cloche en place 15 s,
Nota. — Est observé que cette cloche n'est pas celle qui
est aujourd'hui, mais bien celle qui servoit dans l'ancien
Hôtel de Ville, car l'Hôtel de Ville actuel n'était pas achevé.
On le verra par la suite dans le compte troisième de Pierre
lïe Meunier, année 1531.
Comptes de M, Guillaume Brochand.
Dans les comptes de M. Guillaume Brochand, des années
1521 et 1522.
* Boullay-Thierry, commune du canton de Nogent*le-Roiy  13 k. de Dreux.
— 385 —
La recette a été faite des droits du sel et de la ferme du
Choquet.
La dépense a été pour avoir payé les ouvriers qui ont tra-
vaillé à la maison de Ville, avoir payé les pierres de grès et
le pavé achetté à S'-Martin de Nigèle, employé à paver le
faubourg S*-Martin, à réparer les ponts et les portes et autres
endroits de la Ville, etc.
REGISTRE COTTE 3
Comptes de M. Pierre de Hauttere, des années 1523 et 1524,
La recette : droits du sel, ferme Choquet.
L'HoTEL DE Ville au deuxième étage. — Rétablissement du
Presbytère et de l'École
Les deniers ont été employés, une partie à THôtel de Ville
qui pouvait être au moins au deuxième étage et l'autre partie
à payer les pierres de grès et autres matériaux, le pavé pour
paver la ville et les faubourgs, à rétablir la maison dupresby-
tère et celle ou tenait l'école et à payer les croisées de la
maison de Ville.
A été extrait des comptes ce qui suit :
Charpentiers
Payé à Pierre Alain et son serviteur, charpentiers, pour
trois journées par eux employées à mettre à point le pres-
bitère ou vont de présent les enf ans de cette ville à l'école ;
quinze sols.
Serrurier
A Michaux de Lisle, serrurier, pour avoir par lui baillé
sept vingt dix livres et demie fer ouvré en crampons pour
entretenir les pierres des saillies des Tourelles de la maison
de Ville, cent cinq sols tournois.
-- 386 —
Voitures par eau
A Jean Delahaye et Pierre de la Croix, voituriers, cin-
quante-sept livres, dix-sept sols tournois pour la voiture par
eau par eux faite depuis Vernon jusqu'en cette Ville, de
trente-neuf tonneaux huit pieds et 26 marches de pierre de
Vernon.
REGISTRE COTTE 4
Comptes de i/. Pierre lîotrou, 1625, 1526, 1527.
La recette : droits du sel, ferme Choquet.
Les deniers ont été employés une partie à la construction
de FHÔtel de Ville et Tautre aux réparations des murailles,
portes, fortifications, etc.
Comptes de M, Thibaut Bigot, 1525, 1526
La recette provenant des amandes, revenus patrimoniaux,
ferme du pontage et pavage, de ceux de chenetelage de
quelques parties de rentes.
Les deniers ont été employés en présents faits aux Sei-
gneurs qui faisaient leur entrée à Dreux et autres affaires ne
concernant point les ouvrages et réparations.
De ces comptes a été extrait ce qui suit :
Chasse du Maire
Payé à Philippe Câperon la somme de douze livres, dix
sols, 6 deniers tournois pour les frais de la chasse du maire,
faite en Tan de ce présent compte, suivant le mandement de
M. le Maire, du 20 mars 1525.
Roi DE l'Arbalètre
Au Roi des Arbalétriers et compagnons de Tarbalêtre de
cette Ville de Dreux la somme de soixante sols tournois.
— 387 —
Comptes de M. Pierre Le Meunier 1529, 1580, 15S1
La recette : droits sur le sel, ferme Choquet.
Les deniers ont été employés à achetter des pierres pour la
maison de Ville, du pavé pour paver le faubourg S'- Jean, le
bois de charpente pour faire le comble de la lanterne,
achetter Tardoise, la latte, pour couvrir ladite maison de
Ville et payer les ouvriers et pour travailler aux cloches de
la Ville, etc.
Du compte de 1530 a été extrait : Payé à Jean Guérin,
charpentier, 60 sols tournois qui lui a été ordonnée par les
Maire et pairs de la Ville pour être venu de Nonancourtpour
voir et visiter la besogne qu'ils entendoient être faite sur le
Beffroi de ladite Ville et pour en marchander avec eux le
portrait qu'il leur a laissé.
Lanterne de l'Hôtel de Ville
AThomas Buchin, maître charpentier des œuvres à Chartres
et Mathurin de la Borde, maître maçon audit lieu, la somme
de soixante-quinze sois tournois, qui leur a été ordonnée par
les Maire et Pairs de cette ville de Dreux, pour être venus
voir et visiter l'édifice et lanterne que entendoient faire les
dits pairs sur la maison de Ville, aussi pour voir et visiter un
pan de gresserie nouvellement construit à côté du pignon de
l'église S'-Pierre dudit Dreux, pour convenir du marché
dudit édifice et aviser comment on pourra réparer le dit
pan.
A Pierre AUain, charpentier, dix sols tournois pour avoir
vacqué et rapporter par écrit avec deux pourtrait de la
charpenterie de la maison de ladite Ville.
Prix du Pavage
A David Petit et à son compagnon, paveur, la somme de
six livres, quatre sols pour avoir pavé S2 toises de pavé au
faubourg S*-Jean, au prix de S s. 4 d, par toise.
— 388 —
Présent au Roi de Navarre *
A honorable homme Jean Moinet, la somme de dix livres
tournois pour un poinçon de vin, lequel a été présenté et
baillé au Roi de Navarre passant par ladite Ville en allant à
Alençon.
Présent a la Reine de Navarre
A Pierre Le Meunier, la somme de seize sols tournois pour
le poisson présenté à la Reine de Navarre passant par ladite
Ville.
DÉPENSES DES ARCHERS DE LA GARDE DU ROI
A la veuve Guillaume Brochand, dame du Plat d'Etain,
trente-cinq sols qui ont été dépensés en sa maison et hôtel-
lerie par les archers de la Garde du Roi, notre sire, venus
en cette Ville, pour vins, foin et avoine pour la provision
dudit Sire.
Malades de la Peste en 1530
A Antoine Braulard, chirurgien, la somme de quarente-
deux livres pour six mois à subvenir, soigner, médicamenter
et panser les malades de peste régnant Tannée de ce compte
en la Ville de Dreux.
A AUain Vion et à Lison, à chacun quarente sols par mois
pour leur salaire au gouvernement des malades de peste.
80 sols pour le loyer de la maison et jardin, près la Porte-
Neuve ^, pour y mettre et loger Etienne Braulard, chirurgien,
pour visiter les malades de la peste.
A Catherine Bassarde, la somme de cinq sols pour coucher,
héberger et fournir de linge à deux petits enfans orphelins,
* Henri II, d'Albret, Roi de Navarre, Prince de Béarn, Comte de Foix,
acquit les duchés d' Alençon et de Berri et les comtés d'Armagnac et de Rodez.
Né en avril 1503, il épousa, le 3 janvier 1526, Marguerite de Valois, sœur
de François l*^, dont il eut Jeanne d'Albret, la mère de Henri IV, et mourut
à Pau, le 25 mai 1555.
2 Cette rue s'appela primitivement rue Neuve ^ ensuite rue Porte-Neuve, à
cause de l'une des portes de la Ville qui se trouvait à son extrémité sur la Biaise.
Par délibération du 26 janvier 1832, le Conseil municipal décida qu'elle pren-
drait désormais le nom de Sénarmonty en mémoire de la famille de Sénarmont,
originaire de Dreux, qui a donné à la France deux célèbres généraux.
— 389 —
mis sur le payé, pour cause de la mort de leur mère, morte
de la peste.
A discrète personne, M. Jean Mauger, prêtre, procureur et
proviseur de THÔtel-Dieu la somme de dix livres tournois
pour aider à nourir les pauvres malades de peste étant de
présent en la maison Dieu des Prés.
Charpente DU Beffroi et de la Lanterne
Payé à Thomas Le Brécheu dix sols pour être venu de la
Yille de Chartres en celle de Dreux afin de voir et visiter le
bois du Beffroi étant en place pour le besogner.
A Jean Mattes, la somme de quatre livres, quinze sols en
rabatant sur la somme de quarante-une livres à lui promise
pour une pièce de bois par lui vendue pour la Ville.
A Thomas Le Brécheu, maître des charpentiers de la Ville
de Chartres, la somme de deux cent vingt-cinq livres tour-
nois, à laquelle somme il auroit composé et fait marché pour
l'ouvrage et charpenterie, tant du Beffroi et Hôtel de ladite
Ville de Dreux que pour faire la lanterne sur icelui.
A Pierre Gallois, charpentier, la somme de vingt livres
tournois pour avoir fourni le bois de la lanterne du Beffroi,
aussi les coyaux qui n'étoient pas à son premier marché,
ensemble huit pièces de bois pour faire le Beffroi ou branlera
la grosse cloche.
A Giles Rogeard douze sols pour avoir amené par charroy,
depuis la forêt jusqu'à cette ville, un millier deux bottes de
lattes.
Lattes a ardoises
A Guillaume Ratel la somme de 57 sols tournois pour avoir
baillé trois milliers huitans de lattes à ardoise pour la Ville.
Ardoises pour le Beffroi
A Matry, l'ardoisier, 50 sols tournois pour avoir vacqué à
aller à Rouen achetter l'ardoise pour le Beffroi et l'avoir mis
à point.
A Thomas Delaitre, pour seize voiages à avoir amené la
dite ardoise depuis le quai jusqu'au dit Beffroi.
— 390 —
Clouts a lattes et a ardoises
A Jean Mary vingt-deux sols, six deniers pour quatre milliers
et demi de clouts à lattes et à ardoises à cinq sols le millier.
Cordages
A Guillaume Thiennot, cordier, onze sols, six deniers pour
neuf livres de cordages pour servir aux ardoisierspour écha-
fauder et pour monter une partie du bois du Beffroi.
A Michaux Delisle, six livres, deux sols tournois pour avoir
baillé cent deux livres de fer en œuvre pour pendre et mettre
la cloche de Thorloge en la maison de Ville et une bande de
fer à la lucarne.
Plomb pour la Lanterne
A Michaux Rancier la somme de huit livres, douze sols pour
avoir baillé et livré cent soixante-douze livres de plomb
neuf en tables pour employer et plomber la lanterne du Bef-
froi, au prix de douze deniers tournois la livre.
Voitures de pierres de Saint-Leu et ardoises *
A Gillet Rogeard, la somme de soixante-onze livres, quinze
sols pour 25 tonneaux de pierres S*-Leu et pour avoir amené
trente et un milliers d'ardoises de Rouen jusqu'au quai de la
Ville vingt livres, dix sols tournois.
Couverture en ardoises du Beffroi
A Mahy Auger, maître couvreur d'ardoise, la somme de
soixante-cinq livres tournois pour avoir par lui couvert et mis
en état le Beffroi et la chambre de la Ville de Dreux, de son
métier d'ardoisier.
REGISTRE, COTTE 5.
Compte de M. Thibaut Chaillou des années 1532, 1533, 1534,
1535; 1536, 1537
La Recette. — Droits de sel, ferme de Choquet.
Les deniers ont été employés à la plus grande partie du
^ Saint-Leu d'Essérent, canton de Creil, arrondissement de Senlis (Oise).
— 391 —
plomb, au moins trois milliers à couvrir la lanterne et les
lucarnes de la maison de Ville, à payer les ouvriers, le
clou à ardoises, les bois de charpente pour les planchers,
les bois de menuiserie pour les croisées, les ouvriers
qui ont placé Thorloge, à la dépense des écluses qui ont été
faites pour retenir les eaux, à récurer et nétoyer les fossés,
paver le faubourg S*-Denis, à achetter des arquebuses et de
la poudre à canon et autres nécessités, etc., etc.
Plomb
Du compte de la première année 1532 est extrait :
Payé à Michel Rancier quatre livres, six sols pour avoir
fourni 86 livres de plomb pour aider à couvrir partie des
lucarnes de la cour carrée.
Maçons
A Robert Marchand vingt sols pour huit journées de beso-
gne qu'il a baillées à aider à faire la cheminée de ladite tour.
Ardoises
A Gillet Rogeard, marchand à Dreux, la somme de neuf
vingt-six livres tournois pour 31 milliers d'ardoise au prix de
6 liv, chaque millier qu'il a fournies et baillées pour être
employées à couvrir ladite tour carrée.
A Matry Auger, maître couvreur d'ardoises et autres per-
sonnes, la somme de vingt-neuf livres, dix-neuf sols tournois
de convention faite avec lui pour monter, rasseoire la fer-
raille et banvole qui ont été mises et rassises sur ladite lan-
terne.
Fer
A Michaux Delisle, pour 200 de fer mis en œuvre et
employés esdites Banvole dix livres, seize sols, huit deniers.
Menuiserie
A Jean Papin, menuisier, cent sols pour avoir fait le lam-
brissage et plancher et mis une huye au coupeau de ladite
tour.
1
3Ô2 —
Banvole
A Jean Coudray, quarente-cinq sols pour la façon de la
bannière et banvole mise sur la lanterne de ladite tour.
Peinture de la Banvole
A Jean Michel, peintre, quatre livres dix sols pour la façon
et peinture de deux écussons d'armoiries, Tune de Tarmoirie
de l'Ecu et l'autre de Tarmoirie de la Ville.
Cloche du Tocsin
A Michaux de Usle, serrurier, neuf livres tournois pour
vingt-neuf livres de fer en œuvre pour ferrer et enhuner la
cloche du tocsin séant en ladite tour carrée.
A Jacques Lefèvre, tailleur d'images, douze livres tournois
pour avoir par lui taillé et fait de son métier trois effigies
des trois vertus lesquelles ont été mises et apposées sur la
porte principale entrée de ladite tour carrée.
A Jean Guérin, marchand de bois, six livres quatre sols
tournois pour avoir par lui fourni et livré deux grosses pièces
de bois où est suspendu le tocsin.
A Gilles Gallois huit livres tournois pour avoir par lui des-
sendu le tocsin, icelui rehuné et rependu et fourni gens pour
le faire.
Compte de la deuxième année 1533
Plomb pour les lucarnes
Payé à Jean la somme de 23 liv., 3 sols, 6 den, pour
avoir baillé et livré 523 liv. de plomb en table pour faire la
terasse des lucarnes de ladite tour. Il a été fourni encore une
autre fois 160 liv. de plomb et une autre fois 204 liv, ±12,
Bois
A Matry Poignant la somme de huit livres^ quinze sols pour
25 solleaux à mettre aux planches de la tour carrée, plus
quatre livres, dix-huit sols pour quatorze solleaux, plus quatre
livres, quatre sols pour douze solleaux.
~ 393 —
Menuiserie
A Papin, menuisier, vingt sols pour avoir moulé huit sol-
leaux pour mettre aux planches, plus vingt-sept sols, six
deniers pour avoir moulé onze solleaux.
Horloge
A Blanchet Morand , horloger, demeurant à Paris, la
somme de seize livres pour avoir réparé et mis en état
rhorloge.
Bois
A Guillaume Ménestrel quarante sols^ six deniers pour
quatre toises et demie de bois qu'il a baillées pour échafauder
rhorloge.
Cadran de l'Horloge
A Louis Lesourd, étamier, vingt-sept sols^ six deniers pour
avoir mis en état le cadran de Thorloge,
A Clément Métezeau, maître maçon, sept sols^ six deniers
pour une journée et demie employée à percer et faire un
trou pour passer les contrepoids de la dite horloge en la
voûte de ladite tour carrée.
Cadran
A Guillaume Gueronet, peintre à Dreux, cent dix sols pour
avoir peint et étoffé le cadran de ladite horloge.
A Blanchet Morand, horloger, sept /iVres pour avoir dressé
et rétabli au cadran les mouvemens de la- hune étant audit
cadran et autres choses y nécessaires.
Compte de la troisième année 1534
Charpentier
Payé à Pierre AUain, maître charpentier à Dreux, la
somme de neuf vingt livres tournois^ à lui due par convention
et accord fait avec lui par les Maire et pairs de la Ville, pour
avoir fait la charpenterie des maisons et couvertures des
T. XII, M. 26
1
— n04 —
tours et tourelles de la porte Parisis et pour avoir fourni tout
le bois de ladite charpenterie, icelle levée, dressée et ren-
due prête de son métier à son propre coût et dépenses.
Ardoises
A Gillet Rogeard la somme de cent neuf livres, quatre sols
tournois pour avoir par lui fourni, rendu, baillé et livré sur
le quai dudit Dreux, dix-sept milliers six cents d'ardoises à
six livres j cinq sols le millier qui ont été employées à couvrir
ladite charpenterie des tours et tourelles.
Plomb
A Thibaut Lecourt, soixante-sept sols pour 84 liv. de plomb
mis sur la lucarne de la porte Parisis.
VODTE DE LA PORTE PARISIS
A Pierre Le Guai et Denis Frichet, maçons à Dreux, la
somme de six livres, six sols à rabattre sur les six livres
tournois, pour le marché et convention faite à eux de faire
de leur état la voûte de la porte Parisis.
Couverture de ladite Porte Parisis
A Guillaume Auger, maître couvreur d'ardoises, la somme
de quarente-deux livres, cinq sols à lui due par convention et
accord fait arec lui pour avoir couvert d'ardoise la porte et
tourelle de la porte Parisis et pour la plomberie faite aux
lucarnes.
A Jean Martin .et autres à chacun cinq sols pour avoir
vacqué deux journées ensemblement à ôter et vuider les
pierres étant dedans le quai; lesquelles pierres ont été
employées à faire édifier le pont des caves.
Compte quatrième année 1585
Pavés
Payé à Jean Ives et Jean Rousseau, demeurants à S*-Mar
tin-de-Nigelle, la somme de 94 liv, 6 sols tour noisipour avoir
— 395 —
fourni 11,350 pavés à 8 liv, le mille et pour 20 marches de
pierres en grès qui ont été employées à faire la montée de la
porte Parisis.
Pavage
A Noël Valou, paveur, la somme de soixante-dix sols pour
20 toises de pavés qu'il a faites au faubourg S*-Jean à 3 sols,
6 deniers par toise.
Compte cinquième année 1586
Curage des Fossés
Payé à Thibaud Bigot, Jean Phou et Guillaume Fouland,
conducteurs des manœuvres ordonnées par MM. les Maire,
pairs et procureur sindic de la Ville à curer les fossés étant
à Tentour d'icelle pour la munition, fortification et édifice de
la Ville, la somme de i28 liv. pour le payement de 250
hommes pauvres et maneuvres qui auroient travaillé à curer
les dits fossés pour cinq jours entiers au prix de deux sols
tournois par jour compris le salaire des dits conducteurs.
Aux mêmes iOi liv, ,i^ s_. pour 250 h.
Id. six vingt-sept livres pour 250 h.
Id. Id. pour 250 h.
Id. 57 liv, 7 s, pour plusieurs.
Id. 60 liv. Id.
Id. 90 liv, pour 221.
Arquebuses
A été acheté en cette année là soixante arquebuses au
moins à 35 sols des nommés Jean Paris et Henry, .... de
Blevy et environs une douzaine de crochets à 3 liv. iO s.
pièce.
Compte sixième année 1537.
Pavés
Payé à Georget Beaugrand la somme de vingt livres, quatre
sols tournois pour deux mille cinq cent vingt-six pavés.
— 396 —
A Jean Allais, S8 liv, 4 s. tournois pour 3.525.
A Colas Foulon 14 liv. il s. tournois pour dix-huit cent et
quarteron et demi.
Plus 32 liv. iS s. pour 4,450.
Plus 41 liv. 4 s. pour 5.100.
Plus 41 liv. pour 5.125.
Plus 33 liv. 4 s. pour 4.150,
employés dans le faubourg Saint-Denis et ailleurs.
Refonte de la Cloche du Tocsin, 168 liv. 15 s.
Payé à Jean Prudhomme, marchand fondeur de cloches,
demeurant à Mantes-sur-Seine, la somme de 21 sols tournois
pour sa peine, salaire et vacation d'être venu exprès pour
aviser et amener avec lui un nommé M® Jean Le Royer,
aussi fondeur de cloches, du prix de la fonte et refaçon du
tocsin de la Ville qui avoit été cassé de nouvel.
A Jean Le Royer, maître fondeur, la somme de huit vingt-
huit livres, quinze sols tournois en deux parties, savoir : pour
le prix et convention faite avec lui d'avoir refondu et refait
à son déchet coût et dépense, le tocsin delà Ville, la somme
de 90 liv. » s.
et pour 450 liv. de métal qu'il auroit fournies
et employées pour grossir et augmenter ledit
tocsin 78 15
168 liv. 15 s.
Pour deux grosses cordes à sonner ledit tocsin vingt-trois
sols, trois deniers.
A Michaux Delisle, serrurier, la somme de dix livres pour
avoir fourni et enhuné ledit tocsin, icelui monté au haut de
ladite tour carrée et rendue prête à sonner en branle, le
tout à ses coût et dépens.
Menuisier
A Jean Papin, menuisier, la somme de dix livres prix et
convention faits avec lui pour avoir fait et fourni le bois des
fenêtres et châssis de l'une des croisées de la première
chambre haute de la tour carrée de la Ville.
^
— 397 —
Piques et Hallebardes
A Jean Piquet, artilleur, la somme de 10 livres, 10 sols
pour la façon de 28 fûts de piques et sept vingt quatorze
autres fûts, tant demies piques, javelines que hallebardes et
six livres pour la façon de six cents garrots d'amonition,
pour la défense et fortification de la Ville.
Comptes de M. de Saint-Thomas
Pavage du Faubourg Saint-Thibaud, Rue Évêché
ET Grande Rue
Dans les comptes de M. de S*-Thomas, des années 1538 et
1539 (celui de 1539 ne se trouvant pas) dont la recette con-
siste dans le produit du droit du sel et celui de la ferme de
Choquet, on voit que les deniers ont été employés la plus
grande partie à payer le pavé pour le faubourg S^-Thibaud,
pris à Brissac ^ et à Serville ^, k 8 liv. le 1000 et 12 s. de
voiture, à paver la rue Evêché ^ et la Grande Rue et le surplus
des deniers à autres affaires nécessaires.
Extrait de ces Comptes
Payé à Jean Chamans, six livres, quatre sols tournois pour
775 pavés.
A Pierre LeFevre, de Brissac, sept livres^ dix sols tournois
pour 937 pavés.
A Jean Le Fevre dudit lieu, il liv. 16 s. pour 1475 pavés.
A Pierre Le Fevre, S liv, pour mille pavés.
* Brissard, hameau de la commune d'Abondant, canton d'Anet., à 7 kilm.
de Dreux.
^ Serville, commune du canton d'Anet, à 11 kilm. de Dreux.
3 Cette rue, qui s'appelait primitivement rue du Puis de la Chesne à cause
d'un puits à fleur de terre c[ui s'y trouvait et d'une chaîne de fer que l'on tendait
le soir, après le couvre-feu, à chaque extrémité de ladite me, pour en intercepter
le passage, prit ensuite le nom de rue Eveschè en raison d'une habitation qu'y
possédait TEvêque de Chartres.
Le nom de Godeau (ju'elle porte aujourd'hui est celui du célèbre évéque de
Grasse et Vence, premier fauteuil de l'Académie Française, né à Dreux en 1605.
— 398 —
A Pierre Bréant, i liv. pour 500 pavés.
A Blanchet Angiboiit, de Serville, 8 liv, 12 s. pour 1075.
Pavage
Payé à Noël Valou, paveur, quatre livres, seize sols tour-
nois pour 24 toises de pavé mis et assis en la rue S^-Thibaud
à un carrefour devant la maison ou pend pour enseigne
rimage S'-Crépin, du côté de la rivierre tirant sur le pont
devant la maison et tannerie de Pierre Touzet, à quatre sols
la toise.
Cloche du Tocsin
Payé à François Cochet, charpentier, vingt sols tournois
pour quatre jours qu'il auroit vacqué et besogné à dessendre
la grosse cloche ou tocsin de la Ville, icelle dehunée, retail-
ler la hune, et après Tauroit enhunée, pour la faire batti*e
en autre sens qu'elle ne faisoit au précédent, parce qu'il y
avoit une paille à l'endroit où elle battoit.
Au Compte de 1540
Payé à Guillaume et Jean Les Cornets, charpentiers, cent
huit sols tournois pour neuf toises d'ais à faire un plancher
sur les grosses poutres qui sont en la grosse tour carrée, les-
quelles poutres portent et soutiennent le beflfroy de bois où
est assis et pendu la grosse cloche et tocsin de la dite Ville,
iceux ais là mis pour aller et tourner autour du tocsin.
Comptes de M. xlean Barbier
Dans les comptes de M. Jean Barbier, des années 1541,
1542. La recette a été faite de la ferme de Choquet et les
deniers ont été employés la plus grande partie aux répara-
tions des murs de la Ville, aux portes et ponts et à faire le
pavage de la rue des Caves, et le surplus à construire la Cha-
pelle des Ecoles, à présent la chapelle du Collège ' .
^ Elle était située à l'angle des rues d'Orléans et Chenevotte. On voit en-
core dans cette dernière rue les nervures d'une grande fenêtre plein-cintre de
l'abside.
_ 399 ^
Compte de 1541
Chapelle du Collège
Voyez cy après compte de M. Antoine Prunier, Registre
CottiB 6«, Compte 6«
Payé à Jean Yves, pour 37 quartiers degrés qu'il a baillés
et fournis pour employer à la Chapelle commencée à édifier
près les Ecoles.
A Robert Rivier, quarente-neuf sols, six deniers pour dix-
huit banneaux de pierre, partie employée à faire des murs,
près les ponts de la Porte Neuve, et l'autre partie à la Cha-
pelle des écoles, pour bâtir icelle.
Pierres de Saint-Leu
Payé à Mathurin Guérin, dit Trathelin, marchand voitu-
rier par la rivierre d'Eure, la somme de seize sols tournois
pour huit tonneaux de pierre S'-Leu, par lui baillés et livrés
au lieu de Fermincourt, sur la dite rivière d'Eure, pour
employer à la construction de la chapelle des Ecoles.
Chaux
Payé à Jean-Thomas, chauxerre, demeurant à Fermin-
court, la somme de quatre livres, six sols, quatre deniers
tournois pour vingt-trois septiers de chaux par lui baillés et
fournis pour employer à la construction et édification de la
chapelle prochaine des écoles de cette ville.
Payé à Jean Le Beau, menuisier, pour bois, par lui fourni
pour faire les moules des vitres de la dite chapelle.
A Jean Cornet, charpentier, six sols tournois pour avoir
fait le ceintre pour entrer les vitres de la chapelle.
Comptes de M. Jacques Mussard
Dans les comptes de M. Jacques Mussard, des années 1547,
1548, 1549, 1550, 1551, la recette a été faite de la ferme du
Choquet et des patrimoniaux de 1550 et 1551.
— 400 —
Subvention de Guerre de 2600 livres
Les deniers ont été employés une partie à payer les deux
mille six cents livres demandées par le Roi, pour partie des
1,200,000 livres que les villes closes dévoient fournir pour la
solde de 50,000 hommes de pied, levés en la présente année
et l'autre partie employée à payer les pavages du faubourg
S^-Jean, la rue Parisis, le faubourg du Valgelé et autres
dépenses.
Au Compte de 1551 est dit :
Convoi de M™* la duchesse de Nevers^
Le vendredy huit novembre 1547 a été député par assem-
blée du Conseil de la Ville six du nombre dudit Conseil,
accompagnés de deux hommes, tous en habit de deuil, pour
aller au convoi, recevoir le corps de Madame la Duchesse de
Nevers, Comtesse de Dreux.
Comptes de M. Jean de Saint-Albin
Dans les comptes de M. Jean de S'-Albin, curateur de Thi-
bault de S'-Aulbin, des années 1550, 1551, 1552, 1553 et 1554,
la recette a été faite de la ferme du Choquet et des droits
sur le sel. Les deniers ont été employés aux réparations des
ponts et portes de la Ville, à Tarche de la Canette et autres
aflaires de la Ville.
Comptes de M. Pierre Chaillou
Dans les comptes de M. Pierre Chaillou, année 1554,
recette des deniers des Patrimoniaux, on lit :
^ Marie d'Albret, comtesse de Dreux et de Rethel, dame d'Orval et de
Boisbelle, fille et héritière de Jean d'Albret et de Charlotte de Bourgogne, ftit
mariée le 25 janvier 1504 à Charles de Clèves, comte puis duc de Nevers.
De la Plane cite un auteur latin, originaire de Dreux, qui vivait de son temps,
rapportant que cette princesse était d'un mérite au-dessus de toute expression,
qu'elle aimait fort les Druides, et qu'elle fit au château des comtes, au donjon et
aux bâtiments qui les joignaient des réparations considérables.
Elle avait marié, en 1538, son fils François de Clèves avec Marguerite de
Bourbon, fille de Charles de Bourbon, duc de Vendôme, et de Françoise d'Alençon
auquel elle laissa par sa mort le comté de Dreux.
u
— 401 —
Jettons donnés aux quarante
A Messieurs les quarente Echevins et gens du Conseil de
ladite Ville pour leurs gages ordinaires, d'assister audit
Conseil, a été payé à chacun un jetton valant onze sols, quatre
deniers tournois, qui feroit pour tous les quarente jettons
RÉJOUISSANCES A LA FÊTE SAINT-PIERRE
Payé la somme de seize sols parisis pour achat de crème
fraises, cerises, pain et vin et autres choses portées le lende-
main de la fête de Monsieur S^-Pierre, sous l'orme de l'église
Monsieur S'-Jean en la plaigne les Druides *, pour donner aux
filles et femmes de cette ville, comme il est accoutumé de faire.
A certains menestriers et joueurs pour avoir par eux joué
de leurs instrumens durant la fête S*-Pierre, patron de lad.
ville, il a été payé soixante-quinze sols tournois.
REGISTRE, COTTE 6°»«
Comptes de M, Antoine Prunier
Dans les comptes de M. Antoine Prunier des années 1556,
1557, 1558, 1559, 1560, 1561, 1562. La recette a été faite de la
ferme de Choquet et des droits sur le sel.
Les deniers des cinq premiers comptes ont été employés
aux réparations des ponts, murailles, fossés, pavages, curage
de la Commune, aux ceintres et aux vouttes des onze tou-
relles attachées aux murs de la Ville et autres nécessités de
la Ville.
1561. —■ Grosse Cloche cassée et refondue
Les deniers du 6® compte, employés en partie pour la
* L'église Saint-Jean, vendue coname bien national en 1793 et détruite en
1796, se trouvait dans Tangle formé par la rencontre des rues Saint-Jean et des
Capucins.
De fondation inconnue, en 1472 elle était succursale de Téglise Saint-Pierre;
agrandie de moitié en 1537, elle souffrit beaucoup des deux sièges que la ville
de Dreux eut à supporter en 1590 et 1593, et ne fut érigée en paroisse qu'en
1669. C'est dans cette église que la Confrérie de la Charité de Dreux avait sa
chapelle.
Il ne reste plus aujourd'hui que des débris insignifiants d'un pilier du clocher.
C'est la chaire de Saint-Jean qui est dans la nef de Saint-Pierre.
— 402 —
grosse cloche qui auroit été cassée et refondue et augmentée,
qui est celle d'aujourd'hui, et ceux du 7® compte employés à
fortifier la ville et les forteresses pour soutenir contre les
ennemis huguenots contre lesquels la bataille de Dreux a
été gagnée en 1562.
Au 5*» Compte 1560 est dit :
Payé à Antoine Godeau et Alexandre Prunier huit livres,
neuf sols tournois pour avoir fourni et baillé le bois qu'il a
convenu pour faire les ceintres des onze tourelles étant es
murs de la Ville et pour faire le plancher pour la voûte.
A la fabrique de Monsieur S'-Pierre, la somme de cent un
sols, trois deniers pour vingt-sept banneaux de pierres pour
employer à voûter trois des dites tourelles.
Payé à Jacques Seigneury, chauchere de , la somme de
dix-sept livres, dix sols tournois pour sept muids de chaux
pour employer à voûter huit des tourelles étant es-murs de
la Ville, etc.
Tourelles
Suivant les articles dudit compte, il parroit que les tou-
relles de la Ville ont été achevées de faire et de voûter.
Au compte 6® de Tannée 1561 on voit que :
Grosse Cloche
Par ordonnance faite en la chambre de la Ville de Dreux,
le 28 septembre 1561, signée Harel,il auroit dit que la grosse
cloche étant en la tour carrée et maison de ladite Ville,
appelée le tocsin, seroit refondue pour autant été cassé pour
servir tant pour les affaires du Roi de notre sire et faire
les pour les baux et fermes du dit Sire que pour com-
munes et affaires de la Ville et que les deniers qui convien-
droient pour ce faire seroit baillés et délivrés par ledit
Comptable, et alloués en son compte comme plus amplement
est porté et contenu par ladite ordonnance.
Moule de la Grosse Cloche
Suivant laquelle ledit comptable auroit, le 22 octobre 1561,
— 4m —
payé quinze sols tournois pour deux hommes auxquels on
auroit marchandé pour faire la fosse pour faire le moule de
ladite cloche.
Payé à Jacques Marie pour carreau de bois de poirier pour
faire la planche à faire le dit moule, dix sois tournois,
A Jean Dejarsay, menuisier, pour avoir plané le dit car-
reau, quatre sols tournois,
A Thibault Chaillou, vingt-six sols tournois pour deux cents
de chaume.
Lattes
A la veuve De laCenserie, pour une botte de grandes lattes
et une botte de petites lattes, quatre sols, huit deniers,
Clouts
A la veuve Jean Marrais, pour deux cents de clouts à lattes
et clouts employés à faire une couverture sur la fosse du
moule de ladite cloche, deux sols, quatre deniers,
A la même trois sols tournois pour un quarteron de clouts
de quarente pour clouer le calibre en planche, du moule de
ladite cloche.
Briques
Au Commissaire de l'HôteUDieu vingt-huit sols, six deniers
tournois pour trois cents de grosses briques employées audit
moule.
Charbon
A Jean Perrier, trente-sept sols, six deniers ^our cinq poin-
çons de charbon employés à faire sécher ledit moule et cinq
poinçons de sablon trente-deux sols, six deniers,
A Thibaut, Prunier, pour neuf livres de bourre à poil six
sols tournois.
Chanvre
A la veuve Matry, Maître-Jean, pour quatre livres de
chanvre, huit sols.
Briques
A Pasquier Delaitre, thuilier, vingt-huit sols tournois pour
sept cent de briques employées à faire le moule.
— 404 —
A Thomas Robert, maçon, et Thibaut Moreau, maneuvre la
somme de seize livres^ quatre sols, trois deniers tournois pom*
avoir vacqiié et besogné de leur état plusieurs journées à
ôter les vitres de Tune des croisées de ladite maison de Ville
et à croitre le trait pour passer la dite cloche.
3213 LIVRES 1/2 MÉTAL
500 LFVRES ÉTAIN POUR AUGMENTER LA CLOCHE
A Sire Pierre Fauteuil, marchand de métal demeurant à
Paris, la somme de sept cent vingt deux livres^ quatorze sols^
trois deniers tournois pour avoir par lui fourni à ladite Ville
trois milliers, deux cents treize livres et demie de métal em-
ployées à ladite cloche.
Au même trente quatre livres, deux sols, six deniers tournois,
pour le nombre de cinq cents livres d'étaim pour affiner le
dit métal.
Frais de transport de Paris a Dreux
A été payé par ledit comptable la somme de cinquante six
livres, deux sols, six deniers tournois à plusieurs charretiers
qui ont amené et voiture ledit métal depuis Paris jusqu'à
Dreux.
Fonte de la Cloche
A M. Charles de la Boutique ^ Maitre fondeur, la somme de
1.111^ X* tournois qui lui étoient dus pour avoir pour lui
fondu par deux fois ladite cloche comme est porté par sa
quittance passée par devant Michel Delaplanne, tabellion, le
XXI® jour de novembre 1561.
A Guillaume et Jean Les Cornets, charpentiers, la somme
de trente livres tournois pour avoir par eux mené la cloche
de la dite Ville, du lieu ou elle avoit été fondue jusqu'à la
maison de ladite Ville, icelle montée et enhuné.
Cordes pour la Cloche
A Etienne Tournade la somme de deux cent deux sols pour
deux cordes par lui fournies de son métier de cordier, pour
sonner la dite cloche.
^ Jl faut lire de la Bouticle.
>^>^f^?fi^^^P*
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405
Observations sur la Cloche
Elle a été mesurée le 12 décembre 1755, lorsqu'il a fallu y
mettre un torillon qui étoit cassé.
Elle contient de hauteur du haut en bas par dehors quatre
pieds, huit pouces et par dedans quatre pieds, deux pouces et demi.
De diamettre en haut par dehors deux pieds, onze pouces ;
du milieu par dehors trois pieds, trois pouces, quatre lignes;
du milieu par dedans, deux pieds, neuf pouces.
A.ix'poxxriour huit pieds, trois pouces; diamètre d'en bas cinq
pieds, quatre pouces.
Au pourtour aussi d'en bas seize pieds.
Le battant est long de quatre pieds, cinq pouces.
Le milieu a huit pouces de tour.
La pomme vingt^un pouces.
INSCRDPTION AUTOUR DE LA CLOCHE DANS LE HAUT^
l'an MIL CINQ CENT SOIXANTE UN LE PREMIER DÉCEMBRE DU RÈGNE
DE CHARLES IX PAR LA GRASSE DE DIEU ROY DE FRANCE ET COMTE
DE DREUX FUT FONDUE AU MOIS DE NOVEMBRE PAR M CHARLES DE
LA BOUTIQE POUR L'HONNEUR DE DIEU LE SERVICE DU ROI ET LA
COMMUNAUTÉ DE DREUX LORS MESSIRE ROTROU LIEUTENANT GÉNÉRAL
JACQUES CHAILLOU MAIRE ET PHILIPPE PETIT PROCUREUR SINDIC
^ Voici rinscription exacte (en trois lignes) qu'aucun historien n'a reproduite
fidèlement :
t LAN MIL V^LXI d|b LE PREMIER CV REGNE QE CHARLES IX^ PARLA
GRACE QE aiEU ROY QE FRANCE ET CONTE DE DREVX lE
t FVS FVNDVE AV MOYS DE NOVEMBRE PAR A M^ A CHARLES DE
LABOVTICLE A POVR LHONEVR DE DIEV SERVICE QV ROI ET
t COMVNITE DE DREVX LORS Bifes PIERRE ROTROV LlEVTËN GNÀÈ
lACQVES CHAILLOV MAIRE ET PHILIPPES PETIT PROCVK SCINGIG
Entre cette inscription et le bas-relief représentant la procession des Ftam--
barts sont placés quatre écussons diamétralement opposés dont deux portent les
armes de France et les deux autres celles de Dreux.
11 existe aussi cette autre inscription sur une couronne contournant les anses :
arlo0e 0m tM mon broit nom (auU a itevix pour ^erDtr rt)entn
fbnihte par matt)iru preubor en lan mil v^ m
Sur la cloche actuelle qui a remplacé celle de 1561. MM. Mahuet père et fils
- 400 —
Au dessous de cette inscription est un cordon tout autour
de la cloche, représentant soixante quatorze personnes, figures
d'hommes et femmes, portant des flambards allumés sur
répaule et d'autres qui les allument en marchant a ceux
qui sont allumés.
Voyez le compte de M" Barbier, année 1541, Reg. cotté 5^
Dans le même 6® compte, année 1561, est aussi dit :
Payé à Jean Dadou la somme de neuf livres pour avoir par
lui baillé et fourni pour ladite Ville le nombre de quarente
huit quartiers de grès pour faire la Chapelle des Ecoles.
Payé à Jean Garnier la somme de dix îniit livres, douze sols
pour quatre vingt douze quartiers de grès, pour employer à
ladite Chapelle, etc., ainsy qu'il est porté à plusieurs articles
dudit compte.
Chapelle du Collège parachevée
Laquelle chapelle auroit été ordonnée être parachevée par
ordonnance faite en assise de la Ville tenue le même jour
d'octobre audit an 1561.
Payé à Guillaume et à Jean Les Cornets, charpentiers, la
somme de huit livres tournois pour avoir fait de leur métier
et état de charpentiers trois ouvoirs pour servir aux poisson-
fondeurs à Dreux, ont reproduit très fidèlement les inscriptions ci-dessus, sauf
cependant celle des anses, les armoiries et la procession des Flambarts, et,
grâce à une heureuse inspiration de M. Lamésange, ancien maire de Dreux, ils
y ont ajouté deux médaillons de Jean Rotrou, entourés de branches de gui de
chêne, symbole de Torigine druidiaue de la Ville, surmontés d'une étoile, em-
blème de l'immortalité, et entoures dans Texei^gue de cette légende : « Il fut
magistrat et poète et mourut victime de son patriotisme. »
Enfin au-dessous on lit encore :
LAN 1839 LE 0^ DU REGNE DE LOUIS PHILIPPE !•' ROI DES FRANÇAIS
CETTE CLOCHE A ETE REFONDUE AVEC LJÇS DENIERS DE LA COMMUNE
ET LES DONS B^AITS PAR S. M. A LOCCASION DE LA NAISSANCE DU COMTE
DE PARIS SON P^ FILS .f.
SOUS-PREFET DE MENTQUE -îl. MAIRE DEMONPERRAND = ADJOINTS
LAMESANGE-— CLAYE = CONSEILLERS — MUNICIPAUX * BROCHAND
THOURETTE — MARECHAL — BIGNON - CROIX — RUELLE — LOISELEUR
DESLONCHAMPS — AVISSE - FESSARD —
BERTROU - DE LA BOISSIERE — CAILLE DE S^ PERE — AMOREAU —
MAILLIER — LACOSTE — MESIRARD — SEIGNEURY — SANSON — HELLOIN
^ BAUDRAN — ELUS PAR LEURS CONCITOYENS
— 407 —
niers, édifiés au Boulevard de la Porte-Chartraine contre la
maison dé Robert Bitrou.
Bois
Payé à Georges Guérault la somme de XXXI 1 livres, 10 sols
tournois pour bois et chanlattes employées à faire les dits
ouvoirs des poissonniers de la Porte-Chartraine.
Sablon
Payé à Alexandre Prunier la somme de soixante sept sols,
six deniers tournois pour avoir par lui baillé et livré à ladite
Ville le nombre et quantité de vingt sept banneaux de sablon
employés à maçonner lesdits ouvoirs.
Planches
A Maillot Grippon, menuisier, la somme de cinquante doux
sols tournois pour avoir par lui, fait et fourni des hays et
fenêtres desdits ouvoirs.
Dans le même G® compte est employée la dépense des ou-
vrages extraordinaires faits pour la défense de la Ville contre
les ennemis avant la bataille.
MUNtTIONS ET PRÉPARATIFS DE DÉFENSE DE LA ViLLE
PENDANT LA GUERRE EN LA BATAILLE DE 1562
Payé à Pierre Cauchoix, salpetrier, la somme de cinquante
huit livres, six sols tournois pour avoir par lui baillé et fourni
pour la Ville cent six livres de poudre à canon pour être dis
tribuée aux gardes des portes et gendarmes étant dans ladite
Ville.
A Jean Lami, charron, la somme de soixante-sept sols tour-
nois pour avoir fourni la monture de roues et essieux de trois
pièces d'artillerie.
A Marin Moulin, Noël Girard et plusieurs autres qui au-
roient besogné à faire les écluses, batardeaux et chaussées
et fossés de ladite Ville afin de rendre ladite Ville plus
forte.
A Thomas Robert et autres maçons pour avoir besogné à
étouper et boucher plusieurs trous et fenêtres étant aux
murailles de rHùtel de Ville.
1
— 408 —
A Marin Grossetéte, Marin Torquet et à plusieurs autres
maneuvres et maçons six livres, quatre sols pour avoir netoyé
la rivière de la Commune pour mettre l'eau dans les fossés
pour rendre la ville plus forte.
Prix de la chandelle
A la veuve Etienne Tournade, vingt-sept sols, six deniers
pour neuf livres de chandelle par elle baillées et fournies aux
personnes qui étoient à faire le guet à la porte Parisis pour
éviter et de peur que la Ville ne fut surprise par les gens de
guerre étant lors sur les champs.
A été payé à Pierre Touzet, faiseur de poudre à canon, la
somme de neuf livres tournois pour avoir été lui et un homme
quinze jours pour faire poudre à canon pour la défense et
fortification de ladite Vi,lle.
A été payé la somme de douze livres^ douze sols à Lucas
Fournaise et autres personnes pour avoir par eux vacqué à
oter et netoyer les pierres et immondices et ordures étant
es tourelles de ladite Ville qui empêchoient les barbacannes
desdites tourelles et à faire des barrières aux fauxbourgs de
la Ville.
A Robert Blondin, salpetrier, la somme de treize livres,
trois sols pour avoir baillé et fourni six vingt-neuf livres de
poudre à canon dont partie auroit été distribuée aux soldats
et gardes de portes de la Ville.
Menuisier. — Prix d'un cercdeu.
A Louis Lelièvre, menuisier, la somme de vingt sols pour
avoir fait un cercueil pour inhumer Jean Lefèvre qui auroit
été tué à la garde de la porte Chartraine.
Compte de la septième année 1562.
Poudre a Canon
De ce compte est extrait ce qui suit :
Payé à Guillaume Binet, marchand salpetrier, la somme de
— 409 —
vingt-une livres^ quatorze sols tournois pour avoir fourni
218 livres de poudre à canon.
A Simon Pellerin, la somme de sept vingt dix sept livres,
dix sols pour 150 L. de poudre à canon.
A été payé suivant mandement de MM. Le lieutenant-géné-
ral et Maire de Dreux et Faveroles, gouverneur, en date du
21 décembre 1562 à noble homme Jacques-Nicolas Larcher,
de la compagnie de M. Martigue, la somme de cent cinquante
livres pour avoir par lui baillé et livré pour la Ville, cent
livres de poudre à canon.
A été payé onze livres, neuf sols à Pierre Guillard et autres
pour avoir vacqué à mettre et reconder ^ la poudre à canon
dans la chapelle Saint- Vincent ^ et avoir bouché les huis et
fenestres de ladite chapelle.
A Lucas Fournaise, voiturier, la somme de vingt-deux sols,
six deniers pour avoir mené et voiture cent deux sacs de
poudre à canon que le commissaire de Fartillerie du Roi
avoit délaissés au garde de la Ville.
A été payé à M. Jaques Gastel la somme de quinze livres
tournois pour un poinçon de vin par lui baillé à MM. Les
commissaires des vivres du camp du Roi lors étant en cette
ville de Dreux, pour lors de la bataille afin de supporter le
peuple de la Ville.
A Claude Delisle et Claude Bourguignon et autres jusqu'au
nombre de trente un fl^ix^ejo^Z/Vres pour salaire d'avoir vacqué
chacun deux jours à faire un pont au chastel vers le Valgelé
pour placer quatre pièces d'artillerie, mises audit chastel.
A été ordonné par mandement signé Rotrou, Chaillou,
^ Pour recondre, vieux mot français, du latin recondere, renfermer, cacher.
3 L'église Saint- Vincent se trouvait dans la cour basse du Château, au-
dessous de la plate-forme sur laquelle il s'élevait, dans le Quartier du Bourq^
Clos ou Grenier à Sel. Au Moyen-Age les actes n'étaient valables que lorsqu'ils
avaient été solennellement et publiquement confirmés devant le portail de saint
Vincent; c'était dans son enceinte que se traitaient les affaires importantes de la
commune. Les chanoines de Saint-Etienne, de qui elle dépendait, y chantaient
leur office, en hiver, quand le chemin de la Collégiale Saint-Etienne était devenu
impraticable. A droite de l'église se trouvait leur maîtrise et à gauche la maison
de l'abbé ; les maisons canoniales environnaient le parvis et en faisaient une
place fermée.
Saint-Vincent eut beaucoup à souffrir des gueiTes de religion (i562) ; le siège
de Dreux par Henri IV (1593) vint lui porter le dernier coup. Elle tomba en 1747
et fut complètement rasée en 1749.
T. XII, M. 27
j
— 410 —
Gravellei Petit et Cornet être payé à M. Bernard Coupé la
somme de trente sept livres, dix sols pour faire un voiage par
devers le Roi et la Reine mère * et leur présenter les clefs de
la Ville, afin que ce fut leur plaisir de décharger et exempter
la Ville et Fauxbourgs des compagnies du sieur deFaveroles
et du capitaine de Molianbourg étant en garnison en la dite
ville et fauxbourg.
A été payé à différentes personnes leur salaire d'avoir fait
le gué tant dans THÔtel de Ville qu'aux portes et autres en-
droits, et aussi autres payemens faits occasionnés par les
ennemis comme il est expliqué par ledit compte et pour les
fortifications et réparations des murs, tourelles, pont, faire
des batardeaux dans les rivières, même faire tenir les fossés
pleins d'eau pour la défense de la Ville.
REGISTRE COTTÉ 7«
Comptes de M, Philippe Petit
Dans les comptes de M. Philippe Petit des années 1566,
1567, 1568, 1569, 1570, 1571.
La recette a été faite de la ferme du Choquet et des droits
sur le sel.
Les deniers ont été employés aux réparations des ponts,
fossés et autres endroits de la Ville.
Pavage du Valoelé
Le faubourg du Valgelé a été achevé d'être pavé en l'aimée
1567.
Après la bataille a été posé pendant l'année un garde dans
la lanterne de l'Hôtel-de- Ville et un autre au Donjon ^ du Châ-
teau pour faire le guet jour et nuit, pour voir si aucuns des
ennemis ne viendroient pas surprendre la Ville ; ces gardes
^ Charles IX et Catherine de Médicis, régente de France.
3 Ce donjon, qui porta les noms de Grosse Tour et de Tour Grise, construit
en 1224 par Robert III, comte de Dreux, fut détruit par Sully, lors du dernier
siège de Dreux, en 1593. C'est là que le grand ministre d'Henri IV fit pour la
première fois l'emploi de la mine pour faire sauter les fortifications. L'épisode
de ce siège est raconté dans ses mémoires.
— 411 —
étoient payés chacun cinq sols et il leur étoit fourni par la
Ville de la chandelle et du bois.
Taxes sur les plus riches
Suivant un état de MM. les receveurs généraux des finances
du 4 septembre 1570 a été ordonné, par lettres patentes, être
levée à constitution de rente au denier douze sur vingt des
habitans riches de la Ville de Dreux dénommés audit état
pour la subvention des urgentes affaires du Roi, la somme ils
avoient été taxés montante à cinq mille trois cent quarente-
huit livres.
Dans les comptes de MM. Pierre Chaillou des années 1572,
1573, 1574 (Les comptes depuis 1534 jusqu'en 1594 sont per-
dus ou autrement), dans ceux de Jacques Brochard 1594 et
1595, et de Thibaud Corbonnois 1596, 1597 et 1598 et 1599.
La recette a été faite de la ferme Choquet et des droits sur
le sel.
Les deniers ont été employés aux réparations des fossés,
ponts, murs, pavé, aux boutiques de la poissonnerie et autres
endroits de la Ville.
REGISTRE COTTE 8«
Comptes de M» Claude Pineau
Dans les comptes de M. Claude Pineau des années 1603,
1604, 1605.
La recette a été faite des droits sur le sel et de la ferme
Choquet, et encore des sommes prises en constitution par la
Ville, sommes considérables, pour payer M""® La Comtesse de
Bû, des sommes qui lui étoient dues tant à cause du moulin
du Bléras, celui du clos Régnier que des frais qui ont été faits.
Voyez cy après l'article du Registre cotté 11 au compte de
M, Bertrand Brochand et au compte dudit sieur Pineau
Registre cotté 8, année 1623.
Les deniers de la recette ont servi à payer les frais qui ont
été faits par ladite dame comtesse de Beu, ainsy que ceux
faits par les officiers de Ville et n'ont pas été suffisans pour
- 412 -
payer tout; il a cependant été fait quelques ouvrages et répa-
rations nécessaires de la Ville.
Service pour Henri IV
Dans le 2« compte de M. Thibault Corbonnois de Tannée
1601 — le service de Henri IV a été fait dans Téglise Saint-
Pierre de Dreux.
Dans les comptes de MM. les autres Receveurs depuis
Tannée 1600 jusqu'en 1641. Les receveurs faisoient la recette
et la dépense alternativement les uns au bout d'un an et deux
ans, les autres au bout de deux ou trois ans, quelques-uns au
bout de quatre.
Les deniers servoient à acquiterles charges et arrérages de
rente et à soutenir les procès qui étoient fréquens, très peu
de réparations et point d'augmentations.
REGISTRE COTTE 9»
Les recettes et les dépenses ont été faites à peu près par
les receveurs de la même manière que ceux ci-dessus et pour
les mêmes occasions depuis Tannée 1640 jusqu'en 1664 au
quel tems ou environ le Roi s'étant réuni à son domaine la
première moitié des octrois, la seconde a été reçue différem-
ment, mais il ne s'est trouvé aucuns registres ni papiers jus-
qu'en 1700 ou environ.
REGISTRE COTTE 10®
Dans les comptes des Receveurs depuis Tannée 1557 jus-
qu'en 1600. La recette a été faite des deniers patrimoniaux
qui étoient la ferme Am pontage et pavage, celle du chargeage
des vins, des amendes, avec celle de l'essai des chevaux, des
boutiques de la poissonnerie, des tourelles y des dessus déporte,
de la tour hannequin. Le loyer du moulin de Bléras a été noiis
dans la recette des octrois ; le tout chacun au temps de leur
commencement.
Les deniers étoient employés aux affaires de la Ville. Les
volages pour les soutiens des procès. Les passages de troupes
^
— 413 —
et autres nécessités et le surplus des deniers servoient à
payer les réparations.
Compte de M. Richard Mabille
On voit au compte de M. Richard Mabille année 1562 :
DÉCHARGE DEMANDÉE DU PAIN REQUIS POUR LES TROUPES
Plus a été baillé par ledit comptable au sieur Dublanc-Fossé,
la somme de quatre livres, un sol, huit deniers, pour aller
par devers M. le Conétable* étant au camp du Roi, près cette
ville de Dreux, pour lui porter requête pour diminution du
pain demandé par les commissaires du Roi, pour la nouriture
du camp du Roi contre les huguenots.
Inhumation et service du fils de M. le Conetable
Le 23 décembre 1562, lorsque le cœur et les entrailles du
Baron de Montbrun ^, fils de M. le Conetable, furent mis et
inhumés dans Téglise de M. Saint-Pierre de Dreux et aussi le
lendemain furent portées les quatre torches de la Ville au
service et pour ce il fut payé au porteur d'icelles cinq sols.
REGISTRE COTTÉ 11«
Dans les comptes des Receveurs depuis 1600 jusqu'en 1617.
La recette a été aussi faite des deniers et revenus patrimo-
niaux et les deniers ont aussy été employés comme ci-dessus.
De quelques comptes a été extrait ce qui suit.
Dans le compte de M. Bertrand Brochand, année 1603,
rendu en 1605, ce comptable, suivant l'avis du conseil, se
seroit acheminé jusqu'à Beu, avec honorables hommes
M. Thibaut Corbonnois, M. Jean Morel et Michel Loison pour
s'accorder avec la dame comtesse de Beu de tous les différens
qui étoient entre elle et les habitans de Dreux.
^ Montmorency (Anne de) né en 1492, mort en 1567, forma avec François
de Guise et le Maréchal de Saint-André le Triumvirat catholique qui prit la direc-
tion des affaires au commencement du règne de Charles IX (1561).
Il gagna la bataille de Dreux ; il y fut néanmoins fait prisonnier.
3 Tué le 19 décembre à la bataille de Dreux.
— 414 —
M. Brochand arrêté a Paris faute de payement
DES rentes dues PAR LA ViLLE
Le mercredy 29 janvier 1603 a été ledit comptable par
faute de payement par le corps de ladite Ville, à dame Olimpe
Dufour, veuve de Messire Hurault de l'Hôpital, de la somme
de cinq mille deux cent cinquante livres tournois, apréhendé
dans la grande salle du Palais à Paris, pris et mené par un
huissier aux prisons du Fort-FEvêque, etc.
La mise en liberté
Et le cinquième jour de février audit an, à six heures du
soir, a été ledit comptable mis hors desdites prisons, à la
caution de Claude Pineau qui l'auroit pris à sa garde et au-
roit payé ladite somme à deux notaires du Châtelet qui en
auroient déchargé ledit Greffier dudit Fort-l'Evêque.
Voyez le dit compte il donne plus longue instruction.
Transaction portant acquisition du moulin du Bléras
Et après toutes les contestations ladite dame De Beu a
transigé avec Claude Pineau devant M" Haudessus et Herbin,
notaires au Châtelet de Paris, le dernier jour de février 1603
par laquelle transaction, dont extrait d'une expédition est à
rinventaire ci-devant sous la cotte 51, ladite dame de Beu a
vendu audit sieur Pineau, pour et au nom de la Ville, le mou-
lin du Bléras moyennant la somme de cinq cens livres de
rente foncière par chacun an ; a été payé comptant une par-
tie des sommes qui lui étoient dues, pour lesquelles elle auroit
obtenu arrêt du Conseil et elle auroit accordé du temps pour
l'autre partie. Lesdites sommes ont été payées au moyen des
emprunts qui ont été faits, ainsy qu'il est ci-devant dit au
compte dudit sieur Claude Pineau, Registre cotté 8^
Droits perçus a l'entrée et a la sortie des prisons
Payé par ledit comptable pour le droit de geôle, d'entrée
et de sortie, la somme de trois livres et slux guichetiers de la
dite geôle, pour la sortie, la somme de trois livides.
— 415 —
M. LE Doyen de Chartres offre mille écus
POUR BATIR UN COUVENT AUX CAPUCINS
Dans le compte de M. Rotrou, au même Registre 4®, on voit
que par ordonnance de la Ville (1614) il auroit fait un voiage
à Chartres vers M. le Doyen pour le remercier au nom de la
Ville, de Toffre par lui faite de mille Ecus pour aider à bâtir
un couvent aux pères capucins ^
REGISTRE COTTÉ 12«
Dans les comptes des Receveurs depuis 1629 jusqu'en 1634.
La recette a été pareillement faite des deniers et revenus
patrimoniaux comme celles ci-dessus et la dépense a été aussi
pour les mêmes choses que celles ci-dessus.
Peste a Dreux : établissement de maisons de santé
AU CHAMP d'ALLOUETTES
On voit dans les comptes de M. Pierre Buhot, tuteur de
Guillaume Buhot, de l'année 1630, qu'il a été achetté un quar-
tier de terre au champ d'Allouettes, proche les maisons de la
santé, par contrat passé devant Vavasseur, tabellion à Dreux,
le 25 juillet 1630, sur lequel ont été bâties quatre maisons de
la Santé adjugé à Jacques Avisse, charpentier, pour deux cent
seize livres, sans y comprendre la maçonnerie et autres ma-
' Ce couvent qui avait été fondé par les seigneurs de la maison de Soissons,
comtes engagistes de Dreux, fut construit avec les matériaux provenant de la
démolition des châteaux de Fermaincourt et de la Robertière (dans la forêt de
Dreux) ainsi que de celle de la Tour Grise.
Avec ses dépendances il contenait environ deux hectares, vingt-cinq ares, et
occupait tout 1 espace compris entre la rue des Capucins, jusqu'à Saint-Jean, la
ruelle des Prés et la rue des Bléras.
Il fut vendu en 1790 comme bien national à un nommé Bouquillard, ancien
colon, moyennant trente raille francs en assignats. Tous les bâtiments furent
démolis à l'exception de l'église, qui fut trouée dans le milieu de sa longueur,
pour la formation de la nouvelle rue appelée encore actuellement rue Neuve des
Prés. Avec les matériaux, Bouquillard fit construire les diverses maisons de même
apparence, qui existent de charme côté de cette rue, prolongée il y a une ving-
taine d'années par M. Victor Dubois, député, ancien Maire de Dreux, pour
rejoindre le magnifique boulevard qu'il fit percer dans les prés des Bléras, dépen-
dant en partie de l'ancienne propriété des Capucins.
— 416 —
tériaux, lesquelles maisons ont été faites pour servir à reti-
rer les malades de la contagion qui y étoient sollicités par un
chirurgien et par des personnes mises à cet effet.
Plusieurs maisons de la Ville ont été muraillées et les ha-
bitans mis dans les maisons de Santé.
On ne voit d'autres remarques que celles-ci depuis 1600
jusqu'en 1700, si ce n'est qu'il n'y a aucuns registres, ni pa-
piers, depuis 1674 jusqu'en 1700, et depuis 1700 jusqu'à présent
les registres et papiers sont existants ainsy qu'il est porté
par l'Inventaire ci-devant.
Emprunt fait par la Ville en 1719
A été seulement remarqué ce qui suit:
Dans le Registre cotté 13® par acte des 20 février et 11 mars
1714. Les sieurs François Mallet, maire, Martin Le Ménestrel,
lieutenant de maire, Nicolas de Ruffîn, commissaire, Nicolas
Mariette, échevin et Louis-Jacques Devallois, procureur du
Roir ont été autorisés par un grand nombre d'habitans d'em-
prunter à constitution au denier vingt, la somme de huit mille
cinq cent trente deux livres, pour payer la taxe demandée par
le Roi, par arrêt du Conseil du 28 octobre 1713.
De là vient l'emprunt fait au nom de la Ville à l'église
Saint-Pierre, à l'église de Montreuil^ et à l'Hôtel-Dieu de
Dreux.
Gouverneur de Dreux installé
Le 17 mars 1714, M. De Sabrevois d'Ecluzelles a été installé
et reçu gouverneur de la Ville de Dreux.
Nota. — Il est mort à Paris le 20 septembre 1772, âgé de
70 ans.
Ecuries pour les chevaux des Gardes du Roi
Par acte d'assemblée à la Ville, du 6 mars 1729, la construc-
tion des écuries pour les chevaux des gardes du Roi, qui
étoient alors en garnison à Dreux, a été proposée à faire sur
deux projets et notamment sur celui où elles ont été bâties en
1736 et pour le payement d'icelles il a été pris pendant quel-
^ Montreuil, commune du canton de Dreux. . .
— 417 —
ques années, sur les deniers de la capitation de Télection de
Dreux, la somme de 32.000 liv, à quoi elles ont été adjugées et
une somme de 4,000 liv. pour augmentations qui y ont été
ajoutées.
Taille arbitraire changée en taille proportionnelle
Par arrêt du Conseil du 8 septembre 1733, la taille arbi-
traire de la Ville de Dreux a été changée en taille propor-
tionnelle.
Démolition de la porte du fauxbourg Saint-Denis
Construction du Petit Pont
Par acte d'adjudication du 8 octobre 1735, il a été ordonné
que la porte du fauxbourg Saint-Denis, qui étoit en très mau-
vais état et ce qui en restoit, seroit démoli, que les pierres de
grès et autres matériaux seroient employés à la construction
d'une arche sur la Commune, entre le Carrefour et la rue
d'Orisson, où il y avoit un petit pont en bois d'environ six
pieds de large le long des boutiques, appelé le pont des Etaux.
DÉMOLITION de la PORTE NEUVE
La Porte Neuve a été démolie en Tannée 1737.
Dîmes des Vignes. Procès
Par acte du 12 janvier 1744, les Maire et Echevins et pro-
cureur sindic ont été autorisés de se pourvoir par devant
M. l'Intendant, pour être par lui autorisés de défendre et
contester la demande de la dime des vignes en essence par
les sieurs chanoine de Saint-Etienne, prieur de Saint-Léonard^
et de Saint-Martin^.
* Le prieuré de Saint-Léonard, ordre de Saint- Benoit, passait pour avoir été
fondé par Robert I«', comte de Dreux, vers 1160. D'après A. Donnant, la cha-
pelle aurait été construite à la place d'une guinguette npnunée Boston. Les
religieux de Coulombs avaient cinauante livres de rente à prendre sur ce prieuré
qui relevait de leur abbaye. La cnapelle fut démolie en 1752 et la propriété
vendue un peu plus tard. Ce prieuré se trouvait sur la route de Paris, près du
pont qui porte encore son nom.
2 Le prieuré de Saint-Martin, qui a donné son nom au quartier, habité par
— 418 —
Naissance de M. le duc de Bourgogne
Mariage de quatre pauvres filles
Par acte du 7 janvier 1750, en exécution des intentions du
Roi à l'occasion de la naissance de M. Le Duc de Bourgogne,
au lieu de faire des dépenses extraordinaires pour des réjouis-
sances publiques, ont été mariées en cette ville quatre pauvres
filles auxquelles a été donné pour dot à chacune trois cents
livres des deniers des octrois, dont partie employée en habits
de noces, tant pour les filles que pour les garçons et le sur-
plus en argent, les frais de noces et de réjouissance ont été
faits à l'Hôtel de Ville des soins de Messieurs les Maire et
Echevins.
DÉMOLITION de la CHAPELLE SAINT-LÉONARD
Par acte du 30 août 1752, les maire, echevins et procureur
sindic et quarente conseillers pairs alors présens sur l'infor-
mation faite par M. Alleaume, chanoine de Dreux, commissaire
nommé par M. l'Evêque de Chartres, de la commodité et in-
commodité à la chapelle Saint-Léonard, suivant l'ordonnance
de M. l'Evêque, rendue sur requête à lui présentée par le
Prieur de ladite Chapelle, lesdits officiers de Ville et con-
seillers pairs, après avoir pris lecture de l'arrêt du Parlement
ont consenti à la démolition de ladite chapelle.
Service de M"« la duchesse du Maine
Par acte du 14 mars 1753, il a été ordonné que le service de
les Moines de Tordre de Saint-Benoist (de Citeaux) était une demeure cistercienne.
11 en est fait mention dans un testament de 1383 « Prior Sancti Martini prope
Drocas ». Ces religieux dépendaient des chanoines de la collégiale de Dreux,
mais comme ils n'avaient pas un revenu suffisant à leur existence ils fiirent réunis,
avec leur chapelle, à Tabbaye d'Ivry-la-Bataille.
D'après un manuscrit de la bibliothèque de Chartres, la chapelle Sat/i^-Afar^*»
était entourée de nombreux bâtiments et possédait de grands revenus que tou-
chaient les religieux de Coulombs.
Le Pouillé du diocèse de Chartres de i 738 indique que ce prieuré était à la
collation de l'Abbé de Saint-Germain-des-Prés et que son revenu était de
200 livres.
— 410 —
feu Madame La Duchesse du Maine, seroit célébré en TEglise
Saint-Pierre de Dreux.
Service de M. le Prince de Dombes *
Par acte du 16 octobre 1755, il a été ordonné que le service
de feu M. Le Prince de Dombes, seroit dit et célébré dans
TEglise de Saint-Pierre de Dreux.
Lanternes. 1757
Par acte du 23 novembre 1757, et Tapprobation de M. Tln-
tendant, les lanternes, au nombre de trente quatre, ont été
établies dans la Ville de Dreux, pour être entretenues des
deniers des octrois.
Porte Parisis démolie
Par autre acte duditjour et Tautorisation de M. llntendant,
la porte Parisis a été démolie, pour les pierres et matériaux
servir à la réparation des ponts.
1764. RECENSEMENT
En Tannée mil sept cent soixante quatre, MM. les maire,
échevins et procureur sindic pour exécuter les dispositions
de TEdit du mois d'août audit an, concernant la nouvelle
nomination d'officiers et administrateurs des Villes et Bourgs
du Royaume et s'assurer, en vertu de l'art. V^ dudit Edit, de
ce qu'il y a d'habitans dans la Ville, Fauxbourgs et Hameaux
dépendans des deux paroisses, j)rendre leur déclaration du
nombre de toutes les personnes, y compris les enfans au ber-
ceau et les domestiques, et en ont dressé état qu'ils ont envoyé
à M. le Contrôleur-général, conformément audit Edit, con-
tenant le nombre cy-après.
^ Louis-Auguste de Bourbon, Prince de Dombes, comte d'Eu, succéda à sa
mère Madame la duchesse du Maine comme comte de Dreux en i 753 ; il mou-
rut en 1755 sans enfants.
— 420 —
Hommes.
FammM.
Garfom.
FillM.
Ville. . . .
417
403
435
437
Fauxboui^ .
448
510
481
483
Hameaux. .
118
135
202
162
983
1.138
1.118
1.132
-4.371
Capucins ( ^^^^^ « 1 6
I Frères }
Religieuses. . . .) Religieuses 10 [ ^^
/ Sœurs converses. ... 4 )
Sœurs de ( à THôtel-Dieu 5 ) g
Communauté. . . | à la Communauté ... 4 i
^ , ,. (la Sœur 1 ) o
orphelines j orphelines 7» ^
dans la Ville 159
dans les Fauxbourgs. . 71
Domestiques. . ./ dans les Hameaux. . . 13 ^ ^^
^ aux Capucins 2
aux Religieuses. ... 2
aux Orphelines .... 1
/ aux Aides 9 j
Employés | au Tabac 4 | 15
( au Cuir 2 )
Total général. ... 4.671
Dans l'Etat ci-dessus sont compris les enfans depuis leur
naissance jusqu'à Tâge de sept ans.
Enfans jusqu'à l'âge de sept ans
Dans la Ville 309
Dans les Fauxbourgs 424
Dans les Hameaux 133
816
— 421 -
Chanoines, Curés, Vicaires, Principal du Collège,
Régents et Prêtres 20
Clercs tonsurés 3
^Nobles et OflSciers militaires 31
Officiers du Bailliage, de Police et de TElection. . 12
Officiers du Sel, des Aides, des Coches et autres
par Commissions 7
Employés aux aides, au tabac, aux cuirs 15
Imposés à la Taille.
Dans la Ville 290 \
Dans les Fauxbourgs 424 | 846
Dans les Hameaux 132 )
Pauvres mis à obole 228
Gens sans aveu 50
Maisons habitées où il y a Feu par bas.
Dans la Ville 423 J
Dans les Fauxbourgs 524 > 1 . 104
Dans les Hameaux 157 )
Chambres hautes où il y a ménages.
Dans la Ville 138 | ,^,
Dans les Fauxbourgs 33 |
Maisons vacantes dans la Ville \2 \
17
Chambres hautes vacantes 5
Par arrêt du Parlement du 11 août 1769, enregistré sur le
registre de la Ville le 20 mars 1770, les droits de havàge et
minage des grains vendus à la halle de Dreux, pour raisons
desquels il y a eu instance entre son Altesse Sérénessime
422
Monseigneur le Comte d'Eu^ et les Maire, Echevins, habitans
de Dreux et laboureurs des paroisses voisines, ont été réglés.
Pont en pierres de la Porte Chartraine
Pendant les années 1770 et 1771, les maisons des sieurs
Vigneron, menuisier, et Breteche et le dessus de la porte Char-
traine ont été abattues ainsi que la terrasse du sieur Claude
Thubeuf et k leur lieu et place, le second pont de la porte
Chartraine a été construit en pierres; il a été adjugé moyen-
nant huit mille livres, non compris d'autres réparations de la
Ville, ainsy qu'il est porté par plusieurs actes sur le registre
des délibérations pendant lesdites deux années.
* Louis-Jean-Marie de Bourbon, duc de Penthièvrt^ dernier comte de Dreux.
423 —
NOMINATIONS
ET CONTINUATION DES MAIRES, LIEUTENANTS DE MAIRE, LORS-
QU'IL Y A EU LIEU d'en NOMMER, ECHEVINS, PROCUREURS
SiNDics, Receveurs et Greffiers, sans y comprendre les
Commissaires, Contrôleurs, Assesseurs, etc., a commen-
cer DE 1700, suivant les actes ci-après.
1700
Le sieur François Mallet avoit acquis la charge de Maire
avant 1700, après sa création de 16S^. On ne voit pas Facte
d'enregistrement de ses provisions, non plus que les nomina-
tions d'Echevins, Procureurs-Sindics et de Greffiers et autres
officiers. Les actes n'ayant point été remis en registres, se
sont trouvés perdus ou autrement.
1704
Par acte du 8 octobre 1704 le sieur Mallet, en sa qualité de
Maire perpétuel, a reçu Claude Leniée pour Greffier de la
Ville au lieu et place du sieur Josaphat Dufrenoy qui avoit
acquis cette charge.
Par acte du 23 décembre 1704, le sieur Mallet, maire perpé-
tuel, le sieur Martin Le Ménestrel, Lieutenant de Maire,
Louis Dinet, procureur du Roi, ont reçu et installé M. Pierre
Errard, pourvu de l'office de l®*" Echevin et ont fait enregis-
trer les lettres patentes par lui détenues, le 7 septembre 1704,
après lui avoir fait attester de ses vie et mœurs et M. Fran-
çois Guillet a resté second Echevin.
1704, — Miliciens tombés au sort
Par acte du dimanche 28 décembre 1704, les sieurs Mallet,
Maire, Martin Le Ménestrel, lieutenant de Maire, Errard,
1**" Echevin et Louis Binet, procureur du Roi, ont fait assem-
— 424 —
bler les garçons des deux paroisses de la Ville, suivant les
ordres du Roi, pour fournir quatre miliciens et le sort est
tombé sur Pierre Fhitault, le sieur Le Cherpy, François
Adrien et Martin Blin.
1705
Par acte du 13 May 1705, les sieurs Mallet, Maire, Errard,
premier Echevin et Louis Binet, procureur du Roi, ont sur la
requête à eux présentée par M. Pierre-Joseph Rotrou, fait
registrer la commission à lui expédiée pour la Recette des
deniers de l'octroi et patrimoniaux de la Ville au lieu et place
des sieurs Cervol et Aubert, Receveurs des tailles.
Par acte du 11 juin 1705, les sieurs Mallet, Maire, Martin
Le Ménestrel, lieutenant de Maire, Errard, premier Echevin
et Louis Binet, procureur du Roi, a été nommé le sieur Thibault
Donnant, pour second Echevin à la place du sieur François
Guillet.
1710
Par acte du 28 août 1710, le sieur Mallet, Maire, Martin Le
Ménestrel, lieutenant de Maire et Louis Binet, procureur du
Roi, ont fait registrer par le sieur AUeaume, leur greffier, les
lettres de commission obtenues par Michel Blanche, pour
Echevin alternatif.
1712
Par acte du 5 janvier 1712, les sieurs Mallet, Maire, Martin
Le Ménestrel, lieutenant de Maire et Michel Blanche, Eche-
vin, ont fait registrer les lettres de provisions du Procureur
du Roy de la Ville, obtenues par Louis-Jacques de Valois.
1713
Par acte du 30 mars 1713, les sieurs François Mallet, Maire
et Louis-Jacques de Vallois, procureur du Roi, ont fait regis-
trer la commission d'Echevin alternatif obtenue par M. Nicolas
Mariette, procureur.
1716
Par acte du 13 août 1716, les sieurs Mallet, Maire et Louis-
Jacques de Vallois procureur du Roi, lequel a remontré que
le corps des olHciers de Ville étoit dépourvu d'ofïiciers par la
mort de plusieurs, ont été nommés François Fiat, Echevin
pour un an et Claude Rotrou, Echevin pour deux ans.
1717
Par acte du 25 novembre 1717 en rassemblée générale
tenue par M. Ferdinant de Pinieres*, seigneur de Motelle,
grand Bailly, accompagné des sieurs de Rotrou, Lieutenant-
Général, de Baignoles, lieutenant particulier, Legrand, pro-
cureur du Roi, et Vaillant, avocat du Roi, tous du corps du
Bailliage, où étoient les sieurs Rotrou. premier Echevin,
François Fiot, second Echevin et de Vallois, procureur du
Roi, pour l'élection et nomination d'un Maire et autres offi-
ciers de Ville, suivant les ordres envoyés par M. Bi(jnon, In-
tendant, ladite assemblée a été remise, attendu les contesta-
tions de part et d'autre.
1718
Par acte du 7 novembre 1718, les sieurs Claude Rotrou,
premier Echevin, et François Fiot, second Echevin, le sieur
François Mallet a demandé l'enregistrement des lettres
patentes du 20 octobre audit an, par lui obtenues, qui le réta-
blissent Maire de la Ville de Dreux.
1719
Par acte du 12 juillet 1719, les sieurs François Mallet,
Maire, François Fiot, Echevin, ont fait enregistrer les lettres
patentes qui leur ont été présentées par Louis-Jacques de
Vallois et par lui obtenues du Roi, pour la charge de procu-
reur du Roi de la Ville.
1725
Par acte du 22 Mai 1725, les quarentes conseillers pairs ont
été de nouveau nommés, le sieur François Mallet demeuré
^ Lisez Ferdinand de Pilliers. En outre de la seigneurie de Motelle cette
famille possédait encore celles d'Allainville, de Lâcher, e\c. — De Pilliers portait
pour armoiries : d'or au chevron d'azur,
T. XII, M, 28
— 420 —
Maire perpétuel, le sieur François Brochand nommé premier
Echevin et le sieur Charles Le Ménestrel second Echevin et
le sieur Pierre-Charles Guillet, procureur sindic.
1726
Par acte du 18 juin 1726, les sieurs Mallet, Maire, Le Ménes-
trel, Echevin et Guillet procureur sindic. Le sieur Charles
Bureau a été nommé 2'' Echevin.
1727
Par acte du 10 juin 1727 en rassemblée, les sieurs Mallet,
Maire, Charles Bureau, Echevin, et Guillet, procureur sindic.
Le sieur de Baignoles a été nommé second echevin, qui a pro-
testé de sa nomination, et à l'instant la compagnie a délibéré
que les parties se pourvoiraient par devers sa Majesté, qui
après a ordonné une nouvelle nomination, laquelle a été faite
de la personne du sieur Claude Le Prince,
1728
Par acte des 23 et 25 mai 1728 en l'assemblée générale, le
sieur Le Grand, procureur du Roi au Bailliage, a été élu Maire,
le sieur Antoine Lecomte élu second Echevin et le sieur
Nicolas Ménestrel procureur sindic.
M. PÉTEIL GREFFIER
Le 5 septembre 1728, François Peteil a écrit pour la pre-
mière fois en qualité de Greffier de ladite Ville.
1729
Par acte du 14 juin 1729, le sieur Le Grand a été continué
Maire, le sieur Antoine Le Comte premier Echevin, le sieur
Nicolas Le Ménestrel, procureur sindic, le sieur Etienne
Anteaume a été élu second Echevin.
1730
Par acte du 6 juin 1730, le sieur Le Grand a été continué
Maire, le sieur Etienne Anteaume, Echevin et le dit Nicolas
Le Ménestrel procureur sindic. Le sieur Anne Mallard a été
— 427 —
élu second Echevin oi, par le même acte, le sieur Couthier,
receveur de la Ville, a prétendu avoir la préséance après le
Maire, ce qui lui a été contesté.
1731
Par acte des 20 et 22 mai 1731, le sieur Mathurin Jouvolin,
procureur du Roi des eaux et forêts, a été élu Maire, le sieur
Mullard reste premier échevin, le sieur Chnvles Le Mènes trel,
marchand, élu second Echevin, et le sieur Claude-Marie
Le prince élu procureur sindic.
1732
Par acte des 3 et 10 juin 1732, le sieur Jouvelin a été conti-
nué Maire, les dits sieurs Pierre-Nicolas Le Ménestrel, pre-
mier Echevin et Leprince, procureur sindic, et le sieur
Pierre-Antoine Petit, épicier, a été élu second échevin.
1733
Par acte des 20 mai et 2 juin 1733, le sieur Jouvelin a été
continué Maire, le sieur Pierre-Nicolas Le Ménestrel, premier
Echevin, et le sieur Leprince, procureur sindic et le sieur
Antoine Petit, second échevin.
Par acte sans date, page 00, entre les actes du 14 novembre
1734 et 22 juillet 1735, du Registre cotté 14, le sieur Pierre
Le Comte, chirurgien, a été reçu Greffier de la Ville par
Messieurs Mallet, commis à Texercice de Maire, Urbin Mar-
gas, lieutenant de Maire, Etienne Anteaume, Echevin et
Pierre Houard, de même commis à l'office de procureur sindic.
Le sieur Nicolas Rocfeard a comparu en qualité d'avocat du
Roi et Anselme le ..., contrôleur.
1738
Par acte du 1*' janvier 1738, en vertu de l'arrêt du Conseil
du 4 décembre 1737, qui ordonne l'exécution du mois de no-
vembre 1733 portant rétablissement des officiers municipaux,
le sieur Charles Le Ménestrel a été élu Maire, les sieurs
— 428 —
Etienne Anteaunie, premier ëchevin, Guillaume Cbeddé,
second Echevin et Pierre Houard, procureur sindic.
Le 24 janvier 1738, les provisions des Receveurs des deniers
d'octrois et patrimoniaux de la Ville, obtenues par le sieur
Nicolas-Antoine Clément, au mois de novembre 1737 ont été
registrées sur le registre des délibérations de la Ville.
1739. Gouverneur de la Ville.
Le 12 mai 1739, les provisions de gouverneur de la Ville de
Dreux, obtenues par M. de Sabrevois, capitaine au Régiment
Royal carabiniers, le 27 février 1738, ont été enregistrées sur
le registre de la Ville.
1739
Par acte du 26 mai 1739 en l'assemblée tenue par M. Le
Grand, pour l'absence de M. le Lieutenant Général, où étoient
les sieurs Charles Ménestrel, Maire, Cheddé, Echevin et
Houard, procureur sindic. Le sieur Louis Petit, procureur, a
été élu echevin à la place du sieur Etienne Antheaume dont
le tems étoit fini.
1740
Par actes des 7 et 14 juin 1740, les sieurs Charles Le Ménes-
trel, Maire, Louis Petit, Echevin, etHouart, procureur sindic;
le sieur Charles Thubeuf a. été élu second Echevin à la place
du sieur Cheddé.
1741
Par actes des 28 et 30 mai 1741, le sieur Charles Brisseau
a été élu Maire, le sieur Thubeuf resté premier Echevin, le
sieur Michel Masson élu second Echevin et le sieur Nicolas
Le Ménestrel élu procureur sindic ; mais il paroit par les actes
d'après la nomination du sieur Le Ménestrel pour procureur
sindic, qu'il n'a point exercé et que le sieur Houart a conti-
nué l'exercice.
1745
En l'année 1745 registrement des provisions d'Echevin mi
triennal et alternatif mi triennal, obtenues le 23 janvier 1745
par les sieurs Jean Coutellier et Pierre-Martin Bureau.
— 429 —
1747. M. Desjardins, Greffier
Par acte du 26 septembre 1747, le sieur Charles Brisseau,
Maire, a reçu la personne de Laurent Desjardins, pour Gref-
fier de l'Hôtel de Ville.
Par acte du 3 octbore 1747 et en conséquence de l'arrêt du
Conseil d'Etat du 14 août audit an, qui ordonne que les offi-
ces municipaux de la création de l'Edit de novembre 1733
restant à vendre, seront réunis aux corps des Villes, le sieur
Julienne, Lieutenant Général, a été élu Maire, les sieurs Jean
Coutellier et Pierre-Martin Bureau, restés Echevinsen titre,
le sieur Pierre-Nicolas Le Ménestrel a été élu troisième Eche-
vin et le sieur Charles Tliubeiifa, été élu procureur sindic.
1750
Par actes des 19 et 26 mai 1750, le sieur Julienne, Lieutenant
Général, a été continué Maire, les sieurs Coutellier et Bureau
restés Echevins en titre et le sieur Charles Thubeuf continué
procureur sindic et au lieu et place du sieur Nicolas Le Ménes-
trel, troisième Echevin le sieur Pierre Cagnié a été élu lieute-
nant de Maire.
1751
Par actes des V^ et 8 juin 1751, le dit sieur Julienne a été
continué Maire, le dit sieur Pierre Cagnié continué lieutenant
de Maire, les sieurs Coutellier et Bureau restés Echevins en
titre et le sieur Guillaume Cheddé a été élu procureur sindic.
1752
Le 8 avriri752, registrement a été fait des provisions
d'Echevin en titre, obtenues par le sieur Jacques Auvry le
15 décembre 1750, à cause de l'acquisition qu'il en avoit faite
du sieur Coutellier.
1752
Par acte du 21 juin 1752, ledit sieur Julienne a été conti-
nué Maire, le sieur Pierre Cagnié lieutenant de Maire, les
sieurs Bureau et Auvry restés Echevins en titre et le sieur
Cheddé continué procureur sindic.
— 4:iO —
1754
Par acte du 14 juin 1754, ledit sieur Julienne a été continué
Maire pour trois ans, les sieurs Bureau et Auvry restés
Echevins en titre, et le sieur Cheddé continué procureur sin-
dic, pour trois ans.
1757
Par acte du 31 mai 1757, le dit sieur tAw7/e?/2/2e a été continué
Maire pour trois ans, les sieurs Bureau et Auvry restés Eche-
vins en titre et le sieur Cheddé aussi continué procureur sin-
dic pour trois ans,
1763
Par actes des 29 et 31 mai 1763, le sieur Henry Cagnié a
été élu Maire, les sieurs Bureau et Auvry restés Echevins en
titre et le sieur Pierre-Charles-François Giiillet a été élu
procureur sindic.
Nominations et administrations nouvelles ordonnées
par édits des mois d'Août 1764 et mai 1765,
1764
Par acte du 19 décembre 1764 et en exécution de l'Edit du
mois d'août 1764, le sieur Henry Cagnié a été élu Maire, les
dits sieurs Pierre-Martin Bureau et Jacques Auvry élus Eche-
vins, le sieur Guillaume Cheddé élu procureur sindic et le
sieur Charles Bureau, de Saint-Denis, nommé Receveur des
deniers d'octrois et patrimoniaux de la Ville et le sieur Charles
Le Ménestrel nommé Notable et le sieur Desjardins a continué
d'exercer les fonctions de Greffier.
1765
Par acte du 16 juillet 1765, en exécution de Tédit du mois
de mai audit an. Messieurs Henry Cagnié a continué l'exer-
cice de Maire, Pierre-Martin Bureau et Jacques Auvry celui
d'être Echevins et ont été élus pour Notables :
— 431 —
AIM. De Sailly, chanoine ; Bonnet, curé de Saint-Pierre ;
Le Cornu de Loinville; Julienne, ancien Lieutenant-Général:
Guillet ; Tourette ; Leprince ; Cagnyé (Pierre) ; Thubeuf
(Antoine) ; Dobineau ; Colette de Champseru ; Gentil Dumes-
nil ; Buat et Nivernois au Thivemay.
Par acte du 17 dudit mois de juillet audit an, en exécution
du même Edit Messieurs Jacques-Jean Giroux des Brosses et
Aicolas Le Ménestrel ont été élus 3* et 4* Echevins. Messieurs
Le Bugle de Lorme, premier conseiller de Ville, Chavle Thubeuf
second, Charles Le Ménestrel 3^ ; Nicolas Rogeard A""-^ Nicolas
André 5®, et Sébastien-François Mallet 6*. La place de sindic
receveur n'a point été remplie attendu la difficulté qui s'est
trouvée et qui a été renvoyée à M. le Contrôleur général.
Laurent Desjardins qui a exercé la place de Greffier depuis
Tannée 1747, a été élu Secrétaire Greffier.'
1765
Par acte du 3 août 1765, M. Guillaume Cheddé a été élu et
nommé Sindic Receveur, en conséquence de la lettre de
M. le Contrôleur général.
1767
Par acte du 16 juin 1767, Messieurs Le Bugle de Lorme et
Charles Le Ménestrel ont été élus et nommés 3^ et 4® Echevins
au lieu et place de Messieurs Bureau et Auvry.
1768
Par acte du 29 mai 1768, jour de la Trinité, MM.Giroux des
Brosses, Bonnet, curé de Saint-Pierre, et Cheddé ont été élus,
pour un des trois être nommé par le Roi Maire, en vertu de
l'édit du mois de mai 1765.
Peu après le Roi a nommé M. Cheddé pour être Maire.
Par le même acte du dit jour 29 mai, MM. Guillet et André
ont été élus et nommés 3^ et 4® Echevins et MM. Le Bugle de
Lorme et Le Ménestrel sont devenus V^ et 2^ Echevins.
Par acte du 17 juillet 1768, M. Louis Gentil Dumesnil a été
nommé sindic receveur à la place du sieur Cheddé.
— 432 —
ne
Par acte du 21 mai 1769, Messieurs Leprince^ avocat, et
Pierre Cagnié ont été élus 3" et 4® Echevins, au lieu et place
de MM. Delornie et Ménestrel ; M. Cheddé a resté Maire et
MM. Guillet et André V^ et 2« Echevins.
1770
Par acte du 10 juin 1770, Messieurs Dobineau et Dalloyaii
ont été élus Echevins, savoir: M. Dobineau pour un an, au
lieu et place de M. Cagnié, mort en charge, et les sieurs Ro-
cfeard et Dalloyaii, 3® et 4* Echevins; M. Cheddé a, resté Maire
et M. Leprince, avocat, et Dobineau pour premier et deuxième
Echevins.
1771
Par acte du 21 mai 1771, mardy de la Pentecôte, Messieurs
Giroiix des Brosses, Guillet et Le Ménestrel ont été élus pour
Tun des trois être Maire.
Ledit jour MM. Bonnet, curé de Saint-Pierre, et Brisset ont
été élus 3° et 4® Echevins et MM. Rogeard et Dalloyau sont
restés l*^*" et 2® Echevins.
Dans le courant de juillet en suivant M. Giroux des Brosses
a été par le Roi choisi et nommé Maire.
1772 .
A la Trinité 1772, il n'y a eu aucune nomination, attendu
la suppression des places. Suivant TEdit de novembre 1771,
MM. Girout des Brosses, Rogeard, Dalloyeau, Le curé de Saint-
Pierre et Brisset ont continué leurs fonctions de Maire et
d'Echevins. Le sieur Dumesnil pour Receveur et Desjardins
l'aîné pour Secrétaire Greffier.
Le mardi dix-sept novembre 1772, M. Leprince, ancien
Lieutenant-Général au Bailliage de Dreux, a fait signifier au
grefi'e de la Ville, l'arrêt du Conseil d'Etat du Roi du 3dudit
mois de novembre, par lequel il a obtenu de sa Majesté tous
les offices municipaux de la Ville, moyennant la somme de
30.100 livres pour en jouir et disposer, comme il avisera bon
être.
— 4as —
Le 13 décembre audit an 1772, les provisions et quittances
de finances obtenues par M. Marquis, d'un office d'Echevin
sur la démission que lui en a faite M. Lepriiice, ont été regis-
trées sur les Registres de la Ville.
1773
Le 12 janvier 1773, les provisions et quittances de finances
obtenues par M. Cornu d'un office d'assesseur, sur la démis-
sion que lui en a faite M. Leprinre^ ont aussi été registrées
sur les Registres de la Ville.
Le 17 mars 1773, les provisions obtenues par M. Jacques
Deslamircs de lieutenant de Maire de la Ville, sur la démission
que lui en a faite M. Leprince, ont pareillement été registrées
sur les Registres de la Ville.
Le 14 avril 1773, les provisions obtenues par M. Pierre
Delaloge d'un office d'assesseur à la Ville, sur la démission
que lui en a faite M. Leprince, ont aussi été registrées sur les
Registres de la Ville.
Certifié le présent registre conforme à l'original déposé aux
archives de la Ville de Dreux, sur la remise qui en a été faite
volontairement par le sieur Eutrope La Mésange, fils, qui l'avoil
en propriété de la main même des héritiers de M. Desjardins
et qui en a fait hommage à la Ville, par attachement pour son
pays et par zèle pour la conservation de tout ce qui peut
contribuer à la formation de l'histoire de Dreux.
A la Mairie de Dreux, le 28 octobre 1811.
signé : Rotrou, Maire.
G. Champagne.
ÉTUDE
SUR LA
FAGADE DE LA CATHÉDRALE DE CHARTRES
Du XP au XIIP siècle
Tant d'archéologues autorisés ont déjà écrit sur la cathé-
drale de Chartres qu'il semble téméraire de vouloir en
parler de nouveau; et pourtant aucun d'eux n'a, jusqu'à ce
jour, établi la suite complète de ses transformations.
L'étude de l'ensemble du monument serait un travail
tellement considérable qu'une vie tout entière n'y suffirait
peut-être pas; aussi avons-nous, dans cette notice, borné
nos recherches à la façade principale, cherchant avant
toute chose à établir la continuité des transformations
qu'elle a subies plus que les dates rigoureuses de ces travaux.
Nous nous sommes contenté de mettre les faits en rapport
avec les dates connues, nos moyens d'investigation ne nous
permettant pas d'en contrôler l'exactitude.
Jusqu'en l'année 1020 le travail très approfondi de
M. l'abbé Clerval et de M. Merlet nous renseigne d'une
façon exacte sur l'origine de la cathédrale. Puis, continuant
cette étude dans leur Manuscrit Chartrain du XV^ siècle, ils
reconstituent la nef de l'évêque Fulbert avec d'autant plus
de précision qu'ils avaient pour base la miniature d'André
de Mici, dont ils ont pu établir une concordance avec les
substructions encore visibles aujourd'hui.
Aussi, renvoyant le lecteur à cet excellent ouvrage, pour
cette période, commencerons-nous notre étude au sixième
incendie qui endommagea la nef de Chartres, le 11 sep-
tembre 1030.
m
— 435 —
A cette époque, la cathédrale de Fulbert se composait
d'une abside avec déambulatoire et trois absidioles, d'une nef
avec bas-côtés, comprenant onze travées égales, et de deux
clochers : l'un au nord, près du chœur, l'autre au sud, contre
la façade occidentale.
Dans sa reconstitution de la nef de révèq.ue
Fulbert , M. M<.'rlet place ce dernier clocher com-
jilrtemeîit mtXi'- de l'église.
DiHre {{Il il n'apporte aucune preuve à l'appui
do cotte assertion, à laquelle,
d'ailleurs, il n'attache que peu
d'importance, il est, croyons-nous,
en désaccord avec la miniature
d'André de Mici, dont nous don-
nons ci-joint (fig. 1) le croquis
d'un fragment.
Le clocher y est représenté
collé contre la façade, dans le
piTtlongement du bas-côté sud, et nous
;^t/^^''^ ' voyoQs que sa partie inférieure, réser-
■ véi' iinx femmes, formait avec le porche
une mriQ de vestibule ou narthex primitif.
Fig. 1. C'est cette disposition que nous avons
établie régulièrement dans le plan (fig. 2) représentant les
premières travées de la nef, le clocher et le porche tels
qu'ils devaient être en 1030.
Fio. 2. — 1020 à 10.30
Fig. 3. — 1020 à 1030
Le dessin (fig. 3) représente le schéma de la façade à
cette époque et n'a nullement la prétention d'une reconsti-
Fio. 4. — 1030 à 1100
— 436 —
tution exacte, mais nous l'avons cru nécessaire pour expli-
quer la suite des transformations.
Le 11 septembre 1030 le feu attaqua pour la première
fois la nef de Fulbert. Il ne semble pas que cet incendie ait
atteint le gros œuvre, puisque nous voyons, en 1037, Thierri,
évêque de Chartres, en faire de nouveau la dédicace. Mais,
comme le fait remarquer M. Merlet, on s'expliquerait diffici-
lement qu'il eût employé sept ans à reconstruire les combles
seuls de l'édifice, comme l'indique
son épitaphe; aussi ne borna-t-il
pas là ses travaux : outre les deux
transepts, il augmenta la nef de
deux travées et construisit une
nouvelle façade à l'aplomb de la
face ouest du clocher (fig. 4).
Mais l'épaisseur de celui-ci était
trop étroite pour qu'il fût possible
de donner à ces travées la même
largeur qu'aux précédentes, aussi n'ont-elles que 6" 28 et
6™ 31, alors que la dernière de Fulbert avait 6™ 87 et les
autres 7°>05; de plus, le bas-côté nord ne fut pas prolongé,
soit que déjà la pensée fût venue d'y construire un second
clocher en remplacement de celui du transept détruit par
l'incendie, soit que les deux travées n'eussent été construites
que pour remplacer le narthex brûlé, laissant à l'extrémité
du bas-côté une porte d'entrée à la crypte.
La figure 5 donne le schéma
approximatif de cette façade
telle qu'elle dut être vers 1050.
Nous remarquerons que , si
nous conservons l'axe intérieur
pour établir la porte et les trois
baies qui la surmontent, l'épais-
seur des contreforts du clocher
forcent la fenêtre adjacente à
Fig. 6. — 1030 à 1100 être plus étroite que celle oppo-
sée. Nous retrouverons plus loin la suite de cette observation.
Vers le milieu du XP siècle, un événement considérable
devait influencer toute la région et donner un nouvel essor
à l'embellissement de la cathédrale.
— 437 —
En 1032, Geoffroy Martel, [ils de Foulques Nerra, avait fait
élever à Vendôme, pour les Bénédictins, une abbaye qui fut
dédiée en 1040 par Tévêque Thierri ^ Puis, ayant ainsi
satisfait sa conscience peu tranquille, il fut appelé par l'em-
pereur Michel Paphlagonien et partit en Sicile combattre les
Sarrazins.
Revenu vainqueur, il rapporta comme récompense un
reliquaire contenant une larme du Christ, que lui avait
donné l'empereur.
Cette précieuse relique ne tarda pas à faire de nombreux
miracles; aussi, tant pour lui faire honneur qu'à cause du
grand nombre de dons reçus par l'abbaye, les travaux furent
repris en 1047 et bientôt l'on commença à élever le magni-
fique clocher qu'on voit encore aujourd'hui ^,
Il est certain que la présence de cette relique aussi proche
de Chartres détourna, au profit de Vendôme, une partie des
fidèles et inquiéta le chapitre, qui chercha aussitôt à embellir
et augmenter la cathédrale pour y ramener l'attention un
instant détournée 3.
En 1050, nous voyons l'obit du chanoine Raimbault {qui
dédit magnam partem sue possessionnis ad edificationem
vestibuli frontis hujus ecclesiœ).
Enfin, comme le XP siècle touchait à sa fin, nous voyons
pour la première fois qu'il est fait mention du projet de la
construction d'un nouveau clocher. Le 26 août 1092, mourut
le doyen du chapitre, Adalard (qui hoc capituîum eonstruxit)
qui avait construit ce chapitre (et ad œdificationem turris
' L'abbé Odon, qui vivait au XI1« siècle en a donné le compte rendu ainsi
que les renseignements sur les autres événements qui vont suivre. (Vendôme,
bibliothèque).
' Voir à ce sujet :
1° V Histoire du Vendomois, par l'abbé Simon.
2« Vendôme, par de Passac.
3*» Mémoires historiques et chronologiques du Vendomois, par Duchemin de
la Chesnais, ouvrage non publié, entre les mains du correspondant du minis-
tère de Finstruction publique.
4° Rapport de M. Lenormand, aux Archives des Monuments historiques.
3 Le clocher de Vendôme était terminé en 1163, ainsi aue l'atteste Tinscrip-
tion du maître charpentier Bremière sur une des poutres du beffroy.
— 4m —
plurinmm profuit), et laissa beaucoup de biens pour la cons-
truction d'une tour. « Il ne faut pas confondre cette tour
avec Tune de celles qui subsistent encore aujourd'hui près
de la façade occidentale, dit M. Merlet, et que l'on n'érigea
que quarante ans plus tard, après l'incendie de 1134 ». Nous
ne sommes pas de cet avis. Lorsque M. Merlet écrivait ces
lignes, l'étude de M. Lanore n'avait pas encore paru,
établissant la priorité du clocher nord sur le clocher sud, et
il était convenu que les deux clochers avaient été construits
à la même époque. Nous donnerons plus loin l'étude compa-
rative des moulures de ces deux clochers, mais, ce que nous
pouvons faire remarquer, c'est l'énorme rapport qu'il y a
entre le clocher de Vendôme et la base du clocher nord de
Chartres. Ce sont les mêmes moulures, les mêmes détails,
dans les deux la même hésitation entre l'arc plein cintre et
l'arc à peine brisé. Certain chapiteau de Chartres porte
deux griffons que nous retrouvons dans la frise de celui de
Vendôme, mêmes archivoltes, mêmes bases. Car il ne faut
pas croire que les travaux du clocher étaient commencés du
temps d'Adalard, mais il en est parlé comme d'un projet
(turris), sans qu'il soit précisé comme il est fait pour le cha-
pitre (Hoc aapitulum). Peut-être est-
ce même pour une tour symétrique
à celle de Fulbert.
C'est seulement vers 1100, croyons-
nous, que fut élevée la tour nord,
et elle devait être, vers 11Î30, à peu
près terminée dans son premier
projet, c'est-à-dire jusqu'au-dessus
du glacis des contreforts (fig. 6).
Une flèche en bois analogue à
celle de Saint-Germain-des-Prés, de.
Paris, la terminait sans doute.
En même temps, saint Yves, évêque de Chartres, faisait
réparer la toiture et la couvrait en partie de plomb.
Enfin, de 1130 à 1134 fut construit un vaste porche accolé
contre la façade et le clocher nord et décoré des trois
magnifiques portails que nous pouvons admirer encore
aujourd'hui (fig. 7).
M. Lanore, et avec lui plusieurs auteurs, ont cherché à
Fig. 6. — 1100 à 1134
— 439 —
établir Tisolement complot du clocher nord, a Texeniple de
celui de Vendôme.
Il est, je crois, tout à fait impossible de comparer ces deux
clochers à ce point de vue, Tun étant celui d'une abbaye
(exemple d'ailleurs unique en France), l'autre faisant partie
d'une cathédrale et évidemment construit pour faire pendant
au clocher de Fulbert.
D'autre part, si nous pouvons
admettre que les faits invoqués
par M. Lanore prouvent l'iso-
lement du clocher près du bas-
côté actuel, tel qu'il est indi-
qué dans le plan (fig. 7), la face
sud a toujours été accolée jus-
qu'au-dessous des deux baies
presque plein -cintre, aujour-
d'hui bouchées, qui se voient
à l'intérieur.
Fio. 7. - 1100 à 1134 En effet, alors qu'à Vendôme
les faces sont semblables, sauf celle de l'escalier, à Char-
tres, seules les faces nord et ouest offrent dans la partie
basse une certaine régularité.
La face sud (fig. 14), présente une disposition toute
spéciale. Deux arcs cantonnés de dix colonnes supportent le
mur de face et laissent la libre circulation à l'intérieur.
Deux colonnes en A et B, rigoureusement liées à la maçon-
nerie, et dont la mouluration concorde d'ailleurs avec tout
le reste, portaient de A en B et en C deux doubleaux dont
on voit parfaitement la trace. Au-dessus de la colonne B, les
pierres en boutisse forment corbeaux et reçoivent la retom-
bée d'un arc perpendiculaire B-K, tout en maintenant la
base du contrefort, dont la forme spéciale et amincie prouve
parfaitement sa destination première.
Si nous reconstituons par le tracé le plan de ce porche,
dont les bases existent enABCDEFGH, nous nous trou-
vons en présence d'un narthex semblable en tout point à
celui de Saint-Benoist-sur-Loire (Loiret). Ce narthex avait une
face sud ainsi qu'il est indiqué dans le plan (fig. 7), et fut
décoré, peu de temps après sa construction, des admirables
figures qui l'ornent aujourd'hui.
— 440 —
Plusieurs auteurs ont émis ropiiiion que ces sculptures ont
été démontées et proviennent d'un autre portail. Nous ne
croyons pas que cette opinion puisse tenir à un examen
sérieux. D'abord, il faudrait trouver l'emplacement de cette
ancienne façade. Celle de Thierri existait encore, puis, en
admettant qu'elle eût été remplacée par ces sculptures, la
largeur entre murs était de 15.50, alors que la façade actuelle
a 10.28, il y aurait donc 0.78 c. en trop ; or nous voyons au
contraire, nous l'expliquerons plus loin, que la façade a dû
être raccourcie. Nous aurions, en outre, des traces nom-
breuses de remontage, et si du côté nord nous voyons une
coupure nette de la pierre, ce qui est forcé, puisque le clo-
cher est en pierre do Berchères, alors que celle du porche
est en pierre de Normandie; les cintres des deux portes ne
présentent aucune trace de disjointoiement complet. Tous
les constructeurs savent combien il est difficile, pour ne pas
dire impossible, de réemployer des sculptures sans retouches
ni retailles.
De plus, la porte centrale n'a pas et n'a jamais eu de tru-
meau. Cet usage, qui dura tout le moyen-âge, était nécessité
par le manque de procédé pour maintenir une porte à deux
vantaux fermée sans espagnolette ni crémone et aussi pour
soulager le linteau. Les feuillures actuelles ont été retaillées
au XIIP siècle en recoupant toute la mouluration.
Ces portes étaient donc bien faites pour être ouvertes
sans vantaux, comme un porche. On accédait sur ce porche
formant terrasse par les deux arcades du clocher nord,
aujourd'hui bouchées, car la partie basse n'était pas voûtée,
mais seulement fermée d'un plancher, et peut-être au début
le porche fut-il seulement couvert en charpente. Il est évi-
dent que pour subvenir à tous ces travaux on ne put attendre
les libéralités posthumes, aussi eut-on recours à des quêtes
immédiates, c'est pourquoi les obits de cette époque sont
muets sur ces donations. Ce n'est que plus tard, lors de la
mort des donateurs, qu'elles furent signalées mais sans pré-
ciser depuis quand elles avaient été faites.
Nous voici donc en 1134, le clocher est achevé, le porche
vient de l'être. Chartres peut rivaliser avec Vendôme. Mais
un nouveau sinistre éclate et met partout la ruine et la déso-
lation.
— 441 —
Le 7 septembre 1134, « la cité fut presque entièrement
détruite, mais, par la miséricorde de Dieu, le sanctuaire de
Notre-Dame fut préservé des flammes qui l'environnaient. »
D'après M. Merlet , les dégâts furent relativement peu
importants, en ce qui concerne la nef même. « Toutefois,
dit-il, il est certain que les parties occidentales de cet édifice
eurent à souffrir de l'intensité du feu, car l'Hôtel-Dieu du
chapitre, situé à quelques mètres seulement au sud-ouest de
l'église, fut entièrement ruiné par l'incendie. :»
Voici donc encore une fois la façade endommagée. Le clo-
cher de Fulbert, qui déjà avait en 1030 résisté à l'incendie
et peut-être à celui de 1020, n'était plus qu'une masse informe
rongée par les flammes; alors,
pour la première fois, l'architecte
conçut un parti d'ensemble digne
du monument (fig. 8).
Fia. 8. — 1134 à 1194
Fia. 9. — 1134 à 1194
Il démolit le clocher de Fulbert, compléta les deux travées
de 1030, démonta la face et la porte sud du porche; puis,
symétriquement au clocher nord, éleva le clocher sud actuel
(fig. 0).
Il ne réleva pas d'un seul jet, son but étant évidemment
de faire pendant avec le clocher nord, il s'arrêta d'abord en
A B, au niveau déjà construit de ce dernier clocher qu'il
avait égalisé de A' en A, travail qui dura jusque vers 1140,
car, pendant toute cette période, il n'est mentionné au nécro-
T. XII, M. 29
— 442 —
loge que des dons pour une seule tour. Après cette époque
il éleva symétriquement les fenêtres jusqu'au niveau C D.
Là, nouvel arrêt. La tour sud fut seule continuée par la
flèche actuelle, mais certainement après quelques hésita-
tions. L'examen attentif du plan de la flèche montre qu'elle
ne concorde pas rigoureusement avec le plan inférieur, il y
eut évidemment un changement dans le parti primitif. Peut-
être le projet comportait-il seulement des flèches en bois.
Mais devant la flèche de Vendôme, qui s'élevait à la même
époque, puisqu'elle fut finie en 1105, (le nécrologe nous
apprend que celle de Chartres fut
continuée jusqu'en 1104, don du
chantre Hugues), l'architecte conçut
cette admirable flèche, au moins
égale, sinon supérieure, à sa rivale
de Vendôme.
Avant d'aller plus loin, examinons |
avec soin les moulurations des par- '
ties que nous venons de citer et
voyons si nous pouvons y trouver la
même suite que dans les dates que
nous venons d'établir.
La figure 10 représente les profils
des bases du clocher nord, du porche
et du clocher sud.
Nous voyons d'abord que, si nous
pouvons attribuer les moulures in-
formes de la base nord aux pre-
mières années du XIP siècle, la base sud, au contraire, par
ses moulures étudiées et ses talons, a tous les caractères de
la seconde moitié du XIP.
Celle du porche, plus pondérée, presque encore romane
comme profil, fait bien la transition, de plus nous voyons
que du côté nord le porche a été plaqué contre le clocher sans
qu'aucune moulure s'y rattache, alors qu'au côté sud toute
la base du clocher a été moulurée pour se raccorder avec celle
du porche. On peut voir sur place que la moulure du clo-
cher nord traverse derrière le porche et ressort en C du plan
(fig. 14), alors que celle do base du clocher sud s'arrête et se
retourne sur le porche en M du même plan, ceci concordant
Fio. 10
— 443 —
ivec la marcho du travail telle que nous l'avons indi^
quée *
^'VJID
Comparons maintenant les deux clochers. La fig. 11 donne
la suite comparative par étage des bases des colonnes et
colonnettes qui s y rencontrent.
Au rez-de-chaussée du clocher nord, nous trouvons d'abord
à l'intérieur (en A et B du plan , fig. 14) et à Textérieur
les bases à boudins cannelés, bien caractéristiques du com-
mencement du XIP. Au premier étage, môme mouluration
sans cannelure, mais encore très grossière comme profil. Ici
il faut nous arrêter. Nous retrouvons les bases des
colonnettes extérieures du porche sans griffes et celles inté-
rieures (D et E du plan, fig. 14) de même profil, mais avec
griffes rudimentaires et grossièrement striées. Nous sommes
au premier quart du XIP siècle. La base du clocher sud nous
donne le même profil à l'extérieur comme à l'intérieur,
mais avec griffes déjà parfaites, le profil s'écrase, la scotie
< Il Y a de chaque côté deux petits ressauts dans les moulures basses, les
traces die scellement et de rouille semblent indiquer remplacement d'une grille
ou de porte-bannière.
— 444 —
se creuse et le boudin inférieur s'aplatit, c'est le plein XIP.
Au premier étage, même profil. Au deuxième étage, nous
trouvons le même profil pour les deux clochers et, du côté
nord, une seule base avec une griffe, preuve que ces deux
parties ont été réparées simultanément ainsi que nous l'avons
expliqué.
La comparaison que nous venons de faire pour les bases
peut se répéter pour les chapiteaux et pour toutes les autres
moulures, mais nous croyons inutile de prolonger une suite
de remarques que chacun peut faire sur place.
Reprenons l'étude des transformations où nous l'avons
laissée, c'est-à-dire à la construction des tîlochers, pour
nous occuper du porche.
Nous avons vu (fig. 8), que la face sud fut supprimée par
suite de la construction du nouveau clocher; il fallut
évidemment démonter la partie adjacente pour pouvoir
construire en M du plan (fig. 14) , le contrefort d'angle du
clocher. C'est ce qui nous est confirmé par l'examen du por-
tail.
L'ouverture de la porte (2.25 au lieu de 2.32) a été rétrécie
de 0.17. Les trois statues adossées au clocher ont été dépo-
sées et assez mal remontées à des niveaux différents.
Le linteau qui était resté scellé à gauche a été coupé
à droite \ le tympan démonté et les archivoltes sciées à la
clef. Mais, une fois ce travail fait, le bas-relief du tympan se
trouva trop grand, il fut alors coupé en trois morceaux. Les
deux anges purent resservir, mais la partie centrale dut être
refaite. Ce fut l'archidiacre de Châteaudun, Richer, mort en
1150, qui en fit don ainsi qu'il est dit aucartulaire (decoravit
etiam introitum hujus ecclesiœ imagine béate Marie auro, deven-
ter ornata). Cette Vierge, évidemment celle qui existe aujour-
d'hui, était peinte et dorée, on en retrouve des traces. Enfin
du retour d'angle il restait inoccupée une figure d'ange ;
c'est celle qui maintenant forme cadran solaire ^, et diffé-
^ Ce qui est prouvé par le fait qu'il y a tout l'espace nécessaire à droite ; à
gauche, au contraire, un personnage a été scié en deux, si le linteau eût été
démonté en coupant de chaque côté les parties inutiles, la scène serait restée
complète.
^ Le cadran est du XVI* siècle.
— 445 —
rents fragments comme les bases et les chapiteaux de la
porte murée, face sud du clocher, ainsi que Tâne-qui-vielle
et les grotesques, le tout en pierre de Normandie.
Quand tous ces travaux furent terminés, au milieu de la
magnificence de ces deux tours et du porche, la façade de
Thierri, en retrait, parut trop simple, trop vieille ; elle fut
démolie dans toute la partie des trois fenêtres (fig. 6) et
reportée sur le portail * .
On replaça les verrières, toutes nouvellement faites, dans
les nouvelles baies, mais le même défaut que nous avons
déjà fait observer se produisit ; la baie de droite se trouva
trop resserrée par le clocher, il fallut non seulement en
changer la moulure mais encore Tentailler pour y loger la
verrière; cette baie a 0.31 cent, de moins que Fautre.
Un grand arc de décharge, aujourd'hui coupé, supportait
une galerie à laquelle on descendait par un petit escalier
maintenant bouché. Toute la partie entre les deux clochers
fut voûtée et l'on voit encore les amorces de ces voûtes qui
furent retaillées au XIIP siècle en forme de corbeaux, ainsi
que, sur le clocher sud, le fut d'une des colonnes qui rece-
vaient les arcs du côté de l'église, formant ainsi au-dessus
du porche une vaste tribune.
Le plancher de bois du clocher nord fut remplacé par la
voûte actuelle, après avoir cantonné dans les angles trois
I colonnes pour les doubleaux, les deux baies
i^ — donnant sur la terrasse furent murées et dans
T1 les angles du porche les colonnes en G et F du
Vt— • plan (fig. 14), furent enlevées et remplacées par
J ^ deux escaliers desservant cette tribune. Les
Fr.f.ij„ colonnes actuelles ont été remises au XVP siècle
^"" "^'^* comme le prouvent les bases (fig. 12), pour y
reconstruire une tribune d'orgues.
Après et peut-être pendant la construction du
p^io. 12 clocher sud, les travées des bas-côtés furent
prolongées jusqu'aux clochers, ainsi que la crypte. On voit
encore au-dessus du toit actuel, sur la face est des clochers.
< Poids non prévu qui devait d'ailleurs plus tard faire briser le linteau et
causer de graves désordres dans les archivoltes.
29*
— 440 —
la trace des revers d'eau de la toiture du XIP siècle et celle
du XIII*. Celle actuelle n'ayant pas la même disposition.
Tels furent, autant du moins qu'on pt ut en l unjoc-
turer, les grands changements subis par l:i façade d<*
Chartres jusqu'à la (in du XIP siècle. Mais là no
devaient pas s'arrêter ces transformatioiii^.
Le 10 juin 1194, alors qu'on allait peu l-t*ire êdiCer
la flèche nord, un sixième incendie détruisit cette
fois de fond en comble la nef de Fulbert. 11 ne
resta debout que la façade et les
deux clochers. Aussi lorsque les^
constructeurs infatigables repri-
rent le travail, il fut décidé qu'on
voûterait l'église pour supprimer
la charpente, cause de tous ces
désastres.
Ce que fut l'église alors, telle
elle nous est restée depuis (fig. 13).
Toute la nef et les bas-côtés furent ^'°- "• " ^p""*^'^ "^*
refaits (fig. 14\ la nef fut surélevée, la grande rose construite
Pl*A.N AcTUEl.
!••• |.avri«» hackorai
Fio. 14
— 447 —
à remplacement de la tribune, qui ne donnait aucun jour, et
le narthex supprimé. Des tambours furent lancés dans les
clochers pour porter les fûts en délit des colonnettes rece-
vant les cintres des nouvelles voûtes et sur le tout s'éleva la
galerie des rois et le pignon.
Au XIV* siècle, une flèche en plomb décora la tour nord,
jusqu'au jour où Jehan de Beausse vint l'achever par le mer-
veilleux clocher neuf qui devait être sa dernière adjonction.
A. Mayeux.
!•' Août 1900.
y
TABLE DES GRAVURES
PUBLIÉES DANS LE TOME DOUZIÈME
des Mémoires de la Société Archéologique d'Eure-et-Loir
Carte de Forage de 1788 entre les pages 160-161
Monument élevé à Marceau par le comte de Reiset, pages,
en 1862 172
La Façade de la Cathédrale de Chartres du XI** au
XIII« siècle :
Fig. 1, croquis d'un fragment de la miniature
d'André de Mici 435
Fig. 2, plan, de 1020 à 1030 435
Fig. 3, façade, de 1020 à 1030 435
Fig. 4, plan, de 1030 à 1100 436
Fig. 5, façade, de 1030 à 1100 436
Fig. 6, façade, de 1100 à 1134 438
Fig. 7, plan, de 1100 à 1134 439
Fig. 8, plan, de 1134 à 1194 441
Fig. 9, façade, de 1134 à 1194 441
Fig. 10, profils de la base des clochers ..... 442
Fig. 11, bases du clocher sud 443
Fig. 12, profil des bases du porche 445
Fig. 13, façade, après 1194 446
Fig. 14, plan actuel 446
^
TABLE DES NOTICES
PUBLIÉES DANS LE TOME DOUZIÈME
des Mémoires de la Société Archéologique d' Eure-et-Loir
Les Comtes de Chartres, de Chàteaudun et de Blois, pag<^s.
aux 1X« et Xo siècles, par M. René Merlet (à suivre) 1-84
L'École Chartraine de Sculpture au Xll^ siôclC; d'après
les Origines du Style inonuinental au moyen âge par
le I> Voge; — extraits, par M. Henry Lehr .... 85-140
L'Orage de 1788, par M. l'abbé Sainsot 141-172
La Mort de Marceau, par M. le Comte de Reiset . . . 173-180
Redevances au Pays Chartrain durant le moyen âge,
(avec table), par M. Lucien Merlet 181-229
Un document du XV« siècle concernant la Beauce , par
M. Tabbé Sainsot 230-241
Chronologie des premiers seigneurs de Courville:
Courville et Vieuxpont, notice généalogique, par
M. Roger Durand 243-293
Historique de la Société Archéologique d'Eure-et-Loir,
1856-1900, par M. l'abbé Sainsot 294-302
Le Séminaire du Grand-Beaulieu-lès-Chartres (suite),
par M. l'abbé Renard 303-344
Inventaire des Registres, Titres et Papiers de l'Hôtel
de Ville de Dreux, fait en 1765, par M. Georges
Champagne 345-433
Étude sur la Façade de la Cathédrale de Chartres du
XI« au XIII« siècle, par M. Albert Mayeux 434-447
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