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Full text of "Histoire de la Domination Normande en Italie et en Sicile"

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From  the  Library  of 

Henry    Tresawna    Qerrans 

Fellow  of  Worcester  Collège^  Oxford 
1882-1Ç21 


Given  /oU.n\yers\lAj.. O.P. Toronto. li.brar 

"Byhis  fVife  Ç 


^n. 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/histoiredeladomi01chal 


HISTOIRE 

DE    LA 

DOMINATION     NORMANDE 

EN    ITALIE    ET    EN    SICILE 


MAÇON,  PROTAT-  FRKRES,  IMPRIMEURS 


4'î)£k 


HISTOIRE 


DE    LA 


DOMINATION  NORMANDE 


EN    ITALIE    ET    EN    SICILE 


TOME     PREMIER 


PAR 


FERDINAND    CHALANDON 

ARCHIVISTE    l'AI-ÉOGRAPHE 
ANCIEN    MEMBRE    DE    l'ÉCOLE    FRANÇAISE    DE    ROME 


PARIS 
LIBRAIRIE  ALPHONSE  PICARD  ET  FILS 

Libraire  des  Archives  nationales  et  de  la  Société  de  l'Ecole  des  Chartes 
S2,  RIE  Bonaparte,  82 

1907 


AVANT- PROPOS 


La  conquête  de  l'Italie  et  de  la  Sicile  par  les  Normands,  et  la 
création,  par  les  descendants  de  Tancrède  deHauteville,  du  royau- 
me de  Sicile  constituent  un  curieux  chapitre  de  l'histoire  de  la 
noblesse  française  hors  de  France,  au  xi"  et  au  xii"  siècle.  Mais  ici 
l'histoire  semble  par  moment  un  extraordinaire  roman  d'aven- 
ture et  l'imag-ination  aurait  peine  à  concevoir  plus  étrang-e  et 
plus  sing-ulière  destinée  que  celle  de  ces  chevaliers  besogneux 
qui,  partis  pour  chercher  fortune,  réussirent  à  fonder  un  rovaume 
en  Sicile,  une  principauté  à  Antioche  et  tentèrent  plus  d'une 
fois  de  monter  sur  le  trône  des  basileis  de  Constantinople. 

De  bonne  heure,  semble-t-il,  la  gloire  des  conquérants  a  servi 
de  thème  aux  poètes  et,  comme  on  l'a  dit,  «  les  Normands  qui 
apportaient  avec  eux  l'habitude  de  célébrer  par  des  chansons  de 
geste  les  exploits  guerriers  ne  durent  pas  négliger  de  chanter 
leurs  merveilleux  succès  en  Italie  et  en  Sicile,  cette  épopée 
toute  faite  à  laquelle  en  vérité  peu  de  fictions  peuvent  s'égaler  ',  )> 
Ne  pourrait-on  supposer  qu'il  se  rattachait  à  quelque  production  de 
ce  genre  ce  «  roumans  de  la  conqueste  de  Césile  »  que  nous  voyons 
figurer  dans  l'inventaire  de  Clémence  de  Hongrie  et  qui  passa 
ensuite  dans  la  bibliothèque  de  Jeanne  d'Évreux'-.  Rappelons 
que,  dans  une  des  nouvelles  du  Décamé ron,  Boccace  a  raconté  les 
amours  tragiques  d'un  pseudo-fils  de  Guillaume  II  avec  une  prin- 
cesse musulmane  '.  Peut-être  l'origine  de  ce  conte  doit-elle  être 
cherchée  dans  un  épisode  du  règne  de  Guillaume  II  dont  on  lira 
plus  loin  le  récit*.  Enfin,  pour  en  finir  avec  les  œuvres  d'imagi- 

1.  G.  Paris,  La  Sicile  dans  la  littérature  française,  dans  la  Romania, 
t.  V,  p.  109. 

2.  Inventaire  de  Clémence  de  Hongrie,  dans  Douël  d'Arcq,  Nouveau 
recueil  de  comptes  de  Vargenterie  des  rois  de  France  p.  64. 

3.  Décaméron,  S*^  journée,  nouvelle  4. 

4.  Cf.  infra,  t.  Il,  p.  399. 

Hisloire  de  la  domination  normande.  —  Chai.andon.  1* 


11  AVAM-PROPOS 

nation,  nous  mentionnerons,   malgré  leur  pauvreté,   les  poèmes 
de  Spatafora  ',  de  la  Harpe  ^  et  de  Pastoret  -^ 

Les  ouvrao-es  historiques  relatifs  à  la  domination  normande 
en  Italie  sont  fort  nombreux.  Au  xvii*^  siècle,  Du  Moulin  écri- 
vait :  Les  conquestes  et  les  trophées  des  Normands-François 
aux  royaumes  de  Naples  et  de  Sicile,  aux  duchez  de  Ca- 
lahre,  d'Antioche,  de  Galilée  et  autres  principautés  d'Italie  et 
d'Orient  ^.  Fazzello  ^,  Maurolico '',  Costanzo  ",  Caruso  ^,  Sum- 
monte '\  Giannone  "\  Burignv".  Testa'-',  Gregorio '"^,  Gautier 
d'Arc''*,  Bazoncourt'  ',  de  Blasi'*',  Huillard  BréhoUes  '',  di  Blasiis'^, 


1.  Mario  Spatafora,  //   Rogerio  in   Sirilui,  poeniu  eroico    (Ancône,  1098), 
in-12. 

2.  La  Harpe,   La  délivrance   de  Salerne   el    la   fondation  du  roijaunie  des 
Deux-Siciles  (Paris,  176o),  in-8. 

3.  A.,  de   Pastoret,   Les  Xormands   en    Sicile   ou  Salerne  déli crée  [Paris, 
1818),  in-8. 

4.  Rouen,  10o8,  in-f». 

5.  Fazello,    De   rehus  siculis,    éd.    Amico  et  Slatella   iCatane,    1749-.j;i), 
3  vol.  in-f". 

6.  Maurolico,  Sicanicai-uni  reruin  compe/idiuin  (Messine,  lo(i2),  in-4°. 

7.  Buonfiglio  Costanzo,  Iliatoi-ia  siciliana  (Venise,  1604),  in-4. 

8.  Cai'uso,  Memorie  isloriche  di  quanta  é  accaduto  in  Sicilia  dal  lenijxtde' 
suoi  primieri  abilatori  (Palerme,  1716-1744),  3  vol.  in-f". 

9.  Summonte,  Hisloria  délia  città  e  regnodi  .Ya/)o/t  (Naples,  167.'>),  4  vol. 
in-4. 

10.  Giannone,  Isloria  civile  del  regno  di  Napoli,  t.  1  et  II  Venise,  1766), 
in-4. 

11.  Burigny,  Histoire  générale  de  la  Sicile  (La  Haye,  174ji,  3  vol.  in-4. 

12.  Testa,  De  vila  et  rehus  gesfis  Guillelnii  II  Siciliae  régis  (Monreale, 
1769),  in-f». 

13.  Gregorio,  Considerazioni  snpra  la  sloria  di  Sicilia  dai  tenipi  nor- 
nianni  sino  ai  presenti  (Palerme,  1831-1839),  4  voL  in-16. 

14.  Gautier  d'Arc,  Histoire  des  conquêtes  des  Normands  en  Ilalie,  en  Sicile 
et  en  Grèce  et  de  leur  établissement  en  Sicile  et  en  Grèce  (Paris,  1830 1,  in-8. 

1.3.  Bazoncourt,  Histoire  de  la  Sicile  sous  la  domination  des  Normands 
depuis  la  conquête  de  l'île  Jusqu'à  rétablissement  (te  la  monarchie  Paris, 
1846),  2  vol.  in-8. 

16.  De  Blasi,  Storia  del  regno  di  Sicilia  (Palerme,  18ti-1847i,  3   vol.  in-4. 

17.  IIiiillard-BréhoUes,  Recherches  sur  les  monuments  et  r/iistoire  des 
Normands  el  de  la  maison  de  Souahe  dans  l'Italie  méridionale  Paris,  1844), 
in-f°. 

18.  Di  Blasiis,  La  insurrezione  pugliese  e  la  conquista  normanna  (Xaples, 
1869-1873),  3  vol.  in-8. 


AVANT-l'ROPOS  m 

La  Lumia  ',  Aniari  ^  ont  traité  des  parties  plus  ou  moins  éten- 
dues du  même  sujet.  Siragusa  -^  a  écrit  une  histoire  de  Guil- 
laume l"  pour  laquelle  il  a  utilisé  quelques  documents  inédits,  et 
Schack  '  a  tenté  dans  une  œuvre  de  vulgarisation  d'écrire  une  his- 
toire générale  des  Normands  en  Italie.  A  tous  ces  ouvrages,  on  peut 
adresser  le  reproche  d'avoir  été  écrits,  surtout  à  l'aide  des  chro- 
niques sans  que  leurs  auteurs  aient  tiré  parti  des  documents 
d'archives.  L'abbé  Delarc  et  Heinemann  °,  dont  les  œuvres 
marquent  un  réel  progrès,  ont  repris  une  partie  du  sujet  et  ont 
tenté  d'en  combler  les  lacunes,  mais  leurs  deux  ouvrages  sont 
demeurés  inachevés  et  s'arrêtent  l'un  en  1071,  l'autre  en  1083. 
Un  sort  malheureux  s'attachait  aux  historiens  des  Normands,  et, 
il  y  a  peu  d'années  encore,  K.  Kehr,  qui  venait  de  faire  paraître  une 
étude  sur  la  diplomatique  des  rois  normands,  disparaissait  pré- 
maturément. 

Depuis  quelques  années,  de  nombreux  documents  demeurés 
jusqu'ici  enfouis  dans  les  Archives  de  l'Italie  méridionale  et  de 
la  Sicile  ont  été  publiés  ;  j'ai  pu  en  consulter  un  grand  nombre 
d'autres  qui  avaient  été  inconnus  à  mes  devanciers.  Il  m'a  paru 
que  grâce  à  ces  matériaux  l'on  pouvait  reprendre  le  sujet  et 
tenter  dans  un  ouvrage  d'ensemble,  d'écrire  une  Histoire  de  la 
domination  normande  en  Italie  et  en  Sicile  où  seraient  expo- 
sés non  seulement  les  faits  politiques  mais  aussi  l'histoire  des  Ins- 
titutions. Au  moment  où  mon  manuscrit  était  à  peu  près  terminé 
a  paru,  assez  à  temps  pour  que  je  puisse  l'utiliser,  l'ouvrage  par 
lequel  M.  Gaspar  a  essayé  de  combler  une  des  lacunes  les  plus 
importantes  de  l'histoire  des  Normands  d'Italie  ^\ 

1.  La  Lumia,  Sforia  délia  Sicilia  solto  Guglielmo  il  huono  (Florence, 
18G7),  in-8. 

2.  Amari,  Stori.i  dei  Mnsulinaiil  di  Sicilia  (Florence,  18o4-1872),  3  vol. 
in-8. 

3.  Siragusa,  //  rerjno  di  Guglielmo  1  in  Sicilia  (Palerme,  1885),  2  vol.  in-8. 

4.  Schack,  Geschichle  der  Normannen  in  Sicilien  (Stuttgart,  1889),  2  vol. 
in-8. 

"}.  Delarc,  Les  Xoivnands  en  Italie  (Paris,  1883),  in-8;  Heinemann  (L. 
von),  Geschichle  der  Normannen,  t.  I,  seul  paru  (Leipsig,  1894),  in-8.  Plus 
récemment  Gay,  L'Italie  méridionale  et  Venipire  hijzantin  (Paris,  1904), 
in-8,  a  étudié  les  luttes  des  Normands  contre  l'empire  grec  jusqu'en  1071 . 

6.  Gaspar,  Roger  II und  dieGrûndung  der  normanniscli-sicilischen  Monar- 
chie ^^lnnsbruck,  1904j,  in-8. 


IV  AYANT-PROPOS 

Je  tiens,  en  terminant,  à  remercier  le  R.  P.  dom  Collavolpe  de 
l'abbaye  de  la  Cava  et  M.  Garufi,  professeur  à  l'Université  de 
Palerme  de  l'extrême  obligeance  qu'ils  ont  apportée  à  faciliter 
mes  recherches.  Je  n'aurai  garde  d'oublier  mes  confrères  et  amis 
de  l'Ecole  de  Rome,  MM.  deManteyer,Pernot,  Serruys  et  Poupar- 
din.  Ce  dernier  a  bien  voulu  accepter  la  tâche  ingrate  de  revoir 
les  épreuves,  quil  en  reçoive  ici  mes  plus  sincères  remerciements. 

Peut-être  relèvera-t-on  certaines  omissions  relatives  à  des 
ouvrages  ou  à  des  articles  récemment  parus  ;  je  ne  saurais  être 
tenu  pour  responsable  de  ces  lacunes  dues  à  la  lenteur  inusitée 
de  1  impression  commencée  en  février  1906. 

Paris,  le  l.'l  juin  1*.M>7. 


INTRODUCTION 


ÉTUDE     DES     SOURCES 

I.    —    DOCUMENTS    d' ARCHIVES 

Les  actes  de  l'époque  normande  qui  nous  sont  parvenus  sont 
très  nombreux,  a  partir  de  1086.  On  trouvera  à  la  Bibliographie 
l'indication  des  recueils  où  ils  sont  publiés.  Pendant  mon  séjour 
à  l'Ecole  de  Rome,  je  m'étais  occupé  de  rassembler  les  documents 
inédits  qui  pouvaient  se  trouver  dans  les  diverses  archives  de 
l'Italie  méridionale  et  de  la  Sicile.  Mes  recherches  avaient  été 
assez  fructueuses,  mais  elles  ont  été  rendues  à  peu  près  inutiles 
au  moins  en  ce  qui  concerne  les  diplômes  des  rois  normands. 
K.  Kehr  a,  en  effet,  depuis  lors,  publié  la  plus  g^rande  partie 
des  actes  que  j'avais  recueillis,  en  appendice  à  son  livre,  Die 
Urkunden  der  iiorniannisch-sicilischen  Kônige^.  Par  suite,  pour 
toute  la  période  de  la  monarchie,  la  plupart  des  diplômes  royaux 
utilisés  sont  déjà  publiés.  Néanmoins,  les  archives  communales  de 
Bénévent  et  les  archives  du  Mont-Cassin  nous  ont  fourni  quelques 
documents  intéressants.  Pour  l'histoire  du  duché  de  Pouille,  sous 
les  ducs  Roger  et  Guillaume,  j'ai  pu  me  servir  d\in  assez  grand 
nombre   de  diplômes  inédits  '-.   En  outre,  pour  toute   la  période 


1.  K.  Kehr,  Die  Urkunden  (1er  norinannisch-sicilisc hen  Kônir/e  {Innshruck, 
1902),  p.  409  et  suiv. 

2.  Un  certain  nombre  des  actes  émanés  des  princes  normands  et  emprun- 
tés aux  archives  de  la  Cava  et  de  Palerme  ont  été  publiés,  peu  avant  sa 
mort,  par  Lothar  von  Heinemann,  Nori}iannische  Herzogs-und  Kônigsur- 
kunden  aus  Unter-italien  und  Sicilien  (Tubingen,  1899),  in-4.  Je  ne  citerai 
aucun  acte  d'après  cette  publication,  qui  est  pleine  d'erreurs  paléogra- 
phi([ues  ;  de  plus,  l'éditeur  s'est  parfois  borné  à  prendre  sur  les  originaux 
quelques  notes  et  a  reconstitué  les  actes  chez  lui.  On  ne  peut  avoir  aucune 
confiance  dans  cette  édition,  car  il  n'y  a  aucun  rapport  entre  certains  des 


M  INTKODLCTION 

de  la  domination  normande  j'ai  utilisé  un  grand  nombre  d'actes 
de  seigneurs  normands.  Les  dépôts  les  plus  riches,  à  cet  égard, 
sont  les  Archives  du  Mont-Cassin,  de  la  Gava,  l'Archivio  di 
stato  à  Naples.  Pour  être  complet,  je  citerai  encore  le  Codex  diplo- 
maticiis  Brundusinus  conservé  à  la  bibliothèque  de  Léo  k  Brindisi, 
le  Cartulaire  de  Tremiti  conservé  à  la  bibliothèque  nationale  de 
Xaples  (ms.  XIV,  A.  30),  le  manuscrit  E.  VL  182,  de  la  bibliothèque 
Ghigi,  recueil  d'actes  relatifs  au  monastère  de  Saint-Bar thélemv  de 
Garpineto  ;  les  manuscrits  suivants  de  la  bibliothèque  du  Vatican, 
God.  lat.  803i,  8201,  8222  i  et  3880,  et  enfin  le  God.  reg.  lat. 
980,  qui  contient  une  copie  de  l'acte  de  Guillaume  II  constituant 
le  douaire  de  sa  femme  -. 

Parmi  les  documents  datant  de  l'époque  normande,  il  en  est 
un  dont  1  importance  est  considéralîle  et  qui  demande  à  être  exa- 
miné avec  quelque  détail.  G'est  le  Catalogus  baroniim. 


documents  qu'il  a  publiés  et  les  originaux,  comme  on  peut  le  voir  par 
l'exemple  suivant. 

Ed.  Heinemann.  .\rchives  de  la  Cava. 

n.  23,  p.  13.  E.  ii 

1115  décembre  1 1 1 'l  décembre    1  1 1 1  n.  s.l 

//;   iKHiiinc,  etc.  A'o.s  ah  ominninm  In   noiniiie,  etc.  \ostras  nd  Deuin 

conditorc  et  guhcrnutore  dignus  nier-  lendcre  ronfidinius  preces,  si  dic/nas 
cèdes  crediniiis  acceptnros  si  sanctis  nostroruni  /ideliuni  pefitiones  non 
ac  venerahiliLus  locis  curam  imjien-  conteninimus  et  eosdeni  fidèles  nostro 
derimus  et  quod  ah  euriim  ciiltorihus  Jjeneficio  crediniiis  nohis  fore  fidelio. 
postulati  fuerimus  hono  et  sincero  res  et  in  nostro  servitio  proniptiores 
aninio  prehuerimus.  Iccirco,  etc.  et  ceteros    oh  eu  que  heneceferimus 

arbitrâtes    fideliuni    nostris    ohedire 
preceptis.  Iccirco,  etc. 
On  saisit  claii'ement  ici  le  procédé  de  Téditeur. 

1.  Ce  manuscrit,  dont  récriture  est  du  xvii''  siècle,  comprend  une  série 
d'analyses  et  d'extraits  du  Cartulaire  de  la  Sainte- Trinité  de  Venosa 
ff°  49,  r°).  Une  partie  en  a  été  publiée  par  Crudo,  Lu  .S.S.  Trinifn  di  Venosa, 
d'après  une  copie  de  la  bibliothèque  de  Naples. 

2.  Cf.  Élie  Berger,  Notices  sur  divers  manuscrits  de  la  Bibliothèque 
Vaticane  (Paris,  1870i,  in-8,  p.  31  et  suiv.  Je  ne  donne  pas  ici  le  détail  des 
documents  de  l'époque  normande  conservés  dans  les  diverses  archives  do 
l'Italie  méridionale  et  de  la  Sicile,  Kehr  ayant  donné  ce  dépouillement 
d'une  manière  assez  complète  pour  tout  ce  qui  regarde  les  diplômes  des 
rois  normands,  op.  cit.,  p.  Vy  et  suiv. 


LE  CATALOGUE  DKS  RARONS  Vil 

Le  Catalofjus  haroniini^  est  un  extrait  des  reg-istres  normands 
qui  contenaient  Tindication  du  service  militaire  dû  par  chaque 
fief.  Le  Catalogue^  qui  a  été  conservé  dans  les  reg-istres  ang-evins, 
nous  donne  la  liste  d  un  certain  nombre  des  vassaux  italiens  des 
princes  normands  ;  il  nous  fournit,  en  même  temps,  beaucoup 
de  renseignements  sur  le  service  dû  par  les  fiefs  qui  y  sont  énu- 
mérés,  et  sur  les  attributions  de  divers  officiers  royaux  (cham- 
briers  et  connétables).  Capasso  a  consacré  un  long  mémoire  à  ce 
document  -  et  a  établi  que  dans  son  état  actuel  le  Catalogue  est 
le  résultat  de  deux  rédactions.  D'après  les  noms  des  personnages 
qui  y  sont  cités,  on  peut  établir  que  la  première  rédaction  a  eu 
lieu  entre  1154  et  1161,  et  la  seconde  entre  11 01  et  1189.  Sans 
insister  ici  sur  la  démonstration  fournie  par  Capasso,  il  convient 
de  faire  une  observation.  A  diverses  reprises,  il  est  question 
dans  le  Catalogue  d'une  magna  expeditio.  Les  divers  auteurs 
qui  se  sont  occupés  de  ce  document  ont  cherché  quelle  était 
dans  l'histoire  des  rois  normands  la  grande  expédition  à  laquelle 
il  était  fait  allusion,  et  ont  émis  tour  à  tour  les  hypothèses  les 
plus  variées.  On  a  parlé  de  l'expédition  de  Rog-er  II  en  Grèce, 
des  préparatifs  faits  par  Guillaume  II  pour  délivrer  la  Terre 
sainte.  Capasso,  d'après  les  noms  cités  dans  ce  document,  s'arrê- 
tait à  l'expédition  de  Guillaume  L''  contre  les  Byzantins  et  à 
l'expédition  projetée  contre  Barberousse.  A  mon  avis,  c'est  à 
tort  que  les  savants  ont  dirigé  leurs  recherches  dans  ce  sens, 
et  les  mots  magna  expeditio  ne  désignent  pas  telle  ou  telle  expé- 
dition particulière,  mais  ont  simplement  le  sens  de  levée  générale. 
Si  l'on  rapproche  les  mots  magna  expeditio  d'un  passage  des 
Assises  on  verra  je  crois  qu'il  ne  saurait  y  avoir  de  doute  à  cet 
égard.  Le  titre  2  de  l'Assise  34  punit  ceux  qui  n'auront  pas 
répondu  à  la  convocation  les  appelant  ad  magnum  exercitum  : 
u  >Si  quis  ficte  vel  fraudulenter  ad  magnum  exercitum  non  vene- 


1.  Éd.  del  Re,  dans  (j-onittli  e  scrUtori  Napoletani  Naples,  1841)),  in-8, 
t.  I,  p.  571  et  suiv. 

2.  Sul  catalogo  dei  feudi  e  dei  feudatarl  délie  provincie  napolelane 
sotto  la  dominazione  norinanna,  dans  Atti  délia  reale  Accademia  di  archeo- 
lofjia,  letteratura  e  belle  arti,  t.  IV  (Naples,  1869),  in-4. 


Vlll  INTRODUCTION 

rit  ',  etc.  »  Rapprochés  des  mots  niaf/nusexercitus  les  mots  magiià 
e.rpeditio  me  paraissent  prendre  leur  sens  véritable.  Si  Ton 
remarque,  d'autre  part,  que,  dans  le  Catalogue,  on  envisage,  dans 
diverses  rég'ions,  l'iiypothèse,  que  Yexpeditio  aura  lieu  dans 
chacune  de  ces  régions-,  on  arrivera  également  à  la  conclusion 
que  les  mots  magna  expedifio  ne  peuvent  pas  désigner  une  expé- 
dition déterminée  mais  seulement  une  levée  générale. 

II.    TEXTES    LÉGISLAI'IFS 

1"  Les  ^issises.  —  D'après  un  interpolateur  de  Romuald  de 
Salerne,  Roger  II  aurait,  en  1129,  à  Melfi,  promulgué  un  cer- 
tain nombre  de  lois.  Une  des  rédactions  du  même  auteur  men- 
tionne également  que  le  fondateur  de  la  monarchie  normande 
promulgua  des  lois '.  D'autre  part,  Frédéric  II  fait  allusion  aux 
^issises  de  ses  prédécesseurs  et  en  particulier  à  celles  de  Roger  II  '*. 
En  outre,  dans  un  document  de  1167  nous  trouvons  également 
une  allusion  aux  mesures  législatives  décrétées  par  Roger  II  '•'. 
Entin ,  Falcon  indique  qu  à  l'assemblée  d'Ariano  (1140), 
Roger  a  pris  certaines  mesures  législatives.  On  ne  connais- 
sait que  les  lois  des  rois  normands  reproduites  dans  les  Cons- 
titutions de  Frédéric  II,  quand,  en  ISotJ,  Merkel  crut  avoir 
retrouvé  dans  un  manuscrit  du  Vatican  et  dans  un  manuscrit 
du  Mont-Cassin  (ce  dernier  manuscrit  avait  déjà  été  utilisé 
par  Carcani  pour  son  édition  des  Constitutions)  le  recueil 
des   Assises    des   rois   normands  ''.   Ces  deux    manuscrits  repro- 

1.  A.ssîse,  titre  34,  §  2,  éd.  Brandilcone,  j).   134. 

2.  Par  exemple,  à  la  suite  de  renoncé  du  service  dû  par  le  comte  de 
Fondi  et  ses  vassaux,  on  lit,  p.  600  :  «  Et  si  necesse  fiierif  in  marUiina 
eorinn  re/  in  partihus  ipsis,  hahehit  in  purlibus  illis  prcdictns  Pâccnnliis 
milites  et  pedites  iilt/-a  proniissos  quoi  liubere  potiieril.  »  Il  tMi  est  do  même 
dans  le  comté  d'Alba,  p.  60.")  et  dans  une  toute  antre  région  à  Montopcloso, 
j).  'Mi. 

3.  Romuald  Salern.,  M.G.H.SS.,  I.  XIX,  jjp.  419  et  423. 

4.  Winkelmann,  Acta  iniperii  inedila,  I,  j).  GO.j,  et  (lonst.  rptjni  Sicili.v, 
I,  44,  éd.  dans  Huillard  Bréholles,  Historia  diplomatica  Frideriri  II,  t.  IV,  1. 

ÎJ.   Cod.  dipl.  Bar.,  t.  1,  |).  96;  Falco  Bcncv.,  p.  2">1. 

6.  Merkel,  Commentatio  qua  iiiriK  aiculi  sire  Assisaruin  ref/iini  re(/ni 
SicHiff  fraf/inenta  ex  codicihiis  inaniiseriptis proponuidiir  (Halle,  18o6),in-4". 


LliS    ASSISES  IX 

duiseiit  les  mêmes  Constitutions  ;  mais  le  manuscrit  du 
Mont-Cassin  n'a  pas  de  préambule,  omet  trois  assises  (XVI, 
XXII,  XXVI)  et  ne  donne  des  autres  le  plus  souvent  qu'un  abrégé. 
Par  contre,  il  contient  sept  assises  qui  ne  iig-urent  pas  dans  le 
manuscrit  du  Vatican  (33-39).  En  tète  du  folio  de  ce  même 
manuscrit  où  commence  le  texte  dont  nous  nous  occupons,  on 
lit  :  M  Assissae  regiun  regni  Siciliae  ».  La  plupart  des  lois  que 
l'on  trouve  dans  les  Constitutions  de  Frédéric  II,  sous  le  nom  de 
Roger  II,  se  retrouve  dans  les  Assises  '.  L'édition  de  Merkel  a 
été  reproduite  par  la  Lumia  -.  Depuis  lors  Brandileone  a  donné 
de  ce  texte  une  meilleure  édition. 

A  qui  convient-il  d'attribuer  les  Assises  ?  On  a  successivement 
attribué  ce  recueil  à  Roger  II,  à  Guillaume  V'\  à  Guillaume  II  ". 
Toutes  les  attributions  se  basaient  principalement  sur  le  sens 
qu'il  fallait  attribuer  aux  mots  «  progenitores  nostri  »,  qui  se 
trouvent  dans  le  préambule.  On  déclarait  que  seul  Guillaume  P'" 
ou  Guillaume  II  pouvaient  s'exprimer  ainsi.  D'autres  croyaient 
que  ces  mots  désignaient  les  empereurs  auxquels  les  rois  nor- 
mands prétendaient  se  rattacher.  M.  La  Mantia  a  montré  qu'il 
ne  fallait  point,  pour  cette  seule  raison,  rejeter  l'attribution  à 
Roger  II,  car  dans  le  diplôme  célèbre  de  fondation  de  la  chapelle 
Palatine,  le  premier  roi  normand  emploie  en  parlant  des  ducs  de 
Pouille  et  du  comte  de  Sicde  cette  même  expression.  Cette  difficulté 
écartée,  l'identité  des  lois  contenues  dans  le  recueil  avec  celles 
attribuées  à  Roger  II  par  les  Constitutions  de  Frédéric  II  imposent 
l'attribution  au  premier  roi  normand. 

On  admet  maintenant,  en  général,  que  le  manuscrit  du  Vatican 
contient  le  recueil  des  Assises  publiées  à  Ariano  par  le  roi  Roger. 
Tandis  que  le  manuscrit  du  Mont-Cassin  ^  paraît  être  un  abrégé, 

Le  manuscrit  du  Mont-Cassin  est  de  la  fin  du  xii*^  siècle  ou  du  début  du  xiri'^ 
siècle.  Le  manuscrit  du  Vatican  (lat.  872)  est  de  la  fin  du  xn«  siècle. 

1.  Une  seule  des  Assises  n'était  pas  attribuée  à  Roger  (Ass.,  XIII,  de 
aposlaiantihus)  ;  La  Mantia,  Cenni  storici,  pp.  74-76,  a  montré  par  une  correc- 
tion ingénieuse  que  cette  assise  était  bien  elle  aussi  de  Roger. 

2.  Storiu  délia  Slcilia    sotlo  Guçjlielmo  il  huono,  p.  370-392. 

3.  Brandileone  a  publié  le  texte  des  deux  manuscrits  dans  //  diritlo  nor- 
inanno  nelle  lerjçji  nonnanne  e  sueve  del  regno  di  Sicilia,  p.  95  et  suiv. 

4.  Merkel,  o/j.  cil.,  p.  13,et  Aniari,.S7orfa  dei Miisulnuini,  t.  III,  p.  445,  note 2, 


X  INTRODUCTION 

rédigé  pour  un  usage  privé  à  une  date  ultérieure,  le  manuscrit  du 
Vatican  paraît  contenir  la  rédaction  originale.  Les  différences  entre 
les  deux  manuscrits  peuvent  s'expliquer  par  le  fait  que  le  manu- 
scrit duMont-Cassin  étant  plus  récent  a  reçu  quelques  additions. 
Les  assises  qui  y  figurent  et  qui  sont  omises  dans  le  manuscrit 
du  Vatican  auraient  été  promulguées  à  une  date  postérieure  par 
Roger  II  et  ses  successeurs.  Certaines  de  ces  additions  paraissent 
bien  en  efTet  être  postérieures  à.  la  première  rédaction,  notam- 
ment l'assise  39,  qui  explique  l'assise  Xdu  manuscrit  du  Vatican. 

Le  recueil  que  nous  avons  est-il  complet  ?  Le  fait  que  les 
deux  manuscrits  que  l'on  possède  contiennent  les  mêmes  assises 
tendrait  à  faire  donner  une  réponse  affirmatiAe  '.  On  ne  saurait 
toutefois  se  prononcer  à  cet  égard  avec  une  entière  certitude  ; 
certains  indices  semblent  indiquer  que  quelques  assises  manquent . 
Par  exemple,  il  n'est  pas  question  de  la  loi  relative  à  la  monnaie, 
loi  promulguée  à  Ariano  -,  de  même  le  titre  36,  du  manuscrit  du 
Mont-Cassin,  paraît  indiquer  qu'il  y  avait  une  assise  relative 
aux  bayles  que  nous  ne  possédons  pas. 

Le  recueil  des  assises  présente-t-il  trace  d'une  composition 
raisonnée,  ou  les  assises  sont-elles  réunies  sans  ordre?  On  a 
montré  que  les  assises,  dans  le  manuscrit  du  Vatican,  étaient 
réparties  suivant   un  ordre  assez  rigoureux  '. 

Le  recueil  est  ainsi  divisé  : 

attribuent  le  recueil  à  Guillaume  I'"'"  ;  La  Lumia,  op.  cit.,  p.  .3.j7,  à  Guil- 
laume II;  Perla,  Z-p  assise  r/p're, -VorHia/J/it 'Caserle,  1881),  p.  12,  Brandileone, 
Arch.  st.  napoL,  t.  VIT,  p.  178  ;  de  Blasiis,  Ln  insurrezione  pnfjJiese,  t.  III, 
p.  479,  Hartwig,  Hhtorische  Znitschrift,  t.  XX,  p.  8,  Caspar,  Roger  II, 
p.  238,  l'attrilnient  à  Ro(jer  II.  La  Mantia,  op.  cit.,  p.  72  et  suiv.,  qui  a  eu  le 
mérite  de  donner  les  meilleures  raisons  pour  attribuer  le  recueil  à  Roger  II, 
déclare  que  Ton  ne  saurait  rien  affirmer  et  doute  même  de  la  promulgation 
des  Assises. 

1.  L'auteur  du  recueil  du  Cod.  Casin.  connaît  mieux  le  droit  romain  que 
le  rédacteur  du  Cod.  Vut.  ;  ainsi  il  cite  la  le.v  Julia  de  adulteriis  (tit.  18)  et 
la  lex  Cornelia  de  slccariis  (tit.  26).  Le  titre  4  reproduit  le  titre  e.\act  du 
Code,  I,  3  (éd.  Krueger,  dans  Corpus  iuris  civilis,  t.  II,  7«  éd.,  Berlin,  1890, 
in-4).  Cf.  Assise,  tit.  V.  —  VIII,  et  Caspar,  op.  cit.,  p.  280. 

2.  Falco  Benev.,  p.  2ol  ;  Caspar,  o/j.  cit.,  p.  240,  note  2,  explique  l'absence 
de  cette  assise,  en  supposant  qu'il  s'agit  d'un  règlement  local  applicable 
seulement  à  une  partie  du  royaume. 

3.  Caspar,  op.  cit.,  p.  238.  Pour  tout  ce  qui  suit  j'emprunte  beaucoup  au 
chapitre  consacre  aux  Assises  par  cet  auteur. 


I,?:S     ASSISES  XI 

l*'  un  préambule  adressé  par  le  roi  aux  g-rands  de  son 
royaume  ;  2°  quatre  paragraphes  (I-IV)  de  considérations  géné- 
rales sur  les  devoirs  du  roi  envers  les  églises,  sur  les  devoirs  des 
seigneurs  envers  leurs  sujets,  et  enfin  sur  les  droits  régaliens  et 
leur  inviolabilité. 

Les  titres  V-XVI  concernent  le  clergé,  les  églises,  les  reliques: 
T.  V,  De  sanctarum  reliquiarium  vendifione;  T.  VI,  De  confu- 
(jio  ad  ecclesiam  ;  T.  VII,  De  privilegiis  ecclesiarum  non  violan- 
dis\T.  VIII,  De  episcoporum  privilegio;  T.  IX,  De  iUicif.is  con- 
venticulis  ;  T.  X,  De  ascripticiis  volentihus  clericari  ;  T.  XI,  De 
raptu  virginum;  T.  XII  (sans  titre)  Judeus,  paganus,  etc.; 
T.  XIII,  Deaposfantihus-  T.  XIV,  De  ioculatorihus  ;  T.  XV,  De 
pupilis  et  orphanis:  T.  XVI,  De  indigue  anelantibus  ad  saeer- 
dotiuni. 

Les  titres  XVII-XIX  concernent  le  droit  public  dans  ses  rap- 
ports avec  le  roi.  T.  XVII,  De  sacrilegiis;  T.  XVIII,  De  crimine 
majesfatis;  T.  XIX,  De  nova  militia. 

Les  titres  XX-XXVI  sont  relatifs  au  droit  public  en  général, 
T.  XX,  De  falso;  T.  XXI,  De  cudentihiis  monetam;  T.  XXII 
(sans  titre),  Uhi  questio  falsi  incident;  T.  XXIII,  De  falso  ins- 
triirnento  ;  T.  XXIV,  De  aholitione  testamenti  ;  T.  XXV,  De 
officialihiis puhlicis  \  T.  XXVI,  De  bonis  piiblicis. 

Les  titres  XXVIl-XXXIII  contiennent  les  prescriptions  rela- 
tives au  mariage,  T.  XXVII,  De  coniiigiis  légitime  celehrandis  ; 
T.  XXVIII,  De  adulteris;  T.  XXIX,  De  eodeni;  T.  XXX,  De 
lenocinio;  T.  XXXI,  Deviolafione  thori  ;  T.  XXXII,  De  adiilte- 
rio  ;  T.  XXXIII,  De  desistentibus  ab  acciisatione. 

Les  titres  XXXIV-XLIV  forment  un  code  pénal,  T.  XXXIV, 
De  iniuriis  priuati<>  personis  illatis;  T.  XXXV,  De  iniuriis  per- 
sonis  illatis  curialihus  ;  T.  XXXVI,  De  mederi  volentibus  ; 
T.  XXXVII,  De plagiariis  \  T.  XXVIII,  De  siccariis:  T.  XXXIX, 
De  infanfibus  et  furiosis  ;  T.  XL,  De  fure\  T.  XLI,  De  incendia- 
riis\  T.  XLII,  De  precipitatoribus  \  T.  XLIII,  De  pociilo 
T.  XLIV  (sans  titre), 'S7  index  litem  siiani  fecerit. 

La  même  division  se  retrouve  dans  le  manuscrit  du  Mont- 
Cassin,  mais  avec  quelques  différences.  Aux  titres  I-IV  du  Cod. 
Vat.  correspondent   les    titres  1-3   du   Cod.    Cas.  ;   la  différence 


Xll  INTRODICTION 

vient  de  ce  que  le  préambule  n'a  pas  de  numéro  d'ordre.  Aux 
titres  V-XVI  correspondent  les  titres  4-10.  Ici  la  différence  vient 
de  ce  que  le  titre  4  comprend  les  titres  V,  VI,  VII,  VIII  et  X  du 
God.  Vat.  ;  le  titre  XVI  manque.  Aux  titres  XMI-XVIII  corres- 
pondent les  titres  M-12.  Le  titre  XIX,  De  nova  militia,  est  rejeté 
plus  loin,  tandis  que  l'on  a  placé  ici,  titre  13,  le  titre  XXXV. 
De  iniuriis  personis  illatis  curialibus ,  parce  qu'on  a  regardé 
cette  catégorie  de  crimes  comme  rentrant  dans  les  crimes  contre 
la  personne  du  roi  (ad  régie  diçjnitatis  spectact  offensam).  Le 
titre  14  correspond  aux  titres  XX-XXVI  du  Cod.  Vat.  Il  com- 
prend, en  effet,  les  titres  XX,  XXI,  XXIII,  XXIV,  XXV.  Ce 
dernier  est  incomplètement  reproduit  ;  la  lin  en  est  placée  au 
titre  XIX.  Le  titre  XXII  manque  et  le  titre  XXVI  est  rejeté  plus 
loin.  Les  titres  15  à  22  du  Cod.  Cas.  ,  correspondent  aux  titres 
XXVII-XXXII  du  Cod.  Vat.,  mais  on  a  intercalé  sous  les  numé- 
ros 19  et  20,  une  partie  du  titre  XXV  du  Cod.  Vat.,  et  le  titre 
XXVI.  Les  titres  24-32  correspondent  aux  titres  XXXIV-XLIV 
du  Cod.  Vat.,  avec  addition  du  titre  31  =  Cod.  Vat.,  tit.  XIX 
et  suppression  du  titre  XXXV  (cf.  supra)  et  du  titre  XXXVI. 
Les  titres  33-39  ne  figurent  pas  dans  le  manuscrit  du  Vatican. 
Parmi  eux  les  titres  33-35  ne  iigurent  pas  parmi  les  Constitu- 
tions de  Frédéric  IL  Le  titre  30  =  Const.,  I,  44  est  attribué  à 
Frédéric  II,  les  n'«  37  et  38  ^=:=  Const.,  I,  01,  III,  20.  sont  attri- 
bués au  roi  Guillaume  '  ;  le  titre  39  =  Const.  III,  3,  à  Roger  ou  à 
Guillaume  suivant  les  manuscrits.  On  peut  regarder,  semble-t-il, 
les  n"*  33-39  comme  formant  au  texte  des  .45s/ses  une  addition 
postérieure. 

Quelles  sont  les  sources  des  Assises'?  On  trouve  première- 
ment toute  une  série  de  textes  empruntés  à  la  législation  de  Jus- 
tinien.  On  a  beaucoup  écrit  sur  la  manière  dont  le  lég-islateur 
normand  avait  connu  la  léi^islation  de  Justinien.  Brandileone  a 


1.  Le  t.  37  (lifTôre  toutefois  delà  Consl.,  I,  01;  l'assise  attribue  aux 
héritiers  légitimes  la  succession  de  Tintestat,  sauf  un  tiers  à  donner  pour 
l'àme  du  défunt;  tandis  que  la  constitution  de  Guillaume  ne  prescrit  cette 
mesure  que  dans  le  cas  où  le  défunt  ne  laisse  pas  dhéritiers,  cf.  La  Man- 
tia,  op.  cit.,  p.  82,  note  1. 


LES    ASSISES  XUl 

imag-iné  une  théorie  assez  compliquée  pour  montrer  qu  à  côté  des 
livres  de  Justinien,  le  rédacteur  des  Assises  avait  eu  entre  les 
mains  des  abrégés  de  la  lég'islation  gréco-byzantine  où  étaient 
indiqués  les  rapprochements  entre  le  Code  et  le  Digeste  •.  La 
Mantia,  avec  raison  à  mon  avis,  a  soutenu  la  théorie  de  l'imita- 
tion directe  '-. 

La  comparaison  entre  le  texte  des  Assises  du  premier  groupe 
et  les  passages  imités  du  Code  ou  du  Digeste  ne  laisse  aucun 
doute  à  cet  égard.  Nous  ne  saurions  sans  sortir  des  bornes  de 
cette  étude  rapprocher  ici  le  texte  complet  des  Assises  des  pas- 
sages empruntés  k  la  législation  justinienne  ;  nous  nous  borne- 
nms  à  montrer  par  quelques  exemples  qu'il  y  a  bien  eu  imita- 
tion directe  et  nous  nous  contenterons  pour  le  reste  d'indiquer 
les  renvois  aux  passages  imités  -^ 

On  peut  établir  comme  il  suit  le  groupe  des  Assises  emprun- 
tés à  la  législation  justinienne  : 

Ass.,  VI  =  Cad.,  I,   12,  G.  Ass.,  XIII  =  OnL,  I,  7,  1. 

Ans.,  VII  =  Cor/.,  I,  3,  16.  Ass.,  XIV  =  Cad.,  I,  4,  4. 

Ass.,  VIII,  1  =  Cod.,  I,  3,  7.  Ass.,  XVII,  1  =  Cod.,  IX,  29,  2. 

Ass.,  VIII,  2  =  Cod.,  I,  3,  6.  Ass.,   XVII,   2  =   Digeste,    XLVIII, 

Ass.,  IX  =  Cod.,  I,  3,  15.  13,  6  «. 

Ass.,  X  =  Cad.,  I,  3,  Ifi.  Ass.,  XVIII,  1  =  Cod.,  IX,  8,  a. 

Ass.,  XI  i  =  Cad.,  I,  3,  5.  Ass.,  XVIII,  2  '  =  Cod.,  IX,  8,  6. 
Ass.,  XII  s  =    Cod.,     I,    10,    1.  Cf.       Ass.,  XVIII,  3  =Z>J.r/.,  XLVIII,  4,  8. 

Cod.,  I,  '.),  16  et  I,  7,  5.  Ass.,  XXI,  1  «  =  Cod.,  IX,  24,  1  et  2. 


1.  Brandileone,  //  dirillo  greco-romano  neiritalia  méridionale  sotto  la 
dominazione  normanna  dans  VArcfiivio  rjluridico,  t.   XXXVI,  p.  283. 

2.  La  Mantia,  Cenni  storici,  etc.,   pp.   61,  82  et  suiv. 

3.  Nous  indiquei-ons  également  les  renvois  à  la  législation  gréco-romaine  ; 
on  pourra  ainsi  se  rendre  i)lus  facilement  compte  de  la  nature  de  Timita- 
tion. 

4.  Cf.  Consuetudini  di  Messina,  c.  .">8,  éd.  La  Mantia,  dans  Antiche  consiie- 
iudini  délie  città  di  Sicilia,  p.  51. 

5.  Ihid.,  c.  57,  p.  .50. 

6.  Ed.  Mommsen, dans  Corpus  yu/'is  ciinlis,  t.  I,  8*^  éd.,  Berlin,  18y9,  in-4'', 

7.  Cf.  Basiliques  {éd.  Heimljach),  LX,  t.  xxxvi,  19,  tome  V,  p.  713,  cf.  La 
Mantia,  Cenni  storici,  etc.,  p.  88  et  p.  89,  note  2. 

8.  Cf.  Basiliques,  LX,  t.  lx,  1,  t.  V,  p.  903;  Prochiron  (éd.  Zachariae  a 
Lingenthal),  39,  14;  Epitome  (éd.  Zachariae  a  Lingenthal),  43,  54;  Epa- 
nagofja  (éd.  Zachariae  a  Lingenthal),  40,  17. 


XIV  INTRODUCTION 

,-lss.,XXI,2  I  =7>»/.7.,  XLVIII.  10, 8.  A.ss.,    XXXIII  =   Di(j.,    XLVIII.    o, 

Ass.,  XXII  =  Cad.,  IX,  22,  22.  41. 

Ass.,  XXIII,  1  =  Cod.,  IX,  22,  3.  .Lss.,  XXXVI  =  Cod.,  X,  :i2,  10. 

As.s.,  XXIV,  1  =  Cod.,  IX,  22,  14.  A.s.s-.,  XXXVII  —  Diçj.,  XLVIII, i:i, 4. 

Ass.,    XXIV,   22    =   Diçj.,    XLVIII.  .Lss.,  XXXVIII  -  n^  Cad.,   IX,  16,  2. 

10,  26.  -Iss.,  XXXIX  <■•  =  Dig.,  XLVIII,  8, 

.4.SS..  XXV  =  Cod.,  IX,  28,  i.  12. 

A.s.'^.,  XXVI,  2  =  Cod.,  IX,  28,  1.  .4.•^.s^,  XL  '  =  Di.j.,  XLVIII,  8,  U. 

A.s.s. ,  XXVIII,  4  =  Cod.,  IX,  0,  2.  Ass.,  XLI,   1  «  =  Duj.,    XLVIII,    1'» 

Ass.,  XXVIII.  :>  =    Cod.,   IX,  <),  28.  28,   12. 

Ass.,  XXIX,  1  =  Cod.,  IX,  9,  22.  .A.s.s.,  XLI,    2  '•'  —  Di;/.,   XLVIII,   8, 

Dig.,    XLVIII,  14  et  L"). 

J.S.S.,  XXIX,   2:^  =  ^     o,  32.  .ls.s.,  XLIP'»  =  Difj.,  XLVIII,  8.  7. 

'   Cod.,  IX,  (I,  8.  .l.ss.,XLIII,  1  =z  Dig.,  XLVIII.  8,  3. 

A.s.s.,  XXXII  ••   =  Dig..    XLVIII,    :i,  .Lss.,  XLIII,  2  =  Dig.,  XLVIII,  III, 

30.  36,  o. 

A  ce  o-roupe  d'assises  empruntées  à  la  lég-islation  justinieniie, 
on    a  voulu  ajouter   l'assise    XVIII,    4  que  Ion  a    reproché   du 

1.  Cf.  Basiliques,  LX,  l.  xli,  8,  t.  V,  p.  780";  Ecloga  (éd.  Zachariaea  Lingen- 
thali.  17,  18;  Eclogu  privata  aucta  (éd.  Zachariaea  Lingeuthal),  XVII,  44; 
cf.  La  Maiitia,  op.  cit.,  p.  83,  note  2. 

2.  Cf.  Basiliques,  LX,  t.  xli,  26  ;  Sgnojisis  éd.  Zachaiiae  a  Lingenthal), 
p.  217;  Epitome,  43,  38,  53  :  Ecloga  ud  Prochiro/i  iniilata  éd.  Zachariae  a 
Lingenthal^  37,  o3,  p.  150. 

3.  Consueludini  di  Messina,  c.  43,  p.  45  ;  cf.  La  Manlia,  <lenni  storici,  p. 
88.  L'assise  XXIX,  3,  montie  clairement  que  le  législateur  normand  ne 
connaît  pas  les  Basiliques  :  h  Lex  delecfuin  non  facil,  quis priniuin  conveniri 
deheat  »;  or  précisément  dans  les  Basiliques,  LX,  xxxvii,  52,  t.  V,  p.  745, 
il  est  stipulé  que  Thomme  doit  être  le  premier  poursuivi. 

4.  Cf.  Consueludini  di  Messina,  c.  43,  p.  45,  et  La  Mantia,  Cenni  slorici, 
etc.,  p.  88. 

5.  Cf.  Basiliques,  LX,  L  xxxix,  14,  t.  V,  p.  768  ;  Prurhiron,  c.  39;  Epi- 
loine,  45,  4;  La  Mantia,  op.  rit.,  p.  88,  note  3. 

6.  Cf.  Basiliques,  LX,  t.  xxxix,  8,  t.  V,  p.  766  et  LX,  xxxvii,  52,  p.  745, 
qui  montrent  clairement  que  le  texte  des  Basiliques  est  inconnu  du  rédac- 
teur; Prochiron,  c.  80;  Epitome,  45,  108,  196;  Epanagoga,  40,  86;  Ecloga 
ad  Prochiron  mutaia,  21,  13,  112. 

7.  Ce  titi'e  manque  dans  les  Basiliques,  cf.  Basiliques,  LX,  xxxix,  16, 
t.  V,  p.  768  ;  Epitome,  45,  4  et  65  ;  Attaliatès,  Synopsis  dans  Leunclavius, 
Jus  grneco  romunum,  t.  II,  p.  50,  cf.  La  Mantia,  op.  cit.,  p.  86,  note  2. 

8.  Cf.  Basiliques,  LX,  lf,  26,  t.  V,  p.  866  ;  Epitome,  40,  28  et  45,  73  ;  Pro- 
chiron, c.  18. 

9.  Cf.  Basiliques,  LX,  xxxix.  10  et  11,  t.  V,  p.  767. 

10.  Cf.  Basiliques,  LX,  xxxix,  5,  t.  V,  p.  765. 


LES    ASSISES 


XV 


Digeste   XLVIII,  1.  Je  ne  trouve  pas  entre  les   deux  textes  des 
ressemblances  suffisantes  pour  admettre  ce  rapprochement. 

On  pourra,  par  les  exemples  suivants,  voir  comment  le  législa- 
teur normand  s'est  insjDiré  de  la  législation  justinienne. 


CocL,  I,  12,  G  (éd.  Rruegerj. 

Praesenti  lege  deeernimusper 
oninia  loea  valitura  {excepta 
hac  iirhe  regia,  etc.)  niillos  pe- 
nitiis  cuiuscumque  condicionis 
de  sacrosanctis  ecclesiis  ortho- 
doxae  fidei  expelli  aiil  tradi 
vel  protrahi  confugas  nec  pro 
his  venerahiles  episcopos  aiit 
religiosos  oeconomos  exigi  quae 
deheantur  ab  eis  :  qui  hoc  mo- 
liri  aut  facere  aut  niida  saltini 
cogitatione  atque  tractalu  ausi 
fuerint  temptare  capitali  et  ul- 
tima  supplicii  aniinadversione 
plectendi  sitnt.  ex  his  ergo  locis 
eorumque  finibiis,  qiios  anterio- 
rum  legiim  praescripjta  sanxe- 
riint,  niillos  expelli  aut  eici  ali- 
quando  patimur  nec  in  ipsis 
ecclesiis  reverendis  ita  c/ueni- 
quani  detineri  atque  constringi 
ut  ei  aliquid  aut  victualiuni  re- 
rum  aut  vestis  negetur  aut  re- 
quies. 


Ass.,  VI  (éd.  Brandileone). 

De  confugio  ad  ecclesiani.  — 
Présente  lege  sancirnus  per  loca 
regni  nostri  omnia,  deo propi- 
tio  //?  perpeluuni  valitura  nul- 
los  penitus  cuiuscunic/ue  condi- 
cionis de  sacrosanctis  ecclesiis 
aut  protrahi  confugas,  nec  pro 
his  venerahiles  episcopos  aut 
ycononios  exigi  que  dehentur 
ab  eis,  qui  hoc  moliri  aut  facere 
presunipserint .  capitis  periculo 
autbonoruni  omnium  amissione 
plectendis.  Intérim  confugis 
victualia  non  negentur. 


Omettant  ensuite  toutes  les  prescriptions  du  Code  :  Sed  siqui- 
dem  ipsi  refugae  etc.,  l'auteur  des  Assises  reprend  : 

Sane    si   servus  aut  colonus  Sane    si  servus   aut  colonus 

vel     adsrripticius,      familiaris      aut  servus  glèbe  se  ipsum  sub- 


XVI 


INTROUUCTION 


sive  libcrtiis  et  huius  modi  ali- 
qua  persona  domestica  vel  con- 
dicioni  suhdita  conquassafis  ré- 
bus certis  atqiie  subtractis  aiil 
se  ipsum  furatus  ad  sacro- 
sancta  se  contulerit  loca,  sta- 
tim  a  reliffiosis  oecononiis  sive 
defensoribus,  ubi  primum  hoc 
scire  potuerint,  per  eos  videlicet 
ad  quos pertinent,  ipsisjjraesen- 
tibus  pro  ecclesiastica  disciplina 
etqualitate  comniissi  aiitultione 
competenti  aut  intercessione 
humanissima  procedente,  re- 
niissione  veniae  et  sacrainenti 
interveniente  securi  ad  locuni 
stafumque  proprium  revcrtan- 
tiir,  rehus,  quas  secum  habiie- 
rint,  reformandis.  Diutiusenim 
eusintra  ecclesiam  non  convcnif 
commorari,  ne  patronis  seu  do- 
niinis  per  ipsorum  absent iam 
obsequia  iusta  denegentur  et 
ipsi  etc. 


traxerit  domino,  vel  furatus  res 
ad  loca  sacra  confuqerit,  cuni 
rehus,  quasdetulit,  domino pre- 
sentetur,  ut  pro  qualitate  com- 
missisuheatultionem^aufjnter- 
cessione  précédente,  pietati  resti- 
tualur  etrjratic.  Xemini quippe 
jus  suum  est  detrnhendum. 


Cod.,   I,  3,    lo. 

Conventicula  illicita  extra 
ecclesiam  in  privatis  aedibus  ce- 
lebrari  prohibemus,  proscrip- 
tionis  domus  periculo  immi- 
nente, si  dominus  eius  in  ea  cle- 
ricos  nova  ac  tumultuosa  con- 
venticula extra  ecclesiam  célé- 
brantes susceperit. 


Ass.,   IX. 

De  illicitis  conventiculis.  — 
Conventiculam  illicitam  extra 
ecclesiam  in  privatis  edihus  ce- 
lehrari  vetamus  ;  proscriptionis 
domus  periculo  imminente,  si 
dominus  eius  in  eam  clericos 
novamvel  tumultuosam  conven- 
ticulam célébrantes  susceperit 
non  ignarus. 


LES    ASSISES  XVII 

Cad.,  I,  3,  o.  Ass.,  XI ^ 

Si  quia  nondicam  rapere,  sed  De    raptu    virginuin.    —   Si 

atteinpLare  tantarn  mafrimonii  quisraperesacratasdeo  virgines 
iungendi  causa  sacra  tissiryias  aiit  nondiim  velatas  causa 
virgines  ausus  fuerit,  capitali  iungendi  matrimonium  pre- 
poena  feriafur.  sunipserif  capitali  pena   feria- 

tur,  vel  alia  pena,  quani  regia 
censura  decreverit. 

Cod.,  IX,  29,  2.  Ass.,  XVII 

Disputari  de  principali  iudi-  De  Sacrilegiis.  —  Disputari 

cio  non  oportet  y' sacrilegiienini  de  régis  iudicio,  consiliis,  ins- 
instar  est  dubitare  an  is  dignus  titufionihus,  factis  non  oportet ; 
sit,  quemelegerit  imperator.  est  enim  pjar  sacrilegio  dispu- 

tare  de  eius  iudiciis,  institutio- 
nihus,  factis  atque  consiliis  et 
an  is  dignus  sit,  queni  rex  ele- 
gerit. 

Nous  trouvons  donc  dans  les  Assises  tout  un  groupe  emprunté 
à  la  législation  de  Justinien  et  comprenant  les  assises,  VI,  VII, 
VIII,  1,  VIII,  2,  IX,  X,  XI,  XII,  XIII,  XIV,  XVII,  1  et  2, 
XVIII,  I,  2  et  3,  XXI,  1  et  2,  XXII,  XXIII,  1,  XXIV,  1  et  2, 
XXV,  XXVIII,  4  et  o,  XXIX,  1  et  2,  XXXII,  XXXIII, 
XXXVI,  XXXVII,  XXXVIII,  XXXIX,  XL,  XLI,  1  et  2,  XLII, 
XLIII,  1  2. 

1.  Cf.  Consueludini,  di  Messina,  c.  58,  p.  ol  :  «  Si  quis  presumpserit 
rapere  virgines  sacras  Deo  aut  nondum  velatas  causa  criminis  vel  causa 
matriinonii,  puniatur  capitali  senleiiiia  vel  alia  quant  censura  régis  dicta- 
verit.  »  Les  mots  :  «  vel  alia  poena,  etc.,  »  manquent  dans  l'assise  8, 
du  Cod.  Cas.,  dans  la  Const.,  1,20,  et  dans  la  rédaction  grecque  des  Cons- 
titutions; cf.  Capasso,  Storia  externa  délie  Costituzioni  del  reçjno  di  Sicilia 
{Atti  delV Acadeniia  Pontaniana,  Naples,  1869),  et  La  Mantia,  Cenni  storici, 
etc.,  p.  87. 

2.  Dans  ce  groupe,  les  assises  suivantes  se  retrouvent  dans  les  Constitu- 
tions de  Frédéric  II  :  Ass.,  X,  1  =  Const.,  III,  2;  Ass.,  XI  =  Const.,  I, 
20;Ass.,  XIII  =  Const.,  I,  3  ;  Ass.,  XVII,  1-2  =  Const.,  l,  4-o;  Ass.,  XXI, 
1  =  Const.,  III,  62;  Ass.,  XXI,  2  =  Const.,  III,  63;  Ass.,  XXIIl,  1  = 
Const.,  III,  64;  Ass.,  XXIV,  1  et  2  =  Const.,  III,  66-67;  .4ss.,  XXV  = 
Const.,  III,  68  et  I,  36,  1;  Ass.,  XXVIII,  4  =z  Const.,  III,  76  ;  Ass.,  XXIX,  1 
=  Const.,  III,  77;  Ass.,  XXXII  =  Const.,  III,  82;  Ass.,  XXXIII  =  Const.,  II, 

Histoire  de  la  dotnination  normande. — Chalandon.  2* 


XVlll  IMKODLCllON 

De  la  comparaison  des  textes  il  résulte  que  le  rédacteur  des 
Assises  avait  sous  les  yeux  un  manuscrit  latin  contenant,  soit  le 
livre  XLVIII  du  Digeste  et  les  livres  I,  IX  et  peut-être  X  du 
Code  ',  soit  plus  probablement  un  abrégé  de  ces  livres  "-.  Se 
basant  sur  l'assise,  XXIX,  2,  où  sont  fondus  deux  textes 
empruntés  l'un  au  Code,  l'autre  au  Digeste^  M.  Brandileone 
déclare  qu'il  est  bien  ditTicile  d'admettre  que  le  rédacteur  des 
ylssises  aitété  assez  versé  dans  la  science  du  droit  pour  rappro- 
cher ainsi  le  Code  du  Digesle,  et  il  tire  de  là  la  conclusion  que 
le, compilateur,  outre  les  livres  de  Justinien,  avait  entre  les  mains 
des  abrégés  byzantins  ou  les  rapprochements  entre  le  Code  et  le 
Digeste  étaient  déjà  établis  3.  A  examiner  de  plus  près  le  texte 
des  Assises,  on  ne  saurait,  semble-t-il,  adopter  cette  opinion.  Si 
nous  considérons  les  assises  relatives  au  mariage  et  au  proxéné- 
tisme, nous  pouvons  voir  comment  a  travaillé  le  compilateur. 
Les  renvois  du  Code  au  Digeste  étaient  si  peu  indiqués  dans  le 
manuscrit  dont  s'est  servi  l'auteur  qu'après  avoir  traité  de 
l'adultère  et  du  proxénétisme  d'après  le  Code,  il  reprend  ce 
même  sujet  d'après  le  Digeste  après  avoir  intercalé  un  certain 
nombre  de  constitutions  originales.  Ne  serait-ce  pas  tirer  une 
conclusion  exagérée  du  fait  que,  dans  l'assise,  XXIX,  2,  où  sont 
fondus  les  textes  du  Code  et  du  Digeste  que  d'en  conclure  que 
le  manuscrit  dont  s'est  servi  l'auteur  contenait  les  renvois  du 
Code  au  Digeste'?  Comment  expliquer  dans  ce  cas  ([u'aucun 
autre  renvoi  ne  puisse  être  observé. 

Le  rédacteur  des  Assises  ne  s'est  point  borné  à  un  simple  tra- 
vail de  copie.  En  reproduisant  le  texte  du  Code  ou  du  Digeste, 
il  lui  arrive  le  plus  souvent  de  modifier  son  modèle.  Tantôt,  la 
copie  est  textuelle,  tantôt  plusieurs  phrases  où  certains  membres 
de  phrases  sont  omis.  En  certains  passages  le  texte  reproduit  est 

tl;  Ass.,  XXXVI  =  Consl.,  III,  44;  .Iss.,  XXXVII  =  CoiisL,  III,  86;  Ass., 
XXXVIII  =  Const.,  I,  14;  Ass.,  XXXIX  =  Const.,  I,  14  ;  Ass.,  XL  = 
Const.,  I.  14;  Ass.,  XL!  =  Const.,  III,  87;  Ass.,  XLIl,  1  =  Const.,  III,  88; 
Ass.,  XLIII  =  Const.,  III,  70.  Cf.  La  Mantia,  op.  cil.,  pp.  80-81. 

1.  Ass.,  XXXVI,  cf.  toutefois  Caspar,  p.  2.)3,  note  2. 

2.  Cf.  Caspar,  op.  cit.,  p.  247.  La  Mantia,  op.  cit.,  p.  89. 

3.  Brandileone,  op.  cit.,  dans  Archivio  giaridico,  t.  XXXVI,  p.  28.3,  soutient 
la  théorie  de  l'influence  gréco-byzantine.  Sur  rem[)loi  du  grec  Caspar,  loc. 
cit.,  fait  des  remarques  fort  justes^ 


LKS    ASSISES  XIX 

résumé,   ou  bien  deux    textes   différents  sont    fondus  ensemble. 
Enfin,  il  arrive  que  le  rédacteur  apporte  à  son  modèle  certaines 
additions    ou  lui    fasse     subir   certaines  modifications.    Le  plus 
souvent    les    modifications  portent  sur  la    nature    de    la    peine. 
Ainsi  l'assise  VI  punit  de  la  mort  ou  de  la  perte   des   biens  un 
délit  pour  lequel  le  Code  ne  prévoit  que  la  peine    de  mort.   De 
même,    l'assise    XI    prononce   la   peine   de  mort  ou   telle  peine 
qu'il  plaira  au  roi.  Au  lieu  de  la  peine   de  mort,  l'assise  XXI, 
2,  prononce  la  confiscation  des  biens  contre  les  faux  monnayeurs. 
Certaines  modifications  portent  sur  les  mots  employés.  Ainsi 
au   titre    XVII,    le    mot    rex    remplace    les   mots  principalis  et 
imperator  du  Code  IX,  29,  2.   A  côte  de  ces  substitutions,  nous 
constatons  également  la   suppression  de  certains  mots  :  ainsi  les 
mots  orthodoxae  fidei,  du  Code,  sont  supprimés  dans  l'assise  VI. 
Par  contre  les    additions  sont   assez  nombreuses.   Par  exemple, 
au  titre  VIII,   1,  l'évêque  n'est  pas,  comme  dans  le  Code  (I,  37), 
exempté  d'une  façon   absolue  de   la  prestation  du  serment,  mais 
y  demeure  tenu  en  certains  cas  ;   de  même  cette  exemption  est 
accordée  au  prêtre.  Au  titre  XIV,  aux  mots  habit u  virginuin  du 
Code  (I,  4,  4),  on  ajoute  vel  veste  monachica  et  nec  clericali.  Au 
titre  XVII,  on  déclare  coupable  de  sacrilège  non  seulement  ceux 
qui  discutent  le  jugement  du  souverain  [Cod.   IX,    29,   2),  mais 
aussi  ceux  qui  discutent  ses  conseils,  ses  institutions,  ses  actes. 
L'assise   XXI,    2,   punit    non   seulement  les    faux    monnayeurs, 
mais  aussi  ceux  qui  diminuent  le  poids  de  la  monnaie.  De  même, 
l'assise  XXIX,    1,  contient   quant   au   domicile   de  la  courtisane 
une  prescription  inconnue  à  la  législation  justinienne. 

Il  convient  de  noter  que  les  modifications  apportées  aux 
peines  décrétées  sont  le  plus  souvent  faites  dans  un  sens  qui 
favorise  l'intervention  directe  du  souverain.  Il  faut  aussi  remar- 
quer que  les  emprunts  faits  à  la  législation  justinienne  n'ont  pas 
été  réunis  par  le  rédacteur  des  Assises  de  manière  à  former  un 
tout  complet  ;  ils  sont  au  contraire  séparés  et  d'ordinaire  pla- 
cés en  tête  de  chacune  des  grandes  divisions  que  nous  avons 
indiquées  ^. 

i.  Caspar,  op.  cit.,  p.  247. 


XX  INTRODUCTION 

Il  reste  à  expliquer  par  quelle  voie  le  lég-islateur  normand  a 
connu  le  droit  romain.  Tandis  que  M.  La  Mantia  soutient  que  le 
droit  de  Justinien  s'est  maintenu  en  Sicile,  même  à  l'époque  de 
la  domination  musulmane  ^  M.  Brandileone  attribue  au  droit 
gréco-romain  un  rôle  prépondérant  dans  l'Italie  méridionale  et 
en  Sicile,  et  explique  la  profonde  connaissance  du  droit  romain 
que  révèlent  les  Assises  par  linfluence  des  Lombards  éta])lis  en 
Sicile  au  xi*"  siècle  "'.  Il  me  semble  que  l'opinion  de  M.  La  Man- 
tia sur  la  survivance  du  droit  romain  en  Sicile  est  la  plus  pro- 
bable ;  elle  n'exclut  pas  d'ailleurs  l'influence  que  les  Lombards 
ont  pu  exercer  sur  la  renaissance  des  études  juridiques  -K  On  ne 
saurait  toutefois  oublier  que  les  Assises  ne  représentent  pas  un 
droit  particulier  à  la  Sicile  ;  elles  étaient  applicables  à   tout    le 

1.  La  Mantia,  op.  cil.,  p.  50  et  suiv. 

2.  Brandileone,  op.  cit.,  dans  Archivio  giuridico,  t.  XXXVI,  p.  285,  et 
//  (lirilio  vomiino  nellp  legf/i  normanne  e  sueve  del  regno  di  Sicilia,  p.  10  et 
suiv.  Pour  justifier  l'introduction  du  droit  gréco-romain  en  Sicile,  M.  B.  ne 
peut  citer  qu'un  passage  de  Theo|jh.  cont.  1.  II,  27,  p.  82  ;  or  la  domination 
musulmane  était  établie  en  Sicile  bien  avant  900,  date  adoptée  par  M.  B., 
cf.  Amari,  Storia  dei  Musulniani,  t.  I,  p.   262. 

3.  Pour  compléter  l'étude  de  la  question,  cf.  La  Mantia,  Sloria  délia 
legislazione  civile  e  criminale  in  Sicilia  (Palerme,  1839,  in-8,  p.  198  et 
suiv.;  Zachariae  a  Lingenthal,  Il  diritlo  roinano  nella  hansa  Italia  e  la 
scuola  giuridica  di  Bologna,  dans  Rendiconti  del  r.  Istituto  lomhardo, 
série,  II,  t.  XVIII;  Perla,  Del  diritto  romano  giuslinaneo  nelle  provincie 
d'Italia  prima  délie  Assise  normanne,  dans  Archivio  stor.  napolet.,  t.  X 
(1885),  p.  1-30  et  suiv.;  Gay,  L'Italie  méridionale  et  Vempire  byzantin, 
p.  569  et  suiv.;  Mortreuil.  Histoire  du  droit  byzantin,  t.  I,  p.  424  et  suiv.; 
Ciccaglione,  Le  istituzioni  poliliche  e  sociale  dei  ducati  Xapoletani  (Naples, 
1892;,  p.  29,  et  II  diritto  romano  in  Sicilia  durante  il  periodo  musulmano, 
dans  Rivista  di  sloria  e  fîlos.  del  diritto,  t.  I  (1897);  GifTrida,  La  genesi 
délie  consuetudini  giuridiche  délie  città  di  Sicilia,  t.  I.  //  diritlo  greco- 
romano  nel  periodo  bizantino-arabo  (Catane,  1901),  S.-Villanueva,  Sul 
diritto  greco-romano  [privato]  in  Sicilia  (Palerme,  1901  i,  in-8,  qui 
admet  p.  10  et  suiv.)  que  YEcloga  a  pénétré  en  Sicile,  mais  ne  croit  pas 
que  le  Prochiron,  VEpanagoga  et  les  Xovelles  de  Léon  le  Philosophe  et  de 
Constantin  Porphyrogénète  aient  été  admises;  (p.  87  et  suiv.),  il  émet 
l'opinion  qu'en  Sicile,  peut-être  même  avant  les  Byzantins,  il  s'est  formé 
un  droit  romain  vulgaire,  né  spontanément  des  besoins,  et  ayant  apporté 
au  droit  olficiel  divers  compléments  et  d'assez  nombreuses  modifications; 
du  même  auteur,  cf.  dans  VArchivio  storico  siciliano,  N.S.,  t.  XXVIII, 
p.  157  et  suiv.,  un  important  compte  rendu  du  livre  de  Neumayer,  L>ie 
gemeinrechtliche  Enlwickelung  des  internationalen  Privat-und  Sfrafrechts 
bis  Bartolus,  l*"*  partie,  Die  Geltung  der  Stammesechte  in  Italien  (Munich,  1901). 


LES    ASSISES  •  XXI 

royaume,  par  suite  il  n'y  a  rien  d'étonnant  à  ce  qu'on  y  retrouve 
la  trace  des  dilFérents  droits  en  usage  lors  de  la  conquête  nor- 
mande :  droit  romain,  droit  gréco-romain,  droit  lombard.  Nous 
avons  constaté  la  part  du  droit  romain  dans  les  Assises,  nous 
allons  maintenant  examiner  de  quelles  autres  influences  on  peut 
relever  la  trace. 

A  côté  des  assises  empruntées  à  la  législation  justinienne  nous 
trouvons  un  second  groupe  dont  l'origine  est  différente.  Il  com- 
prend les  titres  I-V,  X  2,  XV,  XVI,  XIX,  XX,  XXIII?  XXVIi, 
XXVII,  XXVIII,  I,  2  et  3,  XXIX  3  et  4,  XXX,  XXXI,  XXXIV, 
XXXV,   XLIVi. 

Dans  ce  groupe,  un  certain  nombre  d'assises  paraissent  inspi- 
rées par  la  législation  gréco-romaine  ;  mais  il  convient  ici  de  se 
garder  de  toute  exagération.  Ainsi  on  a  voulu  rapprocher  le 
préambule  des  Assises  de  celui  de  YEclogue  de  Léon  llsaurien. 
M.  Brandileone,  qui  fait  ce  rapprochement,  constate  lui-même 
que  les  deux  textes  se  rapprochent  l'un  de  l'autre  plus  par  l'inspi- 
ration que  par  la  forme  elle-même.  De  même  les  rapprochements 
faits  avec  le  Digeste  ne  portent  que  sur  les  mots  juris  sacerdotes 
[Dig.,  I,  1,  =  Ass.,  I)  et  sur  la  phrase  suivante   : 

Dig.,  loc.  cit.  Ass.,  I. 

Onines  vero  popiili  legihus  Voluniiis  igitur  et  juhemus  ut 
iani  a  nohis  promulgatis  vel  sanctiones  qiias  in  presenti  cor- 
coinpositis  reguntur.  pore  sive   promulgatas  a   nohis 

sive  conipositas[a)  nohis  facimus 
exhiheri,  fideliter  et  alacrifer 
recipiatis. 

L'emprunt  est   ici  évident,  mais    tout  le  reste  du   préambule 

1.  On  retrouve  dans  les  Constitutions  de  Frédéric  II  les  Assises  suivantes  : 
Ass.,  IV  =  Const.,  III,  1  ;  Ass.,  XV,  2  =  Const.,  II,  41;  Ass.,  XIX  = 
Const.,  III,  59;  Ass.,  XX,  =  Const.,  III,  61  ;  Ass.,  XXIII,  2  =  Const.,  III, 
65  ;  .4.ss.,XXVI,  1,  =  Const  ,  I,  36,  2  ;  Ass.,  XXVII  =  Const.,  III,  22; 
Ass.,  XXVIII,  2  et  3  =  Const.,  III,  74-75  ;  Ass.,  XXIX,  41  =  Const.,  III, 
78;  Ass.,  XXX  =  Const.,  III,,79-S0;  Ass.,  XXXI,  2  =  Const.,  III,  81; 
Ass.,  XXXV  =  Const.,  III,  40;  Ass.,  XLIV  =  Const.,  II,  50,  1  et  2  ;  cf. 
La  Mantia,  loc.  cit. 


XXIl  INTRODUCTION 

présente  des  analogies  frappantes  avec  la  phraséologie  en  usage 
dans  les  diplômes  royaux.  Je  ne  crois  pas  qu'il  faille  chercher 
ailleurs  un  modèle.  De  même  les  titres  II-IV  sur  les  devoirs  du 
roi  envers  les  églises,  ou  ceux  des  seigneurs  envers  leurs  sujets 
et  enfin  sur  les  droits  régaliens  présentent  un  caractère  analogue. 

On  a  également  rapproché,  à  tort  mesemble-t-il,  le  titre  V  des 
Assises  d'un  passage  du  Code,  1,  3,  26.  Entre  les  deux  textes  il 
n'existe  guère  de  rapports.  La  dernière  phrase  de  l'assise  est, 
il  est  vrai,  empruntée  textuellement  au  texte  du  Code  mais 
l'objet  même  de  la  loi  diffère,  comme  on  le  voit,  en  comparant  les 
deux  textes.  Le  Code  s'occupe  ici  non  pas  de  la  vente  des  reliques 
mais  de  leur  ostension  dans  des  lieux  publics  autres  que  les  églises. 
L'assise  au  contraire  ne  s'occupe  que  du  commerce  des  reliques. 

Par  contre  c'est  avec  raison  que  l'assise,  XXVII,  De  coniugiis 
légitime  celehrandis,  a  été  rapprochée  de  la  Novelle  de  Léon  le 
Philosophe  relative  au  même  objet  '.  Toutefois  il  faut  noter  que 
l'assise  ne  reproduit  ni  la  sanction  ni  les  paroles  de  la  Novelle. 
Néanmoins  le  rapprochement  entre  les  deux  textes  s'impose. 
On  sait  en  effet  que  jusqu'au  concile  de  Trente  la  bénédiction 
du  prêtre  n'était  point  une  condition  essentielle  à  la  validité  du 
mariage  -.  Celui-ci  était  «  un  contrat  purement  consensuel 
existant  par  le  seul  effet  de  la  volonté  des  parties,  indépendam- 
ment de  toute  forme  déterminée  ».  On  possède  le  texte  de  l'un 
de  ces  engagements  civils  qui  date  de  la  période  lombarde  -^  La 
Novelle  de  Léon  VI  a  été  le  premier  acte  législatif  qui  ait  frappé 
de  nullité  ces  engagements  purement  civils  '*.  Bien  que  Justinien, 
dans  une  de  ses  Novelles,  ait  paru  incliner  vers  le  droit  adopté 
plus  tard  par  Léon  VI,  il  semble  bien  qu'il  faille  admettre  que 
l'assise  de  Roger  a  été  inspirée  par  la  Novelle  de  Léon  VI  et  non 
point  par  celle  de  Justinien. 

1.  Nov.  89,  Zacliariie  a  Lingenthal,  Jus  grœco-romanuin,  t.  III,  p.  IH'i  ; 
cf.  Consl.,  III,  22,  et  La  Mantia,  op.  cil.,  p.  83-84. 

2.  Viollet,  Droit  civil  français,  p.  424. 

3.  M.G.H.  LL.,  t.  IV,  p.  605,  cf.  Viollet,  op.  cit.,  p.  425. 

4.  Cf.  Viollet,  op.  cit.,  p.  426. 

5.  Cf.  Nov.  74,  4,  1  éd.  Schoell  et  Kroll,  dans  Corpus  Juris  civilis,  t.  III, 
2«  éd.,  Berlin,  1899,  in-4o  ;  cf.  WaMev,  Lehrbuch  des  Kirchenrechts,  p.  299, 
et  Viollet,  op.  cit.,  p.  426,  note  2. 


LES  ASSISES  xxm 

On  retrouve  clans  quelques-unes  des  assises  d'autres  traces  de 
l'influence  du  droit  gréco-romain  :  c'est  ainsi  que  la  peine  de 
l'ablation  du  nez,  prononcée  dans  divers  cas,  semble  bien  être 
un  emprunt  fait  à  la  lég^islation  byzantine  K  Mais  il  faut  remar- 
quer ici  que  le  législateur  normand  emprunte,  en  même  temps,  à 

la  législation  de  Justinien  et  à  celle  de  ses  successeurs.  x\insi  au 

o 

paragraphe  2  de  l'assise  XXVIII,  la  permission  accordée  au  mari  de 
punir  de  l'ablation  du  nez  la  femme  adultère,  est  inspirée  quant  à 
la  peine  de  la  législation  gréco-romaine,  tandis  que  la  prescription, 
ordonnant  de  flageller  la  femme  dans  le  cas  où  le  mari  n'userait 
pas  de  son  droit  de  châtiment,  est  évidemment  empruntée  à  une 
Novelle  de  Justinien  "-. 

Les  législations  justinienne  et  gréco-romaine  n'ont  point 
d'ailleurs  été  les  seules  mises  à  contribution  par  le  législateur  nor- 
mand et  il  faut  reconnaître  dans  les  Assises  l'influence  du  droit 
germanique,  par  exemple  dans  le  droit  de  se  faire  justice  soi- 
même,  droit  accordé  au  mari  qui  surprend  sa  femme  -K  Notons, 
toutefois,  que  le  législateur  normand  parle  avec  mépris  du  droit 
lombard  ''  et  qu'il  semble  qu'une  partie   de  la  population  de  ses 

1.  Cf.  Ecloffa,  27. 

2.  Novelle,  CXVII,  14. 

3.  Ass.,  XXXI.  Cf.  rédil  de  Rotharis,  383,  éd.  Bluhme,  M. G. H.  LL., 
t.  IV,  p.  89.  Voir  la  législation  différente,  dans  le  Digeste,  XLVIII,  "j,  22, 
23,  24. 

On  retrouve  une  trace  curieuse  de  cette  loi  dans  la  poésie  populaire  sici- 
lienne comme  le  montre  la  pièce  suivante  publiée  par  Salomone  Marino, 
La  atoria  nei  canfi  populari  sicilinni,  dans  Arch.  s^lor.  sicil.,  1. 1,  p.  142.  On 
voit  qu'ici  c'est  à  l'un  des  Guillaume  qu'est  attribuée  l'assise  en  question  : 

Trâsinu  li  galeri  'ntra  Palermu 
E  portu  portu  vannu  viliannu  : 
Ora  ch'  è  ncurunatu  re  Guggliiermu 
Pri  li  donni  infidili  ha  fattu  un  bannu  ; 
Voli  ca  ogni  amanti  stassi  fermu, 
Gnai  a  eu'    un  attenni  asti  cumanni  ! 
Donni  infidili  di  lu  re  Gugghiermu 
Morti  e  galera  amminazza  lu  bannu. 

4.  Cf.  Ass.,  XXXIV,  <.  Pro  sugçjestione  populi  nosirn  regno  suhjecti 
atque  supplicatinne,  leguin  suaruin  ineptulndinem  cognoscentes.  >•  L'assise 
modifie  l'édit  de  Rotharis,  383  et  388.  Cf.  Merkel,  op.  cit.,  p.  11,  sur  une 
glose  d'un  manuscrit  de  la  loi  lombarde  relative  à  l'assise  de  Roger. 


XXIV  INTRODUCTION 

Etats  témoig'nait  peu  d'empressement  à  admettre  les  prescriptions 
d'un  droit  étranger  '. 

En  résumé,  le  second  groupe  des  assises  parait  former  un 
ensemble  de  constitutions  originales.  Dans  quelques-unes  d'entre 
elles  on  retrouve  la  trace  d  influences  étrangères,  mais,  malg'ré 
cela,  le  législateur  normand  a  fait  une  œuvre  personnelle  et  ne 
s'est  pas  contenté  de  copier  ses  modèles. 

Il  semble  d'ailleurs  que  lui-même  ait  marcjuéla  différence  qu'il 
établissait  entre  les  diverses  parties  que  composaient  son  œuvre 
puisqu'il  distingue  dans  le  préambule  entre  les  assises  promulguées 
par  lui  et  celles  qu'il  a  composées  -.  Evidemment  les  assises  pro- 
mulguées sont  celles  empruntées  aux  législations  justinienne 
gréco-romaine  ou  lombarde,  tondis  que  les  assises  composées 
forment  son  amvre  personnelle. 

Au  point  de  vue  de  la  forme  on  peut  faire  quelques  remarques 
sur  celles  des  assises  qui  sont  l'œuvre  personnelle  du  législateur 
normand.  Tout  d'abord  elles  sont  en  général  beaucoup  plus  déve- 
loppées que  les  assises  empruntées  à  la  législation  justinienne  ^. 
Le  style  est  loin  d'avoir  la  concision  et  la  fermeté  que  l'on  remarque 
chez  les  grands  jurisconsultes  de  l'époque  impériale.  D'ordinaire 
l'assise  tlébute  par  un  préambule  présentant  de  grandes  analogies 
avec  les  préambules  des  diplômes  royaux  ^.  Le  législateur  se 
plaît  à  développer  en  quelques  mots  une  idée  générale  se  ratta- 
chant plus  ou  moins  au  sujet  qu'il  va  traiter;  il  aime  également 
à  citer  la  Bible  ■'.  Comme  dans  les  diplômes  le  souverain  parle  à 
la  première  personne  du  pluriel  ;  il  désigne  l'acte  législatif  tantôt 
par  le  mot  lex,  tantôt  par  le  mot  edictum.  Notons  encore  que  la 
loi  n'est  pas  ratifiée  par  un  parlement  et  que  l'autorité  royale  en 
matière  législative  paraît  s'exercer  souverainement  ''.  Il  faut  enfin 

1.  Dans  un  grand  nombre  de  privilèges  accordés  aux  villes  est  stipulée 
l'exemption  du  combat  judiciaire,  cf.  Cod.  clipl.  Bar.,  t.  V,  p.  138. 

2.  «  VoUiiniis...  lit  sanctiones...  sive  promiiU/atas  a  nohis,  sive  coniposilas 
(a)  nobis...  recipiatis  »,  éd.  Brandileone,  p.  95. 

3.  Cf.  V.  g.  Ass.,  1-1V,X1X.  XXVII,  et  9,  10,  11,  U,  15. 

4.  Cf.  Caspar,  op.  cit.,  p.  231  et  suiv. 
3.  Id.,  p.  252. 

6.  Préambule,  xissise,  p.  95  :  «  Yolumus  et  jnbemus.  .  .  [o  proceres]...  ut 
sanctiones,  qiias  in  presenti  corpore  sive  proniulgatas  a  nohis  sivecompositas 
la)  nohis  facimus  e.vhiheri,  fideliter  et  alacriter  recipiatis  ». 


LES    ASSISES  XXV 

remarquer  que  les  assises  déclarent  expressément  que  toutes  les 
coutumes  et  législations  particulières  subsistent,  sauf  celles  qui 
sont  en  contradiction  avec  les   lois  nouvellement  promulguées  '. 

Aux  assises  telles  que  nous  les  font  connaître  le  manuscrit  du 
Vatican,  il  convient  d'ajouter  les  sept  assises  qui  figurent  seule- 
ment dans  le  manuscrit  du  Mont-Cassin,puis  les  constitutions  de 
de  Roger  et  de  ses  successeurs  qui  nous  sont  parvenues  dans  les 
Constitutions  de  Frédéric  II. 

Parmi  les  sept  assises  du  God.  Cas.,  il  faut,  seml)le-t-il,  rappro- 
cher quelques  phrases  du  titre  3o,  De  mordisonihus,  sur  les  incen- 
dies et  l'interdiction  de  couper  les  arbres  et  les  pieds  de  vigne 
d'un  passage  du  Digeste  (XLVII,  7). 

On  a  rapproché  l'assise  37,  du  même  manuscrit  [De  intesiatis) 
d'une  Novelle  de  Constantin  Porphyrogénète  '.  M.  La  Mantia 
repousse  ce  rapprochement,  en  se  basant  sur  les  ditférences  qui 
existent  entre  le  texte  de  1  assise,  et  ses  dérivés  (coutume  de 
Palerme  et  constitution  de  Guillaume  ou  de  Frédéric  II  ■^)  et  le  texte 
de  la  Novelle  •.  Il  semble  bien  toutefois  que  c'est  à  la  Novelle  que  le 
législateur  normand  emprunte  la  prescription  de  vendre  un  tiers 
des  biens  de  l'intestat  en  faveur  des  pauvres.  La  Novelle  prévoit 
seulement  le  cas  où  il  n'y  a  pas  d'enfants  [yMpiq-xioMv)  tandis  que 
l'assise  ne  tient  pas  compte  de  ce  fait  [sive  filii  ex  eo  existant  sive 
non).  La  constitution  de  Guillaume,  au  contraire,  ne  prescrit  la 
vente  que  dans  le  cas  où  il  n'y  a  pas  d'héritiers. 

L  assise  37  [De  cxcessu  prelatoriun  et  dominoriim)  règle  les 
cas  où  les  vassaux  laïcs  et  ecclésiastiques  du  roi  peuvent  lever 
l'aide  sur  leurs  propres  vassaux.  Reproduite  dans  les  Constitutions 
[Const.,  m,  20,  De  adjutoriis  exigendis  ah  hominihus)  elle  est 
attribuée  au  roi  Guillaume.  L'assise  39  [Rescriptum  pro  clericis) 
explique  et  commente  l'assise  X  du  God.  Vat.  Elle  figure  dans 
les  Constitutions  [Const.,  lll^  3);  certains  manuscrits  l'attribuent 


1.  Ass.,   I,  p.   90  :  i<  inoribiis,  consueludinibiirt,    legiljiis  non  cnsaalis  pro 
varietate  populorum  noalro  regno  siibjectoruni  «. 

2.  Zachariœ  a  hingcnlhal,  Jus  greco  romanuni,  t.  III,  p.  276. 

^.   Cf.  le  texte  de  la  coutume  de  Palerme  dans  La  Mantia,  Aniichc  con- 
saetudinidelle  citlà  de  Sicilui,  p.  188,  cf.  Conslit.,  I,  61. 
4.   La  Mantia,  Cenni  s'orici,  etc.,  p.  84. 


XXVI  INTRODUCTION 

au  roi  Roger,  d'autres  au  roi  Guillaume.  Les  assises  33  (De  fu- 
gacibus),  34  [De  seditionariis)  et  36  [Que  sit  potestas  justitiarii) 
ne  se  retrouvent  pas  dans  les  Constitutions. 

2"  Autres  textes  législatifs.  — Les  Constitutions  de  Frédéric  II 
nous  font  connaître  un  certain  nombre  de  lois  promulo-uées  par 
les  rois  normands.  A  propos  des  assises  du  manuscrit  du  Vatican 
nous  avons  indiqué  les  renvois  axis.  Constitutions  de  Frédéric  11. 
Nous  ne  reviendrons  pas  ici  sur  ce  sujet.  Les  lois  attribuées  au 
roi  Guillaume  sans  que  nous  sachions  s'il  s'agit  de  Guillaume  P"" 
ou  de  Guillaume  II  sont  les  suivantes  : 

Const.,  I,  6,  De  usurariis  puniendis  (loi  sans  doute  moti- 
vée par  les  décisions  des  conciles  réunis  par  Alexandre  III  qui 
traitèrent  de  cette  question). 

Const.,  I,  21,  De  violentia  meretricihus  illata. 

Const.,  I,  61,  Dohane  desecretis. 

Const.^  I,  37  et  61,  De  officio  rnagisfrorum  camerariorum  et 
bajulorum. 

Const.,  1,  65,  De  officio  bajulorum. 

Const.,  I,  66,  De  fure  capto per  bajuluin  justitiario  assignando 
cum  re  furtiva. 

Const.,  I,  69,  De  juranientis  non  reniittendis  a  bajulis. 

Const.,  I,  67,  De  niutuatione  et  recommendafione  pecunie. 

Const.,  I,  68,  De  clericis  coniieniendis  jjro  possessionihus  quas 
non  tenent  ab  ecclesia. 

Const.,  I,  91,  De  officio  castellanorurn  et  serventium. 

Const.,  l,  45,   Ubi  clericus  in  maleficiis  deheat  convenire. 

Const.,  I,  78,  Ut  justitiarius  alio  loco  sui  ordinare  non  possit. 

Const.  II,  28,  De  fide  instrumentorum  et  testium. 

Const.,  II,  37,  Qualiter campiones  tenentur  pugnare. 

Const.,  III,  3,  De  his  c/ui  dehent  accedere  ad ordinemclericatus. 

Const.,  III,  13,  De  dotario  constituendo  in  feudis  et  castris. 

Con.s/.,III,  M^,  De  Dotariis  conslitnendis. 

Const.,  III,  17,  De  fratribus  obligantibus  partem  feudi  pro 
dotibus  sororuni. 

Const.,  III,  20,  De  adjutoriis  exigendis  ab  hominibus. 

Const.,  III,  31,  De  administratione rerum  ecclesiasticarum  posl 
mortem  prelatorum. 


LES    ANNALES  XXVII 

Const.,  III,  34,  De  servis  et  ancillis  fugitivis. 

Const.,  III,  35,  De  pecunia  inventa,  in  rehus  alicnis. 

Const.,  III,  54,  De  furtis  et  latrociniis. 

Const.,  III,  55,  De  animalihus  in  pasciiis  affiJandis. 

Const.,  III,  83,  De  adulteriis  coercendis. 

Il  convient  d'ajouter  à  ces  constitutions  deux  règlements  pro- 
mulgués l'un  par  Roger,  l'autre  par  Guillaume  II.  Le  premier 
règle  le  droit  de  succession  dans  une  partie  de  la  Calabre  •  ;  le 
second  supprime  dans  toute  l'étendue  du  domaine  royal  les  droits 
de  péage  (1187)  -. 

III.  —  SOURCES  NARRATIVES 

I.    LES    ANNALES. 

Nous  classerons  les  Annales  de  l'Italie  méridionale  sous  les 
rubriques  suivantes  :  \°  Annales  de  la  Fouille,  2*'  Annales  de 
Bénévent,  3"  Annales  du  Mont  Cassin,  4°  Annales  de  la  Gava, 
5°  Annales  de  Geccano. 

1°  Annales  de  la  Polille. 

Parmi  les  sources  les  plus  importantes  pour  l'histoire  de  l'éta- 
blissement des  Normands  en  Italie,  figure  tout  un  groupe  d'An- 
nales rédigées  dans  la  région  de  Bari  et  étroitement  apparentées 
les  unes  aux  autres.  Ge  groupe  comprend  :  1°  Les  Annales 
Barenses,  qui  s'étendent  de  l'année  605  à  l'année  1043  '^  ;  2"  Une 
chronique  pour  laquelle  les  manuscrits  ne  fournissent  pas  de  nom 
d'auteur,  mais  qui,  depuis  le  xyh"^  siècle,  est  attribuée   à  Lupus 

1.  Éd.  Zacharia?  aLirigenthal,  Heiddherg  Jahrhucher  der  Literatur  (1841), 
p.  ^)!j4  et  suiv.  ;  Capasso,  Novella.  di  Ruçjçjiero  re  di  Sicilia  et  di  Purjlia  pro- 
mulgata  in  greco  ed  ora  per  la  prima  volta  édita  con  la  tradiizione  lafina  ed 
alcune  osservazioni,  clans  AIti  delV  Academia  Pontaniana,  t.  IX  (Naples, 
1867;;  Brïmiieck,  Siciliens  niittelalterliche  Stadtrechte  AiaWe,  1881),  p.  240; 
Brandileone,  Frammenti  di  legislazione  normanna  e  di  giurisprudenza 
hizantina  nell'  Italia  méridionale,  dans  Atli  délia  Reale  Academia  dei  Lincei, 
Hendiconti,  S. IV,  II,   8  (I8861,  p.  201  et  suiv. 

2.  Éd.  Minier!  Riccio,  op.  cit.;  Supl.  I,  pp.  20-21. 

3.  Annales  Barenses  anonynii,  ab.  an.  603-10i3,  éd.  dans  les  M.G.H.SS., 
t.  V,  p.  51   et  suiv. 


XXVIII  INTRODUCTION 

Protospatarius.  L"ouvrag'e  rédig-é  en  forme  d'annales  comprend 
les  années  803-1102  •;  3"  YAnoni/mi  harensis  chronicon,  qui  va 
do6e0kl0i3^. 

Les  rapports  existants  entre  ces  diverses  chroniques  ont  été 
étudiés  par  Pertz   et  Wilmans,  et  plus  récemment  pnr  Hirsch  '. 

Ce  dernier  a  distingué  dans  les  Annales  Barenses  deux  parties 
Tune  s'étendant  jusqu'à  Tannée  1027,  l'autre  comprenant  les  an- 
nées 1035-1013.  Il  a  montré  que,  pour  la  première  partie,  les 
Annales  Barenses  dérivent  d'anciennes  annales  de  Bari,  aujour- 
d'hui perdues,  niais  utilisées  également  par  Lupus  Protospatarius 
et  l'Anonyme  de  Bari,  ainsi  que  par  le  rédacteur  des  Annales 
Beneventanl,  I  (rédaction  de  788  à  1113)  ^.  En  dehors  de  cette 
source  commune,  Lupus  Protospatarius  a  utilisé  une  Chroni'/ue 
de  Bénévent,  connue  également  par  les  auteurs  des  Annales  Bene- 
ventanl I  et  II  (cette  deuxième  rédaction  s'étend  de  7o9  à  1111). 

Pour  la  seconde  partie.  Hirsch  a  montré  •"  que  l'Anonyme  de 
Bari,  les  Annales  Barenses  et  Lupus  Protospatarius  avaient  uti- 
lisé d'anciennes  annales  de  Bari  dont  la  rédaction  s'étendait 
jusqu'à  l'année  1051.  Ces  annales  perdues  ont  également  été 
connues  et  utilisées  par  Guillaume  de  Pouille.  Enfin,  pour  les 
années  suivantes,  le  même  auteur  a  établi  que  le  rédacteur  ano- 
nyme de  Bari  avait  vécu  dans  cette  dernière  ville  et  avait  utilisé 
ses  renseignements  personnels,  tandis  que  Lupus  Protospatarius 
avait  utilisé  des  annales  de  Matera  et  très  probablement  une 
autre  série  d'annales,  rédig-ées  dans  l'Italie   méridionale  par  un 


1.  Lupus  Pi-olospatarius  Barensis,  Rrruin  in  ror/no  nmpolifnnn  r/nd.irum 
brève  chronicon  sire  Annnles:  i  8."Jo-l  1021,  éd.  dans  los  M.G.II.SS.,  t.  V,  p.  '.')2 
et  suiv. 

2.  Anonymi  Barensis  chronicon  |'8")5-Hl.)i,  éd.  Muratori,  I^.I.SS.,  t.  V, 
p.  147  et  suiv. 

3.  Pertz,  M.G.n.SS.,  t.  V,  p.  ol  ;  Wilmans,  Ueber  die  Qiiellen  (1er  Gcsia 
Roherti  Wiscurdi  des  Gnillermus  Apiiliensis,  dans  Portz,  Archiv,  t.  V,  p.  il  1 
et  suiv.  Hirsch,  De  Italiae  inferioris  annalibiis  sn^ciili  decim;  et  undeciini, 
(Berlin,  1864i,  in-8«,  p.  3  et  suiv. 

4.  Op.  cit.,  p.  9.  Sur  les  Annales  Beneventani,  éd.  M.G.H.SS.,  t.  111, 
p.  152,  cf.  Pertz,  Archiv,  t.  IX,  p.  1,  et  Weinreich,  De  conditione  IlaUœ 
inferioris  Gregorio  VII pont ifice  (Kœnigsberg,  1864),  in-8°,  \) .  82. 

5.  Hirsch,  op.  cit..  p.  26  et  suiv. 


LES    ANNALES  XXIX 

auteur  contemporain  des  événements,  dont  l'œuvre  a  été  connue 
et  employée  par  Romuald  de  Salerne. 

Il  faut  remarquer  que  Lupus  fait  commencer  l'année  au  l"'' sep- 
tembre ainsi  que  le  montre  l'ordre  dans  lequel  sont  rangés  les 
dates  de  mois  :  ainsi  à  l'année  1042,  il  place  d'abord  les  événe- 
ments de  septembre,  puis  ceux  de  décembre  et  février;  à  l'an- 
née 104-3,  les  événements  de  septembre  précèdent  ceux  d'octobre 
et  de  février.  On  pourrait  multiplier  les  exemples  de  ce  g-enre  ^. 

Il  faut  rapprocher  de  ces  diverses  annales,  le  Chronicon  brève 
nornianicum  (1041-1085)  -.  Celui-ci,  comme  l'indiquent  les  mots 
qui  le  terminent,  a  été  écrit,  entre  1111  et  1127,  sous  le  règne 
du  duc  Guillaume,  soit  par  un  Normand  soit  par  un  partisan  des 
Normands-^.  Pertz  ^  et  Wilmans  '  croyaient  que  le  Chronicon 
brève  avait  en  grande  partie  puisé  ses  renseignements  dans 
l'œuvre  de  Lupus  Protospatarius.  Hirsch  a  montré  que  les  res- 
semlilances  entre  les  deux  textes  étaient  plus  apparentes  que 
réelles,  qu'il  y  avait  entre  eux  de  nombreuses  différences,  et  a 
conclu  que  l'auteur  avait  beaucouji  emprunté  k  des  Annales  de 
Tarente  aujourd'hui  perdues  ''.  Le  Chronicon  brève  normanicuin 
est  bien  renseigné  pour  tout  ce  qui  touche  la  Terre  dOtrante  et 
la  Pouille,  mais  ne  sait  presque  rien  des  événements  qui  se  sont 
déroulés  en  dehors  de  ces  rég'ions  ''. 

2°  Annales  de  Bénévent.  —  On  possède  sous  le  nom  d'An- 
nales Beneventani  une  double  série  d'annales  (I  et  II)  qui  rap- 


1.  Cf.    Lupus    Protospat.,    ad   an.    1017,    1019,    1029,     10(39,    1081,  etc., 

2.  Edité  dans  Mui-alori,  R.SS.,t.  V,  p .  278,  sous  le  titre  Chronicon 
Northniannicum  de  rehtis  in  Japygiu  el  Apulia  geslis  contra  Grœcos. 

3.  >'  Succedil  Roherfo  Royerius  filius  eiiis  pater  Willernii  lll  diicis  Apulise 
f/iii  niinc  féliciter  ducat iir .  »  Cf .  Ilirsch,  op.  cit.,  p.  46. 

4.  M.G.H.SS.,  t.  V,  p.  :i2. 

ij.    Pertz,  Archiv.,  t.  X,  p.   117. 

6.  Op.  cit.,   p.  45  elsuiv. 

7.  Guerrieri,  Di  una  prohabile  fahificazione  entrata  nella  Raccoltu  Mura- 
toriana,  Il  brève  (Chronicon  norniannicuni  dans  VArchivio  Muraloriano, 
n°  2  (190.J),  p.  65,  se  basant  surtout  sur  le  l'ait  que  Muratori  avait  connu  le 
Chronicon  nornianicum,  parCuonio,  qui  le  tenait  du  célèbre  faussaire  Pol- 
lidoro,  croit  que  le  Chronicon  est  un  taux,  mais  il  n'apporte  aucun  fait  pré- 
cis à  l'appui  de  son  hypothèse. 


XXX  LMUODLCTION 

portent  les  événements  des  années  788  à  1182  '.  Hirsch  a  mon- 
tré que  jusqu'en  1112,  les  rédacteurs  de  ces  annales  avaient 
utilisé  d'anciennes  annales  aujourd'hui  perdues  qui  ont  égale- 
ment servi  à  Falcon  de  Bénévent.  Les  ^iniiales  Beiicvenlani  I 
sont  en  rapports  étroits  avec  les  annales  de  Bari  -. 

3"  Annales  du  Mont-Cassin.  —  Le  Mont-Cassin  a  été  un 
centre  important  d'études  historiques  et  nous  possédons  plusieurs 
séries  d'annales  qui  y  ont  été  rédigées,  mais  les  critiques  sont 
loin  d'être  d'accord  au  sujet  de  leur  classification. 

Hirsch  a  distinerué  dans  les  Annales  Casinenses  ^  trois  rédac- 
tions,  la  première  s'étend  jusqu'en  1152,  la  seconde  jusqu'en 
IlOo,  la  troisième  jusqu'en  1212  '.  Le  même  auteur  a  cherché  à 
prouver  que,  pour  la  première  rédaction,  on  avait  utilisé  d'an- 
ciennes annales,  aujourd'hui  perdues,  qui  auraient  également 
servi  aux  rédacteurs  des  Annales  Cavenses  majores,  des  Annales 
Cavenses  minores,  des  Annales  Casinates,  ainsi  qu'à  Léon  d'Ostie 
et  à  Pierre  Diacre.  Par  suite,  les  Annales  Casinenses  auraient 
une  réelle  valeur  pour  les  premières  années  du  xu'"  siècle. 

Dans  l'édition  qu'il  a  donnée  des  Annales  Casinenses  dans  les 
M.G.H.SS.,  t.  XIX,  Pertz  a  distingué  trois  rédactions  •',  1"  une 
rédaction  du  début  xiT'  siècle,  allant  jusqu'en  1111,  et  continuée 
jusqu'à  1167.  2°  une  rédaction  faite  au  temps  d'Eugène  III  et 
inspirée  des  Annales  Cavenses,  Cette  rédaction  s'étend  jusqu'à 
L152  ;  elle  aurait  eu  trois  continuations,  a)  de  1153  à  1154,  h)  de 
llo3  à  1182,  c)  de  1 182  à  1212.  3"  une  rédaction  faite  d'après  la 
deuxième  avec  continuation  de  I  183  à  1195. 


1.  Éd.  clans  M.G.H.SS.,  t.  III,  p.  173  et  sr.iv. 

2.  Cf.  Hirsch,  op.  cit.,  p.  9   et  suiv.  ;   Weinreich,  op.  cit.,  p.    80  et  suiv. 
.  Poupardiii,  £'/(irfe.s  .sur  l'histoire  des  principautés  lombardes  de  l'Italie  méri- 
dionale (Paris,  1907),  8°,  pp.  13-l"j.  Une  troisième  série  d'Annales  de  Béné- 
vent constitue  un   faux   de  Pratilli,  cf.    Kôpke,  Pratills  Codex  der  Annales 
Beneventani  dans  ï'Archic  de   Pertz,  t.   IX,  p.  1!)8. 

3.  Éd.  Pertz,  M.G.H.SS.,  t.  XIX,  p.  30o. 

4.  Hirscli,  op.  cil  ,  p.  49  et  suiv. 

5.  M.G.H.SS.,  t.  XIX,  p.  30.^  et  suiv.;  cf.  Wattenhacli,  Denfsrhlands 
Geschichfsquellen,  t.  H,  6^  éd.,  p.  233  ;  et  Weinreich,  De  condilione  Jtalise 
inferioris  Gre(jorio  VII pontifice  (Kœnigsberg,  18(34  ,  in-8",  p.  84  et  suiv. 


LES    CHROMMLES    LATINKS  XXXI 

Si  Ton  adopte  les  conclusions  de  Pertz,  qui  paraissent  les  plus 
vraisemblables,  on  voit  que  les  Annales  Casinenses  n'ont  pas 
grande  valeur  pour  le  début  du  xi''  siècle.  Hirsch  a  attaqué  les 
conclusions  de  Pertz  et  a  maintenu  celles  qu'il  avait  précédem- 
ment énoncées  '. 

4"  Annales  de  la  Gava  "-.  —  Les  Annales  Cavenses  écrites 
en  marge  d'un  manuscrit  de  Bède,  comprennent  deux  parties,  la 
première  de  06II  à  1034  a  été  compilée  à  l'aide  de  tables  pas- 
cales, la  deuxième  de  1034  à  131o  est  formée  par  une  série 
d'annotations  le  plus  souvent  contemporaines  des  événements 
mentionnés  -K 

5°  Annales  de  Ceccano.  —  L'auteur,  probablement  originaire 
de  Ceccano,  vivait  à  la  fin  du  \n^  et  au  début  du  xiii''  siècle  '*  ; 
son  œuvre  s'étend  de  l'an  1  à  1217.  Pour  le  début  du  xi*^  siècle 
il  a  utilisé  les  Annales  Casinenses  et  les  Annales  Cavenses  •^.  A 
partir  de  1 106,  les  Annales  Ceccanenses  sont  beaucoup  plus 
détaillées  ;  elles  constituent  une  source  importante,  car  pour  beau- 
coup des  événements  dont  la  région  de  Ceccano  fut  le  théâtre, 
nous  ne  sommes  renseignés  que  par  elles.  A  l'année  1192  est 
insérée  une  violente  diatribe  contre  Henri  VI  ^. 

11.    CHRONIQUES    LATINES 

1"  Aimé  du  Mont-Cassin,  Ystoire  de  li  Xorniant.  —  On  doit  à 

1.  Hirsch,  Ueher  die  Annalen  von  Monte  Caasino,  clans  Forschunçjen  zur 
deuHchen  Geschichte,  t.  VII  (1867),  p.  10.3  et  suiv. 

2.  Éd.  Pertz,  M.G.II.SS.,  t.  III,  p.  185. 

3.  Weinreich,  op.  cit.,  pp.  84-86,  Wattenbach,  op.  cit.,  t.  II,  p.  2.33. 
Sur  le  Chronicon  Cavense,  édité  par  Pratilli,  cf.  Pertz  et  Kôpke,  Ueher  den 
chronicon  Cuveiiae  und  andere  von  Pralillo  hrsijl).  Quellenschriflen,  dans 
YArchiv  de  Pertz,  t.  IV,  p.  1  et  suiv. 

4.  Annales  Ceccanenses  ou  Chronicon  Fossse  novœ  ,  éd.  Pertz,  M.G.II.SS., 
t.  XIX,  p.  276  et  suiv. 

5.  On  a  attribué  la  rédaction  des  Annales  Ceccanenses  à  un  certain  Jean 
de  Ceccano:  sur  Terreur  commise  à  ce  sujet,  cf.  Capasso,  Le  fonti  délia 
storia  délie  provincie  napoletane  (Naples,  1902j,  p.  72. 

6.  Cf.  Ulmann,  Ueher  die  angeJAichen  Verfasser  des  Gedichtes  in  den 
Annales  Ceccanenses,  dans  \eues  Archiv,  t.  I  (1876),   p.  l'Jl. 


XXXII  INTRODUCTION 

Aimé,  évêque  et  moine  au  Mont-Gassin,  une  Histoire  des  Xor- 
mands  qui  est  une  des  sources  les  plus  importantes  pour  l'his- 
toire de  la  conquête  '.  Cet  ouvrage  ne  nous  est  connu  que  par 
une  traduction  française  faite  très  probablement  en  Italie  pour 
le  comte  de  Militrée  -,  à  la  fin  du  xiiT  ou  au  commencement  du 
XI v"^  siècle. 

Sur  la  personne  d'Aimé,  nous  ne  possédons  qu'un  très  petit 
nombre  de  renseig-nements.  Pierre  Diacre  nous  apprend  qu'il 
était  évêque  et  moine  du  Mont-Cassin  et  qu'outre  son  Histoire 
des  Xoj^mands,  il  a  composé  un  poème /)e  gestis  sanctorurn  Pétri 
et  Pauli,  dédié  à  Grégoire  VII  '.  On  a  voulu  à  tort  identiiîer 
Aimé  avec  le  personnage  du  même  nom  qui  fut  évêque  d'Oloron, 
archevêque  de  Bordeaux  et  légat  de  Grégoire  VII  ^.  G  est  égale- 
ment sans  raison  qu'on  Ta  confondu  avec  son  homonyme  qui 
fut  évêque  de  Nusco  •'.  Delarc  a  émis  l'hypothèse  qu'Aimé 
avait  été  évêque  sans  diocèse  et  était  toujours  demeuré  au  Mont- 
Gassin  ''. 


1.  On  possède  deux  éditions  d'Aimé,  toutes  deux  sont  d'ailleurs  défec- 
tueuses :  la  première  estde  Champollion-Figeac,  sous  le  titre  de  :  L'Ysloire 
de  II  Normanl  et  la  Chronique  île  Robert  Viscart  par  Aimé,  moine  du 
Monl-Cassin  (Paris,  183")  ,  in-8  ;  la  seconde  est  de  Tabbé  Delarc  :  Yatoire  de 
li  Normant  par  Aimé,  évêque  et  moine  au  Mont-Cassin  (Rouen,  1892), 
in-S". 

'2.  On  n"a  proposé  aucune  identification  satisfaisante  pour  cette  localité. 

3.  Pierre  Diacre,  De  viris  illustrihua  Casinem^ihus,  dansMuratori  R.I.SS., 
t.  VI,  p.  36  et  Chronica  monusterii  Casinensis,  dans  M.G.Il.SS.,  t.  VII,  p. 
728.  Cf.  Tosti,  Storia  delta  hadia  di  Monte  Cassino,  t.  I,  pp.  418-419,  et 
Dûmmler,    iVeues  Archiv.,  t.  IV,  p.  180  et  suiv. 

4.  Champollion-Figeac,  op.  cit.,  p.  xl  ;  Histoire  littéraire  de  la  France,  t. 
IX,  p.  226  ;  Mabillon,  Annales  ordini  sancti  Benedicti,  t.  V,  p.  239  ;  Delarc, 
op.  cit.,  p.  XI  et  suiv.  .l'emprunte  beaucoup  à  V Introduction  placée  par 
Delarc  en  tète  de  son  édition. 

5.  Cf.  Delarc,  op.  cit.,  p.  xv  et  suiv.  De  largumentation  de  Delarc  il  faut 
retenir  que  la  date  de  la  mort  d'Aimé  du  Mont-Cassin  est  le  1*"'  mars,  tan- 
dis que  l'évêque  de  Nusco  est  mort  le  30  septembre  ou  le  31  août.  La  vie 
d'Aimé,  évêque  de  Nusco,  telle  que  Delarc  la  reconstitue  d'après  les  monu- 
ments liturgiques,  ne  présente  aucune  valeur  historicjue  et  ressemble  à 
bien  d'autres  vies  de  saints.  Le  testament  de  l'évoque  de  Nusco,  attaqué 
par  Delarc,  est  authenti(jue  comme  la  démontré  Capasso,  SulVautenticità 
del  testamento  di  S.  Amato,  vescovo  di  Xusco,  dans  Arch.  st.  napol.,  t.  VI, 
pp. 543-o50. 

6.  Delarc,  op.  cit.,  p.  xxiii. 


AIME    DU    MOM-CASSIN  XXXlll 

A  quelle  époque  Aimé  a-t-il  rédigé  son  ouvrage  ?  Les  nom- 
breuses allusions,  qui  sont  faites  au  début  du  premier  livre  aux 
événements  dont  Gonstantinople  et  l'empire  grec  furent  le 
théâtre  après  la  chute  de  Romain  Diog-énès  (1071),  me  paraissent 
indiquer  qu'Aimé  n'a  pas  commencé  à  écrire  avant  1074  ou  1075). 
On  a  d'autre  part  remarqué  qu'il  mentionnait  la  mort  de  Richard 
de  Capoue  (5  avril  1078)  et  faisait  allusion  aux  projets  de  Guis- 
card  sur  Gonstantinople,  mais  ne  parlait  pas  de  l'entrevue  et  de 
la  réconciliation  de  Grégoire  VII  et  de  Guiscard  (juin  1080).  Par 
suite  on  peut  vraisemblablement  placer  entre  1075  et  1080  la 
rédaction  de  son  œuvre  '. 

L'ouvrage  est  divisé  en  huit  livres.  Il  débute  par  un  résumé 
très  abrégé  de  l'histoire  du  peuple  normand  qui  a  quitté  lîle  de 
Nora  pour  venir  en  France  et  en  divers  pays.  Suit  le  récit  des 
exploits  de  quelques-uns  des  plus  célèbres  Normands,  Guillaume 
le  Gonquérant,  Robert  Grispin,  dont  on  connaît  les  aventures  en 
Espagne,  en  Italie  et  en  Orient,  Oursel  de  Bailleul  qui  faillit 
monter  sur  le  trône  de  Gonstantinople.  Après  avoir  ainsi  rattaché 
à  ces  illustres  héros  les  conquérants  de  Tltalie,  Aimé  aborde  son 
sujet.  Nous  ne  ferons  pas  ici  l'analyse  de  l'ouvrage,  toutefois 
nous  ferons  remarquer  un  des  procédés  de  composition  de  l'au- 
teur. Les  véritables  héros  du  livre  d'Aimé  sont  Richard  de 
Capoue  et  Robert  Guiscard.  Aussi  à  partir  du  moment  où  ceux- 
ci  commencent  à  jouer  le  premier  rôle,  c'est  autour  de  chacun 
d'eux  que  le  chroniqueur  groupe  les  faits.  De  là,  vient  que 
l'ordre  chronologique  n'est  pas  observé  ;  l'auteur  raconte,  par 
exemple(l.  IV,  chap.  1  et  suiv.)  un  certain  nombre  de  faits  se  rappor- 
tant à  Guiscard,  puis(/j6i(/. ,  c.  9  et  suiv.)  passe  à  Richard  de  Gapoue, 
après  quoi  il  revient  à  Guiscard  et  ainsi  de  suite.  Ge  procédé  de 
composition  doit  être  retenu  car,  en  n'y  prêtant  pas  attention,  on 
risquerait  de  tomber  dans  des  erreurs  de  chronologie. 

Quelle  valeur  convient-il  d'attribuer  à  l'œuvre  de  d'Aimé  ? 
Vivant  auMont-Gassin,  Aimé  était  placé  admirablement  pour  être 
bien  renseigné.  Pour  la  première  période  de  l'histoire  des  Nor- 

1.  Weinreich,  De  condilione  Italiae  in  fer  loris  Gregorio  septiino  pontifice 
pp.  73-74,  me  paraît  un  peu  trop  retarder  la  date  de  la  composition  de  l'ou- 
vrage. 

Histoire  de  la  dominalion  normande.  —  Chalandon.  3* 


XXXIV  IMRODLCTION 

mands,  alors  que  ceux-ci  étaient  au  service  des  princes  lombards, 
Aimé  a  pu  connaître  la  tradition  du  monastère  relative  à  ces 
événements;  pour  la  période  postérieure  il  a  pu  être  renseig-né 
par  Didier  qui  joua  alors  un  rôle  considérable  dans  les  événe- 
ments. Les  relations  nombreuses  que  le  Mont-Cassin  entretenait 
avec  la  Fouille  ont  pu  lui  permettre  également  de  recueillir  bien  des 
renseig^nements  sur  cette  région.  Enfin,  pour  les  faits  dont  Aimé  lui- 
même  a  été  contemporain,  le  Mont-Cassin  devait  être  un  centre 
excellent  d'informations.  11  semblerait  donc  apr/o/'i  que  la  chro- 
nique d'Aimé  doive  avoir  une  grande  valeur.  Dabord  admise',  cette 
opinion  a  été  àp rement  combattue  par  llirscli  -.  L'arg-umenta- 
tion  de  ce  dernier  a  été  rétorquée  par  Baist  dont  les  conclusions 
ont  été  adoptées  par  Dslarc.  Sans  entrer  à  nouveau  dans  le  détail 
de  ces  discussions  et  pour  éviter  d'inutiles  redites,  je  me  bornerai 
à  dire  que  je  me  range  sans  hésitation  à  l'opinion  de  ces  deux 
derniers  auteurs,  car  le  plus  souvent  quand  nous  pouvons  le 
contrôler.  Aimé  nous  apparaît  comme  ayant  été  en  général  fort 
bien  renseigné.  Aux  preuves  déjà  données  par  Baist  •^  et  Delarc  * 
j'ajouterai  la  suivante  :  Aimé  est  le  seul  auteur  de  lltalie  qui 
expose  avec  clarté  (VII,  2t).  p.  297)  que  par  trois  fois  l'empereur 
de  Gonstantinople  a  fait  demander  la  main  d'une  tille  de  Guis- 
card.  Or,  le  fait  des  trois  ambassades  envoyées  de  Byzance  est 
confirmé  par  les  lettres  du  basileus  que  l'on  a  retrouvées  \ 

Malgré  les  attaques  dont  elle  a  été  l'objet,  la  chronique 
d'Aimé  n'en  demeure  pas  moins  la  meilleure  source  pour  l'his- 
toire de  la  conquête  normande. 

2°  Léon  Marsicaxls,  Chronica  monastcrii  Casinensis.  —  Léon 
Marsicanus  appartenait  à  la  famille  des  comtes  des  Marses  ;  entré 
au  Mont-Cassin,  v.  1061.  il  y  prit  l'haliit  et  devint  archiviste  et 


1.  Cf.    Giesebrecht,    Geschichte    der  deulschen    Kaiseizeit,  t.    II,  3*=  éd., 
p.  u7i,  et  t.  III,  4"=  éd.,  p.  1063. 

2.  Hirsch,  Aiuatus  von  Monte  Cassino  und  seine   Geschichte  der  Xornian- 
nen  dans  Forschunrjen  zur  d.  Geschichte,  t.  VIII,  p.  20.5  et  suiv. 

.3.   Baist,  Ziir  Kritik  der  Norniannengeschichte  des  Arnalus  von  Monte  Cas- 
sino dans  Forschunrjen  zur  d.  Geschichte,  t.  XXIV,  p.  275   et  suiv. 
4.   Delarc,  éd.   d'Aimé,  p.  l  et  suiv. 
0.   Cf.  infra,  t.  I,  p.   260  et   suiv. 


PIERRE    DIACRE  XXXV 

bibliothécaire.  Vers  1101,  il  fut  créé  cardinal  d'Ostie  par 
Pascal  II  ;  il  mourut  après  1114  et  avant  1118.  Ami  et  familier 
de  Tabbé  Didier,  il  a  écrit  sa  Chronique  '  à  la  demande  de  celui-ci 
et  la  lui  a  dédiée.  L'ouvrag-e  a  été  commencé  après  1098.  On 
possède  le  manuscrit  original  chargé  d'additions  et  de  corrections; 
on  peut  distinguer  deux  rédactions  ;  la  première  s'étend  de  S29 
à  10o7  ;  la  seconde  fut  continuée  jusqu'à  1073  -.  Dans  cette  deu- 
xième rédaction,  l'auteur  a  utilisé  l'œuvre  d'Aimé  qu'il  n'avait  pas 
connue  précédemment  et  a  complètement  remanié  toute  la  partie 
de  son  ouvrage  relative   aux  débuts  de  la  conquête  normande  '•''. 

Nous  avons  dit  l'appoint  important  qu'Aimé  avait  fourni  à 
Léon  d'Ostie  ;  en  dehors  de  YYstoire  de  U  No/'manf,  l'auteur  a 
utilisé  d'anciennes  annales,  des  documents  d'archives  et  des 
renseignements  oraux.  Il  a  eu  notamment  sur  les  événements 
dont  la  Fouille  fut  le  théâtre  des  informations  tout  à  fait  indé- 
pendantes de  celles  d'Aimé.  Surtout  bien  informé,  des  faits  de 
l'histoire  locale,  l'ouvrage  de  Léon  d'Ostie  nous  fournit,  en  outre, 
d'importants  renseignements  sur  l'histoire  de  la  conquête  nor- 
mande. 

Parmi  les  ouvrages  de  Léon  d'Ostie  il  faut  encore  mentionner 
la  Xarratio  de  consccratione  ecclesiarmn  a  Desiderio  et  Oderisio 
in  Monte^Cassino  edificatariim  ^,  dont  l'auteur  a  inséré  une 
partie  dans  sa  Chronique. 

3°  Pierre  Diacre  •*.  —L'ouvrage  de  Léon  d'Ostie  a  été  continué 
depuis  le  chapitre  35  du  livre  III,  par  Pierre  Diacre  dont  le 
récit  s'étend  jusqu'à  1139.  L'auteur  a,  en  outre,  rejDris  certaines 
parties  du  récit  de  Léon  d'Ostie  ''.    Pierre    Diacre  appartenait  à 

1.  Éd.  Wattenbach,  dans  M.G.H.SS.,  t.  VII,  p.  :i74  et  suiv. 

2.  Cf.  Wattenbach,  Deutschlands  Geschichts(juellen,  t.  II,  6^  éd.,  p.  235 
et  suiv. 

3.  On  trouvera  dans  l'Introduction  de  Delarc  à  l'édition  de  YYstoire  de 
li  Normant,  p.  lxvi  et  suiv.,  l'indication  de  tous  les  passages  d'Aimé  qui 
ont  passé  dans  l'œuvre  de  Léon  d'Ostie. 

4.  Éd.  Muratori,  R.I.SS.,  t.  V,  p.  76  et  suiv.,  et  Migne,  P.L.,  t.  CLXXIII, 
p.  997  et  suiv. 

5.  Éd.  Wattenbach,  M.G.H.SS.,  t.  VII,  p.  727  et  suiv. 

6.  Piei-re  Diacre  a  utilisé  pour  cela  le  récit  d'Aimé,  cf.  Delarc,  éd.  de 
YYstoire  de  li  Normant,  p.   lxx. 


XXXVI  INTRODUCTION 

la  famille  des  comtes  de  Tusculum  ;  il  entra  au  Mont-Cassin, 
vers  1115,  et  devint  bibliothécaire  et  archiviste  de  labbaye.  Ami 
de  Tabbé  Renaud,  auquel  il  dédia  le  livre  IV  de  son  œuvre, 
Pierre  Diacre  joua  un  rôle  important  dans  les  événements  qui  se 
passèrent  lors  de  la  venue  de  Lothaire,  en  1137.  A  juste  titre, 
Pierre  Diacre  jouit  d'une  détestable  réputation  ;  il  a  profité  de 
sa  situation  pour  fabriquer  de  faux  diplômes  en  faveur  des  moines 
de  labbaye,  et  raconte  les  événements  dune  façon  fantaisiste  '. 
A  même  par  sa  situation  d  être  bien  informé,  Pierre  Diacre  a 
plus  d'une  fois  travesti  la  vérité.  Très  inférieur  à  Léon  d'Ostie, 
il  ne  mérite  souvent  qu'une  créance  médiocre  -. 

i°  Geoffroi  Malaterra,  Historia  sicula  •\  —  Geoffroi  Mala- 
terra  est  l'auteur  de  \  Historia  sicula,  qu'il  a  dédiée  à  Anchier, 
évêque  de  Catane.  Il  résulte  de  l'épître  dédicatoire  que  l'auteur 
était  étranger  à  l'Italie  ;  à  la  manière  dont  il  parle  des  Normands 
à  diverses  reprises,  on  peut  conclure  que  lui-même  était  origi- 
naire de  Normandie.  Après  être  demeuré  quelque  temps  en 
Pouille,  Geoll'roi  passa  en  Sicile  ;  il  explique,  en  effet,  que  si 
l'on  peut  relever  des  erreurs  dans  son  œuvre,  cela  tient. à  ce  qu'il 
est  un  Apulien  et  un  Sicilien  de  fraîche  date.  L'ouvrage  a  été 
écrit  à  la  demande  du  comte  Roger,  qui  a  prié  l'auteur  d'écrire  non 
pas  un  poème  mais  une  relation  claire  et  précise  de  la  conquête 
de  la  Sicile.  Toutefois,  certaines  parties  de  l'œuvre  sont  en  vers. 

Comme  sources,  l'auteur  a  surtout  utilisé  les  renseignements 
oraux  qui  lui  ont  été  communiqués  par  le  comte  de  Sicile  et  par 
ceux  des  Normands  qui  ont  pris  part  à  la  conquête  de  l'ile.  En 
outre,  il  a  vraisemblablement  eu  à  sa  disposition  quelques  sources 
écrites  où  étaient  racontées  les  aventures  des  premiers  conqué- 
rants ''.  Geoffroi  était  donc  à  même  d'être  très  bien  renseigné.  Mais 
ici  le  contrôle  est  difficile,  car,  pour  la  plupart  des  faits  qu'il 
raconte,  il  est  notre  source  unique  ;  sans  lui  nous  ne  posséderions 


i.  Cf.  Wattenbach,  Deutschlands  Geschichtsquellen,  t.  II,  p.   230. 

2.  Cî.Infra,  t.  II,  pp.  70-71. 

3.  Ed.  Muratori,  R.I.SS.,  t.  V,  p.  o47  et  suiv. 

4.  Cf.  Infra,  p.  xxxviii. 


1 


GEOFFROI    MALATERRA  XXXVII 

presque  aucun  détail  sur  les  guerres  soutenues  en  Sicile  par  les 
conquérants  normands. 

Geoffroi  a  voulu  écrire  une  biographie  du  comte  Roger  ;  c'est 
celui-ci  qui  est  le  héros  principal  autour  duquel  se  groupent  les 
événements.  L'ouvrage  débute  par  un  résumé  sommaire  de  l'his- 
toire de  Rollon,  puis  aussitôt  commence  celle  de  la  famille  de 
Hauteville,  Jusqu'à  la  date  de  1038,  l'œuvre  est  assez  confuse, 
très  sommaire  et  sans  aucune  indication  chronologique.  A  partir 
du  moment  où  Roger  est  en  Sicile,  il  n'est  plus  question  que  de 
lui  et  de  ses  exploits  ;  tout  l'ouvrage  lui  est  consacré,  sauf  une 
assez  longue  digression  relative  à  la  compagne  de  Robert  Guiscard 
en  Grèce.  L'œuvre  se  termine  à  l'année  1099. 

Le  principal  reproche  que  l'on  puisse  faire  à  Geoffroi  est  une 
tendance  marquée  au  panégyrique.  Le  comte  de  Sicile  et  les 
Normands  ont  toutes  les  vertus  ;  ils  sont  toujours  vainqueurs  et 
malgré  leur  petit  nombi^e  ils  mettent  en  déroute  d'innombrables 
armées  musulmanes  K  Malgré  ce  défaut  l'ouvrage  n'en  demeure 
pas  moins  une  source  de  premier  ordre.  Heinemann  a  montré 
que  Malaterra  commençait  l'année  au  1"  janvier  -. 

L'ouvrage  a  été  continué  jusqu'en  1265,  mais  cet  appendice 
est  très  sommaire  et  constitue  plutôt  des  annales  qu'une  chro- 
nique. 

3"  Anonymus  Vaticaxus.  — UAnonymi  Vaficani  historia  Siciila 
ou  Chronica  Roherti  Guiscardi  et  f rat  ru  m  ac  Rogerii  comitis 
Mileto  est  un  ouvrage  latin  racontant  l'histoire  des  conquêtes 
normandes  dans  l'Italie  méridionale  et  en  Sicile  jusqu'en  1091, 
et  rédigé  sous  le  règne  de  Roger  II  •^.  A  cette  rédaction  primitive 
on  a  ajouté  un  résumé  de  l'histoire  de  Sicile  jusqu'en  1282. 
L'Anon^-me  du  Vatican  a  été  publié  par  Caruso  et  Muratori  '*. 
En   1833,   Champollion-Figeac,    sous  le   titre   de   Chronique  de 


i.  Cf.  Infra,  t.  I,  p.  327  et  suiv. 

2.  Heinemann,  Geschichte  der  Normannen,  t.  I,  pp.  373-376. 

3.  Cf.  une  allusion  à  la  monarchie,  éd.  Muratori,  R.I.  SS.,  t.  VIII,  p.  754. 

4.  Caruso,   Bihliotheca  hist.    regni   Siciliae,  t.  Il  (1723i,  p.   827  et  suiv., 
Muratori,  R.I.SS.,  t.  VIII,  p.  745  et  suiv. 


XXXVHl  INTRODICTION 

Robert  Viscart  et  de  ses  frères,  en  a  publié,  en  appendice  '  à 
son  édition  d'Aimé,  une  traduction  française  de  la  fin  du  xiii""  siècle. 
Çhanipollion-Fig-eac  a  prétendu  établir  que  cet  ouvrage  était 
l'œuvre  d'Aimé  du  Mont-Cassin,  Wilmans  ~  a  combattu  cette 
opinion  que  nul  ne  songe  plus  à  défendre  et  a  voulu  montrer 
que  l'Anonyme  du  Vatican  n'avait  fait  qu'abréger  la  Chronique 
de  Geotfroi  Malaterra.  Delarc  a  adopté  les  conclusions  de  Wil- 
mans •^;  depuis  lors,  celles-ci  ont  été  combattues  par  Heskel  '♦.  Ce 
dernier  de  la  comparaison  du  texte  de  l'Anonyme  du  Vatican 
avec  Malaterra  conclut  que  le  texte  du  premier  est  indépendant 
de  celui  du  second.  D'après  lui  les  deux  auteurs  se  seraient 
inspirés  des  mêmes  sources  ;  de  là  viendraient  les  quelques 
ressemblances  que  l'on  peut  relever  entre  les  deux  ouvrages. 
L'Anonyme  et  Malaterra  auraient  eu  entre  les  mains  deux 
ouvrages  relatifs  aux  expéditions  des  Normands  en  Italie  ;  l'un 
aurait  contenu  le  récit  des  événements  depuis  l'apparition  des 
Normands  en  Italie  jusqu'à  la  mort  d'Onfroi  ;  l'autre  aurait  été 
plus  particulièrement  une  histoire  de  Robert  Guiscard  et  de 
Roger  et  se  serait  terminé  vers  1090  ou  1091  ^  La  thèse  de 
Heskel,  très  ingénieusement  établie,  me  paraît  fort  juste  et 
j'adopte  ses  conclusions.  Contrairement  à  l'opinion  de  Wilmans, 
l'Anonyme  du  Vatican  a  donc  une  certaine  valeur,  c'est  une 
source  utile  qui  complète  sur  quelques  points  les  renseignements 
de  Malaterra  ''. 

6°  Guillaume  de  Poujlle,     Gesta    Roherti   Wiscardi.  —   On 
doit  à  Guillaume  de  Fouille   un   poème  épique  en  cinq  livres  : 


1.  Champollion-Fig-oac,  L'I's/o/re  de  H  Xormant,  p.  263  et  siiiv.  ;  cf. 
Ibid.,  p.  i.xxii  et  suiv. 

2.  Wilmans,  ht  Anuitiis  von  Monte  dassino  der  Verfasser  der  Chronica 
Roberti  Biscardi?  dans  VArchiv.  de  Pertz,  l.  X,  p.  122  et  suiv.  Cette  oi)inion 
avait  déjà  été  émise  par  Wilken,  Reruni  ab  Alexio  I,  Joanne,  Manuels  et 
Alexio  II,  Conimenis  Geatariun  lib.  IV,  p.  xxvii. 

3.  Delarc,  Ystoire  de  II  Normant,  p.  xxxvii  et  suiv. 

4.  Heskel,  Die  Hisloria  Siciila  des  Anonynius  Vaticaniia  und  des  Gaufre- 
dus  Malaterra.  In.  diss.    Kiel,  1891),  in-8". 

D.  Loc.  cit.,  p.  80  et  suiv. 

6.  Cf.  Amari,  Storia  dei  Musiilniani,  t.  III,  p.  100,  note  2. 


GUILLALMF-:    DK    POllLLE  XXXIX 

Historicum  poema  epicum  de  rehus  Normannorum  in  Sicilia, 
Apulia  et  Calahria  gestis  \  ou  Gesta  Roberti  ^  iscardi,  écrit  à 
la  demande  d'Urbain  II,  et  dédié  au  duc  Roger.  L'ouvraj^e  n'a 
vraisemblablement  pas  été  commencé  avant  1090  ;  en  effet, 
l'auteur  parle  du  prince  Richard  de  Capoue  -,  qui  régna  de  1090 
à  1106;  d'autre  part,  comme  ailleurs,  il  est  fait  allusion  à  la 
prise  de  Jérusalem  l  15  juillet  1099)  •^,  l'œuvre  n'était  certainement 
pas  terminée  à  cette  date.  Elle  était  finie  avant  1111,  date  de 
la  mort  du  duc  Roger  à  qui  elle  est  dédiée. 

On  ne  sait  rien  de  la  personne  de  l'auteur  ;  il  semble  qu'il 
n'était  pas  Normand  car,  plusieurs  fois,  il  raille  l'avarice  des 
conquérants.  Peut-être  était-il  originaire  de  Giovenazzo,  dont,  à 
diverses  reprises,  il  fait  l'éloge  ''. 

L'ouvrage  est  divisé  en  cinq  chants  dont  le  dernier  se  termine 
à  la  mort  de  Guiscard  ;  l'auteur  raconte  toutefois  le  retour  de 
Roger  et  de  l'armée  en  Italie. 

Hirsch  a  montré  que,  dans  les  deux  premiers  livres  de  son 
poème,  Guillaume  avait,  pour  les  événements  des  années  1009- 
lOol,  utilisé  d'anciennes  Annales  de  Bari  qui  ont  également 
servi  à  Lupus  "'.  Pour  le  récit  de  la  bataille  de  Civitate,  il  aurait 
eu  également  entre  les  mains  une  source  aujourd'hui  perdue  ''. 
On  a  voulu  établir  que  Guillaume  avait  connu  et  utilisé  l'œuvre 
d'Aimé.  Les  rapprochements  que  l'on  a  établis  sont  loin  d'être 
convaincants,  et  je  me  range  à  lavis  de  Hirsch  et  de  Delarc  qui 
regardent  ces  deux  sources  comme  indépendantes  '.  Enfin  il 
semble  bien  que,  pour  le  récit  de  la  compagnie  de  Guiscard  en 


i.  Éd.  Wilmans,  dans  M.G.H.5S.,  t.  IX,  p.  241  et  suiv.  Cf.  la  Préface  de 
l'éditeur  et  hl.,  Ueher  die  Quellen  der  Gesta  Boherti  Wiscardi  des  Guiller- 
inus  Apuliensis  dans  VArchiv.  de  Peiiz,  t.  X,   p.  87  et  suiv. 

2.  G.  Ap.,  II,  V.  179,  dans  M.G.Il.SS.,  t.  IX,  p.  2ir,. 

3.  Cf.  La  préface  de  Wilmans,  M.G.Il.SS.,  t    IX,  p.  239. 

4.  Wilmans,  Préface,  loc.  cit. 

5.  Hirscli,  op.  cit.,  p.  29  et  suiv.;  Wilmans,  Ueher  die  Quellen,  p.  117. 

6.  Hirsch,  op.  cit.,  p.  37. 

7.  Champollion  Figeac,  éditeur  d'Aimé,  p.  i.xvi  et  suiv.  ;  Wilmans,  op.  cit  , 
p.  117  et  suiv.,  cf.  Hirsch,  Amatus  von  Mo'ile  Cassino  und  seine  Geschichte 
der  Nonnannen,  dans  Forschunc/en,  t.  VIII,  p.  222  et  suiv.  ;  Delarc,  éd. 
d^4/;?ié,  p.  Lix. 


XL  INTRODUCTION 

Grèce,  Guillaume  a  eu  entre  les  mains  l'œuvre  d'un  certain  Jean 
de  Bari,  qui  a  été  également  utilisée  par  Anne  Commène  '. 

Guillaume  est  surtout  bien  informée  des  événements  dont  la 
Fouille  a  été  le  théâtre  ;  il  ne  sait  pas  grand'chose  sur  les  événe- 
ments qui  se  sont  passés  dans  la  région  de  Capoue  ou  en  Sicile. 
Aussi,  de  tous  les  faits  qui  se  sont  déroulés  en  Sicile,  il  ne  donne 
quelques  détails  que  sur  le  siège  de  Palerme.  En  général  l'auteur 
est  très  bref  pour  tout  ce  qui  ne  touche  pas  la  Fouille.  C  est 
grâce  à  lui  que  nous  connaissons  avec  détail  non  seulement  la 
conquête  normande,  mais  aussi  la  manière  dont  Robert  Guiscard 
est  arrivé  à  imposer  son  autorité  et  à  réunir  en  un  seul  Etat  les 
diverses  petites  principautés  fondées  parles  Normands. 

L'œuvre  est  écrite  en  vers  élégants,  en  un  latin  correct  2. 
Quand  on  la  compare  aux  parties  en  vers  de  la  chronique  de 
Malaterra,  1  avantage  n'est  pas  à  ce  dernier  auteur. 

7°  Ghroxicon  Casauriense.  —  Cet  ouvrage  a  été  composé,  à  la 
fin  du  xii''  siècle,  sur  l'ordre  de  Léonard,  abbé  de  Saint-Clément 
de  Gasauria,  par  un  moine  Jean;  il  s'étend  de  866  à  1182'^ 
L'auteur  a  eu  à  sa  disposition  de  nombreux  diplômes  dont  il  a 
en  général  tiré  bon  parti.  Son  œuvre  est  très  importante,  car  elle 
constitue  l'une  des  rares  sources  que  nous  possédons  pour  l'his- 
toire de  la  conquête  de  la  région  des  Abruzzes.  Four  la  première 
période,  l'auteur  s'est  fait  l'écho  des  haines  qu'avaient  soulevées 
les  Normands  auxquels  il  est  nettement  hostile.  Dans  la  dernière 
partie,  il  y  a  encore  une  certaine  animosité  contre  les  seigneurs 
normands  qui  pillent  les  biens  du  monastère,  mais  l'auteur  est 
favorable  aux  souverains  normands  qui  s'efforcent  de  rétablir 
l'ordre.  De  nombreux  diplômes  ont   été   insérés  dans  l'ouvrage. 

8°  CiiKO.Mco.N  SANCTi  Bartholomeide  Carpineto '*  (962-1159).-  — 

1.  Wilmanns,  op.  cit.,  p    87  et  suiv. 

2.  Id.,  Préface,  loc.  cil. 

3.  Éd.  dans  Muratori,  R.I.S.S.,  t.  II,  2,  p.  775.  Cf.  Bindi,  S.  Clémente  a 
Casauria  e  il  nuo  codice  miniatn  esistente  nella  bihlioteca  Nazionale  di  Paugi 
(Naples,  188.")),  et  Capasso,  op.  cit.,  p.  74. 

4.  Éd.  Ughelli.  op.  cit.,  t.  X,  2,  p.  349.  Cf.  Capasso,  Un  nis  délia  cronica 
di  S  Ba'-fh()l(jni"o,  dans  f.e  fonti  délia  sforia,  etc.,  Append.  I,  p.  227  et  suiv. 


FALCON    DE    BÉ>'ÉVENT  XLI 

Cet  ouvrage  est  l'œuvre  d'un  moine,  Alexandre,  qui  écrivait 
vers  la  fin  du  xii"^  siècle  ;  il  a  été  publié  d'une  façon  incomplète 
par  Ughelli.  Comme  la  précédente,  cette  chronique  tire  sa  prin- 
cipale importance  des  renseignements  qu'elle  nous  fournit  sur  la 
région  des  Abruzzes.  Pour  la  période  qui  nous  occupe,  l'auteur 
paraît  avoir  eu  entre  les  mains  des  sources  écrites,  il  a  notam- 
ment copié  des  passages  entiers  de  Guillaume  de  Fouille  •. 
L'œuvre  n'est  détaillée  que  dans  la  dernière  partie.  L'auteur  a 
eu  entre  les  mains  de  nombreuses  pièces  d'archives  dont  sou- 
vent il  fait  une  sommaire  analyse.  Comme  tendance  générale, 
l'auteur,  contrairement  au  précédent,  est  nettement  favorable  aux 
conquérants  et  fait  léloge  d'Hugues  Maumouzet  que  le  Chroni- 
con  Casaiiriense  attaque  avec  àpreté. 

9°  Chronicon  Amalfitaxum  ~.  —  Weinreich  a  établi  que  l'on 
devait  dans  cet  ouvrage  distinguer  trois  parties.  La  première 
s'étend  de  747  à  974,  la  deuxième  jusqu'à  la  mort  de  Guiscard, 
la  troisième  est  formée  par  une  série  d'additions  relatives  à 
l'église  d'Amalfi  jusqu'à  1294  ■^.  Nous  n'avons  donc  à  nous  occu- 
per que  de  la  seconde  partie.  Hirsch  a  montré  que  l'auteur  du 
Chronicon  avait  utilisé  un  ouvrage,  connu  également  par 
Romuald  de  Salerne  *,  et  qui  perdu  aujourd'hui  avait  été  com- 
posé dans  les  premières  années  du  xii®  siècle  par  un  auteur  qui 
n'avait  pas  eu  de  sources  autres  que  la  tradition.  De  là  la  diffé- 
rence qui  existe  entre  la  partie  de  l'œuvre  relative  aux  événe- 
ments les  plus  anciens  et  celle  où  sont  rapportés  les  événements 
de  la  fin  du  xi<^  siècle. 

10°  Falcon  de  Bénévent.  —  Falcon  de  Bénévent  est  l'auteur 
d'une  des  chroniques  les  plus  importantes   pour  l'histoire    des 

1.  Chr.  sancti  Bartholomei  de  Carpineto,  p.  3.j8  ;  rauteur  parle  de 
Mélès  :  «  more  grœcorum  vestihus  indulum  »,  cf.  Guillaume  de  Fouille,  I, 
V.  13-14: 

«  II)i  queindain  consj)icientes 
More  virain  i/raico  i^estiliini,  noinine  Meluni.   » 

2.  Ed.  MuraLori,  Antiquilates  Italicœ,  t.  I,  p.  207  et  suiv. 

3.  Weinreich,  op.  cit.,  p.  76  et  suiv. 

4.  Hirsch,  op.  cit.,  p.  60  et  suiv. 


XLll  INTRODLCTION 

Normands  en  Italie  (Chronicon  de  rehus  aetate  sua  gestis  ^).  Il 
appartenait  probablement  à  une  famille  importante  de  Béné- 
vent.  On  trouve  en  effet  mentionné  un  P'alcon,  juge,  dans  divers 
documents  depuis  l'année  1021  "^.  Nous  ne  connaissons  que  d'une 
façon  très  imparfaite  la  biographie  de  l'auteur  de  la  chronique. 
Nous  savons  seulement  qu'il  était  notaire  et  scribe  du  sacré 
Palais  de  Bénévent  'K  En  cette  dernière  qualité,  il  devait  sans 
doute  être  l'un  des  subordonnés  du  comte  du  Palais,  dont  la 
charge  sidjsista  à  Bénévent  au  moins  jusqu'en  1137  '.  En  1133, 
Falcon  fut  nommé  juge  de  la  ville  par  le  cardinal  Gérard  et  vit 
sa  nomination  ratifiée  par  Innocent  II  ''.  Le  parti  qui  avait  porté 
Falcon  au  pouvoir  ne  tarda  pas  à  être  chassé  ;  Falcon  lui-même 
fut  exilé,  sans  doute  en  1 134  ;  il  ne  rentra  à  Bénévent  qu'en  1 1 37  *>. 
Sur  les  dernières  années  de  sa  vie,  notre  ignorance  est  com- 
plète. J'ai  relevé  aux  Archives  de  1  Orphelinat  de  Bénévent  la 
signature  d'un  Falcon,  juge  sur  un  acte  privé  de  1142^.  Il 
s'agit  très  probablement  de  notre  personnage.  Par  contre  il  me 
paraît  difficile  que  ce  soit  le  même  personnage  qui  souscrive 
avec  la  même  qualité  un  acte,  en  1 181  ^. 

Falcon  n'a  pas  rédigé  sa  chronique  au  jour  le  jour  ;  il  a  écrit 
à  une  époque  assez  tardive.  En  effet,  à  l'année  1130,  après  avoir 
dit  que  Roger  II  reçut  la  couronne  des  mains  du  prince  Robert 
de  Capoue,  il  fait  une  allusion  évidente  à  la  confiscation  de  la 
principauté  par  le  roi  de  Sicile  ^.  Il  semble  même  qu'une  partie 
de  l'ouvrage  a  été  rédigée  après  la  mort  de  Roger  II  '■'. 

\.  Les  principales  éditions  de  Falcon  sont  les  suivantes  :  Caruso,  Biblio- 
theca  hist.  regni  Sicilia:,  t.  I,  p.  302  et  suiv.  ;  Muratori,  R.I  SS. ,  t.  V,  p.  82  et 
suiv.  ;Del  Re,  op.  cit.,  t.  I,p.  161  et  suiv.;  Migne.  P.  L.,  t.  CLXXIII.p.  1149 
et  suiv.  Toutes  ces  éditions  dérivent  dune  copie  faite  au  xvi'^  siècle  sur  un 
ancien  manuscrit.  Cf.,  à  ce  sujet,  Capasso,  Le  fonti,  etc.,  p.  "1,  note  1. 

2.  Archives  de  TOrfanotroûo  de  Bénévent,  registre,  n"  28,  1°  il,  r°. 

3.  Falco  Benev.,  ad.  an.    1133,  p.  218. 

4.  /(/.,  p.  231. 

5.  /(/.,  p.  218. 

6.  «  Ita  prediclus  Falro  index,  et  Falco  aJjljatifi  FaIconii<  et  Saductus,  etc., 
qui  per  triennuni  exules  fueraniiis  »  Id.,  p.  231.  Cf.  Id.,  p.  227. 

7.  Archives  de  TOrfanotrofio  de  Bénévent,  registre  n°  13,  f°  7.  Cf.  Bor- 
gia,  ^l/emorte  istoriche  délia  ponlificià  ciltà  di  Beiievento,  t.  II,  p.  100. 

8.  Archives  de  rOrfanotrofio  de  Bénévent,  registre,  n°  13,  f°  30. 

9.  f(  Princeps...  coronani  in  capite  eiiis  posuit,  cui  non  diç/nani  rctrihu- 
tioneni  impendit  »,  Falco,  p.  202. 

10.   Falcon  parle   de  Roger  II  «  execrandae  menioriae  »,  p.  223,  ceci  a  été 
certainement  écrit  après  la  mort  de  Roger  II  (H54). 


FALCON    DK    BENEVENT  XLllI 

L'intérêt  éminent  que  présente  cette  œuvre  provient  de  ce 
qu'elle  est  la  seule  parmi  toutes  celles  que  nous  possédons,  qui 
ait  été  écrite  par  un  adversaire  des  Normands  K  Tandis  que  la 
plupart  des  autres  chroniqueurs  célèbrent  à  l'envi  les  qualités 
de  leurs  héros,  Falcon  nous  donne  l'opinion  des  Lombards  sur 
les  conquérants  normands.  Il  est  l'écho  du  sentiment  national 
de  ses  compatriotes.  Nettement  hostile  aux  Normands  qu'il 
déteste  -,  il  nous  montre,  pour  ainsi  dire,  l'envers  de  la  conquête. 
Pour  lui,  Rog-er  II  est  un  abominable  tyran  •^,  ses  sympathies 
vont  seulement  à  Rainolf  parce  que  ce  dernier  s'est  allié  aux 
Lombards  de  Bénévent  pour  tenter  de  repousser  le  roi  de  Sicile. 

Dans  son  ouvrage,  Falcon  a  adopté  la  forme  annalistique, 
bien  qu'il  n'ait  pas  inscrit  les  événements  au  jour  le  jour.  Sa 
chronique,  dans  l'état  où  elle  nous  est  parvenue,  commence  en 
1102,  et  finit  en  1 139  ;  elle  ne  nous  a  point  été  conservée  intacte; 
elle  s'ouvre,  en  elfet,  au  milieu  du  récit  d'une  émeute  des  gens 
de  Bénévent  soulevés  contre  leur  archevêque  et  se  termine  sur  le 
récit  inachevé  du  siège  deNaples.  Jusqu'à  l'année  1 1  12,  la  chro- 
nique est  très  brève  ;  il  semble  que  Falcon  se  soit  contenté  de 
reproduire  des  annales  antérieures.  C'est  à  partir  de  1112  que 
l'œuvre  présente  un  caractère  original. 

Falcon  a  surtout  raconté  l'histoire  de  sa  ville  natale,  pendant 
près  de  quarante  ans  ;  mais  comme  il  se  trouve  que,  pendant 
cette  période,  Bénévent  a  joué  un  rôle  politique  important  dans 
les  événements  dont  l'Italie  méridionale  était  le  théâtre,  l'auteur 
a  été  amené  à  parler  d'un  grand  nombre  de  faits  intéressant 
plus  l'histoire  générale  que  l'histoire  locale.  Toutefois  ce  sont 
les  faits  locaux  qui  intéressent  le  plus  le  rédacteur  de  la  chro- 
nique qui  se  montre  très  fier  de  sa  ville  natale  ^.  Non  seulement 
il  nous  fait  assister  aux  luttes  politiques  ardentes  qui  divisent 
la  population  de  Bénévent,  nous  donnant  ainsi  un  curieux 
tableau  de  la  vie  municipale  au  début  du  xn''  siècle,  mais  encore 


1.  Capasso,  op.  cit.,  p.  71,  a  signalé  ce  caractèi'o  particulier. 

2.  Falco   Benev.,   pp.   219,  221,  222,    223,   224,   225.  «  Melius  est  mori  in 
hello  quitin  indere  mala  gentis  nostrae  »,  p.  226. 

3.  /(/.,  pp.  219,  223. 

4.  hl.,  p.  234. 


LIV  liNTRODUCTlON 

il  inscrit  soigneusement  tous  les  petits  faits  ne  présentant  qu'un 
intérêt  purement  local.  La  mort  des  notables  de  la  ville,  laïcs  ou 
ecclésiastiques,  les  nominations,  les  parentés,  la  découverte  de 
reliques,  les  procès  entre  communautés  religieuses,  les  miracles, 
les  sécheresses,  les  inondations,  les  cérémonies  publiques,  tout 
cela  est  raconté  avec  détails,  on  sent  que  l'auteur  parle  de  per- 
sonnes ou  de  choses  qui  l'intéressent  au  moins  autant  que  les 
grands  faits  politiques  ' . 

Quelque  intérêt  que  présente  à  ce  point  de  vue  particulier  la 
chronique  de  Falcon,  ce  n'est  point  là  ce  qui  en  fait  pour  nous 
un  document  d'importance  capitale.  Mais,  à  côté  de  ces  faits 
locaux,  l'auteur  a  été  amené  à  parler  des  grands  événements 
politiques  qui  se  sont  déroulés  autour  de  lui.  A  ce  point  de  vue, 
la  valeur  de  sa  chronique  est  très  variable.  Jusqu'en  1112,  Falcon 
a  utilisé  des  annales  de  Bénévent  ;  cette  première  partie  de  sa 
chronique  est  très  brève.  A  partir  de  1113,  Falcon  -  est  admira- 
blement renseigné  sur  tous  les  faits  qui  se  sont  produits  dans  le 
voisinage  de  Bénévent  ;  le  plus  souvent  il  a  été  témoin  oculaire 
et  nous  fournit  un  grand  nombre  de  détails  du  plus  haut  inté- 
rêt. Quand  il  n'a  pas  connu  directement  les  faits,  Falcon  a 
apporté  à  se  renseigner  un  très  grand  soin.  Par  ses  fonctions  il 
a  été  à  même  de  connaître  beaucoup  de  choses  ;  il  a  eu  entre 
les  mains  des  documents  d'archives  qu'il  a  utilisés,  les  reprodui- 
sant soit  en  partie,  soit  dans  leur  teneur  intégrale  -K  II  s'est  ingé- 
nié à  se  procurer  des  renseignements  de  témoins  oculaires,  et 
s'est  adressé,  semble-t-il,  à  des  gens  de  tous  les  partis  ^.  Pour 
tout  ce  qui  concerne  la  politique  pontificale,  Falcon  est  très  bien 
informé,  même  quand  il  s'agit  de  faits  qui  se  sont  passés  au 
loin.  Vraisemblablement  il  a  dû  puiser  ses  informations  auprès 
des  personnages  de  la  cour  pontificale  avec  lesquels  il  a  été  en 
rapport.  De  même,  il  semble  qu'il  se  soit  enquis  de  certains  faits 
auprès  de  personnes  entourant  Roger  II  '.   D'une  manière  géné- 

1.  Falco  Benev.,  pp.  180,  181,  184. 

2.  Cf.  Hiisch,  op.  cit.,  p.  9. 

3.  Falco  Benev.,  pp.  235,  237,  249. 

4.  Ici.,  pp.  164,  195,220,  223. 

5.  Id.,  p.  213  (I  Rêvera  sicut  ex  ore  narrantiuni,  qui  interfuerunt,  audivi- 
mus  ». 


FALCON    DE    BENEVENT  XLV 

raie,  on  peut  dire  que  pour  tout  ce  qui  concerne  Rome,  Capoue, 
Salerne,  Falcon,  est  très  bien  renseigné. 

En  ce  qui  concerne  la  Fouille,  son  information  est  en  général 
beaucoup  plus  concise,  sauf  pour  la  campagne  de  Roger  II,  en 
1139,  dont  il  donne  un  récit  très  détaillé.  Toutefois,  malgré  sa 
brièveté,  Falcon  est  en  général  très  exact  pour  tous  les  événe- 
ments de  Fouille.  Far  contre,  sur  la  Calabre  et  la  Sicile  il  ne  sait 
presque  rien. 

A  côté  des  choses  qu'il  a  ignorées,  Falcon  s'est  tu  volontaire- 
ment sur  un  grand  nombre  de  faits.  Il  est  très  difficile,  sinon 
impossible,  de  voir  quel  a  été  son  rôle  dans  les  affaires  inté- 
rieures de  Bénévent.  On  aperçoit  bien  que  Falcon  appartient  au 
parti  hostile  aux  Normands,  parti  qui  cherche  à  s'appuyer  sur 
Innocent  II,  mais  il  est  impossible  de  connaître  exactement  les 
faits.  Ainsi  Falcon  raconte  qu'il  revient  d'exil  au  bout  de  trois 
ans,  mais  ne  dit  pas  dans  quelles  conditions  et  à  la  suite  de 
quels  événements  il  a  dû  quitter  la  ville.  De  même  il  se  tait  sur 
les  motifs  qui  ont  décidé  les  gens  de  Bénévent  à  abandonner  le 
parti  de  l'empereur  pour  revenir  à  celui  de  Roger  II.  Ce  silence 
est  certainement  volontaire,  l'auteur  a  dû  se  taire  non  par  crainte 
des  Normands,  les  qualificatifs  sévères  qu'il  prodigue  à  Roger  II 
l'indiquent  suffisamment,  mais  plutôt  par  crainte  des  haines 
locales. 

Au  point  de  vue  littéraire,  l'œuvre  de  Falcon  présente  une 
réelle  valeur.  L'auteur  sait  faire  vivre  les  personnages  qu'il  met 
en  scène  •  ;  il  abuse  sans  doute  des  discours  qu'il  invente  de 
toutes  pièces,  mais  certaines  scènes  sont  fort  animées  et  pleines 
de  vie  '.  Il  excelle  à  décrire  les  processions  solennelles  ou  les 
grandes  cérémonies  religieuses  •^.  Sa  description  de  l'entrée  de 
Calixte  II  à  Bénévent  est  fort  réussie  ^.  Il  a  un  talent  réel  pour 
faire  vivre  et  agir  toute  une  foule  '  et  sait  en  deux  mots  donner 


i.  Falco  Benev.,  pp.  171,  198. 

2.  W.,pp.  170,  178. 

3.  Id.,  pp.  178,  189. 

4.  Id.,  p.  181. 

b.  /J.,pp.  192,210,  226,  334. 


XL  VI  INTRODUCTION 

k  la  scène  qu'il  décrit  son  caractère  particulier.  On  peut  lui 
reprocher  d'interpeller  trop  fréquemment  et  en  ternies  peu 
variés  son  lecteur  ',  mais  c'est  là  un  faible  défaut  à  côté  des 
excellentes  paires  que  contient  son  œu\re. 

Il  faut  noter  que  Falcon  de  Bénévent  a  un  mode  particulier 
de  compter  les  Kalendes.  Chez  lui  le  premier  jour  des  Kalendes 
est  non  le  premier  jour  du  mois,  mais  le  dernier  du  mois  précé- 
dent •'. 

11°  Chkonica  Ferrariensis.  —  Il  convient  de  rapprocher  de 
l'œuvre  de  Falcon  de  Bénévent  l'ouvrage  suivant  écrit  probable- 
ment au  début  du  xiii'"  siècle  :  Ignoti  momichi  cisfercicnsis  Sanc- 
tae  Mariac  de  Ferraria  chronica  -K  Cette  chronique  s'étend  de 
681  k  1228.  Jusqu'aux  événements  de  la  fin  du  xr  siècle,  l'ouvrage 
ne  fournit  que  des  renseignements  sans  grande  valeur.  11  n'en 
est  pas  de  même  pour  la  période  suivante.  L'éditeur  avait  déjà 
aperçu  les  rapprochements  qui  doivent  être  établis  entre  cette 
œuvre  et  celle  de  Falcon  pour  les  années  1 103-1 140  K  Depuis  lors, 
K.  Kehr  a  montré  que  l'auteur  de  la  Chronique  de  Ferrare  avait 
utilisé,  pour  les  années  1099-1 103  et  1 1  iO-1 1 49,  une  rédaction  de  la 
Chronique  de  Falcon  plus  complète  que  celle  que  nous  possé- 
dons •'.  Pour  les  années  11  i0-ili9,  la  Chronique  de  Ferrare  est 
donc  une  source  très  importante,  elle  nous  fournit  des  renseigne- 
ments nombreux  sur  les  rapports  de  Roger  II  avec  la  papauté. 
Pour  la  dernière  partie  du  xi''  siècle,  le  rédacteur  de  la  Chronique 


1.  FalcoBenev.,  pp.  172,179,  181,  189,etc.Ona  voulu  tirerdocertainesex- 
pressions  (v.  g.  :  «  sivestraeplacuerit  charitati  »,  p.  176i  qui  reviennent  assez 
fréquemment  chez  Falcon  la  conclusion  qu'il  était  clerc.  On  ne  peut  rien 
affirmer  à  cet  égard  cf.  del  Re,  op.  cit.,  t.  1,   j).  159. 

2.  Cf.  Weinreich,  op.  cit.,  p.  91. 

3.  Éd.  Gaudenzi,  Ignoti  monachi  Cisterciensis  S.  Mariae  de  Ferraria  chro- 
nica et  Biccardi  de  Sancto  Germano  chronica  priora,  dans  les  Monumenta, 
hist.,  édités  par  la  Società  napoletana  di  Storia  palria,  Série  I,  Chronache 
(Naples,  1888;,  in-f°. 

4.  Op.  cit.,  p.  4  et  lo  note. 

"i.  K.  Kehr,  op.  cit.,  dans  Neues  Archiv.,  l.  XXVIl,  p.  i'.ï.i  et  suiv.  Il  a 
appuyé  sa  démonstration  sur  certaines  parlicularilés  du  style  de  P'alcon, 
notamment  sur  l'expression  très  fréquente  «  Quid  niulta  »,  que  l'on  retrouve 
également  dans  la  Chronique  de  Ferrare. 


ALEXANUKE    DE    TELESE  XL VII 

de  Ferrure  a  eu  entre  les  mains  des  sources  beaucoup  moins 
bonnes.  Il  semble  qu'il  a  connu  la  Chronique  de  liomuald  et 
de  Salerne,  mais  il  y  a  ajouté  des  renseignements  puisés  à 
des  sources  mauvaises.  Pour  ce  qui  regarde  la  Sicile  il  est  assez 
mal  informé,  c'est  ainsi  qu'il  fait  d'Etienne  du  Perche  un 
espag"nol.  Il  paraît  ])ien  que  le  plus  souvent  l'auteur  s'est  borné  à 
recueillir  la  tradition  populaire  '. 

12°  Cromcon  Sancti  Stefam.  —  Le  Chronieum  reruni  memo- 
rabilium  monasterii  S.  Stephani  proiomarti/ris  ad  riviun  maris 
scriptuni  a  Rolando  niondcho  qui  vivebat  A,  D.  1185,  ne  fournit 
guère  que  des  renseignements  relatifs  à  l'histoire  locale.  Son 
authenticité  a  été  combattue  par  Schipa,  avec  raison  semble-t-il  ; 
toutefois  depuis  lors,  M.  P.  Kehr  a  indiqué  qu'il  y  avait  une 
certaine  correspondance  entre  les  renseig'nements  donnés  par  le 
Chronicon  et  ceux  que  nous  fournissent  les  actes  -. 

13"  Alexandre  de  Telese.  —  On  doit  à  Alexandre,  abbé  du 
monastère  de  San  Salvatore,  près  de  Telese,  le  De  rehus  yestis 
Bof/erii  Siciliae  régis.  L'ouvrag-e  n'est  pas  terminé  et  s'arrête 
brusquement  en  1130 '^  Gomme,  en  114i,  on  trouve,  comme  abbé 
de  Telese,  un  certain  Etienne,  qui  était  prieur  au  temps 
d'Alexandre  ',  on  en  a  conclu  que  ce  dernier  n'avait  point  ter- 
miné son  œuvre  et  que  la  mort  l'avait  interrompu  dans  sa  tâche. 
Il  me  semble  difficile  d'admettre  cette  opinion.  En  effet,  l'œuvre 
d'Alexandre  est  accompagnée  d'une  longue  épître  dédicatoire 
adressée  à  Roger  II  '.  Celle-ci  paraît  tout  à  fait  indépendante  de 


1.  Cf.  Chr.  F('i\,  ]).  21»,  ce  que  l'auteur  raconte  sui'  Maion,  sur  la  perte  de 
l'Afrique.  Les  détails  fournis  sur  le  supplice  du  prince  de  Capoue,  sur 
l'émeute  populaire  qui  délivre  Guillaume  I"'",  ne  se  retrouvent  ni  dans 
Romualdde  Salerne,  ni  dans  Falcand. 

2.  La  cronica  di  S.  Htofano  ad  riinun  maris,  éd.  Saraceni  i^Chieti,  1876), 
in-4°.  Cf.  Schipa,  Archivlo  siorico  napulef.,  t.  X,  p.  y>'.i't  et  suiv.  ;  et  P.  Kehr, 
Otia  diplomalica,  dans  Xachrichten  derkôn.  Geselhchuft  der  Wissenschaf- 
ten  zu  Gottinfjen  (1903),  p.  287. 

3.  Sur  les  manuscrits  et  les  éditions  d'Alexandre  de  ïelese  cf.  Capasso, 
Lp  fonli,  etc.,  p.  71 . 

4.  Cf.  del  Re,  op.  cil.,  t.  1,  p.  84. 

5.  Al.  Tel.,  éd.  del  Re,  pp.  83-87. 


XLVIII  INTRODUCTION 

l'ouvrage  et  n'a  été  vraisemblablement  écrite  qu'une  fois  la  chro- 
nique terminée.  L'œuvre  ne  devait  pas  s'étendre  beaucoup  après 
1140,  car  dans  l'épître  on  peut  relever  certaines  allusions  'aux 
conquêtes  faites  en  11 40  par  les  fds  de  Roger  II.  L'auteur  recom- 
mande au  roi  de  limiter  son  ambition  et  lui  cite  l'exemple  du 
basileus  de  Gonstantinople  qui  a  su  renoncer  k  faire  valoir  ses 
droits  sur  certaines  provinces  K  II  me  semble  qu'il  faut  voir,  dans 
l'avis  ainsi  donné,  un  conseil  de  l'auteur  qui  ne  voudrait  pas  que 
le  roi  étendît  ses  Etats  malgré  le  pape. 

Nous  ne  savons  rien  sur  la  personne  de  l'auteur;  il  était  très 
probablement  étranger  à  l'Italie  du  sud,  car  il  montre  peu  de 
bienveillance  envers  les  Lombards  ~.  L'abbé  de  Telese  a  écrit  à 
la  demande  de  Mathilde,  sœur  de  Roger  II  et  femme  du  comte 
Rainolf  -^  ;  il  possédait  une  certaine  culture  littéraire  :  dans  sa  pré- 
face il  fait  allusion  à  une  légende  relative  à  Virgile  ^  ;  il  abuse  des 
citations  bibliques  et  des  rapprochements  avec  les  livres  saints. 

Bien  que  dans  le  préambule  de  son  ouvrage  Alexandre  dise 
qu'il  va  raconter  l'histoire  de  Roger  II  depuis  son  enfance,  il  n'a 
en  réalité  rapporté  les  événements  que  depuis  la  mort  du  duc 
Guillaume.  Il  ne  dit,  en  effet,  absolument  rien  de  la  régence  de  la 
comtesse  Adélaïde  et  se  borne  à  raconter  quelques  anecdotes 
destinées  à  prouver  que  dès  sa  plus  tendre  enfance  Roger  II  s'est 
révélé  comme  un  être  exceptionnel.  L'auteur  ne  nous  dit  rien 
des  sources  qu'il  a  utilisées,  mais  il  paraît  admirablement  ren- 
seigné autant  que  nous  pouvons  en  juger  en  comparant  son  œuvre 
avec  celle  de  Falcon  de  Bénévent.  C'est  grâce  à  lui  que  nous 
pouvons  connaître  avec  détails  les  événements  dont  l'Italie  méri_ 
dionale  a  été  le  théâtre  de  1127  à  1136.  Alexandre  de  Telese 
nous  a  surtout  raconté  les  guerres  soutenues  par  Roger  11  contre 

1.  Al.  Tel.,  p.  86. 

2.  «   Viffens  Longohardorum  nequitia  »,  Id.,  p.  88. 

3.  Id.,  p.  .88. 

4.  Alexandre  de  Telese  ne  connaît  la  vie  de  Virgile  que  par  une  légende 
populaire  qui  en  fait  le  gouverneur  de  Naples,  cf.  Comparetti,  Virgilio  nel 
medio  evo,  2«  éd.  (Florence,  1896),  2  vol.  in-8°,  t.  II,  p.  36  et  suiv.;  cf.,  p.  58, 
le  récit  légendaire  de  Gervais  de  Tilbury  sur  la  découverte  des  ossements 
de  Virgile  à  Xaples,  récit  confirmé,  semble-t-il,  par  un  passage  de  Jean  de 
Salisbury,  Polycraticus,  2,  23. 


ROMUALD  DE   SALERNE  XLIX 

ses  vassaux  rebelles.  Il  est  curieux  de  constater  que  l'auteur  ne 
dit  pas  un  mot  des  i-apports  de  Roger  avec  Tanti-pape  AnacletlI. 
De  même  tout  ce  qu'il  raconte  à  propos  de  la  fondation  de  la 
monarchie  est  tendancieux  ;  ce  n'est  certes  pas  sans  raison  qu'il 
présente  l'élection  de  Roger  comme  s'étant  faite  sans  l'intervention 
de  l'Eg-lise  romaine.  l\  me  paraît  évident  que  l'auteur  a  voulu 
être  agréable  au  roi  et  montrer  que,  dès  son  origine,  la  monarchie 
sicilienne  n'avait  pas  dépendu  du  pape. 

Ces  réserves  faites  sur  les  tendances  de  l'auteur,  on  peut  dire 
que  son  œuvre  constitue  l'une  des  deux  sources  principales  pour 
l'histoire  des  premières  années  de  la  monarchie  normande. 

14°  RoMUALD  DE  Salerxe.  —  Romuald  II,  archevêque  de 
Salerne  (1153-1181),  est  l'un  des  historiens  les  plus  importants  de 
l'époque  normande.  L'auteur  appartenait  à  une  famille  de  Salerne, 
qu'il  faut  peut-être  rattacher  à  une  famille  de  comtes  lombards 
mentionnée  depuis  la  fin  du  x^  siècle  K  Le  père  de  l'archevêque 
était  Pierre  Guarna  -  ;  nous  connaissons  encore  ses  frères,  Robert, 
archidiacre  de  Salerne  •^,  Philippe  Guarna,  seigneur  du  château 
de  San  Magno  [castellum  sancti  Magni)  ^,  Luc  Guarna,  qui 
est  mentionné  comme  justicier  de  1182  à  1189  -^ ,  Jean  Guarna, 
juge  de  Salerne  '',  Jacques  Guarna,  seigneur  de  Gastellione  ^ .  De 


1.  Je  ne  formule  ici  qu'une  hypothèse  que  j'appuie  sur  ce  fait  que  tous 
les  prénoms  de  cette  famille,  Romuald,  Alt'an,  Pierre  (Cod.  Car.,  I,  209,  II, 
30b,  346,  336,  358,  339,  360,  395,  413,  426,  432,  440;  III,  513;  IV,  359,  565, 
566,  570,  372,  583,  588,  393,  395,  598,  600-604,  610-615,  622,  6.30,  631,  635, 
639,  662,  676,  692,  705;  V,  727,  728j,  se  retrouvent  dans  la  famille  Guarna. 
Paesano,  op.  cit.,  t.  II,  137,  dit  que  Romuald  est  neveu  du  comte  Romuald 
mais  ne  cite  aucun  texte  à  l'appui  de  son  dire. 

2.  Necrol.  Salernitanum  dans  Forschunçjen,  t.  XVIII,  p.  475,  cf.  Catal. 
baronum,  p.  585.  Sur  la  famille  Guarna,  cf.  la  préface  d'Arndt,  M.G.H.SS., 
t.  XIX,  p.  387. 

3.  Ughelli,  op.  cit.,  t.  VII,  p.  401;  cf.  Paesano,  op.  cit.,  t.  II,  p.  222; 
Necrol.  Salem.,  toc.  cit.,  Catal.  baronum,  p.  583,  où  il  faut  corriger 
«  archiepiscopi  »  en  «  archidiaconi  ». 

4.  Ughelli,  op.  cit.,  t.  VII,  p.  403. 

5.  Archives  de  la  Gava,  J.  32(1182),  et  del  Giudice,  Codice  diplomatico 
del  regno  di  Carlo  I e  II  dAngio  (Naples,  1863),  in-4°,  Appendice,  p.  liii- 
Lvi;  Cf.  Catal.  baronum,  p.  583. 

6.  Ughelli,  op.  cit.,  t.  VII,  p.  401. 

7.  Catal.  baronum,  p.  383,  et  Necrol.  Salem.,  loc.  cit.  Dans  ce  dernier 
texte  Jacques  est  seigneur  de  Castellamare  [dominus  castelli  maris). 

Histoire  de  la  domination  normande.  —  Chalandon.  4* 


L  INTRODLCriON 

la  même  famille  nous  connaissons  encore  Simon,  fils  de  Luc 
Guarna  '  et  Alfan  ~.  D'après  Pierre  de  Blois,  il  y  aurait  eu  une 
parenté  entre  la  famille  Guarna  et  la  famille  royale  '^ 

Au  mois  de  décembre  1143,  on  trouve  la  souscription  de 
Romuald  [Ronioaldus  clericiis  qui  diciiur  Guarna)  sur  un  diplôme 
des  archives  de  la  Gava  ^.  En  1 153,  Romuald  fut  élu  archevêque 
de  Salerne.  il  succédait  à  l'archevêque  Guillaume  •'.  Pendant  son 
pontificat,  Romuald  lit  construire  l'ég'lise  San  Cataldo  et  com- 
pléta lornementation  de  sa  cathédrale  ''.  L'archevêque  de  Salerne 
avait  étudié  la  médecine  ;  nous  savons  qu'il  soigna  Guillaume  I" 
et  Pierre  de  Blois  ".  Sous  les  règnes  de  Guillaume  I*"'"  et  de  Guil- 
laume 11,  Romuald  joua  un  rôle  politique  important;  il  fut  l'un 
des  négociateurs  du  traité  de  Bénévent  et  prit  une  part  active 
aux  intrigues  de  la  cour  de  Palerme.  11  joua  un  rôle  dans  la  cons- 
piration organisée  contre  Maion  et  contribua  par  son  intervention 
à  délivrer  Guillaume  P'"  prisonnier.  II  fut  chargé-  par  celui-ci 
d'aller  en  Pouille  pour  pacifier  les  esprits.  Ce  fut  lui  qui  cou- 
ronna Guillaume  II.  Sous  le  règne  du  nouveau  roi,  il  eut  à  la  cour 
une  situation  considérable  et  fut  l'un  des  négociateurs  de  la  paix 
de  Venise.  En  1179,  Romuald  assista  au  concile  de  Latran  ^;  il 
mourut  le  P""  avril  1181  '^.  On  peut  caractériser  l'attitude  politique 
de  Romuald  en  disant  qu'il  fut,  avec  Mathieu  d'AjelIo  l'un  des 
chefs  du  parti  national,  et  chercha  à  expulser  de  la  cour  de 
Palerme  les  étrangers. 

L'archevêque  de  Salerne  a  composé  divers  ouvrages,  notam- 


1.  Xecrol.  Salernit.,  lue.  cit. 

2.  Ug-helli,  op.  cit.,  t.  VII,  p.  401. 

3.  Pierre  de  Blois,  Epist.,  10,  dans  Migne,  P.L.,  t.   CCVII. 

4.  Archives  de  la  Cava,  G.  42. 

5.  Cf.  Paesano,  op.  cit.,  t.  II,  p.  135. 

6.  Ughelli,  op.  cit.,  t.  VII,  p.  401  ;  cf.  Bertaux,  L'art  dans  l'Italie  méri- 
dionale (Paris,  1903),  in-4o,  p.  304. 

7.  Falcand,  p.  122;  Romuald  de  Salerne,  dans  M.G.H.SS.,t.  XIX,  p.  435; 
Pierre  de  Blois,  Epist.,  90,  Migne,  P.L.,  t.  CCVII,  p.  281. 

8.  Mansi,  Conciliorum  Aniplissima  Collectio,  t.  XXII  (Venise,  1778), 
p.  460.  Romuald  fut  en  rapports  fréquents  avec  Alexandre  III,  cf.  M.G.H.SS., 
XIX,  p.  434.  453,  455  et  Jafîe-Lôwenfeld,  14091,  14092,  14093. 

9.  Necrol.  Casin.,  dans  Gattola,  Accessiones,  t.  II,  p.  853. 


ROMUALD    DE    SALERNË  Lt 

ment  des  livres  de  liturj;ie  ',  mais  son  œuvre  principale  est  son 
Chronicon  sivc  Annales,  qui  s'étend  depuis  la  création  du  monde 
jusqu'en  1178'.  Du  début  à  839,  l'ouvrage  est  uns  chronique 
universelle  pour  laquelle  l'auteur  a  utilisé  principalement  Bède, 
saint  Jérôme,  Isidore,  Orose,  Paul  Diacre,  Einhard,  le  Chronicon 
Salernitaniini  -K  A  partir  de  839,  Romuald  a  adopté  la  forme  an- 
nalistique  et  a  utilisé  un  certain  nombre  de  sources  perdues  (cata- 
logue des  princes  de   Salerne,  catalogue  des  papes,  catalogues 
byzantins)  et  les  Annales  de  Bénévent,  le  Chronicon  sancti  Bene- 
dicti,    ainsi   qu'une   source  utilisée   également    par   l'auteur   du 
Chronicon  Vulturnense'\  Pour  le  xi'' siècle,  Romuald  a  utilisé  les 
anciennes  annales  du  Mont-Gassin,  Léon  d'Ostie  et  une  chronique 
écrite  dans  la  région  de  Salerne,  au  début  du  xii"  siècle,  et  racon- 
tant la  conquête  normande  ^.  Enfin,  à  partir  de  1081,  Romuald  a 
beaucoup  emprunté  à   la   source  aujourd'hui  perdue   dont   s'est 
servi  également  Lupus  Protospatarius  ^.  L'ouvrage  de  Romuald  a 
été  interpolé  à  diverses  reprises.  iVrndt  distingue  deux  interpola- 
teurs   dont  l'un  s'est  servi,  jusqu'en    1131,  de  la   chronique  de 
Lupus  Protospatarius  ;  la  ssconde  série  d'interpolations  ne  com- 
mence qu'après  cette  date  ". 

Pour  toute  la  période  dont  il  a  été  contemporain,  Romuald 
était  à  même  par  sa  situation  d'être  très  bien  renseigné.  Aussi 
son  œuvre  est-elle  une  des  sources  les  plus  importantes  pour 
l'histoire  de  la  monarchie  normande.  Seulement  en  se  servant  de 
la  chronique  de  Romuald,  on  ne  doit  point  oublier  que  l'auteur  a 


1.  Parmi  les  ouvrages  de  Romuald,  on  peut  citer,  en  dehors  de  plusieurs 
Vies  de  saints  :  Le  Bvpviarum  salernitane  ecclrsie  ;  un  Opusculuni  de 
annunciatione  heate  Marie  virginis;  un  Semestria  seu  i^crupularii  x^el  cere- 
moniale  pro  recitatione  horarum  dlvinarum  et  pro  p"culiarihiis  fanclionihus 
ecclesie  Salernitane,  cf.  Arndt,  loc.  cit. 

2.  Ed.  Arndt  dans  les  M.G.H.SS.,  t.  XIX,  p.  3'.)»  et  suiv.  ;  sur  les 
manuscrits,  cf.  la  préface  de  Arndt,   ibid. 

3.  Cf.  la  préface  de  Arndt,  op.  cit.,  p.  392,  et  Capasso,  op.  cit.,  p.  73. 

4.  Cf.  Hirsch,  op.  cit.,  p.  61-63. 

5.  Id.,  p.  64  et  suiv.  La  chronique  salernitaine  dont  s'est  servi  Romuald, 
a  été  également  utilisée  par  le  rédacteur  du  Chronicon  Anialfitanum,  cf. 
Weinreich,  op.  cit.,  p.  76. 

6.  Hirsch,  op.  cit.,  p.  41  et  suiv. 

7.  Arndt,  op.  cit.,  p.  395. 


LIT  INTRODUCTION 

pris  une  part  active  aux  intrigues  de  cour  qu'il  raconte,  et  que  par 
suite  il  est  loin  d'être  impartial.  Au  contraire  de  Falcand  qui  se 
répanden  déclamations  haineuses  contre  ses  adversaires  politiques 
et  accumule  contre  eux  les  pires  accusations,  Romuald  sait  tou- 
jours garder,  même  vis-à-vis  de  ses  ennemis,  une  juste  mesure  ;  il 
se  contente,  quand  certains  faits  le  gênent,  de  les  passer  sous 
silence.  On  peut  lui  reprocher  d'avoir  aJDusé  de  ce  moyen  facile 
d'éviter  les  sujets  qui  l'embarrassaient.  La  critique  de  Romuald 
est  difficile  à  faire,  car  pour  contrôler  ses  dires  nous  n'avons  que 
la  Chronique  de  Falcand,  qui  est  lui  même  bien  loin  d'être  impar- 
tial. Unis  un  moment  par  les  mêmes  haines  politiques,  les  deux 
auteurs  se  sont  trouvés  bien  vite  séparés.  En  appréciant  les  ren- 
seignements qu'ils  nous  fournissent,  on  ne  peut  que  constater  que 
chacun  d'eux  est  l'écho  d'un  parti,  et  qu'il  n'y  a  aucune  raison 
d'ajouter  à  l'un  plus  de  créance  qu'à  l'autre  ^  Chez  tous  deux 
le  fonds  des  renseignements  est  exact,  mais  le  détail  et  l'appré- 
ciation des  faits  particuliers  sont  empreints  de  la  plus  évidente 
partialité.  Ces  restrictions  s  imposent  surtout  en  ce  qui  concerne 
les  intrigues  de  la  cour  de  Palerme;  au  contraire,  pour  tout  ce 
qui  regarde  les  questions  de  politique  extérieure,  dans  lesquelles 
les  rivalités  de  personnes  ont  joué  un  moindre  rôle,  Romuald 
mérite  toute  créance.  Son  récit  des  négociations  qui  ont  précédé 
le  traité  de  Venise  est  particulièrement  précieux  et  l'on  ne  peut 
guère  reprocher  à  lauteur  que  la  vanité  un  peu  puérile  qui  le 
porte  à  exagérer  l'importance  de  son  rôle  particulier  aux  dépens 
de  celui  de  1  autre  plénipotentiaire  de  la  cour  normande. 

13°  Hugues  Falcand.  —  Hugues  Falcand  est  l'auteur  de  deux 
œuvres  de  dimensions  très  inégales.  L'une,  le  Liber  de  regno 
Sicilie,  est  une  chronique  racontant  l'histoire  de  Sicile  de  1134 
à  1169;  l'autre,  V Epistola  ad  Petrum  Panormitane  ecclesie  the- 
saurarium  de  calamitate  Sicilie,  est  une  simple  lettre,  précieuse 
par  les   allusions  faites  aux    événements  qui    suivirent  la  mort 


1.  C'est  Terreur  où  est  tombé  Ilillger  dans  sa  dissertation,  Das  Verhàl- 
tniss  des  Iliir/o  Falcanrhis  zu  Romuald  von  Salerno  (Halle,    1878),  in-S". 


HUGUES    FALCAND  LUI 

de  Guillaume  II  et  par  les  renseignements  variés  fournis  sur 
la  Sicile  K 

Tout  ce  qui  touche  à  Falcaud  est  m^^stérieux  ;  son  nom  même 
est  douteux,  et  celui  de  son  correspondant  n'est  pas  très  sûr. 
On  a  beaucoup  écrit  pour  tenter  de  dissiper  les  ténèbres  qui 
entourent  la  personnalité  de  notre  auteur  ;  de  toutes  ces  discus- 
sions il  est  sorti  peu  de  lumière,  et  il  semble  bien  que  tant  que 
l'on  n'aura  pas  trouvé  de  nouveaux  documents,  on  ne  pourra 
faire  au  sujet  de  la  personne  de  Falcand  que  des  hypothèses  2. 

Tout  d'abord  le  nom  de  Falcand  ne  se  trouve  dans  aucun  des 
manuscrits  que  l'on  possède  ;  on  est  amené  à  supposer  qu'il  se 
trouvait  dans  le    manuscrit    que  le  premier  éditeur  a  eu  en  sa 


1.  Actuellement  la  meilleure  édition  est  celle  de  Siragusa,  La  historia  o 
Liber  de  reç/no  Sicilie  e  la  epislola  ad  Petruin  Panormitane  ecclesie  thesau- 
rariuin  di  Ugo  Falcando  dans  Fonti  per  la  storia  d'Italia  publicale  daW 
istituto  siorico  ilalift no,  Scv'iltori,  sec.  XII  (Rome,  1897).  La  lettre  est  sans 
doute  adressée  à  V.  -o  ^dulsus,  trésorier  de  l'église  de  Palerme,  men- 
tionné en  1167,  et  l'ondaieur  de  l'église  San  Martino,  Garofalo,  op.  cit., 
p.  25;  Lello  del  Giudice,  Descrizione,  etc.,  p.  25,  cf.  Siragusa,  op.  cit., 
p.  X  et  suiv.  Il  faut  noter  que  le  nom  du  destinataire  ne  figure  dans  aucun 
des  manuscrits  que  l'on  possède  actuellement.  Il  figure  dans  l'édition  de 
Gervais  de  Tournay  et  par  suite  devait  se  trouver  dans  le  ms.  que  celui-ci 
a  eu  entre  les  mains.  Vatasso,  dans  VArchivio  Muratoriano,  1'"'=  année 
fascicule  2,  annonce  qu'il  a  reti-ouvé  le  ms.  de  San  Nicolo  dell'Arena 
et  qu'il  prépare  une  nouvelle  édition  ;  il  mentionne  p.  65  un  article  de 
Siragusa  :  La  historia  o  Liber  de  régna  Sicilie...  di  Hugo  Falcando  lezione 
del  codice  di  San  Nicolo  delVArena  di  Catania,  ora  vaticano  lat.,  10690.  Je 
n'ai  pu  me  procurer  cet  article. 

2.  Sur  la  personne  de  Falcand  cf.  :  Bréquigny,  Mémoire  sur  Etienne, 
chancelier  de  Sicile  en  I I6S,  dans  Mémoires  de  l'Académie  des  Inscriptions, 
t.  XLI  (1780),  p.  622  et  suiv.  ;  Histoire  littéraire  de  la  France,  t.  XV, 
p.  275;  Hartwig,  Re  Guglielmo  le  il  suo  grande  ammiraglio  Maione  di  Bari, 
dans  Arc/iiuio  stor.  napolet.,  t.  VII,  p.  411  et  suiv.;  Hillger,  Das  Verhâltniss 
des  Hugo  Falcand  us  zu  Roniuald  von  Salerno;  La  Lumia,  La  Sicilia  sotto 
Guglielmo  il  huono  (Palerme,  1882;»,  p.  226;  Tœche,  Kaiser  Henri  VI, 
p.  129;  Schrôter,  Ueber  die  Ileimath  des  Hugo  Falcandus,  Gôttingen, 
In.  diss.  (Eisleben,  1880);  Siragusa,  Il  regno  di  Guglielmo  I  in  Sicilia 
(Palerme,  1885),  t.  I,  p.  155  et  suiv.;  Id.,  éd.  de  La  historia  o  Liber,  etc., 
p.  VIII  ;  Id.,  La  versione  italiana  délia  historia  di  Ugo  Falcando  di  Filoteo 
Oniodei,  dans  Archiv.  st.  sicil.,  t.  XXIII,  N.S.,p.  465  et  suiv.  Cf.  Castorina, 
Arch.  st.  sicil.,  t.  III  (1878),  Balzani,  Le  cronache  italiane  nel  medio  evo 
(Milan,  1884),  p.  212  et  suiv.  ;  Neues  Archiv.,  t.  VIII,  p.  381  et  del  Re, 
op.  cil.,  t.  I,  p.  275. 


LIV  INTKODLCTION 

possession  '.  On  a  voulu  identifier  l'auteur  avec  un  chanoine  de 
la  chapelle  Palatine  de  Palerme,  Falcus  ~.  On  ne  voit  guère 
comment  Falcus  aurait  pu  se  transformer  en  Falcandus  ^. 
D'autres  critiques  ont  cru  que  Falcand  ne  faisait  qu'un  avec 
Hugues  Foucault,  abbé  de  Saint-Denis,  qui  aurait  accompagné 
Etienne  du  Perche  en  Sicile  %  et  aurait,  d'après  une  lettre  de  Pierre 
de  Blois,  composé  un  récit  des  événements  auxquels  il  avait 
été  mêlé  pendant  son  séjour  à  la  cour  de  Palerme  ^.  Combattue 
déjà  par  Bréquigny  ^\  reprise  par  Hillger  ~,  cette  identification  a 
de  nouveau  été  repoussée  par  Schrôter  ^'  qui  montre  qu'il  est 
fort  possible  que  la  lettre  de  Pierre  de  Blois  ait  été  adressée  non 
à  Hugues  Foucault,  mais  à  son  successeur  Hugues  de  Milan  9. 
Il  semble  donc,  par  suite,  que  l'on  puisse  dire  que  Hugues 
Falcand  ne  peut  être  identifié  avec  l'abbé  de  Saint-Denis. 

Les  œuvres  de  Falcand  ne  permettent  pas  davantage  de  devi- 
ner quelle  était  sa  patrie.  Sans  doute  certains  termes  dont  se  sert 
l'auteur  pour  parler  de  la  Sicile  semblent  indiquer  qu'il  n'est  pas 
Sicilien.   Mais  les  conclusions  ainsi  tirées  sont  en  partie  ruinées 


1.  La  première  édition  est  Tœuvrede  Gervais  de  Tournay,  Hisloria  Hiigo- 
nis  Falcancli-  siculi  de  /-p/jus  gestis  in  Slcilin  regnn  iain  primum  typis 
excusa  studio... "Malhael  Longofjuei  Suessonium  pnntifxcis...  IIuc  accr-ssit  in 
libruiyi  prefalio...  per  Gervasium  Tornacapiiin  Suesininnenseni  (Paris, 
1550),  in-4°.  Cf.  Siragusa,  La  historia,  etc.,  p.  viii  et  xxxxviii,  et  Schrôter, 
op.  cit.,  p.  2G-29. 

2.  Hartwig,  loc.  cit.  Falcus  souscrit  un  acte  de  1167,  Garofalo,  Tahula- 
rium,  etc.,^p.  25. 

3.  Cf.  Siragusa,  La  historia,  etc.,  p.  ix. 

4.  Cf.  L'a?-t  de  vérifier  les  dates,  t.  III,  p.  815;  Gallia  Chrisfiana,  t.  Vil, 
p.  382;  Histoire  littéraire  de  la  France,  t.  XV,  p.  275;  Hillger,  op.  cit., 
p.  7  et  suiv. 

5.  Pierre  de  Blois,  Epist.,  116  :  u  Rorjo  quatenus  fractatuin,  quem  de  statu 
aut  potius  de  casu  vestro  in  Sicilia  descripsistis,  coinmunicetis  jnihi.  etc.  » 

6.  Bréquigny,  op.  cit.,  dans  Mémoires  de  VAcadéinie,  etc.,  t.  XLI, 
p.  631  ;  cf.  Gibl)on,  The  history  of  the  décline  and  Ih-  fnll  of  fhe  roman 
empire,  éd.  Bury,   t.  VI,  p.  219,  note  1. 

7.  Hillger,  op.  cit.,  p.  7. 

8.  Schrôter,  op.  cit.,  p.  48  et  suiv.  Un  argument  en  faveur  de  sa  thèse  peut 
se  tirer  d'une  lettre  de  Pierre  de  Blois,  Epist.,  46,  où  il  dit  que  lui-même  et 
Roger  de  Normandie  sont  seuls  survivants  parmi  'les  Français  qui  ont 
accompagné  Etienne  du  Perche,  cf.  La  Lumia,  op.  c/7.,'p.  227. 

9.  Cf.  Schrôter,  op.  cit.,  p.  55. 


HUGUES    FALCA.ND  LV 

si  Ton  remarque  que  Falcand  se  sert  pour  parler  de  Constance, 
fille  de  Roger  II,  de  termes  analog-ues  '.  Ici  encore  nous  ne  pou- 
vons rien  savoir,  et  toutes  les  opinions  émises  ne  sont  que  des 
hypothèses.  Toutefois  si  Ton  fait  abstraction  de  ces  termes,  il 
reste  encore  certains  passages  qui  paraissent  indiquer  que  la 
Sicile  n'était  pas  la  patrie  de  l'auteur  :  ainsi  Falcand  parle  de  la 
Sicile  «  que  me  gratissinio  sino  susceptuni  bénigne  fovif,  pro- 
movity  et  extiiUt  -  ».  Ailleurs  parlant  des  fruits  récoltés  dans 
l'île  il  ajoute  :  «  Communes  autem  fructusef  qui  pêne  nos  haben- 
tur  his  adjunr/ere  super fluum  existimavi  ^  ».  De  même,  en  divers 
endroits,  il  est  question  des  Siciliens  en  termes  qui  paraissent 
indiquer  un  étranger  :  on  relève  les  expressions  njuxfa  consuetu- 
clineni  Siculorum  ''  »  «  Siculi  Casalia  vocant  •'  »  ou  a  ab  incholis 
nuncupantur ''  ».  Tout  cela  paraît  bien  indiquer  que  l'auteur 
est  étranger  à  la  Sicile. 

On  ne  saurait  admettre  que  Falcand  ait  été  Français,  il 
appelle  les  Français  ou  les  Espagnols  ah^uus  en  Sicile  «  Tran- 
salpini  »  ou  Transnionlani  »,  ce  qui  semble  bien  indiquer  qu'il 
est  né  en  deçà  des  Alpes  '' .  Il  est  difficile  de  préciser  davan- 
tage ;  toutefois  les  termes  dont  se  sert  Falcand  en  parlant  des 
habitants  de  la  Fouille  tendent  à  faire  croire  qu'il  n'était  pas  ori- 
ginaire de  cette  province^;  par  contre  il  est  assez  bienveillant 
envers  les  Calabrais.  On  ne  saurait  toutefois  affirmer  qu'il  soit 
né  en  Calabre.  Tout  ce  que  l'on  peut  dire,  c'est  que,  étranger 
à  la   Sicile,   Falcand   a  résidé  pendant   longtemps  k  la   cour  de 


1.  Falcand,  p.  170,  appelle  la  Sicile  «  niitrix  »  et  se  dit  «  alumnus  », 
or,  p.  174,  il  emploie  également  le  mot  x  nutrix  »  en  parlant  des  rapports  de 
Constance  avec  la  Sicile,  cf.  Schrôter,   op.  cit.,  p.  31. 

2.  Falcand,  p.  170. 

3.  Id.,  p.  186. 

4.  Id.,  p.  10. 

5.  Id.,  p.  112. 

6.  Id.,  p.  186,  cf.  Siragusa,  //  regno,  etc.,  p.  156.  On  a  invoqué  en 
faveur  de  la  nationalité  sicilienne  le  mot  (c  noi^fri  >>,  Falcand,  op.  cit.,  p.  57. 
Dans  ce  passage  le  mot  «  nostri  »  a  un  sens  plus  général  et  oppose  seule- 
ment les  chrétiens  aux  Musulmans. 

7.  Falcand,   pp.  6,  24,  93,  9S,  120,  153. 

8.  /(/.,  p.  14. 


LVI  INTRODUCTION 

Palerme    et    qu'il    est   demeuré    dans    l'île    au    moins   jusqu'en 
1169  1. 

Quand  ont  été  composés  les  deux  ouvrages  de  Falcand  ?  Pen- 
dant longtemps,  on  a  regardé  la  lettre  au  trésorier  Pierre  comme 
se  rattachant  étroitement  à  la  Chronique  -.  11  semble  que  ces 
deux  œuvres  ne  doivent  pas  être  rapprochées  et  soient  indépen- 
dantes l'une  de  l'autre.  La  lettre  au  trésorier  Pierre  a  été  écrite 
après  la  mort  de  Guillaume  II  '^.  Amari  a  montré  le  caractère 
politique  de  cet  ouvrage,  destiné,  semble-t-il,  moins  à  celui 
auquel  il  est  adressé  qu'à  l'archevêque  de  Palerme,  Gautier  '*. 
L'auteur  aurait  voulu  détacher  ce  dernier  du  parti  allemand  et 
l'amener  à  mettre  son  influence  au  service  du  parti  national. 
Toutefois  le  stjle  de  la  lettre  permet  d'affirmer  qu'elle  est 
l'oeuvre  du  même  auteur  que  la  Chronique  ^.  Au  moment  où  il 
écrivait  au  trésorier  Pierre,  Falcand  n'était  pas  en  Sicile,  comme 
le  montre  l'expression  «  in  cisfarinis  partihus  'J  »  appliquée  à 
l'Italie  continentale.  A  quelle  date  peut-on  placer  la  rédaction 
de  cette  œuvre  ?  L'auteur  ne  fait  pas  allusion  à  l'élection  de 
Tancrède,  mais,  sous  forme  de  prédiction,  il  parle  des  faits  qui 
ont  eu  lieu  au  printemps  1190  '.  Comme,  d'autre  part,  il  parle 
du  printemps  qui  vient  de  succéder  à  l'hiver,  sa  lettre  doit  être 
datée  de  la  fin  du  printemps  1190  s,  elle  est  sans  doute  posté- 
rieure de  très  peu  à  la  campagne  des  Allemands  dans  l'Italie 
méridionale  (mai  1190). 

1.  Falcand,  pp.  4  et  ITo.  Il  était  en  Sicile  lors  du  Iremblement  de  terre 
du  4  février  1169. 

2.  Cf.  Schrôter,  op.  cit.,  p.  5  et  suiv.  ;  del  Re,  op.  cil.,  t.  1,  p.  393. 
Siragusa,  La  historia,  etc.,   p.  xiii  et  suiv. 

3.  Falcand,  p.  169. 

4.  Amari,  Storia  dei  Miisulmani,  t.  111,  p.  544. 

5.  Cf.  Harhvig,  op.  cil.,  pp.  414-41o. 

6.  Falcand,  p.  171. 

7.  Itl.,  loc.  cil. 

8.  1(1.,  p.  169;  cf.  Amari,  loc.  cit.;  Siragusa,  La  historia,  etc.,  p.  169, 
note  3;  Del  Ro,  loc.  cit.,  place  la  rédaction  de  la  lettre  à  la  fin  de  1189  ou 
au  début  de  1190;  Schrôter,  op.  cit.,  p.  12,  la  place  vers  la  même  époque. 
Il  semble  bien  que  l'allusion  au  printemps  rende  impossible  l'opinion  des 
deux  derniers  auteurs.  L'hypothèse  d'Amari  explique  d'une  façon  satisfai- 
sante les  objections  que  l'on  pourrait  tirer  du  fait  que  l'auteur  pai-aît  igno- 
rer l'élect'on  de  Tancrède. 


HUGUES     FALCAXD  LVII 

La  date  de  la  composition  du  Liber  de  rcgno  Sicilie  est  plus 
incertaine.  Quelques  passages  permettent  d'établir  que  Falcand 
n'a  pas  rédigé  son  ouvrag'e  au  jour  le  jour.  C'est  ainsi  qu'il  parle 
du  logothète  Nicolas  «  qui  tune  in  Calahrie  partihus  iussu 
curie  morahatur  »,  et  ailleurs  du  cardinal,  Jean  de  Naples, 
«  qui  forte  tune  aderat  '  ».  Il  semble  bien,  en  outre,  que  Falcand 
n'ait  écrit  qu'assez  longtemps  après  les  événements,  car  les 
termes  dont  il  se  sert  en  parlant  du  pape  Alexandre  III  montrent 
que  sa  chronique  n'a  été  rédigée  qu'après  1181,  date  de  la  mort 
du  pape  '-. 

Le  Liber  de  regno  Sicilie,  k  proprement  parler,  est  moins  une 
histoire  générale  du  royaume  de  Sicile,  de  lloi  au  début  de  1169, 
qu'une  histoire  détaillée  de  la  cour  de  Palerme  pendant  cette 
période.  Sans  doute  les  principaux  événements  y  sont  rapportés, 
mais  ce  sont  les  intrigues  des  divers  partis  de  la  cour  qui 
forment  l'objet  propre  du  livre.  Les  grands  faits  politiques  sont 
exposés  le  plus  souvent  très  brièvement,  tandis  que  l'histoire 
de  la  cour  est  racontée  avec  un  grand  luxe  de  détails.  Ainsi  en 
exposant  l'histoire  du  règne  de  Guillaume  P'",  l'auteur  ne  parle 
que  sommairement  de  la  révolte  des  vassaux  du  roi,  de  l'inter- 
vention des  Byzantins  dans  les  atfaires  de  l'Italie  méridionale, 
mais  s'étend  longuement  sur  le  grand  émir  Maion  et  sur  toutes 
les  intrigues  auxquelles  il  a  été  mêlé.  Après  l'assassinat  du 
ministre  de  Guillaume  l",  ce  sont  surtout  les  événements  de 
Palerme  qui  retiennent  son  attention,  tandis  que  le  récit  de  la 
campagne  du  roi  contre  les  rebelles  n'occupe  que  quelques 
pages.  Il  en  est  de  même  dans  la  partie  de  l'ouvrage  consacrée 
au  règne  de  Guillaume  II  où  l'auteur,  alors  qu'il  est  presque 
muet  sur  toutes  les  graves  questions  touchant  la  politique  étran- 
gère, s'étend  avec  complaisance  sur  toutes  lés  intrigues  de  la 
cour. 

Le  plus  souvent  Falcand  raconte  des  événements  auxquels  il  a 
été  mêlé  ou  a  assisté  comme  témoin   oculaire.  Il  faut  d'ailleurs 

1.  Falcand,  pp.  37  et  9").  Sur  les  autres  preuves  de  ce  fait,  cf.  Schroter, 
up.  cit.,  p.  1")  et  suiv. 

2.  «  Asserebanl...  Mutliciiin...  Alexandro  pape  qui  tune  romani'  preside- 
bat  ecclesie,  niultain  pecuniam  detulisse  »,  Falcand,  p.  28. 


LVIIl  INTRODUCTION 

noter  que  jamais  Tauteur  ne  dit  un  mot  du  rôle  qu'il  a  pu  jouer. 
A  ses  souvenirs  personnels  Falcand  a  ajouté  des  renseig-nements 
puisés  auprès  de  divers  personnag-es  mêlés  aux  événements  racon- 
tés K  Enfin,   Falcand  a  eu  entre  les   mains  quelques  documents 
d'archives;  il  semble  avoir  eu  connaissance  de  certaines  lettres 
royales  ~  et  a  inséré,  en  outre,  un  mandement  du  roi  adressé  au 
stratège  et  aux  juges  de  la  ville  de  Messine  -K  II  est  difficile  de 
distinguer  ce  qui,  dans  le  récit  de  Falcand,  est  emprunté  aux  sou- 
venirs personnels   de  l'auteur  et  ce    qui  est  dû  aux  renseigne- 
ments qui  lui  ont  été  fournis.  Pourtant  à  étudier  de  près  le  texte 
de  la  chronique,  on  peut  faire  diverses  remarques  intéressantes 
à  ce  sujet.    Tout  ce   que  Falcand  raconte  sur  le  premier  voyage 
de    Guillaume    F""  en    Italie,    sur    l'état    de    la   Fouille,    sur  la 
révolte  du   comte    de    Loritello   est   tellement    sommaire,   qu'il 
me  paraît    fort  probable  que  l'auteur  na    point   été    mêlé   aux 
événements  qu'il   rapporte  '*.    Par  contre,    les  chapitres    IV-VI 
relatifs  à  Maion  et  aux  commencements  de  la  conspiration  for- 
mée contre  le  ministre  de  Guillaume   F"",   sont  tellement  détail- 
lés qu'il   semble  bien  qu'il   faille  admettre   que    Falcand  utilise 
ici  ses  souvenirs  personnels  '.   Pour  tout  l'ouvrage  on  peut  faire 
une  remarque  analogue.   Tous    les   événements  qui   se    passent 
loin  de  la  Sicile  sont  racontés  très  brièvement,  tandis  que  tous 
ceux  qui  se  passent  à   Païenne  sont  exposés  dans  le  plus  grand 
détail  ^.  II  semble  que  l'on  puisse  de  là  tirer  la  conclusion  que, 
pour  les  premiers,  Falcand  a  été  plus  ou  moins  bien  renseigné 
par  diverses  personnes  qui   y  ont  été  mêlées,  tandis  que,  pour 
les  seconds,  il  a  surtout  utilisé  ses  souvenirs  personnels.  L'abon- 
dance de  détails  que  l'on   peut  relever  dans  le  récit  du  siège  de 
Taberna   par   Guillaume  F''  me   portent    à    croire    que    l'auteur 
accompagnait  le  roi  dans  cette    expédition;  il   me  paraît   égale- 


1.  «  Quae  part'un  ipsevidi,  partim  euruin  qui  iiiterfiierant  veraci  relatione 
cognovi  »,  Falcand,  p.  4. 

2.  W./p.  15. 

3.  Id.,  p.ll48. 

4.  Id.,  p.  10  et  suiv. 

5.  7c?.,  p.  14  et  suiv. 

6.  Id.,  p.  76. 


HUGUES     FAUGAND  LIX 

ment  fort  probable  que,  dans  la  même  campagne,  Falcand  était 
avec  le  roi  quand  celui-ci  vint  à  Salerne  '.  Par  contre,  il  me 
paraît  certain  que  l'auteur  n'a  pas  accompagné  l'armée  royale 
pendant  l'expédition  de  Fouille  qui  a  suivi  le  siège  de  Taberna 
et  précédé  la  venue  du  roi  à  Salerne  '-.  On  doit  également, 
semble-t-il,  admettre  que  Falcand  se  trouvait  avec  Guillaume  II 
k  Messine  et  a  assisté  en  personne  aux  événements  qu'il 
raconte  ^.  Les  détails  minutieux,  qu'il  fournit  sur  l'émeute  qui 
éclata  à  Messine,  me  feraient  croire  que  Falcand  est  demeuré 
dans  cette  ville  après  le  départ  de  la  cour  pour  Palerme  et  a  été 
témoin  oculaire  des  faits  qu'il  raconte. 

L'ouvrage  de  Falcand,  au  moins  dans  certaines  de  ses  par- 
ties, est  excessivement  partial.  A  son  avènement,  Guillaume  F'" 
donna  la  chars^e  de  o-rand  émir  à  Miion  de  Bari  et  confia  à  ce 
dernier  tout  le  soin  du  gouvernement.  Le  choix  du  roi  mécon- 
tenta fort  la  noblesse  et  le  clergé  qui  se  voyaient  tenus  à  l'écart 
des  affaires.  Contre  le  tout  puissant  ministre,  une  vaste  conspi- 
ration se  forma  et  bientôt  Maion  tombait  sous  les  coups  de  ses 
adversaires.  Falcand  appartient  au  parti  des  ennemis  du  grand 
émir,  et  a  cherché  à  présenter  tous  les  événements  sous  le  jour 
le  plus  défavorable  au  ministre  de  Guillaume  F^  Le  plus  sou- 
vent nous  ne  pouvons  contrôler  son  récit  que  par  la  chronique 
de  Romuald  de  Salerne,  qui  lui  aussi  à  joué  un  rôle  assez  louche 
dans  tous  ces  événements  ;  la  critique  de  Falcand  est  donc  très 
difficile.  Toutefois,  poar  quelques  faits,  nous  sommes  mieux 
informés  et  nous  pouvons  saisir  les  procédés  dont  se  sert  Fal- 
cand. x\insi,  il  raconte  que  Miion  était  de  très  basse  extraction 
et  que  son  père  était  marchand  d'huile,  or,  nous  savons  par 
divers  documents  que  le  père  du  ministre  de  Guillaume  F''  était 
juge  à  Bari.  Ailleurs,  Falcand  raconte  que  la  flotte  envoyée  au 
.  secours  de  Tripoli  ne  combattit  pas  et  que  son  commandant, 
créature  de  Maion,  aurait  trahi  ;  nous  savons  au  contraire  parles 
historiens  arabes  que  la   flotte    normande  engagea  le  combat  et 


1.  Falcand,  p.  80  et  suiv. 

2.  Id.,  p.  77-78. 

3.  Id.,  p.  129  et  suiv. 


LX  IMUODUCTION 

fut  mise  en  fuite  par  la  flotte  musulmane.  Ces  exemples  suf- 
fisent pour  montrer  la  tendance  de  Falcand  à  porter  contre  le 
grand  émir  des  accusations  plus  ou  moins  justifiées.  Falcand 
s'est,  en  outre,  fait  Técho  de  toutes  les  calomnies  contre  Maion 
répandues  dans  le  public  par  le  parti  de  l'aristocratie  ;  sa  chro- 
nique pour  tout  ce  qui  touche  le  ministre  de  Guillaume  P''  est  un 
véritable  pamphlet.  Par  contre,  l'auteur  est  admirablement 
informé  pour  tout  ce  qui  concerne  la  conspiration  et  nous  four- 
nit à  cet  égard  de  précieux  détails.  Il  faut  noter  que  Falcand  est 
nettement  hostile  au  parti  du  clergé  comme  le  montrent  cer- 
tains portraits  peu  flattés  qu'il  a  tracés  des  évêques  de  Sicile  K 
Dans  le  récit  des  événements  qui  suivirent  la  mort  de  Maion, 
Falcand  se  montre  beaucoup  plus  impartial  ;  il  est  curieux  de 
remarquer  qu'il  se  détache  de  son  parti;  en  voyant  l'anarchie 
qui  règne  dans  le  gouvernement  après  la  disparition  de  Guil- 
laume l",  il  avoue  que  ce  dernier  est  regretté  par  beaucoup  de 
ses  sujets. 

En  ce  qui  concerne  la  régence  de  la  reine  Marguerite,  Falcand 
nous  fournit  de  précieux  détails,  il  expose  avec  impartialité  les 
intrigues  des  divers  partis  qui  se  disputent  le  pouvoir.  Il 
témoigne  d'une  grande  bienveillance  envers  le  chancelier 
Etienne  du  Perche  ~.  Par  contre,  il  déteste  cordialement  le  parti 
des  eunuques  -^  et  ne  cache  pas  son  animosité  envers  certains 
Français  qui  ont  accompagné  le  chancelier.  Les  termes  violents 
qu'il  emjdoie  contre  l'un  de  ceux-ci  ^,  Eudes  Quarrel,  chanoine 
de  Chartres,  tendraient  à  faire  croire  à  l'existence  d'une  animo- 
sité personnelle  contre  ce  dernier. 

Ces  réserves  faites,  la  Chronique  de  Falcand  n'en  demeure 
pas  moins  l'une  des  œuvres  historiques  les  plus  remarquables 
du  moyen  âge,   on  ne  saurait  toutefois  s'en  servir  cju'en  tenant 


1.   Falcand,  pp.  91,  94,  9o. 
■2.   I(].,  p.  114. 

3.  Ici.,  pp.  27,  93,  97,  115-117.  Ce  parti  des  fonctionnaires  du  palais 
avait  soutenu  Maion,  et  Falcand  témoigne  une  «rande  malveillance  aux 
anciens  amis  du  grand  émir.  Cf.  notamment,  p.  101,  la  fausse  accusation 
qu'il  porte  contre  Matliieu  d'Ajello. 

4.  Itl.,  pp.  112,  120,  147,  1")0;  cf.  également,  pp.  144-145. 


PIERRE    D  EROLl  LXI 

compte  des  haines  violentes  dont  l'auteur  s'est  fait  l'écho.  La 
critique  s'est  en  g-énéral  montré  très  bienveillante  envers  l'au- 
teur du  Liber  de  regno  Sicilie.  On  l'a  tour  à  tour  rapproché  de 
Tacite,  de  Tite-Live,  de  Thucydide,  de  Polybe,  d'Ammien  Mar- 
celin et  de  Procope  K  Quelques  pages  de  Falcand  justifient  dans 
une  certaine  mesure  ces  comparaisons  flatteuses.  Il  est  difficile 
de  tracer  d'un  hypocrite  ambitieux  ou  d'un  avare  des  portraits 
plus  réussis  que  ceux  de  Gentil,  évêque  de  Girgenti,  et  de  Tar- 
chevêque  de  Reg-gio.  Falcand  saisit  le  trait  bref  et  incisif  qui 
donne  au  personnage  sa  physionomie  propre,  et  le  rend  vivant 
aux  yeux  du  lecteur.  Ses  récits  sont  vifs  et  animés  et  dans  les 
tableaux  qu'il  trace,  il  excelle  par  le  choix  des  détails  à  donner 
une  impression  de  vie  et  de  mouvement.  Quelles  que  soient 
d'ailleurs  les  qualités  dont  il  a  fait  preuve  dans  son  œuvre,  on 
ne  doit  pas  oublier  que  Falcand  a  souvent  manqué  au  premier 
devoir  de  l'historien,  la  vérité,  qu'il  a  trop  souvent  et  volontai- 
rement altérée. 

16°  Pierre  d'Eroli.  —  Pierre  d'Eboli  est  l'auteur  d'un  poème, 
Carmen  de  rébus  siculis  -. 

Sur  la  personne  de  Pierre  d'Eboli,  nous  savons  fort  peu  de 
chose.  Dans  un  diplôme  de  Frédéric  II,  de  1220,  il  est  question 
d'un  magister  Pet  rus  versificator  qui  a  légué  un  moulin  à  l'ar- 
chevêque de  Salerne  -^  Un  autre  acte,  de  1244,  condamne  le  fils 
de  feu  Pierre  d'Eboli,  juge,  à  rendre  le  susdit  moulin  à  l'arche- 
vêque de  Salerne  ^.  Il  semble  vraisemblable  que  dans  ces  deux 
documents   il  est  question  de   notre  poète.   Par  contre,   rien  ne 


1.  Cf.  U art  de  vérifier  les  dates,  t.  IV,  p.  813;  Gibbon,  op.  cit.,  t.  VI,  p.  219, 
note  1  ;  Histoire  littéraire  de  la  France,  t.  XV,  p.  280,  P'reeman,  Historical 
Essays,  III  Séries  (1879),  p.  454. 

2.  Éd.  Rota,  dans  Muratori,  R.I.SS.,  n.  éd.,  t.  XXXI,  et  éd.  Winkelmann 
(Leipzig,  1874).  Cf.  P.  Block,  Zur  Kritik  des  Petrus  de  Ebulo  (Prenzlau, 
1883),  et  Hagen,  Bemerkungen  zu  Petrus  de  Ebulo  Gedicht  de  bello  siculo, 
dans  Forschungen  zur  deutschen  Geschichte,  t.  XV,  p.  603  et  suiv. 

3.  Huillard  BréhoUes,  Historia  diplomatica  Friderici  II,  t.  I,  p.  ii,  113. 
Sur  la  date,  cf.  Rota,  op.  cit.,   p.  xx,  note  1. 

4.  Paesano,  Memorie  per  servire  alla  storia  délia  chiesa.  salernitana, 
t.  II,  p.  352-334. 


LXII  INTRODUCTION 

prouve  que  le  mafjister  Pelrus  Ansolinus  de  Ehiilo,  qui  est  men- 
tionné, en  1219,  comme  ayant  fait  antérieurement  k  cette  date 
une  donation  au  monastère  de  Santa  Maria  di  Monte  Vergine, 
soit  à  identifier  avec  l'auteur  du  poème  '.  Enfin,  lacté  de  1220, 
dont  il  a  été  question,  oblig-e  k  distingaer  Pierre  d'Eboli  versi- 
fîcalor,  déjà  mort  k  cette  date,  de  son  homonyme  condamné 
en  1239  dans  un  procès  contre  ses  cousins  '. 

Nous  ne  savons  rien  de  la  jeunesse  de  Pierre  d  Eboli.  Diverses 
miniatures  du  manuscrit  de  son  poème  le  représentent  tonsuré  ; 
il  était  donc  clerc  •'.  Nous  savons  aussi  qu  il  s'occupa  de  méde- 
cine ;  il  suivit  vraisemblablement  les  cours  de  l'Ecole  de 
Salerne  '*.  Il  paraît  certain  que  le  poète  accompag^na  Henri  VI  et 
vécut  k  la  cour.  Outre  le  Carmen  de  rébus  siculis,  on  lui  doit 
un  poème  De  Balneis  Puteolanis  ■'.  Pierre  d'Eboli  avait  en  outre 
composé  un  ouvrage  perdu  sur  Frédéiùc  Barberousse. 

Le  Carmen  de  rébus  siculis  comprend  trois  livres  dont  les 
deux  premiers  seulement  intéressent  notre  sujet  ;  le  poète 
raconte  les  événements  qui  suivirent  la  mort  de  Guillaume  II, 
l'élection  de  Tancrède,  la  première  campagne  d'Henri  VI,  le 
siège  de  Naples,  la  captivité  de  Constance,  enfin  la  mort  de  Tan- 
crède et  la  conquête  du  royaume  par  Henri  VI. 

Quelle  créance   mérite  l'œuvre  de  Pierre   d'Eboli?  A  ce  sujet 


1.  Iluillai'd  Bréhollcs,  op.  cil.,  l.  I,  p.  ii,  p.  (332  ;  iiola,  op.  cil.,  [>.  xx, 
admet  ridentification  sans  preuve  concluante. 

2.  La  raison  tirée  de  la  date  de  la  mort  du  premier  personnage  me 
pai'ait  plus  convaincante  que  celle  invoquée  par  le  dernier  éditeur,  p.  xxi  : 
«  Non  crediamo  che  quello  fosse  lAnsolino  non  essendo  pensabile  che  una 
persona  autorevole  la  quale  si  associa  va  a  baroni,  a  conti  ed  a  oavalieri  per 
far  donativi  ad  una  chiesa  protetta  daU'imperatore,  mettesse  a  rischio  la 
propria  riputazione  turbando  la  pace  di  sei  engin i  entro  le  proprie  terre, 
per  la  semplice  e  puérile  ragione  che  essi  erano  figli  naturali  ».  P.  Block, 
Zur  Kritik  des  Petrus  de  Ehulo,  II,  (3,  pense  que,  dans  l'acte  de  1244,  il  est 
question  de  Pierre  d'Eboli,  justicier  de  la  Terre  de  Labour,  mentionné  en 
122.5  et  1226,  par  Richard  de  San  Germano.  Bigoni,  Una  fonle  per  la  storia 
del  régna  di  Sicilia  (^ Gènes,  1901  ',  in-8,  p.  10,  repousse  également  l'identifi- 
cation. 

.3.  Cf.  éd.  Rota,  pi.  IX,  XLV  et  XLVIII. 

4.   Cf.  Rota,  p.  xxi-xxii  ;  Block,  op.  cit.,  I,   26  et  II,  52.  Rappelons  ici  que 
Romuald,  archevêque  de  Salerne,  exei'ça  lui  aussi  la  médecine, 
o.  Cf.  Rota,  p.  XXV  et  suiv.,  et  Block,  op.  cit.,  I,  p.  19. 


PIERRE    D  E150L1  LXUI 

les  avis  sont  partagés  '.  Pour  un  grand  nombre  de  faits,  Pierre  est 
une  source  unique  que  Ton  ne  peut  contrôler.  Ayant  vécu  à  la  cour 
de  l'empereur,  l'auteur  a  été  à  même  d'être  bien  informé  ',  et  a  pu 
se  renseigner  sur  les  événements  dont  il  n'avait  pas  été  témoin, 
mais,  partisan  déclaré  d'Henri  VI,  il  s'est  le  plus  souvent  appli- 
qué à  présenter  les  faits  sous  le  jour  le  plus  favorable  à  ce  der- 
nier. La  haine  de  Pierre  envers  Tancrède,  sa  famille  et  ses  parti- 
sans, lui  a  fait  tracer  du  successeur  de  Guillaume  II  une  véritable 
caricature,  et  l'on  ne  saurait  tenir  grand  compte  du  Carmen 
de  rehus  siculis  qui  constitue  un  véritable  pamphlet  -K  C  est  là 
un  fait  indicutable,  que  nous  nous  bornerons  à  constater  sans 
rechercher  si  Pierre  a  fait  seulement  œuvre  de  courtisan  ou  a 
été  entraîné  par  l'ardeur  de  ses  opinions  gibelines  '*. 

Il  ne  faut  également  tenir  aucun  compte  de  certaines  parties 
du  poème  qui  ne  sont  que  de  pures  fictions  inventées  par  l'au- 
teur. Telles  sont,  sans  aucun  doute,  les  lettres  échangées  à 
diverses  reprises  entre  les  principaux  personnages  de  la  cour 
normande. 

Sur  d'autres  points  la  critique  est  plus  difficile.  On  a  notam- 
ment attaqué  le  passage  où  le  poète  fait  jouer  un  rôle  à 
Lucius  III  dans  le  mariage  d'Henri  VI  et  de  Constance;  malgré 
l'explication  proposée  par  le  dernier  éditeur,  il  semble  bien  que 
l'auteur  a  ici  commis  une  erreur  ''.  De  même,  à  propos  des  ren- 
seignements fournis  sur  l'attitude  politique  de  Tabbé  du  Mont- 
Cassin,  Rotfroi,  les  autres  sources  permettent  de  constater  que  le 
poète  s'est  trompé  "\  Par  contre  le  récit  de  la  captivité  de 
Constance  très  attaqué  par  divers  auteurs  a  été  défendu  avec 
ingéniosité  par  M.  Rota'.  On  ne  saurait  se  prononcer  sur  les 
détails  que  nous  fournit  le  poème  au  sujet  du  siège  de  Naples 
ou  de  la  seconde  expédition  d'Henri  VI,  car  aucune  autre  source 
ne  nous  permet  de  les  contrôler. 


1.  Cf.  la  préface  de  Rota,  p.  xxxv. 

2.  /f7.,  p.  XXIV. 

3.  Cf.  infra.  t,  II,  p.  420. 

4.  Cf.  Rola,  op.  cit.,  p.  xlix  et  suiv. 
o.  Id.,  p.  xxxvir. 

6.  et.  infra,  t.  II,  p.  453. 

7.  Op.  cit.,  p.  xLii. 


LXIV  INTRODUCTION 

En  somme,  on  ne  doit  se  servir  de  l'œuvre  de  Pierre  d'Eboli 
qu'avec  prudence  et  en  tenant  toujours  compte  de  sa  partialité. 
Au  sujet  des  faits  qu'il  est  seul  à  nous  faire  connaître,  on  ne  doit 
pas  oublier  que  là  où  nous  pouvons  le  contrôler,  l'auteur  s'est 
plus  d'une  fois  trompé. 

Le  manuscrit  de  Pierre  d'Eboli,  conservé  à  la  bibliothèque  de 
Berne,  est  très  probablement  le  manuscrit  orig^inal  '  ;  il  présente 
un  intérêt  particulier  à  cause  des  nombreuses  miniatures  qui 
non  seulement  illustrent  le  texte,  mais  encore  le  complètent 
parfois.  Elles  ont  toutes  été  reproduites  dans  la  nouvelle  édition. 

Nous  nous  sommes  bornés  k  étudier  les  principales  annales  et 
chroniques  latines  relatives  à  l'histoire  des  Normands  d'Italie  ; 
pour  que  cette  étude  fût  complète,  il  faudrait  encore  mentionner, 
en  plus  des  œuvres  dont  nous  venons  de  parler  et  de  celles  qui 
sont  indiquées  ci-dessous,  les  nombreuses  sources  qui  traitent 
incidemment  de  cette  histoire.  Nous  nous  contenterons  d'indiquer 
ici  comme  étant  particulièrement  importantes,  en  outre  des  Vies 
des  papes,  insérées  dans  le  Liber  Pontificalis^  la  correspondance 
d'un  certain  nombre  de  personnages  qui  se  sont  trouvés  plus  ou 
moins  mêlés  à  l'histoire  de  Sicile  :  Louis  VIT,  Suger,  saint  Ber- 
nard, Wibald,  Pierre  le  Vénérable,  Pierre  de  Blois,  Jean  de  Salis- 
bury.  Nous  mentionnerons  enfin,  à  cause  des  nombreux  détails 
qu'elle  nous  fournit  sur  les  rapports  de  Tancrède  avec  les  croi- 
sés de  M  91,  une  source  française,  le  poème  d'Ambroise  :  «  L'Es- 
toire  de  la  guerre  sainte  -  ».  Témoin  oculaire  des  événements, 
l'auteur  nous  fournit  beaucoup  de  renseignements  sur  le  séjour 
des  croisés  à  Messine,  lors  du  départ  de  la  troisième  croisade. 

IIL    CHRONIQUES    GRECQUES. 

1"  Jean  Skylitzès  '^  a  écrit  dans  la  seconde  moitié  du 
XI*'  siècle  une  histoire  de  l'empire  byzantin  qui  embrasse  les 
années  811-1079.  La  partie  de  sa  chronique  qui  s'étend  de  811  à 

1.  Rota,  Op.  cit.,  p.  XVI. 

2.  Éd.  G.  Paris,  dans  la  Collection  des  Documents  inédits  (Paris,  1897). 

3.  Cf.  Krumbacher,  Byzant.  Litteratur,  2«  éd.,  p.  36o  et  suiv. 


CHRONIQUES    GRECQUES  LXV 

1037  a  été  insérée  pi'esc[ue  textuellement  par  Kédrénos  dans 
son  ouvrag-e  ^ù'/o'li;  '.tjTopiwv.  La  deuxième  partie  10o7-1079,  non 
utilisée  par  Kédrénos,  a  été  publiée  par  Bekker  en  appendice  à 
son  édition  de  ce  dernier  auteur  (p.  640  et  suiv.  ').  En  général 
bien  informé,  Skylitzès  nous  fournit  d'utiles  renseignements  sur 
les  rapports  des  Normands  et  des  Byzantins  et  nous  permet  de 
contrôler  et  de  compléter  en  partie  les  sources  de  l'Italie  du  Sud. 

2°  Strategicon  de  Kekauinenos.  —  Sur  cette  même  période  de 
la  conquête,  on  trouve  quelques  anecdotes  caractéristiques  dans 
les  mémoires  de  Kekaumenos,  publiés  il  y  a  quelques  années  '-. 

3°  Anne  Comnène.  —  Anne  Comnène,  fille  de  l'empereur 
Alexis  P'Comnène  (1081-11 18)  a  écrit,  probablement  après  1143, 
une  histoire  du  règne  de  son  père,  VAlexiade  •^.  La  partie  de  cet 
ouvrag-e  consacré  à  la  guerre  soutenue  par  l'Empire  grec  contre 
Robert  Guiscard  (1.  I  à  VI),  constitue  pour  l'histoire  des  Normands 
une  source  précieuse.  Bien  que  n'ayant  pas  été  contemporaine  de 
l'invasion  normande,  Anne  est  très  bien  informée.  Elle  a  utilisé 
les  renseignements  oraux  fournis  par  son  père  et  par  certains 
officiers  de  celui-ci,  notamment  par  le  défenseur  de  Durazzo, 
Georges  Paléologue;  en  outre,  elle  s'est  probablement  servi  pour 
cette  partie  de  son  récit  soit  d'un  ouvrage  perdu  d'un  certain  Jean 
de  Bari,  soit  des  renseignements  oraux  que  lui  aurait  fournis  cet 
auteur  *.  Enfin,  toujours  pour  la  même  période,  elle  a  eu  connais- 
sance de  la  correspondance  diplomatique  de  son  père  avec  les 
souverains  étrangers  (lettres  d'Alexis  à  Hermann,  neveu  de  Guis- 
card, à  Grégoire  VII,  à  Hervé,  archevêque  de  Capoue,  à  Henri  IV). 

1.  Georgius  Cedrenus  loannis  ScylUzae  ope  suppletus  et  emendatus  dans 
Corpus  scriptorum  historiae  hyzantinae  (Bonn,  18.39). 

2.  Cecaumeni  strategicon  et  incerti  auctoris  de  officiis  regiis  lihellus,  éd. 
Wasiliewsky  et  Jernstedt  (Saint-Pétersbourg,  1886),  in-8°;  cf.  Wasi- 
liewsky,  Conseils  et  récits  d'un  grand  seigneur  byzantin,  dans  le  Journal 
du  ministàre  de  V instruction  publique  russe,  t.  CCXV  et  t.  CCXVI  (1881). 

3.  Cf.  Krumbacher,  op.  cit.,  p.  274  et  suiv.  ;  Oster,  Anna  Komnena,  3  Progr. 
(Rastatt,  1868,  1870,  1871),  in-8<>;  Chalandon,  Essai  sur  le  règne  d'Alexis  I^'- 
Comnène,  p.  vu  et  suiv. 

4.  Cf.  Wilmans,  Ueher  die  Quellen  der  Gesta  Roberti  Wiscardi  des  Guil- 
lermus  Apuliensis,  dans  l'Arc/u'y  de  Pertz,  t.  X,  p.  87  et  suiv. 

Histoire   de  la  domination  normande. — Chalandox.  5*^ 


LXVl  IMKliDLCTION 

Bien  qu'écrite  dans  un  sens  trop  favorable  à  x\lexis  Comnène, 
YAlexiade,  par  le  grand  nombre  de  détails  qu'elle  nous  fournit, 
est  notre  meilleure  source  pour  l'histoire  des  dernières  canipagnes 
de  Robert  Guiscard. 

4°  Jean  Kinnamos  '  (né  après  lli3,  -|-  après  1183)  a  écrit  l'his- 
toire de  Jean  Comnène  et  celle  de  la  plusg-rande  partie  du  règ-ne 
de  Manuel  Comnène-.  Son  livre  s'étend  de  1118  à  1176.  Au 
point  de  vue  de  l'histoire  des  Normands,  Kinnamos,  qui  par  sa 
situation  officielle  était  à  même  d'être  bien  renseig-né,  nous  a  trans- 
mis de  nombreux  renseignements  sur  les  rapports  du  royaume 
de  Sicile  avec  l'Empire  byzantin.  Sans  parler  du  récit  des 
diverses  g-uerres,  Kinnamos  nous  fournit  des  détails  sur  les  négo- 
ciations, dirigées  contre  le  royaume  normand,  qui  à  diverses 
reprises  eurent  lieu  entre  l'Empire  grec  et  l'Empire  allemand. 

o<*  NiRÉTAs  Chômâtes.  —  Nikétas  Choniatès  ^,  dans  les  cha- 
pitres de  son  histoire  consacrée  aux  divers  empereurs  qui  se  sont 
succédé  depuis  Jean  Comnène  jusqu'à  Isaac  l'Ange  *,  nous  a 
transmis  çà  et  là  bon  nombre  de  renseignements,  mais  son  infor- 
mation est  en  général  moins  sure  que  celle  de  Kinnamos  et  pour 
la  seule  partie  de  son  œuvre  qui  traite  avec  force  détails  des 
Normands  il  n'a  fait  que  copier  Eustathios,  archevêque  de  Thes- 
salo  nique. 

5°  Eustathios,  archevêque  de  Thessalomoue.  —  On  doit  à 
Eustathios  une  relation  précieuse  du  siège  de  Thessalonique  par 
les  Normands,  sous  le  règne  de  Guillaume  II  '.  L'auteur  ne  s'est 


1.  Cf.  Krumbacher,  op.  cit.,  p.  279  et  suiv.,  et  Kap-l\evr,  Die  ahendlàn- 
dische  Polit ik  Kaiser  Manuels  (Strasbourg,  1881',   in-8°,  p.  119. 

2.  Ed.  Meineke,  dans  Corpus  scriptoruni  hyzantinpe  historiœ  Bonn,  1836l 
in-8°. 

3.  Cf.  Krumbacher,  op.  cit.,  p.  281  et  suiv. 

4.  Ed.  Bekker,  dans  Corpus,  scriptoruni  hijzantinœ  historiœ  Bonn,  183o), 
in-8<'. 

5.  De  Thessalonica  a  Latinis  capta,  éd.  Bekker,  dans  Corpus  scriptorum 
byzantinse  historiœ  (Bonn,  1842).  Cf.  Tafel,  Komnenen  und  Normannen 
(Stuttgart,  1870i,  in-8»,  p.  73  et  suiv.,  et  la  Préface  de  Spata,  dans  /  iltci/ia^t 
in  Salonico  neli  anno   f  1 85  (Palerme,  1892j,  in-4°. 


VOYAGEURS     ARABES  LXVIl 

pas  borné  au  seul  récit  du  sièg^e,  mais  nous  a  donné  une  excel>- 
lente  relation  des  événements  qui  l'ont  précédé  et  suivi.  Malgré 
une  certaine  confusion,  son  œuvre,  par  rintérèt  qu'elle  présente, 
par  les  curieux  détails  qu'elle  contient  sur  les  rapports  qui  s'éta- 
blirent entre  les  Normands  et  Grecs  vaincus,  constitue  la  meil- 
leure source  que  nous  possédions  sur  cet  épisode  de  la  lutte  enga- 
gée entre  le  royaume  de  Sicile  et  l'Empire  grec.  Bien  malgré  lui, 
témoin  oculaire  des  faits  qu'il  raconte,  Eustathios  ne  s'est  pas 
borné  a  raconter  sèchement  les  événements  auxquels  il  a  assisté  ; 
on  sentdaas  tout  son  récit,  une  haine  violente  contre  les  envahisr- 
seurs  et  contre  ceux  des  généraux  byzantins  qui  par  leur  impél- 
ritie  ont  préparé  la  défaite  de  TEmpire. 

IV.  VOYAGEURS  ET  CHRONIQUEURS  ARABES. 

Ce  n'est  qu'incidemment  que  les  auteurs  arabes  nous  four,- 
lîissent  des  renseignements  sur  l'histoire  des  Normands.  Toute- 
fois, quelques-uns  d'entre  eux  ont  une  importance  toute  parti- 
culière, car  c'est  grâce  à  eux  que  nous  pouvons  reconstituer  l'his- 
toire des  tentatives  des  Nori,nands  pour  s'établir  en  Afrique.  S;i 
nous  en  étions  réduits  aux  chroniqueurs  grecs  ou  latins,  bien  des 
points  demeureraient  dans  l'ombre  ;  ce  sont  les  auteurs  arabes 
qui  comblent  ces  lacunes. 

Edrisi  (1099-1180),  né  à  Ceuta,  lit  ses  études  a  Cordoue,  et  se 
mita  voyager.  Attiré  à  la  cour  de  Sicile  par  Roger  II,  il  s'y  fixa, 
et  fut  chargé  de  condenser  les  résultats  de  l'enquête  géogra- 
phique faite  sur  l'ordre  du  roi  pendant  quinze  années  ;  il  com- 
posa un  ouvrage  intitulé  :  La  récréation  de  celui  qui  désire  par- 
courir les  horizons.  Son  œuvre  est  regardée  comme  constituant 
l'ouvrage  géographique  le  plus  important  du  moyen  âge.  Sans 
parler  des  renseignements  qu'elle  nous  fournit  sur  la  civilisatiop 
sicilienne  à  l'époque  normande,  l'ouvrage  d'Edrisi  nous  fournit 
encore  une  masse  de  renseignements  historiques  et  économiques  ^ 

Ibn  Giobair,  né  à  Valence  en  llio,    a  écrit  le  récit  du  voyage 
qu'il  fit  à  la  Mecque  -.  En  revenant  de  son  pèlerinage,  il  s'arrêta 

1.   Éd.  et  trad.  Amari,  B.A.S.,  t.  I,  p.  31  et  suiv. 
•2.  Éd.  et  trad.  Amari,  B.A.S.,  t.  I,  p.  137  et  suiv. 


LXVIll  I.NTRODLCTION 

en  Sicile  où  il  séjourna  du  mois  de  décembre  1184  au  mois  de 
mars  1185.  Après  avoir  débarqué  à  Messine,  Ibn  Giobair  se  ren- 
dit à  Palerme  et  delà  à  Trapani.  Esprit  curieux,  l'auteur  a  inter- 
rog-é  sur  leur  situation  ses  coreligionnaires,  sujets  de  Guil- 
laume II,  et  nous  a  transmis  un  grand  nombre  de  détails  intéres- 
sants. Sans  parler  des  renseignements  qu'il  nous  fournit  sur  les 
villes  qu'il  a  traversées,  nous  lui  devons  une  description  fort 
curieuse  de  la  cour  royale,  des  détails  précis  sur  la  situation  des 
Musulmans  de  Sicile,  et  enfin  un  récit  détaillé  des  causes  de 
l'expédition  de  1185,  dirigée  par  Guillaume  II  contre  l'empire 
byzantin.  L'auteur  sait  se  montrer  impartial  et  ses  préjugés  reli- 
gieux ne  l'empêchent  pas  de  rendre  justice  au  roi  de  Sicile. 

Ibn  el  Athir.  né  en  1 160,  à  Djezirat  ibn  Omar,  sur  les  bords  du 
Tigre,  mort  à  Mossoul  en  12'i3,  est  l'auteur  d'une  chronicjue 
universelle,  El  Kamel  Allevarykh,  dont  certaines  parties  sont 
particulièrement  importantes  pour  l'histoire  des  Normands  d'Ita- 
lie '.  Cet  ouvrage  nous  fournit  de  nombreux  détails  sur  les  pre- 
miers rapports  de  Roger  l'^'^avec  les  Musulmans  de  Sicile  et  leurs 
coreligionnaires  d'Afrique,  sur  l'établissement  et  la  chute  de  la 
domination  normande  en  Afrique,  et  enfin  sur  les  expéditions 
envoyées  en  Orient  par  Guillaume  II. 

Aboulfeda  (^1273-1331)  a  laissé  des  Annales  très  étendues  ;  au 
point  de  vue  particulier  où  nous  nous  plaçons,  il  présente  un 
médiocre  intérêt,  car  il  n'a  guère  fait  que  copier  Ibn  el  Athir  -. 
Ibn  Adari,  originaire  du  Maroc,  a  écrit  vers  la  fin  du  xni^  siècle, 
le  Kilah  al  Bayan  al  Mufjrib  dans  lequel  il  a  inséré  des  frag- 
ments d'auteurs  plus  anciens.  En  dehors  d'un  récit  détaillé  des 
expéditions  normandes  en  Afrique,  en  1122  et  en  1118,  il  se 
borne  le  plus  souvent  à  mentionner  simplement  les  faits  3. 

At  Tigani,  qui  vivait  au  début  du  xiv^  siècle,  est  l'auteur 
d'un  récit  de  voyage,  dans  lequel  il  raconte  les  principaux  faits 
relatifs  à  l'histoire  des  lieux  qu'il  a  visités  ^.  Son  œuvre  nous  four- 
nit de  nombreux  et  utiles  renseignements  sur  l'établissement  des 

1.  Éd.  et  trad.  Amari,  B.A.S.,  t.  I,  p.  353  et  suiv. 

2.  /(/..  t.  II,  p.  83  et  suiv. 

3.  Id.,  t.  II,  p.  i  et  suiv. 

4.  Id.,  t.  II,  p.  41  et  suiv. 


VOYAGEURS    ARABES  LXIX 

Normands  en  Afrique  et  au  temps  de  temps  de  Rog-er  II,  sur  l'or- 
ganisation de  la  conquête.  At  Tigani  a  utilisé  de  nombreux 
ouvrages,  et  est  en  g-énéral  bien  informé. 

Nous  nommerons  encore  An  Nowairi,  Ibn  Khaldoun,  Ibn  abi 
Dinar,  Immad-ed  Dîn,  Abou  Chamah,  El  Makrisi,  qui  bien 
qu'écrivant  souvent  à  des  époques  assez  tardives,  ont  néanmoins 
une  réelle  valeur,  car  ils  ont  eu  entre  les  mains  des  sources 
aujourd'hui  perdues.  Enfin,  le  voyageur  israëlite,  Benjamin  de 
Tudèle,  qui  visita  le  royaume  normand  vers  le  milieu  du  xii*^ 
siècle,  mérite  une  mention  spéciale. 


BIBLIOGRAPHIE 


Liste  des  principaux  ouvrages  et  articles  cités  ' , 


Aar  (E.),  Glistudi  storici  in  Terra 
d'Olranto,  Florence, 1888,  in-8». 

Aliel,  Kôniij  Philipp  von  Ilnhens- 
tau/fen,  Berlin,  18!j3,  in-8°. 

Abignente,  Le  Chartulae  fraierni- 
tafis  dei  confrati  délia  chiesa  Saler- 
nitana,  dans  Arrh.  st.  napol.^ 
t.  XIII. 

Abou  Chamah,  Les  deux  jardins, 
éd.  et  trad.  Amari,  B.A.S.,  t.  I. 

Aboulféda,  Annales,  éd.  et  trad. 
Amari,  B.A.S.,  t.  II. 

ACTA  ET  SCRIPTA  Ql  AE  DE  CONTHO- 
VERSIIS  ECCLESIAE  GHiœCAE  ET  I.ATINAE 
S^CULI      XI       COMPOSITA      EXTANT,       éd. 

Will,  Leipsig,  1861,  in-4o. 

Adalbeut,  Vila  s.  Heinrici  If,  éd. 
Waitz,  M.G.H.SS.,  t.  IV. 

AnÉMAR    DE   (^HABANNES,  C/i/'OniCO/i, 

éd.   Chavanon,  Paris,   1897,  in-8'' 

Aimé,  Ystoire  de  H  Normani,  éd. 
Delarc,  Rouen,  1892,  in-8°. 


Al    Bayax,    voir    Ibn    Adari. 

Ai.  Marakisi,  éd.  et  trad.  Amari, 
B.A.S.,  t.  I. 

Al  Makhisi,  Chronique,  éd.  et 
trad.  Amari,   B.A.S..  t.  II. 

Albert  dAix.  Liber  c/î/v's//an,Te 
expeditionis  pro  ereptione...  sanctae 
Hierosolijinitanae  ecctesiae,  éd.  P. 
Meyer,  dans  Recueil  des  historiens 
des  croisades,  Hist.  occid.,  t.  IV. 

Alexandre  de  Telese,  De  rébus 
rjestis  Rogerii  Siciliae  régis  libri  IV, 
éd.  del  Re,  dans  Cronislie  scritlori 
sincroni  napoletani,  t.  I,  Naples, 
184."),  in-4o. 

Alfan,  Carmina,vd.  Sclii|3a,  dans 
Arch.  stor.   napol.  t.  XII. 

Amari  (M.\  Storia  dei  Musiilniani 
diSicilia,  Florence,  18^.4-1872,  3  vol. 
in-S". 

Id.,  Carte  comparée  de  la  Sicile 
moderne  avec  la  Sicile  au  XII'  sit^cle 


1.  Les  sources  narratives  et  les  recueils  d'actes  sont  indiqués  en  petites 
capitales. 

Voici  l'indication  de  quelques  abréviations  : 

Arch.  st.  napol.  =  Archivio  storico  per  le  provincie  napolefane. 

B.A.S.  =:  Amari,  Biblioteca  araho-Sicula. 

Mélanges  d'archéologie  et  d'histoire  z=z  Mélanges  d'archéologie  et  d'histoire 
publiés  par  l'Ecole  française  de  Rome. 

R.l.SS.  =  Muratori,  Rerum  italicaru.m  scriptores. 

Ptlugk  Hai-ttung,  Acla  Inedita  =  Id.,    Iter Ilalicum,  t.  IL 


lilKLlOCiRAPIIIP: 


I.XXI 


d'après  Edrisi  et  d'autres  géographes 
arabes,  Paris,  1859,  in-4°. 

Id.,  Frammenli  delViscrizione  ara- 
bica délia  Cuba,  Palerme,  1877, 
in-4''. 

Id.,  BiBLioTECA  Arabo-Sicula, 
vEnsioNE  iTAi-iANA,  Turin  et  Rome, 
1880-1881,  2  vol,  in-8°. 

Id.,  Su  la  data  degli  sponsali  di 
Arrigo  VI  con  la  Costanza  erede  del 
trono  di  Sicilia  e  su  i  Divani  delV 
Azienda  Xormanna  in  Palermo,  dans 
Meniorie  délia  classe  di  Scienze  nio- 
rali  storiche  e  filologiche  délia  R. 
Acadeniia  dei  Lincei.  Série  3,  t.  II, 
Rome,  1878,  in-4''. 

Id.,  Le  epigrafi  arabiche  di  Sici- 
lia,  Palerme,  1 879-1 88r>,  t.  I,  in-4o, 
t.  II  et  III,  in-8°. 

Id.,  Su  le  iscrizioni  arabiche  del 
palazzo  regio  di  Messina,  dans 
Memorie  délia  classe  di  scienze  morali 
storiche  e  filologiche,  délia  B.  Acade- 
niia dei  Lincei.  Série  3,  t.  VII,   1881. 

Ambroise,  L'estoire  de  la  guerre 
sainte,  éd.  Gaston  Paris,  dans  dol- 
lection  des  documents  inédits  relatifs 
à  l'histoire  de  France,  Paris,  1897, 
in-4». 

Amico,  Calana  illustrata  sive  sacra 
et  civilis  urbis  Catanae  historia, 
Catane,  1740-46,  4  vol.  in-4''. 

Amico  et  Statella,  Lexicon  topo- 
graphicum  Siciliae,  Palerme,  17o7- 
60,  3  vol.  in-'f'^. 

An  Nowairi,  éd.  et  trad.  .\mari, 
B.A.S.,  t.  II. 

Annales  Altahenses  majores,  éd. 
Giesebrecht,dans  M.G.H.SS.,  t.  XX. 

.\nnales  AiGiENSES.éd.M.G.II.SS., 
t.  III. 

Annales  Augistani  Minores,  éd. 
dans  M.G.H.SS.,  t.  X. 


A.NNALES  Colonienses  maxlmi,  éd. 
Waitz,  dans  M.G.H.SS.,  in  usum 
scholarum,  Hanovre,  1880,  in-8''. 

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terram  sanctam  sibi  vindicandam 
SLSCEPERUNT,  éd.  Del  Re,  dans  Cro- 
nisti  e  Scrittori  sincroni  napoletani, 
t.   I. 

Catalogus  pontificum  et  i.mpera- 
TORUM  TiBURTiNus,  éd.  Waitz,  dans 
M.G.H.SS.,  t.  XXII. 

Catalogus  regum  langobardorum 
ET  DucuM  Bexeventanorum,  éd. 
Waitz,  dans  M. G. H.,  in-4''.  Scrip- 
tores  rcrum  langobardicarum. 

CeCAUMENI  STRATEGICON  ET  INCERTI 
SCRIPTORIS   DE    OFFICIIS    REGIIS    LIBEL- 

Lus,  éd.  B.  Wassilievvsky  et  V. 
Jernstedt,  Saint-Pétersbourg,  1886, 
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d'Alexis  I"''  Gomnène,  Paris,  1900, 
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Chronica  Casinensis,  auct.  Leone 
Ost.  et  Petro  Diac.  I,  i-iv,  éd.  Wat- 
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Chronica  Ferrariensis,  voirloNOTi 

MONACHI      CiSTERSIENSIS...     CHRONICA. 

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R.I.SS.,t.  VI. 

Chronica  regia    Coloniensis,  éd. 


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Chronicon  Casauriense,  éd.  Mu- 
ratori, R.I.SS.,  t.  II,  p.  II. 

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Re,  Cronisti,  etc.,  t.  I,  p.  494  et 
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Chronicon  S.  Bartholomei  de 
Carpineto,  éd.  Ug-helli,  Ilalia  sacra, 
t.  X. 

Chronicon  sancti  Benigni  Divio- 
NENSis,  éd.  Waitz,  dans  M.G.H.SS., 
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Chronicon  Siculcm,  éd.  Muratori, 
R.I.SS.,  t.  X. 

Chronicon  Urspergense,  éd.  Ahel 
et  Weiland,  dans  M.G.H.SS.,  t. 
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Chronicon  Vlltlr.ne.nse,  auctore 
Johanne  monacho  S.  Vincentii,  éd. 
Muratori,  R.I.SS.,  t.  I,  parsii. 

Clausse  [G-),  Basiliques  et  mo- 
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CoNTiNU.\Tio  -Vquicinctina,  voir 
Sigebert  de  Gembloux. 

Continu ATio  Clausthoneoblrgen- 
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l.  IX. 

CoNTiNUATio  Sanblasiana,  voïr 
Otton  de  Freisingen,  Chronicon. 

CoNTINUATIO       PrAEMONSTKATENSIS, 

voir  Sigebert  de  Gembloux. 

CoNTFNUATio  Znvetlensis,  éd.  Wat" 
tenbach,  M.G.H.SS.,  t.  IX. 


1.  Deux  manuscrits  de  la  Bibliothèque  di  Léo  portent  ce  titre,  ils 
contiennent  à  peu  de  chose  près  des  copies  des  mêmes  actes;  lun  est 
folioté,   l'autre  ne  l'est  pas. 


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LXXVIII 


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mitLlOGRAPHlE 


LXXIX 


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Palorme,  IH'i'.),  in-f". 

Garufi,  Adélaïde  nipote  di  Bonifa- 
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f/ran  conte  Biiijgiero,  Palerme,  1905, 
in-8<>. 

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tere  ed  arti.  Série  3,  L.  VII,  Pa- 
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Id.,  I  DOCU.MENTI  INEDITI  DELL' 
EPOCA  NOHMANNA,  danS  DOCI  MENTI 
PER    SEHVlIiE     ALLA    STORIA    DI     SiCILtA, 

publiés  par  la  Soçietà  sicil.  di  sto- 
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t.  XVIII,  Palerme,  1899,  in-S». 

Id.,  L' Archivio  capitnlare  di 
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del  sec.  XIII,  dans  Arch,.  st.  sicil., 
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Id.,  Le  donazioni  del  conte  En- 
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HISTOIRE 

DE    LA 

DOMINATION     NORMANDE 

EN    ITALIE    ET    EX     SICILE 


PREMIERE     PARTIE 


CHAPITRE    PREMIER 

ÉTAT    POLITIQUE    DE    l'iTALIE    MÉRIDIONALE    AU    MO.ME.NT 
DE    l'arrivée    DES  NORMANDS. 

Au  début  du  xi''  siècle,  lors  de  l'arrivée  des  Normands,  l'Italie 
méridionale  était  partagée  en  un  g-rand  nombre  de  petits  États. 
Les  Mulsumans  possédaient  la  Sicile,  les  Byzantins  occupaient 
la  Pouille  et  la  Calabre  ;  Gaëte,  Naples  et  Amalfi  formaient  trois 
républiques  :  Bénévent,  Capoue  et  Salerne  étaient  les  capitales  de 
trois  principautés  lombardes  que  bordaient,  au  nord,  l'Etat  ponti- 
fical et  le  duché  de  Spolète.  Ce  morcellement  était  le  résultat  de 
l'anarchie  qui  avait  régné  dans  tout  le  midi  de  la  Péninsule  au 
ix*^  et  au  x*'  siècle,  et  avait  amené  la  division  des  anciennes 
possessions  de  l'empire  grec.  Pourtant,  si  nous  nous  en  rappor- 
tions au  témoignage  des  Byzantins,  il  semblerait  que  presque  rien 
n'ait  été  changé  dans  l'Italie  méridionale  et  que  les  basileis  y  soient 
demeurés  tout-puissants.  Byzance,  en  effet,  n'a  jamais  reconnu 
les  faits  accomplis  et  s'est  toujours  considérée,  sinon  comme  maî- 
tresse absolue,  au  moins  comme  suzeraine  de  l'Italie  du  Sud,  et 
si  réduites  qu'aient  été  par  moment  ses  possessions,  elle  n'a  jamais 
renoncé  à  aucune  de  ses  prétentions.  Il  faut  insister  sur  cette 
théorie  byzantine,  car  elle  seule  permet  de  comprendre  la  poli- 
tique grecque  durant  trois  siècles. 

Histoire  de  l,i  (hmiiiiulion   normande.  —  Chalandon.  1 


  CHAPITRE    PREMIER 

La  situation  des  Byzantins  dans  l'Italie  méridionale  avait  été 
rég'lée  à  la  suite  des  conquêtes  de  Charlemagne,  par  les  traités 
des  années 803  et  812'.  Nous  ne  connaissons  pas  la  teneur  de  la 
convention  conclue  entre  Nicéphore  et  Charlemagne,  et  nous  ne 
sommes  pas  renseignés  davantage  sur  l'accord  intervenu  entre 
ce  dernier  et  le  basileus  Michel.  Il  est  pourtant  probable  que  la 
paix  fut  faite  sur  les  bases  de  Xuti  possidetis,  et  que  les  traités 
laissèrent  «  à  l'empereur  d'Orient,  Venise  et  ses  îles,  les  villes 
maritimes  de  la  Dalmatie,  Naples  et  son  duché,  les  possessions 
que  les  Byzantins  conservaient  en  Calabre,  enfin  la  Sicile  2.  »  Mais 
l'œuvre  accomplie  par  Charlemagne  en  Italie  resta  incomplète,  car 
jamais  la  situation  du  duché  lombard  de  Bénévent  vis-à-vis  de  l'Em- 
pire ne  fut  définitivement  réglée.  La  création  de  lEtat  pontifical 
fut  une  demi-mesure  qui  ne  fut  pas,  d'ailleurs,  exécutée  entièrement. 
Il  semble  que  l'Italie  du  Sud  ait  elfrayé  les  premiers  Carolingiens; 
et  il  faut  descendre  jusqu'à  Louis  II  pour  voir  l'empereur  inter- 
venir directement  dans  les  alFaires  de  l'Italie  méridionale.  Sans 
doute,  en  théorie,  le  duché  lombard  relevait  bien  de  l'empire 
d'Occident,  mais,  en  pratique,  et  du  vivant  même  de  Charlemagne, 
l'autorité  de  l'empereur  ne  fut  jamais  reconnue  par  les  Lombards 
de  Bénévent.  11  suffit  de  rappeler  les  difficultés  qui  s'élevèrent 
entre  le  pape  Hadrien  et  Grimoald,  duc  de  Bénévent.  Dans  cette 
affaire  les  fonctionnaires  impériaux  eurent  certainement  le  des- 
sous*'. Le  duché  de  Bénévent  fut  ainsi  amené  dès  son  origine  à  se 
rapprocher  des  Byzantins.  On  sait  que  Grimoald  épousa  une 
princesse  grecque^  et  se  reconnut  vassal  du  basileus ^  Telle  fut 
l'origine  du  malentendu  qui,  s'élevant  dès  le  début  du  nouvel 
état  de  choses,  donna  naissance  à  la  théorie  byzantine  sur  l'Italie 
méridionale. 


1.  Annnl.  Einhardi,  ad  an.  803  M. G. H.  SS.,  t.  I,  p.  191.  Einliard,  Vila 
Karoli,  M. G. H.  SS.,  t.  II,  c.  15,  p.  451.  Cf.  Diehl,  L'Exarchat  de  Ravenne, 
p.   239. 

2.  Diehl,  loc.    cil. 

3.  Codex  Carolinus,  éd.  Gundlach,  M. G. H.,  in-i",  Epistolœ,  t.  III,  n.  87. 
Cf.  W.  Martens,  Die  r'ôniische  Fraçje  tinter  Pippin  und  Karl  dem  grossen 
(Stuttgart,  1881),  p.  190  et  suiv. 

4.  Erchempert,  c.  a,  dans  M. G. II.,  Scrip.  reriini  longohardicarum  et  ital. 
p.  236. 

5.  Cod.  CaroL,  n.   86. 


ÉTAT    POLITKJLE    DK    l'iTALIK    MÉRIDlOiNALE  3 

En  théorie,  les  Byzantins  se  sont  toujours  regardés  comme  les 
maîtres  du  midi  de  la  Péninsule.  Les  Lombards  ont  pu  s'emparer 
de  presque  toutes  les  possessions  grecques  en  Italie,  les  Musul- 
mans ont  pu  chasser  les  troupes  byzantines  de  toute  la  Sicile  : 
rien  n'a  pu  modifier  cette  conception  des  empereurs  grecs.  Il 
est  vrai  que  les  rivalités  constantes,  les  guerres  continuelles, 
entre  les  principales  villes  du  midi  de  Tltalie,  ont  amené  souvent 
un  des  partis  rivaux  à  recourir  à  Byzance  ;  les  appels  ainsi  faits 
à  l'autorité  suprême  du  basileus  ont  contribué,  sans  doute,  à 
maintenir  à  Constantinople  l'idée  de  la  souveraineté  impériale 
sur  des  pays  qui  en  fait  paraissent  avoir  été  tout  à  fait  indépen- 
dants. Les  listes  reproduites  par  Constantin  VII  Porphyrogénète 
divisent  les  possessions  byzantines  de  l'Italie  en  thème  de 
Sicile  et  en  thème  de  Longobardie.  Le  basileus  reconnaît  d'ail- 
leurs que  le  premier  est  occupé  par  les  Musulmans  et  que  le 
territoire  du  second  est  réduit  à  la  Calabre  c'est-à-dire  à  l'ancien 
Bruttium  ',  mais  tout  cela  n'empêche  pas  le  thème  de  Sicile  de 
figurer  dans  la  liste  des  provinces  relevant  de  l'empire  grec  2, 
Il  en  est  de  même  pour  le  thème  de  Longobardie-^  Les  prin- 
cipales villes  de  ce  dernier  sont  bien  au  pouvoir  des  Lombards, 
comme  l'empereur  est  obligé  de  le  reconnaître,  mais,  dans  la 
théorie  du  basileus,  les  Lombards  sont  des  vassaux  de  l'em- 
pire grec.  Cela  résulte,  sans  doute  possible,  d'un  passage  du  De 
administrando  imperio''  et,  encore  plus  clairement,  des  paroles 
que  Liutprand,  ambassadeur  de  l'empereur  Othon  auprès  du  basi- 
leus, prête  à  Nicéphore  Phocas.  Parlant  des  princes  lombards  de 
Capoue  et  de  Bénévent  soumis  à  l'empereur  germanique,  Phocas 

1.  Sur  l'époque  du  changement  de  nom  du  Bruttium,  cf.  Schipa,  La 
migrazione  del  nome  ((  Calahria  »  dans  VArchiino  storico  per  le  prorincie 
napoletane,  t.  XX  ll89o),  p.  23  et  suiv.  J.  Gay,  Les  diocèses  de  Calabre  à 
Vépoque  byzantine,  dans  la  Rev.  dliistoire  et  de  littérature  religieuse,  t.  IV 
(1900),  p.  234  et  suiv.,  et  L'Italie  méridionale  et  V empire  byzantin,  p.  6 
et  suiv. 

2.  De  them.,  II,  p.  58. 

3.  Ibid.,  p.    60. 

4.  Kaî  ËxTOTE  xat  [J-é/pt  tou  vuv  /.ai  oi  ifj;  Ka;tûr,;  -/.aï  oi  Tf^;  BeveSevôou  e'atv  ùnô 
TT)V£;oua;av  xwv  'P(i)jj.atwv  £tç  TsXetav  ooûXroaiv  xaî  6;:oTayrjv  5ià  T7]v  eîç  aùioùç  yevo- 
[AEvr)v  [x£YâXr,v  TaÛTrjv  txiio-^i.'sioL'^ .  De  admin.  imp.,  29,  136. 


4  CHAPITRE    PREMIER 

s'exprime  ainsi  :  «  Servos  ineos  doininus  tuus  in  tutelain  recipit 
suam  ;  quos  si  non  dimiserii  et  in  pristinam  servitutem  redefferit, 
nostra  aniicitia  carebif.  Ipsi,  in  iniperiuni  nostruni  ut  recipiantur, 
flagitant  ;  sed  récusât  eos  nosf  ru  m  imperiuni,  ut  cognoscant  et 
experiantur  quam  periculosuni  sit,  seruos  a  dominis  déclinasse, 
servituteni  effugere  ^.  >■> 

Pour  la  principauté  de  Salerne,  la  théorie  byzantine  devait 
certainement  être  la  même.  Comme  on  le  verra  plus  loin, 
le  prince  de  Salerne,  à  un  moment  donné,  a  reconnu  la  supré- 
matie du  basileus  et  à  diverses  reprises,  au  Ji^  siècle  et  au  xi®, 
nous  voyons  les  souverains  de  Salerne  prendre  dans  leurs  actes 
des  titres  byzantins,    le   plus  souvent  celui  de  patrice  impérial  2. 

11  en  est  de  même  pour  les  autres  Etats  qui,  comme  nous 
le  montrerons,  sont  en  fait  à  peu  près  complètement  indépendants. 
Le  Porphyrogénète  énumère  Naples,  Gaëte,  Amalfi  et  Sorrente 
comme  relevant  du  thème  de  Sicile  ;  il  ajoute  que  Naples,  Amalfî 
et  Sorrente  ont  toujours  obéi  à  l'empire  ^  On  verra  plus  loin 
que  Byzance  n'était  pas  très  difficile  en  fait  d'obéissance. 

Par  ce  qui  vient  d'être  dit  on  peut  juger  que  Byzance  a  conservé 
toutes  ses  prétentions  sur  l'Italie  méridionale;  et  c'est  peut- 
être  dans  cette  conception  de  la  politique  impériale,  qu'il  faut 
chercher  l'explication  du  titre  de  catépan  d'Italie  que  nous 
voyons  prendre  à  la  fin  du  x*"  siècle  par  Michel,  Calocyr  et  Gré- 
goire Trachaniotès  ^.  Nous  allons  maintenant  passer  à  la  réalité 

1.  Liudprandi  legatio,  M. G. H.  SS.,  t.  III,  p.  332-.3o3. 

2.  Codex  dipl.  Cavensis,  t.  I,  n.  Cil,  p.  130,  n.  CIV,  p.  133;  n.  CXC, 
p.  245;  n.  GXCl,  p.  246,  etc.  Cf.  Di  Moo,  -In.  cril.del  regno  di  Napoli,  t.  V, 
p.  346-357. 

3.  De  administrando  imperio,  27,  121. 

4.  Trinchei'a,  Syllahus  niembranarum  graecarvm,  p.  5  et  9.  Beltrani, 
Documenti  lonyohardi  e  i/reci,  p.  9  et  H.  On  a  beaucoup  discuté  sur  le  sens 
qu'il  faut  attribuer  au  mot  Italie.  On  a  voulu  que  ce  mot  ait  servi  à  désigner 
l'ancienne  Longobardie.  Cf.  Kap  Ilerr,  Bajulim  Podesta  Consules,  dans 
Deutsche  Zeilsch.  fur  Geschichfawisxenschaft,  t.  A'  (1891),  p.  67.  Gay. 
L'Italie  méridionale  et  l'empire  byzantin,  p.  347.  Sur  les  divers  sens  du 
mot,  cf.  Schipa,  Le  «  Italie  »  nel  medio  evo,  dans  Arch.  st.  napol.,  t.  XX, 
p.  395  et  suiv.  Il  me  parait  que  ce  mot  a  été  pris  successivement  dans 
deux  sens,  puisque  certains  catépans,  au  xi^  siècle,  sont  dits  <<  catépans 
d'Italie  et  de  Calabre  »;  cf.  del  Giudice,  op.  cit.,  Ap.  p.  14;  tandis  qu'au 
x"  siècle,  c'est  le  titre  de  catépan  d'Italie  qui  est  usité. 


ÉTAT    POLITIQUE    DK    L  ITALIK    MÉIUDIONALE  O 

et  examiner  la  situation  véritable  de  chacune  des  principautés  de 
l'Italie  du  Sud. 

Au  début  du  xi"  siècle,  les  Byzantins  ne  possèdent  plus  rien 
en  Sicile  '.  Ils  en  ont  été  complètement  chassés  par  les  Ag-labites 
de  Kairouan.  Ceux-ci  commencèrent  la  conquête  de  File  en  827; 
ils  n'attendirent  pas  de  l'avoir  terminée  pour  commencer  à  piller 
les  côtes  d'Italie.  Leurs  expéditions  furent  d'ailleurs  singuliè- 
rement facilitées  par  les  guerres  continuelles  des  divers  princes 
italiens.  Les  factions  rivales  finirent  par  s'appuyer  sur  eux  et  les 
Musulmans  purent  ainsi  fonder  sur  le  continent  des  établissements 
permanents.  Il  suffit  de  rappeler  leur  colonie  du  Garigliano,  celle 
d'Agropoli  et  leur  établissement  à  Bari.  Pendant  des  années,  les 
malheureuses  populations  de  l'Italie  furent  en  butte  àleurs  attaques 
incessantes.  Nous  voyons  d'après  un  acte  curieux  publié  dans  le 
Charfularium  Cupersanense  ',  que  les  habitants  des  villes  mena- 
cées fuyaient  dans  l'intérieur  des  terres  ;  les  lettres  de  Jean  VIII 
et  la  Vie  de  saint  \il  -^  nous  font  saisir  sur  le  vif  la  terreur  que 
répandaient  les  incursions  des  Sarrasins  et  les  misères  de  toute 
sorte  qui,  durant  le  ix*'  et  le  x*"  siècle,  suivaient  leur  passage.  Le 
moine  Bernard  qui  alla  en  Terre  sainte,  vers  870,  raconte,  dans 
sa  relation  de  voyage,  qu'il  vit  à  Tarente  des  milliers  de  captifs 
chrétiens  que  les  Musulmans  envoyaient  en  Afrique  '.  L'audace 
des  infidèles  grandissait  sans  cesse;  leur  exploit  le  plus  reten- 
tissant fut,  en  846,  le  pillage  de  la  basilique  de  Saint-Pierre  de 
Rome,  qui  eut  un  douloureux  retentissement  dans  tout  le 
monde  chrétien  '.   Après    l'expédition  de  Louis  II  contre   Bari, 


1.  Sur  la  conquête  de  la  Sicile,  cf.  Amari,  Sforia  dei  Miixiilmani  di  Sicilia 
(Florence,  1854),  t.  1,  p.  2'i8  et  suiv. 

2.  Charl.  Cupers.,  t.  I,  p.  80. 

3.  Cf.  Schhimhergev,  L'épopée  byzantine  à  la  findii  X^  siècle,  Jean  Tziniis- 
cès,  p.   460  et  suiv. 

4.  Itinera  Hierosolymifana,  éd.  Tobler,  t.  1,  p.  310. 

5.  Ann.  Berlin.,  éd.  Waitz,  M. G. H.  SS.,  in-8°,  p.  34.  Lih.  Pont.,  éd. 
Duchesne,  t.  II,  p.  99.  Benoit  de  St-André,  Chr.  M.G.II.,  SS.,  III,  713. 
Cf.  Mgr  Duchesne,  Les  premiers  temps  de  l'Etat  pontifical,  2'' éd. (Paris,  1904), 
p.  213  et  suiA'.  ;  Lauer,  Le  poème  de  la  «  destruction  de  Home  »  et  les  origines 
de  la  cité  léonine,  dans  les  Mélanges  d'arch.  et  d'histoire  publiés  par  l'Ecole 
française  de  Rome,  t.  XIX  (1899),  p.  307  et  suiv. 


b  CHAPITRE    PREMIER 

le  pape  Jean  VIII  se  décida  à  entreprendre  contre  eux  une  véri- 
table croisade;  mais  ce  fut  seulement  sous  le  pontificat  de 
Jean  X  que  les  Etats  du  sud  de  l'Italie,  voyant  que  les  maux 
occasionnés  par  la  présence  des  Musulmans  n'étaient  pas  com- 
pensés par  les  avantages  tirés  de  leur  alliance,  finirent  par  s'unir 
pour  le  chasser'.  Au  début  du  xi®  siècle,  les  Musulmans  n'ont 
plus  d'établissement  sur  le  continent,  mais  la  Sicile  en  entier 
leur  appartient,  depuis  la  grande  défaite  qu'ils  ont  infligée  à 
l'expédition  envoyée  par  Nicéphore  Phocas  -.  L'échec  des 
troupes  grecques  amena  la  prise  de  Rametta,  la  dernière  place 
qui  fût  restée  aux  Grecs  (96o).  Etablis  en  Sicile,  les  Musulmans 
continuent  leurs  attaques  incessantes  contre  les  côtes  d'Italie  '. 
Il  n'est  presque  pas  d'année  où  l'on  ne  trouve  la  mention  dune 
de  leurs  expéditions.  L'expulsion  des  Sarrasins  de  Sicile  devient 
à  partir  de  la  fin  du  x*"  siècle  le  but  que  se  proposent  tous  ceux 
qui  songent  k  dominer  sur  l'Italie  méridionale.  C'est  contre  eux 
qu'était  dirigée  l'importante  expédition  d'Othon  II,  qui  aboutit 
à  la  lamentable  défaite  de  Stilo  '%  et  Basile  le  Bulgaroctone 
songeait  à  conduire  en  personne  les  troupes  byzantines  en  Sicile 
lorsque    la    mort    vint  le  surprendre  •'. 

Au  début  du  xi^  siècle,  les  Byzantins  n'ont  donc  absolument 
plus  rien  en  Sicile.  L'île  tout  entière  est  aux  mains  des  Musul- 
mans. Passons  maintenant  aux  Etats    continentaux. 

Pour  Gaëte,  nous  sommes  bien  renseignés,  grâce  aux  actes 
conservés  ^.  Nous  pouvons  constater  quelle  est  la  situation  poli- 


1.  Cf.  Lapôtre,  L'Europe  el  le  St-Siège  à  l'époque  carolingienne  Paris, 
1895),  p.  354  et  suiv.,  et  Mgr  Duchesne,  op.  cit.,  p.  317. 

2.  Cf.  Schlumberger,  Un  empereur  byzantin  au  A'*"  siècle  (Paris, 
1890),  p.  435  et  suiv. 

3.  Ihid.y  p.  670  et  suiv.,  et  Schlumberger,  L'épopée  byzantine  à  la  fin  du 
.Y«  siècle,  Jean    Tsimiscès,  p.   477  et  suiv. 

4.  Op.  cit.,  p.  504  et  suiv. 

5.  Cf.  Schlumberger,  L'épopée  byzantine  à  la  fin  du  X^  siècle.  Basile  II 
le  tueur  de  Bulgares,  p.  598  et  suiv. 

6.  Ces  actes  sont  publiés  dans  le  Codex  diploniaticus  Caietanus, 
(Montis  Cassini,  1888-1891),  2  vol.  in-4°.  Sur  l'histoire  de  Gaëte,  cf.  Federici 
(G.),  Degli  antichi  duchi  e  consoli  o  ipati  délia  città  di  Gaeta.  (Napoli, 
1791.)  Malgré  beaucoup  d'erreurs,  on  y  trouve  encore  dutiles  renseigne- 
ments. 


ETAT    POLITIQUE    DE    l-  ITALIE    MERIDIONALE  7 

tique  de  la  ville,  sans  pouvoir  toutefois  connaître  comment  s'est 
établi  l'état  de  choses  existant.  La  ville  de  Gaëte  ne  fut  pas 
comprise  dans  la  donation  de  Charlemagne  au  pape  Hadrien  ;  à  ce 
moment  elle  relevait  théoriquement  de  l'empereur  de  Constanti- 
nople  '.  En  778,  nous  voyons  le  patrice  de  Sicile  s'établira  Gaëte 
d'où  il  dirig-e  les  incursions  des  gens  de  Bénévent,  Terracine  et  Gaëte 
contre  la  Campanie  ^.  Quelques  années  après,  nous  voyons  que  la 
situation  s'est  modifiée.  Gaëte  reconnaît  la  souveraineté  du  pape. 
Vers  787,  les  actes  rédig-és  à  Gaëte  portent  la  mention  du  règne  de 
l'empereur  et  du  pontificat  du  pape  ^  Une  lettre  du  Codex  Carolinus 
nous  montre  vers  la  même  époque  l'évêque  de  Gaëte  renseignantle 
pape  sur  les  menées  de  ses  ennemis  K  Gomment  s'est  produit  ce 
rapprochement?  On  ne  saurait  rien  affirmer  à  cet  égard.  Sans 
doute  les  insuccès,  que  subit,  à  la  fin  du  viii"  siècle  la  politicjue 
byzantine  dans  les  affaires  italiennes,  n'ont  pas  été  étrangers 
aux  rapports  qui  s'établirent  alors  entre  Rome  et  Gaëte.  D'autre 
part  l'Etat  pontifical,  tel  qu'il  fut  constitué  en  774,  occupait 
l'arrière-pays  de  Gaëte.  Sans  doute,  il  est  certain  que  la  donation 
de  Charlemagne  n'a  pas  été  suivie  d'effet,  mais,  du  fait  même  de 
la  donation,  il  résulta  pour  la  papauté  un  accroissement  moral 
d'autorité  qui  peut  parfaitement  expliquer  un  rapprochement  de 
la  part  des  gens  de  Gaëte,  lesquels  voyaient  diminuer  l'influence 
byzantine.  Cette  reconnaissance  de  l'autorité  pontificale  fut 
d'ailleurs  passagère.  En  812,  la  flotte  de  Gaëte  se  range  sous  les 
ordre  du  patrice  de  Sicile  •''  et,  en  830,  nous  voyons  figurer  dans  les 
actes  l'indication  des  années  de  règne  de  l'empereur  grec  ^.  Il 
semble  qu'à  ce  moment  Gaëte  ait  fait  partie  du  duché  de  Naples. 
Dansun  acte  de  839,  Constantin,  consul  de  Gaëte,  appelle  André, 

1.  Cod.  Carolinus^  n.   37,  p.   547. 

2.  Ihid.,  n.  61,  p.  588  et  n.  64,  p.  591. 

3.  Codex  Caietanus,  t.   I,  p.  1. 

4.  Cod.  Carolinus,  n.  80,  p.  612. 

5.  JafTé-Lowenfeld,  2524. 

6.  Cod.  Caiet.,  t.  I,  p.  2.  Les  éditeurs  ont  placé  à  la  suite  de  ce  docu- 
ment un  acte  daté  des  années  de  règne  du  pape,  qu'ils  datent  de  l'année 
830.  Comme  il  s'agit  d'une  ([uestion  ecclésiastique,  il  n'y  a  peut-être  pas 
lieu  de  tenir  compte  de  la  formule  :  <<  Temporibus  domni  Gregorii  sumrni 
pontificis  ».  Dans  tous  les  cas  l'indiclion  X  donne  pour  la  date  d'année  : 
septembre  831  à  septembre  832,  et  non  pas  830. 


8  CHAPITRE    PREMIER 

consul  de  Naples,  notre  duc  '.  Il  me  paraît  très  probable  que 
Gaëte  fut  rattachée  à  Naples.  quand,  par  suite  de  l'expulsion  des 
Byzantins  de  presque  toute  l'Italie,  le  patrice  de  Sicile  devint  le 
principal  fonctionnaire  grec  pour  les  possessions  italiennes  de 
l'empire.  A  cause  de  son  éloignement,  le  patrice  céda  sans 
doute  au  duc  de  Naples  une  partie  de  son  autorité  sur  la  région 
avoisinante. 

A  partir  de  l'année  839  et  jusqu'en  862,  Gaëte  reconnut 
de  nouveau  la  souveraineté  pontificale  "-.  Ce  nouveau  recul 
de  l'influence  byzantine  s'explique  très  bien  ;  la  période,  durant 
laquelle  il  se  produit,  est  remplie  par  les  luttes  amenées  par  le 
partage  du  duché  de  Bénévent  ;  pendant  les  règnes  de  Théophile 
(829-842)  et  de  Michel  111  !8i2-8()7),  Byzance  ne  s'occupe  pas 
du  tout  des  affaires  italiennes.  A  partir  de  866,  Gaëte  reconnaît 
de  nouveau  l'empire  grec  ^,  mais  peu  après  nous  voyons  appa- 
raître les  premières  tentatives  des  autorités  locales  pour  se 
rendre  indépendantes.  En  867,  Docibilis,  qui  a  succédé  depuis 
peu  à  Théodore  '*,  comme  prefecturius,  fait  marquer  dans  les 
actes  le  teaips  de  son  gouvernement,  au  lieu  de  celui  de  l'em- 
pereur •':  en  890,  dans  les  diplômes  de  Docibilis  lui-même,  il 
n'est  fait  aucune  mention  de  l'empereur  grec  ''.  Entre  ces  deux 
deux  dates,  on  rencontre  une  fois,  en  septembre  de  l'année  887, 
un  acte  où  sont  comptées  les  années  de  règne  des  empereurs 
Léon  et  Alexandre".  Ces  hésitations  dans  les  usages  nous  montrent 
bien  que  Gaëte  **  est  alors  dans  une  période  de  transition.  Sans 


1.  Cod.  Caiet.,  t.  I,  p.  10. 

2.  Cod.  Caiet.,  t.  I,  p.  11-19. 

3.  Ibid.,  p.  20. 

4.  Théodore  est  mentionné  dans  un  acte  du  \"i  janvier  Snti.  Cod. 
Caietanus,  t.  I,  p.  20. 

5.  En  octobre  867,  Ihid.,  p.  22.  La  formule  usitée  est  :  ><  Temporibus 
domini  Docibilis  ma;/ni/ico  et  prefecturio  ».  sans  indication  des  années  de 
règ'ne. 

(i.   Ibid.,  p.  2o  et  27.  Docibilis  à  un  collègue,  le  consul  Jean. 

7.  Ihid.,  p.   24. 

8.  Je  ne  sais  sur  quel  texte  Rambaud  s'est  appuyé  pour  dire  que  Gaëte 
témoignait  habituellement  les  plus  grands  égards  au  gouvernement 
byzantin.  L'empire  grec  an  X"  siècle,  Constantin  Porphyrogénète  (Paris, 
1870»,  in-8",  p.  44;i. 


ÉTAT    POLITIQUE    DE    LITALIE    MÉRIDIONALE  9 

se  proclamer  tout  à  fait  indépendante  la  ville  tend  à  s'aifranchir 
de  tout  lien  de  subordination  vis-à-vis  de  l'empire  grec.  Ces 
tentatives  ne  durèrent  pas  très  longtemps,  la  iin  du  ix*'  siècle  vit 
en  effet  le  retour  offensif  des  Byzantins  qui  vinrent  jusques  à 
Bénévent.  Aussitôt  Gaëte  reconnut  à  nouveau  la  suzeraineté  du 
basileus,  et,  de  899  à  933,  nous  Aboyons  que  Ton  date  les  actes 
des  années  de  règne  de  l'empereur  '.  En  même  temps  les  magis- 
trats de  Gaëte  reprennent  les  titres  impériaux  de  patrice  et  de 
consul  "'.  A  cette  époque  également,  on  voit  apparaître  le  titre 
de  dux  ■\  qui  fut  très  probablement  accordé  par  Byzance. 
Je  serais  très  porté  à  admettre  que  ce  titre  fut  donné  aux  magis- 
trats de  Gaëte  par  le  basileus  pour  punir  Naples,  qui  à  ce  moment 
s'éloignait  de  l'empire  grec.  Ainsi  aurait  cessé  la  subordination 
de  Gaëte  au  duché  de  Naples. 

A  partir  de  l'année  93i,  l'incertitude  règne  de  nouveau  ^.  Les 
fonctions  municipales  sont  devenues  héréditaires  •',  le  pouvoir  est 
aux  mains  de  la  famille  des  Docibilis,  et,  suivant  que  1  influence 
byzantine  augmente  ou  diminue,  Gaëte  reconnaît  l'empereur  grec 
ou  s'émancipe  de  la  suzeraineté  byzantine.  En  962,  Gaëte  reconnaît 
le  prince  lombard  Pandolf  Tête  de  fer  ",  mais,  à  partir  de  963,  les 
actes  ne  mentionnent  plus  que  les  magistrats  municipaux  ^  Il 
n'y  a  qu'une  exception  :  en  976,  nous  trouvons  un  acte  daté  de 
l'empereur  Othon  et  du  pape  •'^.  Tous  les  actes  suivants  montrent 
que  la  ville  se  regarde  comme  indépendante  •'.  En  résumé,  depuis 
le  viii^  siècle,  Gaëte  a  tendu  continuellement  à  s'affranchir  de  la 
domination  byzantine,  et  l'on  peut  dire  que  depuis  le  x''  siècle 
elle  y  a  réussi.  Sa  situation  géographique  lui  a  d'ailleurs  donné 
beaucoup  de  facilités  pour  arriver  à  ce  résultat.  Complètement 
isolée,  tout  à  faità  l'extrémité  des  possessions,  qui  nominalement 

1.  Cod.  Caiet.,  1. 1,  p.  28  et  suiv. 

2.  Op.  cit.,  p.  31,  41,  46,  47,  53,  etc. 

3.  IIjUL,  p.  62,  66,   68,  etc. 

4.  Ibid.,  p.  62  et  suiv. 

5.  Ihid.,  p.  :j2,  57  et  68. 

6.  Ihid.,  p.  112.  '  . 

7.  Ihid.,  p.  113  et  suiv. 

8.  Ihid.,  p.  127. 

9.  Ihid.,  p.  133  et  suiv. 


10  CHAPITRE    PKE.MIER 

appartenaient  aux  Byzantins,  Gaëte  a  pu  d'autant  plus  facile- 
ment échapper  à  toute  autorité  directe,  que  son  commerce  ne 
paraît  pas  avoir  été  très  important.  Par  suite  la  ville  n'a  pas  été 
oblig"ée  de  suivre  une  politique  conciliante  vis-à-vis  de  Byzance, 
comme  cela  a  été  le  cas  pour  certaines  villes,  Amalfi  par 
exemple.  On  voit  donc  que  le  Porphyrogénète  avait  de  bonnes 
raisons,  pour  ne  pas  mentionner  Gaëte  parmi  les  villes  qui  ont 
toujours    obéi   à    l'empire  g-rec. 

L'origine  du  duché  de  Naples  remonte  à  une  époque  très 
ancienne;  au  temps  de  Grég-oire  le  Grand  il  existait  déjà  '.  A 
partir  de  Constant  II,  le  titre  de  duc  fut  attribué  d'une  manière 
permanente  au  gouverneur  militaire  de  la  Campanie  et  le  duc 
fut  nommé  directement  par  l'empereur.  Le  duché  de  Naples  est 
alors  entièrement  byzantin.  Au  viii''  siècle,  le  grec  est  la  langue 
officielle,  les  sceaux  des  ducs  ont  des  légendes  en  langue  grecque  -, 
les  monnaies  frappées  à  Naples  portent  le  nom  de  l'empereur 
de  Constantinople  -K  Le  duc  prend  le  titre  de  patrice  impérial 
et  de  consul  ^.  Vers  761,  le  peuple  de  Naples  admet  tout  à 
fait  les  idées  iconoclastes  et  refuse  de  recevoir  l'évêque  Paul, 
ennemi  des  iconoclastes  et  envoyé  par  le  pape  ^.  Pourtant,  à 
partir  de  764,  l'influence  grecque  paraît  décroître.  L'évêque  Paul 
peut  prendre  possession  de  son  siège  et  nous  voyons  vers  le 
même  temps  Naples  se  détacher  de  Byzance  par  toute  une  série 
d'usurpations.  Il  faut  noter  toutefois  que,  vers  787,  des  ambas- 
sadeurs byzantins  reçoivent  à  Naples  un  accueil  empressé.  On 
peut  dire,  semble-t-il,   que  le  règne  d'Etienne   II  a  été  pour  le 

1.  Pour  tout  ce  qui  regarde  le  duché  de  Naples,  cf.  Gay,  op.  cit.,  p.  16 
et  suiv.,et  L'élat  pontifical,  les  Byzantins  et  les  Lombards,  dans  les  Mélanges 
d'archéologie  et  d'histoire,  t.  XXI  (1901),  p.  489,  et  Schipa,  Il  ducato  di 
Napoli,  dans  VArchivio  st.  per  le  prov.  nap.,  t.  XVII  et  suiv.  .lai  beaucoup 
emprunté  à  ces  ouvrages. 

2.  Cf.  Ca\)asso,  Moniim.  ad.  Xeap.  ducat iis  historiani  pertinentia,  t.  Il,  pars 
2,  p.  243-244. 

3.  Cf.  Sambon,  Le  monele  del  ducato  Xapoletano  dans  Arch.sf.nap.,  l.  XV^ 
p.  462-464.  De  Blasiis,  Le  pergamene  bizantine  degli  archiiu  di  Xapoli  e  di 
Palermo,  dans  Arch.  st.  it.,  me  s.,  t.  III,  p.  94.  Au  viii*'  siècle  Naples  compte 
plusieurs  églises  grecques.  Cf.  Rodotà,  op.  cit.,  I,  336. 

4.  Capasso,  op.  cit.,  t.  I,  p.  262  ;  t.  II,  p.  243. 

5.  Gesta  episcoporuni  neapolit.,  dans  M. G. H.  Script,  reruni  longob.  et  it., 
p.  424. 


ÉTAT    POLITIQUE    DE    l'iTALIE    MÉRIDIONALE  11 

duché  de  Naples  une  période  de  transition  durant  laquelle  les 
Lombards  et  les  Grecs  ont  été  également  ménagés  •. 

Sans  que  nous  soyons  renseignés  à  cet  égard,  il  me 
paraît,  que,  déjà  à  ce  moment,  l'empereur  n'exerce  plus  son 
droit  dé  nomination  du  duc;  il  ne  doit  y  avoir  tout  au  plus  que 
confirmation.  Le  latin  tend  à  remplacer  le  grec  comme  langue 
officielle,  et,  sur  les  monnaies,  on  substitue  à  l'effigie  de  l'em- 
pereur celle  de  saint  Janvier  patron  de  la  cité  -.  On  continue, 
pourtant,  à  dater  les  actes  des  années  du  règne  des  empereurs. 
Au  début  du  ix*^  siècle,  dans  un  moment  de  discordes  civiles, 
nous  voyons  le  patrice  de  Sicile  nommer  successivement  deux 
ducs  (entre  818  et  821)  ;  mais,  en  821,  une  révolution  chasse 
le  duc  désigné  par  le  représentant  de  l'empereur  'K  Quelques 
années  auparavant,  l'empereur  Léon  III  voulant  arrêter  les 
attaques  des  Musulmans  avait  fait  appel  à  la  flotte  de  tout  le 
duché  ;  seules  les  villes  d'Amalfi  et  de  Gaëte  répondirent  à  son 
appel,  et  la  flotte  de  Naples  ne  parut  point  ''.  Le  duc  Etienne  III 
(820-831  )  frappa    des  monnaies  à  ses  initiales  •''. 

Avec  le  duc  Serge  L'"",  au  milieu  du  ix^  siècle,  l'orientation  poli- 
tique du  duché  se  modifie  complètement.  Les  prédécesseurs  de  Serge 
avaient  été  amenés,  par  suite  de  leurs  guerres  continuelles  avec  les 
princes  lombards,  à  s'allier  aux  Musulmans  de  Sicile,  les  progrès 
de  ceux-ci  furent  si  rapides  que  Serge,  pour  les  chasser  d'Italie, 
se  tourna  vers  la  papauté  et  l'empire  franc  ^\  Nous  n'avons 
pas  à  entrer  dans  le  détail  de  ces  événements  ^,  mais  le  fait 
suivant  montre  bien  l'importance  que  Serge  sut  acquérir  :  en 
847,     l'empereur    Lothaire    P*"    le    chargea     avec    Guy  de   Spo- 


i.  Cf.  Cod.  CaroL,  n.  82,  p.  610,  et  la  curieuse  inscription  du  duc 
Césaire,  dans  Capasso,  Monumenta,  III,  218.  Cf.  Mommsen,  Neues  Archiv, 
t.  III,  p.  403. 

2.  Sambon,  op.  cit.,  p.  467  et  suiv.  On  compte  cependant  à  Naples  un 
certain  nombre  de  monastères  grecs.  Cf.  Capasso,  Monumenta,  II,  2, 
169-170,  et  Jean  Diacre  dans  M. G. II.,  Script,  reruni  longoh.,  p.  440  et  456. 

3.  Gesta  ep.  neap.,  "tO,  p.  428. 

4.  Jaffé-L.  2524, 

5.  Sambon,  op.  cit.,  p.  470. 

6.  Capasso,  op.    cit.,  I,  84. 

7.  Cf.  Schipa,  op.  cit.,  p.  612  et  suiv. 


12  CHAPITRE    PREMIER 

lète  de  rétablir  la  paix  entre  les  princes  lombards  '.  Serge  a^^it 
comme  s'il  était  complètement  indépendant;  sous  son  règ-ne  la 
charg-e  de  duc  devient  héréditaire  '  et  les  monnaies  sont  frap- 
pées à  l'effigie  du  duc  '•. 

Les  ducs  de  Naples  adoptèrent  dès  lors  une  politique  de  bascule 
entre  les  Francs  et  les  Byzantins,  favorisant  tout  à  tour  les 
progrès  de  l'empereur  ou  du  basileus,  suivant  ce  que  leur  com- 
mandait leur  intérêt  particulier.  Le  duché  atteignit  le  plus  haut 
période  de  sa  puissance  avec  Athanase  (877-898).  C'est  une  des 
figures  les  plus  curieuses  de  l'histoire  de  l'Italie  du  Sud  que  celle 
de  cet  évéque-duc  qui  durant  près  de  vingt  ans  tint  tète  au  pape 
et  à  l'empereur,  malgré  les  excommunications  répétées  qui  furent 
lancées  contre  lui  ^.  Athanase  suivit  d'abord  la  politique  allemande 
de  ses  prédécesseurs,  mais  il  trouva  que  Jean  VIII  intervenait 
trop  dans  les  affaires  de  l'Italie  du  Sud  et  il  se  tourna  complè- 
tement vers  les  Sarrasins  et  les  Byzantins  '.  L'alliance  des  Grecs 
lui  permit  d'étendre  jusqu'à  Gapoue  le  territoire  du  duché.  Sous 
son  règne  il  faut  noter  un  fait  important.  Erchempert  mentionne 
à  diverses  reprises  la  présence  des  Grecs  dans  les  rangs  de  1  armée 
du  duc  de  Naples  ^.  Nous  avons  là  une  preuve  des  bons  rapports 
qui  s'établirent  entre  Byzance  et  Naples  au  moment  où  les  Grecs 
reprirent  pied  dans  l'Italie  méridionale.  D'autres  faits  peuvent 
encore  être  cités  à  ce  sujet.  Lorsque  le  prince  de  Salerne.  Guai- 
mar,  fit  sa  soumission  à  Byzance,  nous  voyons  le  duc  de  Naples 
s'abstenir  pendant  un  certain  temps  d  attaquer  le  territoire  de 
Salerne  ^  La  politique  inaugurée  par  Athanase  fut  continuée 
par  ses  sucesseurs. 

Nous  voyons,  en  915,  le  patricegrec  envoyé  pour  combattre  les 


1.  Capasso,  op.  ciL,  1,  p.  83. 
'2.  Schipa,  op.  cit.,  p.   624. 

3.  Sambon,    op.    cit.,  p.    472.     Cf.    en    parliculier   Jaffé-L.    3090,    3307, 
3309,  3343,  334t),  3378. 

4.  Chr.  Vult.,  Muiatori,  R.I.SS.  I,  2,  p.  405.  Léo  Ost.  I,  40,   dans  M. G. H. 
SS.,  t.  VII,  p.  609. 

5.  Cf.  Erchemperl,  c.  57. 

6.  Ici.  c.  56.  57,    62,  67,  73. 

7.  Id.,  c.  67.    Cf.  Schipa,  Storia   del  principato  longohardo    di   Salerno 
dans  Arch.   st.  per  le  prov.  napol.,  t.  XII,  p.  213. 


ÉTAT    POLITIQLI-:    DE    l'iTALIE    MÉRIDIONALE  13 

Musulmans  d'Italie,  réussir  à  détacher  le  duc  de  Naples  Grégoire 
de  lalliance  musulmane  et  lui  conférer  le  titre  de  patrice  '. 
Durant  le  x*"  siècle,  les  ducs  de  Naples,  etîravés,  par  moment,  de  la 
puissance  croissante  des  Byzantins,  rompirent  parfois  avec  l'em- 
pereur grec,  mais  toujours  ils  furent  obligés  de  reconnaître  la 
suzeraineté  byzantine.  Au  début  du  règne  de  Jean  III,  Xaples 
s'allia  aux  Lombards  contre  les  Byzantins  et  il  fallut  l'envoi 
d'une  armée  en  Fouille  pour  faire  à  nouveau  reconnaître  l'auto- 
rité du  basileus  '.  Peu  après  nous  voyons  le  duc  de  Naples  con- 
clure un  accord  avec  les  princes  lombards  de  Capoue  et  de 
Bénévent  salua  fidelitate  sancforum  irnperatoruni  -K  Vers  9oo, 
une  nouvelle  tentative  de  rébellion  amena  l'envoi  d'une  armée 
grecque  à  Naples,  qui  dut  se  soumettre  '*.  Il  semble  que,  quelques 
années  plus  tard  (962),  Naples  se  soit  décidée  à  embrasser  le  parti 
de  l'empereur  Othon  I*"  '.  Le  successeur  de  Jean  III,  Marin  II, 
retourna  à  l'alliance  byzantine,  il  reçut  le  titre  de  patrice"  et 
conduisit  ses  troupes  au  patrice  Eugène  qui  assiégeait  Capoue  ". 
Othon  I*^''  fît  payer  aux  Napolitains  l'appui  qu  ils  avaient  donné 
aux  Byzantins,  en  ravageant  les  environs  de  Naples  (970),  mais 
il  ne  put  s'emparer  de  la  ville  ^.  Il  est  probable  que  les  succes- 
seurs de  Marin  II  continuèrent  la  politique  de  ce  dernier;  c'est 
ce  qui  expliquerait  comment  Othon  II  fut  amené  à  s'emparer  de 
Naples,  en  novembre  981  •'.  Othon  III,  en999,  envoya  en  Allemagne 
le  duc  Jean  IV  qu'il  avait  fait  prisonnier  '".  Nous  connaissons 
mal  cette  période  ;  Naples  paraît  avoir  continué  à  reconnaître 
l'empereur  grec  ".  En  1002,  nous  voyons  réapparaître  Jean  IV*-', 
mais   nous    ne   savons  pas  comment  il  reconquit  le  pouvoir. 

i.  Léo  Ost.,  I,  :y2.  M.G.II.SS.,  t.  VII,  p.  612. 

2.  Const.  Porph.,  De  cerirn.,   II,  44,  660. 

3.  Capasso,   Monunienia,    II,    2   p.    146  ;    Cf.  Schipa,  op.,  cit.,  Arch.    st. 
nap.,  t.  XVIII,  p.  267. 

4.  (lontin.    Theoph.,  212. 

").  M. G. II.  in-4".  Dipl.  rey.  el  iinp.  Gerinaniae,  t.  I,  p.  325  et  3o2. 

6.  Capasso,  Mon.,  II,  2,   15. 

7.  Capasso,  Mon.,  I,  127. 

8.  I/jid. 

9.  M. G. II.,  in-4°,  op.  cit.,  t.  II,  p.  307. 

10.  Capasso,   Mon.,    I,   129. 
U.  Ihid.  II,  191. 

12.  Ibid.  11,2,  98. 


14  CHAPITRE    PREmER 

En  résumé,  nous  voyons  que  Naples  a  acquis  en  fait  une  indépen- 
dance presque  complète.  Ses  ducs  ne  sont  plus  nommés  par  l'empe- 
reur, ils  font  la  guerre,  concluent  des  traités  et  battent  monnaie; 
néanmoins  ils  ont  toujours  témoigné  à  Byzance  une  certaine 
déférence.  On  a  toujours  daté  les  actes  des  années  de  règne  des 
empereurs  de  Constantinople  ;  je  ne  crois  pas  qu'en  général  la 
soumission  ait  été  beaucoup  plus  loin.  Pourtant,  depuis  que  les 
Byzantins  sont  devenus  plus  forts,  l'alliance  entre  Naples  et 
l'empire  grec  paraît  avoir  été  plus  étroite,  et  1  on  comprend  à  la 
rigueur  que  l'on  ait  regardé  à  Byzance  l'antique  duché  comme 
faisant  toujours  partie  intégrante  de  l'empire. 

Au  moment  où  fut  constitué  le  duché  de  Naples,  Amalfî  en 
dépendait  certainement.  Nous  avons  à  cet  égard  des  témoignages 
qui  ne  peuvent  laisser  aucun  doute.  Dans  une  de  ses  lettres,  le 
pape  Hadrien  I*"'"  parle  du  duc  Arichis  qui  attaque  «  les  Amalfîtains 
du  duché  de  Naples  »  •  ;  et,  en  812,  nous  voyons  les  gens  d'Amalfi 
répondre  à  l'appel  de  l'empereur  Léon  III  qui  convoquait  la  flotte 
de  tout  le  duché  de  Naples  -.  Enfin,  en  83(5,  dans  le  traité  con- 
clu entre  Sicard  de  Bénévent  et  le  duc  de  Naples.  Amalfi  est 
expressément  mentionnée  comme  faisant  partie  du  duché  napo- 
litain ^  La  situation  changea  quand  Amalfi  eut  été  prise  et  en 
partie  détruite  par  Sicard  de  Bénévent  '*.  Les  Amalfîtains,  déportés 
en  grand  nombre  àSalerne,  ne  retournèrent  dans  leur  patrie  qu'à  la 
mort  de  Sicard  1 839j  '.  Ils  relevèrent  leur  ville  et  nommèrent  un 
comte.  Ils  paraissent  s'être  rendus  alors  indépendants  de  Naples. 
Nous  trouvons,  il  est  vrai,  leurs  troupes  sous  le  commandement 
du  duc  de  Naples,  lors  de  l'expédition  de  84H  contre  les  Sarrasins, 
mais  il  semble  qu'à  ce  moment  les  gens  d'Amalfi  agissent  comme 
alliés  plutôt   que   comme  vassaux  ^. 

1.  Cocl.  Carol.,  n.  78,  p.  610. 

2.  Jaffé-L.,  2524. 

3.  M.G.H.L.L.,  t.  IV.  p.  217.  U.  Scliipa,  op.  cit.,  Arch.  si.  nap.,  t.  XVII, 
p.  î)89-r)90.  Le  patriotisme  local  a  amené  les  historiens  de  la  ville  d'Amalfi 
à  soutenir  (pi" Amalfi  avait  toujours  été  indépendante  du  duché.  Cf.  Caméra, 
Memorie  storico-diplonialiche  tlell'antici  citth  e  ducalo  di  Amalfi,  t.  I 
(Salerne,  1876  ,  p.  78. Ce  qui  vient  dètre  dit  montre  suffisamment  la  fausseté 
de  cette  théorie. 

4.  l^f.  Capasso,  Mo/iuni.,   I,  78. 

5.  Cf.  Caméra,  op.  cit.,  t.  I,  p.  84-8o. 

6.  Cf.  Schipa,  op.  cit.,  Arch.  st.  nap.,  t.  XVII,  p.  612-613. 


ÉTAT    POLITIQUE    DE    l'iTALIE    MÉRIDIONALE  15 

Amalfî  devenue  indépendante  du  duché  napolitain  paraît  néan- 
moins être  restée  soumise  k  Byzance.  Ce  fait  s'explique  facilement 
par  la  situation  toute  particulière  oùles  Amalfitains  se  trouvaient, 
vis-à-vis  de  l'empire  grec,  à  cause  de  leur  commerce.  De  bonne 
heure  Amaliî  eut  une  marine  considérable.  Ainsi,  sous  le  règne  de 
l'empereur  Théophile  (829-842),  nous  voyons,  dans  V Histoire  du 
transfert  des  reliques  de  saint  Barthélémy ,  écrite  par  Nikétas  le 
Paphlagonien,  que  le  corps  du  saint  fut  pris  à  Lipari  par  des 
marins  amalfitains  '.  Vers  870,  nous  trouvons  un  certain  Florus, 
amalfitain,  qui  trafique  en  Afrique,  très  probablement  à  El- 
Medeah  -.  La  flotte  d'Amalfi  aide  Louis  11  au  siège  de  Bari^. 
Liutprand  nous  fait  connaître  les  fréquentes  relations  commer- 
ciales qui  unissaient  Amalfî  à  Byzance  '».  Enfin  nous  savons,  par  un 
contrat  déchange  de  l'année  973,  que  les  Amalfitains  avaient 
alors  un  important  commerce  avec  le  Caire  •',  La  conduite 
d'Amalfi  vis-à-vis  de  Byzance  fut  dictée  par  le  souci  de  son  inté- 
rêt commercial.  11  est  certain,  en  effet,  que  les  marins  d'Amalfi 
trouvaient  un  grand  avantage  à  être  regardés  dans  les  ports  étran- 
gers, comme  des  sujets  grecs;  cette  situation  devait  leur  assurer 
beaucoup  de  facilités,  non  seulement  dans  les  ports  byzantins,  mais 
encore  dans  les  ports  de  tout  l'Orient.  Aussi  quelle  que  soit  l'or- 
ganisation adoptée  pour  le  gouvernement  de  la  cité  *',  que  les 
premiers  magistrats  soient  des  comtes,  àesprefecturii^  des  juges 
ou  des  ducs,  Amalfi  n'a  jamais  rompu  ouvertement  avec  Byzance, 
et  jusqu'au  milieu  du  xi«  siècle,  nous  voyons  les  magistrats 
d'Amalfi  recevoir  le  titre  de  patrice  impérial  et  parfois  même 
dater  leurs  actes  des  années  de  règne  des  empereurs  de  Constan- 
tinople  '^.    Des  relations    amicales  ont    toujours  subsisté  entre 

1.  Migne,  P.  G.,  t.  105,  col.  217. 

2.  Cf.  Heyd,  Histoire  du  commerce  dans  le  Levant,  trad.  Furcy-Rainaud, 
t.  I,  p.  99. 

3.  Les  Gesla  episc.  neap.,  p.  435,  mentionnent  la  présence  des  Amalfi- 
tains, or  ceux-ci  ne  pouvaient  guère  fournir  que  des  vaisseaux. 

4.  Liudprandi  legatio,  p.  357  et  359. 

5.  De  Blasio,  Séries  principum  Longobard.  Salernit.  Appendice,  p. 
CXXXVII    et    suiv. 

G.  Sur  les  divers  titres  pris  par  les  magistrats  d'Amalfi,  Cf.  Caméra,  op. 
cit.,  t.  I,  ch.  VI,  VII,  VIII  et  IX. 

7.  Cfiron.  Amalfll.,  dans  Muratori,  Antiq.  It.,  t.  I,  p.  209  et  suiv. 
Cf.  Camei'a,  op.  cit.,  t.  I,  p.  IH  et  186. 


IB  CHAPITRE  premip:r 

Amalfi  et  By/.ance,  où  de  nombreux  Amaliitains  séLaient  établis; 
il  suffît  de  rappeler  la  famille  des  Pantaleoni,  si  connue  par 
ses  nombreuses  donations  aux  églises  de  l'Italie  du  Sud  •. 
Nous  avons  conservé  une  lettre  du  patriarche  Nicolas  à  un  ar- 
chonte d' Amalfi,  qui  nous  montre  qu'au  ix^  siècle  les  relations 
entre  les  habitants  des  deux  villes  étaient  fréquentes  et  amicales  '-. 
Jusqu'au  milieu  du  xi*"  siècle,  on  s'adresse  au  basileus  pendant 
les   révolutions   incessantes    qui   déchirent  la   ville  ^. 

L'importance  du  commerce  d'Amalli  avec  l'Orient  explique 
la  part  d'influence  laissée  àByzance,  mais  il  faut  se  garder  de  toute 
exagération,  car  son  intérêt  commercial  a  obligé  Amallî  à  rester  en 
bons  termes  avec  tous  les  pays  où  elle  trafiquait.  11  suffît  de  rappeler 
qu'Amalfî  aida  Louis  II  ^  et  se  soumit  au  pape  Jean  Mil,  lorsque 
celui-ci  l'eût  menacée  de  faire  fermer  les  ports  aux  vaisseaux 
amalfitains  '.  La  soumission  d' Amalfi  envers  Byzance  est  donc 
plus  complète  que  celle  de  Naples  ou  de  Gaëte,  mais  en  pratique 
la  ville  a  su  conquérir  son  indépendance  et  nous  voyons  le  duc 
d'Amalfî  faire  la  guerre,  conclure  des  traités '' et  battre  monnaie^ 
sans  paraître  se  soucier  beaucoup  de  l'empire  grec.  Les  appa- 
rences sont  sauvées,  mais  il  n'y  a  rien  de  plus. 

Il  n'y  a  pas  lieu  de  parler  de  Sorrente  qui,  jusqu'au  xi^  siècle, 
fit  partie  intégrante  du  duché  de  Naples  ''^. 

On  vient  de  voir  quelle  était  la  situation  des  villes  énumérées 
par  le  Porphyrogénète  comme  obéissant  à  l'empire,  on  peut  juger 
par  là  de  l'indépendance  des  Etats  lombards  que  le  même  auteur 
est  obligé  de  déclarer  rebelles. 

1.  Cf.  Schullz,  Denkmàler  der  Kunst  des  Mittelallers  in  Unierilalien. 
(Dresden,  1860),  t.  II,  p.  2.3")  et  Bortaux,  op.  cit.,  p.  403  cl  suiv. 

2.  Mansi,  Spicilegiuin,  t.  X,  p.  424. 

3.  Chron.  Ainalfit.,  p.  21  i. 

4.  Gesta  episc.  neap.,  p.  435. 

.1.  Jaffé-L.  3050,  3088,  3304,  3308. 

6.  Jafîé-L.  30o0,  3088. 

7.  Cf.  les  monnaies  décrites  dans  Caméra,  op.  cit.,  t.  I,  p.,  174  et  suiv. 

8.  Cf.  Schipa,  op.  cit.,  .Irc/i.  s/.  na/>.,  t.  XVII,  p.  597-.^98.  Je  n'ai  pas  insisté 
sur  les  territoires  possédés  par  Gaëte,  Amalfi  et  Naples.  Les  possessions 
des  deux  premières  villes  ont  toujours  été  très  peu  importantes.  Naples  a  eu 
un  territoire  plus  étendu,  mais  au  début  du  xi*  siècle  le  duché  est  très 
restreint,  (^f.  la  carte  du  duché  de  Naples  dressée  par  Capasso.  Arch.  st. 
nap.,  t.  XVII,  et  Schipa,  op.  cit.,   Ihid.,  p.  ■■)87  et  suiv. 


ÉTAT    rOLlTluLE    UK    l'iTALIE    MÉUIlJlUNALE  17 

Le  duché  de  Bénévent,  déjà  indépendant,  en  fait,  au  temps  du 
royaume  lombard,  vit  son  importance  singulièrement  accrue 
quand  ce  dernier  eut  été  détruit  par  Charlemagne  (774)  ;  son 
développement  fut  aidé  au  début  par  les  Byzantins  qui  cher- 
chèrent à  s'appuyer  dabord  sur  Arichis,  puis  sur  Grimoald,  pour 
combattre  Charlemag-ne  ' ,  mais  bientôt  se  tournant  contre  les  Grecs 
les  ducs  s'ao^randirent  rapidement  à  leurs  dépens  et  occupèrent 
prescjue  toute  lltalie  méridionale.  A  partir  du  milieu  du  ix'"  siècle,  la 
décadence  commença.  Sicard  (832-839)  fut  le  dernier  prince  de 
Bénévent  réellement  puissant.  Profitant  de  la  faiblesse  de 
l'empire  grec,  dont  toutes  les  forces  étaient  occupées  contre 
les  Bulgares,  il  étendit  ses  conquêtes  sur  ce  qui  restait  aux 
Grecs  en  Fouille  et  en  Calabre,  occupa  Amalfî  et  contraignit 
Naples  k  lui  payer  tribut  '.  Sa  mort  amena  le  démembrement 
du  duché.  Un  de  ses  ofîiciers,  Radelchis,  usurpa  le  pouvoir; 
aussitôt  un  grand  nombre  de  mécontents  prochmièrent  le 
frère  de  Sicard,  Siconolf,  qui  était  prisonnier  k  Tarente.  Siconolf 
fut  délivré  par  des  marchands  amalfitains,  et  la  guerre  civile 
commença,  elle  dura  jusqu'en  847.  A  ce  moment,  l'intervention 
de  l'empereur  Lothaire  amena  la  paix -^  Le  duché  de  Bénévent 
fut  démembré,  Radelchis  eut  la  principauté  de  Bénévent,  Siconolf 
celle  de  Salerne  '*.  Une  nouvelle  division  se  produisit  quelques 
années  plus  tard.  Les  gastalds  de  Gapoue  se  rendirent  indépen- 
dants, et  la  principauté  de  Gapoue  se  détacha  de  celle  de  Salerne  •'.  Je 
n'ai  pas  à  entrer  dans  l'histoire  des  trois  principautés  lombardes 
au  ix"  et  au  x*'  siècle,  rien  n'est  plus  monotone  que  le  récit  des 
guerres  continuelles  entre  les  princes  lombards  et  les  Etats  voi- 
sins, guerres   à  la  fois  sans  intérêt    et  sans  grandeur. 

Byzance  fut  surtout  en  rapport  avec  la  principauté  de  Bénévent, 

1.  Cad.  CaroL,  n.  57,  ]).  .■i82  et  n.  61,  p.  588  et  Vie  de  saint  Philarèle dans 
les  Mémoires  de  V Institut  arvhénlo<jique  russe  de  donstantinople,  t.  \',  p.  77. 
Ci'.  Gay,  op.  ?it.,  Mélanges  d'archéologie  et  d'histoire,  t.  XXI,  p.  492,  et 
L'Italie  méridionale  et  Vempire  byzantin,  p.  37  et  suiv. 

2.  M. G. H.  LL.,  t.  IV.  p.   210  et  suiv. 

3.  M. G. IL,  in-4»,   LL.  sect.   I,  Capitularia,  t.  Il,  p.  65-67. 

4.  M.G.II.  LL.,  t.  IV,  p.  221. 

5.  CL  Schipa,  //  principato  long,  di  Salerno  dans  A?'ch.  st.  nap.,  t.  XII, 
p.  113  et  suiv. 

Ilistnire  de  la  domination  normande.  —  Chai.am>o.\.  2 


18 


CHAPITRE    PREMIER 


sur  qui  elle  reconquit  peu  à  peu  la  Fouille;  même,  en  892,  nous 
trouvons  le  protospathaire  Sympa thikios  établi  à  Bénévent',  mais 
les  Byzantins  ne  purent  se  maintenir  et  reculèrent  en  Fouille. 
Toutefois  à  la  fin  du  ix''  siècle,  sous  le  règne  de  Guaimar,  l'in- 
fluence byzantine  est  considérable  à  la  cour  de  Salerne  ;  une  gar- 
nison grecque  est  installée  dans  la  capitale  et  Guaimar  reçoit, 
des  basileis  Léon  et  Alexandre,  le  titre  de  patrice  '.  Au  x*^  siècle, 
la  soumission  des  princes  lombards  n'est  qu'accidentelle,  ils 
profitent  de  leur  situation  entre  les  deux  empires  pour  ne  relever 
de  personne.  On  les  voit  par  moment  reconnaître  Byzance  ;  par 
exemple,  en  9o5,  Landolf  II  de  Bénévent  date  des  années  du 
règne  des  empereurs  grecs  ■^.  A  la  même  époque  l'arrivée  de 
troupes  byzantines  conduites  par  le  patrice  Argyros  fait  don- 
ner par  Gisolf  de  Salerne  la  même  preuve  de  soumission i.  mais 
dès  que  les  Byzantins  se  sont  éloignés,  toute  apparence  de  sujé- 
tion disparaît. 

Toutefois,  au  x^  siècle,  les  principautés  lombardes  ont  eu  un 
moment  très  brillant  sous  le  règne  de  Fandolf  Tête  de  fer,  qui 
sut  les  réunir  sous  son  sceptre.  La  politique  allemande  qu'il 
suivit  lui  valut  les  marches  de  Spolète  et  de  Camerino,  dont 
Othon  I*''  lui  donna  l'investiture.  L'empereur  germanique  trouva 
en  lui  un  fidèle  allié  dans  ses  attaques  contre  les  possessions 
byzantines  de  l'Italie^.  La  formation  de  l'Etat  lombard,  tel  que 
Fandolf  réussit  à  le  constituer,  semblait  devoir  assurer  dans  la 
Péninsule  la  prépondérance  définitive  de  lempire  d'Occident, 
mais  la  mort  de  Fandolf  (mars  981)  ruina  son  œuvre.  L'unité 
qu'il  avait  réalisée  fut  brisée,  et  les  trois  principautés  reprirent 
leur  vie  indépendante.  Far  là,  les  Othon  perdirent  1  appui  le  plus 
solide  qu'ils  avaient  dans  l'Italie  méridionale,  et  l'anarchie,  qui 
régna  après  Fandolf,  contribua  pour  beaucoup  à  l'échec  de  la 
politique  impériale  allemande.  Frivés  dune  base  d'opération 
solide,  les  Othon  n  exercèrent  d'influence  qu  autant  qu'ils  furent 

1.  Ti'inchera,  op.  cit.,  p.  2. 

2.  Ercliempert,  c.  .54,  67,  et  Cod.  Cav.,  t.  I,  n.  CXI.  Cf.  Gay,  op.  cit.,  p.  139. 

3.  Di  Meo,  op.  cit.,  t.  V,  p.  347. 

4.  Cod.  Cav.,  t.  I,  p.  243  et  246,  etc. 

o.   Cf.   Sclilumberger,  Un  empereur  byzantin  au  X^  siècle,  p.  583  et  suiv. 


ÉTAT    POLITIQUE    DE    l'iTALIE    .MÉRIDIONALE  19 

présents  avec  une  nombreuse  armée  ;  dès  qu'ils  s'éloignaient, 
l'influence  allemande  devenait  nulle.  A  partir  de  la  mort  de 
Pandolf,  les  principautés  de  Bénévent  et  de  Gapoue  ne  lirent 
que  décroître:  seule  la  principauté  de  Salerne,  gràceàGuaimar  III, 
eut  un  moment  de  prospérité,  mais  l'influence  byzantine  y  est  à 
peu  près  nulle  à  cette  époque. 

Nous  pouvons  connaître  assez  exactement  quelle  était  l'étendue 
territoriale  des  principautés  de  Bénévent  et  Salerne  au  début 
du  XT*=  siècle.  Pour  Gapoue  nous  sommes  mal  renseignés;  la 
division  ecclésiastique  qui  correspond  à  la  division  politique  ne 
nous  est  connue  que  pour  une  date  très  postérieure.  Elle  nous 
donne  comme  villes  principales  Gapoue,  Teano,  Galvi,  Carinola, 
Gaserte,  Sessa,  Venafro,  Aquino  '  et  Sora'^ 

Une  lettre  du  pape  Agapit  II,  de  l'année  947  3,  nous  apprend 
que  le  diocèse  de  Bénévent  s'étendait  à  toute  la  princi- 
pauté. On  peut  donc  admettre  que  l'étendue  de  la  circonscrip- 
tion ecclésiastique  correspond  à  l'étendue  du  territoire  politique. 
La  situation  du  diocèse  de  Bénévent  est  fixée  par  diverses 
bulles  ^  qui  sont  résumées  et  complétées  par  la  bulle  de  Benoît 
VIII  du  mois  de  mars  de  l'année  1014  '^.  Nous  voyons  qu'à  cette 
date  l'état  bénéventain  comprend  Bovino  ^',  Ascoli  ',  Larino  ^, 
Trivento'',  Lucera"',  Sant'  Agata",  Avellino^^^  Ariano''\  Vultu- 

1.  Cf.  Fabro,  Liber  censuum,  p.    42,   note. 

2.  Erchempert,  c.  25. 

3.  JafTé-L.,  3636.  Je  dois  beaucoup,  pour  tout  ce  qui  concerne  la  situa- 
tion des  évêchés  de  l'Italie  méridionale,  aux  notes  que  Mgr  Duchesne  a 
bien  voulu  me  communiquer. 

4.  Cf.  le  diplôme  d'Othon  I",  Bôhmer,  Regesta,  442;  Jaffé-L.,  3680, 
3738,  3822,  3884.  Ughelli,  VIII,  p.  .'iO  et  suiv.,  et  Kehr,  Papsturkiinden 
inder  Romagna.  undden  Marchen,  dans  Nachrichten  der  K.  Gesellschaft  der 
Wissenschaften  zu  Goltingen,  Phil.  hist.  Klasse  (1898),  heft  I,  p.  55  du 
tirage  à  part. 

5.  Kehr,  op.  cit.,  p.  58  et  suiv. 

6.  Ch.-l.  de  circond.,  prov.  de  Foggia. 

7.  Circond.  de  Bovino.      Id. 

8.  Cb.-l.  de  circond.,  prov.  de  Campobasso. 

9.  Circond.  et  prov.  de  Campobasso. 

10.  Circond.  et  prov.  de  Foggia. 

11.  Circond.  et  prov.  de  Bénévent. 

12.  Ch.-l.  de  la  prov.  de  même  nom. 

13.  Ch.-l.  de  circond.,  prov.  d'Ariano. 


20  CHAPITRE    PREMIER 

raria ',  Telese ',  Alife'.  Sessula  »,  Lésina  ',  Termoli'',  Siponto  ' 
et  le  Garg-ano.  Nous  avons  ainsi  la  liste  des  principales  villes 
de  la  principauté  de  Bénévent.  11  faut  pourtant  faire  une  réserve 
pour  ce  qui  concerne  la  rég-ion  de  Siponto  et  du  Gargano.  Il 
s'ag'it  là  d'un  territoire  contesté.  La  clause  comminatoire  de  la 
bulio  de  Benoît  VIII,  qui  menace  d'excommunication  tout  Grec 
contrevenant  aux  ordres  du  pape,  en  serait  déjà  une  preuve  suffi- 
sante. Mais  nous  avons  pour  cette  rég-ion  d'autres  documents 
qui  nous  font  connaître  la  situation  réelle.  Les  actes  conservés 
dans  le  Cartulaire  de  Tremiti^  nous  montrent  que  tout  le  pays, 
compris  entre  le  Fortore  et  le  Biferno,  est  lombard;  on  y  date  en 
effet  des  années  de  règ-ne  des  princes  de  Bénévent.  tandis  qu'à 
partir  de  l'embouchure  du  Fortore,  on  date  des  années  de  règ-ne 
des  empereurs  de  Constantinople''.  Nous  verrons,  après  la  défaite 
de  l'insurrection  lombarde,  le  catépan  Bojoannès  créer  dans  cette 
région  toute  une  série  de  postes  militaires  'O.  Comme  aucun 
document  ne  nous  montre  que  la  répression  de  l'insurrection  ait 
amené  un  accroissement  de  territoire,  tandis  que  tout  prouve  que 
le  statu  quo  fut  maintenu,  on  est  en  droit  de  conclure  qu'à  partir 
du  Fortore  toute  la  région  est  byzantine.  Et  quand,  en  1023, 
nous  trouvons  un  archevêque  de  Siponto  ",  nous  avons  la  preuve 
que  la  situation  politique  a  amené  le  démembrement  du  diocèse, 
et  que  Siponto  a  été  détaché  de  Bénévent  parce  que  son  territoire 
n'appartenait  plus  au  prince  lombard.  On  sait  que  Benoît  IX 
reconnut  plus  tard  le  rétablissement  de  l'ancien  archevêché. 
La  situation  territoriale  de  Salerne  fut  lîxée  par  l'acte  de  847'"-, 

1.  Circond.  et  prov.  d'Avellino. 

2.  Circond.  de  Cerreto  Sannita,  prov.  de  Bénévent. 

3.  Circond.  de  Piedimonte  d'Alife,  prov.  de  Caserte. 

4.  Sessa,  circond.  de  Gaëte,  prov.  de  Caserte, 

5.  Circond.  de  San  Severo,  prov.  de  Foggia. 

6.  Circond.  de  Larino,  prov.  de  Campobasso. 

7.  Ville  aujourd'hui  disparue.   Circond.  et  prov.  de  Foggia. 

8.  Biblioteca  nazionale  à  Naples.  Ms.  XIV,  A,  30. 

9.  Cartulaire  de  TreinUi.  F°  20  r°,  f»  32  V,  f°  37,  f»  43  r»  ;  cf.  Gay,  Le 
monastère  de  Tremiti  au  XI^  siècle,  dans  les  Mélanges  d'archéologie  et  d'his- 
toire, t.  XVII,  p.  398. 

10.  Léo  Ost.,  II,  51,  661. 

11.  Cartulaire  de  Tremiti,  f°  o. 

12.  M.G.H.LL.,  t.  IV,  p.  221. 


ÉTAT    PULITigri-:    de   l'iTAI.IE    -MÉRIDIONALE  21 

qui  énumère  les  villes  faisant  partie  de  la  principauté  de 
Salerne.  Ce  sont  Tarente,  Latiniano  ',  Gassano^,  Cosenza  '\ 
Laino '*,  Lueania\  Conza  6,  Montella',  Rota  ^,  Salerne,  Sarno  ", 
Cimiterio  "\  Furculo  ",  Capoue,  Teano  '^  et  Sora  '■'^;  le  territoire 
de  la  principauté  comprend,  en  outre,  la  moitié  du  gastaldat 
d'Acerenza'^.  L'étendue  primitive  fut  rapidement  diminuée. 
Tout  d'abord  Capoue,  Teano,  et  Sora  firent  partie  de  la  prin- 
cipauté de  Capoue.  Du  côté  de  Bénévent,  il  j  eut  peu  de 
changements,  mais  il  n'en  fut  pas  de  même  vers  le  sud.  La  prin- 
cipauté de  Salerne,  au  début  du  xi^  siècle,  a  perdu  tout  le  terri- 
toire au  sud  d'Acerenza  ;  cette  dernière  ville  est  elle-même 
byzantine'''.  Pour  Potenza,  il  y  a  doute,  car  la  ville  n'est 
mentionnée  ni  dans  les  documents  grecs,  ni  dans  les  bulles  pon- 
tificales relatives  à  Salerne.  Il  semble  pourtant  que  Potenza  doit 
relever  d'Acerenza,  car,  lors  du  transfert  des  reliques  de  saint 
Lavier.  nous  voyons  l'évèque  d'Acerenza  instrumentera  Grumen- 
tum  (on  sait  que  Potenza  a  succédé  à  cet  ancien  évêché)  "'.  Du 
coté  delà  Galabre,  à  partir  de  994,  les  privilèges  pontificaux  en 
faveur  de  Salerne  mentionnent  régulièrement  Malvito,  Bisignano 
et  Cosenza  ''.  Pourtant  dans  les  documents  grecs  nous  trouvons 

1.  On    l'identifie  avec  Altoianni,  ville    disparue  entre  Matera    et  Ace- 
ren/a.  Schipa,  op.  cit.,  Ar-,  ut.  nap.,  t.  XII,  p.  136,  note  3. 

2.  Cassano  al  Jonio,  circond.  de  Castrovillari,  prov.  de  Cosenza. 

3.  Chef-lieu  de  la  province  de  même  nom. 

4.  Laino  Borgo,  circond.  de  Castrovillari,  prov.  de  Cozenza. 

5.  On  l'identifie  généralement  avec    Pesto,   commune  de  Capaccio,  cir- 
cond. de  Campagna,  prov.  de  Salerne  ;  cf.  Schipa,  op.  cit.,  106,  note  4. 

6.  Circond.  de  Sant'Angelo  dei  Lomhardi,  prov.  d'Avellino. 

7.  Circond.  de  SanfAngelo  dei  Lonibardi,  prov.  dWvollino. 

8.  Sans  doute  Rota  Greca,  circond.  de  Cosenza. 

9.  Circond.  de  Salerne. 

10.  On  l'identifie  avec  Nola,  Schipa,  op.  cit.,  10,  note    1. 

11.  On  l'identifie  avec  Forchia,  circond.  de  Bénévent. 

12.  Circond.  de  Caserte. 

13.  Ch.-l.  de  circond.,  prov.  de  Caserte. 

14.  Circond.  et  prov.  de  Potenza. 

15.  L'évèque  d'Acerenza  combat  dans  les  rangs  de  l'armée  byzantine. 
Annal.  Barensex,  ad  an  1041,  M.G.  II  .SS.,  t.  V  ;  Liutprand  marque  Acerenza 
comme  rattachée  à  Otrante  dès  le  début  du  x'^  siècle.  Liutpr.,  op.  cit., 
p.  361. 

16.  Ughelli,  VII,  494, 

17.  Jaffé-L.,  3852.  Cf.  sur  l'identification  de  Malvito,  Fal:)re,  Liber  cen- 
suum,  p.  19,  note  2. 


22  CHAPITRE    PKEMIER 

Bisignano  et  Cosenza  rang-és  parmi  les  suffragants  de  l'arche- 
vêché grec  de  Reggio  '.  De  plus,  quand  Robert  Guiscard  vient 
dans  cette  région,  Bisignano  est  aux  mains  des  Byzantins  ~. 
De  même  Cassano  figure  dans  les  listes  épiscopales  grecques 
postérieure  aux  Nsa  Txv-'./.x  -^  Comme,  pendant  toute  la  première 
moitié  du  \f  siècle,  nous  ne  trouvons  pas  trace  de  conquêtes 
byzantines  dans  cette  région,  nous  sommes  amenés  à  conclure 
que  les  prétentions  de  Salerne  sur  ces  villes  ont  été  surtout  théo- 
riques '•.  Les  bulles  d'investiture  des  archevêques  de  Salerne 
continuèrent  à  marquer  les  suffragants  apuliens  et  calabrais, 
mais  il  est  douteux  qu'à  ce  moment  ceux-ci  dépendissent 
réellement  de  Salerne.  Sans  cela  on  est  obligé  d'admettre  que 
dans  les  deux  derniers  tiers  du  x*  siècle,  il  y  a  eu  vers  le  sud  une 
nouvelle  poussée  lombarde  et  qu'au  xi*^  siècle  les  Lombards  ont 
été  de  nouveau  refoulés  par  les  Byzantins.  Il  me  parait  très 
improbable  que  ces  événements  aient  eu  lieu,  sans  que  nous  en 
trouvions  au  moins  une  mention  dans  les  chroniques.  Vers  le 
sud,  la  frontière  de  Salerne  a  donc  été  très  flottante  et  a  dû  être 
certainement  au  nord  d'Acerenza  et  de  Cosenza,  La  principauté 
de  Salerne  comme  celle  de  Bénévent  a  donc  reculé  sur  toute  la 
ligne  devant  les  Byzantins. 

Il  y  avait  longtemps,  au  début  du  xi*"  siècle,  que  les  posses- 
sions byzantines  en  Italie  n'avaient  été  aussi  considérables.  On 
sait  qu'à  un  moment,  vers  la  fin  du  viu''  siècle,  les  Grecs  n'ont 
plus  possédé  que  Gallipoli  et  Otrante  dans  l'ancienne  Calabre  ^, 
et,  dans  la  nouvelle  Calabre,  les  territoires  au  sud  d'une  ligne 
allant  de  Rossano  à  Amantea  ^.  Les  territoires  occupés  par  l'em- 
pire d'Orient  formaient  alors  deux  îlots,  séparés  par  les  posses- 
sions de  la  principauté  lombarde  de  Salerne.  La  «  reconquête  » 
de  l'Italie  du  Sud  par  les  Byzantins  n'a  commencé  sérieusement 

1.  Néa  Ta/.T'.y.â.,  éd.  Gezler,  dans  Georcjii  Cyprii  dexcriplio  orhis  romani 
(Leipsig,  1890),  p.  77. 

2.  Aimé,  III,  10,  p.  109,  et  Cecaïuneni  slrategicon,  éd.  Wasiliewsky  et 
Jernstedt  (S*-Pétersbourg,  1890%  p.   H5. 

3.  Parthey,  op.  cit.,  Notices  III  et  X. 

4.  Cf.  Gay,  op.  cit.,  p.  254. 

5.  Lib.  Pont.,  I,  390.  Cod.  Car.,n.  17,  p.  oi:;.  En  879,  l'évêque  d'Otrante 
souscrit  au  concile  de  Constantinople.  Cf.  Mansi,  XVII,  373. 

6.  Circond.  de  Paola,  prov.  de  Cosenza. 


ÉTAT    POLITIQUE    DK    l'iTALIE    MÉRIDIONALE  23 

qu'à  partir  du  moment  où  Bari,  par  crainte  des  Musulmans,  se 
donna  au  basileus  (876).  Les  villes  de  la  côte  furent  occupées 
successivement.  Tarente  fut  prise  en  880  '.A  la  suite  de  la 
rébellion  d'Aion,  duc  de  Benévent,  la  capitale  du  duché  fut  occu- 
pée, en  891,  par  les  Byzantins;  la  même  année  2,  Siponto  était 
prise  par  le  catépan  de  Bari  -^  et,  en  899,  Conversano  était  entre 
les  mains  des  Grecs  ''.  Oblig-és  de  quitter  Benévent  en  894  •^,  les 
Byzantins  paraissent  néanmoins  avoir  gardé  ce  qu'ils  avaient 
acquis  en  Fouille.  Les  progrès  des  Grecs  furent  très  lents,  mais 
presque  continus,  durant  tout  le  \^  siècle.  Peu  à  peu,  les  deux 
îlots  formés  par  leurs  possessions  se  rejoignirent  et  les  Byzantins 
finirent  par  occuper  le  pays  très  loin  dans  l'intérieur  des  terres. 
Voici  (juelles  étaient, au  début  du  xi®  siècle,  leurs  possessions 
en  Fouille.  J'emploie  ici  quelques  documents  postérieurs  à  la 
révolte  de  Mélès,  mais,  comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  cette  révolte 
n'a  amené  aucune  modification  à  la  situation  territoriale  anté- 
rieure. Vers  le  nord,  la  limite  est  le  Fortore.  Siponto,  Viesti, 
Lésina  et  (]ivitate  appartiennent  aux  Byzantins  ^\  En  1024  ',  la 
bulle  organisant  la  province  ecclésiastique  de  Canosa-Bari  énu- 
mère  les  villes  où  l'archevêque  de  Bari  peut  créer  des  évêques  ; 
naturellement  toutes  ces  villes  doivent  être  en  territoire  byzan- 
tin. En  voici  la  liste  :  Bari,  Canosa^,  Meduno^,  Giovenazzo  ^'^, 
Melfî",   Rubo'~,  Trani  i-^    Cannes '^,    Minervino^^,  Aquatecta  ^^, 

1.  Lup.  Prolospat.  dans  M.G.H.SS.,  t.  V,  ad  an.  Cf.  Gay,  L'Italie  méri- 
dionale et  Vempire  byzantin,  p.  101*  et  suiv. 

2.  Trinchera,  op.  cit.,  p.  2. 

3.  Lupus  Protospal.,  ad  an. 

4.  Trinchera,  op.  cit.,  p.  3. 
ïi.   Lupus  Protospat.,  ad  an. 

0.   Cartulaire  de  Treniiti,  f°  37  et  suiv.  Cf.  Gay,  Le  monastère  de  Tremiti, 
p.  398. 

7.  Cad.  dipl.  Bar.,  t.  I,  p.  22.  Sur  rauthonticité  de  cette   Inille,  cf.  Gaj-, 
L'Italie  méridionale,  etc.,  p.  427,  note  i. 

8.  Circond.  de  Barletta. 

9.  Modugno,  circond.  de  Bari. 

10.  (jiovenazzo,  circond.  de  Bari. 

11.  Ch.-l.  de  circond.,  prov.  de    Potenza. 

12.  Ruvo  di  Puglia,  circond.  de  Barletta. 

13.  Circond.  de  Barletta. 

14.  Canne,  sur  la    rive   droite   de   l'Ofanto,    près   de  Canosa. 
1^>.   Minervino  Murge,  circond.  de  Barletta. 

16.  Je  ne  connais  pas  de  village  de  ce   nom;    on  trouve  le    Bosco  Aqua- 
tetti  près  de  Minervino  Murge.  Carte  d'Italie  au  1  50.000,  f»  76,  3. 


24  ciiAPtTRK  premip:r 

Montemelo ',  Lavello  *,  Cisterna  "^,  Bitalbi^,  Salpi ',  Conver- 
sano'',  Polignauo  ",  Ecatera'^.  Deux  actes,  conservés  aux  archives 
capitulaires  de  Venosa,  nous  montrent  qu'en  1003  et  100.")  celte 
ville  faisait  partie  des  territoires  occupés  par  les  Byzantins  ^. 
Plus  au  sud,  Tarente  et  Brindisi  sont  aux  Grecs;  Liutprand"^, 
en  décrivant  la  province  ecclésiastique  dOtrante,  nous  montre 
qu'Otrante,  Turcico  ",  Gravina '-,  Matera '-^  et  Tricarico  ^^  sont 
ég-alement  aux  Byzantins.  Je  rappelle  qu'Acerenza'^  leur  appar- 
tient aussi. 

La  conquête  des  possessions  byzantines  d'Italie  par  Othon  II, 
n'a  amené  aucun  changement,  car  les  Allemands  n'ont  fait  que 
passer  ;  après  la  défaite  de  Stilo,  l'état  de  choses  antérieur  a  été 
rétabli  naturellement.  lien  a  été  de  même  pour  la  Calabre.  Nous 
possédons,  pour  cette  région,  la  notice  officielle  des  sièges  épis- 
copaux  grecs,  vers  le  début  du  x''  siècle  "'.  Elle  correspond  à  l'orga- 
nisation, qui  fut  donnée  à  ce  pays,  après  les  conquêtes  de  Basile 


1.  Montemilone,  circoiul.  de  Melfl,  prov.  de  Potenza. 

2.  Lavello.  circond.  de  Mclfi,  prov.  de  Potenza. 
.{.  Cisternino,  prov.  et  circond.  de  BarL 

4.  Bitalba,  en  Capilanate. 

5.  Sur  les  bords  du  lac  de  même  nom,  au  N.  de  Bniletta. 

6.  Prov.  et  circond.  de  Bari. 

7.  Id. 

8.  Ecatera,  aujourdhui  Noja,  à  l.'i  kil.au  sud-est  de  Bari  ;  cf.  Liber 
ccnstium,  éd.  Fabre,  p.  31,  note  1.  L'identification  proposée  par  Fabre  est 
combattue  par  Caspar,  Kridche  Un(ersurhiinf/pn  zu  dcn  alteren  Pnpstur- 
hunden  fiir  Apulu'n,  dans  Quellen  iind  Forachungen  aus  italienischen 
Archiven  und  Bihliolheken,  t.  VI,  p.  1(>  du  tirage  à  part.  11  propose  de  lire 
soit  |-/.(XT£pa,  soit  et  cetera. 

9.  Archives  capitulaires  de  Venosa,  deux  actes  de  1002  et  100,")  non 
numérotés.  Cf.  Trinchera,  op.  cit.,  10.  Kehr,  np.  cit.  Xachrichten  (1898, 
p.  2C6,  dit  à  tort  que  les  archives  de  Venosa  n'ont  pas  de  documents  anté- 
rieurs à  H0;i  ;  il  y  a  quelques  actes  privés  antérieurs  à  cette  date. 

10.  Liutprandi  leg.,  p.  361. 

il.  Thursi,  circond.  de  Lagonegro,  prov.  de  Potenza. 

12.  Circond.  d'Altamura,  prov.  de  Bari. 

13.  Ch.-l.  de  circond  ,  prov.  de  Potenza. 
14    (Circond.  de  Matera,  prov.  de  Potenza. 

15.  Circond.  de  Potenza. 

16.  Ce  sont  les  Nia  -T./.-./.i,  éd.  Gezler,  op.  cit.,  p.  ijT  et  suiv.  Cf. 
Krumbacher.  (iescliichte  d.  h>/z.  Litt.,  2''  éd.,  p.  418. 


ÉTAT    POLITIQUE    DE    l' ITALIE    MÉRIDIONALE  25 

et  de  Léon  le  Sag^e.  Dans  le  courant  du  x'^  siècle,  il  y  a  eu  très 
peu  de  modifications,  car  alors  la  lutte  a  été  active  surtout  en 
Fouille.  Nous  voj'ons,  d'après  cette  notice,  que  la  Calabre  est 
partagée  entre  les  deux  métropoles  de  Pieg-gio  et  de  Santa  Seve- 
rina  '.  Le  siège  de  Reg-gio  a  comme  suffragants  ViJDona  '-^,  Tau- 
riana  •^  Locres  ou  Sainte-Cyriaque  ^,  Squillace  "',  Crotone  '', 
Nicotera  ",  Tropea  ^,  Cosenza,  Bisignano  '*,  Uossano,  Amantea 
et  Nicastro'".  Le  siège  de  Santa  Severina  a  pour  sufTragants 
Umbriatico '',  Cerénzia ''^,  Isola  di  Gapo  Rizzuto  ' ',  auxquels  on 
rattacha  plus  tard  Gallipoli'''  et  Belcastro  '''. 

En  somme,  au  déjjut  du  xi'^  siècle,  les  Bj'zantins  possèdent  toute 
la  Fouille,  toute  la  terre  d'Otrante  et  la  plus  grande  partie  de  la 
Calabre.  De  tous  les  Etats,  qui  se  partagent  le  midi  de  l'Italie, 
Byzance  est  certainement  celui  qui  paraît  le  plus  puissant.  C'est 
aussi  celui  qui  paraît  avoir  l'influence  la  plus  considérable. 
On  ne  saurait,  en  eiFet,  parler  de  l'influence  de  Gaëte,  non  plus 
que  de  celle  de  Naples  ou  d'Amalfi.  Il  ne  saurait  être  davantage 
question,  à  cet  égard,  d'aucun  des  trois  princes  lombards.  Il  ne 
reste  en  présence  que  la  papauté,  l'empire  allemand  et  Byzance. 
Encore  la  papauté  et   l'empire  allemand  sont-ils  à   ce  moment 


1.  Circond.  de  Cotrone,  prov.  de  flatanzaro, 

2.  Circond.  de  Monteleone  di  Calabria. 
'.i.  Un  peu  au  sud-est  de  Nicotera. 

4.  Gerace,  cli.-l.  de  circond.,  prov.  de  Ref^oio  di  Calabria. 

5.  Cii'cond.  et  prov.  de  Calanzaro. 

6.  Ch.-l.  de  circond.,  prov.  de  Catanzaro. 

7.  Circond.  de  Monteleone  di  Calabria,  prov.  de  (Catanzaro. 

8.  Id. 

9.  Circond.  et  prov.  de  Cosenza. 

10.  Ch.-l.  de  circond.,  prov.  de  Catanzaro. 

M.  Circond.  de  Cotrone.,  prov.  de  Catanzaro.  Cf.  Fabre,  Liber  censuaiu, 
p.  24  et  suiv. 

12.  Circond.  de  Cotrone,  prov.  de  Catanzaro. 

13.  Id. 

14.  Chef-1.  de  circond.,  pi-ov.  de  Lecce.  A  ces  évèchés  furent  ajoutés  ceux 
de  Bova  et  d'Opjjido,  mais  on  ne  sait  s'ils  sont  de  fondation  byzantine  ou 
normande.  Cf.  Gay,  op.  cit.,  Revue  d'histoire  et  de  litlérniiire  religieuses, 
t.  V,  p.  208;  Minasi,  Le  chiese  di  Cnluhrin  (Naples,  1S9()),  p.  3l.'i,  et  Mgr 
Duchesne,  Les  évèchés  de  Cilfthre,  dans  les  Mélani/es  P.iul  Fnhre,  p.  Il  et 
suiv. 

1^).   Circond.  et  prov.  de  Catanzaro. 


26  CHAPITRE    PREMIER 

confondus.  L'évolution,  qui  se  produisit  sous  Hadrien  II  et 
Louis  II,  dans  les  relations  du  pape  et  de  l'empereur,  a  amené, 
au  début  du  xi"  siècle,  la  mainmise  de  l'empereur  sur  la  papauté, 
et  depuis  la  mort  de  Léon  VIII  (965),  c'est  le  consentement  de 
l'empereur  qui  fait  la  légitimité  du  pape  '.  Or  dans  l'Italie  méri- 
dionale, la  majesté  impériale,  déjà  humiliée  au  ix*"  siècle  par  la 
captivité  imposée  à  Louis  II  par  les  Bénéventains  (871),  a  subi 
un  nouvel  affront  à  Stilo.  Les  populations  de  l'Italie  du  Sud 
avaient  pu  jug-er  à  diverses  reprises  combien  le  très  puissant  empe- 
reur allemand  était  faible  dans  la  Péninsule.  Byzance,  au  contraire, 
par  ses  progrès  continus,  a  acquis  un  prestige  très  réel  ;  dès  la 
fin  du  x*"  siècle,  elle  cherche  à  supplanter  en  Italie  l'empereur 
d'Occident  et  je  suis  très  enclin  à  croire  que  la  cour  de  Gonstan- 
tinople  n'a  pas  été  étrangère  à  l'élection  de  Jean  XVI.  On 
sait  comment,  en  septembre  997,  Grescentius  profitant  de  l'ab- 
sence d'Othon  III,  réussit  à  chasser  de  Rome  Grégoire  V,  et  à 
faire  élire  à  sa  place  Jean  le  Calabrais,  qui  précisément  était 
revenu  depuis  peu  de  Gonslantinople  '.  Le  rapide  retour 
d'Othon  III  amena  la  ruine  du  parti  de  Jean  XVI.  On  ne  peut 
prouver  avec  certitude  l'intervention  des  Byzantins,  sans  cela  il 
serait  curieux  de  voir  Byzance  venir  combattre  Othon  III  jusque 
dans  Rome. 

Il  semblerait  donc  que  la  domination  byzantine  soit  très  for- 
tement établie  en  Italie.  Pourtant,  à  regarder  de  plus  près  la 
situation  réelle,  les  bases  de  la  puissance  grecque,  sont-elles  très 
solides,  et  les  apparences  ne  sont-elles  pas  plus  brillantes  que  la 
réalité  ? 

Après    la    <(    reconquête  »    de    I  Italie    méridionale,    Byzance 


1.  Cf.  Lapôtre,  op.  cit.,  p.  232  et  suiv.,  et  Mgr  Buchesne,  Les  premier.^ 
temps  de  l'État  pontifical,  p.  346  et  suiv. 

2.  Cf.  Schlumbtrger,  LVpo/)éf>  byzantine.  Basile  II,  p.  271  et  suiv.  Bréhier, 
Le  schisme  oriental  du  XI"  siècle  (Paris,  18991,  p.  4.  On  n"a  aucune  preuve 
positive  que  Byzance  ait  pris  part  à  l'élection  de  Jean  le  Calabrais,  mais 
cette  intervention  est  très  vraisemblable.  Gfrôrer,  Byzantinische  Geschi- 
chten,  t.  III,  p.  101,  est  allé  trop  loin  en  cborchant  à  prouver  que  Basile  avait 
voulu  rompre  avec  Rome.  Il  est  probable  que  le  basileus  s'est  contenté  de 
chercher  à  profiter  des  embarras  causés  au  pape  et  à  l'empereur  par  la 
révolte. 


ÉTAT    POLITIQUE    DE    l'iTALIE   MÉRIDIONALE  27 

employa  tous  les  moyens,  en  son  pouvoir,  pour  s'assimiler  les  terri- 
toires qu'elle  avait  réussi  à  soumettre.  Ce  fait  a  été  mis  en  lumière 
par  Lenormant  ^ .  dans  Touvrag-e  qu'il  a  consacré  à  la  Grande-Grèce 
et  sa  théorie  «  de  l'hellénisation  de  l'Italie  méridionale  sous  la 
domination  des  empereurs  de  Constantinople  »  est  aujourd'hui 
généralement  admise.  Pourtant,  à  regarder  les  choses  de  plus  près, 
il  semble  qu'il  y  ait  peut-être  là  un  peu  d'exagération.  On  n'a  pas 
assez  marqué  la  différence  capitale,  qui  existe  à  ce  point  de  vue, 
entre  la  Calabre  et  la  Terre  d'Otrante  d'une  part,  et  la  Fouille 
de  l'autre.  Sans  doute,  Lenormant  lui-même  a  vu  qu'il  fallait 
distinguer  entre  ces  provinces,  mais  il  a  fait  complètement 
erreur,  quand  il  a  écrit  que  l'antagonisme  de  l'Apulie  et  de 
Byzance  tendait  à  disparaître,  au  début  du  xi*"  siècle  '-.  Le 
principal  argument  qu'il  donne  est  le  suivant  :  «  Déjà  dans  le 
début  du  x*"  siècle,  Melo  lui-même,  le  grand  patriote  apulien, 
l'indomptable  adversaire  de  la  domination  grecque  est  décrit 
par  Guillaume  de  Fouille  comme  portant,  à  la  mode  des  nobles 
de  son  pays,  le  costume  grec,  quand  il  a  sa  première  entre- 
vue avec  les  chevaliers  normands  venus  en  pèlerinage  à  Monte- 
Sant'Angelo  ».  C'est  peut-être  là  exagérer  l'importance  des 
vers  du  poète  : 

Ibi  quendam  conspicientes, 

More  virum  graeco  vestitum,  noniine  Melum, 
Exulis  ignolam  vestem,  capitique  ligato 
Insolilos  niitrae  mirantur  adesse  rotatus  ^. 

Il  ne  me  paraît  pas  possible  de  conclure  à  l'hellénisation  de 
toute  la  Fouille  du  seul  fait  que  Mélès  portait  un  costume  à  la 
mode  grecque. 

Pour  la  Calabre  et  la  Terre  d'Otrante,  la  situation  est  différente 
et  l'on  ne  saurait  nier  pour  cette  région  les  progrès  de  l'influence 
grecque.  L'hellénisation   de    la  Calabre   peut  s'expliquer  par  la 

i.  Lenormant,  La  Cirnude-Grèce,  t.  II,  p.  378  et  suiv.  La  question  a  été 
reprise  et  étudiée  beaucoup  plus  complètement  par  Gay,  L'Italie  méridio- 
nale et  l'empire  byzantin  (Paris,  1904),  in-S". 

2.  Lenormant,  op.  cit.,  p.  404. 

3.  G.  Ap.,  I,  13-16. 


28  CHAPITRE    PREMIER 

venue  de  nouveaux  colons,  envoyés  par  les  basileis,  et  par  l'assi- 
milation des  habitants.  La  dévastation  du  pajs  par  les  Musulmans 
dut  amener  une  diminution  considérable  dans  la  densité  de  la 
population,  ce  qui  rendit  d'autant  plus  facile  l'assimilation  des 
anciens  habitants  ;  celle-ci  fut  très  complète  :  le  grec  devint  la 
langue  usuelle,  laplupartdes  actes,  rédigés  dans  cette  région,  qui 
nous  sont  parvenus,  sont  en  grec  ;  plus  tard  les  Normands,  fixés 
dans  le  pays  durent  eux-mêmes  adopter  la  langue  grecque,  et, 
pendant  de  longues  années,  même  après  que  les  Byzantins  auront 
perdu  toutes  leurs  possessions  de  Calabre,  le  grec  restera  la 
langue  officielle.  De  même,  le  droit  de  Justinien  était  appliqué,  en 
même  temps  que  le  droit  lombard  '  ;  le  clergé,  enfin,  appartenait 
au  rite  grec,  et  ce  clergé  grec  devait,  longtemps  après  la  dispa- 
rition de  la  domination  byzantine,  réussir  à  se  maintenir. 

En  Fouille,  il  n'en  fut  pas  de  même  et  il  ne  pouvait  en  être  de 
même,  car  les  conditions  étaient  tout  à  fait  différentes.  La  con- 
quête lombarde,  du  vin''  siècle,  dut  être  suivied  une  immigration 
très  considérable  et  la  nouvelle  population  paraît  avoir 
absorbé  l'ancienne,  comme  du  moins  semble  l'indiquer  la  prédo- 
minance des  noms  lombards,  dans  les  documents  qui  nous 
sont  parvenus  2.  Quand  les  Byzantins  eurent  reconquis  la 
Fouille,  ils  trouvèrent  en  face  deux  un  élément  lombard  exces- 
sivement fort,  qui  subsista  et  resta  irréductible  sans  se  laisser 
entamer.  On  peut  expliquer  ce  fait  par  diverses  raisons.  Feut- 
être  le  pays  moins  accidenté  que  la  Calabre  avait-il  une  popu- 
lation indigène  plus  dense  ?  Il  semble  également  que  les  Grecs 
se  soient  établis  .surtout  dans  les  villes  du  littoral  et  qu'à  l'in- 
térieur l'occupation  ait  été  purement  militaire.  Nous  voyons,  en 
effet,  que,  dans  les  villes  de  la  côte,  il  y  a  souvent  deux  partis 
qui  se  disputent  le  pouvoir,  le  parti  grec  et  le  parti  lombard  ; 
dans  les  villes  de  l'intérieur  nous  ne  rencontrons  rien  de  sem- 
blable ;  sans  doute  la  population  grecque  était-elle  formée  sur- 


1.  De  cette  rég^ion  proviennent  divers  manuscrits,  par  lesquels  se  sont 
transmis  les  textes  officiels  ou  privés  du  droit  byzantin.  Cf.  Gay,  L'Italie 
méridionale  et  Veinpire  byzantin,  p.  574-579. 

2.  Cf.  les  documents  édités  dans  le  Cod.  dipl.  Bar.,  et  le  Chart.  Cup., 
passim. 


ÉTAT    POLITIQUI-:    DE    l'iTAI.IE    MÉUIUIONALK  2'J 

tout  de  marins  et  de  marchands  qui  s'éloignaient  peu  des  ports  '. 

Ma%ré  toute  la  souplesse  apportée  par  les  Byzantins  dans 
leurs  rapports  avec  leurs  sujets  lombards,  la  «  lombardisation  » 
de  la  Fouille,  au  xi^  siècle,  n'en  demeure  pas  moins  un  fait 
indiscutable,  nous  allons  le  montrer  à  l'aide  des  actes  privés  de 
cette  région,  qui  sont  parvenus  jusqu'à  nous  en  nombre  consi- 
dérable. 

Tout  d'abord  Byzance  n'a  pas  pu  faire  adopter  sa  langue.  En 
dehors  des  actes  des  grands  fonctionnaires  byzantins  qui  sont  en 
grec,  tous  les  actes  privés,  ou  du  moins  presque  tous,  sont  écrits 
en  latin.  Encore,  me  semble-t-il  très  probable,  que  les  actes  offi- 
ciels ont  dû,  souvent,  être  accompagnés  d'une  traduction  latine, 
suivant  l'usage  adopté  plus  tard  dans  la  chancellerie  nor- 
mande, et  je  serais  porté  à  croire,  que  ce  sont  les  traductions, 
accompagnant  les  originaux  des  actes  des  fonctionnaires  grecs, 
que  Pierre  Diacre  a  insérées  dans  son  célèbre  registre  '-.  Le  latin 
est  la  langue  la  plus  répandue  dans  les  actes,  tel  est  le  fait  incon- 
testable. Si  l'on  relève,  dans  les  documents  de  ce  genre,  relatifs  à 
cette  région,  le  nombre  des  souscriptions  écrites  en  grec,  on  est 
frappé  de  leur  petit  nombre,  eu  égard  au  nombre  des  souscriptions 
latines.  Ainsi  dans  les  vingt  premières  pages  du  tome  premier 
du  Codice  diplomatico  harese,  pour  la  période  qui  s'étend  de  952 
à  1024,  je  relève  un  nombre  total  de  trente-huit  souscriptions 
écrites  en  latin,  contre  quatre  en  grec.  Tous  ces  documents 
sont  relatifs  à  la  région  de  Bari.  Si  nous  faisons  la  même  opération 
pour  la  région  de  Gonversano,  nous  voyons  que,  sur  un  ensemble 
d'actes,  qui  s'étend  surtout  le  x*'  siècle,  il  y  a  plus  de  cent  sou- 
scriptions en  latin  contre  quatre  en  grec  '.  Et  ces  souscriptions  en 
latin  ne  sont  pas  seulement  celles  des  gens  du  peuple,  nous  trou- 


1.  On  en  peut  trouver  une  preuve,  dans  le  fait,  (jue  c'est  seulement 
dans  quelques  villes  de  la  côte  que  des  évêques  grecs  ont  pu  être  installés. 
Cf.  p.  30.  Nous  ne  connaissons  rétablissement  d'une  colonie  g-recque  qu'à 
Matera.  Peut  être  y  a-t-il  eu  aussi  quelques  colonies  d'Arméniens.  Cf.  Gay, 
op.  cil.,  p.  181-18.3. 

2.  Ils  sont  publiés  dans  Trinchera,  Syllahus  inemhranarum  tjrœcarum. 
p.  1-0,  10,  14,  18. 

3.  Charl.  Cap.  t.  I,   p.  1  et  suiv. 


30  CHAPITRE    PKEMIEK 

vons,  parmi  leurs  auteurs,  tous  les  fonctionnaires  byzantins 
résidant  dans  les  provinces. 

Au  point  de  vue  relig-ieux,  nous  constatons  que  les  basileis  ont 
dû  faire  d "importantes  concessions  à  leurs  sujets  lombards;  c'est 
ainsi  que,  dans  un  grand  nombre  de  villes,  ils  ont  laissé  subsister 
des  évêchés  latins  ;  c'est  seulement  dans  certains  centres,  où 
l'élément  grec  était  plus  nombreux,  qu'ils  ont  pu  installer  des 
évêques  grecs,  plus  étroitement  rattachés  au  patriarcat  de 
Constantinople.  En  agissant  ainsi,  l'administration  byzantine  a 
certes  fait  preuve  de  souplesse  mais  ne  peut-on  aussi  voir  dans  sa 
conduite  une  preuve  de  sa  faiblesse?  Il  est  évident  que  Byzance 
n'a  laissé  subsister  les  évêques  latins,  que  quand  elle  n'a  pu  faire 
autrement.  Or,  il  semble  bien  qu'elle  n'a  réussi  à  installer  des 
évêques  grecs  que  dans  les  villes  du  littoral.  Pourtant  la  désola- 
tion des  églises  qui  avait  suivi  la  conquête  lombarde,  aurait  dû, 
semble-t-il,  faciliter  ce  travail  de  restauration.  Cette  crainte  de 
heurter  les  sentiments  religieux  de  ses  sujets  de  l'intérieur,  me 
paraît  montrer  que  l'autorité  de  Byzance  est  toujours  demeurée 
fort  précaire  K 

L'empire  grec  n'a  pas  réussi  davantage  à  implanter  le  droit  de 
Justinien.  A  ce  point  de  vue,  l'étude  des  actes  privés  est  fort 
instructive.  Sans  doute,  tous  sont  datés  des  années  de  règne  du 
ou  des  très  glorieux  empereurs  de  Constantinople,  mais  on  ne 
cite  et  on  n'applique  que  les  édits  ou  les  capitulaires  de  Rotaris, 
de  Liutprand,  de  Radelchis,  d'Astolf  et  d'Arichis  '.  Jamais  un  mot 
du  Code  de  Justinien.  Aussi  quand  on  parle  de  l'emploi  du  droit 
romain  en  Fouille  *^,  doit-on  se  garder  de  toute  exagération.  Voici 
quelques  exemples,  qui  suffiront  à  démontrer  la  persistance  du 
droit  lombard  jusqu'au  xj^  siècle.  Dans  un  acte,  du  mois  d'octobre 


1.  Nil  Doxapater,  o;j.  ct7., p.  295.  Cf.  Mg^r  Duchesne,  Les  évêchés  iV Italie 
et  l'invasion  lombarde,  dans  lés  Mélanges  d'archéologie  et  d'histoire, 
t.  XXIII,  p.  83  et  suiv.  ;  t.  XXV,  p.  36o  et  suiv.  Sur  la  question  des  évêchés 
apuliens,  sous  la  domination  byzantine,  cf.  Gay,  op.  cit.,  p.  360-36o. 

2.  Cod.  dip.  Barese,  t.  II,  p.  xlv. 

3.  Capasso,  dans  llntiodnction  à  louvrage  de  Brandileone,  Il  diritto 
romano  nelle  leggi  normanne  esueve  del  regno  di  Sicilia,  p.  xii,  a  exagéré 
le  rôle  du  droit  romain  de  Fouille. 


ÉTAT    POLITIQUE    DE    l' ITALIE    MÉRIDIONALE  31 

de  l'année  901  ^,  fait  à  Conversano,  un  certain  Ermenfroi  vend 
les  terres  qu'il  tient  de  l'héritage  de  sa  mère;  sa  femme  Trasiperge 
intervient  dans  l'acte  à  raison  de  son  morgengah  ;  '<  dum  me 
sentior  ahere  quarta  pars  in  super  scripta  vindif.ione,  quod  mihi 
ipse  vir  meus  in  die  nuptiarum,  secundum  ritus  gentis  nostre 
langobardorum,  tradidit,  et  congruum  est  mihi  illut  vindere 
pro  mea  utilitate  faciendum,  tune  feci  notitia  Sindeperti  filio 
Anselgari  et  Eregari  filii  Lupi  qui  sunt  proprinquiores  paren- 
tibus  meis  adque  mundoaldis  nieis  et  deprecavi  eis  ut  in  ista 
benditione  mihi  esset  consentiens,  ipsi  tamen  mihi  consen- 
tientibus,  inito  consilio  pariter  pereximus  presentiis  Alexii 
judici,  etc.  »  De  même  en  969  -,  à  Bari,  par  devant  Basile 
protospathaire  impérial  et  le  juge  Falcon,  Mira  femme  du  juge 
Dalfion,  fait,  avec  son  mari,  donation  de  certains  biens  au  cou- 
vent de  Saint-Benoit  à  Conversano  ;  elle  agit  avec  le  consentement 
de  son  frère  et  d'un  de  ses  parents  qui  sont  ses  mundoalds. 
Au  mois  de  janvier  de  l'année  1008,  Yacynthe,  veuve  d'un  certain 
Regale  donne,  à  l'église  du  Saint-Sauveur  de  Conversano,  le  quart 
de  la  part,  qu'elle  a  héritée  de  son  mari,  à  titre  de  morgengah  '\ 
De  même  en  962  ',  nous  avons  de  Casamassima,  prèsde  Bari,  un 
acte  analogue.  En  977  •',  à  Bari,  il  est  question  demorgengab  et 
de  mundoald .  A  Barletta,  l'usage  lombard  a  également  prévalu, 
en  général,  dans  les  actes  privés  ''.  On  invoque  les  lois  de  Liut- 
prand,  à  Conversano,  en  901  ',  en  931  *^,  etc.  Pour  le  sud  de 
l'Italie  les  documents  sont  moins  nombreux.  Pourtant,  un  acte, 
des  archives  de  Mont-Cassin,  nous  montre  qu'à  Tarente,  en  1004, 
un  certain  Jean,  le  lendemain  de  son  mariage,  donne  à  sa  femme 
Argenzia  le  quart  de  ses  biens,  à  titre  de  morgengab  3.  La  force 

1.  Charl.  Clip.,  t.  I,  p.  6-7. 

2.  Ibid.,l,  53. 

3.  Ibid.,  I,    68. 

4.  Cod.  dip.  Barese,  t.  I,  p.  7. 

5.  Ibid.,  p.  9. 

6.  Archives  du  Mt-Cassin,  fonds  de  Barletta  n"  1,  2,  5,    et  6. 

7.  Chart.  Cap.,  t.  I,  7. 

8.  Ibid.,\,  25. 

9.  Archives  du  Mt-Cassin,  cap.  98,  fasc.  I,  n»  23.  De  même,  vers  970,  la 
loi  lombarde  est  invoquée  dans  un  procès,  entre  le  monastère  St-Pierre  de 
Tarente  et  les  gens  de  Massafra.  Cf.  Gay,  op.  cit.,  377. 


32  CHAPlTUt:    PREMIER 

de  cette  résistance  aux  iisag-es  byzantins,  fut  telle  que  Byzance 
renonça  à  imposer  son  droit,  ainsi  que  cela  résulte  clairement 
du  document  suivant.  Dans  un  acte,  daté  de  l'indiction  XIV 
(1046),  le  catépan  Eustathios  accorde  à  un  certain  Byzantios, 
ju<^e  à  Bari,  divers  privilèges,  entre  autres  celui  de  juger  les 
serfs,  habitants  les  terres  qui  lui  sont  concédées;  le  bénéficiaire 
doit  juger  comme  il  suit  :  l'.cpCy^.tOx...  -/.ai  •/.pif)(^va'.)  Jz'aÛTCJ 
7.aTà  Tbv  v(6y.(ov  [sic)  tov  \o\";<fj-jLpoz['.v.W\  y.al  '^.îr,  ~oi.p  'i-.ipz-j  tivoç. 
à'vî'j  s(i)v:u  •J7:E'jj;sj-/;;j.év(;j)  (?]to)v  ijaj'.AÉwv  r^y.wv  twv  âyuov  7.7.'.  r,[JM'/  -îivf 
àva;{(i)v  scja:-»  sir:  y/j-Cov  '.  Nous  voyons,  parce  curieux  document 
que  Byzance  renonça  à  lutter  sur  le  terrain  juridique,  et  qu'elle 
autorisa  l'usage  du  droit  lombard,  sauf  dans  le  cas  de  l'assassinat 
de  l'empereur  ou  du  catépan.  Le  document  ci-dessus  est  de 
1  année  lOifi,  mais  je  suis  porté  à  croire,  que  la  reconnaissance 
du  droit  lombard  est  de  beaucoup  antérieure. 

Il  m'aurait  été  facile  de  multiplier  les  exemples,  montrant  com- 
bien était  répandu  l'usage  du  droit  lombard,  ceux  que  j'ai  donnés 
sont  suffisants  pour  prouver  l'existence  d'une  population  lom- 
barde, suffisamment  nombreuse  pour  imposer  son  droit  national. 
(]e  ne  fut  pas  là  la  seule  conquête  des  Lombards  de  la  Fouille  ; 
Byzance  fut  encore  obligé  d'adopter  certaines  institutions  pure- 
ment lombardes.  Je  veux  parler  ici  du  gastaldat.  On  sait  que  le 
gastaldat  était  la  subdivision  administrative  du  royaume,  et  plus 
tard  du  duché  lombard  ;  à  la  tête  de  chaque  gastaldat,  était  un 
fonctionnaire,  portant  le  nom  de  gastald.  C'est  ce  fonctionnaire 
qui.  en  Fouille,  est  entré  dans  l'administration  byzantine.  Nous 
voyons,  en  effet,  que  souvent  les  actes  privés  mentionnent  sa  pré- 
sence aux  côtés  des  fonctionnaires  grecs.  En  janvier  1)54,  à  Conver- 
sano,nous  voyons  qu'une  vente  est  faite,  en  présence  de  Romoald 
spatharocandidatet  gastald  '-.  En  9G2,  au  mois  de  juin,  Grimoald, 
abbé  du  monastère  de  Saint-Benoit  deConversano,  fait  un  échange 
avec  le  clerc  Maion,  en  présence  du  gastald  Tassilon '^''.  En  977, 


i.  Cod.  dipl.  Bar.,  t.  IV,  p.  67.  Cf.  Anon.  Bar.,  ad  an.  lO'tl.  Le  droit 
byzantin  n'a  fait  de  progrès  que  dans  la  région  qui  s"étend  de  Brindisi  à 
Acerenza.  Cf.  Gay,  op.  cit.,  p.  578. 

2.   Charf.  Cup.,  I,  41. 


ÉTAT    POLITtQUE    DE    l'iTALIE    MÉRIDIONALE  33 

àii  mois  d'avril,  à  Polignano,  le  gastakl  Pandefroi  est  mentionné 
dans  un  acte  de  donation  '.  En  octobre  976  (n.  s),  à  Bari,  un 
certain  Rodel^ar  et  sa  femme  font  une  vente  en  présence  du 
gastald  Pavo  ^.  A  Polignano,  au  mois  de  juillet  992,  nous  voyons 
mentionné  le  g-astald  Louis  qui  agit  avec  Smarag-dos,  protospa- 
thaire  et  topotérètès  des  scholes,  et  le  turmarque  Radelgard  •^. 

Les  actes  parvenus  jusqu'à  nous  ne  sont  pas  assez  nombreux 
pour  nous  permettre  d'établir  quelles  sont  les  attributions  du 
gastald  ;  il  a  certainement  un  rôle  important,  car,  nous  le  voyons 
figurer  à  côté  des  principaux  magistrats  de  la  ville  de  Conversano. 
Ce  fait  seul,  de  l'entrée  dugastald  dans  la  hiérarchie  ]>yzantine,  est 
une  nouvelle  preuve  de  la  vitalité  de  l'élément  lombard  de 
Pouille,  qui,  après  avoir  imposé  son  droit,  réussit  à  imposer  ses 
fonctionnaires.  La  situation  des  villes  de  Pouille  facilita  beaucoup 
ces  progrès  de  l'élément  lombard. 

L'histoire  des  provinces  méridionales  de  l'Italie,  du  ix"  au  x® 
siècle,  nous  montre  que,  souvent,  Byzance  fut  impuissante  à 
défendre  le  pays  contre  les  Musulmans  ;  l'empereur  grec,  en  effet, 
ne  paraît  avoir  entretenu,  en  Italie,  qu'un  nombre  de  troupes 
très  restreint.  Les  villes  furent  ainsi  amenées  à  assurer  elles- 
mêmes  leur  défense  contre  les  Musulmans  ^.  Le  résultat  de  cet 
état  de  choses  fut  d'amener  le  développement  d'une  vie  munici- 
pale très  intense,  développement  auquel  contribua,  pour  une  large 
part,  l'éloignement  du  pouvoir  central.  Chaque  cité,  en  effet,  dut 
se  défendre,  aussi  bien  contre  les  Musulmans  que  contre  les  vexa- 
tions fiscales  des  fonctionnaires  envoyés  par  Byzance.  Cette 
situation  favorisa  singulièrement  le  développement  de  l'autono- 
mie des  cités,  et  amena  la  formation  de  véritables  conmiunes. 
Nous  voyons  que  tous  les  actes  privés  mentionnent,  non  seulement 
la  présence  du  fonctionnaire  par  devant  lequel  ils  sont  passés, 
mais  encore  celles  de  boni  homines,  de  nohiles  homines,  dont  la 

1.  Charf.  Clip.,  I,  p.  54. 

2.  Cod.  dipl.  Bar.,l,  9.  Les  éditeurs  ont  à  tort  daté  cet  acte  de  977.  L'acte 
étant  du  mois  d'octobre  de  l'indiction  V,  il  faut  dater  de  976  et  non  de  977. 

3.  Chart.Cup.,  l,  60. 

4.  Nous  voyons  des  villes  conclure  des  traités  particuliers  avec  les 
Musulmans.  Ibn-el-Athir  dans  Amari,  B.A.S.,  t.  I,  392,  408,  416,  421. 

Histoire  de  la  domination  normande.  —  Chalandox.  3 


34  CHAPITRE   PREMIER 

présence  paraît  être  indispensable  à  la  validité  de  l'acte.  De  même 
dans  les  jugements,  on  mentionne  toujours  l'intervention  de  ces 
honj  homines  soit  que  le  jug-ement  soit  rendu  par  eux,  soit  qu'au 
contraire  il  soit  rendu,  par  le  fonctionnaire  impérial,  avec  leur 
assistance.  Que  faut-il  voir  dans  ces  boni  hominesl  Une  charte  de 
992  ^  nous  renseigne  très  exactement  à   cet  égard.  En  voici  le 

texte  :  « ideo  quiah  nos  hy  sumus,  Sinaragdus  protosphata- 

rius  et  tepoteriti  ton  scolon  et  Badelgardus  turmarcha  et  lohanne 
graiia  dei  electus  et  Lodoi/co  kastaldius  et  Lupo  et  Léo  impcrialis 
spatharii  candidati  et  kastaldei,  Pando  filio  Badelchisi,  Maio  et 
Fridelchisi  Clwisantus  dictas  et  Teudelcari,  Cal  [oiohanne]  et 
Trasemundo,  Antofano  et  Pando,  Maio  iudice,  Bussoet  Chrisanto, 
1  rasagasto  et  Bisantio,  Agapitoet Bomoaldus,  Balsamoet  Alifan.. 

Ch/'isolito,  Duninando,  Musando,  Ermengardo,  Sikenolfus, 

Turresano,  Lodoyco,  Maraldo  et  Gaiderisi,  Muruzzo  et  Muruzzo, 
Basalmo  et  Maraldo,  Pozzo  et  Bomoaldo,  nos  tofi  nominati,  et 
bice  omnibus  abitantihus  cibitate  Puliniani,  niaiorcs,  niediani  et 
cuncto  populo,  etc.  ».  Il  résulte  de  cet  acte  que  dans  la  ville  de 
Conversano  le  peuple  était  divisé  en  trois  classes  :  maiores. 
mediani,  popuhis.  Ce  fait  de  la  division  en  trois  classes  nous  était 
déjà  connu  par  le  capitulaire  de  Radelchis  '  ;  nous  voyons  que 
cette  division  a  persisté  dans  la  Fouille,  plus  tard  nous  la 
retrouverons  à  Naples  •^.  Mais,  ce  qu'il  y  a  de  particulièrement 
intéressant  dans  l'acte  qui  nous  occupe,  c'est  de  voir  agir,  dans 
un  acte  administratif,  des  représentants  de  la  cité,  au  nom  de 
la  population  tout  entière,  au  nom  de  Vuniversitas.  L'acte 
dont  nous  venons  de  parler,  n'est  pas  en  efîet  un  acte  judi- 
ciaire :  les  représentants  de  la  commune  de  Polignano  font,  au 
nom  de  la  ville,  une  donation  à  l'église  Saint-Benoît  de  Polignano. 
Nous  voyons  par  là  qu'en  Fouille  la  centralisation  administrative 
n'a  pas  pu  se  produire.  On  sait  que  Léon  le  Sage  avait  aboli  toute 
autonomie  municipale,  car  «  ces  institutions,  dit-il  dans  sa  novelle, 
ne   correspondent  plus  à  l'ordre  de   choses  où   l'empereur  seul 

1.  Chart.  Cup.,\,  P-  60.  Cf.  Trinchera,  op.  cit.,  pp.  4ti  et  53. 

2.  M.G.H.LL.,  IV,    222. 

3.  Capasso,   //    <(  pacluni  »  giuralo  dal    duca  Sergio  ai  Napoletani,  dans 
Arch.  st.napoL,  t.  IX  (1884),  p.  548. 


ÉTAT    POLITIQUE    DE    l'iTALIE    MÉRIDIONALE  35 

doit  avoir  soin  de  tout  '  ».  Les  mesures  prises  par  Léon  n'ont  pu 
être  appliquées  en  Fouille.  Nous  n'avons  pas  à  rechercher  l'origine 
de  ces  institutions  -,  il  nous  suffît  de  constater  leur  existence,  qui 
nous  montre  clairement  que  les  villes  lombardes  ont  réussi  à  se  créer 
dans  l'empire  une  situation  à  part,  situation  que  les  basileis  ont 
été  obligés  de  supporter. 

Les  causes  que  nous  avons  indiquées  plus  haut  :  savoir  le  petit 
nombre  des  troupes  byzantines  et  la  fréquence  des  invasions 
musulmanes,  ont  eu  encore  un  autre  effet  d'une  importance  con- 
sidérable. Nous  savons  que  le  gouvernement  byzantin  obligeait 
les  villes  à  fournir  des  A' aisseaux  pour  la  défense  des  côtes.  La 
Vie  de  saint  Nil ^  qui  nous  donne  ce  renseignement,  ne  nous  dit  pas 
si  l'équipage  des  vaisseaux  devait  être  recruté  parmi  les  habitants 
des  villes.  Cela  me  paraît  pourtant  extrêmement  probable,  car  je 
crois  que  l'on  peut  établir  que  les  Byzantins  ont  organisé  en 
Italie  des  milices  communales.  Un  acte  du  mois  d'octobre  de 
l'année  980,  nous  apprend  que,  sur  le  territoire  de  la  ville  de 
Conversano,  une  terre  est  grevée  de  la  charge  du  service  militaire 
«...  quia  facere  illi  de  eadein  rébus  prefati  lacohi  clerici  ipso 
serhitio  doninico  quod  est  ipsa  militia  ».  De  même,  en  1015,  à 
Bari,  il  est  question  de  stratia  domnica  -K  II  résulte  de  là  que 
la  possession  de  la  terre  en  certains  cas  emporte  l'obligation  du 
service  militaire. 

Ce  sont  les  milices  ainsi  formées,  qui  sont  désignées,  dans  les 
chroniques,  sous  le  nom  de  conterati.    On  a    beaucoup    discuté 


1.  Zacharife  a  Lingenthal.,  Jus  r/r-œco  roni.,  t.  III,  p.  138-139. 

2.  Cf.  Ileinemann,  Zur  Entstehnng  der  Stadtverfassung  in  Italien 
(Leipsig,  1896),  in-8°,  et  Dina,  Ilcomune  benevcntano  net  mille  e  l'origine  del 
comiine  médiévale  in  génère,  dans  Rendiconti  del.  r.  isl.  lombardo  di  scien. 
e  let.  Série  II,  vol.  XXI  (1898).  Dans  la  préface  dut.  Ill'du  Codice  diplumalico 
barese,  p.  XI-XV,  Carabellese  a  voulu  rattacher  ces  institutions  municipales 
aux  institutions  municipales  romaines.  Son  argumentation  ne  présente 
aucune  solidité,  et  se  heurte  à  ce  fait  que  du  vu"  s.  au  x"  s.  il  n'y  a  pas 
un  seul  document  en  faveur  de  sa  thèse.  La  même  observation  peut  s'appli- 
quer à  Calisse,  //  governo  dei  Bisantini  in  llalia  (Torino,  1885),  p.  49  et 
suiv.  M.  Diehl  a  établi  que  le  régime  municipal  avait  à  peu  près  complè- 
tement disparu.  Cf.  V exarchat  de  Bavenne,  p.  93  et  suiv. 

3.  Chart.  Cup.,  t.  I,  57.  Cod.  dipl.  Bar.,  t.  IV,  p.  20.  Cf.  Id.,  t.  V,  p.  32. 


36  CHAPITRE    PREMIER 

sur  le  sens  de  ce  mot  ^  Sans  parler  des  et  y  molog-ies  fantaisistes, 
rappelons  que  di  Meo  croyait  que  ce  mot  avait  le  sens  de  confede- 
rafi,  et  s'appliquait  aux  troupes  unies  des  Normands  et  Lom- 
bards. Muratori  pensait  qu'il  faut  lire  conterrati,  et  que  le  mot 
désig-nait  les  habitants  du  pays  ~.  Ducano^e  a  donné  le  sens 
véritable:  -/.ov-apaToç  '^  désig-ne  des  troupes  armées  à  la  lég-ère. 
Je  crois  que  ce  mot  doit  s'appliquer  aux  milices  locales,  pour 
la  raison  suivante.  Dans  un  diplôme,  du  mois  de  mai  de  l'année 
1054  ^,  le  catépan  Argyros  exempte  le  monastère  Saint-Nicolas 
de  Monopoli  de  différents  services,  et,  entre  autres  choses,  il  dit 
qu'aucun  fonctionnaire  ne  doit  oser  réclamer  «  y.îvTSjpojv  /.al  y.ov- 
TxpaTwv  £y.6:Ar(V  ».  L'éditeur  du  diplôme  a  traduit  ce  passage  de 
la  façon  suivante  :  «  ne  ...  audeant  ...  imponere  ...  conturorum 
et  contaratorum  expulsionem  »,  ce  qui  n'a  aucun  sens.  Il  faut 
entendre  le  mot  h.^jo'Kr,  dans  le  sens  de  dépense''.  Le  monastère 
de  Saint-Nicolas  est  dispensé  d'avoir  à  fournir  la  dépense  des 
chevaux  de  charg-e  et  des  milices.  11  faut  entendre  par  là  qu'au 
lieu  de  fournir  les  hommes  et  les  chevaux,  le  monastère  donnait 
une  somme  en  argent.  Le  mot  conterati  désig-nerait  donc  ces 
milices  locales,    dont  nous  constatons,  par  ailleurs,  l'existence. 

L'oblig-ation  de  défendre  les  villes  contre  les  Musulmans,  et 
l'impossibilité  d'entretenir  un  corps  d'occupation  suffisant,  ame- 
nèrent la  création  de  ces  milices,  recrutées  parmi  la  population 
locale,  c'est-à-dire  parmi  les  Lombards.  Les  textes  que  j'ai  cités 
permettent  de  dire  qu'au  x*^  et  au  xi''  siècle  il  existe  un  rapport 
entre  la  possession  de  la  terre  et  l'ol^ligation  du  service  mili- 
taire. Nous  arrivons  ainsi  à  constater  que  la  situation  est,  à  ce 
point  de  vue,  très  sensiblement  pareille  à  ce  qu'elle  était  au 
vii"^  siècle. 

J'ai  insisté  sur  ce  fait  de  l'existence  des  milices  lombardes,  car 
il  ne  me  semble  pas  que,  jusqu'ici,  il  ait  été  suffisanient  mis  en 

1.  Cf.  la  notede  de  Blasiis,  La  insurrezione piigliese e  la  conquista  normanna, 
t.  I,  p.  28.3-284. 

2.  Loc.  cit. 

3.  Gloss.  ad.  verbum. 

4.  Trinchera,  op.  cit.,  p.  ijo. 

u.  Cf.  Estienne,  Thésaurus,  ad  verbum  i/.ooXf,  aXoywv,  et  Ducange,  Gloss., 
ad  verbum. 


ÉTAT    POLITIQUE    DE    I.'lTALlE    MÉRIDIONALE  37 

lumière  parles  historiens  des  Normands.  On  parle  bien  de  Talliance 
des  Normands  avec  les  Lombards,  mais  il  semble  toujom\s  que 
ce  sont  les  Normands  qui,  dès  le  début,  ont  joué  le  rôle  principal.  A 
mon  avis,  ce  sont  ces  milices  locales  qui  expliquent  la  réussite  de 
la  conquête  normande.  Les  chroniqueurs,  nous  le  verrons  plus  loin, 
nous  montrent  toujours  les  premiers  normands,  au  nombre  de 
quelques  centaines,  mettant  en  fuite  des  milliers  de  Byzantins.  Il 
est  invraisemblable  de  voir  une  troupe,  aussi  peu  nombreuse, 
être  toujours  victorieuse  d'un  ennemi  bien  supérieur.  Tout  le  côté 
merveilleux  de  la  conquête  normande  disparaît  presque  en  entier, 
si  l'on  songe  au  rôle  joué  par  les  milices  locales.  Lorsque  les 
Lombards  se  révoltèrent,  ils  trouvèrent  dans  leurs  milices  le 
noyau  d'une  armée  parfaitement  organisée  et  équipée.  Si  l'on 
songe  que  les  Normands  ont  été  soutenus  par  toutes  les  milices  de 
la  Fouille,  on  voit  que  cet  appui  dont  les  chroniqueurs  ne  parlent 
pas,  a  été  en  réalité  la  véritable  cause  de  leurs  succès. 

On  vient  de  voir  que  Byzance  avait  complètement  échoué 
dans  ses  tentatives  pour  helléniser  la  Fouille.  Sans  doute  dans 
ses  rapports  avec  les  Lombards,  Byzance  a  fait  preuve  d'une 
remarquable  souplesse,  et  a  su  n'entreprendre  que  les  tâches 
cpi'elle  pouvait  réaliser  ;  mais  les  tempéraments  mêmes  qu'elle  a 
été  contrainte  d'apporter  dans  le  domaine  religieux,  comme  dans 
le  domaine  juridique  ou  politique,  montrent  bien  quelle  résis- 
tance l'élément  lombard  de  la  population  a  opposé  aux  diverses 
tentatives  d'hellénisation.  Les  Lombards  ont  accepté  dans  une 
certaine  mesure  la  suprématie  byzantine,  mais  ils  ont  obligé  les 
basileis  à  recruter  le  personnel  des  fonctionnaires  dans  l'aristo- 
cratie locale  et  ont,  un  moment  même,  cherché  à  faire  choisir 
comme  stratège  le  prince  de  Capoue.  Byzance  refusa,  et  l'hosti- 
lité entre   Grecs  et  Lombards  subsista  ' .  Cet  antagonisme  était 


1.  Cf.  Gay,  op.  cit.,  p.  204  et  suiv.  On  peut  citer  comme  textes  marquant 
l'hostilité  entre  les  Lombards  et  les  Byzantins  les  suivants  :  pour  la  fin  du 
ix"  s.,  «  ...  In  ipsorum  odium  fere  omnes  cultores  Apuliœ,  Sainnii,  Lucaniœ, 
Campaniœ,  conspiraveranl.  »  Catal.  regum  lang.,  dans  Scrip.  rer.  Zanr/.,  p.496  ; 
pour  le  x'=  s.,  Theoph.  Cont.,  p.  453  (Cf.  Gay,  op.  cit.,  p.  21o,  sur  l'interpré- 
tation de  ce  passage),  et,  en  dehors  des  textes  mentionnant  les  révoltes  dont 
nous  parlons  plus  bas,  Léo  Ost.,  II,  37,  et  Ann.Bar.,  adan.  1035,  où  il  est 
question  de  Byzantins  «  sine  metu  contra  onines  Grecos  ». 


38  CHAPITRE    PREMIER 

pour  l'empire  gTec  une  cause  de  faiblesse,  La  mauvaise  adminis- 
tration des  fonctionnaires  byzantins  ne  fit  qu'ag-g-raver  la  situation. 
A  Byzance,  les  impôts  étaient,  d'ordinaire,  pris  à  ferme,  et  pour 
rentrer  dans  leurs  débours,  les  concessionnaires  cherchaient  à  tirer 
des  contribuables  le  plus  d'argent  possible.  Pour  l'Italie  méri- 
dionale nous  sommes  mal  renseig-nés  sur  la  question  des  impôts. 
Il  semble  probable  cpie  les  catépans,  comme  autrefois  les  stra- 
tèges d'Occident,  ne  recevaient  pas  de  traitement  ;  ils  devaient 
donc  cherchera  extorquer  le  plus  d'argent  possible  à  leurs  admi- 
nistrés '.  D'autre  part,  la  Vie  de  saint  XiL  à  laquelle  on  revient 
toujours,  quand  on  s'occupe  de  l'Italie  byzantine  du  x*'  siècle, 
nous  fournit  quelques  précieuses  indications"'.  Nicéphore,  gou- 
verneur de  la  Pouille  et  delà  Calabre,  obligea  les  villes  soumises 
aux  Byzantins  à  construire  des  chelanclia  pour  protéger  les  côtes 
et  aller  attaquer  les  Sarrazins  en  Sicile.  Cet  impôt  excita  chez  les 
gens  de  Rossano  un  tel  mécontentement  qu'ils  brûlèrent  les  vais- 
seaux. Nicéphore  à  cette  nouvelle  se  dirigea  sur  Rossano  décidé 
à  tirer  des  coupables  un  châtiment  exemplaire.  En  apprenant 
sa  prochaine  venue,  les  habitants  de  la  ville,  fort  marris  des 
suites  que  pouvait  avoir  leur  conduite,  allèrent  trouver  saint  Xil, 
et  le  prièrent  d'intervenir  en  leur  faveur  auprès  de  Nicéphore.  Le 
saint  s'acc[uitta  de  sa  mission  avec  succès,  et  obtint  que  le  châti- 
ment des  gens  de  Rossano  se  réduirait  à  une  amende.  Ce  qu'il  y 
a  de  plus  curieux  dans  ces  événements,  c'est  de  voir  qu'après  sa 
conversation  avec  Nil,  Nicéphore  fit  tomber  toute  sa  colère  sur  le 
collecteur  d'impôts.  Il  semljle  bien  que  l'on  soit  en  droit  de 
conclure  que  les  exactions  de  ce  dernier,  ou  tout  au  moins  les 
mesures  par  trop  vexatoires  prises,  par  lui,  n'avaient  pas  été 
étrangères  au  soulèvement.  Nicéphore,  en  effet,  reconnaissant 
qu'il  y  avait  ime  part  de  vérité  dans  les  plaintes  cpie  les  gens  de 
Rossano  avaient  exprimées  de  façon  si  violente,  diminua  le  chiffre 
de  l'amende  imposée.  En  dehors  de  ces  impôts,  relatifs  à  la  défense, 
et  qui  paraissent  avoir  été  payés  en  nature,  la  population  était 
soumise  à  un  tribut  payable  en  argent'^.  Cet  impôt  était  perçu  au 

1.  De  ceri/n,  II,  îlO. 

2.  Vila  sancti  NUL  AA.  SS.  26  sept.,  t.  VII,  p.  295  et  suiv. 

3.  Trinchera,  op.  cit.,  17. 


ÉTAT    POLITIQUE    DE    l'iTALIE    MÉRIDIONALE  39 

gré  des  employés  du  fisc  qui  étaient  loin  d'être  équitables.  Nous 
venons  de  voir  que,  très  probablement,  leurs  complaisances 
n'étaient  pas  gratuites,  et  l'on  est  en  droit  de  penser  que  ce  que 
les  uns  payaient  en  moins,  les  autres  devaient  le  payer  en  plus. 
Cette  façon  de  procéder  excita  certainement  un  sérieux  mécon- 
tentement, dont  nous  trouvons  l'écho  jusque  dans  la  chronique 
de  Raoul  Glaber^. 

Les  avantag-es,  retirés  par  les  habitants  des  possessions  byzan- 
tines de  leur  soumission  à  l'empire,  ne  paraissent  pas  avoir  été 
en  rapport  avec  les  charges  qu'ils  avaient  à  supporter.  Byzance 
paraît  avoir  été  incapable  d'assurer  à  ses  sujets  la  ti'anquillité. 
Sans  remonter  très  loin,  nous  trouvons,  dans  les  quinze  dernières 
années  du  x*"  siècle,  de  continuelles  invasions  musulmanes.  En 
986,  les  Sarrasins  attaquent  Gerace  et  la  Galabre  ;  en  988,  les 
environs  de  Bari  sont  pillés  ;  en  991,  c'est  le  tour  de  Tarente  ; 
en  994  nous  trouvons  les  Musulmans  devant  Matera  et,  en  1003, 
ils  attaquent  Montescaglioso  et  Bari 2.  Sans  doute  à  partir  de  1005, 
alors  que  les  Byzantins  sont  rentrés  en  possession  de  Durazzo, 
les  invasions  sont  moins  fréquentes  et  l'Adriatique  devient  d'un 
accès  plus  difficile  aux  flottes  de  Sicile,  néanmoins  la  sécurité  est 
loin  d'être  complète. 

Les  guerres  continuelles,  les  impôts  trop  lourds  et  les  famines 
fréquentes  ont  amené  une  misère  générale,  et  nous  avons  encore 
en  assez  grand  nombre  des  actes  par  lesquels  des  malheureux 
réduits  à  la  dernière  extrémité  se  défont  de  leurs  biens  afin  de 
pouvoir  vivre.  Je  citerai  un  document  conservé  aux  archives  du 
Mont-Gassin  dans  le  fonds  de  Barletta  :  nous  voyons  qu'en  1003 
un  habitant  de  Gannes  vend  ce  qu'il  possède  à  un  prêtre.  Il 
déclare  être  poussé  par  la  faim  et  voici  ses  propres  paroles  : 
«  quia  patior  necessitatem  famis  et  nuditatis  et  non  haheo  iinde 
possini  evadere  excepta  si  vendidero'^  ».  Le  juge  par  devant 
lequel  est  passé  l'acte  est  tellement  touché  de  sa  misère  qu'il 
lui  fait  donner  un  sou  en  sus  du  prix  d'estimation.  En  938,  à 
Gonversano,  nous  trouvons  une  vente  faite  à  cause  de  l'indigence 

1.  Rad.  Glaber, //is/.,  éd.  Prou,  p.  52-d3. 

2.  Lupus  Protospat.,  ad  an.  Ann.  Bar.,  ad  an.  1003. 

3.  Archives  du  Mont-Cassin,  fonds  de  Barletta,  n°  2. 


40  CHAPITRE    PREMIER 

des  propriétaires ^  En  992  nous  avons  pour  la  même  ville  un 
document  analogue  :  Pierre,  clerc  de  Conversano,  vend  ses  biens 
parce  que  devenu  vieux  il  n'a  plus  de  quoi  vivre  à  cause  de  la 
dureté  des  temps  «  modo  vero  perveni  ad  senectute  [sic)  et  temjkis 
vavharice et  non  habeo  jam  aliquid  de  causa  mea'~  ». 

On  voit  par  là  que  la  population  lombarde  n'avait  point  beau- 
coup à  se  louer  de  la  domination  byzantine.  Aussi,  la  soumission 
de  la  Fouille  n'est-elle  qu'apparente,  et  les  chroniques  sont-elles 
remplies  par  les  brèves  mentions  d'assassinats  de  fonctionnaires 
g-recs,  et  de  mutineries  de  villes  isolées.  En  987,  la  chronique  de 
Lupus  Protospatharius  mentionne  une  révolte  de  la  ville  de 
Bari.  En  989,  le  patrice  Jean  fait  exécuter  trois  rebelles.  En  990, 
nous  trouvons  mentionné  l'assassinat  d'un  fonctionnaire  grec. 
En  997,  éclate  à  Oria  la  révolte  de  Smarag^dos  et  de  son  frère 
Pierre,  qui,  avec  l'aide  des  Musulmans,  tentent  de  s'emparer  de 
Bari 3.  La  révolte  dure  jusqu'au  mois  de  juillet  de  l'an  mil. 
Toutes  ces  insurrections  partielles  furent  certainement  suivies  de 
mesures  rig-oureuses  de  répression,  et  les  rebelles  furent  punis 
par  la  confiscation  de  leurs  biens.  Des  mesures  de  ce  genre  n'ont 
jamais  servi  à  rien  ;  sans  doute,  après  la  révolte  deSmaragdos,  la 
répression  paraît  avoir  amené  le  calme  pendant  quelques  années, 
mais  il  est  certain  que  l'animosité  des  Lombards  contre  les  Byzan- 
tins fut  d'autant  plus  aug-mentée  qu'elle  fut  plus  contenue.  De  ce 
que  ces  révoltes  paraissent  avoir  été  locales,  on  ne  saurait 
conclure  que  le  mécontentement  de  la  population  indigène  n'ait 
pas  été  général.  Au  contraire,  tous  ces  soulèvements  isolés 
tendent  à  montrer  que  l'administration  byzantine  a  fait  un  grand 
nombre    de    mécontents  ^. 


1    Chart.  Clip., 1,28. 

2.  Ihid.,  1,63. 

3.  Lup.  Protospat.,  ad  an.  987,  989,  990,  997,  998. 

4.  Peut-être,  faut-il  voir  la  trace  de  cette  hostilité  dans  les  divisions  de 
la  population  des  villes?  Nous  verrons,  en  effet,  que  dans  un  grand  nombre 
de  villes,  il  y  a  un  parti  favorable  aux  Grecs,  et  un  parti  qui  leur  est  hostile. 
On  ne  saurait  rien  affirmer  à  cet  égard,  néanmoins,  il  me  parait  fort 
probable  qu'il  faille  répondre  affirmativement.  L'objection  tirée  par  M.  Gay, 
op.  cit.,  p.  568,  du  fait  que  le  fds  de  Mélès  est  le  chef  du  parti  grec,  ne  me 
paraît  pas  concluante.  En  effet,  Argyros  commence  par  se  mettre  à  la  tête 


ÉTAT    POLITIQUE    DE    l'iTALIE    MÉRIDIONALE  41 

On  peut,  par  ce  qui  vient  d'être  dit,  s'imag-iner  facilement  quels 
étaient  les  rapports  des  Lombards  et  des  Byzantins.  Nous 
sommes  bien  loin  de  la  pacification,  décrite  par  Lenormant,  et  l'on 
s'explique  facilement  que  les  Lombards  de  Fouille,  n'ayant 
presque  rien  à  perdre,  se  soient  lancés  avec  ardeur  dans  l'insurrec- 
tion, quand  un  chef  capable  d'organiser  leurs  forces  et  de  diriger 
la  lutte  se  résolut  à  tenter  de  délivrer  son  pays.  Ce  chef  fut 
Mêlés. 


de  rinsurrection,  et  au  moment  où  il  passe  aux  Grecs,  un  certain  nombre 
de  Lombards  pouvaient  déjà  avoir  vu  les  inconvénients  de  lalliance  avec 
les  Normands  et  préférer  la  domination  byzantine. 


CHAPITRE  II 
Révolte   de    Mélès.    Arrivée   des   Normands  en   Italie.  Leurs 

PREMIERS     établissements.     DÉVELOPPEMENT    DE     LA    PUISSANCE    DE 
LA    PRINCIPAUTÉ    DE    SaLERNE. 

(1009-1042) 

Nous  ne  savons  rien  sur  Mélès,  avant  le  moment  où  il  apparaît 
brusquement  dans  l'histoire  de  l'Italie  méridionale,  pour  y  tenir 
durant  quelques  années  la  première  place.  Tout  ce  que  nous 
pouvons  dire,  c'est  qu'il  appartenait  à  l'aristocratie  lombarde  et 
avait  une  influence  considérable  non  seulement  à  Bari,  sa  ville 
natale,  mais  encore  dans  toute  l'Apulie  '.  Il  est  probable  qu  il  dut 
préparer  longtemps  la  rébellion  que  nous  allons  le  voir  diriger  ; 
car  l'importance  du  mouvement  insurrectionnel,  qui  se  produisit 
alors,  dépasse  de  beaucoup  celle  de  toutes  les  rébellions  anté- 
rieures, qui  paraissent  avoir  été  purement  locales,  La  révolte 
éclata  à  Bari,  au  mois  de  mai  de  l'année  1009,  elle  était  dirigée 
par  Mélès  et  son  beau-frère  Datto-.  Nous  ignorons  si  le  soulè- 
vement ne  fut  pas  amené  par  quelque  fait  particulier,  par  quelque 
A'iolence  commise  par  un  fonctionnaire  grec.  Le  récit  de  Léon 
d'Ostie  qui  est  notre  source  la  plus  détaillée  pour  ces  événe- 
ments, paraît  indiquer  que  la  haine  des  oppresseurs  fut  le  motif 
déterminant  de  l'insurrection.  "  Les  Apuliens,  dit-il,  se  révol- 
tèrent parce  qu'ils   ne   pouvaient   plus  supporter   la    superbe  et 


1.  Léo  Ost.,II,37,  632. 

2.  Annales  Barenses,  ad  an.  1011.  Lup.  Protospat.,  ad  an.  1009.  Skylit- 
zès,  dans  Cédrénus  éd.  de  Bonn.),  t.  II,  p.  456.  La  chronique  de  Lupus 
donne  seulement  la  date  de  mois.  Les  Annales  Barenses  donnent  la  date 
de  jour,  le  9  mai.Delarc,  Les  Xormands  en  Italie,  Paris,  in-8°  (1883),  p.  47, 
a  fait  complètement  erreur  sur  la  date  de  l'insurrection  dont  il  place  le 
début  en  1011.  La  chronologie  de  toute  cette  période  a  été  établie,  d'une 
façon  indiscutable,  par  Bresslau,  dans  les  lahrhùcher  des  deutschen  Reichs 
unter  Heinrich  II,  t.  III,  Excurs.,  IV,  p.  321  et  suiv. 


RÉVOLTE    DE    MÉLÈS  43 

rinsolence  des  Grecs  '.  »  La  révolte  ne  se  localisa  pas  dans  la 
région  de  Bari  et  s'étendit  rapidement.  Il  faut  certainement  rat- 
tacher à  la  rébellion  de  Mêlés  l'insurrection  qui  se  produisit  à 
ce  même  moment  dans  la  haute  vallée  du  Bradanto,  dans  la 
région  de  Montepeloso  '-.  Nous  savons,  par  une  brève  mention 
des  Annales  Barenses,  que  cette  même  année  les  Grecs  durent 
combattre  à  Montepeloso  un  chef  nommé  Ismael.  On  a  voulu 
voir  dans  le  mot  Ismael  une  forme  de  Mélès  et  par  suite  on  a 
identifié  les  deux  personnages -^  C'est  là,  à  mon  avis,  une  erreur, 
car  le  texte  des  Annales  Barenses^  sur  lequel  on  s'appuie,  ne 
permet  pas  cette  identification.  L'auteur  parle  d'abord  de  Mélès 
et  de  la  première  bataille  qu'il  a  livrée  aux  Grecs.  Il  parle  ensuite 
d'Ismael  en  montrant  clairement  qu'il  a  en  vue  deux  person- 
nages différents.  Il  serait,  d'ailleurs,  très  étonnant  que  ce  nom 
d'Ismael  appliqué  à  Mélès  ne  se  rencontrât  qu'une  fois  dans  les 
sources.  Toujours,  en  effet,  l'Anonyme  de  Bari  '%  les  Annales 
Barenses  et  Lupus  Protospatharius  ont  la  forme  Mélès  ou  Mel  ; 
la  forme  Ismael,  en  dehors  du  passage  cité,  ne  se  rencontre 
que  dans  des  sources  allemandes  mal  renseignées  sur  l'Italie  du 
Sud  '.  Très  probablement,  il  faut  voir,  dans  l'Ismael  de  Monte- 
Peloso,  un  chef  musulman,  qui  aida  les  Lombards  révoltés. 
Une  alliance  avec  les  Musulmans  était  alors  chose  très  fréquente  ; 
il  suffît  de  rappeler  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut  de  Sma- 
ragdos  et  de  sa  tentative  analogue  à  celle  de  Mélès,  pour  voir 
combien  cette  alliance  est  probable.  Bien  plus,  nous  savons  par 

i.  Léo  Ost.,  II,  37. 

2.  Annal.  Barenses,  ad  an.  —  Montepeloso,  circond.  de  Matera,  prov.  de 
Potenza. 

3.  Wilmans,  Ueber  die  Quellen  der  Gesta  Roherti  Wiscnrdi  des  Guillermus 
Apiiliensis,  dans  VA?'chiv  de  Pertz,  t.  X,  p.  112.  Amari,  op.  cit.,  II,  342,  De 
Blasiis,  op.  cit.,  I,  48.  Heinemann,  Geschichte  der  Normannen  in  Unterilalien 
und  Sicilien,  t.  I  (Leipsig,  1894),  p.  30,  admet  encore  cette  identification 
déjà  proposée  par  di  Meo,  op.  cit.,  t.  VII,  p.  12  et  13  ;  de  même  Gay,  op. 
cit.,  p.  401.  Delarc,  op.  cit.,  p.  49,  note  1,  a  avec  raison  combattu  cette 
opinion.  Sclilumberger,  iîasj7e  //,  p.  543,  s'est  rangé  à  l'avis  de  ce  dernier. 
Tout  le  système  de  Wilmans  a  été  ruiné  au  point  de  vue  chronologique 
par  Bresslau,  loc.  cit. 

4.  Dans  Muratori,  R.I.SS.,  t.  V,  p.  148. 

5.  Notae  sepul.  Bahen.,  M.G.H.SS.,  t.  XVII,  p.  640.  Adalbert,  Vita  Hen- 
rici  II,  M.G.H.  SS.,  t.  IV,  p.  805. 


44  CHAPITRE    II 

Lupus  Protospatharius,  qu  au  mois  daoùt  de  l'année  1009, 
quelques  mois  k  peine  après  que  la  révolte  a  éclaté,  les  Sarrasins 
s'emparèrent  de  Cosenza  '.  Les  Annales  Beneventani  mentionnent 
également  à  Tannée  1009  la  prise  de  Bitonto  par  les  Sarrasins"-. 
Je  suis  très  enclin  k  croire  que  l'auteur  ou  le  copiste  des  Annales 
Beneventani  a  ici  confondu  Bitonto  avec  Bitetto'^,  où  Mélès 
remporta  cette  même  année  sa  première  victoire  sur  les  Grecs. 
S  il  en  était  ainsi,  nous  aurions  la  preuve  de  l'alliance  des  Lom- 
bards révoltés  avec  les  Musulmans.  Si  l'on  ne  veut  pas  admettre 
cette  hypothèse,  il  n'en  reste  pas  moins  qu'en  1009  nous  voyons  les 
Sarrasins  et  les  Apuliens  rebelles  combattre  contre  les  Grecs 
dans  une  même  région.  On  est  donc  amené  k  regarder  comme 
presque  certain  que  Mélès,  avant  de  rompre  avec  Byzance,  avait 
eu  soin  de  s'assurer  l'appui  de  quelques  chefs  musulmans. 

Mélès  remporta  un  premier  succès  k  Bitetto,  k  quelques  kilo- 
mètres de  Bari  ^  ;  la  conséquence  de  cette  victoire  fut  d'amener 
une  rapide  extension  de  la  révolte.  Vers  la  fin  de  1009,  ou  tout 
au  début  de  1010,  le  catépan  Curcuas  mourait  et  les  troupes 
byzantines  se  trouvèrent  sans  chef  -^  Les  révoltés  profitèrent  de 
ces  circonstances  pour  emporter  quelques  places.  Bari  avait  été 
dès  le  début  aux  mains  des  rebelles.  Trani  suivit  bientôt  l'exemple 
de  sa  puissante  voisine  et  passa  aux  révoltés  ''  ;  nous  savons, 
en  outre,  que  Mélès  s'empara  d'Ascoli  ".  La  Chronique 
d'Amalfi,  qui  est  d'ailleurs  assez  mal  renseignée  pour  toute 
cette  époque,  rapporte  que  Mélès  occupa  rapidement  un  grand 
nombre  de  villes  et  de  châteaux  *^.  On  peut  admettre  que  la 
révolte  s'étendit  k  tout  le  pays  au  nord  d'une  ligne  allant   de 

1.  Lup.,  Protospat.,  ad  an. 

2.  Ann.  Beneventani,  M.G.H.SS.,  t.  III,  ad  an.,  p.  2o7. 

3.  Bitonto,  circond.  et  prov.  de  Bari;  Bitetto,  circond.  et  prov.  de  Bari. 

4.  Ann.  Bar.,  ad  an. 

5.  Anon.  Bar.,  ad  an.  1010.  Lup.  Protospat.,  ad  an.  1010.  L'année  com- 
mence en  septembre,  il  s'agit  donc  très  probablement  des  derniers  mois  de 
1009,  car  le  successeur  de  Curcuas  arrive  en  mars. 

6.  Anon.  Bar.,  ad  an.  1010.  Lup.  Protospat.,  ad  an.  iOlO,  p.  57,  dit  que 
la  ville  fut  pi'ise  de  force  par  Stilicus.  Schlumberger,  loc.  cit.,  voit  un  chef 
musulman  dans  celui-ci. 

7.  Chron.  Amalf.,  dans  Muratori,  Ant.  It.,  I,  211. 

8.  Loc.  cit. 


REVOLTE    DE    MÉLÈS  4-5 

Bari  à  Montepeloso.  Les  sources,  en  effet,  ne  nous  fournissent 
aucun  renseignement  permettant  de  croire  que  le  midi  de  la 
Fouille  ait  suivi  l'exemple  de  Bari  et  des    autres  villes  du  nord. 

Nous  avons  vu  que  Mélès  avait  pris  Ascoli  ;  or,  si  l'on 
remarque  que  cette  place  est  située  au  débouché  du  défilé  qui, 
passant  entre  les  montagnes  sur  lesquelles  s'élèvent  Bovino  et 
Troia,  conduit  de  Bénévent  au  Tavogliere  di  Puglia,  on  est  en 
droit  de  supposer  que  Mélès  tint  à  avoir  en  son  pouvoir  le  pas- 
sage le  plus  facile  pour  communiquer  avec  la  principauté  de 
Bénévent.  Nous  sommes  ainsi  amenés  à  examiner  la  part  prise 
par  les  principautés  lombardes  à  la  révolte  de  Mélès.  Aucun 
document  ne  nous  permet  d'établir  de  façon  positive  que  les 
princes  Guaimar  IV,  de  Salerne,  Pandolf  II  de  Capoue  et  Pan- 
dolf  II  de  Bénévent  aient  aidé  l'insurrection  de  leurs  compa- 
triotes soumis  à  Byzance.  Mais  l'occupation  d'Ascoli  par 
Mélès,  dès  les  premiers  jours  de  sa  révolte,  le  refuge  que  Mélès 
trouvera  chez  les  trois  princes  lombards,  après  sa  défaite, 
sont  autant  d'indices  que  ceux-ci,  sans  s'allier  ouvertement  aux 
rebelles,  conservèrent  au  moins  à  leur  égard  une  neutralité  très 
bienveillante. 

Au  mois  de  mars  de  l'année  1010,  im  nouveau  catépan,  envoyé 
de  Constantinople,  débarqua  en  Italie  avec  des  troupes  de  renfort. 
Il  se  nommait  Basile  Argyros,  dit  le  Mesardonitès  '  et  était 
accompagné  de  Léon  Tornikios,  dit  Contoléon,  stratège  du 
thème  de  Géphalonie.  Dès  l'arrivée  de  Basile,  les  Byzan- 
tins sortirent  de  l'inaction  où  ils  paraissent  être  restés  depuis  la 
mort  de  Curcuas  et  vinrent,  en  avril,  mettre  le  siège  devant 
Bari  qui  était  la  place  la  plus  forte  occupée  par  les  révoltés  % 
Les  deux  chefs  de  l'insurrection,  Mélès  et  Datto,  s'y  étaient  ren- 
fermés. Il  semblait  que  la  place  dût  résister  longtemps,  mais  la 
trahison  vint  faciliter  la  tâche  du  catépan.  J'ai  parlé  plus  haut 
de  l'opposition  qui  existait  dans  les  villes  de  la  côte  entre  l'élé- 

1.  Anon.  Bar.,  ad  an.  1010.  Lup.  Protospat.,  ad  an.  1010.  Skylitzès  dans 
Cédrénus,  II,  4a7.  Cf.  Schiumberger,  op.  cit.,  p.  543,  note  4,  et  Aar,  op.  cit., 
p.  134  et  311. 

2.  Annal.  Bar.,  ad  an.  1013.  (Il  y  a  dans  les  Ann.  Barenses  une  erreur  de 
deux  années  sur  la  date).  Lup.  Protospat.,  ad  an.  1010.  Léo  Ost.,  II,  37,  652. 


46  CHAPITRE    II 

ment  grec  et  rélément  lombard.  En  voici  un  exemple.  Bari  était 
assiégée  depuis  deux  mois,  quand  un  certain  nombre  d'babitants 
entamèrent  secrètement  des  négociations  avec  Basile,  afin  de  lui 
remettre  la  place  et  de  lui  livrer  Mélès.  Ce  fut  certainement  le 
parti  grec  qui  prépara  cette  trahison  ;  son  importance  devait  être 
singulièrement  accrue  par  deux  mois  de  siège  et  de  privations, 
car  Mélès,  informé  de  ce  qui  se  préparait,  ne  se  sentit  pas  assez 
fort  pour  prendre  les  devants  et  arrêter  ceux  qui  le  trahissaient. 
Avec  son  beau-frère  Datto  et  quelques-uns  de  ses  partisans,  il 
quitta  secrètement  Bari  et  s'enfuit  à  Ascoli,  d  oi^i  il  passa  sur  le 
territoire  de  Bénévent.  Nous  savons  par  Léon  d'Ostie  que,  de 
cette  dernière  ville,  Mélès  g'agna  Capoue  et  Salerne. 

Pendant  ce  temps,  Basile  entrait  à  Bari  et  j  rétablissait  l'auto- 
rité de  l'empereur  grec.  Les  sources  ne  parlent  pas  de  représailles 
exercées  par  les  troupes  byzantines.  Peut-être  le  catépan,  pour 
faciliter  l'apaisement  de  l'insurrection,  ne  se  montra-t-il  pas  très 
sévère.  Nous  savons  seulement  qu'il  se  saisit  de  la  femme  de 
Mélès  et  de  son  fils  Argyros,  et  qu'il  les  envoya  à  Constantinople  ' . 

Il  semble  que  le  catépan  ait  éprouvé  quelques  inquiétudes  au 
sujet  de  l'appui  que  Mélès  cherchait  à  se  faire  donner  par  les 
princes  lombards.  Nous  voyons,  en  effet,  qu'en  octobre  de  cette 
même  année,  il  se  rendit  à  Salerne  '-.  Ce  voyag-e  ne  nous  est  connu 
que  par  un  acte  et  nous  n'avons  aucun  détail  à  ce  sujet.  Il  est 
probable  que  le  catépan  voulut  en  imposer  aux  princes  lombards 
et  les  empêcher  de  prêter  assistance  aux  rebelles. 

Pendant  qu'il  était  à  Salerne,  Basile  Mesardonitès  confirma  les 
privilèges  du  Mont-Cassin,  pour  tous  les  biens  de  l'abbaye,  sis  en 
territoire  grec.  Nous  savons,  par  Léon  d'Ostie,  que  Datto  après  sa 
fuite  avait  trouvé  un  refug-e  sur  les  terres  du  Mont-Cassin  ;  le  chro- 
niqueur ajoute  qu'il  n'y  resta  (jue  peu  de  temps  ^  Il  me  paraît  très 
probable  que  la  venue  de  Basile  à  Salerne  ne  dut  pas  être  étran- 
g-ère  à  son  départ.  L'abbé  du  Mont-Cassin,  en  apprenant  l'arrivée 


1.  Léo  Osl.,  II,  37,  652. 

2.  Trinchera,  op.  cit.,  14. 

3.  Léo  Ost.,  loc.  cit.  Sur  la  soumission  de  Salerne  à  Byzance,  cf.  la 
souscription  d'un  évangéliaire  de  la  bibliothèque  impériale  de  Saint-Péters- 
bourg. Murait",  op.  cit.,  p.  594  ad  an.  1020. 


RÉVOLTE    DE    aiÉLÈS  47 

de  Basile,  dut  craindre  quelques  représailles.  Il  invita,  probable- 
ment alors,  Datto  à  s'en  aller  et  envoya  quelques  moines  saluer 
le  catépan  àSalerne,  et  lui  présenter  des  excuses  pour  lasile  offert 
au  fug-itif.  Le  Mont-Cassin  était  alors  un  centre  politique  très 
important,  son  influence  dans  les  affaires  d'Italie  et  en  particulier 
dans  les  affaires  de  l'Italie  méridionale  était  considérable,  aussi  le 
catépan  ne  voulant  pas  s'aliéner  les  moines,  qui  jusques-là  avaient 
toujours  été  en  très  bons  termes  avec  les  empereurs  grecs,  ne 
leur  g-arda  pas  rigueur  et  leur  confirma  leurs  privilèg^es  pour  les 
domaines  que  l'abbaye  possédait  en  Fouille. 

Expulsé  des  terres  du  Mont-Cassin,  Datto  se  réfugia  dans  l'état 
pontifical  oi^i,  cpielque  temps  après,  le  pape  Benoît  VIII 
(consacré  le  22  juin  1012),  partisan  de  l'empereur  Henri  II  et 
ennemi  des  Grecs,  lui  donna  asile  dans  une  tour  qu'il  possédait 
sur  les  bords  du  Garigliano  ', 

L'influence  byzantine  se  fit  donc  suffisamment  sentir  dans  les 
principautés  lombardes  pour  empêcher  Mélès  d'y  trouver  une 
assistance  réelle,  mais  elle  ne  put  obtenir  son  expulsion.  Nous 
savons,  en  effet,  que  Mélès  resta  sur  le  territoire  des  principautés 
de  Bénévent  et  de  Capoue  ;  cherchant  à  reconstituer  son  parti  ; 
et  ceci  nous  montre  combien  les  princes  lombards  étaient  peu 
soumis  à  Byzance  "~. 

Les  chroniques  sont  muettes  pour  les  années  qui  suivirent  la 
première  révolte  de  la  Fouille.  Nous  ne  pouvons  rien  savoir  des 
intrigues     dont      l'Italie     méridionale     fut     alors     le      théâtre. 

Il  me-  paraît  pourtant  très  probable  que  l'on  doit  placer  dans 
cette  période,  un  voyage  de  Mélès  en  Allemagne,  pour  demander 
son  aide  à  l'empereur.  Léon  d'Ostie,  en  parlant  de  la  descente 
d'Henri  II  en  Italie,  en  1020,  dit  que  Mélès  était  venu  deux  fois 
auprès  de  l'empereur,  pour  lui  demander  assistance  •^.  On  ne 
peut  placer  ce  voyage  de  Mélès  après  1017,  car  alors  il  resta 
en  Italie  jusqu'à  la  défaite  définitive  de  son  parti,  et  n'alla  en 
Allemagne  que  pour  y  mourir  ;  il   faut   donc    placer  ce   voyage 

1.  Cf.  Thietmar,  Chron.,  VI,  61  et  VII,  I.  Raoul  Glaber,  III,  1,  3.  Sur  le 
rôle  de  Benoit  VIII,  cf.  Gay,  op.  cit.,  p.  407  et  suiv. 

2.  Léo  Ost.,  II,  37,  p.  6o2-6."i3.  Les  Normands  rencontrent  Mélès  au  Monte 
Gargano,  en  territoire  byzantin. 

3.  Léo  Ost.,  Il,  39,  6^. 


48  Chapitre  ii 

entre  1011  et  1016.  C'est  très  probablement  alors  que  Mélès  fut 
reconnu  par  l'empereur  comme  duc  d'Apulie  '.  Il  n'obtint  toute- 
fois aucune  aide  de  Henri  II. 

Dans  le  courant  de  l'année  1016,  nous  retrouvons  Mélès  au  Monte 
Gargano.  La  rencontre  qu'il  fît  alors  d'une  bande  de  pèlerins 
normands  devait  avoir  une  importance  considérable,  non  seule- 
ment pour  son  parti,  mais  encore  pour  l'histoire  de  l'Italie. 
Guillaume  de  Pouille  ~  nous  raconte  que,  tandis  qu'ils  se  rendaient 
en  pèlerinag'e  au  célèbre  sanctuaire  de  saint  ^lichel  sur  le  Monte 
Gargano,  des  chevaliers  normands  rencontrèrent  Mélès.  Celui-ci 
leur  exposa  son  histoire,  et  leur  dit  qu'avec  l'aide  de  quelques- 
uns  d'entre  eux,  il  lui  serait  bien  facile  de  chasser  les  Grecs  de  sa 
patrie.  Suivant  le  poète,  les  pèlerins  normands  auraient  alors 
promis  au  chef  lombard  d'encourager  leurs  compatriotes  à  se 
rendre  auprès  de  lui. 

Il  faut  rapprocher  de  ce  récit  de  Guillaume  de  Pouille  un  pas- 
sage de  la  chronique  d'Aimé,  moine  au  Mont-Cassin.  D'après  ce 
dernier,  vers  l'an  mil,  quarante  vaillants  pèlerins  normands, 
revenant  de  Terre-Sainte,  débarquèrent  à  Salerne.  Ils  trouvèrent 
cette  place  assiégée  par  les  Sarrasins,  mécontents  de  ce  que 
le  prince  de  Salerne  leur  eût  refusé  le  tribut  ordinaire.  Les 
pèlerins  combattirent  les  Musulmans  et  les  obligèrent  à  se 
retirer.  A  la  suite  de  cet  exploit,  le  prince  de  Salerne  fit  grande 
fête  aux  vainqueurs,  et  les  pria  de  rester  à  son  service.  Suivant 
le  chroniqueur,  les  Normands  auraient  refusé  les  présents  qui 
leur  étaient  offerts,  en  disant  qu'ils  avaient  agi  pour  l'amour 
de  Dieu,  et  se  seraient  excusés  de  ne  pouvoir  demeurer  au  ser- 
vice de  Guaimar  ■^. 


1.  Nof.  sepul.  Babenff.,  M.G.H.SS.,  XVII,  640.  Adalbert,  Vita  Henrici  II, 
M.G.H.SS.,  IV,  805. 

2.  G.  Ap.,  I,  1-35.  Gay,  op.  cit.,  p.  406,  croit  qu'il  est  impossii^le  de  placer 
dans  la  même  année  1016,  le  siège  de  Salerne,  le  retour  en  Normandie  des 
Noi-mands  accompagnés  des  ambassadeurs  de  Guaimar,  l'émigration  des 
premiers  aventuriers  normands,  leur  séjour  à  Rome  et  leur  entente  avec 
Mélès.  11  faut  remarquer  que  Lupus  commençant  Tannée  en  septembre,  et  l'at- 
taque de  la  Pouille  ayant  eulieuau  printemps  1017,  ces  événements  peuvent 
se  placer  de  septembre  1015  au  printemps  1017  ;  il  me  semble  que  ce  laps 
de  temps  est  amplement  suffisant. 

3.  Ysloirede  li  Xonnant,  éd.  Delarc  Rouen,  1892j,  in-8°,  1. 1, 17,  p.  18-19. 


tlÉVOLtE    DE    MÉLÈS  4§ 

Le  témoignage  d'Aimé  ne  doit  être  accepté  qu'avec  réserve .  Tout 
d'abord  la  date  assignée  à  la  venue  des  Normands,  à  Salerne,  est 
certainement  fausse.  Les  Annales  Beneventani  i,  et  la  chronique 
de  Lupus  -,  qui  sont  toutes  deux  dérivées  d'annales  plus  anciennes 
aujourd'hui  perdues,  mentionnent  un  siège  de  Salerne  par  les 
Musulmans,  seulement  à  l'année  1016.  La  chronique  de  Thiet- 
mar  ^  place  à  la  même  époque  d'autres  attaques  des  Musulmans, 
sur  les  côtes  d'Italie,  alors  qu'il  semble  que,  pendant  les  années 
précédentes,  il  y  ait  eu  une  interruption  dans  les  invasions  des 
Sarrasins.  On  ne  saurait  invoquer  Léon  d'Ostie  ^,  dont  la  chronique 
donne,  comme  celle  d'Aimé,  la  date  de  l'an  mil,  car  on  a  montré 
que  la  première  rédaction  de  cet  auteur  plaçait,  vers  1016,  le 
siège  de  Salerne  ^.  Léon  a  donné  la  date  de  l'an  mil  seulement 
quand  il  a  corrigé  et  complété  la  première  rédaction  de  son 
ouvrage,  à  l'aide  de  la  chronique  d'Aimé.  Nous  verrons  plus  loin 
que  le  prince  de  Salerne  fît  partir  avec  les  Normands  un  envoyé 
pour  recruter  des  troupes.  Il  faudrait  donc  admettre  que  celui-ci 
a  mis  seize  ans  pour  accomplir  sa  mission,  puisqu'il  est  certain 
que  les  Normands  ne  sont  pas  arrivés  en  Italie  avant  1017. 
Cette  hypothèse  est  insoutenable.  On  est  donc  endroit  de  placer 
à  la  fin  de  lOlS  ou  au  début  de  1016,  le  siège  de  Salerne  et 
l'arrivée  dans  cette  ville  des  pèlerins  normands  ". 

On  doit  faire  également  des  réserves  sur  le  reste  du  récit 
d'Aimé.  Ainsi  il  est  bien  évident  que  les  pèlerins  normands  n'ont 
pas  mis  en  fuite,  à  eux  seuls,  une  armée  musulmane  assez  forte 
pour  avoir  inquiété  une  ville  aussi  importante  que  Salerne 
Les  soldats  de  Guaimar  ont  certainement  pris  part  à  la  bataille, 
et  Aimé  a  oublié  de  les  mentionner.  Il  y  a  chez  le  chroniqueur  du 


1.  M.G.H.SS.,  t.  III,  177. 

2.  M.G.H.SS.,  t.  V,  57. 

3.  M.G.H.SS.,  t.  m,  831. 

4.  Léo  Ost.,  H,  37,  p.  651. 

5.  Delarc,  Histoire  des  N^ormands,  p.  42.  Cf.  Wattenbach,  Prolegomena, 
M.G.H.SS.,  t.  VII,  p.  555.  Bresslau,  op.  cit.,  pp.  322-325.  Il  n'y  a  pas  à  tenir 
compte  des  Annales  du  Mont-Cassin  M.G.H.SS.,  t.  XIX,  p.  305,  qui,  en 
plaçant  le  siège  de  Salerne  en  l'an  mil,  sont  l'écho  de  la  tradition  cassi- 
nienne.  Cf.  Delarc,  Ystoire  de  li  Normant,  pp.  21-22,  note. 

6.  Cf.  p.  48,  note  2. 

Histoire  de  la  domination  normande.  —  Chala^dox.  4 


50  CHAPITRE    II 

Mont-Cassin  une  tendance  très  marquée  à  Fapologie  ;  il  cherche 
à  faire  des  Normands  des  héros,  prédestinés  par  leurs  vertus  à  la 
grande  fortune  qui  les  attendait. 

La  suite  du  récit  dWimé  est  plus  exacte,  mais  je  crois  qu'il  faut 
l'interpréter  autrement  qu'on  ne  le  fait  d'ordinaire.  Aimé  s'ex- 
prime ainsi  :  «  Et  mandèrent  lor  messages  avec  ces  victoriouz 
Normans,  etc.  '  ».  On  a  traduit  ce  passage  en  disant  que  «  les 
Salernitains  remirent  des  messages  aux  Normands  victorieux  2». 
A  mon  avis,  c'est  là  un  contresens.  11  faut  entendre  que  les  Saler- 
nitains envoyèrent  avec  les  Normands  des  messagers  chargés  de 
recruter  des  troupes  en  Normandie.  Ce  sens  est  indiscutable,  si 
nous  rapprochons  la  phrase  ci-dessus  d'un  autre  passage,  où 
Aimé  parlant  de  l'arrivée  des  Normands  en  1017,  dit  qu'ils  :  «  vin- 
drent  auvec  lo  message  del  prince  de  Salerne  ^  ». 

L'interprétation  proposée  me  paraît  mieux  convenir  pour  expli- 
quer les  faits.  Il  serait  assez  invraisemblable  que  de  simples  récits 
de  pèlerins  aient  suffi  à  amener  le  départ  pour  la  Fouille  des 
premiers  Normands,  tandis  que  la  présence  d'un  envoyé  de 
Guaimar,  chargé  de  recruter  une  bande  de  soldats,  rend  la  chose 
très  naturelle.  Si  d'autre  part  on  admet  l'identification  des  pèle- 
rins de  Salerne  avec  les  pèlerins  rencontrés  par  Mélès  au  Monte 
Gargano,  identification  qui  s'impose  presque,  on  est  amené  à 
penser  que  la  rencontre  de  Mélès  et  des  Normands  n'a  peut-être 
pas  été  fortuite,  et  qu'elle  a  été  ménagée  par  le  prince  de  Salerne 
ou  ses  envoyés.  Je  suis  d'autant  plus  j^orté  à  admettre  cette 
hypothèse,  que  nous  savons  qu'à  leur  arrivée  en  Italie,  les  Nor- 
mands se  séparèrent  en  deux  Ijandes  ;  les  uns  allèrent  à  Salerne, 
les  autres   suivirent   Mélès  "*.    Ceci  tendrait    à    prouver   que    le 

1.  Aimé,  I,  19,    Cf.  Léo  Ost.,  II,  37,  651. 

2.  Delarc,  Histoire  des  Normands,  p.  40.  Ileinemann,  op.  cil.,  p.  33-34. 
De  Blasiis,  op.  cit.,  t.  I,  70,  a  traduit  correctement.  Schipa,//  principaio  lon- 
ffobardo  di  Salerno,  dans  Arch.  st.  nap.,  t.  XII,  p.  257,  a  également  bien  inter- 
prété ce  passage,  mais  en  maintenant  la  venue  des  Normands  à  Salerne,  à 
l'an  1000,  p.  2.")6,  note  1,  il  n'a  pas  vu  que  l'ambassade  envoyée  par  Guaimar 
serait  restée  16  ans  absente,  puisque  nous  savons  qu'elle  revint  avec  les 
Normands,  en  1016,  Aimé,  I,  20.  On  ne  saurait  admettre  cette  hypothèse. 

3.  Aimé,  I,  20.  Delarc,  op.  cit.,  p.  46-47,  note  2,  a  fait  à  ce  passage  des 
objections  sans  valeur. 

4.  Cela  résulte  d'Aimé,  I,  21,  et  I,  22.  Dans  le  premier  paragraphe  cité,  il 
parle  des  Normands,  qui  suivent  tout  d'abord  Mélès  en  Fouille,  et,  dans  le 


RÉVOLTE    DE    MÉLÊS  SI 

recrutement  fut  fait  à  la  fois  pour  le  compte  de  Mélès  et  pour 
celui  de  Guaimar.  D'autre  part,  nous  verrons  Mélès  attendre 
impatiemment  àCapoue  l'arrivée  des  Normands  ^,  or  il  n'aurait  pu 
sérieusement  compter  sur  la  venue  d'auxiliaires  normands,  s'il 
n'avait  fait  qu'entrevoir  les  pèlerins  du  Gargano,  et  s'il  n'avait 
pas  eu  des  raisons  plus  sûres  de  compter  sur  la  venue  de  troupes 
de  secours. 

Je  crois  donc  que  Guaimar  vit  dans  les  Normands  le  moyen 
d'aider  les  projets  de  Mélès,  sans  avoir  à  se  compromettre  vis-à- 
vis  des  Byzantins,  et  qu'il  lui  fournit  indirectement  les  secours 
nécessaires  pour  reprendre  la  lutte. 

Les  envoyés  lombards  réussirent  facilement  à  lever  en  Norman- 
die un  corps  de  troupes  assez  important.  Les  très  nombreuses 
sources  occidentales,  qui  parlent  du  départ  des  premiers  Nor- 
mands pour  l'Italie,  ont  donné  chacune  une  version  différente  des 
motifs  qui  amenèrent  cette  émigration.  Toutes  ces  sources  sont 
très  postérieures  aux  événements,  aucune  n'a  donné  la  véritable 
raison,  mais  la  plupart  ont  cherché  à  dire  quels  étaient  les  motifs 
qui  avaient  déterminé  tel  ou  tel  Normand  à  partir.  On  peut 
pourtant  dég'ager  de  toutes  ces  légendes  une  part  de  vérité.  Au 
XI"  siècle,  la  Normandie  fut  par  excellence  le  pays  des  chercheurs 
d'aventure.  On  peut  expliquer  les  émigrations  fréquentes,  que 
nous  constatons,  par  l'existence  d'une  population  trop  nombreuse 
pour  le  pays,  et  l'on  doit  appliquer  à  toute  la  Normandie,  ce  que 
Malaterra  dit  de  la  famille  de  Tancrède  de  Hauteville  :  «  Sed  cuni 
vidèrent,  vicinis  senibus  dcficientibus,  heredcs  eorum  pro  heredi- 
tate  iiiter  se  altercari,  et  sortem,  quse  uni  cesserat,  intcr  plures 
divisam  singulis  minus  sufficere,  ne  siniile  quid  sihi  in  posterum 
eveniret,  consiliurn  inter  se  habere  cœperunt  ;  sicque  communi 
consilio  prima  aetas,  prse  cœteris  ad/iuc  minoribus  magis  roborata, 
primo  patria  diqressi,  per  diversa  loca  militariter  lucrum  quaeren- 
tes,  tandem  apud  Apjuliam pervenerunt  ~.  ».  Il  faut  joindre  à 


second,  il  dit  que,  quand  les  Normands,  qui  étaient  à  Salerne  apprirent  les 
victoires  des  premiers,  ils  partirent  aussi  pour  la  Fouille. 

1.  Léo  Ost.,  Il,  37,  632-653.  Cf.  G.  Ap.  I,  v.  44-47.  Aimé,  I,  20. 

2.  Malaterra,  I,  5. 


Oéi  CHAPITRE    II 

ces  motifs  les  querelles  violentes,  les  luttes  continuelles  qui 
oblig-eaient  certains  Normands  à  s'exiler  et  à  courir  le  monde  en 
quête  d'aventures,  lorsqu'ils  avaient,  pour  quelque  crime,  à 
redouter  la  colère  de  leur  seig-neur.  Ce  fut,  semble-t-il,  dans  cette 
dernière  catégorie,  que  se  recrutèrent  les  Normands  levés  par 
l'émissaire  du  prince  de  Salerne.  Il  paraît  certain  que  le  chef 
de  la  troupe  ainsi  formée  fut  un  chevalier,  ayant  encouru  la 
colère  du  duc  Richard,  pour  avoir  tué  un  seigneur,  qui  préten- 
dait avoir  été  l'amant  de  sa  fille.  Les  sources  ne  sont  pas  d'ac- 
cord sur  son  nom,  les  unes  l'appellent  Osmond  Dreng-ot  ',  les 
autres  Gilbert  Buatère  ~.  Ce  dernier  nom  se  retrouvant  plus 
souvent  dans  les  sources  italiennes,  c'est  lui  que  nous  emploie- 
rons pour  désigner  le  chef  des  premiers  Normands. 

Suivant  Aimé,  Gilbert  serait  parti  avec  ses  quatre  frères 
Rainolf,  Asclettin,  Osmond  et  Rodolphe  ^.  Nous  n'avons  aucune 
indication  précise  sur  l'importance  de  la  troupe  que  commandait 
Gilbert.  Accompag-nés  de  l'envoyé  de  Salerne,  les  Normands 
gag-nèrent  l'Italie.  La  plupart  des  sources  s'accordent  pour  les 
faire  passer  par  Rome  ^.  Raoul  Glaber  prétend  même  que  le  chef 
des  Normands,  qu'il  appelle  Rodolphe,  aurait  eu  une  entrevue 
avec  Benoît  VIII  ;  ce  dernier  lui  aurait  conseillé  d'attaquer  les 
Grecs.  Quoique  Raoul  Glaber  ait,  pour  cette  partie  de  sa  chronique, 
commis  beaucoup  d'erreurs,  on  trouve  pourtant  chez  lui  quelques 
renseignements  exacts  sur  les  événements  d'Italie.  Je  serais 
enclin  à  admettre  que  le  pape  Benoît  VIII  n'est  pas  resté  étranger 
aux  intrigues  des  princes  lombards  que  nous    avons  rapportées 

1.  Orderic  Vital,  1.  111,3,  t.  II,  p.  53.  Guillaume  de  Jumièges,  Ilist. 
Norm.,  1.  VII,  c.  30. 

2.  Léo  Ost.,  II,  37.  Aimé,  I,  20,  21  et  suiv.  Adhémar  de  Chabanne, 
Historiœ,  III,  ob. 

3.  Aimé,  loc.  cit.  Pour  Rodolphe,  j"ai  pris  la  forme  donnée  par  Léo  Ost., 
II,  37,  6oi,  au  lieu  de  la  forme  Lodolfe  qui  est  dans  Aimé.  Delarc,  op. 
cit.,  p.  44,  a  fait  erreur,  en  prenant  dans  Léon  d'Ostie  dautres  noms  de 
Normands.  Je  crois  avec  Bresslau,  op.  cit.,  t.  III,  pp.  324-32b,  que  les  noms 
donnés  par  Léon  sont  des  déformations  des  noms  fournis  par  Aimé.  Tous 
deux  sont  d'accord  pour  Gislebertus  et  Rodulfus  Todinensis  (Toëni,  Eure, 
ar.  de  Louviers).  On  retrouve  Osmond  dans  Gosmannus,  tandis  que 
Stogand  et  Rufin   doivent  correspondre  à  Asclettin  et  Rainolf. 

4.  Aimé,  I,  20,  24.  G.  Ap.,  I,  v.   14.    Raoul  Glaber,  III,  I,  p.  53. 


RÉVOLTE    DE    MÉLÈS  33 

plus  haut.  Son  entrevue  avec  Rodolphe  confirmerait  cette  opinion. 
Le  pape  ne  devait  pas  être  satisfait  des  progrès  accomplis  par 
les  Byzantins,  depuis  la  défaite  d'Othon,  k  Stilo.  A  ce  moment, 
les  rapports  de  la  papauté  avec  l'Empire  d'Orient  devaient  être 
assez  tendus,  c'est,  en  effet,  l'époque  où  le  pafriarche  Polyeucte 
fait  rayer  le  nom  du  pape  des  diptyques  '.  Rappelons  enfin 
l'asile  offert  à  Datto.  Tout  cela  constitue  un  ensemble  d'indices, 
qui  rend  très  probable  l'appui  prêté  par  Benoît  VllI  aux  projets 
antibyzantins  de  Mélès. 

De  Rome,  les  Normands  gag-nèrent  Capoue,  où  Mélès  les  atten- 
dait ~.  Une  partie  d'entre  eux  continua  sur  Salerne  •^,  tandis  que 
les  autres  concluaient  avec  Mélès  un  traité,  sur  lequel  nous 
n'avonsque  les  renseignements  vagues  donnés  par  Léon  d'Ostie  ^. 
Ce  chronicpieur  nous  raconte  que  Mélès  conclut  un  accord  de 
more  militise.  Sans  doute  il  dut  promettre  aux  Normands  de 
leur  concéder  les  terres  à  conquérir  sur  les  Byzantins.  Peut-être 
devons-nous  admettre  le  renseignement  fourni  par  Orderic  Vital. 
D'après  ce  dernier,  le  prince  de  Bénévent  Landolf,  qui,  en 
1014,  avait  succédé  à  Pandolf  II,  aurait  concédé  au  chef  de  la 
troupe  un  oppidum  '^.  A  ce  contingent  normand,  Mélès  joignit 
des  soldats  qu'il  fit  venir  de  Salerne  et  de  Bénévent.  Comme  lui- 
niême  résidait  à  ce  moment  auprès  de  Pandolf  111,  prince  de 
Capoue,  qui,  en  1016,  avait  succédé  àPandolflI,^  on  voit  encore 
apparaître  ici  l'entente  entre  Mélès  et  les  trois  princes 
lombards,  entente  dont  j'ai  cherché  plus  haut  à  montrer 
l'existence. 


1.  Gfrôrer,  0/3.  ci7.,  t.  III,  p.  lOo.  Cf.  Bréhier,  op.  cit.,  p.  ">,  qui  combat 
cette  opinion,  mais  ne  s'appuie  sur  aucun  texte. 

2.  Aimé,  I,  20,  24. 

3.  Cela  résulte  d'Aimé,  I,  22,  29. 

4.  Léo  Ost.,  II,  37,  653. 

5.  Ord.  Vit.,  1.  III,  3,  t.  II,  p.  53.  Les  raisons  opposées  par  Delarc,  op.  cit., 
p.  45,  note,  ne  sont  pas  concluantes.  Une  concession  personnelle  a  pu  être 
faite  au  chef  des  Normands;  les  autres  n'auraient  d'abord  possédé  aucune 
terre.  Ce  renseignement  d'Orderic  ne  me  paraît  pas  être  en  contradiction 
avec  les  sources  italiennes,  qui  nous  représentent  les  Normands  errants, 
puisqu'un  seul  d'entre  eux  aurait  acquis  un  établissement. 

6.  Cf.  Pi'lugk  Ilarttung-,  lier  italicnm,  p.  713, 


34  CFIAPITRE    II 

Au  printemps  de  l'année  1017  ',  Mélès  ayant  terminé  ses  pré- 
paratifs attaqua  le  territoire  de  l'Apulie,  Les  passages  qui, 
de  Bénévent,  débouchent  en  Fouille,  entre  Troia  et  Bovino, 
devaient  être  aux  mains  des  Grecs,  car  nous  voyons  que  Mélès 
se  dirigea  vers  le  nord-est,  et  suivit  la  vallée  du  Fortore  pour 
envahir,  par  le  nord,  les  plaines  d'Apulie.  L'Italie  byzantine  était 
alors  commandée  par  le  catépan  Tornikios  Kontoléon  -,  qui  était 
arrivé  au  mois  de  mai  de  cette  année.  Il  avait  succédé  à 
Basile  Mesardonités,  mort  en  1016  (n.  s.)  3.  Les  premières 
troupes  grecques  qu'il  envoya  contre  les  envahisseurs  étaient 
sous  le  commandement  de  Léon  Passianos  ;  elles  rencontrèrent 
Mélès  et  ses  partisans  à  Arenula,  sur  les  bords  du  Fortore,  Au 
dire  de  Guillaume  de  Fouille,  cette  première  bataille  fut  indé- 
cise ;  mais  comme  nous  voyons  que  Mélès  put  continuer  à  avan- 
cer, nous  pouvons  en  conclure  que  la  vérité  se  trouve  chez 
Léon  d'Ostie,  qui  enregistre  une  victoire  à  l'actif  de  Mélès^. 
Après  cette  première  défaite,  le  catépan  vint  lui-même  prendre 
le  commandement  des  troupes  byzantines.  La  deuxième  rencontre 
eut  lieu  près  de  Civita  '".  Léon  Fassianos  fut  tué,  et  l'armée 
grecque  de  nouveau  mise  en  déroute  (22  juin)  ''. 


1.  Lup.  Protospat.,  ad  an.  Toute  la  chronologie  de  Delarc,  op. cit.,  p.  53, 
pour  cette  partie,  contient  de  nombreuses  erreurs,  provenant  de  ce  qu'il  n'a 
pas  tenu  compte  de  ce  que  Lupus  commence  l'année  en  septembre. 

2.  Bresslau,  op.  cit.,  t.  III,  p.  325-327.  Delarc,  op.  cit.,  p.  51,  note  1, 
dit  à  tort  que  la  plupart  des  sources  ont  défiguré  le  nom  du  catépan  en 
l'appelant  Tornicius,  alors  que  son  véritable  nom  était  Audronic,  qui  est  la 
forme  fournie  par  l'anonyme  de  Bari.  Un  acte  qui  nous  est  conservé  enlève 
tout  doute  à  cet  égard.  Tornikios  est  la  véritable  forme.  Cf.  Trinchera, 
op.  cit.,  p.  19. 

3.  Lup.  Protospat.,  ad  an.  1017. 

4.  Aimé,  1,21,  p.  25  et  suiv.  G.  Ap.,  I,  52,  p.  242.  Léo  Ost.,  II,  37, 
653.  Lup.  Prostopat.,  ad  an.  1017.  Cf.  Bresslau,  op.  cit.,  t.  III,  p.  327,  qui 
a  étudié  avec  beaucoup  de  critique  toute  cette  campagne. 

5.  Ville  disparue.  Le  nom  est  resté  au  gué  de  Passo  de  Civita.  Cf. 
Lenormant,  A  travers  l'Apulie  et  la  Lucanie,  t.  I,  p.  8. 

6.  Aimé,  loc.  cit.  G.  Ap.,  I,  74  et  suiv.,  p.  243.  Léo  Ost.,  loc.  cit. 
Lupus  Protospatarius  et  l'Anonyme  de  Bari,  ad  an.  1017,  enre- 
gistrent une  défaite  de  Mélès.  Ces  deux  passages  ont  donné  lieu  à  de 
nombreuses  interprétations.  Cf.  Heinenann,  op.  cit.,  p.  344.  Je  ne 
saurais  admettre  avec  Bresslau,  op.  cit.,  t.  III,  p.  326,  l'identification  de  la 
bataille,    livrée   aux    Grecs,    avec  celle    mentionnée  par    les  Annales    de 


RÉVOLTE    DE    MÉLÈS  55 

Profitant  de  leur  succès,  les  troupes  de  Mélès  descendirent  plus 
au  sud  ;  une  troisième  rencontre  avec  les  troupes  byzantines  eut 
lieu  près  de  la  ville  actuelle  de  Troia,  à  Vaccaricia,  et  se  termina 
par  une  nouvelle  défaite  des  Grecs  K  La  conséquence  de  ces 
trois  victoires  successives  fut  de  donner  à  Mélès  toute  la  partie 
de  la  Fouille  qui  s'étend  du  Fortore  jusqu'à  Trani.  Villes  et 
châteaux  se  donnèrent  à  lui,  et  les  Byzantins  ne  gardèrent 
aucune  possession  dans  cette  région  ~. 

A  la  suite  de  ses  insuccès  multipliés,  le  catépan  Tornicios  fut 
rappelé  avant  le  mois  de  septembre  de  l'année  1017  ;  son  succes- 
seur, Basile  Bojoannès,  arriva  dans  le  courant  de  décembre  -K  A 
peine  débarqué,  Bojoannès  s'occupa  de  lever  une  armée  ^  ;  en 
même  temps,  il  eut  à  réprimer  une  série  de  révoltes  locales.  Un 
passage  de  la  chronique  de  Lupus  Protospatarius,  où  cet  auteur 
mentionne  la  révolte  de  Trani  dans  les  premiers  mois  de  l'année 
1018  ^,  permet  de  supposer  que  les  victoires  de  Mélès  durent 
amener  le  soulèvement  d'une  grande  partie  des  villes  de  Fouille 


Bari,k  rannée  1011.  L'opinion  de  B.  eslbasée  sur  ridentification  de  Mélès 
et  d'Ismaël  et  sur  celle  de  Passianos  tué  en  1011  avec  Léon  Passianos  tué  en 
1017.  Or,  ces  deux  identifications  me  paraissent  arbitraires.  Mélès  n'est 
jamais  appelé  Ismaël  dans  les  chroniques  de  l'Italie  du  sud,  et,  d'autre  part, 
il  a  très  bien  pu  y  avoir  deux  fonctionnaires  grecs  s'appelant  Passianos,  de 
même  que  nous  trouvons  plusieurs  Basile  parmi  les  catépans.  Je  ne  crois 
pas  non  plus  que  l'on  doive  admettre  que  la  deuxième  bataille  ait  été  une 
défaite.  H.,  loc.  cit.,  a  présenté  des  observations  intéressantes  sur  la 
façon  dont  il  faut  interpréter  les  passages  de  Lupus.  J'ajouterai  les  obser- 
vations suivantes  :  Si  Mélès  avait  subi  une  défaite  telle  qu'il  ait  été  obligé 
de  reculer  au  nord  de  Troia  (le  lieu  de  la  troisième  bataille  n'est  pas 
douteux,  il  est  mentionné  dans  un  acte,  Xrinchera,  op.  cit.,  19),  il  est 
certain  que  sa  cause  eût  été  ruinée,  puisque,  à  la  première  défaite 
sérieuse  qu'il  subit,  nous  le  voyons  obligé  d'abandonner  la  lutte.  Or, 
en  1018,  sa  situation  est  beaucoup  plus  forte  qu'en  juin  1017,  et  pourtant 
il  est  obligé  de  s'enfuir  après  un  seul  insuccès. 

1.  Aimé,  I,  22.  Léo  Ost.,  Il,  36.    Trinchera,  op.  cit.,  p.  19. 

2.  Léo  Ost.,  loc.  cit. 

3.  Lup.  Protospat.,  ad  an.  1017,  et  ad  an.  1018.  Sur  le  sens  de  la  phrasede 
Lupus,  Condoleo  descendit  in  ipso  anno,  cf.  Heinmann,  op.  cit..  pp.  344-345. 

4.  Aimé,  I,  22,  28.  Il  semble  que  Bojoannès  avait  avec  lui  des  merce- 
naires russes  et  danois.  Cf.  Wasiliewski.  La  droujina  vœringo  russe  et  vœrin- 
go  anglaise  dans  Journal  du  niinisfè/^e  de  Vlnstruction  publique  russe, 
i.  CLXXVI,    (1874),  p.  129. 

5.  Lup.  Protospat.,  ad  an.  1018.  Anon.Bar.,  ad  an. 


56  CHAPITRE    II 

encore  occupées  par  les  Byzantins,  et  que  le  catépan,  avant  de  se 
porter  au-devant  de  Mélès,  eut  à  réprimer  ces  insurrections 
locales.  A  Trani  la  lutte  fut  particulièrement  sanglante,  les  Grecs 
commandés  par  le  topotérètès  Ligorius,  furent  vainqueurs  ; 
Romuald,  le  chef  des  rebelles,  fut  envoyé  à  Constantinople. 
En  même  temps,  Bojoannès  tâchait  de  s'assurer  un  appui 
parmi  les  Lombards  ;  c'est  dans  ce  sens  qu'il  faut  interpréter  le 
privilège  accordé,  en  février  1018,  à  Tabbé  du  Mont-Cassin, 
Aténof,  frère  du  prince  de  Gapoue.  Il  est  curieux  de  voir  que 
cet  acte,  délivré  à  la  célèbre  abbaye,  a  été  donné  sur  l'ordre 
exprès  de  l'empereur  grec  *. 

Pendant  ce  temps,  Mélès  s'occupait  de  s'assurer  des  troupes  de 
renfort  pour  continuer  la  guerre.  A  la  suite  des  premiers  succès 
remportés  par  les  rebelles,  le  prince  de  Salerne  paraît  s'être  un 
peu  enhardi  et  avoir  envoyé  à  Mélès  des  secours.  Aimé  raconte  que 
les  Normands,  qui  étaient  entrés  au  service  du  prince  de  Salerne, 
vinrent  rejoindre  Mélès  en  Fouille  ^.  En  outre,  Raoul  Glaber  -^ 
mentionne,  après  les  premières  victoires  des  Normands  et  avant 
la  défaite  de  Cannes,  une  nouvelle  immigration  normande  com- 
prenant des  femmes  et  des  enfants.  Durant  cette  période  de  plus 
d'une  année,  il  y  eut  peut-être  quelques  combats  sans  grande 
importance  entre  Grecs  et  Normands.  G'est  du  moins  ce  cpie  ten- 
drait à  faire  croire  Aimé,  pour  qui  la  bataille  de  Cannes  est  la 
sixième  bataille  livrée  par  les  Normands  ^.  Mais  les  renseigne- 
ments fournis  par  Aimé  sur  toute  cette  partie  de  l'histoire  des 
Normands  sont  si  vagues,  que  l'on  ne  saurait  attacher  beaucoup 
d'importance  à  ses  dires. 

Au  mois  d'octobre  de  l'année  1018  5,  le  catépan  vint  offrir  le 


1.  Trinchera,  op.  cit.,  19. 

2.  Aimé,  I,  22.  Aimé  place  cet  événement  avant  la  bataille  de  Vaccaricia, 
mais  il  a  interverti  l'ordre  des  combats  ;  ce  qu'il  dit  du  sixième  s'applique 
évidemment  à  la   bataille   de   Cannes  et  doit  être  placé  après  la  bataille 

de  Vaccaricia. 

3.  R.  Glaber,  1.  III,  1,  p.  53. 

4.  Loc.  cit. 

5.  Lup.  Protospat.,  ad  an.  1019.  Si  l'on  place,  comme  Delarc,  op.  cit.,  p.  55, 
la  bataille  de  Cannes  en  octobre  1019,  il  est  impossible  d'expliquer  com- 
ment le  catépan  a  pu  fonder  Troia  en  juin  1019,  dans  une   région  occupée 


RÉVOLTE    DE    MÉLÈS  57 

combat  à  Mélès  dans  la  plaine  de  Cannes,  sur  la  rive  droite  de 
rOfanto.  La  bataille  se  termina  par  la  complète  défaite  de  Mélès 
dont  les  troupes  subirent  des  pertes  considérables  K  Cette  seule 
victoire  suffit  à  rétablir  l'influence  grecque  et  à  faire  perdre  aux 
rebelles  le  fruit  de  leurs  précédentes  conquêtes.  Bojoannès  rede- 
vint pour  l'empereur  grec  maître  de  tout  le  paj's. 

La  bataille  de  Cannes  ruina  toutes  les  espérances  que  ses  pré- 
cédents succès  avaient  permis  k  Mélès  de  concevoir.  Il  se  retira 
avec  les  Normands  qui  lui  restèrent  fidèles  sur  le  territoire  du 
prince  de  Bénévent.  Là  il  se  rendit  compte,  qu'après  sa  défaite, 
il  n'avait  plus  à  compter  sur  l'appui  des  princes  lombards,  dont 
aucun  ne  se  souciait  d'entrer  ouvertement  en  lutte  avec  les 
Byzantins.  Mélès  se  décida  donc  k  renvoyer  k  Guaimar  et  à 
Pandolf  les  contingents  que  ceux-ci  lui  avaient  fournis  -,  Lui- 
même  prit  le  parti  d'aller  trouver  l'empereur  Henri  II  pour  lui 
demander  d'intervenir  dans  l'Italie  méridionale  '^.  Mélès  fut 
accompagné  par  un  des  Normands,  par  Rodolphe^.  Peut-être, 
le  chef  lombard  passa-t-il  par  Rome  et  gagna-t-il  l'Allemagne 
seulement  en  1020,  après  s'être  entendu  avec  le  pape  Benoît 
VIII  '.  Il  y  a  certainement  k  ce  moment  une  corrélation  évidente 
entre  la  politique  du  pape  et  celle  de  Mélès,  mais  nous  ne 
pouvons   préciser  davantage,  en  l'absence  de  tout  document. 

Le  beau-frère  de  Mélès,  Datto,  retourna  dans  la  tour  des  bords 
du  Garigliano  que  le  pape  lui  avait  donnée.  Quant  aux  Normands, 


par  les  rebelles.  La  construction  de  Troia  est  au  contraire  la  conséquence 
de  la  victoire  des  Grecs.  Une  fois  Mélès  et  ses  partisans  chassés,  Bojoan- 
nès s'est  occupé  de  fortifier  la  frontière.  L'erreur  de  Delarc  vient  de  ce 
que  Lupus  Protospatarius,  commençant  l'année  en  septembre,  chez  lui  le 
mois  de  septembre  1019=:  septembre  1018. 

1.  G.  Ap.,I,v.  91-9.j,p.  243.  Aimé,  I,  22.  LeoOst.,  II 36,  653.  Lup.  Protos- 
pat.,  ad  an.  Ann.  Bar.,  ad  an.  1021.  Anon.  Bar.,  ad  an.  1019,  ind.  Il.Onne 
saurait  accepter  les  chiffres  des  morts  fourni  par  Aimé  ;  il  dit  qu'il  ne  survé- 
cut que  dix  Normands,  alors  que  tout  de  suite  après  la  bataille  nous  voyons 
que  les  survivants  sont  beaucoup  plus  nombreux. 

2.  Léo  Ost.,  II,  36,  653. 

3.  Léo  Ost.,  loc.  cit.  Lupus  Protospat.,  ad  an.  Anon.  Bar.,  ad  an.  1019. 
1019.    G.  Ap.,  I,  V.  95-104. 

4.  R.  Glaber,  111,  I,  p.  54. 

5.  Léo  Ost.,  II,  37,  653. 


58  CHAPITRE    II 

ils  se  divisèrent.  Les  uns  rentrèrent  au  service  de  Guaimar  de 
Salerne,  les  autres  à  celui  de  Pandolf  de  Bénévent  '.  Quelques- 
uns  furent  engagés  par  les  comtes  d'Ariano  ~,  et  le  reste  fut  pris 
par  Aténolf,  abbé  du  Mont-Gassin  3,  qui  s'en  servit  pour  préser- 
ver les  terres  de  Tabbaye  des  attaques  de  ses  voisins.  Ge  contin- 
gent prit  très  probablement  part  aux  expéditions,  que  nous 
voyons  diriger,  vers  cette  époque,  par  l'abbé.  Aténolf  contre  les 
comtes  de  Venafro  et  les  comtes  de  Teano  '*. 

Au  point  de  vue  byzantin,  la  victoire  de  Bojoannès  fut  égale- 
ment grosse  de  conséquences.  Tout  d'abord  le  prestige  des  Grecs, 
fortement  ébranlé  par  les  précédentes  victoires  de  Mélès,  se 
trouva  rétabli.  Les  princes  lombards  avaient  tous  à  se  faire  par- 
donner, sinon  leur  révolte,  au  moins  l'appui  qu'ils  avaient  prêté 
aux  rebelles.  Nous  sommes  mal  renseignés  sur  ce  que  firent  les 
princes  de  Bénévent  et  de  Salerne  '.  Il  n'en  est  pas  de  même  pour 
Gapoue.  Pandolf  III  se  tourna  complètement  versByzance,  et,  en 
signe  de  soumission,  il  envoya  à  l'empereur  les  clefs  de  sa  capitale. 
Il  est  probable  que  son  frère  Aténolf,  abbé  du  Mont-Gassin,  que 
nous  avons  vu  dès  le  début  de  cette  année  en  bons  rapports  avec 
Basile,  lui  inspira  sa  conduite.  A  partir  de  ce  moment,  la  poli- 
tique de  la  principauté  de  Gapoue  est  nettement  orientée  vers 
Byzance.  Le  catépan  accepta  la  soumission  de  Pandolf  III,  mais 
il  voulut  aussitôt  tirer  de  cette  alliance  des  avantages  plus 
immédiats.  En  échange  dune  forte  somme  d'argent,  il  obtint 
l'autorisation  de  traverser  les  états  de  Pandolf,  et  aidé  par  celui-ci, 


1.  Léo  Ost.,  II,  37,  6.")3.  G.  Ap.,I,  v.  lOo. 

2.  Trinchera,  op.  cit.,  p.  18.  Gay,  op.  cit.,  pp.  413-416,  combat  Fidentifi- 
cation  des  ^pâvYo-.  de  la  charte  de  Bojoannès  avec  les  Normands  ;  pourtant 
un  passage  du  diplôme  de  1024  parait  confirmer  cette  identification  «  Popu- 
lus  iste,  cui  vos  datis  hos  fines,  fortis  et  duras  est,  etc.  »  Trinchera,  op.  cit., 
p.  21.  A  supposer  même  que  ce  second  diplôme  ne  soit  pas  authentique, 
ce  qui  me  parait  douteux,  il  faudrait  encore  admettre  qu'on  a  ici  l'écho  dune 
tradition.  Dans  tous  les  cas,  ce  second  diplôme,  s'il  a  été  fabriqué,  a  dû  l'être 
avant  la  chute  de  la  domination  byzantine  dans  l'Italie  méridionale,  par 
conséquent,  à  une  époque  trop  peu  éloignée  de  la  fondation  de  Troia,  pour 
que  l'on  ait  pu  faire  erreur  sur  la  nationalité  des  premiers  habitants. 

3.  Léo  Ost.,  II,  38. 

4.  Ibid. 

5.  Cf.  pour  Salerne,  Murait,  op.  cit.,  p.    594. 


RÉVOLTE    DE    MÉLÈS  S9 

et  probablement  par  l'abbé  du  Mont-Cassin,  il  alla  assiéger  la  tour 
où  était  enfermé  Datto.  Ce  dernier  fut  pris  et  ramené  à  Bari;  on 
le  promena  sur  un  âne  à  travers  les  rues  de  la  ville,  et  on  le  jeta 
à  la  mer,  après  l'avoir  cousu  dans  un  sac  (15  juin  1021)  ^ 

D'autres  mesures  de  rig-ueur  furent  prises  par  Bojoannès.  Nous 
avons,  du  mois  de  juin  de  l'année  1021,  un  acte  par  lequel  il 
donne  à  l'abbaye  du  Mont-Gassin,  sans  doute  pour  récompenser 
Aténolf  de  son  rôle  dans  la  prise  de  Datto,  les  biens  d'un  rebelle 
de  Trani  ~.  Il  est  certain  que  cette  confiscation  ne  fut  pas  un  fait 
isolé  et  que  beaucoup  de  rebelles  furent  victimes  de  condam- 
nations analogues. 

Bojoannès  prit  en  même  temps  toute  une  série  de  mesures  des- 
tinées à  assurer  la  sécurité  de  la  frontière  grecque.  Nous  savons, 
par  Léon  d'Ostie,  que  le  catépan  établit,  au  nord  de  la  Fouille, 
toute  une  ligne  de  places  fortes.  Dragonara,  Firenzola,  aussi 
appelé  Fiorentino,  et  Civitate  défendirent  l'entrée  du  terri- 
toire byzantin  ^.  Du  côté  de  l'ouest,  Bojoannès  fit  construire  la 
ville  de  Troia  pour  commander  les  défilés  par  où  passe  la  route 
actuelle  de  Bénévent  à  Foggia.  En  l'année  1019,  nous  voyons  le 
catépan  accorder  à  la  nouvelle  ville  des  privilèges  ''.  Placée  dans 
une  situation  exceptionnellement  forte,  au  sommet  d'une  colline 
d'où  elle  dominait  toute  la  plaine,  la  nouvelle  place  reçut  comme 
habitants  les  Normands,  que  nous  avons  vus  plus  haut  entrer  au 
service  des  comtes  d'Ariano.  Bojoannès  ne  crut  pouvoir  trouver, 
pour  défendre  les  possessions  grecques,  de  meilleurs  soldats  que 
ceux  dont  l'empire  avait  appris  à  ses  dépens  à  connaître  la  valeur. 
A  la  suite  de  ces  diverses  mesures,  on  put  exercer,  à  la  frontière 
byzantine,  une  surveillance  efficace.  Nous  savons,  en  efPet,  qu'à 
ce  moment,  l'accès  de  l'Apulie  fut  interdit  à  tous  les  étrangers, 

1.  Loo  Ost.,  II,  38.  Lup.  Protospat.,  ad  an.  1021.  Aimé,  I,  25.  Anon. 
Bar.,  ad  an.  1021.  Je  ne  suis  pas  de  l'avis  de  Hirsch,  Amatus  von  Monte 
Cassino  und  seine  Geschichle  der  Norniannen,  dans  Forschungen  zufdeiit- 
schen  Geschichte,  t.  VIII,  pp.  2i7-248,  sur  le  rôle  joué  par  Pandolf.  Cf. 
Delarc,  op.  cit.,  p.  59,  note  i. 

2.  Trinchera,  op.  cit.,  p.  20. 

3.  Léo  Ost.,  II,  51,  661.  Cf.  Rom.  Salern.,  M.G.H.SS.,  t.  XIX,  p.  402, 
ad  an. 1013. 

4.  Trinchera,  op.  cit.,  p.  19. 


60  CHAPITRE    II 

même  aux  pèlerins  qui  voulaient  g-agner  les  ports  de  l'Adria- 
tique'. 

Grâce  au  catépan  Bojoannès,  la  situation  des  possessions 
byzantines  fut  singulièrement  améliorée.  L'empire  grec  eut  la 
chance  de  trouver,  en  Basile,  l'homme  qui  convenait  à  la  situation. 
Aussi,  au  lieu  de  lui  donner  un  commandement  très  court  comme 
cela  avait  lieu  d'ordinaire  pour  les  catépans  d'Italie,  qui  en  g-éné- 
ral  ne  paraissent  pas  être  restés  en  fonctions  plus  d'une  année -, 
Basile  II  renouvela-t-il  pendant  près  de  dix  ans  le  comman- 
dement de  Bojoannès,  dont  l'administration  resta  célèbre  à 
Byzance  ^. 

A  peine  l'administration  bienfaisante  de  Basile  Bojoannès  com- 
mençait-elle à  ramener  la  tranquillité  dans  l'Italie  byzantine,  que 
l'intervention  de  l'empereur  allemand  faillit  compromettre  tous 
les  résultats  obtenus.  Les  victoires  des  Grecs  avaient  été  un 
grave  échec  pour  la  politique  du  pape  Benoît  VIII.  Celui-ci  ne 
devait  pas  voir  sans  inquiétude  les  prog'rès  constants  des  Byzan- 
tins. Débarrassé  de  la  guerre  contre  les  Bulgares,  l'empire  grec 
semblait  vouloir  intervenir  plus  activement  que  jamais  dans  les 
affaires  de  l'Italie.  Naples,  Capoue,  Salerne,  reconnaissaient  l'au- 
torité du  basileus,  et  les  places,  possédées  au  nord  de  la  Fouille, 
assuraient  aux  troupes  grecques  l'accès  des  Abbruzes.  Dès  la 
bataille  de  Cannes,  le  pape  pouvait  prévoir  que  bientôt  ses 
propres  Etats  seraient  en  butte  aux  attaques  des  Byzantins. 
Or,  le  pouvoir  pontifical  ne  pouvait  prétendre  à  combattre 
avec  succès  l'empire  grec  par  ses  propres  forces.  Sans  doute  la 
famille  des  comtes  de  Tusculum,  à  laquelle  appartenait 
Benoît  VIII,  était  assez  puissante  pour  maintenir  la  paix  à  Rome, 
mais  elle  ne  pouvait  songera  faire  davantage.  Le  pape  ne  voyait 
aucune  puissance  à  opposer  aux  Byzantins,  et  ceux-là  mêmes  sur 
lesquels  il  semblait  qu'il  put  compter,  comme  l'abbé  du  Mont- 
Cassin,  embrassaient  le  parti  de  l'empire  grec.  Benoît  VIII  fut 
alors  amené  à  demander  à  l'empereur  Henri  II  l'appui  qu'il  ne 
trouvait  pas  en  Italie. 


4.  Adhémar,  Hist.,  III,  5b. 

2.  Cf.  Lupus  Protospat.,  pp.  56-57. 

3.  Skylitzès,  dans  Cédrénus,  II,  p.  546. 


RÉVOLTE    DE    MÉLÈS  6l 

Le  pape  Benoît  VIII  avait  toujours  été  favorable  à  l'empereur 
allemand.  Son  élection  avait  été  contestée,  et  les  partisans  des 
Grescentius  lui  avaient  opposé  Grég-oire.  Au  fond,  c'était  toujours 
la  lutte  entre  le  parti  des  Grescentius,  représentant  la  tradition  de 
l'indépendance,  et  le  parti  des  comtes  de  Tusculum,  «  affectant 
un  dévouement  spécial  aux  intérêts  germaniques  ».  Les  deux 
compétiteurs  à  la  tiare  s'adressèrent  à  l'empereur  Henri  II,  qui 
reconnut  Benoît  VIII  comme  le  pape  légitime.  Le  14  février  1014, 
Benoît  VIII  avait  couronné  l'empereur  dans  la  basilique  de 
Saint  Pierre  de  Rome.  Depuis  lors,  les  relations  entre  le 
pape  et  l'empereur  étaient  toujours  restées  cordiales.  Occupé 
par  la  guerre  contre  Boleslav,  roi  de  Pologne,  et  par  la 
révolte  de  la  Bourgogne,  Henri  II  n'était  guère  intervenu 
jusque-là  dans  les  affaires  d'Italie.  Au  moment  où  le  pape 
allait  lui  demander  son  appui,  la  situation  de  l'Allemagne  lui 
laissait  toute  liberté.  La  paix  avec  la  Pologne  avait  été  con- 
clue en  1018  et  l'empereur,  de  ce  côté,  n'avait  plus  d'inquiétude. 

Benoît  VIII  jDartit  dans  les  premier  mois  de  l'année  1020  ;  en 
avril,  il  arriva  à  Bamberg  où  était  l'empereur  '.  Nous  ne  savons 
si  Mélès  et  Rodolphe  avaient  fait  le  voyage  antérieurement 
au  pape,  ou  s'ils  gagnèrent  l'Allemagne  avec  lui.  Benoît  VIII 
sut  montrer  à  l'empereur  la  nécessité  d'une  intervention  directe 
dans  les  affaires  italiennes  ;  en  même  temps,  Mélès  indiquait  les 
ressources  locales  sur  lesquelles  l'empereur  pouvait  compter  s'il 
entreprenait  une  expédition  contre  les  Byzantins. 

Il  faut  noter,  à  ce  propos,  que  la  demande  de  secours  adressée 
à  Henri  H  s'explique  très  bien  par  la  situation  très  indépendante 
que  paraissent  avoir  eue  les  populations  lombardes  soumises  à 
l'empereur  allemand.  Nous  savons  que  le  droit  lombard  était, 
sinon  autorisé,  du  moins  toléré.  «  Dans  un  procès  soutenu 
devant  Othon  III  par  l'abbé  de  Farfa,  celui-ci  invoqua  la  loi 
lombarde,  et  il  fut  fait  droit  à  sa  réclamation  -.  »  Le  droit 
personnel  lombard  ne  fut  abrogé  que  par  Gonrad  II  ■^^   et  encore 


1.  Cf.  Bresslau,  op.  cit.,  t.  III,  p,  159. 

2.  Mgr  Duchesne,  Les  premiers  temps  de  V Etat  pontifical,  p.  374. 

3.  M.G.H.LL.,  t.  II,  p.  40. 


62  CHAPITRE    II 

seulement  dans  le  territoire  romain.  De  plus,  Téloig-nement  de 
Tempereur  assurait  aux  populations  lombardes  du  duché  de 
Spolète  une  indépendance  à  peu  près  complète. 

Le  pape  convainquit  Henri  II  de  l'utilité  qu'il  y  avait,  pour 
l'Eglise  et  pour  l'empire,  à  ce  qu'il  descendît  en  Italie  *.  Mélès  ne 
devait  pas  voir  cette  intervention  qu'il  avait  tant  désirée  ;  il 
mourut  à  Bamberg  -,  peu  de  jours  après  l'arrivée  du  pape,  le 
23  avril.  Pendant  que  l'empereur  réunissait  l'armée  qu'il  deA-ait 
conduire  en  Italie,  Benoît  VIII  obtint  la  confirmation  des  privilèges 
de  Louis  le  Pieux  et  d'Othon  L'"  en  faveur  de  l'église   romaine  ^. 

Les  préparatifs  de  l'expédition  durèrent  jusque  vers  la  fin  de 
1021  ^.  Au  début  de  1022,  nous  trouvons  l'empereur  à  Ravennes  5, 
qu'il  quitta  pour  marcher  contre  les  Grecs  et  leurs  alliés  lom- 
bards. Le  plan  de  campagne  comportait  une  triple  expédi- 
tion. L'archevêque  de  Cologne,  Pilgrim,  devait  traverser  le  ter- 
ritoire pontifical  et,  par  Rome,  gagner  le  Mont-Gassin  et  Gapoue, 
pour  soumettre  Aténolf  et  Pandolf.  Un  deuxième  corps  de 
troujîes,  sous  les  ordres  de  Poppo,  archevêque  d'Aquilée,  devait 
opérer  contre  les  comtes  des  Marses  et  les  comtes  de  Sangro  ". 
L'empereur  lui-même  devait  suivre  la  côte  de  l'Adriatique  '. 

Nous  savons  que  les  comtes  des  Marses  et  de  Sangro  se  sou- 
mirent à  Henri  sans  résistance  ''.  Quant  à  Pilgrim,  il  fut  moins 
heureux  ;  à  l'annonce  de  son  arrivée,  Aténolf  s'enfuit  du  Mont- 
Gassin  et  réussit  à  gagner  Otrante,  où  il  s'embarqua  pour  Gonstan- 


1.  Dans  une  bulle  de  1024,  le  pape  dit  :  «  Tempore,  quo,  pro  utilitate 
sancte  romane  ecclesie  ac  romani  imperii,  spirilualem  filiuni  nostrum  et 
(lignissimum  advocatum  sancte  seclis  apostolice,  Henricum  imperalorem, 
Bavenbergi  adivimiis.  »  Heinemann,  Codex  dipl.  Anhaltin.,  I,  83. 

2.  Aimé,  I,  23,  32.  G.  Ap.,  I,  v.  103.  Notae  sepul.  Bahen.,  M.G.II.SS., 
XVII,  640.  Necrol.  S.  Pétri  Babenberg.  Jaffé,  Bibliotheca  reruni  germa- 
nicarum,  t.  V,  p.  558.  En  1054,  l'empereur  Henri  III  défend  de  toucher  au 
tombeau  de  Mélès.  JafTé,  op.  cit.,  t.  V,  p.  37. 

3.  Cf.  Ficker,  Forschungen  zur  ital.  Reichs-  und  Rechtsgeschichte,  II, 
p.  332,  et  Bresslau,  op.  cit.,  t.  III,  p.  168. 

4.  Cf.  Bresslau,  op.  cit.,  t.  III,  p.  195. 

5.  Ibid.,  p.  198. 

6.  Léo  Ost.,  II,  39,  654. 

7.  En     février,    l'empereur    est    à  Chieti.  Stumpf,  op.  cit.,  t.  III,  n°  271. 

8.  Léo  Ost.,  loc.  cit. 


HENRI    II    EN    ITALIE  63 

tinople,  mais  il  se  noya  durant  la  traversée  '.  Pilgrim  étant  venu 
assiéger  Capoue,  PandolflII,  craignant  d'être  livré  par  les  siens, 
se  rendit  à  l'archevêque  de  Cologne  {avant  mars)  ~.  De  Capoue, 
Pilgrim  alla  assiéger  Salerne.  11  ne  put  prendre  la  place  et  dut 
se  contenter,  après  un  siège  de  quarante  jours,  de  recevoir  en 
otage  le  fils  de  Guaimar  'K  Naples  suivit  l'exemple  de  Capoue 
et    de   Salerne,  et  reconnut  Henri  II  '*. 

Pendant  ce  temps,  l'empereur  accompagné  du  pape  avait 
gagné  Bénévent,  où  il  était  le  3  mars  ''.  Il  j  resta  jusqu'aux  pre- 
miers jours  d'avril  '^.  De  là,  dans  le  courant  d'avril,  il  alla  mettre 
le  siège  devant  Troia,  où  Pilgrim  vint  le  rejoindre.  Le  siège  de 
Troia  dura  près  de  trois  mois^.  L'empereur  se  heurta  à  une  résis- 
tance telle,  qu'il  ne  put  venir  à  bout  des  défenseurs  de  la  ville. 
Le  gens  de  Troia,  comptant  sur  les  secours  que  le  catépan  devait 
amener,  tinrent  bon  jusqu'à  l'été.  Un  certain  nombre  de   chro- 


1.  Léo  Ost.,  loc.  cit.  Il  se  noya  le  30  mars.  Necrol.  Cas.,  dans  Gattola, 
Ace,  t.  II,  p.  853. 

2.  Léo  Ost.,  II,  40,  654.  En  mars,  on  rend  à  Capoue  la  justice  au  nom 
de  l'empereur.  Rec/.  neapol.  archiv.  monunienta,  t.  IV,  p.  161. 

3.  Aimé,  I,  24.  Cf.  Bresslau,  op.  cit.,  t.  III,  p.  200. 

4.  Ann.  SangalL,  ad  an.  1022.  M.G.II.SS.  t.  I,  82.  Reg.  neapol.  arch. 
mon.,  t.  IV,  p.  270. 

5.  Ann.  Benev.,  ad  an  1022.  Avant  de  venir  à  Bénévent,  Henri  II  s'était 
avancé  jusqu'à  Teano,  Stumpf,  op.  cit.,  t.  II,  n°  1780  et  n"  1781. 

6.  Stumpf,  op.  cit.,  t.  II,  n"  1783. 

7.  Léo  Ost.,  loc.  ct7.  Je  ne  puis  accepter  la  chronologie  de  Bresslau,  o/j.  ct7., 
t.  III,  p.  200,  note  5.  On  a  de  Henri  II  un  acte  en  faveur  de  l'archevêque  de 
Salerne,  donné,  devant  Troia,  le  30  juin.  Cet  acte,  conservé  aux  archives 
de  la  mense  archiépiscopale  de  Salerne,  Arca  I,  n°  9,  a  été  édité  par  Mura- 
tori,  Antiq.  It.,  I,  193,  avec  la  date  fausse  du  31  mai,  pridie  kal.  Junii,  et  cor- 
rectement par  Paesano,  Meinorie  per  servire  alla  storia  délia  chiesa  Salerni- 
<ana,  t.  I,p.96.Cf.  Stumpf,  o/j.cjï.,  t.II  ,n°178o.  Le  renseignement  fourni  par 
Léon  d'Ostie,  II,  42,  sur  la  présence  dHenri  II  au  Mont-Cassin,  le  29  juin,  est 
donc  inexact.  D'ailleurs,  la  inention  de  la  présence  d'Henri  II  au  Mont-Cassin  ne 
se  trouve  que  dans  une  rédaction  postérieure  de  l'ouvrage  de  Léon.  Les 
Annales  SangalL,  ad  an.  1022,  portent  que  Troia  fut  assiégée  trois  mois. 
hes  Annales  Heremi,  M.G.II.SS.,  t.  III,  ad  an.  1022,  font  durer  le  siège  treize 
semaines.  Romuald  de  Salerne,  M.G.H.SS,  t.  XIX,  p.  398,  quatre  mois. 
Henri  commença  le  siège  en  avril,  et  ne  quitta  pas  Troia  avant  le  30  juin. 
On  ne  saurait  donc  admettre  qu'il  ait  levé  le  siège  à  la  fin  de  juin,  comme 
le  croit  Ileinemann,  op.  cit.,  p.  4o.  Henri  dut  partir  les  premiers  jours  de 
juillet,  car,  le  14,  il  est  à  Poggibonsi.  Stumpf,  op.  cit.,  t.  III,  n°273. 


64 


CHAPITRE    H 


niques  occidentales  rapportent  que  la  ville  aurait  été  réduite  k  la 
dernière  extrémité,  et  que  les  habitants  seraient  venus  en  sup- 
pliants demander  miséricorde  à  l'empereur.  Raoul  Glaber  ^  a 
même  laissé  un  récit  fort  émouvant  de  cette  scène.  Les  g-ens 
de  Troia,  ne  pouvant  plus  supporter  les  horreurs  du  siège, 
auraient  formé  un  long  cortège  ;  en  tête,  un  pauvre  ermite  portait 
la  croix,  puis  venaient  les  enfants  et  toute  la  population  de  la 
ville.  Deux  jours  de  suite,  cette  triste  procession  se  serait  rendue 
au  camp  impérial  en  chantant  le  Kyrie  eleison .  L'empereur  aurait  fini 
par  se  laisser  toucher  et,  se  contentant  d'otages,  serait  parti  sans 
entrer  dans  la  ville.  Le  récit  de  Raoul  Glaber  présente  un  certain 
nombre  d'impossibilités  et,  en  outre,  est  en  contradiction  avec 
ce  que  nous  savons  par  des  sources  beaucoup  plus  sérieuses. 
Comment  admettre  que  Henri  II  se  soit  contenté  d'otages  et  n'ait 
pas  occupé  une  ville  réduite  à  la  dernière  extrémité,  alors  que  la 
possession  de  cette  ville  était  précisément  le  but  de  la  campagne 
qu'il  venait  d'entreprendre?  Nous  savons,  par  ailleurs,  que  le 
catépan  Bojoannès  récompensa,  par  la  concession  de  nouveaux 
privilèges,  les  habitants  de  Troia  de  la  fidélité  dont  ils  firent 
preuve  alors  envers  l'emjjereur  grec,  et  dans  la  traduction  du 
diplôme  qui  nous  est  parvenue,  je  relève  la  phrase  suivante  ~  : 
((  Quando  rex  francorum  cum  toto  exercitu  suo  venit  et  obsedit 
civitatem  illorum,  et  ipsi  fidelissimi  ita  obstiterunt  regi^  quod  rex 
nihil  eis  nocere  valuif,  bene  civitatem  eorum  defendentcs  sicut 
servi  sanctissi/ni  doniini  imperatoris,  et  licet  omnes  res  suas  de 
foris  jjerdiderinf,  propter  hoc,  servitium  domini  imperatoris  non 
dimiserunt  nec  ab  ejiis  fidelitate  discesserunt.  »  Comment,  d'ail- 
leurs, si  Troia  avait  été  prise,  les  sources  de  l'Italie  méridio- 
nale n'auraient-elles  pas  fait  mention  de  cet  événement,  qui  cer- 
tainement aurait  eu  un  grand  retentissement?  Lupus  Protospa- 
tharius  ^et  les  Annales  Casinenses  se  bornent  à  mentionner  le 
siège ^.  L'Anonyme  de  Bari  et  les  Annales  Barenses  n'en  parlent 
pas.  La  prise  de  Troia  n'est  rapportée  que  dans  Raoul  Glaber  ou 

1.  R.  Glaber  III,  4,  pp.  54-j5. 

2.  Trinchera,  op.  cit.,  p.  21.  Cf.  supra,  p.  o8,  note  2. 

3.  Lupus  Protospat.,  ad  an.  1022.  Cf.  Ann.  Benev.,  ad  an.  1022. 

4.  M.G.H.SS.,  t.  XIX,  p.  306,  ad  an. 


UEMU     11     HN     ITAI.IL: 


60 


dans  les  chroniques  nettement  favorables  à  Henri  II,  comme 
Hermann  de  Reichenau  ',  les  Annales  Sangallenses^  ou  encore 
Léon  d'Ostie-.  Il  me  semble  que  la  chronique  d'Aimé  donne 
à  l'acte  du  catépan  Bojoannès  une  éclatante  confirmation, 
quand,  à  propos  de  la  prise  de  Troia  par  Guiscard,  elle  rapporte 
que  Robert  «  asseia  Troie  et  la  vainchut  par  force  de  armes, 
et,  pour  ceste  choze,  se  moustra  que  fu  plus  fort  que  lo  impe- 
reour  non  estoit  et  plus  puissant  ;  quar  lo  impereor  Henri 
non  pot  onques  ceste  cité  de  Troie  veinchre  pour  pooir  qu'il 
eust,  et  cestui  duc  Robert  la  subjug-a  à  sa  seignorie  '^  » 
II  me  paraît  certain  qu'Henri  II  n'a  pas  pu  s'emparer  de  Troia,  et 
la  véritable  raison  de  sa  conduite  a  été  donnée  par  Léon  d'Ostie, 
lorsqu'il  dit  que  l'empereur  fut  obligé  de  lever  le  siège  à  cause 
de  la  chaleur.  Henri  partit  sans  avoir  rien  obtenu. 

Pendant  le  siège  de  Troia,  l'empereur  prit  une  mesure  impor- 
tante. En  premier  lieu,  Pandolf  III  de  Gapoue  fut  condamné  à 
mort;  grâce  à  l'intervention  de  Pilgrim,  il  fut  épargné.  Henri  II 
se  contenta  de  le  garder  prisonnier  et  donna  la  principauté  de 
Gapoue  à  Pandolf,  comte  de  Teano,  petit-fils  de  Pandolf  Tête 
de  fer  '*.  Nous  ne  savons  pas  ce  que  devint  le  fils  de  Pan- 
dolf III,  également  nommé  Pandolf,  qui  avait  été  associé  à  la 
couronne.  Peut-être  fut-il  emmené  en  captivité  avec  son  père; 
lorsque  celui-ci  remontera  sur  le  trône,  son  fils  y  remontera 
avec  lui.  Au  Mont-Gassin,  Henri  II  fît  nommer  comme  abbé,  à  la 
place  d'Aténolf,  Théobald.  Ainsi  fut  ruinée  l'influence  des 
princes  de  Gapoue,  ennemis  de  l'empereur  allemand-^. 

On  a  apprécié  diversement  les  résultats  de  l'expédition  de 
Henri  II  en  Italie.  Il  me  paraît  pourtant  hors  de  doute,  que 
l'intervention  de  l'empereur  a  donné  des  résultats  considérables 
et  favorables    à   l'influence  allemande.    La  maison   de    Gapoue, 


1.  M.G.H.SS.,  t.  V,  p.  120,  ad  an.  1022. 

2.  Léo  Ost.,  II,  41,  p.  655. 

3.  Aimé,  IV,  .3. 

4.  Léo  Ost.,  II,  40,  p.  654.  Aimé,    I,   24;  Gattola,  .Icce.?.,  t.  I,  p.  122.  Cf. 
Heinemann,  op.  cz7.,  p.  347. 

5.  Bresslau,  oy).  cf7.,  t.  III,  p.  206  et  suiv.   Delarc,    op.  cit.,  p.  61    et  suiv. 
Heinemann,  op.  cit.,  p.  48.   De  Blasiis,  0/3.  cit.,  t.  I,  p.  101  et  suiv. 

Histoire  de  ta,  domination  normande.  —  Chalandox.  5 


66  CIlAl'lTlîK    11 

alliée  aux  Byzantins,  fut  renversée,  et  à  Capoue  comme  au 
Mont-Cassin,  Henri  II  mit  ses  partisans.  Salerne  fut  obligée 
de  donner  des  otag-es,  et  très  probablement  Naples  dut  faire 
de  même.  En  outre,  l'empereur  s'était  efforcé  de  rétablir  un  peu 
d'ordre  parmi  les  seigneurs  turbulents  de  l'Italie  du  Sud  et  il 
semble  qu'il  y  ait,  en  partie,  réussi.  Nous  savons  que  de  nom- 
breux plaids  furent  tenus,  dans  lesquels  Henri  II  ou  ses  niissi 
obligèrent  les  seigneurs  de  l'Italie  à  rendre  gorge  et  à  restituer 
aux  légitimes  propriétaires  les  biens  qu'ils  avaient  usurpés  '.  En 
somme,  Henri  II  réalisa,  autant  qu'il  était  en  son  pouvoir,  la  con- 
ception idéale  de  l'empereur,  faisant  partout  respecter  la  justice. 
Pourtant  l'œuvre  qu'il  avait  accomplie  ne  dura  pas,  elle  tomba, 
comme  était  tombée  celle  d'Othon.  L'Italie  du  Sud  était  trop  éloi- 
gnée pour  que  l'action  impériale  pût  s'y  exercer  avec  continuité. 
Tout  cédait  devant  les  armées  allemandes,  mais  l'empereur  une 
fois  parti,  et  le  climat  du  Midi,  pendant  l'été,  hâtait  toujours  son 
départ,  l'autorité  impériale  n'était  plus  qu'un  mot.  Les  mesures 
prises  par  Henri  semblaient  cependant  devoir  assurer  à  son  œuvre 
une  certaine  durée.  L'établissement  à  Capoue  du  comte  Pandolf 
de  Teano  était  un  retour  à  la  politique  d'Othon,  politique  qui  en 
son  temps  avait  donné  d'excellents  résultats,  au  point  de  A^ue 
allemand.  Si  la  politique  d'Henri  II  ne  sortit  pas  tout  son  effet,  la 
cause  doit  en  être  recherchée  non  pas  dans  ce  qu  il  fit,  mais  dans 
la  politique  de  son  successeur. 

Avant  de  repartir  pour  l'Allemagne,  Henri  II  prit  une  nou- 
velle mesure  ;  il  concéda  aux  neveux  de  Mélès  des  terres  dans  le 
cpmté  de  Gomino,  c'est-à-dire  dans  la  haute  vallée  duGarigliano, 
à  Gallinare,  près  de  Sora  -.  Les  neveux  de  Mélès  avaient  avec  eux  un 
certain  nombre  de  Normands,  parmi  lesquels  Toustain  le  Bègue, 
Gilbert,  Osmond,  Asclettin,  Gautier  de  Canisy  et  Hugues  Falluca^. 


i.  Chr.  Fu/<u/-ne/ise,dansMiiralori,  R.I.SS.  1,2, p. 499,  etMuratori, //>if/., 
XXII,  p.  500. 

2.  Aimé,  I,  29.  Léo  Ost.,  II,  41. 

3.  Aimé,  I,  30.  LeoOsl.,  II,  41.  R.  Glabor.,  III.  1,  p.  o4.  Giiil.  de  Jiimièges, 
VII,  30.  Sur  la  coiTuption  des  noms  des  Normands,  dans  Léon  d'Ostie,  cf. 
Bresslau,  op.  cil.,  t.  III,  pp.  32i-325.  J'ai  corrio^é,  d'après  ces  remarques, 
les  noms  fournis  par  Aimé. 


LES    NORMANDS    A    CUMINO  67 

Nous  savons, par  un  acte  du  mois  de  novembre  de  l'année  1023, 
que  Comino  relevait  alors  de  la  principauté  de  Capoue  • .  Gomme 
quelques  années  avant,  ce  même  territoire  relevait  du  duché  de 
SjDolète-,  nous  pouvons  en  conclure  que  l'empereur  agrandit  le 
territoire  de  la  principauté  de  Capoue,  et  qu'en  même  temps  il 
laissa  à  Pandolf  les  Normands,  afin  de  lui  permettre  de  se 
défendre  contre  ses  voisins.  Aimé  nous  rapporte  que  d'autres 
Normands  furent  établis  par  l'empereur  pour  combattre  les  Sar- 
rasins. Les  paroles  du  chroniqueur  ne  nous  en  apprennent  pas 
davantage  à  leur  sujet. 

En  somme,  après  la  défaite  de  Mélès,  les  Normands  ont  pu 
trouver  à  s'établir  en  Italie,  les  uns  au  service  de  l'empereur 
grec,  les  autres  au  service  du  prince  de  Salerne  et  du  prince  de 
Capoue.  L'histoire  de  ce  dernier  groupe  nous  est  rapportée  par 
Aimé  avec  quelques  détails,  mais  comme  leur  établissement  de 
Comino  ne  se  développa  pas,  leurs  faits  et  gestes  sont  sans  inté- 
rêt ■'.  Il  suffît  de  dire  ici  qu'appuyés  par  Régnier,  marquis  de 
Toscane,  ils  passèrent  leur  temps  à  guerroyer  contre  leurs  voisins, 
notamment  contre  Régnier,  seigneur  de  Sora.  Un  certain  nombre 
de  Normands  paraissent  toutefois  être  retournés  alors  en  Nor- 
mandie avec  Rodolphe  ^. 

Nous  ne  savons  rien  sur  les  événements  de  l'Italie  méridionale 
depuis  le  départ  d'Henri  II  ,  en  1022,  jusqu'à  sa  mort 
(juillet  1024). L'empereur  avait  été  précédé  de  peu  dans  la  tombe 
par  le  pape  Benoît  VIII.  Cette  période  fut  pourtant  marquée  par 
une  transformation  dans  la  politique  de  Byzance  vis-à-vis  de  ses 
sujets  lombards,  transformation  sur  laquelle  il  convient  d'in- 
sister, bien  c^u'elle  n'ait  été  accomplie  entièrement  qu'en  1023. 
On  a  vu  plus  haut  qu'elle  était  l'animosité  des  Lombards 
d'Apulie  contre  les  Byzantins,  animosité  qui  avait  amené  la 
rébellion  de  Mélès.  On  sait  les  mesures  de  rigueur  par 
lesquelles  Bojoannès  réprima  linsurrection.  Le  catépan  s'aper- 


■1.  Gattola,  Accès.,  t.  I,  p.  129,  et  Hisl.  Cas.,  l.  I,  p.  329. 

2.  Gattola,  Accès.,  t.  I,  p.  102.  Cf.  Léo  Ost.,  II,  26,  641. 

3.  Aimé,  I,  31,  39. 

4.  R.  Glaber,  III,  4,  ba. 


68 


CllAPllKE    11 


çut-il  qu'il  ne  gagnait  rien  par  la  violence  et  voulut-il  essayer 
des  mesures  de  clémence?  Les  grands  projets  que.  Basile  II 
avait  alors  sur  la  Sicile  poussèrent-ils  son  lieutenant  à  assurer 
par  des  concessions  la  tranquillité  de  l'Apulie?  Nous  l'ignorons, 
mais  il  semble  qu'à  partir  de  l'année  1024,  Basile  ait  cherché  à 
rendre  moins  lourd  le  joug  bAzantin.  Au  mois  de  janvier  de 
l'année  1024,  il  récompensa  Troia  de  sa  résistance  aux 
Allemands  en  accordant  à  la  ville  de  nombreux  privilèges  et 
des  exemptions  d'impôts  K  L'année  suivante,  une  mesure  d'un 
intérêt  plus  général  fut  prise,  sur  laquelle  il  convient  d'insister. 
Au  mois  de  juin  1025,  l'archevêque  de  Bari  fut  rattaché  officiel- 
lement à  Rome. 

L'ancien  siège  de  Ganosa  avait  été  transféré  à  Bari  à  une  date 
indéterminée,  mais  sans  doute  postérieure  à  876,  date  à  laquelle 
Bari  était  retombée  au  pouvoir  des  Byzantins.  En  951  ou  959, 
l'évêque  Jean  prend  le  titre  d'archevêque  de  Bari  ".  En  983, 
nous  voyons  que  Pavo,  son  successeur  s'intitule  archevêque  de 
Canosa  et  Brindisi.  ^  Il  est  très  probable  que  Pavo  fut  arche- 
vêque au  sens  grec  du  mot,  c'est-à-dire  chef  d'une  église 
autocéphale,  exempte  du  métropolitain.  En  1025,  Bojoannès 
est  absolument  maître  du  pays  qu'il  réorganise.  Les  derniers 
événements  lui  avaient  montré  l'hostilité  de  la  population 
lombarde  ;  il  comprit  que  tant  que  l'antagonisme  entre  Grecs  et 
Lombards  subsisterait,  la  puissance  de  Byzance  resterait  très 
précaire  et,  comme  la  question  religieuse  devait  être  une  des  plus 
importantes ,  il  autorisa ,  sans  doute  à  la  demande  du  nouvel 
archevêque  Byzantius,  le  rattachement  à  Rome  de  la  province 
de  Bari.  Le  consentement  du  catépan  n'est  mentionné  nulle  part 
d'une  façon  formelle,  mais  il  me  paraît  impossible  d'admettre 
qu'une    mesure    aussi    importante    ait  pu    être    prise     sans    le 


i.  Trinchera,  op.  cit.,  p.  21. 

2.  Ug-helli,  t.  VII,  p.  ~2i,  Chart.Cup.,  l.  I,  p.  42.  Beltrani,  op.  cit.,  p.  7.  Cod. 
dipl.  Bar.,  t.  I,  p.  6  et  suiv.  Il  faut  noter,  toutefois,  que  Lupus  lui  donne 
seulement  le  titre  d'  «  episcopiis  ». 

3.  Cod.  dipl.  Bar.,  1. 1,  p.  13.  Sur  la  façon  dont  le  catépan  dut  intervenir, 
cf.  le  cas  de  Trani,  en  983  ;  Prologo,  Le  carte  c/ie  si  conservano  nelV  archivio 
del  capitolo  metrop.  délia  città  di  Trani  (Barletta,  1877),  p.  32  et  suiv. 


PUISSANCE    DE    GIAIMAR     IV  69 

consentement  du  représentant  de  l'empereur  grec.  La  conduite 
que  nous  verrons  tenir  kl'un  des  successeurs  de  Bojoannès,  le  caté- 
pan  Arg-yros,  lors  des  difficultés  qui  se  produiront  entre  Rome 
et  Constantinople  sous  Léon  IX  et  Keroularios,  me  paraît 
indiquer  clairement  quelle  était,  entre  Lombards  et  Grecs,  l'impor- 
tance des  questions  religieuses.  Il  faut  donc,  à  mon  avis,  voir 
dans  le  rattachement  de  la  province  de  Bari  au  siège  de 
Rome,  une  concession  faite  par  le  catépan  aux  aspirations  de  la 
population  lombarde . 

Tout  le  pays,  autour  de  Bari,  était  organisé  en  provinces  ecclé- 
siastiques, seule  la  Fouille  faisait  exception.  Byzantins  voulut 
transformer  son  diocèse  en  province  ,  mais  en  passant  à  l'obé- 
dience romaine,  il  dut  tenir  à  conserver  son  titre  d'archevêque. 
Or,  Rome  n'admettait  pas  d'archevêque  sans  suffragant,  de  là  la 
bulle  de  Jean  XIX,  accordant  à  Byzantius,  avec  la  confirmation  des 
droits  et  des  biens  de  son  église,  le  pouvoir  d'instituer  douze 
évêchés '.  C'est  le  principe  pseudo-isidorien  qu'il  faut  douze 
évêchés  pour  former  une  province.  On  ne  savait  pas  jusqu'ici  si 
la  bulle  de  Jean  XIX  avait  été  suivie  d'effet  ;  un  document  con- 
servé aux  archives  du  Mont-Gassin  enlève  à  cet  égard  tous  les 
doutes.  Par  cet  acte  non  daté,  Byzantius  donne,  comme  évêque,  à 
la  ville  de  Gannes  un  certain  André.  Ce  document  nous  montre 
donc  que  la  bulle  de  Jean  XIX  n'est  pas  restée  lettre  morte  -. 

Il  y  a  là  une  intéressante  tentative  de  l'administration  byzan- 
tine pour  accorder  à  la  population  lombarde  certaines  satisfac- 
tions. 

La  mort  d'Henri  II  ramena  le  trouble  dans  toute  l'Italie 
méridionale.  Guaimar  IV,  beau-frère  de  Pandolf  III,  préférait 
voir  à  Capoue  un  de  ses  parents  plutôt  que  Pandolf  IV.  En  appre- 
nant la  mort  d'Henri  H,  il  envoya  en  Allemagne  une  ambas- 
sade chargée  d'obtenir,  par  de  riches  présents,  la  mise  en  liberté 
de  Pandolf  H I -^  Le  successeur  d'Henri  II,  Conrad,  accueillit 
favorablement  la  demande  du  prince  de  Salerne ,  et  Pandolf  fut 


1.  Cod.  clip.  Barese,  t.   I,  p.  22. 

2.  Archives  du  Mont-Cassin,  fonds  de  Barletta,  n°  la. 

3.  Léo  Ost.,  II,  ;j6.  Aimé,  I,  33. 


lU  CHAPITRE    II 

remis  en  liberté.  Il  semble  que  ce  dernier  ait  dû  prendre  renga- 
gement de  renoncer  à  revendiquer  sa  principauté  ',  autrement  on 
ne  comprendrait  pas  la  conduite  de  Conrad  qui.  pour  ses  débuts, 
ne  trouve  rien  de  mieux  que  d'envoyer  contre  un  de  ses  alliés  le 
terrible  Pandolf ,  celui  qu  Aimé  appelle  :  le  loup  des  Abruzzes. 
Quoi  qu'il  en  soit,  Conrad  commit  certainement  une  grosse  faute 
politique  en  relâchant  son  prisonnier.  Il  était,  en  etTet,  bien  évi- 
dent que  Pandolf  chercherait  par  tous  les  moyens  à  rentrer  en 
possession  de  ses  Etats,  et  à  détruire,  ainsi,  tout  ce  qu'avait  fait 
Henri  II.  En  même  temps  que  Pandolf  III,  il  me  paraît  probable 
que  Conrad  dut  remettre  en  liberté  le  fils  de  Guaimar. 

En  relâchant  Pandolf  III,  Conrad  avait  donné  une  preuve  de 
faiblesse,  qui  amena  presque  immédiatement,  dans  Tltalie 
méridionale,  la  reconstitution  du  parti  grec.  Une  ligue  se  forma 
pour  chasser,  de  Capoue,  Pandolf  IV  et  rétablir  Pandolf  111 
dans  sa  principauté.  A  la  tète  de  ce  mouvement,  nous  trouvons 
naturellement  le  catépan  Bojoannès"-;  il  fut  aidé  du  prince  de 
Salerne,  Guaimar,  et  d'OderisioI'''",  comte  des  Marses  '■''.  Ce  dernier 
était  l'oncle  de  Pierre,  fils  de  Régnier,  seigneur  de  Sora  et  d'Ar- 
pino,  que  nous  avons  vu  combattre  les  Normands  de  Comino  ''; 
les  concessions,  faites  à  ses  dépens  par  Henri  II  aux  neveux  de 
Mélès,  avaient  dû  le  mécontenter  et  l'amener  dans  le  parti  grec.  On 
réunit  une  armée  pour  aller  assiéger  Capoue.  Bojoannès  amena 
des  troupes  ainsi  que  Guaimar  et  le  comte  des  Marses.  Nous 
connaissons,  en  outre,  la  présence  dans  les  rangs  de  l'armée 
de  Guaimar,  des  Normands  de  Comino,  qui  abandonnèrent  le 
parti  de  l'empereur  allemand.  Avec  eux  était  Rainolf,  le  futur 
comte  d'Aversa,  et  peut-être  aussi  d'autres  bandes  normandes  '. 


1.  Cela  semble  résulter  de  la  visite  qu'il  fît  à  Tabbé  Théobald,  au 
Mont-Gassin,  où  il  se    montra  fort  hum])le  et  soumis,  Léo  Ost.,  lue.  cil- 

2.  Léo  Ost.,  II,  o6.  Annal.  Cas.,  M.G.ll.SS.,  t.  XIX,  p.  30.5. 

3.  Cf.  VitaelmiraculaS.DominiciSorani,  dans  Analecta  Rolland.,  t.I,p.  320. 
Oderisio,  fils  du  comte  Renaud,  était  comte  des  Marses  et  les  seigneurs 
de  Sora  relevaient  de  lui.  En  théorie,  le  comté  des  Marses  dépendait  du 
duché  de  Spolète.  Cf.  Gattola,  Ace,  t.  I,  pp.  101-102. 

4.  Léo  Ost.,  II,  26.  32,  53.  Cf.  di  Meo,  op.  cit.,   t.  Vil,  p.  130. 

5.  Léo  Ost.,  II,  56.  Au  paragraphe  51,  il  dit  :  «  cum  Rainulfo  et 
Arnolino  etceteris  a  Comino.  »  Je  crois, avec  Bresshiu,  A'o/îrac///^,  1. 1,  p.  174, 


PUISSANCE    DF    GlALMAIi    IV  71 

Ce  fut  Guaimar  qui  prit  les  Normands  à  sa  solde;  il  semble  qu'il 
fournit  également  des  subsides  aux  Grecs  '. 

Le  sièg-e  de  Capoue  fut  fort  long;  il  dura  un  an  et  demi. 
Comme  nous  savons  qu'au  mois  de  mai  de  l'année  1026  il  était 
terminé,  il  dut  commencer  dans  les  derniers  mois  de  l'année  1024  ~. 
Il  est  certain  que  Bojoannès  ne  demeura  pas  avec  ses  alliés  pen- 
dant toute  la  durée  du  siège,  car,  en  1023,  il  prit  part  à  l'expédi- 
tion des  Byzantins  contre  Messine  -^  On  peut  donc  supposer  que 
Guaimar  et  Pandolf  commencèrent  le  siège  de  Capoue  avec  leurs 
seules  troupes,  ou  du  moins  avec  un  petit  nombre  de  troupes 
byzantines,  car,  à  ce  moment,  tout  l'effort  des  Grecs  devait 
être  porté  sur  l'expédition  de  Sicile.  Ce  ne  serait  donc  qu'après 
l'échec  de  l'armée  grecque  dans  le  Sud  que  Bojoannès  aurait 
amené  des  secours  qui,  peut-être,  décidèrent  de  la  reddition  de 
la  ville. 

Dans  les  premiers  mois  de  l'année  1026,  Pandolf  de  Teano 
vit  qu'il  ne  pouvait  se  maintenir  plus  longtemps  dans  Capoue  et 
se  décida  à  se  rendre.  Il  y  eut  certainement  entre  lui  et  Bojoan- 
nès des  négociations  secrètes,  dont  nous  ne  connaissons  que  le 
résultat.  Pandolf  se  rendit  au  représentant  du  basileus.  Bojoan- 
nès lui  avait  promis  la  vie  sauve  ;  il  lui  permit  d'emporter  ses 
trésors  et  le  fit  conduire  à  Naples  auprès  du  duc  Serge  IV  ■*. 

Cette  intervention  de  Bojoannès,  dans  le  dénouement  du  siège, 
dut  être  certainement  désagréable  aux  princes  lombards,  mais  il 
semble  qu'aucun  d'eux  n'ait  osé  protester  sur  le  moment.  Il  est 
évident  que  la  conduite  du  catépan  hii    fut    dictée  par  le    désir 


qu'il  faut  entendre  par  là  que  Rainolf  et  Arnolin  faisaient  partie  des 
Normands  de  Comino.  Delarc,  op.  cit.,  pp.  67-68,  a  cru,  et  son  interpréta- 
tion peut  se  défendre,  que  Léon  distinguait  entre  les  Normands  qui 
étaient  à  Comino  et  les  autres.  Dans  ce  cas,  Rainolf  et  Arnolin  pourraient 
avoir  été  précédemment  soit  à  la  solde  de  Guaimar,  soit  avoir  fait  partie 
des  Noi'mands  laissés  par  Henri  11  pour  défendre  les  côtes. 

1.  Aimé,  I,  33.  Léo  Ost.,  II,  56,  63. 

2.  Léo  Ost.,  II,  56.  Cf.  di  Meo,  op.  cit.,   t.  VII,  p.  112. 

3.  Anon.  Bar.,  ad  an.  1025.  Ann.  Bar.,  ad  an.  1027.  Lupus,  ad  an. 
1028.  Skylitzès,  dans  Cédrénus  II,  522.  J'adopte  pour  la  date  les  conclusions 
de  Bresslau,  op.  cit.,  t.  I,  p.  173,  n.  1. 

4.  Aimé,  I,  33.  Léo  Ost.,  II,  56. 


72  CHAPITRE    II 

d'avoir  entre  les  mains  un  prétendant  à  opposer  à  Pandolf  III 
dans  le  cas  où  celui-ci  cesserait  d'être  fidèle  à  l'alliance  byzan- 
tine ^.  La  prise  de  Capoue  fut  suivie  du  rétablissement  de  Pan- 
dolf dans  tous  ses  droits.  Son  fils  Pandolf,  qui  lui  avait  déjà 
été  associé  avant  son  exil,  remonta  avec  lui  sur  le  trône.  Peut-être 
est-ce  cette  association  qui  a  fait  dire  inexactement  à  Aimé  que 
Guaimar  IV  avait  rétabli  un  frère  de  Pandolf,  alors  que,  dès 
le  mois  de  mai  1026,  nous  trouvons  Pandolf  III  et  son  fils  ". 

Rétabli  à  Capoue,  Pandolf  III  joua  dans  les  années  suivantes 
un  rôle  prépondérant  dans  les  affaires  de  l'Italie  méridionale. 
Pour  suivre,  durant  cette  période  confuse,  les  progrès  des  Nor- 
mands, le  mieux  est  de  g^rouper  les  faits  autour  de  Pandolf  qui 
prend  une  part  active  à  tous  les  événements  importants.  Cette 
étude  n'est  point  facile ,  car  le  prince  de  Capoue  ne  nous  est 
connu  que  par  les  récits  de  ses  adversaires,  les  moines  du  Mont- 
Cassin.  Leur  haine  et  leur  acharnement  contre  Pandolf  les 
ont  amené  à  de  telles  exag^érations  que  leur  témoig-nage  est  très 
suspect.  Leurs  chroniqueurs  n'ont  pas  d'épithètes  assez  fortes 
pour  qualifier  u  le  fortissimo  lupe  des  Abbruzes  ».  Pandolf  est 
resté  dans  l'histoire,  ou  plus  exactement  dans  la  légende 
historique  du  Mont-Cassin,  l'incarnation  de  l'ennemi  des  moines, 
et  comme  les  sources  narratives  de  cette  époque  proviennent 
presque  toutes  du  Mont-Cassin,  la  légende  a  passé  dans 
l'histoire.  La  mort  même  de  Pandolf  n'a  pas  apaisé  les  rancunes 
monastiques,  et  longtemps  les  moines  se  réjouirent  à  la  pensée 
que  l'ennemi  de  la  sainte  abbaye  était  chargé  de  chaînes  et 
plongé  dans  un  lac  de  sang,  où  des  démons  le  torturaient  pour 
le  punir  du  mal  qu'il  avait  causé  au  célèbre  monastère  '. 

Il  est  donc  difficile  de  connaître  exactement  ce  qu'a  été  Pan- 
dolf III,  mais  à  ne  le  juger  que  par  son  œuvre,  il  est  bien  diffé- 
rent de  la  brute  sanguinaire  que  nous  ont  présentée  les  chroniques 
monastiques.  Pandolf  paraît  s'être  rendu  très  exactement  compte 
de   la   situation   politique   de   l'Italie  méridionale.    Il  vit  que  ni 

\.   Cf.   Bresslau,  op.  cil.,  t.  I,  p.  177. 

2.  Di  Meo,  op.  cit.,  t.  VII,  p.  112. 

3.  On  Irouvo  dos  échos  de  cette  lt''<;ond('  jusque  dans  les  œuvros  de 
Piei-re  Damien.   Cf.   Opm^ciila,  XIX,   Migne.   P.L.,   l.  i't'J,   pp.  i38-i39. 


PANDOLF    m    A    CAPOLE  73 

rempereur  grec,  ni  l'empereur  allemand  ne  pouvaient  intervenir 
efficacement  dans  les  questions  italiennes  et  que  ni  l'un  ni 
l'autre  ne  pouvaient  rien  contre  les  princes  lombards  unis. 
Gviaimar  de  Salerne  était  le  seul  d'entre  eux,  dont  l'opposition 
fut  à  redouter,  aussi  Pandolf  s'appliqua-t-il  à  rester  toujours 
en  bons  termes  avec  lui.  De  même,  des  deux  empires,  l'empire 
grec  était  celui  dont  l'influence  était  la  plus  réelle,  parce  qu'elle 
s'exerçait  dans  une  région  plus  voisine  ;  Pandolf  chercha  donc  à 
demeurer  l'allié  du  basileus.  Cela  lui  fut  d'autant  plus  facile  que 
Byzance  exigeait  très  peu  de  ses  vassaux  italiens. 

Le  retour  au  pouvoir  de  Pandolf  III  fut  marqué  par  une  vio- 
lente réaction  contre  le  parti  allemand.  Pour  toute  cette  période, 
la  chronologie  est  difficile.  Il  me  semble  pourtant  que  Pandolf  ne 
fit  aucune  conquête  avant  1027  K  Nous  savons  qu'au  mois  d'avril 
de  cette  année,  Conrad  II  descendit  en  Italie.  Les  sources  sont 
excessivement  concises  sur  cette  expédition.  D'après  le  biographe 
de  l'empereur,  Conrad  aurait  été  reconnu  volontairement  par 
certaines  villes  et  aurait  dû  employer  la  force  pour  obtenir  la 
soumission  d'un  certain  nombre  d'autres  ^.  Bénévent  et  Capoue 
notamment  auraient  fait  leur  soumission.  Pendant  son  séjovn% 
l'empereur  aurait  donné  aux  Normands  le  droit  de  s'établir 
dans  le  pays  pour  combattre  les  Grecs.  Il  semble  que  l'expédi- 
tion de  Conrad  II  fut  loin  d'être  aussi  décisive  et  il  est  très  dou- 
teux que  l'empereur  ait  dépassé  les  frontières  de  la  Campanie. 
Dans  tous  les  cas,  Conrad  ne  se  sentit  pas  assez  fort  pour  réta- 
blir le  comte  de  Teano  à  Capoue,  et  il  fut  obligé  de  reconnaître 
l'usurpation  de  Pandolf  III.  Conrad  dut  se  rendre  très  vite  compte 
qu'il  ne  pouvait  intervenir  d'une  manière  eflicace  dans  l'Italie 
méridionale;  aussi  paraît-il  n'avoir  pas  tenté  de  s'avancer  vers 
le  sud.  Peut-être,  l'orientation  de  sa  politique  vis-à-vis  de 
Byzance  exerça-t-elle  également,  une  certaine  influence  .sur  son 
attitude  envers  Pandolf  III.   Nous  voyons,   en   effet,   peu  après 


1.  Brosslau,o/).cj7.,  1. 1,  p.  178,  a  fait  orrcuron  plaçant  la  prise  de  Naples 
avant  la  venue  de  Temperenr  ;  cf.  infrn,  p.  T.'i. 

2.  .Wipo,  Gputft  Chiionrndi.  v.  17,   éd.    Hressiau,    dans    M.(i.lI.SS.,  in-S^. 
Cf.  Bresslau,  Konrad  II,  t.  I,  p.  177  et  suiv.,  et  (iay,  oji.  cil.,  p.  4i2. 


74 


CHAPITRE    II 


Conrad  rechercher  l'alliance  byzantine  i,  et  l'on  peut  admettre 
qu'il  reconnut  Pandolf  111,  pour  ne  point  déplaire  à  la  cour  de 
Constantinople. 

Le  voyage  de  l'empereur  allemand  fut  suivi,  de  très  près,  d'un 
événement  qui  eut  pour  Pandolf  de  g^raA^es  conséquences.  Guai- 
mar  de  Salerne  mourut,  entre  février  et  avril  1027  -;  il  eut  pour 
successeur  son  fils  Guaimar  X,  qui  paraît  avoir  alors  été  mineur, 
car,  dans  les  premiers  temps  de  son  règ'ne,  sa  mère  Gaytelgrime, 
exerça  la  tutelle.  Pandolf  se  vit  donc  tout  d'un  coup  libre 
d'étendre  ses  possessions,  sans  qu  aucun  des  princes  lombards  fut 
en  état  de  s'y  opposer  ;  car,  g-ouvernée  par  une  femme,  la  princi- 
pauté de  Salerne  perdit,  pendant  quelque  temps,  une  grande  par- 
tie de  son  influence. 

Pandolf  III  ne  tarda  pas  à  tirer  parti  de  la  situation  politique, 
La  présence  à  Naples  de  son  rival  Pandolf,  comte  de  Teano, 
était  pour  le  prince  de  Capoueune  menace  permanente.  Il  sentait 
que  dans  la  personne  de  son  rival,  les  Grecs  avaient  un  compé- 
titeur tout  désigné,  qu'ils  ne  manqueraient  pas  de  lui  opposer, 
le  jour  où  lui-même  cesserait  de  leur  plaire.  Aidé  des  seigneurs 
de  Sora,  Pandolf  III  alla  mettre  le  siège  devant  Naples  -K  Le 
duc  Serge  IV  avait  excité  le  mécontentement  d'un  certain 
nombre  d'habitants,  qui  le  trahirent  et  remirent  la  place  à 
Pandolf.  Le  comte  de  Teano  put    s'enfuir  et  gagna  Rome,  avec 


\.  Cf.  Bresslau,  o/).  cit..  t.I,  pp.  234,  271  et  suiv.  Gfroier,  oj).  cit.,  t.  III, 
p.  121. 

2.  En  février  1027,  Guaimar  vit  encore,  Cocl.  Car.,  t.  V,  DCCXC, 
p.  130.  En  avril,  son  fils  règ'ne  avec  sa  mère.  Ibid.,  DCCXCI,  p.  131. 

3.  AnalectaBoIlancliana, t.I, p.  317.  Il  semblerait,  d'après  la  Ft7a  et  miracula 
S.  Doininici  Sorani,  que  le  sièg'C  de  Naples  est  postérieur  à  la  mort 
du  saint  en  1031.  C'est  la  date  qu'ont  acceptée  les  Bollandistes.  Mais, 
étant  donné,  qu'en  mars  et  en  avril  de  l'année  1028,  on  compte  la  première 
année  du  règne  de  Pandolf  à  Naples  [Chr.  Vult.,  pp.  50ij  et  o06),  l'auteur 
des  Miracula  t'ait  certainement  erreur.  Le  fait  auquel  il  est  fait  allusion  dans 
les  Miracula  a  d'ailleurs  pu  avoir  lieu  du  vivant  du  saint.  Il  faut  en  effet 
remarquer  que  les  Miracula  donnent,  comme  postérieurs  à  la  mort,  des 
miracles  que  la  Vie  donne  comme  ayant  eu  lieu  du  vivant  du  saint,  p.  ex.  le 
miracle  de  la  femme  guérie  d'un  flux  de  sang.  Cf.  Analecta  Bol.,  toc.  cit., 
p.  287,  13,  et  308,  18.  Il  y  a  là  sur  les  procédés  de  composition  de  l'auteur 
des  Miracula,  une  indication  dont   il  faut  tenir  compte. 


PANDOLF    TU    A    CAPOl E  75 

son  fils.  La  prise  de  Xaples  est  postérieure  au  mois  de  septembre 
de  l'année  1027,  et  antérieure  au  mois  d'avril  de  l'année 
suivante  '. 

Pandolf  III  en  prenant  Naples  a-t-il  agi  pour  ou  contre  les 
Grecs?  On  a  discuté  à  ce  sujet  '^  et  nous  ne  savons  rien  de  précis 
à  cet  ég-ard.  Il  est  probable  que  Pandolf  profita  de  la  faiblesse 
de  l'empereur  Constantin  VIII,  pour  tenter  sur  Naples  un  coup 
de  main,  que  Basile  II  n'aurait  certes  pas  toléré.  Pourtant, 
comme  les  actes  rédig-és  à  Naples.  continuèrent  sous  la  domi- 
nation de  Pandolf  à  être  datés  des  années  de  règne  du  basileus, 
on  peut  admettre  que  le  prince  de  Capoue,  s'il  agit  contre  la 
volonté  des  Grecs,  continua  néanmoins  à  reconnaître  la  suze- 
raineté du  basileus. 

La  prise  de  Naples  fut,  pour  Pandolf  III,  le  point  de  départ 
d'une  série  de  conquêtes.  En  1028,  nous  voyons  que  la  ville  de 
Teano  est  en  son  pouvoir,  sans  que  nous  puissions  savoir  à  quel 
moment  fut  faite  cette  annexion  •'.  Il  est  fort  probable  que  le 
prince  de  Capoue  s'empara  alors  de  toutes  les  possessions  de 
Pandolf  IV. 

L'extension  de  la  principauté  de  Capoue  donna  ombrage  aux 
gens  de  Gaète,  qui  craignaient  de  voir  Pandolf  se  tourner  contre 
eux  pour  les  punir  d'avoir  accueilli  le  duc  de  Naples,  Serge  IV. 
Gaète  était  alors  gouvernée  par  le  duc  Jean,  sous  la  tutelle  de  sa 
grand'mère  Emilia  ^.  Celle-ci,  pour  arrêter  les  progrès  du  prince 
de  Capoue,  conclut  avec  Serge  un  traité  par  lequel  elle  s'enga- 
geait à  l'aider  à  rentrer  en  possession  de  son  duché.  En  échange, 


i.  hes  Annules Beneventani,  3,  M. G. H. SS., t.  III,  p.  178,quiomploientrannée 
grecque,  mar([uent  la  prise  de  la  ville  à  raniiée  1028.  Les  Ann.Casinenses  la 
placent  en  1027.  On  pourrait  conclui'e  de  là  que  Naples  fut  prise  dans  les 
trois  derniers  mois  de  1027.  Mais,  à  cause  des  nombreuses  erreurs  chrono- 
loo-iques  des  chroniques,  je  n'ose  être  trop  affirmatif.  Dans  tous  les  cas, 
Naples  fut  prise  avant  avril  1028.  En  mars  1028,  on  compte  la  première 
année  de  Pandolf  à  Xaples,  et  en  avril  1029,  la  deuxième  année.  Cf.  Chr. 
Viilt.,  p.  506,  et  Gayra,  Storia  civile  di  Capiia,  t.  I,  p.  61. 

2.  Cf.  Schipa,  op.  cit.,  Arch.  st.  napol.,  t.  XVIII,  p.  488  et  suiv. 

3.  Chr.  Vult.,  pp.  aOYj  et  506. 

4.  Emilia  et  Jean  paraissent  dans  les  actes,  depuis  février  1025.  Le  père 
de  Jean  vit  encore  en  janvier  1025.  Cncl.  Caief.,  t.  I,  pp.  285  et  286. 


76  CHAP1TRI-;     II 

Serge  IV  dut  prendre  certains  engagements,  et  octroyer  de  nom- 
breux privilèges  de  justice  et  des  exemptions  de  droits,  à  tous  les 
gens  de  Gaëte  qui  viendraient  à  Naples.  L'accord  fut  conclu  au 
mois  de  février  1029  K 

L'appui  de  Gaëte  ne  suffisait  pas  pour  permettre  au  duc  de 
rentrer  en  possession  de  ses  Etats,  car  Naples  passait  pour  une 
place  imprenable  et  Pandolf  n'en  avait  triomphé  qu'à  l'aide  de 
la  trahison.  Serge  \\  noua  donc  des  intelligences  dans  la  ville  ; 
il  y  réussit  d'autant  plus  facilement  que  le  gouvernement  de 
Pandolf  paraît  avoir  mécontenté  même  ceux  des  Napolitains  qui 
lavaient  appelé.  Les  gens  de  Naples  conclurent  avec  leur  ancien 
duc  un  traité,  ou  plus  exactement,  établirent  une  véritable  charte 
réglant  les  attributions  du  duc  et  les  droits  de  chacune  des 
classes  de  la  population.  Serge  IV  dut  faire  à  ses  sujets  un  grand 
nombre  de  concessions  '.  Le  résultat  de  ces  multiples  accords 
fut  (|ue  Serge  réussit  à  chasser  Pandolf  et  à  rentrer  à  Naples, 
en  1029  K  ^ 

Nous  ne  connaissons  pas  la  part  prise  par  les  Normands  aux 
événements,  dont  le  récit  vient  d'être  fait.  A  partir  du  moment 
où  nous  sommes  arrivés,  nous  sommes  mieux  renseignés.  On 
a  vu  plus  haut,  que  le  normand  Rainolf  était  devenu,  sans 
que  nous  sachions  comment,  le  chef  d'une  bande  de  ses  compa- 
triotes. Il  est  très  probable  que  Serge  s'assura  les  services  de 
cette  troupe,  au  moment  où  il  tenta  de  rentrer  en  possession  de 
Naples.  On  ne  saurait,  en  effet,  expliquer,  si  ce  n'est  par  une 
convention  antérieure,  le  fait  que,  dès  son  rétablissement  à 
Naples,  Serge  IV  ait  donné  à  Rainolf  la  ville  et  le  territoire 
d'Aversa  '.    Dès  l'instant  que  nous  savons  que  Serge  IV  prit  les 


1.   Cf.  le  texte  du  traité.  Cod.  CaieL,  t.  I,  p.  307. 

.2.  Cf.  Capasso,  3/o/H2me^/a,  t.  II,  2,  p.  157,  el  II  h  Pactum»(/iurato  deldiica 
Srrf/io,  dans  Arch .  st .  napol.,  t.  IX,  p.  319.  Cf.  Schipa,  op.  cit.,  Arch.  st.  nap., 
t.  XN'III,  p.  490.  BrandiIeone,.SM//af/a/a  ciel»  Pacttini  » giurato dal diica Sergio 
ai  Xapole(ani  dans  Riv  ital.  per  le  scienze  rjiuridiche,  t.  XXX,  a  cherché  à 
placer  cet  acte  en  1120.  L'opinion  de  Capasso  me  paraît  mieux  établie. 

3.  D'après  les  Annales  Casin.  ad  an.  1027,  Pandolf  garda  la  ville  un  an  et 
cinq  mois. 

4.  Aimé,  I,  40.  Ord.  Vit.,  IV,  13,  t.  Il,  p.  233.  On  a  discuté  pour  savoir  si  le 
nom  d'Aversa  n'était  pas  un  nom  symbolique  donné  par  les  Normands.  Cf. 


Li:s    NOIi.AlANDS    A    AVhUSA  77 

Normands  à  son  service,  il  me  paraît  probable  qu'il  les  prit 
avant  de  rentrer  à  Naples  et  non  après  sa  réinstallation.  En  les 
établissant  à  Aversa,  il  voulut  créer  une  place  forte,  capable 
d'arrêter  les  incursions  de  Pandolf  III.  En  même  temps  le  duc 
de  Naples  chercha  à  s'attacher  Rainolf  par  des  liens  moins 
frag-iles  que  ceux  de  la  reconnaissance,  et  lui  fit  épouser  sa  sœur, 
veuve  du  duc  de  Gaëte.  Avec  Aversa,  Rainolf  reçut  un  grand 
nombre  de  châteaux  qui  en  dépendaient. 

Ce  n'était  pas  la  première  fois  que  les  Normands  recevaient 
des  terres  depuis  leur  arrivée  en  Italie,  mais  aucun  des  établis- 
sements, ainsi  fondés,  n'avait  pu  se  développer.  Ce  qui  fit  le 
succès  du  comté  d'Aversa,  ce  fut  la  personnalité  de  Rainolf, 
Ce  dernier,  qui  jusque-là  paraît  avoir  joué  seulement  un  rôle 
secondaire  dans  les  affaires  italiennes,  se  révéla  comme  très 
habile  et  très  fin  politique,  k  partir  du  jour  où  il  fut  installé  à 
Aversa.  Il  semble  qu'il  ait  été  le  premier  de  tous  les  Normands 
venus  en  Italie,  qui  ait  su  s'élever  au-dessus  de  son  intérêt 
immédiat,  et  ait  cherché  à  atteindre  des  buts  politiques  éloig^nés. 
Sans  scrupule  d'aucune  sorte,  guidé  uniquement  par  l'intérêt, 
sachant  ne  point  s'embarasser  des  liens  de  la  reconnaissance, 
Rainolf  avait  toutes  les  qualités  requises  pour  se  créer  une  haute 
situation  politique.  Durant  toute  sa  carrière,  il  sut  merveilleu- 
sement se  ranger  du  coté  du  parti  le  plus  fort,  et  l'on  ne  peut 
s'empêcher  d'admirer  comment,  au  moment  où  l'un  des  princes 
italiens  arrive  au  plus  haut  période  de  sa  puissance,  Rainolf 
est  toujours  k  ses  côtés  et  tire  profit  de  la  situation. 
Que  ce  prince  soit  Pandolf,  Serge  ou  Guaimar,  Rainolf  sait 
toujours  acquérir  des  droits  nouveaux  k  son  amitié.  Aussi,  est-ce 
en  grande  partie  k  Rainolf  et  k  l'habileté  de  sa  conduite 
politique,  qu'il  faut  faire  remonter  la  fortune  prodig'ieuse  des 
Normands,  dont  l'établissement  d'Aversa  fut  le  point  de  départ. 

Tous  les  Normands  venus  en  Italie   n'entrèrent  pas  alors  dans 


Delarc,o/j.  cit.,  p.  70,note3.  Nous  savons  parun  acte,  quedès  1002,  Aversa 
existait.  Schipa,  op.  cit.,Arch.  sl.NapoL,  t.  XIX,  p.  5,note3.Capasso,  Monu- 
inenia,  t.  I,  p.  132,  note  G,  est  donc  dans  rerreur  en  admettant  l'opinion 
opposée. 


78  CHAPITIΠ   II 

la  bande  de  Rainolf.  Un  certain  nombre  d'entre  eux  restèrent 
au  service  du  prince  de  Salerne,  Guaimar  ;  d'autres  paraissent 
avoir  formé  des  bandes  indépendantes.  Dès  son  installation  à 
Aversa,  Rainolf  envoya  des  messagers  en  Normandie  pour  recru- 
ter des  émigrants  '.  C'était  là  une  mesure  très  adroite  :  Rainolf 
ne  voulait  pas  s'appuyer  sur  les  Lombards,  sur  qui  il  savait  ne 
pouvoir  compter,  et  il  tenait  à  avoir  autour  de  lui  des  gens  de 
sa  race  qui  lui  fussent  entièrement  dévoués. 

L'échec,  que  Pandolf  éprouva  en  perdant  Naples,  n'arrêta 
point  le  cours  de  ses  succès.  Il  semble  d'ailleurs  que  le  prince  de 
Capoue  n'ait  pas  perdu  toutes  les  conquêtes  faites  sur  le  duché 
et  que  Pouzzole  lui  soit  restée  -'.  La  position  de  cette  ville,  un 
peu  à  l'ouest  des  possessions  du  prince  de  Capoue,  amena  ce  der- 
nier à  chercher  à  s'étendre  au  nord  et  au  sud  du  Vulturne,  de 
Pouzzole  à  Gaëte.  Peut-être  aussi  le  désir  d'acquérir  un  débouché 
sur  la  mer  poussa-t-il  Pandolf  à  attaquer  Gaëte.  L'espoir  de  tirer 
vengeance  de  1  appui  prêté  par  Jean  V  de  Gaëte  au  duc  de  Naples, 
Serge  IV,  dut  également  inspirer,  dans  une  certaine  mesure,  la 
conduite  du  prince  de  Capoue.  Nous  n'avons  pas  de  détails  sur 
la  manière  dont  fut  exécutée  cette  entreprise  ;  tout  ce  que  nous 
savons,  c'est  qu'entre  le  mois  de  mai  et  le  mois  d'août  de  l'an- 
née 1032  3,  la  ville  de  Gaëte  tomba  au  pouvoir  de  Pandolf. 

Les  acquisitions  du  prince  de  Capoue  ne  se  bornèrent  point  à 
cette  conquête.  L'abbaye  du  Mont-Cassin  était  le  plus  riche  et 
le  plus  puissant  des  voisins  immédiats  de  Pandolf.  Celui-ci 
s'étendit  considérablement  aux  dépens  des  moines.  Les  chro- 
niques du  Mont-Cassin  sont  remplies  du  récit  des  vexations 
que  Pandolf  fit  subir  à  l'abbaye.  Sans  entrer  dans  des  détails  peu 
intéressants,  bornons-nous  à  constater  que  Pandolf  s'empara  de 
presque  tous  les  biens  du  monastère,  qu'il  emprisonna  l'abbé 
Théobald  à  Capoue,  nomma  une  de  ses  créatures,  Todin,  comme 
administrateur  des  biens  de  l'abbaye  et  s'en  appropria  ainsi  tous 
les  revenus  ^, 

1.  G.  Ap.,  I,  ISO  et  suiv.,  p.  12.j. 

2.  Cf.  Miracula  S.  Severi  episcupi  neapolit.,  dans  Capasso,  Monuni.,  l.  II, 
■2,  p.  1S3,  et  hl.,  op.  cit.,  t.  I,  p.  275. 

3.  Cod.  Caiet.,  t.  I,  pp.  321,  325,  330,  332. 

4.  Léo  Ost.,  II,  57,  p.  666.  Aimé,  I,  34,  35,  36,  p.  42  et  suiv. 


LES    .NOR.AIANDS    A    AVERSA  79 

La  présence  des  Normands  à  Aveisa  inquiétait  Pandolf,  qui 
avait  toujours  à  redouter  de  leur  part  quelque  coup  de  main. 
Il  accomplit  un  acte  très  habile,  en  détachant  Rainolf  de 
Serg-e  IV.  Le  chef  normand  ayant  perdu  sa  femme,  parente  de 
Serge,  Pandolf  lui  proposa  la  main  de  sa  nièce,  la  fille  du 
patrice  d'Amalfi  '.  Nous  manquons  de  renseignements  précis  sur 
ce  mariage  et  sur  la  personnalité  de  ce  patrice  d'Amalfi.  Une 
révolution  comme  il  y  en  eut  un  si  grand  nombre  à  Amalfi,  avait 
chassé  en  1034  le  duc  Jean  II,  dont  le  père  Serge  II  avait  lui- 
même  été  expulsé  quelques  années  auparavant  -'.  Jean  II  s'était 
associé,  en  1031,  son  fils  Serge  III  •^.  A  la  suite  d'événements  que 
nous  ne  connaissons  pas,  Jean  II  et  Serge  III  furent  expulsés 
(1034),  et  on  leur  donna  pour  successeur  Manso  IV,  frère  de 
Jean  II,  qui  régna  avec  sa  mère  Maria  *.  Rainolf  a-t-il  épousé  la 
fille  de  Jean  II  ou  au  contraire  celle  de  Manso  ?  Nous  ne  savons 
rien  à  cet  égard.  Pourtant,  comme,  vers  cette  époque,  la  politique 
de  Pandolf  le  porte  à  intervenir  dans  les  affaires  de  Sorrente,  je 
serais  enclin  à  admettre  qu'il  a  pris  aussi  une  part  plus  ou  moins 
directe  aux  événements  d'Amalfi,  et  est  intervenu  dans  la  révo- 
lution qui  a  chassé  Jean  IL  Dans  ce  cas,  la  femme  de  Rainolf 
d'Aversa  serait  la  fille  de  Manso  IV.  On  a  élevé  à  ce  sujet  une 
objection,  tirée  de  ce  fait,  qu'il  semble  difficile  qu'en  1034,  Manso 
ait  eu  une  fille  en  âge  d'être  mariée  '.  Cet  argument  ne  me  paraît 
pas  concluant,  car  il  n'est  pas  rare,  à  cette  époque,  de  voir  des 
enfants  se  marier,  et  de  ce  que  le  mariage  a  lieu,  il  ne  s'ensuit  pas 
que  les  époux  soient  nubiles  ^. 

Les  ouvertures  de  Pandolf  furent  bien  accueillies  par  Rai- 
nolf, qui  devint  l'allié  du  prince  de  Capoue  ".   Nous  voyons  qu'à 

1.  Aimé,  I,  42,  43, 

2.  Cf.  Caméra,  oyj.  cit.,  l.  I,  p.  240. 

3.  En  août  1033,  on  compte  la  troisième  année  de  Serge  III,  Caméra,  op. 
cit.,  t.  I,  p.  241. 

4.  Id.,  op.  cit.,  t.  I,  p.  244. 

5.  Heinemann,  op.  cit.,  p.  351. 

6.  Il  suffit  do  rappeler  le  mariage  de  la  fdle  de  Guiscard  avec  Constantin, 
fils  de  Michel  VII.  Cf.  Chr.  Amalf.,  p.  211  :  di  Meo,  op.  cit.,  t.  VII,  p.  164  ;  de 
Blasiis,  op.  cit.,  t.  I,  122;  Bresslau,  op.  cit.,  t.     II,  p.  302. 

7.  La  trahison  de  Rainolf  est  sans  doute  postérieure  à  octobre  1033,  car  à 
cette  date,  Serge  IV  est  encore  au  pouvoir.  Capasso,  Mo  nu  m. ,  t.  II,  2,  p.  26. 


80  cuAPii'iu;  Il 

ce  moment,  les  incursions  de  Pandolf  sur  les  terres  du  Mont- 
Cassin  sont  plus  fréquentes  que  jamais;  ce  sont  des  terres  enle- 
vées à  l'abbaye  '  qui  sont  employées  à  récompenser  les  Normands 
entrés  au  service   du  prince  de  Capoue. 

La  trahison  de  Raiiiolf  amena,  à  Xaples,  la  retraite  de  Ser^e  IV. 
Aimé  raconte  que  le  duc,  quand  il  connut  l'ingratitude,  dont 
Rainolf  faisait  preuve  à  son  égard,  prit  le  pouvoir  en  dégoût  et 
jse  fit  moine  -'.  Peut-être  l'échec  de  sa  politique,  et  le  démembre- 
ment du  duché,  qui  perdait  le  territoire  d'Aversa,  permirent-ils 
aux  adversaires  de  Serge  IV,  de  lui  imposer  la  retraite.  Peut- 
être  faut-il  aussi  rattacher  à  ces  événements  la  formation  du  duché 
de  Sorrente,  qui  s'affranchit  de  Naples  (1024-1033)  •^. 

L'alliance  de  Pandolf  III  avec  Rainolf  marque  l'apogée  de  la 
puissance  du  prince  de  Capoue.  Allié  également  au  duc  de  Sor- 
rente *  et  au  prince  de  Salerne  %  Pandolf  domine  alors  sans 
conteste  dans  l'Italie  méridionale.  Le  catépan  Bojoannès  a  quitté 
son  commandement  depuis  1027,  et.  à  Byzance,  on  est  revenu  aux 
anciens  errements  ;  nous  voyons,  en  effet,  depuis  lors,  les  caté- 
pans  se  succéder  à  intervalles  très  rapprochés  ;  ces  changements 
continuels  de  personnes  donnent  de  fâcheux  résultats,  et  lin- 
tluence  grecque  paraît  aller  en  diminuant  ''.  Pandolf  se  crut 
alors  tout-puissant  et  commit  la  faute  de  rompre  avec  Guaimar  V 
de  Salerne.  Ce  fut  ce  qui  amena  sa  ruine.  A  Salerne,  en  effet, 
la  situation  avait  changé;  Guaimar  avait  atteint  l'âge  d'homme, 
et  ne  pouvait  voir,  sans  inquiétude,  son  oncle  intervenir  dans  les 
affaires  d'Amalfi  et  de  Sorrente  \  car  il  devait  craindre  que  Pan- 
dolf ne  voulût  également  s'immiscer  dans  celles  de  Salerne. 

Un  incident  amena  la  rupture.  La  belle-sœur  de  Guaimar  était 
la  femme  du  duc  de  Sorrente  ;  chassée  par  celui-ci,  nous  ne  savons 


1.  Léo  Ost.,  II,  oT,  p.  (360. 

2.  Aimé,  I,  43, 

3.  Cf.  Schipa.  op.  cit.,  Arch.  st.  nap.,  l.  XIX,  p.  9,  note  3.  Capasso,  Mem. 
délia  chiesa  di  Sorrento  (Napoli,  1854),  p.  oG. 

4.  Aimé,  II,  3. 
o.  Ihid.,  II,  2. 

6.  Lup.,  Prolospat.,  ad  an.  1029  et  suiv. 

7.  Cf.  Cod.  Cav..  t.  V,  n°  DCCXCIV. 


PANDOLF    m    El'    (iUAlMAK    V  81 

pour  quel  motif,  elle  se  retira  auprès  de  Pandolf  III,  qui  tenta 
de  séduire  sa  fille  K  Tel  fut  le  prétexte  qui,  au  dire  d'Aimé,  causa 
la  brouille  de  Gviaimar  et  de  Pandolf.  D'après  le  même  auteur, 
ces  événements  sont  postérieurs  au  mariage  de  Rainolf,  qu'il 
convient  de  placer  après  103i.  Je  crois  même  que  l'on  peut  les 
reculer  jusqu'à  1036  ;  nous  voyons  à  cette  date  Pandolf  lit 
aller  attaquer  Bénévent  ~,  ce  qu'il  n'eût  pas  fait,  sans  doute, 
s'il  avait  déjà  été  en  g-uerre  avec  Guaimar.  D'autre  part,  tous 
les  ennemis  de  Pandolf  se  groupèrent  autour  de  Guaimar  et 
s'unirent  contre  le  prince  de  Capoue.  A  la  suite  de  cette 
entente,  les  alliés  décidèrent  de  solliciter  l'intervention  des 
deux  empereurs.  Or,  les  moines  du  Mont-Cassin,  chargés  de  se 
rendre  auprès  de  Conrad  II,  le  rencontrèrent  en  Italie;  ils 
partirent  donc  au  plus  tôt  en  1037  -K  Leur  demande  était 
appuyée  par  Guaimar.  De  son  côté,  le  duc  de  Naples  se  rendit 
à  Constantinople  pour  demander  assistance  au  basileus  ^, 

Pendant  que  se  poursuivaient  ces  nég-ociations,  Guaimar  s'effor- 
çait de  détacher  Rainolf  d'Aversa  de  l'alliance  de  Pandolf. 
L'appoint  que  Rainolf  pouvait  apporter,  devait  être  déjà  impor- 
tant, car,  depuis  le  moment  où  Serge  IV  et  Pandolf  se  dispu- 
taient son  alliance,  de  nouveaux  contingents  normands  étaient 
venus  renforcer  sa  bande.  Parmi  les  nouveaux  arrivés  étaient 
les  fils  de  Tancrède  de  Hauteville,  qui  devaient  avoir  en  Italie  une 
si  prodigieuse    fortune. 

Tancrède  était  un  petit  seigneur  de  Normandie  ;  il  possédait  à 
Hauteville-la-Guichard,  près  de  Coutances,  un  fief  de  dix  cheva- 
liers ^.  Nous  savons  qu'il  s'était  marié  deux  fois  ;  de  Muriella, 
sa  première  femme,  il  eut  cinq  fils  :  Guillaume,  Dreux,  Onfroi, 
Geofîroi  et  Sarlon  ;  de  Fressenda,  sa  seconde  femme,  il  eut  Robert 
Guiscard,   Mauger,    Guillaume,   Auvray    (Alvérède),    Tancrède, 


1.  Aimé,  II,  3. 

2.  Annal.  Benev.,  ad  an.   Aimé,  I,  37,  39.  Léo  Ost.,  II,  61. 

3.  Léo  Ost.,  II,   63. 

4.  Aimé,   I,    43.   Capasso,   Mon.,  t.  I,  p.  133.  Cï.  Sch'ipa,  op.  cit.,  Arch.  st. 
napol.,  t.  XIX,  p.  11. 

5.  Malaterra,  I,  40. 

Histoire  de  la  doiniiialioa  norinimle.  —  Ghalanuu.n.  6 


82  ciiAiniuE  11 

Humbert,  Rog-er,  et  plusieurs  filles  •.  Tancrède  ne  pouvait 
fournir  à  ses  enfants  des  apanag-es  suffisants,  aussi  les  aînés  de 
ses  fils  se  décidèrent-ils  à  aller  au  loin  chercher  fortune. 
Guillaume  et  Dreux  firent  partie  de  la  troupe  normande  qui  vint 
en  Italie  après  l'établissement  de  Rainolf  à  Aversa.  Ils  arrivèrent 
•alors  que  le  comte  d'A versa   était  au   service  de  Pandolf  ~. 

Les  tentatives  faites  par  Guaimar  pour  g-agner  Rainolf, 
aboutirent  et  ce  dernier,  passant  au  service  du  prince  de 
Salerne,  commença  à  ravager  les  terres  de  Pandolf -^ 

A  ce  moment,  l'intervention  de  l'empereur  Conrad  acheva  la 
ruine  du  prince  de  Capoue.  Nous  avons  vu  plus  haut  que  l'appui 
des  deux  empires  avait  été  réclamé  par  les  ennemis  de  Pandolf. 
Le  basileus  Michel  IV  ne  répondit  point  à  l'appel  qui  lui  fut 
adressé.  La  puissance  de  Byzance,  en  Italie,  est  en  décadence 
depuis  le  départ  du  catépan  Bojoannès  (1027)  '*.  Son  successeur 
Christophoros  ne  gouverna  que  peu  de  temps,  et  après  lui 
Pothos  vit  recommencer  les  incursions  musulmanes.  La 
situation  intérieure  n'est  pas  tranquille;  les  habitants  d'Obbiano, 
attaqués  en  1027  ',  par  les  Arabes  de  Sicile,  durent  capituler, 


1.  Malaterra,  I,  3-6.  Anonvmus  Vaticanus  Ilist.  Siciila,  clans  Muratori, 
R.I.SS,  t.  VIII,  p.  74:;. 

2.  Malaterra,  I,  (i.  Aimé,  II,  8.  Je  crois  ([ue  Heskel,  Die  fiistoria 
Sicula  des  Anonymus  Vaticanus  und  des  Gaufredus  Malaterra,  Diss.  (Kiel., 
1891),  p.  38,  n.  16,  a  eu  raison  de  dire  quOnfroi  n'est  venu  en  Italie  que 
plus  tard. 

3.  Aimé,  II,  3.  Malat.,  I,  6. 

4.  La  chi'onique  de  Lupus  donne  Tannée  1029;  mais  il  y  a,  à  mon  avis, 
une  erreur  du  copiste.  En  effet,  un  synchronisme  des  événements  est 
fourni  par  la  mort  de  Guaimar  que  nous  savons  être  de  1027  (cf.  p.  74, 
n.  2).  On  peut  objecter  à  cette  correction  qu'il  n'est  pas  possible  que  les 
faits  de  1027  soient  mentionnés,  dans  des  annales,  après  ceux  de  l'année 
1028.  Mais  les  faits  rapportés  à  l'année  1028  doivent  être  placés  en  1025. 
Le  chroniqueur  mentionne,  en  1028,  l'élévation  de  Byzantins  au  siège  archié- 
piscopal de  Bari  ;  or,  nous  savons  que  dès  1025  Byzantins  est  archevêque, 
Cod.  dipl.  Bar.,  1. 1,  p.  23.  Sous  la  même  année.  Lupus  mentionne  l'arrivée 
d'Oreste  en  Italie.  Or,  celui-ci  est  à  identifier  avec  le  personnage  men- 
tionné pas  Skylitzès,  dans  Cédrénus,  II,  479,  comme  étant  mort  en 
décembre  6534,  ind.  IX  =  décembre  1025.  On  voit  donc  que  la  correction 
s'impose  et  que  l'oi'dre  chronologique  n'est  pas  troublé  par  les  modifications 
proposées.  Cf.  Anon.  Bar.,  ad  an.  1025. 

5.  Lup.  Protospat.,  ad  an.  1020,  cf.  note  précédente. 


CONRAD    II    ES    ITALIE  83 

et  ceux  de  Bari  ',  eurent  à  repousser  ég-alement  une  attaque  des 
Musulmans.  Le  catépan  lui-même,  en  1031  subit  une  grande 
défaite  à  Cassano  ".  A  partir  de  1033,  les  Grecs  paraissent  avoir 
song-é  uniquement  à  la  Sicile.  Ces  divers  motifs  expliquent 
l'inaction  de  la  politique  grecque  ;  peut-être  aussi  les  Byzantins 
n'étaient-ils  pas  défavorables  à  Pandolf,  qui  pouvait  susciter  de 
graves  embarras  à  l'empereur  allemand. 

Du  côté  de  l'Allemagne,  l'appel  des  princes  de  l'Italie  du  Sud 
fut  entendu,  et  Conrad  II  arriva  au  printemps  de  1038  '',  après 
avoir  fait  annoncer  sa  venue  k  Guaimar  et  à  Pandolf.  Il  ordonna 
à  ce  dernier  de  restituer  au  Mont-Cassin  les  biens  usurpés,  et 
de  relâcher  tous  ceux  qu'il  détenait  injustement  en  prison.  La 
situation  de  Pandolf  était  délicate,  car  il  n'avait  aucun  allié. 
Le  prince  de  Capoue  envoya  sa  femme  et  son  fils  à  Conrad  pour 
lui  demander  la  paix  ;  il  offrait  trois  cents  livres  d'or  payables 
par  moitié  et  proposait  de  laisser  k  l'empereur  son  fils  et  sa  fille 
en  otage  ^.  Ces  propositions  furent  acceptées;  Pandolf  paya  cent 
cinquante  livres  et  livra  des  otages,  mais  peu  après  son  fils 
s'échappa  •'.  Sur  ces  entrefaites,  Pandolf  changeant  d'idée,  et 
songeant  peut-être  qu'après  le  départ  de  Conrad,  il  pourrait 
toujours  rentrer  en  possession  de  ses  Etats,  refusa  d'exécuter  la 
convention  conclue  et  alla  s'enfermer  dans  son  château  de 
Sant'Agata  ^'.  Aussi,  quand  Conrad,  venant  du  Mont-Cassin. 
arriva  k  Capoue,  il  put  entrer  dans  la  ville  sans  rencontrer  de 
résistance  (mai)  ". 

1.  Lup.  Protospat.,  ad  an.  1029. 

2.  ILid.,  ad  an.  1031. 

3.  Annal.  Altah.,  ad  an.  1038.  Je  crois  que  ion  doit  adopter  la  correction 
proposée  par  Heinemann,  op.  c/7.,  p.  352,  etquil  faut  lire  Tuscia  au  lieu  de 
Troia.  L'empereur  estvenupar  Rome,  Desiderii.,  DiaL,  AA.SS.O.S.B.,  t.  IV^ 
2,  p.  432,  ce  qui  concorde  avec  la  version  conservée  par  le  manuscrit  de 
lAventin.  Cette  opinion  est  corroborée  par  ce  fait  qu'en  juillet  1038  Troia 
est  aux  Grecs.  Di  Meo,  op.  cit.,  t.  VII,  p.  183.  Onne  doit  donc  pas  accepter 
l'opinion  de  Bresslau,   op.  cit.,  t.  II,  p.  306. 

4.  Léo  Ost.,  Il,  63.  Wipo,  Gesta  Chuonradi,  c.  37,  éd.  Bresslau,  dans 
M.G.H.,  in-8°,  p.  43.  Cf.  Bresslau,  Kourad  11,  t.  Il,  p.  307,   note  3. 

5.  Ann.  Altah.,  ad  an. 

6.  Léo  Ost.,  II,  63.  —  Sans  doute,  Sant'  Agata  dei  Gothi,  ch.-l.  de 
circond.,  prov.   de    Bénévent. 

7.  Ann.  Cas.,  M.G.H.SS.,  t.  IX,  p.  308.  Chron.  Casauriense,  Muratori, 
R.I.SS.,  t.  II,  p.  2,  8.50.  Ann.  Cav.,  ad  an.   1038.  M.G.H.SS.,  t.  III,  p.  189. 


8i  CIlAPITRt:    11 

Guaimar  tint  vis-à-vis  de  Conrad  une  conduite  toute  différente 
de  celle  de  Pandolf.  11  semble  que  le  prince  de  Salerne  ait 
voulu  reprendre  le  rôle  de  Pandolf  Tête  de  fer,  et  se  soit  tourné 
complètement  vers  les  Allemands  '.  11  vint  trouver  l'empereur  à 
Capoue,  et  lui  offrit  de  riches  présents.  Grâce  à  des  largesses 
habilement  distribuées,  il  obtint  d'être  proposé,  par  les  gens  de 
Capoue  et  par  les  grands  de  l'empereur,  au  choix  de  ce  dernier 
comme  seigneur  de  Capoue.  11  fut  investi  en  mai  1038  '.  L'empe- 
reur partit  presque   aussitôt   après,  et   par  Bénévent  et  Perano 


1.  Cf.  Schipa,  op.  cit.,  Arch.   st.  nnpoL,  t.    XII,  p.   ."jLj. 

2.  Léo  Ost.,  II,  63.  Aimé,  II,  .5-6.  Ou  a  discuté  sur  la  date  à  laquelle 
Guaimar  aurait  été  investi  de  la  principauté  de  Capoue.  Suivant  Aimé,  II,  6, 
et  Léon  d'Ostie,  11,63,  l'empereur  aurait  investi  Guaimar  pendant  son  séjour  à 
Capoue,  en  mai  1038.  Il  résulte  des  actes  que  l'on  n"a  pas  commencé  à  dater 
des  années  du  règne,  de  Guaimar  ,  avant  août  1038.  C'est  du  moins  l'opinion 
de  Schipa,  op.  cit.,  Arch.  st.  nap.,  t.  XII,  p.  516.  Celui-ci,  pour  résoudre 
la  difficulté,  a  imaginé,  en  se  basant  sur  un  passage  des  Annal.  Hildexh. 
M.G.II.SS.,  t.  III,  p.  101,  qu'il  interprètemal,  un  voyage  de  Conrad  à  Salerne, 
après  son  séjour  à  Bénévent,  en  juin  1038.  De  Blasiis,  op  cit.,  t.  I,  p.  130, 
Bresslau,  op.  cit.,  t.  II,  p.  310,  et  Heinemann,  op.  cit.,  p.  67,  ont  adopté  la  date 
de  mai,  mais  n'ont  pas  vu  la  difficulté  qui  résulte  de  la  non-concordance 
des  chroniques  avec  les  données  fournies  par  les  actes.  Il  convient,  tout 
d'abord,  d'écarter  l'hypothèse  d'un  voyage  de  Conrad  à  Salerne,  après  son 
séjour  à  Bénévent,  car  le  19  juin,  l'empereur  remontant  vers  le  nord  de 
l'Italie,  est  à  Perano,  dans  la  province  de  Chieti,  Stumpf,  op.  cit.,  t.  III, 
p.  721,  n°  517.  Si  maintenant  nous  examinons  de  plus  près  les  actes  datés 
des  années  de  règne  de  Guaimar  comme  prince  de  Salerne,  nous  pouvons, 
je  crois,  résoudre  la  difficulté  d'une  manière  satisfaisante.  Il  est  vrai 
qu'en  juillet  1038,  on  ne  compte  pas  encore  les  années  de  règne  de  Guaimar 
comme  prince  de  Capoue,  Cod.  Cav.,  t.  VI,  p.  80,  et  qu'en  août  1039,  on 
compte  encore  la  première  année  de  son  règne,  ihid.,  p.  108;  mais  on  voit 
également  qu'en  septembre  1041,  on  compte  la  troisième  année  de  Guaimar 
comme  prince  de  Capoue,  au  lieu  de  la  quatrième  qu'il  faudrait  si  la 
théorie  de  Schipa  était  vraie,  Cod.  Cav.,  t.  V,  p.  165,  n°  CMLXXXI.  Dans 
un  acte  de  septembre  de  la  même  année,  Cod.  Cav.,  t.  V,  p.  166, 
n°  CMLXXXII,  on  compte  la  quatrième  année.  De  même  dans  les  actes 
MV  et  MVI.  On  voit  donc  que  la  date  des  années  du  règne  de  Guaimar, 
comme  prince  de  Capoue,  change  en  septembre.  Faut-il  donc  conclure 
de  là  que  l'investiture  de  Guaimar  n'a  eu  lieu  qu'en  septembre  ?  Ce  serait 
une  erreur  absolue,  car  alors  Conrad  n'est  plus  dans  l'Italie  du  Sud.  Mais 
si  l'on  remarque  que  les  années  de  Guaimar  comme  prince  de  Salerne 
ont  été  comptées  à  partir  de  septembre  (Di  Meo,  Apparato  chronologico, 
p.  420)  on  est  amené  à  cette  conclusion  que,  pour  simplifier  les  calculs, 
on  a  pris,  pour  compter  les  années  de  Guaimar,  comme  prince  de  Capoue, 


CONRAD    II    EN    ITALIE  8o 

resrajjfna    rAllemai^'ne.    Il    est  curieux   de   constater   combien  la 

Do  o 

politique  allemande  en  Italie  est  demeurée  traditionnelle.  Con- 
rad II,  en  réuniss:int  les  principautés  de  Gapoue  et  de  Salerne 
n'a  fait  que  revenir  à  la  politique  qu'Othon  avait  suivie  vis-k-vis 
de  Pandolf  Tête  de  fer.  La  situation  politique  n'a  changé  que 
du  côté  de  l'Apulie  et  de  la  Calabre,  qui  ne  sont  plus  revendi- 
quées par  l'empereur  allemand. 

Aimé'  raconte  que,  pendant  son  séjour  à  Capoue,  Conrad,  à  la 
demande  de  Guaimar,  investit,  par  la  lance  et  le  gonfanon,  Rai- 
nolf  du  comté  d'Aversa.  Aucune  autre  source,  sauf  Léond'Ostie 
qui  copie  Aimé,  ne  parle  de  ce  fait.  Le  biog-raphe  de  Conrad  II 
se  borne  à  dire  que  l'empereur  fit  cesser  les  divisions  entre  les 
Normands  et  les  gens  du  pays"-.  Or  après  l'investiture  de  Conrad, 
Rainolf  d'Aversa  resta  vassal  de  Guaimar'^.  Nous  savons,  en 
effet,  qu'en  mars  i0i3  et  en  mars  lOii,  on  datait  à  Aversa  des 
années  de  règne  de  Guaimar  et  non  de  celles  de  Rainolf*.  Celui- 
ci  n'est  donc  pas  devenu  le  vassal  immédiat  de  l'empereur.  Je 
crois  qu'il  faut  interpréter  le  récit  d'Aimé  de  la  manière 
suivante:  Aversa  avait  été  donné  à  Rainolf  par  le  duc  de  Naples 
et  en  droit  continuait  à  relever  de  Naples.  Ne  peut-on  admettre 
que  Guaimar  ait  demandé  à  l'empereur  de  régulariser  la  situation 
de  fait  qui  s'était  produite,  et  que  Conrad  ait  rattaché  le  fief 
d'Aversa  à  la  principauté  de  Salerne? 

Il  semble  que  Conrad  dut  autoriser  Guaimar  à  s'étendre  aux 
dépens  des  princes  lombards  qui  lui  étaient  hostiles.  Le  parti 
allemand  aj-ant  Guaimar  à  sa  tête,  comprend  alors  l'abbé  du 
Mont-Cassin,    le    comte  de  Teano,  Landolf%    et   sans  doute  les 


le  mt'me  point  de  départ  ([ue  pour  compter  les  années  de  son  règne 
comme  prince  de  Salerne.  Ainsi  tout  s'explique  naturellement  sans  avoir 
besoin  de  recourir  à  l'hypothèse  compliquée  et  impossible  d'un  voyag-e  de 
Conrad  à  Salerne,  en  août  1038. 

1.  Aimé,  II,  6. 

2.  M.G.II.SS.,  t.  XI,  p.  273. 

3.  Aimé,  II,  7  et  31. 

4.  Di  Meo,  op.    cit.,  t.  VII,  pp.  243  et  2o2.  Cf.    Breslau,   op.   cit.,  t.    II, 
p.   311,  note  1. 

o.  Léo  Ost.,  II,  C7.  Di  Meo,  op.  cit.,  t.   VII,  p.  217. 


86 


CHAPITRE    H 


seigneurs  de  Sora  '  ;  au  contraire,  les  comtes  d'Aquino  et  de 
Sexto  tiennent  toujours  pour  Pandolf.  L'année  1038  fut  en  partie 
remplie  par  diverses  campagnes  qui  toutes  avaient  pour  but 
d'enlever  ses  possessions  à  Pandolf.  Notons  l'expédition  dirigée 
par  Guaimar  contre  Rocca  Vaudra,  qui  fut,  le  13  août,  remise 
à  l'abbé  du  Mont-Cassin  "^.  Vers  la  même  époque,  Rainolf 
et  les  Normands  furent  envoyés  rétablir  l'ordre  dans  la  vallée  du 
Sangroqui  était  pillée  parles  fils  de  Borrel,  partisans  de  Pandolf '^. 
Ces  insuccès  répétés  rendirent  difficile  la  situation  du  prince  de 
Gapoue  qui  se  décida  à  gagner  Gonstantinople,  où  il  fut  retenu 
prisonnier  à  la  demande  de  Guaimar,  Le  basileus,  occupé  alors 
à  préparer  une  grande  expédition  contre  la  Sicile  avait  besoin  du 
concours  de  Guaimar  qui,  à  ce  moment,  lui  fournissait  des 
troupes  '  ;  c'est  là  ce  qui  explique  sa  conduite  envers  son  ancien 
allié. 

Le  départ  de  Pandolf  permit  à  Guaimar  de  laisser  l'abbé  du 
Mont-Gassin  et  le  comte  de  Teano  tenir  en  respect  les  partisans  du 
prince  de  Gapoue,  dans  les  vallées  duVulturne  et  du  Garigliano'', 
et  d'entreprendre  d'autres  conquêtes.  En  avril  1039,  Guaimar 
occupa  Amalfi '\  dont  il  chassa  le  duc  Manso,  qui  lui-même 
avait  expulsé  Jean.  Entre  le  mois  de  juillet  et  le  mois 
d'août  de  la  même  année,  le  prince  de  Salerne,  avec  l'aide  des 
Normands",  s'empara  de  Sorrente  et  y  établit  comme  duc'^, 
son    frère,    Gui    de    Conza''^.    Vers  le    Nord,    les  conquêtes   de 

■  1.  Chr.  Viilt.,  Muratori,  R.I,SS.,  t.  I,  2,  p.  509. 

2.  Léo  Ost.,  II,  68.  Cf.  di  Meo,  op.  cit.,  t.  VII,  p.  201. 

3.  En  septembre  1026,  nous  trouvons  Oderisio  Borrel,  comte  de  Sangro, 
Gattola,  Mis.,  t.  I,  pp.  236  et  238  ;  il  est  probablement  le  père  d"Oderisio  cl 
de  Borrel  que  nous  trouvons  en  i069,  op.  cit.,  p.  2il,  et /(/. ,  .Icc,  t.  I,  p.  179. 
D'autre  part,  nous  connaissons  un  certain  Adelmar,  comte  des  Loml^ards, 
surnommé  Borrel,  qui  est  mentionné  en  septembre  1033.  Cf.  Gattola,  Ace, 
t.   I,  p.  123,  et  di  Meo,  Apparato  c/ironologico,  p.  420. 

4.  Aimé,  II,  12.  Cf.  infra,  p.  91. 

5.  Cf.  Schipa,  op.  cit.,AiTJi.st.  nap.,  t.  XII,  p.  ol9. 

6.  Aimé,  II,  7;  LeoOst.,  II,  63;  Chr.  Amalf.,XlX,  p.  211;  Cf.  Cod.  Cav., 
t.  VI,  p.  96  et  p.  98. 

7.  Cod.  Cav.,  t.  VI,  pp.  107-108. 

8.  LeoOst.,  II,  63,  672. 

9.  Aimé,  II,  7;  Léo  Ost.,  II,  63;  Cod.  Cav.,  t.  VI,  pp.  96,98,  127,  131, 
152;  di  Meo,  op.  cit.,  t.  VII,  p.  299;  Schipa,  op.  cit.,  p.  520,  note  1.  Cf. 
Archives  de  la  Cava  D.  9,  et  C.  29,  deux  actes  d'octobre  1091 
et  janvier  1096,  par  lesquels  Guaimar  fait  des  donations  pour  l'âme  de  son 
père,  Gui,  duc  de  Sorrente,  fils  de  Guaimar,  prince  de  Salerne. 


GUAIMAH    V    ET    RAINOLF    d'aVERSA  87 

Guaimar  ont  été  ég-alement  importantes.  Ses  états  s'étendent 
jusques  vers  Comino  ^;  Aquino  le  reconnaît;  nous  savons,  qu'en 
mai  1039,  il  possédait  Traetto -,  et,  en  juin  1040,  Gaëte  ■'.  De 
même  Venafro  '•,  en  octobre  1040,  et  un  peu  plus  tard  Ponte- 
corvo  et  Sora  •'  lui  obéissent  ''. 

Nous  ne  savons  pas  comment  la  plus  importante  de  ces  villes, 
Gaëte,  tomba  aux  mains  de  Guaimar.  Il  semble  d'ailleurs  que  la 
domination  du  prince  de  Salerne  y  ait  été  éphémère,  car,  en 
octobre  lOil  ^,  son  nom  n'est  plus  mentionné  dans  les  actes  et, 
en  août  1042  '^,  on  voit  réapparaître  comme  consul  et  duc,  Léon, 
fils  de  Docibilis.  Comme  d'autre  part,  en  décembre  de  l'année 
1042  '■',  on  compte  la  deuxième  année  de  Rainolf,  il  me  paraît 
probable  que  Guaimar  n'ait  resté  que  peu  de  temps  en  posses- 
sion de  la  ville.  Peut-être  en  fut-il  chasse  par  un  mouvement 
populaire,  et,  à  la  suite  de  celui-ci,  a-t-il  concédé  Gaëte  à  Rainolf, 
qui  ne  s'en  serait  emparé  qu'après  août  1042. 

Son  alliance  avec  Guaimar  a  donc  permis  à  Rainolf  d'accroître 
son  domaine  ;  en  même  temps,  l'appui  des  Normands  a  rendu 
Guaimar  le  plus  puissant  des  princes  de  l'Italie  du  Sud.  Bien 
que  des  difficultés  paraissent  s'être  élevées  un  moment  entre 
Guaimar  et  l'abbé  du  Mont-Cassin^*^,  en  1040,  le  prince  de  Salerne 
est  en  bons  termes  avec  l'abbaye,  à  laquelle  il  fait  en  juin  une 
donation  importante'^.  C'est  à  ce  moment  que  le  retour  des  Nor- 
mands de  Sicile  vint  ouvrir  à  son  ambition  de  nouvelles  perspec- 
tives; mais  il  faut  ici  remonter  un  peu  en  arrière. 


1.  Gattola,  Hisl.,  t.   I,   pp.  328-329. 

2.  Cod.   Caiet.,  t.  I,  p.  346.  Aquino,  ciicond.  de  Sora,  prov.    de  Caserte 
Traetto,  circond.  de  Gaëte,  prov.  de  Caserte. 

3.  Ihid.,   p.  340. 

4.  Gattola, //{'sL,  1. 1,  p.  213.   Venafro,  circond.  d'Isernia,  prov.  de  Campo- 
basso. 

5.  Ibid.,  p.   266.  —  Pontecorvo,    circond.  de  Sora,  prov.  de  Caserte. 

6.  Muratori,  R.I.SS.,  t.  II,  2,  p.    509. 

7.  Cod.  Caiet.,  t.  I,  p.  341. 

8.  Ihld.,  pp.  3oO  et    351. 

9.  Ibid.,  p.  353.  Sur  Gaëte,  cf.  P.  Fedele,  //  ducafo  di  Gaeta  alVinizio  délia 
conquisia  nornianna,  dans  Arch.  st.  nap.,  t.  XXIX,  p.  50  et  suiv. 

10.  Cf.  Schipa,  o/<.  cit.,  p.  521. 

11.  Gattola,  Accès.,  t.  I,  pp.  140-142. 


CHAPITRE  III 

EXPÉDITION  DES  BYZANTINS  EN  SICILE.  SOULÈVEMENT  DE  LA  FOUILLE. 
PART  PRISE  A  LA  RÉVOLTE  PAR  LES  NORMANDS.  LEUR  ÉTARLISSE- 
MENT    EN    POUILLE. 

(1033-1046) 

A  partir  du  moment  où  ils  eurent  repris  possession  de  l'Ita- 
lie du  Sud,  les  Byzantins  cherchèrent  à  chasser  les  Musulmans 
de  la  Sicile.  L'île  était,  en  efîet,  devenue  le  point  de  départ  de 
toutes  les  croisières  des  flottes  musulmanes,  cpii  allaient  tour  à 
tour  attaquer  les  côtes  d'Italie  et  dillyrie.  A  cause  même  de  leur 
situation,  les  possessions  byzantines  de  l'Italie  étaient  particu- 
lièrement exposées,  et  les  bandes  musulmanes  avaient  été  de 
puissants  auxiliaires  pour  les  rebelles  d'Apulie.  Aussi  l'expulsion 
des  Musulmans  de  Sicile  était-elle  devenue  une  nécessité  pour 
le  gouvernement  grec.  Nous  avons  vu  comment  avait  échoué 
l'expédition  envoyée  par  Xicéphore  Phocas,  en  964'.  Après  la 
pacification  de  la  Pouille,  Basile  II  résolut  d'entreprendre  à  nou- 
veau la  guerre  contre  les  Musulmans  de  Sicile  -.  Libre  du  côté 
des  Bulgares,  l'empereur  lit  réunir  une  puissante  armée  compo- 
sée de  Varangiens,  de  Bulgares,  de  Valaques,  de  Turks,  et 
aussi  des  contingents  du  thème  de  Macédoine.  Conduites  par 
l'eunuque  Oreste,  ces  troupes  débarquèrent  en  Italie,  au  mois 
d'avril  de  l'année  1025.  Le  catépan  Bojoannès  avait  fait  res- 
taurer la  forte  place  de  Reggio  et  avait  même  occupé  Messine. 
Toutes  les  garnisons  musulmanes  de  la  Calabre  avaient  été 
chassées.  On  n'attendait  plus  pour  entrer  en  campagne  que  l'arri- 
vée du  basileus,  que  la  mort  vint  surprendre  au  moment 
où  il  se  préparait  à  partir-^.   Abandonné   à  lui-même,  Oreste  ne 

1.  Cf.  p.  6. 

2.  Cf.  Schlumbergor,  L'épopée  byzantine.  Basile  II  le  lueur  de  Bulgares, 
p.  598. 

^.  Skylitzès,  dans  Cédrénus.,  t.  p.  II,  470.  Lujjus  Protospat.,  ad  an. 
1028.  Ibn-el-Athir,  ds.  Amari,  B.A.S.,  t.  I,  p.  440.  Cf.  Schlumberger, 
op.  cit.,  p.  "j9S  et  suiv.,  et  supra,  p.  82,  note  4. 


EXPÉDITION    DES    BYZANTINS    EN    SICILE  89 

sut  que  se  faire  battre,  malgré  les  renforts  qui  lui  furent  envoyés. 

Sous  les  règnes  de  Constantin  VIII  et  de  Romain  III,  ces  grands 
projets  de  délivrance  de  la  Sicile  furent  abandonnés.  Bojoannès 
fut  rappelé  à  Gonstantinople,  (1027),  et  ses  successeurs  ne 
surent  pas  se  montrer  à  la  hauteur  de  leur  tâche.  Profitant  de  la 
faiblesse  de  l'empire,  les  Musulmans  reprirent  la  guerre  avec 
plus  de  violence  que  jamais  :  en  juin  1031 ,  ils  occupaient  Cassano  ; 
au  mois  de  juillet  de  la  même  année,  ils  infligèrent  une  grave 
défaite  au  catépan  Pothos'.  Devenant  plus  hardis,  à  mesure 
qu'ils  se  croyaient  plus  assurés  de  l'impunité,  ils  étendirent  de 
plus  en  plus  loin  le  rayon  de  leurs  expéditions,  et,  durant  les 
années  1031  et  1032,  ils  poursuivirent  sans  interruption  leurs 
croisières  contre  les  côtes  greccpies  et  livrèrent  plusieurs  batailles 
au  patrice  Nicéphore,  gouverneur  de  Nauplie  ~.  En  1035, 
ils  parvinrent  jusqu'aux  côtes  de  la  Thrace  ■'. 

L'eunuque  Jean,  qui  gouvernait  pour  Michel  IV,  fut  ainsi 
amené  à  reprendre  contre  eux  les  projets  de  Phocas  et  de  Basile  II. 
Les  divisions  qui  se  produisirent  vers  cette  époque  entre  les 
Musulmans,  ^fournirent  aux  Byzantins  de  grandes  facilités  pour 
intervenir  en  Sicile.  Amed,  surnommé  Al  Akhal,  avait  chassé,  en 
1019,  Djafar,  qui  était  émir  de  Sicile  depuis  998  '*.  Sous  le  règne 
d'Amed,  de  graves  dissentiments  s'élevèrent  entre  les  Musul- 
mans d'origine  sicilienne,  et  ceux  de  leurs  coreligionnaires  qui, 
à  diverses  reprises,  étaient  venus  d'Afrique.  Al-Akhal  fut  amené 
à  favoriser  le  parti  africain,  tandis  que  son  frère  Abou  Hafs  se 
mettait  à  la  tête  du  parti  sicilien^.  Abou  Hafs  fît  demander  à 
Moezz  ibn  Badis,  khalife  zirite  de  Kairouan,  de  l'appuyer,  mena- 
çant, en  cas  de  refus,  de  livrer  l'île  aux  Grecs.  Il  reçut  un 
secours  de  trois  mille  hommes,  commandés  par  Abd  Allah,  fils 
du  khalife  (427  de  l'égire  =  5  novembre  1035-24  octobre  1036)  ''. 


1.  Lupus  Protospat.,  ad  an.  —  Cassano,  circond.  de  Castrovillari,  pi'ov. 
de  Cosenza. 

2.  Skylitzès,  dans  Cédrénus,  t.   II,  p.  499  et  suiv. 

3.  Ibid.,U,  513. 

4.  Cf.  Amari,  Storia  clei  Musulmani,  t.  II,  p.  354  et  suiv. 

5.  Cf.  Amari,  op.  cit.,  t.  II,  p.  369  et  suiv. 
0.  Ibn-el-Athir,  B.A.S.,    t.   I,  p.  144. 


90 


CHAPITRE    III 


Mais  déjà,  à  ce  moment,  Al  Akhal,  voyant  grandir  contre  lui 
l'opposition,  avait  entamé  des  nég-ociations  avec  Byzance.  Nous 
savons  qu'au  mois  de  mai  de  Tannée  1035,  un  ambassadeur 
byzantin,  Georg-es  Probata,  était  venu  en  Sicile  et  avait  conclu 
un  traité  d'alliance  avec  Al  Akhal,  qui  reçut  le  titre  de  [j.i^n.'^zpoq, 
et  donna  son  fils  en  otage  '. 

(^uand  l'armée  de  secours  commandée  par  Abd  Allah  arriva, 
Al  Akhal  s'adressa  à  Léon  Opos,  catépan  d'Italie,  depuis  le 
mois  de  mai  1033  -,  et  lui  demanda  assistance  'K  Un  corps  de 
troupes  g-recques,  sous  le  commandement  du  catépan,  passa  en 
Sicile,  mais  il  dut  bientôt  repasser  le  détroit  du  Faro.  A  en 
croire  la  chronique  de  Skylitzès,  Opos  serait  revenu,  lorsqu'il 
aurait  eu  connaissance  de  nég'ociations  eng^agées  entre  Al  Akhal 
et  son  frère  Abou  Ilafs.  La  courte  expédition  des  Byzantins  leur 
aurait  permis  de  ramener  quinze  mille  chrétiens  qu'ils  am-aient 
délivrés.  Ces  chiffres  me  paraissent  fort  exagérés.  Abandonné  par 
ses  alliés,  Al  Akhal  continua  la  guerre  civile,  mais  il  fut  fait  pri- 
sonnier et  assassiné,  au  moment  où  quelques-uns  des  partisans  de 
son  frère  song-eaient  à  le  délivrer  ^. 

C'est,  sur  ces  entrefaites,  que  l'armée  byzantine  arriva.  L'eu- 
nuque Jean  confia  le  commandement  de  la  flotte  à  son  beau-frère 
Etienne,  et  mita  la  tête  de  l'armée  Georg-es  Maniakès,  qui  s'était 
illustré  dans  les  guerres  de  Syrie.  L'armée,  outre  les  troupes 
auxiliaires  composées  de  Russes  et  de  Varangues  •',  parmi  lesquels 
étaient  le  célèbre  Harald,  plus  tard  roi  de  Norvège  '',  comprenait 
des  contingents  italiens  fournis  par  le  thème  de  Longobardie  et 
placés  sous  le  commandement  du  patrice  Michel  Sfrondelès.  La 
levée  des  milices  italiennes  paraît  avoir  excité  chez  les  habitants 

1.  Skylitzès,  dans  Cédrénus,  II,  513. 

2.  Lupus  Prolospat.,  ad  an.  Il  faut,  sans  doute  identifier  le  stratège 
Léon  Opos,  avec  le  catépan  Constantin  Opos.  Cf.  Skylitzès,  dans  Cédrénus, 
t.  H,  p.  "»03,  et  Trinchera,  op.  cit.,  p.  32. 

3.  Skylitzès  dans  Cédrénus,  II,  .^Ki-olT.  Cf.  Vila  sanrd  Pliilnrrti,  \.A.SS>., 
avril,  t.  I,   p.  ôO.j. 

4.  Ibn-el-Âlhir,  B.A.S.  t.  I,  p.  W.\.  lbn-Khaldoun,B.A.S.,  t.  II,  p.  200,  ([ui 
fait  erreur  sur  la  date.  Ahoulfeda,  B.A.S.,  l.  II,  p.  97.  Vila  sancli  Philareti, 
ds  AA.SS.,  avril,  t.  I,  p.  (iO.>.  Cf.   Amari,  np.  ci/.,   L  II,  p.  378. 

.').  Ann.  Bar.,  ad  an.  1041. 

0.   Cf.  Cecaunieni  Strategicon,  p.  97. 


EXPÉDITIOIS    DES    BYZANTINS    EN    SICILE  91 

de  l'Italie  du  Sud  un  grand  mécontentement^.  L'empire  fit  aussi 
appel  à  ses  vassaux  italiens,  et  nous  savons  que  Guaimar  fournit 
trois  cents  chevaliers  normands  '-.  Aimédit  que  la:  «  poteste  impé- 
rial se  humilia  a  proier  l'aide  de  Guaimere  ».  Guaimar  avait 
besoin  de  l'empereur,  qui  avait  en  son  pouvoir  Pandolf  III  ;  il 
n'osa  refuser  le  service  dont  il  fut  requis.  Il  est  probable  que  le 
prince  de  Salerne  ne  fut  pas  fâché  de  se  débarrasser  ainsi  d'une 
partie  des  aventuriers  normands  qu'il  avait  à  sa  solde.  Il  faut, 
en  elîet,  disting-uer  entre  les  Normands,  qui,  comme  Rainolf 
d'Aversa,  ont  alors  réussi  à  s'établir,  et  les  aventuriers  qui, 
venus  au  bruit  des  succès  de  leurs  compatriotes,  continuaient  à 
vivre  en  pillards  au  grand  mécontentement  de  la  population 
indigène -^ 

Le  corps  fourni  par  Guaimar  comprenait  trois  cents  hommes, 
parmi  lesquels  étaient  Guillaume  Bras  de  fer  et  Dreux  ;  il  était 
commandé  par  un  Italien  du  nom  d'Ardouin^.  Les  chroniqueurs 
ont  exag'éré  le  rôle  joué  par  les  Normands  dans  cette  campagne  ^  ; 
ils  ont  voulu  en  faire  des  champions  de  la  foi,  brûlant  du  désir 
de  combattre  les  infidèles,  alors  que  tout  ce  que  nous  savons 
par  ailleurs,  contredit  cette  opinion.  De  même,  le  rôle  particu- 
lier des  fils  de  Tancrède  a  été  très  exagéré;  à  en  croire  les  chro- 
niques, ils  auraient  été  les  commandants  de  la  troupe  formée  par 
Guaimar,  tandis  que  tous  les  faits  connus  montrent  clairement 
que  le  chef  principal  est  Ardouin.  Pour  toute  la  campagne, 
nous  nous  heurtons  aux  mêmes  difficultés.  Les  détails 
les  plus  circonstanciés  nous  sont  fournis  par  les  sources  nor- 
mandes, qui  parlent  à  peine  de  l'armée  grecque,  mais  exaltent 
les  héros  normands.  On  omet   toutes   les  batailles  importantes. 


1.  G.  Ap.,  I,  200  ;  Aimé,  II,  8  ;  Lup.  Protospat.,  ad  an.  1040. 

2.  Skylitzès,  dans  Cédréims,  II,  a4'j  ;   Aimé,   II,  8. 

3.  Malaterra,  I,  6. 

4.  .\imé,  II,  8;  Malaterra,  I,  7  ;  Skylitzès,  dans  Cédrénus,  II,  ^)4o,  qui 
porte  le  contingent  à  cinq  cents  hommes.  Heskel,  Die  Ilistoria  Sicula  des 
Annnyinus  Vaticanus  und  des  Gaufredus  Malaterra,  p.  38  n.  16,  a  montré 
que  très  probablement  OnlVoi  ne  fit  pas  partie  de  l'expédition.  Cf.  infra, 
p.  106. 

:>.   Aimé,  II,  8;  Anon.  Vatic,  dans  Muratori,  R.I.SS.,  t.  VIII,  pp.  74o-747. 


92 


CHAPITRE    III 


pour  ne  parler  que  des  combats  particuliers,  où  tel  ou  tel  héros 
a  eu  1  occasion  de  montrer  sa  valeur.  Nous  sommes  en  présence 
de  récits,  qui  tiennent  bien  plus  de  l'épopée  que  de  l'histoire  ; 
aussi  est-il  curieux  de  rapprocher  les  sources  normandes  des 
Sagas,  qui,  pour  la  même  campagne,  nous  ont  conservé  le  sou- 
venir des  hauts  faits  de  Harald.  Dans  les  unes  comme  dans  les 
autres,  nous  constatons  une  tendance  analogue  à  subordonner 
les  événements  principaux,  aux  faits  et  gestes  particuliers  de 
chacun  des  héros,  dont  on  raconte  l'histoire  ;  et  il  n'y  a  pas 
grande  différence  entre  la  manière  dont  les  Sagas  racontent  les 
campagnes  du  héros  Scandinave,  et  celle  dont  Aimé  ou  Mala- 
terra  rapportent  les  faits  et  gestes  de  Guillaume  Bras  de  fer  et  de 
ses  compagnons.il  est  presque  impossible  de  tirer  de  ces  sources 
quelques  renseignements  historiques. 

Avant  le  mois  de  septembre  1038,  l'armée  byzantine  traver- 
sait le  détroit  du  Faro  et  venait  mettre  le  siège  devant  Messine, 
dont  la  prise  ne  paraît  pas  avoir  offert  de  sérieuses  diffi- 
cultés. Messine,  d  ailleurs,  ne  présentait  pas  une  importance 
capitale  ;  dans  toutes  les  guerres  de  Sicile,  à  cette  époque,  le 
point  stratégique  le  plus  important  a  toujours  été  la  forte  place 
de  Rametta,  qui  commande  la  route  conduisant  par  le  littoral 
nord  de  Messine  à  Palerme.  La  constitution  orographiqae  du 
pays  oblige,  presque  nécessairement,  une  armée  envahissante  à 
passer  par  Rametta,  car  au  sud  de  Messine,  la  côte  est  comman- 
dée par  les  hautes  montagnes  qui  bordent  le  littoral.  Les  sources 
normandes  ne  disent  pas  un  mot  de  la  bataille  qui  eut  lieu  sous 
Rametta.  Seul,  Skylitzès  mentionne  la  victoire  des  Grecs  qui 
fut  payée  chèrement  '.  Pour  le  reste,  jusqu'à  l'année  1040,  nous 
ne  savons  rien  si  ce  n'est  que  Maniakès,  réussit  à  occuper  treize 
châteaux  '-.  La  nature  montagneuse  du  pays  explique  en  partie 
la  lenteur  des  opérations,  mais  il  est  néanmoins  certain  que 
beaucoup  de  faits  nous  échappent. 

En  1040,  on  retrouve  l'armée  grecque  devant  Syracuse.  Skyli- 
tzès raconte,  qu'à  ce  moment,  Maniakès  avait  occupé  toute  l'île '^ 

1.  Skylitzès,  dans  Cédrénus,  II,  ."i^O. 

2.  Malalerra,  I,  7. 

3.  Loc.  cit. 


EXPÉDITION    DES    lîYZANTINS    EN    SICILE  93 

Il  y  a  certainement  là  une  erreur,  car  nous  voyons,  après  cette 
date,  la  résistance  continuer  dans  toute  la  partie  occidentale  de 
l'île  ;  Maniakès  devait  à  peine  être  maître  de  la  partie  orien- 
tale. Tout  ce  que  nous  savons  du  siège  de  Syracuse  a  rapport 
aux  Normands,  ce  sont  eux  qui  sont  les  héros  de  toutes  les 
batailles,  et  les  sources  s'étendent  longuement  sur  les  combats 
particuliers  que  Guillaume  Bras  de  fer  aurait  livré  à  un  émir 
célèbre  par  sa  valeur  * . 

Tandis  que  l'armée  grecque  assiégeait  Syracuse,  Abd  Allah, 
ayant  rassemblé  de  nouvelles  troupes  dans  la  région  montagneuse 
de  l'intérieur,  essaya  de  prendre  à  revers  l'armée  de  Maniakès.  Les 
sources  ne  disent  pas  clairement  si  Syracuse  était  prise  à  ce 
moment,  mais  il  faut  ici,  tenir  compte  je  crois,  de  VAnonymus 
Vaticanus  -,  qui  place  ces  faits  avant  la  prise  de  la  ville. 

Contournant  les  pentes  occidentales  de  l'Etna,  l'armée  de  Mania- 
kès, rencontra  l'ennemi  à  peu  près  à  mi-chemin  entre  Randazzo 
et  Troïna  •^.  Maniakès,  prévoyant  sans  doute  que  l'ennemi 
chercherait  à  gagner  la  côte,  avait  envoyé  ses  vaisseaux, 
croiser,  à  la  hauteur  de  Taormine  et  peut-être  aussi  de  Cefalu. 
Le  commandant  grec  remporta  une  victoire  complète  '*.  Suivant 
Malaterra,  les  Normands  seraient  tombés  sur  Tennemi,  avant  le 
gros  de  l'armée  grecque,  et  auraient  à  eux  seuls  mis  en  fuite  les 
Musulmans.  Les  Grecs  ne  seraient  arrivés  que  pour  s'emparer  du 
butin,  au  détriment  des  Normands.  La  victoire  de  Troïna  fut  un 
succès  important,  car  elle  pouvait  amener  l'occupation  de  l'in- 
térieur de  l'île.  La  prise  de  Syracuse,  qui  avait  perdu  tout  espoir 
d'être  secourue,  en  fut  la  première  conséquence  ;  mais,  au  moment 
où  la  campagne  se  présentait  sous  d'heureux  auspices,  les  divi- 
sions des  Byzantins  vinrent  compromettre  le  résultat  final.  Voici 
ce  que   racontent  les  sources.   Le  chef  des  Normands,  à  la  suite 


1.  Aimé,  II,  8-9,  Malaterra,  I,  7. 

2.  Anon.  Vatic,  dans  Muratori,    R.I.SS.,  l.  VIII,  p.  748. 

3.  Skylitzès,  dans  Cédrénus,  II,  522.  Malaterra,  I,  7.  Cf.  Edrisi,  B.A.S., 
t.  I,  p.  ilo.  —  Randazzo,  circond.  d'Acireale.,  prov.  deCatane.  Troïna,  cir- 
cond.  de    Nicosia,    prov.   de  Catane. 

4.  Peut-être  furent-ils  aidés  des  Musulmans,  An  Nowairi,  B.A.S.,  t.  I, 
p.  141. 


94  CHAPITRE    III 

d"un  combat  livré  aux  Musulmans,  s'était  emparé  d'un  cheval 
que  le  commandant  de  l'armée  grecque  lui  fît  réclamer  ;  sur  son 
refus  de  le  livrer,  il  fut,  par  ordre  du  général,  battu  de  verges.  A 
la  suite  de  cette  injure,  les  Normands  auraient  décidé  d'aban- 
donner l'armée  grecque,  et  de  regagner  l'Italie  ;  munis  d'un 
permis  de  passer  le  détroit,  obtenu  par  ruse,  ils  auraient  réussi  à 
mettre  leur  projet  à  exécution  '. 

Tel  est  le  récit  auquel  on  a  peut-être  trop  ajouté  foi.  A  mon 
avis,  il  faut  le  modifier  sur  beaucoup  de  points.  Le  récit  de  Sky- 
litzès  est,  en  efïet.  bien  différent  "'  ;  d'après  cet  auteur,  Maniakès 
aurait  refusé  de  payer  aux  Normands  leur  solde  mensuelle,  et,  à 
la  suite  des  représentations  d'Ardouin,  aurait  fait  battre  de  verges 
ce  dernier.  Malaterra  fait  également  allusion  au  mécontentement 
des  Normands,  à  propos  de  la  manière  dont  fut  réparti  le  butin. 
Nous  savons  par  ailleurs,  que  des  difficultés  s'élevèrent  égale- 
ment entre  Maniakès  ',  et  les  auxiliaires  Scandinaves  qui  par- 
tirent avec  les  soldats  latins.  11  me  semble,  que  l'on  peut  con- 
clure de  tout  cela  que,  à  la  suite  de  difficultés  pécuniaires,  un 
mécontentement  général  s'éleva  parmi  les  troupes  auxiliaires. 
Peut-être  Maniakès  manquait-il  d'argent,  peut-être  aussi,  croyant 
n'avoir  plus  besoin  des  troupes  normandes  et  Scandinaves 
trahit-il  volontairement  ses  engagements.  Les  chroniqueurs  ont 
gardé  un  souvenir  assez  confus  de  ces  difficultés,  et,  d'un  épisode 
particulier,  ont  fait  le  motif  déterminant  de  la  brouille  survenue 
entre  le  commandant  grec  et  les  meixenaires. 

Les  Normands  et  les  Scandinaves  partirent  ensemble  ;  il  semble 
que  leur  départ  n'ait  pas  influé  beaucoup  sur  la  suite  de  la  cam- 
pagne, qui,  d'ailleurs,  fut  arrêtée  bientôt,  à  cause  des  divisions 
qui  s'élevèrent  entre  les  chefs  des  Byzantins.  A  la  suite  de  la 
bataille  de  Troina,  Maniakès  s'était  emporté  contre  le  com- 
mandant de  la  flotte,  Etienne,  et  l'avait  battu  pour  le  punir 
d'avoir  laissé  échapper  le    chef  des  Musulmans  '*.   Pour  se  ven- 

1.  Aimé,  II,  14.  G.  Ap.,  I,  206  et  suiv.  Malaterra,  I,  8. 

2.  Skylitzès,  dans  Cédréniis,  II,  .545. 

3.  Snorr  Sturleson,  Heimskringla,  éd.  Schœning,  3  vol.  in-fol.  (Ilauniae, 
1777-1783),  t.  III,  pp.  o7  et  59. 

4.  Skylitzès,  dans  Cédrénus,  II,  522,  et  suiv.  Cf.  Aimé,  II,  10. 


RETOLK    DES    NOKMA.NUS    EN    ITALIE  9o 

ger,  Etienne  avait  aussitôt  accusé  Maniakès,  auprès  de  Teu- 
nuque  Jean,  d'aspirer  à  l'empire.  Sur  cette  dénonciation,  Maniakès 
fut  rappelé,  et  les  troupes  byzantines  restèrent  en  Sicile  sous  le 
commandement  d'Etienne  et  de  l'eunuque  Basile.  L'occupation 
de  l'île  ne  paraît  avoir  fait  alors  aucun  progrès,  et  les  Byzantins 
se  contentèrent  de  se  maintenir  dans  le  pays  conquis. 

Suivant  Malaterra  ',  le  départ  des  Normands  aurait  eu  lieu 
secrètement  et  par  ruse,  et  à  peine  auraient-ils  touché  le  sol  de 
l'Italie,  qu'ils  auraient  commencé  à  attaquer  les  possessions 
byzantines  de  Calabre.  Il  y  a,  dans  le  récit  de  ce  chroniqueur, 
une  erreur  complète.  Les  Normands  sont  partis  très  librement 
et  très  probablement  avec  l'autorisation  de  Maniakès  qui  ne 
voulait  plus  les  payer.  Rien  ne  prouve  qu'à  ce  moment,  Ardouin 
et  ses  compagnons  aient  eu  les  grands  projets  qu'on  leur  a  prê- 
tés, et  l'idée  d'attaquer  les  possessions  byzantines,  ne  leur  est 
venue  que  plus  tard.  Cela  est  si  vrai,  qu'Ardouin,  au  lieu  d'agir 
en  déserteur,  va,  peu  après  son  arrivée  en  Italie,  trouver  le  caté- 
pan,  Michel  Doukeianos,  qui  revenait  de  Sicile  et  était,  par  con- 
séquent, au  courant  des  faits  et  gestes  des  Normands  '-.  A  ce 
moment,  Ardouin  est  tellement  peu  révolté,  que  Doukeianos  lui 
confia  le  commandement  de  la  ville  de  Melfî,  une  des  places  les 
plus  importantes  de  la  frontière  byzantine  -K  Pendant  ce  temps, 
les  Normands  retournaient  auprès  de  Rainolf  et  de  Guaimar  '. 

Au  moment  où  Ardouin  était  nommé  topotérètès  de  la  région 
de  Melfi,  la  situation  de  la  Fouille  était  très  troublée.  L'expédi- 
tion de  Sicile  avait  mécontenté  les  villes  obligées  de  fournir  des 
troupes  '  ;  en  même  temps,  il  est  probable  que  les  garnisons 
byzantines  avaient  dû  être  diminuées,  et  que  la  plupart  des 
troupes  grecques  avaient  fait  partie    de   l'expédition.    Pendant 

1.  Malaterra,  I,  8. 

2.  Aimé,  II,  16,  64.  G.  Ap.,  I,  2o4.  Anon.  Bar.,  ad  an.,  1041.  Lupus  Pro- 
tospat.,  ad  an.,  1041. 

3.  Anon.  Bar.,  ad  an.,  1041. 

4.  Cela  résulte  des  événements  qui  suivent.  Ardouin,  lors  de  la  révolte, 
se  rend  à  Aversa.  On  voit  par  laque  le  récit  de  Malaterra,  I,  8,  et  la  version 
analog^ue  de  Guil.do  Pouille,  1,  203,  ([uii'ont  commencer  la  révolte  dès  le 
retour  des  Normands  à  Reggio  sont  inexacts. 

5.  G.  Ap.,  I,  204.  Aimé,  II,  8. 


96  CHAi'iTRi:  m 

toute  la  campag-ne,  la  Fouille  fut  très  agitée,  autant  que  nous 
pouvons  en  jug-er  d'après  les  brèves  indications  cpie  nous  four- 
nissent les  Annales  de  la  région.  Peut-être  cette  agitation 
fut-elle  causée  par  de  nouvelles  levées,  qui  exaspérèrent  la 
population.  En  1038,  à  Bari,  on  assassina  divers  fonctionnaires 
grecs,  et  l'on  brûla  les  maisons  de  quelques  autres  ',  de  même, 
au  mois  de  mai  lOiO,  des  milices  locales  se  mutinèrent  ^  La  mort 
du  catépan  Xicéphore,  tué  à  Ascoli.  au  début  de  1040  '',  permit  à 
l'insurrection  de  se  développer.  Les  rebelles,  conduits  par  Argy- 
ros,  le  fils  de  Mélès,  revenu  de  Constantinople  en  1029, 
attaquèrent  Bari  ;  d'autres  troubles  éclatèrent  à  Mottola  et  à 
Matera  '  ;  il  y  eut  également  des  désordres  à  Ascoli  et  à  Bitonto, 
en  1041  -^  Le  catépan  Michel  Doukeianos,  qui  succéda  à  Nicé- 
phore,  réussit  à  disperser  les  révoltés.  Il  convient,  toutefois,  de 
rattacher  à  ces  événements  le  voyage  en  Sicile,  que  fit  le  caté- 
pan dans  le  courant  de  l'année  1040,  Michel  s'est  certainement 
rendu  compte  de  la  gravité  de  la  situation  et  a  dû  aller  en 
Sicile  pour  presser  le  retour  des  troupes  byzantines.  Son  absence 
se  prolongea  jusqu'aux  derniers  mois  de  l'année  1040;  ce  fut 
alors  qu'Ardouin  fut  nommé  à  Melfi  ^. 

Le  topotérétès  se  rendit  vite  compte  qu'un  nouveau  soulève- 
ment des  Lombards  était  facile  à  provoquer,  et  profitant  de  sa 
situation,  il  s'entendit  avec  un  certain  nombre  de  mécontents 
et  les  décida  à  se  révolter.  Quand  il  vit  qu'il  pouvait  compter 
sur  les  Lombards,  Ardouin  songea  à  se  procurer  l'aide  des  Nor- 
mands; prétextant  un  voyage  à  Rome,  il  alla  trouver  Rainolf  à 
Aversa  (mars  1041  ),  afin  de  lui  demander  son  concours.  Grâce 
à  sa  situation,  Rainolf  était  alors  le  chef  reconnu  des  Normands. 
Aversa  était  le  centre  où  se  réunissaient  tous  les  aventuriers  venus 
de  Normandie  en  Italie,  c'était  en  quelque  sorte  un  marché,  où 
tous  ceux  qui  avaient  besoin  de  soldats,  pouvaient  en  engager  ". 


1.  Antm.  Bur.,   ad  an.  1038  et  1039. 

2.  1(1.,  et  Lupus  Piotospat.,  ad  an.   1040. 

3.  Anon.  Bar.,  ad  an.  1040. 

4.  Anon.  Bar.,  ad  an.,  1029  et  1040.  Annal.  Bar.,  ad  an.  1040. 
3.  Anon.  Bar.,  ad.  an.    1041. 

6.  Ibid.,  Lup.  Protospat.,  et  Ann.  Bar.,  ad  an.  1041. 

7.  Aimé.  II,  17.   Lupus  Protospat.,  ad  an.    1041. 


RÉVOLTE    d'aRDOUIN  97 

Il  me  paraît  certain,  que  Rainolf  n'intervint  pas  ouvertement, 
et  se  contenta  d'appuyer  secrètement  Ardouin,  qui  leva  une 
bande  de  trois  cents  hommes,  commandés  par  douze  chefs  ou 
comtes,  dont  les  principaux  étaient  Guillaume  Bras  de  fer,  Dreux, 
Gautier  et  Pierron,  fils  d'Ami  '.  11  fut  convenu  que  la  moitié  des 
conquêtes  futures  seraient  aux  Normands  et  le  reste  à  Ardouin, 
En  mars  1041,  Ardouin  et  sa  troupe  arrivèrent  à  Melfî,  qu'Aimé 
appelle  justement  la  porte  de  la  Fouille.  La  situation  de  la  ville 
permet  d'en  faire  une  place  forte  de  premier  ordre,  et  déjà  les 
Byzantins  l'avaient  fortifiée.  Les  gens  de  Melfi,  en  voyant  arriver 
Ardouin  et  ses  Normands,  paraissent  avoir  hésité  à  les  recevoir, 
mais  Ardouin  leur  annonça  qu  il  amenait  les  secours  promis,  et 
les  exhorta  à  tenir  leurs  engagements.  On  finit  par  accueillir  les 
Normands  sans  difficulté  et  Melfi  devint  ainsi  le  centre  de  l'in- 
surrection. En  quelques  jours,  Venosa  et  Lavello  furent  pris  ; 
presque  aussitôt  les  Normands  poussèrent  jusqu'à  Ascoli  -,  Si 
l'on  se  rappelle,  que  peu  de  temps  auparavant,  il  y  avait  eu 
à  Ascoli  une  émeute  que  les  Grecs  avaient  été  obligés  d'étouffer 
dans  le  sang,  on  est  amené  à  penser  qu'il  y  avait  dans  cette  ville 
un  parti  de  mécontents  auxquels  Ardouin  voulut  s'unir  ^  Les 
chroniques,  encore  ici,  ne  parlent  que  des  Normands  et  de  leurs 
exploits,  mais  il  faut  tenir  compte  de  la  présence  dans  leurs 
rangs,  des  insurgés  lombards,  qui  jouent,  comme  nous  le  verrons 
plus  loin,  un  rôle  prépondérant. 

Les  Normands  se  conduisent  alors,  tous  les  témoignages  sont 
d'accord  à  cet  égard,  en  véritables  pillards.  Melfi  devient  en 
quelque  sorte  l'entrepôt  général  où  ils  déposent  leur  butin.  Une 

1.  Aimé,  II,  18.  G.  Ap.,  I,  229  et  suiv.  Anon.  Bar.,  ad  an.,  1041.  D'après 
Aimé,  c'est  Rainolf  lui-même,  qui  aurait  nommé  les  douze  chefs,  d'après 
Guillaume  de  Fouille,  ce  sont  les  Normands  qui  auraient  élu  les  douze 
comtes.  Sur  les  noms  de  ceux-ci  cf.  infra,  p.  10.o. 

2.  Venosa,  circond.  de  Melfî,  prov.  de  Potenza.  Lavello,  circond.  de 
Melfi,  prov.  de  Potenza.  Ascoli  Satriano,  circond.  de  Bovino,  pi-ov.  de 
Foggia. 

.3.  Aimé,  II,  19-20.  G.  Ap.,  I,  245  et  suiv.  C'est  à  tort  que  l'on  a  voulu 
préférer  la  date  (1040)  fournie  par  Léon  du  Mont-Cassin,  à  celle  donnée  par 
les  sources  de  la  Pouillc.  Ilirsch,  De  Ilalise  inferioris  annalihus  seculi  X  et 
A'/,  pp.  58-59,  a  d'ailleurs  montré  que  Léon  commençait  d'ordinaire  l'année 
en  janvier.  Cf.  di  Meo,  op.  cit.,  t.  VII,  p.  206. 

Histoire  de  la  domination  normande.  —  Chalando:>.  7 


98  CHAPITRE    111 

partie  du  mois  de  mars  fut  remplie  par  ces  premières  incursions. 
Le  catépan,  Michel  Doukeianos,  qui  était  à  Bari,  arriva  avec 
les  troupes  byzantines,  dès  qu'il  fut  informé  du  soulèvement.  Les 
chroniqueurs  normands  racontent  que  l'armée  grecque  était 
innombrable  ;  c'est  certainement  une  erreur,  et  à  cet  égard,  nous 
pouvons  entrevoir  la  vérité,  grâce  à  Skylitzès,  qui  reproche  au 
catépan  d'avoir  livré  bataille  avec  des  troupes  insuffisantes  '.  Le 
témoignage  de  Skylitzès  se  rapporte,  il  est  vrai,  à  la  deuxième 
bataille  livrée  au  début  de  mai,  mais  vaut  néanmoins  pour  la  pre- 
mière, car,  en  trois  semaines,  il  eût  été  impossible  au  catépan 
de  mobiliser  une  nombreuse  armée.  Doukeianos  a  certainement 
pensé,  au  début,  qu'il  se  trouvait  en  présence  d'un  soulèvement 
local,  analogue  à  ceux  qu'il  avait  réprimés  les  années  précédentes, 
et  il  est  certain  qu'il  a  cru  pouvoir  en  venir  momentanément 
à  bout  avec  l'aide  des  troupes  qu'il  avait  sous  la  main.  Dans  tous 
les  récits  de  ces  événements,  qui  nous  sont  parvenus,  il  y  a  une 
exagération  évidente,  contre  laquelle  il  faut  se  tenir  en  garde  '. 

Le  17  mars  1041  ^,  les  troupes  commandées  par  Doukeianos, 
rencontrèrent  les  Normands  et  les  Lombards  révoltés,  sur  les 
bords  de  l'Olivento,  petite  rivière  qui  passe  au  pied  de  la  colline 
où  s'élève  Venosa.  Cette  bataille  semble  avoir  été  peu  importante. 
Skylitzès  ne  la  mentionne  même  pas;  elle  se  termina  par  la 
défaite  complète  des  Grecs  qui  se  retirèrent  à  Montepeloso. 

A  la  suite  de  ce  premier  succès,  les  Normands  virent  certai- 
nement s'étendre  l'insurrection,  et  leurs  rangs  devaient  s'être 
grossis  par  l'arrivée  de  nouveaux  rebelles,  quand,  le  4  mai,  le 
catépan  vint  leur  présenter  le  combat  à  Montemaggiore,  sur  les 
bords  de  l'Ofanto.  L'armée  grecque  ne  comptait  que  les  troupes 
des  thèmes  Opsikion  et  de  Thrace,  des  Russes  %  et  ce  qui  restait 
d'auxiliaires  italiens  fidèles.  Notons  la  présence,  parmi  les  com- 
battants, des  évêques  de  Troia  et  d'Acerenza  "'.  Aimé  raconte  que 

1.  Aimé,  II,  20-21.  G.  Ap.,  I,  260  et  suiv.  Malaterra,  I,  9,  dont  les  chiffres 
sont  exagérés.  Annal.  Bar.,  ad  an.,  1041.  Skylitzès,  dans  Cédrénus,  11,546. 

2.  Malaterra,  I,  9. 

3.  Malaterra,  loc.  cit.  Ann.  Bar.,  ad  an.  G.  Ap.,  I,  280  et  suiv.  Aimé,  II, 
21.  Anon.  Bar.,  ad  an.,  1041. 

4.  Ann.  Bar.,  ad  an.,  1041.  Skylitzès,  dans  Cédrénus,  II,  .^46. 

5.  Ann.  Bar.^  ad  an. 


I 


RÉVOLTE    d'aRDOLLN  99 

l'empereur  Michel  aurait  envoyé  au  catépan  des  troupes,  levées 
avec  l'argent  du  trésor  impérial  K  Etant  donné  le  peu  de  temps 
qui  s'écoula  entre  les  deux  batailles,  il  est  impossible  d'admettre 
les  faiits  racontés  par  le  chroniqueur.  A  Montemaggiore,  Dou- 
keianos  fut  de  nouveau  complètement  battu  et  s'enfuit  à  Bari. 
Guillaume  de  Fouille,  qui  lui  fait  gagner  Montepeloso,  a  certai- 
nement  confondu  la  deuxième  bataille  avec  la  première. 

La  situation  parut  alors  si  grave  à  Doukeianos,  qu'il  fit  deman- 
der des  troupes  en  Sicile  et  en  Calabre  -.  Il  n'était  pas  d'ailleurs 
réservé  au  catépan  de  finir  la  campagne  ;  en  effet,  tandis  qu'il 
était  occupé  à  hâter  le  rassemblement  des  troupes  grecques,  il 
apprit  qu'il  était  disgracié.  L'empereur  nomma  à  sa  place, 
Bojoannès,  le  fils  du  restaurateur  de  la  puissance  byzantine  en 
Italie  au  début  du  xi*"  siècle  -K 

La  victoire  de  Montemaggiore  donna  à  la  révolte  une  nouvelle 
extension  et  décida  les  insurgés  à  se  donner  un  chef  '*.  Le  choix 
qu'ils  firent  d'Aténolf,  frère  du  prince  de  Bénévent,  montre  clai- 
rement que  l'élément  lombard  a  dominé  dans  tous  ces  premiers 
événements.  On  voit  par  là  combien  l'insurrection  est  avant  tout 
nationale,  les  Normands  ne  sont  encore  que  des  auxiliaires,  et 
sont  loin  de  jouer  le  rôle  principal  ;  ils  doivent  subir  le  chef 
qu'il  plaît  aux  Lombards  de  se  donner.  On  a  fait,  à  ce  sujet,  des 
phrases  pompeuses  sur  l'esprit  politique  des  Normands,  qui 
auraient  eu  l'abnégation  de  mettre  à  leur  tête  Aténolf,  pour 
s'assurer  l'appui  du  prince  de  Bénévent  •''.  Il  ressort,  pourtant, 
clairement  des  faits  que  les  Normands  n'ont  été  pour  rien  dans 
le  choix  d'Aténolf,  choix  qui  leur  fut  imposé,  et  leur  rôle  vrai, 


1.  Aimé,  II,  22,  p.  72  et  suiv. 

2.  G.  Ap.,  I,  315-318.  Ann.  Bar.,  ad  an.  1041. 

3.  Aimé,  II,  23.  Annal.  Bar.,  ad  an.,  1041.  Skylilzès,  dans  Cédi'énus, 
II,  546.  G.  Ap.,  I,  347  et  suiv.  ;  Lupus  Protospat.,  ad  an.,  1042.  Suivant 
Skylitzès,  les  Normands  auraient  reçu  des  renforts  entre  les  deux  batailles; 
cela  me  parait  bien  douteux. 

4.  Aimé,  II,  22.  G.  Ap.,  I,  326  et  suiv.  Anon.  Bar.,  ad  an.,  1042.  Cl.  Baist, 
op.  cit.  Forschungen,  t.  XXIV,  p.  298,  et  Hirscli,  op.  cit.  Forschungen, 
t.  VIII,  p.  265.  Ce  dernier  me  paraît  avoir  raison  en  suivant  Guillaume  de 
Fouille,  de  préférence  à  Aimé,  qui  place  la  nomination  d'Aténolf,  avant  la 
bataille  de  Cannes. 

5.  Delarc,  op.  cit.,  pp.  HO-Hl. 


100  CHAPITRE    m 

ressort  du  passage  où  Guillaume  de  Fouille  '  nous  montre  Até- 
nolf  donnant  de  l'argent  aux  Normands,  qui  sont,  à  ce  moment, 
de  simples  mercenaires,  noyés  au  milieu  des  Lombards. 

Melfî  était  le  centre  de  l'insurrection ,  et  de  nombreux 
rebelles  y  étaient  assemblés  ;  suivant  Guillaume  de  Fouille,  la 
ville  eût  été  dès  lors  partagée  entre  les  douze  chefs  normands  ~. 
Comme  toutes  les  autres  sources  sont  muettes  à  cet  égard,  j'en 
conclus  que  Guillaume  a  placé  ici  le  partage  qui  n'eut  lieu  que  plus 
tard.  Le  nouveau  catépan,  Bojoannès,  n'avait  pas  amené  de 
troupes  avec  lui,  et  n'avait  sous  ses  ordres  que  les  forces  rassem- 
blées par  son  prédécesseur^.  Comme  les  batailles  rangées  n'avaient 
pas  été  jusqu'ici  favorables  aux  Grecs,  le  catépan  forma  le  pro- 
jet d'enfermer  les  rebelles  dans  Melfî.  Ceux-ci  eurent  connais- 
sance de  son  dessein  et  ne  lui  laissèrent  pas  le  temps  de  le  mettre 
à  exécution,  ils  sortirent  de  Melfi  et  vinrent  camper  en  face  de 
l'armée  grecque,  au  Monte  Siricolo  près  de  Montepeloso.  En 
capturant  un  convoi  de  bétail  destiné  aux  Byzantins,  les  Nor- 
mands réussirent  a  faire  sortir  l'ennemi  de  son  camp,  et  lui 
infligèrent  une  nouvelle  défaite.  L'armée  byzantine  prit  la  fuite, 
et  le  catépan  lui-même  fut  fait  prisonnier  (3  septembre)  ^.  D'après 
les  soui'ces  normandes,  les  Grecs  auraient  été  au  nombre  de  dix 
mille,  tandis  que  les  Normands  n'auraient  eu  que  sept  cents 
hommes.  Nous  retrouvons  encore  là  le  même  parti  pris  d'exagé- 
ration que  nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  constater. 

Après  cette  victoire,  le  catépan  fut  remis  à  Aténolf  qui 
retourna  à  Bénévent  \  Le  parti  lombard  triomphe  alors  dans 
toute  la  Fouille.  Les  principales  villes  se  mutinent:  Bari,  Mono- 
poli, Matera,  Giovenazzo,  prennent  parti  pour  les  insurgés. 
Mais  au  moment  où  l'union  eût  été  nécessaire,  de  sérieuses  divi- 
sions s'élevèrent  parmi   les  révoltés.    Suivant  Aimé,  la  scission 

1.  G.  Ap.,  I,  327  et  suiv.  Cf.  Skylilzès,  dans  Cédrénus,  II,  .^546. 

2.  G.  Ap.,  I,  319  et  suiv. 

3.  LeoOst.,II,  66,  dit  toutefoisque  Bojoannèsavait  amené  des  Warangues. 

4.  Ann.  Bar.,  ad  an.  1042.  Lupus  Protospat.,  ad  an.  Ano?i.  Bar.,  ad  an. 
Aimé,  II,  25,  p.  77  et  suiv.  Malateira,  1, 10,  qui  exagère  le  rôle  des  fils  de  Tan- 
crède.  Skylitzès,  dans  Cédrénus,  II,  546,  qui  place  la  bataille  à  Monopoli.  G. 
Ap.,  I,  355  et  suiv.  —  Montepeloso,  circond.  de  Matera,  prov.  de  Potenza. 

5.  Aimé,  II,  27. 


RÉVOLTE    d'aRDOUIN  101 

eût  été  amenée  par  ce  fait,  qu'Aténolf  aurait  g-ardé  pour  lui 
toute  la  rançon  payée  par  le  catépan.  D'après  d'autres  sources, 
Guaimar  aurait  vu,  avec  inquiétude,  grandir  la  puissance  de  la 
principauté  de  Bénévent;  il  serait  alors  intervenu  et  aurait  décidé, 
à  prix  d'arg-entjles  Normands  à  se  détacher  d'Aténolf  ^ .  Les  deux 
récits  peuvent  parfaitement  se  concilier.  Guaimar  exploita  sans 
doute  le  mécontentement  qu'avait  fait  naître  la  conduite 
d'Aténolf,  mais  il  ne  réussit  pas  à  se  faire  reconnaître  comme 
chef  de  l'insurrection.  Il  résulte,  en  effet,  d'un  passage  de  Guil- 
laume de  Fouille,  que  la  division  se  mit  entre  les  Normands,  au 
sujet  de  la  conduite  à  tenir.  Voici  ce  passage  : 

Sed  se  tantummodo  cives 

Aversae  dederant  ditioni  Guaimarianae  ; 
Nam  reliqui  Galli,  quos  Appula  terra  tenebat 
Arg-iroo  Meli  genito  servire  volebant, 
Nam  pater  ipsius  prior  introducere  Galles 
His  et  in  Italia  studuit  dare  munera  primas  ^. 

Il  faut  sans  doute  entendre  par  ces  Normands  de  Fouille  les 
Normands  fixés  à  Troia,  car,  à  ce  moment,  aucun  de  ceux  venus 
d'Aversa  ne  possédaient  en  Fouille  quoi  que  ce  soit,  et  il  ne 
semble  pas  qu'avant  cette  époque  d'autres  aventuriers  nor- 
mands se  soient  établis  en  Apulie,  Le  poète  oppose  les  Normands 
établis  à  Troia  depuis  la  révolte  de  Mélès  '^  aux  Normands  venus 

1.  G.  Ap.,  I,  419  et  suiv.  En  disant  qne  les  milices  apuliennes  sont  avec 
les  Byzantins,  M.  Gay,  op.  cit.,  p.  4o8,  me  paraît  faire  erreur.  Le  texte  de 
Léon  d'Ostie,  II,  66,  sur  lequel  il  s'appuie,  mentionne  la  présence  dans  les 
rangs  de  l'armée  impériale,  de  Calabrais,  mais  non  d'Apuliens.  Toutefois 
les  Annales  de  Bari  mentionnent  la  présence  de  Lombards  dans  les  rangs 
de  l'armée  impériale.  A  ce  moment,  il  y  a  certainement  des  Lombards 
dans  les  deux  partis,  car  le  rôle  joué  par  les  habitants  de  Melfi,  le  refus 
des  villes  de  la  côte  d'obéir  à  Synodianos,  l'élection  d'Aténolf,  montrent 
clairement  que  ce  sont  des  Lombards  et  non  des  Normands  qui  dirigent  le 
mouvement.  Il  faut  ajouter,  d'ailleurs,  que  les  Normands  étaient  tout 
prêts  à  passer  aux  Grecs,  comme  le  montre  cette  phrase  d'Aimé,  II,  21  : 
»  Nous  volons  paiz,  se  vous  nous  laissiez  la  terre  que  nouz  tenons,  et  en 
ferons  service  a  lo  empeor.  »  Telle  est  la  réponse  faite  au  catépan,  qui 
invite  les  Normands  à  quitter  la  Fouille. 

2.  G.  Ap.,  I,  423  et  suiv. 

3.  Trinchera,*op.  cit.,  p.  18. 


102  CHAPITRE    III 

d'Aversa  avec  Ardouin.  Les  premiers  ne  se  souciaient  pas  du 
tout  de  Guaimar,  et  les  Normands  d'Ardouin  durent  encore 
céder,  carr  ceux  de  Troia,  avec  l'appui  des  Lombards,  choisirent 
comme  chef  le  fils  de  Mélès,  Arg-yros.  Nous  voyons  donc,  encore 
là,  combien  la  troupe  normande  venue  d  Aversa  a  acquis  peu  d'in- 
fluence (février  1042)  ^. 

Heureusement  pour  les  rebelles,  les  troubles,  qui  se  produi- 
sirent, à  ce  moment,  à  Byzance,  empêchèrent  les  Grecs  de  profiter 
de  leurs  rivalités.  L'impératrice  Zoé,  après  la  mort  de  Michel  IV, 
avait  fait  monter  sur  le  trône  Michel  V  Calaphat  ~.  Celui-ci 
envoya  en  Italie  un  certain  Synodianos,  qui  débarqua  à  Otrante 
et  chercha,  dès  son  arrivée,  à  rentrer  en  possession  des  villes  de 
la  Fouille,  qui  avaient  abandonné  le  parti  impérial.  Il  leur  fit 
demander  de  se  soumettre  ;  elles  refusèrent,  et  Synodianos  se  mit 
à  rassembler  une  armée  pour  les  contraindre  par  la  force  ^.  Mais 
Michel  V  ayant  été  renversé  (avril  1042),  Synodianos  fut  rappelé, 
et  Zoé,  que  son  mari  avait  écarté  du  pouvoir,  reprit  possession  du 
trône  ^  ;  elle  nomma  aussitôt  Maniakès  au  gouvernement  de 
l'Italie  5. 

A  ce  moment,  la  situation  des  Byzantins  était  déjà  très  com- 
promise. Skylitzès  énumère  comme  leur  étant  restées  fidèles  les 
villes  de  Brindisi,  Otrante,  Tarente,  Trani  et  Oria  ''.  Sauf  Trani,  à 
qui  sa  situation  au  bord  de  la  mer  permettait  de  résister,  quoique 
isolée,  on  voit  que  les  Byzantins  avaient  perdu  tout  le  pays  au 
nord  d'une  ligne  allant  de  Tarente  à  Brindisi  en  passant  par  Oria. 
Maniakès  arriva  à  Tarente  au  mois  d'avril  1042  ".  Dès  son  arrivée, 
il  rassembla  toutes  les  troupes  qu'il  put  trouver,  et  vint  camper 
sur  les  bords  de  la  Tara  qui  se  jette  dans  le  golfe  de  Tarente. 


{,  Aimé,  II,  27.  Ann.  Bar.,  ad  an.   1042. 

2.  Cf.   Schlumberger,  L'épopée   byzantine  au  A'«  siècle.  Les  Porphyrogé- 
nètes  Zoé  et  Theodora,  p.  323  et  suiv. 

3.  G.  Ap.,  I,  407  et  suiv. 

4.  Cf.  Schlumberg-er,  op.  cit.,  p.  38.^  et  suiv. 

5.  Skylitzès,  dans  Cédrénus,  II,  522,  541,  545  et  720.  .1/jo«.  Bar.,  ad  an. 
1042.  G.  Ap.,  I,  447  et  466. 

6.  Skylitzès,  dans  Cédrénus,  II,  547. 

7.  Ann.  Bar.,  ad  an.  1042.  Aimé,  II,  27.  Lupus  Protospat.,   ad  an.  1042. 
G.  Ap.  I,  447  et  suiv.  Ce  dernier  fait  arriver  Maniakès,  à  Oti-ante. 


MANIAKÈS    EN    ITALIE  103 

Suivant  les  Annales  Barenses,  il  se  serait  même  avfmcé  plus  au 
nord,  jusques  vers  Mottola'.  Argyros,  qui  avait  fait  appel  aux 
Normands  d' A  versa  et  à  ceux  de  Melfî,  vint  offrir  le  combat  à 
Maniakès  qui  le  refusa  et  alla  s'enfermer  dans  Tarente.  Les  Nor- 
mands se  bornèrent  à  piller  le  territoire  d'Oria  et  se  retirèrent  ~. 

En  juin  -^  Maniakès  prit  l'offensive  et  chercha  à  obtenir  la 
pacification  par  la  terreur.  Successivement,  Monopoli  et  Matera 
eurent  à  souffrir  de  la  terrible  répression  qu'il  exerça.  Près  de 
Matera,  il  y  aurait  eu,  suivant  le  Chronicon  brève  normannicum  ^, 
une  bataille  indécise  entre  les  rebelles  et  Maniakès.  Les  autres 
sources  sont  muettes  à  cet  égard.  Les  exécutions  qui  marquaient 
partout  le  passage  du  général  grec  produisirent  leur  effet,  et  Gio- 
venazzo  se  donna  aux  Byzantins.  Argyrosvint  assiéger  la  ville  et 
la  prit  d'assaut  (3  juillet  1042).  Il  se  vengea  sur  les  habitants  des 
cruautés  commises  par  Maniakès,  puis  alla  attaquer  Trani,  la 
seule  place  demeurée  alors  aux  Byzantins  dans  la  Fouille  ''.  Le 
siège,  commencé  à  la  fin  de  juillet,  dura  plus  d'un  mois  ;  la 
ville  était  très  bien  fortifiée,  et  les  assiégeants  durent  construire 
des  machines  de  siège,  entre  autre  un  chat  gigantesque  ".  Trani 
était  sur  le  point  de  se  rendre,  quand  un  événement  imprévu  vint 
modifier  la  situation,  Maniakès  fut  brusquement  disgracié  '. 

Dès  longtemps,  le  général  grec  avait  pour  ennemi  Romain 
Skléros  ;  celui-ci  acquit,  à  la  cour  de  Byzance,  une  grande  influence 
par  sa  sœur,  qui  était  la  maîtresse  de  l'empereur  Constantin 
Monomaque  ;  il  profita  de  son  crédit  pour  faire  révoquer  Mania- 
kès. Skylitzès  raconte,  en  outre,  qu'il  viola  la  femme  du  catépan. 
Au  mois  de  septembre  1042  '*.  arrivèrent  à  Otrante  le  successeur 

1.  Mottola,  circond.  de  Tarente,  prov.  de  Lecce. 

2.  Ann.  Bar.,  ad  an.  1042. 

3.  Ibkl.  Pour  la  date,  cf.  la  correction  de  Delarc,  op.  cil.,  p.  122,  note. 

4.  Muratori,  R.I.SS.,  t.  V,  p.  278. 

5.  Ann.  Bar.,  ad  an.  1042.  G.  Ap.,  I,  489. 

6.  Ann.  Bar.,    ad  an.  1042.  Lupus  Protospat.,  ad  an.  1042. 

7.  Skylitzès,  dans  (X'drénus,   II,  547-548. 

8.  Lupus  Protospat.,  ad  an.  1043.  Anon.  Bar.,  ad  an.  1043  (commence 
Tannée  en  septeml)re).  Psellos,  op.  cit.,  dans  Sathas,  Bih.  grœca  niedii  aevi, 
t.  V,  pp.  137  et  143.  Le  texte  de  Lupus  porte  que  les  envoyés  vinrent  «  cum 
Chrysohoulo  ».  Delarc,  op.  cil.,  p.  124,  entait  un  personnage;  ne  faut-il  pas 
entendre  que  les  envoyés  étaient  porteurs  d'un  chrysobulle  ? 


104  CHAPITRE   m 

de  Maniakès,  Pardos,  le  protospatarios  Tubachi  et  Farchevêque  de 
Bari,  Nicolas.  Il  me  paraît  probable  qu'avant  de  venir  à  Otrante, 
les  envoyés  du  basileus  étaient  allés  dans  un  autre  port  de  la  côte, 
d'où  ils  eng-agèrent  des  négociations  avec  Arg-yros,  qu'ils  avaient 
mission  de  gagner  à  la  cause  grecque'.  Dès  leur  arrivée  à 
Otrante,  Maniakès  s'empara  de  Pardos  et  de  Tubachi,  et  les  fît 
exécuter.  Mais  il  était  trop  tard,  et  Argyros  avait  déjà  embrassé 
le  parti  grec.  Il  fît  incendier  les  machines  de  guerre,  leva  le 
siège   de  Trani  et  gagna  Bari,  où  il  proclama  l'empereur-. 

Pendant  ce  temps,  Maniakès,  qui  ivait  déjà  éprouvé  la  rigueur 
des  prisons  de  Constantinople,  après  l'expédition  de  Sicile,  refu- 
sait d'obéir  à  l'empereur  et  se  faisait  proclamer  basileus.  Suivant 
Guillaume  de  Pouille,  il  essaya  de  gagner  Argyros,  et  de  prendre 
à  sa  solde  les  Normands-^.  Il  échoua  complètement  auprès  du  fils 
de  Mélès  et  ne  réussit,  semble-t-il,  que  partiellement  auprès  des 
Normands,  dont  un  petit  nombre  seulement  s'associa  à  sa  for- 
tune''. Peu  après,  Maniakès  quittait  l'Italie;  il  devait  périr 
quelques  mois  plus  tard,  en  Bulgarie,  dans  une  bataille  livrée  aux 
troupes  impériales. 

Par  suite  de  la  défection  d'Argyros,  le  parti  des  rebelles  se 
trouva  désorganisé.  C'est  seulement  alors  que  les  Normands  com- 
mencèrent à  jouer  un  rôle  prépondérant,  en  profitant  de  la 
situation  nouvelle  pour  nommer  un  comte  qui  fut  Guillaume 
Bras  de  Fer  (septembre  I0i2)'.  Il  est  probable  qu'une  partie 
des  rebelles  dut  se  soumettre  avec  Argyros,  tandis  que  les 
autres  demeuraient  dans  l'alliance  normande  ;  toutefois  les  forces 
des  insurgés  devaient  être  très  affaiblies  par  suite  des  défections 
qui  s'étaient  produites.  Pour  continuer  la  lutte  les  révoltés  durent 
chercher  un   appui  au   dehors  ;   ils  s'adressèrent    à  Guaimar  de 


1.  G.  Ap.,  I,  484  et  suiv.  Cette  hypothèse  serait  conBrmée  par  la  présence 
de  rarchevêque  de  Bari. 

2.  Anon.  Bar.,  ad  an.    1043.  Lupus  Protospat.,  ad  an.    1043.  Ann.  liar., 
ad  an.  1043.  G.  Ap.,  I,  487  et  suiv. 

3.  G.  Ap.,  I,  r,00  et  suiv. 

4.  On  trouve  plus  tard,  en  Grèce,  des  latins,  anciens   soldats  de  Mania- 
kès, qui  doivent  avoir  été  des  Normands.  Alexiade,  t.  I,  pp.  27  et  370. 

b.   Lupus  Protospat.,  ad  an.  1042.  Aimé,  11,  28.  (^hr.  br.  norm.,  ad  an.  1045. 
Cf.  Hirscli,  De  Italie  inferioris  annalibiis,  etc.,  p.  39. 


GUAIMAR    V    ET    LES    NORMANDS  105 

Salerne.  On  a  vu  plus  haut  que  celui-ci  avait  déjà  cherché  à  diri- 
ger la  révolte,  et  n'avait  pu  y  réussir.  Les  circonstances  ame- 
nèrent les  insurgés  à  offrir  d'eux-mêmes  à  Guaimar  ce  que  celui-ci 
n'avait  pu  obtenir  quelque  temps  auparavant.  Le  prince  de 
Salerne  s'était  compromis  dans  la  révolte  ;  il  comprit  que  s'il 
refusait  l'assistance  qui  lui  était  demandée,  il  aurait  à  subir  la 
vengeance  des  Grecs,  une  fois  que  ceux-ci  auraient  rétabli  l'ordre 
en  Fouille;  il  accepta  donc  de  soutenir  l'insurrection'. 

La  scission  qui  s'était  produite  dans  le  parti  lombard,  à  la  suite 
de  la  trahison  d'Argyros,  permit  aux  Normands  de  prendre  une 
part  plus  active  à  la  direction  de  la  campagne.  Ce  fut  Guillaume 
Bras  de  fer  qui  demanda  à  Guaimar  d'intervenir,  et  il  semble 
bien  que  ce  soit  avec  lui  que  le  prince  de  Salerne  ait  traité.  A 
partir  de  janvier  1043-,  nous  voyons  le  prince  de  Salerne  prendre 
dans  ses  actes  le  titre  de  duc  de  Fouille  et  de  Calabre  ;  c'est 
donc  dans  le  courant  de  janvier  qu'il  fut  reconnu  comme  svizerain 
des  terres  occupés  par  les  Byzantins''.  Il  semble  qu'une  partie 
des  Normands  ait  voulu  choisir  comme  suzerain  Rainolf  d'Aversa  ; 
Guaimar,  craignant  que  la  puissance  de  Rainolf  ne  lui  fit  échec, 
s'y  opposa  et  investit  de  ses  nouvelles  possessions,  Guillaume 
Bras  de  fer,  auquel  il  fit  épouser  sa  nièce,  la  fille  du  duc  de  Sor- 
rente''.  Les  négociations  commencées  à  Salerne  s'achevèrent  à 
Melfi.  Ce  fut  dans  cette  ville  que  Guaimar  partagea  entre  les 
Normands  les  terres  «  acquestées  et  à  acquester  »  •'. 

Le  pays  fut  réparti  de  la  façon  suivante  entre  les  principaux 
chefs  normands  :  Guillaume  eut  Ascoli;  Dreux,  Venosa;  Arnolin, 
Lavello;  Hugues,  Monopoli;  Rodolphe,  Canne;  Gautier,  fils 
d'Ami,  Civita  ;  Fierron,  son  frère,  Trani  ;  Rodolphe,  fils  de 
Bebena,  Sant'Arcangelo  ;  Tristan,  Montepeloso  ;  Hervé,  Fri- 
gento  ;  Asclettin,  Acerenza  ;  Rainfroi,  Minervino ''.  Aimé  et  Léon 

\.  Aimé,  loc.  cit. 

2.  Cod.  dipl.  fJavens.,  t.  VI,  p.  225. 

3.  Ihid.,    p.  224  ;  dans  un  acte  de  janvier,   Guaimar   n'a   pas  le  titre  de 
duc  de  Pouille. 

4.  Aimé,  II,  28,  p.  82  et  suiv. 

T).  Aimé,  II,  30.  Anon.  Bar.,  ad.  an.  1043. 

6.  Aimé,  II,  30.  Voici  l'identification  de  celles  de  ces  localités,  dont  nous 
n'avons  pas  encore   rencontré   le  nom  :   SantAreangelo  Trimonti,  circond. 


106  CHAPITRE    III 

d'Ostie,  qui  le  copie',  mentionnent  qu'Ardouin re^ut  la  moitié  de 
toutes  choses,  sans  que  nous  sachions  ce  qu'il  faut  entendre  parla. 
Rainolf  d'Aversa  reçut  Siponto  et  une  partie  du  Garg"ano~. 
Melfi  resta  indivise  entre  tous  les  chefs  normands  -^  Notons 
qu'Onfroi,  frère  de  Guillaume  Bras  de  fer,  ne  figure  pas  encore 
parmi  les  chefs  normands.  Il  est  plus  que  probable  qu'il  n'était 
pas  encore  arrivé  à  cette  date.  Il  dut  venir  en  Italie,  seulement 
dans  la  période  qui  s'étend  de  1043  à  1045,  car  un  peu  avant  la 
venue  de  l'empereur  (1047),  il  est  déjà   installé*. 

Il  faut  retenir  que,  comme  le  dit  Aimé,  ce  partage  comprit  non 
seulement  les  terres  acquises,  mais  encore  les  terres  à  conquérir. 
Guaimar  donna  l'investiture  des  villes  encore  aux  mains  des 
Byzantins,  comme  plus  tard,  nous  verrons  le  pape  investir  Robert 
Guiscard  de  la  Sicile,  alors  occupée  par  les  Musulmans.  La  dona- 
tion faite  à  Ardouin  ne  s'explique  pas,  car  nous  ne  trouvons  plus 
trace  de  ce  personnage  dans  les  années  qui  suivent.  Delarc  a  peut- 
être  raison  quand  il  explique  qu'  «  Aimé  a  parlé  de  la  donation 
faite  à  Melfi  en  faveur  d'Ardouin,  sans  savoir  si  le  fait  était  exact 
et  uniquement  pour  prouver  que  les  Normands  étaient  restés 
fidèles  h  la  promesse  faite  à  Aversa  »  •'. 

De  Melfi,  les  Normands,  sous  la  conduite  de  Guaimar  et  de 
Rainolf,  allèrent  mettre  le  siège  devant  Bari  ;  mais  leur  tentative 
échoua,   et  ils  furent  obligés  de  se  retirer  au  bout  de  quelques 

d'Ariano,  prov.  d'Avellino.  Frigento,  circond.  de  SanfAngelo  de"  Lombardi, 
prov.  d'Avellino.  Minervino  Muig'e,  circond.  de  Barletta,  i)rov.  de  Bari. 

1.  Léo  Ost.,  II,  66. 

2.  On  a  discuté  sur  les  possessions  que  Rainolf  aurait  eues  à  Siponto.  A 
mon  avis,  ce  fait  est  confirmé  par  Richard,  successeur  de  Rainolf,  qui 
donne  au  Mont-Cassin  certains  biens  dans  la  rég'ion  de  Siponto;  Gattola, 
Accès.,  t.  I,  p.  161.  Di  Meo,op.  r/i.,  t.  VIII,  ad.  an.  10.o9,  et  de  Blasiis,  op.  cit., 
1. 1,  p.  177,  note  2,  croient  cette  donation  de  Richard  fausse.  Delarc,  op.  cit., 
p.  331,  la  croit  vraie.  L'objection  principale  était  tirée  de  la  date.  L'acte  est 
du  23  août  10.59.  On  en  contestait  l'authenticité,  parce  que  dans  l'acte  il 
est  dit  que  Richard  assiste  au  concile  de  Melfi,  et  que  Ton  croyait  que 
celui-ci  avait  eu  lieu  en  juillet  10ri9.  Or,  le  concile  est  du  23  août,  cf. 
Pflugk-Harttung,  lier  italicum,  p.  190.  L'objection  tombe  donc  d'elle-même  ; 
les    autres    critiques    sont    sans    importance. 

3.  Aimé,  II,  30.  G.  Ap.,  I,  321. 

4.  Aimé,  II,  43.  Cf.  Heskel,  loc.  citr. 
0.  Op.  cit.,  pp.  131-132. 


GLAIMAR    V    ET    LES    NORMANDS  107 

jours'.  Nous  sommes  très  mal  renseignés  sur  les  événements 
dont  la  Fouille  fut  le  théâtre  pendant  les  années  qui  suivirent. 
Lupus  Protospatharius-  mentionne,  à  l'année  lOii,  une  attaque 
de  Guillaume  Bras  de  fer  et  de  Guaimar,  contre  les  possessions 
byzantines  de  Galabre,  attaque  dont  le  résultat  fut  la  construction 
du  château  de  Stridula,  dont  la  situation  exacte  nous  est  incon- 
nue. En  1045,  le  Brève  chronicon  norniannicuni  rapporte  une 
victoire  d'Argyros  sur  les  Normands;  le  combat  aurait  eu  lieu 
dans  les  environs  de  Tarente.  La  même  année  Dreux  s'empara 
de  Bovino '.  De  tout  ce  que  nous  savons,  il  résulte  qu'il  y  a  eu, 
alors,  une  poussée  des  Normands  vers  le  sud  ;  c'est,  sans  doute, 
à  ce  moment,  que  Lecce,  qui,  en  1047,  sera  reprise  par  les 
Grecs,  a  dû  être  occupée.  En  1046,  au  début  de  l'année,  Lupus 
enregistre  le  départ  d'Argyros  pour  Gonstantinople,  et  l'arrivée 
du  catépan  Eustathios  Palatinos*.  Pendant  toute  cette  période, 
nous  sommes  mieux  renseignés  sur  l'histoire  des  Normands 
d' A  versa. 

Pour  punir  Guaimar  de  l'appui  prêté  aux  Normands  le  basileus 
Michel  V,  dès  son  arrivée  au  pouvoir,  remit  en  liberté  Pandolf  III  ■', 
autour  duquel  se  groupèrent  bientôt  tous  ses  anciens  partisans, 
et  parmi  eux   les  comtes    d'Aquino  et  de  Sexto ^'.  Dès  le  retour 


1.  Anon.  Bar.,  ad  an.  1043. 

2.  Lupus  Protospat.ad.an.  La  présence  de  Guaimar  aux  côtés  de  Guillaume 
Bras  de  fer,  est  très  probable,  car  ses  Etats  s'étendent  fort  loin  de  ce  côté. 
En  1047,  le  pape  Glément  II  nomme  parmi  les  suffrag-ants  de  Salerne  les 
évêques  de  Conza,  Malvito,  Pesto,  Acerenza,  Bisig'nano,  Cosenza.  Il  est 
probable  que  certaines  de  ces  villes  sont  au  pouvoir  des  Byzantins,  mais 
il  est  clair  que  le  prince  de  Salerne  a  des  prétentions  sur  cette  région.  Cf. 
Paesano,  Mem.  délia  chiesa  Salern,,  t.  I,  p.  107. 

3.  Rom.  Sal.  ad  an.  104:;.  M.G.H.SS.  t.  XIX,  p.  404.  Muratori,  R.I.SS.,  t.  V, 
p.  278. 

4.  Loc.  cit.  Cf.  Lupus  Protospat.  ad.  an.  1046  et  Cod  dipl.  Bar.,  t.  IV,  p. 
67. 

5.  Aimé.  11,12.  LeoOst.,ad  an.  1041.  M.G.H.SS.,  t.  III,  p.  180.  Hirsch,o/>. 
cit.,  p.  259,  prétend  que  Pandolf  revint  avant  la  mort  de  Michel  IV  (décembre 
1041),  mais  les  Annales  de  Bénévent  font  débuter  l'année  en  mars.  Cf.  Wein- 
reich,  De  condilione  Ilaliae  inferioris  Gregorio  VU  ponti/ice  (Koenigsherg, 
1864),  p.  80.  Donc,  suivant  le  mode  de  compter  des  Annales  Beneventani, 
Pandolf  a  pu  arriver  encore  de  janvier  1042  au  l*""  mars.  Cf.  Delarc,  op. 
cit.,  p.  139,  note  1. 

ô.  Léo  Ost.,  II,  68  et  suiv.  Aimé,  II,  40,  et  suiv. 


108  CHAPITRE    III 

de  Pandolf,  toute  la  région  de  Capoue  et  du  Mont-Cassin  fut 
mise  à  feu  et  à  sang.  La  chronique  de  Léon  dOstie  est  remplie 
par  le  récit,  sans  intérêt,  de  ces  guerres  continuelles  entre  parti- 
sans de  Guaimar,  de  Pandolf  et  du  Mont-Cassin.  Il  suffît  d'indi- 
quer qu'un  certain  nombre  des  Normands  qui  étaient  alors  au  ser- 
vice de  l'abbaye  se  montrèrent  des  vassaux  si  peu  commodes, 
que  labbé  Richer  dut,  une  fois,  quitter  son  couvent,  pour  aller 
chercher  du  secours  auprès  d'Henri  111.  Il  semble  que  Guaimar 
ait  conseillé  à  l'abbé  d'aller  trouver  le  fils  de  Conrad,  ce 
qui  tendrait  à  prouver  que  le  prince  de  Salerne,  lui-même, 
n'obtenait  qu'une  obéissance  très  relative  de  la  part  de  ses  vassaux. 
Le  pape  Victor  III,  qui,  comme  abbé  du  Mont-Cassin,  avait  eu 
de  nombreux  démêlés  avec  les  Normands,  rapporte  dans  un  de 
ses  dialogues,  divers  actes  de  pillage  commis  par  ses  anciens 
adversaires  et  dit  à  leur  sujet  :  «  sunt  ad  rapinain  avicii,  ad 
invadenda  aliéna  hona  inexplehiliter  an.rii  '.  »  De  tout  ce  que  nous 
apprennent  les  sources,  il  ressort,  en  elfet,  que  les  Normands  se 
conduisent  en  véritables  brigands.  Rappelons  qu'en  1043  ",  un 
prêtre,  Francon,  s'excuse  de  ne  pouvoir  payer  la  redevance 
qu'il  doit  au  monastère  de  Saint-Serge  et  Saint-Bacchus  de  Naples, 
et  promet  de  s'acquitter  a  ubi  domino  placiierif  et  illi  nialedicti 
lormannis  (sic)  exieris  de  lihurie  ».  Le  territoire  du  Mont- 
Cassin  n'était  pas  respecté  davantage,  et  Guaimar,  qui  ne  voulait 
pas  permettre  à  l'abbé  de  détruire  les  Normands,  réussissait  à 
grand'peine  à  maintenir  la  paix  •'.  11  est  vrai  que  dans  ces 
luttes  incessantes,  tous  les  torts  n'étaient  peut-être  pas  du  côté 
des  Normands.  Léon  d'Ostie  raconte  l'histoire  du  guet-apens  où 
tomba  un  Normand  du  nom  de  Rodolphe  %  venu,  avec  quelques 
compagnons,  au  Mont-Cassin.  Les  moines,  qui  avaient  à  se 
plaindre  de  Rodolphe  et  des  siens,  profitèrent  du  moment  où  ils 
étaient  à  l'église  pour  tomber  sur  eux,  et  les  massacrer  pour  la 
plupart.  Cette  exécution  sommaire  permit  aux  moines,  aidés  par 
les  comtes  des  Marses  et  les  comtes  de  Sangro,  d'expulser  les 

1.  AA.SS.O.S.B.  sec.  JV.  P.  2,  p.  433. 

2.  Rerjii  neapolitani  archiv.  mon.,  t.  IV,  n°  380,  p.  299. 

3.  Léo  Ost.,  II,  71.  Aimé,  II,  41. 

4.  Léo  Ost.,  II,  71  et  73. 


GUAIMAK    V    ET    LES    NOIOIANDS 


109 


bandes  normandes  de  tous  les  territoires  du  Mont-Cassin,  A  la 
suite  de  ce  succès,  l'abbé  fit  construire  un  grand  nombre  d'en- 
ceintes fortifiées,  derrière  lesquelles  purent  s'abriter  les  paysans 
de  l'abbaye  (mai  lOio).  Guaimar  dut  intervenir  personnellement 
pour  empêcher  les  gens  d'Aversa  de  venger  leur  compatriote,  et 
ce  n'est  qu'avec  peine  qu'il  y  réussit. 

'  Les  Normands  d'Aversa  étaient  alors  aux  prises  avec  le  prince 
de  Salerne  pour  les  raisons  suivantes.  Au  mois  de  juin  de  l'année 
1045  ',  le  comte  Rainolf  étant  mort,  les  Normands,  avec  le  con- 
sentement de  Guaimar,  élurent  à  sa  place  Asclettin,  neveu  de 
Rainolf-,  qui  fut  investi  par  Guaimar,  mais  mourut  au  bout  de 
peu  de  temps.  Asclettin  n'avait  pas  recueilli  en  entier  l'héritage 
de  son  oncle,  car  les  gens  de  Gaëte  se  donnèrent,  à  la  mort  de 
Rainolf,  au  comte  d'Aquino,  Adénolf,  qui  fut  battu  et  fait  pri- 
sonnier par  le  prince  de  Salerne  3.  Pandolf  III  ayant,  sur  ces 
entrefaites,  recommencé  à  attaquer  le  Mont-Cassin,  Adénolf  et 
Guaimar  s'allièrent  contre  lui  et  le  premier,  remis  alors  en  liberté, 
conserva  Gaëte.  A  la  mort  d' Asclettin,  Guaimar  prétendit  disposer 
du  comté  et  en  investit  Raoul,  fils  d'Eudes  ^  Cette  intervention 
du  prince  de  Salerne  fut  mal  vue  des  Normands,  et  tout  un  parti, 
ayant  à  sa  tête  un  neveu  de  Rainolf  P'',  Rainolf  Trincanocte, 
et  Hugues  Falluca  refusa  d'obéir  à  Guaimar"'.  Celui-ci  réussit 
à  s'emparer  des  deux  chefs,  et  les  fit  enfermer  à  Salerne.  Les 
deux  captifs  réussirent  à  gagner  leur  geôlier  et  à  s'enfuir  auprès 
de  Pandolf  III,  qui  naturellement  s'empressa  de  les  appuyer. 
Aidé  par  celui-ci,  Rainolf  II  gagna  Aversa  et  à  force  d'argent  se 
fit  reconnaître  à  la  place  de  Raoul,  qui  dut  prendre  la  fuite. 
Cette  révolution  eut  lieu  vers  la  fin  de  lOi.j,  ou  au  début  de 

1.  En  juillet  1050,  on  compte  la  sixième  année  d' Adénolf,  duc  de  Gaëte. 
Cod.  dlpl.  Caiet.,  t.  I,  p.  190.  Celui-ci  a  donccommencé,  au  plus  tard,  à  régner 
enjuillet  1043.  Or,  après  Rainolf,  et  avant  Adénolf,  ilya  eu  Asclettin.  Comme 
Rainolf  es»  mort  en  juin,  NecroL  sancti  Benedkti  Capuanuni  dans  Peregri- 
ni,  Ilistor.  princip.  Langoh.,  éd.  Pratilli,  V,  70,  on  doit  placer  sa  mort 
en  1045,  car  il  n'y  aurait  pas  assez  de  temps  entre  juin  et  juillet  1046  pour 
les  événements  connus.  Cf.  Aimé,  II,  31,  p.   87. 

2.  Aimé,  II,  31,  p.  87. 

3.  Léo  Ost.,  II,  74. 

4.  Aimé,  II,  32;  Léo  Ost.,  II,  66. 

5.  Aimé,  II,  33,  qui  appelle  Hugues,  Fallacia.  Cf.  Léo  Ost.,  II,  41  et  66. 


no  CHAPITRL    m 

l'année  1046.  A  cette  date,  en  effet,  mourut  Guillaume  Bras  de 
fer,  or  les  événements  d'A versa  sont  postérieurs  à  la  mort  de 
celui-ci  '. 

La  disparition  de  Guillaume  fit  éclater  entre  les  Normands  des 
conflits  dont  Guillaume  de  Fouille  nous  a  conservé  le  souvenir*. 
Pierron,  seigneur  de  Trani,  et  Dreux  furent  tous  les  deux  candi- 
dats à  la  succession  de  Guillaume  Bras  de  fer.  Appuyé  par  Guaimar, 
ce  fut  Dreux  qui  l'emporta.  Le  nouveau  comte  prit  peu  après  le 
titre  de  dux  et  magister  Italix  comesque  Xormannoriim  totius 
Apuliœ  ef  Calabriœ  '.  A  ce  moment,  le  prince  de  Salerne 
chercha  à  s'attacher  Dreux  en  lui  faisant  épouser  sa  fille,  car 
il  tenait  à  s'assurer  l'appui  des  Normands  de  la  Fouille  pour 
lutter  contre  Fandolf  III,  dont  l'alliance  avec  les  Normands 
d'Aversa  l'inquiétait^.  Son  but  fut  atteint,  et  Dreux  vint  l'aider, 
au  moment  où  Rainolf  II  song^eait  à  attaquer  Salerne.  Sur  ces 
entrefaites,  Fandolf  III  se  trouva  à  court  d'argent  ;  ne  pouvant 
payer  ses  troupes,  il  lui  fut  impossible  de  fournir  une  assistance 
effective  à  Rainolf  II,  qui  se  voyant  abandonné  par  lui,  demanda 
à  Dreux  de  le  réconcilier  avec  Guaimar.  Le  nouveau  comte  de 
Fouille  y  réussit,  et  Rainolf  II  fut  investi  par  le  prince  de  Salerne, 

{.  Guillaume  Bras  de  fer  dut  mourir  vers  la  fin  de  1045,  ou  au  début  de 
1046.  Cf.  Heinemann,  op.  cit.,  t.  I,  p.  361.  Cela  résulte  d".\imé,  II,  34  et  33. 

2.  G.  Ap,  II,  2'  et  suiv. 

3.  Il  est  probable  que  Dreux  n"a  |)ris  ce  titre(ju"aprèsla  venue  d'Henri  III. 
Cf.  p.  113.  On  a  de  Dreux  un  acte  de  1053,  où  il  prend  le  titre  de  «  dux  et 
magister  Italiae  comesque  Xormannorum  totius  Apuliae  atque  Calahriae  », 
Ug-helli,  t.  VII,  p  168.  Les  indications  chronolog-iques  sont  exactes.  L'ab- 
sence de  diplômes  émanés  de  Dreux,  ne  permet  pas  de  faire  la  critique  de 
cet  acte,  au  point  vue  diplomatique.  Je  crois  pourtant  que  l'acte  est 
authentique,  car  il  est  mentionné  dans  une  bulle  de  Nicolas  II  (2"i  août 
1059,  Melfij.  Cf.  Pflugk-IIarttung,.lc/ai«e(/j7a,t.II,  p. 86.  il  est  peu  probable 
que  l'on  ait  présenté  au  pape  un  acte  faux,  où  était  mentionnée  l'inter- 
vention de  Robert  Guiscard,  alors  que  Guiscard  était  à  Melfi  avec  le 
pape.  Cela  me  parait  rendre  probable  l'authenticité  du  diplôme.  Si  on  l'ad- 
met, on  voit  que  les  Normands  ont  pris  le  titre  qu'avait  alors  Argyros, 
le  gouverneur  byzantin  de  la  Fouille,  qui  s'intitulait  u.âv'-i'P^^;  >-^'-  ^o'J?  I^a- 
Àîa;.  Trinchera,  op.  cit.,  54.  Rappelons  qu'Henri  II  avait  accordé  à  Mêlés 
ce  titre  de  flux  Apulipp.  Le  titre  de  duc  aurait  donc  été  pris  par  les  Normands 
antérieurement  au  concile  de  Melfi.  Cette  opinion  me  parait  confirmée  par 
le  fait  que  Guaimar,  dans  ses  actes,  parlait  du  duché  de  Fouille.  Cf.  p.  lOo, 

4.  Aimé,  II,  34. 


GUAIMAR    V    ET    LES    NORMANDS  IH 

du  comté  d'Aversa'.  Ainsi  se  terminèrent  ces  premiers  démêlés 
entre  le  prince  de  Salerne  et  les  bandes  normandes. 

Il  semble  que,  pendant  Tannée  1046,  Dreux  se  soit  étendu  vers 
la  Fouille  ;  nous  savons,  en  effet  qu'en  mai,  il  infligea  une 
défaite  au  catépan  Eustathios,  près  de  Tarente'-.  En  1046  égale- 
ment, Onfroi,  un  des  fils  de  Tancrède  de  Hauteville,  arrivé 
depuis  peu  en  Italie,  obligea  les  gens  de  Bari  à  conclure  un  traité 
avec  lui.  Peut-être,  doit-on  placer  également  vers  cette  date,  la 
création  par  le  comte  Pierron  de  toute  une  série  de  forteresses 
dans  les  environs  de  Trani.  D'après  Guillaume  de  Pouille,  c'est 
alors,  en  effet,  qu'auraient  été  créées  les  places  d'Andria,  de 
Bisceglie,  de  Barletta  et  de  Gorato^. 

La  fin  de  l'année  1046  marque  l'apogée  de  la  puissance  de 
Guaimar,  dont  l'autorité  est  reconnue  par  les  comtes  des  Marses 
et  les  comtes  de  Sangro\  et,  dont  l'alliance  est  recherchée  par 
Boniface,  marquis  de  Toscane.  Guaimar  pouvait  croire  également 
qu'il  était  en  droit  de  compter  sur  l'appui  d'Henri  III,  auquel  il 
envoyait  des  présents  deux  fois  par  an  ;  mais  sa  puissance  porta 
ombrage  au  fils  de  Conrad  et  la  venue  d'Henri  III,  en  Italie, 
modifia  singulièrement  la  situation  du  prince  de  Salerne. 

1.  Aimé,  II,  35,  36  et  38. 

2.  Lupus  Protospat.  ad  an.  Chr.  brève  nor.,  ad  an. 

3.  Aimé,  II,  34,  p.  91. 

4.  G.  Ap.  II,  20.  22. 


CHAPITRE  IV 

l'empereur     HENRI    III    EN    ITALIE.    —    ARRIVÉE    DE    RICHARD    d'avERSA 
ET    DE    ROBERT    GUISCARD.    LES    NORMANDS    ET    LÉON    IX. 

M047-10oi). 


Depuis  Benoît  VIII,  la  papauté  était  en  quelque  sorte  devenue 
héréditaire  dans  la  famille  des  comtes  de  Tusculum,  qui  surent 
toujours  se  maintenir  en  bons  termes  avec  les  empereurs  alle- 
mands'. Benoit  IX,  qui  monta  sur  le  trône  pontifical,  à  l'âge  de 
douze  ans,  compromit  cette  situation  par  ses  désordres.  Sous  son 
règne,  on  vit  ((  refleurir  au  Latran  le  régime  de  cocagne  auquel  son 
parent,  Jean  XII,  avait  présidé  quatre-vingts  ans  auparavant  ^  ». 
Benoît  IX  resta  pourtant  douze  ans  sur  le  trône  pontifical;  ce 
ne  fut  qu'à  la  fin  de  1044  que  les  Romains,  las  de  son  pontificat,  le 
chassèrent  et  élurent  à  sa  place  Jean,  évêque  de  Sabine,  qui  prit 
le  nom  de  Silvestre  IIP.  Ramené  au  pouvoir  par  son  parti, 
Benoît  IX  abdiqua,  au  bout  de  quelque  temps,  en  faveur  de  Jean 
Gratien,  archiprêtre  de  Saint- Jean-Porte-Latinê,  qui  prit  le 
nom  de  Grégoire  VI  ^.  L'anarchie,  qui  régna  à  Rome,  à  la  suite 
de  ces  élections,  fut  telle,  qu'une  partie  du  clergé  romain 
demanda  l'intervention  d'Henri  III,  qui,  en  1039,  avait  succédé 
à  son  père  Conrad  II  "*.  Le  roi  des  Romains  avait  déjà  été  solli- 
cité par  les  moines  du  Mont-Cassin  de  venir  rétablir  l'ordre 
dans    l'Italie    du    Sud.    En     1046,   Henri    III,   débarrassé   des 


1.  Cf.    Mgr   Duchesne,  Les  premiers  temps  de  Vélat  pontifical,  p.  369  et 
suiv. 

2.  Op.  cit.,  p.  .376. 

3.  Lih.  Pontif.,  t.  II,  p.  270,  el  Annal.  liom.,  ibid.,\).  331. 

4.  Ibid. 

5.  Bonizo,  Liber  ad  amicum,  dans  M. G. H.   111-4",    Libelli  de  lite  impera- 
torum  et  pontificum,  t.  I,  p.  584. 


PRINCES    DE    CAPOUE 


Uonni,i<Hr: 


N.  '• 


Raixolf  II  "   TniN- 
CANOCTE,4"  com- 
te    cIAversa; 
+  V.   10 i7. 


Hubert. 


Hermann',  5"C(im- 
te  d' Avers  A. 
avec    1"    Grii.- 

LAUME  lÎEI.I.E- 

HOICIIE  lOlSl. 

2"      UlCHARIi       1°' 
V.    10  10    . 


TABLEAU    GRNKALOGK.H'K     l>KS    COM'IKS    D'AVKnSA     l'/I'    HKS    IMtINr.ES    lH-     CAl>(>UE 


IV.  lOlîO  .  duc  de 


IloBERT   '"',    iiipn-       N.  i:p,le  fils  ",  (lu       N.  iSp.  ' 
lionne     cniume  duc  nE  GAiirE.  -MU 

comUdeCAiA/-  ni'.rii. 


2-   RirHAiti.    1" 


II     '\        Uoi.uhtI" 


i-il  prince    de    Ca- 


filk'deRor.EH  [■' 


>ue.  Pi-incede 


iil-clrc  ce  Robeil  est-ilsi 


•  JiiniiÈgcs.  Hist,  Norm  .Vil, 30.  Adliùniai-  de  Clinhaimc.  llislorhe,  III.  55.  llaoul  Glaber,  III,  1.  Peut-être  N.  esl-il  A  idcnlifici 
c  'A'  comte  d'Avei'Ba  fut  Raoul,  chassé  pnf  RaîaoU',  Ainu',  II.  tJ. 


.  Osiuond  ou  Rodolphe. 


:■((..  p.  m.    .^e(^.W.  dis.,  dans  l! 


II.  il.Hidmr.l  aurait  ùpoiisiiiine  sœur  tic  Rainolf  Tmicau<.ctc  :  nilkiiis.  VII.  '. 
uit  l'Wdc^seiidc  iMiiloterra,!.  Ij.  comme  la  Icnimc  de  Rjchai-d, 
lu,  Ace,   n,  «.i3  Ml-  VIII   des   ides  davi-ili.  V.a  scplrmlti-.'    107: 


.  Diac.  IV.  10,  Nvcn>l.  Cas.,  d,ii 


i  Meri,  oy»,  ciL,  IX. 


ùnolf.  il  Tout,  sans  doute,  identifier  Richard.  Mrc  de  Rainoir,  £ 


l'eMI'EKEI'H    HENUI    111    KiN    H'AI.IE  H3 

i^uerres,  qu'il  avait  eu  à  soutenir  contre  Samuel  Aba,  roi  de 
Hongrie,  et  Godefroi  le  Barbu,  duc  de  Lorraine,  se  décida  à 
descendre  en  Italie  ^  Dans  deux  synodes,  tenus  l'un  à  Sutri,  le 
20  décembre,  l'autre,  à  Rome,  le  23  et  le  24  du  même  mois,  Henri 
déposa  les  trois  papes  et  désif^na  pour  leur  succéder  Suidg-er^ 
évêque  de  Bamberg,  qui  prit  le  nom  de  Clément  H.  Celui-ci 
sacra  le  25  décembre  Henri  III  et  sa  femme  Agnès'. 

Dans  le  courant  du  mois  de  janvier  de  l'année  10i7,  l'empereur 
se  rendit  dans  le  sud  de  l'Italie,  en  compagnie  du  pape '.  Il  s'arrêta 
au  Mont-Cassin  et  fit,  durant  son  séjour,  de  riches  présents  à  l'ab- 
baye^. Le  3  février,  il  était  à  Capoue  •',  où  Guaimar,  accompagné 
de  Rainolf  II  et  de  Dreux  vint  le  trouver  ;  Pandolf  III  se  rendit 
également  auprès  de  lui  ^.  L'empereur  trouva  que  la  puissance  de 
Guaimar  était  devenue  trop  grande  il  lui  enleva  donc  Capoue,  et 
rendit  à  Pandolf  III,  son  ancienne  principauté;  en  échange,  il  reçut 
une  grosse  somme  d'argent.  Henri  III  confirma  également  les 
conquêtes  faites  par  les  Normands  en  conférant  l'investiture  de 
leurs  états  à  Dreux  et  à  Rainolf  '. 

On  a  voulu  qu'à  partir  de  cette  date,  Rainolf  et  Dreux  aient  cessé 
d'être  les  vassaux  deGuaimar  s.  Cette  opinion  ne  me  paraîtpasjuste, 
car,  dès  le  départ  de  l'empereur,  nous  voyons  Dreux  acquiescer  à 
une  demande  de  Guaimar  «  comme  loïal  comte  »,  dit  Aimé  '•',  et 
le  prince  de  Salerne  agit,  peu  après,  en  véritable  suzerain  dans 
l'affaire  de  la  succession  d'Aversa**^. 

Le  rôle  d'Henri  III  peut  s'expliquer  autrement;  vis-à-vis  de 
l'empire,   les  Normands  étaient  investis  dune  façon  irrégulière. 


1.  Ilerimannus  Aug'.,C7ir.,  M.G.H.SS.,  t.  V,  p.  126.  ad  an.  1040.  Annnl. 
Allah,,  ad  an.  1046.  Cf.  sur  la  descente  de  l'empereur,  SteindorfT,  Jnhrb.  d.  cl. 
Reichs  unier  Ileinrich  III,  t.   I,  p.  308  et  suiv. 

2.  Cf.  SteindoriT,   op.  cit., t.  I,  p.  314  et  suiv. 

3.  Stumpf,  op.  cit.,  2320-2322. 

4.  LeoOst.,  II,  78. 

5.  Gattola,  Accès.,  t.  I,  p.  148. 

6.  Léo  Ost,  II,  78.  Aimé,  III,  2-4.  .lu;!.  Cas.,  M.G.H.SS.,  t.  XIX,  p.  306. 

7.  Aimé,  III,  2.  Ilerimannus   Aug.,  Chr.,  ad  an.  1047. 

8.  De  Blasiis,  op.  cit.,  t.  I,  p.  797.  Cf.  Hirsch,  op.  cit.,  p.  277.  Delarc, 
op.  cit.,  p.  166.  Heinemann,  op.  cit.,  t.  I,  p.  108. 

9.  Aimé,  III,  12,  113  et  suiv. 

10.  Cf.  infra  p.  117. 

Histoire  de  la  doiniiiulion  norinnnde.  —  (^.hai.amion.  S 


Il 4-  ciiAi'iiHl-:    IV 

car,  Guaimar  leur  avait  donné  des  terres,  sur  lesquelles  il  n'avait 
aucun  droit. Henri  III  dut  se  borner  à  lég-itimer  le  fait  accompli,  les 
Normands  devinrent  ainsi  les  arrières-vassaux  de  l'empire.  Il  reste 
à  expliquer  comment  à  partir  de  ce  moment,  le  prince  de  Salerne 
a  cessé  de  prendre  le  titre  de  t^  dux  Apuliœ  ^  ».  Il  me  semble  que 
l'on  peut  donner  de  ce  lait  l'explication  suivante.  Aucun  Normand 
n'avait  été  jusque-là  été  investi  du  duché  de  Pouille,  mais 
tous  avaient  reçu  des  investitures  partielles.  Dreux  était  comte 
de  Lavello,  comme  Pierron  était  comte  de  Trani.  Guillaume  Bras 
de  fer  et  Dreux  ne  paraissent  pas  avoir  été,  jusqu'alors,  les 
seig-neurs  des  autres  comtes  normands,  et  leur  rôle  paraît  s'être 
réduit  à  prendre  en  cas  de  guerre  le  commandement  des  bandes 
que  formaient  leurs  compatriotes.  Par  le  fait  de  l'investiture 
impériale,  Dreux  acquit  une  importance  nouvelle  ;  nous  avons  vu 
qu'il  prit  probablement  alors  le  titre  de  «  dux  et  magister 
Italise  ».  Dreux  ayant  reçu  la  Pouille  en  fief,  on  comprend  que 
Guaimar  ait  cessé  de  prendre  le  titre  de  «  dux  Apulise  »,  mais  ce 
changement  a  très  bien  pu  se  faire  sans  que  l'empereur  ait  rompu 
les  liens  de  vassalité  qui  rattachaient  Dreux  au  prince  de  Salerne. 

Le  résultat  le  plus  clair  du  voyage  d'Henri  III  fut  la  recon- 
stitution de  la  principauté  de  Gapoue.  L'empereur,  afin  d'équilibrer 
la  puissance  des  petits  États  italiens,  chercha  certainement  à 
opposer  à  Guaimar  et  à  ses  Normands,  Pandolf  III. 

De  Gapoue.  Henri  III,  toujours  en  compagnie  du  pape  -,  se 
rendit  à  Salerne,  où  il  était  le  18  février;  de  là,  il  gagna  Bénévent. 
La  ville  refusa  de  le  recevoir.  Hermann  de  Reichenau  raconte 
que  les  habitants  qui  avaient  mal  accueilli,  quelque  temps  aupa- 
ravant, la  belle-mère  de  l'empereur,  craignirent  la  veng'eance 
d'Henri  III.  Celui-ci  se  borna  à  concéder  aux  Normands  Béné- 

1.  Guaimar  n'a  plus  le  litre  de  (lux  Apuliœ  el  Calahriœ,  après  janvier  1047; 
Cod.  Car.,  t.  VII,  pp.  26,  28  et  suiv.  De  Blasiis,  o/j.  ct7.,  1, 197,  dit  à  tort  depuis 
décembre  1046.  L'acte  publié  dans  le  Cod.  Cav.,  loc.  cit.,  sous  le 
n"  MLXXXVIII,  a  encore  la  mention  du  duché  de  Guaimar,  mais  l'indiction 
indique  qu'il  faut  le  dater  de  1045.  Je  ne  saurais  expliquer  que  par  une 
erreur  du  rédacteur  la  mention  du  duchi'>  qui  se  trouve  dans  l'acte  n"  MCXX, 
op.  cit. 

2.  Ann.  Benec,  M.G.H.SS.,  t.  III,  p.  179.  Lup.  Protospat.  ad  an.  1046. 
Herimannus  Aug-.  Chr.,  M.G.H.SS.,  t.  V,  p.  126.  Léo  Ost.,  II,  78. 


LES    UÉliLTS    DI-;    ItICHAKJJ    d'aVEKSA  Ho 

vent  et  son  territoire,  et  regagna  l'Allemagne.  L'aide  prêtée  par 
les  Normands  à  Guaimar,  dans  sa  campagne  contre  Capoue, 
montre  bien  que  leurs  rapports  avec  le  prince  de  Salerne  conti- 
nuèrent à  être  très  bons,  après  la  venue  de  l'empereur  '  ;  de 
même,  l'assistance,  prêtée  à  Guaimar  par  Dreux,  lors  de  la  révolte 
de  Guillaume  Barbote,  vers  1050  -. 

Il  semble,  qu'à  ce  moment,  les  Normands  se  soient  étendus,  sur- 
tout vers  le  sud.  La  chronique  de  Lupus  mentionne  pour  la  fin  de 
l'année  10i7  deux  victoires  des  Grecs,  dont  lune  à  Lecce  ^.  Nous 
ne  connaissons  pas,  par  ailleurs,  les  campagnes,  qui  eurent  lieu 
alors  ,  mais  nous  pouvons  connaître  la  manière  dont  les  Nor- 
mands progressèrent,  par  l'histoire  de  deux  jeunes  chevaliers  qui 
arrivèrent,  en  Italie,  vers  cette  date,  et  sur  lesquels  les  chroniques 
nous  fournissent  de  nombreux  renseisrnements. 

Les  succès  remportés  par  les  Normands,  en  Italie,  avaient  amené 
une  émigration  nombreuse  de  leurs  compatriotes  -\  Nous  avons  vu 
que  Rainolf  d'Aversa  avait  tenu  à  faire  venir  des  Normands,  pour 
les  prendre  à  son  service,  et  Malaterra  nous  apprend,  que  tous 
ceux,  qui  arrivaient  de  Normandie,  étaient,  bien  reçus  et  trou- 
vaient facilement  à  prendre  du  service.  Un  peu  avant  la  venue  de 
l'empereur  Henri  III,  arrivèrent  deux  chevaliers,  qui  devaient,  au 
bout  de  peu  de  temps  jouer  les  deux  rôles  principaux,  dans  les 
événements  de  l'Italie  du  Sud.  L'un  devait  être  Richard  L'"  de 
Capoue,  l'autre  Robert  Guiscard. 

Le  premier  était  le  fils  d'Asclettin,  à  qui  la  ville  d'Acerenza 
avait  été  attribuée,  lors  du  partage  de  la  Fouille,  et  le  frère  d'As- 
clettin, qui  avait  été  investi  d'Aversa,  après  la  mort  de  Rainolf  L'-'. 
Richard  arrivait  avec  une  suite  nombreuse  :  il  avait  avec  lui  qua- 
rante chevaliers.  Il  se  rendit,  d'abord,  à  Aversa,  où  il  trouva, 
auprès  de  Rainolf  II  Trincanocte,  un  très  mauvais  accueil.  Ce  der- 
nier, au  dire  d'Aimé,  craignait    que  les  partisans  d'Asclettin  ne 


i.  Aimé,  III,  3,  lo:;. 

2.  Aimé,  II,  39,  95.  La  date  résulte  de  YAnnn.  Bar.,  ad  an.  10.^1  et  d'un 
acte  de  1050,  où  Guillaume  est  mentionné,  di  Meo,  op.  cil.,  t.  VII,  p.  311. 

3.  Lup.  Protospat.,  ad.  an.  1047. 

4.  Malaterra,  I,   11. 

5.  Aimé,  II,  43  et  44. 


116 


chapitrp:  IV 


s'unissent  au  jeune  comte  et  ne  missent  celui-ci  à  sa  place. 
Richard,  voyant  qu'il  n'avait  rien  à  gagner,  auprès  de  Rainolf  ÏI, 
quitta  A  versa  et  se  rendit  auprès  d'Onfroi ,  seigneur  de  Lavello, 
qui  le  traita  avec  honneur  '.  Mais,  à  ce  moment,  Onfroi  était  un 
seigneur  assez  peu  puissant,  et  il  ne  paraît  pas  avoir  aidé  Richard, 
à  qui  la  fortune  vint  d'un  autre  côté.  Un  certain  Sarule,  seigneur 
de  Genzano,  ancien  vassal  d'Asclettin,  comte  d'Acerenza ,  se 
serait,  au  dire  d'Aimé,  rendu  auprès  de  Richard,  dès  qu'il  eut 
connaissance  de  sa  présence  chez  Onfroi,  et  l'aurait  invité  à 
venir  à  Genzano  "-.  Là,  en  présence  de  ses  chevaliers,  il  aurait 
proclamé  Richard  seigneur  des  terres  qu'il  possédait,  et  n'aurait 
accepté,  cjue  sur  les  instances  de  celui-ci,  de  partager  avec  lui 
la  seigneurie.  Peut-être,  y  a-t-il,  chez  Aimé,  une  certaine  exagé- 
ration dans  la  manière  de  présenter  les  faits.  Nous  voyons,  en 
effet,  que  l'arrivée  de  Richard  augmenta  sensiblement  la  puis- 
sance de  Sarule,  qui,  au  lieu  de  soixante  chevaliers,  en  eut  cent. 
En  admettant  que  Richard  et  Sarule  ont  simplement  fait  alliance, 
nous  devons  être  plus  près  de  la  vérité. 

Les  deux  seigneurs  commencèrent  à  mener  une  vie  de  bri- 
gands, pillant  et  ravageant  toutes  les  terres  voisines.  Au  bruit 
de  leurs  exploits ,  de  nombreux  chevaliers  vinrent  se  ranger 
sous  leurs  ordres  et  tous  furent  grassement  payés.  Richard  devint 
assez  puissant  pour  s'attaquer  au  comte  d'Aversa,  auquel  il 
réclama  les  terres,  qui  avaient  appartenu  à  son  frère  ;  il  réussit 
à  amener  Rainolf  II  à  composition.  Celui-ci  donna  en  mariage,  à 
Richard,  une  de  ses  parentes,  et  lui  restitua  le  bénéfice  qui  avait 
appartenu  à  Asclettin  -^  Nous  savons  que  Richard  attaqua  égale- 
ment Dreux,  mais  ici,  il  fut  moins  heureux  et  fut  fait  prisonnier  '\ 
Pendant  sa  captivité,  Rainolf  Trincanocte  vint  à  mourir  (lin  de 
1047  ou  début  de  1048);  son  fils   Hermann  lui    succéda,  sous  la 


1.  On  a  vu  que  Lavello  était  échu  à  Arnolin,  lors  du  partage  de  la 
Fouille,  nous  ne  savons  pas  comment  Onfroi  en  devint  le  seigneur. 

2.  Genzano,  prov.  et  circond.  ^de  Potenza. 

3.  Aimé,  II,  44,  fait  de  la  femme  de  Richard,  la  sœur  de  Rainolf  Trin- 
canocte; ailleurs,  VII,  I,  il  dit  quelle  était  sœur  deGuiscard.  Cf.  le  tableau 
généalogique  des  comtes  d'Aversa,  p.  112. 

4.  Aimé,  III,  12. 


LES  DÉBUTS  DE  ROBERT  GUISCABD  117 

tutelle  du  comte  Guillaume  Bellebouche  '.  Celui-ci,  pour  des  motifs 
que  nous  ne  connaissons  pas,  fut,  au  bout  de  quelcjue  temps, 
expulsé  par  les  gens  d'Aversa,  qui  choisirent  Richard,  comme 
régent  "-.  Ils  allèrent  trouver  Guaimar  de  Salerne  et  le  prièrent 
d'intervenir  auprès  de  Dreux  pour  qu'il  rendit  la  liberté  au  sei- 
gneur de  Genzano.  Aimé  raconte  que  le  prince  Guaimar  requit 
Dreux  de  lui  livrer  Richard  et  qu'en  loyal  comte  Dreux  obéit. 
D'après  le  même  chroniqueur,  Guaimar  aurait  ensuite  mené 
Richard,  à  Aversa,  et  l'aurait  fait  comte  '■^.  Il  semblerait,  d'après 
les  paroles  d'Aimé,  que  Guaimar  agît,  encore  à  ce  moment, 
comme  seigneur  d' A  versa.  Reconnu  comme  régent,  pendant  la 
minorité  d'Hermann,  Richard,  nous  ne  savons  comment,  fut 
bientôt  seul  comte,  car  les  sources  ne  font  plus  mention  de  son 
pupille,  Hermann. 

La  fortune  de  Guiscard,  bien  quelle  n'ait  pas  été  aussi  rapide 
que  celle  de  Richard,  devait  la  dépasser.  Robert  Guiscard  était 
le  fils  aîné  du  second  mariage  de  Tancrède  de  Haute  ville.  A  peu 
près  vers  la  même  époque  que  Richard,  il  se  rendit  en  Italie 
pour  y  chercher  fortune,  mais  au  lieu  d'arriver  comme  celui-ci 
suivi  d'une  suite  nombreuse,  il  vint  seul.  Guiscard  était  allé  tout 
d'abord  demander  appui  à  Dreux,  qui  ne  lui  fournit  aucune  assis- 
tance. Repoussé  par  son  frère,  Robert  fut  obligé  de  se  mettre  à 
la  solde  de  divers  chevaliers  ^.  C'est  ainsi  que,  à  une  date  indé- 
terminée, il  entra  auservice  de  Pandolf  III  ''.  Nous  avons  vu  qu'à 
la  suite  de  l'expédition  d'Henri  III,  la  guerre  avait  éclaté  entre 
Guaimar  et  Pandolf.  C'est  vers  cette  époque,  que  Robert  prit  du 
service  dans  l'armée  de    Pandolf,   où,   d'ailleurs,    il   paraît    être 


1.  Di  Meo,  op.  cit.,  t.  VU,  p.  283. 

2.  Ibid.,  p.  312.  Cf.  Léo  Ost.,  II,  66,  qui  confirme  les  ronseig-nements 
fournis  par  les  actes  cités  par  di  Meo. 

3.  Aimé,  III,  12. 

4.  Aimé,  II,  4.j.  Robert  vint  en  Italie  après  la  mort  de  Guillaume 
(fin  104.")  ou  début  1046),  avant  celle  de  Pandolf  (février  1049>  (Cf.  Hirsch, 
Forschungen,  t.  VIII,  282'),  et  sans  doute  avant  l'expédition  de  Dreux  en 
Calabre  en  1048,  car  c'est  sans  doute  à  la  suite  de  cette  expédition  qu'il 
s'établit  en  Calabre.  Comme  auparavant,  Guiscard  fut  au  service  de  Pan- 
dolf, il  dut  venir  en  1046  ou  1047. 

h.  Ihid.,  m,  6. 


1  18  CIIAPITHE    IV 

demeuré  assez  peu  de  temps.  Selon  Aimé,  le  prince  de  Capoue 
aurait  promis  à  Robert  pour  prix  de  ses  services  un  château  et 
la  main  de  sa  fille,  et,  le  moment  venu  de  tenir  ses  promesses, 
aurait  refusé  de  s'exécuter.  Peut-être,  à  cette  époque,  la  guerre 
avec  Guaimar  était-elle  terminée  et  Pandolf  Illn'ayant  plus  besoin 
de  ses  auxiliaires  normands  les  a-t-il  licenciés.  Quoi  qu'il  en  soit, 
Robert,  à  la  suite  de  cet  insuccès,  retourna  auprès  de  Dreux  qui 
refusa  à  nouveau  de  lui  concéder  des  terres  '.  A  ce  moment,  la 
lutte,  entre  Grecs  et  Normands,  avait  repris  avec  beaucoup  de 
violence.  Nous  savons  qu'en  1048,  Onfroi  s'empara  de  Troia,  et 
que  la  même  année  les  Grecs  furent  battus  à  Tricarico  s  Comme, 
vers  le  même  temps,  nous  voyons  Dreux  conduire  une  expédi- 
tion dans  la  haute  vallée  du  Crati,  tout  près  de  Cosenza,  je  suis 
porté  à  croire,  que  ce  fut  lui  qui  remporta  la  victoire  de  Trica- 
rico par  laquelle  la  Calabre  fut  ouverte  ^  aux  incursions  nor- 
mandes. Les  détails  nous  manquent  pour  cette  expédition  de 
Dreux,  et  pour  les  conquêtes  qui  en  furent  la  suite,  mais  les 
aventures  de  Guiscard  nous  permettent  de  connaître  les  procé- 
dés,  employés  par  les  Normands,  pour  conquérir  le  pays. 

La  nature  montagneuse  de  la  Calabre  donne  une  importance 
toute  particulière  aux  quelques  passages  par  lesquels  se  font 
les  communications.  Dreux  laissa  donc,  après  son  expédition,  un 
certain  nombre  de  petits  corps,  destinés  à  garder  les  défilés. 
Comme  cette  région  était  très  peu  fertile  et  assez  insalubre ,  on  dut 
attribuer  les  nouvelles  conquêtes  aux  chevaliers  normands  les 
plus  pauvres  et  les  plus  besogneux.  Robert  Guiscard  eut  le  com- 
mandement dune  troupe  qui  s'établit  dans  la  vallée  du  Crati  à 
Scribla  '*.  LesNormands  ainsi  laissés,  étaient  obligés  de  vivre  sur 
le  pays,  ce  qui  était  difficile,  car  les  villes  de  la  côte  situées  pour  la 
plupart  dans  de  fortes  positions  pouvaient  facilement  se  défendre. 

1.  Aimé,  III,  7. 

2.  Chr.  LreL'e  nor/?j.,Muratori,  R.I.SS.,  l.  V,  p.  278.  De  Blasiis,  t.  I,p.  204, 
n'a  pas  compris  ce  texte  et  a  dit  que  les  Grecs  avaient  été  vainqueurs  alors 
que  le  texte  porte  :  Vicli  sunt  Grœci.  Les  conclusions,  qu'il  tire  de  cette 
prétendue  victoire,  au  sujet  de  la  conquête  de  la  Calabre,  sont  donc  erro- 
nées. 

3.  Aimé.  III,  7.  Malatona,  I,  16. 

4.  Malaterra,  I,  12.  Aimé.  III,  7. 


LES    DÉBITS    DE    RORERT    OLISCARD  110 

Le  pillage  des  campagnes  était  donc  la  seule  ressource  des  troupes 
installées  en  pays  ennemi.  Il  semble  que  dans  la  région  où  Guiscard 
s'établit,  les  débuts  aient  été  particulièrement  pénibles.  Robert, 
au  bout  de  quelque  temps ,  se  trouva  sans  argent  pour  payer 
la  solde  de  ses  soldats  et  dut  aller  trouver  son  frère  qu'il  s'efforça, 
en  vain,  d'apitoyer  sur  son  sort  '.  Dreux  refusa  de  lui  concéder 
d'autres  terres  et  Guiscard  fut  obligé  de  retourner  en  Calabre. 
C'est  vers  cette  époque  qu'il  transporta  son  camp  de  Scribla  à 
San  Marco  -.  Scribla  était  dans  une  situation  malsaine,  tandis 
que  San  Marco,  situé  sur  une  hauteur,  présentait  l'avantage  d'être 
plus  inaccessible.  San  Marco  devint  un  véritable  repaire  de  bri- 
gands. On  ne  saurait  mieux  faire  que  de  citer  les  paroles  mêmes 
d'Aimé  :  «  Et  retorna  Robert  a  la  roche  soe  et  aloit  par  les  lieuz 
ou  il  creoittrover  de  lo  pain.  Et  coment  lui  plaisoit  prenoit  proie 
continuelment,  et  toutes  les  chozes  qu'il  a  voit  faites  absconse- 
ment,  maintenant  list  manifestement.  Et  prenoit  li  buef  por  arer 
et  li  jument  (jui  faisoit  bons  poUistre  ,  gras  pors.  X.  et  peccoires. 
XXX  ;  et  de  toutes  ces  coses  no  pooit  avoir  senon.  XXX.  besant, 
et  autresi  prenoit  Robert  li  home  liquel  se  raclia tarent  de  pain 
et  de  vin  ;  et  toutes  voies  de  toutes  cestes  coses  non  se  sacioit 
Robert  '.  »  Malaterra  raconte  qu  il  arriva  à  Guiscard  d'être 
obligé  de  se  mettre  en  campagne,  pour  procurera  ses  compagnons 
ce  qu'il  leur  fallait  pour  vivre  '*.  Dans  cette  lutte  de  tous  les 
instants,  les  couvents  n'étaient  pas  épargnés  et  leurs  terres  étaient 
pillées  et  dévastées.  Les  possessions  byzantines  de  Calabre 
avaient  à  subir  continuellement  les  entreprises  des  Normands 
qui,  dans  cette  guerre  de  brigands,  avaient  recours  à  toutes  les 
ruses.  Une  aventure  typique  est  celle  qui  arriva  au  gouverneur 
byzantin  de  Bisignano,  elle  eut  un  grand  retentissement,  et  nous 
la  connaissons  par  trois  sources,  indépendantes  les  unes  des 
autres  :  Aimé,   Malaterra  et  l'auteur  du  Strategicon  •'. 

Guiscard   avait    conclu    un    accord    avec    Pierre,    gouverneur 

1.  Aimé,  111,9. 

2.  Malaterra.  I,  Ki.  San  Marco  Arg-entano,  entre  Malvito  et  Bisif^nano. 

3.  Aimé,  III,  9. 

4.  Malaterra,  I,  16. 

5.  Malaterra,  I,    17.  Aimé,    III,   10.     Cecaumeni   strategicon,   p.   3.").    Cf. 
une  variante  de  cet  épisode,  dans  YAlexiade,  I,  11,  p.  .52  et  sui\ . 


120  CHAPITRE    IV 

grec  de  Bisig-nano.  Un  jour,  Robert  invita  à  une  conférence  le 
commandant  byzantin.  Tandis  que  les  deux  chefs  s'embrassaient, 
Guiscard,  réussit  à  faire  tomber  de  cheval  le  gouverneur  qu'il 
fit  prisonnier  ;  en  même  temps,  les  Normands,  placés  en  embus- 
cade, tombaient  à  l'improviste  sur  les  soldats  grecs  et  les  mettaient 
en  fuite.  Le  commandant  grec  dut  payer  vingt  mille  onces  d'or 
pour  sa  rançon.  Il  est  certain  que,  pendant  toute  cette  période, 
Guiscard  et  les  siens  se  conduisirent  souvent  en  véritable  ban- 
dits. Toutefois,  nous  ne  savons  que  peu  de  choses  sur  les 
aventures  de  ce  genre  auquel  fut  mêlé  Robert.  On  ne  saurait 
même  ajouter  foi  aux  quelques  détails  que  nous  fournissent  les 
chroniques,  car  autour  de  Guiscard  une  véritable  légende  s'est 
formée  et  on  lui  a  attribué  bien  des  aventures,  dont  il  n'a  pas  dû 
être  le  héros.  Ainsi  Guillaume  de  Fouille  raconte  que  Guiscard 
se  serait  emparé  d'une  place  qu'il  ne  nomme  point  en  y  faisant 
transporter  un  cercueil  contenant  le  cadavre  d'un  de  ses  compa- 
gnons. Des  moines  acceptèrent  de  célébrer  les  funérailles  et  firent 
entreries  Normands.  Pendant  l'office,  le  prétendu  mort  se  leva 
de  son  cercueil  tandis  que  ses  compagnons  attaquaient  les  habi- 
tants et  prenaient  la  ville.  On  ne  saurait  attacher  aucune  créance 
à  ce  récit.  C'est  là  une  légende  qui  doit  être  rapprochée  des  aven- 
tures analogues  prêtées  à  Hasting,  à  Harald  et  à  Bohémond  '. 
A  la  suite  de  ces  premiers  exploits,  Aimé  raconte  le  mariage  de 
Guiscard;  comme  il  est  le  seul  à  parler  de  cet  événement,  son  récit 
ne  peut  être  contrôlé.  Pendant  un  séjour  que  Guiscard,  à  la 
suite  de  ses  victoires  en  Calabre,  fît  chez  son  frère  Dreux,  Girard, 
seigneur  de  Buonalbergo,  près  de  Bénévent,  lui  proposa  de  s'allier 
à  lui  pour  conquérir  des  terres  en  Calabre.  Il  amenait  deux  cents 
chevaliers  et  offrait,  pour  cimenter  l'alliance,  de  faire  épouser  à 
Guiscard  sa  tante  Auberée  (Albérade).  Guiscard  accepta  la  pro- 
position qui  lui  était  ainsi  faite,  mais  il  se  heurta  au  refus  de 
Dreux ,  qui  craignant  de  voir  son  frère  de  venir  trop  puissant ,  s'opposa 
à  son  mariage.  Ce  fut  seulement,  grâce  à  l'intervention  d'un  grand 


1.  CL  Wasûiewsky,  Journal  du  ministère  de  l'instr.  puhl.  russe  (187.i\ 
t.  177,  p.  40.3.  Dudon  de  Saint-Quentin,  éd.  Lair,  p.  133.  f'Jialandon, 
Essai  sur  le  règne  d  Alexis  I"  Comnène  (Paris,  1900  ,  p.  230,  noie  6, 


LES    DÉBUTS    DE    ROBERT    GUISCARD  121 

nombre  de  Normands,  que  Dreux  finit  par  céder  et  accorda  son 
consentement.  L'alliance  avec  Girard  marque  le  point  de  départ 
de  la  fortune  de  Guiscard,  qui  s'étendit  rapidement  en  Calabre, 
et  comme  dit  Aimé  :  «  Geste  choze  fut  lo  comencement  de 
accrestre  de  tout  bien  à  Robert  Viscart  *  ». 

Les  aventures  de  Guiscard,  que  nous  avons  rapportées  plus 
haut,  nous  servent  de  type  pour  connaître  la  manière  dont  s'opéra 
la  conquête  normande  dans  la  Calabre.  Il  est  certain  que  des 
actes  de  pillag-e  analogues  à  ceux  de  Robert  furent  commis  par 
un  grand  nombre  d'autres  chefs  sur  lesquels  les  sources  sont 
muettes.  Novis  pouvons  seulement  constater  que  vers  1050,  les 
Grecs  ont   reculé  partout. 

En  lOol,  l'empereur  Constantin  Monomaque  se  décida  à  ren- 
voyer Argyros  comme  catépan.  Le  basileus  occupé,  à  ce  moment, 
par  les  guerres  d'Orient,  chercha  à  se  débarrasser  des  Normands 
en  les  engageant  comme  mercenaires.  Ce  renseignement  nous  est 
fourni  par  Guillaume  de  Fouille  ^,  et  est  confirmé  par  l'Anonyme 
de  Bari,  qui  nous  apprend  qu'Argyros  apporta  avec  lui  beau- 
coup d'argent.  Le  catépan  échoua  complètement  dans  ses  négocia- 
tions, et  eut  beaucoup  de  peine  à  se  faire  reconnaître  par  les 
gens  de  Bari,  qui  commencèrent  par  lui  refuser  l'entrée  de  leur 
cité.  Ce  ne  fut  qu'au  bout  de  quelque  temps,  que  les  habitants  se 
décidèrent  à  lui  ouvrir  les  portes  de  la  ville  •^. 

Au  moment  où  les  Grecs,  affaiblis  par  de  nombreuses  défaites, 
ne  sont  plus  très  redoutables,  les  Normands  vont  avoir  à  lutter 
contre  un  ennemi  plus  dangereux,  le  pape  Léon  IX,  qui,  par  son 
intervention  dans  les  affaires  de  l'Italie  du  Sud,  rendit  un  moment 
leur  situation  très  critique  '\ 

A  la  mort  de  Clément  II,  le  9  octobre  1047,  l'empereur 
Henri  III  désigna,    comme    pape,    l'évêque  de    Brixen,    Poppo, 


1.  Aimé,  III,  11,  Auberée  devait  être  une  enfant,  car  on  la  trouve  en 
1122.  Cf.  Aimé,  éd.  Delarc,  p.   111,  note  1.      . 

2.  G.  Ap.,  II,  .38.  Anon.  Bar.,  ad  an. 

3.  Anon.  Bar.,  ad  an.  1051.  Lupus  Protospat.,  ad  an. 

4.  De  Blasiis,  op.  cit.,  t.  I,  p.  209,  se  sert  d'un  acte,  conservé  dans  la  Chro- 
nique (le  Farfa,  pour  prétendre  qu'Argyros  se  fit  inscrire,  alors,  parmi  les 
confrères  de  l'abbaye  de  Farfa;  l'acte  est  de  1057  et  non  de  lOoO. 


122  CHAPITRE    IV 

qui  prit  le  nom  de  Damase  II.  Le  pontificat  de  ce  dernier  fut  très 
bref  ;  arrivé  à  Rome  le  17  juillet  1048,  Damase  y  mourut  le  9  août. 
Les  Romains  paraissent  avoir  craint,  qu'on  ne  leur  attribuât  une 
part,  dans  cette  brusque  disparition,  et  firent  demander  à  l'empe- 
reur de  nommer  le  nouveau  pape.  Le  choix  d'Henri  III  se 
porta  sur  l'évèque  de  Toul,  Bruno,  qui  fut  désigné  à  l'assemblée 
de  Worms,  en  décembre  1048,  et  prit  le  nom  de  Léon  IX  '.  Le 
nouveau  pape  était  de  la  famille  des  comtes  de  Nordgau  -  ;  proche 
parent  de  l'empereur,  il  avait  vécu  à  la  cour  et  s'était  fait  remar- 
quer par  ses  qualités  militaires,  lors  de  l'expédition  de  Conrad 
en  Italie  et  en  organisant  la  défense  de  sa  ville  épiscopale  contre 
le  comte  de  Champagne  -^  Mais,  en  même  temps,  «  c'était  un  saint 
homme,  fort  zélé  pour  la  réforme  ecclésiastique  ».  Il  s'était 
appliqué,  dans  son  diocèse,  à  faire  refleurir  la  discipline  ecclésias- 
tique, et  apporta,  dans  le  gouvernement  de  l'église,  les  mêmes 
préoccupations.  On  raconta,  plus  tard,  qu'IIildebrand,  le  futur 
Grégoire  VII,  «  lui  aurait  fait  des  remontrances  sur  sa  promotion, 
et  même,  que  Léon  y  aurait  fait  droit,  s'en  i*emettant,  sur  son 
élévation  au  pontificat,  à  la  libre  élection  des  Romains.  S'il  y  a 
quelque  chose  de  vrai,  dans  ces  récits,  ils  ne  peuvent  concerner  que 
l'appareil  extérieur.  Léon  aura  attendu,  pour  s'habiller  en  pape, 
d'avoir  été  élu  et  installé  à  Rome  suivant  les  formes  usitées  ^  ». 
C'était  là  une  simple  formalité,  car  il  y  avait  peu  de  chances, 
que  le  peuple  de  Rome  osât  résister  à  l'empereur. 

Léon  IX,  s'il  poursuivit  la  réforme  de  TEglise,  eut  également 
une  politique  temporelle  très  active,  et  c'est  surtout  cette  der- 
nière, qui  amena  son  intervention  dans  les  affaires  de  l'Italie  du 
Sud.  On  peut  classer,  en  deux  groupes,  les  témoignages  des  chro- 
niqueurs, relatifs  aux   motifs  qui  amenèrent  cette   intervention. 

1.  Bruno,  17/^  .S.  Z-po/hs /.Y,  dans  \V;tUeiicli,  Vil.  pont  .A.  l.  \).  96.  Bonizo, 
Lih.  ad  aniicum,  p.  587.  Wibeil,  \  Un  Leonis  IX,  dans  Wallerich,  op.  cit., 
l.  I,   p.    149. 

2.  Wibert,  I,  1,  p.  128. 

3.  Ihid.,  I,  7, 134.  SigebertdeGembloux,  Chron.  M.G.H.SS.,  t.  VI,  p.  3.^9. 
Cf.  D.  Calmet,  Histoire  de  Lorraine  (1«  éd.),  t.  I,  col.  LXVII.  DArbois  de 
Jubainville,  Histoire  des  ducs  et  des  comtes  de  Chainpnrjne  (Paris,  18.59\  t.  I, 
p.  336. 

4.  Bonizo,  Liber  ad  amicum,  p.  587.  Cf.  Mgr  Duchcsne,  o/i.   cit.,    p.   388. 


LÉON    IX    ET    LES    NORMANDS  123 

Les  uns,  et  ce  sont  les  plus  nombreux,  l'expliquent  par  les  souf- 
frances que  les  Normands  causaient  aux  populations,  et  par  la 
désolation  des  égalises.  Les  autres  font  dicter  la  conduite  du  pon- 
tife, par  des  motifs  plus  politiques  ;  la  possession  de  Bénévent 
aurait  été  la  cause  déterminante,  qui  fit  agir  Léon  IX.  Il  faut,  je 
crois,  tenir  compte  de  ces  deux  opinions.  Il  est  hors  de  doute,  que 
le  désir  de  rétablir  la  paix  et  de  réformer  le  clergé,  a  influé  sur 
la  conduite  de  Léon  IX,  et  l'on  peut  en  trouver  la  preuve  dans 
ses  premiers  voyages  en  Italie,  mais  le  pape  se  décida  à  une 
intervention  armée,  seulement  quand  ses  intérêts  immédiats 
furent  en  jeu,  c'est-à-dire  quand  Bénévent  se  fut  donnée  à  lui. 
Dans  sa  politique  méridionale,  Léon  IX  fut  certainement  inspiré 
par  Hildebrand,  le  futur  Grégoire  VII,  qu'il  nomma,  dès  son 
avènement,  économe  de  l'Eglise  '.  A  ce  titre,  Hildebrand  chercha  à 
«  remettre  en  vigueur  les  droits  de  l'Eglise  »,  afin  d'augmenter 
les  revenus  de  la  papauté  qui  manquait  alors  complètement  d'ar- 
gent. A  partir  de  ce  moment,  Hildebrand  sera  le  véritable  inspi- 
rateur de  la  politique  des  divers  papes  qui  se  succéderont,  jus- 
qu'au moment  où  il  montera  lui-même  sur  le  trône  pontifical. 

Au  début  du  pontificat  de  Léon  IX,  une  explosion  de  haines 
formidables  se  produisit  contre  les  Normands.  Accueillis,  au  dire 
de  Wibert,  comme  des  libérateurs,  ils  étaientdevenus,  bien  vite, 
des  oppresseurs  '.  Aussi  dans  les  chroniques,  on  les  confond  dans 
une  haine  commune  avec  les  Musulmans  pillards  et  c'est  le  même 
nomd'Agarènes  qui  sert  à  les  désigner  ''.  Un  moine  de  Bénévent  \ 
auteur  d'une  vie  de  Léon  IX,  raconte  que  les  Normands  ne  cher- 
chaient pas  seulement  à  soumettre  à  leur  pouvoir  la  Fouille,  mais 
encore  toutes  les  provinces  environnantes.  Dans  celles  où  ils  ne  pou- 
vaient dominer,  ils  coupaient  les  vignes  et  brûlaient  les  moissons  ; 
le  même  auteur  leur  reproche  de  ne  pas  respecter  les  biens  du  Saint- 
Siège.  Une  autre  vie  de  Léon  IX  nous  le  montre  recevant  les  plaintes 
d'un  grand  nombre  de  malheureux  victimes  de  la  cruauté  des  Nor- 
mands •^.  Léon  IX,  lui-même,  parle  des  Normands,  qui,  plus  que  des 

d.   Bonizo,  op.  cit.,  a88. 

2.  Wibert,  II,  6,  p.  158.  Cf.  Herimannus  Aug.,  Chr.,  ad  an.  105.3. 

3.  Annal,  rom.,  dans  Lih.  Pont.,  t.  II,  pp.  333-333,  347. 

4.  Watterich,  op.  cit.,  t.  I,  p.  VC. 

5.  Bruno,  Vita  Leonis  IX,  dans  Watterich,  op.  cit.,  t.  I,  p.  98. 


124  CHAPITRE    IV 

païens,  s "insurg-ent  contre  l'Eglise  de  Dieu,  font  périr  les  chré- 
tiens au  milieu  de  supplices  terribles  et  avec  des  raffinements  de 
cruauté,  sans  épargner  femmes,  vieillards  ou  enfants.  Le  pape 
leur  reproche,  surtout,  de  ne  pas  distinguer  entre  ce  qui  appartient 
à  l'Eglise,  et  ce  qui  est  aux  laïcs  '.  J'ai  déjà  parlé  de  ce  prêtre  de 
Naples,  qui  promettait  de  payer  ses  redevances  quand  les  mau- 
dits Normands  auraient  quitté  la  Liburie.  Quelques  années 
plus  tard.  Jean,  abbé  de  Fécamp,  écrivant  au  pape  pour  se 
plaindre  d  avoir  été  attaqué  au  retour  d'un  pèlerinage  à  Rome 
dira  '  :  «  La  haine  des  Italiens  contre  les  Normands,  a  atteint  un 
tel  degré,  qu'il  est  presque  impossible  à  un  Normand,  même  s'il 
est  pèlerin,  de  voyager  dans  les  villes  d'Italie,  sans  être 
assailli,  enlevé,  dépouillé,  frappé,  jeté  dans  les  fers,  quand  il  ne 
meurt  pas  en  prison  ».  La  situation  est  la  même  en  Calabre,  où 
les  misères  causées  par  les  nouveaux  concjuérants  ne  paraissent 
pas  avoir  été  moindres  -^ 

La  grande  habileté  de  Léon  IX  fut  de  savoir  tirer  parti  de  ces 
sentiments;  sa  tâche  fut  d'ailleurs  singulièrement  facilitée  par 
les  populations  elles-mêmes.  D'après  certaines  sources,  les 
Apuliens  auraient  demandé  secrètement  au  pape  d'intervenir  en 
leur  faveur,  parce  que  la  Pouille  dépendait  de  lui,  et  avait  dans 
le  temps  relevé  de  l'église  romaine  ^  ;  de  même,  les  Bénéven- 
tains  se  donnèrent  à  lui  •^.  Il  faut  noter  ici,  au  passage,  la  théo- 
rie suivant  laquelle  la  Pouille  relève  de  la  papauté  ;  c'est  la 
première  manifestation  de  la  théorie  pontificale  dont  nous  repar- 
lerons, à  propos  de  Nicolas  IL 

La  situation  de  l'état  bénéventain  était  devenu  singulièrement 
précaire  à  mesure  que  les  Normands  s'étaient  étendus  vers  le 
nord.  Leurs  entreprises,  contre  la  principauté  de  Bénévent, 
avaient  été  sinon  encouragées,  au  moins  autorisées  par  Henri  III. 
Après  Bovino '\  Troia    était  tombée  en  leur  pouvoir;   la  posses- 


t.   Will,  Acta  et  scripfa  qtiœ  de  controversiis  errlesife  grœcpp  el  latinœ  sae- 
culi  XI  composila  extant    Leipsig,  1861),  p.  86. 

2.  Migne,  P.L.,  t.  143,  p.   798. 

3.  Trinchera,  op.  cit.,  p.   50. 

4.  Malaterra,  I,   14. 

H.  Wibert,   Vita  Leonis,  dans  Watterich,  op.  cit.,  t.  I,  p.  152. 
3.   Chr.  brève  norm.,  Muratori,  R.I.SS.,  t.  V,  p.  278. 


LÉON    IX    ET    LKS    NORMANDS  125 

sion  de  ces  deux  places  et  celle  d'Ascoli  mettaient  entre  leurs 
mains  les  routes  qui  permettaient  à  l'étatde  Bénévent  de  commu- 
niquer avec  la  Fouille.  L'Apennin  n'avait  pas  davantage  arrêté 
l'expansion  des  Normands,  qui  avaient  débordé,  de  tous  les 
côtés,  sur  le  territoire  même  de  Bénévent.  Un  peu  avant  l'année 
lOol  nous  trouvons  établi,  entre  Bénévent  et  Ariano,  Girard 
de  Buonalberg-o,  qui  est  assez  puissant  pour  fournir  à  Guiscard 
deux  cents  chevaliers  '.  En  1053,  nous  trouvons,  dans  l'armée 
normande,  un  comte  de  Telese  et  un  comte  de  Boiano,  dont  la 
présence  confirme  lenvahissement  de  la  principauté  '.  Sous  Pan- 
dolf  III  (1011-1059)  et  Landolf  V  (103(S-I077)  l'importance  de 
Bénévent  avait  été  constamment  en  décroissant.  Nous  ig-norons 
quelle  était  l'org-anisation  de  la  principauté  ;  il  est  très  probable 
que  le  territoire  était  divisé  entre  un  certain  nombre  de  sei- 
g'neurs,  comme  Adelfîer,  cornes  de  principatu  Benevenfano, 
que  nous  trouvons  mentionné,  vers  1050  '■'',  et  Daulîer,  comte 
de  Larino,  mentionné  en  10o3  ''.  Il  est  probable,  à  en  juger  par  ce 
que  nous  savons  de  la  ville  même  de  Bénévent,  que  ces  seigneurs 
s'étaient  rendus  à  peu  près  indépendants.  Nous  constatons,  en 
effet,  que  l'autorité  des  princes  est  fort  affaiblie,  comme 
le  montre  le  rôle  joué  dans  les  événements  dont  le  récit  va 
suivre,  par  la  commune  de  Bénévent,  par  les  nohiles  et  les  boni 
homines  de  la  cité. 

Les  gens  de  Bénévent  ne  pouvaient  guère  demander  à  Salerne, 
de  les  aider  à  repousser  les  attaques  des  envahisseurs,  en  raison 
de  la  vieille  rivalité  des  deux  principautés,  et  de  l'alliance  qui 
unissait  Guaimar  aux  Normands.  D'autre  part,  Pandolf  de 
Gapoue  n'était  pas  un  allié  possible,  et  les  Grecs  avaient  bien 
assez  de  se  défendre  eux-mêmes.  Restaient  le  pape  et  l'empe- 
reur; mais  les  rapports  des  Bénéventains  avec  Henri  III  et  Clé- 
ment II  étaient  fort  tendus,  et  à  la  suite  des  événements,  qui 
avaient  marqué  le   passage   de   Henri    III,  à  Bénévent,    le  pape 


1.  Aimé,  111,  11.  Buonalbergo,  circond.  et  prov.  de  Bénévent. 

2.  G.  Ap.,  H,  134-135. 

3.  Léo  Ost.,  II,  65. 

4.  Ibid..  674. 


126  CHAPITRE    IV 

avait  excommunié  la  ville  '.  Dès  l'élection  de  Léon  IX,  les  Béné- 
A'entains  commencèrent  à  négocier  avec  lui  ;  à  peine  le  nouveau 
pape  était-il  arrivé  à  Rome,  que  les  envoyés  des  nobles  de  Béné- 
vent  vinrent  lui  offrir  de  riches  présents  '-.  Il  est  très  probable 
que  l'ambassade  lui  proposa  également  de  prendre  le  territoire 
de  Bénévent  sous  sa  protection  ;  son  biographe  nous  représente, 
en  effet,  Léon  IX  remerciant  Dieu,  non  pas  tant  pour  les  pré- 
sents, que  pour  le  dévouement  de  ses  fidèles.  La  démarche  des 
Bénéventains  était  certainement  faite  en  dehors  de  Pandolf;  les 
mots  legati  nohiliuin  montrent  suffisamment,  qu'il  est  question 
d'envoyés  de  la  commune,  et  les  événements  postérieurs 
prouvent,  que  les  princes  ont  été  étrangers  à  ces  négociations. 
Toutefois,  Léon  IX  ne  leva  pas  l'interdit  jeté  sur  la  ville  par 
son  prédécesseur. 

A  la  fin  de  février,  ou  au  début  de  mars  1049  ^,  Léon  IX  se  ren- 
dit, en  pèlerinage,  au  montGargano  ;  il  s'arrêta  au  Mont-Cassin  '*. 
On  peut  admettre  que  la  dévotion  du  pontife,  envers  saint  Michel 
et  saint  Benoît,  ne  fut  pas  l'unique  motif  de  son  voyage,  et 
c|ue  le  pape  désirait  se  rendre  compte,  par  lui-même,  de  l'état  de 
l'Italie  méridionale.  Vers  le  milieu  de  mai,  Léon  IX  partit  pour 
l'Allemagne,  afin  de  conférer  avec  l'empereur  •'.  L'année  suivante, 
nous  voyons  le  pape  entreprendre  un  nouveau  voyage,  dans 
l'Italie  du  Sud,  et  se  rendre  dans  tous  les  centres  importants  à 
Capoue,  à  Salerne,  à  Bénévent,  où  il  se  brouille  avec  Pandolf  et 
excommunie  la  ville,  nous  ne  savons  pour  quel  motif".  Le 
pape  se  rendit  aussi  à  Melfî  et  à  Siponto.  Quel  était  le  but  de 
ce    voyage?    Sans    doute   nous    voyons    le  pape    s'occuper    des 


1.  Ann.  Benev.,  M.G.W.  SS.,  t;  III,  p.  179.  Herimannus  Auy'.,C/ir.,  M. G. II. 
SS.,  t.  V,  p.  126.  Lupus  Protospat.,  ad  an.  1046.  Léo  Ost.,  II,  78. 

2.  Wibert,  Vita  Leonis,  dans  Watterich,  op.  cit.,  t.  I,  p.  i;j2. 

3.  La  chronologie  des  voyages  de  Léon  IX  a  été  établie  par  Steindorfî, 
op.  cit.,  t.  II,  pp.  4ij2-4!j7.  Elle  est  plus  juste,  à  mon  avis,  que  celle  de 
Delarc,  Aimé, p. [il ,  note  1.  Le  même  auteur,  dans  L7i /s/o;rp  f/ es  .Vor7?i«/!c/s, 
a  une  chronologie  absolument  fausse. 

4.  Léo  Ost.,  II,  79,  683. 

:j.  Herimannus  Aug.,  Chr.,  ad  an.  1049. 

6.  Léo  Ost.,  II,  79.  Aimé,  III,  15.  Anmil.  Benev.,  M. G. IL  SS.,  t.  III,  p.  179. 
Anon.  Bar.,  ad  an.  IO.jO.  Wibert.,  op.  cit.,  II,  6. 


LÉON    tX    El'    LES    NOKMANDS  127 

questions  de  discipline,  consacrer  un  évêque  à  Gapoue,  tenir  un 
synode  à  Salerne,  un  autre  à  Sipnnto  déposer  deux  archevêques, 
et,  à  son  retour,  à  Rome  s'occuper  de  la  question  des  dîmes, 
mais  il  est  certain  que  la  politique  ne  fut  pas  étrano^ère  à  ce 
déplacement  de  Léon  IX.  Nous  savons,  par  la  chronique  d'Her- 
mann,  que  le  pape  fit  reconnaître  par  les  villes  de  l'Italie  du  Sud 
son  autorité  et  celle  de  l'empereur  K  Que  faut-il  entendre  par  là? 
Je  ne  crois  pas,  que  l'on  puisse  admettre,  qu'à  ce  moment, 
le  pape  ait  voulu  se  faire  reconnaître,  comme  suzerain,  par  les 
princes  de  l'Italie  du  Sud.  Les  droits  reconnus  à  la  papauté,  par 
les  donations  impériales,  sont  encore  lettre  morte  et  ce  n'est 
qu'un  peu  plus  tard  que  Léon  IX  s'efforcera  de  les  faire  valoir. 
Il  me  semble  que  le  pape  n'a  pas  eu,  alors,  d'autre  but  que 
celui  de  rétablir  un  peu  d'ordre  et  de  tranquillité,  et  a  surtout 
cherché  à  obtenir  des  Normands  la  restitution  des  biens  des 
églises  et  des  monastères  qu'ils  avaient  indûment  occupés.  Il 
paraît  que  l'on  puisse  appliquer  à  toutes  les  autres  villes  ce 
qu'Aimé  dit  du  voyage  du  pontife,  à  Melfi,  ((  Et  puiz  s'en  ala  a 
Melfe  opponere  contre  li  fait  de  li  fortissime  Normant,  et  lor 
proia  qu'il  se  deuissent  partir  de  la  crudelité,  et  laissier  la 
moleste  de  li  povre.  Et  lor  mostra  come  Dieu  est  persécuté 
quant  li  povre  sont  persécutez,  et  cornent  Dieu  est  content  quant 
est  bien  fait  à  li  povre  ;  et  lor  comment  que  fidèlement  doient 
guarder  li  prestre  et  les  choses  de  l'eglize.  Et  les  conforta  en  faire 
bien  et  offerte  à  Dieu,  et  qu'il  soient  continent  et  caste  envers  lor 
voizins  et  lor  proxime,  et  en  toute  vertu  les  conferma  ''.  »  Il  est 
vraisemblable  que  Léon  IX  ne  réussit  pas,  dans  ses  tenta- 
tives pour  amener  la  paix  et  la  concorde,  et  nous  trouvons 
l'écho  de  son  mécontentement  dans  le  synode,  qu'à  son  retour 
il  tint  à  Rome. 

Dans  toutes  ces  tentatives,  Léon  IX  agit  non  seulement  au 
nom  de  la  papauté,  mais  aussi  au  nom  de  l'empereur,  avec 
lequel  il  paraît  étroitement  uni.  Aussi,  après  son  échec,  dans  le 
courant  de   la  même  année,   le  pape  retourne-t-il  conférer  avec 


1.  Ilerimannus  Aug.,  Chr.,  ad.  an.  1050. 

2.  Aimé,  III,  IG. 


128  CHAPITRE    IV 

Henri  III.  Pendant  son  absence,  les  Bénéventains  chassèrent 
leurs  princes  et,  au  retour  de  Léon  IX  (en  mars  lOol),  ils 
envoyèrent,  à  Rome,  une  ambassade  chargée  d'offrir  au  pape  de 
lui  remettre  la  ville  '.  La  papauté,  avait  dès  long-temps,  des  pré- 
tentions à  la  possession  de  Bénévent,  prétentions  qui  se  basaient 
sur  les  donations  des  empereurs  d'Occident,  et  que  les  circons- 
tances l'avaient,  jusque-là,  empêché  de  transformer  en  occupation 
réelle.  Léon  IX  saisit  avec  empressement  l'occasion  de  faire 
valoir  les  droits  de  l'Eglise,  et  tandis  qu'il  tenait  le  troisième 
synode  romain,  il  envoya  à  Bénévent  le  patriarche  de  Grado  et 
le  cardinal  Humbert  pour  terminer  les  négociations  -.  Dès  le 
mois  d'août,  les  envoyés  du  pape  étaient  de  retour,  ramenant 
avec  eux  vingt-six  otages,  pris  parmi  les  nobiles  et  les  boni 
homines.  Au  mois  de  juin,  le  pape  se  mit  en  route,  et,  par  le 
Mont-Cassin,  gagna  Bénévent,  où  il  était  le  'J  juillet.  11  leva  alors 
l'interdit  jeté  sur  la  ville  ■. 

A  partir  de  ce  moment,  le  pape,  ayant  des  intérêts  plus  immé- 
diats dans  l'Italie  du  Sud,  intervint  d  une  façon  beaucoup  plus 
active  dans  les  affaires  du  pays,  et  regarda,  d'une  manière  toute 
différente,  la  situation  créée  par  les  attaques  des  Normands. 
Appuyé  par  l'empereur  allemand ,  Léon  IX  avait  certainement 
un  très  grand  prestige ,  il  voulut  en  profiter  pour  améliorer  la 
situation  de  ses  nouveaux  sujets.  Il  pria  Guaimar  et  Dreux 
de  venir  le  trouver,  à  Bénévent  ^.  Ceux-ci  répondirent  à  son 
appel;  le  pape  leur  demanda  et  obtint  d'eux  l'engagement  de 
faire  respecter  ses  possessions.  Mais  la  plupart  des  attaques 
dirigées  contre  Bénévent  étaient  faites  par  des  Normands  isolés, 
c'étaient  de  petites  expéditions  entreprises  par  des  seigneurs 
auxquels  Dreux  et  Guaimar  pouvaient  difficilement  faire  sentir  leur 
autorité.  Aussi,  à  peine  le  pape,  qui,  en  quittant  Bénévent,  avait 
été  à  Salerne  avec  Guaimar,  s'était-il  séparé  de  Dreux,  que  les 


1.  Ann.  Benev.,  ad.  an.  1051.  Aimé,  III,  17.    (^f.    Ilnlinardi   Lugdunensis 
vita,  Migne,  P.L.,  t.  142,  col.  1344. 

2.  Ann.  Benev.,  loc.  cit. 

3.  Ann.  Benev.,  loc.  cit.  Léo  Ost.  II,  81.  Ilavait  avec  lui  Ilalinard,  arche- 
vêque de  Lyon.  Chr.  S.  Ben.  Div.,  M. G. II.  SS.,  t.  VII.  p.  237. 

4.  Aimé,  III,  17. 


LÉON    IX    ET    LES    NORMA>iDS  129 

incursions  recommencèrent'.  A  cette  nouvelle,  le  pape  entra 
dans  une  violente  colère  contre  Dreux;  il  ne  fut  calmé  que  par 
Guaimar  qui  lui  fit  comprendre  combien  il  était  difficile  au  chef 
normand  d'être  obéi.  Léon  IX  se  décida  alors  à  écrire  à  Dreux 
pour  lui  demander  d'intervenir  énergiquement  pour  ramener 
l'ordre.  Le  messager,  qu'il  envoya,  apprit,  en  route,  que  le 
comte  normand  venait  d'être  assassiné  et  revint  apporter  cette 
nouvelle  au  pape  '-. 

L'assassinat  de  Dreux  doit  être  très  vraisemblement  imputé 
à  Argyros.  Nous  avons  vu  que  celui-ci  avait  échoué  dans  sa 
tentative  d'eng-ager  les  Normands  au  service  de  l'empereur.  Il 
dut  être  l'inspirateur  d'une  vaste  conspiration,  qui  s'organisa  pour 
assassiner  à  jour  fixe  tous  les  Normands.  Le  projet  manqua, 
quant  à  l'exécution  générale,  mais  le  10  août,  Dreux  fut  tué  par 
un  des  conjurés  dans  la  chapelle  de  son  château  du  Monte  Haro, 
près  de  Bovino  \  Un  cei'tain  nombre  de  Normands  furent  assas- 
sinés le  même  jour,  mais  le  massacre  général  n'eut  pas  lieu  '*. 

La  mort  de  Dreux  avait  une  importance  considérable  pour  le 
pape,  car  Dreux,  par  la  situation  qu'il  avait  acquise,  représentait 
le  Normand  parvenu,  capable  de  maintenir  un  certain  ordre  dans 
ses  états  et  n'était  plus  seulement  un  chef  de  bandits.  Sa  mort 
amena  une  recrudescence  de  troubles.  Son   frère  Onfroi   occupa 


1.  Aimé,  III,  18. 

2.  Le  pape  célébra,  le  l.'i  août,  une  messe  pour  le  repos  de  son  âme. 
Aimé,  III,  20.  Ci".  Necrol.  Cass.  dans  Gattola,  Ace,  t.  II,  p.  84,  le  3  des  ides. 
Guil.de  Jumièges,  M.G.II.SS.,  t.  XXVI,  p.  8,  donne,  comme  date,  le  4  des  ides. 

.S.  Aujourd'hui,  Montella,  circond.  de  Sant'  Angelo  de'  Lombardi, 
prov.  d'Avellino.  Cf.,  Malaterra,  I,  13.  G.  Ap.  II,  75.  Dreux  laissa  plusieurs 
enfants,  deux  filles  Rocca  et  Eremburge  (cette  dernière  était  déjà  morte 
en  1101),  et  un  fils  Richard  le  Sénéchal,  seigneur  de  Mottola  (circond.  de 
Tarente,  prov.  de  Lecce)  et  de  Castellaneta.  Du  chef  de  sa  femme  Altrude, 
Richard  avait  des  biens  à  Massafra.  Il  eut  un  fils  .\Iexandre,  et  joua  un  rôle 
important  lors  de  l'expédition  de  Bohémond  contre  Alexis  I*^''  Comnène.  Cf. 
les  diplômes  suivants  :  1081,  Arch.  de  la  Cava,  B.  15;  1090,  Ihid.,  C.  22  ; 
1095,  Ihid.,  D.  7  ;  1098,  Gattola,  Ace.  t.  I,  p.  215  ;  1100,  Bibl.  du  Vat.  Reg. 
lat.  378,  ff.  28-30;  1101,  Ughelli,  t.  IX,  p.  402  ;  1108,  Cod.  dipl.  bar.  t.  V, 
p.  92;  liii, Ihid.,  p.  102.  Un  diplôme  de  1135,  Ughelli,  t.  VII,  p.  74,  estfaux, 
car  toutes  les  données  généalogiques  sont  inexactes. 

4.  Malaterra,  I,  13;  Lup.  Protospat.,  ad  an.  1051.  Anon.  Bar.,  ad  an. 
1051.  Aimé,  III,  22.  Chr.  brev.  norm.,  ad  an  1051.  G.  Ap.,  II,  79  et  suiv. 

Histoire  de  la  domination  normande.  —  Chalamjo.\.  9 


130  CriAPITHÉ    IV 

ses  biens,  assiégea  le  château  où  il  avait  été  assassiné,  s'empara 
des  meurtriers,  et  les  fit  périr  dans  les  tourments.  Onfroi  ne  fut 
pas  cependant  reconnu  tout  de  suite  comme  chef  des  Normands  ^ 
et  pendant  quelque  temps  l'anarchie  fut  complète.  C'est  alors  que 
le  pape  ne  trouvant  personne  à  qui  s'adresser  se  décida  à  une 
intervention  armée  '. 

Autour  de  Léon  IX,  il  y  avait  tout  un  parti,  dont  le  chef  était 
Frédéric  de  Lorraine,  fils  de  Gozelon,  duc  de  Lorraine,  et  de  Junca, 
fille  de  Bérenger  II,  roi  d'Italie  qui  affectait  le  plus  grand  mépris 
pour  les  Normands,  et  croyait  que  l'on  en  viendrait  très  facile- 
ment àbout^.  Frédéric  avaitété  ramené  d'Allemagne  par  Léon  IX, 
à  une  date  mal  déterminée,  sans  doute  en  lOol,  et  était  devenu 
bibliothécaire  de  l'église  romaine  et  chancelier  ;  il  se  vantait, 
avec  cent  chevaliers  de  mettre  en  fuite  les  Normands.  Léon  IX 
ne  paraît  pas,  toutefois,  avoir  complètement  partagé  les  illusions 
de  son  entourage,  car  il  chercha  au  dehors  des  appuis,  pour  la 
lutte  qu'il  se  disposait  à  entreprendre.  Suivant  Aimé,  le  pape 
aurait  adressé  des  demandes  de  secours  à  l'empereur  allemand  et 
au  roi  de  France.  Il  échoua  complètement  de  ce  côté,  mais  trouva 
une  compensation  du  côté  des  Grecs  '. 

La  politique  byzantine  en  Italie  est  dirigée  à  ce  moment  par 
Argyros.  Il  est  certain  que  celui-ci  était  un  partisan  de  la  politique 
de  pacification  vis-à-vis  des  Latins;  politique  déjà  appliquée  par 
Bojoannès.  On  est  même  en  droit  de  croire  que,  pendant  un  séjour 
à  Gonstantinople,  Argyros  avait  défendu  ses  vues  auprès  du 
basileus,  et  avait  cherché  à  maintenir  la  paix  entre  Rome  et 
Gonstantinople,  malgré  les  efforts  contraires  du  patriarche  Kerou- 

1.  G.  Ap.,  tl,  79,  et  Aimé,  III,  22,  disent  clairement  que  Dreux  n'eut 
pas  de  successeur  immédiat  :  Onfroi  ne  fut  nommé  qu'après  la  mort  de 
Guaimar.  Malaterra,  I,  13.  Lupus  Protospat.,  ad  an.  1051,  et  le  Chr.  brev. 
norm.,  ad  an.  n'ont  pas  tenu  compte  de  l'intervalle,  et  ont  marqué  Onfroi 
comme  ayant  succédé  de  suite  à  Dreux.  Aimé  dit,  loc.  cit.  :  «  Et  s'asem- 
blèrent  li  Normant,  puiz  la  mort  de  Drogo  et  Guaymère  et  fu  fait  conte 
Humfroi.  »  Comment  Delarc,  op.  cit.,  p.  200,  note  1,  peut-il  dire  qu'Aimé 
affirme  qu'Onfroi  succéda  immédiatement  à  son  frère? 

2.  Aimé,  III,  23. 

3.  Cf.  sur  ce  personnage,  U.  Robert  :  Lé  pape  Etienne  X  dans  la  Bévue  d. 
QueU.  hist.,  t.  XX  (187fi).  p.  49  et  suiv. 

4.  Aimé,  III,  23  et  24. 


LÉON    IX    KT    LES    NORMANDS  l^i 

larios.  En  effet,  ce  dernier,  écrivant  un  peu  plus  tard  au  patriarche 
d'Antioche,  parle  des  discussions  qu'il  a  eues  avec  Argyros,  et 
dit  qu'il  la  privé  quatre  fois  de  la  communion  '.  Arg-yros  vit  tout 
le  parti  qu'il  pouvait  tirer  des  dispositions  de  Léon  IX,  et  conclut 
un  accord  avec  lui.  L'existence  de  cet  accord  est  attestée  par 
Léon  IX,  lui-même,  dans  une  de  ses  lettres,  écrite  à  une  date 
postérieure  %  mais,  comme,  en  1052,  les  troupes  grecques 
paraissent  suivre  un  plan  combiné  pour  appuyer  les  troupes 
pontificales,  je  crois  que  l'on  est  en  droit  de  faire  remonter 
jusqu'à  1051   l'entente  entre    Léon   IX  et   xVroyros  ■^. 

Le  pape  trouva  facilement  un  appui  chez  tous  les  petits  sei- 
gneurs de  ritalie  méridionale,  qui  avaient  à  se  plaindre  des  Nor- 
mands, et  commençaient  à  craindre  pour  eux-mêmes,  comme  les 
comtes  des  Marses  et  de  Valva,  ou  les  seigneurs  de  la  Marche 
de  Fermo  '.  L'armée  pontificale  ne  devait  pas  être  très  consi- 
dérable, aussi  avant  de  mettre  ses  projets  à  exécution,  le  pajîe 
chercha-t-il  à  obtenir,  sinon  l'appui,  au  moins  la  neutralité  du 
prince  de  Salerne.  Guaimar  comprit  que  s'il  laissait  écraser  les 
Normands,  l'alliance  du  pape  et  des  Byzantins  se  retournerait 
contre  lui.  11  envoya  donc  une  ambassade  à  Léon  IX,  pour  lui 
déclarer,  que  jamais  il  ne  consentirait  à  laisser  attaquer  les  Nor- 
mands ■'.  Quand  il  reçut  la  réponse  de  Guaimar,  Léon  IX  s'était 
déjà  avancé  jusqu'à  San  Germano,  au  pieddu  Mont-Gassin  ;  de  là  il 
gagna  Gapoue  où  il  séjourna  6.  Nous  ne  savons  pas  la  date  exacte, 
qu'il  faut  assigner  aux  négociations  de  Guaimar  avec  le  pape,  mais 
je  crois  que  l'on  peut  les  placer  vers  le  mois  de  mai  1052.  Le  refus 
de  Guaimar  amena  l'échec  des  projets  de  Léon  IX.  Il  semble 
résulter    d'un   passage  d'Aimé  qu'en   apprenant   l'opposition  de 


1.  Will.,  op.  cit.,  p.  177.  On  a  dit  à  tort,  Bréhier.,  Le  schisme  oriental  du 
A7«  siècle,  p.  93,  qu'Argyros  était  resté  à  Constantinople  de  1046  à  lO.jl. 
L'Anonyme  de  Bari  mentionne  sa  présence  en  Italie,  en  1048. 

2.  Will.,  op.  cit.,  p.  86. 

3.  G.  Ap.,  II,  70  et  suiv.  Anon.  Bar.,  ad  an.  10.j2.  Argyros  va  du  côté  de 
Siponto,  évidemment  pour  opérer  sa  jonction  avec  le  pape. 

4.  Aimé,  III,  24. 

5.  Aimé,  III,  2.^. 

6.  Jaffé-L.,  4274.  Léo  Ost.,  II,  81.  Chr.  S.  Ben.  Div.,  M.G.H.SS., 
t.  VII,  p.  237. 


132  CHAPITRE     iV 

Guaimar,  un  certain  nombre  des  alliés  du  pape  l'abandonnèrent  ^ 
Le  pape  était  à  Naples,  au  mois  de  juin,  quand  il  apprit  une 
nouvelle,  qui  modiliait  profondément  la  situation,  Guaimar 
venait  d'être  assassiné.  11  est  curieux  de  constater,  qu'en  moins 
d'une  année,  les  deux  chefs  du  parti,  hostile  aux  Byzantins, 
périrent  de  mort  violente  ;  pour  Guaimar  comme  pour  Dreux, 
on  est  en  droit  d'imputer  l'assassinat  aux  Grecs. 

Au  mois  d'avril  10o2,  une  rébellion  avait  éclaté  à  Amalii;  la 
population  avait  chassé  le  duc  Manson  et  rappelé  de  Constanti- 
nople,  le  duc  Jean"^,  qui,  en  octobre  de  cette  même  année,  devait 
arriver  à  Amalfî.  On  voit  suffisamment  parla  que  c'est  le  parti 
favorable  aux  Grecs  qui  a  triomphé.  Aux  Amalfitains  se  joi- 
gnirent les  gens  d'Atrani-^,  et  les  deux  villes  refusèrent  de  payer 
au  prince  de  Salerne  les  taxes  ordinaires.  En  même  temps,  les 
révoltés  commencèrent  à  attaquer  le  territoire  de  la  principauté  ' 
Ils  trouvèrent  un  appui  dans  la  famille  même  de  Guaimar.  Les 
quatre  beaux- frères  de  celui-ci  :  Aténolf,  Pandolf,  Landolf,  plus 
un  quatrième  personnage  dont  le  nom  nous  est  inconnu,  s'enten- 
dirent avec  Ederard  son  neveu  pour  assassiner  Guaimar  '.  Un  jour, 
où  ce  dernier  était  sorti  de  Salerne,  pour  repousser  une  attaque 
des  Amalfitains,  les  conjurés  l'assassinèrent  avec  son  frère  Pandolt 
(2  ou  3  juin  1052  .  et  proclamèrent  Pandolf,  beau-frère  de  Guaimar, 


1.  Aimé,  III,  25. 

2.  Le  Chr.  Ainalf.  dans  Muratori,  Ant.  il.,  t.  I,  p.  211,  donne  l'année  1053, 
ind.  VI,  mais  Fauteur  dit  que  Jean  revint  en  octobre,  ind.  VI  =  octobre  1052. 
La  révolution  est  donc  d'avril  1052.  Le  premier  acte  de  Jean  est  du  25  mai 
1053,  le  dernier  de  Manson  du  20  mars  1052.  Cf.  Caméra,  op.  cit.,  t.  I,  p.  251 
et  249.  Heinemann,  op.  cit.,  p.  365,  est  donc  dans  l'erreur  en  plaçant,  en 
1053,  àTautomne,  l'arrivée  au  pouvoir  de  Jean. 

3.  Circond.  et  prov.  de  Salerne. 

4.  Aimé,  III,  28.  Suivant  Pierre  Damien,  Migne,  P.  L.,  t.  145,  col.  439, 
Guaimar  aurait  été  assassiné  à  cause  de  ses  exactions. 

5.  Cf.  di  Meo,  op.  c//.,  t.  VII,  p.  153.  On  ne  saurait  tenir  compte  d'Aimé, /oc. 
cj7.,  qui  fait  jouer  un  rôle  à  Rainolf  d'.\versa  mort  depuis  longtemps  à  cette 
date.  Cette  erreur  i-end  son  témoignage  suspect  pour  tout  ce  qui  concerne  la 
part  prise  par  les  Normands  à  l'assassinat.  Le  rôle,  qu'il  leur  prête,  est  d'ail- 
leurs en  contradiction  avec  ce  qu'il  dit  un  peu  plus  loin,  III,  30.  Le  rôIed'Ede- 
rard  est  connu  par  un  acte  des  archives  de  la  Cava.  Cf.  Guillaume,  Essai 
hififorif/uo  sf/r  Vahhaye  de  la.  Cava  ''Cava,  1877),  p.  30,  note  4. 


ASSASSINAI'    UU    PRINCK    UK    SALERNE  I  .'{l} 

comme  prince  de  Salerne  '.  La  famille  de  Guainiar  s'était  réfugiée 
dans  le  donjon  de  Salerne,  où  le  manque  de  vivres  l'obligea  peu 
après  à  se  rendre  ;  les  divers  membres  qui  la  composaient  furent 
mis  en  prison. 

Cependant  le  frère  de  Guaimar,  Gui,  duc  de  Sorrente,  avait  pu 
s'échapper-.  Il  alla  aussitôt  trouver  les  Normands,  qui  se  trou- 
vaient rassemblés,  parce  qu'ils  s'attendaient  à  combattre  le  pape, 
et  leur  demanda  assistance.  La  disparition  de  Guaimar  avait  une 
très  grande  importance  pour  les  Normands,  qui  se  voyaient 
exposés  à  rester  seuls  contre  toutes  les  puissances  de  l'Italie 
du  Sud;  ils  comprirent  aussitôt  la  gravité  de  la  situation,  et  choi- 
sirent pour  leur  chef  très  probablement  alors,  Onfroi,  frère  de 
Dreux,  qui  avait  épousé  une  sœur  du  duc  de  Sorrente  •'.  Même 
au  milieu  de  ces  circonstances  critiques,  les  chefs  normands  ne 
perdirent  point  de  vue  leurs  intérêts  particuliers  et  ils  profi- 
tèrent du  besoin  que  Gui  avait  de  leur  appui  pour  lui  arracher  un 
certain  nombre  de  promesses,  qui  seront  plus  tai-d  des  sources 
de  conflits.  Ce  ne  fut  qu'après  avoir  obtenu  ce  qu'ils  deman- 
daient qu'ils  allèrent  attaquer  Salerne,  (8  juin  ').  Grâce  aux  intel- 
ligences que  Gui  avait  dans  la  place,  la  ville  fut  prise  le  10  juin. 
Les  conjurés  se  réfugièrent  dans  le  château,  mais  leurs  femmes  et 
leurs  enfants  tombèrent  entre  les  mains  des  Normands.  Gui  put 
obtenir  de  les  échanger  contre  Gisolf,  le  fils  de  Guaimar,  qu'il 
proclama  aussitôt  comme  prince  de  Salerne.  Gisolf  fut  immédia- 
tement reconnu  par  les  Normands,  qui  se  firent  investir  par  lui 
des  terres  qu'ils  tenaient.  x\u  bout  de  quelques  jours,  les  conju- 
rés furent  obligés  de  se  rendre,  et,  bien  qu'on  leur  eût  promis  la 
vie  sauve,  on  en  massacra  trente-six  ■'. 

Les     Normands    firent    payer    chèrement    l'assistance    qu'ils 

1.  Aimé,  III,  28-29.  Léo  Ost.,  II,  82.  Annal  Benev.,  M.G.H.SS.,  t.  III, 
p.  179.  Chr.  Amalf.,  p.  2H.  G.  Ap.,  II,  75.  Anon.  Bar.,  ad  an.  10.^2.  Cf. 
les  vei's  d'Alfan,  archevêque  de  Salerne,  Arch.  st.  nap.,  t.  XII,  p.  774;  el 
Cod.  dipl.  Cav.,  t.  VII,  p.  41,  sur  la  parenté  entre  Guaimar  el  le  person- 
nage du  nom  de  Pandolf,  qui  fut  assassiné. 

2.  Aimé,  III,  30  et  suiv.     • 

3.  Ibid.,  III,  34. 

4.  Ibid.,  III,  31. 

0.  Ibid.,  III,  32-34. 


13i-  r.riAPiTRE  IV 

avaient  fournie.  Ils  obligèrent  Gisolf  à  reconnaître  Gui  comme 
duc  de  Surrente,  et  ce  dernier  lui-même  dut  abandonner  tout 
ce  c[ue  possédaient  sa  femme  et  sa  fille  '.  Amalti  resta  au  duc 
Jean  ^.  Il  semble  que  le  comte  d'Aversa  ait  profité  du  trouble 
général  pour  tenter,  sans  succès,  de  s'emparer  de  Capoue''. 

Le  pape  Léon  IX,  cjui  devait  tenir  à  surveiller,  de  près,  les 
événements,  demeura  dans  l'Italie  méridionale,  pendant  toute 
cette  période.  Nous  savons  qu'il  alla  successivement  à  Naples 
et  à  Bénévenf^.  L'accord,  jirescjue  immédiat,  qui  se  fît  entre  les 
Normands  et  Gisolf,  lui  montra  que  son  intervention  ne  pourrait 
réussir  qu'autant  cjue  lui-même  serait  appuyé  par  des  forces 
sérieuses.  Léon  IX  se  décida  alors  à  aller  demander  l'assistance 
de  l'empereur.  Il  semble  cju'Arg'yros  ne  fut  pas  prévenu  à  temps 
du  changement  qui  se  produisit  dans  les  projets  du  pape  et 
soit  entré  en  campagne.  Nous  savons,  en  effet,  qu'Argyros, 
après  avoir  subi  deux  insuccès,  1  un  à  Tarente,  l'autre  à  Crotone, 
fut  de  nouveau  battu  près  de  Siponto  •'.  Il  est  curieux  de  noter 
que  Y  Anonyme  de  i?a/'/ mentionne  cju'Argyros  vint  par  mer;  on 
peut  supposer  par  suite  que  tout  l'intérieur  du  pays,  de  Bari  à 
Siponto,  était  aux  Normands. 

Pendant  son  séjour  en  Allemagne,  le  pape  conclut,  avec 
Henri  III,  un  traité,  relatif  à  Bénévent.  Il  abandonna  les  droits 
que  l'église  romaine  avait  sur  l'abbaye  de  Fulda  et  le  diocèse 
de  Bamberg;  moyennant  cette  cession,  l'empereur  reconnut  les 
droits  du  pape  sur  Bénévent  et  l'Italie  méridionale''.  Y  eut-il 
abandon  complet  des  droits  de  l'empereur?  Je  ne  le  croîs  pas, 
et  il  semble  bien  qu'il  faille  admettre  que  l'empereur  s'est 
toujours  réservé  une  certaine  suzeraineté  sur  l'Italie  du  Sud  et 
Bénévent.  De  même,  le  fait  que  le  pape  continua  à  recevoir  de 
Bamberg  un  cheval  par  an,  semble  indiquer  que  Léon  IX  ne 
renonça  également  qu'à  une  partie  de  ses  droits. 


t.  Aimé,  III,  34-35. 

2.  Cf.  Caméra,  op.  cit.,  1.  I,  p.  2oO. 

3.  Aimé,  III,  25.  Léo  Ost.,  III,  15. 

4.  Léo  Ost.,  II,  81.  Aimé,  III,  25.  Jaffé-L.,  4278. 

5.  Chr.  brev.  norm.,  ad  an.  1052.  Anon.  Bar.,  ad  an.  1052. 

6.  Herimannus  Aiig^.,  Chr.,  M.G.II.SS.,  l.  V,  p.  132,  ad  an.  1053.  Léo  Ost.. 
II,  46  et  81. 


LEOX    IX    ET    LKS    NORMANDS 


13" 


Quoi  qu'il  eu  soit,  par  l'échange  de  Worms,  le  pape  obtenait  à 
nouveau  la  contirmatiou  des  privilèges  de  l'Eglise  romaine  sur 
l'Italie  du  Sud  '.  Léon  IX  chercha  aussitôt  à  faire  reconnaître  son 
autorité  d'une  manière  eiïective,  et  inaugura  la  politique,  qui 
devait  être  suivie  par  ses  successeurs  et  triompher  avec  Nico- 
las II  et  Grégoire  VII.  Après  avoir  demandé  à  l'empereur  des 
troupes,  qui  lui  furent  d'abord  accordées,  puis  peu  après  retirées  '•, 
Léon  IX  repartit  pour  l'Italie  emmenant  avec  lui  ini  grand 
nombre  d'aventuriers  allemands,  qui  pour  la  plupart  étaient 
obligés  de  quitter  leur  pays  à  la  suite  de  fâcheuses  aventures  -  ; 
le  pape  était  de  retour  à  Rome,  dans  le  courant  de  mars  de 
l'année  10o3  ^.  Aussitôt  après  le  concile  qui  fut  tenu,  en  avril  '*, 
Léon  IX  s'occupa  activement  de  l'expédition  contre  les  Nor- 
mands. Le  29  mai,  il  était  au  Mont-Cassin  ■',  et  de  là  gagnait 
Bénévent  ''.  Le  10  juin,  à  la  tête  de  son  armée,  il  campait  à  Sale, 
sur  le  Biferno  ^  il  se  dirigea  ensuite  vers  la  Fouille,  pour 
opérer  sa  jonction  avec  Argyros  *^.  Nous  trouvons,  dans  l'armée 
pontificale,  tous  les  petits  seigneurs  de  l'Italie  méridionale  : 
Ac^énolf,  duc  de  Gaëte,  Landon,  comte  d'Aquino  ■',  Landolf, 
comte  de  Teano,  Oderisio,  fils  de  BorreL  Bolfroi  de  Guardia  et 
RofTroi  de  Lusenza'".  Amalfi  avait  certainement  pris  le  parti  du 
pape,  ainsi  que  l'indique  la  présence  dans  l'armée  pontificale 
de  son  archevêque,  Pierre.  En  outre,  nous  trouvons,  sous  les 
ordres  de  Léon  IX,  des  contingents  de  la  Fouille,  de  la  Campa- 
nie,  du  pays  des  Marses,  d'Ancône,  de  Spolète,  de  la  Sabine  et  de 


1.  Cf.  le  privilège  d'Othon  l",  dans  Sickel,  Das  Privilegiuin  Ollo  I  fur  die 
rômische  Kirche  von  lahre  962  (Innsbruck,  1883),  p.  178,  et  le  privilège 
d'Henri  II,  de  1020,  Migne,  P.L.,  t.  98,  col.  625  et  suiv. 

2.  Léo  Ost.,  II,  81.  Les  troupes  furent  rappelées  à  la  demande  de 
Gebhard,  alors  chancelier,  plus  tard  le  pape  Victor  IL 

3.  Heriman.  Aug.,  Chr.,  p.  132. 

4.  Jaffé-L.,  4292. 

ri.   Ileriman.  Aug.,  Chr.,  ad   an.  10.^3. 

6.  Léo  Ost.,  II,  84.  Gattola,  Hist.,  t.  I,  [).  117. 

7.  Léo  Ost.,  III,  7. 

8.  Cf.  Muratori,  R.I.SS,.  t.  I,  2,  p.  r;i3. 

9.  Will.,  op.  cit.,  p.  86. 

10.  Chr.    Vult.,  Muratori,  R.I.SS.,   t.  I,  2,  p.   .^13. 


136  CHAPITRE    IV 

Fernio,  plus  des  auxiliaires  allemands  commandés  par  Transmond, 
Alton,  Garnier  et  Albert  '. 

Le  pape,  en  suivant  le  cours  du  Biferno,  avait  un  plan  très 
bien  conçu  Nous  savons,  par  le  témoignage  de  Léon  IX  lui- 
même,  que  le  pontife  négociait  alors  avec  Argyros  "^.  Il  est  certain 
que  le  pape  voulut  opérer  sa  jonction  avec  les  Grecs  dans 
l'Apulie  du  Nord.  Le  chemin  qu  il  suivit  était  le  seul  possible, 
car  la  route  directe  de  Bénévent  passait  par  le  col  commandé 
par  les  deux  places  de  Bovino  et  de  Troia,  toutes  deux  aux 
mains  des  Normands. 

Les  deux  armées  se  rencontrèrent  près  de  Givitate,  sur  les 
bords  du  Fortore.  Les  Normands  avaient  compris  la  gravité  du 
péril  qui  les  menaçait,  et  avaient  rassemblé  toutes  leurs  forces. 
Guillaume  de  Fouille  constate  la  présence  de  tous  les  comtes 
normands,  Onfroi,  Robert  Guiscard,  Richard  d'Aversa,  Pierron 
de  Trani,  Gautier,  Girard  de  Buonalbergo.  Raoul,  comte  de 
Bovino  3.  Les  Normands  commencèrent  par  négocier  avec 
Léon  IX.  ((  Ils  envoyèrent,  dit  Guillaume  de  Fouille,  des  députés 
chargés  de  demander  la  paix;  ces  députés  devaient,  en  outre, 
prier  le  pape  de  recevoir,  avec  bienveillance,  les  hommages  des 
Normands.  Tous,  sans  exception,  se  déclaraient  prêts  à  lui  obéir, 
leur  intention  n'étant  pas  de  l'offenser  ;  ils  reconnaissaient,  du 
reste,  ce  qu'il  y  avait  de  fondé  dans  ses  plaintes;  enfin,  ils  lui 
demandaient  de  vouloir  bien  être  leur  seigneur,  et  ils  promet- 
taient de  lui  être  fidèles  '*.  »  Ces  négociations  sont  un  fait  cer- 
tain, le  témoignage  de  Guillaume  de  Fouille  étant  confirmé  par 
celui  de  Léon  IX  '.  Four  la  suite  des  événements,  les  versions 
diffèrent.  Suivant  le  pape,  les  Normands  auraient  traîtreusement 
attaqué  son  armée,  pendant  que  se  poursuivaient  les  conférences 
pour  la  paix.  D'après  Guillaume  de  Fouille,  les  Normands  auraient 
engagé  le  combat  avec  les  troupes  pontificales  seulement,  quand 


1.  G.  Ap.,  II.  148  et  suiv. 

2.  Will..  op.  cit.,  p.  86;  cf.  Anon.  Beiiev.,  ad  an.,  dans  Watlerich.  op.  cit., 
t.  I.  p.  IIIC. 

3.  G.  Ap.  II.  131.  Cf.  Delarc.  loc.  cit. 

4.  G.  Ap.,  II.  87.  Aimé,  III.  39. 
o.  Will.,  op.  cit.,  p.  86. 


LÉON   IX    ET    LES    NORMANDS  137 

Léon  IX,  contraint  par  les  Allemands,  aurait  rompu  les  négo- 
ciations. Il  nest  pas  impossible  de  concilier  ces  deux  versions. 
Sans  doute  les  pourparlers  durèrent  assez  longtemps  ;  or,  nous 
savons  que  les  troupes  normandes  étaient  très  mal  ravitaillées 
et  avaient  peine  à  trouver  leur  subsistance,  tandis  que  l'armée 
pontilicale  était  très  bien  approvisionnée  '.  Les  Normands 
durent  craindre  que  le  pape  ne  voulût  faire  traîner  les  choses  en 
longueur  pour  les  prendre  par  la  famine,  et  se  décidèrent 
brusquement  à  attaquer  (17  juin).  L'armée  était  commandée 
au  centre  par  Onfroi  et  aux  deux  ailes  par  Robert  Guis- 
card  et  Richard  d'A^^ersa  ~.  Les  troupes  pontificales,  formées 
d'éléments  hétérogènes,  ne  tinrent  pas  dcA^ant  l'attaque  des 
Normands.  Tous  les  contingents  italiens  lâchèrent  pied  au  pre- 
mier choc;  seuls  les  Allemands  résistèrent  avec  courage.  Le  pape 
qui  avait  assisté  au  combat  du  haut  des  murs  de  la  ville  fut,  après 
la  bataille,  fort  mal  traité  et  dépouillé  de  son  trésor  par  les  gens 
de  Civitate  qui  craignaient  de  s'attirer  la  colère  des  Normands. 
Léon  IX  lui-même  fut  fait  prisonnier  par  les  vainqueurs  -^  qui  le 
conduisirent  à  Bénévent  (23  juin)  ^.  Les  sources  qui  nous  ont 
transmis  le  récit  des  événements  qui  suivirent  la  bataille  de  Civi- 
tate, sont  en  général  très  tendancieuses,  et  l'on  ne  doit  ajouter 
que  très  peu  de  créance  à  tous  les  récits  favorables  au  pape,  qui, 
ont  cherché  à  pallier  la  vérité. 

La  défaite  de  Civitate  fut  pour  la  papauté  une  humiliation  ter- 
rible, que  l'on  s'efforça  plus  tard  de  dissimuler,  h' Anonyme  de 
Bénévent,  partisan  convaincu  du  pape,  a  fait  de  ces  événements 
un  récit  très  caractéristique  '.  Après  avoir  raconté  la  bataille,  il 
ajoute  que  les  Normands  mirent  le  feu  aux  constructions  situées 


1.  G.  Ap.,  II,  lia.  Aimé,  III,  40. 

2.  G.  Ap.,  II,  182  et  suiv.  Aimé,  III,  40.  Léo  Ost.,  II.  S4. 

3.  Wibert,  II,  H.  G.  Ap.,  II.  Malaterra,  I,  14  D'après  ces  deux  auteurs, 
Léon  IX  serait  resté  sur  le  champ  de  bataille  et  ne  se  serait  retiré  qu'après 
la  défaite.  Aimé,  III,  37.  Léo  Ost.,  II,  84.  Herimannus  Aug.  Chr.,  ad  an. 
Cf.  Bôhmer,  Fontes,  etc.,  t.  IV,  p.  322.  Necrot.  Weissenh.  qui  donne  le 
/4  Kai.  Juin.  Ileinemann,  op.  cit.,  p.  367,  croit  que  la  bataille  a  eu  lieu, 
entre  le  Fortore  et  son  affluent,  la  Staina. 

4.  Léo  Ost..  II,  84. 

:i.  Watterich,  op.  cit.,  t.  I,  p.  IIIC-IC.  Cf.  Delarc,  toc.  cit. 


138 


CHAPITRE    IV 


SOUS  les  remparts  ;  comme  l'incendie  menaçait  de  gagner  la 
ville,  Léon  IX  se  dirigea  vers  le  camp  ennemi.  Il  n'v  était 
pas  encore  arrivé,  «  lorsque,  par  une  permission  de  Dieu,  le  vent 
ayant  changé  de  direction,  la  flamme  tourna  subitement  du  côté 
de  l'ennemi.  Ce  grand  miracle  ayant  été  constaté  par  les  habi- 
tants de  la  ville,  qui,  par  crainte  de  la  mort,  avaient  déjà  formé  le 
dessein  de  livrer  Léon  aux  ennemis,  ils  rendirent  g-ràce  à  Dieu  et 
supplièrent  le  pape  de  ne  pas  se  mettre  entre  les  mains  de  si 
cruels  adversaires  ».  Pendant  ce  temps,  les  Normands  arrêtèrent 
le  combat  à  cause  de  la  nuit  tombante,  se  proposant  d'attaquer  la 
ville  le  lendemain.  Dès  l'aurore,  le  pape  aurait  envoyé  aux  Nor- 
mands des  chevaliers,  chargés  de  leur  dire  :  «  Ce  que  vous  avez 
fait  est  déjà  bien  suffisant,  faites  pénitence  pour  ce  qui  vient  de 
se  passer,  et  veillez  sur  vous  désormais.  Si  vous  voulez  vous 
saisir  de  moi,  vous  le  pouvez,  car  je  ne  fuis  personne.  Pourquoi, 
en  effet,  ma  vie  serait-elle  plus  précieuse  que  la  vie  de  ceux  qui 
m'étaient  chers,  et  que  vous  venez  de  faire  périr  de  la  mort  la 
plus  injuste  ?  Plût  à  Dieu  que  j'eusse  partagé  leur  sort,  aussi  bien 
quant  au  corps  que  quant  à  l'âme  !  »  Les  Normands  ayant  entendu 
ces  paroles,  et  se  souvenant  de  la  faute  grave  qu'ils  avaient  com- 
mise la  veille,  baissèrent  la  tête  et  répondirent  :  ((  Si  le  pape 
veut  nous  prescrire  une  pénitence  en  rapport  avec  ce  que  nous 
avons  fait,  nous  sommes  prêts  à  exécuter  tout  ce  qu'il  lui  plaira 
de  nous  ordonner  )>.  Cette  réponse,  ayant  été  rapportée  au  bien- 
heureux Léon,  lui  plut  parce  qu'elle  était  humble,  quoiqu'il  igno- 
rât le  sentiment  qui  faisait  parler  les  Normands  de  cette  façon  ; 
enfin,  lorsque  plusieurs  messagers  lui  eurent  fait  connaître  les 
dispositions  dans  lesquelles  ils  se  trouvaient,  il  se  décida  avenir 
dans  leur  camp.  On  vit  alors  vm  beau  spectacle,  qui  lit  couler  des 
larmes  de  tous  les  yeux  ;  les  soldats  se  prosternèrent  devant  le 
pape,  et  les  chefs,  vêtus  de  soie  et  encore  couverts  de  la  pous- 
sière du  combat,  se  jetèrent  à  ses  pieds.  Le  vénérable  pape  les 
reçut  avec  la  simplicité  de  la  colombe,  et  les  exhorta,  avec  bien- 
veillance, à  faire  une  véritable  pénitence.  Enfin,  après  leur  avoir 
donné  divers  conseils,  en  rapport  avec  les  circonstances,  il  leur 
accorda  sa  bénédiction,  et  en  retour  les  Normands  lui  promirent 
de  lui  être  fidèles  et  de  remplacer  auprès  de  lui  les  soldats  qu'il 
avait  perdus  » , 


LÉON    IX    ET    Li;S    NORMANDS  139 

Tout  ce  récit  est  nettement  tendancieux  ;  il  cherche  manifeste- 
ment à  rendre  à  la  papauté  le  prestige  qu'elle  a  perdue  à  Civitate. 
Les  autres  sources  favorables  au  pape  sont  toutefois  moins  exagé- 
rées que  l'Anonyme  de  Bénévent.  Léon  d'Ostie  '  se  borne  à  dire 
qu'Onfroi  vint  trouver  le  pape,  et  le  prenant  en  sa  foi,  le  recon- 
duisit avec  tous  les  siens  jusqu'à  Bénévent  ;  il  lui  aurait  ensuite 
promis  de  l'accompagner  jusqu'à  Capoue,  quand  il  irait  à  Rome. 
Wibert  -,  l'auteur  d'une  vie  de  Léon  IX,  se  borne  à  dire  : 
«  Le  très  digne  pasteur  étant  venu  à  Bénévent,  les  Normands 
l'accompagnèrent  spontanément  durant  tout  le  voyage,  et  lui 
témoignèrent  de  grands  égards.  »  Voilà,  avec  la  lettre  de 
Léon  IX  à  Constantin  Monomaque,  dont  je  parlerai  plus  loin, 
les  seuls  témoignages  sur  lesquels  on  s'est  appuyé  pour  nier  la 
captivité  du  pape.  Il  est  pourtant  facile  de  voir  que  le  premier  de 
ces  récits  cherche  à  faire  servir  à  l'apologie  du  pape  jusqu'à 
ses  défaites,  et  que  les  autres,  ayant  à  parler  d'un  événement 
ennuyeux,  procèdent  par  prétérition. 

Cependant,  si  nous  plaçons  en  face  de  ces  témoignages  ceux 
des  sources  moins  partiales,  nous  voyons  qu'il  ne  saurait  y  avoir 
aucun  doute  sur  la  condition  où  se  trouva  Léon  IX  après  la 
bataille  de  Civitate.  L'Anonyme  de  Bari  s'exprime  ainsi  '^  :  «  Léo 
fecit  praeliuni  cuni  Nonnannis  in  Civitate,  et  cecidit,  et  corti- 
prehenserunt  illiini  et  portaverunt  Benevento,  tanien  cuni  honori- 
hiis.  »  Bonizodit:  «  Normanni  victores  extitere,  captumque papam 
sed  lit  decuit  honorifice  tractatum,  per  mcdiam  stragem  interfec- 
torinn  usqiie  Beneventum perdiixerunt.  '  »  De  même  Hermann  de 
Reichenau  •'  :  «  (2uni  necessitate  coactus  communioneni  eis  pi^ius 
interdictam  reddidisset,  acceptas  ab  eis  Beneventum  cum  honore 
tanien  reductus  est  ;  ihique  tempore  aliquanto  detentus  nec  redire 
perniissus,  etc.  »  Aimé,  à  son  tour,  nous  raconte^  :  «  Et  quant  ce  fu 
fait,  li  Normant  s'en  alerent  a  lor  terre  ;  li  pape  avoit  paour  et  li 


1.  Léo  Ost.,  II,  84. 

2.  Wibert,  II,  12. 

3.  Anon.  Bar.,  ad  an.  105.3. 

4.  Bonizo,  Lih.  ad  amicum.,  dans  Libelli  de  Li(e,elc.,  t.  I,  p.  589. 

5.  Ilerimannus,  Aug.   Chr.,  ad  an.  1053. 

6.  Aimé,  III,  41. 


140  CHAPITRE    IV 

clerc  trembloient.  Et  li  \ormant  vinceor  lui  donnèrent  sperance 
et  proierent  que  securement  venist  lo  pape,  liquel  mèneront  o 
tout  sa  gent  jusque  a  Bonvenic.  et  lui  aministroient  continuel- 
ment  pain  et  vin  et  toute  choze  nécessaire,  etc..  Et  o  la  favor  de  li 
Xormant  torna  à  Rome...  »  Enfin  Brunon  racontant  le  retour 
H  Bénévent  nous  dépeint  la  tristesse  des  habitants  qui,  étonnés 
de  la  grandeur  du  désastre  éprouvé  par  Léon  IX,  regardent  de 
loin    le   pape    faire  son  entrée  dans  leur  ville  '. 

Il  me  semble  résulter,  de  cet  ensemble  de  témoignages,  que 
Léon  IX,  traité  avec  honneur  par  les  Normands,  fut  néan- 
moins prisonnier,  ainsi  que  l'indiquent  clairement  les  mots  cap- 
fus,  detentus,  nec  redire  permissus.  LTn  passage  d'une  lettre  de 
Léon  IX,  écrite  durant  son  séjour  à  Bénévent,  confirme  à  mon 
avis  cette  manière  de  voir.  Si  les  Normands  s'étaient  repentis 
après  Civitate,  s'ils  avaient  demandé  pardon  au  pape  et  lui 
avaient  offert  de  se  soumettre,  la  défaite  de  Léon  IX  eût  été  plus 
glorieuse  et  en  même  temps  plus  profitable  qu'une  victoire,  car 
par  le  seul  prestige  de  sa  fonction  de  pape,  Léon  IX  sans  armes 
et  sans  soldats  eût  obtenu  ce  qu'il  n'avait  pu  réussir  à  avoir  à  la 
tète  de  ses  troupes.  Le  pape  eût,  dès  lors,  dû  être  reconnaissant 
aux  Xoniiaiids  de  leur  soumission  et  essayer,  avec  eux,  avant  de 
reprendre  les  hostilités,  d'un  modiis  vivendi.  Or  jamais  Léon  IX 
ne  s  "est  montré  aussi  irrité  contre  les  Normands  et  aussi  décidé 
à  faire  tous  ses  eirorts  pour  les  expulser,  qu  au  moment  même 
où  on  veut  nous  faire  croire  qu'il  est  avec  eux  dans  les  termes 
les  meilleurs.  Voici  ce  qu'au  début  de  l'année  1034  le  pape  écrit 
de  Bénévent,  où  il  est  prisonnier,  à  l'empereur  Constantin  Mono- 
maque  -  :  «  La  victoire  qu'ils  [les  Normandsl  ont  remportée,  leur 
est  aujourd'hui  un  sujet  de  tristesse  plutôt  qu'une  cause  de  joie. 
Comme  votre  piété  a  eu  soin  de  me  l'écrire  pour  me  consoler,  ils 
sont  persuadés,  que  l'audace,  qu'ils  ont  eue,  suscitera  bientôt 
contre  eux  de  plus  grandes  colères  que  par  le  passé,  sans  compter 


1.  Walterich,  t.  I,p.  98.  Ces  textes  me  paraissent  suffisants  ;  on  peut  encore 
invoquer  Sig-ebert  de  Gembloux.  Chr.,  M.G.H.SS.,t.  IV.  p.  359.  Ecrivantloin 
du  théâtre  des  événements,  il  peut,  toutefois,  avoir  été  moins  bien  informé. 

•2.  Will,  op.  cit.,  p.  86. 


LÉON    IX    ET    LÈS    NORMANDS  iii 

que  leur  troupe  a  été  décimée  par  la  guerre.  Quant  à  nous,  cer- 
tains comme  nous  le  sommes,  que  le  secours  divin  ne  nous  man- 
quera pas,  et  que  les  secours  humains  ne  nous  feront  pas  défaut, 
nous  resterons  fidèles  à  notre  projet  de  délivrer  la  chrétienté 
et  nous  ne  nous  tiendrons  en  paix  que  lorsque  le  danger  sera 
passé  et  que  la  sainte  Eglise  jouira  aussi  de  la  paix.  »  Cette  lettre 
de  Léon  IX  est  suffisamment  claire,  ce  me  semble,  elle  montre 
que  les  Normands  ont  peur  des  secours  que  le  pape  attend,  c'est- 
à-dire  de  l'intervention  de  l'empereur  allenaand  ou  de  l'empereur 
grec,  ainsi  que  cela  résulte  de  la  fin  de  la  lettre.  Nous  sommes 
bien  loin  de  la  prétendue  soumission  des  Normands  envers  le 
pape. 

On  a  dit  '  que  si,  à  ce  moment,  Léon  IX  avait  été  prisonnier, 
il  l'aurait  dit  au  basileus.  Gela  me  paraît  singulièrement  douteux, 
car  le  pape,  en  avouant  sa  captivité,  se  serait  mis  en  bien  fâcheuse 
posture  pour  traiter  avec  l'empereur,  et  surtout  avec  le  patriarche 
de  Constantinople. 

Un  autre  argument  a  été  tiré  précisément  de  la  possibilité  que 
Léon  IX  eut  de  correspondre  avec  l'empereur  grec  '-.  11  ne  me 
paraît  pas  plus  convaincant  que  les  précédents.  Nous  savons  que 
les  légats,  envoyés  par  le  pape  à  Constantinople,  au  lieu  de 
prendre  la  route  directe,  de  Bénévent  à  Bari,  pour  gagner  Cons- 
tantinople, passèrent  par  le  Mont-Cassin  '^  Il  me  semble  que  de 
ce  fait  on  peut  tirer  la  conclusion  qu'ils  s'embarquèrent  soit  à 
Naples,  soit  à  Amalfi,  plus  vraisemblablement  dans  ce  dernier 
port,  car  l'archevêque  d'Amalfi  est  un  des  légats.  Ce  chemin  fut 
très  probablement  pris,  parce  que  l'on  dissimula  aux  Normands 
l'ambassade  envoyée  par  Léon  IX.  Comment  admettre  d'ailleurs 
que  les  Normands  aient  été  assez  naïfs  pour  laisser  engager  des 
négociations,  dont  toute  une  partie  était  dirigée  contre  eux?  J'ex- 
pose là,  il  est  vrai,  seulement  une  hypothèse,  mais  les  présomp- 
tions on  sa  faveur  me  paraissent  très  fortes. 

On   ne  saurait   donc    douter,  à    mon    avis,   de  la  captivité  de 


1.  Delai'c,  op.  cit.,  p.  239. 

2.  Ihid. 

:{.  Will,  op.  cil.,  p.  17'k  Léo  Osl.,  H,  HS. 


142 


CHAPITRE    IV 


Léon  IX  après  la  bataille  de  Givitate;  c'est  cette  captivité  qui 
explique  le  long  séjour  du  pape  à  Bénévent.  11  reste  à  savoir 
quelles  furent  les  conditions  imposées  au  pape  par  les  Normands. 
Ici  nous  manquons  de  renseig-nements.  pourtant  un  passage  de 
Malaterra  peut  nous  fournir  quelques  données.  Voici  les  paroles 
de  ce  chroniqueur  :  «  Quorum  [Xormannojmm^  legifimam 
bénévole ntiam  vir  apostolicus  gratanter  suscipiens,  de  offensis 
indulcfentiam  et  henedictionein  contulit,  et  omnem  terrain  quam 
pervaserant  et  quam  ulterius  versus  Calahriam  et  Siciliam  lucrari 
possent  de  S.  Pétri  heredifali  feudo  sihi  et  heredihus  suis  possi- 
dendum  concessit  ^  ».  Il  ne  faut  pas  prendre  au  pied  de  la  lettre 
ces  paroles,  car  en  les  écrivant  Malaterra  a  certainement  eu  pré- 
sente à  la  mémoire  la  convention  conclue,  en  I0o9,  à  Meltî,  par 
Nicolas  II.  Il  doit  pourtant  exister  dans  ce  passage  une  part  de 
vérité.  11  y  a  certainement  eu  des  concessions  de  la  part  de 
Léon  IX,  car  on  ne  saurait  expliquer  autrement  que  les  Normands 
Talent  relâché.  Peut-être  le  pape  fut-il  obligé  de  reconnaître 
l'état  de  choses  existant  et  de  confirmer  les  Normands  dans  la 
possession  des  territoires  de  la  principauté  de  Bénévent  qu'ils 
occupaient.  La  ville  de  Bénévent  fut  toutefois  exclue  de  cet 
accord,  car  nous  savons  qu'elle  resta  au  pape. 

Les  négociations  entre  Onfroi  et  Léon  IX  ne  furent  terminées 
qu'au  mois  de  mars  10o4.  Le  12  de  ce  mois,  le  pape  quitta  Béné- 
vent ;  il  fut  accompagné  par  Onfroi  jusqu'à  Capoue  '.  Léon  IX 
ne  devait  rentrer  à  Rome  que  pour  y  mourir  19  avril)  3  après 
avoir  échoué  dans  tout  ce  qu'il  avait  entrepris.  A  ce  moment, 
les  Normands  sont  plus  puissants  qu'ils  ne  l'ont  encore  été.  et 
la  victoire  qu  ils  viennent  de  remporter  sur  la  papauté  va  être 
pour  eux  le  point  de  départ  d'une  série  de   nouvelles  conquêtes. 


1.  Malaterra,  I,  14. 

2.  Léo  Ost.,  II,  84. 

3.  Cf.  Watterich,  op.  cit.,  l.  I,  p.  171  et  suiv, 


CHAPITRE  V 

Conquêtes    des   Normands   de    1054    a    1059  :    1"   en    Podille  ; 

2"   DANS   LA   RÉGION  d'AvERSA  ;    3°   EN    CaLABRE. 


A  la  mort  de  Léon  IX,  les  hostilités  reprirent  entre  les  Nor- 
mands et  les  Bénéventains,  dont  Onfroi  vint  assiéger  la  ville  K 
Il  échoua  et  ne  put  emporter  la  place.  Les  habitants  voyant  que 
l'appui  de  la  papauté  ne  leur  avait  servi  k  rien,  rappelèrent  Pan- 
dolf,  dans  le  courant  de  janvier  de  l'année  1055  ~.  Il  dut  s'établir 
très  rapidement,  entre  Rome  et  le  prince  lombard,  un  tnodus 
Vivendi,  car  peu  après  nous  voyons  Bénévent  servir  d'asde  à  des 
cardinaux  qui  quittent  Rome  pour  fuir  l'émeute  -K 

Après  son  échec  devant  Bénévent,  Onfroi  retourna  en  Apu- 
lie.  Suivant  Guillaume  de  Pouille,  il  aurait  alors  vengé  l'assassi- 
nat de  son  frère  par  une  série  d'exécutions.  Il  me  semble  plus 
probable  qu'Onfroi  dut  punir  les  défections  qui  s'étaient  pro- 
duites l'année  précédente  avant  la  bataille  de  Givitate,  car  il 
était  alors  bien  tard  pour  punir,  par  des  exécutions  en  masse, 
un  assassinat  datant  déjà  de  trois  années ^ 

Pendant  les  années  suivantes,  le  mouvement  d'expansion  des 
Normands  vers  le  sud  reprit  de  plus  belle.  En  mars  1053,  nous 
trouvons  à  Dévia,  près  de  Viesti,  le  comte  normand  Robert',  et, 
en  1054,  à  Lésina,  le  comte  Pierron^;  la  même  année,  l'Ano- 
nyme de  Bari  enregistre  la  prise  de  Conversano' ;  en  1055  §,  le 
Chronicon  brève    iiorniannicum   mentionne  trois  victoires   nou- 


1.  Annal.  Benev.  M.G.H.SS.,  t.  III,  p.  180. 

2.  IbicL,  ad  an.  1055. 

3.  Léo  Ost.,  III,  10. 

4.  G.  Ap.,  II,  297.  Cf.  supra,   p.  130 

5.  Heinemann,  Zur  Entstehung  etc.,  p.  63.  Anon.  Bar.,  ad  an. 

6.  Cartulaire  de  Treiniti,î°  ii. 

7.  Anon.  Bar.,  loc.  cil. 

8.  Chr.  brève  norni.,  ad  an. 


144  ciÎAPiïRE  V 

velles  :  l'une  d'Onfroi  à  Oria,  et  les  autres  du  comte  Geoll'roi  à 
Nardo  et  Lecee.  Enfin,  également  en  lOoo,  Guiscard  vain- 
queur à  Gallipoli,  pénétra  sur  le  territoire  de  Tarente  et  prit 
Otrante  et  Minervino.  On  voit  donc  que,  de  ce  côté,  les  Grecs 
continuent  toujours  à  perdre  du  terrain  et  sont  rejetés  dans  les 
villes  de  la  côte.  Pour  résister  aux  envahisseurs,  Arg'vros  entama 
des  négociations  avec  Henri  III,  mais  sans  doute  elles  n'eurent 
pas  de  résultat  '. 

Les  progrès  des  Normands  continuent  également  vers  le 
nord  où  le  comte  d'Aversa  s'étend  rapidement.  Après  la  bataille  de 
Civitate  où  il  avait  commandé  une  des  ailes  de  l'armée,  Richard 
vint  réclamer  à  Gisolf  les  dons  que  Guaimar  lui  donnait  chaque 
année,  et  qui  consistaient  en  chevaux  et  en  argent.  Il  fut  fort  mal 
reçu  et  chassé  à  coup  de  pierres  "'.  Les  hostilités  commencèrent 
aussitôt  et  Richard  tenta  de  s'emparer  de  la  personne  de  Gisolf. 
Il  s'en  fallut  de  très  peu  que  le  prince  de  Salerne  ne  tombât 
dans  une  embuscade,  qui  lui  fut  dressée,  aux  portes  mêmes  de 
sa  capitale,  par  le  comte  d'Aversa.  La  lutte  se  prolongeant, 
Richard  s'allia  aux  Amalfitains,  qui,  depuis  la  mort  de  Guai- 
mar, étaient  en  guerre  avec  la  principauté  de  Salerne.  Aimé  se 
borne  à  mentionner  cette  alliance  des  Amalfitains  et  de  Richard, 
sans  nous  donner  aucun  autre  renseignement  *.  Le  prince  de 
Salerne,  craignant  de  voir  Richard  devenir  trop  puissant, 
s'appliqua  à  rompre  cette  alliance  et  finit  par  se  réconcilier 
avec  Amalfi.  Gisolf,  le  duc  d'Amalfi  et  trois  cents  habitants 
de  chaque  cité  jurèrent  de  maintenir  la  paix  entre  les  deux 
villes  ^.  Après  cette  réconciliation,  Richard  tourna  ses  vues 
d'un  autre  côté,  vers  la  principauté  de  Capoue.  Depuis  long- 
temps déjà,  les  Normands  d'Aversa  s'étaient  avancés  sur  le 
territoire  de  (Papoue.  Il  suffit  de  rappeler  qu'en  1052,  Richard 
avait  déjà  tenté  de  s'emparer  de  la  ville  même  de  Capoue.  Les 
coaqiiète.s    faites    aux    environs    de    cette    place    sont    attestées 


1.  JafFé,  Monumenta  Barnhery..  p.  37.  Un  acte  d'Henri  III,  du  29  mai  1054, 
fait  allusion  à  une  ambassade  d'Arg vros  à  l'empereur. 
•2.  Aimé,  III,  46. 

3.  Ibid.,  IV,  9. 

4.  Ibid.,  IV,  10. 


CONQUÊTES    DES    NUH.MANDS    d'aVEHSA  145 

par  le  fait  suivant  :  un  peu  après  1052,  Didier,  prévôt  du 
monastère  de  Saint-Benoît  de  Capoue,  obtint  de  Richard  la 
confirmation  des  biens  possédés  par  son  monastère,  en 
dehors  de  Capoue  '.  Léon  d'Ostie,  qui  nous  rapporte  ces 
détails,  dit  que  Richard  prit  l'engagement  de  ne  pas  attaquer 
les  possessions  du  monastère  ;  ceci  nous  montre  la  fréquence  des 
incursions  normandes  dans  cette  région.  Vers  la  fin  de  1057 
mourut  Pandolf  V  -.  Il  laissa  pour  successeur  son  fils  Lan- 
dolf  V,  qu'il  s'était  associé  depuis  quelques  années  et  qui  était 
encore  très  jeune  '.  Richard  jugea  l'occasion  favorable  pour 
rouvrir  les  hostilités.  Suivant  le  procédé  employé  durant  toute 
cette  période  par  les  Normands,  il  construisit,  autour  de  Capoue, 
une  série  de  postes  fortifiés  afin  d'empêcher  les  habitants  de 
sortir.  Ceux-ci  résistèrent  jusqu'au  moment  de  la  moisson  ;  la 
famine  les  contraignit  alors  à  traiter.  Richard  exigea  d'être 
reconnu  comme  seigneur.  Les  habitants  s'y  refusèrent  d'abord  ; 
après  de  longs  pourparlers,  on  finit  par  en  venir  à  un  accord, 
Richard  et  son  fils  furent  reconnus  comme  princes  de  Capoue, 
mais  les  gens  de  la  ville  conservèrent  '  la  citadelle  et  la  garde 
des  portes.  Ce  genre  d'accord  était  alors  très  fréquent,  et  nous 
en  verrons  d'autres  exemples. 

Richard  s'étendit  également  aux  dépens  d'Adénolf,  duc  de 
Gaëte  et  comte  d'Aquino.  Le  nouveau  prince  de  Capoue  avait 
fiancé  sa  fille  au  fils  d'Adénolf,  qui  mourut  avant  que  le 
mariage  ne  fut  accompli.  Richard  invoquant  le  droit  lombard, 
qui  accordait  à  la  femme  le  quart  des  biens  du  mari,  réclama  à 
Adénolf  le  quart  des  biens  du  défunt,  à  titre  de  niorgengah. 
C'était  là  une  prétention  absolument  injustifiée,  car  l'époux  ne 
donnait  le  morgengab  à  l'épouse  que  le  lendemain  des  noces, 
alors  que  le  mariage  était  consommé.  Adénolf  refusa  de  payer  et 


1.  Léo  Ost.,  III,  8. 

2.  Léo  Ost.,  III,  15. 

3.  Di  Meo,  op.  cit.,  t.  VII,  p.  .39;j,  donne  un  acte  de  1038,  ind.  XI,  juin,  daté 
delà  seule  année  du  règne  de  Landolf.  Comme  Capoue  fut  prise  en  juin 
1058,  on  peut  admettre  que  Pandolf  dut  mourir  l'année  précédente. 

4.  Léo  Ost.,  III,  15.  Aimé,  IV,  11.  Annal.  Benev.,  ad  an.  1057.  On  a  de 
novembre  1058  une  charte  de  Richard  et  de  son  fils  Jourdain:  Capuani 
principes.  Galtola,  Ace,  t.  I,  p.  161. 

Histoire  de  la  domination  normande.  —  Chalandox.  10 


146  CHAPITRE    V 

la  g^uerre  éclata.  Les  Normands  allèrent  assiég-er  Aquino,  à 
Fautomne  lO^iS,  et  en  ravag-èrent  les  environs  '.  Pendantle  siège 
d" Aquino,  Richard  se  rendit  au  Mont-Cassin  où  il  fut  reçu  avec 
de  grands  honneurs  par  lancien  prieur  de  Saint-Benoît  de 
Capoue,  devenu  abbé  du  Mont-Cassin,  après  l'élection  au  trône 
pontifical,  de  l'abbé  Frédéric  de  Lorraine.  C'est  alors  que  com- 
mencèrent entre  l'abbaye  et  le  prince  de  Capoue  des  relations 
qui  devaient  toujours  rester  très  cordiales.  L'abbé  Didier  eut  le 
mérite  d'être  le  premier  personnage  ecclésiastique,  qui  comprit 
que  les  Normands  étaient  devenus  trop  puissants  pour  être 
chassés  ;  à  une  lutte  inégale  et  stérile  il  préféra  une  entente, 
dont  les  heureux  résultats  ne  tardèrent  pas  à  se  faire  sentir, 
au  grand  profit  du  Mont-Cassin.  Richard,  par  un  privilège  donné 
le  12  novembre,  confirma  à  labbaye  toutes  ses  possessions.  Il  est 
curieux  de  voir  que  le  privilège  est  accordé  à  la  demande  de  deux 
Amalfitains,  dont  l'un  est  le  fils  du  duc  Serge,  expulsé  en  1028  "-. 
Nous  apprenons  aussi  par  cet  acte  que  Richard  étendait  alors  son 
autorité,  ou  tout  au  moins  avait  des  prétentions,  sur  le  comté  de 
Comino. 

L'abbé  Didier  chercha  à  rétablir  la  paix  entre  Richard  et  Adé- 
nolf.  mais  ne  put  y  réussir  et  le  prince  de  Capoue  continua  à 
assiéger  Aquino.  Adénolf  finit  par  payer  les  quatre  mille  sous 
que  réclamait  Richard,  Les  relations  de  ce  dernier  avec  Gisolf 
furent  un  peu  meilleures  dans  la  période  qui  suivit.  Nous  savons 
que  Richard  fournit  à  Gisolf  des  soldats  dont  il  avait  besoin 
dans  sa  lutte  contre  les  Normands  de  Guiscard;  mais  l'alliance 
des  princes  de  (Papoue  et  de  Salerne  dura  peu,  car  Gisolf  refusa 
de  payer  à  Richard  ce  qu'il  lui  avait  promis  et  une  nouvelle  rup- 
ture se  produisit  '. 

Nous  constatons  donc  que  pour  le  comte  d' A  versa,  devenu 
prince  de  Capoue,  il  y  a  eu,  après  la  bataille  de  Civitate,  un 
notable  accroissement  de  puissance.  Il  en  a  été  de  même  pour 
les  Normands  de  la  Calabre. 


1.  Aimé,  IV,  12.  Léo  Ost..  III,  8. 

2.  Gattola,  Ace,  t.  I,  p.  161. 

3.  Aimé,  IV,  "j. 


ONFKOI    ET    GISOLF  147 

Durant  toute  cette  période,  Guiscard  a  vu  croître  son  influence 
et  sa  puissance.  Les  attaques  continuelles  des  Normands  ont 
amené  les  villes  du  midi  de  la  Péninsule  à.  conclure  avec  eux 
des  arrano^ements.  Nous  savons  que  Guiscard  domine  alors 
dans  la  vallée  du  Crati,  où  Bisig-nano  et  Cosenza  ont  conclu  des 
accords  avec  lui  ;  il  s'étend  même  plus  au  sud  jusqvi'à  Mar- 
tirano  '.  D'après  Malaterra,  ces  trois  villes  payaient  un  tribut  à 
Robert,  et  lui  devaient  le  service  militaire  ;  des  otages  répon- 
daient de  leur  fidélité.  Ces  conquêtes  de  Guiscard,  en  Calabre, 
furent  faites  les  unes  aux  dépens  des  Grecs,  comme  celle  de 
Bisignano  ~,  les  autres  aux  dépens  de  la  principauté  de  Salerne, 
comme  celle  de  Cosenza.  Le  moment  de  l'histoire  des  Normands 
où  nous  sommes  arrivés,  est  en  elTet  très  caractéristique,  car 
presque  tous  les  chefs  normands  sont  devenus  assez  puissants 
pour  se  retourner  contre  leur  ancien  allié,  le  prince  de  Salerne. 

A  la  suite  du  rétablissement  de  Gisolf  les  relations  entre 
celui-ci  et  les  Normands  sont  presque  immédiatement  devenues 
très  mauvaises.  Deux  partis  se  formèrent  parmi  les  Lombards 
de  la  principauté  de  Salerne,. l'un  favorable  à  l'ancienne  poli- 
tique, c'est-à-dire  à  l'alliance  normande,  l'autre  complètement 
hostile  à  tout  accord  -K  A  la  tète  du  premier  parti  était  Gui,  oncle 
de  Gisolf  et  beau-frère  d'Onfroi  ;  à  la  tête  du  second  était 
Gisolf  lui-même.  Celui-ci  paraît  avoir  supporté  avec  peine  la 
tutelle  que  son  oncle  voulut  lui  imposer,  et  prit  en  haine  les 
Normands.  Cette  hostilité  se  manifesta,  dès  les  premiers  temps 
de  son  règne;  nous  en  trouvons  un  exemple  dans  les  persécu- 
tions qu'il  fit  subir  à  Manson  et  Léon,  deux  amis  de  son  oncle, 
qui  furent  obligés  de  s'enfuir  auprès  de  Richard  d'Aversa.  Il 
semble  que  dans  cette  affaire  Gisolf  ait  cherché  à  opposer  à 
Richard  son  frère  Robert  ;  mais  nous  manquons  à  ce  sujet  de 
renseignements  précis  ''. 

La  rupture  de  Gisolf  et  d'Onfroi  ne  tarda  pas  à  se  produire. 
Onfroi  vint  demander  au  prince  de  Salerne  d'exécuter  les  engage- 

1.  Malaterra,  I,   17-18. 

2.  Cecaumeni  slralegicon,  p.  3;j. 

3.  Aimé,  111,44. 

4.  Ihid. 


148 


CHAPITRE    V 


ments  qu'il  avait  pris,  quand  les  Normands  l'avaient  rétabli 
dans  sa  capitale  ;  il  demanda  en  particulier  qu'on  lui  livrât  un 
château,  qui  lui  avait  été  promis  alors  K  Gisolf  refusa  de  tenir 
ses  promesses.  Le  moment  pour  se  brouiller  avec  Onfroi  était 
mal  choisi  ;  car  celui-ci  venait  de  voir  augmenter  ses  forces  par 
l'arrivée  d'un  certain  nombre  démigrants  normands.  Parmi  les 
nouveaux  venus  se  trouvaient  trois  de  ses  frères  :  Mauger,  Geoffroi 
et  Guillaume,  qui  ne  devaient  jouer  qu'un  rôle  secondaire  ~. 
Onfroi  établit  Maug-er  en  Capitanate.  Ses  deux  autres  frères 
n'avaient  encore  reçu  aucune  terre,  quand  commencèrent  les 
hostilités  avec  Gisolf.  Onfroi  s'empara  de  San  Nicandro,  près 
d'Eboli,  et  plus  au  sud,  dans  la  région  de  Policastro,  prit 
diverses  places  entre  autres  Castelvecchio.  Ce  fut  Gui,  frère  de 
Gisolf,  qui  dirigea  la  résistance,  sans  aucun  succès  d'ailleurs. 
Onfroi  investit  alors  des  terres  conquises  son  frère  Guillaume, 
qui  prit  le  titre  de  comte  du  Principat  -^ 

La  mort  d'Onfroi  survenue  dans  les  premiers  mois  de  l'année 
4057  '•  n'arrêta  pas  les  progrès  des  Normands,  qui  choisirent  Guis- 
card  comme  successeur  de  son  frère.  Les  rapports  entre  Robert  et 
Onfroi  n'avaient  jamais  été  très  cordiaux,  et  même  Guillaume  de 
Pouille  raconte  que  quelque  temps  après  la  victoire  de  Civitate, 
Onfroi  fit  arrêter  Guiscard,  qui  se  trouvait  chez  lui  '.  L'intervention 

1.  Aimé,  III,  45. 

2.  Aimé,  III,  40.  Malaterra,  I,  la.  Aimé  est  en  contradiction  avec  Mala- 
terra.  Le  premier  fait  arriver,  alois,  le  dernier  des  Hauleville,  Roger,  qui 
d'après  le  second,  vint  en  Italie  seulement  après  que  Robert  Guiscard  eut 
été  proclamé  comte.  Pour  tout  ce  qui  touche  Roger,  Malaterra  a  plus 
d'autorité  qu'Aimé. 

3.  Aimé,  III,  45.  Cf.  la  poésie  de  l'aichevêtjue  de  Salei'ne,  Alfan,  dans 
Arch.  st.  nap.,  t.  XII,  p.  774.  L'auteur  s'adresse  à  Gui,  frère  de  Gisolf. 

Sed  postqunm  patriœ  Pater  et  tuim,  ante  suoruni 

Ora  propinr/uorum,  confoditur  f/Iadiia, 
Qui<l(/uid  hahere  priua  fuerat  haec  vif  a  decoris, 

Momento  periit,  fuinus  et  timbra  fuit. 
Aam  velut  una  lues  pecorum  solet  omnibus  atjmen 

Aère  corrupto  debilitare  modis, 
Sic  gens  Gallorum  numerosa  clade,  Salerni 

Principe  defuncto  perculif  omne  solum. 

4.  Cf.  p.  149,  note  2. 

5.  G.  Ap.  II,  314. 


ROBERT    GUISCARD    SUCCÈDE    A    ONFROl  149 

des  seig-neurs  présents  amena  une  réconciliation,  à  la  suite  de 
laquelle  Onfroi  aurait  concédé  de  nouvelles  terres  à  son  frère,  mais 
il  semble  bien  que,  depuis  lors,  Guiscard  ait  vécu  de  son  côté.  Sui- 
vant le  même  auteur,  qui  est  le  seul  à  parler  de  ces  faits,  Onfroi 
sentant  sa  fin  approcher,  aurait  fait  venir  Robert  et  lui  aurait 
demandé  d'administrer  ses  terres  et  d'être  le  tuteur  de  ses  fils 
Abélard  et  Hermann  '.  Onfroi  mourut  peu  après  cette  dernière 
entrevue,  et  fut  enterré  à  Venosa.  Son  frère,  sans  s'inquiéter 
des  promesses  qu'il  avait  faites,  s'appropria  l'héritage  au  détri- 
ment de  ses  neveux,  et  se  fit  élire  comme  chef  par  les  Nor- 
mands, en  août  10o7  '.  Il  ne  paraît  pas  que  son  élection  ait 
présenté  de  difficultés  ;  il  est  probable  que  la  récente  élection  du 
pape  Etienne  IX,  notoirement  hostile  aux  Normands,  a  amené 
momentanément  l'union  des  différents  comtes.  Comme  à  ce 
moment,  les  attributions  de  celui  que  les  Normands  reconnais- 
saient comme  chef,  se  bornaient  à  conduire  l'armée  en  cas  de 
guerre,  Guiscard  était  le  candidat  le  plus  indiqué  et  par  la  bra- 
voure dont  il  avait  fait  preuve  et  par  sa  puissance  territoriale 
qui  était  très  considérable  ;  il  joignait,  en  effet,  à  ses  posses- 
sions de  Calabre  toutes  celles  de  son  frère  Onfroi.  Il  n'y  avait 
guère  que  le  prince  de  Capoue  dont  la  puissance  put  rivaliser 
avec  la  sienne  ;  mais  il  est  à  noter  que  la  principauté  de  Capoue 
a  toujours  été  tenue  à  l'écart  par  les  Normands  de  la  Fouille. 
Après  son  élection,  Guiscard  jugea  la  situation  assez  tranquille 
pour  s'éloigner,  et  retourna  en  Calabre.  Il  tenta,  dans  les  der- 
niers mois  de  l'année  1057,  un  coup  de  main  sur  Reggio.  Par 
Cosenza  et  Martirano,  Guiscard  gagna  Squillace,  de  là  il  suivit  le 
littoral  etarriva  devant  Reggio.  Il  ne  put  s'emparer  de  la  place,  mais 
diverses  villes  se  soumirent  entre  autres  Leucastro,  Maia,  Ganalda'^ 

1.  G.  Ap.,  II,  364.  Le  Chr.  Amal/iL,  c.  27.  Guillaume  de  Jumièges,  VII, 
30  et  Romualcl  de  Salerne,  M.G.H.,SS.,  t.  XIX,  p.  40o.  Malaterra,  III,  4  et 
G.  Ap.,  II,  4.ji,  indiquent  que  Guiscard  confisqua  rhéritage  de  ses  neveux. 
Il  s"agit  des  terres  appartenant  à  Onfroi,  et  non  de  la  dignité  de  chef  des 
Normands,  comme  la  cru  Delarc,  op.  cit.,  p.   279. 

2.  Guiscard  fut  élu  en  1057,  ind.  X,  donc  avant  septembre.  Anon.  Bar., 
ad  an.  Gette  date  est  confirmée  par  une  charte  où,  en  août  1078,  on  compte 
la  21"  année  de  Guiscard.  Di  Meo,  op.  cit.,  t.  VIII,  p.  175.  Par  suite  le  Chro- 
nicon  brève  norman.  et  Lupus  font  erreur  en  plaçant  cet  événement  en  105G- 

3.  Malaterra.,  I,  18.  Maia  est  à  identifier  avec  Maida,  circond.  de  Nicas- 
tro,  prov.de  Catanzaro. 


loO  CHAPITRE    \ 

Pour  soumettre  le  pays,  Robert  y  établit  une  série  de  postes,  dont 
il  donna  le  commandement  à  l'un  de  ses  frères.  Rog-er.  qui 
venait  d'arriver  en  Italie.  Celui-ci  s'installa  dans  la  péninsule, 
que  termine  le  cap  ^'aticano,  dans  la  région  de  Bivona,  près  de 
Monteleone  ' . 

Guiscard  fut  rappelé  de  la  Calabre  par  les  événements  dont  la 
Fouille  était  le  théâtre.  Il  semble  que  quelques-uns  des  sei- 
gneurs normands  aient  alors  refusé  de  reconnaître  son  autorité 
et  se  soient  révoltés.  Guiscard  alla  d'abord  mettre  le  siège  devant 
Troia  dont  les  habitants  durent  se  soumettre  '-.  II  semblerait, 
d'après  un  passage  très  confus  d'Aimé,  que  Guiscard  ait  alors 
soutenu  son  frère  Guillaume  contre  Gisolf,  mais  le  texte  est  ici 
si  obscur  que  l'on  ne  peut  préciser. 

Robert  fut  retenu  en  Fouille  par  la  révolte  de  l'un  des  princi- 
paux chefs  normands  Fierron,  seigneur  de  Trani  '.  Celui-ci, 
qui  avait  été  le  rival  de  Dreux,  lors  de  son  élection,  ne  voulut 
pas  reconnaître  Guiscard  et  s'empara  de  Melfî.  Robert  vint 
aussitôt  ravager  les  environs  de  la  ville.  Aimé,  qui  est  le 
seul  à  parler  de  ces  faits,  nous  en  a  laissé  un  récit  très 
confus.  D'après  lui,  Fierron  aurait  invoqué  la  trêve  de  qua- 
torze jours  qui  avait  été  conclue,  sans  que  nous  sachions  de  quoi 
il  est  question.  Flus  loin  le  même  auteur  nous  dit  que  Guiscard 
craignit  que  Fierron  n'entrât  dans  la  ville  pendant  la  trêve,  alors 
que  quelques  lignes  plus  haut,  il  raconte  que  Fierron  avait  déjà 
pénétré  dans  Melfi.Un  combat  judiciaire  tourna  à  la  confusion  de 

1.  Malatena,  I,  10.  Il  convient  de  placer  larrivée  de  Roger  avant  le  mo- 
ment où  Guiscard  se  rend  en  Fouille.  Robert  nest  pas  en  Calabre,  lors  des 
premières  conquêtes  de  son  frère,  il  est  en  Fouille  ;  cela  résulte  de  Mala- 
terra  II,  19  et  20. 

2.  Aimé,  IV,  3.  Ilirsch,  op.  cil.,  dans  Forschunfjen,t.  VIII,  p.  300,  croit 
qu'Aimé  a  raconté  deux  fois  le  même  événement.  Cf.  Aimé,  V,  6,  200.  Je 
crois  que  Delarc,  Aimé,  p.  201,  note  1,  est  dans  le  vrai  en  distinguant 
deux  sièges  de  Troia.  Il  a  dû  se  passer  pour  Troia,  ce  qui  s'est  passé 
pour  Capoue  ;  dans  la  première  période  de  la  soumission  aux  Normands,  la 
ville  garda  une  demi-indépendance  ;  elle  ne  la  perdit  qu'après  une  révolte 
causée  par  ce  fait  que  Guiscard  voulut  y  élever  un  château.  La  situation 
de  Troia  paraît  ainsi  avoir  été  identique  à  celle  de  Capoue  vis-à-vis  de 
Richard. 

3.  Aimé,  IV,  5.  Malaterra,  I,  18.  La  révolte  de  Fierron  de  Trani  est 
antérieure  au  lyariage  de  Guiscard.  Cf.  Aimé,  IV,  20. 


ROBERT  GUISCARD  ET  ROGER  151 

PieiTon,  qui  s'enfuit  ;  poursuivi  par  Guiscard,  il  fut  battu  près  d'un 
endroit  qu'Aimé  appelle  Cysterne  * .  Robert  remporta  une  nouvelle 
victoire,  à  Andria  -,  et  força,  à  la  suite  d'une  série  de  succès, 
Pierron  à  faire  sa  soumission.  Guiscard  se  trouva,  alors,  assez 
puissant,  pour  transformer  en  suzeraineté  effective,  l'autorité 
nominale,  qu'il  avait  exercée  jusqu'ici  ;  il  alla  «  cherchant  tuit  il 
Normant  de  entor  et  nul  n'en  laissa  qu'il  non  meist  en  sa 
poesté,  fors  solement  le  conte  Richard  remaist  -^  ».  Dans  toute 
cette  campagne,  Robert  fut  aidé  par  son  frère  Roger  qu'il  avait 
fait  venir  de  Calabre  '. 

Roger  avait  débuté  brillamment  en  Calabre,  et,  à  la  suite  d'une 
série  d'expéditions  heureuses,  avait  obtenu  la  soumission  des 
villes  et  des  châteaux  de  la  vallée  des  Salines  •"'.  Guiscard  estima 
que  les  succès  de  son  frère  lui  permettaient  d'entreprendre  une 
nouvelle  expédition  contre  Reggio  (hiver  IO08).  Rapprit,  en  route, 
que  les  habitants  de  la  ville  avaient  enlevé  tous  les  approvision- 
nements de  la  région  et  il  dut,  pour  ravitailler  son  armée,  envoyer 
Roger  ravager  les  environs  de  Gerace  ;  peu  après,  l'hiver  trop  dur 
fît  abandonner  son  projet  à  Guiscard,  qui  renvoya  chez  eux  ses 
chevaliers  et  alla  hiverner  à  Maia  ^. 

Dans  le  courant  de  l'année  1 058,  une  brouille  survint  entre  Guis- 
card et  Roger.  Nous  ne  connaissons  ces  faits  que  par  Malaterra 
qui  les  a  certainement  un  peu  arrangés  pour  donner  le  beau  rôle 
à  Roger  ^.  De  son  récit,  il  résulte  qu'une  question  d'intérêt 
amena  la  rupture  entre  les  deux  frères.  Roger  s'éloigna  et 
alla  en  Fouille  sans  doute  pour  chercher  un  appui  auprès  des 
seigneurs,  qui  avaient  pris  part  à  la  dernière  révolte.  Il  fut 
rappelé  par  son  frère  Guillaume,  comte  du  Principat,  qui  l'invita 


i.  Il  s'agit  ou  do  Cisternino,  circond.  et  prov.  de  Bari,  ou  de  Cisterna,  au 
sud  de  Canosa  (carie  d'Italie  au  1/50,000,  1'"  176,  IVj.  A  cause  du  mot  cité, 
employé  par  Aimé,  la  première  identification  me  parait  la  plus  probable. 

2.  Andria,  circond.  de  Barletta,  prov.  de  Bari. 

3.  Aimé,  IV,  7. 

4.  Malaterra,  I,  20. 

5.  Malaterra,  I,  19-21 .  Cette  vallée  débouche  au  hameau  de  Saline,  com- 
mune do  Fossato  di  Calabria,  circond.  et  prov.  de  Reg'gio  Calabria. 

6.  Malaterra,  I,  21-22. 

7.  Id.,  I,  2.1 


152  CHAPITRE    V 

à  venir  chez  lui  et  l'assura  qu'il  partagerait  avec  lui  tout  ce  qu'il 
possédait.  Roger  accepta  les  offres  de  son  frère,  qui  l'établit  à 
Scalea  '.  La  g-uerre  contre  Guiscard  commença  aussitôt.  Celui-ci 
arriva  rapidement  et  vint  assiéger  Roger,  détruisant  les  oliviers  et 
les  vignes  dans  les  environ  de  Scalea.  Il  fut  toutefois  obligé  de  se 
retirer  à  l'arrivée  de  Guillaume  du  Principat  qui  amenait  des 
renforts. 

Roger  et  Guiscard  finirent  par  se  réconcilier  et  Roger  servit 
Robert  à  la  tète  de  quarante  chevaliers.  L'accord  d'ailleurs 
ne  fut  pas  long.  Au  bout  de  deux  ans  Roger,  se  querella  de  nou- 
veau avec  Robert  pour  des  questions  d'intérêt  et  retourna  k 
Scalea,  d'où  il  recommença  à  piller  les  possessions  de  son  frère  -. 
A  ce  moment,  Roger  mène  une  vie  de  véritable  bandit,  de  voleur 
de  grands  chemins,  pillant  et  rançonnant  les  voyageurs.  Mala- 
terra  raconte  qu  il  captura  un  jour  une  bande  de  marchands 
amalfitains  ;  avec  l'argent  qu'il  leur  vola  il  put  recruter  des 
pour  troupes  continuer  la  guerre  contre  Guiscard. 

L'année  10o8  '■''  fut  marquée  dans  la  Calabre  par  une  très 
grande  famine.  On  en  trouve  facilement  la  cause,  si  l'on  songe 
aux  procédés  employés  par  les  Normands  dans  leurs  guerres, 
c'est-à-dire  à  la  destruction  systématique  des  récoltes.  La  misère 
générale  fit  éclater  une  révolte.  Les  Calabrais,  voyant  la  dis- 
corde régner  entre  Roger  et  Robert,  commencèrent  à  refuser 
le  service  militaire  et  k  ne  plus  payer  le  tribut  ;  ils  en  vinrent 
même  k  la  résistance  ouverte  et  k  Leucastro  ^  ils  massacrèrent  la 
garnison  normande.  Ils  n'épargnèrent  pas  davantage  les  Byzantins, 
et  le  chef  de  l'armée  grecque  de  Calabre  fut  obligé  de  s'enfuir  ■'. 

Guiscard  comprit  que  si  la  rébellion  s'étendait,  il  courait  le 
risque  de  perdre  la  Calabre;  comme,  en  même  temps  la  Pouille 
s'agitait,  il  se  décida  k  traiter  avec  Roger  auquel  il  concéda  la  moi- 
tié de  la  Calabre  acquise  et  à  acquérir  depuis  le  mont  Intefoli  et 


1.  Malaterra,  I,  24.  Scaloa,  circond.   de  Paola,  j^rov.  de  Cosenza. 

2.  Malaterra,  I,  2fi. 

3.  Ihid.,  I,  27. 

4.  Ch.-l.  de  circond.,  prov.   de   Catanzaro. 

5.  Malaterra,  I,  28.  et  Anon.  Vat.,  Muratori,  R.l.SS.,  t.  VIII,  p.  75^.  Lupus 
Protospat.,  ad  an.  lOnS.  Skylitzès,  dans  (".édrénus,  II,  721-722. 


ROBERT    GUISCARD    ET    flISOLF  153 

Squillace  jusqu'à  Regfçio.  Les  termes,  dont  se  sert  Malaterra, 
ne  permettent  pas  de  préciser  la  nature  de  cet  accord,  mais  il 
résulte  clairement  d'autres  passages  du  même  auteur  qu'il  faut 
entendre  par  là  que  Rog-er  et  Guiscard  eurent  chacun  la  moitié 
de  chaque  ville  '. 

Le  traité  dont  il  vient  d'être  question  doit  être  du  milieu  de 
l'année  1038.  Guiscard  est  alors  dans  une  période  où  tout  lui 
réussit  -.  A  ce  moment,  en  etîet,  le  prince  de  Salerne,  se  sentant 
incapable  de  continuer  seul  k  lutter  contre  le  comte  du  Princi- 
pat,  se  rapprocha  de  Robert. 

Nous  avons  vu  plus  haut  les  difficultés  qui  s'étaient  élevées, 
vers  1053,  entre  Gisolf  et  les  Normands.  Dans  les  années  qui 
suivirent,  le  prince  de  Salerne  continua  à  suivre  à  leur  égard  une 
politique  nettement  hostile.  Il  avait  cherché  à  se  rapprocher 
d'Etienne  IX,  dont  il  connaissait  la  haine  contre  les  Normands, 
et  lors  de  l'avènement  du  pape,  il  avait  fait  revenir  à  Salerne 
parce  qu'il  était  l'ami  d'Etienne  IX,  un  moine  du  Mont-Cassin, 
Alfan,  bien  que  les  parents  de  celui-ci  eussent  pris  part  à  l'assas- 
sinat de  Guaimar.  Gisolf  avait  d'abord  fait  nommer  Alfan  abbé  du 
monastère  de  Saint-Benoît,  puis  peu  après  l'avait  fait  élire  arche- 
vêque de  Salerne  •'.  La  mort  d  Etienne  (29  mars  1058]  fit  perdre  à 
Gisolf  tout  espoir  d'une  intervention  pontificale,  il  chercha  donc 
alors  à  se  rapprocher  de  Guiscard  et  lui  offrit  de  lui  payer  les  sub- 
sides que  son  père  fournissait  chaque  année.  Ses  offres  furent 
agréées  et  il  remit  en  otage  son  frère  et  le  fils  de  celui-ci.  x\llié 
de  Gisolf,  Guiscard  combattit  pour  le  prince  de  Salerne  contre 
Guillaume   du  Principat  ''.  Nous   ne  savons    rien   de    précis   sur 


i.  Cf.  infra,  p.  200. 

2.  Malaterra,  III,  31.  Aimé,  IV,  19. 

3.  Pflugk  Harttung-,  Acfa  inedita,  t.  II,  p.  83.  Cf.  Léo  Ost.,  II,  90et  96,  et  III. 
8.  Ilirsch.,  op.  cit.,  dans  Forschimgen,  t.  VIII,  p.  288,  pensait  qu'il  y  avait 
eu  un  archevêque,  entre  Jean  (10.j4)  et  Alfan  (IO.tTi.  Ce  n'est  pas  probable, 
car  Jean   vit  encore  en  10o7,  Paesano,  op.  cit.,  t.  I,  p.  112. 

4.  Aimé,  IV.  Schipa,  op.  cit.,  Arch.  st.  nap.,  t.  XII,  p.  rj.j2,  note,  croit, 
que  Gisolf  donna,  en  otage,  son  cousin,  le  fils  de  son  oncle  Gui;  c'est  une 
supposition  qui  me  paraît  peu  probable,  car  alors  Gui  est  très  mal  avec 
son  neveu,  il  est  l'allié  de  Guillaume  du  Principat.  Aimé,   IV,  22. 


154 


CHAPITRE    V 


ces  événements  ;  le  théâtre  de  la  g-uerre  fut  la  Lucanie  et  il  y  eut 
notamment  des  combats  dans  la  vallée  de  Briziana  *. 

Le  résultat  le  plus  clair  de  l'alliance  de  Guiscard  avec  Gisolf, 
fut  son  mariag-e  avec  Sykelgaite,  sœur  de  ce  dernier.  Robert 
répudia  sa  femme  Auberée,  dont  il  avait  eu  un  fils,  Bohémond,  et 
demanda  au  prince  de  Salerne  la  main  de  sa  sœur.  Gisolf  n'osa  la 
refuser,  mais  il  semble  résulter  de  Malaterra  et  d'Aimé  qu'après 
avoir  consenti  au  mariage,  il  y  mit  comme  condition  que  Robert 
obligerait  le  comte  du  Principat  à  se  soumettre.  Guiscard,  qui 
était  déjà  venu  avec  une  suite  brillante  pour  célébrer  ses  noces, 
dut  rentrer  en  campagne.  Guillaume  était,  à  ce  moment,  allié  à 
Gui,  duc  de  Sorrente,  dont  il  avait  épousé  la  fille.  Il  finit  par 
être  vaincu  et  Guiscard,  de  retour  à  Melfi,  y  épousa  Sykelgaite 
en  grande  pompe  (1058)  -. 

Le  mariage  de  Guiscard  fut  suivi  d'une  période  durant  laquelle 
la  paix  régna  entre  les  trois  frères.  Roger  rendit  à  Guillaume  le 
château  de  Scalea  qu'il  avait  reçu  de  lui  et  Guiscard  donna  à 
Roger  la  ville  de  Mileto  ■'. 

Au  début  de  10o9,  une  nouvelle  insurrection  éclata  en  Calabre. 
A  la  tête  des  rebelles  étaient  l'évêque  de  Cassano  et  le  gouverneur 


1.  (]f.  k's  vers  de  l'archevêque  de  Salerne  à  Gui,  frère  de  Gisolf,  Arch. 
si.  nap.,  t.  XII,  p.  775,  où  il  est  certainement  fait  allusion  à  ces  campagnes. 

2.  Malaterra,  I,  30-31.  Aimé,  IV,  18  et  23.  Léo.  Ost.,  III,  15.  La  date  est 
donnée  par  Malaterra.  Je  ne  sais  ])ourquoi  Delarc,  op.  cit.,  p.  330,  place 
le  mariage  après  le  concile  de  Melfi.  Malaterra  est  formel  à  ce  sujet  : 
Anno  ah  incarnadone  doinini  lO.'iS.  11  est  certain  que  toutes  ces  guerres 
sont  finies,  lors  du  concile  de  Mi'lfi,  puis(jue,  à  ce  moment,  Guiscard  est 
occupé  en  Calabre.  On  ne  peut  invoquer  contre  Malaterra  que  Guillaume  de 
Fouille,  11,410  et  suiv.  Mais  pour  toute  cette  partie,  cet  auteur  ne  suit  pas 
l'ordre  chronologique.  Pour  concilier  ces  deux  versions,  on  a  imaginé  que 
Malaterra  commençait  l'année  le  l'"'  septembre  et  retardait  d'une  année, 
ainsi  l'année  1038  irait  du  l*"''  septembre  1038  au  1"^''  septembre  1039,  cf.  di 
Meo,  op.  cit.,  t.  VII,  ]).  3!H),  t.  VIII,  p.  2(')  ;  Ilirsch,  op.  cil.,  dans  Forsch., 
t.  VIII,  p.  2!in  :  Haist,  o/j.  cit.,  dans  Forsch.,  l.  XXIV,  p.  318  ;  Meyer  von 
Knonau,  Ileinric/i  /T,  t.  I,  j).  149,  n.  3(i  ;  or  ceci  est  inexact,  comme  on  l'a 
vu  plus  haut  dans  l'Elude  des  sources,  à  propos  de  Malaterra.  Le 
mariage  de  Guiscard  est  antérieur  au  concile  de  Melfi,  puisque  Guiscard 
emmena  sa  femme  en  Calabre,  Aimé,  IV,  25,  et  que  c'est  en  Calabre  qu'il 
apprit  que  Nicolas  II  se  rendait  à  Melfi.  Comme  Malaterra  commence 
l'année  à  Noël  ou  au  l*^""  janvier,  le  mariage  est  donc  bien  de  1058. 

3.  Aimé  IV,  24-23.  Mileto,  circond.  de  Montelcone,  prov.  de  Catanzaro. 


ROBERT    GUISCARD    ET    GEOFFROI  155 

byzantin  de  Gerace.  Roger  réussit  rapidement  à  rétablir  l'ordre  K 
Pendant  ce  temps,  Robert  Guiscard  n'était  pas  en  Calabre  ; 
mais  dans  le  nord  de  la  Fouille,  où  il  aidait  son  frère  GeofFroi  à 
soumettre  les  territoires  que  lui  avait  laissés  Mauger,  mort  peu 
auparavant  ~.  Après  cette  expédition,  Robert  revint  en  Calabre  ; 
il  était  occupé  au  sièg-e  de  Cariati',  quand  il  apprit  que  prochai- 
nement le  pape  Nicolas  II  devait  se  rendre  à  Melfi.  Aussitôt 
Guiscard  laissa  une  partie  de  ses  troupes  continuer  le  siège  et 
se  rendit  lui-même  auprès  du  pape. 


1.  Malateri'a,  I,  32.  Cassaiio,  ciiToud.  de  Castro\  illari,  iirov.  do  Cosenza. 
Gerace,  clief-lieu  de  circond.,  pi'ov.  de  Regg-io. 

2.  Malaterra,  I,  33-34. 

3.  Cariati,  circond.  de  liossano,  prov.  de  Cosenza. 


CHAPITRE  VI 

LA    PAPAUTÉ    ET    LES    NORMANDS 

(1054-1059) 


On  a  vu  plus  haut  comment  Léon  IX,  rapproché  des  Byzantins 
par  une  haine  commune,  avait  été  amené  à  chercher,  auprès  du 
catépan  d'Italie,  un  appui  contre  les  Normands.  Malgré  la  défaite 
de  Givitate,  qui  empêcha  l'accord  de  sortir  son  plein  effet,  l'al- 
liance du  pape  et  du  basileus  eût  pu  produire  des  résultats  heu- 
reux pour  les  deux  puissances,  mais  l'ambition  d'un  homme,  le 
patriarche  Kéroularios,  réduisit  à  néant  les  espérances  que  les 
politiques  des  deux  partis  avait  un  moment  pu  concevoir,  et 
amena,  entre  Rome  et  Bjzance,  la  rupture  définitive.  Les  consé- 
quences de  ce  fait  furent  très  importantes  pour  les  Normands, 
c'est  pourquoi  il  convient  d'y  insister. 

L'aHiance  des  Byzantins  et  de  la  papauté  avait  été  en  grande 
partie  l'œuvre d'Arg-yros.  Celui-ci,  lombard  d'origine,  n'avait  pas 
à  l'égard  des  Latins  les  préjugés  que  l'on  trouve  alors  chez  beau- 
coup de  Grecs.  Connaissant  à  merveille  la  situation  politique  de 
l'Italie  du  Sud,  Argyros  vit  clairement  que  l'intérêt  de  l'empire 
demandait  un  rapprochement  avec  le  pape  Léon  IX.  On  pouvait 
espérer  que  les  Normands  ne  seraient  pas  en  état  de  résister  aux 
forces  réunies  du  souverain  pontife  et  des  Grecs.  Argyros  se 
heurta  à  Constantinople  à  des  résistances  violentes.  Bien  que 
l'on  ait  récemment  cherché  à  établir,  que,  depuis  la  mort  de 
Basile  II,  les  relations  entre  Byzance  et  Rome  avaient  été  em- 
preintes de  la  plus  grande  cordialité,  on  ne  saurait  nier  que  le 
clergé  oriental  n'ait  été  alors  animé  dune  sourde  hostilité  envers 
Rome'.     A    la    tête    de    l'église    de    Constantinople     était     le 

1.  Bréhier.  Le  schisme  oriental  du  A'/""  siècle,  p.  1  et  suiv. 


LÉON    IX    ET    KÉROLLARIOS  157 

patriarche  Michel  Kéroularios,  qui  rêvait  de  devenir  le  pape  de 
rOrient,  comme  Tévèque  de  Rome  était  devenu  le  pape  de  l'Occi- 
dent. Kéroularios  ne  faisait,  en  somme,  que  reprendre  Tidée  de 
plusieurs  de  ses  prédécesseurs  et  l'on  est  amené  naturellement  à 
rapprocher  sa  conduite  de  celle  d'Eusthatios  qui,  vers  1024,  cher- 
cha à  obtenir  de  Rome  la  reconnaissance  de  l'autonomie  de 
l'Eg-lise  de  Gonstantinople.  Que  Kéroularios  ait  eu  une  ambition 
plus  haute,  qu'il  ait  rêvé  de  subordonner  l'Etat  à  l'Eglise  et  ait 
songé  à  se  faire  donner  la  couronne  impériale,  c'est  une  question 
où  nous  n'avons  pas  à  entrer.  Il  suffît  de  marquer  ici  que  Kéroula- 
rios était  le  chef  du  parti  hostile  à  Rome;  il  représentait  les  sen- 
timents de  tout  le  clergé  grec  et  aussi  d'une  partie  considérable 
de  la  population  de  l'empire  byzantin,  comme  le  prouvent  et 
l'appui  qu'il  trouva  dans  le  clergé  et  la  popularité  que  lui  acquit 
sa  conduite. 

Kéroularios  se  trouva  donc  amené  à  faire  une  opposition  vio- 
lente à  la  politique  qu'Argyros  voulait  faire  suivre  à  l'empereur 
dans  les  affaires  d'Italie.  Il  y  eut  à  ce  sujet  des  intrigues  que 
nous  connaissons  mal.  Tout  ce  que  nous  savons,  c'est  que  des 
scènes  violentes  eurent  lieu  entre  le  patriarche  et  Argyros.  Ce 
dernier  finit  par  convaincre  Constantin  IX,  et  les  négociations 
engagées  entre  Léon  IX  et  le  catépan  furent  certainement 
autorisées  par  le  basileus.  N'ayant  pu  empêcher  le  rapprochement 
entre  le  pape  et  l'empereur,  Kéroularios  chercha  à  amener  la 
rupture  entre  Gonstantinople  et  Rome. 

Les  hostilités  commencèrent  en  10o3,  très  probablement,  à 
mon  avis,  avant  la  bataille  de  Civitate,  par  une  lettre  de  Léon 
archcA^êque  d'Achrida  adressée  à  Jean,  évêque  de  Trani  où  les 
usages  de  l'Eglise  latine,  notamment  le  jeûne  du  samedi  et  l'em- 
ploi du  pain  azyme  pour  l'Eucharistie,  étaient  vivement  critiqués  ' . 
En  même  temps,  Kéroularios  faisait  composer  par  un  moine  du 
couvent  de  Stoudion,  Nikétas  Stétathos,  un  traité  contre  les 
usages  des  Latins  -.  Le  patriarche,  passant  aux  actes,  fît  fermer  les 
églises  latines  de  Gonstantinople -^  Le  pape  eut  connaissance  de 

1.  Will,  op.  cit.,  p.  56  et  suiv. 

2.  Cf.  Brélîier,  op.  cit.,  pp.  94-95. 

3.  Will,  op.  cit.,  pp.  89  et  164. 


158  CHAPITRE  VI 

la  lettre  à  Jean  de  Trani  par  le  cardinal  Humbert.  Léon  IX 
répondit  lui-même  à  Farchevêque  d'Achrida,  et,  voulant  montrer 
qu'il  n'était  pas  dupe  de  la  conduite  de  Kéroularios,  il  adressa 
sa  réponse  à  Léon  et  au  j^atriarche'.  Le  pape  faisait  l'apolos^ie  de 
l'Eglise  romaine,  dont  il  vantait  l'orthodoxie,  en  lui  opposant  les 
hérésies  où  était  tombés  les  patriarches  de  Constantinople  et 
((  les  sujets  de  scandale  donnés  par  l'Eglise  de  Byzance  ».  Le 
pape  terminait  en  refusant  de  discuter  les  questions  soulevées 
par  Léon  d'Achrida,  tant  que  Kéroularios  ne  se  serait  pas  soumis. 

Léon  IX  obtint  un  plein  succès.  Il  est  probable  que  la  con- 
duite de  Kéroularios  avait  mécontenté  l'empereur  Constantin, 
qui,  à  ce  moment,  croyait  avoir  encore  besoin  du  pape.  L'inter- 
vention du  basileus  amena  le  patriarche  à  écrire  au  pape  une 
lettre  remplie  de  modération,  où  il  parlait  de  son  grand  désir  de 
concorde  et  aussi,  ce  qui  pour  nous  est  plus  intéressant,  des 
secours  que  l'on  attendait  de  lui  contre  les  Francs-.  Qu'Argyros 
n'ait  pas  été  étranger  à  la  conduite  de  l'empereur,  c  est  ce  que 
l'on  peut  conclure  de  l'envoi,  par  le  catépan,  de  l'évêque  de  Trani 
à  Constantinople'.  Kéroularios  dut  être  forcé  par  l'empereur 
d'écrire  au  pape  la  lettre  où  il  faisait  amende  honorable.  C'est  ce 
que  montrent  clairement  les  termes  dont  se  sert  le  pape  dans 
la  lettre  qu'il  adressa  k  Constantin  IX,  en  janvier  1054  :  «  Après 
ces  trop  longues  et  pernicieuses  discordes,  c'est  toi  qui  le  pre- 
mier as  non  seulement  ordonné,  mais  mandé  et  effectué  la  paix 
et  la  concorde,  selon  nos  vœux''  ». 

Les  bonnes  dispositions  de  l'empereur  amenèrent  Léon  IX  à 
traiter  directement  avec  lui.  En  janvier  1054-,  le  pape  envoya  à 
Constantinople,  une  ambassade  composée  du  cardinal  Humbert, 
de  Frédéric  de    Lorraine   et  de  l'archevêque  d'Amallî,  Pierre'. 


1.  Cf.  Bréhier,  op.  cil.,  p.  97  et  suiv. 

2.  Will,  op.  cit.,  p.  174.  La  lettre  de  Kéroularios  à  Léon  IX  est  perdue, 
mais  le  patriarche  fait  allusion  à  son  contenu  dans  une  lettre  à  Pierre, 
patriarche  d'Antioche. 

:i.  Anon.  Bar.,  ad  an.  lOoii.  M.  Bréhier  na  pas  cité  le  texte  de  l'Ano- 
nyme de  Bari  qui  fait  une  quasi-certitude  de  riiypothèse  (ju"il  a  émise 
relativement  à  l'intei'vention  d'Argyros,  op.  cit.,  p.  103. 

4.  Will,  op.  cit.,  p.  85. 

5.  Léo.  Ost.,  II,  88.  Will,  op.  cit.,  p.  130  et  suiv. 


LÉON    IX    ET    KÉROULARIOS  159 

La  lettre  que  le  pape  écrivit  alors  au  basileus  nous  a  été  conser- 
vée, elle  est  précieuse  car  elle  nous  montre  que  les  sentiments 
de  Léon  IX,  envers  les  Normands,  n'ont  pas  changé  et  que  le  pape 
espère  toujours  en  venir  à  bout  avec  laide  des  Grecs  et  de  l'em- 
pereur allemand  ',  Autant  le  pape  se  montrait  bienveillant  à 
Téfçard  du  basileus  dans  la  lettre  qu'il  lui  adressait,  autant  il  se 
montrait  dur  et  sévère  dans  celle  qu'il  écrivit  au  patriarche. 

L'ambassade  pontificale  fut  très  bien  reçue  à  Gonstantinople 
par  l'empereur,  tandis  que  dès  le  début  ses  rapports  avec  le 
patriarche  furent  très  tendus.  On  a  dit,  pour  expliquer  la  conduite 
de  Kéroularios,  que  Constantin  et  Argyros  lui  avaient  fait  espérer 
qu'il  serait  traité  par  le  pape  comme  son  égal,  et  que  c'est  son 
mécontentement,  qui,  au  reçu  de  la  lettre  du  pape,  aurait 
dicté  sa  conduite.  On  ne  saurait  établir  avec  certitude  que  Cons- 
tantin et  ArgA'ros  aient  donné  au  patriarche  de  telles  espérances, 
néanmoins  cette  hypothèse  a  pour  elle  une  très  grande  vrai- 
semblance '^ 

Le  résultat  le  plus  clair  de  l'ambassade  fut  de  détacher  Cons- 
tantin du  parti  de  Kéroularios.  Mais  la  mort  de  Léon  IX,  sur- 
venue le  19  avril,  fournit  au  patriarche  un  prétexte  pour  refuser 
de  discuter  avec  les  légats  pontificaux,  dont  les  pouvoirs,  selon 
lui,  n'étaient  plus  valables.  L'empereur  et  les  légats  purent 
bien  condamner  l'écrit  de  Nikétas  Stéthatos  et  excommunier  le 
patriarche,  le  refus  de  Michel  de  traiter  avec  eux  fît  échouer  la 
mission  des  envoyés  de  Uome,  qui  quittèrent  Constantinople  le 
17  juillet  3. 

Les  événements  qui  suivirent  sont  peu  clairs.  Il  semble  tou- 
tefois que  Kéroularios,  après  le  départ  des  légats,  se  soit  décidé 
à  les  attirer  dans  un  guet-apens.  L'empereur,  à  sa  demande,  leur 
écrivit  de  revenir,  mais  ayant  eu  connaissance  des  projets  de 
Kéroularios.  il  voulut  assister  à  l'entrevue  du  patriarche  et  des 
légats.  Sur  le  refus  de  Kéroularios,  il  écrivit  aux  envoyés  de 
Rome  de  continuer  leur  route.    Kéroularios  se  vengea  de   l'em- 


1.  Cf.  supra^  p.  13ri  et  suiv, 

2.  Bréhier,  oj).  cit.,  p.  104. 

3.  Cf.  Ihid.,  p.  lO.j  et  suiv. 


160  CHAPITRE    VI 

pereur,  en  excitant  contre  lui  une  émeute  formidable.  Constantin 
fut  obligé  d'écrire  au  patriarche  une  lettre  <(  suppliante  »,  où  il 
s'excusait  de  la  conduite  qu'il  avait  tenue,  en  rejetant  a  toute  la 
faute  sur  la  fourberie  d'Arg\  ros,  qui  était  destiné  dans  cette  affaire 
à  supporter  les  conséquences  des  colères  de  l'un  et  de  l'autre 
parti  ».  L'empereur  promettait  de  faire  brûler  la  bulle  d'excom- 
munication, promulguée  contre  le  patriarche,  et  d'exercer  des 
représailles  contre  Argyros  dont  le  tils  et  le  gendre  étaient  déjà 
en  prison   K 

En  résumé,  la  lutte  entre  le  patriarche  de  Constantinople  et  le 
pape  se  termina  par  le  triomphe  complet  du  premier,  triomphe 
que  ne  firent  qu'augmenter  les  divisions  intestines  qui  se  produi- 
sirent alors  dans  l'Eglise  de  Rome. 

Nous  avons  vu  que  Léon  IX  était  mort  à  Rome,  le  19  avril 
1034  ;  son  successeur,  Victor  II,  ne  fut  sacré  dans  la  basilique  de 
Saint-Pierre  que  le  13  avril  lOoo.  Ce  long  interrègne  montre 
clairement  les  difTicultés  qui  assiégèrent  alors  l'Eglise.  A  la 
mort  de  Léon  IX,  les  deux  partis  qui  se  disputaient  la  papauté 
s'adressèrent  à  l'empereur  allemand.  L'aristocratie  romaine 
envoya  à  Mayence  des  ambassadeurs  demander  à  Henri  III  de 
désigner  un  nouveau  pape  -.  En  même  temps,  le  parti  de  la 
réforme  qui  avait  à  sa  tête  Hildebrand,  chargeait  ce  dernier  de 
se  rendre  également  auprès  d'Henri  III  ^  ;  et  ainsi,  amusante 
ironie,  c'est  l'un  des  principaux  acteurs  de  la  lutte  du  sacerdoce 
et  de  l'empire,  qui  alla  demander  à  I  empereur  de  désigner  le  pape  ; 
l'état  de  l'Eglise  fait  toutefois  comprendre  cette  démarche  et  la  con- 
duite du  parti  des  réformes  était  en  quelque  sorte  imposée  parles 
circonstances.  A  Rome,  la  papauté  avait  toujours  à  craindre  l'aris- 


1.  Will,  op.  cit.,  p.  166et  suiv.  M.  Bréhier,  op.  cil.,  p.  123,  donne  peut-être 
trop  d'importance  au  témoig-nage  de  Guillaume  de  Pouille,  II,  267  et  suiv., 
qui  raconte  quArgyros  fut  envoyé  en  exil  et  y  mourut.  Argyros  partit,  il 
est  vrai,  en  1056,  Anon.Bar.,  ad  an.  Mais  ce  fut  pour  revenir  peu  après, 
car,  en  lOoS,  il  était  déjà  revenu  depuis  quelque  temps,  puisque  nous  le 
voyons  retourner  à  Constantinople,  Anon.  Bar.,  ad  an.  Il  dut  être  ren- 
voyé en  Italie  à  l'avènement  disaac  Comnène    l"'"  sept.  101)1  j. 

2.  Anon.  IIaserens.,c.  38,  M. G. II.  SS.,t.  VII,  p.  26o.  Lambert  d'IIersfeld, 
ad  an.,  1054.  Annales  Roman.,  éd.  Duchesne,  Lib.  Pont.,    t.  II,  p.  333. 

3.  Léo.  Ost.,  II,  86. 


La  papauté  et  les  normands  16l 

tocratie  et  c'est  en  vain  qu'elle  eût  cherché,  en  Italie,  une  puis- 
sance sur  laquelle  elle  pût  s'appuyer.  Les  événements  de  Cons- 
tantinople  rendaient  difficile  un  appel  à  l'empereur  grec,  et  d'ail- 
leurs si  l'on  avait  pu  song-er  à  gagner  l'appui  militaire  des  Byzan- 
tins, on  était  bien  loin  de  penser  à  fournir  au  patriarche  de 
Constantinople  une  occasion  d'intervenir  dans  les  affaires  inté- 
rieures de  l'Église.  Nul  ne  pouvait  alors  songer  aux  Normands 
que  Ton  regardait  encore  comme  des  voleurs  de  grand  chemin  ; 
les  rapports,  que  Léon  IX  avait  eus  avec  eux,  paraissaient 
rendre  impossible  toute  alliance  avec  les  vainqueurs  de  Civitate. 
Dans  l'entourage  pontifical,  on  ne  devait  pas  faire  de  difTérence 
entre  les  Normands  et  les  nobles  romains  contre  lesquels  la 
papauté  luttait  depuis  tant  d'années.  On  ne  pouvait  davantage 
songer  au  prince  de  Salerne,  et  les  princes  du  Nord  de  l'Italie, 
vassaux  de  l'empereur  allemand,  étaient  incapables  de  fournir 
aucun  appui.  Henri  III  était  le  seul  souverain  à  qui  la  papauté 
pût  demander  de  la  défendre  ;  en  s'adressant  à  lui,  le  parti  des 
réformes  pouvait  espérer  que  le  nouveau  pape  servirait  l'Eglise 
et  lui    fournirait   l'assistance  impériale. 

Le  choix  d'Henri  III  se  porta  sur  l'un  de  ses  parents  Gebhard, 
évêque  d'Eichstadt  et  chancelier  de  l'empire,  qui  prit  le  nom  de 
Victor  II  1.  Peut-être  Henri  III  fut-il  guidé,  dans  son  choix,  parle 
désir  de  voir  la  papauté  rompre  avec  la  politique  grecque  inau- 
gurée par  Léon  IX  ;  c'est,  en  effet,  Victor  II  qui  avait  empêché 
l'empereur  d'appuyer  l'expédition  de  Léon  IX  contre  les  Nor- 
mands. Bien  qu'à  ce  moment  les  relations  entre  les  deux  empires 
paraissent  avoir  été  assez  cordiales,  il  est  probable  qu'Henri  III 
ne  tenait  pas  à  voir  l'empire  grec  jouer  dans  les  affaires  italiennes 
un  rôle  prépondérant. 

Le  nouveau  pape  gagna  Rome,  où  il  fut  couronné  en  avril 
1055  2.  Au  début  de  son  pontificat,  Victor  H  parut  vouloir  suivre 
la  politique  qu'il  avait  conseillée  à  l'empereur,  alors  qu'il  était 
chancelier.  Il  ne  se  montra  pas  hostile  aux  Normands  et  même 


1.  Cf.  Steindorff,  Heinrich  III,  t.  1,  p.  283. 

2.  Berthold.  .4n^.,  ad  an.  1034.  M.G.H.SS.,  t.  V,  p.  269.  Bonizo.  Lib.  ad 
amicuin,  dans  Libelli  de  Lite,  etc.,  t.  I,  pp.  389-390. 

Histoire  de  la,  domination  normande.  —  Ghalanoon.  11 


162  CHAPITRE    VI 

suivant  certaines  sources  aurait  songé  à  traiter  avec  eux  '.  Peut- 
être  la  conduite  de  Victor  II  lui  fut-elle  dictée  par  les  circons- 
tances qui  entourèrent  le  voyag'e  que  l'empereur  fît  alors  en 
Italie. 

Henri  III  passa  les  Alpes  pour  réduire  un  de  ses  vassaux, 
Geoffroi  duc  de  Lorraine,  qui.  par  son  mariage  avec  Béatrice, 
veuve  de  Boniface,  marquis  de  Toscane,  était  devenu  le  plus 
puissant  seigneur  de  l'Italie  septentrionale  -.  L'empereur  avait  vu 
sans  plaisir  cette  union,  et,  dès  iOoi,  il  avait  invité  ses  vassaux 
italiens  à  surveiller  le  duc.  Geolfroi  n'attendit  pas  la  venue 
de  l'empereur  et  se  réfugia  en  Lorraine.  Henri  III  échoua  donc 
de  ce  côté;  il  ne  réussit  pas  beaucoup  mieux  par  ailleurs.  En  juin 
iOoo-^,  il  assista  au  concile  de  Florence,  puis  envoya  dans  le 
midi  de  l'Italie  des  ambassadeurs,  sans  que  nous  sachions  exac- 
tement dans  quel  but  \  Steindorlf  pense  que  l'empereur  songeait 
à  unir  les  Lombards  et  les  Grecs  dans  une  alliance  contre 
les  Normands  ''.  Nous  ne  possédons  aucun  texte  nous  permet- 
tant d'admettre  cette  hypothèse.  Tout  ce  que  nous  savons,  en 
efîet,  c'est  qu'Henri  III  chercha  à  s'emparer  de  Frédéric  de  Lor- 
raine, frère  du  duc  Geoffroi,  qui  était  revenu  de  Constantinople 
avec  de  grosses  sommes  d'argent  données  par  l'empereur  grec. 
Frédéric,  pour  échapper  à  l'empereur  allemand,  fut  contraint  de 
se  réfugier  au  Mont-Cassin,  où  il  prit  l'habit  ''. 

On  ne  doit  pas,  à  mon  avis,  prêter  à  Henri  III  de  vastes  projets  ; 
il  n'avait  pas  à  ce  moment  le  moyen  d  intervenir  efficacement 
dans  les  affaires  italiennes  et  les  ambassades  envoyées  durent  se 
borner  à  solliciter  la  reconnaissance  de  l'empereur  par  les 
princes  du  sud  de  l'Italie  ''.  Peu  après  le  concile  de  Florence, 
Henri  III  regagna  l'Allemagne. 

1.  Aimé,  III,  44. 

2.  Ilerimanus  Aug.,  Chr.,  ad  an.  10o4.  Lambert  d"Hersfeld,  Ann.,  ad  an. 
1053.  Ann.  Altah.,  ad.  an.  10.j4.  Sigebert  de   Gcmbloux,  Chr.,  ad  an.  10'j3. 

3.  Steindorfi",  op.  cit.,  t.  I,  p.  303. 

4.  Léo  Ost.,  II,  86. 

5.  Op.  cit.,  t.I,  p.  311. 

6.  Léo  Ost.,  II,  86. 

7.  Henri  est  d'ailleurs  mal  avec  les  Normands.  Berthold,  ad  an.  lOoo, 
raconte  que  les  Pisans  firent  prisonniers  50  Normands,  qui  venaient  en 
Italie  combattre  l'empereur. 


LA    PAPAUTÉ    ET    LES    NORMANDS  163 

La  papauté  ne  retira  donc  pas  grand  avantage  de  la  venue 
de  l'empereur,  dont  le  résultat  le  plus  clair  fut  la  nomination  de 
Victor  II  comme  missus  pour  Spolète  et  Fermo  K  Si  l'on  se 
rappelle  toutes  les  espérances  que  Léon  IX  avait  placées  dans 
cette  descente  de  l'empereur,  pour  le  rétablissement  de  l'ordre 
et  l'expulsion  des  Normands,  on  peut  conjecturer  que  la  désillu- 
sion dut  être  grande  dans  tout  le  parti  des  réformateurs.  Victor  II 
passa  la  fin  de  l'année  lOoo,  à  Rome,  tout  occupé  de  la  réforme 
de  l'Eg-lise.  Il  semble  que  ses  rapports  avec  les  Romains  aient 
été  difficiles  ^  En  même  temps  les  plaintes  des  populations  de 
l'Italie  méridionale  contre  les  Normands  se  faisaient  chaque 
jour  plus  violentes-',  si  bien  que  Victor  II  fut  obligé  de  reve- 
nir au  plan  de  son  prédécesseur  et  entreprit  à  son  tour  de  les 
chasser.  Convaincu  qu'il  ne  pouvait  rien  sans  l'intervention 
d'Henri  III,  Victor  II,  dans  l'été  de  l'année  10o(i  '♦,  se  rendit  en 
Allemag-ne.  pour  solliciter  l'appui  impérial.  La  mort  d'Henri  111 
vint  anéantir  tous  ses  projets  (S  octobre  1056)''.  La  conduite 
politique  de  Victor  II  fut  très  habile;  il  chercha  à  confondre 
les  intérêts  de  la  papauté,  de  l'empire  et  de  la  maison  de  Lor- 
raine. L'empire  est  alors  aux  mains  d'un  enfant  sous  la  tutelle 
de  l'impératrice  Agnès.  Henri  III,  en  mourant,  avait  recom- 
mandé son  fils  au  pape  '',  celui-ci  s'occupa  de  réconcilier  la 
famille  impériale  avec  GeofFroi  de  Lorraine  ;  il  y  réussit  à  la 
diète  de  Cologne,  au  mois  de  décembre  1056  ^;  en  même  temps 
Frédéric,  frère  de  GeolTroi,  était,  grâce  à  l'intervention  de 
Victor  H,  nommé  abbé  du  Mont-Gassin  ^.  Il  est  évident  que 
le  pape  chercha  à  trouver  dans  la   maison    de   Lorraine  l'appui 

1.  Cf.  Fickev, Forschungen,  t.  II,  p.  322  et  JafTé-L.,  4348.  CL  Palma,  Storia 
ecclesiastica  e  civile  délia  regione  piu  settenirionale  clcI  r-erjno  di  Napoli 
(Teramo,  1832),  in-4°,  t.  I,  p.  121  et  123. 

2.  Radulphus,   Vita  sancti  Lieiherti,  AA.SS.,  23  juin,  t.  V,  p.  .^10. 

3.  Annal.  Rom.,  dans  Lib.  Pont.,  t.  II,  p.  334. 

4.  Ihid.,  et  Lambert  d'IIersfeld,  Ann.,  ad  an.  1037. 

0.   Cf.  Meyer  von  Knonau,  Heinrich  IV  und  Heinrich  V,  t.  I,  pp.  10-11. 

6.  Jaffé,  Monumenta  Gregoriana,  t.  I,  p.  33.  Léo  Ost.,  II,  91. 

7.  Ann.  Allah.,  ad  an.  l6.37,  M.G.H.SS.,t.  XX,  p.  808.  Cf.  Meyer  von  Kno- 
nau, op.  cit.,  t.  I,  p.  17  et  suiv. 

8.  Léo  Ost.,  II,  93. 


d64  CHAPITRE    VÏ 

que  l'empire  n'avait  pu  lui  fournir.  La  mort  de  Victor  ÎI 
(28  juillet  1057)  empêcha  la  politique  pontificale  de  porter  ses 
fruits . 

L'élection  du  successeur  de  Victor  II  fut  très  rapide.  La  situa- 
tion avait  changé  depuis  1054  ;  un  roi  enfant,  confié  à  la  tutelle 
d'une  femme,  ne  pouvait  en  imposer  autant  que  1  empereur 
défunt.  Les  Romains,  qui  depuis  longtemps  n'avaient  pas  élu  un 
pape,  profitèrent  de  l'occasion  pour  exercer  leur  ancien  droit,  et, 
dès  le  2  août,  ils  nommèrent  Frédéric  de  Lorraine,  qui  prit  le 
nom  d'Etienne  IX  K  Que  ce  choix  ait  été  appuyé  par  Hildebrand, 
on  n'en  saurait  douter  ;  Frédéric  de  Lorraine  avait  été  un  des  con- 
seillers de  Léon  IX,  et  sa  nomination  était  en  c[uelque  sorte  le 
terme  où  devait  tendre  la  politique  lorraine,  inaugurée  par 
Victor  II,  dans  les  derniers  mois  de  son  pontificat.  La  continuité 
de  vues  qui  inspire,  sous  ces  trois  règnes,  la  politique  pontifi- 
cale, est  un  témoignage  certain  de  l'influence  d'Hildebrand. 

Elu  le  2  août,  Etienne  IX  fut  couronné  dès  le  lendemain.  Sa 
nomination  constituait  une  rupture  avec  la  tradition  qui  s'était 
établie,  à  savoir  que  la  reconnaissance  ou  plus  exactement  le 
choix  par  l'empereur  faisait  la  légitimité  du  pape.  La  cour  impé- 
riale se  montra  très  mécontente  de  l'usurpation  de  ses  droits  ;  il 
ne  fallut  pas  moins  que  toute  l'habileté  d'Hildebrand,  envoyé 
comme  légat  en  Allemagne  par  Etienne  IX,  pour  faire  recon- 
naître le  fait  accompli  '-. 

Si  le  choix  du  nouveau  pape  ne  fut  pas  agréable  aux  Alle- 
mands, il  le  fut  encore  moins  aux  Normands,  car  Etienne  IX 
s'était  toujours  montré  leur  ennemi;  devenu  pape,  sa  conduite 
ne  changea  pas,  et  il  reprit  envers  eux  la  politique  de  Léon  IX. 
Bien  que  son  pontificat  ait  été  éphémère,  nous  avons  de  nom- 
breux renseignements  sur  ses  projets  contre  les  Normands, 
Etienne  IX  voulut  utiliser,  pour  ses  desseins,  les  trésors  qu'il 
avait  reçus  lors  de  son  voyage  à  Gonstantinople  ;  il  ordonna  aux 


1.  Léo  Ost.,   II,  94.  Annal.  Rom.,  dans   Lih.  Pont.,   t.  II,  p.  334.  Annal. 
Altah.,  ad  an.  1057,  M.G.H.SS.,  t.  XX,  p.  809. 

2.  Cf.  Ann.  Allah.,  ad  an.  1059,  M.G.H.SS.,  t.  XX,  p.  809.  Cf.  Meyer  von 
Knonau,  op.  cil.,  t.  I,  pp.  52-33. 


LA    PAPAUTÉ    ET    LES    NORMANDS  163 

moines  du  Mont-Cassin,  à  qui  il  avait  confié  ce  précieux  dépôt, 
de  le  lui  apporter  en  y  joignant  tout  ce  que  pourrait  fournir 
l'abbave.  Les  moines  s'exécutèrent,  mais  avec  une  telle  mauvaise 
grâce,  que  le  pape  dut  refuser  l'argent  qu'ils  lui  offraient  '. 

Le  plan  qu'Etienne  IX  se  proposait  de  réaliser  était  grandiose  : 
continuant  et  dépassant  sans  doute  l'idée  de  Victor  II,  il  songea 
à  donner  la  couronne  impériale  à  son  frère  GeofTroi  de  Lorraine, 
qui  occupait  le  duché  de  Spolète  -,  et  à  le  conduire  contre  les 
Normands.  Bien  loin  de  reconnaître  les  faits  accomplis,  le  pape 
rattacha  au  siège  de  Bénévent,  Troia,  qui  appartenait  alors  aux 
Normands  •^.  Il  reprenait  en  même  temps  les  négociations  avec 
Argyros  qui  n'avait  été  que  peu  de  temps  en  disgrâce  car, 
avant  1058,  nous  le  retrouvons  en  Italie  '*.  Ces  nouveaux 
pourparlers  avec  Constantinople  furent  facilités  par  l'éclipsé 
qu'avait  subie  la  fortune  de  Kéroularios.  Déjà  mis  de  côté  par 
Théodora  et  par  MichelYI  ,  le  patriarche  avait  pris  sa  revanche 
en  contribuant  de  tout  son  pouvoir  à  l'arrivée  au  trône  d'Isaac 
Gomnène.  Mais  une  fois  l'usurpation  accomplie,  Kéi'oularios 
exagéra,  vis-à-vis  du  basileus,  son  rôle  de  protecteur,  et 
déjà,  en  1058,  existait  entre  l'empereur  et  le  patriarche,  cette 
sourde  hostilité,  sur  laquelle  Psellos  nous  a  laissé  de  curieux 
renseignements  ^.  Cette  mésintelligence  a  certainement  con- 
tribué à  amener  le  retour  en  grâce  d' Argyros.  Nous  savons 
que  celui-ci  reprit  avec  Etienne  IX  les  négociations  commen- 
cées avec  Léon  IX''.  Le  pape  se  décida  à  envoyer  à  Constan- 
tinople une  ambassade,  composée  du  cardinal  Etienne,  de 
Didier,  élu  du  Mont-Cassin  et  de  Mainard,  qui  fut  plus  tard 
évéque  de  Silva  Candida.  L'ambassade  était  déjà  à  Bari,  prête  à 


1.  Aimé,  III,  47-48.  Léo  Ost.,  II,  97. 

2.  Benzo,  II,  15,  M.G.H.SS.,  t.  XI,  p.  618.  Léo.  Ost.,  II,  97.  Cf.  un  acte 
d'octobre  1037  dans  Fatteschi,  Memorie  istorico  diplomatiche  rigiuirdanti  la 
série  de'  duchi  e  la  topografîa  de"  teinpi  dlmezzo  del  ducato  di  Spoleto.  Ap., 
p.  333. 

3.  Jaffé-L.,  4383. 

4.  Ann.  Bar.,  ad  an.  1038. 

5.  Psellos,  op.  cit.,  dans  Sathas,  Bih.  Graeca,  t.  IV,  p.  367.  Skylilzès, 
dans  Cédrénus,  II,  642-643.  Attaliatès,  p.  62, 

6.  Léo  Ost.,  III,  9. 


166  CHAPITRE    VI 

partir  avec  Arg-yros,  quand  la  mort  d'Étieiine  IX  vint  arrêter 
l'entreprise.  Le  pape  mourut  en  Toscane  au  moment  où  il  se 
rendait  auprès  de  son  frère,  le  duc  de  Lorraine  '  (29  mars). 

L'aristocratie  romaine  a  été  accusée  d'avoir  fait  empoisonner 
Etienne  IX  "-'.  Cette  accusation  a  pour  elle  une  grande  vraisem- 
blance. On  comprend  que  le  parti  hostile  aux  réformes  n'ait  pas 
tenu  à  voir  remplacer  l'autorité  très  éloignée  de  l'empereur  alle- 
mand par  celle  de  Geoffroi,  qui,  maître  d'une  partie  de  l'Italie 
du  Nord,  pouvait  intervenir  d'une  manière  plus  efficace  dans  les 
affaires  romaines.  Les  Romains  voulaient  un  pape  à  eux,  et  non 
un  représentant  de  l'empereur  ou  du  marquis  de  Toscane  et  même 
la  fraction  allemande  de  l'aristocratie  romaine  crut  alors  pouvoir 
se  détacher  de  l'empire.  Dès  le  o  avril  1058,  le  parti  hostile  aux 
réformes,  a3^ant  à  sa  tête  Grégoire,  chef  du  parti  des  comtes  de 
Tusculum,  les  Crescentius  et  le  comte  de  Galeria,  nomma  le  car- 
dinal évêque  de  Velletri,  Jean  «  dit  le  Mincio  »,  qui  prit  le 
nom  de  Benoît  X  ^. 

Le  nouveau  pape  ne  rencontra  d'abord  aucune  opposition  car 
le  parti  réformateur  était  désorganisé  par  l'absence d'Hildebrand, 
alors, en  Allemagne.  Ses  chefs  quittèrent  Rome  et  avec  Pierre 
Damien  gagnèrent  Florence,  où  Hildebrand  ne  tarda  pas  à  arriver. 
Dans  un  synode,  tenu  à  Sienne,  dans  le  courant  de  décembre, 
Hildebrand,  d'accord  avec  le  duc  de  Lorraine,  fit  désigner  comme 
pape  Gérard,  évêque  de  Florence,  qui  prit  le  nom  de  Nicolas  II  '^ 
Cette  élection  fut  soumise  à  l'approbation  de  l'impératrice  Agnès. 
En  janvier  i0o9,  un  nouveau  synode  fut  tenu  à  Sutri,  Benoît  X 
y  fut  déposé,  et  Nicolas  II  solennellement  reconnu  '\  Il  restait  à 
mettre  le  nouveau    pape  en  possession   de   Rome.  Accompagné 


1.  Lambert  d'Hersfeldt,  .4n«.,  ad  an.  lOoO.  Cf.  Watterich,  op.  cit.,  t.  I, 
p.  202,  et  Robert,  op.  cit.,  dans  la  R.  des  questions  hist.,  t.  XX,  p.  74. 

2.  Annal.  Rom.,  dans  Lib.  Pont.,  t.  II,  p.  334.  On  peut  invoquer  contre  ce 
témoignage  Léo  Ost.,  III,  9,  et  Pierre  Damien,  Migne,  P.L.,  t.  144,  col. 
292.  Cf.  Mgr  Ducliesne,  L'état  pontifical,  p.  393. 

3.  Bonizo,  Liber  ad  am.,  pp.  592-.593.  Léo  Ost.,  II,  99.  Pierre  Damien, 
Epist.,  Migne,  P.L.  t.  144,  col.  291  et  suiv.  Annal.  Rom.,  dans  Lih.  Pont., 
t.  II,  p.  334.   Cf.Will,  Die  Anfange  der  restauration  der  Kirche,p.  146,  n.  6. 

4.  Cf.  Mej'er  von  Knonau,  op.  cit.,  t.  I,  pp.  91,  100  et  suiv. 

5.  Ibid.,  p.  118. 


LA    PAPAUTÉ    ET    LES    NORMANDS  167 

par  les  troupes  de  Geoffroi,  Nicolas  II  se  dirig-ea  sur  Rome.  Les 
partisans,  qu'Hildebrand  avait  au  Transtévère,  livrèrent,  aux 
soldats  du  duc  de  Lorraine,  la  cité  Léonine  et  l'île  du  Tibre  ;  aussi- 
tôt après  le  Latran  fut  assiégé,  et  Benoît  X  fut  réduit  à  s'enfuir 
auprès  du  comte  de  Galeria  '. 

Les  événements  qui  avaient  suivi  la  mort  d'Etienne  IX  avaient 
fait  perdre  au  parti  réformateur  tout  le  terrain  qu'il  avait  pénible- 
ment acquis.  De  nouveau  la  papauté  s'était  trouvée  prise  entre 
l'aristocratie  romaine  et  l'empire,  et  n'avait  pu  triompher  de  la 
première  qu'en  se  mettant  sous  la  dépendance  du  second  ;  de 
nouveau  c'était  la  reconnaissance  par  la  cour  impériale  qui  avait 
fait  la  légitimité  du  pontife.  Pour  pouvoir  continuer  l'œuvre 
entreprise,  il  fallait  rendre  la  papauté  indépendante  et  de  l'em- 
pereur et  de  l'aristocratie  romaine,  sans  quoi  toute  idée  de 
réforme  devait  être  abandonnée. 

La  papauté  osa  alors  une  chose  très  grave,  elle  fit  appel  à  la 
seule  puissance  italienne  capable  de  l'appuyer,  elle  s'adressa  aux 
Normands.  Pour  se  rendre  compte  de  l'audace  de  cette  mesure,  il 
faut  se  rappeler  ce  que  l'on  pensait  alors  des  Normands  :  on  les 
regrardait  comme  des  bandits,  et  on  les  traitait  de  Sarrasins.  Il 
fallait  que  la  papauté  en  eut  grand  besoin  pour  qu'Hildebrand  et 
ses  partisans  oubliassent  l'humiliation  qu'ils  avaient  infligée  à 
la  majesté  pontificale  en  faisant  Léon  IX  prisonnier.  Il  semble 
d'ailleurs  que  l'idée  de  cette  alliance,  dont  les  conséquences 
devaient  avoir  tant  de  gravité,  ne  soit  pas  venue  tout  d'un  coup 
à  Hildebrand. 

Après  l'établissement  à  Rome  de  Nicolas  II,  la  papauté  avait 
besoin  de  troupes  pour  combattre  les  partisans  de  Benoît  X  qui 
tenaient  la  campagne  romaine.  Il  est  probable  que  Geoffroi  de 
Lorraine  crut  avoir  assez  fait,  après  avoir  mis  le  pape  en  posses- 
sion de  Rome,  car  il  semble  cju'il  soit  parti  presque  aussitôt. 
Dans  tous  les  cas  il  ne  prit  point  part  à  la  campag'ne  qui  suivit. 
Pour  trouver  des  soldats,  Hildebrand  s'adressa  à  Richard  de 
Capoue.  Je  suis  très  enclin  à  croire  que  les  conseils  de  Didier, 
abbé  du  Mont-Gassin,  qui  avait  toujours  entretenu  avec  les  Nor- 

1.  Annal.  Rom.,  loc.  cit.  Cf.  Meyer  von  Knonau,  op.  cit.,  t.  I,  p.  119. 


168  CHAPITRE    VI 

mands  de  Capoue  et  d'Aversa  de  très  bons  rapports,  ne  furent 
pas  étraiïg^ers  à  cette  détermination  '.  Richard  était  parmi  tous 
les  chefs  normands  celui  qui  avait  le  moins  agi  en  pillard.  Il 
avait  alors  acquis  une  certaine  respectabilité,  car  il  était  devenu 
assez  puissant  pour  avoir  intérêt  à  agir  en  chef  d'Etat  plutôt 
qu'en  chef  de  brigands.  Hildebrand  alla  donc  trouver  Richard 
pour  lui  demander  assistance  ;  sa  requête  fut  très  bien  accueillie, 
et  il  reçut  un  secours  de  trois  cents  hommes,  avec  lesquels  il 
alla,  en  février,  assiéger  Renoît  X  à  Galeria.  Après  une  première 
tentative  infructueuse,  on  réussit,  un  peu  plus  tard,  à  s'emparer 
de  la  ville,  et  Renoît  X  fut  remis  à  Nicolas  II.  Cette  seconde 
expédition  des  Normands  amena  également  la  soumission  de 
Préneste,  Tusculum  et  Nomentano  et  délivra  la  papauté  des  sei- 
gneurs romains  qui  tenaient  la  campagne  -. 

Le  pape  n'eut  donc  qu'à  se  louer  de  ses  nouveaux  rapports 
avec  les  Normands.  Grâce  à  eux,  les  nobles  de  l'aristocratie  romaine 
étaient  soumis.  Le  premier  pas  dans  1  alliance  normande  était  fait, 
et  la  tentative  de  Nicolas  II  pour  essayer  d'affranchir  le  Saint-Siège 
de  l'empire  allemand,  devait  amener  forcément  la  papauté  à  une 
entente  plus  complète  avec  les  Normands.  On  sait  que,  dans 
le  courant  du  mois  d'avril  de  l'année  I0o9,  Nicolas  II  promulga 
le  célèbre  décret  qui  organisait  les  élections  pontificales,  en  assu- 
rant au  collège  des  cardinaux  une  part  prépondérante,  et  en  sau- 
A'egardant  d'une  façon  très  vague  les  prérogatives  impériales.  On 
a  très  bien  caractérisé  ce  document  en  disant  qu'  «.  il  correspon- 
dait exactement  à  ce  que  semblait  exiger  l'état  présent  des 
choses.  Il  est  clair  qu'il  est  dirigé  en  première  ligne  contre  l'aris- 
tocratie féodale  de  l'Etat  romain  :  ses  premiers  adversaires 
devaient  être  les  Crescentius,  les  comtes  de  Tusculum,  de  Pré- 
neste, de  Galeria,  de  Sabine.  Mais  d'autres  se  sentirent  lésés  ;  en 

1.  LeoOst.,  III,  12.  Cf.  Hirsch,  Desiclerius  von  Monte  Cassino  als  Papst 
Victor  III,  dans  Forschungen  z.  d.  Geschichte,  t.  VII,  p.  115  et  suiv  ;  Tosti, 
op.  cit.,  t.  I,  p.  418. 

2.  Annal.  Rom.,  dans  Lit.  Pont.,  t.  II,  p. 33.5.  Bonizo,  Lih.  ad.  amicum, 
dans  Lihelli  de  lite.,  etc.  t.  I,  p.  593.  Cf.  Meyer  von  Knonau,  op.  cit.,  t.  I, 
p.  126.  La  seconde  expédition  est  antérieure  au  concile  de  Melfi,  car  les 
Annales  romaines  portent  tempore  messis  ;  c'est  donc  à  tort  que  Delarc,  op. 
cit.,  p.  334,  place  cette  expédition  après  le  concile  de  Melfi. 


LA    PAPAUTÉ    ET    LES   xNORMANDS  169 

dépit  des  termes  respectueux  accumulés  à  dessein,  on  attribuait 
au  clergé  cardinal  une  initiative  et  une  éligibilité  qui  dépassait 
la  mesure  admise  en  Germanie  et  lésait  gravement  le  droit  tra- 
ditionnel des  successeurs  d'Othon  I'""  et  d'Henri  III.  Ce  n'étaient 
pas  seulement  les  Benoît  IX  ou  X  que  l'on  rendait  impossibles, 
c'étaient  aussi  les  Grégoire  V,  les  Clément  II,  les   Léon   IX  '.  » 

Contre  le  mécontentement  certain  de  la  cour  impériale,  Hil- 
debrand  et  Nicolas  II  cherchèrent  un  appui  du  côté  des  Nor- 
mands. Il  est  probable  que  les  premiers  rapports  de  la  papauté 
avec  Richard  d'Aversa  montrèrent  au  parti  réformateur  que 
l'on  pourrait  s'entendre  sans  trop  de  difficultés  avec  les  Nor- 
mands. Le  service  très  réel,  que  rendit  le  prince  de  Capoue  à 
Nicolas  II,  en  lui  foui-nissant  des  troupes,  donna  à  la  papauté 
l'espoir  de  tirer  de  l'alliance  normande  des  avantages  bien  plus 
considérables,  quand  elle  aurait  rangé  sous  l'étendard  de  Saint- 
Pierre  non  seulement  les  forces  du  prince  de  Capoue  mais  encore 
toutes  celles  des  Normands  de  Fouille  et  deCalabre.  Hildebrand 
et  Nicolas  II  eurent  très  nettement  la  vision  de  ce  que  pouvait 
gagner  la  papauté  à  son  changement  de  politique  et  à  son 
alliance  avec  ses  ennemis  de  la  veille. 

Peut-être  d'ailleurs  leur  tâche  fut-elle  facilitée  par  les  Nor- 
mands eux-mêmes.  Une  chronique  raconte  en  effet  que  ceux-ci 
envoyèrent  des  ambassadeurs  au  pape,  pour  le  prier  de  se  rendre 
en  Pouille  afin  de  les  réconcilier  avec  l'Eglise^.  Il  n'y  a  à  cela 
rien  d'impossible.  Les  Normands  devaient  se  lasser  d'être  depuis 
près  de  dix  ans  en  lutte  avec  la  papauté.  Depuis  Léon  IX,  ils 
avaient  à  redouter,  à  chaque  instant,  de  voir  se  former  contre 
eux  une  coalition,  qui  pouvait  amener  la  ruine  de  leurs  établis- 
sements. La  détente  que  dut  amener  la  première  démarche 
d'Hildebrand  auprès  de  Richard  de  Capoue,  conduisit  tout  naturel- 
lement Richard  et  Guiscard  à  se  rapprocher  du  pontife.  Les  deux 
chefs  normands  se  sentaient  suffisamment  forts  pour  pouvoir  traiter 
avec  avantage  aveclepape,  tous  deux  préféraient  dépendre  du  pape 
plutôt  que  de  l'empereur  allemand.  Déjà  après  Civitate,  une  ten- 


1.  Mgr  Duchesne,  U  Etat  pontifical,  p.  400. 

2.  Watterich,  op.  cit.,  t.  I,  p.  209. 


170  CHAPITRE    VI 

tative  avait  été  faite  auprès  de  Léon  IX  pour  l'amener  à  reconnaître 
les  établissements  normands  et  à  lég-itimer  leur  création  '.  Les 
événements  oblig-eaient  le  pape  à  venir  demander  assistance 
aux  deux  chefs  normands,  tous  deux  étaient  trop  fins  politiques 
pour  ne  pas  saisir  l'occasion,  et  il  est  très  possible  que  ce  soit  eux 
quiaient  invité  le  pape    à  descendre  dans    l'Italie   méridionale. 

Nicolas  II  quitta  Rome,  en  juin.  Le  24,  il  était  auMont-Cassin -, 
au  début  d'août  il  tenait  un  synode  à  Bénévent;  le  17  août,  il 
consacrait,  à  Venosa,  l'église  de  la  Sainte-Trinité  ^,  où  étaient 
enterrés  Dreux  et  Onfroi.  Le  23  août,  le  pape  tint  un  synode  à 
Melfi  ^  ;  il  était  accompag-né  par  Guiscard,  qui,  en  apprenant  sa 
prochaine  arrivée,  avait  abandonné  le  siège  de  Cariati  pour  se 
rendre  auprès  de  lui.  Richard  de  Capoue  était  également  présent  •'. 

Sans  doute,  les  idées  de  réforme  ne  furent  pas  oubliées  et 
l'assemblée  de  Melfi  prit  de  nombreuses  mesures  pour  faire 
cesser  les  désordres  du  cleraré  et  rétablir  l'observation  du  célibat 
ecclésiastique  'K  Mais  l'importance  des  mesures  politiques  l'em- 
porta de  beaucoup  sur  les  questions  de  discipline.  Nicolas  II 
reçut  le  serment  de  fidélité  de  Robert  Guiscard  et  très  probable- 
ment de  Richard  de  Capoue,  il  conféra  au  second  l'investiture  de 
la  principauté  de  Capoue,  et  au  premier  celle  du  duché  de  Fouille, 
de  la  Calabre  et  éventuellement  de  la  Sicile. 

Nous  avons  le  texte  du  serment  prêté  alors  par  Guiscard  ^. 
Le  nouveau  duc  s'engageait  à  payer  un  cens  annuel  à  la  papauté, 
et  à  être  à  l'avenir  fidèle  au  pape  et  à  l'Eglise.  Il  promettait 
d'être  l'allié  de  la  sainte  Eglise  romaine  «  pour  qu'elle  conserve  et 
acquière  les  régales  de  Saint-Pierre  et  ses  domaines  »,  d'aider 
le  pape  à  occuper  le  siège  de  Rome,  et  de  respecter  le  territoire 
de  Saint-Pierre.  Enfin,  en  cas  d'élection  pontificale,  il  devait  s'em- 

1.  Cf.  supra,  p.  142. 

2.  Léo  Ost.,  III,  13. 

3.  Muratori,  R.I.SS.,  t.  VII,  p.  949. 

4.  Pflugk-Harttung,  Iter  Italicum,  p.  190,  et  Acta  pontif.  rom.,  II,  86. 
G.  Ap.   II,    382,     parle    du   coacile  aussitôt    après    la  mort  d'Onfroi. 

5.  Gattola,  Ace,  t.  I,  p.  161. 

6.  Cf.  Pierre  Daniien,  Migne,  PL.,  t.  145,  col.  .538. 

7.  Liber  censuuni,  éd.,  Fabre,  t.  I,  pp.  421-422.  Cf.  Delarc,  op.  cit., 
p.  327,  note. 


LA    PAPAUTÉ    ET    LES    NORMANDS  171 

ployer  pour  que  «  le  pape  soit  élu  et  ordonné  selon  l'honneur 
dû  à  Saint-Pierre,  suivant  ce  dont  il  aura  été  requis  par  les 
meilleurs  cardinaux,  les  clercs  et  les  laïques  romains.  » 

Cette  dernière  clause  explique  les  mobiles  auxquels  obéirent, 
à  Melfî,  Nicolas  II  et  Hildebrand.  Prévoyant  les  attaques  dont 
serait  l'objet  le  décret  sur  l'élection  pontificale,  ils  voulurent 
assurer  k  la  papauté  des  protecteurs  puissants  qu'ils  espérèrent 
trouver  dans  Guiscard  et  Richard.  En  échange  de  la  protec- 
tion accordée  au  saint  Siège,  le  pape  légitimait  l'établissement 
des  Normands  et  leur  assurait  une  place  régulière  dans  la  société 
féodale.  Pour  comprendre  l'importance  de  ce  fait,  il  suffit  de 
rappeler  les  efforts  faits  quelques  années  auparavant  par  les 
Normands,  pour  se  trouver  un  suzerain  '. 

Il  reste  à  expliquer  à  quel  titre  le  pape  crut  pouvoir  donner 
ux  Normands  l'investiture  de  territoires  qui  alors  ne  paraissent 
pas  lui  avoir  appartenu.  On  ne  saurait,  je  crois,  avoir  aucun  doute. 
Guiscard,  dit  qu'il  agit  «  ad  cuiifirmationeni  traditionis  ».  Quelle 
est  cette  tradition  à  laquelle  il  fait  allusion?  Il  ne  peut  être  ques- 
tion que  de  la  donation  de  Charlemagneaccordant  à  l'église  romaine 
le  duché  de  Bénévent  •'.  Ce  terme  de  duché  eut  un  sens  très  élas- 
tique, mais  il  faut  ne  pas  oublier  qu'à  un  moment  donné  le  duché 
comprit  l'Italie  méridionale  en  entier.  La  papauté  s'en  tint  toujours 
à  cette  donation;  sans  doute,  elle  ne  fut  }»as  assez  forte,  pendant 
longtemps,  pour  donner  à  ses  prétentions  une  forme  pratique, 
mais  jamais  la  théorie  n'a  varié,  et  il  suffit  de  rappeler  les  privi- 
lèges de  confirmation  que  les  papes  se  faisaient  régulièrement 
accorder  par  les  empereurs.  Nous  savons  qu'un  de  ces  privi- 
lèges avait  été  accordé  quelques  années  auparavant  par  Henri  II, 
et  qu'Henri  III  avait  fait  abandon  au  pape  de  ses  droits  sur 
Bénévent  ^.  Sans  doute  dans  le  diplôme  d'Othon  P"",  comme 
dans  celui  d'Henri  H,  il  n'est  question  que  des  patrimonia  de 
l'église  romaine    dans  le   duché   de    Bénévent  et    en  Calabre  ^. 


1.  Il  faut  noter  que  ni  Malaterra,  I,  36,  ni  Aimé,  IV,  3,  ne  font  allusion  à 
Tinvestiture  donnée  par  Nicolas  II. 

2.  Cf.  Lih.  Pont.,  t.  I,  p.  498. 

3.  Migne,  P.L.,  t.  98,  col.  623.  Cf.  Herimannus  Aug.,  Chr.,  ad  an.  1053. 

4.  Cf.  Sickel,  Das  privilegium  Otto  I,  etc.,  p.  180. 


172  CHAPITRE    VI 

Mais  ces  textes  pouvaient  prêter  à  discussion  et  l'Eg-lise  les 
interpréta  dans  le  sens  le  plus  large  et  le  plus  en  sa  faveur. 
Pour  ce  qui  est  de  la  Sicile,  la  théorie  que  toutes  les  îles 
relèvent  du  domaine  de  Saint-Pierre,  en  vertu  de  la  fausse 
donation  de  Constantin,  me  paraît  fournir  une  explication  suffi- 
sante '. 

L'alliance  conclue  à  Melfi  entre  le  pape  et  les  Normands  fut 
le  résultat  logique  de  l'évolution  pontificale,  commencée  sous 
Etienne  IX.  Elle  procura  aux  deux  parties  contractantes  une 
g-rande  force  que  la  papauté  devait  employer  contre  l'Empire  et 
les  Normands  pour  s'établir  définitivement  dans  1  Italie  méridio- 
nale et  la  Sicile. 


1.  Jaffé-L.,  p.  5449.  Uglielli,  l.  III,  p.  309.  Clette  théorie  est  formulée  en 
109i  par  le  pape  Urbain  II.  Cf.  également  la  letti'e  du  pape,  Hadrien  IV, 
à  Henri  II,  roi  d'Angleterre,  Migne,  P.  L.,  t.  188,  col.  1441. 


CHAPITRE  VII 

LUTTE  DES  NORMANDS  CONTRE  LES  HYZANTINS  EN  FOUILLE. 

(1059-1071) 


Immédiatement  après  le  concile  de  Melfî,  Guiscard  reprit  la 
conquête  de  la  Calabre,  et  retourna  se  mettre  à  la  tète  des  troupes 
qu'il  avait  laissées  assiéger  Gariati  ;  la  place  fut  prise  peu  après 
son  arrivée.  Ce  premier  succès  fut  suivi  de  plusieurs  autres  et 
Rossano,  Gosenza  et  Gerace  tombèrent  successivement  entre  ses 
mains.  A  Gerace,  Robert  traita  avec  les  habitants  qui  se  réser- 
vèrent certains  droits  et  conservèrent  probablement  la  garde  du 
donjon  et  des  portes  i.  Les  Byzantins  se  trouvaient  ainsi  peu  à  peu 
refoulés  vers  l'extrémité  de  la  Calabre  et,  à  la  fin  de  l'année  1059, 
ils  ne  possédaient  plus  dans  cette  région  que  Squillace-',  Reggio 
et  ses  environs  immédiats.  A  la  suite  de  ses  victoires  Guiscard 
poussa  jusqu'à  Reggio  dont  il  ravagea  les  alentours.  L'expédition 
fut  interrompue  par  l'hiver.  Laissant  alors  à  Roger  le  commande- 
ment des  pays  nouvellement  soumis,  Robert  revint  en  Fouille '. 

Au  printemps  de  l'année  1060,  Guiscard  recommença  la  guerre 
contre  les  Grecs.  Au  mois  de  mai,  il  s'empara  de  Tarente  et  de 
Brindisi^.  Son  frère  Mauger  opéra  dans  la  même  région  et  chassa 
les  Grecs  d'Oria  '^  Cette  expédition  dut  être  très  rapide  car  nous 
savons  que,  dès  le  temps  delà  moisson,  Guiscard  put  retourner 
en  Calabre  'J,  où  avec  son  frère  Roger  il  alla  mettre  le  siège  devant 
Reggio.  Il    faut   noter,  à  ce  propos,  que  Malaterra  mentionne  la 


1.  Cf.  Malaterra,  II,  24. 

2.  Malateri-a,  I,  36-37.  —  Squillace,  circond.  et  prov.  de  Catanzaro. 

3.  Malaterra,  I,  34  ;  G.  Ap.,  II,  406-416.  . 

4.  Chr.  brev.  norin.  ad  an.  lOGO. 

0.  Oria,  circond.  de  Brindisi,  prov.  de  Lecce. 

6.  Malaterra,  I,  35  ;  Skylitzès,  dans  Cédrénus,  II,  722. 


174  CHAPITRE    VII 

construction  de  machines  de  g-uerre  par  les  Normands  :  c'est  la 
première  fois  que  nous  voyons  ces  derniers  combattant  seuls 
employer  des  engins  de  cette  espèce.  Les  habitants  de  la  ville  se 
rendirent  et  obtinrent  que  la  garnison  pût  se  retirer  sans  être 
inquiétée  jusqu'au  château  de  Squillace.  Roger,  chargé  par  son 
frère  de  pacifier  le  pays  réussit  en  peu  de  temps  à  enlever  toutes 
les  places  qui  restaient  aux  Grecs,  sauf  Squillace.  Quand  la  gar- 
nison de  cette  dernière  ville  vit  que  les  Normands  établissaient 
le  blocus,  elle  renonça  à  lutter  et  s'embarqua  de  nuit  pour  Cons- 
tantinople.  Les  Grecs  se  trouvèrent  donc,  dans  le  courant  de  l'été 
1060,  expulsés  de  toutes  leurs  possessions  de  Calabre. 

Une  fois  à  Reggio,  les  Normands  furent  amenés  tout  natu- 
rellement à  passer  en  Sicile,  et,  dans  les  années  qui  suivirent,  la 
guerre  se  continua  à  la  fois  en  Sicile  et  en  Fouille.  Pour  plus  de 
clarté,  je  parlerai  d'abord  des  événements  dont  la  Fouille  fut  le 
théâtre  et  ne  traiterai  que  jdIus  loin  de  la  conquête  de  la 
Sicile. 

Les  victoires  remportées  par  les  Normands,  en  Calabre  et  en 
Fouille,  décidèrent  l'empereur  Constantin  Doukas  à  envoyer  des 
renforts  en  Italie.  Au  mois  d'octobre  1060,  quelques  troupes  de 
secours  débarquèrent  probablement  à  Bari,  sousle  commandement 
d'un  mérarque.  L'auteur  du  Chronicon  brève  norrnannicum^  qui 
nous  fournit  ce  renseignement,  a  fait  du  titre  militaire  un  nom 
d'homme,  Miriarcha  •.  Le  seul  grade  de  ce  fonctionnaire  suffît 
pour  indiquer  que  l'on  n'envoya  pas  alors  un  corps  d'armée  impor- 
tant, mais  seulement  quelques  troupes.  Le  mérarque  remporta 
pourtant  de  notables  succès  :  il  réussit  à  battre  Guiscard  et  Mauger 
et  leur  reprit  Brindisi,  Tarente,  Oria  et  Otrante;  il  put  même 
dans  l'hiver  1061  s'avancer  dans  l'intérieur  des  terres  et  venir 
assiéger  Melfî  '-. 

1.  Chr.  hrev.  norm.,  ad  an.  1060.  Sur  la  dignité  de  mérarque,  cf.  Schlum- 
berger.  Sigillographie  byzantine,  p.  354.  Ilirsch,  op.  cit.,  dans  Forschungen, 
t.  VIII,  p.  294,  note  5,  identifie  ce  personnage  avec  Aboulcharé,  cf.  infra, 
p.  179.  Pourtant  ce  dernier,  Anon.  Barensis,  ad  an.  1064,  n'arriva  qu'en 
1064,  de  plus  nous  connaissons  les  deux  catépans  pour  les  années  1061  et 
1062.  IhicL,  ad  an  1061  et  1062.  Je  ne  crois  donc  pas  l'identification  accep- 
table. 

2.  Chr.  brève,  norm.,  ad  an.  1061,  Skylitzès,  dans  Cédrénus,  II,  722,  qui 


LUTTE    DES    NORMANDS    CONTRE    LES    BYZANTINS    EN    FOUILLE       175 

Les  défaites  de  Guiscard  peuvent  s'expliquer  en  partie  par  le 
lait  qu'il  avait  dû  laisser  une  partie  de  ses  troupes  à  Roger  et 
que  les  forces  qu'il  commandait  étaient  insuffisantes,  mais  les 
progrès  des  Grecs  furent  dus  surtout  à  l'appui  qu'ils  trouvèrent 
chez  certains  Normands.  Ici  nous  sommes  mal  renseignés,  nous 
pouvons  pourtant  entrevoir  certains  événements.  Aimé  dit  que, 
quand  Guiscard  eût  terminé  la  conquête  de  la  Calabre  et  y  eût 
laissé  des  garnisons,  il  revint  en  Fouille  où  il  trouva  que  tous  ses 
vassaux  ne  lui  avaient  pas  été  fidèles  ^  Il  récompensa  ceux  qui 
lui  avaient  tenu  u  bone  foi  et  loialle  »  et  punit  les  autres.  Il  faut 
noter  ici  une  autre  phrase  d'Aimé,  car  elle  explique  les  incessantes 
rébellions  des  années  suivantes.  Le  chroniqueur  du  Mont-Cassin 
dit  que  les  Normands  suivaient  Guiscard  «  plus  par  paor  que  par 
amor.  »  D'autre  part  Malaterra''  fait  clairement  allusion  aux  dif- 
ficultés intérieures  que  rencontra  Guiscard  lors  de  son  retour 
en  Fouille,  à  l'automne  1060,  Quelles  ont  été  ces  difficultés  ? 
On  a  voulu  appliquer  ce  passage  de  Malaterra  à  la  révolte 
de  Jocelin  dont  nous  parlerons  plus  loin  3.  Cela  me  paraît 
inadmissible,  car  la  date  de  cette  révolte  nous  est  exactement 
connue  par  rx\nonyme  de  Bari  qui  la  place  en  1064  ^  et  l'on  ne 
saurait  admettre  que  la  révolte  générale  ait  commencé  en  1060, 
car,  dans  les  années  1061,   1062,  1063,  nous    voyons   Guiscard 


donne  au  chef  grec  le  nom  d'Aboiilcharé,  n'a  pas  en  vue  le  mérarque, 
comme  l'a  cru  Delarc,  op.  cit.,  p.  354,  mais,  le  catépan  qui  vint  en  10G4. 
Cf.  Anon.  Bar.  ad  an. 

1.  Aimé,  IV,  32.  Dans  les  |)aragraphes  précédents,  Aimé  raconte  les  évé- 
nements intéressant  la  principauté  de  (Papoue  de  1059  à  1062.  11  revient 
ensuite  en  arrière  pour  parler  de  Guiscard.  Très  souvent  il  groupe  ainsi 
les  faits  relatifs  à  l'un  des  établissements  normands,  puis  revient  en 
arrière  pour  reprendre  son  récit  où  il  l'a  laissé.  11  faut  donc  placer,  vers 
1060,  ce  qu'il  dit  de  la  révolte  des  barons. 

2.  Malaterra,  II,  2,  donne,  comme  date,  l'hiver  1060-61,  car  il  place  les 
faits  pendant  l'hiver  qui  suit  la  première  tentative  de  Roger  sur  la  Sicile. 

3.  Ileinemann,  op.  cit.,  p.  376  et  suiv. 

4.  Anon.  Bar.,  ad  an.  On  ne  saurait  admettre  que  Jocelin  soit  parti  en 
1064,  pour  Constantinople.  Cette  façon  d'interpréter  Aimé,  V,  4,  et 
l'Anonyme  de  Bari,  loc.  cit.,  est  inexacte.  Jocelin  est  sans  doute- à  identi- 
fier avec  le  personnage  de  même  nom,  seigneur  de  Molfetta  (circond.  de 
Barletta,  prov.  de  Bari)  dont  on  a  une  donation  faite,  en  1066,  à  l'abbaye  de 
la  Sainte-Trinité  de  Venosa.  Cet  acte  est  daté  de  la  7"  année  de  Constantin 


176  CHAPITRE    Vli 

faire  en  Sicile  de  long-s  séjours  qui  ne  lui  auraient  pas  été 
possibles  si  la  Fouille  avait  été  en  état  de  rébellion.  Il  faut,  je 
crois,  tenir  compte  d'un  autre  renseig-nement  d'Aimé  qui  nous 
raconte  une  révolte  de  Troia,  comme  ayant  eu  lieu  immédiate- 
ment avantles  négociations  de  Robert  avec  Ibn  at  Timnah,  négo- 
ciations qui  sont  de  1061.  Que  parmi  les  rebelles  de  1060,  il  y  ait 
eu  un  certain  nombre  des  seigneurs  normands  qui  se  révoltèrent 
en  1064,  rien  n'est  plus  probable  et  cela  expliquerait  dans  une 
certaine  mesure  la  place  assignée  dans  son  récit  par  Aimé  à  la 
rébellion  de  Jocelin. 

C'est  cette  révolte  de  certains  vassaux  du  nord  de  la  Fouille  qui 
facilita  les  progrès  du  mérarque.  Nous  ne  savons  pas  quels  furent 
les  motifs  qui  amenèrent  la  rébellion  de  Troia  K  Guiscard  vint 
assiéger  la  place  et  je  serais  assez  porté  à  croire  que  les  con- 
quêtes des  Grecs  dans  le  sud  eurent  lieu  tandis  qu'il  était  occupé 
à  ce  siège.  Les  gens  de  Troia  demandèrent  bientôt  au  duc  de 
recevoir  leur  soumission  aux  anciennes  conditions,  c'est-à-dire 
en  payant  triljut,  mais  en  conservant  la  garde  des  portes  de  la 
ville.  Guiscard  exigea  la  reddition  de  la  place  sans  condition,  car, 
pour  éviter  une  nouvelle  révolte,  il  voulait  construire  à  l'intérieur 
de  la  ville  une  citadelle  pour  y  laisser  garnison.  Au  bout  de  peu 
de  temps,  Troia  dut  se  rendre  et  Guiscard  en  organisa  l'occupa- 
tion effective. 

Robert  se  retourna  alors  contre  les  Byzantins  et  fit  appel  à 
Roger  ~.  En  janvier  1061,  Guiscard  s'empara  sur  les  Grecs  d'Ace- 
renza,  tendis  que  son  frère  prenait  Manduria  près  de  Tarente  -^  Les 


Doukas  (Archives  du  Monl-Cassin,  fonds  de  Barletta,  n°  18.)  Il  est  men- 
tionné également  dans  le  (]od.  Vat.  8222,  et  dans  la  copie  de  celui-ci  à  la 
Biblioteca  Brancacciana,  à  Naples,  IV,  D.  L.  Cf.  Crvido,  La  SS.  Trinita  de 
Venosa  Trani,  1899),  p.  131.  Par  suite  Jocelin  aurait  encore  été  en  Italie, 
en  1066. 

1.  Aimé,  V,  6,  Chr.  Anialf.,  c.  30,  dans  Muratori,  Ant.  liai.,  t.  I, 
p.  213.  Romoald  de  Salerne,  M. G. II.  SS.,  t.  XIX,  p.  406.  Ces  deux  chroni- 
queurs placent  la  prise  delà  ville  en  1060,  et  avant  le  mariage  de  Guiscard; 
mais  comme  tous  deux  disent  que  celui-ci  fut  appelé  par  les  habitants,  il 
semble  qu'ils  aient  eu  en  vue  la  première  prise  de  la  ville.  Cf.  supra,  p.  150 

2.  Malaterra,  II,  2  et  3.  Anon.  Bar.,  ad  an.   1061. 

3.  Anon.  Bar.,  loc.  cil.  Il  s'agit  de  Manduria,  circond.  de  Tarente, 
prov.  de  Lecce. 


LUTTE    DES    NORMANDS    CONTRE    LES    BYZANTINS    EN    FOUILLE        177 

deux  frères  se  portèrent  ensuite  sur  Melfi,  et  oblig-èrent  les  Byzan- 
tins à  en  lever  le  siège.  La  domination  normande  était  suffisam- 
ment rétablie,  dès  le  mois  de  février,  pour  permettre  à  Roger  de 
retourner  en  Sicile  '.  Pour  achever  de  ramener  la  tranquillité 
chez  ses  vassaux  de  Fouille,  Robert  Guiscard  les  invita  à  se  prépa- 
rer pour  une  grande  expédition  en  Sicile  qui  devait  avoir  lieu  dans 
le  courant  de  l'été  2.  La  fin  de  l'année  1061  ne  fut  pas  marquée 
en  Fouille  par  de  nouveaux  combats  entre  Grecs  et  Normands. 

L'année  suivante  (1062),  Guiscard  reprit  l'offensive  contre  les 
Byzantins,  et  s'empara  de  Brindisi  où  le  mérarque  fut  fait  prison- 
nier. Oria '^  tomba  peu  après  entre  ses  mains.  Robert,  pour  assurer 
ses  nouvelles  conquêtes  construisit  un  château  à  Megiana.  Les 
difficultés  qui  éclatèrent  alors  entre  Guiscard  et  Roger,  et  dont 
nous  parlerons  ailleurs,  empêchèrent  Robert  de  pousser  plus 
avant  ses  succès. 

On  a  voulu  que  dès  l'année  1062  ^,  il  y  ait  eu  rupture  entre 
le  duc  et  ses  vassaux  de  Fouille,  et  alliance  de  ces  derniers 
avec  les  Byzantins.  Cette  opinion  s'appuie  sur  ce  que  différents 
seigneurs  normands  occupent  alors  des  villes  jusque-là  tenues  par 
les  Grecs.  Rapprochant  cette  occupation  des  négociations  entre 
le  commandant  grec  et  les  Normands,  négociations  que  les  chro- 
niques mentionnent  à  une  date  postérieure,  on  en  a  conclu  que 
les  Grecs  s'étaient  entendus  avec  un  certain  nombre  de  sei- 
gneurs normands  et  avaient  cédé  ces  villes  à  leurs  alliés  •''.  Je 
ne  crois  pas  que  cette  théorie  soit  exacte.  Nous  savons  que 
les  négociations  entre  quelques  chefs  normands  et  les  Byzantins, 
ont  été  conduites  par  le  catépan  Aboulcharé  et  par  Férénos, 
duc  de  Durazzo  'J.  Or,  l'Anonyme  de  Bari  nous  apprend  que  le 
premier  vint  en  Italie  en  1064",  et  il  ne  saurait  y  avoir  d'erreur 

1.  Chr.  brève  norin.,  ad  an.,  et  Malalerra,  II,  3.  Roger  revint  à  Palermela 
semaine  avant  le  carême.  En  1061  le  carême  commence  le  28  févi-ier,  Roger 
est  donc  revenu  entre  le  18  et  le  25  février. 

2.  Malaterra,  II,  2. 

3.  Chr.  brève  norm.,  ad  an.  Oria,  circondario  de  Brindisi,  prov.  de  Lecce. 

4.  Heinemann,  op.  cil..,  pp.  211-213  et  379. 

5.  Heinemann,  op.  cit.,  pp.  212  et  380. 

6.  Skylitzès,  dans  Cédrénus,  II,  722.  Aimé,  V,  4. 

7.  Anon.  Bar.,  ad  an.  4064. 

Histoire  de  la.  domination  normande.  —  Ch.\laado.\'.  12 


178  CHAPITRE    Vil 

à  cet  égard,  car  nous  connaissons  les  catépans  pour  les  années 
1061  et  1062  '.  Comme  Pérénos  fut  nommé  après  Aboulcharé, 
sa  nomination  n'est  pas  antérieure  à  1064  *.  Des  relations  entre 
Normands  et  Byzantins  ne  me  paraissent  donc  pas  avoir  eu 
lieu  avant  10643.  D'ailleurs,  si  nous  examinons  les  villes  qui 
furent  prises  avant  cette  année,  nous  arriverons  à  une  conclusion 
analogue.  Les  chroniques  mentionnent,  en  1063,  la  prise  de 
Tarente  et  celle  de  Mottola  '%  par  Geofîroi,  fils  du  comte  Pierron 
de  Trani  ;  en  1064,  le  même  seigneur  prend  Otrante ''.  Telles 
sont  les  seules  villes,  dont  deux  près  de  la  côte,  qui  ont  pu  être 
livrées  par  les  Grecs.  Or,  il  ne  semble  pas  que  ces  villes  aient 
été  remises  volontairement.  Nous  avons,  en  effet,  des  détails 
assez  précis  sur  la  prise  dOtrante  ^.  Quand  Geoffroi  vint  assié- 
ger la  ville,  il  entama  des  pourparlers  avec  la  nièce  du  gou- 
verneur grec,  celle-ci,  ayant  reçu  une  promesse  de  demande  en 
mariage,  livra  la  ville  au  chef  normand,  qui  s'en  empara,  tandis  que 
le  commandant  réussissait  à  s'enfuir.  Il  ne  s'agit  donc  pas  d'une 
remise  volontaire  de  la  place,  et  le  témoignage  de  Kekaume- 
nos  empêche  formellement  d'admettre  l'hypothèse  de  M.  Hei- 
nemann.  Une  autre  preuve  est  encore  à  tirer  du  fait  suivant. 
Geoffroi  de  Tarente  ne  prit  pas  part  à  la  révolte  dé  1064,  et  ne 


1.  Anon.  Bar.,  ad  an.  1061  et  1062. 

2.  Skylitzès,  loc.  cit. 

3.  Cf.  Heinemann,  op.  cit.,  p.  380. 

4.  Anoi}.  Bar.,  ad  an. 

5.  Chr.  hrev.  norjii.,  ad  an.  1063.  Mottola,  circond.  de  Tarente,  prov.  de 
Lecce. 

6.  Cecaameni  Straiefficon,  éd.  Wasiliewski,  p.  36  et  suiv.  L'auteur  grec 
parle  certainement  de  la  prise  d'Otrante,  en  1064,  car  son  récit  ne  peut  s'ap- 
pliquer aux  deux  autres  prises  de  la  ville  parles  Normands,  qui  eurent  lieu 
en  1055  et  1068.  Ces  deux  fois,  la  ville  fut  assiégée  par  Guiscard,  qui  était 
marié  et  ne  pouvait  promettre  le  mariage  à  la  nièce  du  commandant  gi"ec  ; 
celle-ci  savait  certainement  que  Robert  était  marié  et  n'aurait  pas  cru  à  sa 
promesse.  D'ailleurs,  Kekaumenos  nomme  Guiscard  par  son  nom  quand  il 
en  parle,  op.  cit.  p.  47,  tandis  qu'ici  il  dit  simplement  o  zoult];.  Cf.  Delarc,  op. 
cit.,  p.  413,  note.  Qu'il  y  ait  eu  pi-ise  des  villes  par  les  armes  et  non  pas 
remise  par  les  habitants,  cela  résulte  encore  des  chroniques  qui  emploient 
les  vei-bes  comprehendere  et  capere,  tandis  que  quand  il  y  a  remise  volon- 
taire, elles  emploient  le  verbe  recipere,  Chr.  brev.  nort.,  ad  an.  1063,  1064^ 
1067,  et  Lupus  Pi'otospat.,  ad  an.  1063. 


LUTTE    DES    NORMANDS    CONTRE    LES    BYZANTINS    EN    POLILLE       179 

traita  pas  davantage  à  ce  moment  avec  les  Grecs,  car,  en  1066, 
en  pleine  révolte,  il  se  préparait  à  aller  attaquer  Durazzo  K  Tout 
ce  que  Ion  peut  dire  des  événements  de  1063,  c'est  que  Geotîroi, 
fils  du  comte  de  Trani,  fit  aux  dépens  des  Grecs  des  conquêtes 
pour  son  propre  compte. 

La  politique  des  Byzantins  à  l'égard  des  Normands  a  été  plus 
habile  que  celle  qu'on  leur  a  prêtée.  Dès  1062,  Tempereur  grec  avait 
cherché  à  reprendre  la  politique  d'Argyros,  et  avait  offert  à  l'anti- 
pape, Honorius  II,  de  Taider  contre  les  Normands-.  Peu  après, 
il  fît,  par  l'intermédiaire  du  patrice  d'Amalfi.  une  démarche  ana- 
logue auprès  de  l'empereur  allemand  et  offrit  le  concours  d'une 
flotte  de  cent  navires  et  des  troupes  de  débarquement  3.  Ce  fut 
seulement  après  l'échec  de  ces  négociations  que  la  politique 
impériale  chercha  à  utiliser  le  mécontentement  des  seigneurs 
de  la  Fouille,  pour  envelopper  Guiscard  d'un  réseau  d'intrigues. 
Les  affaires  d'Italie  furent  dirigées  par  Pérénos,  duc  de  Durazzo. 

Les  catépans,  dont  l'Anonyme  de  Bari  marque  l'arrivée  en  1061 
et  1062.  jouèrent  un  rôle  qui  ne  nous  est  pas  connu.  11  n'en  est 
pas  de  même  pour  celui  du  catépan  Aboulcharé,  qui  arriva  en 
1064.  Les  Grecs  entrèrent  en  relation  avec  les  mécontents  nor- 
mands dont  les  principaux  étaient  Geotfroi  de  Conversano,  et  son 
frère,  Robert  de  Montescaglioso.  Ils  étaient  fils  d'une  sœur  de 
Guiscard  4,  dont  nous  ne  connaissons  pas  le  mari.  Geoffroi  était 
un  des  plus  puissants  seigneurs  de  l'Italie  du  Sud,  il  tenait  Con- 
versano, Polignano,  Monopoli,  Montepeloso,  Brindisi  \  Avec  eux 


1.  Cf.  infrn,  p.  183. 

2.  Benzo,  dans  Watterich,  op.  cit.,  l.  I,  pp.  27.^-276. 

3.  IhkL,  pp.  282-283. 

4.  Malaterra,  II,  39.  G.  Ap.,  III,  523. 

5.  On  a  commis  beaucoup  d'erreurs  au  sujet  de  Geoffroi  de  Conversano, 
Ducano-e,  Les  familles  normandes.,  dans  Aimé,  L'ystoire  de  li  Normant,  éd. 
Champollion-Figeac,  appendice,  p.  342,  l'identifie  avec  Geoffroi,  fils  de 
Tancrède  de  Ilauteville,  seigneur  de  Capitanate.  Or  Malaterra  et  Guillaume 
de  Fouille  le  font  fils  d'une  sœur  de  Guiscard.  Morea,  Chartularium  Cuper- 
sanense,  pp.  xl-xlii,  en  fait  le  fils  de  Geoffroi,  qui  prit  Nardo,  Lecce,  et  le 
confond  avec  Geoffroi  de  Tarente,  cequiest  inexact;  en  effet,  la  ville  de  Lecce 
fut  prise  parles  Normands  en  l().")'l,elle  retomba  aune  date  inconnue  au  pou- 
voir des  Grecs  qui  la  perdirent  en  1069,  Chr.  hrev.  norm.,  ad  an.  106"j  et  1069. 
Alors  elle  fut  reprise  définitivement  par  les   Normands;  or,  en  1082,  au  mois 


180  CHAPITRE    VII 

était    un    autre    neveu    de    Guiscard,    Abélard.     fils     d'Onfroi, 


de  décembre,  Lecce  est  au  comte  GeofTroi,  fils  d'Acliard,  qui  a  pour  femme 
Gunora,  et  pour  fils,  GeoiTroi,  Renaud,  Robert  et  ?>SLr\on  [Archives  de  la  Cuva 
B.  26,  publié  par  Guerrieri,  Un  diploma  del  primo  Goffredo  comte  di  Lecce, 
dans  Arch.  st.  napol.,  t.  XX,  p.  64).  On  ne  peut  donc  Tidentifier  avec  GeofTroi 
de  Conversano  dont  la, femme  s'appelle  Sykelgaite,  et  dont  les  enfants  sont 
Robert,  Alexandre  [Chart.  Cup.,  p.  133,  acte  de  1098),  Tancrède  (acte  de 
Sykelg-aite,  veuve  de  GeofTroi, juillet  1107,  de  Blasiis,  op.  cit.,  t.  III,  p.  440), 
Raoul,  1093  [Begii  neap.  arch.  mon.,  t.  V,  p.  186),  Guillaume  (Orderic 
\ital,  XI.  3,  t.  IV,  p.  182),  Geoffroi  et  une  fille  qui  épousa  Robert  Courte 
Heuse  [Ibid.,  t.  IV,  p.  58,  92  et  183).  Luciani,  Storia  délia  chiesa  palaiina 
di  Acquaviva  délie  Fonti  (Bari,  1876),  p.  12,  a  fait  confusion  au  sujet  de 
GeofTroi,  fils  de  Geoffroi;  il  s'appuie,  en  effet,  sur  un  passage  d'Alexandre, 
abbé  de  Telese  [Chr.,  éd.  del  Re  (Naples,  1845)  H,  39,  p.  117].  Or,  il  suffit 
de  se  reporter  aux  chapitres  37  et  38  [ibid.,  p.  116),  du  même  auteur,  pour 
voir  que  le  Geoffroi  dont  il  parle,  est  fils  d'Alexandre  de  Conversano. 
Capecelatro,  Istoria  di  Napoli  (Napoli,  1724),  I,  174,  a  donné  à  Geoffroi  un 
fils  du  nom  de  Silvestre.  Ce  personnage  est  très  connu  par  Hugues  Fal- 
cand  (éd.  Siragusa,  pp.  69,  70,  72,  183)  mais  rien  ne  permet  d'en  faire  le  fils 
de  Geoffroi  (Cf.  infra,  p.  181,  note  o).  GeofTroi  de  Conversano  mourut  en 
septembre  1100  [cf.  Orderic  Vital,  l.  IV,  p.  78,  et  Kehr.,  op.  cit.,  dans 
Nachrichten  (1898),  p.  269  ;  en  mars  1101,  Pascal  II  parle  de  feu  GeofTroi, 
comte  de  Conversano.] 

Toutes  ces  erreurs  viennent  de  la  difficulté  que  Ion  éprouve  à  identifier 
les  divers  personnages  du  nom  de  GeoiTroi  que  nous  connaissons.  Dans 
le  Chronicon  brève  Normannicum,  ad  annos,  nous  trouvons,  en  effet  : 

1"   un  comte  Geoffroi  qui  meurt  en  1003; 

2°  Geoffroi,  fils  de  Pierron,  qui  prend  Tarente  (1063  et  Otrante  (1064), 
Anon.  Bar.,  ad  an.  1063  et  1064.  Le  Chronicon  brève  norinanicum,  fait  à 
tort  de  ce  personnage  le  fils  de  Geoffroi,  mort  en  1063.  Ce  Geoffroi,  fils 
de  Pierron,  est  sans  doute  à  identifier  avec  le  Geoffroi  qui,  en  1070,  prend 
part  à  l'expédition  de  Brindisi; 

3°  Geoffroi,  seigneur  de  Montepehjso,  mentionné  en  1068,  et  qui  est  à 
identifier 'avec  Geoffroi  de  Conversano; 

4»  Geoffroi,  comte  de  Lecce  (1082)  qui  est  le  fils  dAchard  dont  il  a  été 
question  plus  haut  ; 

.")"  Geofffroi,  fils  de  Tancrède. 

Le  Geoffroi,  qui  prend  Tarente,  est  à  identifier  avec  le  personnage  de 
même  nom,  fils  de  Pieri'on  de  Tarente  et  frère  de  Pieri'on  que  nous  trouvons 
mentionné  en  1072  {Archives  de  la  Cava,  B,  6). 

On  peut  établir  de  la  fa^on  suivante  le  tableau  généalogique  de  la  pre- 
mière famille  des  comtes  Normands  de  Conversano. 


LUTTE    DES    NORMANDS    CONTRE    LES    BYZANTINS    EN    POL'ILLE      181 
X.  épouse  N.  sœur  de  Robert  Guiscaud  a 


Robert  de  Montescaglioso  'J  Geoffroi  c 

comte  de  Conversano,  seigneur  de  Brindisi  et  Monopoli, 
ép.  Sikelgaite 
meurt  en  septeml^re  1100 

! . 

Robert  r/  de  Geoffroi  e  Ai.examire/'  TAffCRisoE  </  Raoul 'i  Guillaume /«'  Sibylle    l 
G  r  a  V  i  n  a      comte  de      comte    de      comte  de  ép.  Robert 

comte  de      Canne  Matera         Brindisi  Courte 

Conversano  1  Heuse 


Guillaume   m  Robert    n     Geoffroi  o 

comte    de  seigneur 

Canne  de  Noja 

a.  Guil.  Ap.  III,  523.  Malaterra,  II,  39.  Orderic  Vital,  t.  IV,  p.  78. 

b.  C'est  de  Robert  que  descendent  les  comtes  de  Montescaglioso. 

c.  Chart.  Ciip.,  t.  I,  pp.  97  (1072),  99  (1075),  107  (1081), 118  (1089),  127  (1096),  128 
(1098),  131  (109X),  139  (1100).  Muratori,  Ant.  il.,  t.  V,  p.  777.  Regii  neapolitaniarchi- 
vii  monumenta,  t.  V,  185  (1093).  Une  bulle  de  Pascal  II,  du  23  mars  1101  (Kehr,  op. 
cit.,  dans  Nachrichien  (1898),  p.  269),  montre  que  le  comte  Geofl'roi,  dont  Lupus 
mentionne  la  mort,  septembre  llCl-llOOn.  s.,  est  bien  le  comte  de  Conversano,  par 
suite,  il  faut  peut-être  lire  au  lieu  d'Alexis,  Alexandre,  dans  le  passage  qui  con- 
cerne son  fils.  On  possède  un  diplôme  de  Geoffroi  de  Conversano  de  février  1104, 
(Ughelli,  X,  29 1)  ;  la  bulle  de  Pascal  II  oblige  à  le  regarder  comme  faux. 

d.  Regii  neapolitani  archivii  moniimenta,  t.  V,  p.  185  (1093)  ;  Cod.  dipl.  Barese, 
t.  V,  pp.  59  (1101),  101  (1111);  Chart.  Ciip.,  t.  I,  p.  114  (1087),  133  (1098).  En  1130 
Robert  est  déjà  mort.  Cf.  Guerrieri,  op.  cit.,  Arch.  st.  napol.,  t,  XXVI,  p.  303  et 
313. 

e.  Ughelli,  VIT,  790.  Cod.  dipl.  Bar.,  t.  V,  p. 137  (11321.  Al.  Tel.  I,  18,  p.  98,  II,  18 
p.  108,  33-36,  p.  lli-115,  38,  p.  116,  40,  p.  117.  C'est  à  tort  que  (Morea,  op.  cit., 
p.  LU,  dit  que  Geoffroi  figure  dans  l'acte  de  1132,  Cod.  dipl.  Bar.,  t.  V,  p.  137, 
le  texte  porte  Gaiiferiiis  Catenzanii.  Il  s'agit  sans  doute  du  comte  de  Catanzaro, 
Cf.  del  Giudice,  op.  cit.  App.,  p.  19, 

f.  Chart.  Cup.,t,  I,  pp.  112,  131,  165.  Cod.  dipl.  Bar.,  t.  V,  pp.  137  et  140.  Al. 
Tel.II,  37-38,  p.  116. 

g.  Cod.  dipl.  Bar.,  t.  V,  pp.  59  et  111,  ce  dernier  acte  est  faux;  cf.  les  notes 
de  l'éditeur.  Al.  Tel.,  I,  12,  p.  95,  II,  21,  p.  109,  33,  p.  114,  34,  p.  115,41,  p.  117,  46,  p.  125. 
Guerrieri,  op.  ci<.  Arch.  st.  nap.,  l.  XXVI,  p.  290,  confond  Tancrède  avec  son 
homonyme  le  prince  d'Antioche,  fils  d'Eudes  le  Bon  Marquis. 

h.  Regii  neap.  arch.  monnm.,  t.  Y,  p.  185. 

k.  Orderic  Vital,  1.  XI,  3,  t.  V,  p.  182. 

l.    Ihid.,  1.  X,  11,  t.  IV,  p.  78  et  185. 

m.  Archives  du  Monl-Cassin,  fonds  de  Barletta,  n"  27  (1117)    et  n"  29  (1138). 

n.  Cod.  dipl.  Bar.,  t.  V,  p.  132,  Al.  Tel.,  II,  39,  p.  117. 

0.  Al.  Tel.,  II,  37-38,  p.  116.  On  a  donné  comme  llls,  à  Geoffroi  de  Conversano 
Silvestre  de  Marsico  [Capecelatro,  Istoria  di  [Napoli,  Naples,  1724),  t.  I,  p.  154]. 
Ce  qui  est  inexact  ;  Silvestre  de  Marsico  est  fils  de  Geoffroi  de  Raguse,  fils  du 
comte  Roger  1°'.  Cf.  Pirro,  op.  cit.,  t.  I,  p.  525.  Après  la  révolte  de  1132,  Roger  II 
confisqua  les  biens  des  descendants  de  Geoffroi,  seul  Guillaume  paraît  avoir 
échappé  au  châtiment.  C'est  peut-être  par  lui  que  Thomas  de  Fraxenctto,  men- 
tionné en  1174,  se  rattache  à  Robert  de  Conversano  [Cad.  dipl.  Bar.,  t.  V,  p.  234. 
Cf.  Ihid.,  p.  101). 

La  deuxième  famille  normande  des  comtes  de  Conversano  ne  se  rattache  en  rien 
à  la  première;  elle  est  issue  de  Robert  de  Bassonville  et  de  sa  femme  Judith, 
sœur  de  Roger  II  {Archives  de  la  Cava,  G.  19,  diplôme  d'octobre  1135  et  Chart.  Cup. 
t.  I,  p.  168). 


182  CHAPITRE    VII 

dépouillé  par  son  oncle  de  ses  possessions.  Citons  encore  Ami, 
seigneur  de  Giovenazzo,  Rog-er  Toute  Bove,  et  Jocelin  qui 
paraît  avoir  été  le  chef  du  mouvement,  quant  à  Geofîroi  de 
Tarente,  il  semble  être  demeuré  étranger  à  ces  intrigues  K  Les 
principaux  chefs,  sur  l'initiative  de  Pérénos,  se  rendirent  à  Durazzo 
pour  conclure  un  accord  avec  le  représentant  de  l'empereur.  Les 
seigneurs  normands  durent  livrer  des  otages  et  reçurent  en 
échange  de  l'argent  et  des  honneurs.  Ami  donna  en  otage  son  fils, 
Jocelin  ses  deux  fils,  Abélard  son  frère,  Roger  sa  fille.  A  la 
suite  de  cet  accord,  on  peut  remarquer  que  les  actes  de  certains 
seigneurs  normands  sont  datés  des  années  de  règne  des  empe- 
reurs de  Constantinople  -.  11  semble  que  les  Normands  aient  pris 
l'engagement  de  livrer  aux  Grecs  les  villes  dont  ils  s'emparaient  ; 
mais  une  fois  qu'ils  eurent  été  payés,  ils  se  gardèrent  bien 
d'être  fidèles  à  la  convention  conclue,  et  firent  surtout  une  guerre 
de  pillards,  conservant  pour  eux-mêmes  toutes  les  villes  qu'ils 
prenaient.  Au  moment  où  la  révolte  éclata,  Guiscard,  qui  venait 
de  conclure  avec  la  ville  de  Bari  un  accord  sur  lequel  nous  ne 
savons  rien,  était  en  Sicile  -^ 

L'insurrection  commença  dans  le  courant  d'avril  1 06  i.  Geofîroi 
de  Conversano  et  Robert  de  Montescaglioso  prirent  Matera  et 
occupèrent  Castellaneta  au  mois  de  juin  '»  ;  la  révolte  eut  tout 
le  temps  nécessaire  pour  s'étendre,  d'autant  plus  qu'à  son  retour 
Robert  fut  arrêté  pendant  plusieurs  mois  par  la  rébeUion  de  la 
ville  d'Ajello,  dans  la  province  de  Cosenza.  Il  ne  réussit  qu'au 
bout  d'assez  longtemps  à  s'emparer  de  cette  place  -^ 

Nous  sommes  très  mal  renseignés  sur  les  campagnes  de  Guis- 


1.  Aimé,  V,  4.  G.  Ap.  II,  431  et  suiv.  Anon.  Bar.,  ad  an.  1064.  Ami  était 
fils  de  Gautier,  seigneur  de  Civita,  et  petit-fils  d'Ami  ;  cf.  Weinreich,  op. 
cit.,  p.  47,  note  34. 

2.  Archives  du  Mont-Cassin  fond  de  Barletta,  n°  18.  Cf.  Crudo,  op.  cit., 
p.  131. 

3.  Cf.  infra,  p.  204. 

4.  Anon.  Bar.  ad  an.  1064. 

5.  Malaterra,  II,  37,  Anon.  Vat.,  Muratori,  R.I.SS.,  t.  VIII,  p.  793.  Ajello, 
cii'cond.  de  Paola,  prov.  de  Cosenza. 


LUTTE    DES    NORMANDS    CONTRE    LES    BYZANTINS    EN    FOUILLE      183 

card  contre  les  rebelles  durant  les  années  1064  à  1067.  Aimé  se 
borne  à  nous  dire  que  Guiscard  punit  les  coupables.  Son  récit 
manque  de  précision  '.  Les  données  qui  nous  sont  fournies  par 
les  autres  chroniques  sont  également  trop  peu  détaillées  pour  que 
nous  puissions  connaître  les  événements.  Il  semble  toutefois  que 
Guiscard,  désireux  de  couper  court  aux  menées  des  Byzantins, 
ait  song-é  à  porter  la  guerre  sur  les  côtes  d'IUyrie.  Le  bruit  d'une 
prochaine  expédition  normande  répandit,  en  1066,  une  gi^ande 
terreur  à  Durazzo,  et  il  paraît  bien  que  Geoffroi  de  Tarente  ait 
été  chargé  den  assurer  Texécution  ~.  Peut-être  même  les  Nor- 
mands étaient-ils  entrés  en  négociations  à  ce  sujet  avec  les 
Valaques  de  Thessalie  •'^.  Robert  Guiscard  aurait  ainsi  répondu  à 
la  politique  du  basileus  par  une  tactique  analogue,  et  se  serait 
appuyé  sur  les  sujets  mécontents  de  l'empire,  comme  les  Byzan- 
tins s'étaient  appuyés  sur  les  seigneurs  normands.  Quoi  qu'il  en 
soit  à  cet  égard,  la  flotte  grecque  commandée  par  Mabrikas 
empêcha  la  flotte  de  Geoff'roi  de  Tarente  de  passer  le  détroit,  et  la 
descente  en  Illyrie  se  trouva  ajournée  '\ 

En  1066,  les    Byzantins    reprirent  l'oflensive    en    Italie  et  la 
flotte  de  Mabrikas  amena  à  Bari  un   corps  de  Varangues  ^.  On 


1.  Aimé,  V,  4. 

2.  Cecauineni  strategicon,  p.  66-67,  c.  173.  L'année  est  fixée  par  Tappari- 
tion  d'une  comète,  qui  est  également  mentionnée  dans  Attaliatès,  p.  91, 
Skylitzès,  dans  Cédrénus  II,  658.  Zonaras,  XVIII,  9,  680.  Lupus  Protospat., 
ad  an.  1066.  Heinemann,  op.  cit.,  pp.  381-382,  croit  que  Guiscard  a  été 
étranger  à  cette  entreprise  par  suite  de  ce  que  dit  Guillaume  de  Pouille, 
III,  390.  Le  poète  dit  que  Robert  n'aimait  pas  Ami  de  Giovenazzo  (cousin 
deGeofTroi  de  Tarente)  quia  fine<<  Dalinaticos  sine  velle  suo  temptavit  adiré. 
A  mon  avis,  Guillaume  a  en  vue  les  négociations  des  Normands  avec 
Pérénos.  D'ailleurs,  son  témoignage  s'applique  à  Ami  et  non  à  GeoiTroi. 
On  ne  saurait  soutenir  que  les  deux  cousins  aient  forcément  embrassé  le 
même  parti.  La  défaite  de  Geoffroi  par  Mabrikas,  me  paraît  montrer  suffi- 
samment que  Geoffroi  n'était  pas  avec  les  Normands  révoltés,  mais  avec 
Guiscard.  Les  rapports  des  Normands  avec  la  Dalmatie  étaient  d'ailleurs 
fréquents,  cf.  Tafel,  Urkunden  zur  ait.  Handels-und  Staastgesch.  der  Rep. 
Venedig,  t.  I,  p.  42,  qui  donne  le  texte  de  l'engagement  pris  en  1075  par 
les  magistrats  de  diverses  villes  dalmates  de  ne  pas  recevoir  les  Noi^mands. 

3.  Cf.  Chalandon,  £'ssaj  sur  le  règne  d'Alexis  I"  Comnène,  p.  61. 

4.  Lup.  Protospat.,  ad  an.  1066. 

5.  Anon.  Bar.,  ad  an. 


184  CHAPITRE    VII 

voit  par  lu  que  cette  ville  avait  rompu  le  traité  conclu  avec  Guiscard, 
en  1064,  et  était  repassée  aux  Byzantins,  Sous  la  conduite  de 
Mabrikas,  les  Grecs  s'emparèrent  de  Brindisi  et  de  Tarente,  ils 
pénétrèrent  jusqu'à  Castellaneta  qui  leur  fut  remise  par  Geoffroi 
de  Gonversano  ^  (1067).  Nous  ne  connaissons  pas  d'autre  place 
ayant  été  livrée  aux  troupes  grecques  par  les  Normands  révoltés. 
En  1068,  Ami  réussit  à  s'emparer  de  Giovenazzo  ~.  Il  semble 
que  jusqu'à  ce  moment  Guiscard  n'ait  remporté  aucun  succès  ; 
mais,  en  1068,  ses  affaires  se  rétablirent.  Il  réussitnous  ne  savons 
comment  à  mettre  en  fuite  Jocelin  qui  se  réfug-ia  à  Constantinople  ; 
Ami  et  Abélard  furent  également  vaincus.  Enfin  la  défaite  de 
Geoffroi  de  Gonversano  amena  la  lîn  de  la  rébellion.  Geoffroi 
s'était  enfermé  dans  la  place  de  Montepeloso  où  Robert  Guiscard 
vint  l'assiég-er,  en  février  1068  3.  Le  siège  traina  en  longueur  pen- 
dant quelques  mois.  Guiscard  finit  par  entrer  en  rapport  avec  un 
des  officiers  de  Geoffroi.  Le  duc  lui  promit  de  lui  donner  en  fief 
la  place  d'Obbiano  et  l'officier  lui  livra  Montepeloso. 

La  prise  de  Montepeloso  mit  fin  à  l'insurrection  qui  pendant 
quatre  années  avait  arrêté  les  progrès  de  Guiscard.  Les  événe- 
ments qui  se  déroulèrent  de  1064  à  1068,  n'amenèrent  pas  de 
changement  dans  la  politique  de  Guiscard,  qui  comprit  qu'il  serait 
assuré  de  l'obéissance  de  ses  vassaux  de  Fouille  seulement  quand 
les  Grecs  ne  posséderaient  plus  aucune  place  en  Italie.  Le  duc  de 
Fouille  se  rendit  compte  qu'il  avait  commis  une  faute  en  voulant 
porter  la  guerre  sur  deux  points  à  la  fois  et  que  la  conquête  de  la 
Sicile  pourrait  être  continuée  seulement  quand  il  serait  affranchi  de 
tout  danger  du  côté  des  Grecs. 

L'état  de  l'empire  byzantin  favorisait  d'ailleurs  singulière- 
ment les  projets  de  Guiscard.  L'empire,  depuis  le  mois  de  mai 
de  l'année  1067,  était  aux  mains  d'Eudokia  Makrembolitissa 
qui  dès  son  avènement  s'était  trouvée   aux  prises  avec  les  plus 

1.  Chr.  brève  norm.,  ad  an.  1067.  —  Castallenata,  circond.  de  Tarente, 
prov.  di  Lecce. 

2.  Anon.  Bar.,  ad  an.  1006. 

3.  Chr.  brève  norm.,  ad  an.  1068  ;  il  faut  lire  Robertus  au  lieu  de  Goffri- 
dus.  G.  Ap.,  II.  459-477.  Lup.  Protospat.,  ad  an.  1068.  Malaterra,  II,  39. 
—  Montepeloso,  circond.  de  Matei'a,  prov.  de  Potenza, 


LUTTE    DES    NORMANDS    CONTRE    LES    BYZANTINS    EN    FOUILLE      185 

g^raves  difficultés.  Attaqué  sur  ses  frontières  d'Asie  Mineure  par 
les  Turks,  l'empire,  gouverné  par  une  femme,  ne  pouvait  lutter 
et,  en  janvier  de  l'année  1068,  Eudokia  s'était  remariée  pour 
faire  arriver  au  pouvoir  un  des  plus  habiles  généraux  byzantins, 
Romain  Diogénès,  qui  avait  aussitôt  été  prendre  le  comman- 
dement des  ai'mées  d'Asie  K  C'est  contre  les  Turks  que  lebasileus 
allait  diriger  tous  ses  efforts,  et  le  nouveau  danger  auquel  il 
devait  faire  face,  l'obligeait  à  se  détourner  des  affaires  d'Italie. 

Guiscard  ne  laissa  point  échapper  l'occasion.  Il  résolut  de 
concentrer  toutes  ses  forces  contre  les  Grecs  et  d'abandonner 
pour  un  temps  la  conquête  de  la  Sicile.  La  nécessité,  où  il  se 
trouvait  de  chercher,  pour  l'exécution  de  ses  projets,  un  appui 
chez  ses  vassaux  de  Fouille  peut  seule  expliquer  la  modération 
dont  il  usa  envers  les  rebelles  qu'il  venait  de  vaincre,  modéra- 
tion qui  était  bien  peu  dans  son  caractère.  Il  rendit  à  Ami  et  à 
Abélardune  partie  de  leurs  biens.  Geoffroi  de  Conversano  semble 
avoir  échappé  à  toute  punition-. 

La  situation  des  possessions  byzantines  d'Italie  facilita  l'exé- 
cution des  projets  de  Guiscard.  Avant  que  Robert  ne  se  fût 
emparé  de  Montepeloso,  Aboulcharé,  qui,  depuis  quatre  années 
avait  été  l'âme  de  la  défense  des  Grecs  contre  les  Normands, 
était  mort  3.  En  même  temps  que  lui  disparut  Argyros  ^.  On 
a  beaucoup  écrit  sur  la  conduite  d' Argyros  pendant  ses  dernières 
années,  peut-être  même  a-t-on  trop  parlé  de  son  rôle,  qu'il 
convient  de  réduire  à  de  beaucoup  moindres  proportions,  si 
l'on  veut  rester  dans  le  domaine  de  l'histoire.  Tout  ce  que  de 
Blasiis  ^  et  Delarc^  ont  raconté  à  son  sujet  est  de  pure  fantaisie. 
Voici  exactement  ce  que  nous  pouvons  savoir.  En  1058,  Argyros 
quitta  l'Italie.  Nous  ne  savons  pas  quand  il  y  revint,  dans  tous  les 
cas,  dès  1061,  il  avait  un  successeur  :  le  catépan  Marolos  ^.  Le  fils 


1.  Cf.  Chalandon,  op.  cit.,  p.  10  et  suiv. 

2.  Aimé,  V,  4.  En  1072,  Geoffroi  de  Conversano  est  en  possession  de  ses 
États,  Chariul.  Cupers.,  t.  I,  p.  97. 

3.  Anon  Bar.,  ad  an.  1068. 

4.  Ibid. 

5.  Op.  cit.,  t.  II,  p.  123. 

6.  Op.  cit.,  p.  430,  et  suiv. 

7.  Anon.  Bar.,  ad  an.  1058  et  1061. 


186  CHAPITRE   VII 

de  Mélès  ne  fui  pas  disgracié  complètement,  car  le  basileus  lui  a 
accordé  le  titre  de  proedros  ;  de  plus,  il  avait  encore  une  grosse 
fortune  ;  nous  savons  qu'il  possédait  plusieurs  riiaisons  à  Bari  '  et 
que  peu  avant  sa  mort  il  fît  au  monastère  de  Farfa  donation  d'une 
importante  somme  d'argent  '-.  En  dehors  de  cela,  nous  ne  savons 
rien.  C'est  donner  au  titre  byzantin  de  proedros  une  signification 
qu'il  n'a  pas  que  de  faire  d'Argyros  le  chef  de  la  municipalité 
de  Bari 3.  Quant  à  savoir  si,  dans  la  dernière  période  de  sa  vie, 
Argyros  fut  pour  ou  contre  les  Normands,  c'est  une  question  inso- 
luble, étant  donnée  l'absence  de  documents.  Tout  ce  que  l'on  a 
écrit  à  ce  sujet  ne  repose,  par  conséquent,  sur  aucun  fait  précis. 

Au  début  de  1068,  Guiscard  battit  les  Grecs  à  Lecce,  puis  prit 
Gravina  et  Obbiano.  Il  vint  ensuite,  le  5  août  1068,  mettre  le 
siège  devant  Bari.  Guillaume  de  Fouille  semble  avoir  donné  les 
raisons  exactes  de  la  conduite  de  Guiscard,  quand  il  dit  que  le 
duc  en  prenant  la  ville  la  plus  considérable  restée  aux  Byzantins 
voulait  effrayer  les  places  de  moindre  importance  et  amener  leur 
soumission.  Suivant  le  même  auteur,  Robert,  pour  donner  un 
prétexte  à  son  attaque,  aurait  demandé  aux  gens  de  Bari  de  lui 
remettre  les  maisons  qui  avaient  appartenu  à  Argyros,  espérant 
que,  si  sa  demande  était  accueillie  favorablement,  il  pourrait  uti- 
liser ces  maisons  comme  autant  de  citadelles.  Sur  le  refus  des 
habitants,  Guiscard  aurait  commencé  le  siège.  Aimé  et  Malaterra 
ne  font  aucune  allusion  à  ce  soi-disant  prétexte  ^. 

Le  siège   de  Bari  était    la  plus  grosse    entreprise   militaire   à 


1.  G.  Ap.  II,  490  et  suiv. 

2.  Chr.  Far/-.,  Muratori,  R.I.SS.,  t.  II,  2,  p.  621. 

3.  Delarc,  loc.  cit.  Cf.  sur  le  titre  de  proedros,  Schlumberger,  Sigillogra' 
phie  hijzanfine,p.  572.  Ktant  donné  que  les  proèdres  paraissent  avoir  été  les 
conseillers  de  l'empereur,  il  y  a  peut-être  lieu  de  l'approcher  ce  titre  d'Ar- 
gyros du  passage  où  Guillaume  de  Pouille,  II,  279-280,  parlant  de  sa  dis- 
gi'àce  dit  : 

Desinit  Argiroum  nec  ut  anfe  solehat  haberi, 
Estjani  consilii  cornes  intimus  iinperialis. 

4.  Anon.  Bar.,  ad  an.  1068.  Lupus  Protospat..  ad  au.  1069.  Anon.  Vatic, 
Muratori,  R.I.SS.  t.  VIII,  p.  763.  Aimé,  V,  27.  Malaterra,  II,  40.  G.  Ap.  II, 
485  et  suiv.  Chr.  brève  norm.,  ad.  an.  1069. 


LUTTE    DES    NORMANDS    CONTRE    LES    BYZANTINS    EN    POL'ILLE      187 

laquelle  les  Normands  se  fussent  encore  essayés.  La  ville  était 
une  des  plus  fortes  de  Fltalie.  Il  suffît  de  rappeler  que  les  Musul- 
mans n'avaient  pu  s'en  emparer  que  par  ruse  et  l'on  sait  la  longue 
résistance  qu'elle  opposa  à  Louis  IL  Les  habitants  de  Bari  se 
fiaient  tellement  à  leurs  remparts  qu'ils  s'amusèrent  à  faire  sur 
les  murs  de  la  ville  une  longue  procession,  en  montrant  aux  Nor- 
mands tout  ce  qu'ils  avaient  de  précieux  et  en  les  invitant  à  venir 
s'en  emparer. 

Devant  Bari,  la  flotte  normande  joua  un  rôle  considérable  ; 
jusqu'alors  les  conquérants  ne  s'étaient  point  préoccupés  d'orga- 
niser une  marine,  c'est  seulement  au  moment  où  ils  entreprirent 
la  conquête  de  la  Sicile  que  Guiscard  et  Roger  comprirent  qu'il 
leur  était  indispensable  de  pouvoir  exercer  la  police  des  côtes. 
Peut-être  avaient-ils  été  devancés  par  certains  seigneurs,  puisque 
nous  avons  vu  Geoffroi  de  Tarente  organiser  une  expédition 
contre  Durrazzo.  Il  faut  d'ailleurs  se  garder  de  toute  exagération  ; 
la  flotte  alors  constituée  devait  être  encore  peu  considérable, 
puisque,  quelques  années  plus  tard,  lors  de  l'expédition  de  Malte, 
Roger  fut  obligé  de  faire  construire  un  grand  nombre  de  vais- 
seaux ;  constatons  seulement  que  c'est  au  siège  de  Bari  qu'appa- 
raît pour  la  première  fois  cette  marine  normande,  dont  le  rôle, 
sous  Christodoulos  et  Georges  d'Antioche,  devait  être  si  impor- 
tant. 

Guiscard  fit  bloquer  le  port  par  sa  flotte  dont  les  équipages 
paraissent  avoir  été  composés  surtout  de  Calabraise  En  même 
temps  le  duc  commençait  le  siège  par  terre  ;  comme  il  manquait 
de  troupes,  il  fît  attacher  ses  vaisseaux  les  uns  aux  autres  et 
imagina  de  faire  communiquer  avec  la  terre  chacune  des  extré- 
mités de  la  ligne  des  navires  par  un  pont,  qui  permettait  aux 
soldats  de  l'armée  de  terre  de  porter  aide  aux  marins  en  cas  de 
besoin. 

Les  sources  nous  font  connaître  que  les  gens  de  Bari  étaient 
divisés  en  deux  partis.  Le  premier,  qui  paraît  au  début  avoir  été 


1.  A  cette  époque,  Guiscard  paraît  avoir  eu  surtout  des  marins  Calabrais. 
Cf.  Anon.  Bar.,  ad  an.  1064.  G.  Ap.,  II,  485. 


188  CHAPITRE   VIT 

de  beaucoup  le  plus  nombreux,  était  favorable  aux  Byzantins  et 
avait  à  sa  tète  le  patrice  Byzantius  K  Le  second,  favorable  aux 
Normands,  était  commandé  par  Argyrizzos,  qui  sut  toujours 
entretenir  des  communications  avec  larmée  assiégeante.  C'est 
par  lui  que  Guiscard  fut  informé  que  Byzantius  voulait  gag-ner 
Constantinople  pour  demander  des  secours  à  l'empereur.  Robert 
fit  donner  la  chasse  au  vaisseau  qui  portait  le  patrice,  mais  cette 
première  tentative  de  la  flotte  réussit  mal.  Deux  des  quatre  vais- 
seaux envoyés  furent  coulés,  les  deux  autres  furent  fort  éprouvés. 
Byzantius  obtint  l'envoi  de  nouvelles  troupes  et  de  vivres.  Le  com- 
mandement de  larmée  de  secours  fut  confié  à  Etienne  Pateranos. 
La  flotte  grecque  apportant  des  vivres  et  des  renforts  fut  attaquée 
parla  flotte  normande.  Une  première  rencontre  fut  défavorable  aux 
Normands,  qui  obtinrent  dans  un  deuxième  combat  à  la  hauteur 
de  Monopoli  un  léger  avantage  et  coulèrent  quelques  A^aisseaux. 
Finalement,  les  renforts  et  les  vivres  purent  pénétrer  dans  la 
place  assiégée.  Le  siège  dura  pendant  toute  l'année  1069 
sans  que  la  situation  se  modifiât.  Les  Normands  construisaient 
force  machines  de  siège  mais  ils  étaient  encore  peu  experts 
dans  cet  art  et  les  assiégés  brûlaient  régulièrement  tous  les 
engins  construits  à  grand'peine.  Au  début  de  1070,  Guiscard 
voyant  que  le  siège  n'était  pas  près  de  finir,  chercha  à  faire 
une  diversion.  Laissant  les  troupes  nécessaires  pour  continuer  le 
blocus,  il  marcha  sur  Brindisi,  que  la  flotte  de  Geoifroi  de 
Tarente  vint  assiéger  par  mer. 

Presque  toutes  les  places  occupées  par  les  Grecs,  ne  recevant 
pas  de  secours,  avaient  été  obligées  de  se  rendre,  seule  Brindisi 
tenait  encore  avec  Bari.  L'expédition  de  Guiscard  ne  fut  pas 
heureuse,  la  flotte  grecque  aux  ordres  de  Mabrikas  battit  la  flotte 
normande  et  le  gouverneur  byzantin  de  Brindisi,  attirant  les  Nor- 
mands dans  une  embuscade,  réussit  à  en  tuer  une  centaine  dont 
il  envoya  les  têtes  à  Constantinople.  Guiscard  dut  revenir  à 
Bari  sans  avoir  pu  prendre  Brindisi  '. 


1.  Aimé,  V,  27.  G.  Ap.,  II,  478.  Anon.  Bar.,  ad  an.    1070.  Lup.    Protos- 
pat.,  ad  an.  1071. 

2.  Skylitzès,  dans  Cédrénus,   II,   pp.  722-723.  Lupus  Protospat.,   ad   an. 
1071.  Cf.  Anon.  Bar.,  ad  an.  1070. 


LUTTE    DES    NORMANDS    CONTRE    LES    BYZANTLNS    EN    POLFLLE       189 

Cependant  dans  la  place  assiégée  le  parti  normand  faisait  des 
progrès.  Pour  faire  cesser  la  résistance,  quelques-uns  des  parti- 
sans d'Argyrizzos  assassinèrent  Byzantins,  le  18  juillet  1070.  Ce 
meurtre  fut  suivi  de  troubles,  amenés  par  les  privations  que  cau- 
sait la  lons:ueur  du  sièffe,  Pateranos  chercha  alors  à  faire  assassi- 
ner  Guiscard.  Un  soldat  mécontent  se  laissa  gagner  et  lança  sur 
le  duc  un  javelot  empoisonné;  il  s'en  fallut  de  peu  que  Guiscard 
ne  fût  atteint. 

Comme  le  siège  se  prolongeait  toujours,  Pateranos  se  décida 
à  aller  à  Constantinople  demander  de  nouveaux  secours.  Pen- 
dant ce  temps,  Robert,  voulant  en  finir,  faisait  appel  à  son  frère 
Roger  qui  vint  avec  ses  vaisseaux.  Roger  était  arrivé  depuis 
peu  quand  Guiscard  apprit  qu'une  flotte  de  secours  devait  tenter 
de  pénétrer  la  nuit  dans  le  port  de  Bari.  Pateranos  avait  réussi 
à  obtenir  des  troupes  et  des  vivres  ;  la  nouvelle  expédition  était 
placée  sous  son  commandement  et  celui  de  Jocelin.  Roger  fît 
exercer  une  étroite  surveillance  sur  la  mer,  et  la  nuit  où  la 
flotte  grecque  parut,  il  dirigea  contre  elle  les  vaisseaux  nor- 
mands. Les  Byzantins  furent  défaits,  aucun  navire  ne  put  péné- 
trer dans  le  port  et  Jocelin  fut  fait  prisonnier.  Cette  victoire 
est  la  première  que  les  Normands  aient  remportée  sur  mer. 

Cet  échec  démoralisa  les  assiégés  ;  aussitôt  Guiscard 
s'assura  de  nombreux  partisans  dans  la  ville.  En  dehors  d'Ar- 
gyrizzos,  qui  lui  était  acquis  dès  longtemps,  il  gagna  par  des 
promesses  divers  membres  influents  du  clergé.  Argyrizzos  com- 
mença par  s'emparer  d'une  tour  dans  l'intention  de  la  livrer  aux 
Normands,  mais  son  projet  fut  connu  des  habitants  qui^,  crai- 
gnant de  voir  leur  ville  livrée  au  pillage  le  supplièrent  de  n'en 
rien  faire.  Suivant  Aimé,  Argyrizzos  n'aurait  pas  écouté  leurs 
supplications  et  aurait  livré  la  ville  à  Guiscard  (16  avril  1071). 
11  semble  pourtant  que  les  choses  ne  se  passèrent  pas  ainsi. 
Nous  voyons  en  efîet  que  Guiscard  se  contenta  de  la  reddition  de 
la  garnison  grecque  ;  il  reconnut  Argyrizzos  comme  seigneur  de 
Bari,  décida  que  le  tribut  payé  à  Constantinople  serait  à  l'avenir 
payé  à  lui-même,  et  établit  une  garnison  normande.  Bien  plus,  il 
fit  restituer  aux  habitants  les  terres  sises  hors  de  la  ville,  qui 
avaient  été  occupées  par  les  Normands.  Si  l'on  rapproche  cette 


190  CHAPITRE   VU 

modération  du  fait  que  nous  verrons,  à  chaque  changement  de 
règne,  Bai-i  conclure  avec  le  nouveau  prince  une  sorte  de  traité, 
on  est  amené  à  croire  qu'en  1071  Guiscard,  pour  obtenir  la 
reddition  de  la  place,  dut  traiter  non  seulement  avec  Argyrizzos, 
mais  aussi  avec  les  représentants  de  la  ville,  qui  ne  lui  fut  livrée 
qu'après  qu'une  convention  respectant  les  droits  des  habitants 
eût  été  conclue  '. 

La  prise  de  Bari  était  un  important  succès  pour  Guiscard, 
car  elle  marque  la  chute  définitive  de  la  domination  byzantine  en 
Italie  ;  peu  auparavant,  en  effet,  Brindisi  était  tombée  entre 
les  mains  du  duc  -.  En  même  temps  qu'elle  le  délivrait  des  Grecs, 
la  possession  de  Bari  assurait  à  Guiscard  un  autre  avantage,  elle 
lui  donnait  au  cœur  même  de  la  Fouille  une  place  de  premier 
ordre  qui  devait  lui  fournir  de  grandes  facilités  pour  assurer  le 
maintien  de  l'ordre  parmi  ses  vassaux.  A  peine  était-il  libre  du 
côté  des  Byzantins  que  Guiscard  revint  à  ses  projets  sur  la 
Sicile  et  dès  le  mois  de  mai  il  préparait  une  nouvelle  expédition 
contre  les  Musulmans  \ 


1.  G.  Ap.,  III,  144  et  suiv. 

2.  Anon.  Bar.,  ad  an.  1071. 

3.  Malaterra,  II,  43. 


CHAPITRE  VIII 

LA   CONQUÊTE   DE    LA    SICILE 

(1060-1072) 

Quand  ils  eurent  pris  Reg-gio,  les  Normands  se  trouvèrent  ame- 
nés tout  naturellement  à  entreprendre  la  conquête  de  la  Sicile. 
La  richesse  et  la  fertilité  de  File  devaient  exciter  leurs  convoitises, 
et  en  même  temps  le  voisinage  des  musulmans  constituait  un  dan- 
ger permanent  pour  leurs  possessions  italiennes.  La  situation 
politique  de  la  Sicile  favorisait  d'ailleurs  singulièrement  les  Nor- 
mands. On  a  vu  plus  haut  combien  les  rivalités  entre  les  divers 
partis  musulmans  avaient  facilité  les  progrès  de  l'expédition 
conduite  par  Maniakès.  Depuis  lors  l'anarchie  n'avait  fait  que 
croitre,  chacun  des  commandants  des  places  importantes  avait 
tenté  de  se  rendre  indépendant  et  y  était  arrivé.  La  Sicile  était 
alors  partagée  entre  Abd-Allah  ibn  Haukal,  qui  régnait  à  Mazzara 
etTrapani,  Ibn  al  Hawasqui  possédait  Girgenti  et  Castrogiovanni, 
Ibn  at  Timnah  qui  commandait  à  Syracuse,  à  Catane  et  peut-être 
à  Palerme  ^. 

Ces  divers  princes  avaient  réussi  à  s'affranchir  de  toute  dépen- 
dance envers  le  khalife  zirite  d'Afrique,  El  Moezz,  qui,  depuis 
qu'il  avait  fait  remplacer  (1043)  dans  la  kotba  le  nom  du  prince 
alide  par  celui  du  khalife  abasside  -,  pouvait  à  peine  suffire  à  com- 
battre les  coalitions,  qui  se  formaient  autour  de  lui  entre  les 
Arabes  du  Maghreb,  les  Rigàh  et  les  Zor'ba  El  Moezz 
après  avoir  perdu  Tripoli,  en  1054,  et  avoir  vu  Kairouan  pillée 
par  les  Arabes   en  1037  4,    dut    se  réfugier    auprès  de  son  fds 


1.  Ibn  el-Athir,  dans  Amari,  B.A.S.  t.  I,  p.  445  et  suiv. 

2.  Ibn  el-Athir,  dans  Revue  Africaine,  44*^  année  p.  167. 

3.  Ihid.,  p.  169. 

4.  Ibid.,  p.  170. 


l92  CHAPltRË    Vlll 

Temim  '.  A  sa  mort  survenue  en  1062,  peu  après  le  moment  où  les 
Normands  avaient  attaqué  la  Sicile  ~,  son  iîls,  Temim,  lui 
succéda,  mais  les  guerres  qu'il  dut  soutenir  contre  les  g-ouverneurs 
de  province,  notamment  contre  le  caid  qui  commandait  à  Sfax, 
rendirent  difficile  son  intervention  dans  les  affaires  de  Sicile  •^,  et 
il  ne  put  qu'expédier  quelques  renforts. 

La  conquête  de  la  Sicile  fut  surtout  l'œuvre  du  frère  de  Guis- 
card,  Roger,  qui  jusque  là  n'avait  joué  qu'un  rôle  assez  secon- 
daire. A  peine  Roger  était-il  arrivé  à  Reggio,  que  l'idée  de  passer 
en  Sicile  le  hanta  (1060).  Avec  une  petite  troupe  de  cavaliers,  il 
réussit  à  débarquer  près  de  Messine;  attaqué  par  la  garnison  de 
cette  ville,  il  dut  se  retirer.  Suivant  Malaterra,  Roger  aurait  été 
vainqueur  des  troupes,  qui  le  poursuivaient,  et  serait  revenu  à 
Reggio  avec  un  riche  butin  ^.  Peut-être  y  a-t-il  là  une  exagéra- 
tion du  biographe  officiel  du  comte  de  Sicile,  il  est  en  tout  cas 
certain  que  cette  première  expédition  fut  un  insuccès.  On  a 
raconté  que  la  descente  des  Normands  en  Sicile  avait  été  motivée 
par  un  appel  des  chrétiens  de  Messine  '\  Le  document  sur  lequel 


1.  Ibn  el-Athir,  p.  172-173. 

2.  Il  mourut  le  31  août  1062.  Cf.  Amari,  Sloria  clei  Musulniani,  t.  III,  p.  93, 
note  1. 

3.  Ibn  el-Athir,  loc.  cit.,  p.  183-184. 

4.  Malaterra,  II,  1. 

5.  On  a  voulu  quelquefois  utiliser  pour  l'histoire  de  cette  première  expé- 
dition (Delarc,  op.  cit.,  340,  Amari,  op.  cil.,  t.  III,  p.  60)  une  source,  à  mon 
avis,  sans  aucune  valeur.  C'eslla Brevis  historia  liherafionis  Messanae  éditée 
dans  les  Miscellanea  de  Baluze,  t.  I,  p.  184,  rééditée  par  Sirag-usa,  Arch.  st. 
Sicil.,  N.S.,  t.  XV,  p.  10  et  suiv.  Muratori  seul  attribue  à  cette  chronique 
une  date  reculée  (R.I.SS.,  t.  VI,  p.  614).  Tout  le  monde  est  d'accord  pour 
constater  que  Ton  est  en  présence  d'une  compilation  ti'ès  récente,  com- 
posée pour  faire  remonter  jusqu'au  xi«  siècle  les  libertés  municipales  de 
Messine.  A  mon  avis,  on  ne  doit  pas  se  servir  de  cette  source,  car  la 
partie  que  l'on  regarde  comme  basée  sur  une  tradition  locale,  cest-à-dire 
l'appel  adressé  aux  Normands  par  les  chrétiens  de  Messine,  me  paraît 
être  une  adaptation  de  Malaterra.  En  effet,  nous  voyons  que  lors  de  l'attaque 
de  Catane,  Guiscard  et  Roger  feignent  de  faire  voile  vers  Malte  (Malateira, 
II,  4o)  ;  le  passage  où  les  chrétiens  de  Messine  feignent  de  faire  voile  vers 
Trapani  est  certainement  inspiré  de  Malaterra.  Quant  à  la  légende  des 
chrétiens  allant  trouver  Roger  à  Mileto,  elle  est  évidemment  inspirée  par 
le  voyage  de  l'émir  de  Catane  à  Mileto  lors  des  ouvertures  qu'il  fit  à  Roger. 
On  ne  saurait  tirer  un  argument  du  fait  qu'à  la  lin  du  xi'=  siècle  et  dans  le 


La  conquête  de  la  sicilé  193 

est  basée  cette  opinion  ne  me  semble  mériter  aucune  créance  et 
les  arg-uments  invoqués  en  faveur  de  ce  texte,  composé  à  une 
date  très  tardive,  ne  me  paraissent  présenter  aucune  valeur. 

Les  divisions  des  Musubnans  fournirent  à  Roger  l'occasion 
d'intervenir  en  Sicile  avec  plus  de  chances  de  succès.  Ibn  at 
Timnah,  émir  de  Syracuse  et  de  Catane,  vint  à  Mileto  offrir  à 
Roger  de  l'aider  à  s'emparer  de  l'île.  Voici  les  raisons  que  les 
sources  arabes  donnent  de  sa  conduite.  Ibn  at  Timnah  avait  épousé 
une  sœur  d'Ibnal  Hawas,  l'émir  de  Girgentiet  de  Gastrogiovanni, 
du  nom  de  Maymunah.  Un  jour  que  le  mari  de  cette  dernière  était 
pris  de  boisson,  il  ordonna  à  ses  esclaves  d'ouvrir  les  veines  de  sa 
femme.  Celle-ci  ne  dut  son  salut  qu'à  son  fils  Ibrahim  qui  la  fit 
soigner.  Désireuse  de  se  venger,  Maymunah  après  une  feinte  récon- 
ciliation avec  son  mari  lui  demanda  d'aller  voir  son  frère  à  Gastro- 
giovanni, Ibn  at  Timnah  y  consentit,  mais  quand  Ibn  al  Hawas 
connut  le  traitement  infligé  à  sa  sœur,  il  ne  la  laissa  pas  retourner 
auprès  de  son  mari  malgré  toutes  les  réclamations  de  celui-ci.  Ces 
querelles  de  famille  amenèrent  les  deux  beaux-frères  à  se  faire 
la  guerre.  Ibn  at  Timnah  vint  assiéger  Gastrogiovanni.  Non  seule- 
mentil  ne  put  s'emparer  de  cette  place,  sise  comme  un  nid  d'aigle 
au  sommet  d'une  montagne,  mais  encore  il  fut  complètement  battu 
par  Ibn  al  Hawas  qui  vint  attaquer  son  territoire  jusque  près  de 
Catane  '.  Voyant  les  progrès  de  son  ennemi,  Ibn  at  Timnah  se 
décida  à  venir  trouver  Roger  à  Mileto  pour  lui  offrir  de  l'aider  à 
s'emparer  de  l'île  -.  II  le  mit  au  courant  des  divisions  des  musul- 
mans et  lui  promit  le  concours  de  tous  ceux  qui  dépendaient  de 
lui.  Pour  témoigner  de  sa  bonne  foi,  il  donna  comme  otage  son 
propre  fds. 

Une  expédition  fut  aussitôt  organisée  ;  Roger  réunit  une  troupe 
de  cent  soixante   hommes'^,  composée  en  partie   des   soldats   de 

courant  du  xni*'  siècle,  on  retrouve  à  Messine  des  familles  portant  les  noms 
donnés  aux  chrétiens  par  la  Brevis  historia,  Siragusa,  op.  cit.,  6-7.  Ce  n'est 
pas  suffisant  pour  admettre  la  demande  de  secours  des  chrétiens,  manifeste- 
ment  inspirée  par   le   souvenir  des   demandes  de  l'émir  de  Catane. 

1.  Ibn  el-Athir,  B.A.S.,  t.  I,  p.  446;  Ibn  Khaldoun,  IhicL,  t.  II,  p.  201; 
Ibn  Novvairi,  Ihid.,  t.  II,  p.  143,  Les  récits  de  ces  deux  derniers  dépendent 
de  celui  d'Ibn  el-Athir.  Malatcrra,  II,  3.  Aimé,  V,  8. 

2.  A  Reggio,  suivant  Malaterra,  II,  3  et  Aimé,  V,  8. 

3.  Malaterra,  III,  4. 

Histoire  de  lu  domination  normande.  —  Chalandon.  13 


194  CHAPITRE    VIII 

Guiscard  ;  ceux-ci  étaient  sous  les  ordres  de  Geofîroi  Ridel  l. 
Ibn  Khaldoun  -  donne  le  chiffre  de  six  cents  hommes.  Ces  deux 
renseignements  ne  sont  pas  contradictoires,  peut-être  y  avait-il 
cent  cinquante  chevaliers,  le  reste  comprenait  les  écuyers  et  valets. 
La  première  expédition  avait  montré  qu'il  était  difficile  de  prendre 
Messine,  on  résolut  donc  de  tourner  la  ville  et  de  dirig-er  l'attaque 
contre  Milazzo.  Les  troupes  s'embarquèrent  de  nuit,  probable- 
ment du  côté  de  Pezzo  ou  de  Canitello  -^  afin  d'avoir  une  traversée 
moins  longue,  et  vinrent  débarquer  au  nord  de  Messine,  vers  Faro 
(18-25  février  1061).  Une  partie  de  la  garnison  de  Messine  tenta 
vainement  d'arrêter  les  Normands,  qui  pillèrent  la  région  de 
Milazzo  *  et  revinrent  vers  leur  flotte  avec  un  riche  butin.  Au 
moment  où  ils  se  réembarquaient,  les  Normands  furent  de  nou- 
veau attaqués  par  la  garnison  de  Messine,  ils  soutinrent  le  choc 
et  poursuivirent  les  Musulmans  jusque  près  de  la  ville,  mais 
s'étant  trouvés  en  présence  de  forces  nombreuses,  ils  durent  rétro- 
grader et  revinrent  à  Faro.  Une  tempête  empêcha  leur  départ 
et  ce  ne  fut  qu'après  trois  jours  de  luttes  continuelles  avec  les 
Musulmans,  qu'ils  linirent  par  pouvoir  repartir;  mais  pour- 
suivis par  la  flotte  musulmane,  ils  ne  gagnèrent  Reggio  qu'à 
grand'peine  '.  L'expédition  avait  complètement  échoué. 

Les  deux  tentatives  infructueuses  qu'il  avait  faites,  montrèrent 
à  Roger  qu'une  expédition  sérieuse  n'était  possible  qu'autant  que 
les  Normands  auraient  assuré  la  liberté  des  communications; 
pour  cela  il  fallait  être  maitre  de  Messine.  La  prise  de  la  ville 
devint  donc  le  but  de  la  nouvelle  campagne  que  Roger  se  mit  aus- 
sitôt à  préparer.  11  passa  les  mois  de  mars  et  d'avril  à  organiser 
l'expédition  qu'il  projetait,  en  même  temps,  son  frère  Robert 
Guiscard,  alors  en  Fouille,  invitait  ses  vassaux  à  se  préparera  le 
suivre  en  Sicile  et  s'occupait  de  réunir  des  vaisseaux.  Au  mois  de 


1.  Aimé,    V,  9.    GeofTioi   Ridel    fut    plus  tard  consul  et   duc    de  Gaëte 
et  seigneur  de  Pontecorvo,  cf.  Gattola,  Hist.,  t.  I,  pp.  264,  267. 

2.  Ibn  Khaldoun,  B.A.S.,  t.  II,  p.  202. 

3.  Entre  Scilla  et  Reggio. 

4.  Circond.  et  prov.  de  Messine. 

5.  Aimé,  V,  10.  Malaterra,  III,  4-7. 


LA    CONQUÊTE    DE    LA    SICILE  195 

mai,  les  troupes  assemblées  par  Guiscard  vinrent  en  Calabre  '. 
Les  grands  préparatifs  faits  par  les  Normands  avaient  été  con- 
nus des  gens  de  Messine  qui  s'adressèrent  à  l'ennemi  de  Ibn  at 
Timnah  pour  avoir  des  secours.  Ibn  al  Hawas  répondit  à  leur 
demande  par  l'envoi  de  huit  cents  cavaliers,  en  même  temps  il 
envoyait  une  flotte  de  vingt-quatre  navires  pour  s'opposer  à  la 
traversée  des  vaisseaux  normands  ~.  Une  surveillance  sévère  fut 
établie,  et  Guiscard  et  Roger  ayant  été  reconnaître  les  positions 
de  l'ennemi,  furent  poursuivis  pur  la  flotte  musulmane.  L'armée 
normande  était  concentrée  à  Santa  Maria  del  Faro  '■'';  elle  fut  par- 
tag-ée  en  deux  corps,  une  première  troupe  sous  les  ordres  de 
Rog-er  s'embarqua  sur  treize  vaisseaux^;  elle  comprenait  deux 
cent  soixante-dix  hommes;  trompant  la  surveillance  de  l'ennemi, 
elle  put  débarquer  pendant  la  nuit  à  Calcare,  au  sud  de  Messine. 
Aimé  raconte  que  Roger,  pour  enlever  tout  espoir  de  retour  à 
ses  soldats,  renvoya  ses  vaisseaux  ;  il  est  probable  que  Guiscard 
avait  besoin  de  ces  navires  pour  faire  elFectuer  la  traversée  au 
gros  de  l'armée.  Au  jour,  la  troupe  commandée  par  Roger  se 
dirigea  vers  Messine  pour  reconnaître  le  pays  ;  elle  surprit  des 
soldats  musulmans  qui  venaient  de  Palerme  et  apportaient  des 
subsides  •'.  Les  Musulmans  furent  battus  et  l'argent  tomba  aux 
mains  des  Normands.  Roger  reçut  alors  des  renforts,  environ 
cent  soixante-dix  hommes,  avec  lesquels  il  se  dirigea  sur  Mes- 
sine ''.  Il  trouva  la  ville  dégarnie  de  troupes  et  s'en  empara 
presque  sans  coup  férir.  Il  est  problable  que  la  garnison  devait 
être  employée  à  surveiller  la  côte  ou  avait  été  embarquée  sur  la 
flotte.  La  prise  de  Messine  amena  le  départ  de  la  flotte  musul- 
mane et  Guiscard  put,  sans  rencontrer  d'obstacle,  traverser  le 
détroit  '.  Les  troupes  normandes  qui  se  trouvèrent  alors  réunies 
à  Messine  comprenaient  environ  deux  mille  hommes  ^. 


1.  Malaterra,  II,  8. 

2.  Malaterra,  II,  8.  Aimé,  V,  13. 

3.  Aimé,  V,  13. 

4.  Malaterra,  II,  10.  Aimé,  V,  15. 

5.  Aimé,  V,  IH. 

6.  Id.,  V,  17. 

7.  Id.,  V,  18. 

8.  Id.,  V,  20. 


196  CHAPITRE  Vilt 

Guiscard  fît  de  Messine  sa  base  d'opérations,  il  fit  compléter 
les  fortifications  de  la  ville  et  y  laissa  une  garnison.  Le  plan  des 
Normands  semble  avoir  été  le  même  que  celui  de  Maniakès,  car 
ils  cherchèrent  à  pénétrer  dans  l'intérieur  de  l'île  par  Ranietta. 
Ils  ne  paraissent  pas  avoir  rencontré  de  résistance  devant  cette 
ville  dont  le  g-ouverneur  remit  les  clefs,  ce  qui  tendrait  à  prou- 
ver qu'il  était  partisan  d'ibn  at  Timnah  ^  Par  Tripi  et  Frazzano  -, 
l'armée  normande  gagna  le  campo  cli  Maniakès.  D'après  Mala- 
terra,  toute  cette  région  aurait  été  habitée  par  des  chrétiens,  qui 
ne  firent  aucune  résistance  et  accueillirent  les  Normands 
en  leur  offrant  des  vivres  et  des  présents.  Par  la  vallée  duSimeto, 
l'armée  se  dirigea  vers  Centorbi  -^  mais  ne  put  prendre  cette 
place.  Les  Normands  gagnèrent  alors  Paterno  ^  et  Emmelesio  ^. 
11  me  semble  évident  que  cette  première  partie  des  opérations 
eut  pour  but  de  remettre  Ibn  at  Timnah  en  possession  des  terri- 
toires, qui  lui  avaient  été  enlevés  par  Ibn  al  Hawas.  Aucune 
résistance  sérieuse  ne  fut  opposée  aux  progrès  des  Normands 
dans  toute  cette  région.  Les  envahisseurs  remontant  alors  la 
grande  vallée  de  l'intérieur,  celle  du  Dittaino,  vinrent  mettre  le 
siège  devant  Castrogiovanni  ''.  Ibn  al  Hawas  s'y  était  renfermé 
et  un  grand  nombre  de  Musulmans  y  avaient  trouvé  refuge.  Une 
bataille  sans  résultat  fut  livrée  devant  Castrogiovanni.  Suivant 
les  chroniqueurs  normands,  les  Musulmans  auraient  subi  de 
grandes  pertes,  mais  on  ne  saurait  ajouter  une  entière  créance  à 
leur  récit.  Tout  ce  que  nous  savons  de  certain,  c'est  que  la  ville 
ne  put  être  prise;  les  Normands  en  ravagèrent  les  environs  et 
pillèrent  Girgenti.  Ces  incursions  paraissent  avoir  été  dirigées 
par  Roger  tandis  que  Guiscard  commandait  les  troupes  assié- 
geantes. Suivant  Aimé,  tous  les  chefs  musulmans  du  pays 
auraient  fait  alors  leur  soumission.    L'émir  même   de    Palerme 


1.  Aimé,  V,  20.  Malaterra,  II,  13. 

2.  Cf.  Amari,  Storia  dei  Musulmani,  t.  III,  p.  71,  n.  1.  Tripi,  circond.  de 
Castroreale,  prov.  de  Messine.  Frazzano,  circond.  de  Cefalu  prov.  de 
Palerme. 

3.  Ceuturipe,  circond.  de  Nicosia,  prov.  de  Catane. 

4.  Paterno,  circond.  et  province  de  Catane. 
0.  Non  identifié. 

6.  Castrogiovanni,  circond.  de  Piazza  Armerina,  prov.  de  Callanisetta. 


LA    CONQUÊTE    DE    LA    SICILE  197 

aurait  envoyé  à  Guiscard  de  riches  présents  et  lui  aurait  demandé 
son  amitié.  Le  duc  de  Fouille  aurait  répondu  aux  avances  de 
l'émir,  en  lui  envoyant  un  ambassadeur  qui  profita  de  son  séjour 
à  Palerme  pour  se  rendre  compte  des  forces  des  Musulmans  et 
étudier  les  défenses  de  la  ville.  Tous  ces  renseignements  d'Aimé 
me  paraissent  légendaires  et  les  Normands,  bien  loin  d'avoir 
continué  à  occuper  le  pays,  échouèrent  devant  Castrogiovanni 
et  furent  obligés  de  reculer  ^ . 

Le  siège  de  Castrogiovanni  fut,  en  effet,  levé;  Guiscard  paraît 
s'être  alors  borné  à  faire  occuper  les  territoires  appartenant  à  Ibn 
at  Timnah  et  les  passages  qui,  par  Rametta,  permettent  de  com- 
muniquer de  l'intérieur  avec  la  côte  du  nord.  C'est  ainsi  que  Robert 
fit  construire,  pour  commander  le  Val  Demone,  le  château  de  San 
Marco  ~  où  il  laissa  une  garnison. 

A  la  suite  de  cette  première  expédition,  Guiscard  retourna  en 
Fouille  et  Roger  demeura  en  Calabre-^.  Ce  dernier,  un  peu  avant 
Noël  de  la  même  année,  tenta  un  nouveau  coup  de  main  ;  il  ne 
réussit  qu'à  ravager  le  pays  jusqu'à  Girgenti.  A  son  retour  les 
chrétiens  de  Troina  lui  livrèrent  leur  ville  et  il  y  établit  une  gar- 
nison. Roger  passa  à  Troina  les  fêtes  de  Noël  (1061)  ^. 

Suivant  Malaterra,  c'est  pendant  son  séjour  dans  cette  ville  que 
Roger  aurait  appris  l'arrivée  en  Calabrede  Robert  de  Grantmesnil, 
abbé  de  Saint-Evroul,  dont  il  aimait  depuis  longtemps  la  sœur 
Judith.  Celle-ci  avait  suivi  son  frère  qui,  fuyant  la  colère  de  Guil- 
laume II,  s'était  décidé  à  venir  s'établir  en  Italie.  Roger  avait 
dû  connaître  Judith,  assez  longtemps  auparavant,  lors  du  séjour 
qu'il  avait  fait  à  Saint-Evroul,  avant  de  venir  en  Italie.  Roger 
quitta  Troina  pour  se  rendre  en  Calabre.  Il  épousa  Judith,  à  San 
Martino,  et  célébra,  à  l'occasion  de  son  mariage,  de  grandes  fêtes 
à  Mileto  5. 


1.  Aimé,  V,  23.  Ibn  Khaldoun,  B.A.S.,  t.  II,  p.  202.  Malaterra,  II,  17  ; 
cf.  sur  cette  période  Amari,  op.  cit.,  t.  III,  p.  73  et  suiv. 

2.  San  Marco  di  Alunsio,  circond.  de  Patti,  prov.  de  Messine. 

3.  Malaterra,   II,  18. 

4.  Ibicl.  Troina,  circond.  de  Nicosie,  prov.  de  Catane. 

5.  Ibid.,  II,  19.  Delarc,  op.  cit.,  p.  378,  note  1,  a  éclairci  la  question  des 
femmes  de  Roger.  —  San  Martino  d'Agri,  circond.  de  Lagonegro,  prov. 
de  Potenza. 


198  CHAPITRE    VIII 

Vers  le  printemps  de  1062,  Roger  iit  une  nouvelle  expédition  ^ 
avec  Ibn  at  Timnah;  il  s'empara  de  Petralia,  près  de  Cefalu,  et  y 
établit  une  garnison  '.  Roger  laissant  alors  Ibn  at  Timnah  conti- 
nuer la  campagne  revint  en  Calabre  ^.  La  fortune  sembla  à  ce 
moment  tourner  en  faveur  des  Musulmans  ;  Ibn  at  Timnah  ayant 
poussé  une  pointe  jusque  dans  la  vallée  de  Bichinello,  près  de 
Palerme,  fut  attiré  dans  un  guet-apens  par  le  commandant  de 
Rocca  d'Entella  qu'il  assiégeait  et  fut  assassiné^.  Ce  succès, 
qui  enlevait  aux  Normands  un  appoint  important,  parait  avoir 
ranimé  l'ardeur  des  Musulmans.  Les  garnisons  normandes  de 
Troina  et  de  Petralia,  en  présence  des  menaces  de  l'ennemi, 
se  retirèrent  à  Messine  ^.  La  brouille  qui  survint  alors  entre 
Guiscard  et  Roger  ne  fit  qu'aggraver  la  situation  des  Nor- 
mands, déjà  fort  compromise  par  suite  de  la  disparition  d'Ibn  at 
Timnah. 

Roger  reprochait  à  son  frère  de  n'avoir  pas  exécuté  les  clauses 
du  traité  qu'ils  avaient  conclu  quelques  années  auparavant  et  de 
lui  refuser,  malgré  la  part  active  qu'il  avait  prise  à  la  conquête  de 
la  Calabre,  les  terres  auxquelles  il  avait  droit  ^>.  Du  récit  de  Mala- 
terra,  il  résulte  clairement  que  Guiscard  craignait,  en  accordant 
de  grands  fiefs  à  Roger,  de  créer  une  puissance  qui  pût  contre- 
balancer la  sienne,  et  préférait  récompenser  son  frère  en  argent 
plutôt  qu'en  terres.  Après  son  mariage,  Roger  se  décida  à  invo- 
quer ses  droits  ;  il  demanda  justice  à  Robert,  et  suivant  l'usage 
attendit  quarante  jours  avant  d'entrer  en  campagne.  Peut- 
être  les  vassaux  apuliens  de  Robert  ne  furent-ils  pas  étrangers 
à  la  conduite  tenue  par  Roger  ;  ils  durent  chercher  à  se  ser- 
vir de  ce  dernier  pour  susciter  des  embarras  à  leur  seigneur  dont 
la  puissance  grandissait  chaque  jour. 

Robert  vint  assiéger  son  frère  dans  Mileto  ;  des  combats  sans 

1.  Malaterra,  II,  20. 

2.  Petralia  Soprana  ou  Petralia  Sottana,  circond.  de  Cefalu,  prov.  de 
Palerme. 

3.  Malaterra,  II,  20. 

4.  Malaterra,  II,  22.  Rocca  d'Entella  au  S.-O.  de  Corleone,  cire,  de  Cor- 
leone,  prov.  de  Palerme.  Cf.  Amari,  op.  cit.,  t.  III,  p.  86,  note  1. 

5.  Malaterra,  II,  22. 

6.  lbid.,U,  21  et  23. 


RÉVOLTE    DE    ROGER    CONTRE    GUISCARD  199 

importance  se  livrèrent  autour  de  la  place.  Ro^er  ne  put  empê- 
cher Guiscard  de  construire  deux  châteaux  qui  commandaient 
l'accès  de  la  ville  et  d'établir  ainsi  le  blocus.  Afin  de  diviser  les 
forces  de  son  frère,  Roger  chercha  des  alliés  en  Calabre  ;  il 
réussit  à  gagner  la  ville  de  Gerace  qui  se  donna  à  lui.  Cette  ville 
en  passant  aux  Normands  avait  réussi  à  garder  une  certaine 
indépendance  et  Guiscard  n'y  avait  pas  de  citadelle  ;  les  habi- 
tants purent  ainsi  facilement  secouer  le  joug  du  duc  de  Fouille. 
Sur  ces  entrefaites,  Roger  quitta  secrètement  Mileto,  pendant 
la  nuit.  Guiscard  croyant  que  son  frère  était  dans  Gerace, 
laissa  des  troupes  continuer  le  siège  de  Mileto  et  vint  camper 
devant  Gerace.  Tandis  qu'il  assiégeait  cette  ville,  le  duc 
commit  une  imprudence  qu'il  faillit  payer  cher.  Il  avait  noué 
des  intelligences  avec  un  des  principaux  habitants  de  la  ville, 
Basile,, et  pour  avoir  une  entrevue  avec  lui,  il  pénétra  déguisé 
dans  la  place  assiégée.  Tandis  qu'il  était  chez  Basile,  il  fut 
reconnu  et  une  foule  menaçante  A^nt  l'assiéger  dans  la  maison 
où  il  se  trouvait.  L'hôte  et  sa  femme  furent  tués  et  Guiscard  fait 
prisonnier  fut  enfermé,  après  avoir  couru  grand  risque  d'être 
massacré  K 

L'armée  de  Guiscard  apprit  bientôt  ce  qu'il  était  advenu  de 
son  chef  ;  ne  sachant  que  faire,  on  se  décida  à  prévenir  Roger, 
qui  se  trouvait  dans  les  environs.  Celui-ci  fit  preuve  de  beaucoup 
de  générosité;  il  comprit  d'ailleurs  que,  s'il  laissait  assas- 
siner son  frère,  la  domination  des  Normands  se  trouverait  singu- 
lièrement compromise.  11  vint  donc  devant  Gerace,  fit  appeler 
les  principaux  habitants  et  affectant  d'être  très  irrité  contre 
Guiscard,  exigea  qu'il  lui  fût  remis.  11  menaçait,  si  on  ne  l'écoutait 
pas,  de  détruire  les  vignes  et  les  oliviers,  dans  les  champs  autour 
de  la  ville,  et  de  s'emparer  par  force  de  la  place. 

On  décida  de  remettre  Robert  aux  mains  de  Roger  ;  mais  se 
méfiant  des  Normands,  les  gens  de  Gerace  firent  promettre  à 
Guiscard  de  ne  jamais  bâtir  de  château  dans  l'enceinte  de  leur 
ville.  Malaterra  nous  fait  un  tableau  touchant  de  l'entrevue  des 
deux  frères  et  de  la  réconciliation  qui  s'en  suivit.  Roger  et  Robert 

1.  Pour  cette  révolte  de  Ronger,  cf.  Malaterra,  II,  23  et  suiv. 


200  CHAPITRE    Vlll 

se  seraient  en  pleurant  jetés  dans  les  bras  l'un  de  l'autre  et  se 
seraient  embrassés  o  comme  autrefois  Joseph  et  Benjamin  ». 
Peut-être  la  réalité  a-t-elle  été  un  peu  différente.  Roger  profita  de 
ce  que  son  frère  était  entre  ses  mains  pour  lui  faire  prendre  l'en- 
gagement de  ne  plus  retenir  les  domaines  qui  lui  avaient  été 
promis.  Guiscard  s'engagea  à  tout  ce  que  son  frère  voulut  et  tous 
deux  gagnèrent  Alileto.  Là,  Guiscard  retrouva  ses  troupes  et 
changea  aussitôt  d'attitude.  Il  prit  prétexte  de  ce  que  la  garnison 
de  Mileto  avait  occupé  un  des  châteaux  construits  devant  la  place 
et  fait  prisonnier  un  certain  nombre  des  siens  pour  refuser  d'exé- 
cuter l'accord  conclu.  La  guerre  recommença  entre  les  deux 
frères,  mais  Roger  ayant  remporté  quelques  succès,  Guiscard 
finit  par  s'entendre  avec  lui  «  sachant,  dit  Malaterra,  que  toute 
la  Calabre  pouvait  être  troublée  de  leur  rivalité  •  ».  Le  duc  et 
Robert  eurent  une  entrevue  dans  la  vallée  du  Crati  et  sç  parta- 
gèrent la  Calabre. 

Que  fut  ce  partage  ?  On  a  admis  généralement  que  Guiscard 
avait  cédé  à  son  frère  la  moitié  de  la  Calabre,  depuis  le  mont 
Intefolli  et  le  mont  Squillace  jusqu'à  Reggio.  Ce  sont  là  en  effet 
les  clauses  du  traité  conclu  entre  les  deux  frères  quelques 
années  auparavant,  traité  qui  paraît  avoir  été  simplement  con- 
firmé à  la  suite  de  la  guerre  que  nous  venons  de  raconter.  Il 
me  semble  pourtant  que  la  convention  alors  conclue  doit  être 
interprétée  différemment.  Il  ressort  clairement  de  quelques 
passages  de  Malaterra  que  le  traité  établit  une  sorte  de  con- 
dominium  attribuant  à  chaque  prince  une  portion  détermi- 
née de  chaque  ville  et  de  chaque  château.  Cela  est  certain 
pour  Gerace  ~.  Peu  après  les  événements  que  nous  venons 
de  rapporter,  Roger  fit  construire  une  citadelle  pour  com- 
mander la  ville.  Les  gens  de  Gerace  lui  rappelèrent  la  promesse 
faite  par  son  frère  de  ne  jamais  édifier  de  forteresse  en  cet  endroit. 
Roger  répondit  que  son  frère  et  non  lui  avait  fait  cette  promesse, 
que  la  moitié  de  Gerace  lui  appartenant,  il  pouvait  y  construire 
ce  qu'il  voulait.  Un  autre  passage  du  même  auteur  montre  que  la 


1.  Malaterra,  II,  24. 
■2.   Malaterra,  II,  28. 


LA    COÎNQUÈTE    DE    LA    SICILE  201 

situation  de  Gerace  a  été  la  règle  L  A  la  mort  de  Guiscard,  en 
effet,  son  fils  céda  à  Rog-er,  pour  obtenir  son  appui,  tous  les  châ- 
teaux de  Calabre  dont  il  possédait  jusque-là  seulement  la  moitié. 
Quant  à  ce  qui  fut  décidé  à  ce  moment  pour  la  Sicile,  nous 
l'ignorons  ?  Toutefois  quand  le  partage  en  fut  effectué  entre  les 
deux  frères,  il  n'amena  entre  eux  aucune  difficulté. 

Roger  profita  de  sa  nouvelle  situation  pour  organiser  une 
troupe  de  trois  cents  hommes,  avec  lesquels,  dans  le  courant  de 
1062,  il  passa  en  Sicile,  où  il  s'établit.  Le  frère  de  Guiscard  créa 
alors  une  série  de  postes  dans  la  région  de  Nicosie.  Depuis  la 
mort  d'Ibn  at  Timnah,  la  situation  des  Normands  était  beau- 
coup moins  forte  et  même  la  population  chrétienne  leur  témoi- 
gnait de  l'hostilité.  Il  faut,  suivant  Malaterra,  en  chercher  la 
cause  dans  la  conduite  des  conquérants  vis-à-vis  des  femmes  du 
pays  2,  Exaspérés  par  l'attitude  des  soldats  de  Roger,  les  habi- 
tants profitèrent  d'une  expédition  du  comte  pour  tenter  le  mas- 
sacre de  la  garnison  restée  à  Troina.  Roger  revint  à  temps  pour 
empêcher  les  siens  de  succomber,  mais  il  se  trouva  enfermé  dans 
une  partie  de  la  ville,  probablement  dans  la  citadelle.  La  situation 
ne  tarda  pas  à  empirer,  car  aux  rebelles  chrétiens  se  joignirent 
tous  les  Musulmans  des  environs.  Roger  resta  ainsi  bloqué 
pendant  une  grande  partie  de  l'hiver  1062-63  3;  la  petite  garnison 
avait  à  soutenir  des  luttes  continuelles  et  souffrait  des  privations 
de  tout  genre.  Au  bout  de  plusieurs  mois  de  siège,  Roger 
s'aperçut  que  l'ennemi  était  moins  vigilant  et  qu'en  particu- 
lier, pendant  la  nuit,  beaucoup  de  soldats  s'enivraient  pour  com- 
battre le  froid.  Il  réussit  une  nuit  à  tomber  sur  les  assiégeants 
et  à  les  chasser  de  la  ville,  il  devint  ainsi  maître  des  fortifica- 
tions. La  plupart  des  chefs  ennemis  étant  tombés  entre  ses 
mains,  il  les  fît  exécuter  et  l'ordre  fut  rétabli.  Laissant  une 
garnison  suffisante  à  Troina,  Roger  se  rendit  en  Fouille  pour 
remonter  sa  troupe  qui  avait  perdu  tous  ses  chevaux^. 

Dans  le  courant  de  l'année  1063,  la  lutte  prit  une  plus  grande 

1.  Malaterra,  111,42. 

2.  Ihid.,  II,  29-30. 

3.  Ibid.,  II,  30. 

4.  Ibid.,  II,  31. 


202  CHAPITRE    VIII 

extension  après  l'arrivée  de  nouvelles  troupes  musulmanes.  A  la 
suite  des  succès  des  Normands,  en  1061,  un  certain  nombre  de 
Musulmans  avaient  été  demander  des  secours  à  El  Moezz  K 
Celui-ci  envoya  une  flotte  qui  fut  détruite  par  une  tempête.  A  sa 
mort  (31  août  1062),  son  fils  Temim  envoj-a  deux  de  ses  fils  avec 
des  troupes  de  secours  2.  L'un,  Aioub,  alla  à  Palerme  ;  le  second, 
Ali,  à  Girg-enti  où  il  fut  très  bien  reçu  par  Ibn  al  Hawas.  Ce  fut 
contre  ces  deux  derniers  que  Roger  marcha.  11  remporta  sur  eux 
une  victoire  dans  les  environs  de  Castrog-iovanni  et  en  profita  pour 
pousser  vers  le  nord  jusqu'à  Caltavuturo  ■'.  Une  autre  expédition 
fut  dirigée  vers  Butera  ^,  à  la  fin  du  printemps.  Durant  toute 
cette  période,  Troina  reste  le  centre  d'où  Roger  rayonne. 

Pendantlété  1063, les  Mu.sulmans  prirent  l'oirensive,  une  armée 
considérable  se  dirigea  de  Palerme  sur  Troina  ^.  Roger  vint  attendre 
l'ennemi prèsde  Cerami.  Unegrande  bataille,  plus  importante  que 
toutes  celles  qui  avaient  été  livrées  jusque-là,  se  termina  à  l'avan- 
tage des  Normands.  Parmi  les  combattants  se  trouvait  Roussel  de 
Bailleul,  qui  devait  quelques  années  plus  tard  se  rendre  célèbre 
au  service  des  basileis  de  Constantinople''.  Les  Normands  firent 
beaucoup  de  prisonniers  qu'ils  vendirent  comme  esclaves.  Le 
butin  fut  énorme  et  pour  associer  l'Eglise  à  ce  triomphe  remporté 
sur  les  infidèles,  Roger  envoya  au  pape  Alexandre  II  de  riches 
présents. 

La  victoire  de  Cerami  avait  une  importance  considérable,  elle 
assurait  à  Roger  la  possession  définitive  de  la  région  de  Troina 
et  en  même  temps  elle  dut  jeter  la  terreur  parmi  les  habitants  de 
l'ile.  Les  conséquences  en  auraient  été  encore  plus  importantes,  si 
Roger  avait  accepté  l'offre  qui  lui  fut  faite  peu  après  par  les 
Pisans  de  marcher  sur  Palerme.  L'entente  ne  put  se  faire  pour 
des  raisons  que  nous  ignorons,  et  la  flotte  pisane,  qui  parut  devant 


1.  Ibn  el-Athir,  B.A.S.,  t.   I,  p.  448. 

2.  Ibn  el-Atbir,  loc.  cit:;  448. 

3.  Circond.  de  Termini  Imerese,  prov.  de  Palerme. 

4.  Circond.  de  Terranova,prov.  de  Caltanisetta. 
î).  Malaterra,  II,  33. 

6.  Cf.  Schlumberger,    Deux  chefs  normands   des  armées  byzantines   au 
XI^  s.,  dans  la  Revue  historique,  t.  XVI  (1881),  p.  289  et  suiv. 


LA    CONQUETE    DE    LA    SICILE  203 

Palerme,  le  18  août  1063,  ne  réussit  pas  à  pénétrer  dans  le 
port  K 

Durant  ce  même  été  1063,  Roger  se  décida  à  aller  en  Fouille 
pour  organiser  avec  l'aide  de  son  frère  une  grande  expédition 
pour  l'année  suivante  ^.  Avant  son  départ,  il  ravitailla  Troina  en 
allant  piller  successivement  GoUesano  ^,  Brucato  ^  et  Cefalu  ^. 
Pendant  son  séjour  en  Italie,  Roger  réussit  à  recruter  un  certain 
nombre  de  soldats  ;  il  obtint  notamment  de  Guiscard  un  secours 
de  cent  hommes.  Avec  ces  renforts  il  recommença  à  ravager,  à 
l'automne  1063,  la  région  de  Gastrogiovanni,  qui  était  toujours 
le  centre  de  la  résistance.  Roger  faillit  tomber  dans  une  embuscade 
que  les  Musulmans  lui  tendirent  entre  Gastrogiovanni  et  Troina, 
mais  il  réussit  à  mettre  en  fuite  ses  agresseurs  ^\ 

L'année  1064  peut  être  regardée  comme  terminant  la  pre- 
mière période  de  la  conquête  de  la  Sicile  par  les  Normands.  Il 
ne  faut  pas  exagérer  l'importance  des  combats  qui  furent  livrés 
depuis  l'année  1060.  Sauf  la  première  expédition  conduite  par 
Guiscard  et  Roger,  toutes  les  autres  batailles,  que  Malaterra 
nous  raconte  avec  force  détails,  ont  dû  être  très  peu  importantes. 
Gela  résulte  clairement  du  chiffre  des  combattants.  Roger 
ne  commandait  durant  toute  cette  période  qu'à  quelques  cen- 
taines d'hommes.  Ainsi  à  la  bataille  de  Gerami,  qui  fut  une  des 
plus  sérieuses,  Roger  est  à  la  tête  de  cent  chevaliers  et  son 
neveu  Sarlon  de  trente  ;  cela  correspond  à  une  armée  de  cinq  ou 
six  cents  hommes  tout  au  plus.  On  voit  qu'à  ce  moment  un  ren- 
fort de  cent  hommes  a  une  grande  importance  pour  Roger. 
G'est  ce  petit  nombre  de  troupes  qui  explique  la  lenteur  de  la 
conquête.  Depuis  l'expédition  de  Guiscard  et  de  Roger  en  1061, 
les  Normands  n'ont  pas  fait  un  pas  en  avant,  ils  ne  possèdent 
que  la  région  de  Messine  et  Troina  ;  tout  le  reste  de  l'île  est  aux 


1.  Malater.-a,    II,    34.   Annal.  Pisani,  M.G.H.SS.,    t.    XIX,  p.    238,  qui 
donnent  la  date  in  die  sancti  Agapiti. 

2.  Malaterra,  II,  34.  Il  revint,  réfrigérante  calore. 

3.  Circond.  de  Cefalu,  prov.  de  Palerme. 

4.  II  s'agit  sans  doute  de  Broccato,  entre  Termini  et  Caccabo,  dont  il  est 
question  dans  un  diplôme  de  Guillaume  I®"",  Mongitore,  op.  cet.,  p.  36. 

5.  Chef-lieu  de  circond.,  prov.  de  Palerme. 

6.  Malaterra,  II,  35. 


204  CHAPITRE   Mil 

Musulmans.  Les  diverses  expéditions  de  Roger  n'ont  fait  tomber 
entre  ses  mains  aucune  place  importante,  et  s'il  a  tenté  des 
pointes  hardies  du  côté  de  Palerme  et  de  Castrogiovanni,  il  n'a 
pu  établir  aucun  poste  pour  inquiéter  ces  deux  villes  et  même, 
après  les  plus  brillants  faits  d'armes,  il  a  toujours  dû  reculer. 

Les  succès  remportés  en  Fouille  par  Robert  Guiscard,  en  1062 
et  1063,  lui  permirent  d'organiser  au  début  de  1064'  une  impor- 
tante expédition  dont  Palerme  était  le  but.  Les  deux  frères  réu- 
nirent leurs  troupes  à  Cosenza,  ils  soumirent  d'abord  Castro- 
regio^  ;  dans  les  environs  de  cette  ville,  passant  ensuite  en 
Sicile  ils  allèrent  mettre  le  siège  devant  Palerme.  Le  siège  de  la 
ville  dura  trois  mois  ;  au  bout  de  ce  temps,  l'armée  assiégeante 
dut  lever  son  camp.  L'armée  revint  par  l'intérieur  de  l'île, 
elle  prit  Bugamo  et  tenta  sans  succès  une  attaque  sur  Girgenti. 
L'insurrection  qui  venait  d'éclater  en  Pouille  rappela  Guiscard, 
qui  revint  en  Galabre,  au  début  de  1063.  Après  avoir  détruit 
Policastro,  le  duc  de  Pouille  établit,  à  Nicotera,  les  habitants  qui 
s'étaient  révoltés  ;  il  leur  adjoignit  les  prisonniers  faits  en 
Sicile,  notamment  à  Bugamo.  Le  séjour  de  Guiscard  dans  cette 
région  se  prolongea,  car  la  révolte  d'Ajello  le  retint  encore  quelque 
temps -^ 

Pendant  les  années  suivantes,  la  guerre  de  Sicile  fut  dirigée 
par  Roger  seul.  Celui-ci  se  retrouvant  alors,  comme  de  1061 
à  1064,  sans  avoir  les  troupes  suffisantes  pour  lutter  avec  avan- 
tage, les  Normands  ne  firent  presque  aucun  progrès. 

Durant  cette  période  le  principal  chef  musulman  fut  Aioub, 
fils  du  khalife  Temim,  et  il  semble  que  ce  soit  à  lui  qu'il  faille 
attribuer  l'arrêt  de  la  conquête  normande.  Nous  avons  vu 
qu' Aioub  avait  été  envoyé  par  son  père  vers  1063^.  Bien  reçu 
par  Ibn  alHawas,  il  ne  tarda  pas  à  devenir  suspect  à  ce  dernier, 
qui  voulut  l'expulser  de  Girgenti.  Les  deux  chefs  musulmans  en 


1.  Malaterra,  II,  36. 

2.  Malaterra,  II,  37.  A  mon  avis,  Malaterra  indique  le  siège  de  Castrore- 
gio,  circond.  de  Gastrovillari,  prov.  de  Cosenza,  comme  étant  antérieur 
à  l'expédition  de  Sicile. 

3.  Cf.  supra,  p.  182. 

4.  Ibn  el-Athir,  B.A.S.,  t.  I,  p.  448.  Ibn  Khaldoun,  B.A.S.,  t.  II,  p.  202. 


\ 


V 


LA    CONQUÊTE    DE    LA    SICILE  20^ 

vinrent  bientôt  à  une  lutte  ouverte  durant  laquelle  Ibn  al  Hawas 
fut  tué  ;  Aioub  lui  succéda  aussitôt  et  fut  reconnu  à  Girgenti, 
Gastrog^iovanni  etPalerme.  A  ce  moment,  c'est  le  parti  musulman 
africain  qui,  en  Sicile,  l'emporte  partout  sur  le  parti  sicilien. 
Nous  ne  savons  pas  la  date  exacte  de  ce  changement,  mais  il 
semble  qu'il    convient    de  le  placer  un  peu  avant  1068  '. 

Pendant  les  années  1065-1067,  nous  ne  connaissons  aucune 
rencontre  importante  entre  Normands  et  Musulmans.  Malaterra 
indique  seulement  qu'en  1066  Roger  fortifia  Petralia  pour  en 
faire  son  centre  d'opérations  ■^.  On  voit  par  là  que  la  région  de 
Troina  devait  à  cette  date  être  soumise,  puisque  Roger  se  portait 
vers  l'ouest  du  côté  de  Palerme.  En  1068,  peu  après  la  révolu- 
tion qui  avait  porté  Aioub  au  pouvoir,  Roger  remporta  une 
victoire  importante  sur  celui-ci  à  Misilmeri,  tout  près  de 
Palerme  •^.  La  conséquence  de  ce  succès  fut  la  chute  du 
parti  d'Aioub;  ce  dernier  repassa  en  Afrique  peu  après  ^  ;  son 
départ  entraîna  la  complète  désorganisation  du  parti  musulman 
et  Roger  put  aller  aider  son  frère  au  siège  de  Bari.  11  ne  semble 
pas  qu'il  y  ait  eu  d'opérations  importantes  pendant  son  absence, 
qui  dura   jusqu'à  la  prise  de  Bari,  en  1071. 

A  peine  cette  ville  fut-elle  tombée  au  pouvoir  des  Normands 
que  Guiscard  et  Roger  tournèrent  à  nouveau  leurs  armes  vers 
la  Sicile.  Roger  revint  dans  l'île  pour  y  organiser  ses  troupes  ; 
pendant  ce  temps  Guiscard,  à  Otrante,  faisait  de  grands  prépa- 
ratifs, qui  l'occupèrent  durant  les  mois  de  juin  et  de  juillet.  Le 
duc  de  Pouille  s'était  rendu  compte  que  son  échec  de  1064  devant 
Palerme  était  dû  en  grande  partie  au  manque  de  vaisseaux  ;  la 
ville,  bloquée  par  terre,  avait  pu  continuer  à  recevoir  par  mer  tous 
les  approvisionnements  dont  elle  avait  besoin.  Aussi  Guiscard 
s'occupa-t-il  de  réunir  une  flotte.  Il  put  arriver  à  avoir  cinquante- 
huit   vaisseaux  qu'il  fit    monter    par    des   marins  de   Bari,    des 


1.  Malaterra,  II,  41,  Roger  dit  avant  la  bataille  de  Miselmeri:  Si  ducein 
mufaveriini,  en  parlant  des  Musulmans  ;  il  fait  évidemment  allusion  à  ce 
changement.  Cf.  Amari,  op.  cit.,  t.   III,  p.  111,  note  1. 

2.  Malaterra,  II,  38. 
.S.  Malaterra,  II,  41. 

4.  Ibn  el-Athir.,  loc.  cit.,  p.  449,  avant  le  19  octobre  1069. 


206  CHAPITRE   VIII 

Calabrais,  et  des  Grecs  prisonniers.  DOtrante  la  flotte  gag-na 
Reggio.  Robert  se  dirigea  par  terre  vers  la  même  ville,  il  reçut 
en  passant  la  soumission  de  la  ville  de  Squillace  dont  les 
habitants  avaient  tué  le  stratège  établi  par  lui  et  étaient  en 
rébellion  depuis  près  de  dix  ans  ^ . 

Au  mois  de  juillet,  la  flotte  quitta  Reggio  et  se  dirigea  vers 
Catane.  Les  Normands  avaient  toujours  été  en  paix  avec  les 
Musulmans  de  Catane,  et  peut-être  les  successeurs  d'Ibn  at 
Timnah  étaient-ils  restés  leurs  alliés.  Il  semble  que  Roger  et 
Robert  aient  agi  avec  beaucoup  de  mauvaise  foi  envers  les  gens 
de  Catane.  Roger  vint  les  trouver  et  leur  dit  que  son  frère  se  diri- 
geait contre  Malte.  La  flotte  ayant  pu  ainsi  pénétrer  sans  difficulté 
dans  le  port,  les  Normands  s'emparèrent  de  la  ville  par  trahison. 
Roger  y  établit  une  garnison.  De  Catane  l'armée  se  dirigea 
sur  Palerme  -. 

Cette  ville  '  était  alors  la  plus  importante  de  la  Sicile.  Elle  com- 
prenait cinq  quartiers  distincts.  Le  premier  auquel  était  réservé 
spécialement  le  nom  de  Palerme  était  dit  Al  Quasr  '•.  C'était 
plus  particulièrement  le  quartier  des  marchands,  il  renfermait  la 
grande  mosquée  ''.  Le  Quasr  avait  une  enceinte  fortifiée  très  impor- 
tante dans  laquelle  s'ouvrait  neuf  portes.  Ce  quartier  s'étendait 
depuis  le  palais  royal  actuel  jusquun  peu  après  la  Piazza  degli 
Quattro  Canti.  Il  ne  s'étendait  pas  tout  à  fait  sur  la  droite  jus- 
qu'à la  Via  di  Porta  di  Castro  et  sur  la  gauche  dépassait  un  peu 
la  Via  del  Celso;  à  la  hauteur  de  la  Via  Matteo  Bonello  la 
muraille  s'infléchissait  et  rejoignait  celle  du  sud  à  la  hauteur  du 
Corso  Alberto  Amedeo  '\  Le  second  quartier,  Al  Halisah,  renfer- 


i.  Malateria,  II  43-44.   Aimé,  VI,  14.  G.  Ap.  III,  183. 

2.  Malaterra,  II,  45. 

3.  La  topographie  de  Delarc,  op.  cit.,  p.  464  est  fantaisiste  pour  tout  ce 
qui  regarde  les  identifications  avec  la  ville  actuelle,  par  exemple,  il  place 
le  palais  royal  actuel  dans  la  Khalesa. 

4.  Cf.  Ibn  Hauqual,  B.A.S.,  t.  I,  p.  10  et  suiv. 

b.  Cf.  di  Giovanni  [Y j,Sul  porto  antico  e  su  H  mura  le  piazze  e  i  bagni  di 
Palermo  dal  secolo  X  al  secolo  A'V 'Palermo,  1884)  avec  plan  de  la  ville  du 
X*  au  xv^  siècle).  Cf.  Schubring,  Histor.  topographie  von  Panormus. 
(Lubeck,  1870)  avec  une  carte  médiocre. 

6.  Cf  le  plan  dressé  par  di  Giovanni,  loc.  cit. 


/ 


SIÈGE    DE    PALERME  207 

mait  le  palais,  les  bureaux  de  radministration,  il  occupait  à  peu 
près  l'espace  compris  entre  la  Porta  Felice  et  la  Porta  dei  Greci 
l'église  San-Francisco  et  la  Piazza  Mag-ione  '.  Cette  partie  était 
fortifiée,  mais  moins  bien  que  la  précédente.  Le  quartier,  compris 
entre  le  Quasr  d'une  part  et  une  ligne  partant  du  Corso  Alberto 
Amedeo  pour  aboutir  à  la  Piazza  del  Castello  en  passant  par 
l'Ospedale  di  Concezione,  le  théâtre  Vittorio  Emmanuele  et  la 
via  Cuvour,  s'appelait  Harat  as  Sagalibah.  Entre  le  Quasr  et 
l'Halisah  étaient  les  deux  quartiers;  Harat  alMasgid  et  Harat  al 
Gadilah.  Ces  trois  derniers  quartiers  n'étaient  point  fortifiés. 
L'entrée  du  port  était  défendue  par  des  tours  et  fermée  par  des 
chaînes.  Tout  autour  de  la  ville  s'étendaient  d'immenses  jardins. 
La  population  devait  être  considérable.  Ibn  Hawkal  nous  dit  que 
la  ville  avait  trois  cents  mosquées  et  que  la  seule  corporation  des 
bouchers  comprenait  sept  mille  membres. 

Guiscard  pour  éviter  d  être  attaqué  par  les  Musulmans  de 
Girgenti  chargea  son  neveu  Sarlon  de  continuer  la  guerre  dans  la 
la  région  de  Gerami  et  Castrogiovanni  -.  L'armée  et  la  flotte  des 
Normands  durent  arriverdevant  Palerme  au  mois  d'août  ;  elles  éta- 
blirent le  blocus  tout  autour  de  la  place,  sauf  du  côté  ouest.  Nous 
savons  par  Malaterra  que  les  Normands  s'installèrent  dans  les 
jardins  qui  entouraient  la  ville. 

Les  assiégés  réussirent  à  faire  connaître  leur  situation  à  leurs 
coreligionnaires  d'Afrique  et  une  flotte  de  secours  fut  envoyée  ; 
celle-ci,  après  un  combat  avec  les  vaisseaux  normands  réussit,  à 
pénétrer  dans  le  port,  non  sans  avoir  subi  des  pertes  importantes. 
Pendant  le  siège,  qui  remplit  tous  les  derniers  mois  de  l'année 
1071  ^,  Guiscard  (it  contruire  d'énormes  machines  de  guerre. 
Durant  tout  ce  temps  des  escarmouches  incessantes  eurent  lieu 
entre  chrétiens  et  Musulmans  sans  qu'aucun  des  deux  partis  pût 
prendre  un  avantage  décisif.  La  prolongation  du  siège  amena 
une  épouvantable  famine,  qui  causa  de  grandes  souffrances  non 


1.  Cf.  di  Giovanni.  Sopr/t  tre  porte  di  Palernio  et  sa  confiai    délia   Ilali- 
sah  e  del  Muaskai  (Palernio,   1883),  p.  38  et  suiv. 

2.  Malaterra,  II,  46. 

3.  G.  Ap.  III,  225  et  suiv. 

4.  Cf.  Aimé,  VI,  16,  17,  18.  Malaterra,  II,  45. 


208  CHAPITRE  VIIl 

seulement  aux  assiégés  mais  aussi  aux  assiégeants  dont  le  ravi- 
taillement s'effectuait  mal.  Guiscard,  pour  hâter  le  dénouement, 
fit  demander  des  secours  en  Italie  mais  quand  ses  vassaux 
apprirent  les  difficultés  qu'il  avait  à  surmonter,  ils  en  profitèrent 
pour  se  révolter  à  nouveau  '.  Malgré  ce  contre-temps,  Guiscard 
continua  à  assiéger  la  place,  et  au  début  de  janvier  1072,  il  se 
résolut  à  donner  l'assaut.  Le  7  janvier,  Roger  avec  une  grande 
partie  des  forces  normandes  attaqua  la  vieille  ville  et  attira  de 
ce  côté  l'attention  des  Musulmans.  Pendant  ce  temps,  Guiscard 
avec  trois  cents  hommes  attaqua  le  quartier  d'Al  Halisah,  qui 
était  dégarni  de  troupes,  et  réussit  à  s'en  emparer.  La  moitié  de 
la  ville  se  trouva  du  coup  aux  mains  des  Normands.  Les  Musul- 
mans se  divisèrent  sur  le  parti  à  prendre,  les  uns  voulaient  conti- 
nuer la  lutte,  les  autres  proposaient  de  traiter.  Ce  fut  ce  dernier 
parti  qui  l'emporta.  Le  8  janvier  deux  chefs  musulmans  et  un 
certain  nombre  des  principaux  habitants  de  la  ville  vinrent 
trouver  Guiscard  pour  lui  offrir  de  capituler  moyennant  certaines 
conditions.  Nous  connaissons  mal  celles  qui  leur  furent  accordées. 
11  semble  toutefois  que  Guiscard  se  soit  montré  très  accommodant, 
car  il  avait  hâte  de  pouvoir  retourner  en  Fouille  et  ne  voulait  pas 
entreprendre  un  second  siège  pour  s'emparer  de  la  vieille  ville. 
On  peut  admettre  que  Guiscard  traita  Palerme  comme  il  avait 
traité  d'autres  villes,  entre  autres  Troia  et  Bari.  Non  seulement 
les  Musulmans  eurent  la  vie  sauve  mais  ils  gardèrent  le  droit  de 
pratiquer  leur  cidte.  Guiscard  s'engagea  à  leur  laisser  leurs  lois 
et  par  suite  leurs  juges  et  leurs  tribunaux  -,  et  tout  en  instituant 
des  fontionnaires  normands,  il  laissa  à  ceux-ci  les  titres  musul- 
mans, c'est  ainsi  qu'un  chevalier  de  sa  suite  nommé  gouverneur 
de  Palerme  prit  le  titre  d'émir  'K 

Les  négociations  occupèrent  deux  jours  et  ce  ne  fut  que    le 

1.  Aimé,  VII,  2,  Cf.  infra,  p.  223. 

2.  Cela  résulte  de  la  situation  politique  des  Musulmans  sous  les  rois  de 
Sicile  dont  nous  nous  occuperons  plus  loin.  Cf.  G.  ApuL,  111,  321  et  suiv.; 
Malalerra,  II,  iro;  Anonyinus  Valicanus,  dans  Muratori,  R.l.SS.,  t.  ^'lll, 
p.  755.  Aimé,  VI,  !9. 

3.  Obsidibus  suinptis  aliquot  castrisqiie  paratis 
Reginam  remeat  Robertus  victor  ad  urbeni, 
Nominis  eiusdem  quodam  rémanente  Panornii 

Milite,  qui  siculis  datur  aniiralus  haberi  (G.  Ap.  III,   340-344). 


PRISE    DE    PALERME  209 

10  janvier  que  Guiscard  et  Roger  firent  à  la  tête  de  leurs  troupes 
leur  entrée  dans  Palerme  et  se  rendirent  solennellement  à  l'an- 
cienne église  Santa-Maria,  qui  avait  été  transformée  en  mosquée 
et  fut  alors  rendue  au  culte. 

La  chute  de  Palerme  amena  la  soumission  des  Musulmans  de 
la  région  de  Mazzara  mais  ne  changea  rien  à  la  situation  dans 
les  environs  de  Castrogiovanni,  oùla  guerre  continuait  toujours; 
Sarlon,  qui  dirigeait  la  campagne  dans  cette  région,  trouva  la 
mort  dans  une  rencontre  avec  les  gens  de  Castrogiovanni. 

La  prise  de  Palerme  avait  pourtant  une  inq^ortance  particulière, 
car  elle  mettait  entre  les  mains  des  Normands  toute  la  côte  nord 
de  l'île.  A  l'ouest,  l'autorité  de  Guiscard  était  reconnue  jusqu'à 
Mazzara,  et  à  l'est,  jusqu'à  Messine.  Les  Musulmans  du  centre  se 
trouvaient  donc  enveloppés. 

Après  leur  victoire,  les  deux  frères  se  partagèrent  les  terri- 
toires conquis  ;  Guiscard  retint  pour  lui  la  suzeraineté  de  l'île, 
avec  Palerme,  la  moitié  de  Messine  et  le  Val  Demone.  Le 
reste  fut  attribué  à  Roger  '.  On  donna  à  Sarlon  et  à  Arisgot 
de  Pouzzoles  la  moitié  de  la  Sicile.  11  semble  résulter  du  récit  de 
Malaterra  que  la  part  de  Sarlon  et  d'Arisgot  de  Pouzzoles  était 
encore  à  conquérir  sur  les  Musulmans. 

On  a  voulu  que  l'armée  ait  été  consultée  au  sujet  de  ce  partage, 
cela  me  paraît  très  douteux  '-.  La  situation  des  Normands  en  Sicile 
diffère  complètement  de  celle  qu'ils  ont  eue  en  Italie.  La  conquête 
de  l'Italie  a  été  faite  par  des  chevaliers  égaux  entre  eux  et  avant  des 
droits  analogues.  Au  début,  tous  les  chefs  de  bande  étaient  sur  le 
même  pied  et  cène  fut  qu'à  la  suite  d'une  longue  série  de  guerres 
que  Guiscard  réussit  à  imposer  son  autorité  à  tous  les  autres  sei- 
gneurs. 11  n'y  était  pas  encore  arrivé  au  moment  où  nous  sommes 
parvenus.  Aussi  on  comjjrend  qu'en  Italie  les  chefs  des  principaux 
établissements  normands  aient  pu  à  certains  moments  former  une 
sorte  de  conseil,  comme  il  paraît  bien  que  cela  a  eu  lieu  à  quelques 
reprises.  La  situation  en  Sicile  n'a  pas  été  la  même.  La  guerre 
a  été  faite  par  Guiscard  et  son  frère  avec   des  soldats  recrutés  et 

1.  Aimé,  VI,  22.  Falco  Benev.,  éd.  del  Re,  p.  186. 

2.  Delarc,  op.  cit.,  p.  479. 

Histoire  de  la  domination  normande.  —  Chalandon.  1» 


210  CIIAP1TK1-:  viu 

payés  par  eux  et  auquels  ils  avaient  promis  des  terres  '.  Les 
troupes  combattant  sous  les  ordres  de  Guiscard  et  de  Roger 
n'avaient  pas,  dès  lors,  sur  les  territoires  conquis  des  droits  ana- 
logues à  ceux  que  les  premiers  Normands  avaient  eus  sur  les 
conquêtes  faites  en  commun;  par  suite  une  ratification  par 
l'armée  du  partage  entre  Guiscard  et  son  frère  ne  se  comprendrait 
plus.  Seul  Aimé  parle  de  cette  intervention  de  l'armée,  or  tous 
les  renseignements  qu'il  donne  sur  le  partage  de  la  Sicile  sont 
inexacts,  sauf  en  ce  qui  concerne  la  situation  de  Messine.  Mala- 
terra  dont  l'autorité  est  bien  plus  considérable  n'en  dit  pas  un 
mot;  il  me  paraît  très  probable  que.  si  elle  avait  eu  lieu,  il 
aurait  mentionné  cette  intervention  de  l'armée  en  faveur  de  Roger, 
auquel  ses  compagnons  rendaient  ainsi  un  éclatant  hommage. 

Remarquons  encore  que  Guiscard  en  dehors  de  la  suzeraineté 
de  l'île  ne  retint  pour  lui  que  les  places  à  la  conquête  desquelles 
il  avait  collaboré.  Tout  ce  que  Roger  a  conquis  par  lui-même  et 
tout  ce  qu'il  acquerra  de  la  même  manière  lui  est  attribué. 

Il  y  a  donc  une  dilférence  importante  entre  la  Sicile  et  l'Italie 
du  Sud  au  point  de  vue  du  mode  dont  s'est  opéré  la  conquête 
normande.  Tandis  que  ce  n'est  que  par  une  longue  suite  d'usur- 
pations que  Guiscard  est  arrivé  à  devenir  le  suzerain  des  Nor- 
mands d'Italie,  qui  étaient  en  possession  de  leurs  domaines 
avant  qu'il  y  eut  un  duc  de  Fouille,  en  Sicile,  c'est  par  le 
duc  qu'ont  été  établis  les  seigneurs  et  c'est  de  lui  qu'ils  ont 
reçu  leurs  terres.  C'est  là  ce  qui  explique  qu'en  Sicile,  aucun 
seigneur  ne  paraît  avoir  possédé  des  fiefs  aussi  considérables  que 
certains  des  Normands  d'Italie.  Guiscard  et  son  frère  ont,  semble- 
t-il,  cherché  à  éviter  de  se  donner  des  vassaux  trop  puissants. 

Un  des  premiers  soins  de  Guiscard  et  de  Roger  fut  de  faire 
construire  deux  citadelles.  L'Anonyme  du  Vatican  indique  claire- 
ment que  celles-ci  furent  construites  l'une  dans  le  quartier  d'Al- 
Halisah,  l'autre  dans  le  quartier  de  Quasr  -.  Nous  connaissons 
exactement  l'emplacement  de  cette  dernière.  Elle  fut  élevée  à 
l'extrémité  du  quartier,  dans  l'espace  compris  aujourd'hui  entre  la 


1.  Malatemi,  III,  1. 

2.  Muratori,  H.I.SS.,  t.  VIII.  p.  6.'i. 


PRISE    DE    PALERME  211 

cathédrale  et  le  Palais  royal  '.  Guiscard  resta  en  Sicile,  jusqu'à 
Fautomne.  Il  se  fit  payer  une  forte  contribution  de  guerre 
par  les  habitants  de  Palerme  et  leur  demanda  des  otages. 
Laissant  ensuite  à  Roger  le  soin  de  continuer  la  conquête,  il 
gagna  l'Italie  où  le  rappelait  la  révolte  de  ses  vassaux. 

1.  Cf.  Di  Giovanni,  op.  cit.,  p.  49. 


CHAPITRE    IX 

RICHARD    DE    CAPOLE.    RÉVOLTE    DES    VASSAUX    APLLIENS 
DE    ROBERT    GLISCARD 


(1059-1073] 


Après  le  concile  de  Melfî.  Richard  de  Capoue  tenta  d'augmen- 
ter le  territoire  de  ses  Etats  ;  durant  quelques  années  toute  son 
activité  fut  tournée  vers  le  nord  et  son  action  se  fit  sentir  dans 
les  affaires  romaines,  mais  elle  ne  s'exerça  pas  toujours  suivant 
la  volonté  du  pape.  Si  au  début,  la  papauté  eut  à  se  louer  du  pacte 
conclu  avec  les  Normands,  la  bonne  entente  ne  dura  guère  et 
bientôt  le  pape  ne  trouva  d'appui,  ni  dansGuiscard  tout  occupé  de 
conquêtes  lointaines,  ni  dans  Richard,  soucieux  avant  tout  de  ses 
propres  intérêts.  Il  n'en  fut  pourtant  pas  ainsi  dès  le  début,  et  à 
la  mort  de  Nicolas  II  (27  juillet  1061),  le  parti  d'Hildebrand 
trouva  dans  le  prince  de  Capoue  un  soutien  puissant. 

En  1061,  l'aristocratie  romaine  était  devenue  favorable  à  l'em- 
pire allemand;  les  Normands  étaient  la  cause  de  ce  changement 
d'attitude.  Ils  avaient  fait  respecter  d'une  telle  façon  l'autorité 
pontificale  que  l'on  en  était  venu  à  regretter  l'autorité  impériale. 
Aussi  quand  la  nouvelle  de  la  mort  de  Nicolas  II,  survenue  à 
Florence,  fut  connue  à  Rome,  l'aristocratie  s'entendit  avec  le 
parti  hostile  aux  réformes  et  se  hâta  d'envoyer  à  Henri  IV  les 
insignes  du  patriciat  ;  en  même  temps  elle  fit  demander  à  l'im- 
pératrice Agnès,  tutrice  du  jeune  souverain,  de  désigner  le  nou- 
veau pape  '.  Hildebrand  et  son  parti  étaient  très  mal  vus  à  la 
cour  impériale  à  cause  du  décret  sur  les  élections  pontificales. 
Nicolas  II  ayant  envoyé,  comme  légat,  à  la  cour  de  Germanie,  le 

1.  Annal.  Rom.,  éd.  Duchesne,  dans  Lih.  Pont.,  t.  II,  p.  396.  Benzo, 
op.  cil.  vu,  c.  2,  éd.  dans  Watterich,  op.  cit.,  t.  I,  p.  270.  Pierre  Damien, 
Disceptatio  synodica,  éd.  dans  Watterich,  op.  cit.,  t.  I       .  250. 


RICHARD    DE    CAPOUE    ET    ALEXANDRE    II  213 

cardinal  Etienne  pour  tâcher  de  faire  approuver  son  décret,  on 
avait  refusé  d'accorder  une  audience  à  l'envoyé  du  pontife  •. 
Hildebrand  paraît  avoir  hésité  un  certain  temps  sur  ce  qu'il 
devait  faire,  puis  il  se  décida  à  obéir  au  décret  de  Nicolas  II  -. 
C'était  la  rupture  avec  l'emjîire  allemand,  aussi  Hildebrand 
avant  d'ag-ir  eut-il  le  soin  de  s'assurer  du  concours  de  Richard 
de  Capoue;  celui-ci  lui  accorda  son  appui,  qui  ne  fut  peut-être 
pas  désintéressé  •^.  Le  l'^'"  octobre,  les  cardinaux  élurent  Anselme, 
évêque  de  Lucques.  Le  nouveau  pape  ne  put  entrer  à  Rome  que 
sous  la  protection  de  Richard,  qui  après  un  premier  échec, 
réussit  à  occuper  pendant  la  nuit  Saint-Pierre-aux-liens. 
Anselme,  qui  prit  le  nom  d'Alexandre  II,  y  fut  couronné  et  les 
Normands  le  conduisirent  ensuite  au  palais  de  Latran  où  ils  l'éta- 
blirent (!'''■  octobre)'*.  Le  séjour  de  Richard  à  Rome,  se  prolongea, 
quelques  jours  ;  nous  savons  que,  le  7  octobre,  il  prêta  le  serment  de 
fidélité  à  Alexandre  II,  et  s'engag-ea  de  nouveau  à  faire  observer 
le  décret  de  Nicolas  II  sur  les  élections  pontificales  •''.  Peu  après' 
il  s'éloig-na,  laissant  le  pape  installé  et  en  possession  d'une 
partie  de  la  ville  ;  Richard  ne  prit  donc  point  part  aux  événements, 
dont  Rome  fut  le  théâtre  pendant  les  premiers  mois  de  1062. 

L'impératrice  Agnès  désigna  comme  pape  lévêque  de 
Parme,  Cadalus,  qui  prit  le  nom  d'Honorius  ^'.  Le  nouveau 
pape  envoya,  à  Rome,  l'évêque  d'Albe,  Benzo,  pour  lui  recruter 
des  partisans  et  préparer  son  entrée  \  De  ce  que  nous 
savons,  il  résulte  qu'à  ce  moment,  les  forces  des  deux  partis 
pontificaux  étaient  sensiblement  égales.  Benzo  tint  dans  le 
Circus    maximus    une    grande    assemblée,     oîi     Alexandre     II 


1.  Pierre  Damien,  Ihid.,  p.   248. 

2.  Annal.  Rom.  loc.  cit.,  Léo  Ost.  III,  19.  Benzo,  op.  cit.,  vu,  2,  dans 
Watterich,  op.  cit.,  t.  I,  pp.  270  et  272.  Annal.  Altah.,  M.G.H.SS.,  t.  XX, 
p.  814,  ad  an  1064.  Annal.  Aug.,  M.G.H.SS.,   t.  III,  p.  127. 

3.  Richard  uni...  ducit  ad  urheni  suh  mille  lihrarum  conditione. Benzo, op. 
cit.,    VII,    2,   p,  270. 

4.  Benzo,  loc.  cit.,  vu,  2,  p.  270,  ii,  2,  p.  272.  Annal.  Altah.  maj .,  ad  an. 
1060,  M.G.H.SS.,  t.  XX,  p.  810. 

5.  Deusdedit,  Collectio  canonum,  éd.  Martinucci  (Rome,  1869),  pp.  341-342. 

6.  Cf.  Meyer  von  Knonau,  op.  cit.,  t.  I,  p.  224  et  suiv. 

7.  Benzo,  op.  cit.,  ii,  1.  p.  271. 


214  CIIAPITKE   IX 

vint,  entouré  de  ses  partisans.  L'évêque  d'AIbe  prononça  contre 
le  rival  d'Honorius  II  un  très  violent  discours,  lui  reprochant 
surtout  Tappui  qu'il  avait  demandé  aux  Normands.  La  réponse 
d'Alexandre  II  fut  couverte  par  les  huées  de  la  populace,  mais 
le  pape  put  se  retirer  sans  être  attaqué  K  L'arrivée  d'Honorius  II 
vint  gâter  la  situation  sans  amener  davantage  l'intervention 
de  Richard.  Le  25  mars  1062,  Honorius  II  étaità  Sutri,  où  il  fut 
reçu  par  l'aristocratie  romaine  -,  au  bout  de  quelques  jours,  il 
se  dirigea  vers  Rome,  et  le  14  avril,  il  pénétra,  à  la  suite  d'une 
sanglante  bataille,  dans  la  cité  léonine,  mais  il  ne  put  s'emparer  de 
la  basilique  de  Saint-Pierre  défendue  par  Hildebrand  •^.  Peu  de  jours 
après,  l'annonce  de  la  prochaine  arrivée  du  duc  de  Lorraine  lui  fit 
quitter  Rome;  il  se  réfugia  à  Tusculum  '*.  A  ce  moment,  Honorius, 
par  l'intermédiaire  du  patrice  Pantaléon,  entama  avec  l'empereur 
Constantin  Doukas  des  négociations  pour  former  une  ligue  contre 
les  Normands,  et  quelques  mois  plus  tard,  des  ambassadeurs 
byzantins  vinrent  trouver  le  pape  k  Tusculum  •'.  La  venue  de  Geof- 
froi  de  Lorraine  mit  fin  pour  quelque  temps  aux  hostilités.  Profitant 
de  la  révolution  de  palais, |qui  venait  décarter  Agnès  du  pouvoir, 
Geoffroi  chercha  à  jouer  le  rôle  d'arbitre  de  la  papauté.  A  la  tète 
de  forces  considérables,  il  ordonna  aux  deux  papes  de  se  retirer 
dans  leurs  évêchés  respectifs  jusqu'à  ce  que  l'empereur  se  fut 
prononcé  au  sujet  de  leur  légitimité. 

Richard 'de  Capoue  avait  quitté  Rome,  dès  l'automne  lOGl, 
laissant  sans  doute  quelques  troupes  au  pape  ''.  Peut-être  pour 
l'éloigner,    le    parti    hostile    à  Hildebrand    avait-il   fait    diriger 


1.  Benzo,  op.  cit.,  ii,  1,  pp.  271-272. 

2.  Id.,  u,  9,  p.  274. 

3.  /(/.,  II,  10,  p.  275.  Annal.  Hom.,  p.  336. 

4.  Benzo,  op.  cit.,  ii,  13,  p.  276.  Annal.  AU.,  ad  an.  Annal.  Rom.,  p.  337. 
Cf.  Meyer  von  Knonau,  op.  cit.,  t.  I,  p.  262  et  suiv. 

5.  Benzo,  op.  cit.,  u,  12,  pp.  275  et  276.  La  lettre  quil  rapporte  est  cer- 
tainement sinon  fausse,  du  moins  arrangée,  toutefois  le  fait  des  nég-o- 
ciations  est  très  possible.  Cf.  Diimniler,  Forschuntjen,  t.  III,  p.  225;  Meyer 
von  Knonau,  op.  cit.,  t.  I,  p.  230. 

6.  II  faut  placer  l'expédition  de  Richard  contre  les  comtes  de  Sangro 
vers  la  fin  de  1061,  car  il  emmena  avec  lui  en  Campanie,  les  fils  de  Borrel,  or 
la  campagne  dura  trois  mois  (Aimé,  IV,  26,  pp.  171-172;.  et  ceux-ci  étaient 
auprès  d'Honorius  III,  en  avril,  Benzo,  op.  cit.,  p.  275. 


PRISE    DE    CAPOLE 


21  ri 


quelque  attaque  contre  ses  terres  ?  Toujours  est-il  que  Richard 
entreprit,  dans  les  derniers  mois  de  l'année  1061,  contre  les 
comtes  de  San^ro,  une  expédition,  qui  échoua  d'ailleurs  complè- 
tement. La  région  qu'il  attaquait  était  pauvre,  sans  villages  à 
piller,  et  les  châteaux  des  seigneurs,  situés  sur  des  hauteurs 
inaccessibles  rendaient  la  guerre  difficile,  Richard  se  décida  à 
faire  alliance  avec  les  comtes  de  Sangro  et  les  emmena  avec  lui 
combattre  en  Campanie  ;  il  soumit  cette  région  en  trois  mois.  L'al- 
liance de  Richard  el  des  comtes  de  Sangro  ne  dura  guère  ;  aussi- 
tôt apiès  cette  campagne  ceux-ci  passèrent  au  service  d'Hono- 
rius  II. 

Si  nous  suivons  les  données  chronologiques  d'Aimé,  ce  fut 
vers  cette  époque  que  Richard  donna  en  mariage  sa  fille  à  un  de 
ses  chevaliers,  Guillaume  de  Montreuil,  qui  reçut  le  duché  de 
Gaëte,  le  comté  des  Marses,  celui  d'Aquino  et  la  Campanie  '.  Il 
est  certain  qu'à  ce  moment  la  pkipart  de  ces  territoires  n'apparte- 
naient pas  au  prince  de  Capoue.  Au  mois  de  février  1 062,  nous  trou- 
vons un  Bérard,  comte  des  Marses',  et  Gaète  ne  sera  à  Richard 
qu'en  juin  1063  -K  II  faut  sans  doute  admettre  que  Richard  a  donné 
à  Guillaume  de  Montreuil  des  terres  à  conquérir;  depuis  son  inves- 
titure par  le  pape,  Richard  devait  se  regarder  comme  seigneur  de 
toutes  les  terres  ayant  autrefois  fait  partie  de  la  principauté  de 
Capoue.  Son  but  était  dès  lors  de  se  soumettre  tous  les  petits 
comtes  lombards  de  la  région,  pour  lesquels  il  avait  un  grand 
mépris,  et  de  leur  substituer  des  Normands.  C'est  la  raison 
qu'Aimé  donne  du  choix  qu'il  fit  de  Guillaume  de  Montreuil 
pour  gendre.  «  Et  plus  se  delictoit  de  faire  parenteze  avec 
home  que  avec  la  vane  arrogance  de  ceuz  qui  habitoient  en  la 
contrée  ^  ». 

La  conquête  de  la  Campanie  est  la  première  mesure  prise  par 
Richard  pour  faire  disparaîtr.'  les  petits  dynastes  locaux,  elle  fut 
suivie  de  peu  par  la  prise  de  Capoue.  On  sait  que,  depuis  1038, 


1.  Aimé,  IV,  27.  Cf.  Orderic  Vital,  t.  II,  p.   23. 

2.  Gattola,  Ilisl.  Cfs.,  t.  I,  pp.  2H-2't2. 

3.  Gattola,  Ace,  t.  I,  p.  163. 

4.  Aimé.  IV,  27. 


216  CHAPITRE  IX 

Gapoue  reconnaissait  Richard,  mais  que  celui-ci  n'avait  pas  la 
g^arde  de  la  ville  dont  les  portes  et  les  tours  étaient  au  pou- 
voir des  habitants.  Richard,  dans  les  premiers  mois  de  1062, 
demanda  aux  g-ens  de  la  ville  de  lui  livrer  les  fortifications  de  la 
place.  Sur  leur  refus  il  vint  mettre  le  siège  devant  Capoue  et 
relevant  les  châteaux,  qui  avaient  servi  lors  du  siège  précédent,  il 
établit  le  blocus  '.  Suivant  Aimé,  les  habitants  auraient  envoyé 
leur  archevêque  demander  des  secours  à  la  cour  de  Germanie,  mais 
celui-ci  aurait  échoué  dans  sa  mission  faute  d'arg-ent  "^.  Il  ne  me 
semble  pas  que  Ion  puisse  accepter  ce  renseignement  d'Aimé, 
carie  siège  delà  ville  n'a  pas  dû  commencer  avant  le  mois  de 
mars  1062^,  et  comme  la  ville  fut  prise  le  21  mai,  il  reste  bien 
peu  de  temps  pour  le  voyage  de  l'archevêque.  Il  me  paraît  plus 
probable  que  l'archevêque  fut  envoyé  pour  demander  des  secours 
au  duc  de  Lorraine,  qui  se  trouvait  précisément  dans  les  environs 
de  Rome,  vers  la  fin  d'avril.  Quoiqu'il  en  soit,  la  famine  obligea 
les  gens  de  Capoue  à  livrer  leur  ville,  le  21  mai  1062.  Richard 
se  borna  à  occuper  les  défenses  de  la  place  et  ne  punit  personne. 
Ce  premier  succès  fut  suivi  peu  après  de  la  prise  de  Teano  ; 
celle-ci  fut  facilitée  par  un  incendie  qui  détruisit  une  partie  des 
fortifications  de  la  ville  ^. 

Les  progrès  de  Richard  effrayèrent  les  comtes  lombards  des 
différents  petits  Etats  voisins  de  Capoue.  Le  plus  puissant 
d'entre  eux,  Adénolf,  duc  de  Gaëte,  étant  mort  le  2  février', 
sa  veuve,  Marie,  qui  exerçait  la  régence  au  nom  de  son  fils 
Atîénolf,  forma,  contre  le  prince  de  Capoue,  une  ligue  dans 
laquelle  entrèrent  les  comtes  de  Traetto  '^,  le  comte  de  Mara- 
nola  ''  et  les  comtes  de  Sujo'^.  Les  alliés  s'engageaient  à  ne  conclure 

1.  Ann.    Casin.,   ad  an.    1062. 

2.  Ibid.  Cf.  Annal.  Allah,  maj.,  dans  M. G. H. SS.,  t.  XX.,  p.  810,  où  il  est 
aussi  parlé  de  l'influence  de  rari^ent  sur  les  décisions  de  la  cour  allemande. 

3.  Richard  est  allé  attacjuer,  après  octobre  1061,  les  comtes  de  Sangro  et 
a  fait  ensuite  une  campagne  de  trois  mois  en  Campanie. 

4.  Aimé,  IV,  30.  Annal.  Casin.,  et  Ann.  Benev.,  ad  an.  1062. 

5.  Cf.  Cod.  Caiet.,  t.  II,  p.  42,  note  1. 

6.  Traetto,  circond.  de  Gaëte,  prov.  de  Caserte. 

7.  Maranola,  circond  de  Gaëte,  prov.  de  Caserte. 

8.  Suio,  circond.  de  Gaëte,  prov.  de  Caserte. 


RICHARD    DE    CAPOUE    ET    ALEXANDRE    II  217 

aucun  traité  avec  les  Normands  et  à  faire  respecter  l'intégrité  du 
territoire  de  Gaëte.  La  durée  de  l'accord,  qui  fut  signé  à  Traetto 
le  l^""  juin  ',  fut  fixé  à  un  an.  Il  semble  bien  que  cette  lig-ue  ait 
réussi  à  arrêter  le  prince  de  Capoue  car  nous  ne  connaissons 
pas  de  conquêtes  de  Richard  pendant  la  période,  qui  s'étend  de 
juin  1062  à  juin  1063.  Richard  négocia  pour  empêcher  le  renou- 
vellement du  pacte  conclu  ;  il  y  réussit  sans  doute  et  en  profita 
pour  s'emparer  de  Gaëte.  C'est  ainsi  du  moins  qu'il  me  paraît 
falloir  interpréter  les  données  que  nous  fournissent  les  actes,  car 
les  chroniques  sont  muettes  sur  ces  événements.  Nous  voyons, 
en  effet,  qu'au  mois  de  mars  de  l'année  1063  Atîénolf  est  toujours 
à  Gaëte  ~  et  que  le  28  juin  de  la  même  année  la  ville  appartient 
à  Richard  \  Il  me  semble  donc  que  l'on  doit  vraisembla]:)lement 
placer  après  le  l'^'"  juin,  date  d'échéance  de  la  ligue,  la 
prise  de  Gaëte  par  Richard.  Durant  toutes  ces  négociations,  le 
prince  de  Capoue  s'appliqua  à  rester  en  bons  termes  avec  le 
Mont-Cassin,  auquel  il  fît,  le  23  mai  1063,  une  importante  dona- 
tion \ 

Durant  l'année  1063,  Richard  prit,  sinon  en  y  intervenant  lui- 
même,  du  moins  en  y  envoyant  des  troupes,  une  part  importante 
aux  affaires  de  Rome.  A  la  suite  d'une  enquête  faite  au  nom 
d'Henri  IV  par  l'évêque  d'Halberstadt,  Burckhardt,  Alexandre 
avait  été  reconnu  comme  pape  légitime  et  ramené  à  Rome  par 
Geoffroi  de  Lorraine  ^  auquel  les  Normands  donnèrent  leur  appui. 
En  avril  1063,  Alexandre  II  tint  un  synode  au  Latran '',  mais  il 
n'arriva  pas  à  occuper  la  cité  léonine  ^.  Cependant  Cadalus, 
ayant  réussi  à  se  procurer  de  l'argent,  revint  à  Rome,  en  mai 
1063  8,  et  parvint  à  s'établir  au  château  Saint-Ange.  Les  rues 
de   Rome   furent   ensanglantées   par  les   luttes  entre  partisans 


1.  Cod.  Caiel.,  t.  II,  pp.  41-43. 

2.  Ibid.,  t.  n,  p.  48. 

3.  Gatlola,  Access.,  l.  I,  p.  165. 

4.  Aimé,  IV,  31  et  suiv.  Gattola,  Access.,  t.  I,  p.  1G3. 

5.  Cf.  Meyer  von  Knonau,  op.  cit.,  t.  I,  p.  306  et  suiv. 

6.  JafTé-L.,  4499. 

7.  Benzo,  op.  cit.,  dans  Watterich,  op.  cit.,  t.  I,  pp.  276-278. 

8.  Cf.  Meyer  von  Knonau,  op.  cit.,  t.   I,  p.  312  et  suiv. 


218  CHAPITRE  IX 

des  deux  papes.  Les  Normands  subirent  un  grave  échec  sur  le 
Cœlius,  ils  réussirent  néanmoins  à  repousser  une  attaque  con- 
tre le  Latran  et  furent  vainqueurs,  bien  qu'ils  eussent  éprouvé 
de  graves  pertes  dans  une  embuscade,  qui  leur  avait  été  tendue 
aux  Thermes  de  Constantin  K  De  nouveaux  contingents  nor- 
mands furent  envoyés  et  la  lutte  se  prolongea,  à  Rome,  sans 
qu'aucun  des  deux  partis  réussît  à  avoir  le  dessus.  Les  Nor- 
mands s'emparèrent  de  Saint-Paul  et  assiégèrent  la  porte  Appia. 

Pendant  ce  temps,  Honorius  II,  bloqué  dans  le  château  Saint- 
Ange,  envoyait  Benzo  auprès  d'Henri  IV  %  Celui-ci  décida  la  réu- 
nion d'un  concile  à  Mantoue,  pour  le  printemps  1064,  concile  qui 
prononcerait  sur  la  légitimité  des  deux  papes.  II  est  curieux  devoir 
qu'à  ce  moment  les  négociations  entre  Honorius  II  et  Constantin 
Doukas  durent  toujours  ■^.  Peut-être  même  le  parti  hostile  aux 
Normands  en  Pouille  et  en  Calabre  prit-il  part  à  ces  intrigues^. 
Au  concile  de  Mantoue,  le  31  mai  1004,  Alexandre  II  dut  se  justi- 
fier d'avoir  donné  de  l'argent  pour  se  faire  élire  pape  et  d'avoir 
conclu  avec  les  Normands  une  alliance  nuisible  à  l'empire  alle- 
mand. 11  répondit  sur  ces  deux  accusations  et  fut  reconnu  comme 
pape  légitime  ';  il  revint  alors  à  Rome  tandis  qu'Honorius  II  se 
retirait  à  Parme.  C'était  en  grande-  partie  aux  Normands 
qu'Alexandre  II  devait  son  succès  définitif,  car  c'est  grâce  à 
eux  qu'il   lui   fut   possible  de  tenir  dans  Rome. 

L'entente  de  la  papauté  avec  les  Normands  ne  dura  pas  et  les 
progrès  de  ses  alliés  effrayèrent  le  pape.  Déjà  Alexandre  II  avait 
dû  se  plaindre  des  attaques  de  quelques  comtes  normands  contre 
des  monastères  relevant  directement  de  Rome  '\  Les  progrès  de 
Richard  lui  parurent  également  dangereux  et  nous  allons  le  voir 
appuyer  les  ennemis  du  prince  de  Capoue. 


{.   Benzo,  op.  cil.,u,  17etsuiv.  p.  279. 

2.  lbid.,op.  cit.,  ii,  13,  p.   284. 

3.  Ibid.,  II,  3,  p.  282. 

4.  Ibid.,  II,  14,  p.  28o. 

5.  Meyer  von  Knonau,  op.  cit.,  t.  I,  p.  379. 

6.  Cf.  Kehr,  Papsturkunden  etc.,  dans  Xachrichten  d.  GcseUschafl  der 
Wissenschaffen  zu  Gottinrjen.  Phil.  liist.  Klasse  (1900)  Ileft  3,  p.  220.  Cf. 
pour  la  date.    Ibid.  (1898),  Heft  3,  p.  265. 


RÉVOLTK    DES    VASSAUX    DE    RICHARD    DE    CAPOUE  219 

Toute  l'histoire  de  la  principauté  de  Capoue  pendant  cette 
période  est  très  confuse.  Aimé  est  notre  seule  source,  car  Léon 
d'Ostie  n'a  guère  fait  que  le  copier.  Une  nouvelle  ligue  se  forma 
dans  laquelle  entrèrent  Adénolf,  comte  d'Aquino,  Landon,  comte 
de  Traetto  et  Marie,  duchesse  de  Gaëte.  A  eux  vint  se  joindre 
le  g-endre  de  Richard,  Guillaume  de  Montreuil  qui  voulait 
répudier  sa  femme  pour  épouser  Marie  de  Gaëte  '.  Cette  ligue, 
que  l'on  a  à  tort  confondue  avec  celle  dont  nous  avons  parlé 
plus  haut,  doit  se  placer,  à  mon  avis,  vers  la  fin  de  1064  '. 
Peut-être  fut-elle  la  conséquence  de  la  mort  d'Aténolf  de  Gaëte, 
qui  ne  paraît  plus  dans  les  actes  après  le  mois  d'octobre  1064  \ 
En  ce  cas,  on  pourrait  conjecturer  que  sa  mère  Marie  chercha 
avec  l'aide  de  Guillaume  de  Montreuil  à  rentrer  en  possession  de 
la  ville  de  Gaëte.  Il  est  certain  que  la  révolte  éclata  avant  le 
moisde  février  1065,  car,  à  cette  date,  Richard  avait  confisqué  les 
biens  d'un  certain  nombre  de  révoltés. 

Deux  actes  de  Richard  de  Capoue  complètent  la  liste,  qui  nous  est 
fournie  par  Aimé  %  des  comtes  lombards  qui  entrèrent  dans  la  ligue. 
Outre  Guillaume  de  Montreuil,  le  comte  d'x\quinoet  le  comte  de 
Traetto,  nous  connaissons  Landolf,  l'ancien  seigneur  de  Capoue, 
Pandolf  et  Landolf,  à  qui  Richard  avait  enlevé  Teano,  Landolf  et 
Jean,  comtes  de  Caiazzo  et  Pierre,  comte  du  Vulturne.  Guillaume 
de  Montreuil  répudia  sa  femme  et  alla  chercher  des  secours  en 
Pouille.  A  ce  moment,  Alexandre  II  intervint  pour  lui  interdire  de 
se  remarier"'.  Quand  la  révolte  éclata,  les  comtes  rebelles  étaient 
à  Traetto,  où  Richard  vint  les  assiéger  ^  ;  pressés  par  la  famine, 
ils  se  retirèrent  tous  dans  leurs  possessions.  Guillaume  de 
Montreuil  voyant  que  l'alFaire  tournait  mal,  s'enfuit  du  château 
de  Piedimonte  ",  où  il  s'était  réfugié,  et  gagna  Rome,  où  il  entra 


1.  Aimé,  VI,  1. 

2.  Heinemann,  op.  cit.,  p.  241.  La  présence  de  Jean  de  Maranola  du  côté 
de  Richard,  Aimé  VII,  1,  montre  que  c'est  une  nouvelle  ligue,  car  nous 
savons  qu'en  106211  était  contre  Richard,  Cod.  Caiet.,  t.  II,  pp.  41-43. 

3.  Cod.  Caiet.,  t.  II,  p.  64. 

4.  Gattola.Ac-c,  t.  I,  pp.  164  et  312. 

5.  Jaffé-L.,  4524. 

6.  Aimé,  VI,  1. 

7.  Piedimonte  d'AIife,  chef-1.  de  circond.,  prov.  de  Caserte. 


220 


CHAPITRE    IX 


au  service  d'Alexandre  K  Sa  fuite  amena  la  désag^rég^ation  de  la 
lig-ue  que  Richard  sut  très  habilement  préparer.  Il  promit  à 
Marie  de  Gaëte  de  lui  faire  épouser  son  lîls  Jourdain  ;  à  Landon, 
comte  de  Traetto,  il  promit  la  main  de  sa  fille,  Marie,  et  les 
amena  ainsi  à  se  détacher  de  leurs  alliés  -.  Seuls  les  comtes  d"A- 
quino  continuèrent  à  lutter  :  ils  s'emparèrent  même  de  Piedimonte, 
qui  étaitàleur  ancien  allié  Guillaume  deMontreuil.  Ce  dernier  ne 
tarda  pas  à  rentrer  en  grâce  auprès  de  son  beau-père  ;  mécontent, 
d'Alexandre  II,  il  se  réconcilia  avec  Richard  et  vint  l'aidera  com- 
battre les  comtes  d'x\quino,  qui  étaient  assiégés  dans  leur  capitale. 
Le  pays  avait  été  ravagé  par  Richard,  mais  les  deux  comtes  Pan- 
dolf  et  Adénolf  résistaient  toujours.  Guillaume  de  Montreuil  sut 
les  amener  à  un  accommodement  où  il  trouva  son  compte  puis- 
qu'il y  gagna  la  moitié  du  comté  d'Aquino  ^.  Richard  confisqua 
les  biens  de  tous  les  autres  conjurés  '^  Durant  toute  cette  période, 
Richard  s'appuya  sur  le  Mont-Cassin,  auquel  il  lit  plusieurs  dona- 
tions, durant  les  années  IO60  et  1066  ■'. 

La  victoire  de  Richard  fut  suivie  d'une  grande  extension  de 
sa  puissance  territoriale.  Tandis  que  son  gendre  s'étendait  du 
côté  de  Rieti  et  d'Amiterno  '%  Richard,  à  la  suite  des  divisions 
qui  s'étaient  élevées  entre  Oderisio  et  Bérard  fils  de  Borrel,  inter- 
vint dans  le  pays  des  Marses  et  y  établit  Guillaume  de  Pontchan- 
fré,  auquel   il  fit  épouser  une   cousine  des   comtes  des  Marses  ~. 

Ces  diverses  expéditions  assurèrent  définitivement  à  Richard  la 
suprématie  sur  ses  voisins.  Les  succès  qu'il  venait  de  remporter  le 
grisèrent  et  il  songea  à  un  moment  à  se  faire  élire  empereur  par 
les  Romains.  Nous  sommes  mal  renseignés  sur  ces  événements, 
nous  savons  néanmoins  qu'en    1066,    Richard,  après  avoir   pris 


1.  Aimé,  VI,  1.  Orderic  Vital,  t.  II,  pp.  56  et  87. 

2.  Aimé,  VI,  1. 

3.  Ibid.,  VI,  2-6. 

4.  Gattola,  Access.,  t.  I,  pp.  164  et  .312. 

5.  Gattola,  Hist.,  t.  I,  pp.  253,  312. 

6.  Aimé,  VI,  7.  —  Rieti,  ch.  1.  de  circond.,  prov.  de  Perugia. 

7.  Aimé,  VI,  8,  a  fait  erreur  sur  ce  personnage.  Delarc  s'est  ti'ompé 
également,  op.  cit.,  p.  523.  Cf.  Heinemann,  op.  cit.,  p.  387,  quia  suréta- 
blir son  identité. 


ALEXAiNDBE     11    Eï    GEOFFKOI    DE    LORUAINE  221 

Ceprano  >,  ravag-ea  le  pays  jusqu'à  Rome.  A  ce  moment,  le 
pape  est  si  mal  avec  lui  qu'il  a  demandé  à  Henri  IV  d'interve- 
nir '-.  Les  menaces  du  pape  n'arrêtèrent  pas  Richard,  qui  intrigua 
pour  se   faire  nommer  patrice. 

A  la  suite  des  conquêtes  du  prince  de  Capoue,  Henri  IV  décida 
de  venir  en  Italie,  mais  pour  des  motifs  incertains  il  ne  mit  pas 
son  projet  à  exécution  •^.  Alexandre  II  finit  par  trouver  un  pro- 
tecteur dans  Geoffroi  de  Lorraine,  qui  marcha  contre  Richard. 
Celui-ci  se  retira  derrière  le  Garigliano  ;  il  ne  paraît  pas  avoir 
été  très  rassuré  sur  l'issue  de  la  campagne,  car  Aimé  nous  dit 
qu'il  songeait  à  se  réfugier  en  Fouille.  Son  fils,  Jourdain,  et 
Guillaume  de  Montreuil  réussirent  à  arrêter  Geoffroi  devant 
Aquino  et  les  deux  partis  en  vinrent  à  un  accommodement 
dont  nous  ignorons  les  clauses  '*.  Dans  tous  les  cas  l'accord  régnait 
entre  Alexandre  II  et  Richard,  dans  l'été  1067.  Nous  voyons 
en  effet  le  pape  s'arrêter  à  Capoue  au  retour  du  voyage 
qu'il  fit  alors  dans  l'Italie  méridionale  •'.  Richard  n'était  pas  le  seul 
Normand  dont  le  pape  eût  à  se  plaindre,  car  dans  le  synode  tenu 
à  Melfi,  le  l"^'"  août,  Alexandre  II  excommunia  le  frère  de  Guis- 
card,  Guillaume  du  Principat  qui  avait  enlevé  certains  biens 
à  l'église  de  Salerne  ^.  Guillaume  fit  sa  soumission  pendant  le 
séjour  que  le  pape,  revenant  à  Rome,  fit  à  Salerne.  Dans  cette 
ville,  Alexandre  II  vit  se  réunir  autour  de  lui  tous  les  princes  de 
l'Italie  du  Sud,  Guiscard,  Gisolf,  Roger,  mais  nous  ne  savons 
rien  des  négociations  politiques  qui  eurent  lieu  alors. 

Pendant  son  voyage,   Alexandre  II  poursuivit    avec    énergie, 

1.  Léo  Ost.,  III,  23.  Richard  veut  se  faire  donner  les  insignes  du  patri- 
ciat  réservés  à  l'empereur.  Lup.  Protospat.,  ad.  an.  1066.  —  Ceprano,  cir- 
cond.  de  Frosinone,  prov.  de  Rome. 

2.  Aimé,  VI,  9.  Annal.  AUah.,  ad  an.  1067,  dans  M.G.H.SS.,  t.  XX,  p.  818. 

3.  Meyer  von  Knonau,  op.  cit.,  t.  I,  pp.  546-";.jO.  Il  semble  qu'il  faille 
attribuer  à  linaclion  de  Geoffroi  de  Lorraine,  l'échec  de  l'expédition 
projetée  par  Henri  IV.  Sur  le  rôle  de  Geoffroi,  cf.  Dupréel,  Histoire  critique 
de  Godefroi  le  Barbu  (Uccle  1904),  p.  IITJ,  qui  cherche  àconcilier  les  diverses 
opinions  qu'a  suscitées  la  conduite  de  Geoffroi. 

4.  Bonizo,  op.  cit.,  p.  599.  Léo  Ost.,  III,  22.  Aimé,  VI,  10.  Annal.  Allah., 
loc.  cit.  Ann.   Aug.,  dans  M.G.H.SS.,  t.  III,  p.   128. 

5.  Jaffé-L.,  4636. 

6.  Ibid.,et  Migne,  P.  L.,  t.  146,  col.  1333. 


222  CHAPITRE  IX 

l'œuvre  de  réforme  entreprise  par  la  papauté*.  Malheureusement 
certains  documents  accordant  à  rarchevêque  de  Trani  (1063) 
et  à  l'archevêque  d'Acerenza  (^1068)  les  droits  de  métropolitain 
sont  très  douteux  et  ne  permettent  pas  de  fixer  avec  exactitude 
les  progrès  du  rite  latin  sur  le  rite  grec  -.  Toutefois  comme  on  l'a 
remarqué  justement  \  la  JDuUe  en  faveur  de  l'ég-lise  a'Acerenza 
indique  les  limites  dans  lesquelles  l'évêque  de  cette  ville  prétend 
exercer  son  autorité.  Nous  voyons  ainsi  que  la  conquête  normande 
a  permis  à  l'Eglise  latine  de  prendre  l'offensive  contre  l'Eglise 
grecque  dans  toute  la  région  qui  s'étend  de  Melfi  à  la  Galabre. 

Richard  fut  occupé  pendant  les  années  suivantes  par  une  nou- 
velle révolte  de  son  gendre.  Il  semble  que  ce  dernier  ait  été 
appuvé  par  Alexandre  11,  car  nous  voyons  le  pape  lui  accorder 
l'investiture  des  biens  qu'il  tenait  de  son  beau-père  '*.  La  papauté 
inaugure  à  ce  moment  une  nouvelle  politique,  voyant  quelle  n'a 
pu  se  rendre  maîtresse  des  Normands,  elle  va  chercher  à  les 
opposer  les  uns  aux  autres.  Les  environs  d'Aquino  furent  le 
théâtre  des  hostilités.  La  situation  de  Richard  s'aggrava  au  point 
qu'il  dut  demander  assistance  à  Guiscard  '  ;  celui-ci  lui  envoyait 
des  troupes,  quand  la  mort  de  Guillaume  de  Montreuil  vint 
rendre  ce  secours  inutile.  Après  la  révolte  de  son  gendre, 
Richard  dut  réprimer  celle  de  son  fils  Jourdain,  auquel  il  avait 
donné  Aquino,  à  la  mort  de  Guillaume.  Richard  ayant  repris 
cette  ville  voulut  la  donner  au  Mont-Cassin  ;  ceci  ne  faisait 
point  l'atfaire  des  habitants  qui  s'insurgèrent  et  rétablirent  les 
anciens  comtes.    Peu  après,   la  ville  fut  reprise  par  Jourdain  ^''. 

Nous  ne  savons  pas  comment  se  termina  la  guerre  entre  le 
père  et  le  fils.  Durant  toute  cette  période,  Richard  continua  à 
s'appuyer  sur  le  Mont-Cassin  pour  venir  à  bout  des  différentes 
rébellions    et    l'abbé    Didier    profitant     de    la    situation    se    fit 


l.Jaffé-L.,  4615,  4640. 

2.    Pflugk-Harttung,    Acfa  inedita,  t.  II,  p.  97.  Jaffé-L.,  4ol4,  4515,  4697, 
Prologo,  op.  cit.,  p.  55.  Cod.  dipl.  Bar.,  t.  I,  p.  42. 

H.    Gay,    L'Italie  méridionale  et  l'empire  byzantin,  p.  550. 

4.  Migne,  P.  L.,  t.  146,  col.  1336. 

5.  Aimé,  VI,  H-12. 

6.  Ihid.,  VI,  24  et  suiv. 


RÉVOLTE    DES    VASSAUX    APULIENS  223 

céder  leurs  biens  par  un  cei'tain  nombre  des  comtes  lombai'ds 
menacés  par  le  prince  de  Capoue'. 

Le  1®""  octobre  1071,  la  paixrég-nait,  car  à  cette  date  nous  voyons 
la  plupart  des  princes  de  Fltalie  du  sud  réunis  au  Mont-Gassin, 
autour  d'Alexandre  II,  qui  célébrait  la  dédicace  de  la  nouvelle 
église  de  l'abbaye  ~.  Aux  côtés  du  pape,  sont  mentionnés 
les  archevêques  de  Naples,  de  Gapoue,  de  Salerne,  de  Sorrente 
et  aussi  de  ceux  de  Siponto,  de  Trani,  de  Tarente,  les  évéques 
de  Giovenazzo,  de  Bisceglie,  de  Gannes,  de  Minervino,  de  Ruvo, 
d'Otrante.  Il  semble  bien  qu'il  faille  regarder  comme  autant  de 
succès  pour  l'église  latine,  la  présence  de  prélats  dévoués  à  la 
papauté  sur  les  sièges  de  Trani,  de  Siponto,  de  Tarente,  d'Otrante, 
et  sur  la  plupart  des  sièges  apuliens.  Ges  progrès  continus  de 
l'église  latine  sont  dus  aux  victoires  des  Normands  et  récom- 
pensent la  papauté  de  l'appui  qu'elle  a  prêté  aux  conquérants. 

G'est  vers  l'automne  de  cette  année  que  Guiscard  voyant  le 
siège  de  Palerme  traîner  en  longueur,  demanda  des  renforts  en 
Italie.  Richard  décida  d'abord  d'envoyer  son  fils  avec  cent  cin- 
quante chevaliers.  Mais  Jourdain  n'avait  pas  encore  gagné 
Reggio  qu'il  fut  rappelé  par  son  père  qui  venait  de  s'entendre 
avec  les  vassaux  rebelles  de  Guiscard  •^. 

Ami,  seigneur  de  Giovenazzo,  Pierron  11,  de  Trani,  Abélard 
fils  d'Onfroi,  Robert  Areng  et  Hermann,  frère  d' Abélard, 
profitèrent  de  l'éloignement  de  Guiscard  pour  se  révolter  à  nou- 
veau'^  Ils  s'entendirent  très  probablement  avec  les  Grecs  ^  et 
sûrement  avec  Richard  de  Gapoue  et  Gisolf  de  Salerne  *^.  Ce 
dernier  ravagea  le  littoral  depuis  Salerne  jusqu'à  Reggio,  essayant 

1.  Gattola,  Ace,  t.  I,  p.  179  (1067);  Didier  avait  déjà  inauguré  cette  poli- 
tique. Ihid.,  t.  I,  pp.  167  et  169  et  Hist.,  t.  I,  p.  228.  Richard  ,fit  également 
diverses  donations  à  Tabbaye.  Gattola,  Ilist.,  t.  1,  pp.  1.j8,  312,  et  Access., 
t.  I,  pp.  166,  172. 

2.  Léo  Ost.,  III,  29,  et  Narratio  de  consecratione  et  dedicatione  ecclesise 
Cassinensis,  Migne,  P.L.,  t.  173,  col.  997.  Muratori,  R.I.SS.,  t.  V,  p.  76.  Cf. 
Gay,  op.  cit.,  pp.  550-552. 

3.  Aimé,  VII,  1  et  suiv. 

4.  Ihid.,  VII,  2. 

5.  Chart.  Cupers.,  t.  I,  p.  97  ;  GeofTroi  de  Conversano  date  ses  actes  des 
années  de  règne  d'Alexis,  Beltrani,  Documenti  longobardi  eç/reciper  la  storia 
dellltalia  méridionale  nel  medio  evo,  p.  38. 

6.  Malaterra,  111,  2. 


224  CHAPITRE   IX 

de  s'emparer  des  places  qui  appartenaient  à  son  beau-frère.  Pen- 
dant ce  temps,  Robert  Areng^  et  Abélard  attaquaient  les  posses- 
sions du  duc  en  Calabre,  tandis  qu'Ami  et  Hermann  ravageaient 
ses  possessions  de  Fouille  et  que  Richard  s'emparait  de  Cannes  '. 
Guiscard  ne  paraît  pas  avoir  pu  quitter  la  Sicile  avant  l'automne 
1072  2. 

Robert,  par  Rossano  '■^^  gagna  Melfi  où  il  convoqua  ses 
vassaux.  Les  rebelles  n'y  parurent  pas,  et  Pierron  II  notamment 
s'abstint  d'y  venir.  Suivant  Guillaume  de  Pouille,  le  motif  qui 
aurait  jeté  ce  dernier  dans  la  révolte,  était  la  prétention  émise 
par  Guiscard  de  se  faire  livrer  Tarente,  que  le  comte  de  Trani 
tenait  comme  tuteur  de  son  neveu  Richard,  fils  de  Geoffroi. 
Pierron  s'enferma  à  Andria,  et  envoya  une  garnison  à  Trani. 
Guiscard  vint  mettre  le  siège  devant  cette  ville,  en  janvier  1073, 
et  s'en  empara  le  2  février.  Il  alla  ensuite  assiéger  Corato  ^. 
Tandis  que  Guiscard  était  devant  cette  place,  Pierron  et  Hermann 
étaient  revenus  à  Trani,  espérant  reprendre  la  ville  en  l'absence 
du  duc,  mais  ils  furent  surpris  et  faits  prisonniers  par  Gui,  beau- 
frère  de  Guiscard  et  enfermés,  l'un  à  Trani,  l'autre  à  Rapolla  ^^. 
Corato  se  donna  peu  après  à  Guiscard  et  son  exemple  fut  suivi 
par  Giovenazzo  et  Bisceglie  ''.  Ces  premiers  succès  eurent  pour 
conséquence  d'amener  le  prince  de  Salerne  à  traiter  avec  Robert, 
et  Richard  de  Capoue  à  abandonner  Cannes  en  y  laissant  garnison. 
Guiscard,  par  la  prise  d'Andria  '  et  celle  de  Cisternino  ^,  termina 
la  révolte  de  la  Pouille,  et,  se  tournant  alors  contre  Richard 
de  Capoue,  vint  mettre  le  siège  devant  Lacedonia  ^,  qui  était 
défendue  par  Jourdain.  Un  neveu  du  prince  de  Capoue,  qui  était 


1.  Aimé,  VII,  2,  17,  et  VIII,  7,  appelle  aussi  Areng-,  Roger  et  Guillaume. 

2.  Guiscard  vient  directement  à  Melfi,  de  là  il  va  à  Trani,  enjanvier  1073. 
Anon.  Bar.,  ad  an.  Chr.  brève  norm.,  ad  an. 

3.  Malaterra,  III,  4. 

4.  Corato,  circond.  de  Barletta,  prov.  de  Bari. 

5.  Rapolla,  circond.  de  Melfi,  prov.  de  Potenza. 

6.  G.  Ap.,  III,  348  et  suiv.  ;  Anon.  Bar.,  ad  an.  Lup.,  Protospat., 
ad  an.  1073.  Aimé,  VII,  2  et  suiv.  —  Bisceglie,  circond.  de  Barletta,  prov. 
de  Bari. 

7.  Andria,  circond.  de   Barletta,  prov.  de  Bari. 

8.  Cisternino,  circond.   et  prov.  de  Bari. 

9.  Lacedonia,  circond.  de  S.  Angelo  de  'Lombardi,  prov.  d'Avellino. 


MALADIE    DE    GUISCARD  225 

seigneur  de  la  ville  tomba  entre  les  mains  du  duc  et  consentit  à 
le  reconnaître  comme  seig'neur  et  à  tenir  sa  terre  de  lui.  Guis- 
card  alla  alors  mettre  le  siège  devant  Cannes  ',  qui  se  rendit 
presque  de  suite.  Toute  cette  campagne  de  Guiscard  avait  été 
conduite  très  rapidement  puisque,  commencée  en  janvier,  elle 
était  terminée  en  avril'-.  Le  duc,  par  suite  des  fatigues  en- 
durées, tomba  malade,  peu  après  la  prise  de  Cannes,  alors 
qu'il  était  à  Trani.  On  le  transporta  mourant  à  Bari,  au  mo- 
ment même  où  la  mort  d'Alexandre  II  rendait  son  inter- 
vention le  plus  nécessaire.  L'état  de  Robert  empira  bientôt  à 
tel  point  que  sa  femme  Sikelgaite  assembla  les  chevaliers  nor- 
mands et  fît  reconnaître  son  fils  Roger  comme  successeur  de 
Guiscard.  Cette  reconnaissance  se  fit  sans  difficulté  ;  seul  Abé- 
lard  refusa  de  reconnaître  son  cousin. 

1.  Canosa  di  Pug-lia,  circond.  de  Barletta,  prov.  de  Bari. 

2.  Aimé,    VII,  2   et   suiv.     La   nouvelle  de  sa    mort  parvint  à  Rome  au 
moment  de  la  mort  d'Alexandre  II,  en  avril. 


Histoire  de  la  domination  normande.  —  Ghalaxdox.  15 


CHAPITRE  X 

KOIÎERT    GLISCARD    HT    (JRÉGOIKE    VU 
(l()73-1080j. 


A  peine  Alexandre  II  était-il  mort  ('2\  avrili073)  que  le  peuple 
de  Rome,  par  acclamation,  lui  choisit  Hildebrand  pour  successeur. 
L'arrivée  au  pouvoir  de  Grég-oire  Vil  ne  modifia  en  rien  la  politique 
pontificale  qu'il  dirigeait  en  fait  depuis  de  longues  années. 
Alexandre  II,  en  cherchant  à  opposer  Guillaume  de  Montreuil  à 
Richard  de  Capoue,  avait  inauguré  une  politique  de  bascule  que 
Grégoire  VII  devait  continuer  d'autant  plus  que  la  papauté  était 
impuissante  à  arrêter  les  progrès  des  Normands  dans  la  région 
des  Abruzzes  et  à  les  empêcher  d'occuper  des  territoires  qu  elle 
regardait  avec  plus  ou  moins  de  justice  comme  lui  apjDartenant. 
Dès  1061  ,Geofrroi,  frère  de  Guiscard,  avait  commencé  à  attaquer 
le  territoire  de  Chieti',  et  son  fds  Robert  de  Loritello  s'était  avancé 
jusqu'à  Ortona  dans  la  province  de  Teramo  '.  La  situation  politique 
de  la  région  favorisa  la  conquête;  en  théorie  ce  pays  relevait  de 
l'empire,  mais  il  semble  qu'à  ce  moment  Geoffroi  de  Lorraine  s'en 
était  emparé  -K  Les  progrès  des  Normands  furent  rapides;  nous 
savons  qu'en  1064  les  vassaux  du  monastère  de  Saint-Clément  de 
Casauria  profitèrent  de  la  fréquence  des  incursions  des  Nor- 
mands pour  se  révolter  contre  les  moines  '♦.  Les  détails  de  ces 
faits  nous  sont  très  mal  connus  ;  la  tradition  monastique  de  la 
région  nous  a  seulement  conservé  le  souvenir  des  violences  du 
normand  Hugues  Maumouzet   et   des    difficultés  qu'il    eut    avec 


i.  Mala terra,  I,  33. 

■2.  Aimé,  VII,  31. 

3.  Palma,  op.  cit.,  t.  I,  p.   124. 

i.  Chron.  Castaur.,  4  Muratori,  R.I.SS.,  t.  II,  2,  p.  863. 


ROBERT    GUISCAKD    ET    GRÉGOIRE    VII  227 

Transmond,  abbé  de  Casauria'.  Le  neveu  de  Guiscard,  Robert  de 
Loritello  prit  une  part  active  aux  expéditions  dirigées  par  les 
Normands  dans  les  Abruzzes.  Nous  verrons  que  la  conquête  de  ce 
pays  deviendra  l'un  des  principaux  griefs  de  Grégoire  VII  contre 
le  duc  de  Fouille.  Peut-être  les  Normands  furent-ils  aidés  par 
labbé  du  Mont-Cassin  dont  Tabbaye  avait  de  vastes  possessions 
dans  cette  région,  nous  voyons,  en  effet,  Didier  s'appuyer  sur 
Robert  de  Loritello  et  Pierron,  comte  de  Lésina,  pour  rétablir 
l'ordre  au  monastère  de  Santa  Maria  de  Tremiti  -.  Peut-être, 
Didier  préférait-il  voir  les  Normands  remplacer  les  petits  sei- 
gneurs locaux.  Dès  les  premiers  jours  de  son  règne,  Grégoire 
Vil  s'éleva  contre  ces  empiétements. 

Au  moment  où  il  monta  sur  le  trône  pontifical,  Grégoire  Vil 
devait  être  assez  mal  disposé  contre  les  Normands  dont  l'alliance 
n'avait  pas  procuré  à  la  papauté  tous  les  avantages  espérés.  Toute- 
fois, depuis  l'expédition  de  Geoffroi  de  Lorraine  un  modus  vivendi 
avait  fini  par  s'établir  avec  Richard  de  Gapoue  ;  il  n'en  était  pas 
de  même  avec  Robert  Guiscard,  qui  n'avait  à  aucun  moment  aidé 
la  papauté  et  auquel  le  pape  attribuait  une  part  de  responsabilité 
dans  les  attaques  continuelles  de  Robert  de  Loritello  contre  des 
terres  regardées  comme  dépendant  de  Rome.  Or,  précisément  au 
moment  de  lélection  de  Grégoire  Vil,  le  bruit  se  répandit  à  Rome, 
que  Guiscard  venait  de  mourir  à  Bari.  et  que  des  dissensions  s'étaient 
produites  entre  les  Normands  au  sujet  du  choix  de  son  succes- 
seur-^. Grégoire  VII  tint  aussitôt  à  être  renseigné  sur  l'état  poli- 
tique de  l'Italie  du  Sud  et,  dès  le  surlendemain  de  son  élection,  il 
écrivit  à  l'abbé  du  Mont-Cassin  de  se  rendre  auprès  de  lui^.  Le 
même  jour,  il  écrivit  à  Gisolf,  prince  de  Salerne,  de  venir  à 
Rome  au  plus  vite  -^  Enfin  une  troisième  lettre,  qui  ne  nous  a  pas 
été  conservée  dans  le  registre  du  pape,  mais  dont  Aimé  nous  a 


1.  Chron.  monasterii  S.  Bartholomei  de  Carpineto,  Ughelli,  t.  X,  p.  3.j9,  et 
Chr.  Casaur.,  loc.  cit. 

2.  Léo  Ost.,  III,  2.">,  dans  M.G.II.SS.,  t.  VII,  p.  715. 

3.  Aimé,  VII,  7. 

4.  Monumenta  Gregoriana,  dans  Jaffé,  Bihl.  rerum  germanic,  t.  I,  R.  I. 
p.  10. 

5.  Ibid.,  R.I,  2,  p.  11. 


228  CHAPITRE  X 

transmis  la  substance,  était  adressée  à  Sykelgaite  >,  Le  pape  déplo- 
rant la  mort  de  Guiscard  offrait  à  sa  femme  d'investir  son  fils, 
Roger,  de  la  succession  paternelle.  Ce  fut  Guiscard  lui-même  qui 
répondit  au  pape  en  le  remerciant  des  condoléances  exprimées  à 
l'occasion  de  sa  mort  et  en  lui  promettant  de  le  servir  fidèle- 
ment s  On  peut  admettre  qu'Aimé,  qui  nous  a  donné  ces  détails, 
nous  a  transmis  assez  exactement  la  teneur  de  la  lettre  de  Robert, 
car  il  est  évident  que  Guiscard  dut  chercher  à  se  faire  octroyer 
par  le  nouveau  pape  l'investiture  de  ses  Etats. 

Pour  arriver  à  une  entente,  Grégoire  Vil  se  décida  à  avoir  une 
entrevue  avec  le  duc  de  Fouille  et  chargea  l'abbé  Didier  des 
négociations.  Guiscard  accepta  l'entrevue  et  Ton  choisit  comme 
lieu  de  rencontre  San  Germano,  sur  le  territoire  du  Mont-Cas- 
sin\  Il  semble  pourtant  que  Robert  nait  eu  qu'une  médiocre 
confiance  dans  les  dispositions  du  pape  à  son  égard,  car  nous  le 
voyons  alors  rassembler  à  Rapolla  des  troupes  nombreuses.  Que 
le  duc  ait  fait  ces  préparatifs  pour  faire  étalage  de  sa  puissance 
devant  le  pape,  on  peut  l'admettre,  mais  les  craintes  que,  lors  de 
l'entrevue,  nous  lui  verrons  témoigner  pour  sa  sécurité  permettent 
de  supposer  que  la  préoccupation  de  sa  sûreté  personnelle  entra 
pour  beaucoup    dans   les  mesures  qu'il  prit. 

Sur  ces  entrefaites,  les  premières  dispositions  prises  furent 
modifiées  et  le  pape,  ayant  choisi  Bénévent  pour  lieu  de  la  ren- 
contre, se  rendit  dans  cette  ville,  le  2  août  '*.  Guiscard,  à  la  tête  de 
son  armée  et  accompagné  de  l'abbé  du  Mont-Cassin,  vint  camper 
en  dehors  de  Bénévent.  Les  négociations  s  ouvrirent  aussitôt 
entre  la  cour  pontificale,  installée  à  l'abri  des  murailles,  et  le  duc 
de  Fouille.  Didier  servait  d  intermédiaire,  semble-t-il,  entre  le 
pape  et  le  duc.  Suivant  Aimé,  dès  le  début  des  négociations  un 
désaccord  se  produisit  entre  Guiscard  et  Grégoire  VII.  Le  pape 
ayant  invité  Robert  à  venir  le  voir  à  l'intérieur  de  la  cité, 
celui-ci  qui  craignait,  au  dire  d'Aimé,  un  guet-apens  de  la  part 

1.  Aimé,  VII,  8. 
?..  Ibid. 

3.  Ibid.,  VII,  9. 

4.  Ibid.,   Pierre  Diacre,  Chr.,  III,  3G.  Chr.  S.  Ben.,   M. G. H.  SS.,  t.  III, 
p.  203. 


ROIiERT    fiUlSCARD    El"    GRÉriOIRE    VII  229 

des  gens  de  la  ville,  demanda  à  Grég-oire  de  lui  accorder  un  sauf- 
conduit.  Cette  marque  de  défiance  aurait  suffi  à  amener  la  rupture 
des  négociations  et  «  encontinent,  dit  le  chroniqueur  du  Mont- 
Cassin,  discorde  fu  entre  eaux  et  maie  volenté  et  grant  ire  ». 

Les  raisons  données  par  Aimé  ont-elles  été  la  seule  cause  du 
différend  qui  s'éleva  entre  Guiscard  et  Grégoire  VII  ?  Il  est 
permis  d'en  douter.  On  a  vu  plus  haut  les  progrès  des  Nor- 
mands dans  la  région  des  Abruzzes,  que  Grégoire  VII  regardait 
comme  lui  appartenant.  Les  mesures  prises  par  le  pape,  préci- 
sément dans  le  courant  de  cette  même  année  1073,  pour  la  défense 
des  territoires  envahis  par  les  Normands,  l'acharnement  avec 
lequel  il  tentera  plus  tard  d'arrêter  les  progrès  des  nouveaux 
occupants,  permettent  de  croire  que  Grégoire  VII  voulut  exiger 
de  Guiscard  la  promesse  d'arrêter  les  empiétements  de  ses  com- 
patriotes dans  cette  région.  Il  dut  se  heurter  à  un  refus  et  c'est 
là,  sans  doute,  qu'il  convient  de  chercher  la  véritable  cause  de  la 
rupture  des  négociations. 

Grégoire  VII  inaugura  donc  son  pontificat  par  une  rupture 
complète  avec  Guiscard  ;  tous  deux  avaient  une  volonté  de  fer,  ni 
l'un  ni  l'autre  ne  voulut  consentir  à  un  accommodement  que  chacun 
regardait  comme  nuisible  à  ses  intérêts.  Grégoire  VII  montra 
d  ailleurs  aussitôt  de  quelle  façon  il  entendait  lutter  et  sur  quels 
hommes  énergiques  il  voulait  s'appuyer.  Deux  ans  auparavant,  lors 
de  la  dédicace  du  Mont-Cassin,  Hildebrand  avait  assisté  à  la  con- 
damnation d'un  moine  Transmond  qui,  étant  abbé  de  Santa 
Maria  de  Tremiti,  avait  fait  arracher  la  langue  et  crever  les 
yeux  à  quelques  moines  révoltés  '.  Léond'Ostie,  qui  nous  raconte 
ces  faits,  ajoute  que  seul  Hildebrand  avait  approuvé  Transmond  et 
avait  trouvé  qu'il  avait  bien  agi  en  punissant  aussi  sévèrement  les 
coupables.  Or  après  sa  rupture  avec  Guiscard,  Grégoire  choisit 
précisément  Transmond  comme  abbé  de  Saint-Clément  de  Casau- 
ria  et  évêque  de  Valva  -.  Il  le  plaçait  ainsi  au  cœur  même  du 
pays  qu'il  voulait  défendre  contre  les  Normands. 

Par  une   conséquence  naturelle,  sa  rupture  avec  Robert  Guis- 


1.  Léo  Ost.,  IIÏ,  25,  dans  M.G.H.SS.,  t.  VII,  p.  715. 

2.  R.I,  86,  p.  108. 


230  CHAPITRE  X 

card  amena  le  pape  à  se  rapprocher  de  Richard  de  Capoue.  La 
politique  pontificale  tendit  alors  à  réunir  Richard  et  Gisolf 
de  Salerne,  afin  de  les  opposer  à  Guiscard. 

Grégoire  VII  resta  à  Bénévent  jusqu'après  le  12  août;  à 
cette  date,  il  reçut  le  serment  de  lidélité  de  l'ancien  prince 
de  Bénévent,  Landolf,  auquel  il  confia  le  gouvernement  de  la 
ville  en  qualité  de  procureur  du  Saint-Siège  ^  De  Bénévent  le 
pape,  dans  la  seconde  quinzaine  d'août,  gagna  Capoue  où  nous 
le  trouvons  le  1'^''  septembre  -  ;  il  devait  prolonger  son  séjour 
dans  cette  ville  jusqu'au  milieu  de  novembre -^  L'accord  entre 
le  pape  et  le  prince  de  Capoue  dut  s'établir  rapidement,  car, 
le  14  septembre,  ce  dernier  prêta  au  pape  le  serment  d'hom- 
mage et  de  fidélité  '*.  Le  serment  est  identique  à  celui  prêté  à 
Alexandre  II,  il  n'\  a  qu'une  légère  addition  à  signaler:  Richard 
s'engage  à  prêter  serment  de  fidélité  à  Henri  IV,  quand  il  en 
aura  été  requis  par  le  pape.  Cette  clause  montre  qu'à  ce  moment 
Grégoire  Vil  prévoit  encore  la  possibilité  d'un  arrangement  avec 
l'Allemagne. 

Il  ressort  d'une  des  lettres  du  pape  que  Guiscard  avait  tenté 
de  décider  Richard  à  se  joindre  à  lui-^,  cette  union  des  forces 
normandes  eût  été  dangereuse  pour  la  papauté  ;  ce  fut  donc 
un  succès  pour  la  diplomatie  pontificale  que  d'avoir  attiré 
à  son  parti  le  prince  de  Capoue.  Evidemment  Grégoire  VII 
n'obtint  pas  l'adhésion  de  Richard  sans  lui  promettre  quelques 
avantages;  or,  comme  par  le  fait  même  de  son  alliance,  Richard 
s'interdisait  toute  acquisition  aux  dépens  de  l'état  pontifical,  il 
est  naturel  de  penser  que  les  possessions  de  Guiscard  durent 
faire  les  frais  de  l'accord. 

Si  l'alliance  de  Richard  était  beaucoup  pour  Grégoire  VII,  on 
ne  saurait  dire  que  celle  du  pape  fut  aussi  profitable  au  prince  de 
Capoue,  qui  s'interdisait  de  poursuivre  des  conquêtes  faciles  et 
n'obtenait  que  la  permission  de  faire  des  acquisitions  territoriales 


1.  R.I,  18  a,  p.  32. 

2.  Jaffé-L.,  4790. 

3.  Ibid.,  4802. 

4.  R.I,  21  a,  p.  36. 

5.  R.I,  25,  p.-  42. 


ROBERT    GLISCARD    ET    GRÉGOIRE    VU  231 

très  problématiques  aux  dépens  d'un  ennemi  beaucoup  plus  puis- 
sant que  lui.  Les  espérances  que  le  pape  dut  faire  concevoir  au 
prince  de  Capoue  ne  pouvaient  être  réalisées  qu'avec  l'appui  armé 
du  pontife,  or  les  événements  des  douze  dernières  années  auraient 
dû  suffire  pour  apprendre  à  Richard,  combien  il  y  avait  peu  de 
fonds  à  faire  sur  un  secours  de  ce  g-enre,  toujours  difficile  à  obte- 
nir et  toujours  passager.  Dans  ces  circonstances,  Richard  ne 
montra  pas  la  finesse  politique  de  Guiscard,  il  ne  vit  pas  que 
son  intérêt  était  dans  l'alliance  avec  le  duc  de  Fouille,  alliance 
qui  leur  eût  permis  de  s'étendre  tous  deux  aux  dépens  du  terri- 
toire pontifical. 

Dès  que  Guiscard  connut  le  traité  conclu  entre  Grégoire  et 
le  prince  de  Capoue,  il  commença  aussitôt  les  hostilités'.  A  ce 
moment  le  duc  de  Fouille  trouva  un  appui  dans  les  comtes  de 
Sangro,  avec  qui  il  fit  un  accord,  à  Venafro.  La  chronique 
d'Aimé,  qui  est  notre  seule  source  pour  cette  campagne,  est 
très  obscure.  Elle  indique,  comme  théâtre  des  opérations,  les 
confins  de  <(  la  conté  de  Tallois  ».  les  villes  de  Flomeresco  et 
Padulle  :  près  de  Canoville.  Si  l'on  peut  retrouver  Fadulle 
dans  le  village  actuel  de  Pantuliano^,  l'identification  des  autres 
noms  présente  de  graves  difficultés.  On  a  voulu  voir  dans  le 
comté  de  Tallois,  le  comté  de  Tagliacozzo  ',  au  nord-ouest  du 
lac  Fucino,  ou  encore  celui  de  Teano  '\  Cette  dernière  opinion 
me  paraît  la  plus  probable,  car  le  texte  d'Aimé  indique  très  clai- 
rement que  ces  premières  hostilités  se  passèrent  dans  la  région 
de  Capoue  et  sur  la  rive  gauche  du  Garigliano.  Pour  cela 
Tagliacozzo  ne  convient  pas  du  tout.  Flomeresco,  Fantuliano, 
et  leurs  environs  furent  pillés  et  brûlés,  puis  Guiscard,  franchis- 
sant le  Garigliano,    alla  soumettre   Traetto"'  et  Suio '',    dont   il 

\.   Aimé,  Vil,   10  et  suiv. 

2.  Cl".  Iloinemann,  up.  cil.,  |).  200,  note  1.  —  Pantuliano,  commune  de 
Pastorano,  circond.  et  prov.  de  (^aserte.  Cette  identification  parait  vrai- 
semblable, il  y  a  bien  également  Padula  sur  le  Calore,  près  de  Bénévent 
(Di  Meo,  op.  cit..  t.  XII,  p.  428),  mais  la  f^-uerre  parait  avoir  lieu  dans  une 
autre  région. 

3.  Delarc,  éd.  d'Aimc,  p.  278,  note  3.  —  Tagliacozzo,  circond.  d'Avezzano, 
prov.  d'Aquila. 

i.   Heinemann,  loc.  cil. 

:>.   Traetto,   circond.  de  Gaëte,  prov.  de  Caserte, 

6.    Suio,  circond.  de  Gaëte,  prov.  de  Caserte. 


232  CHAPITRE   X 

investit  son  frère  Roo^er.  Traversant  ensuite  les  terres  dépen- 
dant de  Tabbaye  du  Mont-Cassin  à  laquelle  il  envoya  une  forte 
somme  d'argent,  Guiscard  parut  devant  Aquino.  La  ville  était 
f^ouvernée  par  les  quatre  fils  du  comte  Jean,  Adénolf,  Pandolf, 
Landolf  et  Landon  ;  ceux-ci  ne  suivirent  pas  la  même  politique, 
tandis  que  le  premier  et  le  troisième  restaient  fidèles  au  prince 
de  Gapoue,  les  deux  autres  embrassèrent  le  parti  de  Guiscard'. 
C'est  là  un  curieux  exemple  de  l'habileté  avec  laquelle  les  sei- 
gneurs lombards  surent  se  maintenir  au  milieu  des  Normands  ; 
en  se  divisant,  et  en  embrassant  chacun  un  parti  différent,  les 
membres  d'une  même  famille,  quel  que  fût  le  parti  triomphant, 
étaient  certains  de  lui  appartenir.  Guiscard  exigea  des  deux 
comtes  d' Aquino  la  remise  de  la  ville  de  Vicalvi'^,  dont  il  confia 
la  garde  à  Robert  de  Grantmesnil,  abbé  de  Sant'  Eufemia,  puis 
après  avoir  reçu  le  serment  des  deux  comtes,  il  les  envoya 
occuper  Isola  del  Liri  -V  Ayant  établi  des  garnisons  suffisantes 
dans  les  diverses  places  qu'il  avait  conquises,  Guiscard  retourna 
en  Calabre.  On  peut  voir  par  le  détail  suivant  que  l'occupation 
du  pays  par  Robert  était  sérieuse.  Quand,  en  novembre  1073, 
Grégoire  VII  quitta  Capoue  pour  gagner  Rome,  il  suivit  d'abord 
la  route  qui  passait  par  San  Germano  ''.  De  là  au  lieu  de  prendre 
par  le  chemin  le  plus  direct,  il  se  dirigea  vers  Terracine  et  gagna 
Rome  par  la  côte,  en  évitant  de  traverser  la  zone  occupée  parles 
troupes  de  Guiscard  ••. 

Bien  que  les  sources  soient  muettes  à  ce  sujet,  il  est  certain 
qu'en  automne  1073'%  Guiscard  se  rendit  en  Calabre  pour  com- 
battre son  neveu  Abélardqui,  comme  on  l'a  vu  plus  haut,  s'était 
révolté.  Aimé  nous  dit  en  etfet  que  Guiscard  était  occupé  à  assié- 
ger son  neveu  à  Santa  Severina  quand  les  messagers  d'Amalfi 
vinrent  lui  offrir  leur  ville;  or  cet  événement,  comme  on  le  verra 
plus  loin,  doit  être  placé  à  la  fin  de  l'année  1073.  Ce  S3nchro- 
nisme    nous  permet  donc  de  dater    le   début  des  hostilités    de 


1.  Aimé,  VII,  H  et  suiv.  Cf.  Gattola,  Ace,  t.  I,  p.  18 

2.  Vicalvi,  circond.  de  Sora,  prov.  de  Caserte. 

3.  Isola  del  Liri,  ciicond.  de  Sora,  piov.  de  Caserte. 

4.  Jaffé-L.,4803. 

5.  Ihid.,  4806. 

0.  Aimé,  VII,  11,  dit  (ju'il  alla  en  Pouille. 


SOIMISSION    DAMAF-l'I  233 

Guiscard  contre  son  neveu.  On  se  rappelle  qu'Abélard  et  Robert 
Areng  avaient  pris  part  k  la  révolte  qui  avait  éclaté  pendant  que 
Guiscard  était  en  Sicile.  La  répression,  qu'il  avait  dû  exercer  en 
Fouille,  empêcha  Guiscard  de  s'occuper  de  la  Calabre,  lors  de  son 
retour  ;  puis  était  venue  la  maladie  du  duc,  durant  laquelle  Abélard 
avait  à  nouveau  intrigué.  Le  neveu  de  Guiscard  s'était  enfermé  à 
Santa  Severina,  tandis  que  Robert  Areng-  occupait  Castrovillari  ; 
tous  deux  se  mirent  à  piller  et  à  ravager  les  possessions  du  duc  '. 
A  Tautomne  1073,  Guiscard  vint  s'établir  devant  Santa  Severina, 
tandis  que  son  fils  Roger  allait  mettre  le  siège  devant  Castrovil- 
lari. Ces  deux  sièges  devaient  durer  plusieurs  années  *.  Ce  fut 
pendant  qu'il  dirigeait  ces  opérations  en  Calabre  que  les  Amalfî- 
tains   vinrent  olfrir  à  Robert    de  lui  remettre  leur  ville. 

Les  Amalfitains  furent  amenés  à  se  donner  à  Guiscard  à  cause 
des  vexations  continuelles  qu'ils  avaient  à  subir  de  la  part  de 
Gisolf  de  Salerne.  Délivrés  de  la  domination  des  princes  de 
Salerne  par  l'assassinat  de  Guaimar,  les  Amallitains  avaient  été 
en  guerre  ouverte  avec  Gisolf  pendant  les  premiers  temps  de  son 
règne.  Amené  par  la  crainte  des  Normands  à  leur  offrir  la  paix, 
Gisolf  n'avait  pas  tardé  à  prendre  sa  revanche  et  à  leur  faire 
payer  la  part  qu'ils  avaient  prise  au  meurtre  de  son  père.  Malheur 
aux  Amalfitains  qui  tombaient  entre  les  mains  du  prince  de 
Salerne  ^  ;  Aimé  nous  a  gardé  le  récit  des  vexations  de  tout  genre 
qu'il  leur  faisait  subir;  les  hostilités  n'en  restaient  pas  là  et  nous 
savons  que  la  flotte  de  Salerne  cherchait  à  entraver  le  commerce 
d'Amalfi.  En  1071,  lors  de  la  dédicace  de  l'église  du  Monl-Cas- 
sin,  Alexandre  II  avait  tenté  de  rétablir  la  paix,  mais  depuis 
lors  l'inimitié  n'avait  fait  que  croître.  La  mort  du  duc  Serge, 
en  4073,  survint  au  moment  où  les  attaques  de  Gisolf  redou- 
blaient '*.   Le  prince  de  Salerne    s'empara   aussitôt  de  trois  chà- 

1.  Aimé,  VII,  18. 

2.  Il  semble  résulter  de  Malaterra,III,  o,  que  Santa  Severina  fut  entourée 
d'une  série  de  postes. 

3.  Aimé,  VIII,  .3  et  suiv. 

4.  Chr.  Amalf.,  dans  Muratori,  Ant.  I/al.,  t.  I,  p.  211.  La  date  de 
novembre  1074,  ind.  12  (l*""  septembre  1073-1'^''  septembre  1074)  donnée 
par  Muratori,  doit  être  préférée  à  celle  de  l'édition  Pansa,  dans  Istoria 
delV  antica  repuhlica  fïAmalfi^  I,  64,  car  elle  s'accorde  avec  les  renseigne- 
ments fournis  par  les  actes.  Ughelli,  op.  cit.,  t.  VII,  pp.  395,  397.  En  1077 
et  1079  on  compte  (juilleti,    la  4^  et  la  G*"  année  de  Guiscard. 


234  CHAPITRE   X 

teaux  situés  sur  le  bord  de  la  mer  et  dépendants  d'Amalfi.  Serge 
n'avait  laissé  pour  successeur  qu'un  enfant.  Jean;  aussi  les  gens 
d'Amalfi.  pour  se  défendre  contre  Gisolf,  songèrent-ils  alors  à  se 
donner  un  seigneur;  ils  s  adressèrent  d'abord  au  pape.  L'alliance 
que  celui-ci  avait  conclue  avec  Gisolf  lui  interdit  d'accepter  les 
propositions  qui  lui  étaient  faites.  Les  Amallitains  se  tournèrent 
vers  Guiscard  qui.  à  ce  moment,  guerroyait  contre  son  neveu 
et  lui  donnèrent  »<  puissance  de  venir  en  la  cité  et  d'y  faire 
une  roche  »'.  Peut-être  cette  démarche  fut-elle  préparée  par  les 
partisans  que  Guiscard  avait  su  se  faire  dans  la  ville?  En  tout 
cas,  Robert  n  hésita  pas  à  accepter  l'offre  qui  lui  était  faite,  car 
outre  son  importance  commerciale,  la  situation  d'Amalfi  en  faisait 
une  place  de  guerre  excellente,  dans  le  cas  d  une  lutte  avec  la 
principauté  de  Salerne.  Ne  pouvant  abandonner  le  siège  de  Santa 
Severina,  Guiscard  expédia  aux  gens  d'Amalfi  des  troupes  et 
des  vaisseaux.  Une  pai'tie  de  ces  renforts  tomba  aux  mains  de 
Gisolf,  mais  les  soldats  de  Guiscard  réussirent  néanmoins  à 
occuper  la  ville.  Peut-être  au  dernier  moment  une  partie  des  habi- 
tants tentèrent-ils  de  résister,  car  il  paraît  qu'Amalfi  fut  traitée 
comme  une  ville  prise  d'assaut  -.  Dans  tous  les  cas,  dès  le  mois 
de  novembre,  Amalfi  reconnaissait  Guiscard,  qui  notifiait  à  Gisolf 
sa  prise  de  possession.  L  héritier  du  duché  avait  été  expulsé  ■^. 
L'année  1073  se  termina  donc  par  un  succès  remporté  par 
Guiscard  au  détriment  de  Gisolf,  l'allié  de  Grégoire  VIL  La  prise 
d'Amalfi  ne  fit  qu'accroître  la  colère  de  ce  dernier  contre  les  Nor- 
mands, et,  en  1074,  nous  allons  voir  le  pape  redoubler  d'efforts 
pour  écraser  les  envahisseurs.  Ly  conduite  de  Grégoire  \  11  était 
d'ailleurs  dictée  par  d'autres  motifs  que  le  désir  de  rétablir  l'ordre 
dans  l'Italie  du  Sud.  \ers  le    mois   de  juin    de   l'année   1073,   le 


1.  Ainir.  VIII,  7. 

2.  Cf.  sur  une  reslitutiou  tlolijcts  alors  volés  à  l'église,  Caméra,  op.  rit., 
t.  I,  p.  267. 

3.  Cf.  G.  Ap.  III,  412.  Malatena,  III,  3,  parle  de  négociations  ulté- 
rieures. Delarc,  éd.  Aimé,  p.  320,  note  me  parait  être  dans  Terreur  en 
rapportant  à  une  date  postérieure  à  1073,  les  négociations,  entre  les  Amalli- 
tains et  le  pape,  qu'Aimé  rapporte  comme  ayant  été  antérieures  aux  pre- 
miers rapports  d'Amalfi  et  de  Guiscard.  Rien  n'autorise  à  ne  pas  le  suivre 


GRÉGOIRE    VII    ET    MICHEL    VII  235 

pape  avait  reçu  deux  moines  Thomas  et  Nicolas,  qui  lui  appor- 
taient une  lettre  de  l'empereur  de  Constantinople,  Michel  VII,  et 
étaient  charg'és  en  même  temps  de  lui  faire  de  la  part  du  basileus 
une  communication  verbale  de  la  plus  haute  importance'. 
Le  pape  ne  jugea  pas  les  deux  messagers  suffisamment  dignes 
de  créance  et  pour  avoir  des  renseignements  certains  se  décida  à 
envoyer,  à  Byzance,  Dominique,  patriarche  de  Venise.  Nous  ne 
savons  rien  de  plus  sur  ces  premières  négociations,  mais  il  est 
permis  de  croire  qu'elles  amenèrent  le  pape  à  cette  idée  de  croi- 
sade qui  va  inspirer  sa  politique  au  début  de  l'année  1074.  Seule- 
ment dès  l'instant  que  l'horizon  politique  de  la  papauté  s'agran- 
dissait, dès  l'instant  que  le  pape  songeait  à  intervenir  d'une 
façon  elfective  dans  les  affaires  d'Orient,  les  Normands  d'Italie 
rebelles  à  son  autorité  devenaient  pour  Grégoire  VII  un  obstacle 
à  l'accomplissement  de  ses  projets.  Gomment  le  pape  pouvait-il 
espérer  agir  au  loin  alors  qu'il  avait  à  redouter  pour  lui  et  ses 
Etats  un  danger  de  tous  les  instants.  Le  résultat  le  plus  évident 
de  la  politique  pontificale,  durant  l'année  1073,  avait  été  d'amener 
un  certain  ralentissement  dans  les  conquêtes  de  Guiscard  en 
lui  opposant  Richard  de  Gapoue  et  Gisolf,  mais,  malgré  cette 
alliance,  le  danger  restait  le  même  et  le  pape  ne  pouvait  songer  à 
intervenir  en  Orient  qu'autant  que  les  Normands  auraient  été 
entièrement  réduits  à  l'impuissance  ou  se  seraient  de  bonne 
grâce  soumis  à  l'autorité  du  Saint-Siège.  Mais  pour  obtenir  cette 
soumission  il  fallait  que  Grégoire  VII  eût  des  troupes  suffisantes 
pour  lui  permettre  de  dicter  ses  volontés  ;  il  passa  les  premiers 
mois  de  l'année  1074  à  essayer  d'en  recruter. 

Dès  le  3  janvier-,  le  pape  veut  communiquer  à  la  comtesse 
Mathildeses  projets  et  la  prie  de  venir  à  Rome.  Très  probablement 
vers  la  même  époque,  il  écrit  aussi  à  Geolfroi  de  Lorraine,  qui  lui 
promet  de  lui  amener  des  secours  3.  Enfin  ses  projets  apparaissent 
clairement  dans  la  lettre  qu'il  adresse  le  2  février  à  Guillaume, 
comte  de  Bourgogne '.   Il    lui   demande   de  préparer  une  armée 

1.  Reg.,  I,  18,  p.  31.  La  réponse  de  Grégoire  VII  est  du  9  juillet. 

2.  Reg.,  1,  40,  pp.  58-59. 

3.  Reg.,  I,  72,  p.  91  où  il  lui  demande  oîi  sont  les  secours  promis  (7  août 
1074). 

4.  Reg.,  I,  46,  pp.  64-65. 


236  CHAPITRE   X 

pour  défendre  la  liberté  de  TEglise  romaine  et  le  prie  de  commu- 
niquer ses  intentions  à  Raimond  de  Saint  Gilles  et  à  Amédée, 
comte  de  Savoie,  ainsi  qu'à  tous  ceux  qu'il  saura  être  fidèles  à 
rÉglise;  il  ajoute  que  Béatrice,  Mathilde  et  GeotTroi  de  Lor- 
raine s'occupent  activement  de  ce  projet.  Il  termine  sa  lettre  en 
expliquant  qu'il  ne  rassemble  pas  cette  multitude  de  soldats 
pour  répandre  le  sang  chrétien,  mais  afin  que  ses  ennemis 
ertrayés  par  la  vue  de  ses  forces  redoutent  d'en  venir  aux  mains 
et  se  soumettent  à  la  justice.  Il  ajoute  :  «  Nous  espérons  même 
que  de  là  naîtra  peut-être  une  autre  utilité  à  savoir  que,  les  Nor- 
mands étant  pacifiés,  nous  passions  à  Gonstantinople  pour  aider 
les  chrétiens  qui  alTlig-és  par  les  trop  fréquentes  attaques  des 
Sarrasins  nous  supplient  instamment  de  leur  porter  secours.  » 
C'est  là  surtout  le  but  auquel  il  tend,  car  contre  les  Normands, 
il  a  des  troupes  suffisantes. 

Il  ne  me  parait  pas  qu'il  y  ait  lieu  de  douter  que  le  pape  ait 
été  amené  à  cette  idée  de  croisade  par  ses  négociations  avec 
Gonstantinople.  On  ne  saurait  dire  que  cette  idée  n  a  été  que  le 
rêve  d'un  instant.  Tout  nous  montre  au  contraire  qu'il  s'est  agi 
là  de  quelque  chose  de  très  sérieux.  Le  i"  mars,  dans  une  lettre 
adressée  à  tous  les  fidèles,  Grégoire  VII  invite  le  monde  chrétien 
à  le  seconder  dans  son  entreprise  et  à  porter  secours  à  Gonstan- 
tinople, assaillie  par  les  barbares  qui  viennent  dons  leurs  incursions 
ravager  jusqu'aux  environs  immédiats  de  Byzance  '.  Les  barbares, 
dont  parle  Grégoire  VII,  sont  les  Petchénègnes,  dont  les  attaques 
contre  l'empire  sont  alors  constantes.  Si  l'on  rapproche  les  lettres 
de  Grégoire  VII,  relatives  à  la  croisade,  d'un  renseignement  que 
nous  fournit  Attaliatès,  on  voit  que  les  projets  du  pape  furent 
pris  très  au  sérieux  à  Gonstantinople.  En  1074.  dit  Attaliatès,  on 
songea  à  diminuer  les  subsides  que  l'empire  payait  aux  barbares, 
ce  qui  faillit  amener  un  soulèvement  général  -.  Onne  saurait  guère 
expliquer  autrement  que  par  l'espoir  dune  intervention  du  pape 
cette  mesure  que  l'état  de  l'empire  grec,  en  1074.  autorisait  diffi- 
cilement. L^n  autre  témoignage  nous  montre  combien  cette  idée 
de  croisade  fut  alors  répandue.  L'archcA^êque  de  Salerne,  dans 
une  pièce  de  vers  adressée  au  frère  de  Gisolf,  Gui,  lui  dit  : 


1.  Reg.,  I,  49,  p.  69. 

2.  Attaliatès,  pp.  204-205,  Cf.  Chalandon,  op.  cit.,  p.  4. 


GUISCARD    ET    GRÉGOIRE    VU  237 

Quam  cuperem  posses  poteris  puto  Caesar  uL  orbem 
Constantinopolis  subdere  régna  tibi. 


lamque  vale  sed  ab  his  rébus  desistere  noli, 
Evigilet  studium  graeca  trophea  tuum  '. 


Mais^  avant  toute  chose,  Grégoire  VII  devait  en  finir  avec  les 
Normands  qui  étaient  le  principal  obstacle  à  la  réalisation  de 
son  projet.  Au  mois  de  mars  de  l'année  1074,  le  pape  tint  à 
Rome  un  synode,  auquel  assistèrent  Gisolf  prince  de  Salerne, 
Azzon,  marquis  d'Esté  et  la  comtesse  Mathilde  '.  On  décida  de 
faire  une  grande  expédition  contre  les  comtes  de  Bagnorea  et 
contre  les  Normands.  Le  mois  de  juin  fut  fixé  comme  date  du 
rassemblement  de  l'armée  et  Grégoire  VII  prononça  l'excommu- 
nication contre  Guiscard  et  ses  partisans -^ 

Le  12  juin,  le  pape  était  à  Montecimino,  près  de  Viterbe,  c'est 
là  que  s'opérait  la  concentration  ^  Un  événement  imprévu  vint 
détruire  tous  les  plans  de  Grégoire  VII.  Mathilde  avait  parmi  ses 
troupes  des  contingents  de  Pise  ;  or  Gisolf  de  Salerne  était  très 
mal  avec  les  Pisans  qu'il  ne  cessait  de  molester.  Tout  récemment 
la  flotte  de  Salerne  s'était  livrée  contre  les  vaisseaux  de  Pise  à 
de  véritables  actes  de  piraterie.  Aussi  quand  les  Pisans  virent 
arriver  Gisolf,  ils  suscitèrent  un  grand  tumulte.  Grégoire  VII  fut 
obligé  d'envoyer,  de  nuit,  Gisolf  jusqu'à  Rome.  Il  est  probable 
qu'à  la  suite  de  ces  événements  la  division  se  mit  entre  les  chefs, 
si  bien  que  l'armée  rassemblée  se  disloqua  sans  avoir  rien  fait. 

Le  pape  avait  beaucoup  compté  sur  les  troupes  promises  et 
avant  de  gagner  Montecimino  il  avait  fait  dire  à  Guiscard  de  se 
rendre  à  Bénévent  pour  entendre  <(  ce  que  vouloit  ordener  lo 
pape  »  "'.  Il  est  évident  qu'au  début  de  juin,  Grégoire  VII  croyait 
pouvoir  parler  en  maître  à  Guiscard.  Ce  dernier  se  rendait  égale- 
ment très  bien   compte   de  la   situation  et  «    respondi    humile- 


1.  Arch.  st.  napoL,  t.  XII,  p.  776, 

2.  Meyer  von  Knonau,  op.  cit.,   t.  II,  p.  348. 

3.  Reg.,  I,  p.  108. 

4.  R.  I,  p.  84,  p.  IOd.  Aimé,  VII,  12, 13  et  14.  Bonizo,  Liber  ad  amicum,  VII, 
dans  Libelli  de  lite,  etc.,  t.   I,  p.  604. 

5.  Aimé,  VII,  14. 


238  CHAPITRE  X 

ment  :  Que  il  n'avoit  en  lui  nulle  conscience  que  onques  eust 
esté  coulpable  ne  contre  lo  prince  de  li  apostole,  ne  contre  lo 
commandement  de  lo  seignor  mien  pape  ;  ne  non  tarderai  de 
venir  la  ou  il  me  commande,  ne  mais  que  je  sache  lo  jor  et  lo 
terme  que  je  doie  venir  a  lui,  a  ce  que  la  moie  innocence  soit 
manifeste  a  touz  par  lo  commadement  apostolica  et  par  la  soe 
sentence.  »  Guiscard  ne  se  faisant  aucune  illusion  sur  les  dispo- 
sitions du  pape  se  rendit  h  Bénévent  accompagné  de  «  fortissi- 
mes  chevaliers  ».  Il  attendit  le  pape  trois  jours,  puis  se  retira. 
Les  événements  de  Montecimino  empêchèrent  Grégoire  Vil  de 
venir,  et  la  maladie  dont  le  pape  soutîrit  durant  l'été  1074, 
acheva  de  donner  beau  jeu  à  ses  adversaires. 

Durant  l'été,  Cencio.  chef  de  l'aristocratie  romaine  et  du  parti 
hostile  à  Grégoire  VII,  fit  offrir  à  Guiscard  de  le  faire  empereur 
s'il  l'aidait  à  chasser  le  pape.  Ce  fut  Hugues  Leblant.  cardinal 
prêtre  du  titre  de  Saint-Clément,  qui  fut  chargé  des  négociations. 
Guiscard  ne  se  laissa  pas  éblouir  par  les  propositions  qui  lui 
furent  faites  ;  il  savait  trop  le  peu  de  fonds  qu'il  y  avait  à  faire 
sur  de  l'aristocratie  romaine,  qui  avait  montré  par  de  nombreux 
exemples  qu'elle  était  incapable  de  soutenir  ses  créatures. 
Guiscard  refusa  donc  de  se  mêler  lui-même  de  l'affaire,  mais 
offrit  son  aide  en  argent  et  en  chevaux.  C'est  du  moins  ce  que 
je  conclus  du  passage  de  Bonizo  où  sont  rapportées  ces  négo- 
ciations'. On  ne  saurait  en  effet  accepter  comme  mobile  du  refus 
de  Guiscard  celui  qui  est  allégué  par  le  chroniqueur,  à  savoir 
son  respect  pour  la  personne  du  pape. 

Durant  l'été  107  i,  Rob3rt  reprit  les  hostilités  contre 
Capoue  '-.  Il  fit  alliance  avec  Serge,  duc  de  Naples  dont  la 
ville  devint  le  centre  de  ravitaillement  des  troupes  de  Guiscard, 
qui  pillaient  et  ravageaient  la  région  d'Aversa.  Cependant 
le  duc  se  rendait  compte  du  danger  que  lui  faisait  courir  l'hos- 
tilité de  Grégoire  VII,  car  ce  n'était  que  par  une  chance  heu- 
reuse qu'il  avait  échappé  à  la  coalition  du  mois  de  juin  ;  il  se 
décida  donc  à  entamer  des  négociations  avec  le  pape.  Il  faut  je 
crois  rattacher  à  ces  tentatives  celles  qui  furent  faites   alors   par 


1.  Bonizo,  loc.  cil. 

2.  Aimé,  VII,  15. 


GUISCARD    ET    GRÉGOIRE    VU  239 

l'abbé  du  Mont-Gassin  pour  rétablir  la  paix  entre  le  duc  de 
Fouille  et  le  prince  de  Capoue'.  L'intérêt  du  monastère  était 
de  faire  cesser  les  guerres  continuelles  qui  désolaient  ses  envi- 
rons. Didier  réussit  à  amener  Guiscard  et  Richard  à  avoir  une 
entrevue  près  d'Aversa.  Au  début  l'accord  parut  devoir  se  faire 
facilement  ;  Richard  installa  Guiscard  et  sa  famille  à  Acerra  et 
pour  témoigner  de  sa  bonne  foi  lui  confia  la  g-arde  du  donjon.  Le 
prince  de  Capoue  et  Robert  se  donnèrent  réciproquement  comme 
fîdejusseurs  de  très  riches  personnages.  Guiscard  reçut  à  son 
tour  Richard,  à  Apice,  et  lui  confia  le  donjon  de  la  place.  Les 
deux  princes  passèrent  trente  jours  ensemble  ;  Didier  qui  assistait 
aux  entrevues  réussit  à  leur  faire  conclure  un  accord  sur  les  bases 
suivantes:  tous  deux  devaient  se  rendre  les  places  qu'ils  s'étaient 
prises  l'un  à  l'autre;  il  ne  restait  plus  qu'à  écrire  les  conventions, 
à  ce  moment  tout  fut  rompu  brusquement.  Aimé  donne  comme 
raison  de  la  rupture  le  motif  suivant:  Richard  n'aurait  voulu 
contracter  amitié  avec  Guiscard  que  «  salve  la  fidélité  de  lo 
pape  ».  Guiscard  refusa  cette  condition.  Il  me  paraît  probable 
que  l'acceptation  de  Robert  était  subordonnée  aux  négociations 
ouvertes  en  même  temps  avec  Rome.  Les  atermoiements  appor- 
tés par  Grégoire  VII  durent  amener  la  rupture,  car  le  duc  de 
Fouille  dut  peu  se  soucier  d'un  arrangement,  qui  l'obligeait  à 
rendre  les  conquêtes  faites  aux  dépens  de  Richard  et  laissait  ce 
dernier  allié  du  pape,  son  ennemi. 

C'est  probablement  vers  cette  époque  qu'il  convient  de  pla- 
cer également  les  tentatives  faites  par  Guiscard  pour  se  réconci- 
lier avec  le  prince  de  Salerne,  tentatives  qui  échouèrent  devant 
les  prétentions  de  ce  dernier^.  A  la  suite  de  ces  événements 
Guiscard  gagna  la  Calabre  où  une  partie  de  ses  troupes  était  tou- 
jours occupée  au  siège  de  Santa  Severina. 

L'échec  subi  par  sa  politique  et  par  ses  tentatives  de  croisade 
causa  à  Grégoire  VII  une  profonde  déception.  La  rupture  des 
négociations  entamées  par  Didier  pour  amener  la  paix  dans 
l'Italie  du  Sud  dut  achever  de  le  décourager.  Le  22  janvier 
107n,  le  pape  écrivit  à  Hugues  de  Cluny  une  lettre  où  perce  toute 


1.  Aimé,   VII,  16  et  suiv. 

2.  Ibid.,YUl,  H  et  suiv. 


240  CHAPITRE  X 

la  tristesse  dont  son  âme  est  remplie.  Il  se  rend  compte  que  tout 
ce  qu'il  a  fait  jusque-là  n'a  en  rien  été  utile  à  la  cause  de 
l'Eglise.  L'éloignement  de  l'Eglise  d'Orient  de  la  foi  catholique 
est  pour  lui  un  sujet  de  chagrin.  (Ceci  tendrait  à  prouver  que  les 
relations  entre  Byzance  et  Rome  se  seraient  refroidies  à  la  suite 
de  1  échec  du  projet  de  croisade).  Le  pape  ajoute  que  les  princes 
parmi  lesquels  il  vit  ne  valent  pas  mieux  les  uns  que  les  autres  et 
que  les  princes  romains,  normands  et  lombards  lui  paraissent 
pires  que  les  Juifs.  11  termine  en  disant  combien  lui  est  odieux  le 
séjour  de  Rome  ' . 

Au  milieu  de  ces  tristesses,  Grégoire  Vil  ne  se  décourage  pour- 
tant pas,  il  forme  de  nouveaux  projets  qui.  s'ils  attestent  l'éner- 
gie indomptable  de  son  esprit,  témoignent  également  du  désarroi 
où  l'ont  jeté  ses  insuccès  répétés.  Le  2o  janvier  1075,  Grégoire  VII 
écrit  à  Suénon  II,  roi  de  Danemark,  pour  lui  demander  de  lui 
envoA'er  des  soldats  "'.  Ici  il  ne  s'agit  plus  de  combattre  les  infi- 
dèles, mais  les  impies  et  les  ennemis  de  Dieu.  Les  Normands  ne 
sont  pas  nommés,  mais  d'après  ce  que  nous  savons  par  les 
lettres  précédentes  du  pape,  il  ne  saurait  être  question  que  d'eux. 
En  échange  du  secours  demandé,  Grégoire  VII  offre  à  Suénon  de 
faire  un  de  ses  fils,  seigneur  de  l'Italie  méridionale.  On  voit 
jusqu'à  quelle  idée  bizarre  le  souci  de  trouver  <(  un  défenseur 
de  la  foi  chrétienne  »,  pour  employer  ses  propres  expressions,  a 
entraîné  le  pape. 

Guiscard  profita  de  l'impuissance  de  Grégoire  Vil  pour  pousser 
plus  A'ivement  les  opérations  militaires  entreprises.  Tandis  que 
les  hostilités  continuaient  dans  la  région  de  Pontecorvo  où  Roger 
de  Sicile  combattait  Richard  de  Capoue  ^,  Guiscard  dirigeait  en 
personne  la  guerre  en  Calabre  '•  où  son  neveu  Abélard  soutenu  , 
par  le  prince  de  Capoue  résistait  toujours.  Nous  sommes  très 
mal  renseignés  sur  cette  période.  Il  me  paraît  toutefois  qu'il  faut 
admettre  que  Santa-Severina  fut  prise  àla  fin  de  1075  ou  au  début 
de  1076.  Nous  savons  en  effet,    par  la  Chronique  dAmalfi^  que 


1.  Reg.  Il,  49,  p.  163  el  suiv. 

2.  Reg.  II,  .ol,  p.  167. 

3.  Aimé,  VII,  23. 

4.  Ibid.,  VII,  2o.  Il  dit  en  Pouille,  alors  qu'Abélard  est  en  Calabre. 


RÉVOLTE    d'aBÉLARD  241 

le  siège  dura  trois  années  '  ;  d'autre  part,  x\imé  nous  apprend  que 
Richard  soutenait  Abélard  (ce  qui  n'a  pu  avoir  lieu  qu'avant 
1076,  comme  nous  le  verrons  plus  loin'-),  et  que  Roger  comman- 
dait un  descorps  assaillants  ;  or,  nous  savonsque'\  le  14  mars  1076, 
Roger  se  disposait  à  partir  pour  la  Sicile  la  ville  devait  donc  très 
probablement  être  prise  à  cette  date,  ce  qui  concorde  également 
avec  les  renseignements  d'Aimé,  qui  raconte  la  prise  de  Santa 
Severina  avec  les  événements  du  début  de  1076.  Le  témoignage 
de  Malaterra,  il  est  vrai,  s'oppose  à  ces  données.  Suivant  cet 
auteur,  en  effet,  Santa  Severina  n'aurait  était  prise  qu'après 
Salerne,  c'est-à-dire  en  1077  4.  Je  crois  que  Malaterra  a  fait 
erreur,  ayant  à  raconter  la  prise  de  Sant'  Agata  et  la  soumission 
d' Abélard,  il  a  été  amené  à  parler  des  motifs  de  la  révolte  du 
neveu  de  Guiscard  et  a  placé  la  prise  de  Santa  Severina  à  ce 
moment,  alors  que  l'événement  s'était  produit  une  année  aupara- 
vant. D'après  Aimé  les  gens  de  Santa  Severina  pressés 
par  la  famine  demandèrent  à  Abélard  de  rendre  la  place  à  Guis- 
card. Celui-là  y  aurait  consenti  et  en  échange  de  sa  soumission 
aurait  reçu  son  pardon.  Suivant  Malaterra,  les  choses  se  seraient 
passées  différemment.  Guiscard  aurait  fait  prisonnier  Hermann,  le 
frère  d' Abélard,  et  en  aurait  confié  la  garde  à  Roger,  qui  aurait 
enfermé  le  prisonnier  dans  son  château  de  Mileto.  Abélard  aurait 
alors  offert  au  duc  de  lui  rendre  Santa  Severina,  en  échange  de  la 
liberté  de  son  frère.  Guiscard  aurait  accepté  cette  offre  et  aurait 
promis  de  remettre  Hermann  à  Abélard  lorsqu'il  se  rencontrerait 
avec  ce  dernier  au  château  de  Gargano.  Abélard  se  fiant  à  la  parole 
de  Robert  aurait  livré  la  place,  et  serait  alors  parti  avec  son  oncle  ; 
voyant  que  celui-ci  tardait  beaucoup  à  exécuter  sa  promesse,  il 


1.  Romualdde  Salerne,  dans  M. G.H.SS.,  t.  XIX,  p.  407.  Chr.  Amalf., 
dans  Muratori,  Ant.  Ifal.,  t.  I,  p.  214.  Delarc,  éd.  d'Ainié,  p.  291,  n'admet 
pas  que  le  siège  ait  duré  trois  ans.  Pourtant  on  peut  concilier  le  Chronicon 
Arnalfitanum  avec  Malaterra,  III,  5,  puisque  celui-ci  explique  que  Robert, 
après  avoir  installé  Hugues  Falluca,  Renaud  et  Hubert  dans  des  châteaux 
autour  de  Sant'Agata,  partit  pour  la  Pouille.  On  ne  peut  faire  aucune 
objection  au  récit  du  Chronicon  Ainalfifanuni. 

2.  Aimé,  VII,  22.  Cf.  infra,  p.  243. 

3.  Reg.,  II,  H,  p.  223. 

4.  Malaterra,  III,  3-6. 

Histoire  de  la  domination  normande.  —  CH.\.LA\nox.  16 


242  CHAPITRE    X 

lui  aurait  rappelé,  à  Hossano,  les  engagements  qu'il  avait  pris. 
Guiscard  lui  aurait  répondu  qu'il  n'irait  pas  à  Gargano 
avant  sept  ans.  Furieux,  Abélard  se  serait  retiré  à  Sant'  Agata  ' 
et  aurait  repris  les  hostilités  contre  son  oncle.  Les  récits  des  deux 
chroniqueurs  ne  se  contredisent  pas  entièrement  et  on  peut  facile- 
ment les  concilier.  Le  silence  d'Aimé  s'explique  très  bien  par 
ce  fait  qu'il  lui  arrive  souvent  de  taire  les  actions  qui  ne  sont  pas 
tout  à  l'avantage  de  Guiscard, 

Il  faut  également  placer,  vers  la  fin  de  1075,  les  tentatives 
d'Henri  IV  pour  s'allier  avec  Guiscard.  Nous  saA'ons  que  ces 
négociations  furent  dirigées  par  le  chancelier,  Eberhard  et 
Grégoire  évêque  de  Verceil -*.  Or,  précisément  vers  la  fin  de  1075, 
ces  deux  envoyés  intervinrent  dans  les  affaires  de  l'église  de 
Milan  •'.  Cela  permet  vraisemblablement  de  placer  dans  les 
premiers  mois  de  1076,  l'ouverture  des  négociations  avec  le  duc 
de  Fouille. 

Henri  IVen  avait  terminé,  au  mois  de  juin  1075,  avec  les  affaires 
de  Saxe  et  de  Thuringe,  qui  l'avaient  occupé  jusqu  à  ce  moment  % 
et  depuis  loi-s  il  songeait  à  descendre  en  Italie  pour  y  prendre  la 
couronne  impériale.  Durant  l'été,  il  entretint  à  ce  sujet  d'activés 
négociations  avec  le  pape  ^,  mais,  à  partir  du  mois  de  septembre, 
ses  relations  avec  Grégoire  Vil  se  gâtèrent;  une  rupture  com- 
plète devait  se  produire  en  janvier  1076'^.  Henri  IV^  chercha 
à  s'appuyer  sur  Guiscard  dans  la  lutte  qu'il  prévoyait  avoir  à 
soutenir  contre  le  pape,  et  envoya  au  duc  de  Fouille  une 
ambassade  composée  du  chancelier  Ebehrard  et  de  Grégoire, 
évêque  de  Verceil,  pour  lui  proposer  de  lui  accorder  l'inves- 
titure de  la  terre  qu'il  avait  acquise  ". 

Le  duc  de  Fouille  refusa  les  propositions  qui  lui  furent  faites 
en  disant  qu'il  acceptait  d'être  le  vassal  de  l'empereur  pour  les 


1.  Sans  doute  Sant'  Agata  di  Biancn,circond.  de  Gerace,  prov.de  Reggio. 

2.  Aimé,  VII,  27. 

3.  Bonizo,  op.  cit., dans  Lihellide  lite,  etc.,  t.  I,  p.  60j.  Gestaarchiep.  Med., 
dans  M.G.H.SS.,  t.  VIII,  p.  27. 

4.  Meyer  von  Knonau,  op.  cit.,  t.  II,  p.  495  et  suiv. 

5.  Bonizo,  loc.  cit.,  p.  60o. 

6.  Reg.,  III,  5,  p.   209.  Cf.  Martens,  Grerjor  VII,  t.  I,  p.  97  et  suiv. 

7.  Aimé,  VII,  27. 


ROBEKT    Cl  ISCARD    ET    RICHARD    DE    CAPOUE  243 

terres,  qui  avaient  appartenu  k  celui-ci,  mais  non  pas  pour  celles 
qu'il  avait  enlevées  aux  Grecs.  Il  est  clair  que  Guiscard  tenait  à 
demeurer  indépendant  et  à  ne  dépendre  ni  du  pape,  ni  de  l'em- 
pereur. L'ambassade  envoyée  par  Henri  IV  échoua  donc  et  Robert 
renvoya  les  deux  ambassadeurs  après  les  avoir  comblés  de 
présents. 

La  tentative  d'Henri  IV  n'eut  qu'un  résultat,  ce  fut  de  rap- 
procher Richard  et  Robert,  qui,  en  apprenant  la  prochaine  venue 
de  l'empereur,  se  réconcilièrent.  Aimé  nous  rapporte  que  l'idée 
de  cette  entente  vint  en  même  temps  aux  deux  princes  et 
que  leurs  messagers  se  croisèrent.  L'abbé  Didier  assista  à  la  con- 
clusion de  l'accord.  Richard  et  Robert  se  rendirent  réciproquement 
leurs  conquêtes  et  s'engagèrent  à  se  soutenir  l'un  l'autre  contre 
tous  leurs  ennemis  '.  Cette  réconciliation  fut  le  prélude  d'une 
union  générale.  Jourdain,  révolté  contre  Richard  depuis  plusieurs 
années  s'entendit  avec  lui  et  lui  restitua  Nocera.  En  échange,  il 
obtint  le  comté  des  Marses,  Amiterno  et  Valva  -.  Tous  les 
Normands  comprirent  qu'ils  devaient  s'unir  pour  résister  à 
lempereur  dont  la  venue  était  annoncée  comme  imminente. 

Nous  avons  vu  que  Didier  avait  pris  part  aux  négociations  qui 
amenèrent  la  réconciliation  de  Richard  et  de  Robert.  L'abbé  du 
Mont-Cassin  dut,  dans  cette  affaire,  être  l'agent  de  Grégoire  VII; 
en  etTet,  les  relations  entre  le  pape  et  Henri  IV  furent  rompues  dans 
le  courant  de  janvier  1076  -^  et,  à  la  diète  de  Wornis,  qui  fut  tenue 
le  24janvier,  le  pape  fut  déposé.  Après  sa  rupture  avec  l'empereur, 
Grégoire  VII  se  montra  beaucoup  plus  accommodant  pour  Guis- 
card, et  chercha  à  gagner  l'appui  du  duc  de  Fouille.  La  lettre  qu'il 
écrivit,  le  14  mars  1076,  k  l'archevêque  d'Acerenza  marque  une 
détente  .considérable  ^.  Le  pape  chargeait  l'archevêque  d'absoudre 
le  comte  Roger  et  ses  chevaliers,  qui  allaient  combattre  en  Sicile, 
et  faisait  les  premiers  pas  pour  se  réconcilier  avec  Guiscard. 
Il  disait  à  l'archevêque  que  dans  le  cas  où  le  comte  lui  parlerait 
de  son  frère,   il  devait  répondre   que  la    miséricorde   de  l'Eglise 

1.  Aimé,  VII,  27-29. 

2.  W.,  VII,  33. 

3.  Meyer  von  Knonau,  op.  cit.,  t.  II,  p.  611  et  suiv. 

4.  Reg.,  III.  11,  p.  225. 


244  CHAPITRE    X 

s'étend  à  tous  ceux  qui  regrettent  les  scandales  dont  ils  ont  été 
la  cause,  et  qu'il  était  prêt  à  lever  l'excommunication  dont 
Robert  était  frappé,  si  celui-ci  était  disposé  à  obéir  en  fils  à  1" Eglise 
romaine.  Peut-être  faut-il  placer  également  vers  cette  date  les 
tentatives  que  Grégoire  VII  fit  faire  par  Didier  pour  réconcilier 
le  prince  de  Salerne  et  son  beau- frère  ^  Grégoire  YII  rêvait 
d'unir  toutes  les  forces  de  l'Italie  méridionale  pour  lutter  contre 
l'empereur. 

Guiscard  voulut  profiter  de  la  situation  pour  obliger  le  pape  à 
lui  faire  certaines  concessions,  dont  nous  ignorons  l'objet.  Gré- 
goire VII  donna  à  cette  occasion  une  nouvelle  preuve  de  son 
caractère  intraitable  et  refusa  de  céder,  espérant  d'ailleurs  que 
les  événements  obligeraient  les  Normands  à  entrer  dans  ses 
vues'^.  Ses  hésitations  et  ses  exigences  ne  lui  réussirent 
pas  et  amenèrent  les  Normands  à  se  passer  de  lui.  Guiscard  et 
Richard  s'engagèrent  à  s'aider  réciproquement  pour  prendre 
Salerne    et  Naples  -^ 

Gisolf  avait  prévu  l'attaque  et  avait  ordonné  à  tous  les  gens 
de  sa  capitale  d'amasser  des  vivres  pour  deux  années,  ceux  qui 
ne  le  firent  pas  furent  expulsés  ^.  En  juin,  Guiscard  et  Richard 
vinrent  planter  leurs  tentes  devant  les  murs  de  Salerne  '. 
L'armée  de  Guiscard  comprenait  des  Latins,  des  Grecs  et  des 
Sarrasins,  elle  était  ravitaillée  constamment  par  la  flotte  '\  Un 
blocus  rigoureux  fut  établi  et  des  châteaux  furent  construits  pour 
commander  toutes  les  routes,  par  lesquelles  on  pouvait  avoir  accès 
à  la  ville.  Du  côté  de  la  mer,  le  blocus  n'était  pas  moins  étroit 
et  l'entrée  du  port  était  gardée  par  la  flotte  de  Guiscard.  Une 
fois  le  sièsre  commencé,  Guiscard,  à  la  demande  de  sa 
femme,  laissa  Didier  faire  une  tentative  auprès  de  Gisolf, 
mais    l'obstination    de    celui-ci   empêcha    tout    accord.    Dès   le 

1.  Aimé,  VIII,  12. 

2.  Reg-.,  III,  15,  p.  229.  Il  veut  les  réconcilier  avec  l'Église,  «  non  cum 
detrimento  sed  cum  augmenta  romanae  ecclesiae  ». 

3.  Aimé,  VII,  39.  Malalerra,  III,  2. 

4.  Aimé,  VIII,  15. 

5.  Ibid.,  VIII,  13;  les  Annales  Beneventani,  ad  an.  1075,  M.G.H.SS., 
t.  III,  p.  181,  qui  sont  en  retard  d'un  an,  disent   en   Mai. 

6.  Aimé.  VIII,  13-14. 


SIÈGE    DE    SALERNE  245 

début  du  sièg-e,  Gisolf  fît  prendre  chez  les  habitants  le  tiers  des 
vivres  et  les  fit  porter  dans  la  citadelle  ;  peu  après,  il  conduisit 
lui-même  ses  troupes  réquisitionner  tout  ce  qu'il  y  avait  de  vivres 
dans  la  ville.  La  famine  ne  tarda  pas  à  éclater  et  les  habitants 
en  furent  réduits  à  mang-er  du  chien,  du  chat  et  du  cheval.  Les 
vivres  atteignirent  des  prix  très  élevés,  un  œuf  valait  deux 
deniers,  un  poulet  vingt  taris  K  11  semble,  d'après  Aimé,  que 
Gisolf  ait  voulu  spéculer  sur  la  famine,  car  il  vendit  quarante- 
trois  besants  le  muids  de  farine  qu'il  avait  payé  trois  besants. 
La  mortalité  parmi  les  pauvres  gens  fut  excessive,  rien  de  plus 
éloquent  que  la  peinture  des  souffrances  endurées  que  nous  a  laissée 
Aimé  :  «  Et  aucune  foiz  pour  la  grant  débilité  de  la  fain,  li  vieil 
moroient  coment  bestes  sans  bénédiction  de  prestre,  li  jovene 
de  subite  mort  moroient  et  li  petit  qui  non  se  pooient  baptizer 
moroient  pagan.  Et  quant  venoient  les  famés  a  fdlier  non  avaient 
aide  de  famé  ».  La  terreur  qu'inspirait  Gisolf  empêchait  toute 
plainte,  car  tous  ceux  qui  venaient  crier  misère  devant  lui  avaient 
sur  son  ordre  les  yeux  crevés  ou  étaient  condamnés  à  la  perte 
d'un  membre. 

A  l'automne  1076,  Richard  et  Robert  firent  une  expé- 
dition en  Gampanie  pour  faire  quelques  conquêtes  aux 
dépens  de  l'état  pontifical  -,  A  ce  moment,  en  effet,  la  rupture 
est  complète  entre  Grégoire  VII  et  les  Normands.  Le  pape  fut 
très  mécontent  de  l'attaque  dirigée  contre  son  allié  Gisolf 
et  dans  une  lettre  d'octobre  1076,  il  est  aussi  monté  contre  les 
Normands  que  contre  Henri  IV  '■^.  Si,  à  ce  moment,  ce  dernier  fût 
descendu  en  Italie,  la  situation  du  pape  eût  été  terrible;  mais 
les  victoires  du  roi  des  Romains,  en  Saxe,  aA^aient  porté  ombrage 
aux  princes  allemands  et  les  principaux  d'entre  eux  s'étaient 
entendus  avec  Grégoire  VIL  La  diète  de  Tribur  (octobre  1076) 
obligea  Henri  à  se  soumettre  ^.  Ge  succès,  qui  devait  amener 
Henri  IV   à  Canossa,  fut  compensé  par  l'écroulement  du  plan  de 


1.  Sur  l'équivalence  de  ces  prix  avec  la  monnaie  actuelle,  cf.  Guillaume, 
L'ahhaye  de  la  Cava,  p.  .39,  note  1. 

2.  Aimé,  VIII,  18.  Cf.  G.  Ap.,  III,  425  et  suiv. 

3.  Reg.  IV,  7.  p.   251.   ISios  auteni  sacrilegae  invasionin    eoriirn   niinquaju 
erimiin  consentiendo  participes. 

t.  Meyer  von  Knonau,  op.  c(7.,  t.  Il,  p.  729  «r-l  suiv. 


246  CHAPITRE    X 

Grégoire  Vil  dans  l'Italie  du  Sud.  Au  moment  où  le  pape  allait 
remporter  sur  l'empire  son  plus  grand  succès,  le  seul  allié  qui  lui 
fut  resté  fidèle  dans  F  Italie  méridionale  voyait  ses  Etats  tomber 
aux  mains  de  Guiscard. 

Nous  ne  savons  pas  combien  de  temps  dura  l'expédition  de 
Richard  et  de  Robert  en  Campanie.  Il  est  curieux  de  voir  qu'au 
moment  où  tous  deux  sont  excommuniés,  ils  entretiennent  les 
meilleures  relations  avec  le  Mont-Cassin  '.  Après  être  montés 
jusqu'à  la  célèbre  abbaye,  ils  revinrent  devant  Salerne  dont  la 
trahison  leur  ouvrit  les  portes,  le  13  décembre  ^.  La  g-arnison  de 
la  ville  était  tellement  atraiblie  qu  elle  ne  fit  aucune  résistance. 
Gisolf  réussit  à  s'enfermer  dans  la  citadelle  où  il  devait  résister 
encore  plusieurs  mois. 

Tandis  que  Guiscard  continuait  à  assiéger  Gisolf  dans  le 
donjon  de  Salerne.  le  prince  de  Capoue  lui  rappela  sa  promesse 
de  l'aider  à  s'emparer  de  Naples.  Guiscard  lui  accorda  l'aide  de 
sa  flotte  composée  de  vaisseaux  amalfîtains  et  calabrais.  Au 
commencement  du  mois  de  mai  1077,  la  flotte  normande  parut 
devant  Naples;  en  même  temps  Richard  venait  commencer  le 
siège  par  terre  ^. 

Cependant,  à  Salerne,  la  famine  ne  tarda  pas  à  affaiblir  les 
défenseurs  de  la  citadelle  qui  étaient  rationnés  à  trois  onces  de 
pain  et  une  once  de  fromage  par  jour  '.  Le  vin  manquait  presque 
complètement;  seuls  le  prince  et  son  frère  en  buvaient.  La  misère 
devint  telle  qu'une  des  sœurs  de  Sykelgaite  fit  demander  des 
secours  à  cette  dernière.  Celle-ci  obtint  d'envoyer  des  vivres  à 
son  frère.  Gisolf  sollicita  alors  une  entrevue  de  son  beau- frère, 
qui  après  s'être  refusé  d'abord  à  tout  entretien,  finit  par  en  accorder 
un.  Il  exigea  que  le  prince  de  Salerne  lui  remît  la  citadelle  et  se 

1.  Aimé,  VIII,  21  et  suiv. 

2.  Aimé,  VIII,  23;  G.  Ap.,  III,  441;  Ann.  Ben.,  M.G.H.SS..  t.  III, 
p.  181  ;  Romuald  de  Salerne,  dans  M.G.H.SS..  t.  XIX,  p.407.C/i7-.  Amalf., 
dans  Muratori,  Ant.  Ifal.,  t.  I,  p.  214.  Ann.  Cas.,  M.G.H.SS.,  t.  XIX, 
p.  306;  Lupus  Protospat.,  ad  an.  1077;  Ann.  Cav.  ,  M.G.H.SS.,  t.  III, 
p.  190. 

3.  Aimé,  VIII,  24,  Ann.  Cas.,  ad  an.  1077,  dans  M.G.H.SS..  t.  XIX,  p.  307  ; 
Ann.  Cav.,  ad  an.  dans  M.G.H.SS.,  t.  III,  p.  190. 

4.  Aimé,  VIII,  25  et  suiv. 


PRISE     DE    SALERNE  2i7 

rendît  à  discrétion.  Gisof  fut  forcé  de  souscrire  à  toutes  les  condi- 
tions ;  une  fois  que  Guiscard  eût  décidé  le  prince  de  Salerne  à  traiter, 
il  exigea  des  deux  frères  de  Gisolf,  Landolf  et  Guaimar,  la 
remise  de  leurs  possessions  :  c'est  à  savoir  San  Severino  ', 
Policastro  '^  et  toute  la  région  duCilento.  Sur  leur  refus,  il  menaça 
Gisolf  de  le  mettre  aux  fers  et  de  l'envoyer  en  prison  à  Palernie. 
Cette  attitude  décida  Landolf  et  Guaimar  à  se  soumettre.  Aimé 
raconte  une  anecdote  au  sujet  de  la  prise  de  la  citadelle.  Parmi  les 
objets  précieux  que  Gisolf  avait  fait  enfermer,  se  trouvait 
une  dent  de  saint  Mathieu,  relique  précieuse  dont  Guiscard 
désirait  vivement  s'emparer.  Il  la  réclama  à  Gisolf  c[ui,  tenant 
non  moins  à  la  dent  du  saint,  fît  arracher  une  dent  à  un  Juif  qui 
venait  de  mourir  et  l'envoya  à  son  beau-frère.  Mais  celui-ci 
ne  fut  point  dupe,  il  s'était  fait  décrire  la  relique  par  le  prêtre  qui 
en  avait  la  garde  et  comme  la  dent  qu'on  lui  remit  ne  cadrait  pas 
avec  la  description,  il  fît  dire  à  Gisolf  qu'on  lui  arracherait  les 
dents  le  lendemain  s'il  ne  remettait  pas  la  précieuse  relicjue.  Gisolf 
dut  s'exécuter. 

Une  fois  qu'il  eut  dépouillé  son  beau-frère  de  toutes  ses  pos- 
sessions, Guiscard  lui  témoigna  une  certaine  bienveillance.  Il  lui 
remit  une  somme  d'argent,  lui  donna  des  chevaux  et  des 
mulets  et  le  laissa  libre  de  s'en  aller.  Gisolf  alla  d'abord  trouver 
Richard  à  Capoue  ;  il  espérait  peut-être  lamener  à  lutter  contre 
Guiscard,  mais  Richard  ne  voulut  rien  entendre.  Gisolf  et  lui 
se  séparèrent  brouillés  et  l'ex-prince  de  Salerne  se  rendit  à 
Rome  où  il  attendit  c[uelc|ue  temps  le  retour  du  pape.  Celui-ci 
revint  au  début  de  septembre  et  fit  à  son  allié  malheureux  le 
meilleur  accueil.  Jusqu'à  la  fin  de  son  pontificat,  il  lui  offrit 
asile  \ 


1.  Mercato  San  Severino,  circond.  et  prov.  de  Salerne.  En  novembre  lOSl, 
on  trouve  Roger  seigneur  de  San  Severino,  Archives  de  la  Cava,  B.  20;  or, 
du  même  mois  est  un  diplôme  de  Silvain,  fils  de  Turgisius,  également  sei- 
gneur de  San  Severino.  Ihi(l.,B.  19.  Comme  plus  tard  ce  sont  les  descen- 
dants de  Roger  qui  possèdent  San  Severino,  il  faut  sans  doute  admettre 
que  la  ville,  d'abord  donnée  à  Silvain,  passa  ensuite  à  Roger,  peut-être 
après  la  mort  du  premier,  qui  serait  mort  en  novembre  1081. 

2.  Petilia  Policastro,  circond.  et  prov.  de  Catanzaro. 

3.  Aimé,   VIII,   29-30.  Cf.  Jaffé-L.,    5047.  G.  Ap.  III,  463. 


2i8  CHAPITRE    X 

La  reddition  de  la  citadelle  de  Salerne  dut  avoir  lieu  pendant 
Tété  1077  ;  quand  elle  se  fut  produite,  Richard  demanda  à  Guis- 
card  de  nouveaux  secours  en  hommes  et  en  vaisseaux.  Le  duc 
vint  lui-même  prendre  part  au  siège  de  Naples  qui  se  prolongea 
sans  résultat  durant  tout  lété  et  1  automne  1077. 

Vers  la  fin  de  cette  année,  Guiscard  laissant  une  partie  de 
sestroupesk  Richard,  entreprit  de  nouvelles  conquêtes  aux  dépens 
de  la  papauté.  Le  18  novembre  1077.  mourut  Landolf,  qui  tenait 
Bénévent  pour  le  pape  ;  Guiscard  crut  l'occasion  propice  pour 
tenter  un  coup  de  main  sur  la  ville  et  vint  mettre  le  siège  devant 
la  place  (19  décembre)  ;  après  avoir  établi  ses  troupes  et  organisé 
le  blocus,  le  duc  s'éloigna  et  se  rendit  en  Galabre  '.  Cette  attaque 
contre  Bénévent  constituait  une  véritable  déclaration  de  guerre  au 
pape;  celui-ci  devait  être  outré  des  derniers  succès  de  Guiscard, 
qui  n'avait  jamais  vu  la  fortune  lui  être  aussi  favorable  que  depuis 
le  moment  où  il  avait  été  excommunié.  Nous  avons  la  preuve  de 
la  colère  de  Grégoire  ^  II,  qui,  le  2  mars  1078  -,  dans  le  concile  tenu 
à  Rome,  prononça  l'excommunication  contre  les  Normands  «  qui 
attaquent  le  territoire  de  Saint-Pierre,  c'est  à  savoir  la  Marche  de 
Fermo  et  le  duché  de  Spolète,  contre  ceux  qui  assiègent  Béné- 
vent et  s'efforcent  de  ravager  la  Gampanie,  la  Maritime  et  les 
Sabines,  et  contre  ceux  qui  tentent  de  mettre  le  désordre  dans 
Rome.  »  Le  pape  interdisait  à  tout  évêque  ou  prêtre  de  permettre 
aux  Normands  d'assister  à  l'office  divin.  Cette  dernière  défense 
devait  s'appliquer  tout  spécialement  à  Didier  abbé  du  Mont-Cassin, 
qui,  nous  l'avons  vu,  n'avait  pas  craint  d'entretenir  les  meilleurs 
rapports  avec  les  Normands,  malgré  l'excommunication  déjà  ful- 
minée contre  eux. 

Par  les  actes  du  concile  de  Rome  nous  voyons  que  la  conquête  de 
la  Gampanie  sur  laquelle  nous  avons  très  peu  de  renseignements, 
avait  continué,  même  après  l'expédition  de  l'été  1077,  et  nous  avons 
aussi  la  preuve  que  les  Normands  ont  continué  à  avancer  dans  la 
région  des  Abruzzes  et  qu'ils  ont  débordé  sur  les  territoires  de 


1.  Aimé,  VIII,  31;    Ann.    Benev.,    dans    M. G. H.    SS.,    t.    III,    p.    181; 
Petr.  Diac,  III,  45. 

2.  Reg.  V,  14,  p.  307. 


LES    NORMANDS    DANS    LES    ABRUZZES  249 

Fermo  et  de  Spolète.  Pour  toute  cette  région,  nous  sommes  très 
mal  documentés  et  les  détails  de  la  conquête  nous  échappent 
presque  entièrement.  Nous  savons  seulement  qu'en  1073  les  Nor- 
mands avaient  occupé  les  biens  du  monastère  de  Saint-Clément 
de  Casauria  *  et  que,  vers  1076,  Hugues  Maumouzet,  voyant  que 
l'abbé  Transmond  organisait  la  défense,  l'attira  dans  un  guet-apens 
et  le  fît  prisonnier.  Hugues  ruina  tellement  le  monastère  que 
les  moines  durent  se  disperser  -. 

Aimé  nous  a  également  raconté  la  lutte  soutenue  par  Robert 
de  Loritello  contre  Transmond,  qui  était  comte  de  Ghieti.  Le 
neveu  de  Guiscard  assiéga  Ortona  ;  on  leva  contre  lui  des  troupes 
jusqu'à  Ravenne.  Les  évêques  de  Gamerino  et  de  Penne  prirent 
le  commandement  de  l'expédition  ;  malgré  leurs  efforts,  Robert 
de  Loritello  réussit  à  se  faire  reconnaître  comme  suzerain  par 
les  seigneurs  du  pays  3. 

Un  rôle  important  fut  joué  dans  la  conquête  de  la  région  des 
Abruzzes  par  un  personnage  du  nom  de  Dreux  ;  ce  dernier,  aussi 
appelé  Tasson,  était  le  frère  de  Robert  de  Loritello  et  c'est  à  tort 
que  la  Chronique  de  Saint-Barthélémy  de  Garpineto  l'a  con- 
fondu avec  son  homonyme  le  fils  de  Tancrède  de  Hauteville  ^. 
Dreux  eut  deux  fils  :  Robert  et  Guillaume  dont  le  dernier  fut 
évêque  de  Ghieti  ^.  Aussi  bien  au  sujet  de  Robert  de  Loritello 
que  de  son  frère  nous  sommes  fort  mal  renseignés.  Toutefois  une 
bulle  de  Pascal  II,  confirmant  à  l'évêque  de  Ghieti  les'donations 
faites  par  Robert  et  par  son  frère,  nous  permet  de  connaître  quels 


1.  Chr.  Casaur.,  Muiatori,  R.I.SS.,  t.  II,  2,  p.  865. 

2.  Ibid.,  p.  866. 

3.  Aimé,  VII,  30  et  suiv. 

4.  Chr.  sancti  Barthotomei,  dans  Ughelli,  op.  cit.,  l.  X,  p.  359;  Aimé, 
VII,  30;  Romoald  de  Salerne,  dans  M.G.H.SS.,  t.  XIX,  p.  405;  C/ir.  Casaur., 
dans  Muratori,  R.  I.SS.,  t.  II,  2,  p.  871.  La  bulle  de  Pascal  II  est  éditée  dans 
Ughelli,  op.  cit.,  t.  VI,  p.  702.  Cf.  di  Meo,  op.  cit.,  t.  IX,  pp.  6-7,  et  p.  211. 
Bindi,  op.  cit.,  p.  591,  a  publié  un  acte  de  Tasson,  comte  de  Chieti,  daté 
de  1091,  dont  tous  les  éléments  chi-onologiques  sont  faux.  Cet  acte  ne  me 
paraît  pas  authentique. 

5.  Bullar.  Vatic,  t.  I,  p.  19,  et  Ughelli,  op.  cit.,  t.  VI,  p.  703.  Ce  dernier 
ne  serait-il  pas  le  même  personnage  que  Guillaume,  qui  vers  1103,  partit 
pour  la  Terre  sainte,  après  avoir  vendu  ses  biens  au  comte  Richard  de 
Manopello,  Chr.  Casaur.,  p.  872-874? 


250  CHAPITRE    X 

ont  été  en  partie  les  résultats  de  la  conquête  nomiande  dans  les 
Abruzzes  '.  C'est  ainsi  que  nous  vovons  que  les  Normands  sont 
établis  à  CMeti,  à  Trevelliano,  à  Villamao-na  -.  àMontefilardo  \ 
à  Lanciano  \  à  Atesa  •'',  à  Ortona  ^,  k  Montacuto  ",  à  Monteodori- 
sio  '^,  à  Abatico  ^,  à  Caramanico  '",  à  Torre  ",  à  Luparelli  '-,  à  San 
Paolo,  à  Force  '^  à  Gissi'',  à  Scuculla  '■',  à  Sant'  Ang-elo  "^  et  à  San 
Silvestro.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  la  plupart  de  ces  villes  ne 
furent  soumises  très  probablement  que  plus  tard  et  que  c'est 
seulement  vers  1093  que  les  Normands  possèdent  les  places  que 
nous  avons  énumérées. 

Les  Normands  de  Robert  de  Loritello  s'avancèrent  en  longeant 
la  côte  de  l'Adriatique.  La  conlig^uration  des  Abruzzes  rend  très 
difficiles  les  communications  entre  le  littoral  et  l'intérieur  des 
terres,  les  seuls  passages  qui  franchissent  le  massif  montaccneux 
sont  ceux  suivis  par  les  anciennes  voies  romaines  :  la  Via  Salaria, 
qui  suit  la  vallée  du  Tronto,  et  la  via  Claudia  Valeria,  qui  emprunte 
la  vallée  de  la  Pescara.  Aussi  ce  ne  sont  pas  les  bandes  de  Robert 
de  Loritello,  qui  entreprirent  la  conquête  des  plateaux  intérieurs 
des  Abruzzes,  mais  celles  du  fils  de  Richard   de  Capoue,    Jour- 


i.  Ughelli,  op.  cit.,  t.  VI,  p.  702.  Cf.  di  Meo,  op.  cit.,  t.  IX.  p.  G. 

2.'  Villamagna,  circond.  et  prov.  de  Chieti. 

S.   Monte  fdardo,  au  diocèse  de  Chieti.  Cf.  di  Meo.  op.  cit.,  t.  XII,  p.  .344. 

4.  Lanciano,  ch.-l.  de  circond.,  prov.  de  Chieti. 

5.  Atessa,  circond.  de  Vasto,  prov.  de  Chieti. 

6.  Ortona,  circond  de  Lanciano,  pi-ov.  de  Chieti. 

7.  Dans  le  Dizionario  postale  del  regno  d'Italia,  je  ne  trouve  aucune  loca- 
lité que  Ton  puisse  identifier  avec  Monlacuto.  En  effet.  Montacuto,  circond. 
et  prov.  d'Ancône  est  bien  éloigné. 

8.  Monteodorisio,  circond.  de  Vasto,  prov.  de  Chieti. 

9.  Sans  doute  Abbateggio,  circond.  et  prov.  de  Chieti. 

10.  Caramanico,  circond.  et  prov.  de  Chieti. 

11.  Sans  doute  Torrebruna,  circond.  de  Vasto,  prov.  de  Chieti. 

12.  Sans  doute  Civitaluparella,  circond.  de  Lanciano,  prov.  de  Chieti. 

13.  Force,  circond.  et  prov.  dAscoli  Piceno. 

14.  Gissi,  circond  de  Vasto,  prov.  de  Chieti. 

lo.  Sans  doute  Sconcola.  commune  de  RipaTealina.  circond.  et  prov.  de 
Chieti. 

16.  Il  s'agit  vraisemblablement,  soit  de  Sant'Angelo,  commune  de  Déliante, 
circond.  et  prov.  de  Teranio,  soit  de  Sant  Angelo,  commune  de  Rocca- 
montepiano,  circond.  et  prov.  de  Chieti, 


MORT     DE    RICHARD    DE    CAPOUE  2o1 

dain,  à  qui  son  père  avait  concédé  cette  terre  en  échange  de 
Nocera  '.  Nous  retrouverons  plus  tard  la  trace  delà  situation  qui 
résulta,  de  cette  double  conquête  et  verrons  que  les  territoires 
des  Abruzzes  dépendaient  les  uns  du  Principat  de  Capoue, 
les  autres  du  duché  de  Fouille. 

Ce  fut  Jourdain,  qui,  à  la  suite  de  lexcommunication  lancée  par 
Grégoire  VII,  fit  le  premier  sa  soumission  ;  il  alla  à  Rome 
implorer  labsolution  -.  Peut-être  la  maladie  dont,  vers  cette  date, 
fut  atteint  son  père,  Richard,  ne  fut-elle  pas  sans  influence  sur 
sa  résolution.  Richard  mourut,  en  effet,  le  o  avril  1078.  L'évêque 
d'Aversa  lui  refusa  l'absolution  tant  qu'il  n'eut  pas  rendu  au  pape 
toutes  les  terres  qu'il  avait  conquises  en  Campanie.  Son  fils, 
Jourdain,  dut  craindre  que  Grégoire  VII  ne  lui  créa  des  difficul- 
tés au  sujet  de  la  succession  paternelle  ;  c'est  là  ce  qui  expli- 
querait sa  soumission  au  pape.  Jourdain  fut  accompagné  à  Rome 
par  son  oncle,  le  comte  Rainolf,  qui  se  réconcilia  également  avec 
le  pape  -K 

La  mort  de  Richard  eut  pour  Guiscard  d'assez  graves  consé- 
quences. Tout  d'abord  le  siège  de  Naples  fut  immédiatement 
levé,  puis,  peu  après,  Jourdain  vint  obliger  les  troupes  de  Guiscard 
à  s'éloigner  de  Bénévent.  Vers  la  même  époque  x\bélard,  qui  avait 
entraîné  dans  sa  nouvelle  rébellion  son  beau-frère,  Gradilon,  et 
était  depuis  longtemps  assiégé  dans  Sant'  Agata  fut  contraint  de 
se  rendre  ;  par  sa  mère  il  fit  demander  son  pardon  à  Guiscard 
auquel  il  remit  la  forteresse,  où  il  s'était  retiré^. 

Il  faut  placer,  également  dans  les  premiers  mois  de  1078,  le 
mariage  de  la  fille  de  Guiscard.  La  situation  du  duc  de  Fouille, 
était  devenue  si  importante  qu'il  voyait  son  alliance  recherchée 
par  les  plus  hauts  personnages.  Nous  parlerons  plus  loin  des  négo- 
ciations matrimoniales  engagées  avec  1  empereur  de  Gonstanti- 
nople  ;  Guiscard  maria,  au  début  de  1078,  une  de  ses  filles  avec 
Hugues,  fils  du  marquis  d'Esté,  Azzon  II  ' .  A  cette  occasion  Robert 


1.  Aimé,  VII,   33. 

2.  Ibid.,   VIII,    32. 

3.  Ibid.,  VIII,  34,  qui  appelle  Rainolf,  Boger;  Ann.  Benev.,    ad   an.    107' 
dans  M.G.H.SS..  t.  III,  p.  181. 

4.  Ann.   Casin.,  ad  an.  1077,  dans  M.G.H.SS.,  t.  XIX,  p.  307. 
0.  Aimé,  VIII,  33.  G.  Ap.,  III,  486  et  suiv. 


252  CHAPITRE    X 

donna  de  grandes  fêtes  à  Troia.  Nous  constatons,  à  ce  propos, 
les  progrès  faits  par  Guiscard,  qui  se  sentit  alors  sufTisamment 
puissant  pour  imposer  à  ses  vassaux  de  Fouille  laide  féodale 
due  au  seigneur,  lorsqu'il  mariait  ses  enfants.  Dans  ce  simple 
fait  nous  trouvons  la  preuve  que  Robert  avait  réussi  à  trans- 
former en  une  suzeraineté  effective  l'autorité  nominale  qu'il 
avait  au  début  de  son  règne.  Aucun  des  vassaux  du  duc 
n'osa  protester  ouvertement,  mais  sa  demande  excita  un 
mécontentement  général  parmi  tous  les  seigneurs  de  la  Fouille, 
qui  pendant  longtemps  s'étaient  regardés  comme  les  égaux  de 
Robert'. 

Ce  mécontentement  se  traduisit  bientôt  par  des  actes.  Sous 
1  inspiration  du  nouveau  prince  de  Capoue,  Jourdain,  une  vaste 
rébellion  s'organisa  -.  Les  principaux  rebelles  furent  Geoiïroi  de 
Conversano,  sonfrère,  Robert  de Montescaglioso'^,  Henri,  comte  de 


1.  Aimé,  VIII.  G.  Ap.,  III,  488. 

2.  G.  Ap.,  111,515  et  suiv. 

3.  G.  Ap.,  III,  523  et  suiv.,  mentionne  Robert  de  Montescaglioso, 
frère  de  Geofîroi  et  fils  d'une  sœur  de  Robert  Guiscard.  Robert  de  Mon- 
tescaglioso est  sans  doute  à  identifier  avec  le  comte  Robert,  qui  prit  Matera, 
en  1064  (Lup.  Protosp.,  ad  an.  1064;  Anon.  Bar.,  ad  an.  1064).  D'après  un 
diplôme  de  1068,  Robert  aurait  été  seigneur  de  Tricacrio,  il  aurait  eu  pour 
femme  Amelina  et  pour  frère  GeofTroi  (Ughelli,  op.  cit.,  t.  VII, p.  146);  mais 
di  Meo,  op.  cit.,  t.  VIII,  pp.  84-85,  a  contesté,  avec  raison  semble-t-il,  l'au- 
thenticité de  ce  document.  A  partir  de  1078,  nous  trouvons  Onfroi  de  Mon  tesca- 
glioso(Archivesdu  Mont-Cassin,  Coc/.  Careoso,  ce  registre  n'est  pas  folioté), 
mais  nous  ignorons  quelle  est  sa  parenté  avec  Robert.  Onfroi  est  mentionné 
jusqu'en  1093  ArchiviodiStato,àNaples,  fondsde  Matera,  n^^ 4  et  5),  en  1099, 
mort  'Regiineapolit.  archivii  mon.,  t.  VI,  pp.  168-170).  Onfroi  épousa  Béatrice 
dont  il  eut  Raoul  Machabée,  Alice,  Geoffroi,  Roger,  Guillaume,  Robert  Begii 
neap.  archivii  mon.,  t.  VI,  loc.  cit.;  Ughelli,  op.  cit.,  l.  VII,  p.  28.  Cod. 
Vatic,  lat.,  8222,  f°63r°;  Minieri  Riccio,  op.  cit.,  Suppl.  p.  9).  Raoul  Macha- 
bée épousa  Emma,  fille  de  Roger  I",  comte  de  Sicile  (Regii  neap.  arch.  mo- 
num,  t.  VI,  pp.  154,  156.  Gattola  Accès.,  1. 1,  p.  213).  Jene  crois  pas  qu'Emma 
doive  être  identifiée  avec  la  fille  de  Roger  l'apportant  le  même  nom,  qui  épousa 
Guillaume  III  de  Clermont.  Remarquons  en  effet  que  parmi  les  enfants  de 
Tancrède  de  Hauteville,  nous  en  trouvons  deux  portant  le  même  nom, 
Guillaume  Bras  de  fer  et  Guillaume  du  Principal,  il  se  pourrait  donc  que 
Roger  l"'  ait  eu  deux  filles  portant  le  nom  d'Emma.  Le  frère  de  Raoul, 
Geoffroi,  doit  être  vraisemblablement  identifié  avec  le  personnage  de  même 
nom  qui  fut  tué   à  Dorylée  (Orderic  Vital,  t.  III,  pp.  489,  511,  539). 

En  1097  n.  s.  (Archives  de  la  Gava,  D.  20,  diplôme  de  décembre  ind.  12), 


GRÉGOIRE   VU    ET    JOURDAIN    DE    CAPOUE  253 

Monte  Sant'  Angelo  ',  Pierron,  comte  de  Tarente,  x\mi  comte  de 
Giovenazzo  -  et  un  seigneur  du  nom  de  Baudoin .  Les  rebelles 
eurent  très  probablement  l'appui  des  Byzantins  •^;  en  tout  cas  ils 
eurent  certainement  celui  du  pape  ;  bien  que  nous  n'ayons 
aucun  témoignage  formel  à  cet  égard  les  relations  entre 
Grégoire  VII  et  Jourdain,  le  séjour  que  le  pape  fît  à  Gapoue,  au 
mois  de  juillet  1078^  sont  des  indices  suffisants,  pour  admettre 
que   Grégoire  VII  joua  un  rôle  dans  ces  événements.  Il  semble 


je  trouve  Guillaume  seigneur  Saponaria  et  Brienza  (Saponara  di  Grumento, 
et  Brienza,  circond.  etprov.  de  Potenza).  A  cette  date,  Guillaume  ne  doit  pas 
être  depuis  long-temps  seigneur  de  Brienza,  car,  en  1095,  cette  ville  a  pour 
seigneur  Ai'on,  qui  a  épousé  Sykelgaite.  (DiMeo,  op.  cit.,  t.  IX,  p.  9).  Guillaume 
est  sans  doute  le  même  personnage  que  Guillaume  de  Montescaglioso 
seigneur  de  Brienza  et  PoUa,  qui,  en  juin  1130,  fait  une  donation  au  monas- 
tère de  la  Gava  (Archives  de  la  Gava,  G.  1).  Guillaume  est  fils  de  Bobert  de 
Montescaglioso,  il  s'agit  sans  doute,  de  Bobert  1,  et  non  de  Bobert,  fils  de 
Baoul  Machabée,  car,  déjà  en  1135,  un  fils  deGuillaume  de  Montescaglioso, 
également  appelé  Bobert,  est  avec  Britton,  coseigneur  de  Noja  [Cod. 
dipl.  Bar.,  t.  V,  pp.  143  et  155). 

Sous  Guillaume  1*^'',  nous  trouvons  GeolTroi  de  Montescaglioso  (Falcand, 
pp.  15  et  22;,  qui  est  sans  doute  le  fils  de  Baoul  Machabée.  Geoffroi  eut  ses 
biens  confisqués  et  le  comté  de  Montescaglioso  fut  donné  à  Henri,  frère  de 
la  reine  Marguerite. 

1.  Henri,  comte  de  Monte  Sant'Angelo,  était  le  fils  d'un  comte  nommé  Bobert 
etavaitépousé  Alice,  fille  du  comte  Bogerl^"",  Henri  avait  pour  frères  Bichard 
(Archives  delà  Gava,  B.  27,  B.  40)  et  Guillaume  (Archives  de  la  Gava,  D.  11, 
D.  23  del  Giudice,  op.  cit.,  p.  XIII.  Gf.  di  Meo,  IX.  9).  Il  ne  faut  pas  con- 
fondi-e  Henri  de  Monte  San  Angelo  avec  Henri,  frère  d'Adélaïde,  femme  de 
Boger  I". 

2.  Weinreich,  op.  cit.,  p.  47,  a  dressé  la  généalogie  des  descendants 
d'Ami  de  la  façon  suivante  : 

Ami 

! 

Gautier  Pierron 

I  comte  de  Trani,  puis  de  Tarente 

Ami  I 

seigneur  de  Giovenazzo  Geoffroi     Pierron 

I 

Bichard 

Ami  de  Giovenazzo  eut  probablement  pour  fils  Geoffroi,  seigneur  de 
Melfi.  Cf.  Elencodelle  pergamene,  etc.,  dans  Arc/i.  st.  napol.,  t.  VIII,  p.  157, 
et  Mansi,  op.  cit.,  t.  XX,  p.  647. 

3.  Chart.  Cupers.,  t.  I,  p.  102. 

4.  Beg.,  VI,  1,  p.  322. 


2o4  CHAPITRE    X 

même  que  le  pape  ait  obligé  Jourdain  à  lui  donner  des  preuves 
sérieuses  de  sa  fidélité,  car  nous  savons  qu'il  ne  lui  conféra  pas 
immédiatement  l'investiture  des  biens  de  son  père  ^ 

Le  comte  Pierron  ouvrit  les  hostilités  en  s'emparant  de 
Trani  -.  La  révolte  dès  le  début  s'étendit  non  seulement  à  la 
Fouille,  mais  aussi  à  la  Calabre  et  à  la  Lucanie.  Il  semble  que 
Guiscard  ait  été,  au  moment  où  elle  éclata,  en  Calabre;  ce  ne  fut 
qu'après  avoir  pacifié  Cosenza  ^  et  s'être  rendu  maître  de  cette 
région,  qu'il  put  marcher  contre  les  rebelles;  sa  tâche  semble 
d'ailleurs  avoir  été  ici  assez  facile,  car  beaucoup  de  ses  vassaux 
lui  demeurèrent  fidèles*.  En  Fouille,  il  n'en  fut  pas  de  même  et 
comme  Guiscard  ne  parut  pas  immédiatement,  la  révolte  s'étendit 
rapidement.  Le  3  février  1079,  Argyrizzos  décida  les  gens  de 
Bari  à  se  soulever  et  livra  la  ville  à  Abélard  auquel  il  fit  épou- 
ser sa  fille.  Avec  Bari,  Trani,  Bisceglie,  Corato  et  Andria  se 
révoltèrent  et  leurs  milices  sous  les  ordres  de  Fierron  et  d'Ami 
parurent  devait  Giovenazzo,  restée  fidèle  au  duc.  Fendant  ce 
temps,  Abélard  assiégeait  Troia,  où  était  enfermé  Bohémond;  il 
infligea  à  ce  dernier  une  défaite  sérieuse  et  alla  ensuite  attaquer 
Ascoli  \  Giovenazzo  était  la  seule  place  restée  fidèle  ;  elle 
fut  défendue  par  Guillaume,  fils  d'Ivon,  qui  réussit  à  faire 
lever  le  siège,  en  annonçant  la  prochaine  venue  du  lils  de 
Guiscard,  Roger.  Le  duc  de  Fouille,  après  avoir  pacifié  la 
Calabre,  arriva,  à  la  tête  de  forces  nombreuses;  il  commença 
par  reprendre  Ascoli  et  contraignit  Abélard  à  aller  s'enfermer 
dans  Bari.  Cette  victoire  suffit  pour  disperser  les  rebelles, 
qui  se  retirèrent  chacun  dans  leur  ville.  Four  récompenser  les 
habitants  de  Giovenazzo  de  leur  fidélité,  Guiscard  leur  accorda 
la  remise  du  tribut  pendant  trois  années.  La  répression  de 
1  insurrection  fut  terrible  ;  le  duc  ayant  occupé  Ariano  et  pris 
Trivico,  fit  prisonnier  Gradilon  et  le  comte  Baudouin,   qu'il  fît 


1.  Deusdedit,   Collectio  canoniim,  éd.     Martinucci   (Rome,    1869|,   iii-4", 
p.  342. 

2.  Chron.  brev.  norm.,  ad  an.  1078  ;  Lupus  Protospat.,  ad  an.  1079. 

3.  G.  Ap.,  III,  328  el,57o. 

4.  G.Ap.,  III,  534-53u'. 

5.  Lupus  Protospat.,  ad  an.  1079.  Chr.  brev.  norni.,  ad  an.  1079. 


HOBKRT    GLISCARD    ET    JOURDAIN    DE    CAPOUE  255 

aveugler  et  condamna  à  une  prison  perpétuelle  •.  Les  biens  des 
rebelles  furent  confisqués  et  distribués  aux  soldats  du  duc.  Le 
calme  fut  bientôt  suffisamment  rétabli  pour  que  Robert  put 
songer  à  aller  punir  l'instigateur  de  la  révolte,  le  prince  de  Capoue. 

Jourdain  n'avait  prêté  aucune  assistance  etlective  aux  rebelles; 
peut-être  fut-il  retenu  par  les  troubles,  qui  se  produisirent  alors 
dans  ses  Etats  ',  sans  que  nous  sachions  rien  de  précis  à  cet  égard. 
A  ce  moment  Jourdain  chercha  à  se  rapprocher  de  Robert,  car  ses 
relations  avec  Grégoire  VII  s'étaient  gâtées.  En  1079,  le  pape 
avait  écrit  à  Jourdain  une  lettre  violente,  dans  laquelle  il  lui 
reprochait  d'avoir  contraint  sa  belle-mère  à  se  remarier,  empê- 
ché un  évêque  de  se  rendre  à  Rome  pour  un  voyage  ad  liniina, 
et  enfin  d'avoir  usurpé  les  biens  des  églises  \  Grégoire  VII  se 
montrait  d'autant  plus  mécontent  qu'il  avait  fondé  plus  d'es- 
pérances sur  le  prince  de  Capoue.  A  la  suite  de  cette  lettre,  les 
rapports  de  Jourdain  et  du  pape  durent  se  tendre,  aussi,  quand 
le  prince  de  Capoue  apprit  que  Guiscard  songeait  à  diriger  une 
expédition  contre  lui,  il  se  hâta  de   demander  la  paix  '. 

Le  duc  après  ses  premiers  succès  s'était  rendu  à  Salerne  où 
il  était  dans  le  courant  du  mois  de  juillet.  De  ce  mois,  en 
effet  est  daté  l'acte  par  lequel  Robert  concéda  à  la  célèbre 
abbaye  de  la  Gava,  l'église  de  Saint-Mathieu,  dans  les  environs 
de  Nocera.  De  Salerne,  Guiscard  se  dirigea  vers  le  Sarno. 
Ce  fut  alors  qu  il  se  rencontra  avec  l'abbé  Didier,  chargé  par 
Jourdain  de  l'amener  à  traiter.  L'abbé  du  Mont-Cassin  avait 
le  plus  grand  désir  de  voir  rétablir  la  paix  entre  les  princes 
normands,  car  son  abbaye  avait  fort  à  souifrir  des  guerres 
perpétuelles.  Il  réussit  à  décider  Guiscard  à  s'entendre  avec 
Jourdain  et  peut-être  obtint-il  aussi  de  lui  l'autorisation  d'en- 
tamer des  négociations  avec  Grégoire  VIL  Nous  ne  savons  rien 


1.  G.  Ap.,  III,  567,  et  suiv.  Anon  Bar.,  ad  an.  1080.  Lupus  Protospat., 
ad  an.  1080  ;  Chr.  hrev.  norin.,  ad  an.  1080.  Romuald  de  Salerne,  dans 
M.G.H.SS.,  t.  XIX,  p.  408,  Chr.  Amalf.,  p.  214.  Tiivico  est  sans  doute  à 
identifier  avec  Trivigno,  circond.  et  prov.  de  Potenza. 

■2.   Cf.  Cod.  Caiet.,  t.  Il,  pp.  120-121. 

3.  Reg.,  VI,  37,  p.  375.  Cf.  Martens,  op.  cit.,  t.  I,  p.  297. 

4.  Petr.  Diac,  III,   45. 


256  CHAPITRE    X 

des  conditions  de  l'accord  conclu  entre  les  deux  princes  nor- 
mands '. 

Libre  du  coté  du  prince  de  Capoue,  Guiscard  se  retourna  vers 
les  autres  rebelles,  La  fin  de  l'année  4079  et  le  début  de  l'an- 
née 1080  furent  remplis  par  une  série  de  succès;  le  duc  occupa 
successivement  Monticolo-.  Pietrapalomba,  Monteverde  ■^  Gen- 
zano  ^  et  Spinazzola  '.  Cette  dernière  place  était  défendue  par  le 
fils  d'Ami,  qui  fut  réduit  à  s'enfuir '\  et  ce  succès  amena  Ami  lui- 
même  à  demander  la  paix.  Les  défections  qui  s  étaient  produites, 
depuis  l'apparition  de  Guiscard  en  Fouille,  effrayèrent  les  autres 
rebelles  et  décidèrent  Robert  de  Montescaglioso  et  Geoffroi  de  Con- 
versano  à  implorer  le  pardon  de  leur  oncle.  La  prise  de  Bari,  qui 
suivit  de  peu,  diminua  encore  le  courage  des  révoltés.  Abélard, 
qui  défendait  la  place,  fut  obligé  de  passer  en  Grèce  tandis 
qu'Argyrizzos  se  rendait  en  Serbie  '.  Pendant  qu'une  partie  des 
troupes  sous  les  ordres  de  Sykelgaite  assiégeait  Trani,  Guiscard 
allait  attaquer  Tarente  qui  se  rendit  en  avril  ;  de  là  il  vint  mettre 
le  siège  devant  Castetellaneta,  dont  il  s'empara.  La  prise  de 
Trani  suivit  de  peu  et  Pierron  dut  se  rendre  au  duc  ;  sa  sou- 
mission amena  la  fin  de  la  révolte. 

Les  succès  de  Guiscard  anéantissaient  tous  les  plans  de 
Grégoire  Vil,  qui  voyait  le  duc  devenu  plus  puissant  que  jamais, 
alors  que  la  conduite  d'Henri  IV  était  de  plus  en  plus  mena- 
çante pour  la  papauté.  A  la  suite  de  la  victoire  de  Mulhausen, 
Grégoire  VII  avait  cru  pouvoir  reconnaître,  comme  souverain 
légitime.  Rodolphe,  le  compétiteur  d'Henri  IV.  Ce  dernier  envoya 
alors  des  ambassadeurs  chargés  de  lui  recruter  des  partisans  en 
Italie  ^-  Le  pape  craignant  qu'une  alliance  entre  le  roi  des  Romains 
et   Guiscard   ne    se    produisit,    alliance    qui    eût    amené   l'écra- 

1.  G.  Ap.,    III,  617  et  suiv.  Cf.  Guillaume,  op.  cit.,  p.  \'II. 

2.  Sans  doute  Monticello,  commune  dOleviano  sul  Tusciano,  circond.  et 
prov.  de  Salerne. 

3.  Monteverde,  circond.  de  Sant"  Angelo  de"  Lombardi  prov.  d"AveIlino. 

4.  Sans  doute  Genzano,  circond.  et  prov.  de  Potenza. 

5.  Spinazzola,    circond.  de  Barletta,  prov.  de  Bari. 

6.  G.  Ap.,  111,641  et  suiv.  Petr.  Diac,  loc.  cil. 

7.  Anon.  Bar.,  ad  an.  Lupus  Protospat.,  ad  an.  Chr.  brev.  nor/n.,  ad  an. 

8.  Meyer  von  Knonau,  op.  cit.,  t.  III,  p.  260  et  suiv. 


l'entrevue  de  ceprano  257 

sèment  du  parti  des  réformes,  se  décida  à  traiter.  Dès  le  concile 
de  Rome  (mars),  le  ton  de  ses  lettres  est  plus  modéré  envers  les 
Normands  '.  L'abbé  du  Mont-Gassin  servit  d'intermédiaire  entre 
le  pape  et  le  duc  ;  mais  nous  ne  savons  rien  des  négociations. 

Grég-oire  VII  quitta  Rome    dans   les  premiers  jours  de  juin  2. 

Le  10,  il  reçut,  à  Ceprano,  le  serment  de  fidélité  de  Jourdain 
de  Gapoue,  conçu  dans  les  mêmes  termes  que  le  serment  prêté 
par   Richard  à  Alexandre  II  -K 

Le  29  juin,  Guiscard  à  son  tour  prêta  serment  ''.  11  s'engagea 
à  être  l'homme  du  pape,  réserve  faite  pour  la  marche  de  Fermo, 
Salerne  et  Amalti.  On  laissait  ainsi  en  suspens  le  règlement  des 
questions  litigieuses ,  relatives  aux  nouvelles  acquisitions  terri- 
toriales de  Guiscard.  Grégoire  Vil  reconnaissait  aussi  les  con- 
quêtes de  Robert  deLoritello,  à  la  condition  que  celui-ci  s'arrêtât 
dans  ses  empiétements  sur  le  territoire  de  Saint-Pierre.  En  outre, 
le   duc  promettait  au  pape  de  l'aider  à  défendre  la  papauté. 

Il  résulte  clairement  du  serment  prêté  par  Guiscard  que 
Grégoire  Vil  a  été  obligé  de  céder  sur  toute  la  ligne  ;  il  sauvait 
les  apparences  en  réservant  la  question,  mais,  en  fait,  il  recon- 
naissait les  nouvelles  conquêtes  du  duc.  Pour  que  le  pape  en  soit 
arrivé  à  abdiquer  ainsi  la  plupart  de  ses  prétentions,  il  fallait  qu'il 
jugeât  bien  dangereuse  sa  situation  vis-à-vis  de  Henri  IV.  C'était 
en  somme  Guiscard  qui,  le  29  juin  1080,  triomphait  du  pape, 
obligé  de  s'incliner  devant  le  fait  accompli. 

Guiscard,  comme  on  le  verra  plus  loin,  devait  tirer  bien  d'autres 
avantages  de  son  apparente  soumission  ;  il  reconnut  les  bons 
offices  de  Didier,  en  lui  accordant  le  monastère  de  Saint-Pierre  de 
Tarente  et  la  dîme  qu'il  percevait  en  cette  ville  sur  le  blé,  l'orge, 
le  vin,  l'huile  et  la  pêche  ^ 

Après  l'entrevue  de  Ceprano,  Guiscard  se  rendit  à  Salerne,  oiî 
il  résida  une  partie  du  mois  d'août  ^. 


i.  Reg.,  VII,  14  a,  p.  399. 

2.  Pet.  Diac,  III.  45,  G.  Ap.,IV.  16,  Jaffé-L.,  5172. 

3.  Deus  dédit,  loc.  cit.,  qui  porte  à  tort  rindictioii  X. 

4.  Reg.,  VIII,  la,  p.  426. 

5.  Gattola,  Accès.,  t.  I,  p.  183. 

6.  Diplôme  d'août  1080,  Guillaume,  op.  cil.,  p.  VIII. 

Histoire  de  la  domination  normande.  —  Chalandon.  17 


CHAPITRE    XI 


DERNIERES  ANNEES  DEGUISCARD.  GUERRE  AVEC  ALEXIS  COMMENE.  REVOLTE 
DES    SEIGNEURS    d'iTALIE.   PRISE   DE    ROME.  MORT    DE  GUISCARD. 


1080-1085) 


Après  l'entrevue  de  Geprano,  1  insatiable  ambition  du  duc  de 
Fouille  ne  se  trouvait  pas  satisfaite  et,  malgré  son  âge,  Robert 
rêvait  d'accroître  toujours  ses  Etats.  Guiscard  avait  alors  soixante- 
quatre  ans,  mais  il  avait  conservé  toute  la  vigueur  d'un  jeune 
homme,  «  sa  haute  stature,  dit  Anne  Comnène',  dépassait 
celle  des  plus  grands  guerriers,  son  teint  était  coloré,  sa  cheve- 
lure blonde,  ses  épaules  larges,  ses  yeux  lançaient  des  éclairs; 
ainsi  que  je  l'ai  souvent  entendu  dire,  l'harmonieuse  proportion 
de  toutes  les  parties  de  son  corps  en  faisait  de  la  tête  aux  pieds  un 
modèle  de  beauté  ».  Les  succès  prodigieux  qu'il  avait  remportés 
ne  suffisaient  pas  à  son  ambition  et  pourtant  que  de  chemin  par- 
couru depuis  que,  pauvre  chevalier,  il  était  rebuté  par  ses  frères, 
lors  de  sa  venue  en  Italie  !  Cependant  après  avoir  dévoré  la  terre 
de  l'Italie,  pour  employer  l'expression  d'Aimé,  Guiscard  voulut 
entreprendre  la  conquête  de  l'empire  byzantin.  Il  est  curieux  de 
voir  comment  il  fut  amené  à  l'idée  d'aller  porter  la  guerre  sur  le 
territoire  grec. 

Il  est  certain  que  la  conduite  de  Guiscard,  à  côté  de  mobiles 
tout  différents,  eut  un  mobile  politique.  Byzance,  en  etïet, 
n'avait  pas  cessé  de  s'intéresser  aux  affaires  d'Italie  et  avait  aidé 
toutes  les  révoltes  des  vassaux  du  duc  de  Fouille,  en  1064, 
comme  en  1072  et  en  1078.  Après  cette  dernière  insurrection 
Abélard,  l'ennemi  mortel  de  Guiscard  avait  trouvé  en  terre 
grecque  un  refuge  contre  la  colère  de  son  oncle.  Les  territoires 
byzantins  dTllyrie  étaient  devenus  le  lieu  de  rendez-vous  de  tous 

1.  Alexiade,   I,  12,  50-51. 


ROBERT    GUISCARD    ET    l'EiMPIRE    MYZAMIN  2?)9 

les  mécontents,  qui  là  pouvaient  tout  à  leur  aise  conspirer 
contre  le  duc  de  Fouille.  Celui-ci  comprit  qu'il  ne  serait  assuré 
de  la  tranquillité  de  ses  Etats  qu'autant  qu'il  serait  maître  de  la 
côte  d'Illyrie. 

A  côté  de  ces  raisons  d'ordre  politique,  il  faut  tenir  compte  du 
prestige  alors  exercé  par  Byzance  sur  tout  l'Occident.  L'admira- 
tion pour  le  monde  byzantin,  ses  costumes,  ses  usagées,  qui  était 
ressentie  même  par  des  empereurs  d'Allemagne,  devait  être 
encore  plus  vive  chez  les  conquérants  normands,  dont  toutes  les 
possessions  de  Calabre,  comme  les  villes  maritimes  de  la 
Fouille  avaient  subi  l'influence  de  Byzance.  Mais,  chez  les  Nor- 
mands, cette  influence  s'exerça  d'une  façon  toute  particulière. 
Guiscard  fut  amené  à  se  regarder  comme  le  successeur  légitime 
des  basileis.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'étudier  l'organisation  don- 
née par  Guiscard  à  ses  conquêtes,  il  suffira  de  dire  que  le  duc  de 
Fouille  laissa  subsister,  partout  où  il  la  rencontra,  l'organisation 
administrative  de  Byzance.  Il  est  question,  dans  les  actes  normands, 
d'un  thème  de  Calabre  ^,  nous  voyons  des  villes  avoir  à  leur  tête 
un  stratège  ou  un  exarque  '^ ,  et  un  normand  prendre  le  titre  de 
|3aaiXi7.bç  (âsairupto;^.  Les  souscripteurs  d'actes  rédigés  à  l'époque 
normande  s'enorgueillissent  des  titres  byzantins  de  protospathaire 
impérial,  de  turmarque,  de  spatharo-candidat  ou  de  tagmatophy- 
lax'\  Le  rite  grec  devait  rester  longtemps  usité  en  Calabre',  où  le 
grec,  même  sous  les  Normands,  demeura  dans  certains  endroits 
la  langue  officielle.  Dans  la  même  région,  longtemps  après 
Guiscard,  le  clergé  grec  subsista  à  côté  du  clergé  latin.  Ce  fut, 
en  efTet,  la  grande  habileté  des  Normands  de  se  substituer 
aux  divers  souverains  de  l'Italie  du  Sud,  sans  chercher  à  faire 
entre  leurs  sujets  très  différents  par  la  race  une  fusion  impos- 
sible. Les  divers  éléments  de  la  population  demeurèrent  juxta- 


1.  Mgr  Baiiffol,  Chartes  byzantines  inédites  de  Grande  Grèce  dans  Mél. 
d'arch.  et  d'histoire  de  Véc.  fr.delioine,  t.  X,  p.  99. 

2.  Malaterra,  II,  44.  Cf.  Trinchera,   op.  cit.,  p.  SI. 

3.  Trinchera,  op.  cit.,  p.  67. 

4.  Ibid.,  p.  63  et  suiv.  Cf.  Cod.  dipl.Bar.,i.  I  et  V,  pnssini. 

5.  Dandolo,  Muratori  R.I.SS.,  t.  XII,  p.  245.  Cf.  Gay,  Notes  sur  la  conser- 
vation du  rite  grec  dans  la  Calabre  et  la  terre  d'Otrante  au  XIV^  s.  dans  Byz, 
Zeitschr.,l.  IV,  p.  59. 


260  CHAPITRE    XI 

posés  sans  se  confondre,  et  chaque  race  garda  sa  langue,  ses 
usages,  ses  mœurs,  à  tel  point  que  nous  voyons  Richard  de 
Capoue  invoquer  en  sa  faveur  contre  les  lombards  révoltés 
non  pas  la  loi  normande,  mais  la  loi  lombarde.  Il  en  fut  de 
même  pour  Guiscard  qui  se  donna  pour  l'héritier  légitime 
des  basileis,  dont  il  copia  le  costume  et  qu'il  chercha  à  imiter 
jusque  dans  son  sceau  K  Comment  d'ailleurs,  Guiscard  aurait-il 
pu  croire  que  la  conquête  de  Byzance  lui  offrirait  des  difficultés 
à  lui,  le  puissant  duc  de  Fouille,  quand  deux  pauvres  chevaliers 
normands  qui  avaient  été  au  service,  l'un  de  Richard  de  Capoue  -, 
l'autre  de  Robert  lui-même,  avaient  failli  peu  auparavant 
monter  sur  le  trône  impérial  -^  ?  L'anarchie,  qui  régnait  alors  à 
Byzance,  facilitait  d'ailleurs  singulièrement  les  projets  de  Guis- 
card, et  l'empire  grec  lui-même  eut  soin  de  donner  au  duc  de 
Fouille  un  prétexte  pour  intervenir  dans  les  affaires  de  Constan- 
tinople. 

Dès  le  règne  de  Romain  Diogénès,  pour  l'ésoudre  la  question 
normande,  on  avait  songé,  à  Constantinople,  à  une  alliance 
qu'aurait  consacrée  le  mariage  du  fils  de  Romain  Diogénès  avec 
une  fdle  de  Guiscard  ^.  L'arrivée  au  pouvoir  de  Michel  YII  amena 
la  rupture  des  négociations  entamées  à  ce  sujet,  mais  le  nou- 
veau l^asileus  fît  presque  aussitôt  après  son  avènement  des 
ouvertures  au  duc  de  Fouille  ^  Il  lui  envoya  une  ambassade, 
chargée  de  remettre  une  lettre,  par  laquelle  il  lui  notifiait  son 
avènement  au  trône  et  demandait  pour  son  frère  Constantin'' 
la    main    dune    des    filles   de    Guiscard.    L'empereur    s'expri- 


1.  Cf.  Engel,  Recherches  sur  la  numismatique  et  la  sigillographie  des  Xor- 
mands  de  Sicile  et  d'Italie,   p.  82. 

2.  Robert  Crispin,  cf.  Gattola,  Ace,  t.  I,  p.  167.  Altalialès,  p.  123  et  suiv. 

3.  Roussel  de  Bailleul,  cf.  Schlumberger,  Revue  historique,  t.  XVI, 
p.  289  et  suiv. 

4.  Salhai^,  Bibliotheca  Grœca,  t.  V,  p.  387. 

5.  Seger,  Byzantinische Historiker  des  10  und  11  lahrhunderts,  Nikephoros 
Bryennios.  Diss.  in.  (Munich,  1888  ,  in-S",  pp.  123-124,  me  parait  avoir 
démontré  que  la  lettre  la  plus  ancienne  est  le  n°  143,  et  la  seconde  le  n°  144. 
J  emprunte  la  traduction  de  Sathas,  dans  l'Annuaire  de  l'association  des 
études  Grecques,  (1874),  p.  207  et  suiv. 

6.  On  n'a  pas,  que  je  sache,  noté  la  concordance  exacte  du  récit  d'Aimé 
avec  ces    documents.  Aimé  dit  qu'il  y  a   eu   trois   ambassades   envoyées 


ROBERT    GUISCARD    ET    MICHEL    VU  261 

mait  ainsi  :  «  Aux  princes  des  autres  nations,  je  considère 
comme  suffisant  de  leur  écrire  pour  les  assurer  de  mon 
affection,  et  ils  s'estiment  très  honorés  de  ce  que  je  veux  bien 
partager  leurs  sentiments  et  entretenir  avec  eux  des  rapports 
pacifiques,  plutôt  que  de  fomenter  des  différents  et  de  leur  faire 
la  guerre.  Mais  pour  un  prince  aussi  noble  et  aussi  sage  que 
vous,  j'ai  pensé  qu'il  me  fallait  faire  quelque  chose  de  plus,  et 
contracter  avec  vous  une  amitié  si  parfaite  que  nul  au  monde  ne 
put  la  rompre.  Et  ne  soyez  pas  surpris,  si  je  vous  préfère  aux 
autres  princes  et  vous  juge  digne  d'un  plus  grand  honneur,  car 
c'est  l'identité  de  nos  croyances  et  de  notre  foi  en  Dieu,  qui  a 
produit  cet  ensemble  si  harmonieux  d'intentions  dont  il  me  reste 
à  parler. 

((  Comment  donc  s'accomplira  cette  admirable  union  ?  Je  désire 
créer  entre  nous  un  lien  de  parenté,  et  voir  l'une  de  vos  filles 
devenir  l'épouse  de  mon  frère,  l'empereur  Constantin  le  Porphyro- 
génète,  afin  que  cette  auguste  alliance  rende  indestructiblel'amitié, 
qui  nous  unit  actuellement.  Vous  savez  parfaitement  en  quoi 
consiste  aujourd'hui  la  suprême  autorité  dans  l'empire  grec,  vous 
n'ignorez  pas  non  plus  que  même  nos  parents  les  plus  éloignés 
considèrent  comme  un  très  grand  bonheur  de  nous  être   unis  ; 

par  l'empereur  à  Guiscard:  «  et  dui  foiz  lo  duc  lo  contredist Et  li  duc 

sagement  cela  la  soe  volante  a  ce  que  venist  a  plus  grant  domp  et  promis- 
sion et  li  message  se  partirent  corrodez Et  toutes  lui  manda  (l'empereur) 

autre  légat  o  granz  presens  et  molt  de  coses  lui  prometoit  ;  et  en  la  fin  lo 

duc  serene  se  enclina  a    la  proiere  de  lo  empereor  et  dona  sa  fille » 

Aimé,  VII,  26,  297.  Guiscard  adonc  refusé  deux  fois  les  offres  de  Michel  Vil, 
ces  deux  refus  correspondent  aux  deux  lettres  que  nous  avons  ;  la  lettre 
relative  à  la  troisième  négociation  ne  nous  est  pas  parvenue.  Le  projet  de 
mariage  en  question  a  été  mal  connu  par  les  chroniqueurs.  Guillaume  de 
Fouille,  111,  o02,  est  le  seul  à  parler  du  projet  de  mariage  avec  le  frère 
de  l'empereur.  Quant  au  projet  de  mariage  avec  Constantin,  fils  de 
Michel  VII,  il  est  plus  connu.  Cf.  Alexiade,  I,  10,  p.  49,  12,  p.  37,  Zonaras, 
XVIII,  17,  p.  714.  Skylitzès  II,  720-724.  Aimé,  VII,  26.  Malaterra,  III,  13, 
Orderic  Vital,  t.  III,  p.  166. 

Wasiliewski  dans  le /our/i.  du  min.  de  Tinstr.  publique  russe, t.  182(1873), 
p.  270  et  suiv.,  croit  ces  lettres  adressées  à  Vsevolod  laroslavitch.  Ses  argu- 
ments ne  sont  pas  concluants,  Bezobrazov  u/ou/via/  du  min.  de  linstr.puh. 
russe,  t.  265,  (1888),  p.  23  et  suiv.  se  basant  sur  un  manuscrit  de  la  biblio- 
thèque Laurentienne,  a  maintenu  l'attribution  de  Sathasqui  me  paraît  cei'- 
taine  d'après  le  l'écit  d'Aimé, 


262  CHAPITRE    XI 

et  moi  ce  n'est  pas  à  un  homme  étranger  à  ma  famille,  ce  n'est 
pas  à  un  parent  éloigné  que  je  veux  unir  votre  fille,  mais  à  un 
frère,  issu  du  même  sang  que  moi,  rejeton  de  la  même  race,  né 
dans  la  pourpre  impériale,  enveloppé  de  langes  impériaux,  à  un 
prince  auquel  Dieu  a  donné  l'empire  en  même  temps  que  la  vie. 
Telle  est  ma  pensée,  là  est  pour  vous  le  bonheur,,  et  la  Provi- 
dence en  dispose  ainsi  pour  notre  commun  avantage;  car  grâce 
à  cela,  votre  autorité  deviendra  plus  auguste,  tous  vous  admire- 
ront et  vous  envieront  la  possession  d'une  pareille  magnifi- 
cence. » 

L'empereur  passait  ensuite  à  un  autre  ordre  de  considérations 
et  expliquait  à  Guiscard  les  services  qu'il  attendait  de  lui  en 
échange  du  très  grand  honneur  qui  lui  était  fait  par  l'admission 
de  sa  fille  dans  le  gynécée  impérial.  ".  Dorénavant  donc,  en  votre 
qualité  de  prince  admis  aux  honneurs  d'une  alliance  avec  notre 
Majesté,  il  faut  avant  tout  vous  réjouir  grandement  de  ce  fait, 
considérer  l'accord  comme  vraiment  terminé,  être  le  rempart  de 
nos  frontières,  épargner  les  princes  qui  sont  actuellement  nos  vas- 
saux, nous  prêter  secours  en  toutes  choses  et  combattre  avec 
nous  tous  nos  ennemis,  vous  comporter  avec  bienveillance  vis-à- 
vis  de  ceux  qui  sont  bienveillants  à  notre  égard,  haïr  nos  enne- 
mis et  les  détester;  car  les  lois  de  l'amitié  veulent  que  chacun  de 
ceux  qu'elle  unit  prenne  les  intérêts  de  son  ami  comme  les  siens 
propres.  » 

Ce  dernier  passage  me  paraît  permettre  de  dater  la  lettre  avec 
une  assez  grande  précision.  Quels  sont  les  princes  vassaux  de 
l'empire  grec  que  Guiscard  doit  épargner  ?  Il  me  semble  qu'à  cet 
éo-ardil  ne  saurait  v  avoir  de  doute,  et  qu'il  faut  entendre  par  là 
les  rebelles  de  1072  et  H)73.  Nous  serions  donc  amenés  à  placer 
la  première  de  ces  lettres,  soit  vers  la  lin  de  1072,  soit  au  début 
de  1073.  La  seconde  est  antérieure  à  la  naissance  du  fils  de  Michel 
et  de  Maria  (1074). 

Ces  premières  ouvertures  ne  furent  pas  accueillies  par  Guis- 
card et  l'empereur  désirant  de  plus  en  plus  s'assurer  son  appui 
lui  écrivit  de  nouveau.  Il  semble  que  le  basileus  ait  été  très 
étonné  de  voir  le  duc  de  Fouille  insensible  au  très  grand  honneur 
qu'il  lui  faisait  en  lui  proposant  de   faire  entrer  sa  fille  dans   la 


ROBERT    GUISCARD    ET    MICHEL    VII  263 

famille  impériale.  11  commence  par  dire  à  Guiscard  que,  mainte- 
nant, il  est  affermi  sur  le  trône  ;  <  commencez  par  me  féliciter,  ô 
vous  le  plus  savant  et  le  plus  sag'e  de  tous  les  hommes,  d'avoir 
pris  possession  dune  fa(,'on  plus  entière  et  plus  parfaite  du  pou- 
voir de  mon  père  et  ce,  conformément  à  la  volonté  divine,  avec 
l'approbation  des  prélats  et  des  sénateurs  ou  pour  mieux  dire  du 
consentement  unanime  de  tous  mes  sujets.  •> 

Après  avoir  déclaré  que  sa  relig-ion  est  la  même  que  celle  de 
Guiscard,  l'empereur  s'exprime  ainsi  :  «  Il  y  a  encore  ime  autre 
raison  qui  me  fait  rechercher  votre  amitié,  c'est  que  ceux  qui  ont 
conversé  avec  vous  et  qui  vous  connaissent  a^ous  représentent 
comme  un  homme  intelligent,  aimant  la  piété  non  seulement  dans 
la  voie  droite  de  la  foi,  mais  encore  dans  la  rectitude  des  affaires; 
on  vous  dit  d'un  caractère  très  prudent  et  très  actif,  et  d'un 
esprit  simple  et  enjoué.  Me  reconnaissant  pour  ainsi  dire  moi- 
même  dans  vos  manières  et  dans  vos  mœurs,  je  vous  offre  la 
coupe  de  l'amitié  et  je  veux  que,  après  y  avoir  mélangé  nos  com- 
muns sentiments,  nous  buvions  tous  deux  ce  breuvaere  ;  etafm 
qu'une  convention  de  celte  nature  soit  parfaite  et  ne  puisse  être 
confondue,  j'ai  imaginé  un  genre  d'alliance  que  j'aurais,  sachez- 
le  bien,  hésité  à  mettre  en  pratique  vis-à-vis  de  tout  autre,  mais 
que  j'ai  à  cœur  de  contracter  avec  vous.  Comment  se  fera  cette 
alliance?  Sur  quoi  reposera  cette  concorde  perpétuelle?  Je  veux 
m'unir  à  vous  par  les  liens  du  sang  afin  qu'il  s'étaldisse  entre 
nous  la  plus  constante  harmonie,  et  que  le  nœud  de  notre 
affection  ne  se  compose  pas  seulement  de  vaines  paroles,  mais 
qu'il  soit  formé  par  la  communauté  de  race,  chose  qui  supprime 
toute  contestation  et  met  fin  à  toute  opposition,  à  toute  contro- 
verse, » 

Ce  n'est  pas  un  faible  honneur  que  le  basileus  fait  au  prince 
normand  en  lui  offrant  de  faire  entrer  sa  fille  dans  la  famille 
impériale,  et  la  lettre  le  souligne  :  «  Les  personnes  qui  doivent 
être  unies,  tant  de  votre  côté  que  du  mien,  je  leur  reconnais  la 
même  légitimité  d'origine,  étant  nées  d'un  sang  roA^al,  et  sorties 
de  la  souche  dont  nous  sortons  nous-mêmes.  J'ai  [un  frère  né  du 
même  père  et  de  la  même  mère  que  moi,  issu  du  même  sang  et 
ayant  la  même  nature,  le  renommé  seigneur  Constantin,  dont  la 


264  CHAPITRE    XI 

prestance  est  si  belle,  s'il  faut  aussi  parler  de  cet  avantage,  qu'il 
semble  être  la  statue  de  lEmpire,  et  qui  dépasse  en  sagesse  tous 
ceux  de  son  âge;  Constantin,  né  à  mon  père,  non  pas  avant  son 
avènement  au  trône,  mais  conçu  et  né  après  cet  événement,  et 
que  Dieu  semble  avoir  destiné  de  longue  date  à  être  l'ornement 
de  votre  famille.  Nos  sujets  grecs  appellent  Porphyrogénètes  les 
princes  nés  dans  de  pareilles  conditions,  et  ceux  qui  portent  ce 
titre  le  considèrent  comme  divin.  C'est  une  marque  distinctivede 
la  pourpre  impériale,  et  dans  les  acclamations  publiques  on 
unit  ce  nom  à  celui  de  l'empereur,  et  quand  on  parle  du  souverain, 
on  ajoute  immédiatement  le  Porphyrogénète. 

«  Or,  c'est  à  l'empereur  Constantin  Porphyrogénète,  au  frère 
chéri  de  Notre  Majesté  que  je  veux  unir  la  plus  belle  de  vos  filles, 
afin  qu'étant  la  plus  jolie  elle  devienne  la  compagne  du  meilleur 
et  du  plus  beau,  afin  que  le  lien  de  cette  alliance  impériale  soit 
pour  nous  un  lien  indestructible  d'amitié,  et  que  cette  union  fasse 
régner  entre  nous  une  indivisible  concorde,  afin  qu'elle  soit  dres- 
sée devant  nous  comme  une  coupe  non  pas  remplie  de  l'eau  qui 
coule,  mais  du  sang  de  la  parenté,  non  de  ce  sang  que  répandent 
les  divisions,  mais  de  celui  que  l'union  solidifie.  » 

Quels  que  fussent  les  brillants  avantages  offerts  à  Guiscard 
par  l'alliance  grecque,  du  moins,  d'après  l'avis  du  basileus,  le 
duc  de  Fouille  se  refusa  à  accepter  les  propositions  qui  lui  furent 
faites.  Michel  ne  se  tint  pas  pour  battu,  et  après  la  naissance  de 
son  fils,  Constantin  (1074),  il  envoya  à  Guiscard  une  nouvelle 
ambassade  chargée  de  demander  la  main  d'une  des  filles  du  duc, 
non  plus  pour  son  frère,  mais  pour  son  fils.  Guiscard  trouva  que 
la  proposition  méritait  d'être  accueillie,  et  il  accepta  l'alliance 
proposée.  Une  de  ses  filles  fut  envoyée  à  Constantinople,  où  en 
entrant  dans  le  gynécée  impérial  elle  prit  le  nom  d'Hélène.  Nous 
savons  par  Anne  Comnène,  dont  d'ailleurs  il  faut  un  peu  se 
méfier  pour  ce  genre  de  renseignements,  que  la  fille  de  Guiscard 
était  fort  laide,  et  que  Constantin  avait  peur  d'elle  comme  d'un 
masque  hideux  '. 

1.  Alexiade,  I.  12,  p.  62.  Anne  Comnène  ayant  épousé  Constantin  nétait 
peut-être  pas  très  impartiale  en  parlant  de  la  beauté  delà  première  fiancée 
de  son  mari. 


l'expédition  contre  l'empire  grec  265 

La  chute  de  Michel  VII  (mars  1078)  vint  fournir  à  Guiscard  un 
prétexte  pour  intervenir  dans  les  affaires  d'Orient.  Le  rival  de 
Michel,  Botaniatès,  relégua  dans  un  monastère  la  fille  de  Guis- 
card •  ;  celui-ci,  sous  le  prétexte  de  défendre  la  fiancée  de  Cons- 
tantin, se  fit  le  champion  de  l'empereur  détrôné.  A  peine  le  traité 
conclu  avec  Grégoire  VII  avait-il  été  ratifié,  que  Guiscard  se  donna 
tout  entier  à  ses  nouveaux  projets.  Ceux-ci  rencontrèrent  très  peu 
d'enthousiasme  parmi  ses  vassaux,  qui  pour  la  plupart  ne  se  sou- 
ciaient pas  d'entreprendre  une  expédition  lointaine,  dont  tout  le 
profit  devait  être  pour  le  duc-'.  Pour  échauffer  l'enthousiasme,  Guis- 
card imagina  une  véritable  comédie.  Au  milieu  de  1080,  on  vit 
paraître  à  Salerne  un  Grec,  nommé  Rector,  au  rapport  d'Anne 
Comnène;  il  se  donnait  pour  Michel  VII,  échappé  du  couvent  de 
Stoudion,  où  Botaniatès  avait  fait  enfermer  son  prédécesseur. 
Robert  qui  espérait,  à  l'aide  de  ce  pseudo-empereur,  pouvoir  atti- 
rer à  lui  les  populations  grecques,  ainsi  que  les  partisans  de 
Michel  VII,  reçut  avec  honneur  le  pseudo-Michel  et  le  traita  en 
véritable  empereur  3. 

Guiscard  sut  faire  entrer  le  pape  dans  ses  vues,  peut-être  en 
lui  montrant  qu'il  allait  réaliser  le  projet  de  croisade  qu'il  avait 
eu  à  cœur,  en  1074.  Il  obtint  de  Grégoire  VII  une  lettre  auxévêques 
de  Fouille  et  de  Calabre  pour  les  exhorter  à  favoriser  l'expédition 
(23  juillet  1080)  '*.  Tandis  que  Robert  préparait  ainsi  son  entre- 
prise, il  cherchait  à  se  créer  des  intelligences  àByzance  même.  Il 
envoya,  à  la  fin  de  1080  ou  tout  au  début  de  1081,  le  comte  Raoul, 
sous  prétexte  de  réclamer  satisfaction  de  l'injure  faiteà  sa  fille,  mais 
surtout  pour  s'efforcer  de  gagner  à  sa  cause  Alexis  Comnène  alors 

1.  Malaterra,  III,  13,  dit  que  Botaniatès  fit  châtrer  Constantin,  c'est 
invraisemblable  puisqu'Alexis  le  fiança  à  sa  fille. 

2. '.Malaterra,  III,   13.  Alexiacle,  I.  14,  p.  68  et  suiv. 

3.;jafîé-L..  5178.  Alexiade,  I,  12,  p.  57.  G.  Ap.,  IV,  162  et  suiv.  Mala- 
terra, III,  13.  Anon.  Bar.  ad  an.  1080.  Lupus  Protospat.  ad  an.  1080.  Zona- 
ras,  XVIII,  19, p. 722,  dit  que  Michel  VII  devint  évêque  d'Éphèseet  mourut  au 
monastère  de  Manuel.  Schwartz,  Die  Feldziige  Robert  GuiscarcFs  gegen  das 
byzantinische  /?efc/i(Fulda,  1854),  p.  3,  place  sa  mort  avant  le  règne  d'Alexis 
(1081).  VAlexiade  I,  15,  p.  72,  prouve  que  Michel  vit  encore  au  début  de 
1081;  Zonaras,  XVIII,  19,  p.  723,  le  fait  vivre  vers  1091.  Cf.  Chalandon, 
op.  cit.,  p.  63,  note  4  et  p.  137  et  suiv. 

4.  Jaffé-L.,  5178,  Rome  est  alors  mal  avec  Byzance;  en  novembre  1079; 
Botaniatès  a  été  excommunié,  Mansi,  XX,  508. 


266  CHAPITRE  XI 

grand    domestique,    et    peut-être   les  Normands   au   service  du 
basileus  '. 

Les  événements  dont  Byzance  était  alors  le  théâtre,  favori- 
saient singulièrement  les  projets  du  duc.  L'anarchie  qui  régnait 
dans  l'empire  avait  amené  une  série  de  révolutions  de  palais. 
Michel  VII  avait  été  détrôné  par  Botaniatès,  ce  dernier  fut  lui- 
même  renversé  par  Alexis  Comnène,  au  moment  même  où  le 
comte  Raoul  revenait  de  son  ambassade.  Il  semblait  que  Guis- 
card  dût  rencontrer  peu  de  difficultés  dans  l'exécution  de  ses 
vastes  desseins  et  que  Byzance,  occupée  par  la  rébellion  de 
Comnène,  ne  fut  pas  en  état  de  résister  à  l'invasion  normande. 
L'événement  déjoua  les  prévisions,  et  l'empire  byzantin  eut  Fheu-. 
reuse  fortune  de  trouver  en  Comnène  l'homme  qui  mieux  que 
tout  autre  était  capable  de  le  défendre. 

Les  préparatifs  de  Guiscard  occupèrent  la  fin  de  l'année  1080. 
En  décembre,  Guiscard  était  à  Melfi,  où  Didier  lui  apporta  sans 
doute  une  lettre  du  pape  lui  demandant  des  secours  ~.  Dans  les 
premiers  mois  de  1081,  Guiscard  répondit  à  la  demande  de  Gré- 
goire VII  et  fît  une  brève  apparition  du  côté  de  Tivoli.  Il  dut 
laisser  au  pape  des  troupes,  que  celui-ci  lui  avait  demandées  '^.  En 
avril,  Guiscard  était  à  Brindisi  ;  il  y  fut  rejoint  par  son  ambassa- 
deur le  comte  Raoul,  qui  lui  rendit  compte  de  sa  mission  et 
dévoila  l'imposture  du  pseudo-Michel.  Guiscard,  qui  devait  par- 
faitement savoir  à  quoi  s'en  tenir,  entra  dans  une  violente  colère 
contre  Raoul  qui  n'avait  pas  su  entrer  dans  ses  vues.  Celui-ci, 
pour  échapper  au  courroux  du  duc,  dut  s'enfuir  près  de  Bohémond 
déjà  passé  en  Ilhrie. 

Robert,  en  effet,  avait  envoyé  son  fils  occuper  la  baie  d'AvIona 
dont  le  port  sûr  et  profond,  parfaitement  abrité  par  l'île  de 
Suseno  et  la  languette  d'Acrocéraunie,  offrait  un  excellent  point 
de  débarquement.  Bohémond  occupa  en  outre  Canina  et  Hiéri- 
cho  ^. 


1.  Raoul  revenait  de  Constantinople  lorsqu'il   apprit   en  route  l'avène- 
ment d'Alexis,  Alexiacle,l.  lo,  p.  72.   Cf.  Chalandon,  op.  cit.,  p.  64,  note  2. 

2.  Regii  neap.  arch.  monumenta,  t.  V,  p.  430.  Reg'.  VIII,  7,  436. 

3.  Annal.  Benev.,  ad  an.  1080.  Cf.  Hirsch,  op.  cit.,  p.  77,  n.  1. 

4.  Alexiade,  I,  14,  p.  70.  Cf.  Chalandon,  op.  cit.,  p.  64  et  suiv.  pour   tout 
ce  qui  est  relatif  à  cette  expédition. 


l'expéditioin  contre  l'empire  grec  267 

Au  printemps  de  1081,  Guiscard  était  tout  entier  à  sa  nouvelle 
entreprise  ;  ce  fut  en  vain  que  Grégoire  VII,  menacé  par  la  pro- 
chaine venue  d'Henri  IV,  fît  appel  à  son  aide  pour  défendre  le 
domaine  de  Sàint-Pierre  '.  Le  pape  parut  même  un  instant  redou- 
ter que  le  duc  de  Fouille  n'en  vînt  à  traiter  avec  le  roi  des 
Romains.  Ce  dernier  envoya  en  effet,  dans  les  premiers  mois  de 
1081,  une  ambassade  auprès  de  Robert,  afin  de  lui  demander 
la  main  d'une .  de  ses  filles  pour  son  fils,  Conrad.  Guiscard 
refusa  et  fit  connaître  au  pape  la  demande  qui  lui  avait  été  faite  ; 
il  exprimait  en  même  temps  à  Grégoire  Vil  ses  regrets  de  ne  pou- 
voir arrêter  l'expédition  entreprise  afin  de  lui  porter  secours. 

Averti  du  danger  qui  allait  fondre  sur  son  empire,  Alexis 
Comnène  avait  chargé  Georges  Paléologue,  un  des  plus  brillants 
généraux  deByzance,  de  la  défense  de  Durazzo,  puis,  il  avait  cherché 
à  envelopper  Guiscard  dans  un  réseau  d'intrigues  et  avait  entamé 
des  négociations  avec  un  certain  nombre  de  seigneurs  normands  ; 
Abélard  se  chargea  d'aller  rallumer  la  révolte  en  Fouille,  une  fois 
que  le  duc  serait  parti  -.  Alexis  négocia  également  avec  l'empe- 
reur d'Allemagne  et  conclut  avec  lui  un  traité  par  lequel  il  s'en- 
gageait à  lui  payer  immédiatement  144.000  pièces  d'or  et  lui  pro- 
mettait deluifaire  verser  par  Abélard216. 000  pièces  d'or,  lorsqu'il 
serait  descendu  en  Fouille.  Nous  savons  que  peu  après  Jourdain 
traita  avec  Henri  IV  ;  peut-être  y  eut-il  une  tentative  d'Alexis  pour 
gagner  le  prince  de  Capoue  -^  ;  c'est  ce  que  tendrait  à  faire  croire  les 
négociations  engagéesavec  l'archevêque  de  Capoue,  Hervé  ^.  Enfin 
le  basileus,  par  la  concession  de  grands  avantages  commerciaux, 
s'assura  l'appui  de  la  flotte  vénitienne  •^. 

A  la  fin  de  mai,  Guiscard  était  prêta  entrer  en  campagne  •'.  11 
laissa  à  son  fils  Roger,  qu'il  désigna  comme  son  successeur  éven- 
tuel, l'administration  de  ses  Etats,  sauf  la  Calabre  et  la  Sicile, 


1.  Reg.,  VIII,  34,  p.  485.  G.  Ap.,  IV,  171,  Alex.,  I.  13,  p.  67. 

2.  Cf.  Chalandon,  op.  cit.,  p.  66  et  suiv. 

3.  Petr.  Diac,  III,  50,  Cf.  Alex.,  III,  10,  p.  173   et   suiv.   Cf.  Meyer  von 
Knonau,  op.  cit.,  t.  III,  p.  441  et  suiv. 

4.  Alex.,  loc.  cit. 

o.  Alex.,  IV,  2,  p.  192.  Chalandon,  op.  cit.,  p.  71,  note  3. 

6.    G.  Ap.,  IV,  217.  Anon.  Bar.,  ad  an.  Lup.  Protospat.,  ad  an. 


268  CHAPITRE    XI 

dont  il  confia  le  gouvernement  au  comte  Roger.  Robert  de  Loritello 
et  Gérard  d€  Buonalbergo  étaient  donnés  au  jeune  prince  comme 
conseillers,  en  outre  Guiscard  ordonna  de  fournir  au  pape  les 
secours  dont  il  pourrait  avoir  besoin  '. 

La  campag-ne  avait  mal  commencé  pour  les  Normands.  Après 
ses  premiers  succès,  dont  il  a  été  parlé  plus  haut,  Bohémond 
avait  échoué  devant  Gorfou  et  s'était  retiré  pour  attendre  son  père 
à  Butrinto  -.  Guiscard  quitta  Otrante  dans  la  seconde  moitié  du 
mois  de  mai  1081.  Il  est  difficile  d'évaluer  la  force  de  son  armée. 
Les  chroniques  nous  donnent  les  évaluations  les  plus  fantaisistes 
\J  Alexiade  donne  le  nombre  de  trente  mille  hommes-^,  Orderic  Vital 
de  mille  ^,  le  Chronicon  brève  normanniciim  '^  et  Pierre  Diacre  ^ 
de  quinze  mille.  Tout  ce  qu'on  peut  dire  à  ce  sujet,  c'est  que  le  noyau 
de  cette  armée  devait  être  formé  des  treize  cents  Normands, 
dont  parle  Malaterra  ''. 

D" Otrante,  Guiscard  gagna  Avlona  et  de  là  se  dirigea  vers 
Gorfou  dont  il  s'empara  ^.  La  facilité  de  cette  conquête  et  la 
méfiance  que  nous  voyons,  précisément  à  ce  moment,  témoignée 
par  Alexis  aux  habitants  des  îles  '•*,  me  portent  à  croire  que 
Robert  avait  su  se  ménager  des  intelligences  parmi  la  population 
de  l'île,  comme  il  l'avait  fait  dans  les  provinces  occidentales  de 
l'Empire.  Nous  savons  en  effet  que  les  Ragusains  avaient  fourni 
des  vaisseaux  au  duc  de  Fouille"'  ;  de  plus,  toute  la  partie  bulgare 
de  la  population  devait  être  prête  à  l'aider  par  haine  des  Grecs' ^, 
et  je  serais  assez  porté  à  croire  que  Guiscard  avait  également  négo- 
cié avec  le  roi  de  Serbie,  Bodin,  dont  la  défection  devait  amener, 


i.  G.  Ap.,  IV,  186. 

2.  Alex.,  I,  15,  p.  70.  Malaterra  III,  24,  p.  582.  L'étang  de  Butrinto  est  à 
la  hauteur  du  détroit  qui  sépare  lile  de  Gorfou  de  la  côte. 

3.  Alex.,  I,  15,  p.  73. 

4.  Orderic  Vital,  1.  VII.  5,  t.  III,  p.  170. 
3.  Chr.  brève  norm.,  ad  an.   1080. 

6.  Pet.  Diac,  III,  49. 

7.  Malaterra,  III,  24. 

8.  G.  Ap.,  IV,  200.  Malaterra,  III,  24.  Alex.,  I.  16,  p'.  76,  et  III,  12,  p.  183. 
Cf.  Chalandon,  op.  cit.,  p.  73,  note  2. 

9.  Alex.,  III,  9,  pp.  172-173. 

10.  G.  Ap.,  IV,  134. 

11.  Cf.  Chalandon,  op.  cit.,  p.  5  et  suiv. 


l'expédition   contre  l'empire  grec  269 

lors  de  la  première  rencontre,  la  défaite  des  Grecs.  Enfin,  le 
pseudo-Michel  devait  donner  aux  Normands  quelques-uns  des 
partisans  de  l'empereur  détrôné. 

De  Corfou,  Robert  se  dirigea  vers  Durazzo,  capitale  du  thème 
d'IUyrie,  qu'on  a  justement  appelé  la  clef  de  l'Empire  vers  l'Oc- 
cident. La  possession  de  cette  ville  devait  assurer  aux  Normands 
la  conquête  de  toutes  les  côtes  illjriennes.  Anne  Comnène  nous 
dit  que  Bohémond  se  dirig^ea  par  terre  avec  une  partie  des  troupes 
vers  Durazzo,  tandis  que  Guiscard  gagnait  la  ville  par  mer  '. 
Pendant  que  la  flotte  longeait  la  côte  au  nord  du  canal  de  Corfou, 
là  où  le  littoral  se  redresse  pour  former  l'âpre  chaîne  de  la  Chi- 
mera  Mala  ou  de  l'Acrocéraunie,  au  sommet  de  laquelle,  au  dire 
des  anciens,  siégeait  Zeus  lanceur  de  foudre,  à  la  base  du  pro- 
montoire le  plus  avancé,  la  linguetta  qui  marque  l'entrée  de 
l'Adriatique  '^,  la  flotte  normande  eut  à  essuyer  au  cap  Glossa  une 
de  ces  tempêtes  terribles  si  fréquentes  dans  ces  parages  et 
Robert  y  perdit  un  grand  nombre  de  ses  vaisseaux.  Malgré  la 
destruction  d'une  partie  de  sa  flotte,  le  duc  arriva,  le  17  juin, 
devant  Durazzo  qu'il  assiégea  aussitôt  par  terre  et  par  mer  3. 

Tandis  que  le  basileus,  prévenu  par  le  commandant  de  la  place, 
Georges  Paléologue,  du  commencement  des  hostilités,  rassemblait 
des  troupes,  il  reçut  à  Gonstantinople  la  nouvelle  d'une  grande 
victoire  des  Vénitiens.  La  flotte  de  la  République  avait  paru  dans 
les  eaux  de  Durazzo  peu  après  l'arrivée  de  Robert  ;  elle  s'était 
arrêtée  au  cap  Palli,  un  peu  au  nord  de  la  ville  assiégée,  pour  se 
rendre  comte  des  forces  normandes.  Sous  prétexte  de  négocia- 
tions, les  Vénitiens  demandèrent  à  Bohémond  de  leur  accorder 
une  trêve  et  mirent  à  profit  le  temps  ainsi  gagné  pour  se  prépa- 
rer au  combat.  Le  lendemain  de  son  arrivée,  la  flotte  vénitienne 
attaqua  la  flotte  normande,  tandis  que  les  assiégés  effectuait  une 
sortie.  Les  Normands  essuyèrent  un  échec  complet  ^. 


1.  Alex.,  III,  12,  p.  183. 

2.  Reclus,  Géographie  universelle,  t.  I,  p.  180. 

3.  Lupus  Protospat.,  ad  an.  donne  comme  date  le  mois  de  juillet. 
Alex.,  III,  12,  p.  183.  Cf.  Chalandon,  op.  cit.,  p.  74,  note  1. 

4.  A/ear.,IV,  2,  pp.  191-192.  Malaterra,  III,  504.  G.  Ap.,  IV,  291-312.   Cf. 
Chalandon,  op.  cit.,  p.  74,  note  o. 


270  CHAPITRE    XI 

Cette  défaite  pouvait  avoir  des  conséquences  désastreuses  pour 
les  Normands,  elle  permettait  aux  Vénitiens  de  fermer  la  mer 
aux  secours  qui  viendraient  de  l'Italie,  en  même  temps,  elle  ébran- 
lait le  prestig^e  de  Robert  aux  yeux  des  populations ^  qui  de  favo- 
rables devinrent  hostiles  •. 

A  la  suite  de  la  victoire  de  ses  alliés,  Comnène  à  la  tête  de 
toutes  les  troupes  qu'il  avait  pu  réunir,  quitta  Constantinople  en 
août  1081  ■-.  La  concentration  de  l'armée  byzantine  s'opéra  à 
Salonique.  A  mesure  que  l'on  avançait  vers  Durazzo,  les  nouvelles 
devenaient  plus  graves.  Sa  défaite  sur  mer  n'avait  pas  empêché 
Guiscard  de  continuer  le  siège  et  de  bloquer  étroitement  la  ville; 
au  bout  de  trois  mois  de  siège,  la  situation  de  la  place  assiégée 
était  fort  précaire,  bien  que  les  habitants  eussent  réussis  à  incen- 
dier les  machines  de  guerre  construites  par  les  Normands. 

L'année  de  secours  conduite  par  Alexis  arriva,  le  15  octobre, 
dans  la  A-allée  du  Charzane,  tout  près  de  Durazzo  -^  L'empereur 
entra  aussitôt  en  communication  avec  la  place  assiégée,  et  Paléo- 
logue  réussit  à  venir  au  camp  impérial,  en  traversant  les  lignes 
ennemies.  Comnène  avait  cherché  à  cacher  à  Guiscard  l'approche 
de  l'armée  de  secours,  mais  des  éclaireurs  turcs  faits  prisonniers 
apprirent  aux  Normands  l'arrivée  du  basileus.  Celui-ci,  malgré 
l'opposition  de  toute  ime  partie  des  généraux,  se  décida  à  livrer 
bataille  au  duc  de  Fouille,  au  lieu  de  bloquer  les  Normands  dans 
leur  camp,  comme  on  le  proposait. 

Le  18  octobre,  le  combat  s'engagea  ;  Guiscard,  pour  exciter  le 
courage  de  ses  soldats,  fît  brûler  tous  ses  vaisseaux.  Alexis  avait 
ordonné  à  la  garnison  assiégée  de  faire  une  sortie  au  moment  de 
l'attaque.  Ce  plan  parut  d'abord  devoir  assurer  l'avantage  aux 
Byzantins;  mais  les  Normands,  qui  reculaient  devant  les  Anglais 
au  service  du  basileus,  se  rassemblèrent  à  la  voix  de  Sykelgaite  et 


1.  Alex.,  IV,  3,  p.  193. 

2.  Alex.,  IV,  4,  p.  197.  Lup.  Protospat.,  ad  an.  1082.  G.  Ap.,  IV,  312. 
Malaterra,  II,  37. 

3.  Alex.,  IV,  o,  p.  203.  Cf.  pour  tout  ce  qui  suit,  Chalandon,  op.  cit.,  p.  78 
et  suiv.,  et  B  Dentzer,  Topographie  (1er  Feldziige  Robert  Guiscards  gegen 
das  hyzantinisclie  Reich,  tiiage  à  part  de  Festchrift  des  geographischen 
Seminars  der  Universitàt  ^Bresslau.  1901  i,  in-S". 


l'expédition  contre  l'empire  grec  271 

revinrent  au  combat.  La  trahison  du  roi  de  Serbie,  Bodin,  et  des 
auxiliaires  turks  qui  se  retirèrent  sans  prendre  part  k  l'action, 
entraîna  le  déroute  complète  de  l'armée  impériale.  Comnène  sans 
suite  et  sans  escorte  erra  plusieurs  jours  à  travers  les  montag-nes. 
Pendant  qu'il  s'enfuyait  vers  Ochride,  il  écrivit  aux  défenseurs 
de  Durazzo  pour  les  encourag-er  à  la  résistance.  La  situation  de 
la  ville  était  critique,  car  Durazzo  se  trouvait  alors  privé  de  son 
chef,  Paléologue,  qui  n'avait  pu  rentrer  dans  la  place.  Alexis 
confia  la  défense  de  la  citadelle  à  la  colonie  vénitienne  établie 
dans  la  ville  et  celle   du  reste    de  la  place  à  un  Albanais. 

La  victoire,  remportée  devant  Durazzo,  donnait  à  Guiscard 
toutel'Illyrie,  car  la  prise  de  la  ville  n'était  plus  qu'une  question 
de  temps,  et  Robert  n'avait  rien  à  redouter  de  l'empereur,  qui  cher- 
chait en  vain  à  rassembler  une  nouvelle  armée.  Guiscard  s'établit 
à  Deabolis  d'où  il  continua  à  maintenir  le  blocus  de  Durazzo.  Le 
21  février  1082,  la  trahison  donnait  aux  Normands  entrée  dans  la 
place  assiégée  ^ .  D'après  YAlexiade,  les  Vénitiens  et  les  Amalfitains 
qui  formaient  la  majorité  de  la  population  de  Durazzo,  effrayés 
par  la  perspective  d'un  long- siège,  auraient  rendu  la  ville.  D'après 
les  chroniqueurs  normands,  un  Vénitien  livra  Durazzo  à  Guiscard, 
sur  la  promesse  que  celui-ci  lui  donnerait  une  de  ses  nièces  en 
mariage.  Tout  semblait  donc  devoir  favoriser  le  conquérant 
normand  ;  lorsque,  au  printemps  1082,  il  se  remit  en  campag'ne,  la 
marche  sur  Constantinople  ne  paraissait  pas  offrir  de  grandes 
difficultés. 

On  croyait  la  situation  de  l'empire  désespérée  ;  tout  tremblait 
devant  l'invasion,  et  beaucoup  de  soldats  et  d'officiers  grecs  pas- 
saient à  l'ennemi.  Guiscard  n'eut  qu'à  paraître  devant  Kastoria  pour 
voir  la  garnison  lui  laisser  la  place  ;  il  soumit  sans  combat  tous 
les  environs  -.  Mais  soudain  les  nouvelles  venues  d'Italie  vinrent 
arrêter  le  duc  dans  sa  marche  en  avant  ;  les  intrigues  d'Alexis 
avaient  porté  leurs  fruits. 

Les   succès,  qu'il  avait  remportés  en  Allemagne,  permirent  k 


1.  Malaterra,III,  27-28,  G.  Ap.,  IV,  449;  Anon.Bar.,  ad  an.  1082;  Lupus 
Protospat.,  ad  an.  1082,  donne  janvier;  Alex.,  V,  1,  p.  223. 

2.  Malaterra,  III.  29. 


272  CHAPITRE    XI 

Henri  IV  de  descendre  en  Italie,  en  1081  '.  Il  emmenait  avec  lui 
Guibert,  archevêque  de  Ravenne,  quil  avait  fait  élire  pape  au 
mois  de  juin  précédent.  Guibert  avait  pris  le  nom  de  Clément  III. 
Henri  IV  avait  été  obligé  de  laisser  des  troupes  en  Allemagne 
et  descendit  en  Italie  avec  une  armée  peu  nombreuse,  espérant, 
semble-t-il,  qu'une  alliance  avec  Guiscard  lui  fournirait  les  sol- 
dats dont  il  avait  besoin.  Nous  avons  vu  que  les  tentatives  faites 
à  ce  sujet  échouèrent,  elles  avaient  néanmoins  fort  inquiété  Gré- 
goire Vil,  qui  craignait  que  la  nouvelle  de  la  défection  de  Guiscard 
ne  jetât  le  découragement  parmi  les  Romains.  Le  22  mars  1081, 
Henri  IV  parut  devant  Rome  et  campa  dans  les  prés  de  Néron, 
mais  il  n'obtint  aucun  avantage  et  fut  peu  après  obligé  de  retour- 
ner en  Lombardie. 

La  venue  de  l'empereur  n'avait  pourtant  pas  été  inutile  et  le 
bruit  de  la  prochaine  chute  de  Rome  s'était  répandu  dans  l'Italie 
méridionale,  où  tous  les  sujets  des  Normands  formèrent,  au 
dire  de  Pierre  Diacre,  le  projet  de  passer  à  1  empereur  et  de  se 
soulever  contre  leurs  maîtres.  II  me  paraît  qu'il  faut  entendre 
ce  que  nous  dit  Pierre  Diacre  seulement  des  Lombards  des 
anciennes  principautés  de  Capoue  et  de  Bénévent,  car  il  ne  semble 
pas  que  l'idée  d'une  alliance  avec  Henri  IV  soit  venue  aux  villes 
du  midi  '-. 

Les  Normands  eurent  connaissance  du  projet  de  rébellion  et 
entamèrent  eux-mêmes  des  négociations  avec  Henri  IV.  Ce  fut 
Jourdain  de  Capoue  qui  les  dirigea.  Dès  que  Grégoire  VII  en 
eut  connaissance,  il  excommunia  Henri,  Jourdain  et  leurs  par- 
tisans 3.  Jourdain  obtint  de  l'empereur  l'investiture  de  la  princi- 
pauté de   Capoue. 

Cependant,  au  début  de  1082,  Henri  reparut  devant  Rome  ;  ce 
nouveau  siège  n'eut  pas  plus  de  résultat  que  le  précédent,  mais 
Henri  IV  en  se  retirant,  en  mars,  laissa,  à  Tivoli,  l'antipape  Clé- 
ment III,  auquel  il  confia  des  troupes  pour  continuer  les  hostilités 
contre  Grégoire  VII.   Celui-ci  était  très  inquiet,    il  avait  vu    les 


1.  Meyer  von  Knonau,  op.   cit.,  t.  III.  p.  345  et  suiv 

2.  Pet.  Diac,  III,  50. 

3.  Reg.,VIII,  49,  p.  501. 


RETOUR    DE    GUISCARD    EN    ITALIE  273 

Normands  passer  à  l'empereur;  ceux-ci  avaient  décidé  Tabbé  du 
Mont-Cassin  à  venir  trouver  Henri  IV,  à  Albano  ;  le  malheureux 
Didier,  partagé  entre  l'intérêt  de  l'Eglise,  celui  de  son  abbaye  et 
le  sien  propre,  jouait  un  rôle  fort  louche  que  l'on  devait  certai- 
nement interpréter  à  Rome  dans  le  sens  le  plus  défavorable  '.  En 
même  temps,  le  pape  voyait  ses  partisans  persécutés  et  craignait 
une  alliance  de  Naples  avec  le  prince  de  Capoue.  En  cette  occur- 
rence, il  ne  pouvait  guère  compter  sur  l'aide  du  comte  de 
Sicile,  occupé  par  une  révolte  partielle  de  ses  Etats;  le  fils  de 
Guiscard,  Roger,  n'était  pas  davantage  en  état  d'intervenir  dans 
les  affaires  romaines.  Les  intrigues  d'x\lexis  avaient  en  effet 
réussi  à  amener  en  Fouille  un  soulèvement,  dont  Abélard  et  Her- 
mann  furent  les  chefs.  Le  dernier  nommé  s'empara  de  Cannes, 
tandis  que  Geoffroi  de  Conversano  assiégeait  Cria.  En  même 
temps,  Bari  se  révoltait  à  son  tour,  ainsi  que  Melfi  ;  Troia  et 
Ascoli  se  soulevaient  contre  Roger,  fils  de  Guiscard.  Henri, 
comte  de  Sant'  Angelo  paraît  également  avoir  cherché  à  secouer 
l'autorité  du  duc  •^. 

Grégoire  VII  ^  écrivit  donc  à  Robert  pour  lui  rappeler  ses 
promesses  et  lui  demander  son  aide.  La  missive  qu'il  envoya 
n'était  pas  scellée  de  sa  bulle,  car  il  craignait,  explique-t-il, 
que  si  la  lettre  tombait  entre  les  mains  de  ses  ennemis,  ceux- 
ci  n'abusassent  de  son  sceau. 

En  recevant  ces  nouvelles,  Guiscard  se  décida  immédiatement 
à  revenir.  Laissant  le  commandement  de  l'expédition  à  Bohémond, 
il  s'embarqua  et,  seulement  avec  deux  vaisseaux,  gagna  Otrante 
(avril  1082).  A  la  tête  des  troupes  de  son  fils  Roger,  il  gagna 
aussitôt  Rome  ;  il  voulait,  cela  paraît  évident,  empêcher  la  jonc- 
tion d'Henri  IV  avec  les  rebelles  de  la  Pouille.  Quand  Guiscard 
arriva  devant  Rome,  Henri  IV  était  déjà  parti  pour  la  Lombar- 
die,   laissant  à    Tivoli    l'antipape  Clément   III   avec  une  grande 


1.  Cf.  Hirsch,  op.  cit.,  p.  82,  note  1. 

2.  Malaterra,  III,  30,  p.  685. 

3.  G.  Ap.,  IV,  oOb   et   suiv.    A?ion.  Bar.,  ad   1083.  Malaterra,    III,  34;  cf. 
di  Meo,  op.  cit.,  t.  VIII,  p.  228. 

4.  Reg.,  VIII,  40,  p.  491. 

Histoire  de  la.  domination  normande.  —  Chai-andox  .  J8 


274  CHAPITRE   XI 

partie  des  troupes  allemandes  '  ;  Robert  put  donc  retourner 
en  Fouille.  La  nouvelle  de  son  arrivée  avait  suffi  pour  décider 
Geoffroi  de  Conversano  à  lever  le  siège  d'Oria  ~.  Nous  sommes 
très  mal  renseignés  sur  toute  cette  période.  Guiscard  dut  con- 
duire une  série  d'expéditions  pour  venir  à  bout  des  rebelles  qui 
s'étaient  dispersés.  Avant  le  mois  de  septembre,  la  situation 
parut  à  Abélard  si  compromise  qu'il  partit  pour  Constantinople, 
afin  de  chercher  des  secours  auprès  de  l'empereur  grec  3.  Dès  le 
début  de  1083,  Guiscard  était  de  nouveau  maître  delà  ville  de  Bari, 
à  laquelle  il  imposa  une  lourde  contribution.  En  mai,  il  alla 
assiéger  Cannes  où  s'était  réfugié  Hermann  ;  la  place  tomba 
entre  les  mains  du  duc  de  Fouille,  le  10  juin  ''.  Le  mois  suivant 
Guiscard,  aidé  de  son  frère  Roger,  alla  ravager  les  terres  de  Jour- 
dain de  Capoue,  mais  cette  expédition  ne  dut  pas  donner  de 
grands  résultats,  car  le  comte  Roger  fut  rappelé  en  Sicile  par  la 
révolte  de  son  fils,  Jourdain  •'. 

Dès  ce  moment,  Guiscard  s'occupa  d'organiser,  pour  le  printemps 
suivant,  une  expédition  contre  Henri  IV  '\  Il  semble  étonnant,  au 
premier  abord,  que  Robert  ne  soit  pas  intervenu  dans  les  évé- 
nements dont  nous  allons  voir  que  Rome  fut  le  théâtre  pendant 
toute  l'année  1083.  Il  faut,  pour  comprendre  sa  conduite,  songer 
qu'il  fut  tenu,  pendant  les  six  premiers  mois  de  l'année,  par  la 
révolte  de  la  Fouille  et  que,  au  moment  où  il  se  dirigeait  vers  le 
nord,  il  se  vit  enlever  les  soldats  du  comte  de  Sicile.  A  la  fin  de 
1083,  Guiscard,  dont  presque  toutes  les  troupes  étaient  en  Grèce, 
devait  avoir  très  peu  d'hommes  avec  lui;  c'est  ce  qui  explique  son 
intervention  tardive  à  Rome. 

Henri  IV,  en  etfet,  avait  reparu  devant  la  ville  éternelle,  vers  le 
début  de  1083,  et  en  avait  de  nouveau  recommencé  le  siège.  11 
campait  dans  les  prés  de  Néron  ^.  Durant  tout  l'hiver  et  le  prin- 

1.  Lupus  Protospat.,  ad  an.  1082;  Romualdde  Salerne,  M.G.H.SS.,  t.  XIX, 
p.  410.  Cf.  Bonizo,  loc.  cit.,  t.  I,  p.  613. 

2.  Malaterra,  III,  34. 

3.  Lupus  Protospat.,  ad  an.  1082. 

4.  Ibid.,  ad  an.  1083.  Anon.  Bar.,  ad  an.  1083. 
T).  Malaterra,  III,  35,  36. 

6.  Ibid.,  III,  3o. 

7.  Meyer  von  Knonau,  op.  cit.,  t.  III,  p.  470  et  suiv. 


HENRI    IV    ET    GRÉGOIRE    Vil  275 

temps,  il  ne  remporta  aucun  avantage  notable,  mais  enfin,  le 
2  juin  1083,  il  réussit  à  occuper  la  cité  Léonine,  et  Grégoire  VII 
dut  se  réfugier  au  château  Saint-Ange.  Guiscard,  pour  les  raisons 
que  j'ai  exposées,  ne  pouvait  secourir  le  pape  dont  la  situation 
parut  très  compromise.  Mais  s'il  ne  vint  pas,  Guiscard  envoya  à 
Grégoire  VII  de  l'argent,  dont  celui-ci  se  servit  pour  gagner  les 
Romains  ^  Cependant  le  découragement  prenait  même  les  parti- 
sans les  plus  fidèles  de  Grégoire  VII  ;  Hugues  de  Cluny  et  Didier 
cherchaient  à  amener  un  accommodement.  Il  semble  qu'Henri  IV 
ait  accepté  cette  idée;  sans  doute,  il  devait  se  rendre  compte  de  la 
pauvre  figure  que  faisait  son  pape  en  face  de  Grégoire  VII.  Seul, 
ce  dernier,  supportant  les  revers  avec  une  énergie  indomptable, 
se  refusait  à  tout  accord,  tant  qu'Henri  IV  ne  se  serait  pas 
soumis.  On  finit  pourtant  par  convenir  qu'un  synode  serait  tenu 
à  Rome,  dans  le  courant  de  novembre,  pour  juger  du  débat 
entre  le  pape  et  l'empereur.  Celui-ci  promit  de  laisser  venir 
au  concile  tous  les  évêques,  mais,  en  même  temps,  il  cherchait 
à  gagner  des  partisans  dans  Rome,  en  disant  qu'il  voulait 
recevoir  la  couronne  impériale  des  mains  de  Grégoire  VII  -'.  II 
réussissait  ainsi  à  jeter  sur  le  pape  tout  l'odieux  de  la  continua- 
tion des  hostilités,  Henri  obtint  des  chefs  de  l'aristocratie 
romaine  que,  à  une  certaine  date,  on  le  couronnerait,  avec  ou 
sans  l'assentiment  de  Grégoire  VII,  et  se  fit  livrer  des  otages. 
L'empereur  s'éloigna  pendant  l'été  ;  il  revint  au  moment  du  con- 
cile. Malgré  que  la  situation  fut  presque  désespérée,  Grégoire  VII 
était  plus  que  jamais  décidé  à  ne  pas  céder  à  l'empereur,  qui, 
pour  se  créer  dans  le  concile  une  majorité,  avait  empêché  les 
partisans  les  plus  connus  du  pape  de  venir  à  Rome.  Celui-ci, 
malgré  les  supplications  de  son  entourage,  ne  craignit  pas, 
le  20  novembre,  d'excommunier  de  nouveau  l'empereur  pour 
n'avoir  pas  laissé  les  évêques  se  rendre  au  concile  -^ 

Henri  IV  revint  vers  la  fin  de  l'année;  c'était  le  moment  que 
les  Romains  lui  avaient  fixé  pour  son  couronnement  ;  ils  furent 


1.  Lupus  Protospat.,  ad  an.  1082. 

2.  Meyer  von  Knonau,  op.  cit.,  t.  III,  p.  487. 

3.  Id.,  op.  cil.,  t.  III,  p.  498. 


276  CHAPITRE    XI 

obligés  de  faire  connaître  au  pape  le  serment  qu'ils  avaient  fait, 
en  disant  pour  s'excuser,  qu'ils  avaient  promis  à  Henri  IV,  non 
pas  que  le  pape  lui  donnerait  une  solennelle  consécration,  mais 
seulement  qu'il  lui  donnerait  la  couronne.  Le  pape  les  releva  de 
leur  serment  et  déclara  qu'il  était  prêt  à  donner  à  Henri  IV  la 
couronne  «  avec  justice  ».  Nous  ne  savons  pas  à  quelle  cause 
il  faut  attribuer  le  revirement  qui  eut  lieu  alors  chez  les  Romains; 
peut-être  fut-il  dû  à  l'argent  envoyé  par  le  duc  de  Fouille. 

Le  débat  se  prolongeait  donc  sans  qu'on  pût  entrevoir  comment 
on  arriverait  à  une  solution  Au  début  de  1084,  Henri  voulut 
enlever  au  pape  l'espoir  qui  lui  restait  d'une  intervention  de 
Guiscard  et  quitta  Rome  pour  descendre  dans  l'Italie  du  Sud  '. 
Il  fut  brusquement  rappelé  par  une  ambassade  des  Romains,  qui, 
fatigués  de  la  lutte,  lui  firent  otfrir  de  lui  remettre  la  ville  '.  Le 
21  mars  1084,  Henri  faisait  son  entrée  dans  Rome  par  la  porte 
Saint-Jean  ;  le  24,  il  faisait  couronner  l'antipape.  Clément  III, 
après  avoir  fait  déposer  Grégoire  VII,  et,  le  jour  de  Pâques 
(31  mars),  il  recevait  dans  la  basilique  de  Saint-Pierre  la  cou- 
ronne impériale  des  mains  de  Clément  III,  puis  s'installait  au 
Latran. 

Cependant  Grégoire  ^'1I  tenait  toujours  dans  le  château  Saint- 
Ange  et  ses  partisans  occupaient  encore  le  Palatin  et  le  Capitole  -^ 
Le  pape,  voyant  l'imminence  du  danger,  envoya  à  Guiscard  Jaren- 
ton,  abbé  de  Saint-Bénigne,  et  quelques  cardinaux  pour  lui  deman- 
der prompte  assistance  '\  Pendant  ce  temps,  l'empereur  réussissait 
à  occuperle  Palatin  et  le  Capitole  ^.  II  lui  fallut  assez  longtemps  pour 
terminer  ces  sièges  et  il  semble  qu'il  n'ait  pas  encore  été  complè- 
tement maître  de  la  ville,  quand,  au  début  de  la  seconde  quinzaine 
de  mai,  il  reçut  de  l'abbé  du  Mont-Cassin  l'annonce  de  l'arrivée 
prochaine  de  Guiscard  à  la  tête  d'une  armée  formidable.  Désireux 


1.  Meyer,  vouKnonau,  op.  cit.,  t.  III,  p.  522  et  suiv. 

2.  Cf.  Bernold,  ad  an. 1084,  dans  M. G. H. SS.,  t.  V,  p.  440. 

3.  Pet.  Pis.,  éd.  Watterich,  op.  cit.,  t.  I,  pp.  306-307. 

4.  Hugues  de  Flavigny,  M.G.H.SS.,  t.  VIII,  p.  462;  Donizo,  Vita  Mathil- 
dis,  II,  224,  M.G.H.SS.,  t.  XII,  p.  384;  Landolf,  Hist.  Mediol.,  III,  33, 
M.G.H.SS.,  t.  VIII,  p.  100. 

î).  Cf.  Stumpf,  op.  cit.,  n"  2865. 


PRISE    DE    ROME    PAR    LES    NORMANDS  277 

de  ne  pas  se  compromettre,  Didier  faisait  en  même  temps  aver- 
tir Grégoire  VII. 

II  est  certain  que  Guiscard  ne  voulut  pas  marcher  contre 
Henri  IV  avant  d'être  certain  du  succès.  II  avait  mis  le  temps 
à  profit  et,  résolu  à  en  finir  avec  les  Romains  et  les  Allemands, 
il  s'avançait  à  la  tête  d'une  armée  que  l'on  doit  évaluer  au  moins 
à  trente  mille  hommes  '.  Henri  IV  n'attendit  point  le  duc  de 
Fouille  ;  il  avait  quitté  la  ville,  depuis  trois  jours,  quand,  le 
24  mai,  l'armée  normande  vint  camper  sous  les  murs  de  Rome 
devant  la  porte  Saint-Jean,  près  de  l'Aqua  Marcia  "-.  Les  Nor- 
mands demeurèrent  trois  jours  sans  attaquer.  La  g-arnison  impé- 
riale se  concentra  dans  la  région  du  Latran.  Tandis  que  toute 
lattention  des  Allemands  était  portée  de  ce  côté,  Guiscard,  sans 
doute  pendant  la  nuit,  tourna  la  ville  et  amena  ses  troupes  devant 
la  porte  Flaminienne  ;  en  même  temps,  un  corps  de  cavaliers,  aidé 
par  quelques  Romains,  pénétrait  par  la  porte  San  Lorenzo  et 
traversant  la  ville,  sans  rencontrer  de  résistance,  venait  ouvrir  à 
l'armée  la  porte  Flaminienne.  Au  bruit  de  l'entrée  des  Normands 
dans  Rome,  la  garnison  allemande  se  porta  du  Latran  vers  les 
quartiers  envahis,  tandis  que  les  Romains  du  parti  de  l'empe- 
reur prenaient  les  armes.  Une  bataille  terrible  s'engagea  dans  la 
région  du  Champ-de-Mars  et  dans  la  Via  Lata.  Les  Normands 
voulaient  gagner  le  château  Saint-Ange  et  pour  empêcher  les 
habitants  de  leur  disputer  le  passage,  ils  incendièrent  tous  les 
quartiers  qu'ils  traversèrent-^.  «  Les  Fîomains  ne  purent  rien  et 
Robert  détruisit  et  réduisit  à  néant  tout  le  quartier  où  se  trouvent 
les  églises  San  Silvestro  et  San  Lorenzo  in  Lucina  ».  Guiscard 
ayant  réussi  à  atteindre  le  château  Saint-Ange,  délivra  Gré- 
goire VII  qu'il  remit  en  possession  des  basiliques  de  Saint-Pierre 
et  de  Saint-Jean.  A  travers  les  ruines  encore  fumantes,  le  pape 
au  milieu  des  escadrons  normands  fut  conduit  au  Latran. 


1.  Wido  Ferr.,  c.  20,  dans  Libelli  de  lite,  etc.,  t.  I,  p.  549.  G.  Ap.,  IV, 
565;  Pet.  Diac,  III,  o3. 

2.  Wido,  loc.  cit.,  p.  549;  Malaterra,  III,  37;  Lih.  Pont.,  t.  II,  p.  290; 
Petr.  Diac,  III,  53.  Berthold  de  Constance  paraît  indiquer  qu'Henri  IV  fut 
battu  par  Guiscard,  AA.SS.,  t.  VI,  mai,  p.  147. 

3.  Lih.  Pont.,  t.  II,  p.  290.  Wido,  op.  cit..  p.  549. 


278  CHAPITRE    XI 

Ce  premier  sac  de  Rome  devait  avoir  un  lendemain.  Guiscard 
avait  établi  ses  troupes  dans  les  environs  du  Latran  ;  il  est  pro- 
bable que  le  pillag-e  de  la  ville  durait  toujours,  quand  les  Romains 
se  soulevèrent  et  blessèrent  un  soldat  normand  ' .  La  lutte  reprit 
alors  partout;  on  se  battit  particulièrement  du  côté  du  Golisée  et 
du  Latran;  Guiscard,  surpris,  ne  dut  son  salut  qu'à  l'arrivée  des 
cavaliers  de  Roger;  la  ville  fut  mise  à  feu  et  à  sang-,  tous  les 
quartiers  a  voisinant  le  Latran  et  le  Golisée  furent  incendiés.  Un 
grand  nombre  d'habitants  furent  massacrés;  beaucoup  d'églises 
détruites,  et  les  femmes  enchaînées  furent  violentées  et  conduites 
au  camp  normand  oîi  on  les  vendit  comme  esclaves,  ainsi  qu'un 
grand  nombre  d'habitants  -. 

Guiscard  s'arrêta  peu  à  Rome  ;  en  compagnie  de  Grégoire  VII.  il 
entreprit  de  soumettre  la  campagne  romaine.  Il  échoua  devant 
Tivoli,  où  était  l'antipape,  et  se  contenta  d'incendier  tous  les  envi- 
rons, brûlant  les  maisons  et  les  moissons  et  coupant  les  arbres  '■^. 
Il  reprit  Sutri  et  Nepe  et  rentra  à  Rome,  le  28  juin.  Les  succès 
remportés  à  la  même  époque  parla  comtesse  Mathilde  achevèrent 
la  défaite  d'Henri  IV. 

Gependant  Guiscard  ne  songeait  qu'à  reprendre  ses  projets  de 
conquête  contre  les  Grecs.  Grégoire  VII,  d'autre  part,  ne  pou- 
vait demeurer  à  Rome  à  cause  de  la  haine  que  lui  avait  attirée 
l'incendie  de  la  ville;  il  partit  donc  avec  le  duc,  qui  le  conduisit 
au  Mont-Cassin,  à  Bénévent  et  enfin  à  Salerne,  où  il  devait 
demeurer  jusqu'à  sa  mort  '*. 

Le  départ  de  Guiscard  avait  amené  l'échec  complet  de  l'ex- 
pédition commencée  contre  l'empire  grec.  Le  retour  du  duc  de 
Pouille  en  Italie  paraît  avoir  modifié  le  plan  de  campagne  de 
l'armée  normande;  nous  voyons,  en  effet,  Bohémond  interrompre 
aussitôt  après  le  départ  de  Robert  la  marche  en  avant.  Il  est 
probable  qu'il  obéit  aux  ordres  de  son  père,  qui  dut  lui 
prescrire  de  mettre  à  profit   son  absence  pour  occuper  et  sou- 


1.  Cf.  Berthold  de  Constance,  dans  AA.SS.,  t.  VI  de  mai,  p.  147. 

2.  Bonizo,  loc.  cit. 

3.  Wido  Fer.,  loc.  cit. 

4.  Sur  rincendie  de  Rome,  cf.  les  vers  d'Hildebert  de  Tours,  dansGrego- 
rovius,  Storia  délia  città  di  Roma  net  medio  evo  (Rome,  1900),  t.  Il,  p.  349. 


l'expédition  contre  l'empire  grec  279 

mettre  les  provinces  occidentales  de  l'Empiie  grec,  et  d'attendre 
son  retour  pour  marcher  sur  Constantinople.  Bohémond  quitta 
donc  Kastoria,  au  printemps  1082,  pour  aller  mettre  le  sièg-e 
devant  Joannina.  C'est  précisément  dans  cette  région  qu'ha- 
bitaient les  Valaques  avec  qui  Guiscard  avait  eu  probable- 
ment des  rapports  en  1066  '.  Comme  nous  savons,  par  ailleurs, 
que  les  Valaques,  étaient  peu  soumis  à  l'empire  grec,  on  est,  je 
crois,  en  droit  de  supposer  qu'il  y  eut  entente  entre  eux  et  les  Nor- 
mands, car  autrement  la  conduite  de  Bohémond,  qui,  pour  aller  de 
Kastoria  vers  Joannina,  franchit  la  chaîne  du  Grammos  en  lais- 
sant derrière  lui  toute  une  série  de  places  encore  aux  mains  des 
Grecs,  s'expliquerait  difficilement.  Il  est  probable  que  sachant 
pouvoir  compter  sur  l'appui  des  Valaques,  Bohémond  se  dirigea 
de  ce  côté  afin  d'avoir,  vers  le  sud,  une  base  d'opération  solide, 
comme  celle  que  Durazzo  lui  fournissait  au  nord. 

Dans  le  courant  de  mars  1082,  Alexis  Comnène  avait  réussi  à 
rassembler  une  nouvelle  armée  et  se  tenait  prêt,  depuis  lors,  à 
entrer  en  campagne.  Au  mois  de  mai,  le  basileus  apprit  que 
Bohémond  avait  mis  le  siège  devant  Joannina  et  ravageait  la 
région  voisine;  il  alla  aussitôt  au  secours  de  la  place  assiégée  et 
vint  présenter  le  combat  à  Bohémond.  Instruit  par  sa  première 
défaite  de  la  solidité  des  rangs  normands,  Alexis  modifia  l'ordre 
de  bataille  des  troupes  grecques.  Il  imagina,  en  outre,  de  lancer 
sur  l'ennemi  des  chars  munis  de  longs  pieux,  destinés  à  rompre 
les  files  des  fantassins.  Bohémond,  sans  doute  prévenu,  changea 
l'ordre  de  bataille  de  son  armée  et  le  stratagème  d'Alexis  fut 
complètement  inutile.  Comme  devant  Durazzo,  les  Grecs  furent 
vaincus.  Bohémond  remporta  peu  après  une  nouvelle  victoire; 
près  d'Arta,  il  défit  complètement  une  nouvelle  armée  que 
Commène  avait  réussi  à  lever. 

Ces  défaites  successives  avaient  tellement  affaibli  les  B3'zan- 
tins  que  Bohémond  put  sans  inconvénient  diviser  ses  forces  afin 
d'occuper  plus  rapidement  le  pays.  Les  habitants  croyant  à  la 
chute    définitive    de    l'Empire    se    donnèrent    aux    Normands. 


1.   Cf.,  sur   toute   cette   campagne  d'Alexis  Comnène   et  de  Bohémond, 
Chalandon,  op.  cit.,  p.  85  et  suiv. 


280  CHAPITRE    XI 

Ochride  même,  le  foyer  de  rhellénisme  dans  cette  rég-ion  et  la 
résidence  de  l'archevêque  de  Bulgarie,  passa  à  l'ennemi. 

Tandis  que  Bohémond  va  lui-même  occuper  cette  place  impor- 
tante, il  envoie  Pierre  d'Aulps,  qui  devait  peu  après  entrer  au  ser- 
vice de  Byzance  et  fonder  à  Constantinople  une  famille  illustre, 
occuper  les  deux  Polobos.  Pendant  ce  temps,  Raoul  de  Pontoise 
s'installait  à  Skopia,  j^lace  qui  commande  le  haut  bassin  du 
Vardar.  Bohémond,  établi  à  Ochride,  ne  put  s'emparer  de  la  cita- 
delle, défendue  par  l'Arménien  Ariebès  ;  il  échoua  ég-alement 
devant  Ostrovo,  mais  prit  Veria,  Servia,  Bodena  et  Moglena 
où  il  laissa  des  garnisons;  puis,  se  dirigeant  vers  la  vallée  du 
Vardar,  il  alla  camper  à  Aspra  Ecclesia,  où  il  séjourna  trois 
mois.  Pendant  ces  opérations,  les  troupes  grecques,  n'étant  pas 
assez  fortes  pour  courir  les  chances  d'une  bataille,  restèrent  en 
observation. 

Tandis  que  Bohémond  occupait  ainsi  le  pays,  Alexis  Comnène 
n'était  pas  inactif,  et  je  crois  qu'il  faut  voir  le  résultat  de  ses 
intrigues  dans  la  conjuration  de  trois  des  principaux  officiers  de 
Bohémond,  Raoul  de  Pontoise,  Renaud  et  Guillaume.  Décou- 
verts, deux  des  conjurés  furent  pris  et  punis  ;  seul  Raoul  de  Pon- 
toise put  gagner  Byzance,  où  il  prit  du  service. 

Continuant  le  cours  de  ses  conquêtes,  Bohémond  occupa  suc- 
cessivement Pélagonia,  Tzibikon  et  Trikala.  De  Trikala  il  envoya 
des  troupes  bloquer  Larissa,  où  il  voulait  hiverner.  Lui-même 
vint  assiéger  cette  place,  qui,  défendue  par  Léon  Kephalas,  résista 
six  mois,  La  campagne,  dont  je  viens  d'indiquer  les  grandes 
lignes,  avait  rendu  Bohémond  maître  de  toute  la  région  monta- 
gneuse, qui  forme  l'Albanie  et  la  Thessalie  ;  elle  remplit,  sans 
doute,  l'été  et  l'automne  1082,  et  ce  dut  être  au  début  de  l'hiver 
que  commença  le  siège  de  Larissa.  Au  printemps  1083,  Alexis 
tenta  avec  une  armée  de  secours  de  faire  lever  le  siège  de 
Larissa;  en  arrivant  près  de  Trikala,  le  basileus  apprit  la  détresse 
où  était  la  place  assiégée,  qui  commençait  à  manquer  de  vivres. 

Les  rencontres  précédentes  faisaient  craindre  à  Comnène  une 
bataille  rangée;  il  eut  donc  recours  à  un  stratagème.  Ayant  revêtu 
son  beau-frère  Mélissénos  des  insignes  impériaux,  il  alla  se  placer 
en  embuscade.  Bohémond,  croyant  que  le  gros  de  l'armée  était  là 


SL'CCÈS    d'aLEXIS    l*""    COMMÈNE  281 

OÙ  il  apercevait  l'empereur,  attaqua  les  troupes  conduites  par 
Mélissénos.  Celles-ci  s'enfuirent  au  premier  choc;  tandis  que  les 
Normands  étaient  occupés  à  les  poursuivre,  le  reste  de  l'armée 
grecque,  avec  l'empereur,  tombait  sur  le  camp  de  Bohémond  et 
s'en  emparait.  Le  fds  de  Guiscard  ne  put  réparer  cet  échec  et  fut 
obligé  de  lever  le  siège.  Il  réussit  pourtant  à  se  retirer  sans 
être  inquiété  jusqu'à  Kastoria. 

Les  conséquences  de  ce  premier  succès  remporté  parle  basileus 
furent  considérables  :  les  Normands  perdirent  toute  la  Thessalie. 
Comnène  ne  voulut  pas  compromettre  cet  avantage  en  courant 
les  chances  d'une  seconde  bataille.  D'ailleurs  les  circonstances 
le  favorisaient  et  lui  fournirent  un  champ  d'opérations  moins 
dangereux  et  plus  approprié  à  son  talent  de  négociateur.  Les 
causes  de  mécontentement  étaient  nombreuses  parmi  les  Nor- 
mands ;  depuis  longtemps  les  soldats  ne  touchaient  plus  de  solde 
et  les  campagnes  successives  qu'ils  venaient  de  faire  ne  leur 
avaient  pas  rapporté  de  grands  bénéfices.  Alexis,  instruit  de 
le  fait,  fit  travailler  les  troupes  par  ses  émissaires  ;  il  pro- 
mit honneurs  et  richesses  à  ceux  qui  passeraient  à  son  service  ; 
ses  menées  réussirent  à  faire  réclamer  par  les  Normands  leur  solde, 
en  retard  de  plusieurs  années;  Bohémond,  qui  n'avait  pas  d'ar- 
gent, se  vit  contraint  de  retourner  en  Italie  pour  tenter  de  trouver 
la  somme  nécessaire  au  paiement  de  l'arriéré.  11  partit  laissant 
ses  lieutenants,  Bryenne  à  Kastoria,  et  Pierre  d'Aulps  à  Polobos. 

A  peine  Alexis  apprit-rl  l'heureux  succès  de  ses  intrigues, 
qu'il  songea  à  pousser  plus  loin  ses  avantages.  Kastoria  était 
une  des  places  importantes  de  la  Macédoine  et  le  basileus  tenait 
à  ne  pas  la  laisser  aux  mains  des  Normands.  Il  vint  attaquer  la 
ville,  qui  demanda  bientôt  à  se  rendre.  La  plupart  des  soldats  de 
Guiscard  entrèrent  au  service  de  l'empereur;  Bryenne,  presque 
seul,  refusa  les  propositions  qui  lui  furent  faites  et  regagna  son 
pays,  après  avoir  pris  l'engagement  de  ne  plus  porter  les  armes 
contre  l'Empire.  La  prise  de  Kastoria  est  d'octobre  ou  de 
novembre  1083. 

La  fortune  avait  définitivement  tourné  en  faveur  du  basileus, 
car,  l'été  de  la  même  année,  une  flotte  gréco-vénitienne  avait  paru 
devant  Durazzo  et  enlevé  la  ville  aux  Normands.  Tous  les  résul- 
tats de  l'expédition  de  1082  étaient  donc  perdus. 


282  CHAPITRE    XI 

Les  événements  que  nous  avons  rapportés  plus  haut  empê- 
chèrent Guiscard  de  veng-er  immédiatement  les  revers  subis  par 
ses  soldats.  Mais  à  peine  en  eût-il  fini  avec  l'empereur  germa- 
nique qu'il  commença  les  préparatifs  dune  nouvelle  expédition. 
A  l'automne  1084,  tout  était  prêt;  le  duc,  ayant  réuni  une  flotte 
de  150  vaisseaux,  s'embarqua  à  Otrante.  Guiscard  trouva  que 
ses  États  étaient  suffisamment  pacifiés  pour  lui  permettre  d'em- 
mener ses  trois  fils  Bohémond,  Rog-er  et  Guy;  ce  dernier,  gagné 
par  Alexis,  était  tout  disposé  à  trahir  son  père. 

Le  duc  envoya  Roger  et  Guy  occuper  Avlona;  lui-même,  avec 
le  gros  de  l'armée,  se  dirigea  vers  Butrinto.  Il  voulait  aller  à 
Gorfou,  qui  était  retombée  aux  mains  des  Grecs,  mais  l'état  de  la 
mer  le  retint  deux  mois  à  Butrinto  (jusqu'en  novembre).  Quand 
il  arriva  vers  lile,  il  y  trouva  la  flotte  vénitienne.  La  République 
avait  trouvé  son  compte  à  secourir  l'empire  grec,  les  années 
précédentes,  et,  à  la  première  demande  d'Alexis,  elle  envoya  sa 
flotte  joindre  celle  des  Grecs.  Mais  déjà  Guiscard  avait  traversé. 
Les  flottes  alliées  étaient  au  cap  Passaron,  sur  la  côte  orientale  de 
l'île,  tandis  (jue  celle  de  Guiscard  était  à  Gassiope.  Ce  fut  là  que 
les  navires  grecs  et  vénitiens  vinrent  attaquer  les  Normands. 
Ceux-ci  furent  battus  deux  fois  à  trois  jours  d'intervalle.  Tan- 
dis que  les  Vénitiens,  croyant  tout  terminé,  envoient  annoncer 
ce  succès  à  Venise,  Guiscard,  avec  les  vaisseaux  qui  lui  restaient, 
attaque  à  l'improviste  la  flotte  ennemie  dont  les  navires  étaient 
dispersés  et  remporte  devant  Corfou  une  victoire  complète. 
D'après  Anne  Comnène,  il  y  aurait  eu  13.000  tués  et  2.S00  pri- 
sonniers. Ce  succès  inespéré  permit  au  duc  de  reprendre  Cor- 
fou;  il  alla  ensuite  prendre  ses  quartiers  d'hiver  sur  les  bords 
du  Glykys,  mit  ses  vaisseaux  à  terre  et  gagna  Bundicia. 

Durant  l'hiver,  une  épidémie  terrible  ravagea  l'armée  normande. 
Bohémond  malade  fut  obligé  de  retourner  en  Italie.  Au  début  de 
1085,  l'expédition  se  trouva  très  affaiblie.  Pourtant  au  commen- 
cement de  l'été,  Robert  envoya  son  fils,  Roger,  occuper  Képhalo- 
nie.  Au  bout  de  quelque  temps,  il  se  mit  lui-même  en  route  pour 
aller  prendre  le  commandement  de  l'expédition,  mais  il  tomba 
malade,  et  fut  obligé  de  s'arrêter  au  promontoire  d'Ather,  à  l'ex- 
trémité nord  de  l'île.  C'est  là  qu'il  mourut  le   17  juillet    1085, 


MORT    DE    GUISCaRD  283 

entouré  de  Sykelgaite  et  de  Roger,  son  fils,  qui,  à  la  nouvelle  de 
la  maladie  de  son  père,  avait  quitté  son  camp  pour  se  rendre 
auprès  de  lui  '. 

Avec  Guiscard  se  clôt  ce  que  l'on  pourrait  appeler  la  période 
héroïque  de  l'histoire  des  Normands  d'Italie.  Sans  doute  son  fils 
Bohémond  entreprendra  des  guerres  lointaines,  mais  la  première 
croisade  n'est  plus  une  expédition  purement  normande,  elle  est 
internationale  ;  et  quand  Bohémond  viendra  en  Occident  combattre 
les  Byzantins,  il  agira  comme  prince  d'Antioche  plus  que  comme 
seigneur  de  Tarente. 

De  son  mariage  avec  Sykelgaite,  Guiscard  laissait  trois  fils  : 
Roger,  Guy  et  Robert,  et  au  moins  sept  filles-:  Hélène,  la  fiancée 
de  Constantin  ;  Mabille,  qui  avait  épousé  Guillaume  de  Grantmes- 
nil;  Sibille,  qui  épousa  Ebles,  comte  de  Roucy  3;  une  quatrième 
fille,  dont  nous  ne  savons  pas  le  prénom,  qui  épousa  Hugues,  fils 
du  marquis  d'Esté,  Azzon;  Mathilde,  qui  épousa  Raimond  Béran- 
ger  H,  comte  de  Barcelone,  et  en  secondes  noces  Aimeri  P"", 
vicomte  de  Narbonne^;  Cécile,  et  Gaitelgrime,  qui  épousa  Dreux, 
puis  Anfroi\  De  son  mariage  avec  Auberée,  Guiscard  avait  eu 
Bohémond. 

Sykelgaite  avait  su  prendre  une  très  grande  influence  sur  Guis- 
card, elle  paraît  avoir  d'ailleurs  été  tout  à  fait  la  femme  qui 
convenait  à  Robert  et  plus  d'une  fois  les  chroniques  mentionnent 
la  part  qu'elle  prit  aux  combats  livrés  par  son  mari.  L'ascendant 
qu'elle  conquit  sur  Guiscard  lui  permit  de  faire,  à  diverses 
reprises,  désigner  par  celui-ci,  comme  successeur,  son  fils,  Roger, 

1.  G.  Ap.,  V,  295. 

2.  Malaterra,  IV,  8,  21  ;  Hist.  invent.  S.  Sahini,  AA.  SS.  9  février,  p.  330; 
Aimé,  VIII,  33;  Alex.,  I,  62.  Ughelli,  op.  cit.,  t.  IX,  p.  292.  Muratori, 
Ant.  It.,  t.  I,  p.  900.  Cf.  le  diplôme  de  Sykelgaite,  de  décembre  1089, 
ind.  Xll,  donnant  à  l'archevêque  de  Palerme  la  dîme  des  Juifs  de  cette  ville, 
dans  Mongitore,  Bullae  privilégia  et  instrumenta  Panorniitanae  metropoli- 
tanae  ecclesiae,  p.  6.  Cf.  Ducange,  Les  familles  normandes,  pp.  347-349. 

3.  Roucy,  dép.  de  l'Aisne,  arrond.  de  Laon. 

4.  Cf.  AA.SS.,  9  février,  p.  329;  Histoire  de  Languedoc  (n.  éd.),  t.  III, 
pp.  433,  504,  568,  575,  614,  et  t.  IV,  pp.  250  et  479. 

5.  Gaitelgrime  est  mentionnée  dans  un  diplôme  de  1086.  Archives  de  la 
Cava,  C.  2.  Cf.  Muratori,  Ant.  It.,  t,  V,  p.  786.  Sur  Cécile,  cf.  Cod.  dipl. 
Bar.,  t.  V,  p.  20, 


284  CHAPITRE    XI 

au  détriment  de    Bohémond,    mesure    qui    devait    amener    une 
long-ue  période  de  troubles. 

Guiscard,  en  mourant,  laissait  ses  Etats  absolument  pacifiés,  il 
avait  réussi,  on  a  vu  avec  quelles  difïicidtés,  à  se  faire  recon- 
naître comme  suzerain  par  tous  les  seig-neurs  de  l'Italie  du  Sud. 
C'est  à  lui  qu'il  convient  de  faire  honneur  de  la  fondation  de 
l'Etat  normand  d'Italie,  car  c'est  lui  qui  le  premier  eut  Tidée,  qu'il 
réussit  à  réaliser,  de  réunir  en  un  seul  Etat  les  divers  comtés 
établis  par  ses  compatriotes.  Il  put  arriver  à  s'imposer  parce  que, 
après  la  mort  d'Onfroi,  il  avait  su  se  créer  une  force  militaire 
considérable  qui,  jointe  à  celle  que  lui  laissa  son  frère,  lui  per- 
mit dès  le  début  de  se  faire  obéir.  Plus  tard,  son  alliance  avec 
Rog-er  de  Sicile  contribua  beaucoup  à  l'établissement  définitif  de 
sa  suprématie.  Très  fin  politique,  Guiscard  sut  tirer  un  merveil- 
leux parti  des  besoins  de  la  papauté.  Que  de  chemin  parcouru  de 
la  bataille  de  Civitate  à  la  sortie  de  Grégoire  VII  de  Rome,  en 
1084!  Ce  fut  par  sa  conduite  envers  la  papauté  que  Robert  arriva 
à  faire  légitimer  ses  conquêtes.  Il  n'est  pas  besoin  d'insister  sur  ses 
talents  militaires,  toute  son  histoire  en  fournit  la  preuve  la  plus 
éclatante.  L'organisation  qu'il  sut  donner  à  ses  Etats  ne  fut  pas 
moins  remarquable,  comme  on  le  verra  ailleurs  '.  D'un  caractère 
absolu,  Guiscard  sut  maintenir  dans  sa  famille  l'obéissance  la 
plus  parfaite;  pas  un  de  ses  fils  ne  se  révolta  contre  lui.  Avec 
Guiscard  se  termine  la  période  brillante  du  duché  de  Fouille,  et 
la  décadence  commence.  Il  allait  s'écouler  près  d'un  demi-siècle 
avant  que  la  fondation  du  royaume  de  Sicile  vînt  jeter  un  nouvel 
éclat  sur  l'histoire  des  Normands  d'Italie. 

1.  Cf.  t.  II,  troisième  partie,  chapitre  III. 


CHAPITRE  XII 

LES  SUCCESSEURS  DE  GUISCARD,  LE  DUC  ROGER  (1085-1111).  — 

LE  DUC  GUILLAUME  (1111-1127). 


Au  moment  où  Guiscard  mourut,  Bohémond  se  trouvait  en 
Italie  '  ;  son  frère,  Roger  Borsa,  que  le  duc  avait  désig-né  comme 
son  héritier,  craignit  que  le  fils  d'Auberée  ne  mît  à  profit  son 
absence  pour  s'emparer  de  l'héritage  paternel  ;  il  chercha  donc 
aussitôt  à  s'assurer  l'appui  du  gros  de  l'armée,  que  son  père 
avait  laissée  à  Bundicia.  C'est  là  ce  qui  explique  ses  premières 
allées  et  venues.  Roger  s'embarqua  au  cap  Ather  et  gagna  Bun- 
dicia, sur  les  bords  du  golfe  d'Arta;  il  parait  avoir  été  reconnu 
sans  difficulté  par  l'armée  comme  successeur  de  son  père  '^.  Aussi- 
tôt après,  Roger  retourna  à  Képhalonie  pour  prendre  celles  des 
troupes  qu'il  avait  conduites  à  la  conquête  de  l'île  'K  Son  départ 
de  Bundicia,  au  dire  de  Guillaume  de  Fouille,  fut  suivi  d'une 
panique;  affolée  par  la  mort  de  Guiscard,  l'armée  se  serait 
débandée  et  aurait  cherché  à  gagner  l'Italie,  le  plus  rapide- 
ment possible.  Peut-être  ne  faut-il  voir  dans  le  pittoresque  tableau 
que  Guillaume  de  Pouilie  trace  de  cette  panique,  qu'une  fiction 
poétique,  et  peut-être,  en  décrivant  la  terreur  qui  s'empara  de 
l'armée  à  la  nouvelle  de  la  mort  de  Robert,  le  poète  a-t-il  sim- 
plement voulu  rehausser  le  prestige  de  son  héros  afin  de  pouvoir 
s'écrier  : 

Mors  uniuserat  multorum  causa  pavoris. 

Il  doit  pourtant  y  avoir  un  fonds  de  vérité  dans  le  récit  de 
Guillaume  de  Pouilie,  mais  je  serais  porté  à  attribuer  la  déban- 
dade de   l'armée   normande    à  une  attaque   inopinée  des   Grecs. 


1.  G.  Ap.,  V,  223. 

2.  Ibid.,  V,  345-347. 

3.  Ibid.,  V,  372-387.  Orderic  Vital,  1.  VII,  t.  III,  p.  If 


286  CHAPITRE    XIl 

Les  sources,  il  est  vrai,  ne  mentionnent  aucune  bataille,  mais  il 
est  bien  difficile  d'expliquer,  sans  cette  hypothèse,  la  soumi*;sion 
de  la  plus  grande  partie  des  troupes  normandes  aux  Byzantins. 
Même  en  admettant  que  certains  vassaux  de  Guiscard  aient  été 
favorables  aux  Grecs,  on  ne  peut  g-uère  justifier  les  paroles  du 
poète  sans  admettre  au  moins  un  avantag-e  partiel  des  Byzantins. 

De  Képhalonie  Roger  reg-ag-na  avec  sa  mère  l'Italie  ;  ils  rame- 
naient avec  eux  le  corps  de  Guiscard.  Durant  la  traversée,  une 
tempête  s'éleva,  le  cadavre  du  duc  tomba  à  l'eau,  et  ce  fut  à 
grand'peine  qu'on  l'en  retira.  Enfin  les  navires  finirent  par 
atteindre  Otrante. 

La  hâte  (|ue  Roger  avait  apportée  à  se  faire  reconnaître  de 
l'armée  montre  qu'il  n'était  pas  sans  crainte  sur  la  manière  dont 
il  serait  accueilli  en  Italie.  Il  ne  fut  d'ailleurs  pas  pris  au 
dépourvu,  g-ràce  à  sa  mère  Sykelgaite  qui  g-uida  très  habilement 
sa  conduite.  Tous  deux  avaient  été  instruits  des  ditïîcultés^  qui 
ne  manqueraient  pas  de  se  produire  à  la  mort  de  Guiscard,  par  les 
événements  de  Tannée  1073.  Au  moment  où,  k  Bari,  Robert  avait 
failli  mourir,  toutes  les  compétitions  qui  devaient  se  produire  à 
sa  mort  avaient  éclaté,  et  Sykelgaite  avait  appris  à  connaître  les 
partisans  sur  lesquels  son  fils  pouvait  compter.  Elle  avait  donc 
pris  à  l'avance  toutes  les  mesures  propres  à  assurer  à  Roger 
l'héritage  paternel.  Dès  avant  la  mort  de  Guiscard,  Roger  s'était 
assuré  l'appui  de  son  oncle,  le  comte  de  Sicile,  qui,  par  la  dispari- 
tion de  son  frère,  se  trouvait  le  plus  puissant  seigneur  de  l'Italie 
méridionale  *.  Le  grand  comte  fut  amené  à  jouer  entre  ses 
neveux  le  rôle  d'arbitre,  rôle  dont  il  sut  admirablement  tirer 
parti  pour  accroître  à  la  fois  son  influence  et  ses  possessions 
territoriales. 

Nous  ne  connaissons  exactement,  ni  la  date  à  laquelle  Roger 
revint  en  Italie,  ni  ses  premiers  rapports  avec  Bohémond. 
Nous  savons  que,  à  son  retour,  Roger  fit  enterrer  son  père 
dans  l'église  du  monastère  de  la  Sainte-Trinité  de  ^'enosa  ~. 
Guiscard  avait  sans  doute  choisi  lui-même  ce  lieu  pour  sa  sépul- 

1.  Malaterra,  III,  42. 

2.  G.   Ap.,  V,  401  et  suiv. 


LE  DUC  ROGER  ET  ROHÉMOND  287 

ture,  car  il  avait  fait  reconstruire  l'église  du  monastère.  Il 
reste  encore  quelques  traces  de  la  construction  de  Guiscard 
dans  l'ég-lise  actuelle  '. 

D'après  Orderic  Vital  -,  Bohémond  était  à  Salerne  quand  il 
apprit  le  retour  de  sa  belle-mère  et  de  son  frère  ;  craignant 
d'être  empoisonné  par  Sykelg-aite,  il  se  serait  enfui  auprès  de 
Jourdain  de  Gapoue  et  aurait  aussitôt  avec  celui-ci  commencé 
les  hostilités  contre  Roger.  On  ne  saurait  accorder  une  créance 
absolue  à  ces  renseignements,  car  il  faut  tenir  compte  du  caractère 
légendaire  de  toute  cette  partie  de  l'ouvrage  du  chroniqueur 
normand.  Orderic  raconte,  en  etlet,  que  Sykelgaite  aurait 
empoisonné  son  mari,  or  ceci  est  inexact,  car  Sjkelgaite  n'était 
pas  auprès  de  Guiscard  quand  il  tomba  malade,  et  de  plus 
l'empoisonnement  de  celui-ci,  alors  que  Bohémond  était  en 
Italie  et  Roger  à  Képhalonie,  aurait  été  une  faute  grossière  que 
Sykelgaite  n'a  certainement  pas  commise.  Sauf  la  retraite  de 
Bohémond  à  Capoue,  il  me  paraît  qu'il  n'y  a  pas  lieu 
d'ajouter  foi  au  témoignage  d'Orderic.  Il  est  au  contraire  très 
naturel  que  Bohémond  ait  cherché  un  appui  auprès  du  prince  de 
Capoue,  puisque  son   frère  était  soutenu  par  le  comte  de  Sicile. 

Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  Roger  fut  reconnu  comme 
duc  de  Fouille  dans  le  courant  de  septembre  1085  •^.  L'interven- 

1.  Cf.  Bertaux,  /  monunienii  medievali  délia  régions  del  Vulture  (Napoli, 
1897),  in-4",  p.  xii  et  suiv. 

2.  Orderic  Vital,!.  VII,  t.  III,  p.   181. 

3.  En  août  1080,  ind.  IX,  Roger  compte  la  1'''^  année  de  son  règne  (Arcli. 
de  la  Gava,  G.  .j).  En  août  1088,  ind.  XI,  la  3<=  (Arch.  de  la  Gava,  G.  la).  En 
septembre  1092,  ind.  I,  la  fie  (Arch.  de  la  Gava,  G.  3.'5).  En  septembre  1049, 
ind.  3,  la  10«  (Archives  de  la  Gava,  D.  2).  En  septembre  1103.  ind.  12,  la  19^ 
(Archives  de  la  Gava,  I.  40).  L'année  de  règne  change  donc  en  septembre. 
Ge  que  confirment  les  actes  donnés  en  octobre  (Ai'chives  de  la  Gava,  G.  8, 
octobre  1080,  2^  année.  G,  30,  octobre  1091,  7^  année).  Dans  l'acte  des 
archives  de  la  Gava,  G.  25,  octobre  1090,  on  compte  la  4''  année  de  Roger, 
mais  cet  acte  est  faux,  il  a  été  composé  à  l'aide  de  l'acte  G.  8,  dans  lequel 
on  a  introduitdeux  nouvelles  phrases:  l'une  donnant  à  l'abbé  du  monastère 
de  la  Gava  la  juridiction  civile,  la  seconde  autorisant  les  moines  et  les  homnies 
du  monastère,  dans  les  plateae  où.  ils  sont  exempts  de  droits,  à  jurer  sur 
les  évangiles  qu'ils  ont  le  droit  de  ne  rien  payer,  sans  qu'on  puisse  exiger 
d'eux  aucune  autre  justification  de  leur  droit.  Les  deux  actes  portent  les 
suscriptions  de  Hugues,  archevêque  de  Lyon,  et  de  Richard,  abbé  de  Mar- 
seille, qui,  on  1086,  étaient  en  Italie  et  ont  joué  un  rôle  dans  l'élection  du 
pape,  tandis  que,  en  1089,  leur  présence  à  Salerne  est  improbable.  Gf.  infra, 
p.  292,  note  4. 


288  CHAPITRE    XII 

tion  du  comte  de  Sicile  facilita  beaucoup  l'arrivée  au  pouvoir  de 
son  neveu  et  celui-ci  lui  en  témoigna  sa  reconnaissance,  suivant 
d'ailleurs  ce  dont  ils  étaient  convenus,  par  la  remise  de  tous  les 
châteaux  de  Calabre,  possédés  en  commun  par  Roger  et  Guis- 
card  '.  On  a  cru  qu'il  fallait  interpréter  le  passage  de  Malaterra 
autrement  que  je  ne  le  fais  et  l'on  a  dit  que  Roger  Borsa  avait 
accordé  à  son  oncle  la  moitié  de  Calabre  qu'il  avait  héritée  de 
son  père.  Cette  interprétation  provient  de  ce  que  l'on  n'avait  pas 
éclairci  la  question  du  partage  de  la  Calabre  entre  Robert  Guis- 
card  et  son  frère.  J'ai  montré  à  ce  propos  que  les  deux  frères 
avaient  été  co-propriétaires  des  châteaux  et  des  villes  conquis  et 
qu'il  n'y  avait  pas  eu  de  partage  '.  De  même,  il  faut  entendre  le 
passage  où  Malaterra  nous  rapporte  la  convention  passée  entre 
le  fils  de  Guiscard  et  son  oncle  dans  un  sens  restreint.  Le  chro- 
niqueur emploie  le  mot  <(  castella  »  :  il  s'agit  uniquement  de  châ- 
teaux et  la  preuve  en  est  que,  en  août  1090,  le  fils  de  Guiscard 
possède  encore  Tropea,  ce  qui  ne  serait  pas  s'il  avait  cédé  toute 
la  Calabre  à  un  oncle  \ 

Le  nouveau  duc  ne  tarda  pas  à  être  aux  prises  avec  de  graves 
difficultés.  Le  grand  comte,  peu  après  l'installation  de  son  neveu, 
fut  rappelé  de  Fouille  en  Sicile  par  une  attaque  des  Musulmans, 
qui,  de  Syracuse,  étaient  venus  à  nouveau  ravager  les  côtes  de 
Calabre,  de  Nicotera  à  Squillace.  A  peine  Roger  de  Sicile 
était-il  parti,  que  Bohémond  se  révolta  contre  son  frère  et  occupa 
Oria,  Otrante  et  Tarente  ^.  Roger  fut  obligé  de  céder  à  son 
frère,  outre  les  trois  villes  dont  il  s'était  emparé,  Gallipoli 
et  toutes  les  possessions  de  Geoffroi  de  Conversano,  c'est-à-dire 
presque  toute  la  région  qui  s'étend  de  Conversano  à  Brindisi  '. 
Ainsi,  dès  les  premiers  mois  du-  nouveau  règne,  les  Etats  de 
Guiscard  se  trouvèrent  démembrés  et  Bohémond  réussit  à  se 
rendre  presque  aussi  puissant  que  son  frère.  Nous  n'avons 
pas    de    détails   sur   la    révolte   de     Bohémond  ;    tout    ce    que 


i.  Malaterra,  III,  42. 

2.  Cf.  supra,  p.   200. 

.3.  Gattola,  Ace,  t.  I,  p.  204. 

4.  Malaterra,  IV,  1. 

0.  Ibid.,  IV,  4. 


LE  DUC  ROGER  ET  BOHÉMOND  289 

nous  savons,  c'est  que  la  paix  fut  rétablie  entre  les  deux  frères, 
dès  le  mois  de  mars  1086.  A  cette  date,  en  effet,  Sykelgaite  donne  à 
Ourson,  archevêque  de  Bari,  ses  droits  surles  Juifs  de  cette  ville,  et 
son  diplôme  est  souscrit  par  Bohémond  et  Roger'.  Au  mois  de  mai 
de  la  même  année,  nous  retrouvons  les  deux  fils  de  Guiscard  sous- 
crivant un  diplôme  par  lequel  Roger  cède  à  l'archevêque  de  Bari 
les  terres  de  Coccenaet  Betteiano  -.  Un  autre  diplôme,  également 
du  mois  de  mai,  nous  montre  que  les  deux  frères  passèrent 
ensemble  une  partie  de  ce  mois  à  Salerne,  où  ils  souscrivent  tous 
les  deux  le  diplôme  3  par  lequel  Roger  accorde  à  Pierre,  abbé 
de  la  Gava,  le  port  de  Vietri  ^.  Nous  retrouvons  encore  Roger  et 
Bohémond  souscrivant,  durant  le  même  mois,  un  diplôme  en 
faveur  de  Béranger,  abbé  de  la  Sainte-Trinité  de  Venosa  ''. 

Deux  diplômes  nous  apprennent  que,  durant  l'été  1086,  le  duc 
Roger  se  rendit  dans  ses  possessions  de  Sicile.  Au  mois  d'août  **, 
il  était  à  Palerme  où  nous  le  voyons  donner  à  l'archevêque  Auger 
la  terre  de  Gallo  "  dans  les  environs  de  Palerme,  et  quatre  vilains  à 
Misilmeri  ''^.  Pendant  son  séjour  à  Palerme,  Roger  donna  à  l'abbaye 
de  la  Gava  le  monastère  de  la  Sainte-Trinité  de  Bari  ^.  Bohé- 
mond ne  paraît  pas  avoir  accompagné  Roger  en  Sicile,  tandis  que 
Robert  II  Guiscard,  son  frère,  le  suivit,  ainsi  que  Pierron,  comte 


1.  Cod.  clipl.  Barese,  t.  I,  p.  56  et  suiv. 

2.  Ihid.,  p.  58. 

3.  Archives  de  la  Gava,  B.  39.  Ce  diplôme  est  sûrement  donné  à 
Salerne,  bien  que  la  date  de  lieu  ne  s'y  trouve  pas.  Roger  parle  en  effet  du 
monastère  de  la  Cava  en  ces  termes  :  «  Qiiod  construcluni  est  forts  hanc 
a  deo  nobis  concessam  Salernitanani  civitatem  ;  »  or  les  diplômes  donnés 
pour  la  Cava  en  dehors  de  Salerne  ne  portent  jamais  cette  formule; 
le  duc,  parlant  d'une  ville  où  il  ne  réside  pas,  dit  :  <i  nobis  a  deo  concessam  » , 
sans  employer  le  démonstratif,  cf.  v.  g.  Archives  de  la  Cava,  C.  5. 

4.  Vietri  sul  mare,  circond.  et  prov.  de  Salerne. 

5.  Del  Giudice,  Codice  diplomatico  Angioino,  t.  '1,  appendice  p.  xxv. 
Cet  acte  est  vidimé  dans  un  diplôme  de  Charles  d'Anjou  (1267);  la  copie 
porte  la  date  de  1096,  qu'il  faut  corriger  en  1086,  ainsi  que  l'indiquent  et 
l'indiction  et  l'année  de  règne  (1'"'=  année).  La  correction  proposée  par  l'édi- 
teur est  inadmissible,  car  elle  ne  tient  pas  compte  de  l'année  de  règne. 

6.  yioug'dovc,  Bulla;  privilégia  et  instrumenta  Panorniitanx  ecclesise,  p.  4. 

7.  Gallo,  tout  près  de  Palerme.  Cf.  Mongitore,  op.  cit.,  p.  5. 

8.  Misilmeri,  circond.  et  prov.  de  Palerme. 

9.  Archives  de  la  Cava,  C.  5. 

Histoire  de  la  domination  normande.  —  CuAi-ANnox.  19 


290  CHAPITRE   XII 

de  Lésina,  et  Roger  de  Barneville  '.  Dès  le  mois  d'octobre  1086, 
Roger  était  revenu  à  Salerne  '^.  11  commença  alors  à  prendre  une 
part  active  aux  négociations  dont  la  succession  de  Grégoire  Vil 
était  Tobjet  depuis  plus  d'une  année. 

Grégoire  VII  était  mort,  à  Salerne,  le  2o  mai  1085.  Sentant  sa 
fin  approcher,  il  avait  recommandé  au  choix  des  cardinaux 
Didier,  abbé  du  Mont-Cassin  ;  Hugues  de  Bourgogne,  archevêque 
de  «Lyon  ;  Othon,  évêque  d'Ostie,  et  Anselme,  évêque  de  Lucques. 
Après  la  mort  du  pape,  on  prit  toutes  les  mesures  nécessaires 
pour  nommer  en  paix  son  successeur.  Jourdain  de  Gapoue  se 
rendit  à  Rome,  pour  assurer  l'ordre  ;  il  y  arriva  le  jour  de  la  Pen- 
tecôte (8  juin).  L  antipape  avait  été,  peu  auparavant,  chassé  de 
la  ville  par  la  population.  Dès  les  premiers  jours,  la  candidature 
de  Didier  rencontra  un  grand  nombre  de  partisans  et  il  semblait 
que  la  conciliation  pût  se  faire  sur  son  nom.  car  l'abbé  du  Mont- 
Cassin  était  en  bons  termes  avec  Henri  IV  et  avec  les  Normands  ; 
mais  Didier  se  refusa  à  accepter  la  papauté  et  conseilla  d'attendre 
les  avis  de  la  comtesse  Mathilde.  Gomme  le  temps  passait,  un  parti, 
à  la  tète  duquel  paraît  avoir  été  Jourdain,  voulut  imposer  de  vive 
force  la  tiare  à  Didier.  Gelui-ci  quitta  brusquement  Rome  et 
retourna  au  Mont-Gassin,  d'où  il  se  mit  à  engager  les  Normands 
et  les  Lombards  à  venir  en  aide  à  l'Eglise  "*. 

Quels  furent  les  motifs  de  la  conduite  de  Didier?  Il  semble 
qu'à  ce  moment  Didier  ait  refusé  le  pontificat  parce  qu'il  ne  trou- 
vait pas  son  parti  assez  fort.  G'est  ce  qui  expliquerait  son  brusque 
retour  au  Mont-Gassin  et  les  démarches  qu'il  fit  pour  recruter 
des  troupes.  Il  réussit  à  en  trouver,  mais  le  retour  à  Rome  fut 
ajourné,  à  cause  de  l'été.  Peut-être  aussi,  Didier,  voulut-il  voir, 
avant  de  s'engager,  ce  qui  adviendrait  de  la  succession  de  Guis- 
card.  Vers  l'automne,  Jourdain  otYrit  à  Didier  de  le  conduire  à 
Rome,  mais  celui-ci  refusa,  à  moins  qu  on  ne  lui  promit  de  ne  pas 
le  faire  pape  de  force.  N'ayant  pu  obtenir  cette  promesse,  il 
demeura  au  Mont-Gassin  ^. 


1.  Ils  souscrivent  le  diplôme  cité  supra,  p.  289,  note  9. 

2.  Archives  de  la  Gava,  C.  8.  Il  donne  un  diplôme  en  faveur  de  l'abbaye. 

3.  Pet.  Diac,  III,  65. 

4.  Ihid. 


ÉLECTION    DE    VICTOR    III  291 

On  resta  ainsi  dans  l'incertitude  jusqu'à  Pâques  1086  (5  avril); 
à  ce  moment,  un  grand  nombre  de  cardinaux  et  d'évèques  se 
trouvèrent  réunis  à  Rome;  désireux  de  faire  cesser,  au  plus  vite, 
la  vacance  du  siège  pontifical,  ils  demandèrent  à  Didier  et  aux 
cardinaux  qui  l'avaient  accompagné  dans  sa  retraite,  de  venir  à 
Rome,  afin  qu'il  fût  possible  de  procéder  à  l'élection.  On  adressa 
la  même  demande  à  Gisolf  de  Salerne,  qui  était  revenu  récem- 
ment de  France,  oiî  Grégoire  VII  l'avait  envoyé  en  mission. 
Gisolf  exerçait,  sans  doute  encore,  le  commandement  militaire  de 
la  Campanie,  que  lui  avait  confié  le  pape  défunt.  Le  23  mai,  l'as- 
semblée des  cardinaux  se  trouva  au  complet  '.  La  ville  était 
toujours  divisée  en  deux  camps,  mais  le  parti  impérial  se  trou- 
vait privé  de  son  chef  naturel,  le  préfet,  qui  était  prison- 
nier du  duc  Roger,  sans  doute  depuis  la  prise  de  Rome  par 
Guiscard.  L'antipape  était  alors  à  Ravenne  '^.  Les  cardinaux 
se  réunirent  au  pied  du  Palatin,  près  de  l'église  Santa-Lucia. 
Malgré  les  instances  qui  lui  furent  faites,  Didier  refusa  for- 
mellement le  pontificat,  et,  après  s'être  entendu  avec  le  chef 
du  parti  pontifical  à  Rome,  Cencio  Frângipani,  il  proposa  de 
nommer  l'évêque  d'Ostie;  en  même  temps,  comme  il  prévoyait 
que  cette  nomination  soulèverait  des  mécontentements,  il  s'en- 
gagea à  fournir  au  futur  pape  un  asile  au  Mont-Cassin.  On  éleva 
des  difficultés  au  sujet  de  cette  candidature  que  l'on  prétendit 
contraire  au  droit  canon  et  l'assemblée  finit  par  élire  Didier, 
qui  reçut  le  nom  de  Victor  III. 

Dans  toutes  ces  négociations  on  n'avait  tenu  aucun  compte  du 
duc  Roger  qui  dut  être  peu  satisfait  de  voir  le  rôle  de  protecteur 
de  la  papauté  joué  par  Jourdain  ;  de  plus,  Roger  dut  être  mécontent 
de  l'importance  attribuée  à  Gisolf,  en  qui  il  devait  voir  un  compé- 
titeur toujours  possible.  Le  choix  de  Didier  ne  pouvait  pas  être 
agréable  au  duc  qui  avait  eu  des  difficultés  avec  le  nouveau  pape 
au  sujet  de  la  nomination  de  l'archevêque  de  Salerne.  Roger  prit 
donc  une  mesure,  qui,  en  amenant  le  trouble  dans  Rome,  devait 


1.  Pet.  Diac,  III,  66. 

2.  Jaffé-L.,  3523. 


292  CHAPITRE  xn 

lui  permettre  d'intervenir;  il  remit  en  liberté  le  préfet  de  Rome', 
Le  résultat  de  cette  manœuvre  fut  rapide.  Quatre  jours  après  son 
élection,  le  nouveau  pape  était  obligé  de  quitter  Rome  devant 
l'émeute  ;  il  s'enfuit  par  Terracine  et  vint  se  réfugier  au  Mont- 
Cassin.  Il  semble  bien  que  l'on  ait  été  surpris  par  le  soulèvement 
des  Romains,  car  Jourdain  paraît  ne  pas  avoir  été  à  Rome  au 
moment  de  l'élection.  A  la  nouvelle  de  ce  qui  s'était  passé,  il 
vint  offrir  au  pape  de  le  reconduire  à  Rome  avec  ses  troupes, 
mais  l'expédition  fut  encore  remise,  à  cause  de  l'été. 

Tout  l'automne  1086  fut  occupé  par  des  négociations,  sur  les- 
quelles nous  sommes  mal  renseignés.  L'élection  de  Victor  III  avait 
mécontenté  deux  des  candidats  à  la  tiare,  lévêque  d'Ostie  et 
Hugues,  archevêque  de  Lyon.  Ce  dernier  commença  aussitôt  une 
sourde  campagne  contre  Victor  III  et  réussit  à  recruter  un  certain 
nombre  de  partisans.  Après  avoir  rejoint  Didier  au  Mont-Cassin, 
quelques  cardinaux  ne  s'entendant  pas  avec  lui  se  rendirent,  à 
Salerne,  auprès  de  Roger"^.  Avec  eux,  étaient  Hugues,  archevêque 
de  Lyon;  Richard,  abbé  de  Saint- Victor  de  Marseille,  et  l'arche- 
vêque d'Aix,  Pierre  Gaufridi'^  Nous  savons,  par  un  diplôme  de 
Roger,  que  Hugues  et  Richard  se  trouvaient  à  Salerne  dans  le  cou- 
rant d'octobre  1086  '*.  Sur  quoi  portèrent  les  négociations  qui 
eurent  lieu  alors  ?Xous  sommes  à  ce  sujetdans  une  ignorance  com- 
plète. Sans  doute,  Roger  chercha  à  obtenir  des  cardinaux  dissidents 
que,  dans  le  cas  où  l'un  d'eux  serait  élu  pape,  on  nommerait  au 
siège  de  Salerne  le  candidat  de  son  choix.  C'est  là,  en  effet,  ce  qui, 
d'après  les  négociations  postérieures,  paraît  lui  avoir  surtout  tenu 
à  cœur.  Dans  tous  les  cas,  on  commença,  à  partir  de  ce  moment,  à 
faire  à  Didier  un  grief  des  relations  qu'il  avait  entretenues  avec 
Henri  IV  et  de  Lexcommunication  qu'il  avait  encourue  un  moment. 
Victor  III  décida  la  réunion  d'un  concile  en  mars  1087.  Capoue 
fut  choisie  comme  lieu  de  réunion  ^.  Il  ressort  de  ce  choix  que  le 

1.  Pet.  Diac,  III,  67. 

2.  Cf.  une  lettre  d'Hugues,  archev.  de  Lyon,  Migne,  P.L.,  t.  1.j7,co1.  513. 

3.  Cf.  Albanès,  Gallia  Christ,  novissinia,  p.  51. 

4.  Archives  de  la  Cava,  C.  8. 

o.  Victor  III  agit  encore  comme  aj^ant  été  nommé  vicaire  apostolique,  cf. 
Hugues  de  Lyon,  loc.  cit.,  512  :  u  conciliuin  in  Capuam  sicut  illarum  partium 
apostolicus  vicarius  congregavit.  » 


LE    DUC    ROGER    ET    VICTOR    Kl  293 

pape  est  alors  entièrement  soumis  à  rinfluence  de  Jourdain  et  de 
Gisolf.  Ce  dernier  et  lévêque  d'Ostie  avertirent  de  la  réunion  du 
concile  les  cardinaux  dissidents  et,  en  même  temps,  Jourdain 
tâchait  d'amener  Rog-er  à  un  accommodement;  il  réussit  à  le 
décider  à  assister  au  concile.  Quand  rassemblée  fut  réunie, 
Victor  III  déclara  qu'il  acceptait  le  pontificat.  Comptant  sans 
doute  sur  l'appui  du  duc,  les  cardinaux  hostiles  à  Didier  lui 
demandèrent  de  se  justifier  des  accusations  portées  contre  lui  ; 
sur  son  refus,  ils  quittèrent  l'assemblée.  Le  duc  ne  les  suivit 
pas;  il  demanda  à  nouveau  à  Victor  III  de  désigner  son  candidat, 
Alfan,  comme  archevêque  de  Salerne,  et  ce  fut  seulement  quand 
il  eut  essuyé  un  refus  qu'il  se  retira  à  son  tour. 

Quand  Victor  III  vit  que  Roger  songeait  à  quitter  Capoue,  il 
craignit  que  le  duc  ne  prît  le  parti  des  cardinaux  dissidents  et  se 
décida  alors  à  acquiescer  à  sa  demande.  Il  le  fit  appeler  pendant 
la  nuit  et  lui  accorda  la  nomination  d'Alfan,  comme  arche- 
vêque de  Salerne.  Fort  de  l'appui  de  Roger,  Victor  III 
revêtit  les  insignes  pontificaux.  Grâce  à  Roger,  à  Jourdain  et  à 
Gisolf,  le  pape  put  rentrer  à  Rome  pour  s'y  faire  consacrer. 
Les  Normands  s'emparèrent  de  force  de  la  basilique  de  Saint- 
Pierre,  où  l'antipape  s'était  retranché,  et  Victor  III  fut  consacré, 
le  9  mai. 

L'appui  prêté  au  pape  par  le  duc  de  Fouille  eut  pour  résultat 
de  détacher  l'évêque  d'Ostie  du  parti  d'Hugues  de  Lyon  et  ce 
fut  lui  qui  consacra  le  pape.  Au  bout  de  quelquesjours,  Victor  III 
s'éloigna  de  Rome,  où  il  fut  rappelé  peu  après  par  la  comtesse 
Mathilde,  qui  l'installa  au  Latran.  Vers  la  fin  de  juillet,  le  pape  rega- 
gna le  Mont-Cassin;  en  août,  il  se  rendit  à  Bénévent  d'où  il 
excommunia  les  cardinaux  dissidents,  puis  revint  au  Mont-Cassin 
où  il  mourut  en  septembre'.  Balloté  entre  ses  craintes  et  son  désir 
d'être  pape,  Victor  III  eut  un  pontificat  lamentable.  On  ne  voit 
guère  ce  que  Roger  gagna  à  l'appuyer  ;  la  nomination  d'un  candi- 
dat de  son  choix  à  l'archevêché  de  Salerne  n'était  pas  une  récom- 
pense suffisante,  et  il  semble  bien  que  l'archevêque  de  Lyon  avait 
raison,  quand  il  écrivait  que  le  duc  avait  été  trompé  parle  prince 

1.  Cf.  Iliisch,  op.   cit.,  dans  Forschungen,  t.  VII,   p.  91  et  suiv. 


294  CHAPITRE    XII 

de  Capoue.  Celui-ci  avait  tout  intérêt  avoir  Fanii  de  sa  maison 
devenir  pape,  car  il  pouvait  espérer  tirer  de  ce  choix  de  grands 
avantages.  La  mort  de  Victor  III  empêcha  de  se  réaliser  toutes 
les  espérances  que  Jourdain  avait  pu  concevoir. 

Au  mois  de  mai  1087,  Roger  accorda  à  Guillaume,  abbé  du 
monastère  San  Angelo  de  Mileto,  l'église  de  San  Filippo  à  Aiello. 
Il  est  curieux  de  voir  que  le  diplôme  est  souscrit  par  l'archevêque 
de  Palerme  Auger  ;  Gautier,  évêque  de  Malvito  ;  Constantin 
évêque  de  Venosa  ;  Pascal,  évêque  de  Bisignano  ;  Robert,  évêque 
de  Firenzola.  Tous  ces  prélats  avaient  sans  doute  assisté  au 
concile  '. 

A  la  fin  de  l'été  1087,  ou  tout  au  début  de  l'automne,  Bohé- 
mond  et  Roger,  qui,  en  juin,  souscrivaient  ensemble  un  diplôme 
pour  Ourson,  archevêque  de  Bari,  se  déclarèrent  la  guerre  sans  que 
nous  sachions  exactement  pour  quels  motifs  -.  Bohémond  avait 
su  se  créer  des  partisans  parmi  les  vassaux  de  son  frère  ;  il  gagna 
Mihera,  fils  d'Hugues  Falluca  et  seigneur  de  Catanzaro,  et  l'amena 
à  désavouer  le  duc  Roger,  son  légitime  seigneur  ^. 

Bohémond  commença  les  hostilités  en  essayant  de  surprendre 
son  frère  à  Fragneto,  près  de  Bénévent  ''.  Il  échoua  complètement 
et  gagna  Tarente,  où  il  était  en  octobre.  Les  succès,  qu'il  remporta 
dans  le  midi,  compensèrent  bientôt  sa  première  défaite.  Bohé- 
mond entraîna  dans  son  parti  Hugues  de  Clermont  ^  et  sut 
gagner  plusieurs  villes,  entre  autres  Rossano  et  Cosenza.  Il 
promit  aux  habitants  de  cette  dernière  Aille,  de  démolir,  s'ils 
se  donnaient  à  lui,  le  donjon  construit  par  son  frère.  Tandis 
que  Bohémond  assiégeait  la  citadelle  de  Cosenza,  Roger  rassem- 
blait des  troupes  et,  en  même  temps,  faisait  demander  assistance  au 
comte  de  Sicile  ;  celui-ci  vint  au  secours  de  son  neveu,  mais  avant 
qu  ils  eussent  opéré  leur  concentration,  la  citadelle  de  Cosenza  fut 

1.  Archives  du  collège  grec  à  Rome,  A.  X. 

2.  Cod.  dipl.  Barese,  t.  I,  p.  59, 

3.  Malaterra,  IV,  9. 

4.  Romuald  de  Salerne,  M.G.H.SS.,  t.  XIX,  p.  4H. 

5.  Hugues  de  Clermont  est  connu  par  divers  diplômes.  Cf.  Trinchera, 
op.  cit.,  p.  96;  Ughelli,  op.  cit.,  t.  VII,  pp.  11-12.  Cod.  Vat.  lat.  Regin., 
n"  378,  f°  26.  Il  avait  épousé  Guimarga  et  eut  pour  fils  Alexandre  de  Cler- 
mont, qui  épousa  Avenna, 


RÉVOLTE    DE    BOHÉMOND  29o 

prise  et  complètement  rasée  par  Bohémond.  Les  deux  Roger, 
aidés  par  Raoul  de  Loritello,  réussirent  pourtant  à  s'emparer  de 
Rossano  '.  Cependant  Bohémond,  en  apprenant  l'arrivée  de  son 
oncle  et  de  son  frère,  ne  voulut  pas  se  laisser  assiéger  dans 
Cosenza  ;  il  y  laissa,  pour  maintenir  les  habitants,  Hugues  de 
Clermont  et  s'enfuit  à  Rocca  Falluca  ~.  Roger  crut  que  son 
frère  était  à  Maïda  ^  et  vint  assiéger  cette  place;  quand  il  con- 
nut son  erreur,  il  alla  mettre  le  siège  devant  Rocca  Falluca. 
A  ce  moment,  sans  doute  par  l'intervention  du  comte  de  Sicile, 
des  négociations  furent  engagées.  On  convint  d'une  entrevue 
pour  conclure  les  derniers  accords  et  l'on  choisit  Sant'  Eufemia 
comme  lieu  de  rencontre.  Mais,  au  jour  fixé,  Mihera  se  pré- 
senta seul;  Bohémond  s'était  enfui  à  Tarente.  Roger  profita 
néanmoins  de  l'occasion  pour  conclure  avec  l'allié  de  son  frère 
un  traité  particulier  par  lequel  il  acquit  Maïda.  Peu  après,  nous 
ne  savons  comment,  la  paix  fut  conclue  entre  Bohémond  et 
Roger  (1089),  et  le  duc  donna  à  son  frère  Cosenza  et  Maida. 
Un  nouvel  accord  eut  lieu  ensuite,  par  lequel  les  deux  frères 
échangèrent  Cosenza  et  Bari.  Tous  deux  avaient  promis  aux 
habitants  de  chacune  de  ces  villes  de  n'y  pas  construire  de  cita- 
delles^; l'échange  leur  permit  de  violer  leur  promesse.  Roger 
récompensa  ses  alliés,  Raoul  de  Loritello  et  le  comte  de  Sicile, 
en  leur  donnant  l'investiture  des  terres  de  Mihera. 

Cette  campagne  se  termina  par  une  nouvelle  diminution  des 
possessions  de  Roger,  tandis  que  Bohémond,  maître  de  tout  le  pays 
depuis  Bari  jusqu'à  Otrante,  se  voyait  en  outre  attribuer  quelques 
places  en  Calabre  ^. 

Roger  rentra  à  Salerne  dans  le  courant  de  mars  ;  nous  avons, 
en  effet,  daté  de  ce  mois,  un  acte  en  faveur  de  l'abbaye  de  la  Cava**. 


1.  Malaterra,  IV,  10-11. 

2.  Près  de  Catanzaro.  Cf.  Ughelli,  op.  cit.,  t.  IX,  p.  426. 

3.  Circond.  de  Nicastro,  prov.  de  Catanzaro. 

4.  Bohémond  était  seigneur  de  Bari,  dès  dé'cemlDre  1090.  C'oc/.  clipl.  Bar., 
t.  V,  p.  29.  Cf.  les  observations  de  l'éditeur  sur  rauthenticité  du  document, 
dont  l'original  me  parait  vrai. 

3.  Cf.  Cod.  dipl.  Bar.,  t.  II,  p.  221.  Il  n'y  a  pas  eu  en  Calabre  d'acquisition 
de  Bohémond  après  cette  date. 

6.  Archives  de  la  Cava,  C.  17.  Je  ne  crois  pas  authentique  le  diplôme  du 


296  CHAPITRE    XII 

Il  semble  que  le  duc  soit  demeuré  à  Salerne  durant  les  mois  de 
juin  et  de  juillet  •. 

La  guerre,  qu'il  avait  soutenue  contre  Bohémond,  avait  empê- 
ché Roger  d  intervenir  dans  l'élection  du  successeur  de  Vic- 
tor m.  Le  12  mars  1088,  à  Terracine,  on  avait  élu,  comme  pape, 
l'évêque  d'Ostie,  qui  prit  le  nom  d'Urbain  II  '-.  Pendant  les 
premiers  temps  de  son  pontificat,  Urbain  II  paraît  avoir  été  en 
très  bons  termes  avec  le  prince  de  Capoue.  Il  annula  l'union  de 
la  fille  de  Jourdain  et  de  Renaud,  fils  de  Geofîroi  Ridel,  et  accorda 
à  la  première  la  permission  de  contracter  un  nouveau  mariage  ■^. 
Désireux  de  rétablir  la  paix,  le  pape  alla  à  Troina  voirie  comte 
de  Sicile,  sans  doute  pour  le  prier  d'intervenir  et  d'aider  à 
rétablir  l'ordre  ^ 

Peut-être,  dans  le  courant  de  1088,  y  eut-il  un  soulèvement  à 
Amalfi  ;  nous  avons,  en  effet,  un  acte  de  juillet  1088,  daté  de  la 
première  année  de  Gisolf '^  conmie  duc  d'Amalfi,  et  dans  une  de 
ses  lettres  Urbain  II  parle  de  «  son  cher  fils,  le  prince  de 
Salerne  et  duc  d'Amalfi  ».  Il  semble  bien  qu'il  faille  entendre 
par  là  Gisolf,  car  jamais  les  princes  normands  ne  sont  désignés 
dans  les  actes  pontificaux  par  le  titre  de  prince  de  Salerne. 
Nous  ne  savons  rien  d'autre  sur  cette  révolte  d'Amalfi,  si  ce 
n'est  qu'elle  était  certainement  terminée  le   20  avril  1089  s. 

En  septembre  de  cette  même  année,  le  pape  soucieux  de  réta- 
blir la  paix  entre  les  Normands  vint  à  Melfi,  où  il  tint  un  synode  '. 


duc  Roger,  de  janvier  1088,  Ughelli,  op.  cit.,  l.  IX,  p.  4o0  ;  en  effet,  il  se 
termine  par  la  formule  de  corroboration  suivante  :  <<  propria  manu  nostri 
foriniratorum  formiratum  confirniari  Jussinius.  Cette  formule  étrange  me 
paraît  copiée  sur  la  formule  postérieure  :  per  manus  aniirati  amiratorum. 

1.  Archives  de  la  Cava,  C.  19.  Arch.de  la  cathédrale  de  Salerne,  Arc.  1,40, 
éd.  dans  Paesano,  op.  cit.,  t.  11,  p.  15. 

2.  Pet.  Diac,  IV,  2. 

3.  Jaffé-L.,  5382. 

4.  Malaterra,  IV,  12-13,  pp.  593-594. 

5.  Di  Meo,  op.  cit.,  t.  VIII,  ad  an.  1088,  p.  294.  Jaffé-L.,  5302;  dans  un  acte 
de  1090  juillet,  ind.  13,  Archives  de  la  Cava,  C.  32,  Richard  le  sénéchal 
donne  des  biens,  sis  dans  la  région  de  Salerne,  qui  lui  ont  été  attribués  par  le 
duc  Roger,  qui  les  a  confisqués  merito  à  Jean,  fils  de  Tripoald,  comte  du  palais. 

6.  Di  Meo,  op.  cit.,  t.  VIII,  ad  an.  1089,  p.  296. 

7.  Cf.  Jaffé-L.,  op.  cit.,  t.  l,  p.  664. 


RÉVOLTE    DE    CAPOÎJE  297 

Roger  se  rendit  auprès  de  lui  et  fut  investi  du  duché  de  Fouille 
et  de  la  Calabre  '.  Urbain  II,  profitant  de  ce  que  de  nombreux  sei- 
g-neurs  étaient  venus  à  Melfi,  attirés  par  sa  présence  et  parcelle 
du  duc,  fit  jurer  à  tous  ceux  qui  s'y  trouvèrent  d'observer  la 
trêve-Dieu.  De  Melfi,  le  pape  se  rendit  à  Bari,  où  il  consacra 
l'archevêque  Elie  (5  octobre)  '-.  Le  11  octobre,  il  était  à  Trani  3; 
il  se  rendit  ensuite  à  Brindisi  où  il  consacra  l'église  ''. 

Au  mois  d'avril  1090,  mourut  Sykelgaite  '^,  et,  en  novembre, 
Jourdain  de  Capoue  ^.  La  disparition  de  celui-ci  amena  l'éclipsé 
momentanée  de  la  puissance  de  la  principauté  de  Capoue,  pour 
laquelle  une  période  de  troubles  s'ouvrit  alors.  Renaud  Ridel, 
seigneur  de  Gaëte,  attaqua  le  Mont-Cassin,  dans  le  courant  de 
janvier  1091.  Il  fut  obligé  par  les  comtes  d'Aquino  à  se 
soumettre  et  dut  venir  à  Capoue  pour  restituer  ce  qu'il  avait 
pris  '.  L'intervention  d'Urbain  11,  qui  résidait  alors  à  Capoue, 
ne  fut  certainement  pas  étrangère  à  ce  résultat  ^.  Mais,  à  peine 
le  pape,  à  la  fin  de  janvier  1091  ^,  avait-il  quitté  Capoue  que 
les  habitants  de  la  ville  se  soulevèrent  contre  Gaitelgrime,  la 
veuve  de  Jourdain,  qui  gouvernait  au  nom  de  ses  trois  fils 
mineurs  Richard,  Robert  et  Jourdain.  Gaitelgrime  dut  se  réfugier 
à  Aversa^o.  Peu  après,  Renaud  Ridel  était  chassé  à  son  tour 
de  Gaëte  par  une  révolution  et  se  réfugiait  à  Pontecorvo  *'.  11  fut 
remplacé  par  le  comte  Landon  que  nous  ne  connaissons  pas  par 
ailleurs,    mais  qui   est    certainement  un   lombard.  Les    comtes 

1.  Lupus  Protospat.,  ad  an.  Romoald  de  Salerne,  M.G.H.SS.,  t.  XIV, 
p.  412. 

2.  Cod.  dipl.  Bar.,  t.  I,p.62. 

3.  Jaffé-L.,  5413. 

4.  Lup.  Protospat.,  ad  an.  1089. 

5.  Pet.  Diac,  IV,  8.  Necrol.  Cas.,  dans  Gattola,  Ace,  t.  I,  p.  854.  Elle  fut 
enterrée  au  Mont-Cassin. 

6.  Pet.  Diac,  IV,  10. 

7.  Ibid.,  IV,  9. 

8.  Jaffé-L.,  5438. 

9.  Jaffé-L.,  5441-5442.  Il  faut  regardei'  comme  faux  le  pi'ivilège  de 
Roger  et  Bohémond  en  faveur  du  monastère  de  Banzi.  Cf.  di  Meo,  op.  cit., 
t.  VIII,  p.  318  etsuiv. 

10.  Pet.  Diac,  IV,  10. 

11.  Cf.  Cod.  Caiet.,  t.  II,  p.  155,  note  a.  Renaud  Ridel  continue  à  sintituler 
duc  de  Gaëte,  mais  ses  actes  sont  tous  donnés  à  Pontecorvo. 


298  CHAPITRE    XII 

d'Aqnino  profitèrent  de  ces  troubles  pour  attaquer  Sora,  défen- 
due par  Jonathas,  frère  de  Jourdain  de  Capoue  '. 

Pendant  ce  temps  nous  ne  savons  rien  de  Rog'er.  En  août 
1090,  avec  son  frère  Bohémond,  il  faisait  une  donation  au  Mont- 
Cassin-;  il  est  probable  qu'il  devait  être  à  Salerne,  au  début 
d'octobre,  quand  Urbain  II  y  vint  ■^.  Pendant  l'hiver  1091,  éclata 
la  rébellion  deCosenza;  nous  en  ignorons  les  motifs,  la  situation 
parut  suffisamment  grave  à  Roger  pour  qu'il  demandât  assistance 
à  son  oncle  et  à  Bohémond  '*.  En  mai.  le  duc  vint  mettre  le  siège 
devant  la  ville,  dont  il  s'empara  en  juillet.  Cette  nouvelle  inter- 
vention du  comte  de  Sicile  coûta  à  son  neveu  la  moitié  de  la  ville 
de  Palerme.  Vers  le  même  moment,  Jonathas  s'emparait  d"  Adénolf, 
comte  d'Aquino  ;  il  le  relâcha  peu  après,  grâce  à  l'intervention 
de  l'abbé  du  Mont-Cassin,  mais  lui  fit  promettre  une  rançon 
de  mille  livres,  pour  laquelle  il  dut  laisser  ses  fils  en  otage.  A  la 
fin    de   1091,  Oria   se  souleva  contre  Bohémond  qui  fut  défait^. 

On  voit  que  l'anarchie  la  plus  complète  règne  dans  toutes  les 
possessions  normandes,  Roger  est  impuissant  à  rétablir  l'ordre  ; 
il  se  borne  à  faire  des  donations  aux  monastères,  et  seuls  les  actes 
nous  renseignent  à  son  sujet.  En  août  1091,  il  donne  à  l'abbaye  de 
la  Cava  le  monastère  de  Saint- Adrien,  au  territoire  de  Rossano  ; 
en  octobre,  il  fait  donation  de  deux  pièces  de  terre,  sises  près  de 
Salerne,  à  Jean,  son  notaire  ^.  En  mai  1092,  il  donne  au  monastère 
de  Saint-Jean  d'A versa,  l'église  Saint-Jean  de  Troia  '.  Dans  ce 
diplôme  figure  pour  la  première  fois  le  nom  d'Alaine,  femme  du 


1.  Pet.  Diac,  IV,   14.   Cf.  supra,  p.    112. 

2.  Gattola,  Ace,  t.  I,  p.  205.  Sur  un  diplôme  daoût  1089,  cf.  Cod.  dipl. 
Bar.,  t.  V,  p.  29,  note  de  l'éditeur. 

3.  .laffé-L.,  5438. 

4.  Malaterra,  IV,  17. 

5.  Lup.  Protospat.,  ad  an. 

6.  Trinchera,  op.  cit.,  n»  LU,  p.  68-69.  Archives  de  la  Cava,  C.  30.  Le 
diplôme  du  20  octobre  1091  en  faveur  de  l'église  d'Amalfi,  Ughelli,  t.  VII, 
p.  295  estfaux,  il  ne  présente  aucun  des  caractères  diplomatiques  des  actes 
de  Roger;  de  même  le  diplôme  davril  1094.  Ibid.,  Cf.  Clialandon,  La 
diplomatique  des  Normands  de  Sicile  et  de  Vltalie  méridionale,  dans 
Mélanges  d'arch.  et  d'hist.    de  VÉcole  fr.  de  Rome,  t.  XX,  p.  155. 

7.  Regii  neap.  arch.  monum.,  t.  V,  n"  455. 


URBAIN    H    DANS    l'iTALIE    MÉRIDIONALE  299 

duc.  D'après  Romuald  de  Salerne  ',  le  mariage  de  Roger  avec 
Alaine,  fdle  de  Robert  le  Frison,  comte  de  Flandre,  aurait  eu  lieu 
cette  même  année  ;  l'acte  en  question  permet  de  placer  le  mariage 
dans  les  premiers  mois  de  1092. 

Au  mois  d'août  1092,  Rogerest  condamné  par  le  pape  à  rendre  à 
l'archevêque  de  Salerne,  Alfan,  certains  biens  qu'il  avait  usurpés  -. 
Le  5  septembre,  le  duc  assiste  à  la  consécration  de  l'église  de  la 
Cava  3.  Durant  l'automne,  Urbain  II,  cherchant  sans  doute  à 
rétablir  la  paix,  lit  un  nouveau  voyage  dans  l'Italie  du  sud;  il 
alla  jusqu'à  Tarente  ^  Le  14  janvier  1093,  il  était  à  Salerne  et, 
en  présence  du  duc  Roger,  il  confirmait  certains  privilèges  au 
Mont-Cassin  \  En  mars  '',  il  tenait  un  nouveau  concile  à  Troia 
pour  obtenir  que  l'on  respectât  la  trêve-Dieu.  11  fut  décidé  que  si 
quelqu'un  rompait  l'engagement  juré,  l'évêque  devait  l'avertir 
trois  fois  ;  si,  après  ces  trois  avertissements,  le  coupable  ne  se 
soumettait  pas,  l'évêque  après  avoir  pris  l'avis  du  métropolitain, 
ou  celui  d'un  ou  deux  évêques  voisins,  devait  prononcer  une 
sentence  d'excommunication  et  en  donner  connaissance  par 
écrit  à  tous  les  évêques.  Aucun  de  ceux-ci  ne  devait  dès  lors 
admettre  le  condamné  à  la  communion  ;  bien  plus,  chacun,  dès 
l'avis  reçu,  devait  confirmer  la  sentence  ' . 

Le  rôle  important  que  nous  voyons  jouer  par  Urbain  II  et  son 
intervention  constante  dans  les  affaires  de  l'Italie  méridionale 
témoignent  de  l'impuissance  absolue  de  Roger  à  faire  régner 
Tordre  dans  ses  Etats.  Les  efforts  du  pape  devaient  d'ailleurs  être 
complètement  inutiles. 

Dans  le  courant  de  1 093  '^,  Roger  tomba  si  gravement  malade 

1.  Romuald  de  Salerne,  ad  an.  1092,  dans  M.G.H.SS.,  t.  XIX,  p.  412. 

2.  Pflu^k  Harttun^^    Acta,  t.  Il,  p.  49. 

3.  Jaffé-L.,  5479. 

4.  Jafïé-L.,  5468,  5470.  Lup.  Protospat.,  ad  an.  109.3. 

5.  Jaffé-L.,  5479. 

6.  Bernold,  Chronicon,  ad  an.  1093,  dans  M.G.H.SS.,  t.  V,  p.  456. 

7.  Labbé,  Concilia,  t.  X,  p.  492. 

8.  Nous  avons  un  diplôme  de  Roger,  d'avril  1093,  en  faveur  de  l'église 
de  Cosenza,  Ughelli,  op.  cit.,  t.  IX,  p.  191.  Bien  que  la  date  comprenne  la 
date  de  jour,  ce  qui  est  anormal  dans  la  chancellerie  de  Roger,  ce  diplôme 
est  rédigé  pour  le  reste,  suivant  les  règles  ordinaires  de  la  chancellerie 
ducale,  et  me   paraît  authentique. 


300  CHAPITRE    XII 

à  Melfî  ',  que  le  bruit  de  sa  mort  se  répandit  partout  '.  Aussitôt 
Bohémond  se  fît  reconnaître  par  un  certain  nombre  des  vassaux 
que  Roger  avait  en  Calabre.  Pendant  ce  temps,  Guillaume  de 
Grantmesnil,  qui  avait  épousé  Mabille,  fille  de  Guiscard,  s'emparait 
de  Rossano.  A  son  exemple  un  certain  nombre  de  seigneurs  se 
révoltèrent.  Le  comte  de  Sicile,  qui  ne  voulait  pas  laisser  Bohémond 
agrandir  ses  Etats,  rempècha  de  s'installer  en  Calabre  et  le  contrai- 
gnit à  se  retirer.  Cependant  Roger  se  rétablissait;  Bohémond 
Aboyant  que,  à  cause  de  l'intervention  du  comte  de  Sicile,  il  ne 
pouvait  triompher,  vint  trouver  son  frère  à  Melfi  et  lui 
remit  les  places  dont  il  s'était  emparé.  Guillaume  de  Grant- 
mesnil, établi  à  Rossano,  refusa  de  se  soumettre  -K  Roger, 
Bohémond  et  le  comte  de  Sicile  conduisirent  contre  lui  des  forces 
importantes  et  occupèrent  en  peu  de  temps  les  principales  places 
qui  lui  appartenaient.  Il  est  curieux  de  voir  que  les  gens  de 
Rossano  s'étaient  soulevés  contre  le  duc  par  suite  du  mécon^ 
tentement  qu'ils  éprouvaient  à  avoir  un  archevêque  latin  ;  il 
suffît  que  Roger  leur  promît  de  les  laisser  nommer  un  archevêque 
grec  pour  qu'ils  rendissent  la  place.  En  peu  de  temps.  Guillaume 
se  vit  réduire  à  la  dernière  extrémité  ;  le  duc  confisqua  tous  les 
biens  que  Grantmesnil  tenait  de  lui  ;  ce  dernier  accompagné  de 
sa  femme  se  réfugia  à  Constantinople  '*. 

En  septembre  1094,  Roger  était  de  retour  à  Salerne,  où  il  faisait 
une  donation  à  l'abbaye  de  la  Cava  •''.  En  décembre  de  la  même 
année,  l'église  de  Tropea  était  à  son  tour  l'objet  d'un  acte 
gracieux  ''.  Nous  avons  vu  les  motifs  de  la  révolte  de  Rossano, 
il  semble,  à  ce  propos,  qu'Urbain  II  ait  exercé  une  influence  peu 
heureuse  sur  le  duc.  Il  chercha,  cela  est  certain,  à  obtenir 
l'abrogation  du  rite  grec  dans  les  Etats  de  Roger,  En  dehors  de 


1.  Ughelli,  op.  cit.,  t.  I,  p.  923,  a  publié  un  diplôme  du  duc  Roger  daté 
de  Melfi,  novembre  1093.  Ce  document  ne  présente  aucun  des  caractères 
diplomatiques  des  actes  émanés  de  la  chancellerie  du  duc  de  Pouille. 

2.  Malaterra,  IV,  20. 

3.  Ihid.,  IV,  21  et  suiv. 

4.  Mabille  rentra  plus  tard  en  possession  dune  partie  de  ses  biens, 
Ughelli,  op.  cit.,  t.  IX,  p.  482. 

o.  Arch.  de  la  Cava.  O.   2. 

6.  Ughelli,  op.  cit..  t.  IX,  p.  4.j1. 


I.K    DUC    ROGER    ET    URBAIN    11  301 

Rossano,  nous  avons  encore  Tropea  où,  en  1094,  il  est  parlé  du 
premier  évêque  latin.  Ces  mesures  furent  maladroites;  Rog-er 
ne  comprit  pas  tout  d'abord  l'intérêt  qu'il  y  avait  à  respecter  les 
croyances  de  chacune  des  races  qui  lui  étaient  soumises.  Mais 
la  leçon  donnée  par  les  gens  de  Rossano  ne  sera  pas  inutile,  et 
elle  montrera  aux  princes  normands  l'utilité  de  pratiquer 
envers  les  diverses  races  sur  lesquelles  ils  dominent  une  large 
tolérance. 

Urbain  II,  d'ailleurs,  voyait  parfaitement  combien  peu  il  pou- 
vait compter  sur  l'appui  du  duc  de  Fouille  et  cherchait  de  plus 
en  plus  à  faire  jouer  le  rôle  de  protecteur  de  la  papauté  par  le 
comte  de  Sicile.  A  ce  sujet  il  conçut  un  plan  très  habile.  On  sait 
que  le  parti  hostile  à  Henri  IV  avait  su  gagner  le  fils  de  l'empe- 
reur, Conrad,  qui  s'était  réfugié  auprès  de  la  comtesse  Mathilde. 
En  1095,  le  pape  fît  épouser  à  Conrad  une  fille  du  comte  de 
Sicile  '.  Par  là  nous  pouvons  constater  la  diminution  de  l'in- 
fluence du  duc  Roger  et  l'accroissement  de  celle  de  son  oncle. 

Dans  son  gouvernement,  Roger  paraît  avoir  manqué  d'habileté 
et  d'espritpolitique.  Il  crut  que,  parce  qu'il  descendait  d'une  mère 
lombarde,  la  domination  normande  était  définitivement  acceptée 
par  ses  sujets  et  il  commença  à  traiter  sur  le  même  pied  les  Lom- 
bards et  les  Normands.  Jusque  là,  les  princes  normands  s'étaient 
soigneusement  gardés  de  confier  des  châteaux  à  leurs  sujets  indi- 
gènes ;  Roger  s'écarta  de  cette  mesure  et  croyant  pouvoir  compter 
sur  la  fidélité  de  ses  sujets  lombards,  il  leur  confia  la  garde  des 
citadelles  de  difïérentes  villes  '-.  Il  agit  ainsi  notamment  avec 
les  Amalfitains.  Il  était  encore  trop  tôt  pour  tenir  cette  conduite, 
et  l'antagonisme  entre  vainqueurs  et  vaincus  subsistait  toujours, 
aussi  le  résultat  de  la  mesure  prise  par  le  duc  ne  se  fit  pas 
attendre;  les  Amalfitains  se  révoltèrent,  au  début  de  1096  ■^j  et 
établirent  un  duc,  Marin.  Roger  fut  de  nouveau  obligé  de  faire 

1.  Cf.  infra,  p.  3lj0.  En  décembre  1095,  Roger  était  à  Reg-gio  où  il  fit  une 
donation  à   (jii'ard,  évêque  de  Troia  (Archives  capit.  de  Troia,  B.  7). 

2.  Malaterra,  IV,  24. 

3.  Caméra,  op.  cil.,  t.  I,  pp.  293-294,  en  janvier  1097,  on  compte  la  pre- 
mière année  de  Marin;  en  juin  1098,  troisième  année.  Le  début  du  règne 
est  donc  enlrejanvier  et  juin. 


302  CHAPITRE    XII 

appel  à  son  frère  et  à  son  oncle.  Ce  dernier  exigea  pour  intervenir 
la  promesse  qu'il  aurait  la  moitié  de  la  ville  lorsqu'elle  serait 
prise  ;  ce  fut  seulement  après  avoir  arraché  au  duc  cet  eng-ag-e- 
ment  qu'il  consentit  à  l'aider  avec  sa  flotte  et  de  nombreuses 
troupes  de  terre.  Mais  à  peine  le  siège  d'Amalii  était-il  com- 
mencé que  se  répandit  le  bruit  de  la  prochaine  croisade,  prêchée 
l'année  précédente  par  Urbain  II,  à  Clermont.  Bohémond,  dont 
l'ambition  envieuse  était  contrecarrée  par  la  protection  accor- 
dée à  son  frère  par  son  oncle,  fut  un  des  premiers  à  prendre  la 
croix;  son  exemple  fut  suivi  par  un  grand  nombre  de  chevaliers, 
si  bien  que  l'armée  se  trouva  tellement  réduite  que  l'on  dut  lever 
le  siège.  Le  comte  Roger  retourna  en  Sicile  et  la  ville  d'Amalfî 
demeura  indépendante. 

Le  départ  pour  la  croisade  eut  pour  Roger  l'avantage  de  débar- 
rasser l'Italie  méridionale  d'un  grand  nombre  de  seigneurs  turbu- 
lents, au  premier  rang  desquels  il  faut  placer  Bohémond.  On  a 
prétendu  qu'en  partant  ce  dernier  aurait  confié  la  régence  de  ses 
états  à  Geoffroi  de  Conversano  '.  On  a  fait  à  ce  sujet  une  confu- 
sion complète.  En  effet,  au  mois  de  juillet  1107,  nous  voyons  que 
Geoffroi  de  Gallipoli  est  pour  Bohémond  catépan  de  Bari  et  de 
Giovenazzo  '-.  Mais  ce  Geoffroi  doit  certainement  être  distingué 
de  Geotïroi  de  Conversano  pour  la  raison  bien  simple  que  celui-ci 
était  mort  depuis  1101  'K  II  résulte  du  document  ci-dessus  cité 
que  Bohémond  ne  confia  à  aucun  de  ses  vassaux  la  régence  de 
ses  Etats,  mais  laissa  la  charge  de  les  gouvernera  divers  officiers, 
qui  eurent,  peut-être,  chacun  dansleur  dépendance  plusieurs  villes, 
puisque  Geoffroi  est  à  la  fois  catépan  de  Bari  et  de  Giovenazzo. 

Avec  Bohémond  partirent^  :  Tancrède,  fils  d'Eude  le  Bon  Mar- 
quis ;  Richard  du  Principat  et  son  frère  Rainolf,  Robert  d'Ansi, 
Hermann,  comte  de  Cannes,  frère  d'Abélard,  et  Onfroi  de 
Montescaglioso,  neveu  de  Geoffroi  de  Conversano. 


1.  Tarsia,  Memorie  storiche  di  Converxano,  p.  280. 

2.  Chart.  Cup.,  t.  I,  p.   140. 

3.  Cf.  Kehr,  op.  c//.,  ç]?^ns  Xachrichfen   d.    k.    Geselhehaft  der    AA7.ssen.s- 
chaft.zu  Gôttingen.  Phil.  hist.  Klasse,  1898,  3heft,  p.  269. 

4.  Pet.  Diac,  IV,  11.  Orderic  Vital,  1.  IX,  4,  t.  III,  p.  488. 


SIÈGE    DE    CAPOUE  303 

Il  semble  que  les  préparatifs  de  la  croisade  aient  amené  un  peu 
de  tranquillité  et  qu'aucune  guerre  n'ait  eu  lieu  en  1097  ^  ;  du 
moins  les  chroniques  sont  muettes  à  cet  égard;  l'année  suivante 
vit  les  hostilités  recommencer.  Richard  II  de  Capoue,  parvenu  à 
l'âge  d'homme,  voulut  rentrer  en  possession  de  l'héritage  de  son 
père,  et  pria  le  duc  Roger  et  le  comte  de  Sicile  de  l'aider  à 
reprendre  Capoue  '.  Le  premier  demanda  à  Richard  de  se  recon- 
naître son  vassal,  et  le  second  exigea  l'abandon,  en  sa  faveur,  de 
tous  les  droits  de  Richard  sur  Naples.  Le  prince  de  Capoue  fut 
obligé  d'accepter  les  conditions  qui  lui  étaient  imposées.  Roger 
remporta  ainsi  un  succès  que  son  père,  Guiscard,  n'avait  jamais 
pu  obtenir.  La  soumission  de  Capoue  à  Salerne  était  importante 
et  pour  la  première  fois,  au  moins  en  théorie,  l'autorité  du  duc 
de  Fouille  s'étendit  sur  toutes  les  possessions  normandes. 

En  avril,  le  comte  de  Sicile  vint  en  Calabre  et  s'occupa  de 
réunir,  dans  la  vallée  du  Crati,  des  approvisionnements  pour  la 
campagne  qu'il  allait  entreprendre.  Son  neveu  vint  le  rejoindre  à 
Oriolo  3  d'où  il  gagna  Melfî.  Il  semble,  d'après  le  récit  de  Mala- 
terra,  que  le  duc  Roger  voulut  faire  en  Fouille  une  démonstra- 
tration  militaire  pour  faire  cesser  les  tentatives  de  rébellion  qui 
se  produisaient  un  peu  partout.  D'Oriolo,  le  comte  de  Sicile  se 
dirigea  directement  sur  Bénévent.  II  campa  sur  les  bords  du 
Galore,  et  n'attaqua  pas  la  ville,  parce  qu'elle  appartenait  au  pape, 
mais  il  imposa  aux  habitants  une  contribution  de  1.500  sous 
d'or.  De  Bénévent,  l'armée  se  dirigea  sur  Capoue  où  elle  arriva 
quelques  jours  avant  la  Fentecôte  (16  mai).  Le  comte  avait  fait 
dire  aux  gens  de  Capoue  qu'ils  eussent  à  reconnaître  immédiatement 
Richard.  Ceux-ci  s'avancèrent  au-devant  du  comte  de  Sicile  et 
furent  battus  ;  peu  après,  arriva  Roger,  qui  assiégea  la  ville  du 
côté  est,  tandis  que  son  oncle  l'assiégeait  à  l'ouest. 

Fendant  le  siège,  Urbain  II  vint  au  camp  des  assiégeants  pour 
rétablir  la  paix.  Il  échoua,  mais  son  voyage  nous  a  valu  un  témoi- 


1.  Le  diplôme  de  Roger  pour  l'église  de  Melfi,  de  décembre  1097- 
1096,  n.  s.,  indique  qu'à  ce  moment  le  duc  est  allé  en  Fouille.  Ughelli, 
op.  cit.,  t.  I,  p.  293. 

2.  Pet.  Diac,  IV,  10.  Malaterra,  IV,  26  et  suiv. 

3.  Oriolo,  circoiid.  de  Castrovillari,  prov.  de  Cosenza.  Le  6  mai  le  comte 
est  à  Maida,  Caspar,  op.  cit.,  p.  632. 


304  CHAPITRE    Xtl 

gnage  intéressant,  celui  d'Eadmer,  qui,  venu  avec  saint  Anselme, 
voir  le  pape,  nous  raconte  que  dans  Farmée  du  comte  Roger 
se  trouvaient  un  très  grand  nombre  de  Musulmans  '.  Les  ten- 
tatives d'Urbain  II  pour  ramener  la  paix  ne  réussirent  pas  ;  et 
le  pape  se  retira  à  Bénévent.  Cependant  au  bout  de  qua- 
rante jours  de  siège,  les  gens  de  Capoue  furent  obligés  de  se 
rendre,  et  Richard  II  fut  rétabli.  Roger  de  Sicile  et  son  neveu 
retournèrent  à  Salerne,  où  le  pape  vint  les  rejoindre  (5  juillet)  ^. 

1.  Eadmer,   Vita  S.  Anselrni.  Migno,  P.L.,  t.  158,  col.   101  et  suiv. 

2.  ATArchivio  di  stato,  à  Naples,est  conservé  un  diplôme  du  comte  Roger, 
en  faveur  de  saint  Bruno,  dans  lequel  il  est  question  du  siège  de  Capoue. 
Si  ce  document  était  authentique,  il  faudrait  modifier  la  chronologie  des 
événements  du  début  de  1098,  car  Capoue  aui'ait  été  assiégée  avant  le  mois 
de  mars  1098.  On  ne  saurait  admettre  l'authenticité  de  cet  acte  ;  il  se  rat- 
tache à  toute  une  série  d'actes  en  faveur  de  saint  Bruno,  attribués  les  uns  au 
comte  Roger  l^^\  les  autres  au  duc  Roger  I^"".  Défendus,  avec  une  bien  piètre 
argumentation,  par  Tromby,  loc.cil.,  attaqués,  avec  raison,  par  Vargas,  loc. 
cit.,  et  di  Meo,  op.  cit.,  t.  Vlllet  IX,  ad  annos,  ces  documents  ne  jouissent 
pas  encore  du  discrédit  qu'ils  méritent,  et  l'on  s'étonne  de  voir  un  récent 
historien  de  saint  Bruno  en  faire  encore  état.  Cf.  Lôbel,  Der  Slifter  des 
Carthàuserordens,  der  heilige  Bruno aus  Kôln,  dans  KirchengeschichtUche 
Studien,  publiées  par  Knôpfler,  Schrôrs,  Sdralek,  t.  V  (Munster,  1899), 
p.  145  et  suiv. 

Ce  groupe  d'actes  comprend  les  diplômes  suivants  : 

1°  attribués  au  comte  Roger  :  (a),  un  diplôme  de  1090,  éd.  dans  Regii 
neap.  archivii  mon.,  t.  V,  p.  129;  (h),  un  diplôme  de  1093,  ibid.,  p.  171  ; 
quatre  diplômes  de  1094,  ihid.,  pp.  204  [c],  205  (d),  208  (e),  et  Trinchera 
op.  cit.,  p.  76  (/")  ;  un  diplôme  de  1097  {g),  ihid.,  p.  77;  deux  diplômes 
de  1098,  Reg.  neap.  arch.  mon.,  t.  V,  p.  245  (/i)  et  249  (j)  ;  un  diplôme 
de  1101  (A),  Trinchera,  o/j.  rif.,  p.  86  ;  un  diplôme  de  1102  (/),  Beg.  neap. 
arch.  mon.,  t.  V,  p.  278. 

2°  attribués  au  duc  Roger  I*^"";  (m)  un  diplôme  de  1094,  ihid.,  p.  203; 
[n]  un  diplôme  de  février  1099,  Trinchera,  op    cit.,  p.  85. 

Examinons  d'abord  le  premier  groupe.  Le  petit  nombre  d'actes  du  comte 
Roger  I'''",  parvenus  jusqu'à  nous,  rend  difficile  un  examen  de  ces  documents 
au  point  de  vue  diplomatique,  car  nous  ne  savons  presque  rien  sur  les 
usages  de  la  chancellerie  du  comte  de  Sicile.  On  sait  en  effet  que  les 
actes  de  fondation  des  évêchés  de  Sicile  sont  très  discutés  (cf.  infra, 
p.  343).  Nous  pouvons  toutefois  faire  certaines  constatations.  Nous 
pouvons  a  priori  éliminer  sans  discussion  quelques  diplômes  du  comte 
Roger,  à  savoir  deux  des  diplômes  de  1094  [d  et  e),  et  l'acte  de  1102  (/). 
Pour  les  deux  premiers  de  ces  documents,  il  suffira  de  dire  que  le  comte  de 
Sicile  fait  ses  donations  Beato  patri  Brunoni.  Le  qualificatif  de  he;ttus, 
appliqué  à  un  personnage  censé  vivant,  suffît  à  montrer  que  ces  deux  actes 
ont  été  fabriqués  postérieurement  à  la  mort  de  Bruno.  Le  document  de  1102 
(/)  ne  demande  pas  une  plus  longue  discussion,  il  présente  en  effet  la  par- 


URBAIN    II    ET    LE    COMTE    ROGER    l''"'  30o 

La  campagne  qui  venait  de    se  terminer   avait    surtout  mis  en 
relief  la  personnalité   du  comte  de   Sicile,   qui  de  plus   en  plus 


ticLilarité  d'avoir  été  donné,  en  1 102,  ind.  X,  par  le  comte  Roger  I''',  qui  était 
mort  le  22  juin  1101. 

Ace  premier  groupe  on  peut  joindre  le  diplôme  (a)  par  lequel  le  comte 
Roger  accorde  à  Bruno  les  terres  où  il  doit  s'établir.  Les  termes  de  l'acte 
indi({uent  que  Bruno  lui-même  est  alors  en  Calabre,  or,  il  n'est  pas  pos- 
sible de  placer  avant  1091  la  venue  de  Bruno  dans  l'Italie  méridionale. 
Cf.  Jafîé-L.,  54i-3,  Ptlugk-Harttung,  Acta  inedita,  II,  148;  Lôbel,  op.  cit., 
p.  138,  n.  .3. 

On  ne  saurait  davantage  admettre  le  diplôme  de  1093  (A);  la  date  est,  en 
effet,  rédigée  dans  les  termes  suivants  :  Data  in  pratis  Squillacii,  uhi 
TiiNC,  collecta  exercitu,  morahamur.  De  plus,  GeofFroi,  fils  du  comte 
Roger,  souscrit  le  diplôme,  or  il  était  mort  avant  cette  date.  Cf.  Malaterra, 
IV,  14  et  18.  En  outre,  il  est  tout  à  fait  anormal  de  voir  le  comte  céder  à 
Bruno,  spatiuin  uniiis  leugae,  alors  que  d'ordinaire,  on  évalue  en  pas  les 
mesures  de  surface.  Il  faut  remarquer  que  les  mots  que  nous  venons  de 
relever  sont  également  employés  dans  le  diplôme  de  1090  (a},  et  dans  une 
bulle  d'Urbain  II  en  faveur  de  saint  Bruno,  dont  di  Meo,  op.  cit.,  t.  VII, 
p.  3.")2,  a,  à  bon  droit,  contesté  l'authenticité.  Dans  ces  trois  documents  on 
reconnaît  la  main  d'un  même  faussaire. 

Le  diplôme  de  1094  (c)  présente  au  point  de  vue  diplomatique  de  singu- 
lières anomalies.  Il  mentionne  la  présence  de  l'archevêque  de  Palerme  et 
des  évècjues  de  Mileto,  Tropea,  Neocastro,  Catane,  à  la  cérémonie  de  dédi- 
cace de  la  chapelle  élevée  par  Bruno,  mais  ne  donne  pas  les  noms  des  pré- 
lats. Cette  omission  est  déjà  singulière,  mais  que  dire  d'une  souscription, 
ainsi  libellée  :  predictis  V  episcopis  !  Il  faut  en  outre  remarquer  que  ce 
diplôme  est  étroitement  apparenté  aux  deux  diplômes  (d)  et  (e),  où  Roger 
fait  une  donation  à  saint  Bruno.  Toutes  les  phrases  de  (c)  se  retrouvent 
dans  {d)  et  (e),  mais  ces  deux  derniers  sont  plus  développés  et  contiennent 
l'énoncé  différent  des  limites  des  terres  concédées  (dans  /  elles  sont  plus 
étendues  que  dans  d).  Evidemment  ces  trois  actes  ont  été  fabriqués  pour  se 
compléter  l'un  l'autre. 

Le  premier  acte  daté  de  1098  {h)  apparaît  comme  isolé  dans  le  groupe 
dont  nous  nous  occupons.  Les  formules  d'invocation  et  de  suscription  sont 
différentes;  il  est  fait  allusion  au  notaire  Bon,  que  nous  connaissons  par  ail- 
leurs (cf.  Caspar,  op.  cit.,  p.  642).  Pourtant,  contre  cet  acte  on  peut  faire  de 
graves  objections.  Comment,  en  1098,  le  comte  Roger  peut-il  parler  des 
antiques  diplômes,  antiquis  cartis,  donnés  à  saint  Bruno,  alors  que  celui-ci 
n'est  en  Calabre  que  depuis  sept  ans  ?  En  outre,  il  est  fait  allusion  au  séjour 
que  le  comte  de  Sicile,  revenant  du  siège  de  Capoue,  aurait  fait  à  Squillace, 
or  ce  séjour  n'est  connu  que  par  un  acte  faux  dont  nous  allons  parler.  Pour 
ces  raisons,  je  doute  fort  de  l'authenticité  de  ce  diplôme. 

Sur  le  second  document  daté  de  1098  (i)  s'appuye  une  des  légendes  les 
plus  connues  de  la  vie  de  saint  Bruno,  légende  qu'a  illusti'ée  Lesueur.  Par 
ce  diplôme  le  comte  de  Sicile  fait  une   donation  à  Bruno,  qui,   pendant  le 

Hisloire  de  la  doininalion  normande.  —  Chalaxuox.  20 


306  CHAPITRE  XII 

va  jouer  le  rôle  qu'avait  tenu  son  frère.  La  légation  de  Sicile,  que 
le  pape  donna  alors  au  comte  Roger,  montre  qu'Urbain  11  se  rendait 


siège  de  Capoue,  l*"''  mars  1098  (sic),  lui  est  ap])aru  en  songe  et  Ta  averti  d'un 
complot  tramé  contre  lui.  Tout  ce  côté  miraculeux  l'end  déjà  le  document 
très  suspect,  bien  que  l'on  ait  écrit  que  Ton  retrouve  dans  les  termes  de 
l'acte  l'expression  de  la  frayeur  ressentie  par  Roger  I^''.  Lôbel,  op.  cit., 
p.  164,  n.  2. 

Si  nous  examinons  l'acte  au  point  de  vue  diplomatique,  nous  remarque- 
rons tout  d'abord  qu'il  a  deux  dates  différentes.  Après  l'invocation  vient  la 
date  :  anno...  niillesimo  nonaffesiino  octavo,  indictione  septinia,et  vers  la  fin 
de  l'acte  une  seconde  date  :  anno...  niilleaimo  nonagesimo  nono,  indictione 
aeplinin.  Il  ne  saurait  être  question  ici  d'une  erreur  du  scribe  ayant  écrit 
VIIII  pour  VIII,  car,  dans  l'original,  la  date  est  écrite   en  toutes  lettres. 

L'apprécation  qui  termine  l'acte  est  tout  à  fait  anormale,  à  cette  époque. 
Le  caractère  del'écritureest  également  très  spécial;  l'invocation  notamment 
est  écrite  en  une  sorte  d'onciale  avec  des  lettres  de  hauteur  inégale,  dont  je 
n'ai  pas  rencontré  d'autres  exemples.  L'écriture,  d'une  manière  générale, 
présente  des  analogies  frappantes  avec  celle  du  diplôme  faux  de  1102,  qui 
d'ailleurs  n'a  été  rédigé  que  pour  compléter  le  document  dont  nous  nous 
occupons.  Dans  les  deux  actes  la  souscription  du  comte,  en  particulier, 
est  trèscai'actéristique.  A  ces  présomptions  contre  l'authenticité  de  l'acte, 
on  peut  ajouter  que  les  données  chronologiques  qu'il  nous  fournit,  sont  on 
contradiction  absolue  avec  ce  que  nous  savons  par  ailleurs.  En  effet,  d'après 
Malaterra,  IV,  26,  qui,  il  ne  faut  pas  l'oulilier,  écrit  à  une  époque  très  rappro- 
chée des  événements,  Roger  I*^"'  a  quitté  la  Sicile  pour  se  rendre  au  siège 
de  Capoue  la  première  semaine  d'avril,  qui  se  trouvait  celte  année  la 
deuxième  semaine  après  Pâques.  En  1098,  Pâques  étant  le  28  mars,  la 
deuxième  semaine  après  Pâques  commence  le  5  avril,  et  l'on  peut  dire  que 
cette  semaine  est  la  première  d'avril.  Un  diplôme  confirme  le  témoignage 
du  chroniqueur,  le  8  mai,  le  comte  Roger  est  à  Maida,  en  Calabre  (dipl. 
édité  dans  Caspar,  op.  cit.,  p.  632).  Il  est  donc  impossible  que  Roger  I^"" 
ait  commencé  le  siège  de  Capoue  avant  le  1*''  mars.  Pour  résoudre  cette 
difficulté,  Troinby  a  supposé  que  le  siège  a  commencé  en  1097  et  avait 
duré  plus  d'un  an;  di  Meo,  op.  cit.,  t.  IX,  p.  33  et  suiv.,  a  réfuté  cette 
argumentation,  car  cette  hypothèse  ne  cadre  pas  avec  les  données  de 
Malaterra,  en  effet,  en  1097,  Pâques  est  le  5  avril.  L'accord  unanime  des 
sources,  Ann.  Casin.,  ad  an.  1098,  dans  M.G.H.SS.,  t.  XIX,  p.  300,  Mala- 
terra, IV,  26,  Romuald  de  Salerne,  dans  M.G.H.SS.,  t.  XIX,  p.  413,  montre 
clairement  l'inexactitude  des  données  chronologiques   de  l'acte  de  1098. 

Les  deux  diplômes  [f  et  g)  attribués  au  comte  Roger  présentent  une 
importance  secondaire,  ce  sont  deux  p/a/eae  ou  listes  des  vilains  donnés  à 
saint  Bruno  par  le  comte  de  Sicile.  Le  diplgrae  (f)  est  rédigé  suivant  les 
formules  ordinaires  des  actes  de  ce  genre  que  nous  possédons  pour  l'époque 
de  Roger  I*"",  notamment  la  disposition  par  colonne  des  noms  des  vilains 
est  caractéristique.  Toutefois  l'adresse  £•!;  xôv  ::v£jaaT'./.ôv  |jloj  Tzi-ip  (s«c)  xjp:ov 
upoSvojv  me  paraît  anormale,  j'y  vois  une  allusion  au  rôle  de  confesseur  du 
comte  de  Sicile  (jue  la  légende  attribue  à  saint  Bruno. 


UR15ALN    II    ET    LE    COMTE    ROGER    I'=''  307 

très  bien  compte  de    la   situation  et   qu'il  cherchait  à  gag'ner  le 
frère  de  Guiscard  pour  en  faire  le  protecteur  de  la  papauté. 

Dans  le  diplôme  (y)  il  faut  remarquer  les  différences  qui  existent  entre  le 
texte  grec  et  le  texte  latin.  Dans  le  diplôme  grec,  la  donation  est  faite  aux 
ermites  de  Stilo  ;  dans  le  texte  latin  à  Bruno,  Lawin  et  autres  frères.  Dans 
le  texte  grec  aussitôt  après  l'adresse  vient  la  liste  des  vilains  donnés,  suivie 
des  clauses  finales  interdisant  à  tout  oificier  de  violer  la  donation.  Par  contre, 
le  texte  latin  porte  non  les  souscriptions  mais  l'énumération  d'un  certain 
nombre  de  personnages  et  se  termine  par  une  allusion  à  la  régence  d'Adé- 
laïde, puisqu'il  est  dit  :  Ilanc  autein  donationem  rneain  si  ego  aut  comitissa 
posl  inorfem  ineam,  auf  aliquis  hères  meus,  etc.  Il  est  difficile  d'admetti'e 
qu'en  1097,  Roger  ait  prévu  qu'Adélaïde  exercerait  la  régence. 

Le  dernier  diplôme  (A:),  attribué  au  comte  Roger,  est  un  actede  donation, 
par  lequel  le  comte  donne  à  saint  Bruno  trois  villages.  Il  faut  remarquer  que 
le  texte  latin  et  le  texte  grec  diffèrent  quant  aux  noms  des  témoins,  et  que 
le  premier  se  termine  par  une  addition  relative  à  la  donation  d'un  moulin 
qui  ne  se  trouve  pas  dans  le  second.  Ces  différences  me  paraissent  devoir 
rendre  également  ce  document  suspect. 

Si  nous  passons  maintenant  aux  actes  émanés  du  duc  Roger,  nous  pou- 
vons sans  grande  discussion  éliminer  les  deux  diplômes  [m  et  n).  En  effet, 
les  usages  de  la  chancellerie  du  duc  nous  sont  suffisamment  connus  pour 
qu'ici  les  faux  ne  soient  jjas  douteux.  Tout  d'abordl'acte  (m)  est  dépourvu 
d'invocation,  alors  que  toujours  dans  les  actes  émanés  de  la  chancellerie 
ducale  est  employée  l'invocation  In  noinine  sanclae  et  inJividuae  Trinita- 
lis.  Alors  que  les  formules  de  suscription  usitées  sont  soit  :  Ef/o  Roggerius 
divina  favenle  clementia  domini  Roherli  magnifici  ducis  hères  et  /iliiis,  soit: 
Roggerius  divina  favente  clementia,  etc.,  dans  le  diplôme  (m)  Roger  s'intitule  : 
Rogerius  Apuliae  Calahriae  Siciliae  dei  gratia  dux  ;  [m]  a  une  formule  de 
salut,  alors  que  dans  les  diplômes  ducaux,  il  n'y  a  jamais  de  salut.  De 
même  la  formule  de  notification  usitée  dans  [m]  n'a  jamais  été  employée 
dans  la  chancellerie  ducale.  De  même  encore  les  formules  de  corroboration, 
les  clauses  pénales,  la  date  sont  rédigées  complètement  en  dehors  des 
usages  de  la  chancellerie  du  duc  Roger.  Cf.  Mélanges  d'archéologie  et  d'his- 
toire, t.  XX.  p.  loo. 

Dans  le  diplôme  (n)  bilingue,  toute  la  partie  latine  est  rédigée  com- 
plètement en  dehors  des  formules  usitées  par  la  chancellerie,  et  on  ne  sau- 
rait dire  ici  que  l'acte  latin  est  la  traduction  de  lacté  grec,  car  les  deux 
textes  diffèrent  complètement,  l'acte  grec  étant  beaucoup  moins  développé 
et  dépourvu  notamment  du  long  préambule  de  l'acte  latin.  D'autre  part, 
sans  insister  davantage,  la  donation  est  faite  à  Bruno  qui  tunc  nionasterio 
prœerat.  Il  ne  semble  pas  qu'il  y  ait  lieu  d'insister  beaucoup  pour  démon- 
trer la  fausseté  d'un  document  où  se  ti'ouvent  de  pareilles  expressions.  Fai- 
sons toutefois  remarquer  encore  la  disposition  tout  à  fait  anormale  des  deux 
actes  qui  sont  écrits  à  côté  l'un  de  l'autre  sur  deux  colonnes;  à  gauche  est 
l'acte  latin,  à  droite  l'acte  grec. 

On  voit  donc  qu'il  n'y  a  vraisemblablement  pas  lieu  de  tenir  compte  des 
actes  en  faveur  de  saint  Bruno  émanés  du  comte  Roger  et  de  son  neveu  le 
duc  de  Fouille. 


308  CHAPITRE  XIl 

A  partir  de  l'expédition  de  Roj^er  contre  Capoue,  nous  sommes 
très  mal  renseig-nés.  Au  mois  de  mai  1099,  Roger  est  à  Tropea 
où  il  fait  une  donation  au  monastère  de  Santa  Maria  de  Altilia  '. 
Il  semble  que  la  Fouille  cesse  peu  à  peu  de  reconnaître  l'autorité 
du  duc  ;  nous  voyons  en  effet  que  le  comte  Henri  de  ^lonte 
San-Angelo  date  ses  actes  des  années  de  règne  de  l'empereur 
grec  '-.  Le  comte  de  Gonversano  tantôt  date  ses  actes  des  années 
de  règne  d'Alexis  Gomnène  "^,  tantôt  des  années  de  l'incarna- 
tion ^,  mais  ne  date  pas  des  années  de  règne  du  duc  de  Fouille. 
11  en  est  de  même  à  Barletta  et  à  Cannes*.  Si  nous  rapprochons 
ces  indices  de  la  révolte  de  Canosa  (1  100)  ^,  nous  pouvons  con- 
clure que  l'autorité  du  duc  se  fait  très  peu  sentir  en  Fouille. 

Il  en  est  de  même  dans  la  région  où  sont  les  possessions  de  Robert 
de  Loritello.  Celui-ci  fait  revivre  le  titre  pris  par  les  premiers  chefs 
des  Normands  et  s  intitule  cornes  coniifum  ' .  Dans  cette  même 
région,  Hugues  Maumouzet,  dont  nous  avons  déjà  parlé,  avait 
continué  ses  attaques  contre  les  seigneurs  du  pays.  Il  avait  éta- 
bli une  de  ses  créatures  comme  abbé  de  Saint-Clément  de 
Casauria  et  avait  apanage  ses  sept  fils.  Hugues  était  mort  peu 
avant  1099;  attiré  par  la  sœur  d'un  de  ses  ennemis  à  un 
rendez-vous  amoureux,  il  fut  fait  prisonnier  et  mourut  en 
prison  '^  ;  sa  veuve  épousa  quelques  années  plus  tard  le  comte 
Atton  '.  Farmi  les  renseignements  trop  vagues  que  nous  donne 
la  chronique  de    Casauria,  il  faut    noter  la  crainte  causée  aux 


1.  Ughelli,  op.  cil.,  l.  IX,  p.  476.  Pour  le  diplôme  de  février  1099,  Trin- 
chera,  op.  cit.,  p.  8o,  cl",  supra,  p.  307,  note. 

2.  Archives  de  la  Gava,  O.  23. 

3.  Regii  neap.  arch.  ?non.,  t.  V,  p.  2.'1").  Bibliotheca  di  Léo  à  Brindisi,  Cod. 
dipl.  Brund.,    actes  de  1095  et  1097. 

4.  Chart.  Cup.,  t.  I,  p.  128  et  suiv. 

5.  Archives  du  Mont-Cassin,  fonds  de  Barletta,  n°  31,  et  Ughelli,  o/j.  cit., 
t.  VII,  p.  790-793. 

6.  Romualdde  Salerne,  dans  M. G. H. SS.,  t.  XIX,  p.  413. 

7.  Regii  neap.  arch.  7non.,  t.  V,  p.  221. 

8.  Chr.  Casaur.,  dans  Muratori,  R.l.SS.,  t.  II,  2,  p.  808  et  suiv.  Il  mou- 
rut en  1097. 

9.  Il  s'ag-it  peut-être  dAtton  mentionné  en  1116  comme  comte  des 
Abruzzes,  Ughelli,  op.  cit.,  t.  I,  p.  316.  Sur  ses  fils,  cf.  Archivio  si.  napoL, 
1.  XV,  p.  81  ^. 


LE    DUC    ROGER    l'"'"  309 

Normands  par  l'annonce  de  la  venue  de  l'empereur  Henri  I\\ 
Après  la  mort  d'Hugues,  Guillaume  lils  de  Tasson  était  devenu 
le  seigneur  le  plus  important  de  cette  région;  il  possédait  le 
château  de  Loreto  ^  dans  le  comté  de  Penne  et  des  biens  dans  le 
comté  de  Valva'-.  La  chronique  de  Gasauria  nous  dit  qu'il 
empêchait  tout  le  monde  d'aller  vers  l'empereur.  On  voit  que 
l'autorité  du  missus  impérial  dans  cette  région  devait  être  très 
faible  •■.  Guillaume  devait  rester  jusqu'en  1103  en  Italie;  à  cette 
date  il  partit  pour  la  Terre  Sainte  après  avoir  vendu  ses  biens  à 
Richard,  comte  de  Manopello'*,  qui  continua  la  guerre  contre  les 
seigneurs  du  pays  et  paraît  également  avoir  été  tout  à  fait  indé- 
pendant. On  voit  donc  que  de  ce  côté  les  Normands  avaient 
toujours  continué  à  avancer. 

La  région  de  Gaëte  paraît,  pendant  cette  même  période,  avoir 
été  très  agitée.  Nous  avons  vu  que  Landolf  avait  remplacé 
Renaud  Ridel.  Landolf  régnait  encore  au  mois  de  mars  1096  '. 
En  1103,  au  mois  de  novembre,  nous  trouvons  mentionné  dans 
les  actes,  Guillaume  de  Blosseville  comme  duc  de  Gaëte  ''.  En 
llOo,  nous  voyons  que  Ptolémée  comte  de  Tusculum  et  consul 
de  Rome  conclut  un  traité  avec  le  peuple  de  Gaëte  sans  qu'il 
soit  fait  mention  du  duc  '.  Celui-ci  a  dû  être  chassé.  La  même 
année  nous  voyons  Richard  d'Aquila,  consul  et  duc  de  Gaëte, 
conclure  un  traité  avec  Robert,  fils  de  Jourdain  de  Capoue, 
Guillaume  de  Blosseville,  Léon  comte  de  Fondi  et  Landénolf 
comte  de  Maranola.  Tous  ces  seigneurs  s'engageaient  à  respecter, 
durant  leurs  guerres,  les  biens  des  monastères  et  des  églises  ''. 
Richard  qui  réussit  à  accroître  ses  possessions  par  l'annexion 
du  comté  de  Suessano '•',  se  maintint  jusqu'en  1109  i^',  après 
cette  date  son  nom  ne  se  rencontre  plus. 

1.  Loreto,  Circoud.  de  Penne,  prov.  de  Teramo. 

2.  Circond.  et  prov.  de  Teramo. 

3.  Muratori,  R.I.SS.,  t.  II,  2,  pp.  K71-872. 

4.  Manopello,  circond.  et  prov.  de  Chieti.  Cf.  aupra,  p.  249,  note  5. 

5.  Cod.  Caiet.,  t.  II,  p.    lijl». 

6.  Ihid.,   t.  II,   p.  102. 

7.  Ibicl.,  t.  II,  p.  169.  Cf.  Lit.    Ponl.,  t.  II,  p.  307,  note  21. 

8.  Cod.  CaieL,  t.  II,  p.  175. 

9.  Ihid.,  t.  II,  p.  18.3. 

10.  Ihid..  l.    II.  p.  177. 


310  CHAPITRE    XII 

On  peut,  par  le  petit  nombre  de  faits  qui  nous  sont  connus, 
juger  de  ce  que  fut  l'anarchie  dans  la  région  de  Gaëte,  au  début  du 
xii'"  siècle.  La  guerre  qui  éclata  en  i  lOi  entre  le  prince  de  Capoue, 
Richard  II,  et  son  frère,  Robert,  dut  singulièrement  contribuer  à 
augmenter  le  désordre  K  .lusque-làle  duc  Roger  avait  toujours  pu 
rétablir  l'ordre,  grâce  à  son  oncle,  le  comte  de  Sicile  ;  celui-ci 
étant  mort  en  1101,  le  duc  se  trouva  privé  de  l'appui  qu'il  avait 
toujours  trouvé,  en  le  pavant  fort  cher  il  est  vrai,  dans  le  comte 
de  Sicile.  L'héritier  du  comte,  son  fils  Simon  était  mineur  et 
la  mère  de  celui-ci,  Adélaïde  eut  trop  de  peine  à  sauvegarder  l'au- 
torité de  son  fils  en  Sicile  pour  pouvoir  intervenir  en  Italie-.  Avant 
la  mort  de  son  oncle,  Roger  réussit  à  remporter  le  dernier  succès 
important  de  son  règne;  dans  le  courant  de  l'année  1100,  il 
rentra  en  possession  d'Amalli  '',  sans  que  nous  sachions  comment. 

Le  duc  Roger  n'était  en  rien  l'homme  que  demandait  la  situa- 
tion politique  de  l'Italie.  A  partir  du  moment  où  son  oncle  dis- 
paraît, son  rôle  est  de  moins  en  moins  accusé  et  nous  ne  le  con- 
naissons guère  que  par  ses  donations  pieuses.  Romuald  de 
Salerne  a  tracé  de  lui  un  portrait  qui  paraît  fort  exact.  «  Le  duc 
Roger,  dit-il,  fut  beau  de  corps,  illustre  par  ses  mœurs,  d'une 
gloire  discrète,  courtois,  alTal^le,  protecteur  des  églises,  humble 
envers  les  prêtres  du  Christ  et  très  respectueux  envers  les 
clercs  '*.  » 

Roger,  semble-t-il,  n  intervint  pas  à  Rome  dans  l'élection  du 
successeur  d'Urbain  II,  le  pape  Pascal  II  (13  août  1099).  Il  paraît 
avoir  entretenu  de  bonnes  relations  avec  le  nouveau  pape  qu'il 
aida,  en  septembre  1101.  à  s'emparer  de  Bénévent  dont  les  habi- 
tants s'étaient  révoltés  -.  Durant  les  années  suivantes,  les  chro- 


i.     Ann.  Occann.,  ad  an.  IIO'k  dans  M.G.II.SS.,   t.  XIX,  p.  281. 

2.  En  1 102,  janvier,  on  comptait  la  deuxième  année  «pouf  recuperalio- 
neni  ».  Caméra,  op.  cit.,  t.  I,p.  297.  Di  Meo,  op.cU.,l.  IX,  ad  an.  1104,  p.  122, 
cite  un  diplôme  donné  «  unno  IV post  recuperationem  ducatus  illius  Am-alfi». 

3.  Simon  succéda  à  Roger,  il  mourut  peu  après  et  eut  pour  successeur 
son  frère  Roger.  Cf.  infra,  p.  3.'jS. 

4.  Romuald  de  Salerne,  dans  M.G.II.SS.,  t.  XIX,  p.  414. 

5.  Ann.  Benev.,  »d.  an.  1101,  dans  M.G.H.SS.,  t.  III,  p.  183.  CJ.  Lih. 
Pont.,  t.  II,  p.  298. 


LE    DUC    ROGER    l"'  311 

niques  nous  apprennent  bien  peu  de  choses.  En  HOo,  Roger, 
au  mois  d'octobre,  prit  Monte  San  Ang^elo  '.  Evidemment,  le 
comte  Henri  s'était  révolté,  mais  nous  ne  savons  rien  de  plus. 
Il  est  probable  que  le  comte  ne  se  soumit  pas,  car,  en  1107, 
Rog-er  assiég-ea  Lucera  -  qui  appartenait  également  à  Henri  ;  nous 
ignorons  si  cette  entreprise  fut  couronnée  de  succès.  11  semble 
pourtant  qu'il  faille  placer  à  ce  moment  l'occupation  de  la  ville 
par  Roger.  Nous  savons  en  eifet  que,  en  avril  H  15,  Lucera 
appartenait  à  un  bâtard  du  duc  Roger,  Guillaume,  et  l'on  ne 
saurait    guère  où  placer,    après  1107,  la  prise  de  la  ville  '^ 

Les^  actes  jettent  bien  peu  de  lumière  sur  le  règne  de  Roger. 
En  décembre  1099  ^,  nous  avons  de  lui  un  acte  en  faveur  de 
Manson,  fils  de  Pierre  d'Atrani.  En  mai  1101  %  le  duc  est  à 
Salerne  et  fait  une  donation  à  l'église  Saint-Mathieu  de  cette 
ville.  En  avril  1102'',  il  fait  une  donation  k  Guérin,abbé  de 
Saint-Laurent  d'Aversa.  En  mai  1 103  ~,  il  concède  k  l'archevêque 
d'Amalfi,  Mauro,  la  dîme  de  son  diocèse.  Dans  le  même  mois,  il 
accorde  k  l'archevêque  de  Salerne,  Alfan,  la  dime  du  port  de  la 
ville  ^.  En  septembre  de  la  même  année,  il  est  k  Salerne  et 
accorde  k  la  demande  de  sa  femme  Alaine  deux  pièces  de  terre, 
sises  en  dehors  de  Salerne,  aux  trois  fils  d'un  certain  Pierre, 
Guaifer,  Jean  et  Pierre.  En  décembre  1104,  il  fait  donation  au 
Mont-Cassin  de  biens  sis  k  Troia." 

En  janvier  llOo,  Roger  fait  une  concession  de.  terres  k  Guil- 
laume, évêque  de  Troia  "'.  En  août  de  cette  même  année,  il  fait 
une  donation  assez  curieuse  ;  k  la  demande  de  sa  femme  Alaine, 
il  donne  un  terrain  sis  k  Salerne   et  les  maisons  qui  y  sont  cons- 


1.  Romuald  de  Salerne,  dans  M.G.II.SS.,  t.  XIX,  p.  413. 

2.  Ibicl.,  p.  414. 

3.  Archives  delà  Gava,  E.  40. 

4.  Ihid.,0.  36.  En  mai  le  duc  avait  été  à  Tropea,  où  il  fit  une  donation 
à  l'évêque  de  Cerenzia,  Ughelli,  op.  cit.,  t.  IX,  p.  476. 

5.  Paesano,  op.  cit.,  t.  II,  p.  59. 

6.  Regii  neap.  arcli.  mon.,  t.  V,  p.  275. 

7.  Ughelli,  op.  cit.,  t.  VII,  p.  200. 

8.  Archives  de  la  cathédrale  de  Salerne,  Arc.  I,  53. 

9.  Archives  de  la  Gava,    I,  40.  Gattola,  Hist.,  t.  I,  p.  158. 
10.  Archives  capitulaires  de  Troia,  G.  n°  X. 


3i2  CHAPITRE    XII 

truites  à  Marie,  femme  de  Jean,  de  laquelle  il  a  eu  un  lîls,  Guil- 
laume K  C'est  ce  fils  que  nous  trouverons  plus  tard  comme 
comte  de  Lucera  ^  Au  mois  de  mars  de  l'année  1106,  Rog-er  est 
à  Salerne,  où  il  offre  à  Pierre,  abbé  de  la  Gava,  le  casai  Fabrica  ^. 

Il  ne  semble  pas  que  Roger  soit  intervenu  dans  les  affaires  de 
la  succession  de  Richard  II  de  Gapoue,  qui  mourut  en  janvier 
H 06  '.  Robert,  frère  de  Richard,  lui  succéda  sans  difïiculté, 
semble-t-il.  Le  duc  de  Fouille  ne  paraît  pas  davantage  avoir  pris 
part  aux  événements  qui  marquèrent  le  retour  de  Bohémond  et 
n'aida  pas  son  frère  dans  l'expédition  qu'il  entreprit  contre  l'em- 
pire byzantin  -K 

En  février  1110,  le  duc  Roger,  étant  à  Salerne,  fait  donation  à 
l'archevêque  de  Salerne,  Alfan,  de  quelques  vilains  habitant  à 
Melfi  ''.  Au  mois  de  mars,  il  était  encore  à  Salerne,  et  donnait  au 
monastère  de  la  Gava  deux  onces  sur  les  douze  que  lui  rappoi- 
tait  l'église  Santa  Maria  de  Salerne  '.  En  juin,  il  était  toujours  à 
Salerne  et  confirmait  les  privilèges  de  labbaye  de  la  Gava  **.  En 
juillet,  il  était  à  Bénévent,  oîi  il  s'était  rendu  auprès  du  pape,  sans 
doute  pour  s'entendre  sur  la  conduite  à  tenir  vis-k-A'is  d'Henri  V 
dont  la  venue  était  prochaine  ''.  En  novembre,  Roger  faisait 
abandon  au  monastère  du  Mont-Cassin  '"  du  cens  qu'il  perce- 
vait sur  les  troupeaux  de  l'abbaye  dans  ses  terres  du  Montegar- 
gano.  Enfin,  en  février  1111,  le  duc  Roger  donnait  au  monas- 
tère de  la  Gava  le  château  de  San  Adjutore  et  ses  dépendances". 

1.  Archives  delà  Gava,  E.  1. 

2.  Ihid.,  E.  40. 

3.  Ibld.,  E.  4. 

4.  Pet.  Diac,  IV,  27,  Romuald  de  Salerne,  dans  M.G.H.SS.,  t.  XIX, 
p.  414.  Robert  ne  fut  reconnu  quaprès  le  mois  d'août  1106,  car,  en 
septembre  1107,  on  compte  sa  l'"'"  année,  Gattola,  Ace,  t.  I,  p.  227,  et, 
avant  mai  1107,  car,  en  mai  1114.  on  compte  sa  8^  année.  Gattola,  Hisi., 
t.  I,  p.  257.  Cf.  di  Meo,  op.  cit.,  t.  IX,  pp.  132  et  141. 

").   Cf.  Chalandon,  op.  cit.,  p.  242  et  suiv. 

6.  Paesano,  op.  cit.,  t.  II,  p.  62. 

7.  Archives  de  la  Cava,  E.  12.  Cet  acte  est  rédigé  sous  forme  d'acte 
privé  par  un  juge.  II  est  souscrit  par  le  duc  et  le  juge. 

8.  .\rchives  de  la  Cava,   E.  14. 

9.  Ughelli,  op.  cit.,  t.  X,  pp.  517-518.  Cf.  Pet.  Diac,  IV,  35. 

10.  Archives  du  Mont-Cassin,  caps.,  XI,  20. 

11.  Archives  delà  Cava,     E.  18. 


MORT    DU    DUC    ROGER    l"'  313 

Cet  acte  est  le  dernier  que  nous  connaissions.  Roger  mourut 
peu  après,  le  22  février  ^.  11  iinit  obscurément  un  règne  sans 
gloire  ;  il  n'eut  ni  les  talents  militaires,  ni  le  génie  politique  de 
son  père  ;  seuls  les  moines  enrichis  par  ses  incessantes  libérali- 
tés firent  son  éloge  et  conservèrent  son  souvenir  :  aujourd'hui 
encore  on  peut  entendre  les  religieux  de  l'abbaye  de  la  Gava  à 
l'issue  des  complies  prier  pour  l'àme  du  duc  Roger,  grand  bien- 
faiteur de  leur  abbaye  -.  Au  moment  où  le  duc  Roger  disparais- 
sait, l'Empire  allemand  venait  de  prendre  sa  revanche  sur  la 
papauté  et  sur  les  Normands.  Le  12  février  1111,  l'empereur 
Henri  V  avait  fait  prisonnier,  à  Rome,  le  pape  Pascal  II,  qui 
n'avait  pas  trouvé  auprès  des  Normands  le  secours  qu'il  atten- 
dait d'eux  3. 

Roger  ne  laissait  qu'un  fils  légitime,  Guillaume;  il  avait 
perdu  les  deux  autres  fils  que  lui  avait  donnés  Alaine.  Le  pre- 
mier, Louis,  était  mort  en  1094  \  le  second,  Guiscard,  à  une  date 
inconnue  ^.  La  régence  fut  exercée  par  Alaine  au  nom  de  son 
fils.  La  mort  de  Bohémond  suivit  de  quelques  jours  celle  de 
son  frère  ^\  L'Italie  méridionale  se  trouva  alors  gouvernée  par 
trois  femmes;  en  Sicile  était  la  veuve  du  comte  Roger,  Adé- 
laïde, à  Salerne,  Alaine,  et  dans  les  possessions  de  Bohémond, 
sa  femme  Constance  gouvernait  pour  son  fils  Bohémond  IL  Gette 
triple  régence  s'exerçait  au  moment  même  où  les  événements 
dont  Rome  venait  d'être  le  théâtre  rendaient  plus  nécessaire  que 
jamais  un  gouvernement  fort. 

L'entrée  d'Henri  V  à  Rome  et  la  captivité  de  Pascal  II  eurent 
pour  résultat  immédiat  de  susciter  dans  l'Italie  méridionale  une 


1.  Necrol.  Casin.,  dans  Gattola,  Ace,  t.  II,  p.  802. 

2.  Cf.  Guillaume,  op.  cit.,  p.  53. 
a.  Pet.  Diac,  IV,  36. 

4.  Archives  de  la  Gava,  D.  2.  En  septembre  1094,  Roger  fait  une  dona- 
tion «  pro  redcmplinne  animarum....  et  Lodoisi  diilcissimi  filii  nostri  in 
proximo  defuncti  ».  Nous  connaissons  en  outre  un  bâtard  de  Roger,  Guil- 
laume, seigneur  de  Gesualdo  et  Lucera,  mentionné  dans  des  diplômes 
d'avril  1115  et  mai  1116.  Archives  de  la  Gava,  E.  40,  E.  46.  Guillaume  eut 
unfils,  Elie,  mentionné  en  décembre  1141.  Arch.  de  la  Gava,  G.  35. 

5.  Il  souscrit  un  diplôme,  en   mars  1106.  Arch.  de  la  Gava,  E.  4. 

6.  Cf.  Chalandon,  o/>.  cit.,  p.  249,  note  6. 


314  CHAPITRE    XII 

grande  ag-itation  parmi  la  population  lombarde  qui  se  tourna 
vers  l'empereur,  comme  vers  son  libérateur  '.  Cette  hostilité  des 
habitants  du  pays  envers  les  Normands  est  un  fait  intéressant  à 
constater  et  sur  lequel  nous  avons  quelques  renseig-nements 
notamment  par  la  chronique  de  Falcon  de  Bénévent,  qui  présente 
ce  g'rand  intérêt  d'être  la  seule  source  narrative  de  l'Italie  écrite 
par  un  adversaire  des  Normands.  Toutes  les  autres  chroniques 
ayant  été  composées  par  des  panég-yristes,  celle-ci  nous  fait  voir 
le  revers  de  la  médaille. 

En  apprenant  la  captivité  de  Pascal  II,  Robert  de  Capoue  com- 
prit la  faute  que  les  Normands  avaient  commise  en  ne  se  portant 
pas  au  secours  du  pape  et  envoya  immédiatement  trois  cents  cheva- 
liers pour  aider  les  Romains  '-.  Mais  ces  renforts,  en  arrivant 
à  Ferentino,  trouvèrent  Ptolémée,  comte  deTusculum,  et  d'autres 
nobles  romains,  qui  se  déclarèrent  pour  Henri  V  et  les  obli- 
gèrent k  rebrousser  chemin.  Le  bruit  ne  tarda  pas  a  se  répandre 
que  l'empereur  allait  venir  dans  l'Italie  du  Sud  afin  d'en  expul- 
ser les  Normands.  Ces  rumeurs  prirent  bientôt  une  telle  consis- 
tance que  beaucoup  de  seig-neurs  normands  se  retirèrent  dans 
leurs  châteaux  et  les  mirent  en  état  de  soutenir  un  long  siège. 
Le  prince  de  Capoue  jugea  la  situation  telle  qu'après  en  avoir 
délibéré  avec  ses  fidèles,  il  envoya  une  ambassade  à  l'empereur 
pour  lui  demander  la  paix  et  lui  promettre  la  fidélité.  Le  seul  bruit 
de  la  prochaine  venue  d'Henri  V  suffit  pour  amener  un  certain 
nombre  de  Normands  de  la  région  des  Abruzzes  à  s'entendre 
avec  l'abbé  de  Saint-Clément  de  Gasauria  -^ 

Ces  craintes  et  ces  espérances  devaient  être  également  vaines  ; 
l'empereur  ne  parut  pas  dans  l'Italie  méridionale  et,  dès  le 
mois  de  mars  de  l'année  1112,  Pascal  II,  revenant  à  la  poli- 
tique traditionnelle  de  la  papauté,  annulait  toutes  les  conces- 
sions que  l'empereur  lui  avait  arrachées  l'année  précédente.  Il 
est  intéressant  de  constater  au  concile  de  Rome,  où  Pascal  se 
rétracta,  la  présence  d'un  grand  nombre  d  évêques  normands  de 


1.  Pet.  Diac,  IV.  40.  Falco  Benev.,  éd.    ciel  Re,  Cronisti  e  scrittori  sin- 
croni   napoletani  (Napoli,  184a,>,  t.   I. 

2.  Pet.  Diac,  IV,  .39. 

3.  Chr.  Casauricnse,  dans  Muratori,  R.I.SS.,   t.  II,  2,  p.  878. 


CONCILE    DE    CEPBAiNO  315 

l'Italie  du  Sud  ^.  Leurs  conseils  ne  durent  pas  être  étrangers  à 
la  décision  prise  par  le  pape,  décision  qui  confondait  à  nouveau 
l'intérêt  de  la  papauté  avec  celui  des  Normands. 

Il  est  curieux  de  voir  qu'à  ce  moment  la  population  lom- 
barde était  aussi  hostile  au  pape  qu'aux  Normands;  cela  résulte 
clairement  des  événements  dont  Bénévent  fut  alors  le  théâtre. 
Le  territoire  de  la  principauté  avait  été  peu  à  peu  envahi  par 
les  Normands,  dont  les  vexations  continuelles  étaient  à  charge 
aux  habitants  ~.  Ceux-ci  formèrent  le  projet  de  nommer  comme 
recteur  de  la  ville  un  certain  Landolf,  fils  de  Borrel.  Le  pape  apprit 
ces  menées  et  se  rendit  en  toute  hâte  à  Bénévent  (2  novembre), 
où  l'émeute  avait  déjà  éclaté.  En  mars  11 13,  Pascal  II,  pour  donner 
satisfaction  aux  habitants  et  pour  mettre  fin  aux  attaques  des 
Normands,  établit  comme  recteur  Landolf  dé  Greca.  Celui-ci 
réussit  à  obtenir  à  prix  d" argent  la  destruction  d'un  château  nor- 
mand, qui,  plus  que  tous  les  autres,  menaçait  la  ville.  Mais  la 
paix  ne  fut  pas  de  longue  durée  et  les  hostilités  entre  les  Lom- 
bards et  les  Normands  reprirent  bientôt.  Robert  de  Capoue  et 
Jourdain,  comte  d'Ariano,  recommencèrent  à  attaquer  les  Béné- 
ventains;  pendant  toute  l'année  1113,  les  environs  de  Bénévent 
furent  ravagés.  En  1114,  au  mois  de  mars,  on  envoya  l'arche- 
vêque, Landolf,  demander  au  pape  d'intervenir  pour  faire  cesser 
les  hostilités  •.  Landolf,  qui  était  un  ennemi  de  Landolf  de 
Greca,  revint  en  disant  que  le  pape  exigeait  la  démission  du 
recteur,  ce  qui  était  inexact.  Le  seul  résultat  obtenu  par  le 
mensonge  de  l'archevêque  fut  de  faire  éclater  la  guerre  civile 
dans  l'intérieur  de  la  ville  où  les  partisans  des  deux  Landolf 
s'entr'égorgèrent.  Le  pape  fit  faire  une  enquête  et,  au  mois 
d'octobre,  au  concile  de  Ceprano,  déposa  l'archevêque  et  con- 
firma Landolf  de  Greca  *. 

A  Ceprano,  bien  que  nous  n'ayons  aucun  renseignement  à  cet 
égard,  la  grande  préoccupation  du  pape  dut  être  de  rétablir  la 
paix    entre   les   seigneurs   normands,   qui,  à  la  suite   du   duc  de 

1.  Mansi,  XXI,  50. 

2.  Falco  Benev.,  ad.  an.  1112,  p.  162  et  suiv. 

3.  P'alco  Benev.,  ad  an.  1114. 

4.  Pel.  Diac,  IV,  49.  Falco  Benev.,  ad  an. 


316  CHAPITRE    XII 

Fouille  et  du  prince  de  Capoue,  se  rendirent  en  g^rand  nombre 
auprès  de  lui.  Depuis  sa  rupture  avec  Henri  V,  Pascal  devait 
craindre  une  nouvelle  apparition  de  l'empei'eur  à  Rome  et  cher- 
cher à  trouver  dans  la  puissance  normande  un  appui  éventuel. 
Mais  pour  que  ce  projet  pût  se  réaliser,  il  fallait  faire  cesser  l'état 
de  désordre  où  se  trouvait  alors  l'Italie  méridionale.  Nous  avons 
vu  les  événementsdont  Bénévent  avait  été  le  théâtre  ;  pour  Capoue 
nous  sommes  plus  mal  renseignés,  mais  nous  pouvons  néan- 
moins constater  que  l'anarchie  la  plus  complète  règne  dans  cette 
région.  Après  la  mort  d'André  ',  fils  de  Richard  d'Aqiiila,  duc 
de  Gaëte  -,  la  veuve  de  ce  dernier,  Rangarde,  mariée  en  secondes 
noces  à  Alexandre,  comte  de  Suessano,  disputa  le  duché  de  Gaëte 
à  Richard,  comte  de  Caleno.  Celui-ci  fut  soutenu  par  les  moines  du 
Mont-Cassin,  car,  peu  auparavant,  les  gens  de  Suio,  proiitant  des 
troubles,  s'étaient  révoltés  contre  la  duchesse  Rangarde  et  avaient 
donné  leur  ville  à  l'abbaye.  Gaëte  k  son  tour  se  rendit  indépen- 
dante et,  à  partir  de  mars  1 1 1-3,  on  y  data  les  actes  des  années  de 
règne  de  l'empereur  Alexis  et  de  son  fils  Jean.  Le  dernier 
acte  ainsi  daté  est  de  juillet  1114.  Les  moines  du  Mont-Cassin 
paraissent  avoir  été  les  seuls  à  profiter  de  la  guerre  ;  le  comte 
de  Caleno  confirma  leurs  possessions  sur  les  territoires  de  Fondi, 
de  Ceccano,  d'Aquino.de  Venafro,  d'Alife  et  de  Teano  ^\  La  pos- 
session du  comté  de  Suio  devait  être  confirmée  à  l'abbaye  quelques 
années  plus  tard  par  Robert  de  Capoue  '.  Toutefois  l'ordre  ne 
régnait  pas  davantage  dans  les  domaines  de  l'abbaye  dont  les 
vassaux  se  révoltaient  continuellement.  L'abbé,  en  1114,  dut 
réprimer  des  révoltes  à  San  Germano  et  à  Comino  et  faire 
fortifier  Pontecorvo,  Cardeto,  Vitecuso  et  Suio  •'. 

C'est  au  concile  de  Ceprano  que  le  duc  Guillaume  reçut  du 
pape  l'investiture  de  ses  Etats  *>.  Jusque-là  les  chroniques  sont 

1.  Pol.  Diac,  IV,  52. 

2.  En  1111,  Annales  Ceccanenses,  dans  M.G.II.SS.,  t.  XIX,  p.  282. 

3.  Pet.  Diac,  IV,  54,  porte  la  date  de  1115,  mais  il  faut  corriger  en  1114, 
car,  au  paragi'aphe  55,  Pierre  Diacre  dit  cjue  l'année  suivante  le  pape  alla 
à  Troia  tenir  un  concile;  or  celui-ci  fut  tenu  le  24  août  1115.    . 

4.  Gattola,  Ace,  t.  I,  p.  232. 

5.  Pet.  Diac,  IV,  56  et  57. 

G.   Pet.  Diac,  iV,  49.  Ann.  Coccnn.,  M.d.lI.SS..  l.  XIX, p.  2S2. 


LE    DUC    GUILLAUME    l''"'  317 

muettes  a  son  égard  et  les  actes  émanés  du  duc  sont  si  peu 
nombreux  qu'ils  nous  renseignent  fort  mal  sur  la  régence 
d'Alaine.  Il  semble  que  celle-ci  ait  voulu  gouverner  en  s'appuyant 
sur  l'influence  de  l'abbé  de  la  Gava,  Pierre,  qui  à  ce  moment 
occupait,  grâce  aux  vastes  possessions  de  l'abbaye,  une  situation 
comparable  à  celle  de  l'abbé  du  Mont-Cassin.  Dès  la  première 
semaine  de  son  règne,  le  duc  Guillaume  avait  confirmé  à  l'abbaye 
de  la  Gava  la  dernière  donation  du  duc  Roger  ".  Au  mois  d'août  de 
la  même  année,  il  avait  donné  à  l'abbé  Pierre  tous  les  vilains  qu'il 
possédait  à  ^'iétri  -.  En  décembre  1  1 12  (n.  s.)  le  duc  avait  confirmé 
au  monastère  ses  privilèges  précédents  -K  L'abbé  de  la  Gava  ne 
fut  pas  le  seul  à  profiter  des  faveurs  ducales  et,  en  février  1113, 
Arnolf,  archevêque  de  Gosenza,  obtenait  la  confirmation  des  pri- 
vilèges accordés  à  son  église  par  le  duc  Roger  '*.  Ge  fut  ensuite 
le  tour  du  Mont-Gassin  ;  soit  en  allant  à  Geprano.  soit  quand  il  en 
revenait,  le  duc  s'arrêta  à  l'abbaye  à  laquelle  il  octroya  un 
diplôme  confirmant  tous  les  privilèges  de  ses  prédécesseurs.  Il 
était  accompagné  de  Robert  de  Gapoue.  du  connétable  Joël  et 
de  Guillaume,  comte  du  Principat  '. 

La  mort  de  la  comtesse  Mathilde  qui  survint  pendant  l'été  sui- 
vant (lo  juillet  H15)  rendit  plus  nécessaire  que  jamais  l'entente 
du  pape  avec  les  Normands.  Pascal  II,  légataire  de  la  grande 
comtesse,  dut  prévoir  aussitôt  les  difïicultés  qu'Henri  V  ne  man- 
querait pas  de  lui  susciter  au  sujet  du  testament.  Or  précisément 
au  moment  où  la  papauté  avait  le  plus  besoin  d'eux,  l'anarchie 
redoublait  parmi  les  Normands,  surtout  parmi  ceux  établis  en 
Pouille. 

Constance,  veuve  deBohémond,  gouvernait  au  nom  de  son  fils 
Bohémond  II  ;  elle  paraît  avoir  cherché  à  s'appuyer  sur  Tan- 
crède,  un  des  fils  de  Geoffroi,  comte  de  Gonversano,  auquel  elle 
donna  le  quart  de  la  ville  de  Bari  '>.  Il  est  probable  que  le  gouver- 

1.  Archives  de  la  Cava,  E.  Il,  février  1110,  donc  entre  le  22  février  et 
le  !<"■  mars,  Roger  étant  mort    le  22  février. 

2.  Archives  de   la  Cava,  E.  19. 

3.  Archives  de  la  C^ava,  E.  29.  Ce  diplôme  est  daté  de  Tannée  1113, 
deuxième  année  du  fUiché.  indiction  6.  Il  s'agit  donc  de  décemhre   1112. 

4.  Ughelli,  t.  X,  p.    192. 

5.  Gattola,  Ace,  t.  I,  p.  230.  Pet.  Diac,  IV,  48. 

6.  Di  Mec,  op.  cil.,  ad  an.  1111,  t.  IX,  p.  218. 


318  CHAPITRK    XII 

nement  de  Taiicrède  ne  plut  pas,  car,  au  mois  de  janvier  1113. 
les  "gens  de  Bari  se  soulevèrent  et  firent  prisonnière  .la  mère  du 
comte  de  Conversano,  Robert,  frère  de  Tancrède  '.  Robert  vint 
attaquer  la  ville  et  fît  couper  les  vignes  et  oliviers  dans  tous  les 
environs.  Les  gens  de  Bari  mirent  alors  à  leur  tête  l'archevêque 
Rison.  Un  acte  de  celui-ci  nous  montre  qu'en  mai  de  cette  même 
année  la  ville  cherchait  par  tous  les  moyens  à  se  procurer  des 
ressources  pour  continuer  hi  lutter  Nous  ne  savons  rien  de  plus 
sur  les  événements  qui  suivirent. 

Désireux  de  rétablir  la  paix,  Pascal  11  vint,  au  mois  d  août  1 1  lo, 
à  Troia,  pour  établir  la  trêve-Dieu  -K  Le  comte  Robert  de  Loritello, 
Jourdain,  comte  d'Ariano,  et  les  barons  de  la  Fouille  jurèrent  de 
garder  la  paix  pendant  trois  années.  Malgré  ce  serment,  la  guerre 
recommença  :  Constance  alliée  avec  Tancrède,  etOnfroi,  comte  de 
Gravina,  attaqua  Alexandre,  comte  de  Matera,  frère  de  Tancrède  '. 
Alexandre  fut  vainqueur  et  lit  Constance  prisonnière.  11  lemmena 
à  Matera  et  la  relâcha,  au  bout  de  quelque  temps,  en  lui  faisant 
promettre  de  revenir  se  constituer  prisonnière  à  Matera  '.  Dès 
qu'elle  fut  libre,  Constance  recommença  les  hostilités.  Au  mois 
de  décembre  11  lo,  l'accord  existait  entre  Constance  et  l'arche- 
vêque de  Bari,  Rison,  et,  à  cette  même  date,  Tancrède  était 
encore  en  possession  du  quart   de  la  ville  de  Bari  ''. 

L'ancienne  capitale  des  possessions  byzantines  fut.  peu  après, 
divisée  de  nouveau  par  la  guerre  civile.  Un  parti  avait  à  sa  tête 
ini  certain  Pierre  Johannikios  et  un  personnage  du  nom  d'Argy- 
ros  :  l'archevêque  Rison  et  un  certain  Grimoald  Alferanite  étaient 
à  la  tête  de  la  faction  adverse  qui,  au  début,  semble  s'être 
appuyée  sur  Constance  '.  Toute  l'année  1116  fut  remplie  parla 
lutte  des  deux  partis,    sans  qu'aucun   d'eux    pût    remporter  un 


1.  Roiuuald  de  Saleine,  ad  an.,  dans  M.G.H.SS.,  t.  XIX,  p.  41  ii. 

2.  Cod.  dlpl.  Bnr.,  t.  Y,  p.  lOG. 

3.  Falco  Benev.,  p.  172. 

4.  L'Interpolateur  de  Romuald  de  Salerne,  /oc.  cit. 

5.  L'Interpolateur  de  Romuald,  loc.  cit.,  donne  ensuite  à  Alexandre  le 
titre  de  «  contes  Barensis  »;  peut-être  est-ce  une  erreur  pour  Materensis! 
Cf.  De  Blasiis,  op.  cit.,   t.  III,    p.  14.3,  note  2. 

ô.   Cod.  dipl.  Bar.,  t.  V,  p.  111. 

7.  Nous  ne  connaissons  ces  faits  que  par  une  continuation  de  l'Anonyme 
de  Bari,  Muratori,  R.I.SS.,  t.  V,  p.  loo. 


LE    DUC    GUILLAUME    l"  319 

avantage  décisif.  Dans  le  courant  de  1117  ',  l'archevêque  fut 
assassiné,  entre  Canosa  et  Barletta,  par  Argjros  ;  celui-ci,  fait 
prisonnier  par  Geolfroi,  comte  d'Andria,  fut  exécuté  peu  après. 
La  mort  d'Argyros  laissa  Grimoald  maître  de  Bari  ;  celui-ci  pro- 
fita de  son  succès  pour  chercher  à  se  rendre  indépendant.  Dans 
le  courant  de  1118  (avant  juin),  il  fut  reconnu  comme  prince  de 
Bari  '.  En  août  1119,  aidé  d'Alexandre,  comte  de  Matera,  Grimoald 
réussit  à  s'emparer  de  Constance  '.  La  veuve  de  Bohémond  ne 
fut  remise  en  liberté  que  l'année  suivante  g-ràce  à  l'intervention 
du  pape  ^.  A  partir  de  ce  moment,  Bari  pai'aît  avoir  secoué  com- 
plètement le  joug  des  Normands.  En  1122,  au  mois  de  mai,  la 
ville  conclut  im  traité  avec  le  doge  de  Venise  '.  Grimoald  agit 
dès  lors  en  véritable  souverain  et  c'est  seulement  quelques 
années  plus  tard  que  Bari  reconnaîtra  à  nouveau  l'autorité  des 
princes  normands. 

Le  duc  Guillaume  n'intervint  pour  aider  Constance  que  quand 
il  était  trop  tard  et  l'expédition  qu'il  entreprit  paraît  n'avoir  donné 
aucun  résultat  ''.  Son  rôle  pendant  toute  cette  période  continua 
à  être  très  etlacé,  et  son  gouvernement  personnel  ne  fut  pas  plus 
glorieux  que  la  régence  de  sa  mère  qui  mourut  en  avril  1115  '. 
Dans  le  courant  de  1114,  Guillaume  avait  épousé  Gaitelgrime, 
fille  du  comte  d'Airola,  Robert  •"'.  Pendant  la  période  qui  s'étend  de 
1 115  à  1120,  nous  ne  connaissons  presque  rien  du  duc.  En  décembre 
1114,  il  donne  à  deux  de  ses  ildèlesleplateaticum  de  Bosanola  près 


1.  Muratoii,  R.I.SS.,  t.  V,  p.  lo.j,  et  Falco  Ben.,  pp.  172-173. 

2.  En  juin  1123,  il  compte  la  5''  année  de  son  règne,  de  même,  en 
novembre  1124.  Cod.  dipl.  Bar.,  t.  V,  pp.  122-124-.  Il  y  a  foi'cément  une 
erreur  dans  l'une  do  ces  deux  manières  de  compter  les  années  de  règne. 

3.  L'InterpoIateur  de  Romuald  de  Salerne,  ad  an.,  dans  M.G.Il.SS., 
t.  XIX,  p.  417.  Constance  fut  prise  grâce  à  la  trahison  des  gens  d'Umeaa- 
tia,  peut-être  Giovenazzo  ? 

4.  .1/1/1.  C'ecca/i., ad  an.  1120,  dans  M.G.Il.SS.,  t.  XIX,  p.  282. 

5.  Cod.  dipl.  Bar.,  t.  V,    p.   117. 

6.  L'InterpoIateurde  Romuald  de  Salerne,  ad  an.  1120,  dans  M.G.Il.SS., 
t.  XIX,  p.  417. 

7.  Romuald  de  Salerne,  dans  M.G.H.SS.,  t.  XIX,  p.  41  5,  mentionne  ce 
mariage  à  l'année  1116,  mais  Gaitelgrinre  souscrit,  en  décembre  1114,  un 
diplôme  de"  Guillaume.    Arch.  de  la  Gava,  E.  44. 

8.  Rom.  Sal.,  loc.  cit.,  p.  414. 


320  CHAPITRE    XII 

de  Salerne  ^  De  mai  Hlo,  est  un  diplôme  pour  Etienne,  abbé  de 
Santa  Maria  de  Macla^  En  août  1116,  le  duc  fait  une  impor- 
tante donation  à  labbé  delà  Cava,  Pierre  ;  il  lui  accorde  le  quart 
du  monastère  de  Saint-Georges  dans  le  Gilento  '.  Au  mois 
d'avril  1117,  Guillaume  confirme  à  l'abbaye  de  la  Cava  les  privi- 
lèges de  ses  prédécesseurs^,  et  en  mai  1119,  il  confirmait  à 
Jourdain,  frère  de  Robert  de  Capoue,  tous  les  biens  qu'il  possé- 
dait à  Salerne  ■'. 

Guillaume  ne  parait  pas  être  intervenu  dans  les  affaires  de 
Rome,  et  quand  Henri  V,  en  1117,  revint  à  Rome,  Pascal  II  réfugié 
à  Bénévent  ne  trouva  de  secours  que  dans  le  prince  de  Gapoue  ^. 
Les  troupes  normandes  furent  d'ailleurs  battues  et  le  pape  ne  put 
rentrera  Rome  qu'en  janvier  1118.  Il  mourut  quelques  jours 
après  son  arrivée  (21  janvier).  Son  successeur  Gélase  II  ne  trouva 
pas  davantage  un  appui  dans  le  duc  de  Pouille,  car  il  me  paraît 
probable  que  les  Normands  qui  délivrèrent  le  nouveau  pape  des 
mains  de  Cencio  Frangipani,  devaient  être  les  soldats  fournis  à 
Pascal  II  7  par  Robert  de  Capoue.  Forcé  par  la  crainte  de  l'em- 
pereur de  quitter  Rome,  Gélase  II  alla  chercher  un  asile  dans 
l'Italie  méridionale,  ce  n'est  plus  alors  Salerne  qui  olfre  un  refuge 
au  pape,  mais  bien  Gaète  et  Capoue  ''^.  Ce  détail  seul  suffit  à 
montrer  combien  le  rôle  du  duc  Guillaume  est  effacé.  A  Gaëte 
pourtant,  le  duc  vint  prêter  au  pape  serment  de  fidélité,  mais 
dans  l'expédition  qui  fut  dirigée  contre  Rome,  les  chroniques 
mentionnent  à  peine  sa  présence  et  c'est  Robert  de  Capoue 
qui  commande  l'armée   et  prend  Rome  ^. 

Pendant  les  années  suivantes  l'anarchie  ne  fit  qu'augmenter;  ce 

i.  Archives  de  la  Cava.Arcn.  M.  E.,  44. 

2.  Pino,  op.  cit.,  t.  I,  p.  457. 

3.  Archives  de  la  Cava,  E.  50.  En  avril  M 17,  il  est  mentionné  dans  un 
acte  par  lequel  Guillaume,  comte  du  Principat,  met  fin  à  ses  démêlés  avecla 
Cava.  Archives  de  la  Cava,  E.  47 

4.  Ibid.,  E.    2. 
o.  Ihid.,  F.  14. 

6.  Pet.  Diac,  IV,  61. 

7.  Lib.  Pont.,  t.  II,  p.  313. 

8.  Cf.  JalTé-L.,  t.  I,  p.  775. 

9.  Lib.  Pont.,  t.  11,  p.  315,  FalcoUen.,  adan.,p.  173.  et  suiv.  Cf.la  lettre 
de  Bruno,  archevêque  de  Trêves,  à  Henri  V,  Watterich,  op.  cit.,  t.  Il,  p.  110. 


CALIXTE    11    ET    LE    DEC    GUILLAUME  321 

fut  surtout  la  région  de  Bénévent  qui  eut  à  souffrir  des  guerres 
continuelles  entre  les  seigneurs  normands  ;  la  lutte  fut  particu- 
lièrement violente  entre  Rainolf  et  le  comte  Jourdain  K  Guillaume 
nenous  est  connu,  pendant  cette  période,  que  par  un  acte  en  faveur 
du  monastère  de  Saint-Sébastien,  sis  près  de  San  Mauro,  dans  le 
Cilento  '-.  Le  successeur  de  Gélase  II,  Calixte  II,  vint,  peu  après 
son  entrée  dans  Rome,  dans  le  Midi  de  l'Italie  ^.  A  Bénévent,  il 
reçut  le  serment  de  fidélité  du  duc  Guillaume  et  de  Jourdain  II 
de  Capoue  qui  venait  de  succéder  à  son  neveu,  Richard  III, 
mort  seulement  quelques  jours  après  son  père  Robert  ^.  Comme 
Pascal  II,  Calixte  II  cherchait  à  faire  cesser  le  désordre  et 
poursuivait  l'établissement  de  la  trêve-Dieu  ;  il  se  rendit  dans 
ce  but  à  Troia  ■%  où  se  réunirent  le  duc  Guillaume,  Robert, 
comte  de  Loritello,  Richard,  comte  d'Andria,  ainsi  qu'un  grand 
nombre  de  barons.  Le  duc  Guillaume  fut  obligé  de  restituer  des 
terres  qu'il  avait  injustement  prises  au  monastère  Saint-Nicolas 
de  Troia  •'.  C'est  de  cette  ville  que  Calixte  II  se  rendit  à  Bari 
pour  tenter  d'y  rétablir  la  paix  ''. 

Les  années,  qui  suivirent,  virent  encore  décroître  l'influence  du 
duc  de  Pouille  auquel  le  comte  de  Sicile  enleva  une  partie  de 
ses  Etats,  mais  ici  les  événements  nous  sont  encore  mal  con- 
nus. L'auteur  de  la  vie  du  pape  Calixte  II  raconte  que  le  duc 
Guillaume  étant  parti  pour  Constantinople  afin  d'épouser  une 
des  filles  de  l'empereur  Alexis,  le  comte  de  Sicile,  son  cousin,  en 
profita  pour  attaquer  ses  possessions  en  Calabre  ''^.  Le  duc  avant 


1.  Sur  ces  guerres  sans  intérêt,  cf.  Falco  Benev.,  p.   176  et  suiv. 

2.  God.  vat.  1.,  3880,  f  18,  V  (décembre  1119). 

3.  Il  était  à  Bénévent,  le  8  août.  Falco  Benev.,  ad  an.  1120,  p.  181. 

4.  Pet.  Diac,  IV,  68.  Lib.Pont.,  t.  II,  p.  322.  Romuald  de  Salerne,  dans 
M.G.H.SS.,  t.  XIX,  p.  417.  Falco  Benev.,  ad  an.  1120,  i)p.  180-181.  Cf. 
Necrol.  sancli  Bened.  Cap.,  di  Meo,  op.  cit.,  t.  IX,  p.  2")1. 

5.  Archives  capitulaires  de  Troia,  A  n"  47  :  "  Cuin  idem  dominas  noster 
papa  Calixlus  cum  archiepiscopis,  episcopis,  ahhatibus  et  reliquis  ecclesias- 
ticis  personis,  apud  Troiam  précipite  causa  componende  tregue  dei  conveni- 
ret.  » 

6.  Ihid. 

7.  Jaffé-L.,  68o7  et  6892. 

8.  Lib.  Pont.,  t.  II,  pp.  322-323. 

Histoire  de  L^  domination  normande.  —  Chala>do>.  21 


322  CHAPITRE    XU 

son  départ  aurait  confié  la  garde  de  ses  États  au  pape.  Celui-ci, 
en  apprenant  que  Roger  attaquait  les  possessions  de  Guillaume, 
aurait  envoyé  au  comte  de  Sicile  le  cardinal  Hugues  pour  l'ar- 
rêter dans  son  entreprise.  Hugues  aurait  échoué  et  linterven- 
tion  personnelle  du  pape  n'aurait  pas  davantage  amené  le  comte 
Roger  à  céder. 

Ce  récit  présente  d  assez  graves  difficultés.  Tout  d'abord  le 
projet  de  mariage  de  Guillaume  paraît  inexact.  Le  duc  en  effet 
était  marié  et  sa  femme  Gaitelgrime  lui  survécut;  puisque, 
quand  il  mourut,  elle  coupa  ses  cheveux  pour  en  couvrir  le  corps 
de  son  mari  '.  Je  crois  donc  que  l'auteur  de  la  vie  de  Calixte  H 
a  été  mal  informé;  bien  plus,  en  octobre  1121,  époque  du  siège 
de  Catanzaro,  le  duc  est  à  Salerne,  où  il  fait  donation  à  l'arche- 
vêque Romuald  de  la  juiverie  de  la  ville  ^  Pour  ce  qui  est  du 
voyage  de  Calixte  H,  nous  sommes  mieux  renseignés.  Le  pape 
quitta  Rome  avant  la  fin  du  mois  de  juillet  1121.  Le  2i,  il  était  à 
Aversa;  le  3  septembre,  on  le  trouve  à  Salerne  où  il  chercha  à 
décider  Guillaume  à  traiter  avec  Roger  3.  Le  4  octobre,  le  pape 
était  à  Melfi,  et  le  10  novembre  à  Tarente.  De  cette  ville  il  se 
rendit  à  Catanzaro,  où  il  était  le  21  décembre.  C'est  alors  qu  il 
rétablit  l'évêché  de  Taverna  ^.  Romuald  de  Salerne  nous  dit  que 

1.  Falco  Bcnev.,  ad  an.  1127,  p.  193. 

2.  Paesano,  op.  cit.,  t.  II,  p.  71. 

3.  JaiTé-L.,  6924  et  suiv.,  Falco  Benev.,  ad  an.  1111. 

4.  L'auteur  de  la  vie  de  Calixte  II  laisse  entendre  que  le  pape  s'opposa 
aux  projets  du  comte  Roger.  «  Papa  aulem  in  comitein  tali  oinine  surgit..  » 
Lib.  Pont.,  t.  II,  p.  322,  et  il  ajoute  :  «  demum  quicr/iiid  voluit  ipse  cornes 
Rogerius  cuni  papa  semivivo  peregit.  »  Ihid.  323.  Romuald  de  Salerne, 
p.  417,  ad  an.  1121,  complète  les  renseignements  donnés  par  Falcon 
et  dit  que  le  pape  alla  jusqu'en  (Palabre  pour  rétablir  la  paix.  Les 
bulles  du  pape  nous  font  connaitre  l'itinéraire  de  ce  voyage  jusqu'à  Neo- 
castro,  Jaffé-L.,  6924-6936.  Pour  ce  qui  est  de  la  venue  du  pape  à  Catan- 
zaro,  nous  ne  la  connaissons  que  par  cinq  bulles  de  Calixte  IL 

Jalîé-L.,6937,  6938,  6939,  6940,6942.  Cette  dernière  est  donnée,  à  Rossano, 
le  6  janvier  1122,  et  est  relative,  comme  les  précédentes,  à  la  nomination  de 
l'évèque  de  Taverna. Ces  bulles  ont  été  attaquées  par  Mgr  BatifTol,  La  chro- 
nique de  Taverna  et  les  fausses  décrétales  de  Catanzaro  dans  la  R.  des  Ques- 
tions hist.,  t.  LI  (1892),  p.  23o  et  suiv.  Suivant  lui,  ces  cinq  bulles  sont  étroi- 
tement apparentées  à  la  fausse  chronique  de  Taverna  et  ont  été  fabriquées 
vers  le  xiV"  ou  xv"  siècle  par  un  habile  faussaire,  pour  défendre  la  juri- 
diction de  l'évèque  de  Catanzaro  contre  les  prétentions  de  celui  de  Squillace. 


LE    DUC    GUILLAUME    ET    ROGER    II  323 

le  pape  échoua  dans  ses  tentatives  pour  amener  la  paix  entre 
Royrer  et  Guillaume.  L'auteur  de  la  vie  de  Calixte  II  confirme  son 
témoig-nao^e  :  il  raconte,  en  efîet,  que  le  pape  étant  tomhé  malade, 
le  comte  Roger  fut  libre  de  faire  tout  ce  qu'il  voulut.  Calixte  II 
revint  par  Tarente  et  Bitonto. 

L'année  suivante,  le  duc  Guillaume  fut  contraint  par  la  néces- 
sité à  reconnaître  lui-même  les  conquêtes  de  Roger.  Attaqué 
continuellement  par  Jourdain,  comte  d'Ariano,  il  alla  trouver  le 
comte  de  Sicile  pour  lui  demander  assistance.  Le  récit  de  Fal- 
con  de  Bénévent  montre  bien  quel  piètre  seigneur  était  alors  le 
duc  de  Fouille,  u  Quand  il  fut  arrivé  auprès  du  comte  de  Sicile, 
raconte  le  chroniqueur,  le  duc  lui  dit  en  pleurant  ^i  J'ai  recours 

Fabre  (/î.  d.  Quesl.  hist.,  t.  LUI,  p.  519)  a  admis  que  la  bulle  n"  6940  est 
fausse,  mais  a  soutenu  que  les  quatre  autres  étaient  vraies.  Son  opinion 
me  paraît  êti'e  juste  et  la  réponse  qu'il  a  faite  (R.  d.  Queat.  hist.,  t.  LIV, 
p.  S96  et  suiv.)  aux  objections  que  Mgr  B.  prétendait  tirer  des  cai-actères 
diplomatiques  des  actes  (R.  d.  Quest.  hist.,  t.  LUI,  p.  522  et  suiv.)  me  paraît 
irréfutable.  Mgr  B.{R.  d.  Quest.  hist.,  t.  LIV,  p.  599)  a  d'ailleurs  été  obligé 
de  le  reconnaître  lui-même.  De  même  les  objections  tirées  par  Mgr  B.  du 
nom  de  Très  Tahernae  donné  à  Taverna  par  les  bulles  de  Calixte  II, 
tombent  devant  ce  fait  que  c'est  là  le  nom  courant  usité  à  cette  époque 
par  la  chancellerie  romaine.  Cf.  Lib.  censuum,  t.  I,  pp.  243  et  248,  note  9, 
et  Mgr  Duchesne,  Les  évâchés  de  Calahre,  p.  14.  Mgr  B.  en  a  été  réduit  à 
l'argument  qu'il  prétendait  tirer  du  droit  canonique  usité  en  Calabre.  Le 
pape,  selon  lui,  n'aurait  pas  eu  le  droit  de  créer  un  évêque  à  Taverna  à 
cause  de  la  légation  accordée  par  le  pape,  Urbain  11,  au  comte  de  Sicile 
(Cf.  R.  d.  Quest.  hist..  t.  LU,  p.  239  ;  t.  LUI,  p.  23 i,  et  t.  LIV,  p.  590).  Peut- 
être  avant  d'invoquer  cet  argument  eût-il  été  utile  de  montrer  que  Catan- 
zaro  et  Taverna  appartenaient  au  comte  de  Sicile.  Mgr  B.  a  cru  que  la 
Calabre  en  bloc  appartenait  au  comte  Roger.  On  a  vu  de  quelle  façon  le 
partage  de  cette  région  s'est  effectué  entre  Robert  Guiscard  et  son  frère, 
puis  entre  celui-ci  et  le  duc  Roger.  On  ne  saurait  a  priori  affirmer  que 
Catanzaro  et  Taverna  appartinssent,  en  1121,  au  comte  de  Sicile.  Nous 
savons  par  la  chronique  de  MalateiTa  qu'après  la  révolte  de  Mihera,  sei- 
gneur de  Catanzaro,  le  duc  Roger  partagea  les  terres  de  celui-ci  entre  le 
comte  de  Loritello  et  lecomtede  Sicile  (Malat.,  IV,  11.).  Aqui  fut  Catanzaro? 
nous  l'ignorons  ;  mais  le  fait  que,  au  moment  où  il  vient  attaquer  le  duc 
Guillaume,  le  duc  Roger  va  mettre  le  siège  devant  Rocca  Falluca,  tendrait 
à  montrer  que  la  place  appartenait  à.  Guillaume.  Par  suite,  la  qualité  de  légat 
a  latere  du  comte  Roger  n'aurait  rien  à  faire  dans  la  question.  Un  passage 
de  Falcon  de  Bénévent,  ad  an.  1122,  p.  186,  nous  montre  que  le  duc  Guil- 
laume avait  encore  à  cette  date  des  possessions  en  Calabre. 

1.  Falco  Benev.,  ad  an.  1122,  p.  186  et  suiv.  Sur  la  famille  des  comtes 
d'Ariano,  cf.  infra,  [>.  382,  n.  2. 


324  CHAPITRE    XII 

à  votre  puissance,  noble  comte,  à  cause  de  nos  liens  de  parenté 
et  aussi  à  cause  de  vos  richesses.  Je  viens  me  plaindre  du  comte 
Jourdain  et  vous  demander  votre  appui  pour  en  tirer  vengeance, 
car  un  jour  comme  j'entrais  à  Nusco,  le  comte  Jourdain  avec  une 
troupe  de  cavaliers  vint  devant  la  porte  de  la  ville,  et  me  cribla 
d'injures  et  de  railleries;  il  me  menaça  même  de  couper  un  mor- 
ceau de  mon  manteau.  De  plus  il  a  dévasté  toute  ma  terre  de 
Nusco.  Comme  je  ne  suis  pas  assez  puissantpourle  punir,  j'ai  dû 
supporter  l'injure,  mais  j'attends  avec  impatience  le  jour  de  la 
vengeance.  » 

Le  comte  de  Sicile  se  fît  payer  chèrement  son  aide  ;  il  se  fit 
donner  par  le  duc  Guillaume  les  possessions  que  celui-ci  avait 
encore  en  Calabre,  ainsi  que  sa  part  de  Messine  et  de  Païenne.  A 
ce  prix,  Roger  fournit  des  troupes  qui  permirent  à  Guillaume 
d'obliger  Jourdain,  assiégé  dans  Apice,  à  lui  demander  merci  et 
l'aidèrent  à  ramener  un  peu  d'ordre  dans  ses  Etats,  au  moins 
dans  les  environs  immédiats  de  sa  capitale,  à  Monte  Corvino.  Le 
duc  marcha  ensuite  contre  Monte  Vico  dont  les  habitants  avaient 
tué  leur  seigneur.  Cette  expédition  fut  la  dernière  à  laquelle  Guil- 
laume prit  part.  Nous  ne  savons  rien  de  ses  dernières  années.  En 
féviùer  1123,  le  duc  confirmait  à  l'abbé  de  la  Cava,  Constable,  la 
donation  que  venait  de  faire,  en  prenant  l'habit,  Guaimar,  petit 
fils  de  Gui,  le  frère  de  Gisolf  de  Salerne'.  En  septembre  de  la 
même  année,  il  accordait  à  l'abbaye  de  la  Cava  la  permission  d'éle- 
ver des  fortifications  pour  défendre  certaines  de  ses  possessions  "-. 

Le  duc  Guillaume  n'intervint  pas  dans  la  guerre  qui  eut  lieu, 
en  1124,  entre  Richard,  comte  de  Caleno,  dune  part,  et  le  Mont- 
Cassin  d'autre  part -^  Il  ne  joua,  non  plus,  aucun  rôle  dans  l'élec- 
tion du  successeur  de  Calixte  II,  Honorius  II.  qui  fut  nommé  en 
décembre  de  la  même  année.  En  1125,  le  duc  se  rendit  (après  le 
l*"'"  septembre)  à  Bénévent  auprès   du  pape  qui  l'investit  de  ses 


1.  Archives  de  la  Cava,  F.  23. 

2.  Archives  de  la  Cava,  F.  24. 

3.  Pet.  Diac,  IV,  82. 

4.  Romuald  de  Salerne,  ad  an.  1125,  dans  M.G.H.SS.,  t.  XIX,  p.  417, 
donne  Findiclion  4.  D'autre  part,  le  pape  résida  à  Bénévent  du  11  juillet  au 
il  octobre.  JafTé-L.,  7212  et  suiv. 


MORT    DU    DUC    GUILLAUME  323 

États.  En  mai  1 126,  nous  trouvons  Guillaume  à  Salerne,  où  il  con- 
firme à  l'abbaye  de  la  Cava  les  biens  laissés  par  Sykelgaite,  veuve 
de  Guaimar,  fils  de  Gui'.  En  août  delà  même  année,  il  confirmait 
au  Mont-Cassin  toutes  ses  possessions"-.  Enfin  en  juillet  1127, 
ayant  décidé  de  se  faire  enterrer  dans  l'église  Saint-Mathieu  de 
Salerne,  dans  le  sépulcre  de  son  père,  il  donnait  à  l'archevêque, 
Romuald,  différents  biens  sis  aux  portes  de  Salerne  ■^.  Cet  acte  fut 
sans  doute  le  dernier  émané  du  duc,  qui  mourut  le  25  juillets 
Avant  de  mourir,  il  fit  verbalement  une  dernière  donatien  à  la 
Cava  •'. 

Si  Romuald  de  Salerne  ajustement  blâmé  la  faiblesse  du  gou- 
vernement du  duc  Guillaume,  ses  contemporains  nont  pas 
jugé  sévèrement  le  fils  de  Roger,  mais  ont  vanté  son  courage 
militaire,  sa  largesse,  sa  courtoisie  et  son  respect  du  clergé. 
Falcon  de  Bénévent  nous  a  dépeint  l'empressement  du  peuple 
de  Salerne  se  pressant  au  palais  pour  A^oir  encore  une  fois,  après 
sa  mort,  son  bon  seigneur  ((  qui  fut  pleuré  comme  jamais  le  fut 
duc  ou  empereur  ».  On  ne  saurait  souscrire  aux  éloges  accordés 
à  Guillaume,  qui  se  montra  incapable  de  gouverner.  Sa  faiblesse 
permit  aux  seigneurs  de  se  rendre  indépendants  ;  il  ne  sut  pas 
même  garder  intact  l'héritage  déjà  fortement  entamé  que  lui 
avait  laissé  son  père.  En  somme,  en  1127,  la  situation  de  l'Italie 
méridionale  était  peu  différente  de  ce  qu'elle  avait  été  avant  le  règne 
de  Guiscard.  Le  titre  de  duc  n'était  qu'un  vain  mot,  car  le  duché 
n'existait  plus,  il  s'était  démembré  et  formait  une  série  de  seigneu- 
ries, en  fait  indépendantes.  Heureusement  pour  les  Normands 
qu'une  puissance  plus  forte  s'était  formée  en  Sicile.  A  1  abri  des 
guerres  continuelles,  qui  avaient  désolé  l'Italie  du  sud,  le  comte 
Roger  I"  et  son  fils,  Roger  II,  avaient  su  créer  un  Etat  rempli  de 
cohésion,  et  dès  la  mort  de  Guillaume,  le  jeune  comte  de  Sicile 
entreprit  de  réunir  en  un  seul  groupe  toutes  les  possessions  nor- 


1.  Archives  de  la  Cava,  F.  30. 

2.  Gattola,  Ace,  t.  I,  p.  232. 

3.  Paesano,  op.  cit.,  t.  II,  p.  73. 

4.  Cf.    infra,  p.  385,  note,  2. 

0.  Archives  de  la  Cava,  F.  40.  L'acte  est  dressé,  le  8  août  1127,  par  deux 
juges  devant  lesquels  ont  comparu  les  témoins. 


326  CHAPITRE    Xll 

mandes  d'Italie.  Il  ne  devait  atteindre  ce  but  qu'à  grand'peine  et 
il  allait  avoir  à  vaincre  la  résistance  acharnée  de  tous  les  vassaux 
de  son  cousin.  Ce  fut  seulement  quand  il  y  eut  réussi  que  la  puis- 
sance normande  dont  les  progrès  étaient  arrêtés  depuis  1085 
reprit  son  développement. 


CHAPITRE     XIII 

FIN    DE    LA    CONQUÊTE    DE    SICILE.    LA    SICILE    JLSQU'a    LA    MORT 
DU    COMTE    ROGER    I 

(1073-1101) 

Après  la  prise  de  Palerme  par  Robert  Guiscard  et  le  comte 
Rog-er,  il  s'en  fallait  encore  de  beaucoup  que  la  situation  des 
Musulmans  de  Sicile  fût  désespérée.  Une  grande  partie  de  l'île 
était  encore  en  leur  pouvoir  et  l'importance  des  positions,  oîi  ils 
avaient  réussi  à  se  maintenir,  devait  leur  permettre  de  prolonger 
la  résistance  pendant  de  longues  années.  A  la  suite  des  derniers 
succès  remportés  par  les  Normands,  la  Sicile  se  trouvait  partagée 
de  la  façon  suivante.  Maîtres  des  trois  grandes  villes  maritimes 
de  Catane,  Messine  et  Palerme,  les  Normands  possédaient  vrai- 
semblablement toute  la  côte  nord  de  l'île  ;  toute  cette  région  a  dû 
être  soumise  pendant  la  marche  de  l'armée  normande  sur  Palerme  ; 
un  peu  plus  tard,  en  effet,  nous  voyons  que  Mistretta  appartient 
aux  conquérants;  or,  comme  après  la  prise  de  Palerme  il  n'y  a  pas 
eu  d'expédition  de  ce  côté,  on  est  en  droit  de  supposer  que  toute 
cette  partie  de  l'île  a  été  soumise  en  1071.  Le  val  Demone 
n'appartenait  pas  tout  entier  aux  Normands,  car  les  Musul- 
mans étaient  demeurés  les  maîtres  de  la  région  comprise  entre 
Messine,  Troina  et  Catane.  Dans  cette  partie  de  l'île,  Taormine 
était  le  centre  de  leurs  possessions.  Si  Catane  était  au  pouvoir  des 
Normands,  tous  les  environs  de  la  ville  étaient  encore  aux  mains 
des  Musulmans.  A  l'autre  extrémité  de  l'île,  les  vainqueurs 
avaient  occupé  Giato  et  Cisini.  Mazzara  avait  fait  sa  soumission 
au  lendemain  de  la  prise  de  Palerme,  mais  nous  ne  savons  rien 
des  possessions  normandes,  comprises  entre  ces  deux  villes.  Dans 
cette  même  région,  les  Musulmans  étaient  maîtres  de  Trapani 
et  de  tous  ses  environs.  Toute  la  côte  méridionale  de  la  Sicile  se 
trouvait  partagée  entre  l'émir  de  Castrogiovanni  et  celui  de 
Syracuse.  Vers  l'intérieur,  Troina  demeurait  le  principal  établis- 
sement des    Normands,  dont   Paterno,    Calascibetta   et   Cerami 


328 


CHAPITRE    XIll 


étaient  les  possessions  les  plus  avancées  ;  par  contre,  Castro- 
giovanni  et  plus  au  sud  Gastronovo  étaient  au  pouvoir  des 
Musulmans.  En  somme,  ces  derniers  possédaient  encore  le  centre 
et  le  sud  de  la  Sicile,  et  avaient,  en  outre,  réussi  à  se  maintenir 
aux  deux  extrémités  de  l'île,  à  Taormine  et  à  Trapani. 

Près  de  ving-t  années  devaient  s'écouler  avant  que  la 
Sicile  tout  entière  fût  soumise  aux  Normands.  Si  forte  qu'elle 
fût  encore,  en  1072,  la  puissance  des  Musulmans  ne  suffît  pas  à 
expliquer  la  lenteur  de  la  conquête  et  c'est  à  d'autres  raisons 
qu'ilconvientd'attribuer  le  temps  d'arrêt  marqué  par  les  Normands. 
D'une  part,  après  qu'il  eut  partag'é  la  Sicile  avec  son  frère, 
Robert  Guiscard  laissa  Rog-er  poursuivre  seul  la  lutte  contre 
les  Musulmans  et  l'abandonna  à  ses  propres  forces.  Sans  doute 
avant  de  quitter  l'île,  le  duc  de  Fouille  autorisa  un  certain  nombre 
de  ses  chevaliers  à  passer  au  service  du  comte  de  Sicile,  mais 
malgré  l'appoint  qui  lui  fut  ainsi  fourni,  il  résulte  clairement  de 
la  chronique  de  Malaterra,  que  Roger  n'a  eu  le  plus  souvent 
sous  ses  ordres  que  quelques  centaines  de  chevaliers  ;  pour 
cette  cause,  il  dut  renoncer  aux  grandes  entreprises  et  se  borner 
à  faire  aux  Musulmans  une  guerre  de  partisans,  la  seule  que  lui 
permit  de  poursuivre  avec  succès  la  faiblesse  de  ses  effectifs. 
D'autre  part,  le  comte  de  Sicile  dut  incessamment  interrompre 
la  guerre  musulmane  pour  intervenir  dans  les  affaires  de  l'Italie 
méridionale.  Les  révoltes  continuelles,  qui  éclatèrent  pendant  les 
règnes  de  Guiscard  et  du  duc  Roger,  obligèrent  fréquemment  le 
grand  comte  à  donner  à  son  frère  et  à  son  neveu  l'appui  de  ses 
armes,  car  si  l'Italie  méridionale  avait  réussi  à  secouer  le  joug 
des  Normands,  il  lui  aurait  été  impossible  de  songer  à  pour- 
suivre la  conquête  de  la  Sicile.  Nous  verrons  d'ailleurs  que  Roger 
sut  se  faire  payer  chèrement  son  appui  et  presque  chacune  de  ses 
interventions,  en  Italie,  fut  marquée  par  une  nouvelle  extension 
de  ses  possessions  en  Sicile.  Il  faut  enfin  tenir  compte  de  ce  fait 
que  les  premières  conquêtes  des  Normands  furent  singulièrement 
facilitées  par  l'appui  que  leur  fournit  la  population  chrétienne 
du  val  Demone.  Pour  la  dernière  partie  de  la  conquête,  nous  ne 
trouvons  dans  Malaterra  aucune  mention  relative  à  des  chrétiens 
indigènes  ;    très   probablement    toute    la    population    chrétienne 


FIÎN    DR    LA    CO.NOUftTE    DE    LA    SICILE  329 

s'était  réfugiée  dans  le  val  Demone  et,  dans  le  reste  de  la  Sicile 
la  population  presque  tout  entière  étant  musulmane,  Roger  ne 
dut  trouver  nulle  part  une  aide  analogue  à  celle  que  lui  avaient 
fournie  les  chrétiens  de  la  région  de  Troina. 

En  poursuivant  la  tâche  ardue  qu'il  s'était  imposée,  Roger  se 
heurta  à  des  difficultés  sans  nombre  qui  lui  fournirent  l'occasion 
non  seulement  de  déployer  de  brillantes  qualités  militaires,  mais 
aussi  de  faire  montre  d'un  sens  politique  très  fin  et  très  avisé. 
Sachant  proportionner  ses  ambitions  à  la  faiblesse  des  moyens 
dont  il  disposait,  le  comte  Roger  s'appliqua  à  ne  tenter  aucune 
entreprise  au-dessus  de  ses  forces  et  sut  avec  tant  de  prudence 
poursuivre  la  conquête  de  l'île  sur  les  Musulmans,  que  les 
seuls  revers  qu'il  éprouva,  du  moins  au  dire  de  son  biographe, 
furent  causés  par  la  désobéissance  de  ses  lieutenants.  La  chronique 
de  Malaterra  fait  revivre  à  nos  yeux  la  lutte  héroïque  que 
dirigea  le  frère  de  Guiscard,  et  le  lecteur  peu  à  peu  se  passionne 
pour  les  exploits  des  héros  normands.  Enfermés  dans  leurs 
châteaux,  ces  hardis  aventuriers  guettent  à  chaque  instant  le 
moment  où  ils  pourront  trouver  en  défaut  la  vigilance  de  leurs 
adversaires,  et  dès  qu'une  occasion  favorable  se  présente,  leur 
troupe  peu  nombreuse  s'élance  à  l'attaque  du  territoire  ennemi 
qu'elle  dévaste.  Aussitôt  leur  coup  de  main  réussi,  les  Normands 
regagnent  leurs  abris  et  attendent  que  se  présente  l'occasion 
d'une  nouvelle  entreprise.  Dans  cette  guerre  d'embuscade  et  de 
surprise,  la  valeur  individuelle  joue  le  principal  rôle  et  nous 
verrons  à  chaque  instant  les  chevaliers  normands  mettre  en  fuite 
à  grands  coups  d'épée  des  bandes  musulmanes  beaucoup  plus 
nombreuses.  Sans  doute,  à  ce  point  de  vue,  Malaterra  présente  des 
exagérations  certaines  et  l'on  doit  diminuer  considérablement  les 
évaluations  des  forces  musulmanes  qu'il  nous  donne;  néanmoins 
il  est  certain  que  les  Normands  dans  toute  cette  guerre  étaient 
par  leur  nombre  très  inférieurs  aux  Musulmans.  Rien  ne  nous  le 
montre  mieux  que  la  tactique  employée.  Nous  voyons  en  effet 
que  chaque  conquête  des  Normands  est  aussitôt  munie  d'une 
citadelle  ou  d'un  château,  qui  permet  aux  conquérants,  malgré 
leur  petit  nombre,  de  maintenir  dans  l'obéissance  les  populations 
des  régions  récemment  soumises  et  d'organiser  leurs  conquêtes. 


330  CHAPITRt:    XIII 

A  l'égard  de  ses  nouveaux  sujets,  le  comte  Roger  a  usé,  semble- 
t-il,  de  la  plus  large  tolérance  et  a  été  l'initiateur  de  la  politique 
féconde  que  ses  successeurs  suivront,  pendant  presque  tout  le 
XII''  siècle,  à  l'égard  des  Musulmans.  Très  probablement,  bien 
qu'à  ce  sujet  Malaterra  ne  nous  fournisse  pas  de  détail,  lors  de  leur 
capitulation,  un  assez  grand  nombre  de  Ailles  de  Sicile  ont  conclu 
avec  le  comte  Roger  des  traités  assez  analogues  à  celui  qui  avait 
précédé  la  reddition  de  P;derme.  Parla,  les  vaincus  réussirent  à 
conserver  certains  avantages.  Il  est  certain  toutefois  que  dans  les 
campagnes  ou  les  villes  les  moins  importantes,  la  condition  des 
vaincus  fut  beaucoup  plus  misérable,  et  qu'un  grand  nombre  de 
Musulmans  furent  réduits  au  servage.  Sans  insister  ici  sur  la 
situation  des  Musulmans,  dont  nous  nous  occupons  ailleurs,  disons 
seulement  qu'il  paraît  que  les  vaincus  furent  soumis  au  paiement 
d'un  tribut  annuel  et  durent  rendre  chaque  année  des  scrvifia  à 
leur  seigneur. 

Le  comte  Roger  s'appliqua  en  outre  à  ne  point  s'aliéner  par 
une  sévérité  mal  entendue  l'esprit  des  Musulmans,  et  le  plus 
souvent  nous  le  voyons  traiter  avec  honneur  ceux  de  leurs  chefs 
qui  tombent  entre  ses  mains,  leur  laisser  une  certaine  liberté  et 
se  borner,  en  leur  concédant  des  domaines,  à  les  éloigner  de  la 
région  où  ils  avaient  exercé  leur  pouvoir.  Bien  plus,  dès  la 
période  de  la  conquête,  Roger  comprit  tout  l'appui  que  lui 
apporteraient  des  Musulmans  entrant  à  son  service  ;  non  seule- 
ment il  ne  craignit  pas  de  s'allier  à  lémir  de  Catane,  mais 
encore  il  combla  de  ses  faveurs  ceux  des  Musulmans  qui 
consentaient  à  renier  leur  foi  et  à  embrasser  le  christianisme.  Il 
est  enfin  fort  probable  que,  dès  le  début,  le  comte  de  Sicile  orga- 
nisa des  corps  de  troupes  composés  de  Musulmans  ;  nous  verrons 
que  quelques  années  plus  tard  ces  troupes  indigènes  consti- 
tuaient un  noyau  important  dans  son  armée.  Rappelons  à  ce 
propos  le  passage  de  l'auteur  de  la  vie  de  saint  Anselme  qui  nous 
dit  que  Roger  interdisait  aux  prêtres  catholiques  de  tenter  de 
convertir  ses  soldats  musulmans  '.  A  lui  seul  cet  exemple  de  tolé- 
rance politique  suffit  à  faire  connaître  le  caractère  de  Roger  P^ 

1.  Cf.  supra,  p.  304,  note  1. 


PIN    DE    LA    CONQUÊTE    DE    LA    SICILE  331 

La  conquête  de  la  Sicile  progressa  lentement  dans  les  pre- 
mières années  qui  suivirent  la  prise  de  Palerme.  Il  y  eut  alors 
une  période  d'organisation.  Le  comte  Roger  s'appliqua  à  cons- 
truire, dans  la  région  disputée  aux  Musulmans,  toute  une  série 
de  places  fortifiées  dont  un  donjon  constituait  la  principale 
défense.  C'est  ainsi  qu'à  Paterno,  le  comte  fît  bâtir,  sur 
une  colline  escarpée,  un  château  qui  l'aida  à  commander  toute 
la  plaine  de  Catane.  Ce  renseignement  que  nous  fournit  Mala- 
terra  paraît  indiquer  qu'à  ce  moment  Catane  et  Paterno  sont, 
vers  le  sud,  les  deux  points  les  plus  avancés  occupés  par  les 
Normands.  A  Mazzara,  le  comte  entreprit  pareillement  la  cons- 
truction d'une  citadelle  (1073).  L'année  suivante  ce  fut  à  Cala- 
scibetta,  en  face  de  Castrogiovanni,  que  Pioger  construisit  un 
nouveau  château  K  On  voit  par  là  que  le  comte  de  Sicile  est 
occupé  à  fortifier  toute  la  frontière  de  ses  Etats  du  côté  des  Musul- 
mans, et  à  créer  des  centres  d'où  ses  troupes  peuvent  aller  harce- 
ler l'ennemi.  A  diverses  reprises,  de  1073  à  1077,  la  présence  du 
comte  Roger  nous  est  signalée  en  Italie,  où  il  se  rend  pour 
aider  Guiscard  dans  ses  guerres.  Peut-être  convient-il  égale- 
ment de  cheixher  dans  ses  absences  fréquentes  une  des  causes 
du  ralentissement  de  la  conquête. 

L'inaction  relative  des  Normands  amena  de  la  part  des  Musul- 
mans un  redoublement  d'activité,  àpartirde  l'année  1074.  Peut- 
être  y  eut-il  accord  entre  les  derniers  chefs  musulmans  de  Sicile 
et  leurs  coreligionnaires  d'Afrique.  Nous  voyons,  en  effet,  que,  le 
23  juin  1074,  une  flotte  africaine  débarqua  des  troupes  devant 
Nicotera,  qui  fut  prise  et  pillée.  Les  habitants  furent  emmenés 
prisonniers  en  Afrique.  L'année  suivante,  les  Musulmans 
d'Afrique  parurent  devant  Mazzara  qu'ils  assiégèrent  pendant 
huit  jours.  Roger  se  trouvait  alors  en  Sicile  ;  informé  de  l'arri- 
vée de  l'ennemi,  il  se  rendit  en  toute  hâte  à  Mazzara  où  il  réussit 
à  pénétrer  pendant  la  nuit.  Grâce  aux  renforts  qu'il  avait  amenés, 
les  assiégés  purent  faire  une  sortie  victorieuse  et  mettre  en  fuite 
les  assaillants.  Il  semble  qu'à  la  suite  de  ces  deux  agressions 
successives,  Roger  ait  engagé  des    négociations  avec   le   prince 

1.  Malaterra,  III,  1  et  7. 


332  CHAPITRE    XKI 

d'El  Medeah.  Nous  ne  voyons  plus,  en  effet,  apparaître  les 
Musulmans  d'Afrique  dans  les  jj^uerres  de  Sicile.  En  1078.  une 
flotte  musulmane  paraît  devant  Taormine,  mais  son  chef  fait  dire 
à  Roger  qu'il  n'a  aucune  intention  hostile  et  se  retire  sans  com- 
battre '.  D'autre  part,  en  1086,  Roger  refuse  de  se  joindre  aux 
Pisans  pour  attaquer  El  Medeah,  et  déclare  que  les  traités  qui 
le  lient  aux  Musulmans  lempèchent  de  prendre  part  à  cette 
entreprise  '-. 

En  lOTo  et  1076  ^,  les  hostilités  entre  les  Musulmans  et  les  Nor- 
mands reprirent  avec  une  nouvelle  vigueur.  Obligé  de  se  rendre 
en  Calabre,  Roger  confia  le  commandement  des  troupes,  demeu- 
rées en  Sicile,  à  Hugues  de  Gircé,  son  gendre,  mais  défendit  à 
celui-ci  d'en  venir  aux  mains  avec  lémir  de  Syracuse,  Bernavert. 
Hugues  n'exécuta  point  les  ordres  qu'il  avait  reçus  ;  désireux  de 
s'illustrer  par  quelque  brillant  fait  d'armes,  il  se  rendit  à  Troina 
où  commandait  Jourdain,  fils  de  Ro2:er.  et  orsranisa  avec  son  con- 
cours  une  expédition  contre  Bernavert.  Tous  deux  se  rendirent  à 
Catane  ;  instruit  de  leur  arrivée,  l'émir  de  Syracuse  les  attira  dans 
une  embuscade  et  leur  infligea  une  sanglante  défaite.  Hugues  de 
Gircé  trouva  la  mort  dans  cette  rencontre.  Les  survivants  se 
réfugièrent  les  uns  à  Catane  et  les  autres  à  Paterno.  Dès  que 
Roger  connut  l'issue  malheureuse  du  combat,  il  revint  en  Sicile, 
pour  tâcher  d'elFacer  par  de  nouveaux  succès  l'impression  désas- 
treuse que  pouvait  produire  sur  ses  sujets  musulmans  la  nou- 
velle de  la  victoire  de  l'émir  de  Syracuse.  Le  comte  de  Sicile 
s'empara  de  Judica.  près  de  Caltagirone  (1076),  puis,  au  début  de 
l'été,  il  ravagea  la  province  de  Noto,  incendiant  les  moissons  et 
emmenant  les  habitants  en  captivité.  Il  est  probable  que  Berna- 
A^ert  dut  à  son  tour  dévaster  les  territoires  soumis  aux  Normands, 
car,  à  la  suite  de  ces  combats,  une  famine  terrible  se  déclara  dans 
l'île. 

Au  mois  de  mai  de  l'année  suivante  (1077),  le  comte  Roger 
porta  l'effort  de  ses  armes  à  l'autre  extrémité  de  l'île.  A   la  tête 


1.  Malalerra,  111,8,  9  et  17. 

2.  Ibid.,  IV,  3. 

3.  Pour  ce  qui  suit,  cf.  Malaterra,  III,  10  et  suiv, 


FIN    DE    LA    CONQUÊTE    DE    LA    SICILE  333 

d'une  flotte  noml^reuse  et  d'une  armée  considérable,  il  alla  mettre 
le  siège  devant  Trapani.  Il  semble  qu'à  ce  moment  la  flotte  du 
comte  Roger  soit  beaucoup  plus  forte  que  lors  du  siège  de  Bari. 
Evidemment,  depuis  la  prise  de  Palerme,  le  comte  s'est  occupé 
de  se  créer  une  marine;  nous  verrons  plus  loin  quel  développe- 
ment il  sut  donner  à  celle-ci.  A  l'approche  des  Normands,  toute 
la  population  musulmane  des  campagnes  environnant  Trapani 
se  réfugia  dans  la  ville,  emmenant  avec  soi  ses  biens  et  ses  trou- 
peaux. La  ville  bien  fortifiée  se  trouva  ainsi  abondamment  ravi- 
taillée et  tout  faisait  prévoir  un  long  siège.  Il  n'en  fut  pourtant 
pas  ainsi,  grâce  à  un  heureux  coup  de  main  du  fils  de  Roger,  Jour- 
dain. Les  assiégés  envoyaient  paître  leurs  troupeaux  sur  vin  pro- 
montoire qui  s'étendait  aux  pieds  des  murailles.  Une  nuit,  Jour- 
dain, avec  quelques  compagnons,  traversale  bras  de  mer  qui  sépa- 
rait le  rivage  du  promontoire  et  réussit  à  s  emparer  de  tout  le  bétail. 
Le  manque  de  vivres  ne  tarda  pas  à  se  faire  sentir  et  la  ville  dut 
capituler.  Le  comte  Roger  installa  une  garnison  à  Trapani  et  com- 
pléta les  fortiflcations.  Si  important  que  fût  ce  succès,  il  n'en 
était  pas  moins  incomplet,  car  tout  le  pays  environnant  apparte- 
nait encore  aux  Musulmans.  Pour  soumettre  cette  région,  le 
comte  dut  soutenir  de  nouvelles  luttes,  durant  lesquelles  la  for- 
tune lui  demeura  fidèle.  Maître  bientôt  de  douze  châteaux,  Roger 
les  distri'bua  à  ses  chevaliers,  y  installa  des  garnisons  et  organisa 
ainsi  l'occupation  militaire  du  pays. 

A  la  suite  de  ces  succès,  le  comte  se  retira  à  Vicari  d'où  il  fut 
peu  après  appelé  à  Gastronovo.  Un  Musulman  qui  avait  eu  à  se 
plaindre  de  l'émir  Abou  Bekr,  qui  commandait  à  Gastronovo, 
s'empara  d'une  colline  escarpée  qui  dominait  la  ville  et  fit  offrir 
à  Roger  de  lui  livrer  Gastronovo.  Le  comte  accourut  en  grande 
hâte.  Quand  Abou  Bekr  vit  les  Normands  installés  dans  une 
position  qui  commandait  Gastronovo,  il  prit  la  fuite,  et  les 
habitants  après  son  départ  traitèrent  avec  Roger.  Gelui-ci,  pour 
encourager  les  Musulmans  à  embrasser  sa  cause,  combla  de  ses 
faveurs  tous  ceux  qui  l'avaient  aidé.  Nous  ne  savons  au  juste 
quelle  date  il  convient  d'assigner  à  la  prise  de  Gastronovo. 

Jusque  vers  le  mois  de  mars  1079,  nous  ne  connaissons  aucun 
épisode  de    la    conquête.    A   cette  date    nous   voyons   le  comte 


334  CHAPITRE    XHI 

Rog-er  organiser  une  importante  expédition  contre  Taormine'. 
Tout  le  massif  de  l'Etna  paraît  être  demeuré  jusque-là  au 
pouvoir  des  Musulmans.  Les  difficultés  d'accès  expliquent 
facilement  que  Kog'er  ait  reculé  devant  une  tentative,  qui 
demandait  un  grand  déploiement  de  forces.  Les  conquêtes  nor- 
mandes avaient  peu  à  peu  enveloppé  les  Musulmans  de  lEtna, 
néanmoins  ceux-ci  avaient  réussi  à  conserver  leur  indépendance. 
Pour  les  soumettre,  Roger  fit  des  préparatifs  considérables.  Tan- 
dis que  sa  flotte  empêchait  la  ville  de  se  ravitailler  par  mer, 
Roger  enveloppa  Taormine  d  une  ligne  de  vingt-deux  postes  for- 
tifiés qui  isola  complètement  les  assiégés.  D'après  Malaterra, 
l'armée  aurait  été  divisée  en  quatre  corps  commandés  par  Jour- 
dain. Otton,  Arigot  de  Pouzzole  et  Elie  Cartomi;  ce  dernier  était 
probablement  un  musulman  converti.  Amari  a  tiré  de  cette  divi- 
sion de  l'armée  normande  des  conclusions  qui  me  paraissent 
hypothétiques.  D'après  lui,  Jourdain  aurait  commandé  ses  piopres 
vassaux  et  les  troupes  de  son  père,  Otton  et  Arigot  auraient  été 
à  la  tête  des  hommes  de  Calabre  et  de  Sicile,  et  enfin  Elie  aurait 
eu  sous  ses  ordres  les  troupes  musulmanes. 

Une  fois  le  blocus  de  Taormine  établi,  Roger,  à  la  tête  d'un 
corps  de  troupes,  parcourut  tout  le  versant  septentrional  de 
l'Etna  et  la  vallée  qui  débouche  vers  Troina,  et  soumit  par- 
tout les  Musulmans  qui  y  étaient  installés.  Revenu  devant  Taor- 
mine, le  comte  obtint,  au  mois  d'août,  la  reddition  de  la  place.  A 
la  suite  de  la  prise  de  Taormine,  Roger  se  trouva  maître  de  toute 
la  partie  de  l'île  comprise  au  nord  dune  ligne  allant  par  Castro- 
novo  de  Mazzara  à  Catane.  Seules  les  places  de  Castrogiovaimi 
Girgenti,   Syracuse  demeuraient  aux  Musulmans. 

L'année  1079  marqua  un  nouvel  arrêt  dans  la  conquête,  la 
popvilation  musulmane  de  Giato  qui,  au  dire  de  Malaterra,  com- 
prenait treize  mille  familles,  refusa  de  payer  le  tribut  annuel  et 
de  rendre  les  .servit ia.  auxquels  elle  était  tenue.  Son  exemple  fut 
imité  par  les  gens  de  Cinisi.  Roger  marcha  contre  Cinisi  à  la 
tête  de  ses  vassaux  calabrais  et  chargea  ses  troupes  siciliennes 
de  triompher  de  la  rébellion  des  gens  de  Giatto,  qui,  ayant  assem- 

1.    Mnln terra,  III.  13  et  suiv. 


FIN    DE    LA    CONQUÊTE    DE    LA    SICILE  335 

blé  leurs  troupeaux,  s'étaient  réfugiés  dans  la  montagne.  Instal- 
lés à  Partinico  et  à  Gorleone,  les  Normands  guerroyèrent  pen- 
dant une  grande  partie  de  l'été  et  finirent  par  rétablir  Tordre. 
Jusqu'en  1081  nous  ne  savons  rien  des  guerres  du  comte  Roger; 
à  cette  date,  il  semble  résulter  de  Malaterra,  que  Guiscard,  en  en- 
trant en  campagne,  a  laissé  à  son  frère  le  soin  de  veiller  au  main- 
tien de  l'ordre  en  Fouille  et  en  Calabre  ' .  On  a  supposé  avec  quelque 
apparence  de  raison  que  Guiscard  avait  alors  donné  à  Roger 
quelques-unes  de  ses  possessions  siciliennes.  Nous  voyons,  en 
etfet,  en  1082,  Jourdain  enlever  à  son  père  Mistretta  et  San 
Marco,  or  ces  deux  places  sont  situées  dans  la  partie  de  l'île  que 
Guiscard  s'était  réservée  -.  Il  semble  donc  probable  que  le  duc  de 
Fouille  à  une  date  indéterminée  a  fait  abandon  à  Roger  de 
quelques-unes  des  places  qu'il  possédait  en  Sicile. 

Tandis  que  Guiscard  combattait  avec  les  Byzantins,  les  Nor- 
mands de  Sicile  subirent  un  grave  échec.  En  1081,  Bernavert 
espérant  sans  doute  que  les  forces  normandes  étaientalïaiblies  par 
l'expédition  contre  le  basileus,  recommença  les  hostilités  avec 
beaucoup  de  vigueur  3,  11  semble  qu'à  ce  moment  l'union  se  soit 
faite  entre  les  chefs  musulmans  de  Sicile,  et  que  tous  aient 
reconnu  comme  leur  chef  Bernavert,  qui,  maître  de  Syracuse  et 
de  Noto,  est  d'ailleurs  le  plus  puissant  d'entre  eux.  L'émir  de 
Syracuse  réussit  à  gagner  le  commandant  de  Catane,  un  certain 
Bencimeno,  musulman  converti  au  christianisme,  dont  le  nom 
défiguré  par  Malaterra  doit  sans  doute  être  lu  Ibn  Thimna. 
Grâce  à  la  trahison  d'Ibn  Thimna,  Catane  tomba  aux  mains  des 
Musulmans.  Ce  succès  eut  dans  toute  la  Sicile  un  grand  reten- 
tissement. Roger  était  alors  en  Italie  ;  sans  attendre  son  retour, 
Jourdain,  Robert  de  Sourval  et  Elie  Cartomi,  avec  cent  soixante 
chevaliers,  allèrent  assiéger  Catane.  Tout  le  récit   de  Malaterra 


1.  Malatena,  HT,  24. 

2.  Amari,  op.  cit.,  t.  III,  pp.  lGO-161.  Pour  ce  qui  est  de  Messine,  il  ne  me 
senil)le  pas  que  l'opinion  crAmari  soit  exacte.  De  ce  que  Roger  fait  fortifier 
la  ville,  on  ne  saurait  conclure  que  Guiscard  lui  a  donné  Messine.  Il  ne  faut 
pas  oublier  que  dans  le  partage  de  la  conquête  Roger  a  eu  la  moitié  de 
Messine.  Cf.  supra,  p.  209. 

3.  Malaterra,  IV,  30  et  suiv. 


336  CHAPITRE    XUI 

relatif  aux  événements  qui  suivirent,  est  fort  invraisemblable, 
quant  aux  détails.  D'après  lui,  la  petite  troupe  des  Normands 
aurait  infligé  aux  vingt  mille  hommes  de  Bernavert  une  défaite 
complète.  L'émir  de  Syracuse,  réfugié  dans  Catane,  aurait  renoncé 
à  toute  résistance  et  se  serait  enfui  à  Syracuse.  La  défaite  et  la 
fuite  de  Bernavert  ne  paraissent  pas  douteuses,  mais  on  ne  sau- 
rait admettre  le  chiffre  auquel  Malaterra  évalue  l'armée  nor- 
mande. Celle-ci  a  pu  ne  comprendre  que  cent  soixante  che- 
valiers, mais  k  côté  d'eux  il  y  avait  d'autres  troupes  dont  le 
chroniqueur  ne  parle  pas.  On  ne  saurait  en  effet  admettre  que 
cent  soixante  chevaliers  aient  pu  triompher  de  vingt  mille 
hommes,  et  leur  aient  infligé  un  désastre  aussi  complet. 

Au  moment  de  l'affaire  de  Catane,  le  comte  de  Sicile  était 
retenu  en  Italie  par  la  révolte  de  la  ville  de  Gerace.  Un  certain 
Angelmar  qui  avait  longtemps  servi  Roger  avec  fidélité,  avait 
épousé  la  veuve  de  Sarlon  et  tenait  ainsi,  du  chef  de  sa  femme, 
des  possessions  dans  la  région  de  Gerace.  Ce  fut  là  qu'il  se  fit 
construire,  sans  l'autorisation  de  Roger,  un  château  et  s'allia  aux 
Grecs  de  Gerace.  Instruit  de  ces  faits,  le  comte  de  Sicile  ordonna 
à  Angelmar  de  détruire  les  fortifications  qu'il  avait  élevées. 
Celui-ci  refusa  d'obéir  et,  sunissant  aux  gens  de  Gerace,  se 
révolta.  Roger  dut  venir  assiéger  la  ville;  il  réussit  à  faire  rentrer 
la  population  dans  l'obéissance  ;  quant  à  Angelmar  il  parvint  à  s'en- 
fuir '.  Après  que  l'ordre  eut  été  rétabli,  Roger  retourna  en  Sicile, 
et  ce  fut  alors  qu'il  fit  construire  les  fortifications  de  Messine 
(1081). 

En  1082.  Roger  dut  de  nouveau  quitter  la  Sicile  pour  aller 
aider  Guiscard  à  rétablir  l'ordre  en  Italie.  En  partant,  il  con- 
fia à  Jourdain  le  gouvernement  de  ses  Etats.  Il  semble  bien 
que  les  événements  d'Italie  du  sud  aient  eu  leur  contre-coup 
en  Sicile,  mais  nous  ne  savons  si  des  négociations  eurent  lieu 
entre  Jourdain  et  les  vassaux  révoltés  de  son  oncle.  Dans  tous  les 
cas,  le  fils  de  Roger,  imitant  l'exemple  des  seigneurs  italiens  et 
poussé  par  certains  membres  de  son  entourage,  profita  de 
l'absence  de  son  père  pour  se  révolter.  Il  s'empara  de  Mistretta 

1.  Malaterra,  ÎV,  'M. 


RÉVOLTE    DE    JOURDAIN  337 

et  de  San  Marco,  puis  marcha  sur  Troina  espérant  qu'il  pour- 
rait mettre  la  main  sur  le  trésor  de  Roger.  Celui-ci,  en  apprenant 
la  révolte  de  son  fils,  revint  en  toute  hâte  ;  il  arriva  avant  que  le 
mouvement  ne  se  fût  étendu.  Craignant  de  voir  Jourdain  cher- 
cher un  refuge  auprès  des  Musulmans,  Roger  affecta  de  ne  pas 
prendre  au  sérieux  la  conduite  de  son  fils.  Ce  dernier,  croyant 
obtenir  facilement  son  pardon,  vint  de  lui-même  auprès  de  son 
père  qui  lui  fit  d'abord  bon  accueil.  Une  fois  maître  de  Jourdain  et 
de  ses  complices,  Roger  changea  brusquement  d'attitude.  Com- 
prenant que  s'il  ne  faisait  pas  lui  exemple,  les  rebelles  trouve- 
raient bientôt  des  imitateurs,  le  comte  de  Sicile  fit  crever  les  yeux 
aux  douze  principaux  coupables  et  fit  craindre  pendant  quelques 
jours  à  son  lils  d'avoir  à  subir  un  pareil  châtiment.  Finalement, 
à  la  demande  de  son  entourage,  Roger  consentit  à  pardonner  à 
Jourdain'.  Cet  exemple  sévère  suffit  pour  empêcher  les  seigneurs 
siciliens  d'imiter  les  vassaux  du  duc  de  Fouille  et  Roger,  jusqu'à 
sa  mort,  n'eut  aucune  révolte  à  réprimer. 

Jusqu'en  1084  les  sources  sont  muettes  sur  le  comte  de  Sicile, 
dont  l'inaction  s'explique  facilement  par  la  situation  politique 
générale.  Pendant  l'expédition  de  Guiscard  contre  Rome  et  contre 
l'empire  byzantin,  le  comte  Roger  obligé  de  veiller  au  maintien 
de  l'ordre  dans  les  Etats  de  son  frère,  ne  peut  songer  à  reprendre 
la  lutte  contre  les  Musulmans.  S'appuyant  sur  un  Etat  parfaite- 
ment ordonné,  obéi  de  ses  vassaux,  le  comte  de  Sicile  a  dû  jouer 
alors  un  rôle  dont  l'importance  grandissait  chaque  jour.  Guis- 
card lui-même  reconnut  les  services  que  Roger  pouvait  rendre  à  sa 
dynastie,  et,  avant  de  repartir  pour  la  Grèce,  lui  demanda,  au 
cas  où  il  viendrait  à  mourir,  de  prêter  appui  à  son  fils  Roger. 
A  la  mort  de  Guiscard,  c'est  grâce  à  l'influence  et  à  la  puissance 
du  comte  de  Sicile  que  le  duc  Roger  réussit  k  faire  reconnaître  son 
autorité,  mais,  en  échange  de  ce  service,  il  dut  abandonnera  son 
oncle  une  partie  des  places  de  Calabre  que  Guiscard  et  Roger 
avaient  jusque-là  possédées  en  commun.  Vis-à-vis  de  son  neveu, 
Rogerva  jouer  désormais  le  rôle  d'un  protecteur.  Utilisant  avec 
habileté  la  situation   prépondérante   qui    lui  est  faite,    le  comte 

1.  Malaterra,  IV,  35-36. 

Histoire  de  la  domination  normande.  —  Chalaxdon.  22 


338  '  CHAPITRE  XIII 

de  Sicile  saura  faire  payer  chèrement  son  concours  et  saisira 
toutes  les  occasions,  qui  lui  seront  otîertes  pour  augmenter 
sa  puissance  aux  dépens  de  celle  de  son  neveu. 

Profitant  des  troubles,  qui  s'étaient  élevés  en  Italie,  l'émir  de 
Syracuse,  pendant  l'été  1084,  reprit  les  hostilités  contre  les  Nor- 
mands. Avant  le  mois  d'octobre,  la  flotte  de  Bernavertattacpia  de 
nouveau  les  côtes  de  Calabre  et  Nicotera  fut  encore  une  fois  pillée  ; 
les  Musulmans  ravagèrent  ensuite  les  environs  de  Reg-gio  et  brû- 
lèrent quelcpes  églises  ;  enfin  à  Rocca  d'Asino  ils  s'emparèrent 
du  monastère  de  la  Mère  de  Dieu  et  emmenèrent  toutes  les  reli- 
gieuses en  captivité'.  Cette  audacieuse  agression  paraît  avoir  eu 
un  grand  retentissement,  et  nous  voyons  que  les  chrétiens  se 
montrèrent  très  irrités  de  l'attaque  des  Musulmans.  Roger  se 
décida  à  reprendre  la  guerre  interrompue  depuis  plusieurs  années. 
Il  semble  bien  qu'à  ce  moment  les  haines  religieuses  aient  joué 
un  rôle  considérable.  Depuis  quelques  années,  entre  les  Musul- 
mans et  les  Normands  de  Sicile,  un  modus  vivendi  paraît  s'être 
établi;  à  partir  de  l'agression  contre  Nicotera,  la  situation  change. 
C'est  une  véritable  croisade  que  le  comte  de  Sicile  organise 
contre  les  infidèles  et  pour  préparer  l'expédition  qu'il  projette, 
nous  le  voyons  faire  appel  aux  passions  religieuses.  Les  cérémo- 
nies même  dont  sont  entourées  les  préparatifs  de  la  croisade 
montrent  que  Roger  a  cherché  à  utiliser,  à  exciter  la  haine  de  ses 
sujets  contre  les  Musulmans  de  Sicile.  Peut-être  en  agissant 
ainsi,  Roger,  auquel  l'attaque  de  Berna  vert  venait  de  montrer  la 
nécessité  de  terminer  la  conquête  de  la  Sicile  voulut-il,  en  donnant 
à  l'expédition  projetée  un  caractère  plus  religieux  que  politique, 
s'assurer  l'appui  de  l'Eglise  pour  maintenir  l'ordre  dans  ses  Etats 
et  prévenir  une  insurrection  de  ses  vassaux  d'Italie. 

Commencés  au  mois  d'octobre  1085,  les  préparatifs  de  l'expédi- 
tion occupèrent  le  comte  de  Sicile  jusqu'au  mois  de  mai  de  l'année 
suivante-.  Jourdain  avec  l'armée  de  terre  alla  attendre  son  père  au 

1.  Malaterra,  III,  VI,  2,  place  en  1085  la  prise  de  Syracuse.  Les  prépa- 
ratifs de  l'expédition  ont  duré  d'octobre  1084  à  mai  1085.  L'attaque  de  Ber- 
navert  est  donc  de  1084.  Amari,  op.  cit.,  t.  III,  p.  165,  place  en  1085  l'agres- 
sion de  Bernavert,  sans  donner  de  preuve. 

2.  Malaterra,  loc.  cit.,  dit  que  les  préparatifs  de  l'expédition  durèrent 
jusqu'au  21  mai.  Le  l*""  jour  la  Hotte  alla  à    Taormine  (20  mai),    le  second 


PRISE    DE    SVHACLSE  339 

cap  Santa  Croce,  un  peu  au  sud  de  Gatane  ;  il  y  fut  rejoint  par  la 
flotte  qui,  sous  les  ordres  de  Roger,  longea  lentement  la  côte  de 
Tile.  Tandis  que  l'armée  campait  au  cap  Santa  Croce,  le  comte 
envoya  en  reconnaissance  un  certain  Philippe,  fils  du  patrice 
Grégoire.  Monté  sur  un  vaisseau  léger,  dont  tout  Téquipage 
savait  larabe,  l'espion  put  pendant  la  nuit  pénétrer  dans  la  rade 
et  le  port  de  Syracuse  et  se  rendre  compte  du  nombre  de  vais- 
seaux dont  disposait  Bernavert.  Dans  la  nuit  du  23  au  24  mars  i, 
la  flotte  mit  à  la  voile  pour  Syracuse  où  elle  arriva  au  petit  jour. 
L'arrivée  des  Normands  ne  surprit  point  les  Musulmans  dont  la 
flotte  se  tenait  prête  au  combat.  Bernavert  lui-même  avait 
pris  le  commandement.  Dans  la  mêlée  qui  s'engagea  l'émir  de 
Syracuse,  pressé  par  les  Normands,  dut  abandonner  son  vaisseau  ; 
tandis  qu'il  passait  sur  un  autre,  il  tomba  à  la  mer  et  se  noya  entraîné 
par  le  poids  de  son  armure.  La  mort  de  Bernavert  paraît  avoir 
jeté  le  trouble  parmi  les  Musulmans,  qui  furent  complètement 
défaits.  Pendant  ce  temps  l'armée  de  terre  commençait  le  siège 
de  la  place,  dont  la  résistance  se  prolongea  jusqu'en  octobre.  Au 
moment  où  les  assiégés  ayant  perdu  tout  espoir  songeaient  à  se 
rendre,  la  veuve  et  le  fils  de  Bernavert  réussirent  à  forcer  le 
blocus  de  la  flotte  normande.  Deux  vaisseaux  musulmans 
emmenèrent  avec  eux  les  notables  de  la  ville,  qui  trouvèrent  un 
refuge  à  Noto.  Peu  après  leur  départ,  la  ville  traita  avec  le 
comte  Roger. 

Désireux  de  profiter  de  son  succès,  Roger,  après  avoir  récon- 
cilié ses  neveux  Roger  et  Bohémond  et  avoir  fourni  au  premier 
les  moyens  de  contraindre  à  l'obéissance  ses  vassaux  rebelles, 
poussa  avec  vigueur  la  guerre  musulmane,  et  se  décida  à  attaquer 
Hamùd,  l'émir  de  Gastrogiovanni,  qui  possédait  aussi  Gir- 
genti.  Le  l*"''  avril  1086,  l'armée  normande  vint  mettre  le  siège 
devant  cette  dernière  place  et  s'en  empara  le  25  juillet.  Parmi  les 
prisonniers  se  trouvèrent  la  femme  et  les  enfants  de  l'émir  de 
Gastrogiovanni.  Roger,  pour  se  concilier  l'esprit  de  Hamûd,  les 

à  Lognina  (21  mai),-  le  troisième  au  cap  Croce  (22  maii,   où  elle  séjourna 
un  jour  (23  mai).  C'est  un  samedi  (23  mai)  que   revient  Philippe  ;  le  départ 
de  la  flotte  a  lieu  dans  la  nuit  du  samedi  au  dimanche. 
1.  Malaterra,  IV,  5  et  suiv. 


340  CHAPITRE    XIll 

traita  avec  honneur.  Tandis  que  l'on  fortifiait  sa  nouvelle  con- 
quête, Roger  parcourait  la  région  environnante,  faisant  reconnaître 
partout  son  autorité.  En  peu  de  temps  il  occupa  douze  châteaux, 
dont  voici  les  noms  :  Platani,  Muxaro,  Guastanella,  Sutera,  Rahl, 
Bifara,  Micolafa,  Naro,    Galtanisetta,  Licata,  Ravanusa. 

Désormais  la  situation  des  Musulmans  de  Sicile  qui  ne  possé- 
daient plus  cpie  Noto,  Butera  et  Castrogiovanni,  était  désespérée. 
Hamùd  s'en  rendit  compte  et  iit  olfrir  à  Roger  de  se  livrer  à  lui. 
Toutefois,  craignant  d'être  massacré  par  les  siens,  s'il  parlait  de 
rendre  Castrogiovanni,  il  convint  avec  le  comte  de  Sicile  de  sortir 
à  jour  fixe  de  la  ville  et  de  se  laisser  prendre  dans  une  embuscade. 
Les  choses  se  passèrent  comme  il  avait  été  convenu.  Hamùd, 
prisonnier  de  Roger,  embrassa  le  catholicisme  et  reçut  de  grands 
biens  en  Calabre.  Privé  de  son  chef,  Castrogiovanni' résista  peu 
de  temps  aux  Normands  ;  les  habitants  se  décidèrent  à  traiter 
avec  le  comte  de  Sicile,  qui  occupa  les  fortifications  et  la  cita- 
delle. 

Son  intervention  dans  les  affaires  d'iUdie  n'empêcha  pas  Roger 
d'attaquer  les  dernières  places  qui  appartenaient  aux  Musulmans, 
à  savoir  Noto  et  Butera.  Au  début  d'avril  1088,  le  comte  Roger 
alla  assiéger  Butera'.  Obligé  de  se  rendre  à  Troina  auprès  d'Ur- 
bain II,  Roger  laissa  son  armée  devant  la  place,  qui  ne  fut  prise 
qu'à  son  retour  ;  les  habitants  furent  en  partie  envoyés  en 
Calabre.  En  février  1091,  Noto,  la  dernière  ville  de  Sicile  qui 
appartint  encore  aux  Musulmans,  se  décida  à  traiter.  Les  habi- 
tants envoyèrent  une  ambassade  à  Mileto,  où  se  trouvait  Roger. 
Celui-ci  imposa  à  la  ville  un  cens  annuel  et  envoya  Jourdain 
occuper  en  son  nom  les  fortifications  delà  ville. 

La  rapidité  avec  laquelle  furent  prises  les  dernières  villes 
musulmanes  nous  montre  clairement  les  progrès  de  la  puis- 
sance de  Roger.  Il  ressort  avec  certitude  de  tout  ce  que  nous 
savons  que  le  comte  de  Sicile  dispose  d'une  armée  nombreuse, 
d'un  matériel  de  siège  et  d'une  flotte  bien  organisée.  C'est  là  ce 
qui  explique  que  la  durée  des  sièges  est  à  ce  moment  beaucoup 
plus  courte  qu'au  commencement  de   la  conquête. 

1.  Malaterra  IV,  12. 


CONQUÊTE    DE    l'iLE    DE    MALTE  341 

L'occupation  de  la  Sicile  ne  suffisait  pas  à  l'ardeur  belliqueuse 
de  Roger  qui,  aussitôt  après  sa  victoire,  commença  à  préparer 
une  grande  expédition  contre  les  Musulmans  de  Malte.  Pendant 
que  tout  s'organisait,  le  comte  eut  à  réduire  Mainier  d'Acerenza, 
qui  s'était  révolté  (mai  1091)  ;  puis  nous  voyons  Roger  aider  un 
instant  son  neveu  à  assiéger  Cosenza.  A  son  retour  en  Sicile,  le 
comte  laissant  à  Jourdain  le  commandement  de  l'île,  prit  lui- 
même  la  direction  de  l'expédition  qu'il  avait  organisée  contre 
Malte. 

Les  préparatifs  faits  par  les  Normands  effrayèrent  les  Musul- 
mans de  Malte  qui,  dès  son  arrivée,  firent  leur  soumission  au 
comtede  Sicile  et  lui  remirent  tous  leurs  captifs  chrétiens.  Enreve- 
nant  en  Sicile,  la  flotte  normande  pilla  l'île  de  Golisano.  Après 
l'expédition  de  Malte,  Roger  renonça  à  poursuivre  au  loin  les 
Musulmans.  Tout  occupé  de  l'organisation  de  ses  Etats,  Roger  se 
borne  à  profiter  des  difficultés  où  se  débat  son  neveu,  le  duc 
Roger,  pour  se  faire  accorder  de  nouvelles  concessions.  A  son 
retour  de  Malle,  il  va  aider  Roger  qui  assiège  Cosenza  et  en 
obtient  en  échange  de  son  aide  la  moitié  de  Palerme  (juillet  1092). 
Un  peu  plus  tard,  nous  le  voyons  réprimer  la  révolte  de  Guil- 
laume de  Grantmesnil  ;  c'est  à  ce  moment  qu'apparaissent  pour  la 
première  fois  en  Italie  les  troupes  musulmanes  que  le  comte  de 
Sicile  a  organisées.  Appuyé  sur  ce  noyau  de  troupes  solides,  le 
comte  Roger  protège  constamment  le  duc  de  Fouille.  A  Rossano, 
à  Tarsia,  à  Amallî  (1096),  à  Capoue  il  est  aux  côtés  du  duc  de 
Fouille  et  c'est  à  lui  que  celui-ci  doit  de  triompher  de  ses  ennemis. 
Malaterra  compare  le  héros,  dont  il  raconte  l'histoire,  à  une  poule 
abritant  ses  poussins  sous  ses  ailes.  Tout  ce  que  nous  savons 
confirme  le  témoignage  du  chroniqueur  et  il  semble  bien  que  ce 
soit  à  son  oncle  que  le  duc  de  Fouille  ait  été  redevable  de  la  plus 
grande  partie  de  ses  succès.  Un  acte,  de  1098,  nous  montre  le 
comte  de  Sicile  jouant  le  rôle  d'arbitre  et  rétablissant  la  paix 
entre  Robert  du  Frincipat  et  Fierre,  abbé  de  Venosa  K 

Il  nous  reste  à  parler  d'un  des  côtés  les  plus  intéressants  de  la 
politique  de  Roger  I",   ses  rapports  avec  la    papauté.  Après  la 

1.  Crudo,  op.  cit.,  p.  195. 


3i2  CHAPITRK  .XIII 

victoire  de  Cerami,  Roger  fît  part  au  pape  de  son  succès  et  lui 
envoya  des  présents,  mais  ce  fut  surtout  après  la  prise  de 
Palerme  que  les  rapports  devinrent  fréquents.  La  réorganisation 
du  culte  amena  entre  Rome  et  le  comte  de  Sicile  de  constantes 
relations.  Il  est  intéressant  de  voir  comment  Roger  chercha  à 
satFranchir,  même  dans  des  questions  religieuses,  de  l'autorité  du 
pape.  Pour  la  Calabre,  il  ne  me  semble  pas  qu'il  y  ait  eu  de 
difficultés  à  ce  sujet.  Nous  ne  sommes  d'ailleurs  renseignés  que 
pour  Mileto  et  Squillace,  car  nous  ignorons  si  les  deux  sièges  de 
Bova  et  d'Oppido  sont  de  fondation  byzantine  ou  normande, 
et  quant  aux  sièges  de  Santa  Severina,  Reggio,  Umbriatico, 
Nicastro,  Tropea,  ils  ont  tous  été  de  bonne  heure  latinisés  '.  A 
Mileto  les  choses  se  passèrent  régulièrement  ;  ce  fut  Grégoire  VII, 
qui  créa  le  siège  en  réunissant  les  deux  anciens  diocèses  de  Vibo 
et  de  Tauriana,  et  nomma  lévêque.  En  1087,  le  comte  Roger 
délivra  le  diplôme  délimitant  le  territoire  du  diocèse.  De  même, 
à  Squillace,  l'évêque  fut  institué  au  temps  d'Urbain  11  par  le  légat 
du  pape  (1096)  "-.  En  Sicile  les  choses  se  passèrent  différemment. 
Au  point  de  vue  ecclésiastique  la  situation  de  la  Sicile  difTérait 
de  celle  de  l'Italie  méridionale.  Les  églises  avaient  été  complète- 
ment dévastées  par  les  Musulmans  ;  seule  l'église  de  Palerme 
avait  réussi  à  se  maintenir  et,  au  moment  delà  prise  de  la  ville, 
les  Normands  trouvèrent  un  archevêque  grec,  qui  chassé  de 
l'église  Notre-Dame,  transformée  en  mosquée,  s'était  réfugié  dans 
une   petite   chapelle  dédiée  à   saint  Cyriaque^.  L'n  des  premiers 


1.  Cf.  Ugbelli,  op.  cil.,  t.  IX,  pp.  475,  526,  402,  451. 

2.  Ughelli,  op.  cit.,  t.  IX,  p.  944  et  p.  426.  Le  diplôme  de  Rog-er  pour 
Mileto  a  été  attaqué  par  di  Meo,  op.  cit.,  t.  VIII,  p.  209  qui  se  basait  sur- 
tout sur  le  faitque  l'oiiparlait,  en  1087,  deGrégoii'e  VII  comme  étantvivant. 
Ceci  est  inexact.  Dans  le  texte  grec,  il  est  dit  que  le  comte  a  été  demander 
à  Grégoire  VII  de  nommer  Févêque,  mais  il  n'est  pas  dit  à  quel  moment  a 
été  faite  cette  demande.  Il  me  paraît  probable  qu'à  Mileto  il  s'est  passé  un 
fait  analogue  à  celui  que  nous  constaterons  plus  d'une  fois  en  Sicile.  Ce  n'est 
souvent  que  plusieurs  années  après  la  nomination  de  l'évêque  que  le  comte 
délivre  les  diplômes  fixant  les  limites  du  diocèse.  Une  bulle  d'Urbain  II 
confirme  d'ailleurs  la  fondation  de  Mileto  par  Grégoire  VII.  Jaffé-L.,  5489. 

3.  II  s'agit  vraisemblablement  de  Santa  Ciriaca  entre  Palei'me  et  Mon- 
reale,  cf.  di  Giovanni,  Divisione  elnograftca  délia  popolazione  di  Palerino, 
nei  secoli,  XI,  XII,  XIII,  dans  Arch.  st.  Sicil.,  N.S.  t.  XIII,  pp.  2  et  3. 


CRÉATION    DES    DIOCÈSES    DE    SICILE  343 

actes  des  vainqueurs  fut  de  rendre  au  culte  l'église  principale  et 
d'y  rétablir  l'archevêque  K  Quelques  années  plus  tard,  une  bulle 
de  Grégoire  VII  (16  avril  1083),  nous  apprend  qu'un  archevêque 
latin  Auger  avait  remplacé  rarchevêque  grec  ~.  Comme  la 
plupart  des  sièges  de  Calabre,  le  siège  de  Palerme  passa  donc  au 
rite  latin  presque  immédiatement  après  la  conquête. 

Le  comte  Roger,  dans  le  reste  de  l'île,  se  préoccupa  de  réorga- 
niser le  culte,  mais,  dans  son  œuvre  de  restauration,  il  ne  paraît 
point  s'être  occupé  de  rétablir  les  anciens  évêchés,  et  distribua 
les  diocèses  d'une  manière  nouvelle.  Toute  cette  histoire  de  la 
fondation  des  évêchés  siciliens  est  très  obscure,  car  les  docu- 
ments, dont  nous  ne  connaissons  souvent  que  des  copies  assez 
tardives,  se  contredisent.  On  est  même  allé  jusqu'à  nier  l'authen- 
ticité de  tous  les  diplômes  de  fondation,  en  ne  faisant 
qu  une  exception  en  faveur  du  diplôme  pour  Syracuse  ^.  La  ques- 
tion a  été  reprise  récemment  par  M.  Caspar,  qui  a  montré  qu'au 
point  de  vue  diplomatique  rien  n'empêchait  d'admettre  l'authen- 
ticité de  ces  documents,  en  faveur  desquels  on  peut  invoquer  la 
parfaite  correspondance  existant  entre  leurs  données  et  celles 
fournies  par  les  chroniques  et  les  bulles  des  papes,  relatives  à 
la  fondation  des  évêchés  siciliens  ^. 

Un  fait  domine  le  rétablissement  de  la  hiérarchie  religieuse  en 
Sicile  ;  c'est  la  volonté  du  comte  Roger  de  faire  cette  réorganisa- 
tion à  son  gré  et  en  dehors  de  l'intervention  pontificale.  Pendant 
seize  années  cette  lutte  se  poursuivit  entre  Rome  et  le  comte  de 


1.  Malaterra,  II,  45. 

2.  JafFé-L.,  5258. 

3.  Starraba,  Contrihuto  allô  xhicfio  délia  diplomatica  siciliana  dei  tempi 
nonnanni.  Diplomi  di  fondazione  délie  chiese  episcopalidi  Sicilia  (1082-1093). 
dans.4rc/j.  st.  sic.  N.  S.,  t.  XVIII  (1893),  p.  30  et  suiv.  Salvioli,  Le  décime  di 
Sicilia  especialmente  quelle  di  Girgenti  (Palermo,  1901),  in-8,  combat  ég'ale- 
nient  rauthenticité.  De  même  Punturo,  Le  décime  Agrigenfine  ed  i  docu- 
menti  apocrifî  (Caltanisetta,  1901),  in-8,  et  Nerone  Longo,  Ricerche 
sui  diplomi  nonnanni  délia  chiesa  di  Troina  (Catane,   1899),  in-8. 

4.  Caspar,  Die  Griindungsurkunden  der  siciliachen  Bisliimer  und  die 
Kirchenpolitik  Graf  Rogers  I  (Berlin,  1902),  in-8.  publié  de  nouveau  en 
appendice  dans  Roger II,  p.  583et  suiv.  K.  Kehr,  op.  cit.,  p.  12-13  et  211-212, 
notes  5  et  10,  avait  déjà  détendu  Tauthenticitédu  diplôme  de  Roger  I«'' pour 
Girgfenti. 


344  CHAPITRE   -Xlll 

Sicile,  qui  linit  par  triompher  le  jour  où  il  obtint  le  titre  de  légat 
apostolique  '. 

En  décembre  1080 ',  le  comte  Roger  nomma  Robert  évêque  de 
Troina -^  et,  en  février  1081,  fixa  l'étendue  de  la  circonscription 
diocésaine  ^.  En  1082.  Grés^oire  VII  confirma  ce  choix,  mais  en 
protestant  contre  loubli  des  règles  canoniques  dans  Télection  de 
Févêque  et  en  réservant  expressément  pour  l'avenir  les  droits  de 
la  papauté  ^.  Ainsi,  dès  le  début,  se  trouva  posée  la  question  qui, 
jusqu'en  1098,  devait  mettre  aux  prises  la  papauté  et  Roger  P'".  Il 
semble  que  le  pape  ait  protesté  contre  la  création  de  nouveaux 
sièges  parce  qu'il  voulait  restaurer  les  anciens  sièges  épiscopaux  ^. 

D'après  Malaterra,  le  comte  Roger  aurait  fondé  ensemble  les 
évêchés  de  Syracuse,  Catane  et  Girgenti  ',  entre  1086  et  1088. 
La  date  assignée  k  ces  fondations  serait  admissible,  car  Syra- 
cuse est  aux  Normands  en  108o,  Catane  en  1080,  Gir- 
genti en  1086  ^.  Mais  les  diplômes  que  nous  possédons  contre- 
disent le  témoignage  du  chroniqueur,  car,  comme  on  le  verra,  ils 
sont  tous  postérieurs  de  plusieurs  années.  Il  semble  bien  que 
la  contradiction  qu'on  relève   ici  entre  les  documents  ne  soient 


1.  Dans  celle  lu  lie  Roger  chercha  à  s'appuyer  sur  certaines  familles 
romaines,  notamment  sur  les  Pierleoni.  Cf.  Kehr,  op.  cit.,  dans  YArchivio 
délia  società  romana  di  atoria  patria,  t.  XXIV,  p.  2o8. 

2.  Le  diplôme  de  fondation  porte  suivant  les  versions  la  date  de  décembre 
6588  ou  6589.  On  a  ainsi  décembre  1080  ou  1081.  Or  l'année  grecque 
commençant  le  1*^'"  septembre,  ou  a  respectivement  le  choix  entre  décembre 
1079  et  décembre  1080.  Je  ne  crois  pas  que  Ton  puisse  adopter  comme 
Caspar,  op.  cit.,  p.  CiOO,  la  date  de  1081.  Les  raisons  qu'il  donne  pour 
adopter  la  date  de  1081  sont  valables,  mais  il  faut  faire  à  la  date  d'année 
la  correction  qu'il  a  omise  de  faire.  Ainsi  tombe  également  une  des 
objections  qu'il  fait  à  l'adoption  de  la  date  de  1081,  février,  ind.  IV,  pour 
le  second  document  relatif  à  révêché  de  Troina,  cf.  Xerone  Longo,  Ricerche 
su  i  diploini  Xormanni  di  Troina,  App.  n"  2.  Le  classement  des  trois 
diplômes  relatifs  à  l'évèché  de  Troina  me  paraît  devoir  être  établi  tel 
qu'il  l'a  été  par  Garufi,  Arch.  st.  sicil.,  N.  S.,  t.  XXIV,  p.  675. 

3.  Starraba,  dans  Documenti  per  servira  alla  storia  de  Sicilia.  Série  I, 
Vol.  I.  I  Diplomi  delta  cathédrale  di  Messina,  p.  clxvii,  note  2. 

4.  Longo,  op.  cit.,  app.  2  et  Pirro,  op.  cit.,  t.  I,  p.  495.  Sur  la  critique  du 
texte  de  ces  trois  diplômes,  cf.  Caspar,  op.  cit.,  pp.  599-604. 

5.  Jaffé,  Bihl.  rer.  ijerin.,  t.  II,  p.  499. 

6.  Cusa,  op.  cit.,  t.  I,  p.  209,  Pirro,  t.  I,  p.  522. 

7.  Malalerra,  IV,  7. 

8.  Ibid.,  IV,  2.  III,  30,  et  IV,  5. 


CRÉATION    DES    DI0(.K:SES    DE    SICILE  345 

qu'apparente.  Nous  avons  vu  par  Texemple  de  Troina  qu'il  faut 
distinguer  entre  l'acte  par  lequel  le  comte  de  Sicile  nommait  un 
évêque  et  celui  par  lequel  il  fixait  les  limites  du  diocèse  '.  Ce 
dernier  peut  parfaitement  n'être  donné  qu'une  fois  terminés  les 
travaux  de  construction  de  l'église  ;  nous  en  avons  d'autres 
exemples  -.  Or,  comme  les  actes  que  nous  possédons  sont  tous 
relatifs  aux  circonscriptions  diocésaines,  rien  n'empêche  d'admettre 
que  Roger  ait  institué  vers  l'époque  fixée  par  Malaterra  des 
évéques  à  Syracuse,  à  Catane,  à  Girgenti.  On  peut  trouver  du 
retard  apporté  à  la  délimitation  des  diocèses  ime  explication 
satisfaisante.  En  1088,  nous  voyons  le  pape  Urbain  II  se  rendre 
en  Sicile  auprès  du  comte  Roger.  D'après  Malaterra,  le  pape 
voulait  entretenir  le  comte  de  Sicile  de  la  proposition  que  lui 
avait  faite  Alexis  Comnène  de  réunir  un  concile  pour  examiner, 
les  questions,  qui  divisaient  l'Eglise  grecque  et  l'Eglise  latine  -^ 
On  a  supposé,  et  semble-t-il  avec  beaucoup  de  probabilité,  que  le 
voyage  du  pape  avait  été  motivé  par  la  situation  de  l'Eglise 
sicilienne.  Probablement  instruit  des  nominations  faites  parle 
comte  Roger,  Urbain  II  se  serait  rendu  auprès  de  lui  pour  tâcher 
d'arriver  à  un  accord.  Il  semble  qu'il  y  ait  réussi,  car  la  bulle  du 
l*^'"  décembre  1091,  par  laquelle  il  confirme  l'élection  de  Tévêque  de 
Syracuse,  montre  que  l'élection  a  été  faite  canoniquement  avec 
le  consentement  des  évêcjues  de  Sicile  ''  et  que  les  rapports  entre 
le  pape  et  Roger  sont  très  bons.  L'acte  non  daté  de  Roger  fixant 
les  limites  du  diocèse  de  Syracuse  '  est  postérieur  au  voyage  du 
pape  ;  en  effet  celui-ci  donne  à  l'église  de  Syracuse  Noto  et  ses 
dépendances;  or,  c'est  seulement  en  février  1090  que  Noto  est 
tombé  au  pouvoir  du  comte.  Par  suite  l'acte  doit  vraisemblable- 
ment se  placer  entre  février  1090  et  décembre   1091, 

1.  Caspar,  op.  cit.,  pp.  603-G04. 

2.  Ihid.,  pp.  607-608. 

3.  Malaterra,  IV,  9.  Sur  la  date.  Cf.  Caspar,  op.  cit.,  p.  611,  note  i. 

4.  Il  faut  donc  entendre  qu'à  ce  nioment  il  y  a  d'autres  prélats  que 
l'archevêque  de  Palerme  et  l'évêque  de  Syracuse.  Pourtant  les  sièges  de 
Girgenti  et  de  Mazzara  ne  paraissent  avoir  été  reconnus  que  plus  tard  par 
la  papauté. 

5.  Starraba,  op.  cit.,  p.  44  et  Caspar,  np.ci/.,\).  412.  Cf.  Minier!  Hiccio, 
Saggio  di  codicediplomalico.  t.  I,  Sup.  I,  p.  G. 


346  r.IIAPITRE    XIII 

Le  différend  entre  Roger  et  le  pape  au  sujet  de  la  création  des 
évêques  de  Sicile  avait  été  tranché  par  un  compromis  .  Le  pape 
a-t-il  accordé  la  fondation  du  diocèse  de  Syracuse,  mais  refusé 
dérig^er  Catane  et  Girg-enti  en  évêché?  Gela  paraît  probable; 
pourtant  il  est  difficile  d'expliquer  que  le  pape  parle  des  évêques 
de  Sicile  alors  qu'en  décembre  1091  le  siège  de  Gatane  n'est  pas 
encore  reconnu.  De  même  nous  voyons  le  pape  refuser  d'ériger 
Lipari  en   évêché  ^. 

Le  comte  Roger  ne  se  contenta  pas  de  ce  résultat  et  employa 
des  moyens  détournés  pour  arriver  au  résultat  qu'il  désirait. 
Un  acte  du  9  décembre  1092  (1091  n.  s.)  nous  montre  installé  à 
Catane  Anchier,  qui  n'a  que  le  titre  d'abbé.  Or,  si  l'on 
remarque  que  Malaterra  raconte  que  Roger  nomma  un  moine 
de  l'abbaye  de  Sant'Eufemia,  évoque  de  Catane,  et  lui  soumit 
toute  la  ville  -,  et  que  d'autre  part  a  une  époque  un  peu 
postérieure,  l'évêque  de  Catane  est  en  même  temps  abbé  du 
monastère  de  Catane  ^,  on  est  amené  à  supposer  que  le  comte  de 
Sicile  commença  par  créer  à  Catane,  en  plein  centre  musulman, 
un  abbé  très  puissant  ^,  puis  demanda  au  pape  de  consacrer  sa 
fondation  et  d'élever  l'abbé  à  la  dignité  d'évêque.  Urbain  II  céda 
encore  et,  par  une  bulle  du  9  mars  1092,  il  éleva  ra])bé  de  Catane 
à  la  dignité  épiscopale  •''.  Par  un  moyen  détourné,  Roger  réussit 
donc  à  obtenir  la  création  d'un  troisième  siège  épiscopal. 

Nous  possédons  deux  actes,  datés  de  1093,  par  lesquels  sont 
fixées  les  circonscriptions  diocésaines  de  Girgenti  et  de  Mazzara  ''. 
Par  là  nous  voyons   que  Roger  continua,  malgré  l'opposition  du 

1.  Jafîé-L.,  5448. 

2.  Le  récit  de  Malatorra  ne  peut  g'uère  se  placer  fju'eii  lO'JI.  Caspar,  op. 
cH.,  p.  616. 

3.  Pirro,  op.  cit.,  t.  I,  pp.  o2.j  et  528. 

4.  Malaterra,  IV,  7. 

0.  Pirro,  op.  cit.,  t.  I.  p.  522.  Le  pape  justifie  sa  décision  sur  l'ancienne 
dignité  épiscopale  de  Catane.  Malgré  la  difficulté  qu'il  y  a  de  pénétrer  aux 
Archives  capitulaires  de  Catane,  j'ai  pu  entrevoir  l'acte  qui  y  est  conservé; 
je  crois  que  c'est  une  copie  et  non  un  original.  Les  éditions  en  sont  très 
défectueuses  et  très  incomplètes.  Parmi  les  souscrij)tions  figure  celle  de 
Mauger.  Cf.  Caspar,  op.  cit.,  p.  614,  note  3. 

6.  Garufi,  Larchivio  capitolare  di  Girgenti.,  dans  Arch.  st.  sicil.,  N.S., 
t.  XXVIII,  p.  140.  Starraba,  loc.  cit. 


CRÉATION    DES    DIOCÈSES    DE    SICILE  347 

pape,  la  création  des  évêchés  siciliens.  Nous  ne  savons  pas  si 
Urbain  II  protesta  contre  cette  nouvelle  usurpation  du  comte  de 
Sicile.  En  1096,  nous  voyons  Roger  réunir  sur  le  conseil  du  pape 
les  sièjïï^es  de  Troina  et  de  Messine  ^  Urbain  II  fit  une  dernière 
tentative  pour  revendiquer  les  droits  de  l'Eglise  sur  la  Sicile  ;  il 
nomma  Robert,  évèque  de  Troina-Messine,  légat  apostolique  -, 
Roger  répondit  à  cette  mesure  en  faisant  arrêter  l'évêque.  A 
quelle  date  éclata  ce  conflit.  Il  semble  qu'il  convienne  de  le 
placer  pendant  le  siège  de  Gapoue  ;  nous  voyons  en  elFet  que 
quand  le  pape  arrive,  il  est  bien  accueilli  par  le  comte  de  Sicile  ; 
d'autre  part  après  la  prise  de  la  ville,  quand  le  pape  apprend 
que  le  comte  Roger  a  gagné  Salerne  et  va  retourner  en  Sicile^  il 
se  hâte  de  se  rendre  à  Salerne  pour  le  voir  avant  son  départ,  car  à 
ce  moment  la  rupture  est  consommée.  Le  pape  obtint  de  Roger 
qu'il  reconnût  ses  torts  et  prît  l'engagement  de  ne  plus  arrêter 
les  évêques  ou  les  clercs  sans  jugement  canonique  '',  mais,  en 
échange  de  sa  soumission,  le  comte  de  Sicile  obtint  pour  lui,  son 
fils  Simon  et  ses  héritiers,  le  privilège  de  la  légation  apostolique. 
(5  juillet  1098)  '>. 

Dans  l'organisation  qu'il  donna  à  ses  Etats,  le  comte  de  Sicile 
se  montra  aussi  jaloux  de  son  autorité  que  dans  ses  rapports  avec 
Rome.  En  théorie,  le  comte  de  Sicile  est  le  vassal  du  duc  de 
Fouille,  mais  à  partir  de  la  mort  de  Guiscard,  Roger  est  beau- 
coup plus  puissant  que  son  seigneur  et  traite  avec  lui  presque  en 
égal.  Roger  a  partagé  et  distribué  ses  conquêtes  en  fiefs  à  ses 
compagnons,  mais  paraît  avoir  évité  de  créer  des  fiefs  trop  impor- 
tants ou  du  moins  les  a  réservés  à  des  membres  de  sa  famille. 
C'est  du  moins  ce  qui  résulte  du  peu  que  nous  savons  sur 
le  partage  de  la  Sicile  entre  Roger  et  ses  chevaliers.  Nous  avons 
vu  l'importante  concession  faite  à  Sarlon  ;  à  Butera,  nous  trou- 
vons Henri,  beau-frère  du  comte  Roger;  à  Syracuse,  Tancrède, 
fils  du  comte  Guillaume  du  Principat.  Parmi  les  seigneurs  nor- 
mands, dont,  nous  connaissons  les  noms,  très  peu  paraissent  avoir 


1.  Cusa,  o/j.  cit.,  t.  I,  p.  89.   Cf.  Caspar,  op.  cit.,  pp.  019-020. 

2.  Malaterra,  IV,  29. 

3.  P.  Kehr,  op.  cit.,  dans  Nachrichten  (1899),  p.  310. 

4.  Sur  la  légation  apostolique,  cf.  t.  Il,  troisième  partie. 


348  CHAPITRE    XTll 

possédé  des  fiefs  considérables.  Il  me  semble  que  Ton  peut 
tirer  cette  conclusion  des  quelques  diplômes  de  cette  époque  que 
nous  possédons  :  ainsi  dans  une  liste  des  donations  faites  au 
monastère  de  Patti,  nous  voyons  que  la  plupart  des  seig'neurs 
donnent  de  un  à  sept  vilains;  un  seul,  Raoul  Bonnel,  seigneur  de 
Carini,  en  donne  cent  '. 

Bien  que  nous  ne  connaissions  que  très  imparfaitement  l'or- 
ganisation donnée  à  la  Sicile  par  le  comte  Roger,  on  peut  néan- 
moins établir  quelques  faits.  L'ordre  le  plus  grand  a  présidé  au 
partage  de  la  conquête  ;  nous  savons  que  les  anciennes  divisions 
territoriales  datant  de  l'époque  musulmane  furent  conservées.  Dans 
un  diplôme  de  1094,  un  casai  est  donné  sccunclum  anUcas  divi- 
sioncs  Saracenorum'-,ei  dans  divers  documents  il  est  question  de 
la  division  en  iklîni,  qui  paraissent  correspondre  à  des  districts 
militaires  '.  Dès  le  début  de  la  domination  normande  nous  cons- 
tatons également  l'existence  de  plateœ'  ou  listes  remises  à 
chaque  feudataire  et  contenant  les  noms  des  vilains  habitant  les 
terres  qui  lui  étaient  concédées.  Nous  parlons  ailleurs  de  ces  docu- 
ments. Bornons-nous  à  constater  ici  que  le  fait  de  conserver  une 
organisation  antérieurement  établie  permet  d'expliquer  le  rôle 
important  que  nous  verrons  attribuer  aux  Musulmans  dans 
l'administration  financière  de  la  Sicile.  La  tolérance  dont  il  fit 
preuve  envers  ses  sujets  musulmans  assura  au  comte  Roger 
d'autres  avantages  ;  elle  lui  permit  de  hâter  la  soumission  de 
certaines  villes,  et  d'organiser  les  corps  de  troupes  musulmanes, 
qui  ont  assuré  sa  prépondérance  militaire  sur  tous  les  seigneurs 
de  1  Italie  du  sud,  y  compris  les  ducs  de  Pouille. 

Doit-on  attribuer  au  comte  Roger  la  création  de  ces  colonies 
lombardes,     dont   nous    constatons    l'existence     au    milieu     du 


1.  Cf.  le  texte  de  la  bulle,  dans  Caspar,  £>/?  Legatengeivall  (1er  Norman- 
nisch-sicilischen  Ilerrscher  ini  12.  Jahrhundert,  p.  32.  Le  même  auteur. 
Roger  II,  p.  G32  a  publié  un  dii)lôme  du  G  mai  1098  où  Roger  prend  déjà  le 
titre  de  légat.  Il  va  là  une  contradiction  qui  peut  s'expli<juer,  par  le  l'ait,  que, 
avant  la  délivrance  de  la  bulle,  Urbain  II  aurait  piomis  au  comte  de  le 
nommer  légat;  cf.  Caspar,  Die  Legalengeicalt,  p.  32. 

2.  Pirro,  op.  cit.,  t.  I,  p.  384. 

3.  Amari,  op.  cit.,  t.  III,  p.  310. 

i.  Cusa,  op.  cit.,  t.  I,  pp.  1  et  341. 


LES    COLONIES    LOMIÎARDES    DE    SICILE  349 

xii*'  siècle  ',  dans  diverses  villes  de  Sicile,  à  Butera,  Plazza,  Ran- 
dazo,  Vicari,  Capizzi,  Nicosia,  Maniaci  '-.  A  plusieurs  reprises 
Falcand  parle  de  ces  Lombards-^  habitant  la  Sicile.  Se  basant  sur 
le  témoig-nage  d'Ibn  el  Athir,  Amari  a  supposé  que  des  bandes 
d'aventuriers  italiens  s'étaient  joints  aux  conquérants,  et  a 
relevé  dans  des  diplômes  les  noms  d'un  certain  nomjjre  de  per- 
sonnages dont  l'origine  italienne  ne  saurait  être  douteuse'. 
L'étude  des  dialectes  de  certaines  rég-ions  de  la  Sicile  a  confirmé 
l'hypothèse  émise  par  l'auteur  de  la  Sforia  dei  niusubnani\  La 
parenté  de  ces  dialectes  avec  ceux  de  la  Lig-urie,  de  l'Emilie,  du 
Piémont,  de  la  Fouille,  permet  de  constater  qu'il  y  a  eu  en  Sicile, 
en  dehors  des  colonies  de  marchands  vénitiens,  génois  ou  amal- 
fitains,  un  nombre  considérable  d'immigrants  venus  un  peu  de 
toutes  les  parties  de  l'Italie  6. 


1.  Le  plus  ancien  document  daté  où  il  fait  allusion  à  ces  colonnes  est  de 
1145.  Garofalo,  op.  ci/.,  p.  19,  n.  Vil.  Cf.  Gregorio,  op.  cit.,  t.  1,  p.  167, 
note  2o. 

2.  Falcand,  op.  cit.,  pp.  70-155. 

3.  Ibid.,  pp.  77,  86,  93,  118,  133,  156. 

4.  Amari,  op.  cit.,  t.  111,  p.  218  et  suiv.  Voir  notamment  l'allusion  à  la 
langue  vulgaire  des  hommes  de  race  latine,  dans  le  diplôme  d'Ambroise, 
abbé  de  Lipari  (1133),  dans  Gregorio,  op.  cit.,  t.  1,  pp.  196-197.  Cf.  Fazello, 
De  rébus  siculis  (Catane,  1749),  in-f°,  déc.  I,  pp.  413-414. 

0.  Les  groupes  connus  sont  ceux  de  San  Fratello,  Xovara,  Piazza  Arme- 
rina,  Aidone,  Nicosia,  Sperlinga.  On  remarquera  que  certains  de  ces 
groupes  ne  figurent  pas  dans  l'énumération  de  Falcand.  Cf.  de  Gregorio, 
Ultima  parola  sulla  varia  origine  del  Sanfratellano,  nirnsiano  e  piazzese, 
dans  la  Ronuinia,  t.  XXVIll    1899),  p.  70  et  sniv. 

6.  Falcand,  op.  cit.,  p.  155,  dit  que  les  Lombards  olTrirent  vingt  mille 
hommes  à  Etienne  du  Perche.  Les  philologues  sont  loin  d'être  d'accord  au 
sujet  des  dialectes  de  l'Italie  auxquels  il  convient  de  rattacher  les  dialectes 
gallo-italici  de  Sicile.  Voici  l'indication  des  principaux  articles  :  de  Gregorio, 
(outre  l'article  de  la  Roinania  déjà  cité),  Fonetica  dei  dialetfi  (jallo-italici 
di  Sicilia,  dans  VArchivio  gloltologico  italiano,  t.  Vlll  (1882-1885),  p.  304et 
suiv.  ;  Affinilk  del  dial.  di  San  Fratello  con  quelli  delV  Emilia  (Turin,  18861, 
in-8  ;  Sulla  varia  origine  dei  dialetti  gallo-italici  di  Sicilia  con  osservazioni 
sui  pedeniontani e gli  eniiliani,  dans  VArchivio  st.  sicil.,  N.  S.,  t.  XX1I(1897), 
p.  390  et  suiv.  ;  Ancoraper  il principio  délia  varietàdi  origine  deidialetti gallo 
italicl  di  Sicilia,  dans  Studi  glottologici  italiani  (Turin,  1901),  t.  II,  p.  247 
et  suiv.,  et  notamment  p.  279.  Morosi,  Osservazioni  ed  aggiunte  alla  fone- 
tica dei  dialetti  gallo-italici  di  de  Gregorio,  dans  VArch.  glottol.  ital., 
t.  VIII,  p.  405  et  suiv.,  et  t.  IX  (1886),  p.  437  et  suiv.  Salvioni,  Del  posta 
da  Hssegnarsi   al   Sanfratellano  nel  sistenia  dei  dialetti  gallo-italici,  dans 


3o0  CHAPITRE  Xlll 

L'absence  de  documents  ne  permet  pas  d'établir  si  cette  immi- 
gration a  eu  lieu  sous  Roger  P""  ou  sous  Roger  II.  Toutefois,  un 
fait  certain,  c'est  que  celle-ci  ne  s'est  pas  produite  en  un  jour  ; 
nous  la  voyons  même  se  continuer  au  xiii^  siècle  ^  Néanmoins, 
il  paraît  probable  que  c'est  au  moment  de  la  conquête  que  les 
bandes  de  Lombards  ont  dû  venir  en  plus  grand  nombre  ;  comme 
d'autre  part  nous  voyons  le  comte  Roger  se  préoccuper  d'attirer 
des  habitants  dans  l'île,  dépeuplée  par  une  longue  série  de 
guerres,  et  prendre  des  mesures  pour  créer  de  nouveaux  centres 
de  population  -,  on  peut,  semble-t-il,  admettre  que  c'est  sous  son 
règne  que  l'immigration  lombarde  a  commencé. 

Rien  ne  montre  mieux  la  puissance  de  Roger  P""  que  le  fait 
de  voir  son  alliance  recherchée  par  tous  les  seigneur  importants 
de  l'Europe.  Le  comte  de  Provence,  Raimond  IV^  de  Saint-Gilles, 
le  roi  de  France,  Philippe  L'',  Conrad,  le  fils  d'Henri  IV,  et 
Goloman,  roi  de  Hongrie,  demandèrent  à  épouser  les  filles  du 
comte  de  Sicile. 

Roger  l"  fut  marié  trois  fois.  Il  épousa  en  premières  noces 
Judith,  fille  de  Guillaume  d'Evreux  3,  dont,  malgré  le  témoignage 
d'Orderic  Vital,  il  eut  au  moins  deux  filles  :  Adélaïde  mariée  à 
Henri  comte  de  Monte  San  Angelo,  fils  du  comte  Robert  ^  et 
Emma  qui,  après  avoir  failli  épouser  le  roi  de  France,  finit  par 


YArchivio  rjlotfol.  ital.,  t.  XIV,  p.  437  et  suiv.  ;  Ancora  dei  dialplti  c/allo- 
italici,  dans  la  Romania,  t.  XXVIII  (1899),  p.  409  et  sui\ .  ;  L.  Via,  Le 
cosidette  colonie  lombarde  di  Sicilia,  dans  VArchwio  st.  sicil.,  N.  S., 
t.  XXIV  (1899),  p.  1  et  suiv.  Dans  cet  article  et  dans  celui  de  De  Gregorio, 
Ancora  siille cosi-dette colonie  lombarde,  dans  VArchiv.  st.  sicil.,  N.  S.,  t.  XXV 
(1900),  p.  191  et  suiv.,  on  trouvera  l'indication  des  ouvrages  plus  anciens 
se  rapportant  à  cette  question. 

1.  lîuilliard  BréhoUes,  op.  cit.,i.  V,  p.  128. 

2.  Cusa,  op.  cit.,  t.  I,  p.  532.  Pirro,  op.  cit.,  t.  II,  p.  771.  Cf.  infra,  t.  II, 
troisième  partie,  chapitre  II. 

3.  Orderic  Vital,  t.  III,  pp.  83,  87  et  suiv.  Cf.  Delarc,  op.  cit.,  p.  378, 
note,  qui  a  éclairci  la  question  de  la  première  femme  de  Roger. 

4.  DiMeo,  op.  cit.,  t.  VIII,  pp.  227-228.  II  ne  faut  pas  confondre  Henri, 
frère  d'Adélaïde,  avec  Henri,  comte  de  Monte  San  Angelo.  Le  premier  est 
fils  de  Manfred,  tandis  que  le  second  est  fils  de  Robert.  Archives  de  la  Cava, 
F.  33  1 1124,  diplôme  du  comte  de  Paternoi  et  B.  27  (1083,  diplôme  d'Henri 
comte  de  Monte  San  Angelo). 


LA     FAMILLE     DE    ROGER    I^*"  351 

se  marier  à  Guillaume  III,  dit  VII,  comte  de  Glermout  '  ;  une 
fille  de  Roger  portant  ég-alement  le  nom  d'Emma  épousa  Raoul 
Machabée,  comte  de  Montescaglioso- ;  devons-nous  l'identifier 
avec  la  femme  du  comte  de  Clermont?  Je  ne  le  crois  pas,  on  verra 
plus  loin  pour  quelles  raisons.  De  même  Mathilde  qui,  vers  1080, 
épousa  le  comte  de  Toulouse,  paraît  être  l'aînée  des  filles  du 
premier  mariag-e-^  En  secondes  noces  Rog'er  P''  épousa  Erem- 
burge,  fille  de  Guillaume  de  Mortain  4,  et  (1089)  en  troisièmes 
noces,  Adélaïde,  fille  du  marquis  Manfred  et  nièce  de  Boniface  del 
Vasto,  seig-neur  de  Savone^.  Si  nous  savons  avec  certitude  qu'il  eut 
de  sa  troisième  femme  Simon  et  Roger,  nés  l'un  en  1093,  le  second 


1.  Malatorra,  l\ ,  8.  Cf.  Anselme,  Histoire  çjénôalogiqiip et  chronologique 
de  la  maison  de  France,  'M  éd.  (Paris,  1733),   t.  VII,  p.  47. 

2.  En  mai  1099,  Raoul  Macchabée  fait  une  donation  pour  l'àme  »  domine 
judelte  socrns  mee  »,  et  de  sa  femme  Emma,  Reg.  neap.  arch.  mon.,  l.  VI, 
p.  168. 

3.  Malaterra,  III,  22.  Cf.  Histoire  de  Languedoc  (n.  éd.),  t.  III,  p.  428, 
et  t.  IV,  pp.  31,  177,  196. 

4.  Ihid.,  IV,  14.  On  trouve  un  Pierre  de  Mortain  dont  la  présence  est 
mentionnée  en  Sicile,  Malaterra,  IV,  16;  Pirro,  op.  cit.,  t.  I,  pp.  76,  520;  de 
même  il  souscrit  l'original  (Archives  capit.  de  Catane)  de  l'acte  publié  par 
Pirro, o/).  c j7.  ,  p.  771  ;  dans  l'édition  sa  souscription  manque.  Gaspar,  op.  cit., 
p.  18,  fait  sans  raison  d'Eremburge   une  fille  de  Robert  de   Grantmesnil. 

5.  Son  frère  Henri  se  dit  fils  du  marquis  Manfred,  cf.  supra,  p.  350,  note  5. 
Les  principaux  ouvrages  où  est  examinée  la  question  de  la  famille  d'Adé- 
la'ide  sont  les  suivants  :  Savio,  //  marchese  Bonifazio  del  Vasto  e  Adelasia 
comtessa  di  Sicilia,  dans  AttidelV  Academia  délie  scienze  di  Torino,  t.  XXII 
(1886-1887),  p.  87  ;  Delfino  Muletti,  Meniorie  storico  diplomatiche  apparte- 
nenti  alla  città  e  ai  marchesi  di  Saluzzo  (Saluzzo,  1829),  t.  I,  p.  392  ;  Wus- 
tenfeld,  Cad.  AstenseMalaheyla,  dans  Atti  délia  reale  Academia  dei  Lincei, 
série  3,  t.  V,  p.  106  et  suiv.  ;  Desimone,  Sulle  marche  d'italia  e  sulle  loro 
diramazioni  in  marchesati,  Lettere  cinque  ail  (^omm.  Donienico  Promis,  dans 
Atti  délia  società  ligure  di  storia  patria,  t.  XXVIII  (Gènes,  1896),  in-8'', 
p.  7  et  suiv.  ;  du  même,  Sulla  discendenza  aleramica  e  sulla  diramazione 
de'  marchesati  délia  marra.  Hjid.,  p.  221;  cf.  H)ld.,  p.  272,  un  tableau  généa- 
logique des  descendants  d'Aleramo  ;  Casagrandi-Orsini,  Adelasia  moglie 
del  grand  conte  Ruggerio  e  lo  zio  Bonifazio  (1079-1090),  dans  «  Le  Grazie  » 
Riv.  mens.  diLettere  Scienze  ed  Arli,  t.  II  (Catane,  1900),  p.  69  et  suiv. 
Garufi,  Le  donazioni  del  conte  Edrico  di  Paterno  al  monastero  di  Valle 
Giosafat.  dans  la  Revue  de  VOrient  latin,  t.  IX,  p.  206  et  suiv.;  Brandileone, 
Udiritto  romanno  nelle  leggi  normanne  e  sueve,  p.  12,  fait  d'Adéla'ide  une 
nièce  de  la  comtesse  Mathilde;  son  opinion  a  été  combattue  justement  par 
Perla,  Arch.  st.  nap.,  t.  X,  (1885),  p.  173. 


352  CHAPITRE    XIII 

le  22  décembre  109o^  nous  ne  savons  laquelle  de  ses  deux  pre- 
mières femmes  fut  mère  de  son  fils  Geolfroi  ;  de  même 
nous  ig-norons  de  quel  mariao^e  naquirent  Constance  -,  qui 
épousa  Conrad,  Busilla'^,  mariée  à  Coloman,  Mathilde^,  mariée  à 
Rainolf,  comte  d'Avellino,  N.  mariée  à  Hugues  de  Gircé^, 
Judith,  mariée  à  Roger  de  Bassonville'',  N.  mariée  à  Robert  de 
Bourgogne"  et  Flandine,  mariée  à  Henri,  comte  de  Paterno, 
frère  d'Adélaïde'^. 

Une  difficulté  se  pose  au  svijet  de  deux  des  enfants  de  Roger  P""  : 
Geofîroi  et  Mauger.  Le  premier  nous  est  connu  par  Malaterra 
qui  raconte  que  Geolfroi  fut  marié,  comme  son  frère  Jourdain,  à 
une  sœur  de  la  troisième  femme  de  son  père,  Adélaïde,  mais  que 
ce  mariage  ne  fut  pas  consommé  parce  que  le  fils  du  comte  tom- 
ba malade.  Plus  loin  Malaterra  revient  sur  ce  sujet  et  à  propos 
de  la  mort  de  Jourdain,  fils  naturel  de  Roger  P""  (mort  le  18  sep- 
tembre 1091  j^,  il  raconte  que  Jourdain  fut  d'autant  plus  regretté 
qu'on  le  regardait  comme  le  futur  héritier  parce  que  le  comte 
n'avait  pas  eu  d'autre  fils  et  que  GeofTroi  était  atteint  de  la  lèpre  "^'. 
Or,  en  1120,  nous  trouvons  Geolfroi  de  Raguse,  fils  du  comte 
Roger,  mentionné  dans  un  diplôme  avec  ses  trois  fils  ".  Il  ne 
saurait  être  question    d'un  fils   de    Roger    II,    puisque    celui-ci, 


1.  Malaterra,  IV,  19.  Rom.  Sal.,  p.  427.  Roger  vécut  50  ans,  deux 
mois  et  cinq  jours,  et  il  est  mort  le  27  février  ll;i4.  Ci".  Amari,  op.  cit., 
t.  III,  p.  197,  note  7.  Tous  les  renseignements  sur  le  baptême  de  Roger 
par  saint  Rruno,  AA.  SS.,  6octobre,  p.  607  ne  l'oposent  sur  rien. 

2.  Malaterra,  IV,  14  et  18. 
.3.  Ibid.,  IV,  23. 

4.  Ibid.,  IV,  25. 

5.  Al.  Tel.,  I,  5.  Malaterra,  III,   10:  «  Iliigo  romilis  gêner.  » 

6.  Gavuû,  Idiplomi  piirpurei,  elc,  p.  26.FaIcand.  op.  cit.,  p.  9.  Judith  mou- 
rut un  24  septembre,  Xecrol.  Panorrn.,  dans  Forschuncjen,  t.  XVIII,  p.  473. 
Le  diplôme  de  Judith,  daté  de  1103,  publié  par  ChampoUion  Figeac.  éd. 
d'Aimé^  p.  327,  est  certainement  faux.  A  cette  date,  il  ne  peut  être  question 
de  Roger,  reyis  Siciliœ,  ducatus  ApulicV  et principatus  Cnpuœ.  Le  chiffre  de 
rindiction  est  également  faux. 

7.  Cf,,  infra.  p.  350. 

8.  Cf.  Pirro,  op.  cit.,  t.I,p.  021,  et  t.  II,  p.  933. 

9.  Xecrol.  Panorm.,  dans  Forschiingen,  t.  XVIII,  p.  473. 

10.  Malaterra,  IV,  14  et  18. 

11.  Pirro,  op.  cit.,  t.  I,  p.  525. 


LA    FAMILLE  DE    ROGER    l'""  353 

étant  né  le  22  décembre  1095,  ne  pouvait,  en  1120,  avoir  un 
fils  déjà  père  de  trois  enfants.  Geoiïroi  est  donc  le  fils  de  lioger  ^'^ 
S'ag-it-iliciduGeofTroi  mentionné  parMalaterra?  Certains  auteurs 
l'ont  admis  ',  mais  cela  me  paraît  difficile,  étant  donné,  d'une 
part,  les  détails  fournis  par  Malaterra  sur  la  maladie  de  Geof- 
froi,  maladie  qui  le  rendit  certainement  un  objet  dhorreur,  et, 
d'autre  part,  le  fait  que  Simon  succéda  sans  difficulté  à  son  père.  La 
solution  de  cette  question  me  paraît  être  fournie  par  un  diplôme, 
où  sont  mentionnés  deux  Geolfroi,  fils  du  comte  ~.  C'est  ce  second 
Geoffroi  qui  serait  mentionné  dans  divers  actes  de  1091  à  1095  3, 
car  il  serait  invraisemblable  d'admettre  que  le  Geoffroi  atteint  de 
la  lèpre  soit  demeuré  à  la  cour  de  son  père.  D'autre  part,  il  n'y 
aurait  rien  d'étonnant  à  ce  que  le  comte  Roger  ait  eu  deux  fils 
portant  le  même  nom.  Remarquons  que  cela  a  été  le  cas  pour 
Tancrède  de  Haute  ville,  qui  eut  pour  fils  Guillaume  Bras  de  fer 
et  Guillaume  du  Principat.  Peut-être  devons-nous  constater  l'exis- 
tence de  ce  même  usage  à  propos  des  filles  du  comte,  car  il 
semble  bien  qu'il  faille  disting^uer  Mathilde,  femme  du  comte  de 
Provence,  d'avec  Mathilde,  femme  de  Rainolf.  Raymond  IV  se 
remaria  en  1094  avec  Elvire  ^  ;  il  est  donc  probable  qu'à  cette 
date  sa  première  femme  était  morte,  car  aucune  source  ne  men- 
tionne qu'elle  fut  répudiée.  Il  en  est  de  même  pour  Emma,  femme 
du  comte  d'Auvergne,  et  Emma,  femme  de  Raoul  ;  rien 
n'autorise  à  les  identifier.  Toutes  ces  questions  de  généalogie 
sont  fort  difficiles,  étant  donnée  l'absence  de  documents;  il  me 
semble  toutefois  que  l'on  doive  distinguer  entre  les  deux  Geof- 
froi et  ne  pas  tenir  le  comte  de  Raguse  pour  identique  au  fils 
lépreux  du  comte  de  Sicile. 

Certains    diplômes  sont  souscrits  par  Manger,  fils  du  comte  ; 


1.  Gai'ufî,  Adélaïde  nipote  di  Boiiifazio  del  Vaslo  e  Go/fredo  fUjliuolo  del 
(jran  conte  Ruggiero  (Palerme,  1905),  in-8°.  Je  ne  connais  malheureusement 
cet  ouvrage  que  par  un  compte  rendu  de  VArchivio  st.  sicil.,  N.  S.,  t.  XXIX, 
p.  432. 

2.  Regii  neapolit.  arc/ihni  mon.,  t.  VI,  p.  165.  Je  ne  liens  pas  compte  des 
documents  relatifs  à  saint  Bruno  où  Geoffroi  est  mentionné,  cf.  supra, 
p.  304,  note  2. 

3.  Cf.   Pirro,  op.  cil.,  t.  I,  pp.  .■)20,  523,  Mongitore,  op.  cit.,  p.   [2. 

4.  Histoire  du  Languedoc,   t.  111,  p.  428. 

Histoire  de  la  dominalion  normande.  —  Chalanuon.  23 


354  CflAPlTKE  XIII 

comme  la  plupart  de  ces  documents  sont  faux,  di  Meo  niait 
l'existence  de  Mauger  '.  Je  ne  crois  pas  que  Ton  doive  admettre 
cette  opinion,  puisque,  en  dehors  des  documents  justement 
incriminés,  Maug^er  est  mentionné  dans  des  diplômes  d'une  région 
toute  différente.  On  ne  saurait  reg-arder  Malaterra  comme  nous 
ayant  rig-oureusement  renseig-né  sur  tous  les  enfants  du  comte 
de  Sicile,  car  il  ne  parle  pas  de  plusieurs  d'entre  eux. 

Sauf  une  révolte  sans  importance,  qui  suivit  la  mort  de  Jour- 
dain, le  comte  Roger,  sur  la  fin  de  sa  vie,  n'eut  pas  à  soutenir  de 
nouveaux  combats.  C'est  à  Mileto  que  s'éteignit,  le  22  juin  1101, 
le  conquérant  de  la  Sicile  et  c'est  là  qu'il  fut  enterré  -.  Avec  lui 
disparait  le  dernier  survivant  de  l'époque  héroïque  de  la  conquête  ; 
son  successeur  sera  plus  un  politique  qu'un  soldat,  mais  si 
Roger  II  réussit  à  établir  sa  domination  sur  toutes  les  posses- 
sions normandes  d'Italie,  c'est  en  grande  partie  à  la  forte  orga- 
nisation donnée  par  son  père  à  ses  Etats  qu'il  en  fut  redevable. 


1.  Cf.  supra,  p.  304,  n.  2;  Parisio,  Due  documenli  inediti  délia  Certosa  di 
S.  Stefano  del  Bosco  (Xaples,  1889),  p.  6;  Nerone  Longo,  op.  cit.,  p.  46;  en 
outre  dans  le  diplôme  des  archives  de  la  cathérale  de  Catane,  inexacte- 
ment et  incomplètement  reproduit  par  Pirro,  op.  cit.,  t.  I,  p.  384,  figure  la 
souscription  de  Manger.   Ci'.  Caspar,  op.  cit.,  p.  21. 

2.  Edrisi,  B.A.S.,  t.  I,  p.  ol.  On  conserve  encore  à  Naples  le  sarcophage 
du  comte  Roger.  Cf.  L.  de  la  Ville  sur  Yvon,  La  tomba  di  RiKjgiero  conte 
di  Calabria  e  di  Sicilia,  dans  Napoli  nohilissinia  (1892j. 


CHAPITRE  XIV 


LA  REGENCE  D  ADELAÏDE  ET  LES  PREMIERES  ANNEES 
DU  COMTE  ROGER 


Nous  manquons  presque  totalement  d'informations  sur  l'his- 
toire sicilienne  durant  la  régence  d'Adélaïde  :  pour  cette  période, 
les  chroniques  et  les  documents  diplomatiques  nous  font  égale- 
ment défaut. 

Le  grand  comte  Roger  laissait  deux  fils  Simon  et  Roger  ;  le 
premier  succéda  à  son  père  sous  la  tutelle  d'Adélaïde'.  Alexandre, 
abbé  de  Telese,  est  le  seul  historiographe  qui  nous  ait  transmis 
quelques  renseignements  sur  la  jeunesse  des  enfants  de  Roger. 
Le  peu  qu'il  raconte  ne  nous  fait  guère  regretter  sa  brièveté. 
Ecrite  avec  le  désir  évident  de  plaire  à  Roger  II,  l'œuvre  de  l'abbé 
de  Telese  a  une  tendance  très  marquée  à  l'apologie.  Dans  la  pre- 
mière partie  de  son  ouvrage,  l'auteur  a  la  préoccupation  évi- 
dente de  montrer  que  Roger,  dès  sa  plus  tendre  enfance,  possé- 
dait les  qualités  par  lesquelles  il  devait  se  distinguer  plus  tard. 
II  suffira  d'indiquer,  comme  preuve  de  cette  tendance,  le  pas- 
sage où  Alexandre  nous  raconte  longuement  que  le  futur  fonda- 
teur de  la  monarchie  sicilienne,  dès  l'âge  de  cinq  ans,  battait  et 
rossait  son  frère  aîné  en  le  menaçant  de  lui  enlever  plus  tard 
tous  les  biens  qu'il  avait  hérités  de  son  père.  Au  lieu  de  ces  détails 
sans  grand  intérêt,  nous  préférerions  avoir  des  renseignements 
sur  la  politique  suivie  par  Adélaïde  pendant  sa  régence,  et  com- 
pléter ainsi  le  peu  que  nous  savons  par  les  très  rares  et  très 
brèves  mentions  de  diverses  chroniques. 

L'Anonyme  du  Vatican  -  parle  en   termes   très  vagues  d'une 

1.  Al.  Tel.,  op.  cit.,  I,  2,  p.  90.  Romuald  de  Salerne,  ad  an.  1101,  dans 
M.G.H.  SS.,  t.  XIX,  p.  413.  Anon.  Val.,  dans  Muiatori,  R.I.SS.,  t.  VIII, 
p.  777. 

2.  Anon.  Vat.,  loc.  cit. 


356  CHAPITRE    XIV 

guerre  qu'Adélaïde  dut  soutenir  contre  les  g-ens  de  la  Fouille. 
Faut-il  entendre  par  là  qu'il  y  a  eu  une  révolte  des  vassaux  conti- 
nentaux du  comte  de  Sicile?  S'agit-il  de  la  rébellion  de  quelques 
villes  ou  de  difficultés  s 'étant  élevées  entre  Roger  et  le  duc  de 
Fouille  ?  Il  nous  est  impossible  de  le  savoir  avec  précision. 
Tout  ce  que  nous  pouvons  établir,  c'est  qu'une  grave  révolte 
des  vassaux  du  jeune  comte  éclata  en  Sicile  et  qu'Adélaïde  réus- 
sit à  la  réprimer  •. 

Orderic  Vital  nous  fournit  un  autre  renseignement  relatif  à 
cette  même  période  -.  D'après  lui,  la  veuve  de  Roger  pf",  voyant 
qu'elle  ne  pouvait  gouverner  et  défendre  les  Etats  de  son  fils, 
aurait  fait  venir  auprès  d'elle  Robert,  fils  du  duc  de  Bourgogne, 
Robert  I*"",  et  de  la  duchesse,  Hélie  de  Semur,  et  lui  aurait  fait 
épouser  sa  fille.  Durant  dix  années,  Robert  aurait  joué  un  rôle 
important  ;  il  serait  même  devenu  si  puissant,  en  Sicile,  que  sa 
belle-mère,  inquiète  et  jalouse,  l'aurait  fait  empoisonner.  Nous 
verrons  que  la  régente  quitta,  en  1113,  les  États  de  son  fils  ;  il 
conviendrait  donc  de  placer  en  1102  ou  1103,  au  plus  tard,  l'arrivée 
de  Robert  de  Bourgogne. 

Amari  s'est  élevé  contre  le  récit  d'Orderic  Vital,  auquel  il 
reproche  d'être  rempli  de  récits  fabuleux  et  d'être  très  mal  dis- 
posé envers  les  Italiens'^.  L'auteur  de  la  Storia  dei  Musulmani 
appuie,  en  outre,  son  opinion  sur  le  fait  que  la  souscription  de 
Robert  de  Bourgogne  ne  se  trouve  dans  aucun  des  actes  qui  nous 
sont  parvenus,  et  que  les  chroniques  siciliennes  sont  muettes  à 
l'égard  de  ce  personnage.  L'opinion  d'Amari  ne  me  paraît  pas 
très  justifiée,  car  Orderic  Vital  est,  en  général,  très  bien  rensei- 
gné sur  les  affaires  de  l'Italie  du  Sud,  ce  qui  s'explique  très 
facilement,  si  nous  songeons  aux  nombreuses  et  fréquentes  rela- 


1.  Cusa,  op.  cit.,  t.  I,  p.  334.  Il  est  fait  également  allusion  à  cette  révolte 
dans  un  acte  de  1123,  Cusa,  op.  cit.,  t.  I,  p.  471.  Cf.  Ihid.,  t.  1,  p.  312, 
où  il  est  fait  allusion  aux  empiétements  du  clergé  pendant  la  minorité  de 
Roger.  K.  Kehr,  op.  cit.,  p.  321,  a  montré  que  l'acte  grec  était  vrai,  mais 
que  la  traduction  latine,  Starabba,  I  diplomi,  etc.,  t.  1,  p.  12,  était  fausse. 

2.  Ord.  Vit.  XIII,  13,  t.  V,  pp.  32  et  33.  Cf.  Petit,  Histoire  des  ducs  de 
Bourgogne  de  la  race  capétienne,  t.  I  (Paris,  188.3),  p.  100. 

3.  Amari,  op,  cit.,  t.  111,  p.  347. 


RÉGENCE     DADÉLAÏDr:  357 

lions  qui  existaient  à  cette  époque,  entre  la  Normandie  et  le 
midi  de  la  Péninsule.  D'autre  part,  il  ne  me  paraît  point  exact 
de  parler  de  l'animosité  d'Orderic  contre  les  habitants  de  la 
Sicile.  On  ne  saurait  non  plus  invoquer  ici  le  silence  des  chro- 
niques italiennes  :  toute  l'historiographie  de  cette  période  est, 
en  effet,  très  pauvre  et  la  principale  chronique,  celle  de  l'abbé 
deTelese,  est  très  sommaire  jusqu'à  l'année  H 27;  l'auteur  est 
très  succint,  et  passe  soigneusement  sous  silence  tout  ce  qui  n'est 
pas  à  l'avantage  de  son  héros  ou  de  la  famille  de  celui-ci.  Ainsi 
il  ne  dit  pas  un  mot  du  mariage  d'Adélaïde  avec  le  roi  de  Jéru- 
salem, mariage  qui  devait  se  terminer  de  lamentable  façon  pour 
la  mère  de  Roger,  et  ne  mentionne  pas  davantage  les  premières 
expéditions  de  Roger  en  Afrique,  parce  qu'elles  aboutirent  à  des 
échecs.  Il  y  a  là  un  parti  pris  évident  de  taire  tout  ce  qui  pour- 
rait mettre  une  ombre,  même  légère,  à  la  gloire  du  premier  roi  de 
Sicile. 

On  ne  saurait  davantage  invoquer  le  silence  de  Falcon  de 
Bénévent  ou  de  Romuald  de  Salerne.  Les  choses  de  Sicile  sont 
très  rarement  mentionnées  chez  le  premier  ;  quant  au  second, 
écrivant  à  une  époque  relativement  éloignée  des  événements,  il 
a  omis  des  faits  bien  autrement  importants  que  l'arrivée  de 
Robert  de  Bourgogne. 

Reste  l'argument  tiré  par  Amari  du  silence  des  diplômes.  Si 
pour  la  période  dont  il  est  ici  question,  nous  possédions  une  très 
grande  quantité  de  documents  d'ordre  diplomatique,  on  pourrait 
s'étonner  de  ne  pas  y  rencontrer  la  souscription  d'un  personnage 
ayant  joué  un  rôle  aussi  important  que  celui  attribué  à  Robert 
par  Orderic.  Mais,  étant  donnée, pour  le  début  du  xii''  siècle, 
l'extrême  pénurie  des  documents  de  ce  genre,  on  ne  peut  tirer  de 
là  aucune  conclusion  pour  infirmer  le  témoignage  du  chroniqueur 
normand. 

Nous  allons  exposer  le  peu  que  nous  savons  sur  la  régence 
d'iVdélaïde.  Au  mois  d'octobre  1101,  Adélaïde,  se  trouvant  à 
San  Marco  ',  fait  à  Grégoire,  abbé  du  monastère  de  San  Filippo 
de    Démena,    donation  de  quatre  vilains    et  de   mille   pieds   de 

1.  San  Marco,  commune  de  Milazzo,  circond.  et  prov.  de  Messine. 


3"58  CIIAPITKE    XIV 

vigne  ;  elle  lui  accorde,  en  outre,  l'autorisation  de  construire  un 
moulin  au  bord  de  la  Panagia '.  Dans  ce  document,  sont  men- 
tionnés Simon  et  Roger.  L'auteur  de  la  Sicilia  sacra  indique,  à 
la  date  de  1102,  un  acte  de  Simon  et  d'Adélaïde,  en  faveur  du 
même  Grégoire  ;  il  s'agit  soit  du  même  acte,  soit  du  dijjlôme 
auquel  il  est  fait  allusion  dans  un  acte  de  Roger  II,  de  1145'. 
Simon  est  encore  mentionné  dans  des  actes  de  février  llOo-^  et 
de  mai  de  la  même  année  ^;  il  mourut  le  28  septembre  1 105  ;  en 
effet,  le  Nécrologe  de  Païenne  nous  donne  la  date  de  mois  de  sa 
mort  et  en  1108,  on  compte  la  troisième  année  du  règne  de 
son   frère  Roger  ■'. 

Nous  ne  possédons  pas  d'acte  de  Roger  II,  avant  1107''.  A 
cette  date,  Adélaïde  et  Roger  donnent  à  Ambroise,  abbé  de 
Saint-Barthélémy  de  Lipari,  la  dîme  des  Juifs  de  Termini  "  ;  de 
1107  ou  de  1 108,  est  la  donation  de  Farchina  au  monastère  Santa 
Maria  de  Marsala  '^. 

Le  25  mars  1 109,  Adélaïde,  se  rendant  à  Messine,  fait  une  dona- 


1.   Cusa,  op.  cil.,  t.  I,  j).  394.  On  doit  regarder  comme  faux  l'acte,  d"aoûl 
1101,  de  révoque  de  Locre,  qui  mentionne,  le  9  mai  1100,  la  présence  dans 
cette  région  du  comte  Roger,  et  de  sa  mère  Adélaïde.  En  mai  1100,  Roger 
n'est  pas  comte.  Trinchera,  op.  cit.,  p.  87. 
■  2.  Pirro,  op.  cit.,  t.  II,  p.  1028.  Cf.  Caspar,  op.  cil.,  Reg.  N»  191. 

3.  Gregorio,  op.  cit.,  t.  I,  p.  105,  note  31. 

4.  Cusa,  op.  cit.,  t.  I,  pp.  396  et  401. 

5.  Necrol.  Pan.,  dans  Forschungen,  t.  XVIII,  p.  473;  Rom.  Sal.,  ad 
an.  1101,  dans  M.G.II.SS.,  t.  XIX,  p.  413.  Chron.  Sic,  dans  Muratori  R.I.SS., 
t.  X,  p.  813;  Pirro,  op.  cit.,  t.  I,  p.  697  ;  Amari,  op.  cit.,  t. III,  p.  346, note, 
dit  qu'à  cette  époque  on  compte  la  quatrième  année  de  Roger.  C'est 
inexact;  voici  le  texte  rapporté  par  Pirro:  Anno  incarnalionis  clominicse 
f  108,  presulatus  inei  anno  IV,  Rogerii  Junioris  consulatus  anno  III,  etc. 

6.  Dans  Ughelli,  op.  ci7.,  t.  IX,  p.  291,  est  édité  un  diplôme  de  Roger, 
daté  de  1104,  indiction  XII,  Amari  pense  avec  raison  que  la  date  doit  être 
corrigée  en  1119.  Cf.  les  raisons  qu'il  donne,  loc.  cit.,  note.  Un  diplôme  de 
1104  est  cité  dans  [Capasso].  Uarchivio  di  slato  in  Napoli  dal  I SS3  fino  al 
iutlo  il  1898,  p.  7.  Je  n'ai  pu  avoir  communication  de  ce  diplôme  aux 
Archives  de  Naples  ;  mon  confrère  et  ami,  M.  Poupardin,  n"a  pas  été  plus 
heureux. 

7.  Archives  capitulaires  de  Patti.  Fund.,  f.  3,  la  date  d'après  l'indiction 
indiquée,  ind.  XV. —  Lipari,  circond.  etprov.  de  Messine.  Termini  Ime- 
x"ese,  ch.-l.  de  circond.,  prov.  de  Palerme. 

8.  Caspar,  op.  cil.,  Reg.,  n°  197. 


RÉGENCE    D 'ADÉLAÏDE  359 

tion  à  l'abbaye  de  San  Filippo  de  Démena  '.  Du  3  juin  de  la 
même  année,  nous  possédons  un  acte  en  faveur  de  Tabbé  de 
Sant'Elia  -.  Le  20  septembre  1109,  Roger,  résidant  à  San  Marco, 
fixe  les  limites  de  divers  biens  appartenant  au  monastère  de  San 
Barbaro  ■^.  Dans  cet  acte,  il  n'est  pas  fait  mention  de  la  comtesse 
Adélaïde.  On  ne  saurait  pourtant  en  conclure  que  la  régence  de 
cette  dernière  ait  pris  lîn  à  cette  date,  car  son  nom  réapparaît 
dans  les  diplômes  des  années  suivantes  '.  Un  acte  de  1145,  men- 
tionne un  diplôme  de  Roger  et  d'Adélaïde  donné  en  1109  en 
faveur  de  Tévêché  de  Squillace  \  Au  début  de  l'année  1110, 
Roger  et  Adélaïde  sont  à  Messine;  nous  avons,  du  mois  de  jan- 
vier, un  jugement  fixant  les  limites  des  possessions  du  monas- 
tère de  Sauf  Eufemia  et  de  l'église  de  Bagnara  ^.  Le  20  février, 
Roger  et  sa  mère,  résidant  toujours  à  Messine,  accordent  à 
Pierre,  élu  de  Squillace,  Téglise  Santa  Maria  de  Rochella  '.  Au 
mois  d'avril,  nouvel  acte,  également  daté  de  Messine,  renouve- 
lant à  Grégoire,  abbé  de  San  Filippo  de  Démena,  une  dona- 
tion faite,  en  1097,  par  le  grand  comte  Roger  ^.  En  septembre, 
nous  trouvons  Adélaïde  et  Roger  à  Troina  où  ils  confirment  à 
Grégoire,  abbé  de  Fragala,  les  biens  de  son  abbaye  et  renou- 
vellent un  acte  du  grand  comte  9.  En  mars  1112,  Roger  et  Adé- 
laïde, à  Messine,  confirment  au  même  personnage  une  donation 
du  comte  Simon  '". 


1.  Cusa,  op.  cit.,  t.  I,  p.  402. 

2.  Mgv  Battifol,  op.  cit.,  dans  la  Revue  des  Quext.  hisl.,  t.  XLII,  p.  562. 

3.  Cusa,  op.  cit.,  t.  I,  p.  403. 

4.  Cusa,  op.  cit.,  t.  I,  pp.  405,  407,  531. 

5.  Trinchera,  op.  cit.,  p.  185.  Le  texte  mutilé  laisse  néanmoins  voir  que 
l'objet  de  l'acte  est  identique  à  celui  de  l'acte  de  1110. 

6.  Kehr,  op.  cit.,  p.  411.  Voir  dans  Pirro,  op.  cit.,  t.  11,  pp.  712  et  1028, 
diverses  mentions  d'actes  pour  les  années  1110  et  1111. 

7.  Regii  archivii  neap.  mon.,  t.  VI,  app.,  n"  18.  Cf.  Jafîé-L.,  6259. 

8.  Cusa,  op.  cit.,  t.  I,  p.  405. 

9.  Caspar,  op.  cit.,  Reg.,  n°  15. 

10.  Cusa,  op.  cit.,  t.  I,  p.  407.  On  a,  du  mois  de  novembre  1112,  un  acte 
d'Adélaïde,  en  faveur  de  San  Filippo  de  Démena,  dans  lequel  son  fils 
Simon  est  mentionné  comme  vivant,  Cusa,  op.  cit.,  t.  I,  p.  409.  Cet  acte  faux 
a  été  fabriqué  à  l'aide  d'un  acte  d'octobre  ilOl,  auquel  sont  empruntées  les 
formules  et  tout  le  préambule.  Pirro,  op.  cit.,  t.  II,  p.  1027,  l'apporte  un 
acte  de  Roger  II,  de  1145,  oîi  un  diplôme  de  1112  est  confirmé  au  milieu  de 
plusieurs  autres  privilèges. 


360  CHAPITRE    XIV 

Roser  fut  fait  chevalier  entre  le  mois  de  mars  et  le  mois  de 
juin  1112,  à  Palerme.  A  cette  dernière  date,  en  etfet,  dans  un 
privilège  qu'il  accorde,  avec  sa  mère,  à  Gautier,  archevêque  de 
Palerme.  il  s'intitule  Rofferiiisjam  Miles,  jam  Cornes.  Cet  acte 
est  le  dernier  oi^i  intervienne  Adélaïde,  mais  nous  ne  pouvons 
fixer  la  date  exacte  à  laquelle  prit  iîn  sa  régence  '. 

Des  documents  qui  viennent  d'être  analysés,  on  peut  tirer 
deux  conclusions.  Tout  d'abord,  c'est  Adélaïde  qui  a  transporté 
le  siège  du  gouvernement  en  Sicile.  Jusqu'à  elle,  le  comte  de 
Sicile  avait  choisi  Mileto,  comme  résidence  ordinaire.  Avec  Adé- 
laïde, c'est  enSicile,  à  San  Marco,  à  Messine,  que  réside  le  plus  sou- 
vent le  jeune  comte,  dont  la  majorité  est  proclamée  à  Palerme, 
qui,  à  partir  de  ce  moment,  va  jouer  le  rôle  de  capitale.  En 
second  lieu,  si  nous  rapprochons  toutes  ces  donations,  la  plu- 
part faites  à  des  monastères  grecs,,  des  renseignements  que  nous 
fournit  la  vie  de  Barthélémy,  abbé  du  Patir,  nous  voyons  que  c'est 
très  probablement  Adélaïde  qui  a  commencé,  vis-à-vis  de  la 
population  grecque  de  ses  Etats,  à  suivre  une  politique  non 
seulement  de  tolérance,  mais  aussi  de  protection  "^.  On  com- 
prend qu'au  milieu  des  révoltes  des  barons  de  la  Sicile,  de  la 
Calabre,  elle  ait  cherché  à  s'appuyer  sur  l'élément  indigène,  et  à 
utiliser  l'influence  du  clergé  grec.  En  dehors  de  ces  constata- 
tions, nous  ne  savons  pas  ce  que  fut  le  gouvernement  de  la  veuve 
de  Roger.  L'abbé  de  Telese  se  borne  à  dire  que  la  régence  d'Adé- 
laïde fut,  pour  la  Sicile,  une  période  de  richesse  et  de  prospérité, 
et  Orderic  Vital  vante  les  richesses  que  la  veuve  de  Roger  P"" 
avait  amassées  ^'.  Peut-être  faut-il  voir  une  confirmation  de  ce 
témoignage  dans  le  fait  que  Baudouin,  roi  de  Jérusalem, 
demanda  en  mariage  la  comtesse  de  Sicile. 

De  longues  négociations  s'engagèrent  à  ce  sujet  ;  il  convient 
d'y  insister,  car  elles   nous   montrent   quels   étaient,    dès   cette 


1.  Pirro,  op.  cit.,  t.  I,  p.  80. 

2.  Cf.  Mgr  Battilbl,  L' Abbaye  de  Rossano,  p.  a.  L'opinion  de  Mgr  Battifol 
a  été  combattue  sans  arguments  valaiîles,  par  Minasi,  //  monasiero  b.isi- 
liano  di  S.  Pnncrazio  sullo  scnglii)  di  Scilla.  Xole  sloriche  e  docu menti 
(Naples,  1893 1,  in-8°,  p.  12. 

;}.  Al.  Tel.,  I,  III,  p.  90.  Ord.  Vital,  XIII,  5,  1,   t.  V,  p.  li.i. 


ALAKIAGE    U  ADELAÏDE 


361 


époque,,  les  rêves  ambitieux  caressés  par  Roger  II.  Vers  la 
fin  de  1112,  Baudouin,  roi  de  Jérusalem,  envoya  des  ambassa- 
deurs demander  en  son  nom  la  main  d'Adélaïde.  On  peut 
affirmer  que  Baudouin,  par  cette  démarche,  chercha  uniquement 
à  rétablir  sa  situation  financière  fort  compromise.  Le  roi  de  Jéru- 
salem se  trouvait  alors  dans  le  plus  profond  dénuement  ;  il  pou- 
vait à  peine  payer  la  solde  de  ses  chevaliers  et  subvenir  aux 
dépenses  de  sa  maison.  Il  lui  parut  que  les  richesses,  amassées 
par  la  prévoyante  et  habile  administration  d'Adélaïde,  seraient 
fort  utiles  au  relèvement  de  ses  affaires.  Cédant  aux  conseils 
d'Arnold,  qui  avait  succédé  au  patriarche  Gibelin,  mort  en  avril 
1112,  et  qui  joua,  dans  toutes  ces  nég-ociations,  un  rôle  fort 
louche,  Baudouin  lit  faire  des  ouvertures  k  la  cour  de  Sicile  ; 
elles  furent  accueillies  avec  faveur.  Adélaïde  se  laissa  séduire 
par  la  perspective  de  ceindre  une  couronne  ;  son  fils,  plus  posi- 
tif, chercha  à  tirer  parti,  au  mieux  de  ses  intérêts,  des  proposi- 
tions du  roi  de  Jérusalem.  Les  envoyés  de  Baudouin  durent 
prendre,  au  nom  de  leur  maître,  l'eng-agement  que  le  royaume  de 
Jérusalem  reviendrait  au  comte  de  Sicile,  dans  le  cas  où  le 
mariag^e  projeté  demeurerait  stérile.  Cette  condition  fut  acceptée 
sans  difficulté  par  les  ambassadeurs  de  Baudouin,  qui  étaient 
munis  de  pouvoirs  suffisants  pour  conclure  cette  alîaire  '. 

Adélaïde  et  son  fils  furent  complètement  joués  par  le  roi  de 
Jérusalem;  le  désir  de  s'assurer  des  droits  éventuels  à  la  couronne 
de  Jérusalem  empêcha  Roger  déjuger  clairement  la  situation. 
Au  moment  même  où  iLdemandait  la  main  d'Adélaïde,  Baudouin 
était  marié.  Il  était  bien,  il  est  vrai,  séparé  de  sa  femme.  Arda, 
mais  celle-ci  vivait  encore.  Guillaume  de  Tyr  s'apitoie  sur  le 
sort  d'Adélaïde,  qui  agit  avec  la  confiance  la  plus  grande  dans  la 
loyauté  du  roi  de  Jérusalem,  et  ne  dissimule  pas  que  le  roi  et 
le  patriarche  Arnold  ne  virent  et  ne  cherchèrent  dans  toute  cette 
affaire,  que  le  moyen  de  s'approprier  les  richesses  immenses 
qu'Adélaïde  passait  pour  posséder  -. 


1.  Guill.  de  Tyr,  XI,  21,  d<Tns  Hist.  occid.  des  crois.,  t.  1,  p.  487. 

2.  Guill.    de  Tyr,  XI,  21,  p.  488;  Guibert  de  Nogent,  VII,  47,  dans  Ilisl. 
occ.  des  crois.,  t.  IV,  [).  2')9  ;  Foucher  de  Chartres,  c.  ">i,  dans  Ilisl.  occ.  des 


362  CHAPITRE    XIV 

Pendant  l'été  de  Tannée  11 13,  la  veuve  de  Roger  P""  s'embarqua 
pour  ces  nouveaux  Etats  '.  La  future  reine  de  Jérusalem  voulut 
arriver  en  Terre  Sainte  dans  un  riche  et  somptueux  appareil  ; 
la  mag'nificence  qu  elle  déploya  paraît  avoir  vivement  frappé  les 
imaginations  de  ses  contemporains.  Adélaïde  partit  avec  une 
pompe  toute  royale,  emmenant  avec  elle  une  véritable  expédition 
de  secours.  La  flotte  sicilienne  comprenait  deux  trirèmes  ayant 
chacune  à  leur  bord  cinq  cents  chevaliers  et  sept  vaisseaux 
plus  petits  chargés  de  vivres,  d'armes  en  métal  précieux,  de 
pierreries,  d'or,  d'argent,  de  vêtements  et  de  riches  étoffes.  Un 
de  ces  navires  était  monté  par  un  corps  d'archers  musulmans 
aux  vêtements  éclatants.  Quant  à  Adélaïde,  elle  s  embarqua  sur 
un  vaisseau,  équipé  avec  un  luxe  recherché  ;  la  poupe  et  la 
proue  de  navire  étaient  recouvertes  de  matières  précieuses,  tandis 
qu'un  vélum  immense,  tout  tissé  d'or  et  d'argent,  était  destiné  à 
abriter  la  souveraine  des  rayons  du  soleil. 

La  traversée  fut  mouvementée  :  la  flotte  sicilienne  dut  repousser 
une  attaque  des  Musulmans  ;  elle  réussit  pourtant  à  gagner  sans 
encombre  le  port  de  Saint-Jean  d'Acre,  où  Baudouin  attendait 
Adélaïde.  Tandis  qu  à  travers  les  rues  de  la  ville  tendues  de 
riches  étotïes  et  couvertes  de  tapis  précieux  se  déroulait,  au 
bruit  des  trompettes,  le  cortège  royal,  la  mère  de  Roger  II  ne 
prévoyait  certes  pas  que  quatre  années  plus  tard,  la  même 
ville  de  Saint-Jean  d'Acre  la  verrait  repartir  pour  la  Sicile  en  bien 
pauvre  appareil. 

Le  mariage  fut  aussitôt  célébré,  la  dot  d'Adélaïde  fut  immé- 
diatement employée  par  Baudouin  à  indemniser  les  seigneurs 
latins  des  pertes  qu'ils  avaient  éprouvés  dans  la  guerre  contre  les 
Musulmans.  L'union  d'Adélaïde  fut  malheureuse,  et  dès  1 1 17, 
Baudouin  obtenait  l'annulation  de  son  mariage.  Le  2-\  avril,    la 


crois.,  t.  III,  p.  427;  Albert  d'Aix,  XII,  13,  14,  dans  Iliaf.  occ.  des  crois., 
t.  IV,  p.  696  ;  Sicard  de  Crémone,  Chr.  dans  Muratori,  R.I.SS.,  t.  VII, 
p.  529,  ad  an.  1113;  Anon.  Hist.  HierosoL,  c.  27,  dans  Ilist.  occ.  des  crois., 
t.  III,  p.  571.  Cf.  Kugler,  Albert  von  Aachen  (Stuttgart,  1885),  p.  394  ; 
Ilagenmeyer,  Ekkehardi  Hierosohjmita,  p.  298,  note  50,  et  Rôhricht, 
Geschichte  des  Kônigreichs  Jérusalem,  pp.  8  et  103. 
1.   Rôhricht,  op.  c//.,  p.  103. 


PREMIÈRKS    ANNÉES    DE    ROGER     II  363 

mère  de  Roger  s'embarquait  pour  la  Sicile,  où  elle  mourut  le 
16  avril  1118  *.  La  reine  de  Jérusalem  fut  ensevelie  dans  la  cathé- 
drale de  Patti  où  Ton  voit  aujourd'hui  son  tombeau,  œuvre  d'ail- 
leurs récente  ~. 

Les  mésaventures  d'Adélaïde  sont  le  seul  événement  de 
l'histoire  de  Sicile  de  ce  temps  sur  lequel  nous  ayons  quelques 
détails.  Les  premières  années  du  gouvernement  personnel  de 
Roger  II  sont  aussi  obscures  que  celles  de  sa  minorité.  Du  mois 
de  mai  1114.  est  un  diplôme  en  faveur  de  Méthode,  abbé  du 
monastère  basilien  de  Saint-Nicolas  de  Droso,  au  diocèse  de 
Mileto.  Ce  diplôme  et  les  nombreux  documents  du  même  genre 
que  nous  allons  citer,  nous  montrent  que  Roger  a  continué, 
envers  les  couvents  grecs, la  politique  de  sa  mère  'K  Pendant  l'été 
1H5.  le  comte  de  Sicile  séjourna  en  Italie;  du  mois  de  juin,  nous 
possédons  deux  actes,  l'un  en  faveur  de  Xicodème,  archimandrite 
du  monastère  basilien  de  Santa  Maria  de  Terreti  au  diocèse  de 
Reggio  '*  ;  par  le  second,  donné  à  San  Severino,  Roger  confirme 
au  monastèrede  Santa  Maria  de  Altilla,  en  Calabre,  une  donation 
faite  par  l'évêque  de  Cerenzia  •'.  Au  mois  d'août  de  la  même 
année,  le  comte  de  Sicile  est  à  Stilo  où  il  accorde  au  monastère 
de    Santa   Maria   di   Asarphia    diverses    faveurs  ''.    Du   mois   de 


1.  Guill.  de  Tyr,  XI,  2!).  Alhoit  d'Aix,  XII, 24,  p.  704,  Necrol.  Pan.,  dans 
Forschungen,  t.  XVIII,  p.  472.  Necrol.  cap.  Pal.,  Ibid.,  p.  474.  Foucher  de 
Chartres,  II,  59-60,  dans  Ilist.  occ.  des  crois.,  t.  III,  p.  43/5.  Ann.  Sic. 
M. G. H.  SS.,  t.  XIX,  p.  495.  Epistola  fratris  Conradi,  dans  Muratori,  H.I.SS., 
t.  I,  2,  p.  278.  Cf.  Kugler,  op.  cit.,  pp.  401-402  ;  Pirro,  op.  cit.,  t.  I,  p.  773, 
qui  donne  son  épitaphe  ;  Delaborde,  Chartes  de  Terre  Sainte,  p.  38,  n.  13, 
et  Savio,  op.  cit.,  Alti  d.  R.  Academia  di  Torino,  t.  XXII  (1886-1887), 
pp.  99-105. 

2.  Cf.  Salinas,  Nofizie  dec/li  scavi  d'antichith  del  Maggio  ISSO,  Extr.  des 
Atti  délia  P.  Academia  dei  Lincei  (1880),  p.  8. 

3.  Cf.  Mgr  Battifol,  op.  cit.,  dans  la  Rei'iie  des  Quest.  Hist.,  t.  XLII,  p.  562. 
Un  autre  diplôme  de  fll5  pour  le  monastère  de  San  Bartolomeo  est  cité 
dans  [Capasso],  L'archivio  di  stato  in  Napoli,  dal  ISS3  sino  a  tufto  il  IS9S, 
p.  7.  Cf.  supra,  p.  358,  n.   6. 

4.  Iluilliard  Bréholles,  op.  cit.,  t.  II,  p.  440. 

5.  Ug'helli,  op.  cit.,  t.  IX,  p.  477. 

6.  Trinchera,  op.  cit.,  n°  78.  Caspar,  op.  cit.,  p.  506,  place,  en  1130,  ce 
diplôme,  qui  n'est  daté  que  de  Tindiction  VIII.  Roger  prenant  encore  le 
titre  de  comte,  il  me  semble  que  la  date  de  1115  est  préférable. 


3fi'i-  CHAPITRE    XIV 

septembre  est  un  diplôme  en  faveur  de  l'église  de  Santa  Maria 
de  Stellis  à  Militello  '.  En  octobre,  le  comte  retournant  de 
Messine  à  Palerme  est  à  Oliveri,  où  il  fait  une  donation  à  l'abbé 
du  monastère  basilien  de  San  Pietro  e  San  Paolo  di  Agro  "-.  Enfin 
de  la  même  année  est  un  diplôme  en  faveur  du  monastère  basilien 
de  Gathona,  au  diocèse  de  Reg-gio,  diplôme  que  nous  ne  connais- 
sons que  par  la  mention  qui  en  est  faite  dans  un  acte  postérieur  3. 

Nous  possédons,  du  mois  de  septembre  1116,  un  acte  de 
Rog-er  en  faveur  d'Aug-er,  consul  de  Gènes,  et  de  son  frère, 
Ami  \  auxquels  le  comte  donne  un  terrain  à  Messine  pour  y 
élever  un  hôpital  ;  à  chacun  d'eux  il  accorde  annuellement  une 
livre  d'or  et  le  droit  d'importer  ou  d  exporter  des  marchandises 
jusqu'à  concurrence  de  soixante  taris  d'or,  sans  avoir  à  acquitter 
les  droits  de  douane.  Ce  document  est  particulièrement  intéres- 
sant ;  il  nous  montre  l'importance  de  Messine  au  point  de  vue 
commercial.  Dès  ce  moment,  la  ville  est  une  des  escales  les  plus 
fréquentées  par  les  vaisseaux  se  rendant  en  Orient  ou  en  revenant. 
Son  importance  est  suffisante  pour  que  les  Génois  y  aient  un  consul 
et  y  construisent  un  hôpital. 

En  octobre  1116,  le  comte  est  à  Palerme  et  réunit  l'église  San 
Pietro  de  Palerme  à  Santa  Maria  de  Bagnara  '.  Au  mois  de  mai 
1117,  le  comte  de  Sicile,  résidant  à  Mileto,  confirme  un  privilège 
de  Roger  I""  en  faveur  du  monastère  de  San  Filippo  di  Fragala  ''. 
En  juin,  le  comte  tient  sa  cour  à  Messine  •,  et  à  la  demande 
d'Hugues,  abbé  de  la  Sainte-Trinité  de  Venosa,  accorde  diverses 
exemptions  aux  monastères  grecs  dépendant  de  San  Martino, 
en  Calabre.  Pour  11  19  et  1 120,  nous  n'avons  que  peu  d'actes  du 
comte  Roger.  Citons  le  diplôme,  de  mai  H  19,  pour  Santa  Maria 


1.  Sur  la  date,  Cf.  Garufi,  7  diplomi,  etc.,  p.  18,  qui  place  l'acte  en  1130, 
et  la  correction  de  Caspar,  op.  cit.,  p.  489,  n°  29. 

2.  Pirro,  op.  cit.,  t.  II,  p.  1039. 

3.  Ibid.,  t.  II,  p.  978.  Cf.  Mgr  Battifol,  op.  cil.,  p.  ."j63. 

4.  Cusa,  op.  cit.,  t.  1,  p.  359. 

ri.  Pirro,   op.  cit.,  t.  1,  p.  (')20,  t.  II,  p.  799,  avec  la  date  de  1117,  ind.  10, 
111(1,  n.  s. 

6.  Cusa,  op.  cit.,  t.  I,  p.  383;  la  date  de  mois  indiquée  au  regeste,  p.  703, 
est  celle  du  diplôme  vidimé.  ^ 

7.  Crudo,  op.  cit..  p.  200. 


PREMIÈRES  ANNÉES  DE  ROGER  11  365 

di  Valle  Josaphat  '  qui  nous  est  connu  par  un  acte  postérieur. 
De  la  même  année,  sont  des  diplômes  en  faveur  de  Santa 
Maria  du  Patir  de  Rossano  -,  et  de  San  Bartolomeo  de  Trig-onio  ■'. 
En  1121,  Roger  confirme  une  donation  de  Guillaume  (^lulche- 
bret  ''.  De  la  même  année  est  le  diplôme  par  lequel  Roger  con- 
firme à  Nicodème,  archimandrite  de  Santa-Maria  de  Terreti, 
monastère  basilien  au  diocèse  de  Reg-gio,  certains  privilèges 
accordés  par  son  père  ''.  Cette  même  année,  nous  trouvons 
Roger  en  Calabre,  en  Fouille  et  à  Catanzaro  ^\  En  février  1122, 
le  comte  est  a  Messine  ',  où  il  a  une  entrevue  avec  le  duc  Guil- 
laume. En  janvier  1123,  Roger,  résidant  à  Palerme,  juge,  au  sujet 
de  la  possession  d'un  moulin  '^j  un  procès  entre  Bumadari,  fils 
de  Patterano  et  ses  frères  d'une  part,  et  Moriella  d'autre  part. 
En  juin  de  cette  année,  le  comte  va  en  Calabre  à  San  Mauro,  puis 
nous  le  retrouvons  à  Messine  ^. 

Pour  les  années  suivantes,  il  faut  indiquer  :  un  acte,  daté  de 
1124,  en  faveur  d'Anchier,  évêque  de  Catane,  auquel  Malaterra 
a  dédié  sa  chronique  i",un  diplôme  confirmant  à  Guillaume,  prieur 
de  Santa  Maria  de  Bagnara  une  donation  de  Tancrède,  comte  de 
Syracuse,  un  diplôme  en  faveur  de  Guérin,  abbé  de  San  Michèle 
Arcangelo,à  Montescaglioso  ". 

De  1 125,  est  un  diplôme  accordant  à  Gautier  Gavarecta  le  casai 
Sicamino  dans  le  Val  de  Milazzo  '".  La  même  année,  Roger  rési- 

1.  Cet  acte  est  cité  dans  un  diplôme  de  1144,  Garufi,  op.  ci/.,  p.  4o, 
n"  19. 

2.  Ughelli,  t.  IX,  p.  i'.ll.  Cf.  Amari,  op.  cil.,  t.  III,  p.  ;i4(),  noie  1. 

3.  Minieri  Riccio,  op.  cit.,  t.  I.  Sup.,  p.  11,  n"  9. 

4.  Cod.  Vat.  lat.,  8034,  f»  112. 

'».  IIuilliard-Bi'élioUes,  op.  cit.,  t.  II,  p.  441.  Cf.  Caspar,  op.  cit.,  Reg. 
n"  41. 

6.  Lit.  pont.,  t.  11,-f .  322.  Cf.  supra,  p.  322. 

7.  Falco  Benev.,  p.  186.  Romuald  de  Salerne,  dans  M. G. II.  SS.,  t.  XIX, 
p.  417. 

8.  Cusa,  op.  cit.,  p.  471. 

9.  Romuald  de  Salerne,  dans  M. G. H.  SS.,  t.  XIX,  p.  4l7.  Garufi,  op.  cit., 
p.  15. 

10.  Pirro,  op.  cit.,  t.  I,  p.  525;  de  Grossis,  op.  cit.,  p.  68. 

11.  Pirro,  op.  cit.,  t.  II,  p.  1243,  cf.  Caspar,  op.  cit.,  p.  58,  note  4,  et 
Reg.  n°  46.  Tansi,  op.  cit.,  app.  p.  157. 

12.  Garufi,  op.  cit.,  p.  11.  Caspar,  op.  cit.,  Reg.,  n"  47,  place  avec  raison  cet 
acte  en  1125,  à  cause  de  la  souscription  du  comte.     , 


366  CHAPITRE    XIV 

dant  à  Palemie  fait  à  Tévêque  de  Catane,  Maurice,  une  ample 
donation  K  Enfin,  en  juin  1126,  le  comte  autorise  l'union  de  San 
Filippo  de  Argiro  avec  Sainte-Marie  latine  de  Jérusalem  '-. 

En  dehors  de  ces  diplômes,  nous  avons  bien  peu  de  documents 
relatifs  à  l'histoire  intérieure  de  la  Sicile  pendant  la  première 
moitié  du  règne  de  Roger  II. 

Nous  savons  toutefois  que,  en  1117,  des  difficultés,  sur  les- 
c|uellesnous  sommes  renseignés  par  une  lettre  du  pape,  s'élevèrent 
entre  le  comte  de  Sicile  et  Pascal  II.  Ce  dernier  confirma  à 
Roger  II,  sur  sa  demande,  le  privilège  de  la  légation,  mais  il  le 
fit  en  termes  tels  que  la  bulle  ne  tendait  rien  moins  qu'à  trans- 
former le  comte  de  Sicile.de  légat  véritable,  en  simple  exécuteur 
des  décrets  promulgués  par  les  légats  pontificaux  que  le  pape, 
par  contre,  se  rései^vait  le  droit  d'envoyer.  Nous  ne  savons  pas 
ce  qu'il  advînt  de  cette  affaire  ;  il  est  probable  que  les  préten- 
tions pontificales  furent  rejetées.  Dans  tous  les  cas,  dès  cette 
date,  est  posée  la  question  qui,  plus  tard,  mettra  Roger  II  aux 
prises  avec  la  papauté  \  On  a  voulu  voir  dans  la  fondation  de 
l'abbaye  grecque  du  San  Salvatore  de  Messine  la  réponse  de 
Roger  à  la  lettre  pontificale,  mais  la  date  de  fondation  de  ce 
monastère  ne  nous  est  pas  connue  avec  une  certitude  assez 
grande,  pour  autoriser  à  admettre  cette  hypothèse  ^ 

Il  nous  reste  à  parler  de  la  politique  extérieure  du  comte  de 
Sicile.  On  a  vu.  dans  les  derniers  chapitres  de  l'histoire  du  duché  de 


1.  Pirro,  op.  cit.,  t.  I,  p.  525.  Ce  diplôme  conserve  aux  Archives  capi- 
tulaires  de  Catane,  est  publié  très  incomijlètement  dans  la  Sicilia  sacra. 
Parmi  les  souscriptions  notamment,  beaucoup  de  noms  ont  été  omis.  Nous 
possédons  encore  deux  actes  de  Rof^er  pour  le  monastère  de  San  Michèle 
Arcangelo  de  Montescaglioso  ;  di  Meo,  op.  cit..  t.  IX,  pp.  :i0'j-12  et  339, 
a  montré  que  ces  documents  étaient  faux. 

2.  Pirro,  op.  cit.,  t.  II,  p.  J24o.  Cf.  Kehr,  op.  cit.,  p.  71,  note  6. 

3.  JalTé-L.,  6362.  —  Toute  la  fin  de  la  lettre  montre  que  Roger  cherche  à 
tenir  en  mains  le  clergé  de  ses  États.  Cf.  Pet.  Diac,  Chr.  Cas.,  III,  49, 
M.G.H.SS.,  t.  VII,  p.  876.  Cf.  Wagner,  Die  unterilalischen  Normanncn  und 
das  Papsttum  (Breslau,  1883),  p.  21.  Caspar,  die  Legalencjewalt,  etc.,  p.  5, 
dità  tort  que  ce  document  est  demeuré  inconnu  en  Italie.  Cf.  Scadulo,  Siato 
e  chiesa  nelle  due  Sicilie  Palerme,  1887),  p.  180,  qui  a  très  bien  marqué 
rimportance  de  la  bulle  de  Pascal  11. 

4.  Caspar,  op.  cit.,  p.  54. 


[premières    expéditions    des    normands   en    AFRIQUE  367 

Pouille,  l'habileté  avec  laquelle  Roger  II  sut  profiter  des  embar- 
ras de  ses  cousins  pour  faire  à  leurs  dépens  d'importantes 
acquisitions  territoriales.  Nous  ne  reviendrons  point  ici  sur  ce 
sujet  ;  il  nous  suffira  d'opjDoser  à  la  faiblesse  du  gouvernement 
des  derniers  ducs  de  Pouille  la  puissance  du  comte  de  Sicile. 
Tandis  que  les  premiers  ne  pouvaient  maintenir  dans  l'obéissance 
leurs  turbulents  vassaux  et  voyaient  constamment  leur  autorité 
méconnue  et  bafouée,  le  second,  tranquille  possesseur  de  ses 
Etats,  pouvait  leur  prêter  l'appui  de  ses  armes  et  profiter  de  leur 
faiblesse  pour  accroître  ses  propres  domaines. 

Si  fi'éqaente  qu'ait  été  l'intervention  de  Roger  II  dans  les 
affaires  du  duc  de  Pouille,  il  n'y  avait  point  là  une  matière  suffi- 
sante à  son  activité.  Audacieux  et  entreprenant,  le  fils  du  grand 
comte  Roger,  comme  Robert  Guiscard,  rêva  toujours  d'étendre 
sa  domination.  Il  y  a  encore  en  lui  quelque  chose  du  caractère 
des  premiers  Normands  d'Italie  dont  l'ambition  insatiable  ne  fut 
jamais  satisfaite,  même  par  les  plus  invraisemblables  succès.  En 
lui  vit  encore  l'esprit  d'aventure  de  ceux  de  sa  race,  et  toujours 
il  lui  faudra  de  nouveaux  pays  à  soumettre,  de  nouvelles  conquêtes 
à  faire.  Mais,  doué  d'un  sens  politique  très  fin,  Roger  II  ne  se 
lança  pas  au  hasard  dans  de  téméraires  entreprises  ;  sa  conduite 
fut  inspirée  par  une  très  claire  et  très  nette  compréhension  de 
la  situation  politique  des  peuples  qui  l'entouraient  ;  il  mit  au 
service  de  son  ambition  une  habileté  consommée,  et  ne  se  pro- 
posa jamais  que  des    tâchas   qu'il  pouvait  réaliser. 

La  conquête  de  l'Afrique  du  Nord,  qui  fut  un  des  grands  actes 
de  la  politique  extérieure  de  Roger  II,  fut  tentée  par  lui  dès 
le  début  de  son  règne.  Les  chroniques  italiennes  ne  font  point 
mention  de  ces  premières  entreprises  ;  probablement  chez 
Alexandre  de  Telese,  ce  silence  est  volontaire,  car,  le  comte  de 
Sicile  n'ayant  pas  réussi,  son  biographe,  suivant  son  habitude,  a 
dû,  de  propos  délibéré,  passer  sous  silence  toutes  ces  premières 
expéditions.  Heureusement,  les  chroniqueurs  arabes  comblent, 
sur  ce  point,  les  lacunes  des  sources  occidentales,  et,  grâce  à  eux, 
nous  pouvons  reconstituer  assez  exactement  l'histoire  des  pre- 
mières tentatives  faites  par  Roger  II  pour  prendre  pied  en  Afrique. 

Par  sa  situation  géographique,  la  Sicile  est  appelée  à  être  en 


368  v:hapitre  xtv 

rapports  continuels  avec  le  Nord  de  l'Afrique  et  en  particulier 
avec  la  Tunisie.  Dès  Roger  P"",  les  Normands  entrèrent  en  rela- 
tions commerciales  avec  les  populations  qui  habitaient  alors  les 
côtes  de  la  Tunisie.  Roger  II  put  ainsi  connaître  la  situation  poli- 
tique des  divers  Etats  musulmans  et  se  rendre  compte  de  leur 
faiblesse.  Il  fut  ainsi  amené  à  concevoir  l'idée,  qui.  plus  tard, 
dirigea  sa  politique  extérieure,  c'est,  à  savoir,  de  centraliser 
dans  ses  Etats  le  commerce  de  la  Méditerranée,  en  se  rendant 
maître  des  deux  routes  maritimes  les  plus  importantes. 

J'ai  déjà  eu  l'occasion  d'indiquer,  en  passant,  que  la  Sicile, 
depuis  la  conquête  normande,  était  devenue  le  point  de  relâche 
des  vaisseaux,  qui  mettaient  en  communication  l'Orient  et  l'Occi- 
dent. Le  détroit  de  Messine  était  la  route  la  plus  fréquentée  par 
les  marchands  des  villes  italiennes,  qui  évitaient  ainsi  la  haute 
mer  et  échappaient  aux  croisières  des  corsaires  musulmans.  Mais, 
en  dehors  de  celte  route,  demeurait  tout  le  commerce  de  l'Egypte 
et  de  l'Espagne,  pour  lequel  les  ports  de  la  côte  d'Afrique  for- 
maient autant  d'échelles  naturelles.  Le  Maghreb  et  toute  la  côte 
de  la  Tunisie  et  de  l'Algérie  étaient  également  en  rapports  cons- 
tants avec  les  villes  maritimes  d'Italie  ;  nous  en  avons  la  preuve 
dans  les  nombreuses  expéditions  que  Pise  et  Gênes  furent  obli- 
gées d'organiser  pour  faire  respecter  leurs  marchands;  nous 
savons  également  qu'un  vaisseau,  appartenant  au  monastère  de 
la  Gava,  fréquentait  le  port  de  Tunis.  Ges  relations  continuelles, 
entre  les  habitants  des  deux  rives  de  la  Méditerranée,  expliquent 
l'intérêt  qu'il  y  avait  pour  le  comte  de  Sicile  à  se  rendre  maître 
des  côtes  de  l'Afrique  du  Nord. 

La  situation  politique  des  Etats  musulmans  devait  facilement 
fournir  à  Roger  l'occasion  d'intervenir  dans  les  affaires  africaines. 
On  sait  comment,  au  début  du  xi''  siècle,  le  royaume  ziride  avait 
été  fortement  amoindri  par  la  création  du  royaume  berbère  des 
Hammadites.  dont  la  capitale  fut  successivement  El  Gala  et  Bou- 
gie '.  Un  peu  plus  tard,  El  Moezz,  gouverneur  ziride  deKairouan, 


1.  El  Cala,  entre  Msilah  cl  Sétif.  Cf.  Mercier,  Histoire  de  l'Afrique  du 
Xord,  t.  I,  p.  .39o  et  suiv.,  et  Mas  Latrie,  RelaHunset  commerce  de  l'Afrique 
Seplentrionale  ou  Mayreb  avec  les  nations  chrétiennes  au  moyen  âye,  p.  32. 


RELATIONS    COMMERCIALES    DE    LA    SICILE    AVEC    l'aFRIQUE        369 

répudia  Tautorité  du  Khalife  fatimide  ElMostancer,  et  reconnut  le 
Khalife  abasside,  Abou  Djafer  El  Kaim  •.  Pour  punir  la  rébellion 
de  son  vassal,  El  Mostancer  lança  contre  lui  les  tribus  pillardes 
des  Arabes  hilaliens,  qui  avaient  été  transportés  par  le  Khalife 
El  Aziz,  des  déserts  de  THedjaz  dans  la  haute  Eg-ypte.  Chassé 
de  Kairouan,  El  Moezz  dut  se  réfugier  à  El  Medhea,  et  perdit  la 
plus  grande  partie  de  ses  États,  notamment  Tunis,  qui  reconnut 
l'autorité  des  Hammadites  ~ . 

Sans  entrer  dans  le  détail  des  événements  postérieurs,  il  suffira 
de  dire  que  l'arrivée  des  Arabes  hilaliens  amena  toute  une  série 
de  troubles  et  de  g-uerres,  à  la  suite  desquels  tout  le  pays  fut 
dévasté.  Comme  conséquences  de  cet  état  de  choses,  de  terribles 
famines  régnèrent  à  diverses  reprises  dans  toute  la  contrée.  C'est 
là  très  probablement  ce  qui  conduisit  la  Sicile  à  développer  ses 
relations  commerciales  avec  l'Afrique,  en  y  important  du  blé  en 
grande  quantité.  Cette  hypothèse  émise  par  Amari  paraît  fort 
justifiée  '^  Ibn  el  Athir  ''  raconte,  en  effet,  que  Roger  I*^'"  tirait 
chaque  année,  de  l'Afrique,  un  gros  revenu,  provenant  de  la 
vente  des  denrées.  Il  faut  très  probablement  entendre  par  là  que 
le  comte  de  Sicile  vendait  aux  Africains  le  blé  dont  ils  man- 
quaient. Le  même  auteur  •"',  et  aussi  Malaterra  '',  nous  apprennent 
que  le  grand  comte  de  Sicile  était  lié  par  des  traités  avec  Temim, 
prince  ziride  d'El  Medeah,  et  que  pour  cette  raison  il  refusa  d'ai- 
der les  Pisans  et  les  Génois  dans  une  expédition  contre  cette 
ville.  Nous  savons  en  outre  que  Roger  II  entretenait,  à  El 
Mehdeah,  des  agents  commerciaux  ". 

Des  rapports  amicaux  paraissent  aA'oir  également  existé  entre 
Roger  II  et  les  Hammadites  de  Bougie.  Pierre  Diacre,  en  effet, 


1.  Cf.  Mercier,  op.  cit.,  t.  II,  p.  1;>.  Mas  Latrie,  op.  cit..  p.  24. 

2.  Pour  le  détail  de  ces  événements,  cf.  Mercier,  op.    cit.,   t.  II,  p.  19. 

3.  Amari,  op.  cit.,  t.  III,  p.  189. 

4.  Ibn  el  AtLir,  El  Knmel  al  Tawarikh,   dans   Ilist.   or.  des  Crois.,  t.  I, 
p.  190. 

.5.  Loc.  cit. 

6.  Malaterra,   IV,  3. 

7.  Al  Bayan,  B.A.S.,  t.  II,  p.  33. 

Histoire  de  la  dominalion  normande.  —  Chalam>on.  24 


370  CIIAPITHE    XIV 

raconte  qu'il  suffît  de  rintervention  du  comte  de  Sicile  pour  faire 
relâcher  quelques  moines  retenus  prisonniers  k  Boug-ie  '. 

De  tout  cela,  il  semble  résulter  que  les  relations  entre  les 
Musulmans  d'Afrique  et  les  Normands  de  Sicile  ont  été  assez 
bonnes  durant  un  certain  temps;  elles  reposaient,  en  effet,  sur  le 
besoin  qu'ils  avaient  les  uns  des  autres,  comme  vendeurs  et  ache- 
teurs. Doit-on  voir  une  tentative  de  Roger  dans  l'attaque  diri- 
gée par  des  chrétiens  contre  El  Medeah  (entre  le  22  septembre 
1104  et  le  11  septembre  liOo)  "-?  Cela  paraît  peu  probable;  il 
s'ag"it  plus  vraisemblablement  ici  d'une  expédition  dirigée  par 
Pise  ou  par  Gênes.  De  même,  les  diverses  expéditions  envoyées 
contre  les  chrétiens  par  Yahya,  prince  ziride  d'El  Medeah,  doivent 
avoir  eu  pour  but  les  côtes  d'Italie,  mais  non  pas  la  Sicile.  Nous 
savons  toutefois  que,  en  1113,  les  Musulmans  débarquèrent  dans 
la  région  de  Salerne  et  de  Naples  'K 

D'après  Amari  %  Roger  II  aurait  été  en  mauvais  termes  avec 
les  princes  zirides  d'El  Medeah.  Le  témoignage  des  chroniqueurs 
me  paraît  combattre  cette  assertion.  Les  relations  entre  Musul- 
mans et  Normands  ne  paraissent  pas,  en  effet,  pas  avoir  été  trou- 
blées durant  le  règne  du  fils  et  successeur  de  Temin,  Yahya  (11 07- 
1116),  ni  durant  les  premières  années  qui  suivirent  la  mort  de 
ce  prince.  At  Tigani,  dont  le  témoignage  est  confirmé  par  Ibn 
el  Athir  •',  nous  apprend  que,  à  ce  moment,  plusieurs  ambas- 
sades furent  échangées  •'. 

Un  certain  relâchement  paraît  s'être  introduit  dans  l'adminis- 
tration musulmane  durant  le  règne  de  Yahya.  Ce  dernier  ne  sut 
pas  empêcher  quelques-uns  de  ses  sujets  d'empiéter  sur  ses  pré- 


1.  Pet.  Diac,  Chr.,  IV,  bO. 

2.  Ibn  el  Alhir,  B.A.S.,  t.  I,  p.  452,  moutionne  en  o03  31  juillet  1109  —  10 
juillet  1 1 10)  une  victoire  de  la  flotte  de  Yahva  sur  les  chrétiens.  Sur  l'expé- 
dition de  iH3,  cf.  Ann.  Cav.  ad  an.,  1113.  dans  M.G.II.SS.,  t.  III,  p.  191,  et 
Al  Bayan,  B..\.S.,  t.  II,  p.  33. 

.   a.   Ibn  el  Athir,  B.A.S. ,  t.  I,  p.  4o2.  Al  Bayan,  IbirJ.,  t.  II,  p.  33;  cl.  Ann. 
Cav.,  ad  an.  1 113. 

4.  Amari,  op.  cit.,  t.  III,  p.  368. 

5.  Ibn  el  Athir,  B.A.S.,  t.  I,  p.  4:):i. 

6.  At  Ti^rani,  B.A.S.,  t.  II,  pp.  6;;-6r).  Cf.  Ibn  Khaldoun,  B.A.S.,  t.  II, 
p.  20G. 


PREMIÈRE    EXPÉDITION    DES    NOHMANDS    EN    AFRIQUE  371 

rogatives.  C'est  ainsi  qu'un  certain  Rafî  Ibn  Makan  ad  Damouni, 
wali  de  Gabès,  fit  construire  et  équiper  un  vaisseau  pour  faire  le 
commerce.  C  était  là  une  usurpation  des  droits  du  prince  qui  se 
réservait  le  droit  de  trafiquer  en  mer.  Le  successeur  d'Yahya, 
Ali,  voulut,  dès  son  avènement,  faire  cesser  cet  abus  et  envoya 
une  flotte  pour  capturer  le  navire  de  Rafi.  Celui-ci,  pour  résister 
à  son  suzerain,  se  tourna  aussitôt  vers  le  comte  de  Sicile  et  solli- 
cita son  appui.  Roger  II  saisit  avec  empressement  l'occasion  qui 
lui  était  offerte  pour  intervenir  en  Afrique  et  promit  à  Rafi  de  le 
faire  appuyer  par  une  flotte.  L'alliance  ainsi  conclue  ne  tarda 
point  à  parvenir  à  la  connaissance  d'Ali.  Ce  fut  en  vain  que  ses 
conseillers,  prévoyant  les  dangers  d'une  intervention  du  comte 
de  Sicile  en  Afrique,  s'efforcèrent  de  le  persuader  qu'il  valait 
mieux  fermer  les  yeux  sur  les  agissements  de  Rafî  et  demeurer 
en  paix  avec  Roger  II,  Ali  se  refusa  à  toute  entente  '. 

Une  flotte  normande  forte  d'environ  vingt-quatre  vaisseaux  fut 
envoyée  par  Roger  à  Gabès.  Les  vaisseaux  siciliens  passant  en 
vue  d'El  Medeah  donnèrent  l'éveil  à  Ali,  qui  fit  aussitôt  appa- 
reiller sa  flotte  et  lui  donna  ordre  de  surveiller  les  navires  enne- 
mis. A  leur  arrivée  à  Gabès,  les  Normands  furent  bien  accueillis 
par  Rafî  qui  les  invita  k  un  grand  banquet.  Tandis  quils  étaient 
à  table,  les  troupes  d'Ali  débarquèrent  à  l'improviste  et  les  atta- 
quèrent. Les  Normands  surpris  eurent  le  dessous  et  réussirent 
avec  peine  à  gagner  leurs  vaisseaux.  Aussitôt  après  cet  échec,  la 
flotte  de  Roger  retourna  en  Sicile  ■^.  Ces  événements  sont  placés, 
par  les  chroniqueurs  musulmans,  à  l'année  oll  de  l'hégire  (5  mai 
1117-23  avril  1118  . 

Les  hostilités  ainsi  commencées  entre  Ali  et  Rafî  se  conti- 
nuèrent ;  le  premier  eut  d'abord  l'avantage,  et  réussit  à  s'empa- 
rer de  Gabès.   Rafi  dut  se  réfugier  à    Kairouaiï  d'où,    aidé    d'un 

1.  Al  Tii^ani,  B.A.S.,  t.  II,  p.  .'52.  Ibn  el  Athir,  B.A.S.,  1. 1,  p.  454. 

2.  At  Tigani,  B.A.S.,  t.  II,  p.  52.  D'après  Ibn  el  Athir,  B.A.S.,  t.  I, 
pp.  4o4-4oo,  il  n'y  aurait  pas  eu  d'engageuienl  ;  Rafi  voyant  arriver  la  flotte 
d'Ali  n'aurait  pas  voulu  livrer  bataille  et  les  Normands  seraient  aussitôt 
repartis.  An  Xowairi,  B.A.S.,  t.  II,  p.  154,  et  Ibn  Abi  Dinar,  B.A.S.,  t.  II, 
p.  289,  ne  parlent  pas  non  plus  d'une  bataille.  Il  semble  bien  que  l'engage- 
ment fut  peu  sérieux,  cf.,  à  ce  sujet,  une  poésie  d'Ibn  Ilamdis,  B.A.S.,  t.  II, 
p.  379. 


372  CHAPITRE    XIV 

certain  nombre  de  tribus,  avec  lesquelles  il  fit  alliance,  il  s'avança 
contre  El  Medeah.  Sa  tentative  échoua,  ses  troupes  furent  débau- 
chées par  Ali  et  il  fut  réduit  à  prendre  la  fuite  '. 

Du  côté  de  la  Sicile,  la  situation  se  gâta  ég-alement,  car  à  la 
suite  de  l'envoi  de  la  flotte  normande  à  Gabès,  Ali  fît  emprison- 
ner tous  les  agents  commerciaux,  que  Roger  II  entretenait  à 
El  Medeah  et  confisqua  leur  caisse.  Informé  de  ces  événements, 
le  comte  de  Sicile  envoya  une  ambassade  pour  demander  la  mise 
en  liberté  de  ses  sujets;  ses  réclamations,  conçues  en  termes  fort 
menaçants,  furent  écoutées.  Ali  remit  en  liberté  les  fonctionnaires 
normands  et  rendit  l'argent  qu'il  avait  fait  saisir.  Il  semble  que 
Roger  II  voulut  pousser  plus  loin  ses  avantages  ;  une  seconde 
ambassade,  appuyée  d'une  flotte,  vint  réclamer  de  nouvelles  con- 
cessions. Elle  demanda  sans  doute  le  renouvellement  des  traités 
et  des  garanties  pour  l'avenir.  Ali  ne  voulut  pas  céder  aux  exi- 
gences du  comte  de  Sicile.  A  la  suite  de  son  refus,  la  flotte 
normande  attaqua  les  côtes  de  ses  Etats  et  s'empara  de  divers 
vaisseaux  (512,  de  l'ère  musulmane,  24  avril  1118  —  13  avril 
1119)2. 

La  guerre  était  dès  lors  inévitable  et  l'on  s'y  prépara  des  deux 
côtés.  Ali  s'occupa  à  rassembler  une  flotte  importante;  il  semble 
d'après  AtTigani  que  les  vaisseaux  arabes  aient  été  munis  de  tubes 
pour  lancer  le  feu  grégeois  -^  En  même  temps,  le  prince  musul- 
man entrait  en  négociations  avec  les  Almoravides,  et  cherchait 
à  obtenir  leur  appui  pour  une  descente  en  Sicile  ^.  Ali  fut  surpris 
par  la  mort  au  milieu  de  ses  préparatifs  de  combat  (10  juillet 
1121)  •'';  mais,  dès  ce  moment,  une  alliance  avec  les  Almoravides 


1.  Ibn  el  Alhir,  éd.  Tornberg,  t.  X,  p.  371.  Ibn  Abi  Dinar,  B.A.S.,  t.  II, 
p.  289.  An  Nowairi,  B.A.S.,  t.  II,  p.  15o. 

2.  At  Tigani.  B.A.S.,  t.  II,  p.  67,  mentionne  la  doul)le  ambassade;  Ibn 
el  Athir,  B.A.S.,  t.  I,  p.  45.^,  An  Nowairi,  B.A.S.,  t.  II,  pp.  155-156  ;  Al 
Bayan,  B.A.S.,  t.  II,  p.  34,  Ibn  Khaldoun,  B.A.S.,  t.  II,  p.  205,  sont  d'ac- 
cord sur  l'ensemble  des  faits. 

3.  AtTigani,  B.A.S.,  t.  II,  p.  68. 

4.  At  Tigani,  B.A.S.,  t.  II,  p.  67.  Al  Bayan,  Ibid.,  p.  34.  Ibn  Khaldoun, 
Ibid.,  p.  205.  Ibn  el  Athir,  Ibid.,  t.  I,  pp.  455-456.  An  Nowairi,  Ibid.,  t.  II, 
p.  156. 

5.  An  Nowairi,  B.A.S.,  t.  II,  p.  156. 


KOGER    II    ET    ALI  373 

avait  été  conclue.  Au  début  du  rè^ne  d'El  Hassan,  fils  d'Ali,  une 
flotte  musulmane  commandée  par  AbouAbd  Allah  Ibn  Maymoun, 
qui  était  au  service  du  prince  almoravide,  Ali  Ibn  Yusuf,  vint 
attaquer  les  côtes  de  la  Calabre  et  pilla  la  ville  de  Nicotera, 
dont  les  habitants  furent  tués  ou  emmenés  en  captivité  ^ . 

Cette  audacieuse  agression  acheva  de  décider  à  une  interven- 
tion énergique  en  Afrique  Rogner,  qui  rendit  El  Hassan  respon- 
sable de  l'attaque  de  Nicotera  ^  L'occasion  était  d'ailleurs  favo- 
rable aux  projets  du  comte  de  Sicile.  Comme  El  Hassan,  fils  et 
successeur  d'Ali,  n'avait  que  douze  ans  à  la  mort  de  son  père  '^, 
on  confia  la  rég-ence  à  l'eunuque  Sandal  ;  tous  les  vassaux  d'El 
Hassan  cherchèrent  à  profiter  de  sa  minorité  pour  se  rendre 
indépendants  et  l'anarchie  ne  fit  que  croître  parmi  les  popula- 
tions musulmanes  d'Afrique. 

L'expédition  organisée  par  Roger  H  était  fort  importante,  si 
l'on  en  juge  d'après  la  relation  officielle  des  événements,  rédigée 
sur  l'ordre  d'El  Hassan.  D'après  ce  document,  le  nombre  des 
A'aisseaux,  formant  la  flotte  normande,  s'élevait  à  trois  cents  '*, 
en  outre,  l'armée  aurait  compris  mille  chevaliers,  plus  trente 
mille  fantassins  •'.  Bien  que  les  documents  nous  manquent  pour 
évaluer  les  forces  normandes,  ces  chiffres  me  paraissent  empreints 
d'une  certaine  exagération.  Le  commandement  de  l'expédition  fut 
confié  à  deux  hommes  dont  le  nom  reviendra  constamment  dans 
l'histoire  des  guerres  maritimes  de  Roger.  L'un,  Christodoulos, 
nous  est  moins  bien  connu  que  le  second,  Georges  d'Antioche. 
Christodoulos  était  très  probablement  d'origine  musulmane  •',  il 
est  mentionné  dans  divers  diplômes.  En  1119,  dans  un  acte  de 
Roger,  on  parle  d'une  donation  faite  antérieurement  à  cette  date 
par  Christodoulos  '.  En  1123,    ce  dernier  est   de  nouveau  men- 


1.  At.  Tigani,  B.A.S.,  t.  II,  p.  08.   Ibn  Khaldoun,  loc.  cit.,  Al  Bayan,  loc. 
cit.,  Ibn  el  Athir,  B.A.S.,  t.  II,  p.  456. 

2.  Ibn  el  Athir,  loc.  cit. 

3.  An  Nowairi,  B.A.S.,  t.  II,  p.  15G. 

4.  Ibn  el  Athir,  B.A.S.,  t,  I,  p.  436.  Ibn  Khaldoun,  ihid.,  t.  II,  p.  206. 

5.  At.  Tigani,  B.A.S.,  t.  II,  p.  71. 

6.  Cf.  Amari,  op.  cit.,  t.  III,  p.  364. 

7.  Uo-helli,  t.  IX,  p.  291.  Cf.  Amari,  op.  cit.,  t.  III,  p.  340,  note  1. 


37  i  cFiAiM  ruK  XIV 

tionné  ',  de  même  en  décembre  1 126  (l  125  n.  s.)  %  et  en  1 130  •. 
A  une  date  indéterminée  il  reçut  le  titre  de  prptobilissime  ^  et  fut 
nommé  émir  %  nous  le  trouvons  avec  ce  titre  en  1123  '•;  il  est 
encore  mentionné  dans  un  document  de  date  incertaine  '.  Nous 
savons  qu'il  possédait  des  biens,  en  Calabre,  et  qu'il  fit  diverses 
donations  au  monastère  de  Santa  Maria  du  Patir,  au  diocèse  de 
Rossano  '^. 

Pour  Georges  d'Antioche  nous  sommes  mieux  renseii^nés  ;  sa 
mère  s'appelait  Théodule,  et  son  père,  Michel,  était  un  aventurier 
qui,  après  avoir  habité  l'Orient  avec  son  fils,  entra  au  service  de 
Temin,  prince  ziride  d'El  Medeah  ^'.  Georges  qui,  grâce  à  son 
séjour  en  Orient,  connaissait  parfaitement  l'arabe,  entra,  lui 
aussi,  au  service  du  prince  musulman  dont  il  gagna  la  confiance  ; 
il  fut  chargé  de  l'administration  des  finances,  et  réussit  à 
augmenter,  dans  de  notables  proportions,  les  recettes  du  trésor. 


1.  Cusa,  op.  cit.,  t.  I,  p.  ili. 

2.  Cusa,  op.  cit.,  t.  I,  p.  556. 

3.  Trinchera,  op.  cit.,  p.  138. 

4.  Montfaucon,  Paleofj raphia  groeca,  p.  400.  Garofalo,  op.  cit.,  p.  10,  date  ce 
diplôme  de  1139;  Cusa,  op.  cit.,  t.  I,  p.  58,  de  iOo9;?).  La  première  date 
parait  être  inexacte  puiscjue,  dès  1123,  Christodoulos  a  le  titre  de  protono- 
bilissime. 

5.  Cusa,  op.  cit.,  t.  1,  p.  472. 

6.  Ibid.,  t.  I,  p.  418. 

7.  Cusa,  t.  I,  p.  418;  Amari,  op. cit.,  t.  III,  p.  354,  note  1,  a  fait  erreur 
sur  les  conclusions  à  tirer  de  ce  document,  dont  il  résulte  que  Christodou- 
los vit  encore  à  l'époque  où  cet  acte  est  rédigé.  Le  document  est  de  1136  ou 
de  Hol. 

8.  Cf.  Montfaucon,  Paleographia  (jrœca,  pp.  396  et  397.  Uglielli,  op.  cit., 
t.  IX,  p.  403.  Trinchera,  op.  cit.,  p.  138.  Mgr  Battifol,  L'abbaye  de  Rossano, 
p.  17,  cite  un  diplôme,  soit-disant  scellé  du  sceau  du  comte  Roger,  où  il 
est  question  de  Christodoulos.  Il  regarde  ce  document  comme  faux,  et  dit 
que  le  personnage  dont  émane  ce  diplôme  est  inconnu.  En  l'absence  de 
l'original,  on  ne  saurait  se  prononcer  sur  l'authenticité  du  sceau,  mais 
Foulques  de  Bassenger,  qui  fait  la  donation  est  parfaitement  connu.  11 
sousci-it  un  diplôme  du  duc  Roger,  en  1904  (Arch.  de  la  Cava,  D.  2;  et  un 
diplôme  de   1105,  (Archives  capitulaires  de  Troia  G.  X  . 

9.  Al  Bayan,  B.A,S.,  t.  II,  p.  38.  At  Tigani,  B.A.S.,  t.  II,  pp.  65-66;  Ibn 
Khaldoun,  ibid.,  p.  206.  Sur  la  mère  de  Georges  d'Antioche,  cf.  Cozza-Luzzi, 
Délie  epirjrafi  grecke  di  Giorgio  amrniraglio,  délia  madré  e  délia  consorte, 
dans  Arch.  st.sicil.,  t.  XV,  p.  22.  Cf.  Pirro,  op.  cit.,  t.  I,  pp.  300-301,  qui 
rapporte  inexactement  l'inscription. 


GEORGES    d'anTIOCHE  375 

A  la  mort  de  Temin,  Georges,  croyant  avoir  à  redouter  l'ani- 
mosité  de  Yahya,  fît  demandera  Roger  de  passer  à  son  service; 
sa  demande  fut  accueillie  favorablement  et  il  réussit  k  quitter 
El  Medeah,  en  s'embarquant  secrètement  sur  un  vaisseau 
sicilien.  Placé  d'abord  sous  les  ordres  de  Christodoulos,  Georges 
d'Antioche  sut  se  faire  apprécier  et  fut  proposé  par  son  chef  pour 
une  mission  en  Egypte  •.  Il  s'en  acquitta  avec  un  plein  succès 
et  eut  dès  lors  la  faveur  de  Roger.  Nous  le  trouvons  mentionné 
d'abord  comme  stratège  -,  puis,  en  1125,  comme  émir  '■'•;  en  1  132, 
il  est  émir  des  émirs  ^;  une  inscription  le  qualifie  de  panhyper- 
sébaste  -K  Georges  joue  dès  lors  un  rôle  important  dans  l'admi- 
nistration '^,  comme  archonte  des  archontes.  Nous  savons  qu'il 
construisit,  à  Palerme,  l'église  Santa  Maria  oîi  l'on  voit  encore 
aujourd'hui  une  mosaïque  représentant  le  donateur".  De  l'année 
1143,  du  mois  de  mai,  est  un  acte  par  lequel  Georges  fait,  avec 
l'abbé  du  monastère  de  Patti,  un  échange  de  vilains  8.  La  femme 
de  Georges,  Irène,  nous  est  connue  par  une  inscription". 

Sa  pratique  de  la  langue  arabe,  ses  relations  avec  le  monde 
musulman  d'Afrique,  sa  connaissance  des  côtes  firent  de  Georges 
d'Antioche  un  auxiliaire  précieux  pour  Roger  auquel  il  rendit 
les  plus  grands  services'^. 

Tels  étaient  les  deux  hommes  chargés  de  la  conduite  de  l'ex- 
pédition projetée.  Désireux  de  surprendre  son  adversaire,  le  comte 
de  Sicile  mit  l'embargo  sur  tous  les  vaisseaux,  qui  se  trouvaient 
dans  les  ports  de  ses  Etats^'. Cette  mesure  ne  produisit  pas  l'elfet 

{.  At  Tigani,  B.A.S.,  t.  II,  p.  06. 

2.  Pirro,  op.  cit.,  t.  II,  p.  774,  et  Cusa,  op.  cit.,  t.  I,  pp.  Tilo-oIO.  Le  texte 
de  Pirro  est  incorrect,  le  diplôme  original  porte  Georçjius,  et  non  Grego- 
rlas,  comme  dans  l'édition.  Cusa  a  publié  le  texte  grec;  on  conserve  aussi, 
aux  Archives  capitulaires  de  Patti  l'original  latin. 

3.  Cusa,  op.  cit.,  t.  I,  p.  j.j.'i. 

4.  Spata,  op.  cit.,  p.  427. 

.j.   Cozza  Luzzi,  op.  cit.,  dans  A rch.  st.  siciL,  t.  XV,  p.  28. 

6.  Cusa,  op.  cit.,  t.  1,  pp.  74-72,  524  Cf.  Al.  Tel.,  II,  8,  p.  104,  »  niaxi- 
niiis  amiratus  n,  et  Pirro,  op.  cit.,  t.  I,  pp.  300-301. 

7.  C'est  l'église  Santa  Maria  dell'  Amiraglio.  Cf.  Cusa,  op.  cit.,  t.  I,  p.  6H. 

8.  Cusa,  op.  cit.,  t.  I,  p.  524. 

9.  Cozza-Luzzi,  op.  cit.,  dans  Arch.  st.  sicil.,  t.  XV,  p.  31. 

10.  Al  Bayan,  B.A.S.,  t.  II,  p.  38. 

11.  AtTigani,  B.A.S.,  t.  II,  pp.  08-69  et  71-72. 


376  CHAPITRE  XIV 

qu'il  en  avait  espéré,  car  El  Hassan  comprit,  en  voyant  inter- 
rompre les  communications  avec  la  Sicile,  qu'une  expédition  se 
préparait.  Il  mit  El  Medeah  en  état  de  défense  et  proclamant  la 
guerre  sainte,  fit  appel  aux  tribus  arabes,  qui,  en  temps  ordi- 
naire, reconnaissaient  plus  ou  moins  son  autorité'. 

Partie  de  Marsala,  en  juillet  1123,  la  flotte  sicilienne  fut 
jetée  par  une  tempête  sur  les  côtes  de  lîle  de  Pantelleria,  qui  fut 
occupée'-.  Le  21  juillet,  les  Normands  abordaient  aux  îles  Sorella, 
à  environ  dix  milles  d'El  Medeah.  Le  débarquement  s'effectua 
sans  difficulté  et  les  troupes  campèrent  dans  une  des  îles,  séparée 
de  la  côte  par  un  étroit  bras  de  mer  que  l'on  pouvait  facilement 
traverser  à  gué.  Le  passage  était  commandé  par  un  château  fort 
appelé  Ad  Dimas'^  Durant  la  nuit,  une  partie  des  troupes  réussit 
à  gagner  la  terre  ferme  et  poussa  une  reconnaissance  '.  Le  second 
jour,  Georges  d'Antioche  et  Christodoulos  allèrent  par  mer  jus- 
qu'à Zawilah,  un  des  faubourgs  de  la  ville.  Ils  se  rendirent  compte 
que  l'on  ne  pouvait  songer  à  une  attaque  du  côté  de  la  mer  et 
revinrent  au  camp  '.  Durant  leur  ajjsence,  l'armée  normande 
avait  eu  a  soutenir  un  combat  contre  les  Musulmans,  qui  ayant 
réussi  à  passer  dans  l'ile,  firent  un  important  butin  ''.  Ces  débuts 
n  étaient  pas  très  heureux  pour  les  Normands;  Georges  d'An- 
tioche réussit  à  en  atténuer  le  fâcheux  efTet,  en  occupant  le  châ- 
teau d'Ad  Dimas.  Il  avait,  nous  ne  savons  comment,  des  relations 
dans  la  place,  qui  lui  fut  livrée  par  trahison;  une  garnison 
normande  y  fut  aussitôt  installée. 

Ce  succès  devait  être  leseuldela  campagne.  Exaspérés  par  la  prise 
d'AdDimas,  lessoldatsmusulmansd'ElMedeah firentle  lendemain 
une  sortie,  durant  la  nuit.  L'armée  normande,  prise  de  panique, 
lâcha  pied  tout  de  suite.  Chacun  ne  pensa  qu'à  regagner  au 
plus  vite  les  vaisseaux  ;  les  troupes  s'embarquèrent  à  la  hâte, 
abandonnant  les  chevaux  et  une  grande  partie  des  bagages.    La 


1.  Ibn  Khaldoun,  B.A.S.,  t.  II,  p.  206.  Ibn  el  Athir,  B.A.S.,  t.  I,  p.  4.j6. 

2.  Ibn  el  Athir,  B.A.S.,  t.  I,  pp.  456-4.j7. 

3.  Ibid.,  p.  4.57.  At.Tioani,  B.A.S.,  t.  II,  p.  72. 

4.  AtTigani,  B.A.S.,  t.  II.  p.  c.'.i  et  pp.  72-73. 

5.  Ihid.,  p.  73. 

G.  IbiiL,  1)11.  09  et  73. 


defaitp:  des  normands 


377 


garnison  d'Acl  Dinias  ne  put  se  retirer  et  se  trouva  isolée  en  pays 
ennemi.  Durant  huit  jours,  la  flotte  sicilienne  croisa  dans  les 
parages  d"El  Medeah,  cherchant  une  occasion  favorable  pour 
tenter  de  délivrer  les  troupes,  qui  étaient  demeurées  dans  le  châ- 
teau. Mais  les  Musulmans  faisaient  bonne  garde  et  empêchèrent 
toute  tentative  de  débarquement.  La  flotte  normande  dut  s'éloigner 
sans  avoir  pu  porter  secours  aux  défenseurs  d'Ad  Dimas.  Ceux- 
ci  prolongèrent  leur  résistance  jusqu'au  10  août.  Les  vivres 
venant  alors  à  leur  manquer,  ils  firent  une  sortie  désespérée  ou 
presque  tous  trouvèrent  la  mort  '. 

L'échec  lamentable  de  la  première  expédition  des  Normands, 
en  Afrique,  eut  un  grand  retentissement  dans  le  monde  musul- 
man. Les  poètes  célébrèrent  à  l'envi  ce  succès  du  croissant  "'. 
At  Tigani  a  inséré  dans  sa  chronique  la  lettre  par  laquelle  El 
Hassan  fît  part  de  sa  victoire  à  ses  coreligionnaires.  Ce  document, 
très  répandu,  a  été  reproduit,  en  tout  ou  en  partie,  par  la  plupart 
des  chroniqueurs  arabes  ;  c'est  la  meilleure  source  que  nous  pos- 
sédions pour  ces  événements. 

La  guerre  dura  encore  quelques  années  ;  Alexandre  de  Telese 
raconte  que  Roger  soumit  diverses  îles,  parmi  lesquelles  Malte 
(1127)  '\  mais,  durant  cette  période,  ce  sont  surtout  les  Musul- 
mans qui  prirent  l'offensive,  et  attaquèrent  les  côtes  des  Etats 
du  comte  de  Sicile.  At  Tigani  nous  apprend  que  les  expéditions 
des  Musulmans  furent  nombreuses  '*.  Sur  tous  ces  événements, 
nos  renseignements  sont  malheureusement  fort  incomplets  ;nous 
savons  néanmoins  que  les  Almoravides  prirent  à  ces  hostilités 
une  part  active.  Pendant  l'été  1 127,  une  flotte  almoravide 
commandée  par  Mohammed,  celui-là  même  qui  avait  réussi  un 
audacieux  coup  de  main  sur  Nicotera,  pilla  et  brûla  Patti  et  Syra- 
cuse. Informés  par  hasard  de  l'approche  de  l'ennemi,  les  habitants 
de  Catane  purent  mettre  leur  ville  en  état  de  défense  '^. 


1.  îbn  el  Athir,  B.A.S.,  t.  I,  p.  4r,8. 

2.  Cf.  B.A.S.,  t.  II,  pp.  300  el  400. 

3.  AI.  Tel.,  I,  4,  p.  91. 

4.  At  Tigani,  B.A.S.,  t.  II,  pp.  74-75. 

ij.  Ibn  Khaldoun,   loc.  cil.,  Al  Tigani,  B.A.S.,   t.  II,  pp.  74-75;  tous  deux 
ne  donnent  pas  de  détail.  Les  noms  des  villes  attaquées  ne  sontconnusque 


378  ciiAPiTRi-:  XIV 

A  la  suite  de  cette  expédition,  Roger,  usant  de  représailles,  se 
décida  à  faire  alliance  contre  les  Almoravides  avec  Raimond  III, 
comte  de  Barcelone.  En  janvier  1128,  deux  envo^'és  de  ce  der- 
nier qui  se  trouvaient  à  Palerme  conclurent  avec  Roger  un 
traité  contre  les  Musulmans  d'Espag-ne.  Le  comte  de  Sicile  pro- 
mit d'envoyer,  durant  l'été  I  129,  cinquante  galères  a  Raimond  III  ; 
les  conquêtes  à  faire  appartiendraient  par  moitié  aux  deux 
princes  ;  de  même  le  butin  serait  partagé  en  deux  parts  égales. 
Le  comte  de  Barcelone  s'engageait  à  laisser  pénétrer  dans  tous 
ses  ports  la  flotte  sicilienne  et  à  lui  donner  toute  facilité  pour  se 
ravitailler.  Deux  ambassadeurs  de  Roger  II  furent  envoyés  à 
Barcelone  pour  obtenir  de  Raimond  III  la  ralitication  du  traité 
conclu  à  Palerme.  Celui-ci  devenait  nul  de  plein  droit,  au  cas  où 
il  ne  serait  pas  ratifié  par  le  comte  de  Barcelone,  dans  les  huit 
jours  qui  suivraient  l'arrivée  des  envoyés  de  Roger  '. 

Le  traité  conclu,  le  11  mai  de  la  même  année,  avec  la  ville  de 
Savone,  nous  montre  le  comte  de  Sicile  préoccupé  de  s'assurer 
des  alliés  dans  sa  lutte  contre  les  Musulmans.  Une  ambassade  de 
la  ville  de  Savone  était  venue  trouver  Roger  à  Messine  pour  lui 
demander  de  relâcher  un  vaisseau  qu'il  avait  fait  confisquer.  A  la 
prière  des  Génois,  Roger  agréa  la  demande  des  gens  de  Savone, 
mais  ceux-ci  durent  s'engagera  s'abstenir  à  l'avenir  de  tout  acte 
de  piraterie  et  à  fournir,  cette  même  année,  pendant  quarante 
jours,  une  galère  à  Roger  IL  En  échange,  les marchandsde  Savone 
obtenaient,  dans  les  Etats  de  leur  nouvel  allié,  divers  privilèges  -'. 


par  les  chroniqueurs  chrétiens.  L'appendice  à  Malaterra,  Muratori,  R.l.SS., 
t.  ^',  p.  G03,  donne  la  date  du  17  juillet  1127.  Cf.  Sicard  de  Crémone,  Mura- 
tori, R.l.SS.,  t.  VII,  p.  ;197.  Guill.  deTvr,  XIII.  22.  .S.  Af/alhœ  miracula  des- 
cripta  a  Blandino  monacho,  A.\.  SS..  .'>  lévrier,  I,  p.  643.  Sur  la  correction 
nécessaire,  et  sur  la  personnalité  du  chef  musulman,  cf.  Amari,  op.  cit., 
t.  III,  p.  378,  note. 

1.  Le  texte  du  traité  a  été  publié  par  Aniari,  op.  cit.,  t.  III,  p.  389,  note. 
Les  deux  documents  portent  une  date  inexacte  au  point  de  vue  de  la 
chronologie,  Anno  doniiniae  incarruitionis  M"  Cenlesiino  XXVII,  monse 
Marli,  XV Kal.  Fehrunrii,  indicliont  sexta  ».  Il  y  a  là  une  erreur  de  copiste 
qui  empêche  de  connaître  la  date  exacte  du  mois.  L'acte  doit  être  des  pre- 
miers mois  de  Tannée  1127  ind.  ô=1128  (n.  s.) 

2.  G.  Filippi,  Patio  di  pace  tra  Ruggiero  II  nonnanno  e  la  ciltù  di  Savona, 
dans  Arch.  st.  napoL,  t.  XIV  (1889),  p.  750  et  suiv.  Il  y  a  trois  actes  diffé- 


TRAITÉ    AVEC    SAVONE  379 

Nous  savons  que  la  ville  de  Savone  approuva  le  traité  signé 
par  ses  représentants,  mais  nous  ignorons  ce  qu'il  advint  du 
traité  conclu  avec  le  comte  de  Barcelone.  Raimond  III  refusa-t-il 
son  acquiescement,  ou  bien  seuls  les  événements  d'Italie  empê- 
chèrent-ils Roger  d'aller  jusqu'en  Espagne  frapper  les  Almora- 
vides?  Nous  l'ignorons,  mais  il  est  probable  que  les  troubles, 
qui  suivirent  la  mort  du  duc  Guillaume,  et  l'intervention  de 
Roger  II  dans  les  affaires  du  duché,  empêchèrent  pour  un  temps, 
le  comte  de  Sicile,  devenu  duc  de  Fouille,  de  songer  à  des  expé- 
ditions lointaines  '. 


rents.  Le  premier  contient  les  engag-ements  pris  par  les  ambassadeurs  de 
Savone;  le  second  les  privilèo-es  accordés  par  Roger  II  ;  le  troisième,  la  con- 
firmation du  traité  par  la  commune  de  Savone. 
1.  Cf.  Al.  Tel.  I,  4,  90. 


CHAPITRE  XV 

ROGER    II,    DUC    DE    FOUILLE 

(1127-1130) 


Guillaume,  duc  de  Fouille,  étant  mort  sans  laisser  d'enfant,  la 
question  se  posa  de  savoir  à  qui  devaient  revenir  sesEtats.  De  son 
vivant  même,  cet  héritage  avait  été  l'objet  de  nombreuses  con- 
voitises, et  il  semble  que  diverses  tentatives  furent  faites  auprès 
du  duc  pour  l'amener  à  choisir  son  successeur.  La  mort  déjoua 
toutes  ces  intrig'ues  ;  elle  enleva  le  petit-fds  de  Robert  Guiscard 
avant  qu'il  eût  institué  un  héritier. 

Les  renseig-nements  que  nous  fournissent  les  chroniques  sur  les 
titres  des  divers  compétiteurs,  qui  briguèrent  alors  le  duché  de 
Fouille,  compliquent  la  question,  sans  apporter  aucun  éclaircisse- 
ment. D'après  Guillaume  de  Tvr  \  le  cousin  germain  du  duc 
défunt,  Bohémond  II,  en  partant  pour  la  Terre  Sainte  (1126), 
avait  conclu  avec  lui  un  accord,  par  lequel  chacun  d'eux  s'enga- 
geait à  laisser  ses  Etats  au  dernier  survivant.  Gautier,  archidiacre 
de  Thérouanne,  dans  sa  Vie  de  Charles  le  Bon,  eomfe  de  Flandre -, 
raconte  que  le  duc  Guillaume  sentant  sa  fin  approcher,  fit  venir 
l'archevêque  de  Salerne'''  et  l'évéque  de  Troia  ^  et  leur  déclara 
qu'il  laissait  au  Saint-Siège  tout  ce  qu'il  possédait.  Suivant 
Romuald  de  Salerne,  le  duc,  pendant  un  séjour  à  Messine,  aurait 
institué  son  parent,  le  comte  de  Sicile,  son  légataire  uni- 
versel et,  en  échange,  aurait  reçu  de  Roger  II  une  grosse 
somme  d'argent  ^.  Falcon  de  Bénévent  ne  fait  aucune  allusion  à 

1.  Guil.  de  Tvr,  XIII,  21,  Hist.  occ.  des  crois.,  t.  I,  p.  588. 

2.  M.G.H.SS^.,  t.  XII,  p.  430.  Cf.  Orderic  Vital,  1.  XII,  44,  t.  IV,  p.  472. 

3.  L'archevêque  de  Salerne  est,  à  cette  date,  Romuald I'"",  cf.  Paesano,  op. 
cil.,  t.  II,  p.  68. 

4.  I/évèque  de  Troia  est  alors  Guillaume,  di  Meo,  op.  cit.,  t.   IX,  p.   .330. 
"^.  Rom.Sal.,  dans  M. G. II. SS.,  t.  XIX,  p.  418.  Cf.  l'annotateur  de  Romuald, 

ibid.,  p.  417,  ad  an.  1122. 


LA    SUCCESSION    DU    DUC    GUILLAUME  381 

un  testament  quelconque  rédigé  par  Guillaume.  Quant  à  l'abbé 
de  Telese,  très  bien  placé  pour  avoir  pu  se  renseigner  exacte- 
ment, il  nous  montre  le  comte  de  Sicile  fort  ennuyé  de  ce  que 
le  duc  Guillaume  soit  mort  avant  de  Tavoir  institué  son  héritier, 
comme  cela  avait  été  convenue  Ailleurs,  le  même  chroniqueur 
fait  dire  par  Roger  aux  Salernitains  que  le  duc  Guillaume  lavait 
choisi  comme  héritier,  au  cas  où  il  viendrait  k  mourir  sans 
enfant^. 

Il  est  parfaitement  admissible  que  les  renseignements  de  Guil- 
laume de  Tyr  soient  exacts  et  que  Guillaume  ait  conclu  un 
accord  avec  Bohémond,  mais  l'absence  de  ce  dernier,  parti  pour 
Antioche  avant  la  mort  du  duc  de  Fouille  ',  rendit  illusoires 
toutes  les  conventions.  Bohémond  II  était  trop  loin  pour  pou- 
voir revendiquer  ses  droits,  et  s'il  y  avait  eu  une  convention, 
celle-ci  demeura  lettre  morte. 

Restent  les  deux  autres  héritiers.  Bien  que  Gautier  de  Thé- 
rouanne  prétende  tenir  son  renseignement  de  la  bouche  même 
du  pape,  il  ne  me  paraît  point  que  l'on  puisse  s'en  rapporter  à 
son  témoignage.  Si  l'on  peut,  à  la  rigueur,  admettre  que  Pan- 
dolf ',  rédacteur  de  l'une  des  vies  du  pape  Honorius  II,  très  favo- 
rable k  Anaclet  II  et  au  roi  Roger,  ait  passé  sous  silence  cette 
prétendue  donation  de  Guillaume,  il  n'en  saurait  être  de  même 
pour  le  cardinal  Boson,  auteur  d'une  autre  vie  du  même  pape. 
Boson,  si  ce  fait  avait  vraiment  eu  lieu,  l'aurait  certainement 
mentionné  dans  son  ouvrage  où  il  insère  avec  grand  soin  tout  ce 
qui  touche  au  temporel  du  Saint-Siège  ■'.  En  outre,  lors  des  nom- 
breuses revendications  de  la  papauté  sur  l'Italie  du  Sud,  nous  ne 
verrons  jamais  invoquer  cette  prétendue  donation  de  Guillaume. 
L'intervention  du  pape  dans  les  atTaires  de  la  succession  du  duc 
de  Fouille  se  justifie  d'ailleurs  sans  qu'il  soit  besoin  de  recourir 
k  l'hypothèse  du  testament.  Suzerain  du  duché  de  Fouille,  Hono- 
rius pouvait  réclamer  ce  fief  tombant  en  déshérence. 


1.  Al.  Tel.,  I,  4,  p.  91. 

2.  Ihid.,  I,  a,  p.  91. 

3.  Rôhricht,  Gesch.  Jes  Konifjreichs  Jérusalem,  p.  181. 

4.  Lih.  Pont.,  t.  II,  pp.  XXXI  et  327. 

5.  Ibid.,  t.  II,  pp.  XLII  et  379. 


382  CHAPITRE    XV 

Pour  ce  qui  regarJe  Roger,  il  me  paraît  résulter  clairement  des 
deux  passages  contradictoires  d'Alexandre  de  Telese  que  le  duc 
Guillaume,  à  un  moment  oîi  il  avait  besoin  du  comte  de  Sicile, 
lui  fît  la  promesse  plus  ou  moins  vague  de  le  prendre  pour  héri- 
tier, promesse  qui  ne  fut  sanctionnée  par  aucun  acte.  Une  fois  le 
duc  mort,  le  comte  de  Sicile,  pour  légitimer  ses  prétentions,  aura 
transformé  cette  promesse  en  un  acte  réel.  Les  droits  du  comte 
de  Sicile  étaient,  peut-être,  contestables,  mais  il  était  le  seul  à 
pouvoir  appuyer  ses  revendications  sur  des  forces  considérables; 
on  verra  que  ce  fut  là  son  principal  argument. 

On  a  vu  combien  l'autorité  du  duc  s'était  amoindrie  sous  le 
règne  de  Guillaume,  dont  les  vassaux  pour  la  plupart  s'étaient 
rendus  presque  indépendants;  les  guerres  privées  avaient  été  fré- 
quentes, et  plus  d'une  fois  le  duc  avait  dû  rappeler  à  l'obéissance 
les  villes  ducales  elles-mêmes. 

L'anarchie  ne  lit  que  croître  après  la  mort  du  duc.  Les 
villes  ducales,  les  unes,  comme  Amallî  ou  Bari,  regrettant 
leur  grandeur  passée,  les  autres,  comme  Salerne,  Troia,  Melfi  ou 
Venosa,  poussées  simplement  par  l'amour  de  la  liberté,  se  soule- 
vèrent et  cherchèrent  à  se  rendre  indépendantes'.  Les  vassaux 
du  duc  de  Fouille  tinrent  une  conduite  analogue.  Grimoald  de 
Bari,  Jourdain  d'Ariano  -,  Tancrède  et  Alexandre  de  Conversano, 
Geoffroi  d'Andria,  craignaient  par-dessus  tout  de  voir  le  comte  de 
Sicile  devenir  duc  de  Fouille  ;  ils  comprenaient  qu'entre  ses  mains 
l'autorité  ducale  ne  serait  pas  un  vain  mot,  et  par  tous  les 
moyens,  ils  cherchèrent  à  lempêcher  d'occuper  les  Etats  du  duc 
défunt. 

Les  troubles  les  plus  importants  se  produisirent  dans  la  région 
voisine  de  Bénévent.  Jourdain,  comte  dAriano,  qui  avait  eu  ses 

1.  Al.  Tel.,  I,  l,p.  89. 

2.  Nous  connaissons  mal  les  seigneurs  normands  d'Ariano,  voici  le  peu 
que  nous  apprennent  les  diplômes  :  le  premier  comte  dont  nous  ayons  con- 
naissance est  Gérard,  mort  avant  1100;  à  cette  date  son  fds  Herbert,  qui  a 
épousé  Altrude,  lui  a  déjà  succédé.  Herbert  eut  pour  successeur  son  fils 
Jourdain,  mort  le  12  août  1127,  auquel  succéda  son  fils  Rog-er.  Cf.  di  Meo, 
op.  cil.,  t.  VIII,  p.  308,  t.  IX,  p.  82  ;  Falco  Benev.,  pp.  176,  186, 193.  Al.  Tel., 
I,  7,  p.  92,  et  Sancti  Xicolai  miracula  Beneventi  fada,  dans  Borgia,  op.  cit., 
t.  Il,  p.  378. 


ROGER    II    ET    IlONORIUS    II  383 

biens  confisqués  par  Guillaume,  chercha  à  rentrer  en  possession 
de  ses  domaines.  Le  jour  même  des  funérailles  du  duc,  il  s'empara 
de  Montefusco  '  et,  en  peu  de  jours,  redevint  maître  de  son 
ancien  comté  '.  Il  aida  ensuite  Robert,  fils  de  Richard,  k  tenter 
une  atta([ue  sur  Firenzola  *,  mais  il  fut  tué  au  sièg'e  de  cette  place  ; 
son  fils  Rog-er  lui  succéda  '. 

Ce  fut  au  milieu  de  cette  agitation  que  les  deux  acteurs  princi- 
paux, le  pape  Honorius  II  et  le  comte  de  Sicile  entrèrent  en  scène. 
Libre  du  côté  de  l'Allemag'ne,  depuis  le  Concordat  de  Worms  •', 
la  papauté,  avec  Calixtell,  avait  cherché  à  se  débarrasser  de  tous 
les  hobereaux  qui  s'étaient  créés  de  petits  Etats,  au  détriment  du 
territoire  pontifical  ''.  Continuant  la  politique  de  son  prédéces- 
seur, Honorius  II,  élu  eu  décembre  1124,  avait,  dès  l'année  1125, 
obligé  les  comtes  de  Ceccano  k  faire  leur  soumission.  Il  avait 
ensuite  occupé  Segni  et  Vicolo  '.  Le  résultat  de  ces  expéditions 
heureuses  dût  être  assez  fortement  compromis  par  l'échec  com- 
plet essuyé  par  Honorius,  devant  Arpino,  au  début  de  i  127  ^.  Le 
pape  avait  dû  s'enfuir,  et  regagner  Rome  ;  c'est  là  qu'il  apprit 
la  mort  de  Guillaume  ■'. 


1.  Montefusco,  circond.  et  prov.  d'Avellino. 

2.  FalcoBenev.,  ad  an.  1127,  p.  193. 

3.  De  Blasiis,  op.  cit.,  t.  III,  p.  1713,  propose  de  ridentificr  avec  un  autre 
Robert,  fils  de  Ricliard,  qui  est  mentionné  dans  un  acte  de  1133,  Trinchera, 
op.  cil.,  p.  I.jO,  comme  ayant  commis  de  nombreux  actes  de  brigandage 
dans  la  région  de  \oha,  com.  de  Galatina,  circond.  et  prov.  de  Lecce.  (Il 
existe  une  autre  localité  du  nom  de  Noja,  aujourd'hui  Xoicataro,  circond. 
et  prov.  de  Bari,  cf.  supra,  p.  24,  note  8,  mais  le  document  étant  rédigé  en 
grec,  la  première  identification  me  parait  plus  probable,  la  langue  grecque 
n'étant  pas  alors  répandue  dansla  région  de  Bari.)  Les  régions  où  agissent 
ces  deux  personnages  me  paraissent  bien  éloignées  pour  qu'on  puisse  les 
identifier. 

4.  Jourdain  fut  tué  peu  après,  le  12  août.  Falco  Benev,  loc.  cit.  Son  suc- 
cesseur fut  Roger,  cela  résulte  d"Al.  Tel.,  1,  7,  p.  92,  et  I,  23,  p.  100;  avec 
di  Meo,  op.  cit.,  t.  IX,  pp.  349  et  371,  je  crois  qu'au  lieu  d'Orianensis,  il 
faut  rétablir  Arianensis,  car  la  localité  dont  il  s'agit  est  située  près  d'Apice, 
circond.  et  prov.   de  Bénévent. 

5.  Lih.  Pont.,  t.  11,  p.  378. 

6.  IhicL,  t.  II,  pp.  323  et  347. 

7.  Ihid.,  t.  II,  p.  379.  Ann.,  Cecc,  M.G.II.SS.,  t.  XIX,  p.  282. 

8.  Ann.,  Cecc,  loc.  cit. 
,    9.  AI.  Tel.,  I,  8,  p.  93. 


38i  CHAPITRE    XV 

Honorius  II  nhésita  pas  un  instant  sur  la  conduite  à  tenir,  il 
chercha  par  tous  les  moyens  à  empêcher  le  comte  de  Sicile  à 
réunir  le  duché  de  Fouille  à  ses  Etats.  Le  pape,  en  etîet,  se  rendait 
parfaitement  compte  que  cette  réunion  détruirait,  en  faveur  de  la 
Sicile,  léquilibre  que  la  papauté  sétait  etforcée  d'établir  entre  les, 
princes  normands  de  Capoue,  de  Salerne  et  de  Palerme.  Pendant 
longtemps,  grâce  à  cette  combinaison,  les  papes  avaient  pu  oppo- 
ser les  Normands  les  uns  aux  autres  et  maintenir  ainsi  leur 
suprématie  ;  tous  les  résultats  obtenus  par  cette  politique  allaient 
se  trouver  détruits  par  la  formation  d'un  grand  Etat  normand. 
Il  y  avait  là  une  menace  pour  la  papauté,  qui  n  avait  aucun 
intérêt  à  favoriser  le  développement  de  la  puissance  du  comte 
de  Sicile,  en  Italie.  Pour  faire  échec  aux  projets  de  ce  dernier, 
Honorius  devait  être  forcément  amené  à  se  rapprocher  de  la 
féodalité  normande  et  à  tirer  parti,  au  mieux  des  intérêts  du 
Saint-Siège,  du  mécontentement  général,  que  causaient  aux 
seigneurs  de  l'Italie  méridionale  les  prétentions  de  Roger  II. 

Dès  qu'il  eut  appris  là  mort  de  Guillaume,  Honorius  jugea  la 
situation  assez  sérieuse  pour  gagner  aussitôt  Bénévent  d'où  il 
pourrait  de  plus   près  surveiller  les   événements  '. 

Quelle  que  fut  la  hâte  quil  apporta  à  quitter  Rome,  le  pape 
fut  devancé  par  le  comte  de  Sicile.  Roger  devait  se  rendre  par- 
faitement compte  de  l'opposition  quil  rencontrerait  auprès  du 
pape  ;  toute  sa  conduite  montre  clairement  qu'il  voulut  placer 
Honorius  en  face  du  fait  accompli,  et  ne  pas  lui  laisser  prendre 
l'avantage  dans  de  longues  et  inutiles  négociations. 

Au  mois  de  juin  1127,  nous  trouvons  Roger  à  Messine  '.  II  par- 
tait alors  pour  Omignano,  ou  en  revenait.  En  effet,  en  juin  '^  1127, 


1.  Il  passa  d"aboid  au  Mont-Cassin.  Pel.  Diac,  C/jr.,  IV,  95.  M.G.H.SS., 
t.  VII,  p.  810. 

2.  Garufi,  /  dociunenti  etc.,  p.  10.  Roger  l'ésiclant  à  Messine,  donne  à 
Ansald  deAiTi  le  casai  de  Cassarro,  sans  doute  Cassaro,  circond.  de  Noto, 
prov.  de  Syracuse. 

3.  Caspar,  o/>.  cîL,  p.  39,  qui  me  paraît  se  tromper,  place  en  1126  cette  cam- 
pagne. Les  renseignementsque  nous  possédons,  à  ce  sujet,  nous  sont  fournis 
par  un  annotateur  de  Romuald  de  Salerne,  M.G.H.SS.,  t.  XIX,  p.  419,  qui 
place  ces  laits,  en  juin  1127,  ind.  6.  Les  éléments  decette  date  sont  contradic- 
toires, car  le  mois  de  juin  de  l'indiction  6  correspond  au  mois  de  juin  1128. 


TRAITÉ    AVEC    SALKIINR  385 

le  comte  de  Sicile  avait  envoyé  des  troupes,  sous  le  com- 
mandement d'un  certain  xVlexandre,  et  de  Robert  de  Grantmes- 
nil,  assiéger  dans  Omignano  '  Roger  et  sa  femme  Judith,  et  lui- 
même  était  venu  prendre  part  au  siège.  Roger  ne  dut  rester  que 
peu  de  temps  devant  Omignano,  car  nous  savons  que  c'est  en 
Sicile  qu'il  apprit  la  mort  du  duc  Guillaume  (23  juillet  1127)  ~. 

Dès  qu'il  eut  reçu  cette  nouvelle,  Roger  II  quitta  la  Sicile,  avec 
une  flotte  de  sept  vaisseaux,  et  cingla  vers  Salerne.  Quand  le 
comte  parut  devant  les  murs  de  la  capitale  du  duché  de 
Fouille,  il  se  vit  refuser  l'entrée  de  la  ville,  et  fut  contraint  de 
débarquer  en  dehors  de  la  place.  Roger,  pour  lequel  la  possession 
de  Salerne  avait  une  importance  considérable,  entra  en  négocia- 
tions avec  les  bourgeois,  auxquels  il  fit  réclamer  la  ville  par  deux 


Pour  dater  les  fragments  de  cet  auteur  anonyme,  il  faut  partir  des  événe- 
ments qu'il  raconte  et  dont  nous  connaissons  les  dates  par  ailleurs.  Sous  la 
date  de  1128,  ind.  8,  Tinterpolateur  de  Romuald  place,  en  mai,  une  nouvelle 
expédition  de  Roger  en  Calabre,  et  place  eodeni  anno,  eadem  indictione,  le  con- 
cile de  Troia.  Caspar,  loc.  cit.,  s'appuie  là-dessus  pour  dater  toutle  jiassage  de 
1127.  Il  me  parait  que  l'on  ne  peu^t  le  suivre.  Le  concile  de  Troia  est  de 
noveml^re  1 127  ;  or  le  mois  de  mai,  qui  correspond  à  l'indiction  de  novembre, 
est  non  le  mois  de  mai  antérieur  à  novembre,  mais  le  mois  de  mai  de  l'an- 
née suivante,  c'est-à-dire  le  mois  de  mai  1128.  Remarquons  que  partout 
l'annotateur  s'est  trompé  le  plus  souvent  dans  la  date  .  d'indiction  (seule 
celle  de  1 1 29  est  exacte)  ;  si  l'on  ne  tient  pas  compte  de  l'indiction ,  ses  dates 
d'année  cadrent  parfaitement  avec  ce  que  nous  savons  par  ailleurs.  Ainsi 
il  place  au  25  décembre  1130  le  couronnement  de  Roger,  cet  événement  étant 
du  25  décembre  1130,  on  voit  que  l'annotateur  fait  commencer  l'année  en 
septembre,  ce  qui  est  confirmé  par  le  fait  (ju'il  place  en  septembre  1132, 
le  siège  de  Brindisi  par  Tancrède,  or  le  siège  est  de  1131,  car  Grimoald, 
prince  de  Bari,  joue  un  rôle  dans  ces  événements,  et  en  septembre  1132, 
il  est  prisonnier.  Par  suite  de  ces  observations,  je  crois  qu'il  ne  faut  pas 
tenir  compte  des  dates  d'indiction  fournies  par  l'annotateur,  et  s'en 
rapporter  seulement  aux  dates  d'années,  en  observant  que  notre  auteur 
commence  Tannée  en  septembre.  Par  suite  il  faut  placer,  en  1 127,  la  première 
attaque  d'Omignano,  en  mai  1128,  l'attaque  de  Roger  contre  Tursi,  Omi- 
gnano, Pisticcio,  et,  en  1129,  le  pi-emier  siège  de  Bari. 

1.  Omignano,  circond.  de  Vallo  délia  Lucania,  prov.  de  Salerne. 

2.  Falco  Benev.,  ad  an.  1127,  p.  192,  place  la  mort  de  Guillaume  au  7  des 
kalendes  d"août,  soit,  d'après  la  manière  particulière  dont  il  calcule  la  date 
des  kalendes,  le  25  juillet.  Cf.  Weinreich,  op.  cit.,  pp.  91-93.  D'après 
Romuald  de  Salerne,  M.G.II.SS.,  t.  XIX,  p.  418,  Guillaume  serait  mort  le 
jour  de  la  fête  de  saint  Nazaire,  soit  le  28  juillet.  Je  ne  sais  sur  quel  texte 
s'appuie  Caspar,  op.  cit.,  p.  61,  pour  placer  la  mort  du  duc  le  2(5  juin. 

Histoire  de  la  doniinalion  normande.  —  CHAr.ANDnx.  25 


386  CHAPITRE    XV 

envoyés,  qui  invoquèrent,  en  sa  faveur,  la  prétendue  promesse  de 
Guillaume  et  les  droits  que  lui  créait  sa  parenté.  A  toutes  ces 
ouvertures,  les  habitants  de  Salerne  se  bornèrent  à  répondre  que, 
durant  trop  long-temps,  ils  avaient  eu  à  souffrir  de  la  domination 
des  Normands  pour  ne  pas  saisir  Toccasion  de  s'en  affranchir. 
Evidemment,  à  ce  moment,  il  y  eut  à  Salerne  une  réaction  en 
faveur  du  parti  loml>ard,  mais  il  résulte  du  récit  de  Falcon  qu'un 
parti  normand  fort  important  subsistait  encore  dans  la  ville  '. 

La  discussion  entre  les  envoyés  de  Roger  et  les  bourgeois,  en 
se  prolongeant,  s'envenima  à  un  tel  point  que  des  arguments  on 
passa  aux  menaces  et  des  menaces  aux  coups.  Sarlon,  un  des 
amljassadeurs  du  comte  de  Sicile,  fut  massacré. 

Les  circonstances  étaient  tro))  pressantes  pour  permettre  à 
Roger  de  donner  libre  cours  à  sa  colère,  et  de  tirer  vengeance 
des  habitants  ;  aussi  dissimula-t-il  son  ressentiment  et  tenta-t-il 
de  reprendre  les  pourparlers.  Les  bourgeois  de  Salerne  d'autre 
part,  devaient  être  assez  penauds  de  ce  qui  s'était  passé  et  redou- 
ter que  le  comte  de  Sicile  ne  songeât  à  faire  un  exemple  à  leurs 
dépens.  Au  fond,  ils  devaient  se  rendre  compte  qu'il  y  avait  peu 
de  chance  pour  qu'ils  pussent  maintenir  leur  indépendance  et  que 
le  mieux  était  de  profiter  de  l'occasion,  qui  leur  était  fournie,  pour 
faire  garantir  à  leur  ville  ses  privilèges,  et,  si  faire  se  pouvait,  en 
obtenir  de  nouveaux.  Le  parti  normand  ayant  à  sa  tête  l'arche- 
vêque, Romviald  L"",  fut  naturellement  amené  à  s'employer  pour 
la  conclusion  d'un  accord.  L'archevêque  et  divers  habitants 
eurent  avec  Roger  plusieurs  entrevues  secrètes ,  toujours  pendant 
la  nuit,  et,  dix  jours  après  l'arrivée  du  comte  de  Sicile,  on  traita 
sur  les  bases  suivantes  :  la  ville  de  Salerne  serait  remise  à 
Roger  II,  mais  les  habitants  conserveraient  la  garde  du  donjon; 
le  comte  de  Sicile  prenait  en  outre  l'engagement  de  ne  jamais 
conduire  en  guerre  les  gens  de  Salerne  à  plus  de  deux  jours  de 
marche  de  leur  ville,  et  de  ne  faire  emprisonner  aucun  d'eux 
sans  jugement  ou  sans  qu'il  y  eût  délit. 

Durant  ces  négociations,  Roger  avait  dû  avoir  connaissance 
des  troubles  qui  commençaient  à  agiter  le  pays,  il  avait   hâte  de 

1.  Al.  Tel.,  1,  4,  5  et  0,  pp.  9i-'J2,  Falco  Benev.,  ad  an.  1127,  pp.  193-194. 


THAITÉ    AVEC    AMALFI  387 

se  voir  en  possession  de  Salerne,  aussi  passa-t-il  par  les  condi- 
tions qui  lui  étaient  imposées.  Dès  que  l'accord  fut  conclu,  le 
comte  fit  son  entrée  dans  la  ville  où  Alfan,  évêque  deCappaccio, 
le  couronna  comme  duc  de  Pouille  '. 

Ce  premier  succès  fut  bientôt  suivi  d'un  autre.  La  ville  d'Amalfî 
traita  également  avec  le  comte  de  Sicile,  et  obtint  des  condi- 
tions analogues  à  celles  accordées  à  Salerne  ;  en  eifet,  Roger  II 
fut  reconnu  à  la  condition  que  ce  seraient  les  bourgeois  qui 
auraient  la  garde  des  murailles  ~.  La  ville  de  Bénévent  qui  était 
alors  partagée  entre  deux  partis,  l'un  favorable  au  pape,  l'autre 
aux  Normands,  envoya  au  nouveau  duc  une  ambassade  pour 
l'assurer  de  sa  bonne  volonté.  Roger,  n'ayant  pas  encore  à  ce 
moment  rompu  avec  Honorius  II,  se  borna  à  remercier  les  Béné- 
ventains  et  à  leur  promettre  qu'il  les  récompenserait  de  leur 
zèle  à  son  égard  ':  Il  est  d'ailleurs  fort  proba]>le  que  cette 
démarche  fut  faite  auprès  de  Roger  seulement  par  le  parti  nor- 
mand de  Bénévent,  et  non  par  la  ville  entière. 

Un  appoint  important  fut  apporté  au  comte  de  Sicile  par  Rai- 
nolf,  comte  d'Alife.  Ce  dernier  avait  épousé  une  sœur  de  Roger  II, 
Mathilde.  Il  offrit  à  Roger  son  appui  en  échange  de  la  suzeraineté 
du  comté  d'Ariano,  que  Roger,  dont  nous  avons  parlé  plus  haut, 
avait  récemment  hérité  de  son  père  Jourdain.  Le  comte  de  Sicile 
hésita  longtemps  k  agréercette  demandene  voulant  pas,  disait-il, 
soumettre  un  égal  k  un  égal  ;  en  réalité  Roger  devait  craindre 
surtout  de  constituer  k  Rainolf  un  fief  trop  important,  en 
joignant  k  ses  possessions  le  comté  d'Ariano;  néanmoins,  la 
crainte  de  voir  son  puissant  beau-frère  s'accorder  avec  les 
seigneurs  rebelles  de  la  Pouille  le  détermina  k  lui  accorder  ce 
qu'il  demandait  *. 

Les  sources  ne  nous  permettent  pas  d'établir  pour  cette  période 
une  chronologie  très  exacte,  il  paraît  néanmoins  résulter,  des 
récits  de  Falcon  de  Bénévent  et  d'Alexandre  de  Telese,  que  les 
événements,  qui  viennent  d'être  rapportés,  eurent  lieu  avant  l'ar- 

1.  Romuald  de  Salerne,  dans  M.G.II.SS.,  t.  XIX,  p.  418. 

2.  Al.  Tel.,  1,  7,  p.  92. 

3.  Falco  Benev.,adan.  1127,  p.  194. 

4.  Al.  Tel.  I,  7,  p.  92.  Cf.  supra,  p.  112. 


388  CHAPITRE   XV 

rivée  du  pape  à  Bénévent  '.  Très  mécontent  des  succès  obtenus 
par  Roger,  Honorius  II  menaça  solennellement  d'anathème  le  comte 
de  Sicile,  au  cas  où  il  tenterait  d'acquérir  la  dignité  ducale  '^.  Sur 
ces  entrefaites,  Roger  II,  k  la  tête  de  quatre  cents  chevaliers 
parut  devant  Bénévent,  deux  jours  après  l'arrivée  d'Honorius. 
Soit  pendant  qu'il  se  rendait  de  Salerne  à  Bénévent,  soit  pendant 
le  séjour  qu'il  fit  devant  cette  dernière  place,  Roger  II  rem- 
porta un  nouveau  succès,  en  se  faisant  reconnaître  comme  succes- 
seur de  Guillaume  par  tous  les  seigneurs  de  la  région.  Landolf 
de  Montemarano  ■^.  Landolf  de  San  Barbato  ^,  Hugues  l'Enfant 
etRaon,  seigneur  de  Fragneto  •'  et  de  Ceppaloni ''  firent  leur 
soumission. 

Bien  qu'aucune  des  chroniques  que  nous  possédons  ne  men- 
tionne à  cette  date  des  pourparlers  entre  Honorius  et  Roger,  on 
ne  saurait  douter  que  ce  dernier  n'ait  alors  négocié  avec  le  pape  ". 
II  me  paraît  très  probable,  en  elTet,  que  ce  fut  seulement  après 
s'être  heurté  à  la  mauvaise  volonté  du  souverain  pontife  que  le 
comte  de  Sicile  donna  aux  seigneurs  des  environs  de  Bénévent 
l'ordre  de  harceler  continuellement  la  ville,  car  on  ne  voit  pas 
quel  intérêt  aurait  eu  Roger  k  s'aliéner  le  pape  ;  seule  l'obsti- 
nation d'Honorius  peut  expliquer  la  rupture  qui  s'est  produite 
alors. 

Quand  il  eut  vu  qu'une  entente  avec  Honorius  II  était  impos- 
sible, Roger  chercha  k  empêcher  le   pape  d'intervenir  immédia- 


1.  Al.  Tel.,  I,  8,  p.  93.  FalcoBenev.,  ad  an.  1127,  p.  19o.  Étant  donnéque 
Rof;er  parut,  devant  Béné-ent,  deux  jours  après  l'arrivée  d'Honorius,  on  doit 
admettre  que  la  soumission  de  Rainolf  et  aussi  celle  de  Salerne  et 
d'Amalfi  est  antérieure  à  la  venue  du  pape.  Il  i-ésulte  en  effet  d'Al.  Tel.,  I,  7, 
p.  92,  et  8,  p.  93,  que  Rainolf  se  soumit  au  comte  de  Sicile  avant  que  le 
pape  eut  menacé  Roger  de  le  frapper  d'anathème. 

2.  Falco  Benev.,  ad  an.  1127,  pp.  194-193. 

3.  Montemarano.  circond.  de  S.  Angelo  de'  Lombardi,  prov.  d'Avellino. 

4.  San  Barbato,  com.  de  Manocalzati,  circond.  et  prov.  d'Avellino. 

5.  Fragneto  Moni'orte  ou  Fragneto  l'Abate,  circond.  et  prov.  de  Béné- 
vent. 

6.  Ceppaloni,  circond.  et  prov.  de  Bénévent. 

7.  Al.  Tel.,  I,  9,  p.  93,  mentionne  des  négociations  seulement  alors  que 
Roger  était  à  Salerne;  il  ajoute  qu'il  y  eut  plusieurs  tentatives  de  la  part 
du  comte  de  Sicile. 


RÉVOLTE    DES    SEIGNEIRS    NORMANDS  389 

tementeu  Fouille.  CiOst  lu  ce  qui  explique  rordic  {loniié  de  mul- 
tiplier les  attaques  contre  Bénévent.  Les  forces  pontificales  étant 
ainsi  occupées,  Rog-er  put  prendre  les  devants  et  faire  reconnaître 
son  autorité  à  Troia,  à  Melfi,  et  dans  une  grande  partie  de  la 
Pouille.  Avant  le  1''"  septembre,  nous  trouvons,  à  Montescaglioso, 
Roger  II,  accompag'né  d'un  grand  nombre  d'évêqueset  des  émirs 
Ghristodoulos  et  Georges  d'Antioche  '.  Le  comte  de  Sicile  fut 
peu  après  solennellement  reconnu  k  Reg-gio  comme  successeur 
du  duc  Guillaume  et  i^egag-na  la  Sicile  '.  En  janvier,  il  était  à 
Palerme,  et  le  traité  qu'il  conclut  avec  le  comte  Barcelone  montre 
qu'il  croyait,  à  ce  moment,  son  autorité  suffisamment  établie  pour 
pouvoir  continuer  la  guerre  d'Afrique. 

La  rapidité  avec  laquelle  Rog-er  II  ag-it,  pendant  cette  cam- 
pagne de  1127,  empêcha  ses  adversaires  de  se  concerter  pour  lui 
résister  ouvertement.  Le  nouveau  duc  de  Pouille  pensait  que  le 
pape  placé  en  face  du  fait  accompli  ne  saurait  lui  refuser  l'in- 
vestiture. Dès  son  retour  en  Sicile,  il  rouvrit  les  négociations, 
mais  il  retrouva  chez  Honorius  une  égale  obstination. 

Revenus  de  la  surprise  que  leur  avaient  causée  les  premiers 
succès  de  Roger  II,  les  villes  et  les  seigneurs  de  la  Pouille 
commencèrent  à  s'agiter  et  à  négocier.  Très  habilement  le  pape 
profita  du  mécontentement  général  pour  grouper  autour  de  lui 
tous  les  adversaires  du  successeur  du  duc  Guillaume.  Retenu, 
jusqu'au  milieu  d'octobre,  à  Bénévent,  par  les  attaques  incessantes 
des  partisans  de  Roger,  Honorius  dut  faire  appel  au  concours  de 
soldats  amis  pour  défendre  la  place  -^  Nous  ne  savons  pas  bien  ce 
qu'il  faut  entendre  par  ces  soldats  amis  dont  parle  Falcon  ;  peut- 
être  s'agit-il  d'un  secours  fourni  par  les  seigneurs  normands  de 
la  Pouille. 

Ce  fut  donc  de  Bénévent  que  le  pape  engagea  les  pourparlers, 
qui  aboutirent  à  la  formation  d'une  ligue  comprenant,  outre  le 
pape,  Grimoald  de  Bari,  Tancrède  de  Conversano  et  ses  frères, 

1.  Diplôme  en  faveur  de  San  Micliele  Arcano'plo  de  Montescaglioso, 
Tansi,  op.   cit.,  app.  n°  17,  p.  1")8. 

2.  Falco  Benev.,  ad  an.  1127,  p.  194. 

3.  Le  pape  est  à  Bénévent  jusqu'au  18  octobre,  Jaffé-L.,  72(l.'i.  Falco 
Benev.,  ad  an.  1127,  p.  \9(\. 


390  CHAPITRE  XV 

Roger  d'Ariano,  Geoffroi  d'Aiidria  •,  auxquels  se  joignit  Rainolf 
d'Alife,  le  beau-frère  de  Roger  II.  Les  habitants  de  Troia,  suivant 
sans  doute  l'impulsion  de  leur  évêque,  Guillaume,  rasèrent  la 
citadelle  qui  commandait  leur  ville,  et  se  donnèrent  au  pape  dont 
ils  obtinrent  une  véritable  charte  de  commune  '.  Honorius  II  se 
rendit  aussitôt  à  Troia,  où,  le  11  novembre  1127,  fut  conclu  entre 
les  seigneurs  de  la  Fouille  que  nous  venons  de  nommer  l'ac- 
cord définitif,  qui  liait  tous  les  rebelles  contre  le  nouveau  duc. 
Vers  la  fin  de  décembre,  la  ligue  reçut  l'adhésion  de  Robert 
de  Capoue,  qui  venait  de  succéder  à  son  père,  Jourdain  II,  mort  le 
19  décembre  •^.  Le  pape  ne  put  faire  ;i  Troia  qu'un  séjour  de  peu 
de  durée  :  il  fut  rappelé  à  Bénévent,  que  menaçaient  les  partisans 
de  Roger  II.  Le  II  novendire,  en  elfet,  Raon  de  Geppaloni 
réussit  par  un  audacieux  coup  demain,  à  faire  prisonniers  deux 
cents  habitants  de  la  ville  ^. 

Roger  apprit  bientôt  la  formation  de  cette  ligue  ;  un  passage 
de  la  chronique  de  l'abbé  de  Telese  paraît  indiquer  qu'il  se 
décida  alors  à  repasser  en  Italie  pour  surveiller  les  événements  •'. 
Désireux  de  détourner  l'orage,  il  essaya  de  le  prévenir,  et  fit 
olîrir  au  pape  des  conditions  fort  avantageuses.  Il  proposait  par 
ses  ambassadeurs  délivrera  Honorius,  en  échange  de  l'investiture  '', 

1.  Al.  Tel.,  1,  10  p.  93.  Falco  Benev.,  ad  an.  1127,  p.  196. 

2.  Al.  Tel.,  I,  10,  p.  93.  L'évèque  Guillaume  obtint  d'Honorius  un  privi- 
lège d'immunité,  di  Meo,  op.  cit.^  t.  X,  p.  330.  L'acte  d'Honorius  11,  en 
faveur  des  habitants  de  Troia,  a  été  publié  par  P.  Kehr,  dans  les  Nachri- 
chten  d.  k.  (iesellschafl  d.  Wissensch.  zu  Gôllingen  (1898),  p.  76.  Cf. 
Zdekauer,  Le  franchit] ie  concesse  da  Onorio  II  alla  cUlh  di  Troja  (Turin, 
1898),  in-8°.  Une  inscription  gravée  sur  l'une  des  portes  de  bronze  de  la 
cathédrale  de  Troia  fait  allusion  aux  événements  dont  la  ville  fut  alors  le 
théâtre  et  au  rôle  joué  par  l'évèque  Guillaume  qui  est  qualifié  de  libéra- 
teur de  la  patrie  :  Equitalis  inoderatoi-.  Liherator  patriae.  Voici  le  pas- 
sage le  plus  important  de  cette  inscription  «  Anno  [quo  Guilelmus  dux  (■?j] 
Salerni  ohiil  morte  communi.  Tune  Trojanus  populus  pro  liherlalc  tuenda 
arcem  suhvertit  et  urbeni  vallo  murisque  inunivit.  «  Schultz,  op.  cit.,  t.  1, 
p.  194.  Toute  une  partie  de  l'inscription  a  été  martelée,  sans  doute,  en 
1128,  quand  Roger  reprit  la  ville. 

3.  Necrol.  Cas.,  dans  Gattola,  Ace.,  t.  II,  p.  861. 

4.  AI.  Tel.,  I,  10,  p.  93.  Falco  Benev.,  ad  an.  1127,  p.  196. 

5.  Al.  Tel.,  I,  11,  p.  84,  dit  qu'après  l'échec  des  négociations,  Roger 
retourna  en  Sicile. 

6.  Al.   Tel.,  I,  10,   \).  93,  parle  de  négociations  répétées  ayant  commencé 


HONORIUS    11    ET    LES    REBELLES  391 

les  deux  places  de  Troia  et  de  Montefusco  ^,  plus  une  forte  somme 
d'argent.  Le  pape  se  refusa  à  tout  accord.  Devant  l'inutilité  de 
ses  tentatives,  le  comte  de  Sicile  se  prépara  à  la  guerre.  Ce  fut 
très  probablement  alors  qu'usant  de  représailles,  il  interdit  aux 
évêques  de  Sicile  de  se  rendre  à  liome  -',  comme  le  privilège  de 
légation  lui  en  conférait  le  droit. 

Grisé  par  le  succès  de  ses  premières  démarches  auprès  des  sei- 
gneurs de  la  Fouille,  Honorius  11  s'illusionnait  sur  la  force  de 
la  ligue  dont  il  était  le  chef.  Son  refus  d'accepter  les  conditions 
du  comte  de  Sicile  constitua,  en  somme,  une  faute  politique  dont 
il  ne  devait  pas  tarder  à  se  rendre  compte.  Vers  la  lin  de 
novembre  ou  entre  le  8  et  le  20  décembre  ■\  le  pape  se  rendit  de 
nouveau  à  Troia  oîi  il  tint  un  concile,  dans  lequel  il  excommunia 
solennellement  le  comte  de  Sicile  '.  Honorius  retourna  ensuite  à 
Bénévent  qu'il  quitta,  après  le  20  décembre,  pour  Capoue,  Dans 
cette  dernière  ville,  il  assista,  le  3()  décembre,  au  sacre  solennel  du 
prince  Robert,  auquel  il  donna  l'investiture  de  ses  Etats.  Profitant 
de  la  présence  à  Capoue  d'un  grand  nombre  de  seigneurs  nor- 
mands venus  à  l'occasion  de  cette  cérémonie,  le  pape  prononça 
contre  le  comte  de  Sicile  un  réquisitoire  dune  violence  extrême, 
dans  lequel  il  montra  l'intérêt  que  tous  avaient  à  s'unir  à  la 
papauté    dans    la  lutte    qu'elle    entreprenait.    Très   habilement, 


quand  Roger  était  à  Salerne.  Falco  Benev.,  ad  an.  1127,  pp.  194  et  196.  Le 
premier  passage  semble  indiquer  que  les  négociations  sont  antérieures  au 
H  novembre;  d'autre  part  Alexandre  de  Telese,  I,  10,  p.  194,  paraît  dire 
que  le  comte  négocia  jusqu'au  moment  du  second  séjour  du  pape  à  Troia. 

1.  Montefusco,  circond.  et  prov.   d'Avellino. 

2.  Romuald  de  Salerne,  dans  M.G.II'SS.,  t.  XIX,  p.  418,  donne  ce 
motif  comme  la  principale  cause  de  l'excommunication  prononcée  entre  le 
H  novembre  et  le  20  décembre.  11  me  paraît  donc  prol^able  que  c'est  seu- 
lement après  l'échec  définitif  de  ses  tentatives  auprès  du  pape  que  Roger 
prit  cette  mesure. 

3.  Le  premier  séjour  du  pape  à  Troia  est  du  11  novembre.  Nous  trou- 
vons Honorius  à  Bénévent,  le  6,  le  8  et  le  28  décembre.  Le  30  du  même 
mois,  il  est  à  Capoue.  Il  est  peu  probable  qu'entre  le  20  et  le  30  décembre 
le  pape  soit  allé  à  Troia  et  retourné  à  Capoue.  Le  second  séjour  à  Capoue 
mentionné  par  l'abbé  de  Telese  doit  donc  se  placer  soit  à  la  fin  de 
novembre,  soit  entre  le  8  et  le  20  décembre.  Cf.  Jafîé-L.,  7294,  7295,  7296. 
Al.  Tel.,  I,  10,  p.  94;  Falco  Benev.,  ad  an.  1127,  p.  193. 

4.  Al.  Tel.,  I,  10,  p.  94. 


392  CHAPITRE    XV 

Honorius  développa  les  raisons  pour  lesquelles  tous  avaient  à 
redouter  la  trop  grande  puissance  que  donnerait  à  Roger  l'occu- 
pation du  duché  de  Fouille.  Le  pape  termina  son  discours  par 
un  véritable  appel  à  la  croisade  ;  il  prêcha  la  guerre  sainte  contre 
le  comte  de  Sicile  et  accorda  l'absolution  de  leurs  fautes  à  tous 
ceux  qui  soutiendraient  la  papauté  dans  la  lutte  qu'elle  entrepre- 
nait '. 

Sans  perdre  de  temps,  sans  se  laisser  arrêter  par  la  mauvaise 
saison,  Honorius  cherchaà  atteindre  de  suite  le  but  le  plus  immé- 
diat de  sa  politique,  c'est  à  savoir  la  libération  du  territoire  de 
Bénévent,  qui  devait  lui  permettre  de  porter  la  guerre  dans  les  Etats 
de  Roger.  Hugues  l'Enfant  paraît  avoir  été  de  tous  les  partisans  du 
comte  de  Sicile  dans  cette  région,  le  plus  acharné  contre  les 
Bénéventains.  Ce  fut  contre  lui  que  la  ligue  porta  son  premier 
etfort.  Hugues  se  trouvait  être  pour  quelques-unes  de  ses  terres, 
vassal  de  Rainolf,  comte  d'Alife  ;  cité  parce  dernier  à  comparaître 
devant  sa  cour,  il  s'y  refusa  '^.  Aussitôt  une  expédition  fut  orga- 
nisée contre  le  château  de  Lapellosa  •^,  où  se  trouvait  Hugues.  Le 
comte  d'Alife  et  le  prince  de  Capoue  devaient  appuyer  le  recteur 
de  Bénévent  dans  l'attaque  projetée.  Mais,  dès  le  début,  des  diffi- 
cultés s'élevèrent,  pour  des  motifs  qui  nous  sont  inconnus,  entre 
le  pape  et  ses  alliés  normands.  Ceux-ci  ne  prirent  point  part  à 
l'expédition  projetée  ;  le  recteur  de  Bénévent  fut  repoussé  par 
Hugues  l'Enfant,  et  peu  après  Robert  et  Rainolf  quittèrent  l'ar- 
mée pontificale. 

Désireux  de  ne  pas  demeurer  sur  un  échec,  Honorius  s'avança 
lui-même  jusqu'à  Montesarchio  '  pour  diriger  les  opérations. 
Le  29  janvier  1^28,  ses  troupes  subirent  un  nouvel  insuccès. 
Mécontent  de  la  défection  de  ses  alliés,  le  pape  renonça  à  entre- 
prendre une  nouvelle  attaque.  11  chargea  Gautier,  archevêque  de 
Tarente,    de    gouverner  Bénévent    et  d'organiser    de    nouvelles 


1.  Falco  Benev.,  ad  an.  1127,  pp.  lU'J-l'.lT. 

2.  Ibid.,  ad  an.,  pp.  197-198. 

3.  Lapellosa  me  parait  devoir  être  identifiée  avec  ApoUosa,  cire,  et  prov. 
de  Bénévent. 

4.  Montesarchio,  circond.  et  prov.  de  Bénévent. 


PRISE  d'omignano  393 

troupes  ',  puis  il  reprit  le  chemin  de  Rome.  Il  y  était  de  retour 
au  commencement  de  mars  -et  devait  y  rester  jusqu'au  début  de 
juin  3. 

Roger  ne  demeura  point  inactif  pendant  Ihiver  de  l'année  1128, 
et  prépara  la  campagne  qu'il  comptait  entreprendre  au  printemps. 
S'il  fallait  en  croire  l'interpolateur  de  Ronmald  de  Salerne,  il 
aurait  alors  réuni  deux  mille  chevaliers,  quinze  cents  archers  et 
trente  mille  fantassins  ''.  (]e  dernier  chiffre  me  paraît  fort  exagéré 
et  n'est  pas  en  rapport  avec  les  ell'ectifs  des  autres  contingents. 
Il  résulte  du  récit  du  même  auteur  que  durant  cette  campagne 
Roger  divisa  son  armée  en  plusieurs  corps  opérant  simultané- 
ment. 

Nous  savons,  toujours  d'après  la  même  source,  que,  le  11  mai, 
le  duc  était  à  Messine  ',  oîi  il  organisait  une  expédition  pour  tirer 
vengeance  de  la  défaite  que  ses  troupes  avaient  éprouvée  l'année 
précédente  devant  Omignano.  Avant  la  lin  de  mai,  Roger  tra- 
versait le  détroit  et  venait  assiège"  Omignano  qui  fut  prise.  A  la 
suite  de  cette  victoire,  le  duc  s'empara  de  toutes  les  terres  qui 
appartenaient  au  comte  Roger  et  à  sa  femme  Judith.  Il  prit  notam- 
ment Tursi  '^j  Pisticcio  ^  et  Sant'Arcangelo  ^,  où  un  certain  Geof- 
froi,  fils  d'un  comte  Alexandre,  fit  sa  soumission.  S'agit-il  d'un 
fils  d'Alexandre  de  Conversano  ou  d'un  lils  d'Alexandre  de  Cler- 
mont,  qui  sont  les  deux  personnages  de  ce  nom   les  plus  connus 

1.  Au  Recteur  de  Bénévent  le  pape  donne  l'ordre  «  ul  solidos  de  regali- 
bus  acceptas  Archiepiscopo  illi  commiteret,  de  quihus  milites  civitalis  arma- 
rentur  et  auxilium  secundum  vires  praeberetur.,  F&lco  Benew,  p.  198. 

2.  Jaffé-L.,  7297. 

3.  Jaffé-L.,  7314. 

4.  Cf.  l'interpolateur  de  Romuald  de  Salerne,  dans  M.G.II.SS.,  t.  XIX, 
p.  419. 

0.  Cf.  Arch.  st.nap.,  t.  XIV    1889),  p.  735. 

6.  Tursi,  circond.  de  Lagonegro.,  prov.  de  Potenza. 

7.  Pisliccio,   circond.  de  Matera,  prov.  de  Potenza. 

8.  Sant'Arcangelo,  circond.  de  Lagonegro,  prov.  de  Potenza.  Ce  village 
est  le  seul  dont  la  situation  me  paraisse  correspondre  aux  renseignements 
que  nous  fournissent  les  sources.  Sant'Ai'cangelo,  com.  de  Cava  dei  Tireni, 
circond.  et  prov.  de  Salerne,  Sant'Arcangelo,  com.  de  Conca  Marini,  cir- 
cond. et  pi'ov.  de  Salerne,  me  paraissent  situés  en  dehors  du  théâtre  des 
opérations  ;  de  même  Sant'Arcangelo  Trimonli,  circond.  d'Ariano  di  Puglia, 
prov.  d'Avellino. 


394  CHAPITRE    XV 

vers  cette  époque  ?  Nous  l'ignorons.  Pourtant  on  trouve  quelques 
années  plus  tard  un  Geoffroi,  fils  d'Alexandre  de  Gonversano; 
peut-être  est-il  ici  question  du  même  personnage  '. 

Seul,  rinterpolateur  de  Romuald  mentionne  ces  succès  de 
Roger  II,  dans  la  Basilicate  et  la  Lucanie.  Le  comte  de  Sicile 
gagna  ensuite  la  terre  d'Otrante  ;  il  prit  et  rasa  la  tour  d'Onfroi, 
dont  nous  ne  connaissons  pas  l'emplacement  et  pénétra  sur  les 
terres  dont  Bohémond  II  partant  pour  la  croisade  avait  laissé  la 
garde  au  pape  et  à  Alexandre  de  Gonversano  -.  Tarente  ne  put 
résister  au  comte  de  Sicile  et  se  rendit  après  un  siège  de  peu  de 
durée  ;  Otrante  se  soumit  sans  la  moindre  résistance.  Remon- 
tant alors  vers  le  Nord,  Roger  se  rendit  à  Brindisi,  qui  tomba 
bientôt  en  son  pouvoir,  ainsi  que  Gastro  '^,  Oria  et  de  nombreux 
châteaux  appartenant  à  Tancrède,  Gette  première  campagne 
eut  donc  pour  résultat  d'assurer  k  Roger  la  possession  de  tout 
le  pays,  au  sud  d'une  ligne  allant  de  Salerne  à  Brindisi. 

Ainsi  les  attaques,  dont  Bénévent  était  l'objet,  avaient  réussi 
à  empêcher  le  pape  de  secourir  ses  alliés  de  la  Fouille.  Dési- 
reux d'en  finir  avec  Hugues  l'Enfant,  Honorius  II  rentra  en 
campagne,  au  début  de  juin.  Il  quitta  Rome,  emmenant  avec  lui 
deux  cents  chevaliers  qu'il  réunit  aux  milices  de  Bénévent,  et 
aux  forces  du  prince  de  Gapoue  et  du  comte  d'Alife,  avec  les- 
quels il  avait  fini  par  se  mettre  d'accord.  Une  attaque  générale 
fut  dirigée  contre  Torre  del  Palazzo  où  était  alors  Hugues  l'En- 
fant. Ge  dernier  ne  put  résister  et  dut  rendre  la  place  ''. 

Libres  du  côté  de  Bénévent,  le  pape  et  ses  alliés  se  hâtèrent 
de  porter  secours  aux  seigneurs  de  la  Fouille  menacés  par 
l'attaque  de  Roger.  Sans  rencontrer  d'obstacle,  ils  traversèrent 
le  territoire  de  Bari  et  s'avancèrent  jusqu'au   Bradano  \   Roger, 

1.  Al.  Toi.,  II,  38,  p.  116. 

2.  Interpolateur  de  Romuald  de  Salerne,  M.G.II.SS.,  t.  XIX,  p.  4IS,  ad 
an.  1127.  Al.  Tel.,  I,  12,  pp.  94-95. 

3.  Sans  doute  Castro,  corn,  de  Diso,  circond.  de  Gallipoli,  prov.  de 
Lecce. 

4.  Falco  Benev.,  ad  an.,  p.  199.  Je  n'identifie  pas  Torre  del  Palazzo.  Il 
s'agit  évidemment  ici  de  la  même  localité  que  dans  un  acte  de  1112,  cf.  di 
Meo,  op.  cit.,  t.  IX,  p.  183,  n"  4. 

5.  Jaffé-L.,  7315,  le  8  juillet  le  pape  est  in  territorio  Barensi. 


HONORIUS    II    TBAITE    AVEC    ROGER    II  395 

quand  il  fut  instruit  de  Tapproche  de  l'armée  ennemie,  s'établit 
dans  une  forte  position  sur  les  bords  du  fleuve,  à  Guazzo 
Petrozo  '.  Suivant  l'abbé  deTelese,  le  comte  de  Sicile,  par  respect, 
pour  Honorius,  ne  voulut  pas  livrer  bataille  -.  Falcon  de  Béné- 
vent  est,  semble-t-il,  plus  exact,  quand  il  écrit  que  Roger  se  trou- 
vant en  présence  de  forces  très  nombreuses,  ne  voulut  pas  cou- 
rir la  chance  d'un  combat  '. 

Roger  II  chercha  évidemment  à  gagner  du  temps  en  traînant 
la  guerre  en  longueur.  Il  calculait  que  ses  adversaires  auraient 
de  la  peine  à  conserver  leurs  troupes  au  delà  de  la  durée  nor- 
male du  service  féodal,  et  il  comptait  sur  les  divisions  qui  ne 
pouvaient  manquer  d'éclater  entre  les  alliés.  11  pensait  sans 
doute  que  le  pape  inquiet  de  la  prolongation  des  hostilités  com- 
prendrait tout  ce  que  ses  exigences  avaient  d'excessif  et  verrait 
l'intérêt  qu'il  avait  à  conclui-e  la  paix.  L'événement  devait  confir- 
mer la  justesse  de  ses  prévisions. 

Durant  quarante  jours,  les  deivx  armées  demeurèrent  en  pré- 
sence, sans  en  venir  aux  mains.  L'armée  pontificale,  très  éprouvée 
par  la  chaleur,  eut  aussi  à  souffrir  de  la  disette.  Le  prince  de 
Capoue  tomba  malade  ;  ses  vassaux,  qui  ne  recevaient  point  de 
solde,  commencèrent  à  murmurer  sur  la  durée  excessive  du  ser- 
vice qui  leur  était  imposé.  Un  certain  nombre  d'entre  eux  prirent 
même  le  parti  de  quitter  l'armée.  Leur  exemple  fut  contagieux 
et  la  plupart  des  barons  se  mirent  à  parler  ouvertement  d'aban- 
donner le  pape.  Honorius  II  fut  bientôt  informé  de  l'état  d'esprit 
des  troupes  qu'il  commandait.  Il  en  vint  à  craindre  d'être  complè- 
tement abandonné  par  ses  alliés  et  se  décida  à  entrer  en  pourpar- 
lers avec  le  comte  de  Sicile  '*. 

Les  négociations  furent  conduites  secrètement  par  le  cardinal 
Aimeri  et  Gencio  Frangipani.  Les  chroniqueurs  se  bornent  à  nous 
dire  qu'Honorius  promit  au  comte  de  Sicile  de  lui  accorder  l'in- 
vestiture, s'il  venait  la  lui  demander  à  Bénévent.  Il  semble  que 
par  là  le  pape    ait  surtout  cherché  à  sauver  son  prestige  forte- 

1.  Non  identifié. 

2.  Al.  Tel.,  1,13,  p.  9".. 

3.  Falco  Benev.,  adan.  1128,  p.  100. 

4.  Al.  Tel.,  I,  13  et  14,  pp.  03-90;  Falco  Benev.,  adan.,  p.  199.  Lih.  Pont., 
t.  II,  p.  379. 


396  CHAPITRE    X\ 

ment  compromis  dans  l'aventure  où  il  s'était  jeté,  et  n'ait  pas 
voulu  paraître  avoir  été  contraint  par  la  force  des  armes  d'accor- 
der à  Roger  11  l'investiture  du  duché  de  Fouille.  Honorius  II  ne 
réussit  ainsi  à  sauver  que  son  amour-propre,  car  il  dut  en  pas- 
ser parles  conditions  du  comte  de  Sicile,  qui  exigea  que  le  pape 
le  reconnut  purement  et  simplement  comme  duc  de  Fouille.  Il 
n'est  plus  question  alors  de  Troia  et  de  Montefusco,  ces  deux 
places  que  Rog-er  avait  précédemment  offertes  au  Saint-Siège. 

En  somme,  le  pape  subit  un  échec  complet;  il  fut  oblig-é  de 
trahir  ses  alliés,  car  ceux-ci  ne  furent  point  compris  dans  l'accord 
conclu  avec  Honorius.  Aussi,  dès  que  ces  derniers  eurent  con- 
naissance du  traité  conclu  par  le  pape,  s'empressèrent-ils  de  quit- 
ter l'armée. 

Le  pape  regagna  donc  Bénévent.  oîi  il  fut  suivi  de  près  par 
le  comte  de  Sicile  qui,  le  20  août,  vint  camper  devant  la  ville  sur 
le  mont  San  Felice  K  Les  derniers  pourparlers  entre  Roger  et 
Honorius  durèrent  encore  trois  jours;  l'accord  définitif  ne  fut  con- 
clu que  le  22,  au  soir.  Roger  se  refusa  énergiquement  a  pénétrer 
dans  Bénévent  pour  prêter  au  pape  serment  d  hommage  et  de 
fidélité.  On  convint  finalement  que  la  cérémonie  aurait  lieu  en 
dehors  de  la  ville,  près  du  pont  traversant  le  Sabbato.  Ce  fut  la 
nuit,  à  la  lueur  des  torches,  que  Roger  reçut  du  pape  l'investiture 
de  sesnouveaux  Etats.  Il  est  curieux  de  voirque  Roger,  après  avoir 
prêté  les  serments  habituels,  prit  l'engagement  de  ne  pas  atta- 
quer la  principauté  de  Capoue.  Cette  sollicitude  du  pape  envers 
Robert  de  Capoue,  qui  avait  été  le  premier  à  abandonner  la  cause 
pontificale,  doit  s'expliquer  très  vraisemblablement  par  le  désir  de 
maintenir  entre  le  territoire  pontifical  et  les  Etats  de  Roger  un  Etat 
capable  de  contrebalancer,  dans  une  certaine  mesure,  la  puissance 
du  duc  de  Fouille.  C'était  le  dernier  elfort  de  la  papauté  pour 
sauvegarder,  autant  qu  il  était  en  son  pouvoir,  l'ordre  de  choses 
qu'elle  avait  réussi  à  maintenir  dans  le  sud  de  l'Italie  durant  plus 
d'un  demi-siècle.  Mais  la  principauté  de  Capoue  était  déjà  bien 
alfaiblie  pour  pouvoir  continuer  à  aider  efficacement  la  politique 
traditionnelle  du  Saint  Sieste,  et  la  réunion  dans  les   mains  d'un 

1.  Al.  Tel.  I,  l.'i,  p.  06;  Falco  Benov.,  ad  an.,  p.    109. 


RÉVOLTE    DES    SEIGNEURS    XOKMANDS  397 

même  souverain  du  comté  de  Sicile  et  du  duché  de  Fouille  rom- 
pait Téquilil^re  que  les  papes  s'étaient  etforcés  d'établir  entre  les 
divers  Etats  normands  de  l'Italie  du  Sud. 

Le  prestige  d'Honorius  II  sortait  fort  amoindri  de  sa  lutte  avec 
Roger  II;  aussi  les  Bénéventains  profilèrent-ils  de  la  faiblesse  du 
pouvoir  pontifical  pour  se  soulever  ;  ils  massacrèrent  le  recteur, 
chassèrent  les  partisans  du  pape  et  organisèrent  une  commune. 
Honorius  II  fut  contraint  de  s'incliner  devant  le  fait  accompli  et 
dut  dilTérer  sa  vengeance. 

Pendant  ce  temps,  Roger  II  s'éloignait  de  Bénévent  pour  aller 
mettre  le  siège  devant  Troia.  Il  ne  réussit  pas  à  s'emparer  de  la 
ville  et  se  retira  ;  il  trouva  une  compensation  dans  la  soumission 
des  autres  villes  ducales,  Melfi,  notamment,  le  reconnut  alors. 
A  l'approche  de  l'hiver,  Roger  regagna  Salerne,  où  il  s'embar- 
qua pour  la  Sicile  ' . 

Roger  sortait  donc  vainqueu"  de  sa  première  lutte  avec 
la  papauté  qui,  une  fois  de  plus,  venait  de  subir  un  échec 
complet  dans  l'Italie  du  Sud.  Par  le  traité  conclu  avec 
le  pape,  Roger  avait  fait  reconnaître  et  consacrer  ses  droits  à  la 
succession  de  Guillaume,  et  était  entré  en  possession  de  l'héritage 
qu'il  avait  convoité.  Il  ne  lui  restait  plus  qu'à  le  défendre  contre 
les  vassaux  rebelles  de  la  Pouille  qui  n'avaient  point  traité  avec 
lui  en  même  temps  que  le  pape. 

Pendant  l'hiver  suivant  (1128-1129),  les  hostilités  continuèrent 
et  les  seigneurs  de  la  Pouille,  reprenant  l'avantage,  réussirent 
à  enlever  à  Roger  II  une  partie  des  villes  qu'il  avait  sou- 
mises. Tancrède  rentra  en  possession  de  Brindisi,  de  Castro 
et  de  diverses  autres  petites  places  ~.  Les  progrès  des  rebelles  déci- 
dèrent Roger  à  rentrer  en  campagne,  au  printemps  1129  '.  Toute 
la  Pouille  était  alors  en  révolte,  depuis  la  terre  d'Otrante  jusqu'au 

1.  Al.  Tel.,  I,  15,  p.  96. 

2.  Ihid.,  I,  15  et  17,  pp.  96-97. 

3.  Ihid.,  I,  16.  Cf.  l'interpolateur  deRomualdcle  Salerne,  dans  M. G. II. SS., 
t.  XIX,  p.  420,  ad  an.  1129.  Du  15  mai  1129,  est  le  célèbre  diplôme  faux 
pour  Messine.  Cf.  Vito  La  Mantia,  I  privilegi  cli  Messina  (Palerme  1897), 
p.  2.  K.  Kehr,  op.  cit.,  p.  320.  De  la  même  année  sont  également  les 
diplômes  faux  pour  André  Carav'ello,  Milon  de  Bari  et  Porcio,  cf.  Kehr, 
op.  cil.,  pp.  394  et  388. 


398  CHAPITRE    XV 

Monte  Gargano.  Fortes  de  3.000  chevaliers  et  de  6.000  fantas- 
sins, archers  et  Sarrasins,  les  troupes  ducales  reprirent  à  Tan- 
•crède  un  certain  nombre  de  petites  places  dont  les  chroniques  ne 
nous  donnent  pas  les  noms.  11  semble  qu'il  faille  placer  ici  le 
siège  deNardo,  daté  de  1129  ^  par  Tinterpolateur  de  Romuald  de 
Salerne.  Sous  la  conduite  de  Rog-er,  l'armée  ducale  vint  mettre 
le  sièg-e  devant  Brindisi  (juin),  qui  fut  assiégée  par  terre  et  par 
mer.  La  ville  était  défendue  par  Richard  de  Clermont  et  Geolfroi, 
fils  d'Alexandre.  Le  duc  de  Fouille  ne  réussit  pas  à  s'emparer  de 
la  place  et  fut  contraint  par  le  manque  de  vivres  à  lever  le  siège. 
L'armée  se  retira  sur  Tarente  "',  puis  alla  assiéger  la  ville  de 
Castro  qui  fut   prise  et  détruite. 

Roger  mit  ensuite  le  siège  devant  Montalto  '.  A  ce  moment,  quel- 
ques-uns de  ses  vassaux  montrèrent  une  certaine  indiscipline, 
Robert  de  Grantmesnil,  fils  de  Guillaume  de  Grantmesnil  et  de 
Mabille,  fille  de  Guiscard  '*,  déclara  au  duc  que  son  fief  n'était  pas 
suffisamment  important  pour  lui  permettre  de  supporter  la  dépense 
d'une  aussi  longue  campagne.  Malgré  la  promesse  de  Roger  de  le 

1.  Interpolateur  de  Romuald  de  Salenie,  dans  M.G.II.SS.,  l.  XIX,  p.  420. 

2.  Ibid.,  p.  420. 

3.  D'après  le  Dictionnaire  dea  Postes  d'Italie,  il  n'existerait  (pi'uu  village 
de  ce  nom,  Montalto  L  fl'ugo  dans  le  circondario  de  Cosenza.  Je  ne  sais  sil 
s'agit  de  cette  place,  qui  est  bien  éloignée  de  la  région  où  nous  voyons 
opérer  les  troupes  de  Roger.  Toutefois  di  Meo  et  del  Re  ne  font  aucune 
difGeulté  pour  accepter  cette  identification.  Un  document  de  1121  nous  fait 
connaître  Dreux  de  Montalto,  qui  fait  une  donation  au  monastère  de  la 
Sainte-Trinité  de  Milelo.  Archives  du  collège  grec,  B.  IX. 

4.  Orderic  Vital,  1.  VIII,  7,  IG,  28,  t.  III,  pp.  308,  360,  455.  Cf.  Engel,  op. 
cit.,  p.  23.  Mabille,  mère  de  Robert,  vit  encore  en  1132;  elle  lient  alors 
Cotrone.  Diplôme  de  février  6636,  ind.  X,  1128,  traduit  du  grec,  Bibl.  Chigi, 
E,  YI,  182,  f.  41.  La  date  d'année  ne  concorde  pas  avec  l'indiction;  comme 
il  est  question  ici  du  roi  Roger,  la  date  fournie  par  l'indiction  doit  être  exacte. 
Cf.  Ughelli,  op.  cit.,  t.  IX,  680.  Mgr  Battifol,  Vahhaye  de  Rossano,  p.  17, 
croit  ce  diplôme  faux  ;  les  raisons  qu'il  donne  ne  sont  pas  décisives,  car 
étant  donné  que  ce  diplôme  n'est  connu  que  par  une  traduction,  on  peut 
croire  dans  la  date  à  une  erreur  du  traducteur.  Si  l'on  date  le  document 
d'après  l'indiction,  ses  données  sont  parfaitement  acceptables.  Mabille 
nous  est  connue  par  un  autre  diplôme  en  faveur  de  Barthélémy,  abbé  du 
monastère  Santa  Maria  du  Patir,  au  diocèse  de  Rossano;  par  cet  acte  de 
1122,  Mabille  et  son  mari,  Guillaume,  donnent  au  monastère  tout  ce  qu'ils 
possèdent  entre  le  Crati  et  le  Conchiliou  Coscile,  aflluentde  gauchedu  Crati. 
Cf.  Ughellî,  op.  cit.,  t.  IX,  p.  387. 


KÉVOLTE    DES    SEIGNEURS    NORMANDS  399 

récompenser  quand  il  serait  maître  de  la  Fouille,  Robert  quitta 
l'armée  '.  Cet  épisode  est  intéressant  parce  qu'il  nous  montre  que, 
dès  le  début  de  son  règne,  Roger  chercha  à  prolonger  la  durée  du 
service  militaire  que  ses  vassaux  étaient  tenus  de  fournir.  Nous 
verrons  plus  tard  que  ce  sera  là  un  des  principaux  griefs  allégués 
par  les  seigneurs,  lors  de  leurs  nombreuses  révoltes. 

Montalto  ne  tarda  pas  à  tomber  au  pouvoir  du  duc  de  Fouille 
qui  se  porta  aussitôt  vers  la  région  de  Bari  et  occupa  successive- 
ment Ruvo  '',  Salpi  (août)  ^,  Siponto  '*,  le  Monte  Gargano  etTra- 
ni.  Un  passage  assez  obscur  de  l'interpolateur  de  Romuald  de 
Salerne  ^',  semble  indiquer  qu'il  y  eut  également  des  hostilités  à 
Gravina  '^  et  Acquaviva  ~.  Fendant  ce  temps,  au  mois  de  juin,  la 
flotte  du  duc,  forte  de  quarante  à  soixante  galères,  avait  paru 
devant  Bari,  qui  fut  bloqué  du  côté  de  la  mer  ^. 

Les  succès  importants,  remportés  par  Roger,  amenèrent 
Alexandre  de  Conversano,  ses  frères  Tancrède  et  Geoffroi,  et 
Grimoald  de  Bari  à  faire  leur  soumission.  Un  accord  fut  conclu,  le 
10  août;  Roger  restitua  à  ces  seigneurs  toutes  les  terres  qu'il  leur 
avait  enlevées;  eux-mêmes  rendirent  toutes  les  terres  dont  ils 
s'étaient  emparées  et  durent  accompagner  le  duc  au  siège  de 
Troia  ^.  La  rapide  soumission  de  la  Fouille  prit  les  gens  de 
Troia  au  dépourvu.  Abandonnés  par  le  pape  auquel  ils 
s'étaient  donnés,  ils  se  tournèrent  vers  Robert  de  Gapoue,  qui, 
peu    désireux    d'entreprendre     seul    la    guerre    contre     Roger, 


1.  Al.  Tel.,  I,  18,  97. 

2.  Il  me  parait  qu'il  est  question  ici  de  Ruvo  di  Puglia,  cire,  de  Bar- 
letta,  prov.  de  Bari,  plutôt  que  de  Ruvo  del  Monte,  cire,  de  Melfi.,  prov. 
de  Potenza. 

3.  Sur  les  bords  du  lac  du  même  nom. 

4.  Siponto,  aujourd'hui  ruinée,  entre  t'oggia  et  Manfredonia. 

5.  Interpolateur  de  Romuald  de  Salerne,  dans  M. G. H. SS.,  t.  XIX,  p.  419. 
Ces  villes,  lors  de  la  paix,  furent  rendues;  elles  avaient  donc  été  enlevées. 

6.  Gravina  in  Puglia,  cire.  d'Altamura,  prov.  de  Bari. 

7.  Acquaviva  délie  fonti,  cire,  et  prov.  de  Bari. 

8.  Interpolateur  de  Romuald  de  Salerne,  dans  M.G.II.SS.,  t.  XIX,  p.  419  ; 
la  date  fournie,  1129,  ne  concorde  pas  avec  Tindiction  8.  Mais  la  date  d'an- 
née est  probablement  exacte,  cf.  p.  384,  note  3. 

9.  Interpolateur  de  Romuald  de  Salerne,  dans  M,G.H.SS.,  t.  XIX,  p.  419, 
Al,  Tel.,  1, 18. 


400  CHAPITRE    XV 

refusa  d'écouter  les  ouvertures  qui  lui  étaient  faites.  Le  comte 
d'Alife,  Rainolf,  qui  se  trouvait  abandonné  de  ses  anciens  alliés 
et  craignait  de  ne  pouvoir  soutenir  seul  la  guerre  contre 
son  puissant  beau-frère,  iît  alors  offrir  aux  gens  de  Troia  de  les 
défendre,  s'ils  voulaient  l'accepter  comme  seigneur.  Ses  proposi- 
tions furent  agréées  et  Rainolf,  devenu  ainsi  maître  de  la  place 
qui  commandait  l'entrée  de  la  Fouille,  vint  occuper  la  ville. 

Roger  II  se  trouvait  à  Salpi,  quand  il  apprit  l'alliance  de  son 
beau-frère  avec  les  habitants  de  Troia  ;  il  se  décida  aussitôt  à  por- 
ter la  guerre  sur  le  territoire  de  Rainolf  ^  Passant  devant  Troia 
sans  attaquer  la  place,  il  se  dirigea  vers  le  château  de  Grenzio  -, 
qui  appartenait  à  Rainolf.  Celui-ci,  qui  n'avait  peut-être  cherché 
en  s' alliant  avec  les  gens  de  Troia  que  le  moyen  d'obtenir  de 
meilleures  conditions  de  Roger,  entra  en  négociations  avec  le 
duc  de  Fouille.  Ce  dernier  offrit  à  Rainolf  son  pardon,  s'il  con- 
sentait k  tenir  Troia  en  fief.  Le  comte  d'Alife  accepta  et  aban- 
donna ses  alliés  de  la  veille.  Ceux-ci  ne  purent  résistera  Roger, 
et  il  suffit  d'un  siège  de  quelques  jours  pour  les  amener  h  faire 
leur  soumission.  C'est  très  proljablement  à  ce  moment  que  fut 
donné  par  Roger  le  diplôme,  conservé  aujourd'hui  aux  archives 
capitulaires  de  cette  Aille,  par  lequel  le  duc  de  Fouille  accorde 
aux  chanoines  de  Troia  le  droit  de  percevoir  la  dîme  •'. 

La  soumission  de  Troia  fut  suivie  de  celle  des  autres  villes 
ducales,  qui  avaient  pris  part  à  la  révolte;  elles  envoyèrent  alors 
leurs  clefs  k  Roger  ^. 

Il  faut  placer  très  vraisemblement,  pendant  le  séjour  que  fit  k  ce 
moment  Roger  dans  la  région  de  Troia,  son  entrevue  avec  le  pape 
Ilonorius  II.  Celui-ci,  dans  le  courant  d'août,  était  venu  k  Béné- 
vent,  où  il  n'avait  pu  venir  k  bout  de  la  commune  établie,  comme 
nous  l'avons  vu,  l'année  précédente.  Ilonorius  II  se  rencontra 
avec  Roger  k  Leocabante  ■"'  ;  il  lui  demanda  de  l'aider  k  soumettre 


1.  Al.  Tel.,  I.  18,  p.  98. 

2.  Peut-  être  Greci,  circond.  d'Ariano  de  Puglia,  prov.  d'AvcUino. 

3.  Archives  capitulaires  de  Troia,  P.  II;  le  diplôme  est  de  1129,  sans  date 
de  mois. 

4.  AI.  Tel.,  I,  20. 

5.  Locabanle,  près  de  Hénévent. 


ROGER  II  ET  ROBERT  DE  GRANTMESNIL  401 

les  habitants  de  Bénévent.  Malgré  la  sympathie  que  lui  avaient 
témoignée  les  Bénéventains,  Roger  11  pi'omit  au  pape  de 
l'appuyer  au  mois  de  mai  suivant  K  Peut-être  le  duc  de  Fouille  se 
souciait-il  peu  de  laisser  établir,  dans  une  ville  confinant  à  ses 
États,  une  autonomie  municipale  que  les  villes  ducales,  déjà  si 
portées  à  l'indépendance,  ne  pouvaient  manquer  denvier. 

Avec  la  prise  de  Troia  se  termina  la  première  insurrection  de 
la  Fouille.  Roger  11  sut  très  habilement  diviser  ses  adversaires 
pour  en  venir  à  bout  successivement.  11  convient  de  remarquer 
la  modération  dont  le  nouveau  duc  usa  dans  sa  victoire  ;  aucune 
confiscation  ne  paraît  avoir  été  opérée,  et  les  seigneurs  de  la 
Fouille  recouvrèrent  les  terres,  qui  leur  avaient  été  enlevées. 
Pourtant  il  est  probable  que  Roger  dut  tenir  vis-à-vis  de  plusieurs 
d'entre  eux  la  conduite  qu'il  tint  envers  Tancrède.  11  obligea 
celui-ci  à  remettre  aux  mains  dune  garnison  ducale  la  citadelle 
de  Brindisi  2. 

Roger  s'occupa  aussitôt  d'organiser  ses  nouveaux  Etats  ;  il 
voulut  montrer,  dès  le  début  de  son  règne,  qu'il  entendait  mettre 
fin  à  l'anarchie,  qui  avait  existé  au  temps  du  duc  Guillaume,  et 
qu'il  voulait  faire  observer  rigoureusement  par  ses  vassaux  les 
obligations  féodales  ;  Robert  de  Grantmesnil,  en  quittant  l'armée 
de  son  suzerain,  avait  manqué  à  son  devoir;  désireux  de  faire  un 
exemple,  et  de  montrer  à  ses  vassaux  que  l'autorité  ducale  n'était 
pas  un  vain  mot,  Roger  alla  assiéger  le  coupable  dans  Lagope- 
sole  où  il  s'était  enfermé.  Grantmesnil  n'obtint  son  pardon  qu'en 
renonçant  à  tous  les  fiefs  qu'il  tenait  du  duc  •^. 

De  Lagopesole,  Roger  se  rendit,  en  septembre,  à  Melfi,  où  il 
avait  convoqué  tous  ses  vassaux  de  la  Fouille,  de  la  Calabre,  de 
la  Lucanie  et  de  la  Campanie  ^.  Il  tint  une  cour  solennelle  à 
laquelle  assistèrent  un  grand  nombre  d'évêques  et  d'abbés.  Tous 

1.  Falco  Benev.,  ad  an.  H29,  p.  201. 

2.  L'interpolateur  de  Romuald  dit  qu'en  septembre  1132-H31,  n.  s., 
cette  citadelle  est  à  Roger,  M.G.II.SS.,  t.  XIX,  p.  420. 

3.  Al.  Tel.,  I,  20,  p.  99. 

4.  Al.  Tel.,  I,  21,  L'interpolateur  de  Romuald  de  Salerne,  loc.  cit.,  date 
de  1130,  septembre,  mais  il  commence  l'année  en  septembre.  Le  texte  porte, 
en  outre,  les  noms  de  Brizie  et  Salenline.  Lepremier  mot  ne  peut  désigner 
le  Bruttium  puis([u'il  a  déjà  été  question  de  la  Calabre,  ne  faudrait-il  pas  lire 

Histoire  de  la  dominalion  normande.  — Chalandon.  26 


402  CHAPITRE    XV 

les  vassaux  prêtèrent  au  duc  et  à  ses  fils,  Rog-er  et  Tancrède, 
serment  de  fidélité.  Dans  cette  assemblée,  Roger  II  établit  les 
règles  de  gouvernement  qu'il  entendait  imposer  ;  il  interdit  les 
guerres  privées,  imposa  aux  seigneurs  l'obligation  de  remettre 
les  malfaiteurs  à  la  justice  ducale,  et  déclara  qu'il  voulait  que  l'on 
respectât  non  seulement  les  biens  des  personnes  ecclésiastiques, 
mais  aussi  les  pèlerins,  les  voyageurs  et  les  marchands.  L'abbé 
de  Telese  nous  donne  malheureusement  peu  de  détails  sur  les 
mesures  prises  alors  par  Roger.  Nous  savons  pourtant  que,  plus 
tard,  le  duc  réussit  à  faire  cesser  le  brigandage,  et  le  témoignage 
de  son  panégyriste  est  ici  confirmé  par  celui  de  Pierre  de  Cluny, 
qui,  dans  une  lettre,  postérieure  de  quelques  années  à  ces  événe- 
ments, parle  de  la  tranquillité  que  Roger  11  a  su  faire  régner 
dans  ses  États.  La  paix  et  la  sécurité  dont  on  jouissait  dans  le 
royaume  de  Sicile  faisaient  un  contraste  frappant  avec  l'anarchie 
qui  régnait  dans  le  reste  de  l'Italie,  et  l'abbé  de  Cluny  ne  cache 
pas  l'admiration  qu'il  éprouve  pour  le  gouvernement  de  Roger  '. 
Le  témoignage  de  Pierre  de  Cluny  est  confirmé  par  le  biographe 
de  saint  Guillaume  de  Monte vergine  -. 

De  Mein,  Roger,  avant  de  regagner  la  Sicile,  se  rendit  à  Tarente 
et  lit  pi-endre  k  Robert  de  Grantmesnil  l'engagement  de  quitter 
l'Italie.  En  octobre,  Roger  était  à  Messine  ^  ;  nous  le  trouvons 
k  Palerme,  le  30  décembre  K 

Nous  avons  vu  que  Roger  avait  promis  à  llonorius  II  de  lui 
prêter  secours  pour  soumettre  les  gens  de  Bénévent;  il  n'eut  pas 
à  tenir  sa  promesse,  car  le  pape  mourut  le  13  février  1130.  On 
verra  plus  loin  quel  parti  le  duc  de  Pouille  sut  tirer  du  schisme 
qui  déchira  alors  l'église. 


Aprulii.  De  même  au  lieu  de  Sulenlîne  ne  vaudrait-il  pas  mieux  lire  Salerni. 
Cf.  F'ai'aglia,  Saggio  di  corografia  Abruzzese,  dans  Arch.  st.  napoL,  t.  XVI, 
p.  724,  note  2. 

1.  Migne,  P.L.,  t.  189,  p.  281. 

2.  AA.SS.  Juin  t.  V,  pp.  116-117. 

3.  Tromby,  op.  cit.,  III,  app.  2,  n.  li).  Cf.  K.  Kehr,  op.  cit.,  p.  376  ; 
Ughelli,  t.  IX,  p.  673  ;  P.  Kehr,  op.  cit.,  dans  Nachrichlen  (190.3i,  p.  548,  et 
Caspar,  op.  cit.,  pp.  504-50o. 

4.  Galtola,  Ace,  t.  I,  p.  244,  diplôme  en  faveur  du  Mont-Cassin. 


IlOGER    II    ET    TKOIA  4Ô3 

Roger  II  employa  l'année  1130  à  assurer  la  pacification  de  ses 
Etats.  Nous  ne  pouvons  établir  exactement  la  chronologie  des 
expéditions  qu'il  entreprit  dans  le  cours  de  cette  année.  Nous 
savons  seulement  que,  le  16  mai,  le  duc  est  à  Palerme'. 

Pendant  cette  année,  Roger  s'etîorça  d'amener  la  soumission 
de  ceux  de  ses  vassaux  qui  se  montraient  encore  rebelles  à  son 
autorité;  en  même  temps,  il  contraignit  un  certain  nombre  de  villes 
ducales  à  reconnaître  plus  complètement  son  pouvoir  et  réussit  à 
rétablir  à  Salerne,  Troia  et  Melli  l'ancien  ordre  de  choses,  en  obli- 
geant les  habitants  à  renoncer  à  une  partie  des  concessions  qui 
lui  avait  été  arrachées  les  années  précédentes. 

Manquant  à  la  parole  donnée,  Robert  de  Grantmesnil  bien  loin 
de  quitter  les  Etats  de  Roger  avait  occupé  Oriolo  et  Castrovil- 
lari.  Le  duc  alla  l'assiéger  et  l'obligea   à   s'éloigner  de   l'Italie  '. 

Après  avoir  obtenu  la  soumission  de  Robert  de  Grantmesnil, 
Roger  se  rendit  à  Salerne.  11  força  les  habitants  à  remettre 
entre  ses  mains  la  citadelle  dont  il  regardait  la  possession  comme 
indispensable  à  l'exercice  de  son  autorité.  Les  Salernitains 
n'osèrent  résister  et  se  soumirent. 

Roger  II  alla  ensuite  ravager  les  terres  de  Roger  d'Ariano,  qui 
n'avait  pas  traité  avec  lui  l'année  précédente  -K  Ce  dernier  fut 
obligé,  pour  avoir  la  paix,  d'abandonner  à  Roger  la  Padule  ',  et 
Montefusco  '. 

Peu  après,  Troia  vit  de  nouveau  paraître  devant  ses  murs  les 
troupes  de    Roger.  Celui-ci   demanda  aux   habitants  de  recons- 


1.  Pirro,  op.  cit.,  t.  II,  p.  1001.  Du  mois  de  mai  1130,  est  un  diplôme  de 
Roger  en  faveur  de  Luc,  abbé  du  monastère  Santa  Maria  du  Patir,  Trin- 
cliera,  op.  cit.,  p.  138,  Montfaucon,  Paleographia  grœca,  p.  397  (les  deux 
éditions  d'après  des  copies).  Comme  Roger  a,  dans  ce  document,  le  titre  de 
roi,  l'acte  a  été  certainement  mal  coj>ié,  cf.  Kehr,  op.  cit.,  p.  .^0.  De  même 
sur  l'acte  grec  traduit,  donné  à  Palerme  en  juillet  1130,  édité  par  Pirro, 
t.  II,  p.  1003,  on  doit  faire  une  remarque  analogue.  Enfin  Behring,  op.  cit., 
1. 1,  p.  2o,  place  en  1130,  un  acte  en  faveur  du  monastère  de  San  Salvatorede 
Messine,  qu'il  fautreporter  à  1131,  cf.  Cusa,   op.  cit.,  t.  I,  p.  292. 

2.  Al.  Tel.,  I,  22,  p.  100. 

3.  Ibid.,  I.  23,  pp.  100-101. 

4.  La  Padola,  sur  le  Calore,  près  de  Bénévent,  cf.  di  Meo,  op.  cit.,  t.  XII 
p.  428. 

5.  Montefusco,  circond.  elprov.  d'Avellino. 


404  CHAPITRE    XV 

truire  la  citadelle  qu'ils  avaient  rasée,  lors  de  la  mort  du  duc 
Guillaume.  Un  siège  de  quelques  jours  vint  à  bout  de  leur  résis- 
tance et  le  duc  leur  imposa  ses  volontés  '.  Il  en  fut  de  même  à 
Melfi  où  Roger  obligea  également  les  habitants  à  reconstruire 
la  citadelle  '.  De  Melfi,  Roger  revint  à  Salerne  oîi  il  s'embarqua 
pour  la  Sicile  \ 

Cette  série  d'expéditions  nous  montre  clairement  la  volonté  de 
Roger  d'exercer  réellement  l'autorité  ducale.  La  faiblesse  des 
derniers  ducs  de  Fouille  avait  permis  aux  villes  ducales  de  se 
rendre  à  peu  près  indépendantes.  C'est  contre  cette  indépen- 
dance que  Roger  entreprit  de  lutter  ;  le  meilleur  moyen  de  com- 
battre toute  velléité  de  révolte  lui  parut  être  l'établissement,  dans 
chaque  ville,  d'une  garnison,  qui,  à  l'abri  de  la  citadelle, 
assurait  l'obéissance  des  habitants.  Nous  verrons,  dans  le  cours 
des  années  suivantes.  Roger  II  chercher  à  étendre  ces  mesures  à 
l'ensemble  de  ses  Etats.  Bornons-nous  ici  à  constater  que,  dès 
1130,  Roger  se  sent  assez  puissant  pour  retirer  aux  villes  les 
plus  importantes,  Troia,  Melfi  et  Salerne  une  partie  des  privi- 
lèges qu'il  avait  été  contraint  de  leur  accorder  les  années  précé- 
dentes. 


1.  Al.  Tel.,  I.  -24,1).  101. 

2.  Ihid. 

3.  Ihid.,  1.28,  p.  101. 


ERRATA     ET     ADDENDA 


p.  XVII,  note  1,  1.  1,  supprimer  la  virgule  après  (Jonsue/udini. 

P.  XVIII,  1.  21,  supprimer  le  mot  où. 

P.  XXV,  note  3,  1.  2,  au  lieu  de  :  de,  lire  :  di. 

P.  xxvii,  note  3,  supprimer  le  point  après  ab. 

P.  XXVIII,  1.  3,  lire  :  de  560  à. 

P.  xLvi,  dernière  ligne,  au  lieu  de  xi",  lire  xii". 

P.  19,  note  II,  lire  :  SanfAgafa,  circond.  de  Cerreto  SannKa,  prov.  de 
Bénévent. 

P.  30,  note  3,    au  lieu  de  :  Je  Fouille,      lire  :  en  Pouille. 

P,  34,  ligne  19,         —  Conversano,     —       PoUgnano. 

P.  43,  ligne  24,         —  Contoléon,       —       Kontoléon. 

P.  52,  la  fin  de  la  note  2,  depuis  Ad'iémar,  est  à  placer  au  déijut  de  la 
note  3. 

P.  3G  et  suiv.,  ou  lieu  de     :   Cannex,       lire  :   Canne. 

P.  62,  1.  12,  —  Rai'ennes,      —     Ravenne. 

PP.  62,  13-i,  169,  171,       —  Ofhon,  —     Otton. 

P.  63,  note  7,  j'ai  peut-être  tiré  de  la  non  concordance  de  la  date  du 
diplôme  impérial  avec  les  données  de  Léon  d'Ostie  des  conclusions  trop 
rigoureuses.  Mueller,  Das  Itinerar  Kai.'ier  Heinrichs  III  (Berlin,  1901),  in-S", 
a  montré  que  les  dates  d'un  grand  nombre  de  diplômes  ne  fournissent  pas 
d'indications  sûres  sur  la  présence  de  l'empereur  à  l'endroit  d'où  est  daté 
le  diplôme. 

P.  74,  1.  8,     au  lieu  de  :     Gaytelgrime,  lire  :   Gaitelgrime. 

P.  83,  note  6,         —  Sant'Agata  dei  Gothi  —      SanrAgaia  de'  Goli. 

P.  89,  note  1,  il  s'agit  plus  probablement  de  Cassano  délie  Murgie,  cir- 
cond. d'Altamura,  prov.  de  Bari. 

P.  103,  note  8,  1.  3,  au  lieu  de  :  t.  V,  lire  :  t.  IV. 

P.  113,1.  2,  —  Godefroi     —     Geojfroi. 

P.  116,  note  1,  ajouter  :  Après  avoir  appartenu  à  Arnolin,  Lavello  avait, 
un  moment,  été  au  pouvoir  de  Dreux. 

PP.  132,  147,  311,  au  lieu  de  :     Manson,  lire  :  Manso. 

PP.   139,  note  5,  —  Herimannus,  Aug.    —    Ileriniannus  Aug. 

P.  137,  1.  5,  —  Eusthatios,  —   Eustaihios. 

P.  166,  note  3,1.  3,       —  restauration  —   Restauration. 

P.  191,  1.  21,  lire  :     les  Zor'ha.  El  Moezz. 

P.  203,  note  1,  au  lieu  de  :  Milselmeri,  lire  :     Misilnieri. 

P.  212,  note  1,  1.  3,         —  Ilonorius  III,         —        Ilnnorius  II. 


406  ERRATA    ET    ADDENDA 

P.  214,  noie  6,   au  lieu   de  :    SikelgaUe,    lire  :   Sykelgaile. 

P.  226,  note  4,  lire  :  Chron.  Casaur.,   Muratori. 

P.  231,  dern.  ligne,  au  lieu  de  :  Suto,  lire  :  Sujo. 

P.  241,  1.  0,  lire  :  la  Sicile;  la  ville. 

P.  247,  note  2,  il  s'agit  plus  vraisemblablement  do  Policastro,  commune 
de  San  Marino,  circond.  de  Sala  Consilina,  prov.  de  Salerne. 

P.  252,  note  2,  1.  o,  au  lieu  de  :  Tricacrio,         lire  :    Tricarico. 

Ibid.,l.il,  —  en  1099,  mort,    —     en  1099,  il  était  mort. 

P.  253,  note  1,  —  Alice,  —     Adélaïde. 

P.  25o,  note  1,  Trivico  est  à  identifler  avec  Trevico,  circond.  dAriano, 
prov.  d'Avellino. 

P.  268,  1.  2,   au  lieu  de  :   Gérard,     lire  :     (iirard. 

P.  278,  1.  17,        —  Nepe,  —         Xepi. 

PP.  282-283  —  Guy,  —         Gui. 

P.  287,  note  3,  1.  lli-IG,  lire  :  abjjé  de  Sainl-Viclor  do  Marseille. 

P.  294,  1.  6,  au  lieu  de  :  San,  lire  :  Sant\ 

P.  297,  1.  23,  le  comte  Landon  est,  sans  doute,  à  identifier  avec  son 
homonyme,  Tun  des  comtes  d'Aquino,  cf.  Kupra,  p.  232. 

Ibid.,  note  1,       au  lieu  de  :  Bomoald,  lire  :     Romuald. 

PP.  308,  311,  330,       —  Monte  San  Amjelo,  —       Monte  SanfAngelo. 

P.  312,  1.  24,  —  San  Adjutore  —       SanCAdjutore. 

PP.  328,  333,  334,        —  Caslronovo  —       Castronuovo. 

P.  334,  dern.  1.  —  Giallo,  —       Gialo. 

P.  340,  sur  la  situation  de  Plalani,  (Juastanella  et  Rahl,  cf.  Amico  et 
Statella,  op.  cit.,  t.  Il,  i,  p.  274. 

P.  349,  note  1,  au  Hou  de  :  colonnes,  lire  :  colonies. 

P.  356,  note  1,  1.  l,  —  S3f,  —      534. 

P.  359,  1.  15,  —  Rochella,     —     Roccellu. 

P.  384,  note  2,  —  Ansald.,       —     Ansaud. 


TABLE    DES    MATIERES 

DU    TOME    PREMIER 


AVANT-PROPOS,  p.  i-iv. 

INTRODUCTION.  —  Etude  des  Souhces,  pp.  v-lix. 

I.  Documents  d'archives.  Le  Catalogue  des  barons,  pp.  v-viii. 

II.  Textes  législatifs,  i"  Les  Assises,  pp.  viii-xxvi.  —  2°  Autres  textes 
législatifs,  pp.  xxvi-xxvii. 

III.  Sources  nari'atives.  —  I.  Les  Annales.  —  1»  Annales  de  la  Pouille, 
Annales  Barenses,  Lupus  Protospatarius,  Anonymi  harensis  Chronicon, 
pp.  xxvii-xxix.  —  2°  Annales  de  Bénévent,  pp.  xxix-xxx.  —  3"  Annales  du 
Monl-Cassin,  pp.  xxx-xxxi.  —  4°  Annales  de  la  Cava,  p.  xxxi.  —  5° 
Annales  de  Ceccano,  p.  xxxi.  —  II.  Curoniques  latines.  —  1°  Aimé  du 
Mont-Cassin,  pp.  xxxi-xxxiv.  —  2"  Léon  Marsicanus,  pp.  xxxiv-xxxv.  — 
3"  Pierre  Diacre,  pp.  xxxv-xxxvi.  -     4"  GeofTroi  Malatorra,  pp.  xxxvi-xxxvn. 

—  5»  Anonymus  Vaticanus,  pp.  xxxvii-xxxviii.  —  6''  Guillaume  de  Pouille, 
pp.  xxxviii-XL.  — 7"  Chronicon  Casauriense,  pp.  xl.  —  8°  Chronicon  sancti 
Bariholoniei  de  Carpinelo,  pp.  xl-xli.  —  9"  Chronicon  Amalfitanuni,  p.  xli. 

—  10°  Falcon  de  Bénévent,  pp.  xli-xlvi.  —  11'^  Chronica  Ferrariensis, 
pp.  xLvi-xLvii.  — -  12'*  Chronicon  Sancti  Stefani,  p.  xlvii.  —  13°  Alexandre 
de  Telese,  pp.  xlvii-xlix.  —  14°  Romuald  de  Salerne,  pp.  xlix-lii.  — 
Io°  Hugues  Falcand,  pp.  lii-lxi.  —  16°  Pierre  d'Eboli,  lxi-lxiv.  — 
III.  CnuoNiQUEs  GRECQUES.  —  Jcan  Skylitzès,  Kekaumenos,  Anne  Comnène, 
Jean  Kinnamos,  Nikétas  Choniatès,  Eustathios,  pp.  lxiv-lxvii.  —  IV. 
Voyageurs  et  Chroniqueurs  arabes.  —  Edrisi,  Ibn  Giobair,  Ibn  el  Athir, 
Aboulfeda,  Ibn  Adari,  At  Tigani,  pp.  lxvii-lxix. 

Bibliographie,  p.  lxx-lxliii. 

PREMIÈRE     PARTIE 

LA    CONQUÊTE.    LE    DUCHÉ    DE    POUILLE 

CHAPITRE  L  Etat  politique  de  l'Italie  méridionale  au  moment  de  l'ar- 
rivée DES  Normands,  pp.  1-41. 

CHAPITRE  II.  Révolte  de  Mêlés.  Arrivée  des  Normands  en  Italie  : 
Leurs  premiers  établissements.  L'empereur  Henri  II   en   Italie.  Dévelop- 


408  TABLE  DES  MATIÈRES 

PEMENT  DE  LA  PUISSANCE  DE  LA  PRINCIPAUTÉ  DE  SaLEUNE  (1009-1042),  pp.  42- 
87. 

CHAPITRE  III.  Expédition  des  Byzantins  en  Italie.  Soulèvement  de  la 
Pouille.  Part  prise  a  la  révolte  par  les  Normands.  Leur  établissement 
EN  Pouille,  pp.  88-111. 

CHAPITRE  IV.  L'empereur  Henri  III  en  Italie.  Arrivée  de  Richard 
d'Aversa  et  de  Robert  Guiscard.  Les  Normands  et  Léon  IX,  pp.  112-142. 

CHAPITRE  V.  Conquêtes  des  Normands  de  1034  à  1039  :  1"  en  Pouille  ; 
2°  dans  la  région  d'Aversa;  3"  en  Calabre,  pp.  143-133. 

CHAPITRE  VI.  La  papauté  et  les  Normands   (1034-1059),  pp.  136-172. 

CHAPITRE  VII.  Lutte  des  Normands  contre  les  Byzantins  en  Pouille, 
pp.  173-188. 

CHAPITRE  VIII.  La  conquête  de  la  Sicile  (1060-1072),  pp.  189-211. 

CHAPITRE  IX.  Richard  de  Capoue.  Révolte  des  vassaux  apuliens  de 
Robert  Guiscard  (1039-1073),  pp.  212-225. 

CHAPITRE  X.  Robert  Guiscard  et  Grégoire  VII  (1073-1080),  pp.  226- 
237. 

CHAPITRE  XI.  Dernières  années  de  Robert  Guiscard.  Guerre  avec 
Alexis  Comnène.  Révolte  des  seigneurs  d'Italie.  Prise  de  Rome.  Mort  de 
Guiscard  (1080-1085),  pp.  238-284. 

CHAPITRE  XII.  Les  successeurs  de  Guiscard.  Le  duc  Roger  (1083- 
1111).  Le  duc  Guillaume  (1111-1127),  pp.  283-326. 

CHAPITRE  XIII.  Fin  de  la  conquête  de  la  Sicile.  La  Sicile  jusqu'à  la 
mort  du  comte  Roger  I"'",  pp.  327-354. 

CHAPITRE  XIV,  La  Régence  d'Adélaïde  et  les  premières  années  du 
comte  Roger  II,  pp.  333-404. 

TABLE  DES  MATIÈRES,  pp.  407. 

ERRATA  ET  ADDENDA,  pp.  403-406. 


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