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Full text of "Bulletin trimestriel de géographie et d'archéologie"

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University  of  Ottawa 


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Y'f'S. 


soo  iete: 


D'ARCHÉOLOGIE 


L.-A.    FK,OVIlSrOE]    D  '  O  K,  A.  nST 


FONDEE      EN      1878 


^  (y^^^^r/  /y 


TOME    XXII-    —    19  OS 


O  R  AN 

Imprimerie  Typographique  et  Lithographique  L.   FOUQ.UE 
Rue   Thuillier,  4  fPlacr  KléberJ 

1  90  2 


621877 


SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE  k  D'ARCHÉOLOGIE 


PROVINCE      D'ORAN 


TOME  XXII  \  —  1902 


TABLE  DES  MATIÈRES 


Pages 
Liste  générale  des  Membres  de  la  Société ...         1 

Sociétés  correspondantes . . , 9 

Paul  Vacher.  —  Notes  météorologiques 10 

Capitaine  Devaux.  —  Zousfana,  Guir,  Saoura 12 

Assemblée  générale  du  4  mai  1902  : 
1°  Rapport  du  Secrétaire  général   sur  les  travaux   de  la 

Société  pendant  l'année  1901-1902  105 

2»  Rapport  du  Trésorier 110 

3'  Allocution  du  Président 114 

4°  Rapport  sur  le  Concours  ouvert  en  1901  par  la  Société 

de  Géographie  et  d'Archéologie  d'Oran 115 

5°  Renouvellement    annuel    d'un    tiers   des   membriis    du 
Comité  et  remplacement  des  membres  démissionnaires 

ou  ayant  quitté  Oran 116 

6°  Élection  du  Bureau 116 

Concours  ouvert  en  1902  par  la   Société  de  Géographie  et 

d'Archéologie  d'Oran 117 

Congrès    national    des    Sociétés  françaises   de   Géographie. 
—  Oran  1902  : 
1°  Liste  des  vœux  maintenus  par  le  Comité  du  Congrès. . .     118 
2°  Avis  relatif  au  Compte-rendu  des  travaux  du  Congrès.. .     120 
A.  Guillaume.  —  Observations  météorologiques  de  Santa- 

Cruz 121,     534 


TABLE   DES   MATIERES 

Page 
A.  GviLLAUME.  —  Station    météorologique   de   Santa-Cruz  : 
Exposé  sommaire  des  résultats  obtenus 

du  1"  décembre  au  1"  juin  1902 122 

du  1"  juin  au  1"  décembre  1902 535 

René-Leclerc.  —  Monographie  géographique  et  historique 
lie  la  commune  mixte  de  la  Mina  (avec 

4  cartes) 125 

D'   Carton.    —    Sculpture  sur  un   rocher   de   Bulla    Rcgia 

(avec  1  dessin) 237 

D'  Gasser  .  —  Chronique  géographi(|ue 241 

BouTY.  —  Notes  relatives  aux  eaux  minérales  d'Hammam- 

Selama , 248 

Fabre.  —  Monographie  de  la  commune  indigène  de  Tiaret- 

Aflou  (avec  carte  et  dessin) 255 

Camille  Fidel.  —  Les  intérêts  économiques  de  la  France  nu 
Maroc.  —  Le  commerce  du  Maroc  en 

1900  [à  suivre) 315,     451 

A.    Aubert.    —   Notes   sur  l'Algérie   économique.    —    Les 

industries  algériennes 403 

L.  Jacquot.  —  Un  nouveau  compas  de  mer  enregistreur. . . .     430 

Abbé  F.\BRE   —  Chronique  archéologique 432 

D'  RoMARY.    —  Notice   sur  la  montagne  de  sel  du  Djebel- 
Amour 527 

Ouvrages  offerts  h  la  Société  en  1902 538 


BIBLIOGRAPHIE 

Louis  Gentil.  —  Nécrologie 97 

Pène-Siefert.  —  Fez,  par  Auguste  Mouliéra."»; 101 

F.  DoUiMERGUE.  —  Notes  sur  l'histoire  naturelle  du  Sahara 
Algérien,  par  MM.  Delluc,  Romary  et 

Lahache 2.50 

E.  Fi.AHAULT.  —  Les  monuments  anti<iues  de  l'Algérie,  par 

Stéphane  Gsell ■. 446 

La  Vie  coloniale  (Revue  de  la  colonisation,  du  commerce  et 
de  l'industrie) 541 


LISTE  mîUil  des  MEMBRES  de  la  SOCIÉTÉ 


au  1"  Janvier  1902 


PRESIDENT    HONORAIRE 

M.   MûNBRUx,  Avocat  a  Oi-an. 


SECRÉTAIRE    GÉNÉRAL    HONORAIRE 

M.  BouTY,  Contrôleur  principal  des  Mines,  en  retraite,  a  Oran. 


MM. 


MEMBRES    D'HONNEUR 

Le  Gouverneur  Général  de  l'Algérie. 

Le  Général  Commandant  la  Division  d"Ora_n. 

Le  Préfet  d'Oran. 

De  Brazza,  ancien  Gouverneur  du  Congo. 

A.  Héron  de  Villefosse,  Membre  de  l'Institut. 

René  Gagnât,  Membre  de  l'Institut. 

Le  Conseil  Génér.al  du  Département  d'Oran. 

Le  L'-Colonel  Marchand,  Explorateur. 


MM.  Elisée  Reclus,  Géographe  ' 
à  Bruxelles. 


MEMBRES    HONORAIRES 

MM.   MousTiER,  Explorateur. 
Xanssen,   Explorateur. 


Jules  Verne,  à  Amiens. 
BrNGER,      Explorateur. 
Caron,  id. 

Foureau,  id. 

MONTEIL,  id. 


Trivier, 

id. 

Verminck, 

id. 

ZWEIFEL, 

id. 

MEMBRES  HONORAIRES  CORRESPONDANTS 

MM.  René  Basset,  Directeur  de  l'École  supérieure  des  Lettres 
d'Alger. 

Augustin  Bernard,  Professeur  à  l'École  supérieure  des 
Lettres  d'Alger. 

C.vRTON,  Médecin-Major  au  19'  Régiment  de  Chasseurs. 

A.-L.  Delattre  (des  Pères  Blancs),  Correspondant  de  l'Ins- 
titut, de  Carthage. 


2  LISTE    GÉNÉRALE   DES   MEMBRES   DE   LA    SOCIÉTÉ 

MM.   Paul   Gauckleu,   Directeur   du   Service   des    Antiquités   et 

Beaux-Arts  de  la  Tunisie. 
Gentil,  chargé  de  conférences  de  Pétrographie  ù  la  chaire 

de  Géologie  du  Collège  de  France. 
Lacroix,  Chef  de   Bataillon,  Chef  du  Service  des  Affaires 

indigènes  au  Gouvernement  Général  de  l'Algérie. 
Gauthiot,  Secrétaire  général  de  la  Société  de  Géographie 

Commerciale  de  Paris. 
Mesplé,  Professeur  à  l'Ecole  supérieure  des  Lettres  d'Alger, 

Président  de  la  Société  do  Géographie  d'Alger. 


COMPOSITION    DU    BUREAU 

MM.    Derrien,  Président. 

MouLiÉRAS,  1"  Vice-Président  (Géographie). 

GiLLOT,  2'  Vice-Président  (Archéologie). 

Flahal'lt,  Secrétaire  général. 

PocK,  Trésorier. 

BoissiN,  Bibliothécaire-Archiviste. 

Casser,  Secrétaire  de  la  Commission  de  Géographie. 

Bel,  Edgar,  Adjoint  de  la  Commission  de  Géographie. 

Flahault,  Secrétaire  de  la  Commission  d'Archéologie. 

KocH,  Adjoint  de  la  Commission  d'Archéologie. 


MEMBRES    OU    COMITE    ADMINISTRATIF 

MM.    Xessleu 

POUSSEUR. 


MM.    Barthélémy, 
doumergl'e. 
Frette. 

GOYT. 

Hadj-H.vssan. 

Jllli.\n',  Charles. 


Renucci. 
RoccHis.txi. 

Ta  RT  AVEZ. 


MEMBRES    PERPETUELS 

ayant  versé  une  somme  de  loo  trancs,   conformément  à  l'art,  4  des  Statuts 

MM    Cheylard,  Commandant  en  retraite,  à  Mustapha 

Dagne,  Architecte,  à  Oran. 

Uelinon,  Directeur  du  Gaz,  à  Barcelone. 

Derrien,  Lieutenant-Colonel  en  retraite,  à  Oran,  Corres- 
pondant du  Ministre  de  l'Instruction  publique. 

Getten,  Directeur  général  de  la  C"  française  des  Chemins 
de  fer  de  l'Indo-Ctiine  et  de  Yunam,  à  Paris. 

Goyt,  Géomètre  principal,  à  Oran. 

Marchand,  Chef  d'Escadron  en  retraite,  à  Tunis 

PomssoT,  Propriétaire  à  Paris. 


LISTE   GÉNÉRALE    DES    MEMBRES    DE   LA   SOCIETE  6 

MEMBRES    TITULAIRES 

MM.    Ali  Mustapha  Mahi-Eddin,  Interprète  judiciaire,  à  Oraii. 
Allard,  Ingénieur,  à  Oran. 
Alliot,  Directeur  de  l'Hôpital  C;ivil  d'Oran. 
Amillac,  Médecin-Dentiste,  à  Oran. 
Amoros,  Négociant,  à  Oran. 
Ancey,  Administrateur,  à  Port-Gueydon. 
Antoine,  Instituteur  à  l'Ecole  Karguentah,  ù  Oran. 
Antona,  Joseph,  Géomètre,  ù  RoseviUe  (Oran). 
Aron,  Avocat,  à  Oran. 
AuBERT,    Alphonse,     Directeur    de    lu    Maison    Billard    et 

Cuzin,  à  Oran. 
Ayasse,  Médecin,  à  Aïn-Témouchent. 
Aymé,  Conducteur  des  Ponts  et  Chaussées,  à  Tlemcen. 
AzAN,  Lieutenant  au  2'  Régiment  de  Zouaves. 
B-A-NTON  (Abbé),  Aumônier  du  Lycée  d'Oran. 
Barthélémy,  Pharmacien,  à  Oran. 

Bartholomé,  Directeur  des  Tramways  électriques,  à  Oran. 
Bassompierre,    Médecin-Major   de    1"   classe   à   l'Hôpital 

militaire  d'Oran. 
Bastide,  Maire  de  Bel-Abbès. 
Battesti,  Capitaii:e,  chef  du  Bureau  arabe,  à  Oran. 
Bel,  Alfred,  Professeur  ù  la  Médersa  de  Tlemcen. 
Bel,   Edgar,   Professeur   au  Lycée  d'Oran,   Conservateur- 
adjoint  du  Musée  d'Oran 
Ben  Daoud,  Colonel  en  retraite,  ù  Oran. 
Ben  Saad,  Etudiant  en  Pharmacie,  à  Oran. 
Bernauer,  Médecin,  à  Oran. 

Beyna,  Directeur  de  la  Compagnie  Algérienne,  à  Tunis. 
Bibliothèque  de  la  Mosquée,  rue  d'Arzeu,  à  Oran. 
Bister,  Interprète  judiciaire,  à  Relizane. 
Blanxbet,  Avocat,  à  Tanger. 
Blondelle,  Prosper,  Négociant,  au  Sig. 
Boissin,  Directeur  de  l'Ecole  Sédiman,  ù  Oran.   ■ 
Bonneville,  Avocat,  à  Oran, 
Bossi,  Curé,  à  Saint-Lucien. 
Bouchard,  Pharmacien,  à  Oran. 
Boue,  Entrepreneur  de  peinture,  à  Oran. 
Bougnol,  Notaire,  à  Tlemcen. 

BouTY,  Contrôleur  principal  des  Mines  en  retraite,  à  Oran. 
Brunel,  Géomètre  principal,  à  Mustapha. 
Brunie,  Pierre,  Ingénieur  des  Arts  et  Manufactures,  à  Oran. 
Burgart,  Constructeur-Mécanicien,  à  Oran. 
Cabanel,  Chef  de  Gare,  à  Oran. 
Cabanel,  Huissier^  à  Mostaganem. 


4  LISTE   GÉNÉRALE   DES   MEMBRES    DE   LV   SOCIETE 

MM.  Cabrol,  Propriétaire,  à  Oran. 
Caibol,  Photographe,  a  Oran. 
Canal,   Ingénieur,    Chef  du  Service  des  Bâtiments  de   la 

Maiine,  à  Ferryville  (Tunisie). 
C.vRDONi,  Chancelier  du  Consulat  d'Espagne,  à  Oran. 
Carli,  Représentant  de  Commerce,  à  Oran. 
Carr.vfang,  Conseiller  général,  à  Saïda. 
Castaxiè,  Ingénieur  en  chef  des  Mines  do  Beni-Saf,  !i  Oran. 
Cast.ixié,  fils,  Armateur,  à  Oran. 
Cayla,  Emile,  Ingénieur,  y  Oran. 

Champion-,  Victor,  Administrateur-adjoint,  à  Montagnac. 
Chan'cogne.  Directeur  du  Comptoir  d'Escompte,  à  Mascara. 
Chandelier,  Marius,  Propriétaire  du  Café  Riche,  à  Oran. 
Chatrousse,   Administrateur   des  Atïaires  indigènes  à  la 

Préfecture  d'Oran. 
Cholet,  Directeur  de  la  C"  l'Ouest-Algérien,  à  Oran. 
CoHEN-SoLAL,  Profosscur  d'Arabe  au  Lycée  d'Oran. 
Conseil  Municipal  de  Bel-Abbès. 
Conseil  Municip.a.l  de  Perrégaux.     , 
Conseil  Municipal  de  Reliz.\ne. 
Conseil  Municipal  de  Saint-Denis-du-Sig. 
Corriéras,  Instituteur  à  l'Eco'e  Sédiman,  à  Oran. 
Coulon  Rougier,  Duecleur  de  la  C"  Algérienne,  à  Oran. 
CouRRECH,  Instituteur,  à  Eckmuhl  (Oran). 
CouRSERANT,  Notaire  honoraire,  à  Mostaganem. 
CouRTiN.iT,  Avocat-défenseur,  à  Oran. 
Couture,  Chef  d'Escadron  d'Artillerie  en  retraite,  à  Oran. 
Couturier,  Ingénieur  des  Ponts-et-Chaussées,  à  Oran. 
Daniel,  Paul,  Négociant,  à  Oran. 
Darmon,  Moïse  de  Guenouo,  Mercier,  à  Oran. 
Delrieu,  Pilote  en  retraite,  à  Oran. 
Derrien,  Eugène,  Etudiant  en  Médecine,  à  Montpellier. 
Dessirier,  Général   commandant  le   VII'    Corps  d'Armée, 

0  Besançon. 
DiDiiîRE,  Géomètre,  à  Oran. 
Douine,  Propriétaire,  à  Frendah. 
DouMERGUE,  Professeur  au  Lycée  d'Oran. 
Doutté,  Professeur  à  l'Ecole  supérieure  des  Lettres  d'Alger 
DupuY,  Liquoriste,  à  Oran. 

DuvAUX,  Capitaine  au  2'  Régiment  de  Tirailleurs. 
DuzAN,  Maire  d-*  Saint-Leu. 

Emard,  Conservateur  des  Eaux  et  Forêts,  à  Oran. 
Emerat,  Conseiller  général,  à  Oran. 
Engel,  Ingénieur  civil,  à  Oran,  rue  d'Ai'zew,  72. 
Etienne,  Député  d'Oran,  à  Paris. 
Fabre,  Receveur  des  Contributions  diverses,  à  Tiaret. 


LISTE   GENERALE   DES   MEMBRES   DE   LA   SOCIETE  5 

MM.    Fabhe,  Aumônier  île  1  Ilopilal  civil  d'Oran. 

pABnE,  Commis  pi-incipal  des  Télégrnphfs,  ;i  Oraii. 

Fabriès,  Médecin,  à  Bol-Aljbès. 

Fauconnkt,  Sous-Intendant  Militaire  de  1"  classe,  Directeur 

du  Service  de  l'Intendance  de  la  Division,  à  Oran. 
Faure,  Pharmacien,  à  Aïn-Temouchent. 
F'abre,  Entrepreneur,  à  Oran. 
Féraud,  Ingénieur  civil,  à  Mustapha. 
Flahault,  Ingénieur-Archilecte,  à  Oran. 
Flamand,   Professeur   à    l'École    supérieure  di's   Sciences 

d'Alger 
Fould.  Alfred-Israël,  Propriétaire,  à  Oran. 
FouQUE,  Laurent,  Conseiller  général,  à  Oran. 
Foureau,  E.Kplorateur,  à  Bussiére-Poitevine  (II''-Vii'nne). 
Frette,  Négociant,^  à  Oran. 

G.^ROBY,  Secrétaire  général  de  la  Préfecture,  à  Oran. 
Garouste,  Conseiller  générai,  à  Bel-Abbés. 
Gasser,  Médecin,  à  Oran. 
Gavach,  Employé  à  la  Mairie  d'Oran 
Gaudefroy  Demombyxes,  Secrétaii'e  des  Langues  Orientales, 

à  Pari.s. 
Gautsch,  Agent  de  la  Compagnie  Touache,  à  Tanger. 
GiBBAi.,  Architeeti!,  à  Oran. 
GiBOU,  Emile    Propriétaire,  à  Saïda. 
GiLLOT,  Professeur  au  Lycée  d'Oran. 
rîiRAUo,  Hippolyte,  Avoué,  à  Oran. 
GiRAUD,  Jules,  Négociant,  ^  Oran. 
GiRAUD,  Edmond,  Avocat,  à  Al,ger. 
GoBERT,  Maire  d'Oran 

GoiSBAULT,  Vicaire  général  de  l'Évèché,  à  Oran. 
GouRLiER,  Adnn'nistrateur,  à  Nédroma. 
Grandjean,  Instituteur,  à  Aïn-Temouchent. 
GsELL,  Professseur  à  l'École  supérieui'C  des  Lettres,  à  Alger, 

Inspecteur  du  monument  historique  de  1  Algérie, 
GuÉRiDO,  Conseiller  de  Préfecture,  à  Oran, 
GcEYDON  ("Comte  de),  Commissaire  de  l'Inscription  maritime, 

à  Oran. 
Guillaume,  Préparateur  au  Lycée  d'Oi-an. 
Guillet    Général  comniaiidant  la  Sulirlivi,-<ion  d  Oran. 
GuiOL,  Propriétaire,  à  Bou-Heinii. 
Hadj  Hassan,  Conseiller  généi'al,  à  Oran. 
Hassax,  Léon,  Négociant,  à  Oran, 
IIeintz,  Imprimeur,  à  Oran. 
IIérelle   Propriétaire,  à  Oran. 
Hertogii,  Propriétaire,  à  El-Ançor, 
Heuyer,    Médecin   principal    de    1"   classe.    Directeur  du 

Service  de  Santé  de  la  Division,  à  Oran. 


6  LISTE    GÉNÉRALE    DES    MEMBRES    DE   LA    SOCIETE 

MM.  HouDou,  p<'ie,  Rentier,  à  Oran. 

HuERTAS.  Emile,  Ciii-é,  Aïn-el-Turck^ 

Hi'ERTAS,  Raphaël,  Aumônier  des  S.  S.  Trinitaires,  à  Oran 

IsAMBERT,  Médecin  principal  de  2°  classe,  Chef  de  l'Hôpital 

militaire,  à  Oran. 
Jacques,  père,  ancien  Sénateur. 
Jacques,  fils,  Conseiller  général,  à  Oran. 
JoLiET  (abbé).  Professeur  au  Séminaire,  à  Oran. 
JoNXHAY  (du).  Capitaine.  Chef  du  Bureau  arabe,  à  Méchéria^ 
Jarsaillon,  Propriétaire,  à  Oran. 
JouANE,  Ingénieur  Civil,  à  Oran. 
JuLLiAN,  Charles,  Vice-Consul  de  Russie,  à  Oran. 
Karm,  Ancien  Notaire,  à  Oran. 
Kermina,  Entrepreneur,  à  Mostaganem. 
KiÉxER,  Juge  suppléant  au  Tribunal  Civil,  à  Oran. 
KocH,  Ingénieur  Civil,  à  Oran. 
Krumb,  Commis  de  Préfecture,  à  Oran. 
Labrosse,  Lieutenant  au  2°  RégimenJ  de  Zouaves. 
Lapaine,  Sous-Préfet  de  Béthune. 
Laurent,  Maire  de  Perrégaux. 
Lauret,  Pharmacien,  à  Oran. 

Léchei.le,  Maurice,  Représentant  de  Commerce,  à  Oran. 
Leclerc,  Professeur  d'Arabe  au  Collège  do  Médôah. 
Lemoine,  Conducteur  des  Travaux  du  P.-L.-M.,  à  Perrégau.x 
Leruste,  Directeur  du  Crédit  Foncier,  à  Oran. 
Lescure,  Médecin,  à  Oran. 
Levé,    Chef   d'Escadron,   Chef  de  la    Maison    m di taire    du 

Gouverneur  général  de  l'Algérie. 
Lévy,  Salomon,  Consul  de  Venezuela,  à  Oran. 
Loge  Maçonnique  de  l'Union  Africaine,  à  Oran. 
Lorenzo,  Engel,  Greffier  Notaire,  au  Télagh. 
LoYS  (de).  Agent  princip'  de  la  C"  Cyprien  Fabre  et  C*%  à  Oran . 
M.4.NT0Z,  Inspecteur  des  Contributions  diverses,  à  Oran. 
Marchant  Xavier,  Propriétaire,  à  Oran. 
Marie-Lefebre,  Rédacteur  à  VEcho  cCOran. 
Marégiano,  Notaire,  à  Oran. 
Massa,  Avoué,  à  Mascara. 
Mayaudon,  Notaire,  à  Oran. 
Merle,  Géomètre  principal,  à  Oran. 
Muammed  ben  Rahhal,  Propriétaire,  à  Nédroma. 
MiLLiÈRE,  Administrateur,  à  Saïda. 
MiLSO.M,  Ingénieur  Civil,  Propriétaire,  à  Beni-Saf. 
MioT,  Professeur  au  Lycée  d'Oran. 
Miramont,  Léon,  Négociant,  à  Oran. 
MoNBRUN,  Avocat,  à  Oran 
MoNDOT,  Médecin,  à  Oran. 


LISTE   GENERALE   DES   MEMBRES   DE   LA   SOCIETE  7 

MM.    Monteil',  Instituteur  à  l'École  Karguentah,  à  Oran. 

MoTEi.EY,  Albert,  Propriétaire,  à  El-Ançor. 

MouLiÉRAs,  Professeur  à  la  Chaire  d'Arabe,  à  Oi'sn,  Con- 
servateur du  Musée  d'Oraii. 

Moulin,  fïustave,  Caissier  de  la  Société  Générale  des  Eaux, 
à  Oran. 

Nessler,  Vice-Consul  d'Autriche-Hongrie,  à  Oran. 

NicoLAï,  Capitaine  du  Port,  à  Oran. 

Oliva,  Instituteur,  à  Renault. 

Ollivier,  Propriélaire.  à  Moudzouch  (Bou-Tlélis). 

Ondedieu,  Chef  d'Escadron  d'Artillerie,  en  retraite,  à  Oran. 

OuDRi,  Générai,  commandant  la  9"  Division  d'Infanterie, 
à  Orléans. 

Pallu  de  Lessert,  Avocat,  à  Pans, 

Pastorino,  Notaire,  à  Oran. 

Pastre,  Agent  veyer  communal,  à  Bel-Abbés. 

Pellet,  Architecte,  à  Oran. 

■Péquignot,  Directeur  des  Salines  d'Arzeu. 

Perrier.  Paul,  Directeur  de  l'Echo  d'Oran,  à  Oran. 

Peyreï  Dortail,  Médecin  de  colonisation,  à  Montagnac. 

PiLLOT,  Chef  de  Bataillon  au  2'  Régiment  Etranger. 

Pincemaille,  Ingénieur  des  Ponts  et  Chaussées,  à  Mascara. 

PiTOLLET,  Notaii-e,  à  Oran. 

Planté-Longchamp,  Receveur  des  Contributions  diverses, 
à  Perrégaux. 

Plat,  Directeur  delà  Société  générale  des  Eaux,  à  Oran. 

Platel,  Conducteur  des  Ponts  et  Chaussées,  à  Oran. 

PocK,  Caissier  de  la  Caisse  Nationale  d'Epargne,  h  Oran. 

Poinorelle,  Chef  de  Bataillon  au  87°  Régiment  d'Infanterie. 

Pointeau,  Notaire,  à  Tlemceii. 

PoTTER,  Professeur  d'Anglais  au  Lycée  d'Oran. 

Pousseur,  Directeur  du  Gaz,  à  Oran. 

PouYANNE,  Ingénieur  des  Ponts  et  Chaussées,    à  Alger, 

PouYER,  Entrepreneur,  à  Oran. 

Prades,  Benjamin,  Répartiteur  des  Conlribu.tions  directes, 
à  Nemours. 

Prailly,  Notaire,  à  Ain-Temouchent. 

Prieur  DE  Lacomble,  Colonel  du  2*  Régiment  de  Zouaves, 
à  Oran. 

Provenzali,  Professeur  au  Lycée  d'Oran. 

Prunier,  Administrateur  de  la  Commune  mixte  de  Mascara. 

Quiévreux,  Fils,  Propriétaire,  au  Télagh. 

Renoux,  Receveur  principal  des  Postes,  à  Oran. 

Renucci,  Inspecteur  des  Postes  et  Télégraphes,  ù  Oran. 

Réunion  des  Officiers,  à  Oran. 

Réunion  des  Officiers,  à  Bel-Abbès. 


8  LISTE   GÉNÉRALE   DES   MEMBRES   DE   LA   SOCIÉTÉ 

MM.  RiCHOMME,  Lieut'au  144' Régiment  d'Infanterie,  à  Rordeaux 

Rimbaud,  Professeur  de  Musique,  à  Oi'an. 

Robert,  Administrateur  à  fiordj-bou-Aréridj. 

RocHEFORT  (de),  Agent  principal  de  la  Compagnie  Transa- 
tlantique, à  Oran 

RoccHiSANi,  Directeur  des  Postes  et  Télégraphes,  à  Oran. 

Roman,  Inspecteur  des  Postes  et  Télégraphes,  à  Oran. 

Roques,  Pharmacien,  à  Oran. 

Roussel,  Sous-Inspecteur  des  Télégraphes,  à  Oran, 

Rous-Freissixeng,  Avocat,  à  Oran. 

Rouzeaud.  Chefde  l'Exploitation  des  Chemins  de  ter  de  1  Etat. 

Rouziès,  Instituteur  à  Tizi. 

Sab.^tier,  Avocat-défenseur,  à  Tlemcen. 

S.\GET,  François,  Négociant,  à  Oran. 

Saint- Am.«s,  Aristide,  Propriétaire,  à  Tlemcen. 

Saint-Germain,  Sénateur  d'Oran,  à  Paris. 

Saintpierre,  Charles,  Négociant,  à  Oran. 

Sajous,  Géomètre,  ù  Oran. 

S.vndr.\s,  Médecin,  à  Oran. 

S.\,NDRAS,  Lucien,  Étudiant  en  droit,  a  Montpellier. 

Sartin,  Greflfior  au  Tribunal  civil  d'Oran. 

Secrétariat  DE  l'Evéché,  à  Oran. 

Segonzac  (de),  Explorateur,  à  Paris. 

Sépulcre  (Abbé),  Curé  à  Lamoricière. 

Simon,  Propriétaire  aux  Hamyans,  Saint-Leu. 

SoiPTEUR,  Propriétaire,  à  Tlemcen. 

SouiN,  Auguste,  Propriétaire,  à  Marnia. 

Stéphanopoli,  Conseiller  de  Préfecture,  à  Oran. 

Tab.vry,  Inspecteur  des  Douanes,  à  Philippeville. 

Tartavez,  Officier  principal  d'Administration  en   retraite. 

Terrade,  Entrepreneur,  à  Oran. 

Thibaudat,  Receveur  des  Postes,  à  Karguentah,  Oran. 

Thiebault,  Conservateur  des  Hypothèques,  à  Oran. 

TuouvENiN,  Capitaine  au  "'  Régiment  de  Zouaves. 

Tournier,  Alfred,  Agent  de  la  Société  des  Auteurs.  Compo- 
siteurs et  Editeurs  de  Musique,  à  Oran. 

Tridon,  Chef  d'Escadron  de  Gendarmerie,  Commissaire  de 
Gouvernement  près  le  2'^  Conseil  de  Guerre,  à  Oran. 

TuROT,  Médecin,  à  Saint-Denis-du-Sig. 

Vallois,  Capitaine  en  retraite,  à  Arzeu. 

Varnier,  Secrétaire  général  du  Gouvernement  général  de 
l'Algérie. 

Venisse,  Administrateur  à  la  Sou.s-Préfecture  de  Tlemcen. 

Viala,  Eugène,  Interprète  judiciaire,  à  Lalla-Marnia 

ViÉNOT,  Propriétaire,  à  Oran. 

ZiMMERMANN,  Administrateurde  la  Commune  mixte  du  Télagh. 

ZuANi.  Capitaine  du  Port  d'Ajaccio. 


SOCIÉTÉS  CORRESPONDANTES 


SOCIETES  DE  GÉOGRAPHIE 

Paris.    —    Société   de    Géographie.    —    Société   de   Géographie 

■  •omrneiriale. 
Alger,  Bordeaux,  Douai,  Dunkerque,  Le  Havre,  Lille,  Lorient,  Lyon, 

Montpellier,   Nancy,   Nante-.  Rochefort.  Rouen,  Saint-Nazaire. 

Toulouse,  Tours. 

Amsterdam,  Anvers,  Berne.  Bruxelles,  Buda-Pesth,  Buenos-Ayres, 
Edimbourg,  Genève.  Helsiugtors,  Le  Caire.  Lisbonne.  Madrid, 
Manchester,  Munich,  Neuchàtel,  New-York,  Rio -de -Janeiro. 
Saint-Gall,  Saint- Potersbourg. 

SOCIÉTÉS  DIVERSES 

Paris.  —  Association  philothecnique.  —  Comté  îles  Travaux 
historiques  et  scientifiques.  —  Office  colonial.  —  Questions 
diplomatiques  et  coloniales.  —  Société  des  Eludes  Maritimes  et 
coloniales.  —  Société  nationale  des  Antiquaires  de  France. 

Alger.  —  Ecole  supérieure  des  Lettres.  —  Société  historique 
olL.'L'iienne.       Bulletin  agricole  de  l'Algérie  et  de  la  Tunisie. 

Angouléme.  —  Société  Archéologique  et  Historique  de  la  Charente. 

Autun.  —  Société  Eduenne. 

Bône.  —  Académie  d'Hippone. 

Constantine.  —  Société  archéologique. 

Dai.  —  Société  de  Borda. 

Gap.  —  Société  des  Etudes  des  Hautes  Alpes. 

Rouen.  —  La  France  colonisatrice. 

Saint-Dié.  —  Société  philomathique  Vosgienne. 

Saigon.  —  Société  des  Etudes  Indo-Chinoises. 

Toulouse.  —  Revue  archéologique  du  Midi  de  la  France. 

Tunis.  —  Institut  de  Carthage. 

Vienne  (Isère).  —  Revue  épigraphique. 

Cordoba   —  Academia  iiacional  des  Ciencias. 

Guatemala.  —  Sociedad  Guatemalteca  de  Ciencias. 

Madrid.  —  Real  Academia  de  la  Historia. 

Mexico    -  Sociedad  cientifica  «  Antonio  Alzate  o. 

Rome.  —  Isiituto  archeologiea  Germanico. 

Saint-Pétersbourg.  —  Section  impériale  d'Archéologie. 

Stockholm.  —  Académie  des  Belles-Lettres,  d'Histoire  et  des 
Antiquités. 

Toronto.  —  The  Canadian  Institute. 


NOTES  MÉTÉOROLOGIQUES 

Sur  une  «  pluie  de  sable  »  observée  dans  l'Ouest  Oranais 


Un  pliénomèiie  météorologique  assez  rare  a  pu  èlre  observé 
en  janvier  dernier  sur  certaines  parties  de  l'Ouest  de  notre 
département. 

Dès  la  matinée  du  19  janvier  1902,  sur  tout  le  littoral,  aux 
environs  de  l'embouchure  de  la  Tafna,  la  terre  et  la  mer 
étaient  couvertes  par  un  brouillard  épais. 

La  température  était  douce,  le  temps  calme  —  pas  de  vent 
sensible  —  et  l'atmosplière  n'accusait  pas  un  état  hygrométri- 
que anormal. 

Cette  sorte  de  brouillard  sec  qui -nous  enveloppait  s'est 
maintenu  avec  la  même  intensité  et  dans  des  conditions 
sensiblement  identiques  de  température  et  de  pression  pendant 
toute  la  journée  du  19,  la  nuit  entière,  et  le  2'3  jusqu'au  soir. 

Il  a  commencé  à  se  dissiper  à  la  tombée  de  la  nuit  du  20  — 
la  lune  n'était  alors  brouillée  que  d'un  léger  halo  —  et  le  21  au 
matin,  le  brouillard  avait  complètement  disparu. 

La  manifestation  anormale  de  ce  phénomène  avait  fait  naître 
dans  notre  esprit  quelques  doutes  sur  sa  nature.  Ces  doutes 
s'accrurent  quand  nous  pûmes  remarquer  que  certains  végé- 
tau.K  et  arbustes  s'étaient  chargés,  pendant  le  tcmp.?  que  le 
brouillard  les  avait  enveloppés,  d'une  fine  et  abondante 
poussière  d'un  brun  rougeàtre.  Cette  poussière  se  trouvait 
surtout  en  quantité  très  appréciable  sur  les  fenouils  et  autres 
grandes  herbes  semblables,  ainsi  que  sur  les  feuilles  de  jeunes 
pins  que  nous  avons  pu  observer  plus  particulièrement.  Le 
feuillage  de  ces  derniers  paraissait  comme  brîilé  et  desséché 
par  un  fort  siroco.  La  couche  de  poussière  a  subsisté  pendant 
quelque  temps.  Trois  ou  quatre  jours  après,  on  pouvait 
encore  l'observer. 

D'où  provenait  cette  poussière  ? 

On  peut  affirmer  qu'elle  n'était  pas  apportée  par  le  vent, 
puisque  nous  n'avons  enregistré  pendant,  toute  la  durée  du 
phénomène  aucune  brise  sensible  et  qu'il  aurait  fallu  un  vent 
fort  et  de  quelque  durée  pour  en  soulevei'  une  aussi  grande 
quantité. 


NOTES    MÉTÉOROLOGIQUES  11 

Il  ne  parait  donc  pas  douteux  que  la  poussière  signalée 
P'-ovenait  exclusivement  du  hrjuïllard  et  que  ce  dernier  était 
entièrement  formé  de  ces  poussières  en  suspension,  sans 
quantités  anormales  de  vapeur  d'eau. 

Il  aurait  été  très  intéressant  de  recueillir  un  échantillon  de 
cette  poussière  pour  la  soumettre  à  un  examen  microscopique 
et  à  l'analyse.  Nous  n'avons  pu  le  faire  n'ayant  pas  de  labora- 
toire à  notre  portée. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  est  en  di'oit  de  supposer  q'ie  le  phéno- 
mène que  nous  enregistrons  est  la  répétition  de  ceux  de  1873 
et  de  1875  observés  dans  le  Nord  de  l'Europe  et  de  ceux  du 
31  mars  et  10  avril  18S0,  du  l'i  avril  1881  qui  se  produisirent 
en  Sicile. 

Dans  ce  dernier  cas  (pluie  de  Catane),  l'analyse  des  poussières 
a  rnonlré  qu'elles  étaient  presque  entièrement  composées  de 
petits  fragments  de  carbonate  de  fer  revêtus  d'une  légère 
couche  d'oxyde.  Ces  fragments  étaient  de  forme  irrégulière, 
tantôt  anguleux,  tantôt  sphériques  et  d  une  grandeur  qui 
variait  de  1  à  ~  de  '"/"'■ 

Par  son  aspect,  la  poussière  du  hromUard  du  19  janvier 
observée  ici,  semblait  se  rapprocher  de  celle  tombée  en  Sicile 
en  1881,  ce  qui  tendrait  à  faire  déduire  une  similitude 
d'origine. 

Rappelons  à  ce  sujettes  hypothèses  déjà  présentées.  Les  uns 
prétendent  qu'il  faut  attribuer  ces  phénomènes  à  l'action  des 
vents  très  forts  qui  soulèvent  le  sable  des  déserts  et  les  trans- 
portent à  de  grandes  distances  à  travers  les  couches  supérieures 
de  l'atmosphère  (celle  de  Sicile  était  manifestement  originaire 
d'Afrique)  ;  d'autres,  s'appuyant  surtout  sur  l'identité  presque 
complète,  très  souvent  remarquée,  entre  la  constitution 
chimique  du  sable  tombé  du  ciel  et  celle  des  pierres  météori- 
ques, pensent  que  les  pluies  de  saTjle  ont  une  origine  cosmique; 
d'autres  enfin  leur  accordent  une  origine  volcanique. 

Les  éléments  nous  manquent  pour  aflirmer  le  bien  fondé  de 
l'une  de  ces  hypothèses,  aussi  nous  bornerons  nous  à  enregis- 
trer le  phénomène,  laissant  à  d'autres  le  soin  d'en  rechercher 
k's  causes. 

Paul  VACHER. 
Béni-Saf,  i 5  février  1902. 


Zousraiiâ,  Guir,  Saoïira 


L'occupation  de  quelques  nouveaux  postes  dans 
l'Extrême -Sud  oranais,  à  la  suite  des  colonnes 
exécutées  en  1900  et  en  1901,  à  permis  de  connaître 
d'une  façon  précise  une  région  qui  jusqu'alors  n'avait 
été  parcourue  que  rapidement  par  quelques  explo- 
rateurs. 

Venant  d'y  passer  une  année  entière,  je  vais  essayer 
de  classer  de  nombreuses  notes  prises  soit  en  colonne, 
soit  en  station,  afin  de  décrire  le  plus  exactement 
possible  le  territoire  nouvellement  conquis  ;  j'ai  lu,  en 
effet,  des  détails  bien  fantaisistes  dans  des  journaux 
se  disant  bien  renseignés  ;  et,  en  présence  des 
importants  problèmes  qui  s'ouvrent  maintenant  de  ce 
côté,  il  m'a  semblé  utile  de  dépeindre  le  pays  sous  son 
vrai  jour.  Ce  n'est  pas  un  récit  militaire  que  j'entre- 
prends, et  encore  moins  une  discussion  desdits 
problèmes,  mais  un  simple  exposé  géograpliique. 

Je  partirai  de  Duveyrier  et  conduirai  le  lecteur  fiul 
voudra  bien  m'y  suivre  jusqu'à  un  peu  au-delà  de 
Kerzaz,  eu  ne  lui  disant  ([ue  ce  que  j'ai  vu  ou  pu 
contrôler  sufllsamment. 

Dans  une  seconde  parlie  je  dirai  quelques  mois  sur 
la  climatologie,  la  faune,  les  productions,  le  commerce, 
l'industrie,  etc 

Les  itinéraires  ci-joints  n'ont  pas  la  prétention  d'être 
des  levés  rigoureusement  exacts  ;  ils  ont  été  dressés 
en  cours  de  marche  en  colonne,  les  distances  entre 
les  diverses  étapes  étant  mesurées  au  pas  et  les 
directions  prises  à  la  boussole-directrice.  Les  altitudes 
ont  été  calculées  par  les  moyennes  barométriques 
d'un  excellent  baromètre  liolostérique  du  dépôt  de  la 
guerre  ;  elles  diffèrent  sensiblement  de  celles  portées 
sur  la  carte  au  ,„  '  „„  mais  j'ai  lieu  de  croire  qu'elles 

2  OUO  000  •■  ^ 

sont  exactes  à  quelques  dizaines  de  mètres  près. 


ZOOSFANA   —   GUIR   —   SAOURA  ,  13 

L'itinéraire  de  Figui^  à  Taghit  est  un  simple  croquis 
que  j'ai  relevé  en  route  pour  accompagner  le  texte  ; 
ceux  de  Taghit  à  Ksai^i  ont  été  effectués  sous  ma 
direction  par  des  officiers  de  notre  colonne  et  je  les  ai 
complétés  ou  modifiés  dans  les  parties  que  j'ai  été 
appelé  à  parcourir  plusieurs  fois.  Ils  ne  peuvent  être 
des  documents  «  géographiques  »  car  nous  ne 
disposions  d'aucun  moyen  pour  prendre  les  longitudes 
et  les  latitudes  ;  on  ne  peut  leur  attribuer  qu'une 
valeur  «  topographique  ». 


PREMIERE    PARTIE 


DESCRIPTION    DU   PAYS 


La  ligne  de  nos  postes  militaires  s'arrêtait  précédemment  à 
Djenien-bou-Rezg;  pour  la  prolonger  il  a  fallut  d'abord  tenir 
en  respect  les  gens  de  Figuig  en  créant  deux  points  d'appui 
sur  la  ligne  d'étapes  qui  longe  cette  oasis  presque  à  portée  du 
fusil;  les  redoutes  de  Duveyrier  (précédemment  «  Zoubia»)  et 
de  Djenan-ed-Dar  gardent  maintenant  les  débouchés  du  couloir 
que  franchira  bientôt  le  raiiway  en  construction  au-delà  de 
Duveyrier.  Ce  couloir  s'étend  entre  deux  chaînons  marqués 
par  les  sommets  du  djerman  Foukani  et  du  djerman  Tahtani 
qui  le  dominent  de  150  à  200  mètres  ;  il  est  constitué  par  une 
vallée  à  fond  plat  et  à  sol  pierreux  où  ne  pousse  qu'une 
maigre  végétation  saharienne.  Le  djerman  Tahtani  forme  : 
au  Sud,  une  ligne  continue  à  crête  peu  accidentée,  tandis  que 
son  vis-à-vis  est  prolongé  par  des  pitons  isolés  que  séparent 
de  larges  et  basses  échancrures  à  travers  lesquelles  le  voyageur 
peut  apercevoir  une  grande  partie  de  l'oasis  de  Figuig  ; 
la  Zousfana  traverse  l'une  de  ses  échancrures.  Il  n'est  pas 
prudent  encore  de  s'aventurer  au-delà  de  ces  trouées  à 
proximité  de  Figuig,  et  encore  moins  de  s'approcher  de  l'oasis, 


14  ZOUSFANA   —    GUIR   —    SAOURA 

mais  on  peu  espérer  que  dans  un  avenir  prochain  nous 
bénéficierons  tout  au  moins  du  «  permis  de  circuler  » 
que  nous  accordons  généreusement,  chez  nous,  à  nos 
farouches  voisins. 

Figuig  mérit  n  eiïet  d'être  vue  ;  une  occasion  exceptionnelle 
m'a  permis  de  contempler  toute  l'oasis  du  sommet  du  djebel 
Taghla,  piton  situé  entre  la  trouée  de  la  Zousfana  et  celle  de 
Zenaga,  c'est-à-dire  à  1,5Û0  mètres  environ  à  vol  d'oiseau,  en 
dominant  tout  l'ensemble,  et  je  dois  avouer  n'avoir  joui  nulle 
part,  dans  le  Sud  oranais  d'un  coup  d'œil  aussi  saisissant. 
Figuig  est  de  beaucoup  l'oasis  la  plus  importante  de  la  province 
d'Oran  comme  étendue,  population  et  nombre  de  palmiers  ; 
les  ksour  qui  la  composent  sont  épars  au  milieu  des  jardins 
de  palmiers,  mais  ceux-ci  ne  forment  qu'une  seule  agglomé- 
ration dans  une  plaine  à  fond  de  daya  montant  légèrement 
vers  le  Nord  ;  le  tout  est  entouré  de  murs  flanqués  par  de 
hautes  tours  ;  en  dehors  et  vers  le  N'ord-Kst,  on  aperçoit 
l'endroit  où  se  trouvaient  les  tentes  du  douar  de  Bou-Amama. 
L'oued  Zenaga  traverse  l'oasis  du  Sud  au  Nord  en  son  milieu, 
laissant  apparaître  sa  rive  gauche  plus  élevé  que  l'autre. 
Entre  le  pied  Nord  du  djebel  Taghla  et  l'oasis,  s'étend  une 
bande  de  plaineabsolument  rme,  qui  constituerait  un  dangereux 
glacis  pour  des  assaillants.  Vouloir  nous  annexer  Figuig  serait, 
parait-il,  ouvrir  la  question  marocaine  devenue  internationale  ; 
mais  si  cette  solution  semble  devoir  être  encore  réservée  pour 
une  époque  ultérieure,  il  est  cependant  indispensable  qu'un 
accord  intervienne  pour  faire  cesser  l'attitude  presque  hostile 
des  gens  de  Figuig  vis-à-vis  de  nous. 

Oujda  au  Nord  et  Figuig  au  Sud  sont  des  refuges  assurés 
aux  bandits  après  leurs  méfaits  commis  chez  nous  ;  si  nous 
devons  toujours  renoncer  à  les  poursuivre  jusque-là,  il  est 
nécessaire  que  des  relations  diplomatiques  sérieuses  entre 
agents  consulaires  pouvant  communiquer  rapidement  de  part 
et  d'autre  de  la  frontière  en  face  de  ces  deux  points  mettent 
fin  à  ce  régime  d'impunité  qui,  dans  la  région,  porte  une 
grave  atteinte  au  prestige  français. 

Enfin,  il  est  un  des  ksour  de  Figuig  qui  ne  peut  pas  rester 
marocain,  c'est  celui  des  Beni-Younif,  qui,  isolé  en  deliors  du 
cirque  du  Figuig,  se  trouve  à  moins  de  3  kilomètres  de  Djenan- 
ed-Dar  ;  il  y  aura  même  avantage  à  transporter  là  la  redoute 
définitive  de  Djenan-ed-Dar,  autant  pour  profiter  des  ressources 


ZOUSFANA   —   GUIR   —    SAOURA  45 

de  cette  oasis  que  pour  tenir  sous  le  canon,  à  travers  la  trouée 
de  Zenaga,  le  ksar  Figuiguien  du  même  nom  qui  forme  l'extré- 
mité Ouest  de  Figuig  et  passe  pour  renfermer  les  gens  les  plus 
irréductibles  à  l'entretien  de  bonnes  relations  avec  nous. 

11  va  sans  dire  que  le  tracé  de  la  voie  ferrée  devra  subir  une 
modification  analogue  à  partir  de  Oued-el-Haci,  point  d'eau 
situé  à  peu  près  à  mi-chemin  de  Djenan-ed-Dar  et  de  Duveyrier. 
La  population  de  Figuig,  ainsi  enserrée  de  près,  sera  amenée, 
par  la  force  des  choses,  à  entrer  en  relations  suivies  avec  nous 
et  à  reconnaître  qu'il  serait  plus  avantageux  pour  elle  de 
vivre  en  paix  avec  nous.  Si  malgré  nos  procédés  pacifiques  et 
humanitaires  la  situation  actuelle  ne  se  modifie  pas,  un  coup 
de  force,  facile  d'ailleurs  s'imposera,  sinon  pour  nous  emparer 
de  Figuig,  du  moins  pour  en  extraire  les  nombreux  bandits 
arabes  et  les  déserteurs  recueillis  qui  exaspèrent  journellement 
les  garnisons  de  nos  postes  voisins. 

Pour  gagner  l'emplacement  actuel  de  Djenan-ed-Dar,  la 
piste  créée  par  la  main-d'œuvre  militaire  traverse  la 
Zousfana  à  7  kilomètres  de  Djenan-ed-Dar,  au  point  appelé 
Ain-Sefra  ;  ce  point  est  une  oasis  ensablée  que  nous  avons 
dénommée  «  Aïn-Sefra  de  Figuig  »,  pour  la  distinguer  de 
l'autre  Ain-Sefra. 

Le  plateau  bas  sur  lequel  on  a  construit  Djenan-ed-Dar  est  un 
pauvre  terrain  semé  de  cailloux  et  présentant  une  maigre 
végétation  saharienne  autour  d'un  petit  groupe  de  palmiers. 

L'alfa  n'existe  déjà  plus  depuis  Djenien-bou-Rezg,  les 
montagnes  sont  encore  plus  pelées  que  la  plaine  et,  en  fait  de 
verdure,  on  n'aperçoit  que  les  petits  bouquets  de  palmiers 
d'Ain-Sefra  de  Figuig,  de  Djenan-ed-Dar, de  Djenan-ben-Hariz, 
Djenan-el-Dhorf  et  Beni-Younif.  La  vallée  de  la  Zousfana 
s'élargit  considérablement,  le  lit  de  la  rivière  restant  indiqué 
au  loin  par  une  ligne  de  tamarins. 

Le  spectateur  placé  à  Djenan-ed-Dar,  éprouve  des  impi-essions 
toutes  différentes  suivant  qu'il  regarde  vers  le  Nord  ou  vers  le 
Sud.  Au  Nord,  il  a  devant  lui  un  cirque  de  chaînes  de 
montagnes  échelonnées,  bordé  par  les  sommets  du  Djebel 
Grouz,  du  Beni-Smir  et  du  Mzi  dont  l'altitude  atteint 
2,0(.K3  mètres  ;  la  pureté  de  l'air  donne  à  cette  vue  les  aspects 
les  plus  variés,  estompés  de  bleu  violacé  ;  s'il  se  retourne 
brusquement  vers  le  Sud,  il  n'a  plus  sous  les  yeux  que  la 
monotonie  plate  et  grise  coupée  ça  et  là  d'arêtes  noires.  Le 


16  ZOUSFANA   —    GUIR   —    SAOURA 

voyageur  qui  doit  s'enfoncer  pour  longtemps  dans  cette 
direction  ne  peut  pas  s'empêcher  d'éprouver,  tout  d'abord,  une 
vague  impression  de  tristesse  ;  aux  sensations  que  produit  ce 
pauvre  paysage,  vient  s'ajouter  l'idée  qu'on  va  s'éloigner 
définitivement  du  fil  télégraphique  et  de  la  voie  ferrée  c'est-à- 
dire  des  moyens  de  communications  rapides  avec  les  affections 
laissées  en  arrière.  Toutefois,  pour  nous  soldats,  cette 
impression  dure  peu,  nous  avons  toujours  l'espoir  d'un  jieu 
de  gloire  à  conquérir  dans  de  semblables  pérégrinations,  et,  si 
peu  alléchant  que  semble  devoir  être  le  mystérieux  inconnu 
saharien,  nous  brûlons  néanmoins  de  le  voir. 

Fendi.  —On  dit  d'ailleurs  du  bien  de  Fendi,  point  d'eau 
qui  marque  la  première  étape  après  Djenan-ed-Dar  ;  il  y 
à  32  kilomètres  à  franchir  pour  y  arriver,  mais  chacun  renfonce 
ses  tristesses  et  part  allègrement. 

Il  n'est  plus  question  de  routes,  ni  même  de  pistes,  à  peine 
peut-on  parler  des  traces  laissées  par  les  convois  précédents 
ou  par  les  cavaliers  faisant  le  service  postal  de  l'Extrème-Sud. 
Laissant  toujours  la  Zousfana  vers  le  Sud-Est,  on  se  dirige  sur 
la  pointe  d'un  éperon  peu  élevé  que  marque  le  groupe  de 
palmiers  de  Djenan-ed-Dhorf,  petite  oasis  sans  habitation  où 
se  trouve  un  puits  d'arrosage.  De  là,  on  peut  gagner  Fendi 
soit  par  le  côté  Nord-Ouest,  soit  par  le  côté  Sud-Est  du 
chaînon  ;  si  l'on  prend  la  première  direction  on  devra 
traverser  l'arête  un  peu  plus  loin  par  le  Kheneg  de  Haci- 
Saïd  ou  celui  de  Tebouda  pour  retomber  sur  l'autre  route  ; 
le  terrain  à  parcourir  sera  moins  bon,  mais  on  gagnera  quel- 
que peu  sur  la  distance  totale.  On  peut  aussi  aller  passer  plus 
au  Nord  encore  par  l'oasis  de  Merirès,  mais  il  faudra  à  l'arrivée 
descendre  le  ravin  de  Fendi  qui  présente  quelques  difticullés 
de  parcours  et  cache  souvent  dans  l'oasis  des  malfaiteurs 
dangereux  venus  de  Figuig. 

Fendi  est  une  oasis  non  entretenue  et  inhabitée,  située 
dans  le  fond  de  la  gorge  creusée  par  l'oued  Fendi  dans 
le  flanc  Ouest  de  la  vallée  de  la  Zousfana;  il  faut  être  à  l'entrée 
de  la  gorge  pour  apercevoir  les  palmiers. 

L'oued  Fendi  a  de  l'eau  en  permanence,  sinon  courante  à  la 
surface,  du  moins  sous  forme  de  a  rdir  »  communiquant  entre 
eux  par  un  courant  souterrain  ;  cette  eau  est  très  bonne. 
Dans  les  trous  on  trouve  du  barbeau  très  mangeable  qui,  avec 
les  perdrix  de  Toasis,  procure  aux  popotes    une  ressource 


ZOUSFANA    —    GUIK    —    SAOURA  17 

appréciable.  Les  gazelles  sont  nombreuses  dans  les  plaines 
environnantes,  mais  ce  n'est  pas  pendant  la  marche  d'une 
colonne  qu'ont  peut  songer  à  les  y  poursuivre  avec  chances  de 
succès.  De  temps  en  temps  un  lièvre  levé  par  les  flanqueurs 
vient  maladroitement  se  jeter  dans  le  convoi  ;  il  échappe 
rarement  aux  matraques  des  sokhar. 

On  voit  encore  à  Fendi,  sur  un  élargissement  de  la  rive 
droite  de  l'ouod,  les  ruines  d'un  ksar  qui  a  dû  être  assez 
important;  les  palmiers  de  l'oasis  n'étant  plus  nettoyés, 
laissent  pendre  lamentablement  leurs  palmes  desséchées  ;  les 
rejetons  envahissent  le  pied  des  troncs  et  la  broussaille  inutile 
s'étend  dans  les  espaces  vides  qui  ont  été  autrefois  des  jardins; 
ce  point  a  toute  la  mélancolie  des  lieux  abandonnés  oii  se  trou- 
vent encore  des  vestiges  de  vie  éteinte.  Les  dattiers  continuent 
cependant  à  produire  et  sont  récoltés  par  les  gens  de  la  zaoui'a 
de  Bou-Amama.  Il  est  à  supposer  que  nous  ne  laisserons  pas 
ce  coin  de  verdure  dégénérer  plus  longtemps  ;  ce  serait 
dommage  car  c'est  la  dernière  oasis  que  l'on  rencontre  jusqu'à 
Taghit,  et  elle  possède  tous  les  éléments  nécessaires  pour 
redevenir  prospère. 

En  remontant  l'oued  Fendi  de  quelques  kilomètres  on 
trouve  les  petites  oasis  de  Sfisef  et  Bou-Yala.  Fendi  marque,  au 
point  de  vue  mililaire,  la  limite  Nord  des  régions  sahariennes 
dans  la  province  d'Oran. 

C'est  en  face  de  Fendi,  à  quelques  kilomètres  à  l'Est,  que 
l'oued  Er  Remet  (appelé  improprement  par  nous  «Oued-Dermel», 
puisque  le  mot  arabe  est  ^l-j  qui  signilie  sable)  vient  se 
joindre  à  la  Zousfana  vers  la  petite  oasis  de  Nakhlat-ben- 
Bralimi. 

KSAR-EL-A.DJOUZA.  —  L'étape  suivante  est  KsaF-el-A.djouza 
(Ksar  de  la  Vieille),  point  situé  à  1.5  kilomètres  environ  de 
Fendi  vers  le  Sud-Ouest.  La  piste  continue  d'abord  à  longer 
les  hauteurs  Ouest  de  la  vallée  de  la  Zousfana,  puis  traverse  par 
un  petit  col  très  pierreux,  un  massif  de  chaînes  parallèles  qui 
s'étagent  entre  ces  hauteurs  et  la  Zousfana.  On  est  tout  étonné 
de  rencontrer  encore  là,  dans  un  fond  de  vallée  au  milieu  de 
la  végétation  saharienne,  de  superbes  térébinthes  et  des  oliviers 
sauvages  dont  on  n'avait  plus  vu  un  seul  spécimen  depuis 
Djenien-bou-I\ezg  (sauf  un  ou  deux  cependant  dans  l'oasis  de 
Fendi).  Ceux  là  seront  les  derniers  ;  on  ne  verra  plus  en  fait 


18  ZOUSFANA    —    GUIR    —    SAOURA 

d'arbres  sauvages  que  le  tamarin,  puis,  plus  loin,  le  tlaïa  et, 
plus  loin  encore,  le  gommier. 

A  Fendi  on  était  encore  à  l'altitude  de  865  mètres,  à  Ksar-el- 
Adjouza  on  n'est  plus  qu'à  7-i5  mètres,  car  on  retombe  là  dans 
le  lit  de  la  Zousfana  dont,  depuis  Djenan-ed-Dar,  on  a  coupé 
un  grand  coude  vers  l'Est.  Cette  rivière  après  avoir  traversé 
les  chaînons  qui  bordent  la  partie  Sud  du  cirque  de  Figuig, 
étend  de  plus  en  plus  son  lit  en  largeur,  au  point  qu'à  K^ar-el- 
Adjouza  celui-ci  à  déjà  plus  de  2  kilomètres;  il  s'est  même 
diviséen  plusieurs  branches,  courant  caoricieusemen  ta  travers 
les  dunes  dont  il  est  encombré  ;  le  tamarin  y  pousse  très  serré 
et  les  chameaux  y  trouvent  un  excellent  pâturage  de  «  drinn  » 
mêlé  aux  autres  plantais  sahariennes  qu'il  affectionne. 

C'est  par  une  pente  abrupte  que  vient  mourir  à  Ksar-el- 
Adjouza,  du  côté  du  Sud,  le  chaînon  détaché  de  Fendi  ;  la 
pointe  en  est  marquée  à  l'extrémité  Est,,  par  les  ruines  d'un 
ksar  minuscule  qui  était  fort  bien  situé  car  il  couronnait  un 
rocher  à  flancs  verticaux,  relié  à  l'escarpement  voisin  par  un 
étranglement  n'ayant  que  quelques  mètres  de  largeur  et  qu  il 
dominait  encore  de  plusieurs  mètres.  Ce  point  a  été  utilisé 
dernièrement  par  un  détachement  de  troupes  qui  a  dû 
séjourner  là  pour  y  établir  des  puits.  Précédemment  les  puits 
se  trouvaient  dans  le  ht  même  de  la  rivière,  au  pied  du  vieux 
ksar,  mais  chaque  colonne  ou  convoi  était  dans  l'obligation  de 
les  ouvrir  à  nouveau  pour  avoir  de  l'eau,  si  toutefois  on  avait 
la  chance  de  les  retrouver,  car  la  moindre  crue  ou  un  simple 
coup  de  vent  en  faisait  disparaître  toutes  traces.  Il  en  était  de 
même  d'ailleurs  pour  tous  les  puits  indigènes  des  étapes 
suivantes,  aussi  l'autorité  militaire  a-t  elle  été  amenée  à 
envoyer  des  détachements  qui  ont  fait  des  puits  maç-onnés 
recouverts  d'une  coupole  et  mis  ainsi  dans  la  mesure  du 
possible  à  l'abri  du  comblement  par  les  crues  ou  par  les 
tempêtes  de  sable. 

A  Ksar-el-Adjouza,  l'eau  est  détestable,  très  chargée  de  sel 
et  de  magnésie,  bien  que  les  nouveaux  puits,  au  nombre  de 
trois,  aient  été  creusés  en  dehors  du  lit  de  l'oued,  sur  la  rive 
droite.  Il  a  dû  y  avoir  anciennement  une  source  au  pied  même 
et  à  l'Est  du  rocher  que  surmonte  le  ksar  ;  il  y  a  là  des  traces 
d'humidité  qui  semblent  l'indiquer.  Une  oasis  a  peut  être 
existé  en  ce  point,  mais  à  une  époque  très  éloignée,  car 
quelques  maigres  palmiers  en  sont  les  seuls  vestiges  au  milieu 


ZOCSFANA    —    GUIR   —   SAOURA  19 

des  dunes  dans  le  lit  de  l'oued  ;  il  est  probable  qu'une  crue 
formidable  a  dû  amener  sa  destruction,  et  par  suite  l'abandon 
des  lieux  par  les  quelques  habitants  qui  occupaient  le  ksar. 

En  face  et  à  l'Ouest  de  Ksar-el-Adjouza,  à  5  ou  6  kilomètres, 
se  dresse  le  massif  imposant  du  Sidi-Moumen,  témoin  qui 
marque  le  contluent  de  la  Zousfana  et  d'un  oued  assez 
important  venant  du  djebel  Béchar.  A  Igli,  au  confluent  de  la 
Zousfana  et  du  Guir,  on  trouve  un  témoin  analogue,  mais 
beaucoup  moins  élevé. 

Le  Sidi-Moumen,  dont  l'altitude  au-dessus  de  la  plaine  est 
de  300  mètres  environ  a  au  sommet  une  forme  ovoïde  dont  la 
pointe  serait  à  l'Ouest  ;  les  rochers  abrupts  qui  le  couronnent 
ne  livrent  que  peu  de  points  de  passage  pour  le  gravir  ; 
au  milieu  des  pentes  S,ud,  il  y  a,  m'a-t-on  dit,  une  source  que 
paraissent  en  elTet  indiquer  quelques  arbres,  le  pied  se  termine 
presque  brusquement  sur  la  plaine  vers  le  Sud  ;  au  Nord,  il 
se  rattache  par  un  léger  seuil  aux  échelons  venant  de  Fendi  ; 
la  crête  a  environ  10  kilomètres  de  longueur. 

Au-delà  du  Sidi-Moumen,  vers  l'Est-Nord  Est,  apparaît  le 
djebel  Béchar  dominant  sensiblement  toutes  les  hauteurs 
visibles  de  ce  côté. 

Jusqu'ici  les  montagnes  que  nous  avons  vues  forment  des 
massifs  d'où  se  détachent  des  chaînons  et  qui  présentent 
des  formes  plus  ou  moins  mamelonnées  ;  à  partir  de  maintenant, 
la  vallée  de  la  Zousfana  commence  à  prendre  la  constitution 
topographique  qu'elle  gardera  jusqu'au  bout  et  qui  se 
retrouvera  encore  assez  loin  dans  son  prolongement  par  la 
Saoura  ;  elle  a  l'aspect  d'un  large  sillon  à  fond  presque  plat, 
bordé  par  des  murailles  plus  ou  moins  espacées,  à  pentes 
raides,  déchiquetées,  nues,  chaotiques  et  dont  le  bord  supérieur 
apparaît  horizontal.  Vers  l'Est,  ce  caractère  est  d'abord  moins 
net,  mais  nous  verrons  un  peu  plus  loin  la  muraille  couverte 
de  sable  transformée  en  hautes  dunes  et  raccordée  à  la  plaine 
par  des  dunes  basses  ayant  franchi  les  sommets  sous  la 
poussée  des  vents  du  Sud-Est.  De  part  et  d'autre,  les  vallées 
qui  débouchent  dans  la  Zousfana  n'ont  que  peu  de  longueur, 
à  l'exception  de  celle  de  l'Oued-Guir. 

Si  à  Fendi  on  monte  sur  le  piton  en  forme  de  dent  qui 
domine  immédiatement  vers  le  Nord  le  débouché  du  ravin,  on 
aperçoit  la  muraille  ouest,  sous  la  forme  de  trois  becs,  le  premier 
à  hauteur  de  Sidi-Moumen,  le  second  en  face  de  El-Morra,  le 


20  ZOUSFANA  —   GUIR   —   SAOURA 

troisième  à  Moungar,  puis  la  ligne  disparait  avant  Taghit, 
derrière  les  dunes  de  l'Erg  de  la  rive  gauche.  Ceci  m'amène  à 
dire  quelques  mots  au  sujet  des  communications  optiques. 
Nous  avons  maintes  fois  et  toujours  en  vain  cherclié  celles  ci 
entre  un  point  voisin  de  Taghit  sur  la  hammada  et  le  piton  de 
Fendi  ;  connaissant  bien  maintenant  ces  deux  points,  je  crois 
pouvoir  affirmer  que  la  communication  n'est  pas  possible 
ainsi  et  qu'il  faudrait  pour  l'obtenir,  créer  un  poste  intermé- 
diaire soit  au  Sidi-Mouaien,  soit  en  face  de  Zafrani.  Toutefois, 
l'emploi  du  fil  électrique,  ou  mieux  encore  de  la  télégraphie 
sans  fil,  serait  préférable  à  tous  égards,  car  la  brume  coupe 
souvent  les  communications  optiques  en  toutes  saisons,  même 
à  courtes  distances  ;  cette  brume  est  plus  fréquemment  formée 
par  les  poussières  de  l'air  que  par  des  vapeurs  humides. 
Jusqu'à  ce  jour  les  communications  entre  Djenan-ed-Dar  et 
Tagliil  d'une  part.  Igli  et  Béni  Abbès  d'autre  part,  n'ont  été 
assurées  que  par  des  courriers  à  cheval  ;  il-est  certain  que  c'est 
insuffisant  autant  au  point  de  vue  militaire  que  pour  le  bon 
état  moral  des  troupes  placées  dans  des  postes  aussi  éloignés. 
Il  faut  avoir  vécu  lù-bas  pour  comprendre  combien  on  se  sent 
isolé  du  monde  entier  quand  on  sait  qu'un  télégramme  envoyé 
d'Igli,  par  exemple,  mettra  4  jours  à  atteindre  Dje.nan-ed-Dar  par 
la  poste  ordinaire  pour  être  ensuite  expédié  de  là  à  destination 
par  fil  télégraphique.  Si  on  demande  une  réponse,  on  ne 
l'aura  que  5  ou  6  jours  plus  tard.  Au  début  de  l'occupation  de 
ces  nouveaux  territoires,  il  était  évidenmient  impossible  de 
faire  mieux  ;  mais  maintenant  que  notre  situation  prend  de 
l'assiette,  il  semble  que  l'on  peut  songer  à  créer  des  commu- 
nications moins  primitives,  â  cela  on  peut  objecter,  car  c'est 
exact  que  nos  adversaires,  auparavant  respectueux  des  fds 
télégraphiques,  ne  se  gênent  plus  pour  les  couper  ;  mais  il  faut 
considérer  que  ces  actes  ont  seulement  pour  théâtre  la  région 
Duveyrier-Djenan-ed-Dar,  livrée  aux  exploits  des  gens  de 
Figuig  et  ne  peuvent  être  que  le  fait  d'Européens  déserteurs 
ou  de  Marocains  employés  à  la  construction  du  chemin  de  fer. 
Le  jour,  proche  espérons-le,  où  nous  aurons  les  moyens 
d'exercer  une  certaine  police  sur  Figuig,  ce  vandalisme  cessera 
sûrement  en  ce  point  et  il  est  d'ailleurs  d'autant  moins  à 
craindre  au  delà  de  Djenan-ed-Dar,  qu'on  s^éloignera  plus 
de  Figuig. 
Continuons  maintenant  notre  voyage.  A  partir  de  Ksar-el- 


ZOUSFANA   —   GUIR   —   SAOURA  21 

Adjouza  l'aspect  du  sol  devient  franchement  saharien  ;  en 
dehors  de  quelques  rai'es  plantes  communes  au.  Tell  et  au 
Sahara,  on  ne  rencontre  plus  la  végétation  des  Hauls-Plateaux 
mêlée  à  celle  du  Sahara  ;  on  a  déjà  heurté  du  pied  beaucoup 
de  cailloux,  mais  ici  commence  le  sol  de  «  reg  »  tantôt  ferme, 
tantôt  ameubli  par  une  couche  de  sable  fin  mêlée  aux  pierres 
roulantes,  coupantes  et  auxquelles  le  frottement  du  sable 
et  l'excès  calorique  ont  donné  un  aspect  tout  particulier. 

Haci-el-Mir.  —  L'étape  suivante  est  Haci-el-Mir,  de  25  kilo- 
mètres environ.  On  peut  la  franchir  par  deux  voies  différentes  : 
ou  bien  on  traverse  de  suite  et  obliquement  le  lit  de  la 
Zousfana  au  milieu  des  dunes  et  du  tamarin  pour  gagner  et 
suivre  ensuite  la  rive  gauche  jusqu'à  Haci-el-Mir,  où  bien 
on  pique  droit  sur  le  Sidi-Moumen  dont  on  suit  le  pied  jusqu'à 
hauteur  de  Haciel-Begri,  situé  à  mi-distance  de  Haci-el-Mir, 
pour  franchir  l'oued  perpendiculairement  en  ce  point  et 
rejoindre  ainsi  la  première  direction.  Si  l'on  est  en  petit 
nombre  et  qu'on  n'ait  qu'un  convoi  peu  important  la  première 
voie  sera  peut  être  un  peu  plus  courte,  mais  dans  le  cas 
contraire,  il  vaudra  mieux  prendre  la  seconde;  la  piste  delà 
rive  gauche  n'offre,  en  effet,  jusqu'à  Haci-el-Bcgri,  qu'un  front 
restreint  par  la  proximité  iiinnédiale  d'un  plateau  bas,  mais 
rocheux  et  coupé  de  ravines;  en  longeant  le  Sidi-Moumen,  on 
reste  au  contraire  dans  une  plaine  large  et  très  praticable,  si 
on  observe  de  ne  pas  s'approcher. trop  de  la  Zousfana  bordée 
de  dunes  de  ce  côté. 

Haci-el-Begri  n'est  qu'un  simple  puils  arabe  non  protégé  et 
ensablé  la  plupart  du  temps,  que  l'on  trouve  sur  la  rive  gauche 
de  la  Zousfana.  Presque  en  face  de  ce  point,  entre  le  Sidi- 
Moumen  et  la  Hammada  qui  s'élève  plus  au  Sud,  une  petite 
forteresse  marocaine  «  Ain-Djedida  »  avait  la  prétention  de 
nous  défendre  l'accès  du  djebel  Béchar  par  la  trouée  qu'elle 
barre  ;  c'est  un  simple  rectangle  de  nmrailles  en  terre  flanqué 
de  quatre  tours,  occupé  par  un  gardien  et  sa  famille  ;  un 
puits  est  creusé  à  l'intérieur. 

Les  territoires  situés  à  ri']st,  c'est-à-dire  entre  la  moyenne 
Zousfana  'et  le  moyen  Guir,  constituent  les  terrains  de 
parcours  des  Oulad  Djerir  ;  au  centre  se  trouvent  Béchar, 
Kenadsa,  Ouakda,  lieux  d'échanges  commerciaux  entre  lu 
Tafllala  et  l'Exti'ème-Sud  oranais. 


22  ZOUSFANA   —   GUIR  —    SAOURA 

Ifaci-el-Mir  est  marqué  actuellement  par  les  vestiges  d'une 
redoute  provisoire  élevée  là  par  des  puisatiers  militaires  qui 
y  ont  séjourné  au  printemps  dernier.  Deux  puits  maçonnés  et 
un  abreuvoir  se  trouvent  au  bas  de  la  redoute,  sur  le  talus  de 
la  rive  gauche  de  la  Zousfana;  l'eau,  quoique  encore  saumàtre^ 
est  déjà  bien  meilleure  qu'à  l'étape  précédente.  Tout  le  lit  de 
l'oued  est  couvert  de  tamarins,  dont  la  -ligne  est  d'ailleurs 
continue  depuis  Ksar-el-Adjouza  ;  en  certains  points,  il  y  a 
de  tels  amas  de  souches  et  de  bois  mort  que  le  passage  est 
difficile,  on  y  trouve  un  abondant  pâturage  à  chameaux  et  les 
crues  y  laissent  quelquefois  des  «  rdir  »  précieux  pour  les 
convois  de  passage.  Une  modeste  croix  élevée  au  Sud  et  près 
de  la  redoute  recouvre  les  restes  d'un  malheureux  soldat. 

El-Morra.  —  El-Morra  est  à  20  kilomètres  environ  de 
Haci-el-Mir  en  continuant  à  suivre  la  rive  gauche  de  la  Zous- 
fana. Toutefois,  la  piste  s'écarte  quelque  peu  de  cette  rive  pour 
contourner  les  dunes  qui  la  bordent,  le  sol,  d'abord  très 
caillouteux,  devient  meilleur  en  approchant  d'El-Morra,  puis 
on  abandonne  le  plateau  bas  suivi  jusque-là  pour  descendre 
dans  le  lit  plat  et  argileux  de  la  Zousfana  où  se  trouve  la 
redoute  d'El-Morra. 

Cette  redoute,  construite  au  printemps  dernier,  en  briques 
crues  confectionnées  sur  place,  renferme  deux  baraques 
destinées  l'une  à  un  poste  permanent  de  goumiers  indigènes, 
l'autre  aux  officiers  de  passage  ;  un  superbe  tlaïa  abrite  celle- 
ci,  c'est  le  premier  arbre  de  celte  essence  que  l'on  trouve  sur 
la  route  du  Sud.  Le  manque  total  de  pierres  à  proximité  a  été 
suppléé  par  l'emploi,  dans  la  construction  de  l'enceinte,  de 
lits  de  brcussaiiles  interposés  dans  les  briques  afin  d'obtenir 
un  relief  suffisant,  un  portail  à  prétentions  monumentales, 
que  nos  facétieux  «  Joyeux  »  se  sont  amusés  à  édifier,  marque 
l'entrée  de  la  redoute  sur  la  face  Nord. 

El-Morra  se  trouvant  à  peu  près  à  mi-distance  de  Taghit  à 
Djenan-ed-Dar  a  été  choisi  comme  point  de  relai  des  courriers 
dont  le  service  est  assuré  par  des  cavaliers  indigènes,  mogha- 
zeni  ou  goumiers  fl). 

Deux  bons  puits  et  un  petit  abreuvoir  sont  à  une  centaine  de 


(l)  Le  moghazeni  est  un  cavalier  arabe  volontaire,  le  goumier  est  au 
contraire  réquisitionné.  TU  conservent  le  costume  et  le  harnachement 
Indigènes  et  sont  administrés  par  les  bureaux  arabes. 


ZOIISFANA   —   GUIR  —   SAOURA.  23 

mètres  au  Nord  de  la  redoute,  l'eau  est  relativement  potable, 
Lien  que  le  nom  de  ce  point  (El-Morra  signifie  l'amertume) 
ait  pour  origine  le  mauvais  goût  de  l'eau  des  anciens  puits 
arabes:  il  est  à  supposer,  ainsi  que  nous  avons  pu  le  constater 
en  maints  autres  endroits,  que  l'aménagement  en  maçonnerie 
et  un  puisage' plus  fréquent  ont  amélioré  sensiblement  la 
qualité  des  eaux  de  la  nappe  souterraine  de  la  Zousfana 

A  El-Morra  commence  à  apparaître  la  tluïa  (tamarix 
avliculala)  que  nous  appelons  improprement  Takaliout,  du 
nom  donné  quelquefois  à  la  galle  qu'il  produit,  et  que  les 
indigènes  du  Tafilala,  utilisent  pour  tanner  les  peaux  de 
chèvres  et  obtenir  le  cuir  dit  «  filali  »  (1). 

A  mesure  qu'on  s'approche  d'El-Mori-a,  les  rives  de  l'oued 
sont  de  moins  en  moins  marquées;  le  tamarin  devient  plus 
rare,  puis  disparait.  On  est  là  dans  une  plaine  argileuse,  au  sol 
boueux  égalisé  par  les  crues,  rapidement  durci  par  le  soleil  et 
moucheté  de  maigres  loulTes  de  basse  végétation.  Le  lit  propre- 
ment dit  de  l'oued  a  plus  de  2  kilomètres  de  largeur  ;  en  son 
milieu,  là  ou  l'eau  des  crues  a  coulé  plus  longlemps  subsistent 
des  sillons  longitudinaux  de  profondeur  variable  et  quelques 
trous  dont  les  bords  sont  mainiués  par  une  végétation  un  peu 
plus  dense. 

Si  l'on  jette  un  regard  sur  la  hammadade  l'Ouest,  on  aperçoit 
à  son  pied,  auprès  du  bec  d'El  Morra,  puis,  plus  loin,  au  fond 
d'un  cirque  dont  le  milieu  est  occupé  par  un  monticule  isolé 
des  lignes  d'arbres  que  je  crois  êlre  des  gommiers  sans  pouvoir 
toutefois  l'affirmer,  car  je  n'ai  pas  eu  l'occasion  d'aller  jusque  là. 

Vers  le  Sud-Est,  on  commence  à  apercevoir  les  premières 
dunes  de  l'Erg  qui  se  continue  ensuite,  sans  interruption,  tout 
le  long  de  la  rive  gauche  de  la  Zousfana,  puis  de  la  Saoura. 

Un  plateau  pierreux,  affreusement  nj,  monte  en  pente  douce 
et  nous  sépare  encore  de  ces  dunes. 

C'est  un  peu  au  Nord-Est  de  la  redoute  que  reposent,  sous 
un  même  tombeau,  les  huit  légionnaires  tombés  en  1900  au 
combat  d'El  .Moung  ir,  où  un  v.  rezzon  <■  composé  de  Doui-Ménia 
et  d'Oalad-Djérir  attaqua  noire  i"  convoi  de  ravitaillement. 


(1)  Voir  l'arlicle  publié  à  ce  sujet  par  le  même  auteur  dan<:  le  bulle'in 
trimestriel  de  seulembre  1901  de  la  Sociétc  de  Géoqrajihie  et  d'Archéo- 
logie d'Oran  ■  dans  le  Bulletin  Agricole  de  l'Alcjèrie  et  de  la  Tunisie, 
n"'22,  du  15  novembre  191)1,  et  dans  la  Reçue  Horticole  de  l'Algérie,  n°  11, 
de  novembre  190! . 


24  ZOUSFAXA   —    GUIR   —    SAOURA 

El-Moungah.  —  El-Moungar  est  à  27  kilomètres  environ  de 
El-Morra.  Comme  dans  l'étape  de  la  veille,  il  faut  suivre  larive 
gauche  de  a  Zousfana,  en  faisant  un  léger  crochet  pour  laisser 
sur  la  droite  des  dunes  peu  praticables,  et  qui  commencent 
à  800  ou  900  mètres  au  sud  de  la  redoute  d'El-Morra. 

A  El-Moungar  il  n'y  a  pas  de  puiis  ;  un  détachement  acreusé 
jusqu'à  17  mètres  de  profondeur  sans  trouver  l'eau.  On  s'arrête 
généralement  au  milieu  du  lit  même  de  la  rivière,  un  peu  au 
nord  du  bec  d'El-Moungar( El-Moungar  signi lie  d'ailleurs  a  bec  1^ 
en  arabe)  parce  que  l'on  y  dispose,  plusieurs  mois  encore 
après  une  ci'ue,  d'un  «  rdir  »  profond,  creusé  par  les  remous 
de  l'eau- courante  dans  l'épaisse  couche  d'argile  qui  constitue 
le  sol  en  ce  point.  On  trouve  alors  sur  les  bords  de  ce  sillon 
unesortedechiendentà  l'euillesdureset  pointues  qu'apprécient 
fort  les  animaux  heibivoi'es  et  que  les  arabes  appellent 
«  nejem  »  ;  tout  le  restant  du  lit  de  l'oued,  large  encore 
de  2  kilomètres,  ne  renfermedepuis  El-Morra  qu'une  végétation 
basse  et  très  clairsemée  ;  quelques  jujubiers  sauvages,  déjà 
bien  mutilés  par  les  convois,  indiquent  de  loin  l'emplacement 
du  «  rdir  »  marqué  aussi  par  une  enceinte  de  redoute  provisoire 
qui  a  servi  à  loger  le  détachement  de  puisatiers  à  proximité 
du  puits  qu'il  a  tenté  d'ouvrir.  A  mon  sens,  il  eut  été  préférable 
de  chercher  l'eau  auprès  de  la  rive  gauche,  car  la  nap[)e 
souterraine,  qui  existe  certainement,  doit  être  déviée  de  ce  côté 
par  la  barrière  argileuse  du  lit,  sous  les  dunes  qui  forment 
bordure  entre  El-Morra  et  El  Moungar.  Si  mes  prévisions  sont 
justes,  etsi  on  trouve  l'eau  près  de  la  rive  gauche,  on  obtiendrait 
au  point  de  vue  militaire,  le  double  avantage  de  ne  pas  camper 
dans  un  lit  d'oued,  aux  risques  d'une  crue  que  rien  n'annon- 
cerait, et  de  s'écar-ter  moins  de  la  ligne  droite  qui  joint 
El  Morra  à  Zafrani. 

C'est  en  face  d'.'^l-Moungar  que  s'ouvre  dans  la  hammada, 
à  l'Ouest,  la  trouée  de  l'Oued-Sabbah,  qui  crée  une  communi- 
cation entre  la  région  de  l'Oued  Guir  et  celle  de  la  Zousfana, 
et  permet  de  gagner  les  ksours  des  Doui-Ménia  par  Oglat- 
Menouarar,  Haci-Aouimiet  Oglat-Ghelkha;  par  là  aussi,  on  peut 
se  porter  sur  Kenadsa  et  Déchar  en  remontant  une  vallée 
parallèle  à  la  Zousfana. 

Zakrani.  —  Poura'ler  d'EI-Moungarà  Zafi-ani  (16  kilomètres 
environ ),  on  regagne  obliquement,  en  se  du'igeant  \ers  le  Sud, 


ZOUSFANA    —   GUIR    —    SAOURA  25 

la  rive  gaiiciie  de  la  Zousfana  marquée  par  les  ondulations 
d'un  plateau  peu  élevé  au  delà  diupiel  on  aperçoit  les  basses 
dunes  qui  s'étagent  ensuite  pour  tonner  l'Erg.  Au  bout  d'une 
demi- heure  de  marche  on  traverse  le  lieu  du  combat  d'El- 
Moungar. 

Un  signal  en  maçonnerie  élevé  par  nos  puisatiers  au  pied  de 
de  l'Erg  indique  le  point  en  face  duquel  se  trouvent  les  puits 
de  Zafrani  à  1,500  ou  1,000  mètres  dans  les  dunes.  Il  est 
regrettable  que  les  recherches  faites  pour  trouver  l'eau  en 
dehors  des  dunes  n'aient  donné  aucun  résultat,  car  si  on 
campe  auprès  du  signal  on  est  loin  des  puits,  et  si  on  va 
s'installer  aux  puits,  on  s'éloigne  de  la  route  à  suivre,  avec 
l'oljligation  de  traverser  un  parcours  dilficile.  11  est  probable 
que  de  nouvelles  recherches  seront  plus  heureuses  si  on  les 
dirige,  soit  plus  près  de  la  Zousl'ana,  soit  à  petite  distance  des 
dunes,  un  peu  au  Sud  de  l'emplacement  actuel,  pour  partager 
mieux  la  distance  de  Taghit  à  El-Moungar.  Actuellement  il 
existe  deux  puits  maçonnés  et  couverts,  fournis>ant  une  eau 
excellente  et  assez  abondante.  Une  tombe  voisine  recouvre  les 
restes  d'un  fils  de  Bou-Amama. 

C'est  donc  à  Zafrani  que  le  voyageur  touche  pour  la  première 
fois  le  pied  de  l'Erg,  masse  énorme  de  sable  fin,  jaune  orange, 
aux  formes  tourmentées  et  changeantes,  aux  crêtes  en  lanie 
de  couteau  que  les  Arabes  appellent  à  juste  titre  «  siouf  » 
(pluriel  du  mot  «  sif  »  qui  signifie  sabre).  Là,  il  ne  faut  plus 
chercher  l'application  des  règles  topographiques,  car  le  vent  y 
agit  en  maître,  faisant  tourner  en  tous  sens  le  sable  nu  de  toute 
végétation  ;  des  entonnoirs  profonds  s'ouvrent  .souvent  sur  le 
tlanc  d'une  dune  élevée,  une  croupe  correspond  à  une  ravine 
de  l'autre  côté  d'une  crête;  en  un  mot,  c'est  un  chaos  sablon- 
neux dans  lequel  un  voyageur  isolé  ressent  une  impression 
toute  nouvelle,  de  tristesse,  de  profonde  solitude  et  d'écrasement 
devant  cette  immensité  déserte.  Comme  la  mer  à  laquelle  il 
ressemble  à  plusieurs  points  de  vue,  l'Erg  a  ses  fureurs  ; 
par  un  veut  violent,  les  siouf  des  dunes  fument  et  déferlent 
comme  la  crête  des  vagues  ;  le  sable  suivant  les  coulées 
ouvertes  devant  lui,  les  remonte  jusqu'à  la  crête  suivante 
qu'il  iranchit  pour  continuer  plus  loin  sa  course  rapide  en 
nappe  traînante. 

De  loin  en  loin,  un  balai  de  «  rtem  »  ou  genêt  à  fleur 
blanche  apparaît  en  vei-t  tendre  sur  le  fond  jaune  de  l'Erg. 


26  ZOUSFANA   —   GUIR   —    SAOURA 

Taghit.  —  Pour  aller  de  Zafrani  à  Taghit  (prononcez  :  Tàrite), 
on  continue  à  suivre  le  plateau  situé  sur  la  rive  gauche  de  la 
Zousfana  en  longeant  les  premières  dunes  de  l'Erg  ;  on  laisse 
l'oued  s'éloigner  à  environ  trois  kilomètres  vers  l'Ouest,  dans 
la  grande  boucle  qu'il  décrit  après  avoir  doublé  le  bec 
d'El-Moungar.  Au  bout  d'une  heure  de  marche,  on  commence 
à  apercevoir  au  point  où  la  crête  de  la  hammada  semble 
couper  celles  de  l'Erg  vers  le  Sud,  une  construction  française; 
c'est  un  petit  fortin  commencé  en  19D0  et  terminé  en  1901,  qui, 
élevé  sur  un  bec  de  la  hammada,  domine  Taghit  à  courte  portée 
de  fusil.  En  s'avançant  encore,  on  découvre  un  peu  plus  bas, 
dans  une  échancrure  à  gauche  du  fortin,  une  masse  sombre 
dont  la  ligne  supérieur'e  dentelée  indique  des  habitations; 
c'est  en  etVet  le  poste  de  Taghit  qui,  accolé  au  ksar,  semble  au  loin 
former  corps  avec  lui .  En  se  rapprochant  encore,  on  aperçoit  vers 
la  droite,  sur  le  plateau  mémeoii  l'on  chemine,  la  haute  enceinte 
carrée  du  Usar  Zaouïa-Foukania  qui  marque  la  limite  Nord  de 
l'oasis  des  Beni-(ioumi  ;  en  même  temps,  quelques  palmiers 
émergent  le  long  de  la  Zousfana  dont  le  lit  s'est  encaissé. 

Avant  d  atteindre  Taghit,  on  longe  successivement  deux 
oasis  minuscules  à  moitié  ensablées  et  presque  abandonnées. 
Après  avoir  ensuite  traversé  un  plateau  (1)  de  sable  et  de 
cailloux  légèrement  ondulé  on  entre  dans  le  défdé  de  Taghit 
par  un  passage  resserré  entre  l'Erg  et  les  jardins  de  palmiers  ; 
la  piste  est  envahie  par  des  barres  transversales  de  sable 
qu'arrêtent  à  peine  les  murs  des  jardins  et  elle  ne  livre 
un  passage  convenable  qu'à  deux  ou  trois  animaux  de  front. 

Là,  l'œil  lassé  par  la  monotonie  du  long  chemin  parcouru 
pendant  les  étapes  précédentes,  se  repose  avec  plaisir  sur  la 
ligne  imposante  de  verdure  de  l'oasis  et  sur  la  bizarrerie  du 
paysage.  Celui-ci  présente  en  elïet,  par  un  beau  soleil  du 
moins,  une  tonalité  si  parfaite  que  l'esprit  le  moins  artiste  en 
est  frappé  ;  le  tableau  a  pour  cadre  à  gauche,  comme  en  bas, 
le  jaune  orangé  et  lumineux  des  dunes  avec  ses  fortes  ombres 
violettes,  en  haut  le  bleu  d  un  ciel  rarement  troublé,  à  droite 
la  masse  violet-sombre  de  la  hammada  éclairée  parfois  de 
taches  jaunes  de  dépôts  de  sable,  ou  blanchâtres  des  traces 
d'éboulements  ;  enfin  au  centre,  le  brun  des  constructions 


(1)  Sur  ce  p'ateau,  nous  avons  trouvé  un  grand  nombre  cie  pierres  et 
de  silex,  taillés,  hacliis,  pioclies.  pointes  de  flèche,  etc.  {Note  de  l'auteur). 


ZOUSFANA   —    GUIR   —   SAOURA  27 

et  la  ligne  verte  des  paiiiiiers.  Il  y  a  de  quoi  tenter  les 
aquarellistes  et  leur  donner  toutes  satisfactions.  Les  plioto- 
graphes  y  trouvent  moins  leur  compte,  car,  sous  un  ciel  blanc, 
ils  n'obtiennent  que  des  tons  foncés  où  l'on  ne  peut  plus 
reconnaître  les  oppositions  de  teintes  dont  la  vivacité  constitue 
précisément  le  charme  du  paysage. 

Depuis  huit  jours,  on  a  traversé  un  pays  désert  ;  en  fait  de 
figures  nouvelles,  on  n'a  rencontré  que  quelques  courriers  ou 
des  petits  convois  civils  qui  sont  envoyés  de  Duveyrier  pour 
ravitailler  nos  postes  ;  en  arrivant  à  Taghit,  on  se  trouve 
heureux  de  voii-  des  camarades  connus  ou  non  et  d'atteindre 
enfin  un  point  habité  du  Sahara  Chaque  fois  qu'une  troupe 
s'y  présente,  c'est  un  événement  joyeux  pour  la  garnison  et 
elle  le  marque  en  hissant  les  couleurs  françaises  sur  la  baraque 
du  commandant  du  poste,  sur  une  des  tours  du  ksar  et  sur  le 
fortin  ;  en  outre,  la  clique  des  détachements  lance  ses  notes 
les  plus  gaies  au  moment  ou  la  colonne  entre  dans  le  défilé, 
les  officiers  viennent  à  cheval  au  devant  des  arrivants,  on 
reçoit  les  invitations  des  diverses  popotes  ;  tout  cela  met  au 
cœur  un  sentiment  joyeux  qui  contribue  encore  à  augmenter 
la  bonne  impression  produite  par  le  paysage. 

Taghit  n'était  auparavant  qu'un  petit  ksar  pittoresquement 
planté  sur  un  rocher  qui  barre  le  défilé  à  peine  large 
de  200  mètres  entre  le  pied  et  l'Erg  et  celui  de  la  hammada  ; 
l'oued  coule  au  milieu  de  l'oasis  entre  le  ksar  et  la  hammada. 
La  colonne  qui,  commandée  par  le  colonel  Bertrand,  est 
3-rrivée  la  première  au  printemps  de  IflOO,  avait  trouvé  là  une 
certaine  résistance  opposée  par  les  Doui-Ménia  possesseurs 
du  pays  ;  mais  la  vue  de  deux  canons  de  80  de  montagne 
braqués  sur  le  ksar,  avait  suffit  pour  vaincre  les  veilléités 
guerrières  des  quelques  détenseurs  abrités  derrières  leurs 
murailles.  La  colonne  put  passer  sans  avoir  à  faire  feu  et 
continuer  sa  marche  sur  Iglison  objectif.  Tout  d'abord,  elle  ne 
laissa  aucune  garnison  à  Taghit,  et  c'est  seulement  deux  mois 
après  l'occupation  d'Igli,  qu'un  détachement  fut  envoyé  parla 
colonne  pour  s'installer  à  Taghit  et  empêcher  ainsi  les  Doui- 
Ménia  d'y  barrer  la  route  à  nos  convois  de  ravitaillement.  Ce 
détachement  commença  à  construire  une  redoute  accolée  au 
ksar,  sur  la  partie  de  rocher  laissée  libre  entre  le  ksar  et  l'Erg, 
puis  un  fortin  sur  la  pointe  de  hammada  située  de  l'autre  côté 
de  l'oued.  Le  poste  est  dominé  à  faible  distance:  d'un  coté,  par 


28  ZOUSFANA   —   GUIR   —    SAOURA 

la  dune,  et  de  l'autre,  |  ar  cette  pointe  de  hammada,  élevées 
toutes  deux  de  90  à  100  mètres  ;  sa  situation  serait  dangereuse 
sans  l'occupation  de  ses  hauteurs  d'où  l'on  peut  heureusement 
battre,  avec  un  petit  nombre  de  fusils,  tous  les  abords  et  qui 
constituent  ainsi  un  sérieux  llanquement.  Un  poste  optique, 
placé  sur  la  pointe  de  la  dune  la  plus  rappr'ochée,  assure  la 
communication  avec  Igli  ;  l'extrême  mobilitô  du  sable  n'a  pas 
encore  permis  de  faire  là  une  construction  ;  la  garde  du  poste 
optique  se  contente  pour  l'instant  d'un  retranchement  carré 
de  quelques  mètres  de  côté,  éle\é  au  moyen  de  sacs  à  distri- 
bution remplis  de  sable. 

En  outre  de  sa  garnison  (actuellement  Lf  compagnies 
d'infanterie),  Taghit  possède  un  bureau  arabe  et  un  receveur 
des  postes.  Un  village  de  mercantis  européens,  composé  de 
quelques  maisons  en  terre,  s'est  élevé  au  pied  de  la  muraille 
sud  du  ksar.  Quand  ce  point  sera  en  communications  rapides 
avec  Aïu-Séfra,  les  touristes  pourront  le  préférer  à  Biskra  s'ils 
y  trouvent  le  confort  désiré,  car  l'hiver  y  est  charmant  et  on 
peut  y  jouir  pleinement  de  l'inqjressiûn  du  désert. 

Le  ksar  Taghit  n'est  qu'une  agglomération  de  quelques 
pauvres  habitations  enfermées  dans  une  enceintede3  à  4  mètres 
de  hauteur,  flanquée  de  tours  carrées.  Une  mosqué  edresse  au 
milieu  du  ksar  son  minaret  sans  caractère;  la  première  garnison 
s'est  amusée  à  l'orner  de  quelques  moulages  en  argile  en  même 
tem[is  qu'elle  a  ajouré  par  le  même  procéilé,  le  sonnnet  du 
mur  mitoyen  du  ksar  et  de  la  redoute  alin  d'enlever  aux 
habitants,  en  cas  de  révolte,  toute  velléité  de  se  placer  là  pour 
tirer  dans  l'intérieur  de  la  redoute.  Ce  dernier  travail  à  eu 
pour  résultat  de  procurera  la  garnison  la  distraction  de  voir 
souvent  des  silhouettes  féminines,  peu  gracieuses  d'ailleurs, 
vaquant  à  leurs  occupations  sur  les  terrasses  en  bordure. 
Une  seule  porte  bisse,  ouverte  sur  la  face  Sud,  donne  accès 
dins  le  ksar  ;  un  souterrain  permettait  de  descendre  dans 
l'oasis  par  la  face  Ouest,  l'autorité  militaire  l'a  fait  fermer  afin 
d'empêcher  les  entrées  clandestines.  Un  puits  profond  existe 
sur  la  face  Nord,  à  l'intérieur  du  ksar. 

Toutes  les  constructions  arabes  sont  faites  en  «  toub  »  ou 
mottes  d'argile  moulées  à  la  main  et  séçhées  au  soleil. 
Ce  procédé  étant  le  seul  employé  dans  les  oasis  du  Sahara 
oranais,  je  vais  le  décrire,  une  fois  pour  toute,  avec  quelques 
détails  ;  il  est  d'ailleurs  des  plus  simples  :  Un  indigène  veut- il 


ZOUSFANA   —    GUm  —   SAOURA  29 

bâtir  une  maison,  un  mur  à  son  jardin  '?  Tl  cherche  dans  le  Ht 
de  l'oued  un  endroit  argileux  et  y  creuse  une  fosse  rectangu- 
laire. Au  fur  et  à  mesure  qu'il  en  bêche  la  terre,  il  mouille 
celle-ci  si  elle  ne  l'est  déjà,  lapétrit  avec  les  pieds  et  fait  à  la  main 
des  mottes  en  forme  de  demi-cylindre  de  0'"30  de  longueur 
environ;  il  pose  ces  mottes  sur  le  sol  sec,  la  partie  plane  en 
dessous,  et  en  aligne  ainsi  plusieurs  milliers  qu'il  fabrique  très 
vite.  La  surface  du  sol  contenant  toujours  plus  ou  moins  de 
sable,  ces  «  toub  »  ne  s'y  attachent  pas  en  séchant.  Lorsqu'elles 
sont  séchées,  on  les  emploie  à  construire,  et  l'on  voit  de  suite, 
d'après  leur  forme,  le  parti  que  l'on  peut  en  tirer  :  une 
première  rangée  et  posée  à  plat  sur  un  lit  de  mortier  frais  de 
même  composition,  puis,  pour  faire  la  deuxième  rangée  au- 
dessus,  il  suflt  de  combler  le  vide  entre  deux  «  toub  »  avec 
une  autre  disposée  le  plat  en  haut  ;  un  peu  de  mortier  jeté 
à  la  poignée  bouche  les  interstices  et  agglomère  le  tout. 


Quand  le  mur  doit  être  haut  on  le  fait  épais  à  la  base  et  on 
y  met  de  gros  cailloux  mêlés  aux  «  toub  »,  principalement 
dans  les  jardins  où  il  faut  donner  plus  de  consistance  aux  murs 
exposés  au  contact  des  eaux  d'irrigation  ;  celles  ci,  en  effet, 
désagrégeraient  trop  vite  les  matériaux  s'ils  étaient  composés 
seulement  de  terre. 

Si  l'on  veut  avoir  une  construction  d'un  genre  un  peu 
difficile,  telle  que  coupole  de  koubba  ou  de  mosquée,  arceaux 
dans  une  cour  intérieure,  on  fait  venir  des  maçons  deTafilala; 
aussi  est-ce  l'exception  à  cause  du  prix  de  revient  et  encore 
le  travail  produit  par  ces  ouvriers  spéciaux  n'a-t-il  rien 
d'élégant. 

A  l'intérieur  des  habitations,  aucun  meuble,  à  peine  des  nattes 
en  drinn  avec  ou  sans  laine,  un  foyer  et  quelques  ustensiles  de 
cuisine  ;  la  fumée  s'échappe  par  l'ouverture  supérieure 
pratiquée  dans  la  terrasse.  C'est  sur  la  terrasse  que  se  passe 
la  vie  au  grand  air,  le  jour  en  hiver,  la  nuit  en  été  ;  on  y  accède 


30  ZOUSFANA   —   GUIR   —    SAOURA 

par  des  échelons  taillés  dans  un  tronc  de  palmier  dressé  contre 
l'ouverture;  là,  se  trouve  la  basse-cour  réduite  souvent  à  une 
chèvre  et  à  quelques  poules  de  petite  espèce  ;  de  ci,  de  là,  on 
aperçoit  un  chat  considéré  comme  animal  de  luxe  et  d'utilité 
aussi,  car  les  souris  pullulent  dans  ces  bâtisses  en  terre. 

La  redoute  est  un  véritable  tour  de  force  accompli  par  nos 
troupes  en  tant  que  constructions.  Sur  un  roc  précédemment 
nu,  bosselé,  troué,  presque  à  pic  vers  le  Nord,  en  pente  assez 
raide  vers  le  Sud,  s'élèvent  maintenant  des  baraques  pour 
toute  la  garnison,  celles  des  officiers  sur  l'arête,  celles  de  la 
troupe  sur  la  pente  Sud.  Et  avec  quoi  a  t-on  bâti  tout  cela  ? 
Avec  la  pierre  même  du  rocher  fouillé  en  tous  sens,  quelques 
bois  fournis  par  le  génie  et  le  surplus  en  tronc  de  palmiers, 
des  «  djerid  »  ou  feuilles  de  palmier,  et  pour  tenir  le  tout,  du 
mortier  fait  avec  une  sorte  de  tuf  très  collant  recueilli  à 
proximité.  Pour  cette  besogne,  chaque  soldat  européen  ou 
indigène  s'est  improvisé  maçon,  carrier  ou  charpentier  sous 
la  direction  de  quelques  spécialistes  du  génie  ou  du  bataillon 
d'Afrique.  On  peut  s'imaginer  la  quantité  de  travail  fourni  en 
calculant  le  rendement  de  2.50  hommes  travaillant  en  moyenne 
6  heures  par  jour  pendant  plus  d'un  an.  C'est  là  qu'on  admire 
la  sagacité  des  officiers  pour  devenir  des  architectes,  le  zèle 
des  gradés  inférieurs  pour  devenir  des  contre-maitres,  enfin  la 
patience,  la  bonne  volonté  et  l'adresse  des  soldats  pour  mener 
tout  à  bien  ;  les  hommes  du  bataillon  d'Afrique,  rebut  social 
en  tant  qu'hommes,  sont  ici  d'admirables  ouvriers,  débrouil- 
lards, aptes  à  tout,  même  sans  l'avoir  appris. 

Au  Sud  de  Taghit,  s'étend  un  plateau  dominant  la  rive 
gauche  de  la  Zousfana  et  touchant  au  pied  de  l'Erg.  En  moins 
de  13  kilomètres  on  y  rencontre  les  ksar  Barrebi,  Bakhti  et 
Zaouïa-Tahtania  qui  avec  Taghit  et  Zaouïa-Foukania  composent 
l'oasis  dite  des  Beni-Goumi.  Les  jardins  et  les  plantations  de 
palmiers  se  succèdent  sans  interruption  dans  le  lit  de  la 
Zousfana  tout  le  long  de  ce  parcours,  s'élargissant  ou  se 
resserrant  selon  la  distance  entre  les  berges  ;  un  passage  non 
cultivé  quoique  planté  de  palmiers  est  laissé  libre  pour  la 
traversée  des  eaux  normalement  courantes  et  pour  l'écoulement 
des  crues. 

L'ensemble  des  ksour  des  Beni-Goumi  comporte  environ 
1,600  habitants  et  80,000  palmiers.  L'histoire  de  ces  pauvres 
gens  est  des  plus  simples.  Sédentaires  dans  la  contrée  depuis 


31 


une  époque  très  reculée,  ils  ont  été  de  tous  temps  les  esclaves 
des  peuplades  nomades  et  belliqueuses  qui  ont  été  successi- 
vement les  maîtres  du  pays  ;  Doui-Ménia,  Glienanema, 
Ilamyane,  Beraber,  et  d'autres  peut-être  ont  souvent  lutté 
pour  cette  possession  qui  livrait  à  leurs  caravanes  la  meilleure 
route  du  Touat  en  même  temps  qu'elle  leur  procurait  des 
récoltes  de  dattes  ne  leur  coûtant  rien.  En  efïet,  avant  notre 
arrivée  à  Taghit,  les  Doui-Ménia,  maîtres  de  la  plupart  des 
jardins,  se  gardaient  bien  d'y  travailler  ;  leurs  kliammès  — 
esclaves  des  Beni-Goumi  les  cultivaient  pour  eux  et  ils  y 
puisaient  à  pleines  mains,  violant  sans  vergogne  le  contrat 
qui  les  liait  à  ces  malheureux  et  qui  peut  se  résumer  à  ceci  : 
(I  Le  Doui-Ménia  est  propriétaire  de  la  plupart  des  jardins  ; 
les  khammès  ont  le  droit  de  cultiver  le  sol  sous  palmiers 
pour  leur  propre  compte  ;  ils  entretiennent  la  culture  des 
palmiers  dont  la  récolte  appartient  au  Doui-Ménia,  sauf  les 
dattes  dites  du  vent  qui  leur  sont  abandonnées  (on  comprend 
qu'il  s'agit  des  dattes  tombées  naturellement  du  palmier)  ». 
Le  khainmès  cultivait  donc  dans  ces  jardins  quelques 
légumes,  un  peu  d'orge  et  quelques  fruits  ;  mais  un  beau 
jour,  le  Doui-Ménia  venait  là  en  villégiature  y  apportant  sa 
tente,  et  faisait  bombance  avec  la  récolte  de  son  fermier. 
On  devine  facilement  le  peu  d'ardeur  que  les  khammès 
mettaient  à  soigner  leurs  cultures. 

L'hiver  dernier,  je  me  trouvais  un  jour  dans  un  jardin  de 
Zaouïa-Foukania  où  des  travailleui's  préparaient  Je  sol  aux 
semailles  d'orge  ;  leurs  coups  de  bêche  ne  faisaient 
qu'ameublir  légèrement  la  surface  et  laissaient  même  des 
parties  non  remuées.  J'ai  cherché  à  leur  faire  comprendre 
qu'ils  auraient  intérêt  à  fouiller  la  terre  plus  profondément 
tant  pour  ménager  l'eau  des  irrigatious  que  pour  obtenir  une 
récolte  plus  abondante.  L'un  d'eux,  un  vieillard,  m'a  répondu  : 
«  Oui,  tu  as  raison,  mais  à  quoi  cela  nous  avancerait-il,  ce  sera 
mangé  par  les' Doui-Ménia  ».  Je  lui  fis  remarquer  que  les 
Français  occupant  maintenant  le  pays,  il  n'avait  plus  rien  à 
redouter  des  Doui-Ménia  qui  avaient  émigré  vers  le  Haut- 
Guir  ;  il  me  répondit  simplement  :  «  Qu'en  savons-nous  ?  » 
Cette  petite  conversation  montre  suffisamment  combien  était 
et  est  encore  puissant  le  sentiment  de  servitude  de  ces 
malheureux  vis-à-vis  de  leurs  oppresseurs.  Depuis  lors,  les 
Doui-Ménia  sont  venus  d'eux-mêmes,   en  grande  partie  du 


32  ZOUSFANA   —    GUIR   —    SAOURA 

moins,  se  placer  sous  l'autorité  de  la  France  ;  ils  ont  repris  la 
jouissance  de  leurs  jardins,  mais  ils  ont  dû  renoncer  à 
considérer  leurs  anciens  esclaves  des  Béni  Goumi  autrement 
que  comme  des  fermiers  et  surtout  à  piller  la  part  que  la 
coutume  attribue  à  ceux-ci  dans  la  récolte  des  produits. 
Cette  situation  est  d'ailleurs  celle  que  les  troupes  françaises 
ont  toujours  trouvée  dans  la  plupart  des  ksour  appartenant 
aux  nomades  ;  elle  est  bien  connue  et  je  crois  inutile  de  la 
détailler  plus. 

La  région  des  Beni-Goumi  présente  le  long  de  la  vallée, 
depuis  Taghit  jusqu'à  Zaouia-Tahtania,  de  nombreuses  ruines 
de  ksour,  celles  de  Mezaourou  et  de  Tiazit  sur  le  flanc  de  la 
bammada,  celles  de  Bizanne  un  peu  au  Nord  de  Barrebi  sur 
la  rive  gauche.  Ne  datant  que  de  25  à  ;?0  ans,  elles  sont 
encore  très  visibles  ;  elles  résultent  de  la  dernière  lutte  entre 
les  Ghenanema,  alors  possesseurs  du  pays,  et  l^s  Doui-Ménia 
qui  sont  les  propriétaires  actuels. 

Des  inscriptions  qui  semblent  remonter  à  une  époque  très 
antérieure  d'occupation  berbère  (150  ans  au  moins  et  peut  être 
beaucoup  plus),  existent  sur  les  parois  inférieures  des  rochers, 
au  pied  de  la  bammada,  entre  Taghit  et  Bakhti  (1).  Elles 
représentent  des  animaux  sauvages  ou  domestiques  existant 
encore  dans  la  contrée,  quelques  hommes  à  pied  ou  à  cheval 
et  des  objets;  des  caractères  qui  paraissent  être  des  signes  de 
la  langue  berbère  sont  semés  ça  et  là  au  milieu  des  dessins. 
Les  habitants  des  Beni-Goumi  expliquent  les  inscriptions  par 
une  légende.  «  Il  y  a  très  longtemps,  disent-ils,  les  hommes 
sont  devenus  inq)ies,  et  pour  les  punir,  Dieu  a  tra  isformé  leurs 
âmes  en  ces  animaux,  les  condamnant  à  rester  là  jusqu'à  leur 
délivrance.  »  Il  m'a  paru  possible  de  rattacher  cela  à  la 
répudiation  forcée  de  la  religion  chrétienne  par  les  peuples 
berbères  sous  la  pi'ession  des  Arabes  vainqueurs,  mais  ce  n'est 
là  qu'une  simple  supposition.  Pour  l'instant,  les  inscriptions 
des  Beni-Goumi  sont  utilisées  comme  «  croquemitaine  n  par 
les  habitants  ;  quand  un  enfant  n'est  pas  sage,  on  le  menace 
de  l'y  conduire  et  de  joindre  son  âme  transformée  en  animal 
à  celles  qui  y  sont  déjà. 


(1)  V.'ir  la  noliee  de  l'auteur  publiée,  au  sujet  rie  ces  inscriplious,  par 
la  Société  de  Géograpliie  et  d'Arcliéologie  d'Oraa,  dans  son  bulletin 
de  janvier  19U2. 


ZOCSFANA    —    f.LIU     —    SAÛLRA.  33 

Avant  l'envoi  de  nos  colonnes  sur  la  Zousfana,  le  groupe  des 
Beni-Goumi  n'était  autre  qu'un  fief  appartenant  aux  Doui- 
Ménia  et  par  suite  indépendant  du  Maroc  ;  l'autorité  du  Sultan 
déjà  purement  nominale  dans  des  régions  plus  septentrionales, 
ne  comptait  là  pour  rien.  Dès  qu'il  a  été  question  de  nous  ratta- 
cher la  Zousfana  et  le  Touat,  le  Sultan  s'est  empressé  d'envoyer 
son  cachet  à  de  soit-disants  caïds  dans  les  cinq  ksour  des 
Beni-Goumi  :  il  est  permis  de  supposer  que  des  manœuvres 
diplomatiques  adverses  n'ont  pas  été  étrangères  à  cet  acte. 
La  politique  française  n'en  a  pas  tenu  compte  à  juste  titre,  car 
ses  droits,  d'après  les  traités  antérieurs,  lui  permettaient  de 
venir  dans  la  Saoura  sans  violer  l'intégrité  du  Maroc, 
contrairement  à  ce  que  nos  adversaires  voulaient  faire  croire 
au  moyen  de  ces  nominations  de  caids  marocains. 

La  justice  était  alors  fort  simple  :  un  cadi  jugeait  en  premier 
ressort  et  généralement  les  choses  restaient  là  ;  dans  quelques 
cas  exceptionnels,  la  partie  non  satisfaite  en  appelait  à  un  cadi 
du  Tafilala  qui  pouvait  casser  le  jugement  et  en  porter 
un  autre. 

Au  point  de  vue  religieux,  les  Beni-Goumi  formaient  deux 
«  zaouia  »  dirigées  par  les  marabouts  de  Zaouïa-Tahtania  et 
de  Zaouïa-Foukania  ;  la  première  était  la  plus  importante  car 
elle  s'étendait  sur  les  ksour  Zaouïa-Tahtania,  Bakhti,  Barrebi 
et  Tahgit,  ne  laissant  â  l'autre  que  Zaouia-Foukania.  Cette 
situation  a  produit  une  difficulté  lorsque  nous  avons  voulu 
organiser  l'administration  de  la  région.  Nous  ne  pouvions  pas, 
comme  l'avait  fait  le  Sultan,  instituer  plusieurs  ca'idats  pour 
une  population  totale  de  1,500  à  1,600  individus,  un  seul  devait 
suffire  et  une  nomination  s'imposait  :  celle  du  marabout  de 
Zaouia  Tahtania  qui  nous  avait  rendu  les  plus  sérieux  services. 
La  Zaouïa-Foukania,  tenait  d'autre,  part  à  rester  indépendante 
de  sa  voisine,  et  il  fallut  une  certaine  adresse  pour  lui  faire 
accepter  l'unité  administrative  des  cinq  ksour.  La  zaouia  de 
Kenadsa  possède  à  son  tour  une  certaine  autorité  sur  celles  des 
Beni-Goumi  où  elle  détient  des  jardins.  Depuis  un  an,  grâce 
à  une  politique  de  pardon  et  de  conciliation,  les  Doui-Ménia 
ralliés  peu  à  peu  à  nous,  viennent  reprendre  la  jouissance  de 
leurs  jardins  et  y  dresser  leurs  tentes  comme  précédemment. 
Chaque  année,  à  l'automne,  ils  se  transportent  sur  le  Guir 
pour  y  semer  des  céréales  ;  ils  occupent  alors  là-bas  les  ksour 
qui  leur  appartiennent  et  les  abandonnent  après  la  récolte  pour 


34  ZOUSFANA    —   GUm   —   SAOURA 

passer  l'été  sous  l'ombrage  des  oasis  des  Beni-Goumi.  Ils 
possèdent  des  troupeaux  de  chameaux,  des  bœufs,  des  moutons 
et  des  chèvres  qui  trouvent  dans  les  oueds  Guir,  Bou-Dib  et 
Kheroua,  à  l'Ouest  de  Taghit,  les  pâturages  nécessaires. 

Le  Doui-Ménia  est  de  race  Arabe,  guerrier,  dominateur  et 
nomade,  vivant  sous  la  tente;  ses  temmcs  sont  blanches, 
souvent  fines  et  jolies. 

Chez  les  Beni-Goumi  on  retrouve  le  Berbère  mêlé  à  l'Arabe 
et  au  Nègre  ;  une  race  spéciale  s'y  est  formée  qu'on  appelé  les 
«  Harratine  »  (au  singulier  Hartani),  elle  est  demi-Nègre,  de 
taille  moyenne,  très  robuste,  et  elle  s'occupe  surtoutdes  travaux 
de  jardins.  Le  type  local  resté  blanc,  est,  au  contraire,  chétif, 
sec,  pâle  comme  tous  les  ksouriens  ;  il  travaille  peu  et  vit  du 
travail  de  ses  khammès,  dans  les  quelques  jardins  dont  les 
Doui-Ménia  lui  ont  laissé  la  propriété. 

Je  donnerai  plus  loin  quelques  détails  sur  la  région  comprise 
entre  le  Guir  et  la  Zousfana  et  qui  constitue  les  terrains  de 
parcours  des  Doui-Ménia. 

Reprenons  maintenant  notre  voyage  par  étapes  vers  le  Sud. 

ZAOu'iA-TAHTANi.v.  —  Lu  t'ace  sud  du  rocher  de  Taghit 
tombe  sur  un  plateau  uni  qui  va  en  s'élargissant  jusqu'à 
Barrebi  et  qui  est  à  peu  près  dépourvu  de  végétation.  Un  vaste 
cimetière  s'étend  au  pied  du  ksar  en  longeant  la  berge  gauche 
de  l'oued  ;  on  y  remarque  deux  «  koubba  »  dont  la  construction 
est  assez  grossière  mais  dont  les  murs  peints  à  la  chaux 
tranchent  vivement  sur  la  teinte  ocre-rouge  foncé  des  autres 
murailles.  L'emplacement  choisi  pour  établir  une  redoute 
définitive  et  des  casernes,  se  trouve  à  l'extrémité  sud  de  ce 
cimetière,  sur  une  pointe  qui  domine  l'oued. 

Un  peu  avant  d'atteindre  Barrebi,  on  passe  à  proximité  des 
ruines  de  Bizane  qu'on  laisse  sur  la  droite.  En  face  de  Barrebi 
et  au  pied  de  l'Erg,  se  trouve  dans  un  creux  une  petite  oasis 
abandonnée  et  que  le  sable  envaliit  peu  à  peu.  Après  Barrebi, 
on  continue  à  suivre  en  terrain  uni  de  «  reg  »  tantôt  dur,  tantôt 
mou,  la  berge  de  la  rive  gauche  et  on  atteint  Bakhti,  ksar 
construit  en  contre-bas  du  plateau.  Un  peu  plus  loin,  la  dune 
se  rapprochant  de  l'oued,  il  tant  descendre  du  plateau 
et  avancer  péniblement  en  coupant  les  basses  dunes  transver- 
sales qui  barrent  l'espace  très  étroit  compris  entre  l'Erg  et 
les  jardins.   L'étape  de  Taghit  à  Zaouia-Tahtania  n'est  que 


ZuUSFANA    —    GUIH    —   SAOURA  35 

de  14  kilomètres,  mais  elle  est  la  plus  redoutée  parles  colonnes 
à  cause  de  ce  mauvais  passage.  En  novembre  1900,  nous  avons 
dû  la  franchir  avec  un  convoi  de  4000  chameaux  ;  ceux-ci  ne 
pouvant  avancer  qu'en  file  indienne,  on  devine  quel  temps 
il  nous  a  fallu  employer. 

Le  ksar  Zaouïa-Tahtania  est  construit  au  pied  de  la  dune 
dans  un  grand  cirque  dont  l'oasis  profite  pour  s'élargir 
sensiblement;  toutefois,  ce  point  finira  par  être  envahi  par 
le  sable  dans  un  délai  plus  ou  moins  long 

La  falaise  de  la  hammada  dont  une  pointe  porte  un  petit  fort 
à  hauteur  de  Taghit,  décrit  d'abord  un  cirque  vers  l'ouest,  puis 
vient  rejoindre  la  rive  droite  de  l'oued  Zousfana  un  peu 
au  nord  de  Barrebi  et  la  suit  ensuite  exactement  jusqu'à 
Zaouïa-Tahtania  en  la  dominant  presque  à  pic  d'une  centaine 
de  mètres  ;  elle  est  coupée  de  quelques  ravines  et  sa  pente 
comporte  en  certains  points  des  paliers  rocheux  et  horizontaux 
qu'un  piéton  peut  suivre  facilement.  Un  promeneur  fera  une 
agréable  excursion  en  cheminant  dans  le  fond  de  l'oasis  depuis 
Taghit  jusqu'à  Zaouïa-Tahtania  ;  il  trouvera  quelque  mauvais 
passages,  sera  harcelé  par  les  chiens  sortis  des  tentes  des 
Doui-Ménia,  mais  en  revanche  il  sera  constamment  sous  la  forêt 
de  palmiers,  sur  un  sol  ferme,  et  jouira  d'une  verdure  gaie, 
variée  de  tons  et  ensoleillée  ;  il  serait  à  souhaiter  qu'un 
chemin  fut  créé  sur  ce  parcours  pour  remplacer  l'affreuse 
piste  suivie  jusqu'ici  pour  aller  à  Zaouïa-Tahtania.  A  la  vue 
des  ruines  de  Tiazit  et  de  Mezaourou  juchées  sur  la  hammada, 
on  se  rend  compte  de  l'insécurilé  qui  a  dû  régner  antérieure- 
ment dans  la  région  ;  c'étaient  de  hardies  constructions  élevées 
sur  des  rochers  à  pic,  et  il  fallu  pour  les  édilier  hisser 
jusque  là  les  matériaux  pris  dans  l'oued. 

El-Aouedj.  —  A  Zaouïa-Tahtania  se  termine  brusquement 
l'oasis  des  Beni-Goumi,  mais  les  berges  de  l'oued,  quoique 
privées  de  palmiers,  continuent  à  être  cultivées  en  céréales 
jusqu'à  quelques  centaines  de  mètres  plus  loin.  La  Zousfana 
décrit  un  coude  presque  à  angle  droit  et  vers  l'Ouest  pendant 
deux  kilomètres  environ,  puis  reprend  sa  direction  générale 
N.-E.  S.-O.  A  ces  coudes  correspond  un  élargissement 
de  la  vairée,  comblé  en  partie  par  des  basses  dunes.  C'est  là 
aussi,  à  la  courbure  la  plus  occidentale,  qu'aboutit  une  piste 
venant  du  Nord  à  travers  la  hammada  et  qu'on  pourrait  utiliser 
pour  venir  de  Taghit  ;  elle  suit  un  vallon  parallèle  à  la  Zousfana, 


36  ZOUSFANA    —    GUIR    —   SAOURA 

l'oued  Hadeness  et  ne  présente  sur  la  hammada  aucune 
difficulté  de  parcours  ;  elle  est  généralement  suivie  par  les 
caravanes  indigènes  qui  n'ont  pas  besoin  comme  nous,  de  faire 
toujours  étape  aux  points  d'eau  ;  il  suffirait  pour  la  rendre 
accessible  à  nos  convois,  d'améliorer  les  rampes  d'accès  de  la 
hammada  en  face  de  ïaghit  et  au  coude  dont  je  viens  de  parler, 
puis  d'aménager  des  puits  en  un  point  un  peu  plus  éloigné  où 
se  trouve  déjà  un  ancien  puits  arabe  marqué  par  un  palmier 
isolé  dans  le  lit  de  la  Zousfana.  C'est  d'ailleurs  par  là  qu'on 
sera  obligé  de  dévier  la  ligne  de  chemin  de  fer  à  partir  de 
Taghit,  si  le  projet  de  construction  jusqu'à  Igli  par  la  Zousfana 
est  maintenu.  Il  ne  faut  pas,  en  effet,  compter  lui  faire  suivre 
la  Zousfana  dans  le  défilé  de  Taghit  où  le  travail  de  main- 
d'œuvre  serait  considérable,  sans  garantie  de  solidité.  Pour 
gagner  El-Aouedj,  on  continue  à  suivre  le  lit  de  la  Zousfana 
que  l'on  avait  quitté  tout  d'abord  pour  couper  le  grand  coude 
dont  il  vient  d'être  question  ;  la  falaise  dominant  toujours 
la  rive  droite  à  courte  distance,  forme  souvent  des  paliers 
étages  presque  privés  de  végétation.  Dans  le  fond  de  la  vallée, 
au  contraire,  et  sur  les  basses  pentes  des  dunes,  on  trouve 
une  végétation  assez  abondante  ;  en  certains  points  le  tlaïa  est 
nombreux. 

Dix  huit  kilomètres  environ  séparent  Zaouïa-Tahtania  de 
El-Aouedj.  A  l'arrivée  à  l'étape  on  trouve  une  redoute  en 
en  pierre  sèche  et  deux  puits  maçonnés  que  nous  avions 
construits  au  commencement  de  1901.  L'eau  est  très  bonne 
mais  en  quantité  insuffisante  ;  il  faudrait  des  puits  plus 
profonds  ou  plus  nombreux. 

Igli  (redoute).  —  Il  y  a  30  kilomètres  d'EI-Aouedj  à 
la  redoute  d'Igli.  La  piste  suit  toujours  la  Zousfana,  tantôt  sur 
une  rive,  tantôt  sur  l'autre  ou  même  dans  le  lit  où  le  sable 
mêlé  d'argile  est  souvent  le  moins  meuble.  La  région  a 
le  même  aspect  que  dans  l'étape  précédente  ;  c'est  un  couloir 
successivement  élargi  et  rétréci,  le  sol  est  très  caillouteux, 
la  hammada  se  dresse  noire  et  dessinant  une  crête  horizontale 
dentelée,  sur  laquelle  apparaissent  quelquefois  des  «  gour  »  ou 
amas  de  roches  nues  en  forme  de  tronc  de  cône. 

La  direction  de  la  Zousfana  se  relève  vers  l'Ouest  jusqu'à 
8  kilomètres  avant  Igli,  puis,  par  un  grand  coude,  elle 
s'infléchit  vers  le  Sud  avant  de  contluer  avec  l'oued  Guir. 

En  i'ace  de    cette    dernière    courbure,    la    hammada   est 


ZOUSFANA   —   GUIR   —   SAOURA  37 

brusquement  interrompue  et  laisse  s'ouvrir  une  vallée  qui 
met  en  communication  facile  la  Zousfana  et  le  Guir;  la  distance 
entre  les  deux  rivières  n'est  alors  que  de  1,800  mètres. 
Il  est  fort  probable  que  là  était  primitivement  le  conlluent  et 
que  celui-ci  a  été  ensuite  reporté  un  peu  plus  loin  par  un 
nouveau  soulèvement  ;  on  trouve  en  effet  sur  l'ilot  rocheux 
qui  succède  à  cette  coupure  des  quantités  de  cailloux  de 
rivière  et  des  coquillages  signes  certains  du  soulèvement 
d'un  lit  précédemment  parcouru  par  les  eaux  courantes. 

Le  trajet  d'El-Aoued  à  Igli  présente  de  nombreuses  et  très 
grandes  touffes  de  tlaïa  qui,  si  elles  étaient  régulièrement 
exploitées,  fourniraient  peut  être  une  abondante  récolte  des 
précieuses  galles  à  tanin  qu'elles  produisent  chaque  année. 

Un  peu  avant  d'atteindre  Igli,  on  aperçoit  quelques  beaux' 
gommiers  au  feuillage  vert  clair  formmt  parasol.  La  redoute 
d'Igli  apparaît  juchée  sur  un  roc  isolé  qui  se  dresse  sur  un 
plateau  à  l'entrée  duquel  la  hammada  se  termine  brusquement. 
Le  cimetière  de  la  garnison  est  là,  au  moment  où  l'on  quitte  la 
Zousfana  pour  gagner  le  plateau  ;  un  sentiment  de  tristesse  est 
le  premier  qui  vienne  au  voyageur,  car  la  pitié  qu'évoque  en 
lui  la  vue  des  tombes  est  encore  influencée  par  un  sombre 
horizon  de  pierres  et  de  sable  barré  en  son  milieu  par  le  rocher 
noir  de  la  redoute  ;  seules  quelques  touffes  vertes  de  tlaïa 
émergeant  de  la  Zousfana,  et  des  gommiers  alignés  au  pied  de 
la  hammada,  jettent  une  note  claire  sur  le  tableau.  Abordons 
néanmoins  la  redoute  en  chassant  toute  idée  défaillante,  car 
dans  ces  régions  il  faut  garder  un  excellent  moral  si  l'on  veut 
y  vivre.  La  description  de  ce  point  n'aura  doi'énavant  qu'un 
intérêt  rétrospectif,  son  abandon  venant  d'être  décidé. 

Commencées  au  printemps  de  1900  par  la  colonne  Bertrand, 
les  constructions  de  la  redoute  ont  été  continuées  et  terminées 
par  la  nouvelle  garnison  de  1900-1901.  Il  ne  s'agissait,  bien 
entendu,  comme  à  Taghit,  que  de  constructions  provisoires, 
élevées  sans  crédit  par  la  main  d'oeuvre  militaire  au  moyen 
des  ressources  locales.  Une  enceinte  mi-maçonnée,  mi  en 
pierre  sèche,  couronne  le  sommet  du  mamelon  et  renferme, 
d'un  côté,  le  baraquement  des  officiers,  de  l'auti'e,  celui  de  la 
troupe  et  ses  annexes.  La  pierre  ne  manquait  pas  ;  il  a  sufii 
de  mettre  en  morceaux  les  blocs  épars  semés  sur  les  pentes  du 
mamelon,  et  à  l'aide  des  outils  gracieusement  prêtés  par  le 
génie,  il  a  été   possible  de  créer  en  un  an  un  ouvrage   qui 


38  ZOUSFAXA.   —    GUIR   —   SAOURA 

aurait  pu  durer  longtemps  à  la  seule  condition  d'être  quelque 
peu  entretenu. 

Un  rectangle  formé  par  cinq  maisons  en  brique  crue  élevées 
au  pied  Est  de  la  redoute  constitue  le  village  des  mercantis 
qui  n'ont  pas  craint  de  pousser  jusque-là  pour  fournir  à  la 
garnison  les  quelques  denrées  ou  objets  qu'elle  ne  pouvait 
pas  demander  à  l'administration  militaire. 

Malgré  la  somme  considérable  de  travail  exigée  par  les 
constructions,  on  ne  peut  qu'applaudir  à  la  décision  qui 
ordonne  l'abandon  de  ce  poste.  Au  début  des  opérations,  il  a 
eu  la  grande  utilité  d'offrir  une  position  sûre  à  la  nombreuse 
colonne  du  colonel  Bertrand  pendant  l'organisation  des  divers 
services  dans  la  région,  mais  il  n'a  jamais  eu,  comme  on 
l'avait  cru  tout  d'abord,  la  moindre  valeur  au  point  de  vue 
stratégique  contre  les  incursions  venant  de  l'Ouest.  Le  Guir  et 
la  Zoustana  confluent,  il  est  vrai  à  Igji,  mais  ils  ne  sont 
nullement  des  directions  obligatoires  pour  aller  du  Talilala  à 
la  Saouraetau  Touat.  Le  Beraber,  très  mobile,  n'ayant  comme 
bagages  que  ses  armes  et  quelques  vivres,  peut  éviter  Igli 
sans  difficultés  en  marchant  parallèlement  à  la  Saoura  à  l'Ouest. 
Il  suffira  de  rappeler  à  ce  sujet  que  la  harka  de  1,050  Beraber 
partie  du  Tafilala  pour  attaquer  Timimoun  au  commencement 
de  1901,  n'a  été  signalée  que  par  hasard  comme  venant  de 
'passer  à  Ouggueurt,  et  cependant,  c'était  une  bande  relati- 
vement considérable,  ayant  besoin  de  s'arrêter  aux  points 
d'eau,  et  laissant  sur  sa  route  des  traces  marquantes. 
Des  journaux  ont  répandu  alors  le  bruit  qu'aucun  rensei- 
gnement n'avait  été  donné  sur  la  marche  de  cette  harka  ; 
je  puis  alfirmer  la  fausseté  de  cette  allégation,  car  j'ai  eu 
personnellement  connaissance  de  l'avis  envoyé  d'Igli.  En 
admettant  même  qu'une  approche  semblable  passe  inaperçue, 
on  ne  pourrait  en  vouloir  à  personne  tant  il  serait  facile  de  la 
dérober  à  tout  service  de  renseignements  dans  une  contrée 
aussi  coupée  et  aussi  peu  habitée.  Toutefois,  il  y  a  peu  à 
craindre  maintenant  que  le  fait  se  produise  ;  des  intelligences 
créées  à  l'Ouest,  des  émissaires  envoyés  en  reconnaissance 
par  les  bureaux  arabes  de  Taghit  et  de  Benni-Abbès  ne 
laisseront  pas  passer  un  parti  sérieux  sans  que  nos  postes  en 
soient  informés.  Au  début,  rien  de  tout  cela  n'existait  et  les 
garnisons  étaient  tenues  dans  un  qui-vive  continuel  par  des 
racontars  souvent  faux  jusqu'à  l'absurde. 


ZOUSFANA   —   GUIR    —   SAOURA  39 

Malgré  l'abandon  de  la  redoute  actuelle,  on  laissera  une 
petite  garnison  près  d'un  mamelon  situé  à  proximité  du  ksar 
et  ou  se  voient  encore  les  ruines  d'un  ancien  ksar.  Ce  choix 
permettra  à  la  troupe  de  prêter  un  secours  efficace  aux  gens 
d'Igli,  en  cas  d'attaque,  ce  qu'elle  n'aurait  guère  pu  faire  en 
restant  dans  l'ancienne  redoute,  éloignée  de  plus  de  5  kilomètres 
du  ksar.  En  outre  ce  point  est  plus  gai,  à  proximité  des  jardins 
de  l'oasis  d'Igli  dont  nous  n'avions  que  la  vue  lointaine. 

Le  confluent  topographique  des  eaux  courantes  de  la 
Zousfana  et  du  Guir  est  à  1,800  mètres  au  Sud  de  la  redoute 
actuelle  ;  la  réunion  des  deux  oueds  forme  l'oued  Saoura. 
Le  Guir  a  de  l'eau  courante  toute  l'année,  jusqu'à  plusieurs 
kilomètres  en  amont  du  confluent;  l'eau  est  un  peu  salée, 
mais  en  creusant  des  puits  en  dehors  du  lit  on  trouve  une  nappe 
filtrée  dans  le  sable  et  relativement  potable.  Dans  la  Zousfana, 
avant  le  confluent,  des  puit=!  creusés  au  pied  de  la  dune  nous 
procuraient  une  eau  excellente,  mais  il  fallait  franchir 
une  distance  de  1,500  mètres  pour  nous  y  approvisionner. 
Des  essais  de  puits  ont  été  inutilement  tentés  sur  le  plateau 
dans  un  rayon  rapproché  de  la  redoute  et  battu  par  les  feux 
efficaces  des  défenseurs  ;  ils  ont  été  toujours  arrêtés  par  la 
rencontre  d'une  couche  de  roc  dur  ayant  plusieurs  mètres 
d'épaisseur.  On  trouve  auprès  d'Igli  les  éléments  nécessaires 
pour  faire  sur  place  chaux,  plâtre  et  ciment  ;  seulement  cela 
exige  trop  de  combustible  pour  être  entrepris  sur  une  vaste 
échelle.  Le  bois  ne  manque  pas,  certes,  mais  il  faut  aller  le 
prendre  à  plusieurs  kilomètres  et  les  ressources  qu'il  ollVe  sont 
justes  suffisantes  pour  alimenter  les  fours  à  pain  et  les  cuisines 
de  la  garnison.  A  25  kilomètres  environ  en  remontant  l'oued 
Guir,  on  trouve  sur  la  rive  droite  un  abondant  dépôt  d'excellent 
gypse  pur.  A  2  kil.  500  au  Sud  de  la  redoute,  sur  les  deux 
rives  de  la  Saoura,  on  voit  encore  d'anciens  fours  à  ciment 
établis  par  les  indigènes  pour  la  construction  d'un  barrage 
dont  il  reste  quelques  vestiges  et  où  l'on  retrouve  un  ciment 
très  solide.  Quant  à  la  pierre  à  chaux,  il  n'y  a  qu'à  ramasser 
sur  place,  mais  elle  est  dure  à  la  cuisson. 

Le  mamelon  sur  lequel  s'élève  la  redoute  actuelle  d'Ig'i  est, 
comme  nous  l'avons  vu,  isolé  sur  un  plateau  bas  compris  entre 
les  fins  de  parcours  des  oueds  Guir  et  Zousfana  à  l'Est  et  à 
l'Ouest,  et  limité  au  Nord  par  les  derniers  contreforts  de  la 
hammada  qui  constitue  l'orographie  de  la  région  entre  les  mêmes 


40  ZOUSFANA   —   GUIR  SAOURA 

oueds.  Ce  plateau  a  une  longueur  de  plus  de  3  kilomètres 
sur  une  largeur  maxima  de  2  kilomètres  ;  le  rocher  d'Igli  en 
occupe  le  bord  Ouest,  au  tiers  inférieur  de  sa  longueur. 
La  pointe  Sud  et  sa  bordure  le  long  de  la  Zoustana  sont 
encombrées  de  dunes  dans  lesquelles  poussent  du  tamarin 
commun  et  de  magnifiques  toulTes  de  tlaïa  que  des  ordres 
sévères  ont  préservés  de  la  destruction,  tant  pour  le  plaisir  des 
yeux  que  pour  constituer  une  réserve  de  bois  en  cas  de 
nécessité  absolue.  Ces  défenses  s'appliquaient  d'ailleurs  à 
toute  la  végétation  située  dans  un  rayon  de  5  à  6  kilomètres  ; 
établies  dès  le  début  de  l'occupation  et  rigoureusement 
observées,  elles  auraient  permis  aux  alentours  de  prendre  en 
quelques  années  un  aspect  moins  désolé.  C'est  une  mesure 
très  sage,  à  laquelle  on  devrait  toujours  songer  en  pareil  cas. 
Le  bord  du  plateau  longeant  l'oued  Guir  est  au  contraire  nu, 
rocailleux,  et  déchiqueté  par  de  nombreuses  ravines  dues  à 
l'action  des  eaux  s'écoulant  dans  les  boues"  accumulées  là  au 
moment  où  les  deux  oueds  ont  constitué  définitivement  leur 
lit.  Le  Guir  a  en  ce  point  une  largeur  moyenne  de  500  mètres  ; 
il  est  à  fond  tourmenté,  sablonneux  et  couvert  de  tamarin  de 
petite  taille  ;  l'eau  y  coule  en  ruisseau  traversant  quelques 
vasques  plus  profondes  oi!i  poussent  quelques  roseaux  ;  la 
rive  droite  est  envahie  par  des  dunes  surtout  près  du  confluent. 
Au  delà  des  oueds,  que  voit-on  ?  A  l'Est,  l'Erg  dresse 
immédiatement  ses  hautes  dunes  ;  à  l'Ouest,  un  large  plateau 
nu  sépare  le  Guir  d'une  hammada  constituée  par  un  chaos  de 
«  gour  »  noirs,  détachés  d'une  crête  bornant  l'horizon  à  une 
douzaine  de  kilomètres  ;  vers  le  Sud,  dans  l'échancrure  de 
la  Saoura,  les  jardins  où  l'on  devine,  à  5  kilomètres  1/2,  leksar 
d'Igli,  à  l'Est  d'un  mamelon  tronconique,  dont  la  teinte  noire 
tranche  vivement  sur  le  reste  et  qui  est  voisin  de  l'emplacement 
de  la  nouvelle  redoute  ;  au  Nord-Ouest,  s'ouvre  une  large 
vallée  que  l'on  croit,  tout  d'abord,  être  la  continuation  du  Guir 
et  que  nous  avons  appelée  pour  cela  le  «  faux  oued  Guir»;  le  Guir 
décrit  en  effet  en  ce  point  un  coude  à  angle  droit  que  rien 
n'indique  à  un  observateur  placé  sur  le  plateau  de  la  redoute. 

Malgré  la  tristesse  des  lieux,  on  finit  par  y  attacher  un  intérêt, 
mélancolique  il  est  vrai,  mais  qui  n'est  pas  moins  réel,  si  l'on 
veut  observer  la  nature  des  choses  que  l'on  rencontre.  Ainsi, 
lorsqu'on  s'engage  dans  les  vallées  tourmentées  de  l'Ouest  ou 
dans  les  rides  situées  au  Nord  entre  Guir  et  Zousfana,  on  peut 


41 


faire  là  des  remarques  intéressantes.  Il  y  a  de  nombreux 
gommiers  de  l'espèce  du  Sénégal  ;  comment  peuvent-ils 
vivre  dans  ces  rochers,  sans  eau  et  presque  sans  terre  végétale? 
Les  pierres  résonnent  comme  de  la  porcelaine  sous  les  pieds  des 
chevaux,  elles  sont  tantôt  noires  et  luisantes,  tantôt  brillamment 
colorées  et  recouvertes  d'une  concrétion  rugueuse,  pourquoi? 
Encore  au  point  de  vue  topographique,  pourquoi  ces  formes 
de  terrain  si  étranges?  Ces  gour  superposés  en  escaliers 
élevés,  ces  pitons  rocheux  se  relevant  brusquement  à  mi-pente 
ou  isolés  au  millieu  des  vallées  ?  Des  dunes  sont  en  formation 
en  certains  points  ;  à  quelles  règles  obéissent-elles  pour  se 
former  là  plutôt  qu'ailleurs  ?  De  temps  en  temps  apparaissent 
au  promeneur  des  gazelles  isolées  ou  en  petits  groupes,  qui 
grimpent  à  toute  vitesse  sur  les  hauteurs  dès  qu'elles  aperçoi- 
vent l'intrus  ;  au  contraire,  des  corbeaux  restent  isolemment 
en  place,  se  contentant  de  sautiller  à  votre  approche  :  ces 
animaux  sont  à  peu  près  tout  ce  qu'on  rencontre  en  fait  d'êtres 
vivants  dans  ces  solitudes  arides. 

Peu  à  peu  on  s'habitue,  on  arrive  à  se  contenter  de  cela, 
mais  si,  reportant  sa  pensée  vers  le  Nord,  on  voit  en  imagina- 
tion la  vie  dans  le  Tell  ou  en  France,  on  se  trouve  bien  perdu 
et  bien  déshérité,  et  l'on  en  arrive  à  envier  même  le  sort  des 
camarades  en  garnison  sur  les  Hauts-Plateaux.  Ceux  qui  n'ont 
pas  vécu  pendant  au  moins  un  an  dans  ces  régions,  nepeuvent 
guère  se  figurer  la  vie  qu'y  mènent  l'officier  et  le  soldat. 
Pendant  la  bonne  saison,  de  novembre  à  avril,  c'est  parfait, 
le  ciel  est  toujours  pur,  les  matinées  sont  froides,  mais  un 
joyeux  soleil  ne  tarde  pas  à  adoucir  la  température,  la  maigre 
végétation  prend  des  teintes  fraîches,  tous  les  organes  du  corps 
fonctionnent  bien,  on  se  sent  vivre.  Mais,  dés  qu'arrivent  les 
chaleurs,  au  commencement  de  mai,  tout  change,  le  moindre 
travail  corporel  ou  intellectuel  produit  une  grosse  fatigue, 
l'appétit  diminue  ou  disparaît,  l'estomac  devient  atone,  les  nerfs 
se  tendent,  l'air  surchauffé,  chargé  de  sable  et  d'électricité  est 
lourd  à  respirer  ;  les  idées  noires  ont  alors  beau  jeu  pour 
éclore  et  envahir  le  patient  ;  il  est  heureux  que  le  climat  soit 
sain  malgré  sa  dureté,  car  dans  de  pareilles  conditions  l'été 
ferait  de  nombreuses  victimes.  Je  crois  devoir  signaler 
ici  un  cas  de  mort  extraordinaire  :  un  soldat  français, 
vigoureux  et  parfaitement  constitué,  a  été  vivement  frappé  de 
la  mort  d'un  de  ses  camarades  ;    il  devient   sombre,   perd 


42  ZOUSFANA   —   GUIR   —   SAOURA 

l'appétit  et  dit  à  tous  qu'il  est  destiné  à  mourir  là,  Le 
commandant  du  poste  lui  promet  de  le  renvoyer  dans  le  Tell 
par  le  prochain  convoi,  dans  quinze  jours  ;  rien  n'y  fait,  l'idée 
noire  est  tenace,  et,  sans  aucune  maladie  organique, 
le  malheureux  meurt  quelques  jours  après,  malgré  tous  les 
soins  qui  lui  sont  prodigués.  Des  officiers  même,  au  moral 
solide,  sont  quelquefois  atteints  de  neurasthénie,  s'ils  ne 
savent  pas  se  créer  les  distractions  de  l'esprit  à  défaut  de  celles 
du  corps  que  l'insécurité  du  pays  et  la  température  rendent 
difficiles.  Certes,  nous  n'avons  pas  été  les  premiers  à  résider 
dans  le  Sahara,  on  peut  y  vivre  évidemment,  surtout  lorsqu'une 
installation  relativement  confortable  permet  de  combattre 
quelque  peu  les  rigueurs  du  climat,  mais  il  faut  qu'on  sache 
à  quelles  souffrances  morales  et  physiques  on  y  est  exposé. 

.Si  j'ai  indiqué  le  mal,  je  dois  aussi  indiquer  le  remède. 
Lorsqu'une  nouvelle  région  saharienne  est  occupée,  il  faut 
établir  au  plus  tôt  les  communications'rapides  avec  le  Tell, 
afin  de  supprimer  le  senliment  de  l'isolement  lointain  qui  est 
un  grand  déprimant  moral.  Ainsi,  on  peut  s'étonner  qu'après 
quelques  essais  tentés  en  vain  pour  mettre  en  communication 
optique  Djenan-ed-Dar  et  Taghit,  on  n'ai  rien  fait  de  plus; 
ne  pourrait-on  pas  prolonger  la  ligne  électrique  jusqu'à  Taghit 
qui  est  relié  par  la  télégraphie  optique  avec  Igii?  Les  moyens 
d'action  ne  manquent  pas,  car  nos  soldats  du  génie  viennent 
de  montrer,  une  habileté  exceptionnelle,  en  établissant 
une  ligne  télégraphique  dans  la  province  d'Alger  jusqu'à 
Timimoun  à  travers  une  contrée  beaucoup  plus  difficile  que 
la  Zousfana;  c'est  donc  une  simple  question  d'argent  qui  a  pu 
s'opposer  au  même  travail  dans  le  Sahara  oranais.  On  a  dit 
souvent  que  l'argent  est  le  nerf  de  la  guerre,  on  peut  en  dire 
autant  pour  l'expansion  coloniale,  même  pacifique  comme  celle 
que  nous  venons  de  faire  dans  la  Saoura.  Il  faut  d'abord  savoir 
ce  que  l'on  veut  et  ou  l'on  va,  puis  ne  pas  marchander 
les  crédits  nécessaires  à  l'installation  des  nouveaux  postes 
et  au  bien-être  des  garnisons.  On  a  assez  parlé  des  millions 
dépensés  en  convois  de  chameaux.  Comment,  s'il  vous  plait, 
aurait-on  pu,  à  l'époque,  ravitailler  plus  économiquement 
les  postes  de  la  Zousfana?  Et  encore  ces  convois  n'apportaientils 
que  le  strict  nécessaire.  La  sollicitude  de  «os  chefs  aurait 
certainement  voulu  s'étendre  plus  loin,  elle  a  dû  y  renoncer 
faute  de  crédits  sutfisants. 


ZOUSFANA    —    GUIR   —    SAOURA  43 

Après  cette  légère  digression,  je  reviens  à  la  description 
géographique. 

Igli  (ksar).  —  Pour  aller  d'igli  (redoute)  au  ksar  du  même 
nom,  on  traverse  d'abord  la  Zousfana  près  de  son  confluent 
avec  le  Guir,  puis  un  plateau  de  2  kilomètres  de  largeur,  à 
l'extrémité  duquel  on  tombe  dans  un  grand  cirque  formé  par 
une  boucle  de  la  Saoura.  Les  jardins  de  palmieis  commen- 
cent immédiatement  à  la  descente  du  plateau,  d'abord  sous  la 
forme  d'une  bande  mince,  puis  en  s'élargissant.  La  piste 
la  plus  fréquentée  traverse  des  jardins  et  des  dunes  avant 
d'aboutir  au  ksar  situé  sur  la  branche  opposée  du  cirque. 
La  lisière  Ouest  des  cultures  est  sépar'ée  de  la  Sahoura  par  une 
ligne  de  dunes  dans  lesquelles  apparaissent  encore  quelques 
palmiers,  puis  par  une' petite  plaine  parsemée  de  monticules 
terreux  où  poussent  de  belles  toutfes  de  «.  baguel  »,  plante 
grasse  "qui  donne  à  ce  coin  un  bel  aspect  verdoyant.  On  peut 
gagner  aussi  le  ksar  en  passant  par  là  et  le  chemin  est  bien 
meilleur  sans  être  sensiblement  plus  long.  La  lisière  Est  des 
jardins  est  séparée  de  l'Erg  par  un  enfoncement  qui  a  été  un 
le  plateau  uni  et  que  le  sable  envahit  de  plus  en  plus;  en 
parcourant  on  retrouve,  au  pied  même  de  l'Erg,  des  bouts  de 
ravines  encore  à  découvert  et  formant  ti'ous. 

A  hauteur  d'igli,  la  Saoura  décrit  vers  l'Ouest  une  boucle 
qui  enserre  un  plateau  à  l'extrémité  duquel  se  dressent  deux 
collines  isolées,  le  Djebel  Youdhi  et  le  Djebel-el-Kebir  ; 
le  ksar  se  trouve  sur  le  bord  Nord  de  ce  plateau,  entre  ces 
collines  et  l'Erg,  où  s'étend  un  large  espace  uni  et  découvert 
dont  la  partie  centrale  est  occupée  par  un  cimetière. 

Le  ksar  d'igli  est  le  plus  grand  d'un  seul  tenant  de  tous 
ceux  de  la  Zousfana  et  de  la  Saoura.  Sa  forme  générale  est 
celle  d'un  rectangle  que  flanquent  çà  et  là  des  tours  carrées. 
Deux  portes  s'ouvrent,  l'une  très  basse,  inaccessible  aux 
cavaliers,  sur  la  face  Nord,  au  débouché  des  jardins  ;  l'autre, 
suffisamment  élevée,  au  milieu  de  la  face  Sud.  Une  mosquée 
très. pauvre  existe  au  milieu  des  habitations;  en  revanche, 
un  puits  creusé  près  de  l'entrée  de  cette  mosquée  est  remar- 
quable ;  profond  de  12  à  13  mètres,  il  a  une  section  carrée 
de  1  mètre  et  tout  son  revêtement  intérieur  est  cimenté  ; 
il  a  été  construit,  parait-il,  il  y  a  une  quinzaine  d'années,  par 
un  italien,  déserteur  de  la  Légion  étrangère,  devenu  musulman 
et  qui  habiterait  dans  la  région  de  Bechar.  L'eau  en  serait  très 


44  ZOUSFANA    —    GUIR    —    SAOURA 

bonne  si  une  mare  croupissante  et  malpropre,  créée  par  l'usage 
au  pourtour  du  puits  dépourvu  de  margelle  protectrice, 
ne  renvoyait  constamment  dans  celui-ci  les  souillures  qu'elle 
renferme.  Un  lavoir  aussi  malpropre,  quoique  peu  utilisé,  est 
encore  voisin  du  puits. 

Les  constructions  sont  en  «  toub  »  et  en  torchis,  sordides, 
basses  et  mal  tenues.  Les  ruelles,  les  cours,  les  terrasses 
même  sont  souvent  encombrées  des  déjections  des  animaux 
qui  y  vivent  pêle-mêle  avec  les  gens. 

Toutefois,  là,  comme  à  Taghit,  l'autorité  militaire  a  pu 
déjà  obtenir  quelques  nettoyages,  probablement  inconnus 
précédemment. 

Un  coin  du  ksar  est  réservé  aux  juifs  qui  ont  accaparé 
le  commerce  et  fabriquent  des  bijoux  grossiers  ;  ces  juifs 
ne  sont  pas  précisément  des  esclaves,  mais  ils  appartiennent 
au  ksar,  qui  les  a  achetés  au  Tafilala;  ils  sont  tenus  d'y  résider, 
la  population  les  voit  d'un  très  bon  œil  et  ne  se  livre  vis-à- 
vis  d'eux  à  aucune  vexation. 

Comme  dans  la  région  des  Beni-Goumi,  nous  voyons 
mêlés  aux  arabes,  des  nègres  et  des  n.  baratine  »  emjjloyés  aux 
travaux  de  jardinage. 

Les  jardins  ne  méritent,  au  point  de  vue  des  productions, 
aucune  mention  spéciale  ;  quelque  peu  abandonnés  en  1900  et 
au  commencement  de  1901,  ils  sont  d'autant  plus  remis  en 
activité  que  les  habitants  ont  constaté  depuis,  quels  bénéfices 
ils  peuvent  en  retirer  en  vendant  leurs  produits  à  la  garnison. 
Le  mode  de  puisage  de  l'eau  pour  l'arrosage  des  jardins  est 
différent  de  celui  employé  dans  tous  les  autres  ksour.  L'eau, 
au  lieu  d'être  tirée  au  moyen  d'un  balancier,  est  amenée  à 
l'aide  de  petits  tambours  en  roseaux  formant  treuils  et  ingé- 
nieusement placés  sur  un  bâti  de  perches  au-dessus  de 
l'ouverture  béante  du  puits  ;  il  y  en  a  généralement  deux  par 
puits;  le  khammès  se  tient  sur  un  étroit  plancher  constitué 
par  de  simples  perches  et  juché  sur  ce  perchoir  élastique,  il 
tire  de  l'eau  pendant  plusieurs  heures  sans  s'arrêter. 

Les  Glaoua  (singulier  Glaoui)  ou  gens  d'Igli  ne  sont  pas 
comme  les  Béni  Goumi  de  race  soumise  ;  ils  formaient  précé- 
demment une  agglomération  indépendante.  Les  premiers  habi- 
tants de  la  région  avaient  leur  ksar  sur  le  piton  noir  près  duquel 
on  veut  installer  la  nouvelle  redoute  et  où  l'on  voit  encore  en 
effet  des  ruines  de  ce  ksar.  Surtout  pillards,  ils  rançonnaient 


ZOUSFANA   —    GUIR   —    SAOURA  40 

les  caravanes  assez  osées  pour  cheminer  le  long  de  la  Saoura 
dans  leur  voisinage.  Il  y  a  environ  300  ans,  une  fraction  d'une 
tribu  maraboutique,  émigrée  du  pays  de  Kerzaz,  serait  venue 
s'installer  auprès  d'eux  et  aurait  construit  les  premières  habita- 
tions du  ksar  actuel.  La  bonne  entente,  due  uniquement  au  res- 
pect religieux  des  Glaoua  envers  leurs  voisins  (Oulad-bel-Otman) 
dura  peu  ;  aux  reproches  de  ceux-ci  au  sujet  de  leurs  procédés 
pillards,  les  Glaoua  répondirent  par  des  vexations;  pour  en 
finir,  les  Ouled-bel-Otman  expulsèrent  les  Glaoua  et  détrui- 
sirent leur  ksar.  Les  Glaoua  se  réfugièrent  alors  au  Tafilala. 

Peu  à  peu  les  nouveaux  maîtres  d'Igli  s'augmentèrent 
d'autres  fractions  à  l'origine  desquelles  s'attachent  diverses 
légendes.  Les  Oulad-ben-Brahim  par  exemple,  auraient  pour 
fondateur  un  garçon  abandonné  par  une  caravane  du  Djebel- 
Amour,  recueilli  par  les  gens  d'Igli  et  qui,  plus  tard,  fonda  une 
famille  en  épousant  une  femme  du  ksar.  Les  Oulad-bou-Zian 
auraient  pour  origine  un  juif  du  Touat  devenu  inulsulman  et 
resté  à  Igli.  Comme  aux  Béni  Goumi,  un  caidat  avait  été 
institué  à  Igli  par  le  Sultan  du  Maroc  peu  avant  l'arrivée  des 
troupes  françaises. 

Malgé  leur  origne  maraboutique  de  la  zaouïa  de  Kerzaz  ;  les 
gens  d'Igli  reconnaissent  une  certaine  autorité  au  marabout 
de  Zaou'ia-Tahtania  et  prennent  souvent  ses  avis. 

Les  Glaoua  sont  maintenant  pacifiques  et  vivent  en  bons 
termes  avec  leurs  voisins,  sauf  les  gens  de  Beni-Abbès.  On 
ne  cite  que  deux  circonstances  dans  lesquelles  ils  ont  pris  les 
armes.  Il  y  cinquante  ans  environ  les  «  Arib  »,  nomades  de  la 
confédération  des  Beraber  étaient  venus  voler  quelques 
troupeaux  de  chèvres  auprès  d'Igli  ;  les  gens  du  ksar  les 
poursuivirent,  échangèrent  avec  eux  quelques  coups  de  fusils 
et  reprirent  leur  bien.  Une  entente  amiable  mit  fin  aux 
hostillités.  Enfin,  il  y  a  cinq  ou  six  ans  un  «  Glaoui  »  possesseur 
de  propriétés  assez  importantes  à  Beni-Abbès  en  ayant  été 
dépouillé  sans  motif  valable,  ses  compatriotes  prirent  fait  et 
cause  pour  lui  et  livrèrent  aux  Beni-Abbès  un  combat  qui  ne 
fournil  pas  la  solution  désirée.  Le  marabout  de  Kerzaz  et  le 
Sultan  lui-même  s'interposèrent  pour  établir  les  bonnes 
relations. et  n'y  parvinrent  pas  ;  notre  administration  militaire 
y  réussira  mieux  sans  doute  bien  qu'elle  ait  fort  à  faire  pour 
juger  des  nombreux  litiges  existants  entre  les  ksour  ou  les 
particuliers  dans  le  territoire  nouvellement  acquis. 


•40  ZOUSFANA   —    GUIR    —   SAOLRA 

A  Igli  on  trouve  une  petite  industrie,  celle  d'objets  de 
vannerie  en  filaments  de  feuilles  de  palmiers,  corbeilles, 
éventails,  paniers,  etc....,  ornés  de  quelques  dessins  bruns  et 
quelquefois  de  petits  nœufs  de  laine  multicolores. 

Dépassons  maintenant  Igli  et  enfonçons-nous  encore  vers  le 
Sud  en  suivant  toujours  la  Saoura. 

Mazzert. —  Après  avoir  dépassé  le  plateau  du  ksar  entre 
le  Djebel-el-Kebir  et  l'Erg,  que  borde  encore  une  partie  de 
hammada  non  recouverte  par  le  sable,  on  trouve  une  nouvelle 
oasis  appartenant  aux  Glaoua  et  qui  s'étend  en  longueur  sur  la 
rive  gauche  de  la  Saoura  ;  une  source  abondante  y  fournit 
avec  des  puits  l'eau  nécessaire  aux  irrigations.  On  franchit 
successivement  les  deux  branches  d'une  boucle  à  la  suite  de 
laquelle  l'oued  prend,  en  fossé,  une  direction  S. -S.  O.  et  on 
longe  le  bord  du  plateau  de  la  rive  gauche.  Là,  encore,  s'étend 
une  nouvelle  oasis  qui  est  aussi  la  propriété  des  Glaoua.  Au 
débouché  de  ce  couloir,  la  vallée  s'élargit  sensiblement,  la 
piste  laisse  l'oued  s'éloigner  vers  l'Ouest  et  traverse  un  long 
plateau  entre  l'Erg  et  une  ligne  de  basses  dunes  semées  dans 
le  lit  de  la  Saoura.  Le  pâturage  à  chameaux  y  est  abondant  sur 
un  sol  alternativement  mou  et  dur  ;  un  puits  existe  dans  l'oued 
au  milieu  d'un  bouquet  de  palmiers.   , 

A  4  kilomètres  avant  d'arriver  à  Mazzert  on  franchit  un 
étroit  défilé  dû  au  rapprochement  simultané  de  l'Erg  et  d'une 
corne  de  la  hammada  et  où  l'on  rencontre  deux  petites  oasis 
abandonnées  ;  il  faut  un  instant,  suivre  le  lit  d'un  bras  de 
l'oued  où  l'eau  se  montre  plus  ou  moins  à  la  surface  selon  la 
saison  ;  on  trouve  en  ce  point  du  tamarin,  du  drinn,  du  tlaia, 
en  abondance  ;  on  y  passe  rarement  sans  voir  du  gibier  d'eau. 
Après  ce  défilé  on  entre  dans  un  grand  cirque,  l'Erg  disparait 
à  la  vue  et  fait  place  à  une  bordure  de  hammada  dont  la  piste 
traverse  les  plateaux  inférieurs  rocheux,  pierreux  et 
légèrement  ravinés.  On  passe  au  pied  du  vieux  ksar  «  Akkacha  », 
en  ruines,  auprès  d'une  petite  oasis,  laissant  en  face  et  sur  la 
droite  le  nouveau  ksar  du  même  nom  qui  est  tout  petit.  L'oued 
dessinant  une  grande  courbe  vers  l'Ouest,  est  bordé  jusqu'à 
Mazzert  par  une  oasis  dans  laquelle  viennent  camper 
quelquefois  des  tentes  de  Doui-Ménia  soumis  et  qui  ont  des 
propriétés. 

Mazzert  est  à  25  kilomètres  d'Igli  ;  avant  d'y  arriver  on 
traverse  l'oasis  par  un  chemin  très-étroit  qu'il  serait  fort  utile 


ZOUSFANA    —   GUIR   —    SAOURa.  47 

d'élargir  pour  faciliter  le  passage  des  convois.  Au  débouché 
de  ce  chemin,  on  se  trouve  au  pied  du  ksar  Mazzert  perché 
sur  l'arête  de  la  hammada  de  l'est.  De  l'autre  côté  de  la  vallée 
sur  la  hammada  de  l'Ouest,  on  aperçoit  les  ruines  d'un  ksar 
qui  a  du  être  assez  important. 

Mazzert  est  quelque  peu  sous  la  dépendance  des  Glaoua  qui 
possèdent  des  palmiers  dans  l'oasis  ;  c'est  un  ksar  minuscule 
et  misérable,  horriblement  sale  mais  fort  bien  placé  pour  se 
défendre.  Trois  sources  qui  s'ouvrent  dans  le  flanc  de  la  colline 
donnent  une  eau  excellente  et  abondante  qu'on  regrette  de 
voir  si  peu  utilisée,  car  le  fond  de  la  vallée  est  de  bonne  terre 
facilement  irrigable  ;  à  la  rigueur  on  pourrait  encore  se  servir 
pour  l'arrosage  de  l'eau  des  puils  et  de  celle  qui  coule  en 
certains  points  dans  Iç  lit  de  l'oued  bien  qu'elles  soient 
saumàtres. 

Le  lit.de  la  rivière  est  couvert  de  tamarins  bas  et  se  compose 
de  plusieurs  bras  plus  au  moins  ensablés. 

J'ai  eu  la  curiosité  d'escalader  la  hammada  de  l'Ouest  et  de 
parcourir  ensuite  quelques  kilomètres  sur  le  plateau  ;  je  n'ai 
vu  qu'un  terrain  légèrement  ondulé  jusqu'à  perte  de  vue, 
recouvert  de  cailloux  multicolores  mêlés  à  du  sable  et  oi;i  l'on 
ne  trouve  un  peu  de  végétation  que  dans  le  fond  des 
dépressions  ;  il  en  est  de  même  sur  la  hammada  de  l'Est 
jusqu'à  l'Erg  qui  s'éloigne  du  bord  à  plusieurs  kilomètres. 

Beni-Abbês  —  La  distance  de  Mazzert  à  Beni-Abbès  est  de 
28  kilomètres  environ.  La  piste  suit  la  rive  gauche  de  l'oued 
pendant  6  à  7  kilomètres  au  fond  d'un  couloir  dans  un  terrain 
sablonneux  ;  là,  on  rencontre  des  emplacements  oi^i  les  gens 
de  Mazzert  cultivent  de  l'orge  en  utilisant  l'eau  courante  de 
la  rivière.  La  vallée  s'élargit  ensuite  considérablement  et  l'Erg 
réapparaît  au  bord  du  liane  Est  ;  au  loin  vers  le-  S.-S.  E  on 
aperçoit  des  ruines  formant  deu.K  dents  noires  et  se  profilant 
sur  la  hammada  ;  elles  indiquent  la  proximité  de  «  Ouarourourt», 
ksar  qui  précède  celui  de  Beni-Abbès.  Avant  d'arriver  à 
Ouarourourt,  la  piste  traverse  deux  barrières  de  basses  dunes 
qu'il  est  inutile  de  chercher  à  contourner  en  se  rapprochant 
de  l'oued,  car  on  y  trouverait  un  terrain  encore  plus  difficile  ; 
il  faut  avoir  soin,  au  conti'aire,  de  les  franchir  au  plus  près  de 
l'Rrg,  car  c'est  là  qu'elles  ont  la  moindre  épaisseur  et  qu'elles 
présentent  des  couloirs  d'accès  relativement  facile.  Jusqu'à 
Ouarourourt  on  traverse  de  beau.^  pâturages  à  chameaux. 


4»  ZOUSFANA    —    GUIR    —    SAOURA 

Ouarourourt  est  un  petit  ksar  dépendant  de  Beni-Abbès  et 
où  les  khammès  cultivent  une  oasis  de  quelques  centaines  de 
palmiers,  située  au  fond  de  la  rivière;  l'eau  est  fournie  en 
abondance  par  une  «  foggara  »  qui,  partant  de  l'Erg,  traverse 
tout  le  plateau  Est  ;  au  point  oi^i  la  piste  la  rencontre  perpen- 
diculairement on  n'a  qu'à  soulever  quelques  dalles  pour 
recueillir  à  la  surface  du  sol  une  eau  excellente;  on  trouve 
encore  plus  loin  d'autres  «  feguaguir  »  (pluriel  de  foggara) 
abandonnées.  Vers  le  Sud,  la  vallée  apparaît  barrée  par  une 
pointe  de  harnmada  de  l'ouest;  après  avoir  franchi  5  à  6  kilo- 
mètres de  bon  terrain  on  se  trouve  en  face  d'une  nouvelle 
barrière  de  sable  qu'il  faut  traverser  près  de  sa  pointe  en  se 
rapprocliant  de  la  rivière,  en  utilisant  un  couloir  assez  difficile 
à  trouver  si  on  n'y  est  pas  déjà  passé.  On  aperçoit  au  débouché 
de  ces  dunes,  l'oasis  des  Ceni-Abbès  étalée  au  fond  d'un  cirque 
bordé  de  harnmada.  Ce  pâté  de  verdure  ressort  d'autant  plus 
sur  le  paysage,  qu'il  a  pour  cadre  de^  rochers  noirs  et  des 
escarpements  déchiquetés  ;  j'avoue  avoir  dit  en  voyant  cela 
pour  la  première  fois  «  c'est  joli  «,  mais  je  crois  maintenant 
avoir  été  indulgent. 

A  Beni-Abbès  il  y  a  deux  ksour  séparés  et  presque  indé- 
pendants l'un  de  l'autre  Le  plus  grand  celui  des  «  Beni- 
Abbès  »  proprement  dit,  n'est  pas  visible  du  fond  de  la  vallée, 
il  est  construit  au  milieu  même  de  l'oasis  et  les  palmiers 
bordent  immédiatement  ses  hautes  murailles  ;  la  porte  d'entrée 
se  trouve  sur  la  face  Est  ;  on  y  accède  par  des  chemins  étroits 
et  sinueux,  courant  entre  les  murailles  des  jardins.  L'autre 
ksar  appelé  «  El-Graoua  >-,  appartient  à  la  tribu  des  Ghena- 
nema  »  (prononcez  Renanema)  dont  les  fractions  sont 
échelonnées  dans  la  vallée  de  la  Saoura  depuis  Beni-Abbès 
jusqu'au  delà  de  Kerzaz  et  dont  les  terrains  de  parcours 
s'étendent  à  la  fois  vers  l'Est  et  vers  l'Ouest.  Ce  ksar,  tout 
petit,  se  dresse  comme  un  ergot  à  l'extrémité  de  la  pointe  sud 
d'un  plateau  en  hainmada  qui  domine  Beni-Abbès  à  l'Est.  C'est 
sur  le  sommet  du  môme  plateau  que  nous  avons  construit  en 
bordure  de  l'escarpement,  à  hauteur  du  grand  ksar,  la  redoute 
destinée  à  abriter  la  garnison.  Cette  position  qui  domine  l'oasis 
sur  un  à  pic  de  40  m.  environ  d'altitude,  est  excellente;  elle  tient  ■ 
les  deux  ksour  sous  son  canon  et  ses  fusils  â  bonne  portée  et 
domine  en  outre  sufflsamment  le  plateau  demi-circulaire  que 
l'Erg  en  s'éloignant  laisse  entre  lui  et  la  redoute.  A  côté  de  la 


ZOUSFANA    —    (iUIR    —    SAOURA  49 

redoute,  un  peu  au  Nord,  se  dresse  une  vieille  tour  sur 
laquelle  nous  avons  hissé  les  couleurs  françaises  le  2  mars  1901. 
La  cérémonie  de  prise  de  possession  de  Beni-Abbès  laissera 
dans  mes  souvenirs  des  traces  ineffaçables.  Notre  colonne, 
arrivée  la  veille,  s'était  installée  au  bivouac  au  Sud  et  en  dehors 
de  l'oasis,  précédant  de  24  heures  le  général  Risbourg, 
commandant  la  division  il'Oran.  Le  2,  dans  la  matinée,  nous 
prîmes  les  armes  pournous  placer  en  ligne  au  Nord  de  l'oasis, 
sur  la  direction  par  laquelle  le  général  et  son  escorte  devait 
arriver.  Après  une  revue  rapide  et  un  brillant  défilé  pendant 
lesquels  une  pièce  de  80  de  montagne,  placée  près  de  la  tour 
dominante,  fit  entendre  sa  voie  répercutée  par  les  échos 
d'alentour,  toutes  les  troupes  se  massèrent  au  pied  de  l'escar- 
pement et  présentèrent  les  armes  à  la  sonnerie  «aux  cliamps», 
au  moment  où  les  trois  couleurs  furent  déployées  au  sommet 
de  la  tour,  appuyées  par  un  nouveau  coup  de  canon. 

Celte  modeste  cérémonie  accomplie  aussi  loin  de  la  France, 
prenait  là  un  caractère  grandiose  que  comprendront  seuls 
ceux  qui  se  sont  trouvés  en  pareille  circonstance.  Sur  tous  les 
visages  alignés  et  dont  les  yeux  étaient  rivés  vers  le  lambeau 
d'étolïe  représentant  la  Mère-Patrie,  on  pouvait  lire  une  vive 
émotion,  qu'ils  fussent  français,  indigènes  ou  même  étrangers. 
L'oasis  de  Beni-Abbès  peut-être  considérée  comme  impor- 
tante par  son  étendue  et  par  sa  population  ;  elle  est  bordée 
à  l'Ouest  par  l'oued  oii  l'eau  est  courante  toute  l'année  et  où  la 
garnison  trouve  quelques  barbeau.K.  Malheureusement  elle 
s'ensable  vers  le  Sud-Ouest  et  il  sera  bien  difficile  de  la 
protéger  de  la  destruction  ;  de  nombreu.K  jardins  ont  déjà 
disparu  ne  laissant  plus  voir  que  la  tête  de  leurs  palmiers  ; 
il  en  est  de  même  pour  la  petite  oasis  séparée  qui  s'étend 
au  pied  du  ksar  El-Graoua. 

La  merveille  de  Beni-Abbès,  c'est  la  source  qui,  amenée  de 
l'Erg  par  une  rigole  cimentée,  déverse  plus  de  cent  litres  à  la 
minute  d'une  eau  claire,  limpide  et  excellente  ;  la  rigole  passe 
au  pied  du  petit,  ksar  avant  d'arriver  au  grand  ;  malgré 
son  débit,  elle  est,  parait-il,  insuffisante  à  l'ensemble  des 
besoins.  Il  en  existe  une  autre,  au  Nord  de  l'oasis,  mais  elle 
ne  donne  que  peu  d'eau  ;  il  est  probable  que  la  main  d'œuvre 
française  saura  augmenter  son  débit,  ce  qui  permettrait  à 
l'oasis  de  s'étendre  au  Nord  où  il  reste  encore  une  belle 
surface  de  terrains  disponibles  pour  la  culture. 


50  ZOUSFANA    —    GUIR     —    SAOURA 

Li3S  jarilins  de  Beni-Abbès  sont  renoniiof^s  pour  leurs 
légumes  et  pour  leurs  fruits  qui  sont,  en  elïet,  très  supérieurs 
à  ceux  des  autres  oasis.  Comme  à  Tagliit  et  à  Igli,  tout  y  est, 
toutefois,  susceptibles  de  notables  améliorations  et  il  est 
certain  que  sous  l'impulsion  française  on  les  obtiendra. 

Beni-Abbès  est  le  siège  d'une  annexe  des  affaires  indigènes 
dont  le  territoire  s'étend  au-delà  de  Kerzaz  et  embrasse, 
en  outre  des  ksours  de  la  Saoui'a,  toute  la  confédération 
des  Ghenanema. 

La  communication  optique  qui  relie  Taghit  à  Igli  n'a  pu  être 
prolongée  jusqu'à  Beni-Abbès  ;  elle  serait  possible  cependant, 
mais  à  la  condition  de  placer  un  poste  intermédiaire  qui  serait 
actuellement  «  trop  en  l'air  ». 

Merhouma.  —  Si  on  interroge  les  indigènes  sur  la  région 
au-delà  de  Beni-Abbès,  tous  vous  répondent  que  vous 
allez  entrer  dans  la  «ghaba»  (forêt).  Cela  vous  fait  supposer 
que  la  ligne  des  palmiers  est  ininterrompue,  mais  il  faut 
en  rabattre  bcîaucoup  ;  si  les  oasis  se  rapprochent  en  effet 
quelque  peu,  elles  sont  ensablées  en  grande  partie,  abandon 
nées  souvent,  et  les  bandes  incultes  sont  encore  en  majorité. 
Le  lecteur  va  d'ailleurs  en  juger. 

La  première  étape  est  Merhouma  (17  kilomètres  environ)  ; 
la  piste  suit  encore  la  rive  gauche  de  la  Saoura  en  traversant 
une  succession  de  dunes  et  de  collines  descendant  de  l'Erg  ; 
dans  la  vallée,  on  trouve  du  bois  et  des  pâturages  à  cliameau. 
Une  dune  dominante  marque  le  voisinage  de  Merhoma  où  l'on 
arrive  péniblement  dans  le  sable,  si  l'on  veut  y  aller  directe- 
ment. Au  contraire,  en  gagnant  un  peu  plus  vers  le  Sud-Est 
pour  tourner  ensuite  à  l'Ouest,  à  angle  presque  droit,  on 
trouve  un  terrain  très  bon,  dont  l'aspect  mérite  une  mention 
particulière.  C'est  un  immense  fond  de  daya  argileux,  uni  et 
parsemé  de  monticules  terreux  ayant  souvent  5  à  0  mètres  de 
hauteur  et  que  surmontent  des  touffes  de  tlaïa.  Il  devait  y 
avoir  là  une  belle  agglomération  d'arbres  de  cette  essence, 
et  il  est  à  supposer  qu'une  grosse  crue  de  la  Saoura  a  nivelé  la 
plaine  en  rongeant  la  partie  basse  des  touffes  qui,  déchaussées 
maintenant,  végètent  sur  leurs  perchoirs  isolés. 

Merhouma  n'est  pas  une  oasis  proprement  dite,  c'est  seule- 
ment un  emplacement  de  cultures  de  céréales  irrigué  à  l'aide 


ZOUSFANA.    —    GUIR    —   SA0i;RA  51 

de  40  puits  dont  on  voit  de  loin  les  hautes  colonnes 
supportant  les  balanciers  ;  les  gens  qui  y  travaillent  habitent 
des  gourbis. 

El-Ouata.  —  Pour  gagner  El-Ouata,  deux  routes  se 
présentent  qui  se  réunissent  à  En-Nsàra  et  sont  sensiblement 
d'égale  longueur.  L'une  continue  à  suivre  la  Saoura  qui,  un 
peu  au  Sud  de  Merliouma,  franchit  un  klieneg,  long  de  '2  kilo- 
mètres, et  assez  praticable  ;  après  ce  kheneg,  qui  semble 
couper  la  hammada  de  l'Est  à  l'Ouest,  la  vallée  reprend  sa 
direction  N.-N.-O.  S.-S.-E.  :  la  piste  en  suit  la  rive  gauche, 
passe  à  Béchir,  petit  ksar  des  Ghenanema,  situé  sur  la  rive 
droite  et  aboutit  à  En  Nsàra. 

L'auti'e  route  suit  une  contre-vallée  en  longeant  le  pied 
d'un  chaînon  qui  sépare  celle-ci  de  la  Saoura.  Lorsqu'on  veut 
aller  de  Beni-Abbès  à  El-Ouata  sans  passer  par  Merhouuia,  on 
a  avantage  à  suivre  le  pied  de  l'Erg,  pour  couper  au  court 
d'abord,  puis  pour  profiter  d'un  excellent  terrain  de  marche 
couvert  de  beaux  pâturages  à  chameau  ;  cette  dernière  piste 
rejoint  l'autre  au  Nord  d'une  ligne  transversale  de  dunes  qui 
barre  la  contre-vallée  à  10  kilomètres  environ  au  Sud  de 
Merhouma.  A  hauteur  de  ce  point  une  seconde  coupure 
s'ouvre  dans  le  chaînon  de  l'Ouest  et  permet  de  rejoindre  la 
piste  de  Bechir.  Ces  coupures  sont  appelées  dans  le  pays 
«  megsem  ».  Au  delà  des  dunes  qu'on  francliit  facilement  et 
qui  sont  couvertes  d'une  belle  végétation  de  tiaia,  genéf,  drinn 
etc.,  on  retrouve  la  contr-e-vallée  plane,  large,  et  offrant  des 
ressources  en  pâturages.  Deux  autres  «  megsem  »  s'ouvrent 
encore  sur  la  droite  dans  la  colline,  l'un  juste  en  face  de  Bechir, 
l'autre  un  peu  plus  loin  ;  c'est  ce  dernier,  le  megsem  Tamettert, 
qu'il  faut  franchir  :  Si  l'on  continuait  à  suivre  la  contre-vallée, 
après  avoir  traversé  une  barrière  de  petites  dunes,  on  tomberait 
dans  un  vaste  cul-de  sac  où  les  pâturages  sont  remarquables  ; 
puis  on  serait  arrêté  par  l'Erg,  qui,  décrivant  une  courbe,  vient 
de  nouveau  cotistituer  le  liane  gauche  de  la  Saoura. 

Un  mot  seulement  sur  la  colline  qui  sépare  les  deux  routes  : 
le  voyageur  n'ayant  vu  jusqu'ici  en  hammada  que  des  falaises 
déchiquetées  est  surpris  de  trouver  là  un  chaînon  aux  formea 
arrondies  ;  les  pentes  en  sont  raides,  couvertes  de  pierres 
noires  et  luisantes  et  elles  ne  présentent  qu'une  rare  végétation  ; 
l'altitude  est  d'une  centaine  de  mètres  au  dessus  de  la  contre- 
vallée  . 


52  ZOUSFANA    —    GUIR    —    SAOURA 

Le  niegsem  Tainettert  s'ouvre  au  niveau  même  de  la 
plaine,  au  pied  d'un  escarpement  rocheux  dont  la  partie 
supérieure  est  couverte  de  dunes  en  foi-mation  ;  son  parcours 
qui,  heureusement,  n'est  que  de  1,500  à  1,600  mètres,  est  barré 
par  des  «  siouf  »  transversaux  de  sable  très  meuble.  A  l'autre 
extrémité,  on  retrouve  la  vallée  de  la  Saoura  encaissée  et 
enserrée  de  nouveau  entre  l'Erg  à  l'Est  et  la  hammada  à 
l'Ouest.  Le  pied  de  l'Erg  repose  sur  un  plateau  de  largeur  très 
variable  sur  lequel  la  piste  court  en  longeant  la  berge  au  bas 
de  laquelle  s'étend  le  lit  de  la  rivière. 

Nous  allons  rencontrer  maintenant  une  succession  de  ksour 
et  d'oasis  très  rapprochés. 

D'abord,  ksaa'  «  En-Nsàra  »  (ksar  des  chrétiens),  en  ruines, 
bâti  sur  un  monticule  noir,  contre  la  berge  de  la  rive  gauche; 
Quelques  palmiers  indiquent  encore  l'ancienne  oasis. 

Un  peu  plus  loin  les  ksour  o  Es-Srahine  «  et  «  Gourdane  » 
voisin  l'un  de  l'autre  et  dont  les  oasis  se  confondent  sous  le 
nom  de  Tamettert  ;  ils  sont  le  siège  d'une  importante  traction 
des  Ghenanema.  De  nombreux  puits  à  bascule  s'élèvent  au 
milieu  des  jardins  qui,  vus  du  plateau  au  printemps, 
apparaissent  très-verts  et  constituent  un  assez  joli  coup  d'oeil. 
La  base  de  la  hammada,  de  l'autre  côté  de  l'oued,  est  formée 
par  des  bancs  de  marne  bleue  ;  ceux-ci  éclairés  par  le  soleil 
prennent  des  teintes  gorge  de  pigeon  aux  tons  variés  et 
chatoyants  ;  la  falaise  est  découpée,  ravinée  et  couverte 
d'éboulis  dont  la  nuance  violet  foncé  fait  d'autant  plus  valoir 
les  couleurs  vives  qui  la  précèdent.  Au-dessus  de  l'escarpement, 
un  ksar  en  ruines  dresse  encore  ses  murailles  ébréchées. 

A  hauteur  du  ksar  Es-Srahine,  l'Erg  arrive  jusqu'à  la  berge 
de  l'oued,  ne  laissant  qu'un  passage  large  de  quelques  mètres; 
si  on  franchit  sa  première  ligne  de  dunes,  on  aperçoit,  à  un 
kilomètre  environ,  un  escarpement  de  rochers  à  demi 
recouverts  de  sable,  vestige  de  l'ancienne  hammada  qui,  avant 
d'être  envahie  par  la  dune,  formait  le  bord  supérieur  de  la 
vallée  de  ce  côté.  En  poussant  plus  loin  vers  l'Est  on  trouve,, 
parait-il,  des  bandes  de  terrains  encore  à  découvert  où  les 
gens  vont  camper  et  faire  paître  leurs  troupeaux.  Lors  du 
premier  passage  de  la  colonne  de  la  Saoura,  en  mars  1901,  les 
habitants,  ne  sachant  pas  au  juste  ce  que  nous-venions  y  faire, 
avaient  caché  leurs  troupeaux,  craignant  sans  doute  la  razzia 
ou  les  impôts  ;  ayant  reconnu  ensuite  que  notre  conquête 


ZOUSFANa   —   GUIU    —   SAOURA  53 

était  toute  pacifique,  ils  ont  perdu  cette  méfiance,  et  au  second 
voyage  nous  avons  pu  constater  que  sans  être  riches 
propriétaires  d'animaux,  ils  n'en  étaient  pas  non  plus  dépourvus, 
comme  il  nous  l'avait  semblé  tout  d'abord. 

On  pourrait  supposer  que  l'arrivée  d'une  colonne  française 
consentie  par  leurs  chefs  aurait  tout  au  moins  déterminé,  chez 
les  gens  du  pays  une  certaine  curiosité,  on  se  tromperait 
étrangement,  c'est  à  peine  si  quelques  nègres  et  des  vieilles 
femmes  se  sont  montrés.  Sans  doute  d'autres  yeux  nous 
regardaient,  mais  prudemment,  par  les  lucarnes  des  maisons 
ou  à  l'abri  des  bordures  de  terrasses. 

A  environ  3  kilomètres  plus  loin  que  Tamettert,  la  berge  du 
plateau  dessine  vers  l'Est  une  grande  concavité  au  centre  de 
laquelle  se  trouve  le  petit  ksar  «  Idir  »,  dont  l'oasis  est  séparée  de 
la  précédente  par  une  bande  de  vallée  nue  de  végétation  et  semée 
de  petites  dunes.  Quand  on  monte  sur  le  plateau  suivant,  on 
passe  tout  près  d'un  ksar  en  ruines  noires  coifl'ant  un  mamelon 
rocheux  plus  noir  encore  ;  il  m'a  paru  que  la  roche  est  consti- 
tuée en  ce  point  par  du  minerai  de  fer.  Les  pierres  détachées 
des  anciennes  constructions  ont  été  taillées,  contrairement  à 
ce  qu'on  voit  ailleurs  dans  la  région.  Il  serait  sans  doute 
intéressant  au  point  de  vue  archéologique,  de  rechercher 
l'histoire  de  ce  coin,  car  déjà  le  nom  de  «  En-Nsàra  »  du  ksar 
ruiné  que  nous  avons  vu  précédemment,  permet  de  croire 
à  une  occupation  très  ancienne  ;  celle-ci  pourrait  remonter 
peut  être  à  l'époque  où  les  Berbères  d'Algérie,  chassés  par 
l'invasion  Arabe,  se  sont  réfugiés  partout  où  ils  ont  pu  éviter 
le  contact  de  l'envahisseur.  Ceci  serait  à  rapprocher  de  la 
légende  et  des  inscriptions  des  Beni-Goumi  dont  j'ai  dit 
quelques  mots  plus  haut.  Toutefois  je  n'avancerai  rien  de  plus 
à  ce  sujet,  car  il  ne  m'a  pas  été  possible  de  faire  les  recherches 
nécessaires. 

Après  un  parcours  de  2  kilomètres  à  peine  on  arrive  au  bord 
d'un  grand  cirque  oi^i  apparaît  tout  entière  l'oasis  d'El-Ouata 
reliée  à  celle  de  Idir  par  une  ligne  continue  de  palmiers. 
Toute  la  bande  de  plateau  suivie  depuis  le  megsem  Tamettert 
est  couverte  de  sable  mêlé  de  pierres  aux  formes  bizarres; 
celles-ci  sont  creuses  et  résonnent  comme  de  la  vieille  ferraille 
sous  le  pied  des  chevaux.  Je  crois  pouvoir  expliquer  leur 
origine  de  la  manière  suivante,  car  j'en  ai  vu  en  formation 
aux  environs  d'Igli  :  supposons  une  touffe  de  végétation  basse 


54  ZOfSFANA   —    GUm    —   SAOURA 

et  ligneuse;  le  sable  tourbillonnant  sous  l'action  des  vents 
vient  adhérer  aux  branchettes  du  pied  en  couches  successives 
qui  finissent  par  former  une  croule  épaisse  autour  de  chacune 
d'elles  ;  l'agglomérat  continue  à  croître,  bientôt  la  touffe 
se  trouve  encastrée  complètement  et  meurt;  le  bois  se 
dessèche  et  disparaît  en  poussière;  il  ne  reste  plus  sur  le  sol 
qu'une  pierre  composée  de  tuyaux  plus  ou  moins  gros  réunis 
par  une  composition  moins  résistante  qui  s'ouvre  au  premier 
choc.  On  en  trouve  ainsi  qui  ressemblent  étrangement  à  des 
fractions  d'os  de  bras  ou  de  jambes  ou  à  d'autres  objets  creux 
et  cylindriques.  La  présence  de  ces  pierres  prouve  qu'il  y  a  eu 
antérieurement  sur  ce  plateau  une  forte  végétation  (de  genêts 
probablement),  que  ce  phénomène  a  fait  disparaître  peu  à  peu. 

A  un  point  de  vue  bien  diflérent  nous  avons  trouvé  dans  la 
même  région  des  priapes  en  pierre  parfaitement  imités  de 
la  nature. 

Le  bois  est  très  rare  dans  la  contrée,  il  faut  se  contenter  de 
palmes  sèches  ou  de  vieux  troncs  de  palmier,  quand  les 
indigènes  veulent  bien  en  vendre. 

El-Ouata,  propriété  d'une  autre  fraction  des  Ghenaiiema,  se 
compose  de  huit  petits  ksûur  :  Bou-Hadid  Chergui,  I3ou-Hadid 
Gharbi,  El-Ouata,  proprement  dit,  Bou-Khelouf,  Oulad-Djerar, 
Ammès,  El  Ma  et  El-Maïa  ;  ksour  et  jardins  sont  tous  entre  la 
rive  gauche  de  la  Saoura  et  l'enveloppe  du  cirque  bordée  à 
l'Est  par  l'Erg.  De  nombreux  puits  montrent  leurs  balanciers 
et  leurs  hauts  poteaux  d'appui,  bâtis  en  briques  sèches.  Celle 
agglomération  est  la  plus  importante  du  pays  des  Ghenanema; 
l'oasis,  qui  est  d'un  seul  tenant,  serait  riche  si  elle  n'était 
déjà  ensablée,  surtout  vers  le  Sud,  an  point  d'en  rendre 
la  traversée  difficile. 

Il  m'a  paru  qu'il  se  trouve  à  Ouata  un  nombre  de  nègres 
relativement  considérable  en  comparaison  de  celui  des  blancs. 
Là,  comme  ailleui-s,  le  nègre  est  le  seul  qui  travaille,  il  est 
vigoureux,  a  des  formes  musculeuses  et  râblées  ;  le  blanc,  au 
contraire,  est  jauni  par  les  fièvres  et  il  a  l'aspect  chétif,  ce  qui 
ne  l'empêche  pas  d'être  plus  orgueilleux  que  tout  autre  de  son 
état  d'homme  libre. 

Tafdalt.  —  Pour  dépasser  El-Ouata,  on"  est  obligé  de 
traverser  l'oasis  après  avoir  pénétré  entre  les  ksour  Bou- 
Iladid  ;  une  piste  très  étroite  est  ménagée  entre  les  bordures 
des  jardins  faits  en  «  djerid  »  secs  entrelacés  (les  djerid  sont 


ZOUSFANA   —   GUIR   —    SAOURA  55 

les  branches  de  palmier  garnies  de  leurs  feuilles);  à  hauteur 
du  ksar  El-Mà,  près  duquel  se  trouve  une  grande  mare, 
on  entre  dans  des  dunes  sous  palmiers  qu'il  faut  fi-anchir 
successivement  pour  déboucher  enfin  à  El-Maia  sur  un  plateau 
bas  surmonté  d'un  autre  plus  élevé  ;  on  monte  sur  ce  dernier 
par  une  rampe  faite  de  main  d'homme. 

Le  ksar  suivant,  Anefid,  est  alors  à  deux  kilomètres  plus 
loin,  au  fond  d'un  cirque  ;  il  est  tout  petit  et  n'a  qu'une 
mince  oasis  longeant  la  rive  gauche  de  la  Saoura.  De  là 
on  peut,  soit  suivre  le  pied  de  la  berge,  soit  monter  sur  le 
plateau  ;  cette  deuxième  direction  est  meilleure  étant  la  moins 
sablonneuse  ;  ont  atteint  alors  un  nouveau  cirque  i"enfermaut 
les  ksour  «  Agdal  »  et  «  El-Beiada  ».  A  la  descente  du  plateau 
faite  par  une  autre  rampe  aménagée,  mais  mal  tracée  et 
ravinée,  on  trouve  l'eau  courante  dans  l'oued  que  l'on  traverse 
deux,  fois  pour  gagner  l'autre  branche  du  cirque  par  la  rive 
droite  de  la  Saoura  ;  on  laisse  alors  vers  l'Est  les  jardins 
d'Agdal,  puis  on  passe  à  l'Est  du  ksar  et  des  palmiers  d'El- 
Beïada.  Le  ksar  Agdal  est  enfoui  au  milieu  de  l'oasis  qui  est 
assez  belle.  La  rivière  coule  à  la  surface  du  lit  jusqu'à  El- 
Beïada  et  présente  des  vasques  protondes  qui  renferment  du 
barbeau  ;  du  jonc  et  du  tamarin,  constamment  rongés  par  les 
chèvres,  poussent  dans  ce  fond  ;  l'eau  n'est  que  légèrement 
saumàtre. 

A  El-Beiada,  une  «  foggara  »  venant  de  l'Erg  amène  une 
eau  excellente  sur  la  face  Sud  du  ksar  ;  au-delà,  la  Saoura 
encombrée  par  les  dunes  ne  présente  plus  qu'une  pauvre 
végétation  et  il  nous  faudra  maintenant  aller  jusqu'à  Giferzim 
pour  trouver  une  nouvelle  oasis. 

Un  plateau  de  G  à  7  kilomètres  nous  sépare  encore  de 
Tafdalt  ;  on  y  voit  du  genêt  en  belles  touffes  avant  d'arriver  à 
l'étape.  Tafdalt  n'est  qu'un  point  d'eau  desservi  par  6  à 
7  puits  creusés  au  pied  de  la  dune  et  oi^i  les  gens  d'Agdal 
cultivent  quelques  carrés  d'orge. 

Des  gourbis  élevés  dans  la  dune  abritent  les  khammès 
détachés  là  pour  cette  besogne  ;  il  y  a  dans  le  fond  de  la 
vallée,  près  des  cultures,  deux  petits  bouquets  de  palmiers. 
Un  plateau  large  et  aride,  recouvert  de  petites  dunes,  sépare 
Tafdalt  de  la  hammada  de  l'Ouest  qui  va  en  s'éloignant. 

GuERZi.M.  —  Guerzim  n'est  plus  qu'à  14  kilomètres.  On 
continue  à  suivre  le  lit  de  la  Saoura  pendant  deux  kilomètres 


56  ZOUSFANA   —   GUm    —    SAOURA 

environ  dans  le  coude  qu'elle  fait  vers  l'Ouest.  L'eau  est  là  à 
une  faible  profondeur  et  dans  ce  terrain  toujours  humide, 
pousse  une  belle  végétation  composée  principalement  de  joncs, 
roseaux  et  drinn.  On  quitte  ensuite  la  vallée  par  un  brusque  à 
gauche  à  travers  une  ligne  de  dunes,  en  profitant  d'un  petit 
couloir  que  les  vents  du  Sud  y  entretiennent  et  qui  permet  un 
passage  relativement  facile  quoique  étroit  ;  rien  n'indique  ce 
point,  pour  le  trouver  il  faut  avoir  un  guide  ou  y  être  déjà 
passé.  Au  bout  de  20'  de  marche  on  débouche  sur  un  large 
plateau  souvent  sablonneux  mais  à  peu  près  uni,  où  l'on 
trouve  des  pâturages  au  pied  de  l'Erg.  Une  ligne  de  collines 
basses  borde  ce  plateau  le  long  de  la  rive  gauche  de  la 
Saoura  ;  lorsqu'on  arrive  à  celle  située  le  plus  au  Sud  on 
aperçoit  à  quelques  kilomètres  la  tête  des  palmiers  de  Guerzim . 

Guerzim  se  compose  actuellement  d'un  pauvre  village  non 
entouré  de  murailles  et  d'une  oasis  qui  a  pu  être  belle  mais 
qui  est  maintenant  coupée  en  plusieurs  tronçons  par  des  Junes 
en  formation.  Les  jardins  sont  assez  mal  entrenus  ;  dans  l'un 
d'eux  j'ai  été  assez  étonné  de  trouver  un  carré  de  coriandre  ; 
on  s'en  sert  parait-il  pour  cuisiner  certains  plats.  Les  habitants 
ont  commencé  la  construction  d'un  ksar  en  face  du  village, 
l'enceinte  ssule  est  à  peu  près  terminée,  un  puit  bien  tait 
s'ouvre  au  milieu  de  l'emplacement  des  futures  habitations. 
Sept  à  huit  «  feguaguir  »  traversent  tout  le  plateau  Est  pour 
amener  à  Guerzim  l'eau  de  l'Erg,  mais  il  n'y  en  a  que  deux 
fonctionnant  bien.  Des  ruines  semées  ça  et  là  sont  encore 
témoins  des  déménagements  successifs  des  habitants  au  fur  et 
à  mesure  de  l'avancement  des  sables  dans  l'oasis. 

Depuis  que  nous  avons  atteint  le  plateau  de  Guerzim  au 
débouché  des  dunes  de  Tofdalt,  l'apect  de  la  rive  droite  de  la 
Saoura  s'est  modifié  très  sensiblement  ;  au  lieu  de  la  falaise 
habituelle,  déchiquetée  mais  peu  échancrée,  nous  voyons 
en  hammada  des  chaînons  aux  flancs  arrondis,  à  la  crête 
mamelonnée,  que  séparent  les  vallées  Iributaines  de  la  Saoura. 
J'ai  pu  excursionner  sur  un  des  sommets  les  plus  rapprochés 
de  Guerzim  ;  j'y  ai  trouvé  I  altitude  de  190  mètres  au  dessus  de 
la  vallée.  Au-delà,  vers  l'ouest  apparaissent  cinq  ou  six  autres 
chaînons  parallèles  allant  en  s'élevant  de  plus  en  plus  et  qui 
m'ont  paru  être  séparés  par  des  ravins  profonds.  Une  piste 
très  visible  et  venant  de  Ouggueurt  aboutit  à  la  Saouara  un 
peu  au  Sud  de  Guerzim. 


ZOUSFANA    —    GUIR   —   SAOURA  57 

Toutes  ces  montagnes  sont  nues,  à  l'état  d'éboulis,  elles 
abritent  m'a-t-on  dit  de  nombreuses  bandes  de  mouillons  que 
les  gens  de  Kerzaz  viennent  chasser  quelquefois;  j'ai  vu  en 
effet  quelques  affûts  aménagés  sur  la  première  crête. 

Guerzim  est  le  siège  d'une  zaouia  indépendante,  la  plus 
pauvre,  je  crois,  de  toutes  celles  de  la  région  ;  la  mosquée  n'est 
qu'une  simple  chambre  bàlie  sur  une  terrasse  de  maison  et 
seule  blanchie  extérieurement  à  la  chaux.  On  peut  considérer 
cette  oasis  comme  vouée  à  la  destruction  par  le  sable,  sans 
qu'on  puisse  rien  faire  pour  la  protéger.  L'oued  a  en  ce  point 
700  à  800  mètres  de  largeur  coupée  par  plusieurs  bras,  il  n'a 
de  l'eau  courante  qu'en  temps  de  crue.  On  prétend  que  les 
sables  renferment  des  paillettes  d'or. 

Kerzaz. —  De  Guerzim  à  Kerzaz,  il  y  a  encore  au  moins 
37  kilomètres,  mais  plusieurs  points  d'eau  intermédiaires 
permettent  de  couper  la  distance  au  gré  du  voyageur.  Le  plus 
important  est  celui  des  Beni-lkhlef,  situé  à  8  kilomètres  de 
Guerzim.  Pour  y  arriver,  on  suit  le  plateau  de  la  rive  gauche  à 
peu  près  dans  son  milieu,  afin  d'éviter  les  sables  voisins  de 
l'Ouest.  Les  oasis  de  Guerzim  et  des  Beni-lkhlef  sont  reliées, 
le  long  de  la  rivière,  par  une  mince  ligne  de  palmiers  restés 
au  milieu  des  dunes  qui  s'y  sont  formées,  mais  à  Beni-lkhlef, 
on  trouve  un  joli  paquet  de  verdure. 

Il  y  a  là  trois  ksour  :  El-Kodia,  El-Kebir  et  El-Menasseria, 
englobés  ?ous  le  nom  de  Beni-lkhlef  et  qui  formaient,  avant 
notre  arrivée,  une  petite  république  sous  l'autorité  du  marabout 
de  l'endroit.  Il  n'y  existe  pas  de  distinction  sociale  entre  le 
blanc  et  le  nègre,  l'un  et  l'autre  sont  propriétaires  et  chacun 
travaille  pour  son  propre  compte;  le  marabout  lui-même  tire 
l'eau  du  puits  pour  arroser  ses  jardins.  Les  jardins  sont  fort 
bien  entretenus  ;  on  voit  qu'on  a  afl'aire  à  des  travailleurs 
libres  ne  comptant  récolter  que  ce  qu'ils  ont  produit  eux-mêmes 
pour  leurs  besoins  ;  l'eau  est  dans  les  puits  à  7  ou  8  mètres  de 
profondeur. 

Quand  notre  colonne  est  arrivée  à  Guerzim,  les  gens  de 
Beni-lkhlef  nous  ont  fait  connaître  qu'ils  n'acceptaient  pas 
notre  domination,  et  qu'ils  useraient  de  leurs  armes  si  nous 
voulions  pénétrer  chez  eux,  nous  laissant  libres  toutefois  de 
passer  à  côté  de  l'oasis  pour  continuer  notre  route  vers  le  Sud. 
De  telles  propositions  étaient  inacceptables,  malgré  le  caractère 
tout  pacifique  de  notre  démonstration,  aussi,  en  partant  de 


58  ZOUSFANA   —    GUIR    —   SAOURA 

Guerzim  pour  aller  vers  Reni-Ikhlef,  nous  préparions  -  nous  à 
l'éventualité  d'un  combat.  La  vue  du  carré  imposant  que  nous 
formions  en  avançant  dans  la  plaine,  et  surtout  celle  de 
l'artillerie  placée  sur  la  première  ligne,  donnèrent  sans  doute 
à  réfléchir  aux  Beni-lkhlef,  car  nous  les  vîmes  sortir  sans 
armes  de  l'oasis,  au  nombre  de  200  environ  et  venir  offrir  leur 
soumission.  Obéissant  à  un  sentiment  chevaleresque  qui,  nous 
l'avons  su  depuis,  fut  très  apprécié  par  ces  fiers  guerriers,  le 
commandant  de  la  colonne  les  invita  à  aller  prendre  leurs 
armes  avant  de  discuter  en  plein  air  les  conditions  de  soumis- 
sion. Un  long  palabre  leur  fil  comprendre  que  nous 
respecterions  leurs  personnes,  leur  religion  et  leurs  biens,  et 
les  officiers  furent  admis  à  pénétrer  dans  l'oasis  avec  quelques 
détachements  de  troupe  pour  en  marquer  la  prise  de  possession. 
Ce  n'était  pas  pour  nous  un  spectacle  ordinaire  que  nous  voir 
défilant  dans  les  ruelles  bordées  de  gens  armés,  à  mines 
farouches  et  qui  rongeaient  leur  frein  eil  silence.  L'inspection 
des  lieux  nous  a  permis  de  constater  combien  cette  solution 
pacifique  avait  été  heureuse  pour  nous,  car  nous  aurions,  en 
cas  de  conflit  armé,  perdu  assez  de  monde  pour  procéder  à 
une  attaque  de  vive  force. 

Après  un  dédale  de  ruelles  étroites,  bordées  par  les  murs 
des  jardins,  nous  aurions  trouvé  devant  nous  un  ksar, 
(El-Kebir)  flanqué  de  hautes  murailles,  entouré  d'un  fossé 
large,  profond,  rempli  d'eau,  et  notre  artillerie,  faute  d'une 
position  ayant  à  la  portée  voulue  des  vues  de  l'extérieur  sur  le 
ksar,  n'aurait  pas  pu  le  bombardera  la  mélinite.  Un  énergu- 
mèue  eut  grand  soin  d'ailleurs  de  nous  crier  bien  haut 
pendant  notre  visite  que  si  les  Beni-lkhlef  avaient  renoncé  à 
combattre,  c'était  uniquement  à  cause  de  notre  supériorité  de 
nombre  et  de  nos  canons;  que  jusqu'à  ce  jour  personne  n'avait 
pu  prendre  leurs  ksour,  pas  même  les  Beraber,  etc. . .  A  vrai 
dire,  leur  armement,  composé  de  quelques  Beminglon 
seulement  au  millieu  des  vieux  «  moukhala  »,  n'avait  rien  de 
terrifiant  pour  un  combat  en  rase  campagne,  mais  il 
conservait  toute  sa  valeur  pour  un  combat  de  jardins,  de 
murailles  et  de  ruelles  dont  les  entrecroisements  nous 
étaient  aussi  inconnus  que  l'emplacement  même  du  ksar  à 
enlever. 

La  partie  Sud  de  l'oasis  est  déjà  envahie  par  le  sable;  comme 
à  Guerzim,  il  sera  bien  difficile,  sinon  impossible,  de  protéger 


ZOUSFANA.   —   GIUR   —    SAOURA  59 

la  bande  qui  entoure  immédiatement  les  ksour,  la  seule  qui 
soit  encore  intacte. 

Pour  dépasser  Beni-lkhlef,  on  marche  sur  un  gros  gommier 
isolé  que  l'on  aperçoit  distinctement  sur  le  plateau  vers  le 
S.-S.-E.  On  laisse  à  gauche,  au  pied  de  l'escarpement  servant 
de  base  à  l'Erg,  un  bouquet  de  250  à  300  gommiers  de  belle 
taille.  Un  peu  plus  loin,  il  faut  traverser  deux  ravines  qui 
coupent  transversalement  le  plateau  et  constituent  le  point 
désigné  sous  le  nom  de  Tagherdaït  ;  nous  y  avons  vu  des 
traces  de  culture  d'orge  dans  le  fond  des  ravins  et  à  leur 
débouché  dans  le  lit  de  la  Saoura  ;  des  puits  existent,  mais 
sans  balancier  de  puisage  et  on  trouve  là  quelques  palmiers. 

Sur  le  plateau  suivant,  on  traverse  un  beau  terrain  de 
pâturage  couvert  de  (Crtem  h  jusqu'à  hauteur  du  ksar  ruiné 
Bou-Khechba  que  l'on  aperçoit  au  milieu  des  dunes  qui  ont 
détruit  l'oasis  du  même  nom,  et  où  l'on  voit  encore,  de 
distance  en  distance,  des  groupes  de  palmiers. 

La  piste  s'éloigne  alors  de  l'oued  pour  se  rapprocher  de 
l'Erg  en  laissant  à  l'Ouest  la  continuation  des  terrains  de 
pâturage.  Après  avoir  franchi  une  longue  bande  sablonneuse, 
on  arrive  à  Zaouïa-Kebira,  à  l'entrée  du  défilé  de  Kerzaz. 

Les  hauteurs  qui  couronnent  la  rive  droite  de  la  Saoura  ont 
là  un  cachet  tout  particulier,  quoique  leur  forme  générale 
n'ait  pas  varié  depuis  Guerzim  ;  les  strates  des  pentes  Est, 
relevées  presque  verticalement,  forment  sur  chaque  croupe 
des  médaillons  luisants  où  les  jeux  de  lumière  dessinent  des 
arabesques  capricieuses  et  changeantes  selon  la  hauteur  du 
soleil.  Les  chaînons  inférieurs  sont  rattachés  comme  des 
pendeloques  au  chaînon  suivant,  laissant  entre  eux  et  celui-ci, 
de  part  et  d'autre  du  col  d'attache,  des  ravins  profonds. 

L'Erg  lui-même,  au  lieu  de  se  terminer  sur  le  plateau  par 
des  basses  dunes  comme  précédemment,  s'y  dresse  tout  droit, 
en  pains  de  sucre  de  100  mètres  en  moyenne  de  hauteur. 

Zaouïa  Kebira,  pauvre  bourgade  sans  murailles  de  défense, 
se  trouve  au  fond  d'un  cirque  ouvert  dans  la  berge  de  la  rive 
gauche  de  la  Saoura  ;  on  y  remarque  trois  «  koubba  »  alignées 
et  blanchies  à  la  chaux,  une  petite  entre  deux  grandes,  à  l'Est 
des  habitations.  Une  ligne  mince  de  palmiers,  venant  de  Bou- 
Khechba  le  long  de  l'oued,  se  continue  dans  la  direction  de 
Kerzaz  sans  dépasser  le  lit  de  la  rivière  ;  le  sable  s'y  est 
accumulé  et  a  rendu  la  culture  impossible,  sauf  en  deux  ou 


60  ZOUSFANA   —   GUIR    —    SAOURA 

trois  jardins,  en  même  temps  qu'il  a  comblé  de  nombreux 
puits  dont  on  voit  encore  les  ouvertures  béantes.  Les  quelques 
habitants  de  Zaouïa-Kebira  se  disent  pauvres  mais  de  race 
noble  ;  ils  sont  à  la  dévotion  de  la  zaouïa  de  Kerzaz. 

Peu  après  Zaou'ia-Kebira,  l'horizon  se  rétrécit,  la  vallée 
devient  tout  à  coup  très  étroite,  la  Saoura  s'encaisse  ;  on 
entre  dans  le  défilé  de  Kerzaz  en  suivant  toujours  le  plateau 
bas  de  la  rive  gauche. 

Pendant  les  10  kilomètres  qui  nous  séparent  encore  de  la 
ville  sainte,  l'oasis  est  continuée  dans  la  vallée  ;  des  ruines 
se  dressent  sur  la  berge  longée  (ruines  deTazgar),  puis  il  faut 
descendre  dans  le  lit  de  la  Saoura,  le  plateau  étant  lui-même 
recouvert  de  dunes  qui  barrent  le  passage.  L'eau  coule  à  ciel 
ouvert  dans  la  Saoura,  claire  mais  saumàtre,  sur  un  fond  où 
pousse  du  jonc  rasé  par  la  dent  des  animaux. 

A  hauteur  des  ruines  de  Ed-Douar,  un  peu  avant  Kerzaz,  la 
piste  nous  conduit  de  nouveau  sur  le  plateau,  et  Kerzaz 
apparaît  aux  yeux  désenchantés  ;  on  s'attendait  à  voir  une 
ville  et  c'en  est  loin  ! 

Un  ksar  rectangulaire,  flanqué  de  six  hautes  tours  et  de 
murailles  élevées,  renferme  les  habitations  de  la  zaouïa  ;  une 
mosquée  en  flèche,  très  ordinaire,  s'élève  au  milieu.  Au  Nord 
et  au  Sud  de  ce  ksar,  s'étagent  sur  le  bord  du  plateau,  des 
groupes  de  maisons  sans  enceinte  de  défense,  sales,  miséra- 
bles. L'intérieur  du  ksar  n'a  lui-même  rien  de  remarquab'e. 
Un  plateau  affreusement  nu  et  couvert  de  sable  souillé  sépare 
le  tout  de  l'Erg  très  rapproché. 

A  Kerzaz,  on  se  sent  dans  un  milieu  religieux  où  le 
marabout  Si  Abderhaman  est  l'objet  d'une  grande  vénération. 
L'entourage  du  marabout  se  compose  de  gens  convenable- 
ment vêtus,  bien  élevés,  intelligents  et  instruits  ;  leur  tenue  est 
un  peu  compassée,  comme  il  convient  à  leur  situation,  mais 
leurs  démonstrations  d'amitié  envers  nous,  faites  posément, 
semblent  plus  sincères  que  celles  beaucoup  plus  vives  des 
gens  rencontrés  précédemment.  On  sait  que  la  zaouïa  de 
Kerzaz  a  des  serviteurs  religieux  très  éloignés  ;  le  marabout 
vient  presque  tous  les  ans  dans  le  Tell,  dans  la  région 
Tlemcen,  Marnia,  Nemours,  et  y  recueille  -d'abondantes 
((  ziara  »  nécessaires  à  l'entretien  de  sa  zaouïa.  J'ai  vu  passer  à 
Igli,  au  mois  de  juin  dernier,  un  groupe  d'indigènes,  hommes 
et  femmes,   venus  à  pied  de  Nemours,   qui  s'est  rendu  à 


ZOUSFANA   —    GUIR    •-    SAOURA  61 

Kerzaz  dans  le  seul  but  d'y  recevoir  la  bénédiction  du 
marabout  et  a  lait  retour  par  la  même  route  aussitôt  après. 

Nous  avons  été  reçus  à  bras  ouverts  à  Kerzaz  où  nous 
étions  attendus,  la  venue  d'une  colonne  française  ayant 
été  convenue  et  acceptée  à  l'avance.  Le  bon  accueil  s'est 
même  étendu  un  peu  loin,  car  nous  avons  pu  voir  des 
ombres  féminines  rôder  le  soir  aux  alentours  du  camp,  et 
les  portes  des  habitations  se  sont  entr'ouvertes  à  ceux  de  nos 
soldats  que  n'ont  pas  rebutés  la  couleur  et  la  saleté  repous- 
sante des  houris  de  l'endroit. 

En  dehors  de  l'oasis,  qui  occupe  le  fond  et  surtout  le  flanc 
gauche  de  l'oued,  il  ne  faut  chercher  aucune  verdure  aux 
environs  de  Kerzaz  ;  ce  n'est  que  sable  d'un  côté  et  pierre  de 
l'aulre;  les  jardins  sont  assez  bien  entretenus,  mais  ils  ne  se 
distinguent  en  rien  de  "ce  que  nous  avons  vu  précédemment. 
Dans  le  ksar,  quelques  familles  juives  fabi-iquent  des  bijoux 
sans  élégance  et  vendent  quelques  denrées  d'usage  local. 

El-Kheoim.  —  Pour  sortir  de  Kerzaz  et  poursuivre  notre 
voyage,  il  faut  redescendre  dans  la  Saoura,  au  Sud  des 
habitations,  et  suivre  le  fond  de  l'oued,  qui  est  libre  sur  une 
assez  grande  largeur.  On  peut  encore  rester  sur  le  plateau  de 
la  rive  gauche  et  longer  l'Erg,  mais  la  piste  y  est  très 
sablonneuse  et  coupée  par  quelques  ravines  ;  on  passe  alors 
près  des  ruines  de  Taourir. 

Après  avoir  franchi  17  kilomètres  environ,  on  atteint 
El-Khedim.  On  a  rencontré  en  route  quelques  «  rdir  » 
renfermant  encore  de  l'eau  au  mois  de  mai  et  qui  en  ont 
probablement  en  permanence,  car  en  creusant  à  la  main  en 
quelques  points  du  lit  de  la  Saoura  nous  avons  trouvé  l'eau  à 
0™  70,  légèrement  saumàtre  mais  sans  mauvais  goût.  A  l'Ouest, 
dans  la  hammada,  existent  des  gisements  ■  de  marbre 
diversement  coloré;  puis,  plus  loin,  une  montagne  de  sel  où 
les  gens  de  Kerzaz  vont  s'approvisionner.  Le  parcours  de  Kerzaz 
à  El-Khedim  n'offre  que  de  maigres  pâturages  ;  j'y  ai  remarqué 
au  passnge  de  nombreuses  et  belles  orobanches  ;  il  y  a  dans  la 
vallée  quelques  gommiers  rabougris  et,  dans  la  hammada, 
quelques-uns  plus  beaux. 

El-Khedim  n'est  plus  un  point  habité  ;  le  ksar,  très  petit 
d'ailleurs,  est  en  ruines,  l'oasis  elle-même  est  abandonnée  ; 
il  nous  a  fallu  réouvrir  les  puits  pour  trouver  l'eau  nécessaire 


62  ZOUSFANA    —    GUIR   —   SAOUHA 

à  la  colonne  ;  les  palmiers  ont  été  en  partie  brûlés  il  y  a  4  ou  5 
ans  par  des  gens,  qui  m'a-t-on  dit,  avaient  été  envoyés  par  le 
sultan  pour  y  accomplir  cette  mission  de  vengeance. 

TiMMOUDi  (1).  —  De  El-Khedim  à  Timmoudi,  il  y  a  environ 
16  kilomètres.  Le  chemin  à  suivre  est  toujours  par  le  lit  de 
l'oued,  au  pied  de  la  berge  de  la  rive  gauche,  dans  un  terrain 
qu'accidentent  de  nombreuses  dunes  basses,  sans  toutefois  en 
rendre  le  passage  trop  difficile.  On  ne  tarde  pas  à  rencontrer 
d'autres  ruines  semblables  à  celles  déjà  si  nombreuses  que  nous 
voyons  depuis  que  nous  avons  atteint  Kerzaz  ;  près  de  l'une 
d'elles  existe  encore  un  ancien  cimetière  assez  étendu. 

Quand  on  va  directement  de  El-Khedim  aux  Oulad-ben- 
Khoder,  lieu  habité,  situé  un  peu  plus  bas  que  Tinnnoudi,  un 
chemin  s'offre  meilleur  et  relativement  plus  court  en  suivant 
la  hammada  de  la  rive  droite  ;  on  n'y  rencontre  qu'un  passage 
diflicile,  celui  du  Kheneg  qui  s'ouvre  un  peu  au  Nord  de 
Timmoudi  et  qu'il  faut  franchir  ;  on  husSe  alors  Timmoudi  à 
l'Est. 

La  hammada,  que  depuis  Guerzim  nous  avons  vue  constituée 
par  des  chaînons  parallèles  à  la  Saoura  et  allant  en  s'étageant 
vers  l'Ouest,  reprend  maintenant  le  caractère  qu'elle  présentait 
entre  Ksar-el-Adjouza  et  Guerzim  ;  c'est  un  plateau  s'arrêtant 
dans  la  vallée,  à  des  distances  variables  du  lit  de  l'oued,  par 
une  falaise  à  pentes  raides  et  couverte  de  pierres  noires  où  ça 
et  là  le  sable  amené  par  le  ventproduit  des  taches  jaune  orange 
quelquefois  très  étendues.  Cet  aspect  dure  jusqu'à  Foum-el- 
Chink  ou  Foum-el-Kheneg,  point  qui  marque  l'entrée  de  la 
Saoura  dans  la  région  du  Touat,  à  50  kilomètres  environ  au 
Sud  de  Timmoudi. 

Le  ksar  Timmoudi  est  construit  en  bordure  de  l'escarpement 
de  la  rive  droite,  par  exception  avec  ce  que  nous  avons  vu 
jusqu'ici,  car  si  le  lecteur  a  bien  voulu  le  remarquer,  tous  les 
ksour  précédents  se  trouvent  élevés  sur  la  rive  gauche  de  la 
Saoura.  Ce  ksar  est  de  construction  récente,  il  se  compose 
d'une  cinquanliine  de  maisons,  et  il  domine  immédiatement 
la  vallée  de  25  à  30  mètres.  Une  sorte  de  bastion  avancé  situé 
à  l'angle  de  la  face  Est  défend  le  passage  d'une  rampe  qui  y 


(1)  Le  restant  de  cet  ilinéraire  jusiiu'à  Kesbat  a  été 'dressé  à  l'aide  des 
renseignemeûts  communiqués  à  l'auteur  par  M.  le  Lieutenant  Warty,  du 
2"  Tirailleurs,  qui  avait  été  chargé  de  relever  l'iiinéraire  de  la  colonne  de 
la  Saoura  depuis  £eni-Abbès. 


ZOUSFANA    —    GUIR   —    SAOURA  63 

donne  accès  par  l'escarpement.  On  accède  au  ksat-  par  une 
ravine  au  Sud-Est  et  la  porte  d'entrée  se  trouve  de  ce  côté. 

L'oasis  est  au  contraire  en  entier  sur  la  rive  gauche;  elle 
comprend  deux  groupes  d'une  largeur  moyenne  de  100  mèlres, 
l'un  sur  une  longueur  de  800  mètres,  l'autre  s'étend  sur 
600  mètres.  Elle  renferme  deux  ksour  évacués  maintenant 
quoique  assez  bien  conservés.  Les  puits  d'arrossage,  profonds 
de  5  à  6  mèlres,  en  forme  de  cône  écrasé  à  l'ouverture,  se 
trouvent  surtout  sur  la  lisière  Est.  Le  sable  à  déjà  limité 
l'espace  de  terrain  cultivable  ;  c'est  lui  qui  a  coupé  l'oasis  en 
deux  et  a  sans  doute  déterminé  les  habitants  à  déménager  leurs 
ksour  pour  se  porter  sur  la  rive  droite. 

On  peut  de  Timimoun  gagner  Timmoudi  directement  par 
l'Erg.  Cet  itinéraire  vient  d'être  reconnu  par  un  détachement 
de  spahis  saharien  qui,  vbulant  aller  de  Timimoun  à  Beni-Abbès 
en  évitant  la  Saoura,  a  dû  renoncer  à  ce  projet  irréalisable  et 
se  rabattre  sur  Timmoudi. 

Oulad-Raffa.  —  A  13  ou  14  kilomètres  de  Timmoudi  on 
rencontre  de  nouvelles  oasis  habitées:  la  première  est  celle  des 
Oulad-ben-Khoder.  Comme  nous  venons  de  le  voir,  on  peut 
atteindre  celle-ci  par  la  hammada,  en  venant  d'El-Khedim  et 
en  laissant  Timmoudi  à  l'Est.  Si  on  y  va  de  Timmoudi,  il  faut 
d'abord  suivre  la  rive  gauche  pendant  quelques  kilomètres, 
puis  traverser  le  lit  de  l'oued,  longer  la  rive  droite  dans  un 
terrain  sablonneux,  et  regagner  la  rive  gauche  oi^i  le  ksar  des 
Ouled-ben-Khoder  se  trouve  en  bordure  de  la  berge. 

LesruinesdeSidi-M'Ahmed,  deBouterfataetdesBeni-Zouggar 
sur  le  plaleau  Est,  ainsi  que  celle  du  Djorf  sur  la  liammada  en 
face  des  Ouled-ben-Khodei-,  puis  de  Ammès,  Oulad-Bounadji, 
Mansourah  et  Beni-Yayia  au  milieu  même  de  l'oasis,  témoignent 
de  l'importance  que  cette  région  a  pu  avoir  autrefois  ou  des 
vicissitudes  qu'elle  a  traversées.  Dans  les  dernières,  résident 
encore  quelques  habitants. 

L'oasis  des  Oulad-ben-Khoder,  appelée  aussi  quelquefois 
Beni-Yahia,  s'étend  sur  une  largeur  moyenne  de  150  mètres  et 
sur  2  kilomètres  environ  de  longueur  le  long  de  la  rive  gauche 
de  la  Saoura;  elle  est  serrée  près  de  l'Erg,  à  moins  de  80  mètres 
de  sa  lisière  Est;  au  Nord  et  au  Sud,  elle  est  limitée  maintenant 
par  des  dunes. 

Le  ksar  de  forme  irrégulière,  comprend  une  trentaine  de 
maisons  ;  il  est  étage  sur  la  pente  de  la  berge  et  a  son  entrée 


64  ZOUSFANA    —    CUIR   —    SAOl'RA 

sur  la  face  Sud  ;  il  possède  à  rintérieur  un  réduit  carré, 
bastionné,  entouré  d'un  fossé  et  pourvu  d'un  puits  particulier. 

L'oasis  des  Ouled-RatTa,  plus  importante  que  la  précédente, 
ne  formait  avec  elle  qu'une  seule  agglomération  de  palmiers  ; 
les  sables  s'accumulant  entre  elles  les  a  séparés  en  deux 
groupes  qui  sont  maintenant  très  distincts  le  long  d'un  coude 
de  la  Saoura  vers  l'Est.  Aux  Oulad-Ralïa,  les  cultures  sont 
étendues  et  bien  entretenues  ;  il  y  a  de  nombreux  puits.  Le  ksar, 
qui  n'a  pas  cessé  d'être  habité,  compte  cent  maisons  élevées 
au  pied  même  de  l'Erg  sur  le  plateau  ;  il  a  son  entrée  sur  la 
face  Ouest  et  il  renferme  un  réduit  semblabe  à  celui  des 
Oulad  ben-Khoder. 

Un  peu  au  Sud  des  OulaJ-Rafia,  s'élève  la  Koubba  de  Sidi- 
Abdallahhen-Amar,  groupe  religieux  d'une  dizaine  de  maisons 
possédant  un  petit  bosquet  de  palmiers  dans  lequel  les 
habitants  font  quelques  cultures. 

Ces  deux  derniers  points ,  Oulad-Raffa  et  Koubba  Sidi- 
Abdallah-ben  Amar  sont  en  dehors  de  la  piste  habituellement 
suivie  pour  gagner  le  Touat. 

Kesbat  (ou  Ksabi).  —  Au  départ  des  Oulad-beuKhoder, 
cette  piste  traverse  la  Saoura,  franchit  un  éperon  de  la  hammada 
en  terrain  relativement  facile,  repasse  sur  la  rive  gauche  et  suit, 
au  pied  de  l'Erg,  un  plateau  sur  lequel  se  trouve  le  petit  ksar 
Timghaghit  bâti  au  bord  de  la  berge;  là,  il  n'existe  pas  d'oasis 
mais  seulement  quelques  cultures  à  découvert,  au  bas  de 
l'escarpement.  Cet  escarpement  se  continue,  sinueux  mais  sans 
interruption,  jusqu'à  proximité  de  Kesbat  où  sa  descente  est 
difficile.  Ici,  l'oued  s'encaisse  sur  une  longueur  de  1500  mètres 
entre  deux  falaises  terreuses  ne  laissant  au  lit  qu'une  largeur 
de  150  à  200  mètres  ;  en  môme  temps,  il  décrit  un  nouveau 
coude  vers  l'Est  où  s'étend  l'oasis  de  Kesbat  appelée  aussi 
Ksabi,  puis  il  s'élargit  de  nouveau  et  a  déjà  1500  mètres  à 
hauteur  de  l'oasis.  Le  lit  se  divise  alors  en  deux  bras 
où  l'eau  apparaît  courante  à  la  surface;  celle-ci  est  médiocre 
au  goût,  quoique  potable.  Une  végétation  très  serrée,  où  le 
roseau  domine  (d'où  le  nom  de  Kesbat),  fournit  en  ce  point 
un  pâturage  excellent,  en  même  temps  qu'elle  donne  au 
paysage  un  aspect  agréable.  La  ligne  des  palmiers  couvre  sur 
la  rive  gauche  une  longueur  de  plus  de  3  kilomètres,  mais  les 
cultures  n'y  existent  que  dans  la  partie  centrale  et  y  sont 
d'ailleurs  peu  nombreuses. 


65 


Le  ksar,  élevé  en  carré  sur  la  lisière  Est,  est  petit  ;  son 
entrée  est  sur  la  face  Nord,  et  ses  abords  sont  occupés  par  de 
nombreux  gourbis.  Un  ancien  ksar,  ruiné  maintenant,  se 
trouve  un  peu  au  Sud  de  celui  actuel. 

La  distance  des  Oulad-ben-Klioder  à  Kesbat  est  de  22 
kilomètres  environ. 

Toute  la  région  depuis  Kerzaz  est  à  la  dévotion  de  la  Zaou'ia- 
Kerzaz. 

Au-DELA  DE  Kesbat.—  D'après  les  renseignements  recueillis 
sur  place,  la  vallée  de  la  Saoura  continue  à  présenter  les 
mêmes  caractères  topographiques  jusqu'à  Foum-el-Kheneg 
où,  à  17  kilomètres  de  Kesbat,  elle  franchit  la  hammada 
rocheuse  qui  avait  jusque  là  bordé  la  rive  droite.  En  ce  point, 
le  lit  de  la  rivière  n'aurait  que  5  à  6  mètres  de  largeur,  dominé 
de  plus  de  100  mètres  sur  la  rive  droite  et  de  4  à  5  mètres 
seulement  sur  la  rive  gauche.  C'est  à  Kesbat  que  les  troupes 
de  la  province  d'Orau  ont  fait  leur  jonction  avec  celles  de  la 
province  d'Alger  auienées  là,  par  le  général  Servières  après  sa 
longue  tournée  dans  le  Touat.  Celle  jonction  a  eu  pour  but  de 
montrer  aux  Beraber  que  leurs  incursions  habituelles  vers  le 
Touat,  pourraient  bien  les  y  faire  prendre  entre  deux  colonnlss 
françaises  au  moment  où  ils  s'y  attendraient  le  moins. 


RÉGION  ENTRE  (iUlR  ET  ZOISFANA  INFËRIEIRS 


Après  ce  long  voyage,  nous  allons  revenir  en  arrière  pour 
dire  quelques  mots  d'une  région  encore  peu  connue,  mais  que 
les  pourparlers  actuellement  en  cours  vont  peut-être  nous 
attribuer  ;  je  veux  dire  celle  comprise  entre  les  cours  inférieurs 
de  la  Zousfana  et  de  l'oued  Guir. 

Jusqu'à  ce  jour,  la  crête  descendant  du  Bècliar  le  long  de  la 
rive  droite  de  la  Zousfana  a  été  considérée  comme  la  limite  de 
notre  action  vers  l'Ouest.  Cependant,  la  soumission  entièrement 
volontaire  de  diverses  fractions  des  Oulad-Djerir  et  des  Doui- 
Ménia,  dont  les  terrains  de  parcours  s'étendent  des  deux  côtés 
de  cette  ligne  exigent  le  report  de  celle-ci  plus  à  l'Ouest  car  si 
on  veut  éviter  toutes  nouvelles  contestations,  il  faut  en  finir 
avec  ce  vague  absolue  des  terrains  de  parcours  communs  aux 
deux  nations  voisines.  Si  une  tribu  est  à  nous,  il  faut  qu'elle 
soit  chez  nous,  afin  que  des  garnisons  de  nos  ti'oupes  ou  des 


66  ZOUSFANA    —    GUIR   —    SAOUUA 

maghzen  puissent  les  y  maintenir  en  état  de  fidélité  et  à  l'abri 
des  chinoiseries  diplomatiques  de  l'entourage  chérifien.  Cela 
ne  veut  pas  dire  que  nous  devions  mettre  un  bornage,  ni 
même  convenir  d'une  ligne  parfaitement  déterminée,  ce  serait 
dépasser  le  but  et  nous  rendre  plus  difficile  une  nouvelle 
extension  vers  l'Ouest.  Ce  qu'il  nous  faut  surtout,  c'est  tenir 
en  mains  les  points,  rares  d'ailleurs,  où  nos  nouvelles  tribus 
ont  des  possessions  habitables  ou  cultivables  du  Guir  à  la 
la  Zousfana,  et  pouvoir  régler  toutes  les  questions  communes 
au  moyen  d'argents  réciproques  établis  sur  place  de  part  et 
d'autre  et  disposant  d'un  certain  nombre  de  fusils. 

Si  on  va  de  Taghit  aux  ksour  que  les  Doui-Ménia  possèdent 
sur  le  Guir  inférieur,  on  coupe  perpendiculairement  deux  oueds 
principaux  qui  partagent  la  dislance  à  peu  près  en  trois  parties 
égales.  Le  premier,  Oued  Kherouafricin),  n'est  qu'une  simple 
vallée  de  hammada,  sans  eau  et  peu  fournie  en  pâturages,  qui 
vient  aboutir  au  Guir  vers  El-Berda,  à  30  kilomètres  environ 
au  N.  0.  d'Igli.  Le  second  descend  du  N.-E.  par  Ouakda  et 
Bêchar  et  se  perd  à  Dayet-Tiour,  à  hauteur  de  Taghit,  point 
où  il  se  rencontre  avec  l'oued  Bou-Dib  venu  de  Kenadsa;  il 
oflre  sur  son  parcours  des  points  d'eau  assez  nombreux  : 
Oglat-Menouarar,  Haci-el-Aouïmi  Foukania  et  Tahtamia,  Haci- 
Chebania  et  Oglat-Lahdeb.  La  daya  Et-Tiour,  où  il  disparaît, 
est,  parait-il,  un  point  remarquable  par  sa  végétation  herbeuse 
et  l'étendue  des  terrains  qui  y  seraient  cultivables  si  on 
aménageait  les  moyens  d'irrigation. 

De  nombreuses  pistes  sillonnent  le  pays  entre  Taghit,  Oglat- 
Menouarar  et  les  ksour  du  Guir;  les  principales  sont  : 

1»  de  Taghit  et  de  Zaouia-Foukania  à  Bêchar  par  Oglat- 
Menouarar  ; 

2»  d'Ogiat-Menouarar  aux  ksour  du  Guir  par  Haci  el-Aouïmi, 
Ogiat-Chelkha  et  Dayet-Haouar  ; 

3"  de  Taghit,  et  de  Zaouïa  Foukania  aux  ksour  du  Guir  par 
Haci-Chebania  et  rejoignant  la  précédente  à  Oglat-Clielkha  ; 

4"  de  Taghit  aux  ksour  du  Guir  encore,  par  Dayet-Tiour; 
Cette  piste  traverse  le  Teniet-el-lvetabti  auprès  d'un  rocher  de 
sel  où  les  Doui-Ménia  s'approvisionnent. 

5"  Enfin,  d'Igli  aux  ksour  du  Guir  par  El-Berda  que  l'on 
atteint  soit  en  suivant  le  Guir,  soit  en  le  laissant  un  peu  à  l'Est 
par  une  piste  plus  directe  à  travers  la  hammada. 

Les  ksour  du  Guir  se  trouvent  en  un  point  où  la  vallée  du 
Guir  s'élargit  considérablement  pour  former  une  «  bahariat  » 
plaine  basse  sillonnée  par  de  nombreux  canaux  où  l'eau  coule 


ZOUSFANA   —   GUIR   —   SAOURA  67 

abondamment,  en  hiver  et  au  printemps  et  quelque  peu  dans 
les  autres  saisons.  Ils  sont  au  nombre  de  sept,  alignés  entre 
Dayet-Haouar  et  Garet-Dribina,  barrant  ainsi  la  vallée.  La 
redoute  élevée  en  avril  1870  par  la  colonne  Wimpfen  existe 
encore,  assez  bien  conservée.  Par  ses  ressources  en  eau,  en 
terrains  de  culture  irrigables  et  par  ses  pâturages  abondants, 
cette  région  semble  susceptible  de  devenir  le  grenier  d'abon- 
dance d'où  l'on  pourrait  tirer  l'orge  et  les  animaux  de  boucherie 
nécessaires  à  l'alimentation  sur  place  de  nos  garnisons,  tant 
dans  le  Sud  oranais  que  dans  les  oasis  sahariennes  de  la 
province  d'Alger.  En  faisant  al'lluer  ces  derniers  sur  Beni-Abbès, 
périodiquement  on  ravitaillerait  le  Touat  plus  facilement  et 
plus  vite  par  la  Saoura  que  par  El-Goléa.  Les  Doui-Ménia 
possèdent  en  outre  des  troupeaux  de  chameaux  qu'ils  ne 
demandent  qu'à  employer  au  service  de  nos  transports. 

Ces  tribus  sont  guerrières,  années  en  grande  partie  de  fusils 
Remington,  si  nous  les  avons  en  entier  avec  nous  et  à  nous,  les 
Beraber  ne  seront  plus  guère  tentés  de  menacer  nos  postes 
voisins. 

Le  triangle  compris  entre  la  ligne  Taghit-Ksour  du  Guir  par 
Dayet-Tiour  et  Igli  n'a  aucune  valeur  en  dehors  du  cours  du 
Guir  ;  c'est  une  simple  hammada  à  peu  près  sans  eau  et 
maigre  en  pâturages.  Le  Guir,  dans  son  parcours  entre  Igli  et 
les  ksour  des  Doui-Ménia  est  un  vaste  réservoir  où  l'eau  coule 
en  permanence  à  la  surface  en  des  points  nombreux.  La  tribu 
des  Idersa.  fraction  des  Doui-Ménia,  a  ses  campements 
habituels  à  El-Berda  ;  elle  s'est  ralliée  presque  en  entier  et  a 
déjà  fourni  à  nos  garnisons  de  Taghit  et  d'igli  des  chameaux 
de  transport  et  des  animaux  de  boucherie. 

Le  système  orographique  se  présente  sous  la  forme  de 
plateaux  limités  par  des  escarpements  et  surmontés  de  «  gour  » 
(pluriel  de  gara)  qui,  vus  de  loin,  ressemblent  à  des  tours 
larges  et  rectangulaires  ;  de  nombreuses  rides  y  permettent  un 
parcours  relativement  facile,  quoique  semé  de  pierres  et  de 
sable,  on  y  trouve,  en  certains  points  des  dunes  en  formation 
déjà  hautes  et  larges.  Des  gommiers  et  des  jujubiers  sauvages 
semés  ça  et  là  dans  les  dépressions  et  quelquefois  sur  les 
escarpements,  sont  les  seuls  arbres  que  l'on  y  rencontre  (1). 


(I)  Pour  rendre  à  César  ce  qui  appartient  à  César,  je  dois  dire  que  la  plupart 
de  ces  derniers  renseignements,  ainsi  que  le  croquis  de  cette  région,  m'ont 
été  communiqués  par  le  capitaine  Dinaux,  qui,  étant  chargé  des  affaires 
indigènes  à  laghit  en  1900-1901,  a  osé  s'aventurer  la  à  ses  risques  et  périls 
alors  que  les  Doui-Menia  n'avaient  pas  encore  commencé  à  se  soumettre, 


68  ZOUSFANA    —    GUIR    —    SAOURA 


DEUXIEME   PARTIE 


Dans  la  première  partie,  je  n'ai  fait  qu'eftleurer  diverses 
questions  qui,  communes  à  l'ensemble  du  pays,  m'auraient 
obligé  à  des  redites  pour  chaque  oasis  rencontrée  en  chemin. 
Je  vais  donc  les  grouper,  afin  de  compléter,  autant  que 
possible,  la  physionomie  de  ces  nouvelles  régions  que  nous 
avons  à  administrer,  à  protéger  et  à  améliorer. 


CLIMATOLOGIE 


La  climatologie  delà  région  d'Igli  présente  des  particularités 
curieuses  par  elles-mêmes  et  intéressantes  sans  doute  pour 
celle  des  Hauts-Plateaux  et  du  Tell  limitroplies,  si  comme  je 
crois  pouvoir  le  supposer,  elle  est  l'expression  générale  du 
climat  saharien  des  contrées  qui  s'étendent  au  Sud  de  l'Atlas, 
tant  au  Maroc  que  dans  la  province  d'Oran. 

Le  voisinage  relatif  de  l'Atlantique,  à  750  kilomètres  environ 
à  l'Ouest,  la  direction  générale  et  continue,  Nord-Sud  ou  appro- 
ximativement, des  crêtes  et  des  grandes  vallées,  ainsi  que  la 
constitution  et  les  formes  extérieures  du  sol,  sont  des  conditions 
communes  à  cette  vaste  région  qui  s'étend  du  pied  Sud  de 
l'Atlas  jusqu'au  Touat,  et  de  l'oued  Namous,  très  probablement, 
jusqu'aux  côtes  de  l'Atlantique. 

Igli,  placé  à  peu  près  au  centre  de  ce  quadrilatère,  sur 
l'artère  principale,  au  confluent  des  deux  oueds  les  plus 
importants,  semble  être  en  bonne  situation  pour  que  ses 
détails  climatériques  soient  la  moyenne  de  ceux  de  tout 
l'ensemble.  C'est  en  me  plaçant  à  ce  point  de  vue  qu'il  m'a 
paru  utile  de  noter  quelques  observations  pendant  une  année 
de  garnison  saharienne. 

Dans  les  saisons  autres  que  l'été,  le  Sahara  n'inllue  que  peu, 
ou  même  pas  du  tout  sur  la  température  du  Tell,  car  la  sienne 
propre  est  alors  sensiblement  la  même  que  celle  des  Hauts- 
Plateaux  ou  des  villes  du  Tell  à  une  altitude  égale  (600  à  800 
mètres)  ;  ce  serait  plutôt  le  climat  de  ces  dernières  régions  qui 


ZOUSFANA   —   GUIR 


69 


influerait  sur  celui  du  Sahara.  Il  est  à  remarquer  en  effet  que 
les  premières  chaleurs  du  Tell  surviennent  peu  après  les 
premiers  coups  de  sirocco  du  Sahara,  tandis  qu'au  Sahara,  les 
diminutions  successives  de  la  chaleur,  à  la  fin  de  l'été,  se 
produisent  après  les  premiers  orages  du  Tell  et  des  Hauts- 
Plateaux,  sans  qu'il  soit  besoin  d'orages  locaux. 

Dans  le  Tell  oranais,  les  orages  pluvieux  viennent  générale- 
ment du  Sud-Ouest  ;  dans  le  Sahai'a,  ils  viennent  le  plus 
souvent  du  Nord-Ouest  ;  il  serait  intéressant  de  rechercher  si 
les  hautes  montagnes  ('5,000  mètres),  qui  s'élèvent  au  Sud  de 
Marrakech,  ne  seraient  pas  leur  centre  de  formation. 

Les  altitudes  relevées  dans  les  vallées  de  la  Zousfana  et  de  la 
Saoura  vont  de  865  mètres  (Fendi)  à  un  peu  moins  de  400  mètres 
(au  Sud  de  Kerzaz),  mais  de  part  et  d'autre  il  y  a  des  dunes 
dans  l'Erg  et  des  «  gour  »  dans  la  hammada  plus  élevés  de  150 
à  200  mètres  ;  il  convient  donc  de  prendre  pour  altitudes 
extrêmes  1,200  mètres  et  000  mètres  au  moins.  On  se  figure 
généralement,  dans  le  public,  que  le  Sahara  oranais  est  à  une 
faible  altitude  et  présente  un  terrain  plat  ;  j'ai  partagé  moi- 
même  cette  illusion,  et  j'ai  été  tout  étonné  d'y  trouver  au 
contraire  des  altitudes  et  des  reliefs  aussi  importants.  Ces 
conditions  permettent  d'expliquer  les  différences  considérables 
de  température  qui  s'y  présentent,  puisqu'il  n'y  a  pas,  comme 
dans  le  Tell,  l'influence  des  pluies,  des  eaux  courantes  et  de  la 
proximité  de  la  mer. 
Voici  d'ailleurs  les  chiffres  que  j'ai  recueillis  : 


-1  901 

Janvier 

Février 

Mars  et  Avril 

Mai 

Juin 

Juillet 

Août 

Septembre 

Octobre 

-I  900 

Novembre  el  Décembre 


MAXIMA 

M I  N  I  M  A 

-^i«i_^ 

_»^ 



-. 

UtïBXS 

EÏFKIIPS 
peadaDt  le 

IOU\S 

EFFECTIFS 
peulail  le 

+  17 

+  22 

+    2 

-     8 

+  20 

+  25 

+    8 

+     I 

+  26 

+  35 

+  12 

+     G 

+  2S 

+  37 

+  18 

+  15 

+  35 

+  43 

+  26 

+  23 

+  43 

+  48 

+  20 

+  24 

+  41 

+  45 

+  28 

+  25 

+  3.3 

+  41 

+  21 

-h  16 

+  28 

+  34 

+  12 

+     S 

+  20 

+  25 

+  10 

+     4 

70  ZOUSFANA   —   GUIR   —   SAOURA 

Le  mois  le  plus  froid  est  par  suite  janvier,  le  plus  chaud 
est  juillet  ;  les  maxima  efïectifs  vont  de  +  -2  à  -f  48  et  les 
minima  effectifs  de  —  8  à  +  25.  La  grosse  chaleur  a  commencé 
brusquement  le  !«''  juin,  puis  après  deux  fléchissements 
passagers,  s'est  maintenue  régulièrement  jusqu'au  dessus  de 
40»  ;  c'est  le  5  septembre  seulement,  puis  le  12,  que  la 
deffervescence  est  apparue  d'une  façon  appréciable,  en  deux 
sautes  brusques,  tant  sur  les  maxima  que  sur  les  minima. 

Passons  aux  particularités  destinées  à  compléter  ces  chiffres. 

Vent.  —  La  direction  générale  des  vents  est  S.-E.  —  N.-O., 
parallèle  à  la  Saoura  et  aux  chaînons  de  la  hammada  ;  ceci  nous 
explique  la  direction  semblable  des  crêtes  sablonneuses  de  l'Erg. 

En  hiver  et  en  automne,  la  moyenne  est  entre  E.  et  S.-E.  ;  au 
printemps,  elle  se  rapproche  du  S.-E.  et  en  été  elle  est 
franchement  S.-E.  Les  vents  de  l'Ouest  et  du  Nord  sont 
l'exception  ;  ils  indiquent  toujours  des  perturbations  atmosphé- 
riques à  la  suite  desquelles  il  se  produira  un  ouragan  de  sable 
et  rarement,  mais  quelquefois,  de  la  pluie. 

En  été,  j'ai  pu  observer  un  phénomène  qui  se  réalisait  presque 
mathématiquement  pendant  les  journées  les  plus  chaudes.  Le 
matin,  le  vent  se  levait  léger  à  l'Est  ;  à  midi,  il  venait  plus 
fort  du  S.-E.  puis  du  Sud  ;  le  soir,  très  fort  du  S.  0.  après  le 
coucher  du  soleil,  il  revenait  alors  en  bourrasque  de  sable,  puis 
le  calme  s'établissait  presque  brusquement  et  quelques  heures 
après  le  vent  revenait  doucement  par  l'Est  ;  on  eût  dit  qu'il 
courai  t  toute  lajournée  après  le  soleil,  puis  que,  las  de  sa  course,  il 
revenait  le  soir  à  fond  de  train,  furieux  de  sa  déconvenue,  pour 
reprendre  position  dans  l'Est  en  vue  d'une  nouvelle  chasse  le 
lendemain.  Ceci  est  à  rapprocher  des  observations  faites  par 
M.  Angot  à  la  tour  Eiffel,  et  d'après  lesquelles  la  composante 
des  vents  serait  N.-S.  de  minuit  à  5  heures  du  soir  et  S,-N.  de 
5  heures  du  soir  à  minuit,  pendant  la  saison  chaude.  Dans  le 
Sahara,  ces  composantes  seraient  aux  mêmes  époques  S.-E.- 
N.-O.  de  minuit  à  5  heures  du  soir  et  N.-O. -S.-E.  de  5  heures 
du  soir  à  minuit  ;  c'est-à-dire  presque  en  sens  inverses  de  celles 
constatées  à  Paris. 

Le  vent  un  peu  fort  est  généralement  accompagné  de  sable 
tin  qui  est  très  aveuglant  parce  qu'il  arrive  horizontalement  en 
rasant  le  sol.  En  revanche,  quelques  gouttes- d'eau  fixent  le 
sable  et  la  poussière.  Les  tourbillons  de  sable  sont  extrême- 
ment fréquents  et  montent  souvent  h  une  très  grande  hauteur. 


ZOUSFANA   —   GUIR   —   SAOURA  71 

Etat  du  ciel.  —  En  hiver  et  jusqu'au  mois  de  juin,  puis  à 
p'.rtir  d'octobre,  le  ciel  est  rarement  nuageux;  il  y  a  des 
périodes  de  \ô  à  20  jours  pendant  lesquelles  on  n'aperçoit  ni 
nuage,  ni  la  plus  légère  brume.  De  juin  à  septembre,  au 
contraire,  le  ciel  est  rarement  pur,  surtout  au  lever  du  soleil; 
dans  la  soirée,  à  partir  de  3  heures,  le  soleil  est  presque  tou- 
jours masqué  et  la  chaleur  devient  suffocante.  A  Igli,  deux 
décès  sont  survenus  par  coup  de  chaleur  pendant  l'été  1901, 
ce  fut  chaque  fois  par  un  temps  semblable  :  l'heure  la  plus 
chaude  était  alors  5  heures  du  soir. 

A  signaler,  le  2-5  janvier  1901,  à  8  heures  du  soir,  un  ciel 
rouge  intense  en  même  temps  qu'un  immense  halo  entourant 
la  lune. 

Baromélrïe.  —  Dans  le  même  lieu,  le  baromètre  varie 
fréquemment  en  24  heures  sans  cause  apparente  ;  une  baisse 
brusque  et  un  peu  forte  annonce  généralement  un  fort  coup 
de  vent  Sud,  Sud-Ouest  ou  Ouest,  avec  poussière.  A  Igli,  les 
observations  de  six  mois  successifs  ont  présenté  un  écart 
maximum  de  12"""  au  même  point. 

Pluviométrie  et  hijgronométric.  —  En  janvier  1901  (nuit 
du  6  au  7),  il  y  a  eu  dans  la  région  deTaghit  une  pluie  torren- 
tiel le  venant  du  N.-(i.  et  qui  a  duré  environ  3  heures,  puis 
le  10,  une  autre  averse  légère.  Le  20  juin,  il  y  a  eu  à  IgU  une 
averse  assez  abondante  venant  du  N.-O.  à  la  suite  d'une  période 
de  chaleur  anormale  pour  l'époque  (43").  Enfin,  du  20  au 
24  août,  à  Igli,  des  gouttes  d'eau  sont  tombées  éparses  chaque 
soir  ou  dans  la  nuit  au  cours  d'orages  venant  du  N.-O.  C'est 
tout  ce  qu'il  est  tombé  d'eau  dans  ces  parages  d'octobre  1900 
à  octobre  1901.  A  Kerzaz,  on  n'a  pas  vu  de  pluie  de  1896  à 
fin  lyoï. 

D'octobre  à  mars,  il  y  a  eu  presque  chaque  nuit  une  rosée 
abondante  qui,  en  janvier,  a  donné  lieu  plusieurs  fois  à 
de  fortes  gelées  blanches. 

En  dehors  de  ses  rares  perturbations  l'air  reste  sec  en 
permanence,  sauf  aux  environs  immédiats  des  oasis  cultivées; 
à  Beni-Abbès,  par  exemple,  la  chaleur  est  souvent  humide  à 
cause  de  l'évaporation  du  sol  des  jardins  irriguées. 

Régime  des  cours  d'eau,  sources  et  puits.  —  La  Zousfana, 
le  Guir  et  la  Saoura  coulent  en  permanence  à  découvert  en 
certains  points  de  leur  parcours.  Il  y  a  relativement  peu  de 


72  ZOUSFANA    —    GUIR   —   SAOURA 

diflërence  entre  le  débit  de  l'hiver  et  celui  de  l'été;  toutefois, 
il  est  un  peu  plus  fort  en  hiver.  Là  où  le  lit  est  à  sec,  on 
trouve  souvent  l'eau  à  moins  de  10  mètres  de  profondeur. 

Les  crues  se  produisent  quelquefois  sans  le  secours  des  pluies 
locales.  A  la  suite  de  l'orage  du  6-7  janvier  1901  à  Taghit,  j'ai 
eu  l'occasion  de  voir  une  grosse  crue  de  la  Zousfana  ;  l'eau 
coulait  par  dessus  bords  et  la  crue  a  été  entretenue  pendant 
dix  jours  par  les  eaux  venues  du  Nord  ;  malgré  le  débit 
considérable  passé  à  Taghit,  l'eau  courante  s'est  arrêtée  à  Igli 
(62  kilomètres),  absorbée  en  route  par  le  sable  du  lit  de  la 
rivière.  A  la  même  date.  leGuir  a  eu  une  crue  semblable,  mais 
qui  a  dépassé  Igli,  et  est  allée  loin  dans  la  Saoura. 

J'ai  observé  une  autre  crue  du  Guir  assez  intéressante.  C'était 
au  mois  de  juin  de  la  même  année,  le  27  ;  des  orages  avaient 
éclaté  sur  le  Haut-Guir  le  20  ou  le  21,  sans  qu'aucune  goutte 
d'eau  fut  tombée  dans  la  région  d'Igli.  Le  27  au  matin,  j'ai 
constaté  que  le  Guir  était  monté  notablement  sans  que  sa 
limpidité  se  soit  modifiée.  Ayant  arrêté  mon  cheval  pour  le  faire 
boire,  j'ai  été  surpris  de  voir  l'animal  refuser  cette  eau  qui  était 
cependant  sa  boisson  habituelle  ;  en  même  temps,  je  découvrais 
des  quantités  de  petites  grenouilles  et  de  têtards  morts  sur  les 
bords  de  la  rivière.  Désirant  savoir  ce  que  cela  voulait  dire,  j'ai 
goûté  l'eau  ;  elle  était  abominablement  salée,  bien  qu'en  temps 
ordinaire  elle  ne  le  fut  que  légèrement.  L'explication  du 
phénomène  est  des  plus  simples  :  là  ou  le  Guir  ne  coule  pas  à 
la  surface,  le  lit  est  recouvert  de  dépôts  de  sel  ;  la  nappe 
souterraine  ayant  monté,  l'eau  s'est  mise  à  couler  en  ces  points 
et  a  dissous  le  sel  pour  aller  le  déposer  plus  loin,  et  les 
grenouilles,  trop  jeunes  ainsi  que  les  têtards,  n'ont  pas  pu 
supporter  ce  surcroit  de  salure.  Cette  crue  n'a  donc  pas  été  le 
résultat  d'eau  courante  venue  du  Nord,  la  nappe  s'est  contentée 
de  s'élever  au-dessus  du  lit  normal  et  on  comprend  alors  que  la 
limpidité  de  l'eau  n'ait  reçue  aucune  atteinte. 

Comme  pour  les  rivières,  le  niveau  de  la  nappe  des  puits  et 
des  rares  sources  varie  peu  de  l'été  à  l'hiver.  Toutes  les 
sources  sans  exception,  soit  directes,  soit  amenées  par  les 
«  feguaguir  »,  ainsi  que  la  grande  majorité  des  puits,  se 
trouvent  sur  la  rive  gauche  des  oueds,  à  partir  du  moment  où 
l'on  rencontre  l'Erg.  De  cette  particularité,  il  semble  résulter 
que  le  débit  général  des  eaux  y  est  entretenu,  ainsi  que  dans 
les  rivières,  par  des  infdtrations  souterraines,  l'eau  des  pluies 


étant  manifestement  insuffisante  pour  en  fournir  autant. 
En  outre,  il  faut  admettre  que  le  grand  réservoir  n'est  autre 
que  l'Erg,  et  cela  peut  se  comprendre  :  la  carcasse  fur  laquelle 
celui-ci  s'est  formé  était  primitivement  une  hammada  ou 
succession  de  plateaux  rocheux  ridés  par  des  vallées  parallèles 
à  l'oued  principal  ;  le  sable  a  comblé  indistinctement  le  tout, 
créant  des  vallées  au-dessus  des  crêtes  et  des  crêtes  au-dessus 
des  vallées  ;  les  anciennes  vallées  barrées  ont  constitué  des 
réservoirs  naturels,  recueillant  et  gardant  à  la  fois  les  eaux 
de  pluies  et  celles  venues  de  l'Atlas  par  les  grandes  artères 
souterraines.  Cette  eau,  après  un  filtrage  pareil,  est  d'une 
pureté  merveilleuse  quand  on  la  recueille  à  la  base  de  l'Erg. 
Celle  des  oueds  ou  des  puits  voisins  de  ceux-ci  se  corrompt 
au  contraire  très  vite,  parce  qu'elle  a  plus  ou  moins  baigné  des 
racines  de  tamarin  ;  elle  est  légèrement  saumàtre  et  lourde 
à  digérer. 

Electricité.  —  Bien  qu'en  temps  d'orage  l'air  soit  très 
chargé  d'électricité,  les  éclairs  et  surtout  le  tonnerre  sont 
rares.  Il  n'est  pas  d'ailleurs  nécessaire  que  le  ciel  soit  orageux 
pour  que  l'électricité  manifeste  sa  présence  à  haute  tension. 
Pendant  toutes  les  journées  chaudes  de  l'été,  j'ai  vu,  sur  des 
chevaux  non  exposés  au  vent,  les  crins  de  la  queue  et  de  la 
crinière  onduler  et  s'écarter  sous  la  seule  influence  de  la 
tension  électrique  de  l'air.  Nous-mêmes,  d'ailleurs,  sentions 
nos  nerfs  vivement  actionnés  par  le  fluide,  et  c'est  là 
certainement  une  des  causes  de  la  fatigue  qu'éprouve 
l'Européen  à  passer  un  été  au  '  Sahara,  parce  que  cette 
action  sur  le  corps  humain  est  presque  constante  pendant 
quatre  mois. 


ANIMAUX 


J.a  faune  est   peu   variée,  et  les  animaux  utiles   sont  en 
général  peu  nombreux. 

Oiseaux.  —  Parmi  les  oiseaux  sédentaires,  nous  trouvons 
seulemeat  :     alouette    grise,     moineau,    perdrix,    corbeau, 

bergeronnette   et   deux   ou  trois    espèces  de  petits    oiseaux 

chanteurs    qui    se    tiennent    aux    environs  des    oasis    ou 
des  redoutes. 


74  ZOUSFANA    —   6UIR    —   SAOURA 

La  perdrix  ne  dépasse  pas  les  oasis  d'Igli,  et  bien  que  peu 
chassée,  elle  ne  fructifie  pas.  Le  moineau  a  des  couleurs 
beaucoup  plus  vives  et  plus  foncées  que  celui  du  Tell. 
Les  corbeaux  vivent  en  tribu  autour  de  nos  postes  militaires 
pendant  toute  l'année  ;  les  chameaux  morts,  les  immondices 
et  les  dattes  leur  offrent  une  nourriture  plantureuse  ;  on  les 
voit  en  plein  été,  sur  le  sable  chauffé  à  6(1»,  sautiller  en  tenant 
le  bec  entr'ouvert.  Parmi  les  oiseaux  chanteurs,  il  en  est  un, 
fort  joli,  noir  taché  de  blanc,  peu  sauvage,  qui  chante  à  ravir 
sur  le  faîte  des  maisons,  avant  le  lever  et  après  le  coucher 
du  soleil. 

Quelques  aigles  «  charognards  »,  faucons  et  chouettes, 
constituent  la  famille  des  oiseaux  de  proie. 

Les  oiseaux  de  passage  sont  :  canards  de  plusieurs  espèces, 
sarcelles,  bécassines  et  bécasseaux,  pluviers  Isabelle,  gangas, 
macreuses,  cigognes,  grues,  ibis,  butors,  aigrettes,  tourterelles, 
merles  et  hirondelles. 

Il  ne  faudrait  pas  que  les  amateurs  de  chasse  s'illusionnent 
en  lisant  cette  énumération,  car  ce  n'est  ni  sur  la  Zousfana  ni 
sur  la  Saoura  qu'ils  trouveraient  souvent  à  faire  parler  la 
poudre  ;  il  y  vient  quelque  peu  de  ces  animaux,  mais  la 
plupart  restent  dans  le  Guir  moyen,  où  ils  trouvent  des 
marécages  plus  à  leur  convenance. 

Les  grands  passages  ont  lieu  en  février-mars  et  en  septembre» 
les  canards  de  l'espèce  dite  «  tadorne  »  nichent  et  il  en  est  qui 
restent  toute  l'année. 

Quadrupèdes. —  Les  quadrupèdes  vivant  à  l'état  sauvage 
sont  :  chacals,  hyène,  renard  bleu,  renard  argenté,  renard  de 
sable  appelé  dans  le  pays  «  fenek  »,  gazelle,  méha,  moullon, 
houach,  lièvre,  gerboise,  hérisson,  rat  ordinaire  et  rat  musqué, 
mulots  et  souris. 

Les  renards  fréquentent  particulièrement  les  rochers  qui 
bordent  les  oasis  ;  les  gazelles  se  trouvent  surtout  nombreuses 
dans  l'Erg  ;  en  été  elles  se  rapprochent  du  Guir  et  de  la 
Saoura  aux  points  où  elles  peuvent  trouver  de  l'eau  courante 
et  un  peu  de  verdure  fraîche,  elles  dévorent  les  petites  feuilles 
du  jujubier  sauvage  dans  les  vallées  voisines,  mais  n'osent 
pas  pénétrer  dans  les  jardins  où,  des  indigènes  sont  installés 
sous  la  tente  ;  on  les  voit  rarement  en  troupeau  de  plus  de 
cinq  à  six  ;  entre  cuir  et  chair  les  pauvres  bêtes  sont  dévorées 
par  d'énormes  poux,  principalement  sur  le  dos.   Les  lièvres 


ZOUSFANA   —    GUIR  —  SaOURA  75 

sont  petits,  leirr  teinte  fauve  est  plus  pâle  que  chez  ceux  du  Tell  ; 
plus  on  descend  dans  le  Sud,  plus  rares  ils  sont,  et  après 
Beni-Abbès,  on  n'en  voit  plus  trace  ;  à  Igli,  il  m'est  arrivé,  en 
été,  d'en  apercevoir  un  couché  sous  une  touffe,  vers  9  heures 
du  matin,  j'ai  pu  m'approcher  de  lui  et  le  prendre  à  la  main 
grâce  à  la  température  qui  dépassait  déjà  40  degrés. 

Si  ceux  de  ces  animaux  dont  la  chasse  serait  une  distraction 
agréable  sont  en  petit  nombre,  en  revanche,  les  mulots,  les 
rats  et  les  souris  pullulent  dans  les  ksour  et  déjà  dans  les 
redoutes  que  nous  venons  de  construire. 

Inseclea  et  analogues .  —  Les  mouches  ordinaires,  les  mou- 
cherons et  les  moustiques  se  montrent  surtout  au  printemps 
et  à  l'automne,  ces  animaux  sont  alors  en  grande  quantité  et 
rendent  la  vie  insupportable.  En  plein  été  et  au  cœur  de 
l'hiver,  leur  nombre  est  considérablement  réduit  mais  il  en 
reste  toujours  assez  pour  incommoder  les  gens.  Les  moustiques 
s'attaquent  surtout  aux  chevaux  et  les  laissent  peu  se  reposer 
pendant  la  nuit.  Les  mouches  de  cheval  et  les  taons  sont, 
ainsi  que  les  abeilles,  plutôt  rares. 

Les  fourmis  ne  présentent  que  peu  d'individus,  j'en  ai 
remarqué  trois  espèces  :  une  petite  brune,  qui  fréquente  les 
cuisines  et  les  salles  à  manger  ;  une  autre  longue,  énorme,  à 
marche  lente  dans  les  bas  fonds  humides  ;  enfin  une  troisième, 
moyenne,  au  dos  argenté,  solitaire  et  courant  sur  le  sable  avec 
une  grande  rapidité. 

Il  y  a  quelques  sauterelles  ordinaires,  jaunâtres,  à  ailerons 
rouges.  La  sauterelle  voyageuse  se  montre  fréquemment  en 
vols  considérables  et  s'abat  sur  les  oasis  ;  les  indigènes  les  en 
chassent  facilement  en  envoyant  dans  les  jardins  femmes  et 
enfants  qui,  à  l'aide  de  casseroles  font  un  bruit  assourdissant. 
Les  environs  d'Igli,  en  ont  été  couverts  en  particulier  les  18  et 
19  septembre  1901  ;  elles  venaient  du  N.-E.  et  ont  disparu 
vers  le  Sud  après  avoir  dévoré  les  feuilles  des  gommiers  de  la 
filaine  ;  beaucoup  étaient  venues  s'abattre  dans  la  redoute,  à  la 
grande  joie  de  nos  volailles  qui  en  ont  fait  de  plantureux  repas. 
Les  indigènes  du  pays  les  font  frire  dans  la  graisse  de  mouton 
ou  dans  l'huile  et  les  mangent  volontiers. 

Les  coléoptères,  les  araignées  de  murailles,  les  scolopendres 
et  les  tarentules  ne  sont  qu'en  petite  quantité  dans  l'Extrème- 
Sud,  ainsi  que  le  scorpion  noir  ou  jaune,  mais  leur  nombre 


76  ZOUSFANA  —   GUIR   —   SAOURA 

augmente  considérablement  dès  qu'on  s'approche  de  l'Atlas. 
J'ai  aperçu  dans  des  carcasses  de  chameau  en'  décomposition 
quelques  necrophores  aux  vives  couleurs. 

La  puce  n'existe  pas  du  tout  et  la  punaise  quoique  importée 
par  nous  ne  se  multiple  pas  ;  il  faut  s'en  réjouir,  car  il  est 
permis  de  se  demander  si  le  sommeil  de  l'homme  déjà  empêché 
par  tant  d'autres  causes  pourrait  sncore  supporter  ce  dernier 
assaut.  Les  quelques  papillons  que  l'on  voit  ont  de  brillantes 
couleurs  ;  dans  les  jardins,  existe  celui  dit  «  de  choux  ».  En  été, 
il  y  a  une  multitude  d'insectes  ailés  nocturnes  dont  quelques 
uns  sont  fort  jolis  ;  j'en  ai  remarqué  un,  en  particulier,  sorte 
de  libellule  portant  en  plus  de  ses  ailes,  deux  longs  appendices 
en  forme  de  plume  frisée  qu'elle  utilisait  comme  un  balancier; 
je  dois  dire  que  je  l'ai  vu  une  fois  seulement. 

Reptiles.  —  Comme  reptiles,  nous  voyons  quelques  espèces 
de  lézards  terrestres  dont  l'un  jaune-brun,  très  laid,  se  meut 
lourdement  sur  le  sol  ;  puis,  le  lézard  de  palmier  et  le  caméléon 
(rares);  la  vipère  commune  et  la  vipère  à  cornes  pénètrent 
assez  souvent  dans  les  habitations. 

Poissons.  —  Les  poissons  ne  sont  représentés  que  par  deux 
espèces  :  quelques  barbeaux  dans  les  trous  de  la  Saoura  à 
Beni-Abbès  et  à  Aguedal  ;  puis,  dans  le  Guir  aux  environs 
d'Igli,  un  tout  petit  poisson  comme  il  en  existe  dans  le  lac  du 
Kreider. 

Partout  où  il  y  a  de  l'eau  courante  on  trouve  en  grande 
quantité  des  crapauds  et  des  grenouilles  «  rainettes  »,  que  des 
amateurs  ont  déclarées  excellentes. 

Animaux  domestiques.  —  Les  animaux  domestiques  sont  : 
chameaux,  chèvres,  moutons,  bœufs,  ânes,  mules,  chevaux, 
chiens,  chats  et  poules. 

Les  chameaux  appartiennent  surtout  aux  Oulad  Djérir  et  aux 
Doui-Ménia,  quelques  uns  aux  Ghenanema.  Depuis  que  j'ai 
été  à  même  d'étudier  assez  longuement  le  chameau,  j'ai  cessé 
de  croire  à  la  légende  de  sa  sobriété.  On  se  figure  généralement, 
d'après  le  dicton,  que  cet  animal  est  capable  de  marcher  et  de 
porter  impunément  pendant  plusieurs  jours  sans  boire  ni 
manger.  Oui,  il  peut  se  passer  d'eau  pendant  trois  ou  quatre 
jours,  mais  à  la  condition  de  trouver  en  chemin  des  plantes  saha- 
riennes qui,  presque  toutes  très  acqueuses,  servent  à  ia  fois 
de  nourriture  et  de  boisson.  Essayez  d'entretenir  un  cliameau 


ZOUSFANA   —   GUIR   —   SAOURA  77 

exclusivement  et  pendant  le  même  temps  avec  des  matières 
sèches  telles  que  des  dattes  ou  de  l'orge  et  vous  le  verrez 
bientôt  tomber  si  l'eau  lui  manque.  D'autre  part,  examinez 
l'estomac  d'un  chameau  mort  et  vous  serez  stupéfié  en  voyant 
l'énorme  paquet  d'herbes  qu'il  renferme. 

Nos  convois  dans  l'Extrême -Sud  ont  perdu  beaucoup  de 
chameaux,  non  pas  seulement  à  cause  de  la  chaleur,  du  froid 
ou  du  surmenage,  mais  surtout  parce  que  marchant  en  carré 
pour  éviter  les  surprises,  ils  les  tenaient  enfermés  dans  un 
espace  trop  restreint  pour  qu'ils  puissent,  tout  en  marchant, 
happer  une  nourriture  suffisante.  Nous  les  chargions  habi- 
tuellement à  120  kilos,  rarement  à  140  kilos  et  seulement  pour 
les  denrées  s'équilibrant  bien,  tandis  que  les  indigènes  locaux 
les  chargent  à  plus  de  300  kilos,  mais  il  faut  remarquer  que  les 
petits  convois  de  ces  dei'niers  marchent  toute  la  journée,  tout  à 
leur  aise,  lentement,  broutant  en  chemin  et  ne  sont  pas  comme 
les  nôtres,  tenus  d'arriver  assez  tôt  à  l'étape  pour  permettre  à 
l'escorte  de  préparer  sa  propre  nourriture.  Le  chamelier  indi- 
gène se  contente  de  quelques  dattes  et  d'une  galette  qu'il 
porte  sur  lui,  tandis  qu'une  troupe  à  des  besoins  beaucoup  plus 
étendus. 

Nous  marchions  habituellement  à  la  vitesse  très  ralentie  de 
3  kilom.  500  à  l'heure,  afin  de  ne  pas  surmener  les  chameaux 
par  une  allure  supérieure  à  celle  dont  il  sont  coutumiers;  il 
n'était  pas  possible  de  faire  mieux  sans  danger  pour  la  santé  de 
nos  soldats  qui,  bien  qu'allégés,  voyaient  augmenter  sensible- 
ment le  temps  de  marche  pendant  lequel  ils  avaient  à  porder 
leur  c  barda  »  et  cela  à  une  allure  inusitée  et  plutôt  fatiguante 
pour  eux. 

D'autre  part,  puisque  le  chameau  ne  pouvait  pas  manger  en 
chemin,  il  fallait  bien  arriver  à  l'étape  assez  tôt  pour  qu'ils 
puissent  être  envoyés  au  pâturage  avant  la  nuit.  C'est  en  tenant 
compte  de  toutes  ces  obligations  contraires  que  la  vitesse  de 
marche  a  dû  être  fixée  au  chiffre  que  je  viens  d'indiquer. 

Le  chameau  est  certainement  l'animal  porteur  le  plus 
délicat  parmi  ceux  que  nous  employons  ici,  en  revanche,  il  est 
très  courageux  à  la  besogne  et  quand  il  se  laisse  tomber,  c'est 
qu'il  est  réellement  à  bout  de  résistance.  A  un  mulet,  à  un 
âne  qui  tombent  auisi,  il  suffit  souvent  d'un  repos  de  quelques 
jours  pour  être  remis  complètement  sur  pied  ;  pour  le  chameau, 
au  contraire,  c'est  presque  toujours  un  cas  mortel  à  bref  délai, 


78  ZOUSFANA  —   GUIR   —   SAOURA 

et  si  par  hasard,  il  s'en  tire,  il  lui  faudra  six  mois,  un  an  peut- 
être  de  bon  pâturage  sans  travail  pour  se  refaire. 

A  défaut  de  pâturages,  on  peut  nourrir  sufflsamment  le 
chameau,  au  repos  surtout,  avec  deux  ou  trois  kilogs  d'orge 
ou  de  dattes  dures,  mais  il  est  bon  d'y  ajouter  du  drimi,  pour 
augmenter  sinon  la  nutrition,  du  moins  le  volume  de  la 
nourriture,  et,  en  ce  cas,  l'animal  doit  boire  abondamment 
tous  les  jours.  Toutefois,  il  faut  lui  donner  une  éducation 
spéciale  pour  l'habituer  à  se  nourrir  de  dattes  ;  on  lui  broie 
d'abord  les  noyaux  pendant  quelque  temps,  puis  il  arrive  à  le 
faire  lui-même. 

Au  début  des  opérations  dans  la  Zousfana,  l'administration 
militaire  louait  chameliers  et  chameaux  à  un  prix  journalier 
déterminé  et  remboursait  la  valeur  des  chameaux  morts.  Les 
instincts  rapaces  de  l'arabe  n'ont  pas  tardé  à  leur  suggérer 
nombre  de  procédés  ingénieux  pour  obtenir  des  rembourse- 
ments illicites  ou  seulement  avantageux.  Par  exemple,  le 
chamelier  propriétaire  ou  non  des  chameaux  qu'il  conduisait 
ne  les  soignait  pas  ou  même  les  aidait  à  mourir  s'il  y  trouvait 
un  bénéfice  ;  il  lui  suffisait  de  les  sangler  fortement  un  peu 
en  arrière  de  la  vessie  ou  de  leur  donner  à  la  main  une  mau- 
vaise herbe  pour  atteindre  le  résultat  voulu. 

Ce- procédé  avait  encore  l'inconvénient  de  faciliter  la 
substitution  d'animaux  fatigués  à  des  animaux  sains  tout 
d'abord  acceptés,  de  nous  obliger  à  une  comptabilité  des  plus 
embrouillées  et  d'amener  des  contestations  interminables. 
Depuis  lors  on  a  coupé  court  à  tout  ces  abus  en  passant  avec 
les  caïds  des  conventions  forfaitaires  pour  les  services  à 
fournir  et  les  propriétaires  de  chameaux  n'ont  plus  intérêt  à 
envoyer  en  convoi  des  animaux  déjà  usés,  et  encore  moins  à 
laisser  négliger  et  à  faire  mourir  ceux  qui  marchent,  sachant 
que  la  perte  ne  leur  en  sera  plus  remboursée.  Les  résultats  de 
la  mise  en  pratique  démontrent  d'ailleurs  l'excellence  de  ce 
nouveau  mode  d'opérer  dans  lequel  les  propriétaires  trouvent 
encore  un  bénéfice  suffisamment  rémunérateur. 

La  chèvre  de  l'Extrême-Sud  est  semblable  à  celle  du  Tell, 
mais  nourrie  insuffisamment,  elle  ne  donne  que  peu  de  lait  ; 
j'ai  vu  là-bas  quelques  chèvres  espagnoles  plus  productives 
que  les  premières. 

11  y  a  deux  espèces  de  moutons,  le  mouton  ordinaire  du 
Tell,  puis  un  autre  plus  fort,  au  front  très  busqué  et  chez 


ZOUSFANA   —  GUIR   —    SAOURA  79 

lequel  la  laine  est  remplacée  par  du  poil.  La  castration  des 
béliers  est  peu  en  usage  et,  si  l'animal  n'est  pas  trop  vieux,  sa 
chair  ne  contracte  pas  de  ce  fait  un  goût  très  prononcé. 

Au  contraire  des  chameaux,  c'est  dans  la  hammada  que  les 
troupeaux  de  chèvres  et  de  moutons  trouvent  la  nourriture 
sèche  qui  leur  convient,  ne  craignant  pas  certaines  herbes  qui 
y  poussent  et  donne  la  mort  au  chameau.  A  Kerzaz,  j'ai  vu 
utiliser  les  graines  de  gommier  comme  alimentation  de  ces 
animaux.  Nous  avons  essayé  d'employer  de  même  les  dattes 
dures  ;  la  chèvre  les  mangeait  volontiers  eu  laissant  le  noyau, 
mais  le  mouton  ne  prenant  pas  cette  dernière  précaution 
mourait  bientôt  d'une  indigestion. 

Le  bœuf  et  la  vache  n'existent  qu'en  petit  nombre,  ceux  que 
nous  amenions  pour  nourrir  la  troupe  dépérissaient  bien  plus 
vite  que  les  moulons  si  on  ne  leur  donnait  pas  une  ration 
d'orge  de  un  kilog  au  moins. 

Les  poules,  seule  volaille  du  pays,  sont  petites,  toujours 
maigres  et  produisent  des  œufs  minuscules,  les  indigènes 
exigent  pour  ces  produits  des  prix  très  élevés,  2  francs  pour 
les  poules,  0  fr.  10  pour  les  œufs. 

On  compte  facilement  les  ânes  et  surtout  les  mules,  car  il  y 
en  a  peu,  relativement  aux  services  qu'ils  pourraient  rendre  ; 
cependant  depuis  que  nous  sommes  arrivés  leur  nombre 
s'étend  peu  à  peu,  grâce  à  l'argent  que  les  indigènes  ont  déjà 
tiré  de  nous  en  nous  vendant  leurs  produits.  Au  début, 
les  pièces  de  monnaie  étaient,  pour  la  plupart  de  gens,  chose 
inconnue  ;  lors  des  premiers  échanges,  ils  n'acceptaient  que 
celles  d'argent,  mais  ils  n'ont  pas  tardé  à  devenir  plus  confiants 
lorsqu'ils  ont  vu  que  nous  nous  établissions  définitivement  chez 
eux  et  que  cela  leur  procurait  des  bénéfices  importants.  Une 
assez  grande  quantité  de  nos  pièces  d'argent  disparaissaient 
de  la  circulation  en  passant  aux  creusets  des  bijoutiers  juifs. 

Le  cheval  est  un  animal  de  luxe  que  seuls  se  permettent 
quelques  personnages  des  ksour  et  les  guerriers  des  tribus 
nomades  ;  pour  le  nourrir,  il  faut  de  l'orge  et  jusqu'ici  l'orge 
coûtait  cher. 

Les  chiens  sont  plutùt  rares  dans  les  ksour,  les  nomades 
ont  quelques  «  slougui  ». 

Quelques  chats  possédés  par  les  habitants  sont  insuffisants 
pour  faire  la  guerre  aux  bandes  de  rongeurs  qui  infestent  les 
maisons  ;  on  les  prise  très  haut. 


GUIR    —    SAOURA 


PRODUCTIOiNS 


La  culture  se  fait  principalement  dans  les  jardins  de 
palmiers  et  parfois  dans  les  terrains  nus  au  fond  des  rivières, 
elle  se  borne  aux  produits  suivants:  Orge,  un  peu  de  blé  dur, 
sorgho  et  mais,  luzerne,  fèves  et  pois  chiches,  choux  fourragers, 
navets,  carottes  longues,  oignons,  quelques  tomates,  aubergines 
blanches,  concombres,  pastèques,  citrouilles,  melons,  piment 
fort,  safran,  henné,  et  un  peu  de  cotonnier. 

L'orge  est  semée  en  décembrs  ou  au  commencement  de 
janvier  et  récoltée  en  avril,  son  rendement  est  faible,  le  grain 
est  moyen  ;  cette  culture  est  alors  la  principale  et,  comme 
toutes  les  autres,  elle  comporte  l'irrigation. 

La  luzerne  devient  haute,  elle  m'a  paru  donner  un  rendement 
assez  abondant  aux  Beni-Goumi  où  on  la  trouve  surtout. 

Parmi  les  légumes,  les  navets  et  les  oignons  sont  les 
meilleurs. 

Le  melon  est  très  allongé,  mesurant  parfois  jusqu'à  0™  80, 
sa  chair  est  farineuse,  légèrement  musquée  et  peu  sucrée, 
c'est-à-dire  d'un  goût  médiocre  ;  les  indigènes  ont  d'ailleurs 
le  tort  de  planter  côte  à  côte  le  melon,  la  pastèque  et  la 
citrouille  et  ne  recueillent  ainsi  que  des  graines  dégénérées. 

Comme  arbres,  on  trouve  dans  les  jardins,  en  outre  du 
palmier,  le  figuier,  le  pêcher,  l'abricotier,  le  grenadier, 
quelques  cognassiers,  poiriers,  oliviers  et  mûriers  ;  des  pieds 
de  vignes  à  demi-sauvage,  enfin  du  tlaïa  cultivé  et  taillé  de 
façon  à  lui  faire  produire  des  perches  relativement  droites  et 
longues  de  5  à  6  mètres.  J'ai  vu  aussi  un  oranger  de  belle 
venue,  mais  non  gretïé.  Les  fruits  sont  en  général  petits  et 
ont  peu  de  saveur,  car  aucun  soin  n'est  donné  aux  arbres,  dont 
les  troncs  sont  étouffés  par  les  gourmands. 

Il  serait  possible  de  perfectionner  et  d'étendre  la  variété  des 
productions  en  introduisant  un  choix  raisonné  de  nos  procédés 
de  culture  et  de  nos  produits  du  Tell.  A  Taghit,  par  exemple, 
nous  avons  créé  des  jardins  potagers  militaires  où  nous  avons 
obtenu  salades,  pommes  de  terre,  choux  pommés,  choux-fieurs, 
carottes,  petits  pois,  haricots,  betteraves,  cresson  ordinaire  et 
cresson  alénois,  de  belles  tomates,  des  melons  exquis,  etc. . . 
11  y  aurait  lieu  d'encourager  par  des  récompenses  tous  travaux 


ZOUSFAXA   —    GUIR   —    SAOURA  81 

de  cette  nature  entrepris  par  les  officiers  dans  ces  régions,  car 
les  indigènes,  obligés  de  constater  l'infériorité  de  leurs  cultures 
amélioreront  celles-ci  en  faisant  comme  nous.  Pour  cela,  il 
nous  faut  les  aider,  en  leur  procurant  au  début  les  graines, 
boutures,  greffes,  etc...,  car  ils  ne  sauraient  où  s'adresser 
pour  les  obtenir.  A  Igli,  par  exemple,  nous  avons  donné  à 
quelques-uns  des  pommes  de  terre  à  planter,  et  au  mois  de  mai, 
il  en  a  été  vendu  sur  le  marché  installé  près  de  la  redoute  au 
prix  très  rénumérateur  de  0  fr.  50  le  kilog. 

Nous  avons  aussi  bouturé  diverses  essences  d'arbres  dont 
les  plants  nous  avaient  été  envoyés  par  le  bureau  arabe  d'Aïn- 
Sefra  et  par  la  garnison  du  Kheider  ;  on  peut  voir  maintenant 
s'élever  au  milieu  des  palmiers  de  Taghit  des  jeunes  pousses 
de  peupliers,  de  saule-pleureur,  d'olivier  de  chêne,  etc.. 
L'olivier  à  l'huile  vieiidrait  aussi  très  bien,  car  il  en  existe 
déjà  quelques  spécimens  sur  lesquels  j'ai  vu  de  belles  olives. 
D'autre  part,  il  est  évident-qu'on  ne- pourrait  pas  impunément 
accumuler  de  nouveaux  arbres  dans  les  oasis  ou  le  terrain 
cultivable  est  limité  ;  il  faudrait  se  contenter  de  remplacer  le 
médiocre  existant  par  un  mieux  relatif- 

De  ci,  de  là,  on  voit  dans  les  jardins  quelques  belles  touffes 
de  rosiers  de  mai  ;  c'est  le  seul  sacrifice  lait  à  l'agrément. 

Comme  dans  toutes  les  cultures  ksouriennes,  les  jardins  sont 
séparés  par  des  murs  en  terre  ou  par  des  palissades  élevées  au 
moyen  de  feuilles  de  palmier  piquées  dans  le  sol.  L'eau  des 
irrigations  est  prise  soit  dans  des  puits,  soit  aux  sources  qui, 
venant  de  l'Erg,  s'ouvrent  ou  Ont  été  amenées  sur  la  rive 
gauche  de  l'oued.  L'aménagement  de  tout  cela  mérite  une 
mention  particulière  car  il  est  le  même  dans  toutes  les  oasis, 
sauf  comme  nous  l'avons  vu  à  Igli,  ou  existe  un  modèle  de 
puits  tout  spécial.  Les  puits  sont  à  bascule  dite  a  khettara  », 
composée  d'un  long  et  lourd  balancier  appuyé  sur  une  traverse 
qui  réunit  les  sommets  de  deux  piliers  en  «  toub  »  ou  en  tronc 
de  palmier,  ils  ont  généralement  un  revêtement  intérieur  en 
gros  cailloux.  Il  existe  presque  autant  de  puits  que  de  jardins, 
leur  eau  tirée  au  moyen  de  corbeilles  tressées  est  déversée  dans 
un  conduit  formé  par  un  demi-tronc  de  palmier  et  dirigée 
ainsi  dans  des  rigoles  à  ciel  ouvert  ou  la  rapidité  du  puisage 
entretient  un  écoulement  permanent  pendant  l'arrosage. 

En  quelques  points  de  la  rive  gauche,  les  indigènes  ont  créé 
des  sources  en  y  amenant  l'eau  des  nappes  qui  s'étendent  sous 


6 


82  ZOUSFANA    —    GUIR   —    SAOURA 

la  dune  ;  c'est  le  système  do  la  «  foggara  ».  Il  comprend  un 
conduit  souterrain  reliant  les  fonds  d'une  ligne  de  puits 
creusés  entre  l'Erg  et  l'oued,  ces  puits  sont  à  une  vingtaine  de 
mètres  les  uns  des  autres,  ils  constituent  un  énorme  travail 
quand  la  dune  est  éloignée  de  la  rivière  à  plusieurs  kilomètres 
comme  à  Guerzim.  La  plupart  du  temps  il  ne  s'agit  pas  alors 
de  capter  et  d'amener  une  source,  ma's  bien  de  chercher  la 
nappe  et  de  la  conduire  en  plan  incliné  souterrain  jusqu'au 
point  voulu  ;  en  effet  on  ne  voit  que  peu  de  sources  jaillir 
directement  au  pied  de  l'Erg,  sauf  en  quelques  points  ou 
celui-ci  touche  la  rive  gauche  de  l'oued  principal. 


En  dehors  des  productions  artificielles,  il  y  a  peu  d'autres 
ressources  dans  le  pays.  Les  pâturages,  là  où  il  en  existe,  sont 
surtout  à  l'usage  des  chameaux,  sauf,  comme  je  l'ai  dit  déjà, 
dans  la  région  du  Guir  et  de  l'oued  Bou-Dib  où  ils  permettent 
aux  Doui-Menia  d'élever  convenablement  leurs  troupeaux  de 
chèvres  et  de  moutons.  Le  chameau  trouve  dans  la  Zousfana, 
dans  la  Saoura  et  dans  l'Erg  une  nourriture  sinon  abondante, 
du  moins  très  variée,  représentée  principalement  par  les 
plantes  suivantes,  dont  j'indique  l'apellation  locale  à  défaut  du 
nom  scientifique  :  guetaf,  alenda,  et  hdtt,  rlâ,  baguel, 
damrâne,  chira,  reums,  besbess,  bsiabsia,  nejem,  drim  et  diss. 
La  plupart  sont  privées  de  feuilles  proprement  dites  ;  sur  une 
tige  ligneuse,  sortent  des  excroissances  très  aqueuses  qui  les 
font  ressembler  à  des  plantes  grasses  ;  quelques-unes  sont  des 
graminées  ;  le  nejem  est  un  chiendent  à  pointes  aiguisées  qui 
croit  dans  les  bas-fonds  humides  et  dont  les  xîhevaux  sont 
particulièrement  triants. 

Dans  les  oueds,  on  trouve  assez  fréquemment  le  roseau  plat 


ôtted- 


ZOUSFANA    —    GUIR    —    SAOURA.  83 

et  court  ou  celui  rond  et  élevé,  le  jonc,  le  dissplat  et  un  gazon 
court  d'une  extrême  finesse. 

Presque  toutes  les  plantes  se  présentent  en  touffes  espacées 
ayant  leurs  racines  enfermées  dans  un  monticule  sablonneux 
ou  terreux. 

Dans  la  classe  des  arbres  ou  arbrisseaux,  nous  ne  voyons 
guère  que  le  tamarin  ordinaire  et  le  tlaïa  vivant  côte  à 
côte  dans  une  amitié  fraternelle  et  ayant  souvent  leurs  racines 
mêlées  dans  le  même  monticule,  le  gommier,  le  jujubier 
sauvage,  le  laurier  rose  et  le  câprier. 

Il  serait  facile  d'étendre  ia  production  du  tlaïa  par  bouturage 
et  celle  du  gommier  par  semis  ;  outre  les  galles  à  tanin  et 
la  gomme  excellente  qu'ils  donnent,  on  en  tirerait  encore 
le  bois  qui  manque  totalement  en  beaucoup  d'endroits  où  les 
indigènes  se  contentent  de  palmes  sèches  ou  de  palmiers 
morts  pour  faire  cuire  leurs  aliments. 

Toutes  les  plantes  sahariennes  à  l'état  sauvage  ont  une 
qualité  remarquable  :  leur  puissance  de  vitalité  et  une 
complaisance  inouïe  à  repousser  malgré  de  graves  mutilations, 
à  la  condition,  toutefois,  qu'on  nouvre  pas  trop  le  tertre 
protecteur  de  leurs  racines.  C'est  au  printemps  surtout  que  les 
plantes  se  remettent  à  pousser,  mais  il  en  est  beaucoup  qui 
continuent  à  produire  leur  verdure  même  pendant  les 
plus  fortes  chaleur.  Le  gommier,  qui  parait  mort  pendant  les 
six  premiers  mois  de  l'année,  donne  ses  premières  pousses 
d'un  beau  vert  clair  et  ses  fleurs  très  odorantes  au  mois 
de  juillet  seulement  ;  si  on  l'examine  alors,  on  voit  l'écorce 
des  branches  ou  du  tronc  bourgeonner  en  certains  points  et, 
là,  se  former  une  poche  extérieure  qui,  sous  une  enveloppe  de 
goumie  durcie  au  contact  de  l'air,  renferme  de  la  gomme  liquide; 
des  myriades  d'insectes  ailés,  mouches  vulgaires,  papillons, 
mouches  à  miel,  sauterelles,  etc.,  bourdonnent  dans  la 
frondaison,  attirés  par  le  suc  des  fleurs.  Le  tlaïa  fleurit  à  la 
même  époque  donnant,  comme  le  tamarin,  des  fleurs  en 
grappes  blanches  tirebouchonnées,  à  reflets  violacés,  et  dont 
l'odeur  fine  rappelle  celle  de  la  l'eine  des  prés.  Le  jujubier 
sauvage  se  présente  souvent  sous  forme  d'arbres  à  gj'os  tronc, 
mais  peu  élevés. 

Les  plantes  à  fleurs  sont  peu  nombreuses;  je  n'ai  l'encontré, 
en  outre  de  celles  déjà  citées,  que  quelques  chardons  à 
grandes  fleurs  d'un  beau  jaune  d'or,  des  orobanches  à  fleurs 


84 


rouges  brun  tigré,  du  «chou  sauvage»,  à  fleur  mauve  odorante, 
quelques  pâquerettes,  de  la  centaurée  et  (juelques  autres 
de  petites  dimensions.  Gela  s'explique  d'ailleurs  par  la  rareté 
des  pluies  et  par  le  peu  de  facilités  qu'ont  les  graines  pour 
germer  dans  des  terrains  que  la  moindre  coup  de  soleil 
dessèche  très  rapidement.  Sur  quelques  «  gour  »  de  la 
hammada  on  trouve  la  rose  de  Jéricho. 

Les  dattes  constituent  la  production  principale  des  oasis 
sahariennes  de  la  Zoustana  et  de  la  Saoura.  En  général,  elles 
sont  de  qualité  ti'ès  inférieure  à  celles  de  la  région  de  Biskra  ; 
c'est  à  peine  si  l'on  trouve  quelques  régimes  de  ces  dattes 
claires,  longues  et  transparentes  e.xportables  à  l'usage  des 
européens,  les  autres,  soit  dures,  soit  demi-molles,  sont 
néanmoins  agréables  au  goût  et  de  bonne  qualité  marchande 
pour  les  indigènes.  Les  premières  dattes  mûres  apparaissent 
en  fin  août,  mais  cette  espèce,  très  molle,  très  sucrée,  n'est 
pas  transportable,  car  elle  fermente  en  peti  de  temps.  C'est  en 
fin  septembre  qu'à  lieu  la  récolte  générale.  Les  palmiers 
atteignent  souvent  une  grande  hauteur  ;  à  Taghit,  j'en  ai 
mesuré  un  ayant  20  mètres.  Nous  pourrons  petit  à  petit 
améliorer  la  qualité  des  dattes  en  important  des  dattiers 
nouveaux. 


INDUSTRIE 


L'industrie  est  à  l'état  le  plus  rudimenlaire,  c'est  à  peine 
si  les  habitants  arrivent  à  fabriquer  quelques  objets  d'utilité 
première,  tels  que  Uidj  ustensiles  en  sparterie,  tapis  grossiers 
en  laine,  plats,  marmites  et  autres  en  terres  cuites.  Les  juifs 
installés  dans  les  ksour  fondent  l'or,  l'argent  et  l'élain  pour 
confectionner  des  bijoux  de  forme  souvent  originale,  ornés  de 
verroteries  de  couleur  qui  contrastent  étrangement  avec  les 
haillons  sales  et  sordides  ou  les  chevelures  incultes  qu'ils 
ornent.  Les  instruments  de  travail,  les  armeSj^  les  étoffes  sont 
achetés  au  Talilala  ou  aux  caravanes  qui  les  apportent  comme 
objets  d'échange. 


ZOUSFANA   —   GUIR   —   SAOURA  85 


COMMERCE 


J'ai  été  en  mauvaise  situation  pour  juger  de  l'imporlance 
des  relations  commerciales  à  rayon  étendu,  à  cause  du  trouble 
dans  lequel  nous  avons  trouvé  le  pays  ;  les  Oulad-Djeria  et  les 
Doui-Menia,  d'une  part,  non  soumis  encore,  indécis  sur  leur 
sort  futur,  et  mécontents  par  suite  de  nous  voir  installés  sur 
une  partie  de  leurs  territoires,  non  seulement  ne  prenaient 
aucune  part  aux  échanges,  mais  encore  faisaient  une  police 
destinée  à  barrer  la  route  à  ceux  des  leurs  qui  auraient  voulu 
tenter  de  commercer  avec  nos  postes.  D'autre  part,  les  menaces 
continuelles  des  Beraber  et  l'enlèvement  de  quelques  petites 
caravanes  sur  la  Saoura  n'étaient  pas  faits  pour  encourager 
les  tentatives  à  grande  distance.  Enfin,  l'autorité  supérieure 
avait  cru  devoir  aussi  supprimer  les  grandes  caravanes 
annuelles  des  Hamyan  et  des  Oulad-Sidi-Gheikh.  Le  pays 
soutTrait  de  cet  état  de  choses  au  point  que  les  ksouriens  ont 
eu  beaucoup  de  difficultés  à  se  procurer  l'orge  nécessaire  aux 
semailles  de  1900-1901,  bien  qu'il  possédassent  l'argent 
et  les  dattes  à  donner  en  échange.  On  pouvait  les  voir  là  où 
nous  avons  des  postes  militaires,  venir  trier  le  sable  sous  les 
pieds  de  nos  chevaux  ou  aux  emplacements  de  nos  troupeaux, 
pour  retirer  grain  à  grain  l'orge  perdue.  En  paiement  d'une 
charge  de  bois  ou  de  drinn  rapportée  péniblement  à  dos 
d'homme  ou,  pour  être  plus  vrai,  à  dos  de  femme  pendant 
plusieurs  kilomètres,  ils  préféraient  une  poignée  d'orge  à  une 
pièce  d'argent.  Celte  situation  n'a  pas  tardé  heureusement 
à  s'améliorer,  au  fur  et  à  mesure  de  la  soumission  de  fractions 
des  tribus  récalcitrantes  à  notre  domination.  Dès  le  mois  de 
février  1901,  des  petites  caravanes  sont  venues  de  Kenadsa, 
puis,  un  peu  plus  tard,  des  ksour  du  Guir  el  ont  apporté  du 
grain,  des  étoffes,  des  vêtements  tissés  et  tous  autres  objets  ou 
denrées  dont  les  ksouriens  avaient  été  privés  pendant  près 
d'un  an.  .le  ne  fais  pas  entrer  en  ligne  de  compte  les  convois 
de  marchandises  de  nos  mercantis  qui  avaient  surtout  pour 
but  de  commercer  avec  la  troupe;  cependant  les  habitants  du 
pays  ont  appris  à  s'y  fournir  de  diverses  marchandises:  sucre, 
café  et  quelques  étoffes  qu'ils  y  trouvent  à  assez  bon  compte 


86  ZOUSFANA    —    GUIR    —    SAOURA 

quoique  plus  cher  que  les  marchandises  analogues  venant  par 
le  Maroc.  Aux  caravanes  du  Tafilala,  nous  avons  pu  acheter 
des  armes  assez  belles,  en  particulier  des  pistolets  d'arron 
français  de  l'époque  de  Louis  XV  parfaitement  conservés  et 
qu'on  peut  s'étonner  de  voir  en  pareilles  mains. 

Il  me  semble  néanmoins  pouvoir  présenter  quelques  conclu" 
sions  au  sujet  des  relations  commerciales  possibles  dans 
l'avenir;  quand  notre  occupation  sera  complétée  par  la 
pacification  et  la  sécurité.  En  premier  lieu,  il  sera  nécessaire 
de  barrer  le  passage  aux  produits  anglais  et  allemands  qui. 
après  avoir  traversé  le  Maroc  dans  toute  sa  largeur,  arrivent 
sur  le  Guir,  la  Zousfana  et  la  Souara  à  des  prix  pouvant 
concurrencer  les  nôtres.  En  dehors  de  cette  entrave,  il  fau 
au  contraire  laisser  toute  latitude  à  l'entrée  chez  nous  des 
produits  locaux  du  Tafilala,  car  c'est  pour  nous  le  seul  moyen 
d'entretenir  des  relations  d'intérêts  avec  les  belliqueuses 
populations  qui  constituent  la  confédérafion  des  Beraber,  et 
d'espérer  ainsi  les  gagner  à  notre  cause  pour  le  jour  où 
s'ouvrira  la  «  question  marocaine  ».  Nous  leur  devons  d'ailleurs 
bien  cela  en  dédommagement  des  profits  qu'ils  tiraient  de  leurs 
rapines  au  Touat  et  au  Tidikelt  avant  notre  occupation  dans 
ces  contrées. 

11  est  à  supposer  que  l'argent  semé  par  nos  garnisons  dans 
le  pays,  incitera  nos  nouveaux  sujets  à  se  créer  et  par  suite  à 
satisfaire  des  besoins  inconnus  jusqu'à  ce  jour,  mais  ne 
comptons  pas  trop  là  dessus  pour  établir  un  courant  commercial 
d'une  certaine  importance,  d'abord  à  cause  du  petit  chifl're  de 
sa  population  (en  y  comprenant  même  celle  des  oasis  les  plus 
voisines,  du  Touat,  du  Tidikeld,  du  Timmi,  etc..)  puis 
aussi  parce  qu'il  faudra  du  temps  avant  que  ces  besoms  fussent 
créés.  Lescaravanesliabituellesetlesboutiquesde  nosmercantis 
suffiront  longtemps  à  salisfaires  aux  exigences  ;  c'est  dire  que 
seuls  quelques  privilégiés,  hardis  commerçants  et  fournisseurs 
des  marchands  installés  dans  nos  postes  militaires  profiteront 
des  quelques  bénéfices  à  retirer-. 

On  a  pu  s'étonner  que  l'organisation  du  port-franc  à  Aïn- 
Sefra,  pour  les  marchandises  transitées  dans  l'Extrème-Sud 
n'ait  pas  encore  donné  les  résultats  attendus.  Il  y  a  à  ce  fait 
deux  raisons  :  1°  Nos  commerçants  veulent  gagner  un  peu  trop  ; 
2  '  Les  produits  anglais  et  allemands  continuent  à  arriver  par 
Kenadsa  et  Taghit.  Personnellement,  j'ai  pu  acheter  à  des 


ZOUSFANA  —   GUIR    —   SAOURA  87 

caravanes  du  sucre,  du  thé,  etc..  à  bien  meilleur  compte  qu'à 
nos  mercantis.  Il  ne  faut  pas  chercher  ailleurs  les  causes  de 
l'insuccès  relatif  constaté  jusqu'en  ces  derniers  temps  et  c'est 
dans  ce  sens  qu'il  faut  y  remédier,  c'est-à-dire  en  barrant 
énergiquement  l'entrée  aux  produits  d'exportation  étrangère, 
mais  en  ne  permettantpasànosmaFchandsdel'Extrême  Sud  de 
réaliser  des  bénéfices  exhorbitants.  J'ai  vu  h  Igli,  un  fait  que 
je  crois  devoir  citer  à  l'appui  de  ma  thèse.  Le  prix  courant 
accepté  par  l'autorité  militaire  pour  la  vente  aux  troupes  du 
paquet  de  cigarettes  était  de  0  fr.  30,  alors  que  cet  objet  est 
acheté  en  gros  0  fr.  08  dans  le  Tell.  Un  arabe  en  ayant  apporté 
quelques  charges  de  Duveyrier  à  ses  risques  et  périls  à  voulu 
en  vendre  à  0  fr.  20  sur  le  marché  ;  les  marchands  européens 
d'Igli  ont  prétendu  l'ojjliger  à  vendre  à  0  f r  30  comme  eux  et 
sur  son  refus,  ont  failli  lui  faire  un  mauvais  parti.  J'ai  du 
intervenir  pour  faire  cesser  cette  odieuse  entrave  à  la 
concurrence  légale.  Ils  est  évident  que  ces  commeiçants  venus 
si  loin  risquer  leur  vie  et  peut-être  leur  argent,  condamnés  à 
vivre  là  sans  famille  et  à  subir  les  rigueurs  du  climat,  méritent 
d'y  faire  des  gains  plus  élevés  que  s'ils  étaient  instal'és  dans 
des  postes  moins  perdus,  mais  il  est  une  limite  à  laquelle  nous 
devons  les  arrêter  si  d'autre  part  nous  les  protégeons  contre 
la  concurrence  étrangère. 

L'administration  militaire  trouverait  facilement  et  à  bon 
compte  à  se  pourvoir  de  viande  fraîche,  d'orge  et  d'animaux  de 
transport  chez  les  Doui-Menia  dont  les  campements  sont  les 
plus  voisins  de  Taghit,  d'Igli  et  de  Beni-Abbès.  L'an  dernier, 
ces  tribus  ont  peu  semé  dans  le  Guir  où  elles  craignaient  à 
chaque  instant  de  voir  apparaîti-e  nos  colonnes  ;  mais  ayant  pu 
juger  déjà  des  profits  possibles,  elles  sèmeront  beaucoup  si  nous 
leur  promettons  des  achats  et  la  sécurité  de  leurs  cultures. 
Leurs  troupeaux  sont  en  général  en  bon  état  et  ils  donneraient 
à  nos  troupes  une  viande  saine  et  d'un  bon  rendement,  si 
l'administration  militaire  voulait  renoncer  à  l'emploi  hâtif 
d'intermédiaires  dont  le  but  est  de  s'enrichir  aux  dépens  du 
soldat.  Nous  nous  pi-essons  trop  d'instituer  des  fournisseurs  à 
la  ration  dans  les  contrées  nouvellement  acquises  où  la  sécurité 
et  les  communications  ne  sont  pas  encore  assises  ;  ceux  ci 
risquant  beaucoup  se  croient  d'autant  plus  autorisés  à  toutes  les 
tentatives  de  fraude  qu'ils  sont  souvent  des  gens  peu 
recommandables.    D'auli'e    part  si    nous   voulons  ouvrir    un 


88  ZOUSFANA    —   GUIR    —    SAOURA 

courant  d'achat  des  ressources  du  pays,  c'est  seulement  par 
l'inlermédiaire  de  l'administration  militaire  que  les  habitants 
prendront  confiance,  parce  qu'ils  sauront  devoir  être  payés 
intégralement  et  en  bonne  monnaie.  On  habituerait  ainsi 
l'indigène  à  amener  lui-même  ses  produits  et  c'est  alors 
seulement  que  des  fournisseurs  pourraient  être  appelés  à 
commercer  là  dessus  pour  la  nourriture   des  troupes. 

La  Saoura  est  le  chemin  le  plus  direct,  le  plus  facile  et  le 
mieux  fourni  en  eau,  bois  et  pâturages  pour  gagner  les  oasi3 
du  Touat  et  du  Timmi,  on  peut  admettre  que  dans  un  avenir 
peu  éloigné  c'est  par  là  que  se  fera  la  plus  grande  partie  des 
échanges  entre  le  Tell  et  ces  contrées.  J'ai  vu  déjà  passer  à 
Igli,  un  convoi  de  marchandises  envoyé  d'Aïn-Sefra  à  un 
commerçant  installé  dans  une  garnison  du  Timmi  ;  cette 
tentative  est  bien  un  peu  osée  dans  les  circonstances  actuelles 
mais  elle  prouve  que  les  gens  directement  intéressés  ont 
reconnu  d'eux-mêmes  les  avantages  qu'ofl're  celte  route. 

Quant  au  commerce  possible  avec  nos  possessions  du  centre 
africain  et  du  Soudan  occidental,  je  me  garderai  d'en  parler, 
la  question  sortant  du  cadre  que  j'ai  pu  étudier.  En  fait 
d'objets  venus  de  ces  contrées  jusqu'à  la  Saoura,  en  dehors 
des  esclaves,  je  n'ai  vu  que  quelques  plumes  et  œufs  d'autruche 
et  des  plats  en  bois  très  dur  en  forme  de  demi-sphère. 


ETHNOLOGIE 


Il  nous  faut  distinguer  parmi  les  habitants,  les  sédentaires 
ou  ksouriens  et  les  nomades,  sans  exagérer  toutefois  cette 
distinction,  car  bien  des  familles  appartenant  aux  nomades 
ne  bougent  presque  pas  du  ksar  ou  de  l'oasis  où  elles  ont  élu 
domicile.  Certaines oasistellesque  Igli,  Beni-Abbès,  Beni-Ikhlef 
et  Kerzaz  ne  renferment  que  des  sédentaires  complètement 
indépendants  de  tribus  nomades.  Au  contraire  celles  des  Beni- 
Gouuii,  de  Tamettert,  El-Ouata,  etc..  appartiennent  aux 
Doui-Menia  ou  aux  Ghenanema  qui  sont  nomades.  Néanmoins 
dans  les  unes  comme  dans  les  autres  on  trouve  trois  races  bien 
dilTérentes,  arabe,  berbère  et  nègre,  .le  crois  pouvoir  supposer 


ZOUSFANA   —   GUIR   —   SAOURA  89 

que  le  berbère  a  été  le  premier  occupant,  soit  qu'il  fut  déjà 
dans  le  pays  avant  l'invasion  arabe,  soit  qu'il  ne  s'y  fut  réfugié 
qu'à  cette  époque.  1,'arabe  l'y  aura  poursuivi  plus  tard,  l'en  aura 
chassé  en  partie,  et  aura  introduit  le  nègre  venant  du  Soudan 
et  aclieté  comme  esclave.  C'est  peut-être  du  berbère  et  du  nègre 
asservis  tous  deux  au  début  qu'est  né  le  «hartanic  au  teint 
bronzé,  qu'on  trouve  il  est  vrai  dans  tous  les  ksour,  mais  sur- 
tout dans  ceux  placés  sous  la  d-^pendance  des  arabes  nomades. 

La  langue  berbère  est  encore  très  répandue  dans  la  contrée, 
concurremment  avec  la  langue  arabe  ;  pour  certains  mots, 
elles  se  sont  même  fondues  aussi  bien  dans  le  langage  que 
dans  les  écrits,  ce  qui  en  rend  quelquefois  là  compréhension 
difficile  au.x:  nouveaux  venus  ne  connaissant  que  l'arabe. 
La  plupart  des  dénominations  géographiques  sont  en  berbère, 
c'est  cela  surtout  qui  me  fait  admettre  la  prioi'ité  de 
l'occupation  berbère. 

A  ces  trois  races,  s'ajoutent  les  quelques  juifs  marocains 
achetés  et  implantés  dans  quelques  ksour  où  ils  représentent 
l'élément  industiiel. 

Les  mœurs  et  les  coutumes  sont  peu  différentes  de  celles 
que  nous  connaissons  dans  les  régions  similaires  conquises 
précédemment  par  la  France.  Cependant  le  ksourien,  quoique 
de  caractère  doux  et  pacifique,  est  resté  courageux,  habitué 
qu'il  est  à  défendre  son  bien  contre  les  pillards  du  désert,  nous 
avons  pu  nous  en  convaincre  en  voyant  les  Béni  Ikhlef,  au 
nombre  de  200  environ,  avoir  la  prétention  de  résister  à  notre 
colonne  cinq  fois  plus  nombreuse. 

Les  nomades,  qu'ils  soient  Doui-Ménia,  Oulad-Djerir  ou 
Ghenanema  ont,  comme  leurs  semblables  des  Hauts-Plateaux, 
des  instincts  de  pillage,  de  cruauté  guerrière  et  de  dissi- 
mulation, qui  ne  demanderaient  qu'à  se  montrer  vis-à-vis  de 
nous  et  dont  nous  ferons  bien  de  toujours  nous  méfier. 
J'ai  pu  constater  personnellement,  en  maintes  circonstances, 
combien  ces  nouveaux  sujets  malgré  leur  soumission, 
afiectent  de  mépris  pour  nous  et  pour  nos  troupes  indigènes  ; 
le  lien  qui  les  rattache  à  nous  est  encore  peu  solide  ; 
il  nous  faudra  une  main  très  ferme,  quoique  bienveillante, 
pour  l'empêcher  de  se  rompre  à  la  première  occasion. 

La  question  de  l'esclavage  sera  une  des  plus  délicates  pour 
être  résolue  doucement  et  dans  le  sens  humanitaire  que  nous 
impose  la  convention  internationale. 


90  ZOUSFANA   —   GUIR   —   SAOURA 

Depuis  leur  arrivée  dans  la  contrée,  les  arabes  possèdent 
des  esclaves,  mais  ils  les  traitent  généralement  avec  douceur, 
sauf  en  cas  de  faute  très  grave  qu'ils  répriment  par  la 
bastonnade,  et  quelquefois,  mais  rarement,  par  les  mutilations. 

La  religion  musulmane  est  en  général  bien  observée,  mais 
tout  naturellement  et  sans  fanatisme.  Les  marabouts  locaux 
sont  entourés  d'un  grand  respect,  sans  que  leur  influence,  du 
moins  sur  les  nomades,  soit  excessive  ;  néanmoins,  notre 
politique  doit  tendre  à  les  avoir  toujours  pour  nous,  car  c'est 
surtout  grâce  à  eux  que  nous  avons  pu  prolonger  pacifiquement 
et  aussi  loin,  notre  domination  vers  le  Sud  oranais. 

La  femme  n'est  pas  mieux  traitée  qu'ailleurs  ;  elle  est 
considérée,  là  aussi,  comme  un  être  inférieur,  bon  tout  au 
plus  à  la  matérialité  du  plaisir  des  sens  ;  chargée  de  la 
besogne  intérieure  de  la  maison  ou  de  la  tente,  c'est  elle 
encore  qui  va  chercher  l'eau  dans  des  outres  en  terre  cuite 
beaucoup  trop  lourdes  pour  ses  épaulés  et  les  charges  de 
bois  qui  l'écrasent  encore  plus.  Ses  vêtements  se  réduisent  à 
quelques  haillons  dont  elle  drape  son  corps,  et  qu'elle  recouvre 
d'une  étoffe  bleue  semblable  à  celle  qu'a  la  Vierge  sur  les 
tableaux  bibliques.  Elle  a  la  tête  nue  et  embroussaillée  de 
cheveux  teints  au  henné.  C'est  elle  aussi  qui  lave  le  linge  sans 
savon,  à  l'aide  d'une  marne  bleuâtre  qui  en  tient  lieu. 

Les  enfants  sont  à  peine  vêtus,  même  par  les  grands  froids 
du  matin  ;  ils  attendent  alors  le  soleil  pour  se  réchauffer  à  ses 
rayons  sur  les  terrasses  des  maisons. 

Dans  les  cimetières,  on  voit  fréquemment  des  poteries 
ébréchées  ou  entassées  en  débris  sur  les  tombes  ;  c'est  une 
marque  qui  permet  aux  vivants  de  reconnaître  les  tombes  de 
leurs  morts  déjà  indiquées  comme  dans  le  Tell,  par  des 
pierres  placées  debout  à  la  tèle  et  aux  pieds. 


MALADIE  DU  PAYS 


Comme  toutes  les  contrées  à  climat  chaud  et  sec  et  éloignés 
de  notre  civilisation,  le  Sahara  oranais  est  très  sain.  La  fièvre 
paludéenne  ne  règne  que  dans  les  ksour  bâtis  au  centre  des 
oasis,  au  milieu  des  cultures,  et  la  encore,  elle  ne  semble  pas 


ZOUSFANA  —   GUIR   —   SAOURA  01 

faire  de  nombreuses  victimes.  La  seule  maladie  qui  tasse  des 
ravages  sérieux  est  la  petite  vérole,  dont  la  plupart  des  ksouriens 
portent  les  marques.  Nos  médecins  militaires  se  sont  déjà  mis 
à  l'oeuvre  pour  prévenir  les  épidémies  en  vaccinant  des  enfants 
encore  indemnes,  et  chose  remarquable  chez  des  peuplades 
aussi  peu  au  courant  de  nos  mœurs,  celte  mesure,  au  lieu  de 
rencontrer  des  diflicultés,  a  plutôt  été  acceptée  avec  empres- 
sement ;  tout  en  tenant  compte  des  enseignements  que  nos 
soldats  indigènes  ont  pu  répandre  à  cet  égard,  ce  fait  semble 
indiquer  nettement  combien  est  grande  la  crainte  qu'inspire 
cette  maladie. 

La  teigne  faveuse  est  une  atfection  presque  généralisée  sur 
la  population  mâle;  nos  médecins  s'en  sont  aussi  occupés  et 
n'ont  pas  craint  de  neUoyer  eux-mêmes  de  nombreuses  têtes 
d'enfants  à  l'aspect  repoussant;  si  les  femmes  en  sont  moins 
atteintes,  c'est  sans  doute  parce  que  leur  chevelure  est  plus 
souvent  désinfectée  par  la  teinture  au  henné. 

La  syphilis  est  encore  peu  répandue,  mais  elle  existe.  Les 
ophtalmies  sont  fréquentes  en  été,  grâce  aux  poussières 
malpropres  qui  encombrent  les  ruelles  et  les  alentours  des 
ksour,  au  peu  de  soin  de  propreté  corporelle  des  habitants  et 
aux  mouches  qui  propagent  le  mal  surtout  sur  les  enfants. 

Telles  sont  les  maladies  qui  atteignent  l'indigène  du  pays  ; 
saut  la  petite  vérole,  elles  sont  peu  graves,  aussi  la  mortalité 
est-elle  normale  et  les  cas  d'extrême  longévité  fréquents. 

Nous  avons  eu  dans  nos  troupes  quelques  cas  de  fièvre 
typhoïde  spontanée,  mais  ils  n'ont  déterminé  la  mort  que  lors- 
que des  complications  due  à  une  alfection  organique  antérieure 
sont  survenues.  En  revanche,  beaucoup  d'hommes,  européens 
comme  indigènes,  ont  été  atteints  d'embarras  gastriques  fébriles 
plus  ou  moins  graves,  résultant  de  la  fatigue,  -de  l'extrême 
chaleur  jointe  à  une  nourriture  échauflante  et  peut-être  aussi 
de  la  nostalgie.  A  d'autres  points  de  vue,  l'état  sanitaire  est 
resté  aussi  bon,  sinon  meilleur  que  dans  le  Tell.  A  Igli.  j'ai  pu 
remarquer  avec  quelle  facilité  la  moindre  lésion  de  la  peau 
s'envenimait  et  provoquait  dans  son  voisinage  une  éruption  de 
furoncles  successifs  dont  on  avait  beaucoup  de  peine  à  se 
débarrasser.  Nous  avons  du,  l'an  dernier,  alors  que  nos  soldats 
se  blessaient  assez  souvent  en  construisant  les  locaux  de  la 
redoute,  mettre  à  leur  disposition  des  solutions  de  sublimé 
avec  lesquels  ils  nettoyaient  eux  mêmes  toute  écorchure  dés 


92  ZOUSFANA    —   GUIR   —   SAOURA 

qu'elle  se  produisait.  Un  mallieureux,  simplement  piqué  à  un 
doigt  par  une  pointe  de  di-inn  est  mort  en  quelques  jours  d'un 
phlegmon  survenu. 

Le  grand  agent  désinfectant  est  le  soleil  ;  c'est  certainement 
grâce  à  lui  que  la  malpropreté  habituelle  des  habitants,  ne 
devient  pas  pour  eux  un  foyer  de  mort. 

Lorsque  nous  aurons  introduit  l'usage  de  la  chaux  pour 
blanchir  les  murailles  intérieures  et  extérieures  des  maisons, 
puis  établi  la  vaccine  sur  une  plus  large  échelle,  nous  contri- 
buerons ainsi  pour  notre  part  à  augmenter  encore  les  conditions 
de  salubrité  des  oasis. 


REMARQUES  TOPOGRAPIIIQUES 


Les  formes  actuelles  du  terrain  dans  la  région  sont  le  résultat 
de  deux  actions  très  intenses  :  1»  dissication  par  le  soleil  qui  a 
mis  à  nu  presque  partout  la  carcasse  rocheuse  en  divisant  la 
couche  de  terre  en  poussière  que  les  vents  ont  emportée  ; 
2"  les  vents  du  Sud-Est  qui,  amenant  le  sable  de  loin,  forment 
en  certains  points  des  dépôts,  petits  d'abord,  puis  qui 
grandissent  et  deviennent  des  dunes  plus  ou  moins  serrées  et 
d'altitude  variable.  L'eau  qui  tombe  si  rarement,  ne  fait 
sentir  son  influence  que  dans  le  lit  même  des  grands  oueds, 
par  les  apports  de  boue  des  crues  importantes. 

En  aucune  contrée,  je  crois,  on  ne  peut  mieux  constater  la 
marche  incessante  des  sables  vers  l'Ouest,  l'Erg  borde 
immédiatement  presque  toute  la  rive  gauche  du  long  sillon 
creusé  par  la  Zousfana  et  par  la  Saoura  ;  en  face,  sur  la 
hammada  de  l'autre  rive,  on  voit  déjà,  non  seulement  des 
taches  de  sable,  mais  même  des  dunes  assez  importantes  qui 
continuent  à  s'étendre  tous  les  jours  ;  le  sable  y  a,  en  de 
nombreux  points,  remplacé  la  couche  primitive  de  terre, 
remplissant  tout  au  moins  les  interstices  des  roches  et  des 
cailloux  épars.  La  vallée  voit  donc  ses  bords  se  rapprocher 
peu  à  peu,  malgré  les  crues  qui  de  temps  à  autre  nivellent  les 
rides  sablonneuses  déposées  dans  son  ht.  On  peut  même  se 
demander  si  un  jour,  elle  ne  sera  pas  barrée,  puis  comblée 


ZOUSFAXA    —    GUIR   —   SAOURA  93 

entièrement  par  l'avancement  continu  de  l'Erg,  car  en  certain 
points,  tels  que  :  Taghit,  Bakhti,  Zaouia-Tahtnina,  Tamettert, 
défilé  de  Kerzaz,  il  ne  reste  plus  qu'une  faible  distance  entre 
l'Erg  et  la  liammada  ;  cela  est  d'autant  plus  à  craindre  qu'en 
ces  mêmes  points,  les  jardins  de  palmiers  constituent 
précisément  un  obstacle  favorable  à  l'accumulation  du  sable 
charrié  par  le  vent. 

Jusqu'à  ce  jour,  les  indigènes  n'ont  guère  essayé  de  lutter 
contre  l'envahissement  de  leurs  oasis,  ils  se  sont  contentés 
d'élevei'  des  murs  ou  des  palissades  et  lorsque  les  buttes  de 
sable  formées  à  lextérieur  de  ces  barrières  les  ont  franchies 
pour  pénétrer  par  trop  dans  leurs  jardins,  ils  ont  abandonné 
ceux-ci  pour  aller  cultiver  un  peu  plus  loin  des  terrains  encore 
indemnes.  C'est  ainsi  qu'on  peut  expliquer  la  continuité  relative 
des  oasis  à  partir  d'El-Ouata,  et  non  par  une  ancienne 
prospérité,  car  celle-ci  supposerait  un  nombre  de  bras  et  par 
suite  une  population  qui  ne  semble  d'autre  part  avoir  jamais 
été  très  supérieure  au  chiffre  actuel  Dans  les  jardins  de  Taghit, 
les  indigènes  ont  essayé  le  procédé  suivant  qui  pourrait  donner 
des  résultats  s'il  était  employé  partout  et  suivi  avec  soin  :  un 
mur  de  2  mètres  environ  de  liauteur  borde  la  lisière  Est  des 
jardins  les  plus  voisins  de  l'Erg  ;  des  ouvertures  carrées  de 
0""  30  de  côté  sont  ménagées  au  pied  du  mur  tous  les  2  ou  3 
mètres,  le  sable  au  lieu  de  former  une  butte  continue  derrière 
l'obstacle,  entre  par  ces  ouvertures  et  forme  à  chaque  débouché 
intérieur  un  petit  tas  facile  à  enlever  de  temps  en  temps.  Ce 
moyen  n'est  pas  évidemment  le  remède  radical,  mais  il 
permettrait  tout  au  moins  de  conserver  les  jardins  jusqu'au 
moment  où  l'Erg  sera  à  telle  proximité  qu'il  faudra  les 
abandonner  sans  espoir.  A  El-Ouata,  ou  toute  la  partie  Sud  de 
l'oasis  est  déjà  envahie  par  de  hautes  dunes,  les  indigènes 
conservent  quelques  palmiers  en  entretenant  un  entonnoir  à 
leur  pied,  ce  moyen  est,  ni"a-t-on  dit,  celui  qu'emploient  aussi 
les  gens  du  Toiiat  dont  le  principal  travail  consiste  à  transporter 
le  sable  au  dehors  au  fur  et  à  mesure  qu'il  vient  combler  ces 
entonnoirs. 

En  examinant  le  croquis  d'itinéraire,  mis  à  l'appui  de 
la  première  partie  de  cette  étude,  on  a  sans  doute  remarqué 
que  la  plupart  des  oasis  de  la  Saoura  se  trouvent  dans  les 
boucles  de  la  rivière  dirigées  vers  l'Est.  A  cela,  il  y  a  une 
première  raison  majeure,  c'est  que  la  Saoura  y  coule  généra- 


94  ZOUSFANA  —    GUIR    ^   SAOURA 

Jement  à  la  surface  du  liL  et  que  pai'  suite  l'eau  y  est  à  la 
moindre  profondeur  dans  les  puits  voisins  du  lit.  Il  en  existe 
une  seconde  :  l'abri  que  les  plantations  y  trouvent  contre  le 
sable  ;  si  bizarre,  en  effet,  que  cela  paraisse,  ces  cirques  plus 
rapprochés  de  l'Erg  que  ceux  dont  la  convexité  est  tournée 
vers  l'Ouest,  sont  moins  exposés  à  l'ensablement  sinon  direct 
par  l'approche  successive  de  la  dune,  du  moins  par  les  apports 
du  vent.  Il  est  à  supposer  que  sous  l'action  des  vents  violents 
de  l'Est  et  du  Sud-Est  le  sable  enlevé  aux  crêtes  de  l'Erg  passe 
en  trajectoire  au-dessus  du  cirque  avant  de  perdre  sa  vitesse  ; 
cependant,  quand  les  plantations  de  pahniei's  dépassent  la 
branche  Sud  de  la  boucle,  comme  à  Ouata,  elles  sont  les 
premières  à  subir  l'ensablement,  par  manque  d'un  masque 
protecteur  suffisamment  élevé.  Au  contraire,  les  oasis  situées 
assez  loin  de  l'Erg,  Guerzim,  par  exemple,  sont  les  plus 
atteintes  par  le  sable  que  le  vent  charrie.  Le  moindre  obstacle 
situé  sur  le  sol,  plante  toulî'ue  à  la  base,  roc  isolé,  carcasse  de 
chameau  même,  est  susceptible  de  former  la  base  d'une  dune 
future  ;  j'ai  pu  observer  cela  même  sur  des  plateaux  élevés 
très  balayés  par  le  vent.  C'est  bien  pis  encore  quand  se 
trouve  au  milieu  de  la  vallée  une  oasis  pourvue  de  grands 
arbres  au  pied  desquels  les  indigènes  laissent  pousser  des 
rejetons  en  grosées  touifes.  Le  remède  serait  peut-être  en  ces 
points  de  laisser,  au  contraire,  le  passage  libre  au  vent,  en  n'y 
entretenant  que  des  palmiers  bien  dégarnis  à  la  base,  à 
l'exclusion  de  toute  autre  culture. 

On  a  pu  remarquer  aussi  que  toutes  les  plantations  de 
palmiers  sont  sur  la  rive  gauche  des  oueds,  rarement  sur  la 
rive  droite;  c'est  parce  que  les  puits  y  sont  alimentés  parla 
nappe  souterraine  de  l'Erg  tout  autant  que  par  celle  de  la 
rivière. 

Dans  l'Erg,  les  hautes  dunes  subissent  quelques  déformations 
à  la  suite  des  ouragans  d'une  certaine  durée;  les  sommets  se 
déplacent  quelque  peu,  les  «  siouf  »  déplacent  leur  crête,  mais 
il  faut  une  longue  observation  pour  constater  des  modilications 
sérieuses  ;  le  seul  phénomène  très  appréciable  en  un  an 
seulement,  c'est  l'avancement  de  l'Erg  vers  l'Ouest. 


GUIR    —    SAOURA 


ORGANISATION  ADMINISTRATIVE 


Les  oasis  de  la  Zousfana  et  de  la  Saoura  sont  actuellement 
administrées  par  deux  annexes  des  Affaires  indigènes,  l'une 
dite  de  la  «  Zousfana  »  comprend  les  oasis  des  Beni-Goumi, 
Igli,  Mazzert  et  les  fractions  soumises  des  Doui-Menia:  l'autre 
dite  «  de  Béni  Abbès  »,  comprend  toutes  les  autres  oasis  de  la 
Saoura  depuis  Mazzert  jusqu'au  Touat. 

La  tâche  des  officiers  chargés  de  cette  administration  est  des 
plus  délicates,  car  les  territoires  sont  très  étendus  et  les  droits 
acquis  par  les  différentes  fractions  constituent  un  obstacle  à 
la  fusion  nécessaire  à  une  bonne  administration.  La  propriété 
par  exemple,  est  très  divisée,  confuse  et  sujette  à  de  nom- 
breuses contestations  soit  d'une  oasis  à  l'autre,  soit  entre 
indigènes  de  la  même  oasis;  sa  constitution  définitive  pour 
l'établissement  des  bases  de  l'impôt  demandera  un  gros  travail. 

L'autorité  militaire  a  établi  des  caïds  et  choisi  les  notables  des 
djemâa,  c'est-à-dire  organisé  le  pays  selon  les  usages  en  vigueur 
en  territoire  militaire  d'Algérie  ;  il  reste  encore  beaucoup  à 
faire  évidemment,  mais  il  n'est  nul  besoin  de  se  presser;  il 
vaudra  mieux  même  agir  avec  prudence  si  nous  voulons  voir 
notre  domination  acceptée  sans  contrainte  par  une  progression 
successive  des  obligations  imposées. 

Je  ne  dirai  rien  de  l'occupation  militaire,  dont  le  régime 
n'est  pas  encore  définitivement  établi  et  qui  est  d'ailleurs 
subordonnée  aux  résultats  des  pourparlers  en  cours  entre  la 
France  et  le  Maroc. 


APPRECIATION  GÉNÉRALE  sur  LE  PAYS 


En  quelques  mots,  je  résume  l'appréciation  générale  que  je 
crois  pouvoir  émettre  sur  notre  nouvelle  acquisition  :  pays 
n'offrant  par  lui-même  qu'une  valeur  médiocre,  au  point  de 
vue  des  avantages  commerciaux  ou  industriels,  à  moins  que 


96  ZOUSFANA  —   GUIR   —   SAOURA 

nous  rétendions  jusqu'au  cours  du  Guir,  afin  d'entrer  en 
relations  directes  avec  les  peuplades  habitant  le  versant  Sud 
de  l'Atlas  marocain.  Pour  l'instant,  il  ne  constitue  qu'une 
ligne  de  communications  faciles  entre  le  Tell  et  les  oasis 
du  Touat,  du  Tidikelt  et  du  Timmi,  et  cela  seul  peut  suffire  à 
justifier  sa  prise  de  possession,  si,  d'autre  part,  les  dépenses 
d'occupation  restent  en  dessous  des  Ijénéfices  supposés.  Yoilà 
le  côté  utilitaire  ! 

On  peut  en  envisager  un  autre,  celui  du  progrès  humani- 
taire dont  la  France  a  toujours  été  le  champion  ;  nous  venons 
de  faire  un  grand  pas  vers  les  mystérieuses  et  sauvages 
régions  Sud  marocaines  à  peine  entrevues  par  quelques  hardis 
explorateurs  ;  c'est  peut  être  à  nous  que  reviendra  l'honneur 
de  les  conquérir  plus  tard  à  la  civilisation,  tout  en  préparant 
pacifiquement  notre  accès  futur  au  Tell  marocain  dont  elles 
constituent  la  véritable  citadelle.  Si  ce  n'est  pas  tout  à  fait 
«  attaquer  le  taureau  par  les  cornes  »,  ce  sera  du  moins 
0  user  les  cornes  du  taureau  pour  le  laisser  sans  défense.  » 


Capitaine  DUVAUX. 


r 


Plan  ch  e  1 
JUnomipe    de  l]arei/7-'i&'  dTaokiL. 


Biivemer 


ligUL^ 


'/  ïi 


f)aU  tl  H" 


1   000. 000 


• 


Planche  II  '^W 

J.llnerjira  cjc  Taahih  a  [ait  et  rà/ton  diiOiiiv 


Planche  III  A 

Jlinéi-Jirv  d'J^li-Ksar'  a  Tafdai'L^ 


^V ! (0"'0IJ,,nrf'.) 


Planche  IV  ^^ 


(jrueP3- 


Planche  V  ^^ 

Jdnérain-  .l'fs  0„lad  imKhada  â Kp^clL. 


^NjîKs   Kî&ba.t> 


ûULiv.  ^         („~«,y. 1."') 


m 


^ 

^ 


NÉCROLOGIE 


JUSTIN  POUYANNE 


L'Algérie  vient  d'ètro  frappée  dans  la  mort  de  l'un  des 
ionctionnaires  les  plus  éminents  qui  aient  contribué  à  son 
essor. 

Il  est  certainement  bien  peu  d'hommes  qui  aient,  à  l'égal 
de  Justin  Pouyanne,  consacré  à  notre  belle  colonie  une 
intelligence  aussi  puissante,  une  activité  aussi  longuement 
soutenue,  un  tel  amour  de  ce  pays,  dont  il  est  devenu  l'une 
des  plus  belles  gloires. 

Il  faudrait  raconter  tout  au  long  la  vie  de  ce  savant,  de  cet 
ingénieur  distingué,  pour  donner  une  idée  du  dévouement 
qu'il  avait  consacré  à  notre  France  d'Afrique.  Il  en  avait 
fait  sa  patrie  d'adoption  dès  son  entrée  dans  la  carrière  des 
mines  et  il  devait  l'illustrer  par  des  travaux  impérissables. 

Né  à  Pau,  le  5  septembre  1835,  Justin  Pouyanne  entrait 
à  18  ans  à  l'Ecole  Polytechnique  II  en  sortait  dans  le  corps 
des  mines  et  demandait  une  <irconscription  en  Algérie.  Il 
fut  nommé  en  avril  1859  à  Miliana,  mais,  sur  ses  instances, 
il  fut  transféré  à  Tlemcen,  poste  beaucoup  plus  inaportant  à 
cause  de  l'étendue  considérable  du  district  minier  de  cette 
région,  à  cause  des  nombreuses  recherches  ou  exploitations 
minières  qui  y  étaient  faites  à  cette  époque. 

Mais  le  jeune  ingénieur  ne  devait  pas  se  contenter  de 
l'administration  olficielle  de  la  circonscription  placée  sous 
son  contrôle.  Son  intelligence  élevée  ne  reculait  pas  devant 
la  difficulté  des  plus  graves  problèmes  scientifiques  et,  avec 
une  ardeur  et  un  enthousiasme  que  l'on  sentait  vivement  au 
simple  récit  de  ses  explorations,  il  attaquait  immédiatement 
l'étude  géologique  de  toute  la  région  comprise  entre  Sebdou 
et  la  roer,  entre  Aïn-Temouchent  et  la  frontière  marocaine. 

En  homme  doué  d'une  sobriété  et  d'une  simplicité  réelle- 
ment admirables,  il  allait  sur  sa  mule,  accompagné  seulement 
d'un  chaouch,  passant  toute  la  journée  à  ses  observations 
stratigraphiques  et  couchant  le  soir  sous  la  tente. 


NECROLOGIE 


Il  faut  avoir  connu  Justin  Pouyanne  dans  l'intimité  pour 
se  faire  une  idée  exacte  du  dévouement  qu'il  a  ainsi  consacré 
a  la  science  II  aimait  à  raconter  les  petits  détails  de  sa  vie 
sur  le  terrain  et  il  le  faisait  avec  une  modestie  qui  ajoutait 
encore  au  mérite  de  ses  explorations. 

Je  me  rappellerai  toujours  nos  longs  entretiens  sur  la 
région  de  la  Tafna,  depuis  qu'il  m'a  été  donné  d'entreprendre 
moi-même  des  recherches  géologiques  sur  cette  partie  de 
rOranie.  L'éminent  ingénieur  aimait  à  me  renseigner  sur 
tel  ou  tel  point  du  pays,  et  il  le  faisait  avec  une  fidélité  de 
détails  qui  excitait  mon  étonnement. 

Si  l'on  se  reporte  à  l'état  du  pays  ù  cette  époque,  de  notre 
occupation,  au  manque  presque  absolu  de  communications; 
SI  l'on  songe,  d'autre  part,  à  l'extrême  jeunesse  des  sciences 
géologiques  il  y  a  quarante  ans,  on  pourra  se  faire  une  idée 
de  la  difficulté  des  problèmes  qui  étaient  à  résoudre  dans  un 
pays  presque  vierge  encore  des  investigations  du  géologue. 
Aussi  faut-il  voir  dans  l'œuvre  scientifique  accomplie,  en 
ijuelques  années,  par  ce  savant,  un  véritable  tour  de  force. 

Malgré  son  importance,  cette  œuvre  a  été  présentée  sous 
une  forme  tellement  simple  et  résumée,  qu'il  fallait  être  de 
la  partie  et  même  s'intéresser  directement  à  la  géologie  de 
l'Algérie,  pour  en  avoir  connaissance.  Justin  Pouyanne 
aimait  la  science  pour  elle  même  indépendamment  des 
honneurs  qu'elle  peut  procurer,  et  sa  modestie  était  telle, 
qu'il  était  bien  difficile  d  essayer  devant  lui  le  moindre  éloge 
de  ses  découvertes. 

Ses  travaux  sur  le  bassin  de  la  Tafna  resteront,  car  ils 
marquent  les  grandes  lignes  de  la  géologie  de  ce  pays. 

En  1876,  Pouyanne  publia  un  mémoire  sur  la  région 
ferrifère  des  Ouelhassa.  Ce  mémoire  fort  intéressant  est 
accompagné  de  deux  coupes  et  d'une  carte  géologique 
coloriée  au  ,-55^.  au  relevé  topographique  de  laquelle  l'auteur 
a  contribué 

La  première  partie  de  ce  travail  est  consacrée  à  une 
description  géologique  des  Ouelhassa  Cheraga, 

L'auteur  y  distingue  : 

1*  Schistes  anciens  analogues  à  csux  du  Traras  ; 

2*  Calcaire  liasique  ; 

3"  Crétacé  ; 

4'  Terrain  miocène  (Cartennien  et  Helvétien)  ; 


NECROLOGIE 


5°  Pliocène  ; 

6°  Quaternaire  ; 

7*  Basaltes  et  roches  vertes  accompagnant  les  gypses 
éruplifs. 

La  deuxième  partie  est  réservée  à  la  description  des  gites 
de  fer  manganasé  reconnus  dans  cette  région. 

Une  année  plus  tard,  cet  ingénieur  fit  paraître  sa  Notice 
ijéologique  sur  la  subdioision  de  Tlemcen,  qui  fit  faire  un 
très  grand  pas  à  la  géologie  de  cette  partie  de  l'Oranie.  Ce 
travail,  en  effet,  apporte  non  seulement  d'importants  résul- 
tats stratigraphiques  sur  le  bassin  de  la  Tafna  et  des  régions 
environnantes,  mais  il  est  accompagné  d'une  cai-te  en  cou 
leurs  au  ^^f^^^  qui  restera  comme  un  canevas  des  relevés 
futurs. 

Dans  un  premier  chapitre,  l'éminent  ingénieur  donne  une 
classification  de  la  série  sédimentaire  : 

1*  Schistes  des  Traras,  probablement  antésiluriens. 

2°  Poudingues  de  Béni  Menir,  rappelant  les  formations 
permiennes  ; 

3°  Calcaires  du  Sidi  Sefiane,  d'âge  Lias  supérieur  ; 

4°  Marnes  oxfordienn.es  des  flancs  du  Sidi  Sefiane  et  du 
Dj.  Filhaoucen  ; 

5"  Grès  et  marnes  intercalés  de  lentilles  et  de  calcaires 
coralligènes,  de  sables  marneux,  d'âge  corallien  ; 

6*  Argiles  de  Laraoricière,  d'âge  néoeomien  ; 

7*  Grés  et  marnes  de  Tahouaret  et  de  la  Basse  Tafna, 
d'âge  crétacé  inférieur  ; 

8'  Miocène  Cartennien  qui  se  représente  avec  trois  faciès  ; 
zone  de  la  plaine  de  Marnia,  zone  des  Traras  et  zone  de  la 
Basse  Tafna  ; 

9°  Miocène  hehétien  très  développé  ; 

10"  Quaternaire  ; 

11*  AUuvions. 

Les  roches  éruptives  sont  groupées  dans  un  deuxième 
chapitre;  elles  sont  représentées  par  des  granités  (Nédroma), 
des  roches  dioriliques  et  doléritiques  (ophites),  des  gypses 
ôruptifs,  des  porphyres  et  des  basaltes  ;  ces  derniers  sont 
très  développés  et  forment  deux  gi'ands  lambeaux,  celui  de 
Temouchent  et  celui  de  la  Tafna 

Enfin,  dans  un  troisième  chapitre,  l'auteur  traite  du 
système  de  dislocation  ou  système  de  montagnes. 


Après  un  séjour  de  quinze  années  à  Tlemcen,  J.  Pouyanne 
fut  appelé  en  187.3  à  Alger,  où  il  fut  chargé  des  provinces 
d'Alger  et  d'Oran.  En  1878,  il  fut  nommé  ingénieur  en  chef 
et  chevalier  de  la  Légion  d'honneur.  En  1879,  il  fut  désigné 
comme  membre  de  la  Commission  du  Transsaharien  et 
chargé  d'une  mission  ayant  pour  but  l'étude  de  deux  tracés 
de  chemin  de  fer. 

Les  documents  relatifs  à  cette  mission  ont  été  publiés  un 
peu  plus  tard  ;  ils  renferment  des  données  géologiques  sur 
la  chaîne  des  Ksours  et  de  nombreuses  indications  sur  la 
géographie  du  Sahara.  Ce  travail  témoigne  encore  de 
l'esprit  de  méthode  scientifique  de  ce  savant  D'autres  voix 
plus  autorisées  que  la  mienne  entretiendront  la  Société 
Géographique  d' Oran,  jeï  espère,  de  l'impulsion  ainsi  donnée 
par  Justin  Pouyanne  à  cette  question  si  importante  de  notre 
extension  dans  le  Sud  Oranais. 

En  18S2,  l'érainent  ingénieur  organisa,  avec  la  collabora- 
tion de  A.  Pomel,  le  service  géologique.  D'abord  limité  aux 
provinces  d'Alger  et  d'Oran  ;  la  province  de  Constantine  fut, 
un  peu  plus  tard,  à  la  mort  de  Tissot,  réunie  aux  deux  autres. 

Sous  sa  direction,  ce  service  algérien  fit  paraître  successi- 
vement trois  éditions  de  la  carte  générale  au  jâô^"-  ''  entre- 
prit, en  outre,  la  publication  des  premières  feuilles  de  la 
carte   détaillée   au  g^jj^.. 

Justin  Pouyanne  aimait  passionnément  son  service.  Je  me 
souviendrai  longtemps  de  la  joie  qu'il  éprouvait  en  visitant 
au  Trocadéro,  à  l'Exposition  Universelle  de  1900,  l'installa- 
tion réservée  aux  publications  de  la  carte  géologique  de 
l'Algérie  II  voyait  avec  un  légitime  orgueil  les  progrès 
considérables  réalisés  depuis  1889,  et  c'est  avec  un  certain 
sentiment  de  fierté  que  je  songeais  moi  même  ù  la  modeste 
contribution  que  j'avais  pu  apport-îr  —  à  côté  de  collègues 
si  distingués  —  à  l'œuvre  sciûnlifique  de  Justin  Pouyanne. 

Tant  de  dévouement  distingué  à  son  pays  force  l'admiration 
et  la  reconnaissance  de  ses  compatriotes. 

Justin  Pouyanne  laisse  une  trace  ineffaçable  dans  les 
annales  de  l'Algépie  et  son  nom  mérite  d'être  gravé  en 
lettres  d'or  dans  le  Livi  edu  destin  de  notre  France  d'Afrique. 


Louis  GENTIL. 


BIBLIOGRAPHIE 


FEZ,   par   Auguste  MOULIÉRAS,   professeur   de   la  chaire  d'arabe  d'Oran, 
(ouvrage  illustré  de  12  photographies  prises  au  cours  de  la  mission  de  l'auteur  à  Fez). 


Fez  est  le  titre  d'un  livj-o  que  vient  de  publier  M.  Mouliéras.  Il 
s'agit. d'un  itinéraire,  aller-retour,  de  Tanger  à  la  capitale  du 
Maroc. .  Cet  itinéraire  l'ut  suivi  par  Fauteur  pour  accomplir  une 
mission  d'études  que  lui  confia  le  Ministre  de  l'Instruction  publique 
fin  décembre  1899,  à  la  fois  comme  récompense  morale  et  sanction 
officielle  d'un  précédent  ouvrage  considérable  :  le  Maroc  inconnu. 

Les  anglais  Drumond-Hay  et  Ricliardson,  l'allemand  Gerhard 
Rohlfs,  l'italien  de  Amicis,  par  leurs  voyages  et  leurs  descriptions, 
avaient  fait  connaître,  dans  leurs  pays  respectifs,  soit  la  topo- 
graphie, soit  les  mœurs  et  coutumes  des  diverses  tribus  indigènes. 
Certains  français  aussi  ;  Beaumier,  Cotte,  Leclercq,  Décugis,  Loti, 
ont  fourni  des  aperçus  et  des  notions  de  valeur,  d'après  leurs 
aptitudes  et  leurs  dons  particuliers  d'observation  et  de  style  ;  mais 
il  a  manqué  à  la  plupart,  sinon  à  tous,  la  connaissance  approfondie 
de  la  langue  arabe.  Or,  M.  Mouliéras  a  cette  connaissance  à  un 
degré  éminent,  et,  grâce  à  elle,  il  peut  dépouiller  les  chroniques 
et  récits  de  voyage  écrits  par  des  lettrés  marocains,  s'entretenir^ 
sans  besoin  d'interprète,  avec  toutes  les  catégories  d'habitants, 
nomades  et  sédentaires,  urbains  et  ruraux,  et  jusqu'avec  les  enfants. 
Cela  est  un  avantage  sérieux,  bien  difficile  à  suppléer.  • 

Mais  M.  Mouliéras  ne  serait  qu'arabisant,  fort  comme  un 
Sylvestre  de  Sacy,  son  voyage  aurait  pu  consister  en  quelques 
renseignements  livresques  vérifiés  sur  place,  en  quelques  dialogues 
bons  à  insérer  dans  un  manuel  de  conversation  bi-lingue. 

Heureusement  pour  lui  et  pour  ses  lecteurs,  M.  Mouliéras  est 
paysagiste  comme  certains  de  ses  devanciers,  justement  réputés 
à  cet  égard,.  La  nature  ambiante  envoie  à  ses  sens  ses  vibrations 
et  ses  images,  et  son  cerveau  sait  les  interpréter  au  lieu  de 
simplement  les  reproduire.  Les  groupements  et  les  individus 
humains  lui  parlent  à  Icm-  tour,  et  il  les  comprend  au  lieu  d'être 
simplement  leur-  écho. 


102  BIBLIOGRAPHIE 

De  là  Jps  croquis,  dos  pastels,  des  tableaux  dont  un  artiste 
pourrait  s'inspirer  pour  en  fixer  les  éléments  sur  la  toile.  En  voici 
quelques  brefs  exemples  : 

«  CharmaiMs,  les  environs  de  Tanger  !  adorable,  sa  ceinture  de 
verdure,  au  sud  et  à  l'ouest!  pittoresques,  ses  coteaux,  ses  collines 
mouvementées  qui  se  baignent  dans  l'éther  azuré  de  notre  Afrique- 
Mineure,  C'est  Alger,  un  petit  Alger,  avec  la  courbe  gracieuse  de 
sa  baie,  un  Alger  plus  escarpé,  plus  accidenté,  plus  ondulé  et  peut- 
être  encore  plus  varié  que  les  environs  de  la  capitale  algérienne. 

0  Si  délicieux  est  son  climat,  que  les  Anglais  de  Gibraltar, 
officiers,  capitalistes,  gros  négociants,  fuyant  les  chaleurs  torrides 
de  la  forteresse  britannique,  viennent  respirer  ici,  en  pleine  canicule, 
les  bonnes  brises  toujours  fraîches  que  l'Atlantique,  ventilateur 
infatigable,  ne  cesse  de  souffler  sur  la  rive  africaine  du  détroit. 

0  Le  long  de  la  mer,  sur  la  bande  résistante  des  sables,  que  la 
marée  montante  désaltère  chaque  jour,  la  colonie  européenne, 
élégante  ou  râpée,  règne  en  maîtresse  souveraine.  Des  diplomates, 
des  touristes,  en  habits  irréprochables,  dernière  mode  parisienne, 
caracolent,  font  la  roue,  accompagnant,  solidement  assises  dans 
leurs  cacolets  ou  sur  leurs  sellettes  à  dossier,  les  femmes  de  la 
haute  aristocratie  mondaine  que  suivent  des  valets  marocains 
chargés  de  conduire  les  baudets  qui  ont  l'honneui'  de  porter  de  si 
précieux  fardeaux. 

«  Européanisé  lajeunesse  dorée  d'Israël,  cravaches  cinglantes, 
défile  au  galop  vertigineux  des  petits  chevaux  arabes,  buveurs 
d'air  et  d'espace.  » 

Cela  n'est  pas  banal,  certes;  mais  où  M.  Mouliéras  me  parait 
prévaloir,  c'est  dans  l'analyse  des  faits,  la  filiation  des  rapports 
entre  hommes  et  choses,  doctrines  et  actes  moraux;  c'est  dans  la 
saine  explication  de  l'état  actuel  du  Maroc,  état  déliquescent  et  en 
décomposition  croissante,  dont  un  cadavre  rongé  par  les  vers,  ou, 
si  l'on  préfère,  un  moribond  gangrené,  sont  l'exacte  symbole. 
Qu'on  en  juge  par  les  extraits  suivants  pris  au  hasard  de  la  plume: 

«  Le  lendemain  soir,  au  douar  des  Oulad  Mousa,  chez  les  Beni- 
Gourfet,  vers  minuit,  une  alerte,  la  seule  que  nous  ayons  eue  à 
l'aller  et  au  retour.  Des  coups  de  feu  retentissent  à  cinq  cents 
mètres  du  camp  ;  puis  des  cris  d'hommes  qui  se  défendent,  qui 
s'appellent  les  uns  les  autres  pour  repousser  les  agresseurs,  et 
tout  retombe  ensuite  dans  le  silence  de  la  nuit.  Ahmed,  couché  à 
la  porte  de  ma  tente,  avec  les  hommes  de  garde,  demande  ce  que 
c'est. 

«  Toujours  les  Ahal-Srif,  ces  voleurs  de  bœufs  et  d'icoglans, 
qui  ne  nous  laissent  pas  dormir  tranquilles  ! 


BIBLIOGRAPHIE  'lOS 

«  Et  la  voix  qui  venait  de  faire  cette  réponse  se  met  à  jaser 
indéliniment  sur  la  pauvreté,  les  soucis,  les  infortunes  et  les 
misères  de  l'agriculteur  marocain.  Tout  à  fait  éveillés  maintenant, 
les  autres  prenaient  part  à  la  conversation,  chacun  gémissant  sur 
la  dureté  des  temps  et  l'incurie  chéritienne. 

«  Plus  perspicace  que  ses  compatriotes,  ses  séjours  en 
Angleterre  et  en  France  l'ayant  à  moitié  européanisé,  Ahmed, 
railleur  impitoyable,  leur  objecte  que  s'ils  se  plaignent  c'est  parce 
qu'ils  ne  peuvent  pas  «  dormir  tranquilles  »,  le  sommeil  étant  pour 
eux  la  suprême  jouissance  de  l'e.xistence,  et  il  conclut  : 

—  Demandez  au  fkih  si  je  n'ai  pas  raison  d'appeler  le  Maroc  le 
pays  du  sommeil  ? 

«  Il  connaissait  bien  son  Maroc,  le  grand  rifain  Ahmed  ;  il  le 
savait  incapable  d'une  réaction  salutaire,  enlisé  qu'il  est  à  jamais 
dans  les  discordes  civiles,  les  intrigues  et  les  querelles  des  grands, 
l'hostilité  réciproque  des  tribus,  l'incapacité  et  la  vénaUté  du 
Pouvoir  chérifîen  ;  et  il  disait  que  tôt  ou  tard  la  lutte  se  déchaînerait, 
irrémissible  et  implacable,  entre  le  peuple  qui  souffre  et  ses 
éternels  oppresseurs  ;  puis,  finalement,  la  Grande-Bi-etagne  ou  la 
France  —  celle  qui  serait  la  plus  habile  —  viendrait  mettre  le  holà 
à.  l'anarchie  séculaire  ;  et  alors,  bridé  et  sellé,  éperonné  par  la 
vigoureuse  botte  britannique,  ou  flatté  doucement  sur  l'encolure 
par  la  main  gantée  mais  ferme  d'un  descendant  des,  bons  Gaulois, 
le  dernier  empereur  indépendant  du  Magrib,  réduit  à  l'état  de 
monture  nazaréenne,  pourrait  écrire  à  ses  dociles  collègues  de 
Tunis  et  du  Caire  ; 

—  «  Celui  qui  vous  ressemble,  vous  salue  ! 

—  «  Et  que  nous  importe  à.  nous,  dit  tout-à-coup  un  poète  joueur 
de  flûte  —  un  malheureux  bédouin,  étendu  comme  les  autres  à  la 
belle  étoile,  sur  la  fertile  terre  dont  les  camarades  ne  recueillaient 
les  fruits  que  pour  les  livrer  aux  insatiables  vautours  impériaux  — 
que  nous  importe  que  ce  soit  un  juif,  un  chrétien  ou  un  musulman 
qui  nous  gouverne  ;  pourvu  qu'il  soit  juste,  c'est  tout  ce  que  nous 
lui  demandons.  Le  Prophète  de  Dieu  n'a-t-il  pas  dit  : 

—  «  L'avenir  est  aux  peuples  irréligieux,  mais  justes  ;  l'Islam 
tyrannique  est  marqué  du  doigt  de  la  mort. 

«  Par  degrés,  le  feu,  que  l'on  avait  rallumé  après  l'alerte, 
faiblissait,  s'éteignait,  et  ses  lueurs  mourantes  n'éclairaient  plus 
que  le  joueur  de  flûte  obstiné  qui  s'était  mis  à  faire  redire  à  son 
instrument  champêtre  les  longs  espoirs  déçus,  les  gémissements 
des  miséreux  attachés  à  la  glèbe,  les  ventres  creux  criant  famine, 
de  projundis  lugubre  de  tout  un  peuple  affamé.  Puis,  tout  se  tut. 
Les  hommes  fatigués  s'étaient  tassés  les  uns  contre  les  autres  dans 
le  sommeil  et  dans  la  nuit. 


104  BIBLIOGRAPHIE 

«  Seul,  je  veillais,  la  citation  luinimnise  des  paroles  du  prophète 
zébrant  d'éclairs  éblouissants  le  noir  chaos  de  l'avenir  sur  lequel 
mon  àme  était  penchée.  » 

Il  n'y  a  qu'un  sens  sociologique  très  cultivé  et  très  affiné  qui 
puisse  dicter  de  tels  jugements,  formuler  de  tels  pronostics. 

Je  résume  mon  impression  sur  Fez  de  M.  Mouliéras  en  disant 
que  ce  livre  m'a  rappelé  le  Voyage  en  Egypte  et  en  Syrie  du 
fameux  Volney,  philosophe,  érudit  et  observateur  hors  de  pair. 

Ce  livre  fut  une  révélation  pour  l'Europe  éclairée  de  la  fin  du 
XVIII»  siècle.  Il  servit  de  bréviaire  et  de  guide  à  Bonaparte,  à  ses 
lieutenants  et  aux  membres  de  l'Institut  d'Egypte.  Il  concernait 
deux  pays  arabisés,  comme  l'est  le  Maroc,  et  il  en  donnait  la  clef  à 
la  France 

c(  Fes  »  et  la  suite  qu'y  donnera  M.  Mouliéras  joueront  le  même 
rôle  à  l'égard  du  Maroc  pour  nos  explorateurs  futurs,  pour  nos 
officiers  et  nos  diplomates,  bref  pour  une  politique  intelligente  et 
féconde  de  la  part  de  la  France. 


PÈNE-SIEFERT. 


Assemblée  Générale  du  4  Mai  1 902 

PrÉSIDENXE    de    m.    le    I.IEUTENANT-COLONEL    DERRIEX 


1   RAPPORT  DU  SECRÉTAIRE  GÉNÉRAL 

sur  les  travaux  de  la  Société,  pendant  l'année  1901-1902 


Messieurs  et  chers  Collègues, 

En  vous  exposant,  ainsi  que  le  prescrivent  nos  statuts,  la 
marche  de  notre  Société  pendant  l'année  administrative  1901-190?, 
j'aurais  garde  d'abuser  cTe  vos  instants  et  de  voire  bienveillante 
attention  ;  je  m'efforcerai  avant  tout  d'être  bref. 

U effectif  de  notre  Société  en  memlires  honoraires  ou  titulaires 
était  le  5  mai  1901  de 313 

Les  adhésions  nouvelles  ont  été  dij 41 

Total 354 

Les  radiations  ont  été  au  noiubre  de Itj 

et  la  Société  a  eu  notamment  le  regret  d'enregistrer  le  décès 
de  MM.  Nordenskiold,  membre  honoraire,  de  M.  Paul  Ruff,  _____ 
membre  honoraire  correspondant,  de  MM.  Durel,  G.\ciiet, 
Cabrol,  membres  titulaires. 

Le  nombre  total  des  membres  de  la  Société  est  donc  de..        33S 

Ce  nombre  pourrait  être  dépassé  de  beaucoup,  et  il  importe 
dans  l'intérêt  de  la  Société,  dans  celui  même  de  la  Colonie,  qu'il 
s'augmente  notablement  pournous  permettre  par  l'accroissement 
de  nos  ressources  financières  de  développer  notre  action  et  de 
mieux  faire  connaître  l'Algérie  et  en  particulier  l'Oranie. 

L'effort  principal  de  notre  Société  pendant  l'année  courante  s'est 
porté  sur  le  Congrès  national  des  Sociétés  françaises  de 
Géographie  ;  celles  ci  nous  avaient  fait  l'honneur  de  choisir 
Oran  pour  le  siège  de  leur  XXIII'  Sessions  dont  l'illustre 
académicien,  M.  Hanot.vux,  a  bien  voulu  accepter  la  présidence. 

Huit  de  nos  ministères,  le  Gouvernement  général  de  l'Algérie 
et  le  Commandement  du  XIX"  Corps  d'Armée,  nous  avaient  fait 
l'insigne  honneur  de  se  faire  représenter  à  notre  Congrès. 

Vingt-six  Sociétés  françaises  de  Géographie  ou  assimilées 
s'étaient  fait  inscrire  pour  prendre  part  à  cette  solennelle 
assemblée,  et  vingt  d'entre  elles  y  ont  pris  une  part  effective, 


106  RAPPORT    nu    SECRÉTAIRE    GÉNÉRAL 

Trois  Sociétés  étrangères  de  Géographio,  et  quatre  Sociétés 
françaises  s'occupant  spécialement,  soit  des  intérêts  coloniaux, 
soit  des  questions  économiques,  étaient  en  outre  représentées  à 
notre  Congrès. 

Une  quarantaine  de  (pieslions  avaient  été  inscrites  au  pro- 
gramme?, et  vingl-sept  ont  été  développées  en  séance  publique  ; 
quelques-unes  d  entre  elles  ont  donné  lieu  h  des  discussions  des 
plus  inlf^ressantes  et  des  plus  instructives. 

Enfin  des  excursioiis  avaient  été  organisées  parla  Société  :'celle 
aux  ruines  de  Povtus  Magnus,  au  domaine  des  Hamyans  et  aux 
Salines  d'Arzeu,  et  celle  dans  le  Sud  Oranais  ont  été  particulière- 
ment suivies  ;  elles  auront  laissé  à  nos  aimables  visiteurs  avec  le 
souvenir  de  la  charmante  hospitalité  reçue  aux  Hamyans  et  aux 
Salines,  une  notion  assez  nette  non  seulementde  notre  Tell  Oranais, 
mais  des  Hauts-Plateaux  et  du  versant  saharien  de  notre  Oranie. 

Dans  une  sphère  d'action  plus  restreinte,  la  Société  a  fait  œuvre 
de  vulgarisation  auprès  de  nos  compati'iotes  oranais  eux-mêmes, 
au  moyen  de  deux  Conférences,  l'une  sur  la  Chine,  donnée  par 
M.  Antoine,  professeur  ù  l'école  Karguentah,  1  autre  sur  l'Indo- 
Chine  due  Vi  M.  Pène-Siéferï,  ancien  secrétaire  de  la  l.iyue  de 
l'Enseignement  Ces  conféi'ences  ont  été  suivies  par  un  public 
aussi  nombreux  que  choisi,  et  qui  n'a  pas  ménagé  ses  applau- 
dissements aux  conférenciers. 

Notre  Bulletin  a  publié  une  série  de  travaux  des  plus  intéressants: 

L'Histoire  naturelle  de  notre  Sol  et  de  ses  productions  y  est 
représentée  par  l'o  Hs.sai  sur  la  faune  erpétologique  de  l'Oranie  », 
lie  M  DouMERGUE,  dont  la  publication  est  terminée;  —  par  une 
0  Etude  sur  le  Tlaïa  »,  de  M  le  capitaine  Duvadx,  —  par  une 
<i  note  sur  le  volcan  éteint  de  Tégraou  »,  de  M.  Koch. 

La  Géographie  tient  à  notre  bulletin  sa  place  d'honneur  : 

M.  Augustin  Bernard,  dans  une  très  attachante  étude  «  En 
Oranie  •  nous  a  fait  part  de  ses  impressions  de  touriste,  mais 
d'un  touriste  observateur  et  initié  à  toutes  les  questions  économi- 
ques et  autres  qui  intéressent  notre  province,  et  son  étude  est 
parsemée  d'aperçus  pratiques  qui  méritent  l'attention  des  colons 
comme  de  nos  gouvernants. 

Une  étude  très  complète  et  très  intéressante  de  M.  le  capitaine 
DuvAUx  nous  décrit  les  vallées  de  la  Zousfana,  de  l'Oued-Guir  et 
de  la  Saoura,  et  toute  cette  zone  récemment  soumise  à  l'influence 
et  à  l'autorité  delà  France. 

M.  MouLiÉRAs,  en  nous  annonçant  l'heureuse  exploration  des 
Braber  par  M.  de  Segonzac,  nous  a  donné  un  avant  goût  du  plaisir 
que  nous  avons  tous  ressenti  à  entendre  l'audacieux  et  énergique 
explorateur  nous  décrire  lui  même  au  Congrès,  le  «  Blad  es  Siba  », 
et  nous  raconter  les  péripéties  de  cet  aventureux  voyage. 


RAPPORT    DU    SECRÉTAIRE    GÉNÉRAL  107 

M.  Gasser,  dans  sa  chronique  géographique,  nous  tient  périodi- 
quement au  courant  de  tous  les  faits  saillants  qui  intéressent  soit 
la  géographie  proprement  dite,  soit  les  relations  commerciales  et 
les  transformations  économiques  des  différentes  parties  de  notre 
globe. 

h'Arehéolof/ie  a  iHé  représentée  dans  notre  bulletin  par  une  note 
de  M.  Derriex  sur  deux  «  Chapitaux  Romains  »  trouvés  à  Renault, 
—  une  note  de  M.  l'abbé  Fabre  sur  les  a  Statues-menhirs  » 
découvertes  en  France,  —  une  notice  de  M.  le  capitaine  Duvaux 
sur  les  «  Inscriptions  et  les  Gravures  rupesli'es  »  recueillies  pai' 
lui  à  Taghit  dans  le  Sud  Oraiiais:  et  enfin  ])ar  une  chronique 
archéologique 

La  Métêoroloi/if  a  fait  l'objet  d'une  note  de  M.  Paul  Vacher  sur 

0  une  P'uie  de  Sable  »  observée  dans  la  région  de  Béni-Saf. 
M.  Guillaume  nous  ,a  en  outre  fait  lonnaitre  les  résultats  des 
observations  de  la  station  météorologKjne  de  Sanla-Cruz  durant 

1  année  1901. 

Un  certain  nombre  de  notices  bibliographiques  nous  ont  donné 
l'analyse  d'œuvres  particulièrement  intéressantes  par  leur  impor- 
tance ou  leur  actualité,  l'une  d'elles  a  été  consacrée  par  M.  Gentil 
à  l'œuvre  de  feu  Podyanxe,  dont  l'Algérie  elles  sciences  déplorent 
la  perte  récente 

Enfin  M.  Bouty  a  bien  voulu  nous  donner  idia((ue  année,  une 
statistique  très  complète  des  mouvements  de  nos  porls,  un  relevé 
très  instructif  do  nos  .exportations  et  importations  pendant 
l'année  1901. 

Les  Séances  du  Comité  ont  été  suivies  avec  ponctualité  et  toutes 
les  discussions  ont,  comme  il  convient,  réuni  un  nombre  très 
satisfaisant  de  membres  délibérants. 

Nous  énumérerons,  parmi  ces  décisions,  les  principales,  celles 
seulement  i[ui,  échappant  au  caractère  d'administration  intérieure, 
présentent  un  intérêt  immédiat  : 

SÉANCE  DU  :i  JUIN  1901 

M.  René  Basset  acceptant  de  représenter  la  Société  au  Congrès 
National  des  Sociétés  de  Géographie  tenu  à  Nancy,  a  reçu  les 
pouvoirs  nécessaires. 

La  Chambre  de  Commerce  d'Oran  accorde  à  la  Société,  à  l'occa- 
sion du  Cuiigrès,  une  subvention  de  lUO  francs;  des  remerciements 
lui  sont  votés. 

MM  MouLiÉRAS  et  Bouty  ont  été  désignés  par  la  Municipalité 
pour  faire  partie  de  la  Commission  municipale  des  Fêtes  du 
Millénaire, 


108  RAPPORT  DU  SECRÉTAIRE  GÉNÉRAL 

SÉANCE  DU  1"  JUILLET  1901 
Le  Comité  arrête  le  programme  du  Concours  pour  1901,  (ce 
programme  a  été  inséré  au  Bulletin). 

SÉANCE  DU  4  SEPTEMBRE  1901 
Le  Comité  charge  M.  le  Président  de  rappeler  à  M.  le  Maire 

la  décision  d'après  laquelle  la  rue  de  Berlin  devait  recevoir  le  nom 

de  rue  René  Caillé. 
M.  Basset  René,  délégué  de  la  Société  au  Congrès  de  Nancy, 

a  fait  parvenir  à  la  Société  son  rapport  sur  le  Congrès. 

SÉANCE  DU  li  OCTOBRE  1901 

M.  BouTY,  secrétaire  général,  que  la  maladie  empêche  d'assister 
à  la  réunion,  adresse  sa  démission,  craignant  que  sa  santé  ne  lui 
permette  pas  d'accomplir  la  lourde  tâche  imposée  par  le  Congrès. 

M.  le  Président  rappelle  au  Comité  le  dévouement  inaltérable 
avec  lequel  M  Bouty  a  rempli  ses  fonctions  de  secrétaire  depuis 
1885  ;  il  propose  au  Comité  d'exprimer  à  M.  Bouty  ses  vifs  regrets, 
avec  ses  souhaits  de  prompt  rétablissement,  et  de  lui  décerner 
le  titre  de  Secrétaire  général  honoraire,  qui  permettrait  à  M.  Bouty 
de  nous  continuer  le  précieu.x  concoui's  de  son  expérience  et  de  son 
dévouement.  Cette  motion  est  adoptée  à  l'unanimité. 

M  Flahault  est  désigné  pour  remplir  les  fonctions  de  Secrétaire 
général. 

M.  Gauchey,  instituteur  à  la  Slidia,  a  fait  àKalàa  près  de  Renault, 
des  fouilles  archéologiques  du  résultat  desquelles  il  a  fait  bénéficier 
la  Société.  Le  Comité  lui  vote  une  subvention  de  ?5  francs  à  titre 
de  participation  à  ses  recherches  archéologiques. 

SÉANCE  DU  4  NOVEMBRE  1901 
M.  Mesplé,  président  de  la  Société  de  Géographie  d  Alger  et 
professeur  à  l'école  supérieur  des  Lettres,  assiste  à  la  Séance; 
M.  le  Président  le  remercie  du  témoignage  qu'il  nous  apporte  de 
la  sympathie  mutuelle  qui  anime  les  Sociétés  d  Alger  et  dOran, 
unies  dans  un  but  commun  de  dévouement  à  la  Fi-ance  et  à  l'Algérie. 
M.  Mesplé  remercie  M.  Derrien  et  assure  à  notre  Société  son 
concours  le  plus  dévoué  pour  amener  à  notre  Congrès  d'Oran  le 
plus  d'adhésions  et  de  collaboration  possibles. 

SÉANCE  DU  2  DÉCEMBRE  1901 
Le  Comité  désigne  une  Commission  composée  de  MM  MouLiÉRAS, 
Casser,  Bel  et  Goyt,  qui  sera  chargée  de  provoquer  et  d'examiner 
les  offres  des  imprimeurs  oranais  au  sujet  de  la  publication  de  la 
«  Géographii'  du  Maroc  »  de  M.  Canal,  et  aura  pleins  pouvoirs 
pour  traiter  au  besoin  avec  eux. 

M.  Nessler  est  désigné  pour  être  le  délégué  officiel  de  notre 
Société  d'Oran  au  Congrès  de  1902. 


RAPPORT   DU    SECRÉTAIRE    GÉNÉRAL  109 

SÉANCE  DU  6  JANVIER  1902 

M.  MouLiÉRAs  rend  compte  des  démaiches  de  la  Commission 
chargée  d'assurer  1  impression  de  la  «  Géographie  du  Maroc  », 
M.  Heintz,  imprimeur  à  Oran,  ayant  fait  les  offres  les  plus  avan- 
tageuses, sera  chargé  du  travail.  Une  démarche  sera  faite  auprès 
de  M.  Challamel,  libraire-éditeur  à  Paris,  afin  de  lui  demander 
ses  conditions  pour  la  vente  de  l'ouvrage  a  titre  d'éditeur. 

SÉANCE  DU  3  FÉVRIER  1902 

Après  avoir  discuté  et  voté  le  budget  de  l'année  1902,  le  Comité 
décide  que  les  bulletins  dont  plus  de  20  exemplaires  restent 
disponibles  entre  les  mains  de  la  Société  pourront  être  vendus  à 
raison  de  un  franc  l'exemplaire;  ceux  dont  le  nombre  est  inférieur 
à  20  ne  pourront  être  cédés  qu'en  vertu  d'une  décision  spéciale 
Le  Comité  se  réserve  en  outre  de  fixer  des  prix  spéciaux  en  faveur 
de  membres  correspondants  ou  de  Sociétés  correspondantes. 

Le. prix  de  vente  de  la  «  Géographie  du  Maroc  »  de  M.  Canal, 
est  fi.xé  à  6  fr   pour  le  commerce  et  a  5  fr.  pour  les  sociétaires. 

SÉANCE  DU  3  MARS  1902 

M.  le  Président  souhaite  la  bienvenue  à  M  et  à  M"'  Dernard 
d'Attanoux,  explorateurs,  qui  assistent  à  la  séance  ;  le  Comité 
regrette  de  ne  pouvoir,  à  la  veille  du  Congrès,  engager  de  nou- 
velles dépenses  et  subventionner  la  mission  dont  M""  d'ATXANOux 
vient  d'être  chargée.  Mais  il  assure  à  M.  et  M"'  d'ATXAXOux  de 
tout  lappui  moral  de  la  Société  et  leur  souhaite  un  heureux 
voyage  et  un  retour  assez  prompt  pour  nous  permettre  de  les 
recevoir  au  Congrès. 

M  MouLiÉRAs  est  désigné  comme  délégué  officiel  de  la  Société 
au  Congrès  national  do  1902,  en  remplacement  de  M.  Nessler  et 
sur  la  demande  de  celui-ci,  actuellement  en  voyage  à  l'étranger. 

SÉANCE  DU  16  AVRIL  1902 

Le  Comité  décide  que  les  prix  décernés  par  la  Société  aux 
élèves  des  écoles,  doivent  l'être  seulement  aux  élèves  des  classes 
supérieures  et  exclusivement  à  titre  de  Prix  de  Géographie. 

M.  le  Président  donne  lecture  de  son  rapport  sur  le  concours 
annuel  ouvert  par  la  Société,  et  le  Comité  adopte  à  l'unanimité 
ses  conclusions  relatives  au  résultat  de  ce  concours. 

L'assemblée  générale  annuelle  est  fixée  au  dimanche,  4  mai.  a 
9  heures  et  demie  du  matin 

Tel  est.  Messieurs  et  chers  Collègues,  le  résumé  de  nos  travaux 
pour  1  année  écoulée.  Il  nous  semble  encourageant.  Et  à  ceux  qui 
trouveraient  ces  résultats  médiocres,  nous  demanderions  seule- 


110  RAPPORT    DL"    TRÉSORIER 

ment  de  as  aider  à  faire  mieux,  les  uns  par  leur  adhésion  et 
leur  cotitafion,  les  autres  par  leurs  travaux  et  leur  contribution  à 
notre  BuHetin. 

Le  Secrétaire  général, 
FLAHAULT. 
Ce  rapport  est  vivement  applaudi. 

M.   PocK,    trésorier,   expose   ensuite,   ainsi    qu'il    suit,    la 
situation  financière  de  la  Société  : 

2    RAPPORT    DU    TRÉSORIER 


Messieurs, 

J'ai  l'honneur  d'exposer  à  l'Assemblée  générale  la  situation 
financière  de  l'année  1901-1902. 

Par  deux  délibérations  du  Comité,  il  a  été  décidé  que  les  situa- 
tions concernant  le  Congrès  et  la  Géographie  du  Maroc,  feraient 
l'objet  de  comptes  particuliers  qui  seront  soumis  à  votre  appro- 
bation au  moment  de  la  clôture  des  budgets  de  ces  deux  annexes. 

Comme  je  l'avais  piévu  l'an  passé,  le  montant  des  cotisations  a 
dépassé  les  prévisions  de  300  francs,  grâce  au  recrutement  de 
nouveaux  Sociétaires,  recrutement  qui  s'est  encore  accentué  à 
l'occasion  du  Congrès  de  Géographie.  Cette  augmentation  nous  a 
permis  d'élever  nos  prévisions  de  recettes  de  lOO  francs  correspon- 
dant à  une  augmentation  de  dépense  de  40  francs  pour  relèvement 
du  salaiie  annuel  du  gardien  du  Musée  Cette  récompense  en 
faveur  de  ce  dévoué  serviteur,  avait  été  demandée  depuis  plusieurs 
années  Une  autre  augmentation  de  dépense  qui  s'imposait,  celle 
des  frais  de  correspondance  et  de  recouvrement,  dont  le  montant 
dépassait  toujours  le  crédit  alloué,  a  pu  être  portée  de  200  à  250  fr. 

Le  détail  par  articles  des  recettes  et  des  dépenses  sur  les  deux 
tableaux  ci-joints,  ainsi  que  celui  du  budget  de  1902-1903,  adopté 
par  le  Comité  dans  sa  séance  du  3  février  dernier,  vous  donneront 
mieux  que  je  ne  pourrais  le  faire,  tous  les  renseignements  sur 
notre  situation  financière  qui  se  solde  cette  année  par  un  excédant 
de  plus  de  1,200  francs. 

RÉSUMÉ 

Recettes .S.SgSfSO 

Dépenses  2.65i  54 

Excédent  des  recettes  sur  les  dépenses.    .     1.244' 26 

J'ai  l'honneur  de  vous  prier  de  vouloir  bien  approuver,  après 
examen,  le  compte  que  je  vous  présente 

Oran,  le  4  mai  1902  Le  Trésorier. 

POCK 
Ce  rapport  est  approuvé  à  l'unanimité. 


RAPPORT  DU  TRESORIER 


111 


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RAPPORT    DU    TRESORIER 


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RAPPORT   DU   TRESORIER 


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3"  ALLOCUTION   DU   PRÉSIDENT 


Messieurs  et  chers  Collègues, 

Les  annales  de  noire  Société  viennent  de  s'eniiohii-  d'une  page 
glorieuse  par  suite  de  la  mission  qui  nous  fut  confiée  d  organiser 
et  de  mettre  en  action  le  23'  Congrès  national  des  Sociétés 
françaises  de  Géographie. 

Si  ce  Congrès  a  réussi,  nous  le  devons  à  plusieurs  causes: 
d'abord,  à  la  haute  personnalité  de  son  éminent  président, 
M  Haxotaux,  puis  à  sa  coïncidence  avec  le  Millénaire  de  la 
fondation  d'Oran,  aux  subventions  de  généreux  donateurs,  et 
enfin  à  votre  dévouée  collaboration  à  tous. 

J'aurais  voulu  ne  pas  faire  de  personnalités,  mais  mon  devoir 
de  président  est  de  rendre  un  public  hommage  au  dévouement 
dont  vous  avez  été  les  premiers  à  signaler  la  bienfaisante 
efficacité. 

Je  citerai  tout  d'abord  notre  aimable  trésorier  ;  l'éloge  de  M.  Pock 
n'est  plus  à  faire  :  je  ne  peux  que  le  proclamer  à  nouveau  un 
trésorier  modèle. 

Quant  à  noire  nouveau  secrétaire  général,  vous  l'avez  vu  à 
l'œuvre  ;  vous  l'avez  vu  au  feu  du  Congrès,  sans  repos,  sans 
défaillance,  s'eflorcer  de  mériter  ou  plutôt  de  justifier  son  grade 
d'officier  d'académie  :  M.  Flahault  y  a  j)leiuenient  réussi  :  il  a 
droit  à  toutes  nos  félicitations. 

Vous  m'en  voudriez,  en  cette  circonstance,  de  ne  pas  mentionner 
tout  particulièrement  le  précieux  et  très  apprécié  concours  du 
président  de  la  section  technique,  M.  Gii.lot,  doni  les  nombreux 
services  lui  ont  valu  d'être  classé  parmi  les  légionnaires  dp 
l'honneur. 

A  lui  et  à  nos  collègues,  MM.  Mouliéras.  Gasser  et  Bouty,  je 
renouvelle  toutes  mes  félicitations  pour  les  distinctions  que  leur  a 
remises  M.  Haxotaux.  Je  profite  de  cette  occasion  pour  exprimer 
tous  nos  regrets  à  M.  Bouty  que  son  état  de  santé  a  contraint  de 
donner  sa  démission  de  secrétaire  général  ;  nous  ne  saurions 
oublier  qu'il  fut  un  des  fondateurs  de  la  Société  et  que,  pendant 
22  ans,  il  en  fut  la  cheville  ouvrière.  Je  suis  heureux  de  saluer  en 
lui  l'apôtre  du  transsahai^en  oranais,  et  de  faire.des  vœux  pour 
qu'il  siège  encore  longtemps  parmi  nous  comme  secrétaire 
généi-al  honoraire,  nous  aidant  de  ses  conseils  et  de  son  expérience. 

Il  nous  reste  à  présent.  Messieurs,  a  rendre  inaltérable  l'auréole 


RAPPORT   SUR   LE   CONCOURS   DE    1901  115 

qui  vient  d'illuminor  notre  Société  :  il  nous  suffira  pour  cela  de 
conlinuer  avec  la  inème  vaillance  l'œuvre  patriotique  que  nous 
poursuivons  depuis  24  ans. 

Après  cette  allocution,  t'téqueinment  interrompue  par  les 
applaudissements  de  l'assemblée,  M  Gillot  demande  la  parole 
et  fait  remarquer  que  si  le  président  a  rendu  hommage  au 
dévouement  de  ses  collaborateurs,  il  mérite  aussi  les  félicita- 
tions de  la  Société  pour  la  part  active  qu'il  a  prise  à  l'organisa- 
tion du  Congrès  de  Géographie. 

Il  rappelle  que  c'est  à  lui  que  l'on  doit  d'avoir,  au  Congrès 
de  Paris,  obtenu  que  le  Congrès  de  190.^  ait  lieu  à  Oran.  (  Vifs 
applaudissements). 

Le  Secrétaire  général  donne  lecture  du  rapport  sur  le 
concours  de  1901. 


4°    RAPPORT 

m  LE  CONCOURS  OUVERT  U  1901  PAR  H  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE  D'ORAN 


Des  diverses  questions  mi.ses  au  concours  on  1901,  une  seule, 
La  Monographie  de  la  commune  indigène  de  Tiaret-AJlou  a  été 
traitée  et  présentée  par  M.  Fabre,  receveur  des  Contributions 
diverses  à  Tiaret,  membre  de  la  Société  de  Géographie  dOran. 

Cette  étude,  résultat  de  recherches  des  plus  consciencieuses  et 
d'observations  personnelles  des  plus  judicieuses,  comprend,  en 
plus  de  la  description  géographique  et  de  l'historique  des  cercles 
do  Tiaret  et  d'Aflou,  des  considérations  très  détaihées  et  du  plus 
haut  intérêt,  sur  les  conditions  économiques  de  cette  région. 
M.  Fabre  s'est  inspiré,  à  cet  effet,  de  la  remarquable  étude  faite 
par  MM.  les  Officiers  des  affaires  indigènes  et  pubhée  par  ordre 
de  M.  Cambon,  gouverneur  général  de  l'Algérie,  sous  le  titre  : 
Le  Pays  du  Mouton. 

Une  carte   d'ensemble  au   „.  très  nette,    sans   surcharges 

inutiles,  a  pour  but  d'indiciuer  la  forme  générale  de  la  commune, 
ses  limites  et  les  points  principaux  qui  en  dépendent. 

Aux  qualités  du  géographe  et  de  1  historiographe,  M.  Fabre  joint 
celles  du  littérateur  ot  do  l'érudit  :  son  œuvre  mérite  des  éloges  • 


116      RENOUVELLEMENT  ANNUEL  —  ÉLECTION  DU  BUREAU 

elle  comble  fort  heureusement  une  lacune  dans  la  géographie  de 
notre  Oranie. 

La  commission  est  d'avis  de  la  récompenser  par  une  médaille  de 
vermeil  et  par  son  insertion  dans  le  Bulletin  de  la  Société 
de  Géographie 

Oran,  le  4  mai  1902. 

Le  Pi'ésident, 
L'-Colonel  DERRIEN. 


9«  Renouvellement  annuel  d'un  tiers  des  Membres  du  Comité 

et  remplacement  des  Membres  démissionnaires 
ou  ayant  quitté  Oran 


L'élection  a  lieu  au  scrutin  secret,  à  la  majorité  des  voix  ;  elle 
porte  sur  douze  membres. 
Sont  réélus  pour  trois  ans  ; 
MM.   Bel,   Derhie.n,  Doujiergi'e,  Flahault,  Krette,    Gillot, 

POUSSEUR 

Les  cinq  membres  nouveaux,  sont  : 

MM-  Roux-Fbeissine.nx.,  avocat  ;  GuiLr.AL'ME,  prèparalenr  au 
Lycée  ;  Stephanopoli,  vice-président  du  Cunseil  de  Préfecture  ; 
l'abbé  Fabre,  aumônier  à  l'hôpital  civil,  et  le  docteur  Bassompierre, 
médecin- major  de  1"  classe  à  l'hôpital  militaire,  en  remplacement 
de  MM  BouTY,  nommé  secrétaire  général  honoraire  et  membre 
permanent  du  Comité  ;  Getten  et  Canal,  ayant  quitté  Oran  ; 
GoYT,  Renard,  démissionnaires 


6°    ÉLECTION    DU    BUREAU 


Dans  sa  réunion  du  12  mai  1902,  le  Comité  ainsi  reconstitué  a 

choisi  son  Bureau,  ainsi  qu'il  suit  ; 

Président  :  M   le  L'-Colonel  Derbien. 

1"  Vice-président  :  M    Mouliéras. 

2*  Vice-président  :  M.  Tartavez,  en  remplacenient  de  M  Gillot, 
qui,  en  raison  de  ses  nombreuses  occupai  ions,  a  décliné  !<■  renou- 
vellement de  son  mandat. 

Secrétaire  général:  M.  Flahault 

Trésorier  :  M.  Pocic 

Bibliothécaire-archiviste  :  M.  Guillaume. 

Section  géographique:  Secrétaire,  M.  Gasser;  Adjoint,  M.  BoissiN. 

Section  archéologi(p.ie  ;  Secrétaire,  M  l'abbé  Fabre  ,  Adjoint, 
M.  KocH 


CONCOURS  OUVERT  EN  1902 

PAR  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE  ET  D'ARCHÉOLOGIE   D'ORAN 


Comme  les  années  précédentes,  le  concours  portera  sur  les 
monographies  ou  mémoires  ayant  pour  but  de  faire  connaître 
notre  province,  de  faire  apprécier  les  ressources  industrielles 
et  agricoles  de  son  sol  et  de  fournir  des  éléments  pour  la  rédac- 
tion ultérieure  d'une  géographie  complète  du  département  d'Oran. 

Les  principales  lacunes  restant  à  combler  sont  les  descriptions 
géographiques,  historiques  et  économiques  : 

1°  Des  communes  mixtes  de  Saint-Lucien,  Aln-Temouchcnt, 
Mascara,  Frenda,  Saïda,  Cackerou,  Renault,  Cassaijne, 
Ammi-Moussa; 

2*  Des  communes  mixtes  militaires  de  Gérytille  et  de  Méchéria; 

3'  De  la  commune  indigène  de  la  Yagoubia 

Ces  travaux  devront  être  établit  d'après  un  programme 
déterminé  qui  sera  communiqué  aux  intéressés,  sur  leur 
demande,  par  M   Flahault,  secrétaire  général  de  la  Société  ; 

4'  Colonisation  des  Hauts- Plateaux  ; 

5°  Création  d'un  port  franc  à  Oran. 

Les  manuscrits  devront  èire  adressés  au  Président  de  la  Société, 
avant  le  31  mars  1903. 

Des  médailles  de  vermeil,  d'argent  ou  de  bronze  seront  décernées 
aux  auteurs  des  travau.x  qui  en  seront  jugés  dignes  par  le  Jury. 
La  distribution  des  récompenses  aura  lieu  à  l'Assemblée  générale 
de  mai  1903. 


SOCIÉTÈDEGÊOGRAPHIE  CONGRÈS  NATIONAL 

&  D'ARCHÉOLOGIE  .      , 

DES  SOCIÉTÉS  FRANÇAISES  DE  GÉOGRAPHIE 

d'oran 


XXIII"  SESSION.  —  ORAN  1902 

4°  LISTE  DES  VOEUX 

n^iaintenus  par  le  Comité  du  Congrès 


I 

Le  XXIII"  Congrès  national  des  Sociélcs  françaises  de  Géographie 
émet  le  vœu  que  le  Ministre  de  l'Instruction  publique  organise 
d'une  manière  mélhodique  l'enseignement  de  la  géographie  au 
moyen  de  projections  lumineuses  dans  les  établissements  d'ensei- 
gnement secondaire  de  garçons  et  de  filles  d'après  les  programmes 
des  différentes  classes  ;  que  les  appareils  et  les  vues  destinées  à 
propager  cet  enseignement  dans  les  écoles  primaires  soient 
déposés  dans  les  écoles  normales  primaires  de  garçons  et  de 
tilles  ;  et  qu'on  facilite  par  des  subventions  et  l'extension  de  la 
franchise  postale  l'action  des  Sociétés  privées  qui  se  consacrent  à 
l'expansion  de  l'enseignement  jjar  l'aspect 

II 

Le  XXIII' Congrès  déclare  s'associer  à  toute  initiative,  à  tous  les 
efforts  tendant  à  la  protection  des  sites  pittoresques  de  la  France 
métropolitaine  et  coloniale,  et  recommande  cette  question  à  toute 
la  sollicitude  des  Pouvoirs  publics. 

III 

Le  XXIII'  Congrès,  appréciant  le  très  grand  intérêt  qu'il  y  a  pour 
la  France  à  ce  que  l'histoire  du  Maroc  soit  une  œuvre  française, 
de  même  que  sa  carte  est  l'œuvre  de  nos  explorateurs,  exprime  sa 
reconnaissance  à  ceux  qui  ont  poursuivi,  pendant  ces  dernières 
années,  l'étude  des  questions  marocaines,  et  en  particulier  à  M.  de 
Castries,  â  M.  DE  Segonzac,  ;i  M.  Dohtté  et,  à  M.  Mouliéras. 
A  la  suite  de  l'intéressante  communication  de  M.  de  Castries,  il 
émet  le  vœu  que  toutes  les  facilités  soient  données  à  cet  historien 
pour  mener  à  bien  son  grand  ouvrage. 


CONGRÈS   NATIONAL    DES    SOCIÉTÉS    DE    GÉOGRAPHIE       119 
IV 

Le  Congrès  émet  Je  vœu  : 

Que  le  projet  de  loi  de  MM  Deville  cl  Boudenoot,  déjà  adopté 
par  la  Chambre  des  Députés,  et  ainsi  conçu  en  un  seul  articlf  : 

L'heure  légale  en  France  et  en  Algérie  est  l'heure  temps  moyen 
de  Paris  retardée  de  9  minutes  et  21  secondes, 

soit  voté  par  !e  Sénat  au  plus  tôt  et  sans  amendement. 

V 

Le  Congrès  émet  le  vœu  : 

Qu'après  la  consécration  par  \o  Sénat  do  la  loi  Boudenoot,  il 
soit  introduit  à  la  Cliamhre  des  Députés  un  nouveau  projet 
comportant  ; 

1''  La  numération  des  heures  du  jour  de  0  à  24,  de  minuit  à  midi  ; 

2°  L'usage  exclusif  de  llieure  légale,  sans  aucune  altération 
volontaire,  pour  toutes  les  horlog.  s  destinées  à  la  vue  du  public, 
en  particulier  pour  celles  des  municipalités  et  des  chemins  de  fer 
à  1  intérieur  et  à  l'extérieur  des  gares 

Le  Congrès  recommande  de  ne  pas  cherclier  à  joindre  ces 
propositions  à  la  loi  Boudenoot,  alin  de  ne  pas  retarder  le  vote  de 
celle-ci 

VI 

Le  Congrès  croit  devoir  signaler  aux  Pouvoirs  publics  l 'intérêt 
scienljfi([ue  et  national  qui  s'attache  à  l'achèvement  du  système 
des  mesures  décimales,  œuvre  essentiellement  française. 

Se  référant  aux  vœux  émis  aux  Congrès  de  Lorient  et  d'Alger, 
ii  émet  le  vœu  : 

Que  le  gouvernement  prenne  telles  dispositions  qu'il  jugera 
convenables  pour  rendre  officielle  la  décimalisation  de  l'heure  et 
de  l'arc  de  cercle  correspondant,  dans  le  plus  bref  délai  possible. 

VII 

Le  Congrès  émet  en  même  temps  le  vœu  en  faveur  de  la  réforme 
des  calendriers  dans  le  sens  de  leur  unification. 

VIII 

Le  Congrès  émet  le  vœu,  déjà  formulé  dans  leurs  ouvrages, 
par  MM,  Ville,  Waille  Marial  et  Maurice  W.vhl  : 

Que  des  recherches  soient  méthodiquement  entreprises  pour 
rendre  à  la  colonisation  les  immenses  territoires  sacrifiés  de  la 
Sebkha  d'Oran  en  particulier  et  des  chotts  de  faible  salure  en 
général. 


120      CONGRÈS   NATIONAL   DES   SOCIÉTÉS   DE   GÉOGRAPHIE 

Les  moyens  principaux  proposés  sont  : 

1°  Drainage  des  eaux  à  la  mer,  quand  cela  est  possible  ; 

2°  Création  de  cuvettes  centrales  (Boit-tout  ou  salines); 

3"  Développement  sur  les  terrains  salés  du  bassin  et  du  fond 
du  lac,  d'une  flore  appropriée  et  pouvant  servir  de  pâturage  au 
mouton  par  exemple 

IX 

Le  Congrès  émet  le  vœu  : 

Qu'une  carte  de  la  répartition  du  paludisme  en  Algérie  soit 
établie  et  publiée,  dans  1  intérêt  de  l'hygiène  des  colons  et  des 
progrès  de  la  colonisation. 

X 

Le  Congrès  émet  le  vœu  : 

1°  Que  les  Pouvoirs  publics  favorisent  l'envoi  en  Abyssinie  <le 
missions  spéciales,  afin  de  compléter  l'étude  géographique  du 
pays,  d'y  maintenir  la  prépondérance  du  comaierce  français  et  de 
fortifier  nos  relations  d'amitié  avec  l'empiré  du  négus  Ménélil<. 

2°  Que  les  Pouvoirs  publics  prennent  toutes  les  mesures  néces- 
saires pour  conserver  entre  des  mains  françaises  le  chemin  de  fer 
de  Djibouti  à  Harrar  et  à  Addis-Ababa,  et  pour  continuer  sa 
construction. 


2°  COMPTE-RENDU 

des    Tr>ava.tax    du    Goiigr^ôs 


-A.VIS 


D'après  l'article  X  du  Règlement  du  Congrès  national  des 
Sociétés  fi-ançaises  de  Géographie,  ce  compte-rendu  doit  être  fait 
par  les  soins  et  aux  frais  de  la  Société  organisatrice,  dans  le  plus 
bref  délai  possible. 

Par  application  de  ces  prescriptions,  le  Président  de  la  Société 
de  Géographie  et  d'Archéologie  dOran  a  l'honneur  de  prier  ses 
collègues  des  Sociétés  ayant  pris  part  au  Congrès  de  1902,  de 
vouloir  bien  insister  auprès  des  congressistes  ayant  lu  leurs 
rapports  sur  les  travaux  de  leur  Société  et  de  ceux  ayant 
traité  des  questions  du  Programme,  pour  qu'ils  adressent  sans 
retard  leur  manuscrit  à  M.  Flahault,  secrétaire  général  de  la 
Société,  rue  Saint-Denis,  11,  à  Oran 


OBSERVATIONS  METEOROLOGIQUES 


121 




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STATION   MÉTÉOROLOGIOIIE 

DE    SANTA-CRUZ    DORAN 

Altitude:  374  mètref> 


EXPOSE    SOMMAIRE 

des  résultats  obtenus  du  l^r  décembre  1901  au  1<"^  juin  1902,  avec 
une  élude  comparative  avec  les  résultats  obtenus  à  l'hôpital  militai'  e 
pendant  la  même  période. 


Les  insli'uments  qui  servent  à  faire  ies  observations  à 
l'hôpital  militaire  sont  les  mêmes  que  ceux  qui  sont  employés 
à  la  station  de  Santa-Cruz  qui  possède  en  outre  trois  enregis- 
treurs et  deux  séisméographes.  Dans  ces  conditions,  il  est 
intéressant  de  comparer  les  observations  fournies  par  des 
instruments  identiques  placés  dans  la  même  ville  à  des 
altitudes  ditTérentes.  Il  sera  facile  de  constater  rinfluence 
énorme  des  vents  sur  les  résultats  obtenus.  Au  point  de  vuo 
du  progrès  de  la  science  météorologique,  la  staticm  de  b'anta- 
Cruz  pourra  servir  à  trouver  l'explication  de  certains  phéno- 
mènes, et  être  ce  que  sont  à  Paris  les  stations  de  la  tour 
Saint-Jacques  et  de  la  tour  Eifel  par  rapport  aux  autres 
stations  placées  à  des  niveaux  moins  élevés. 

Dans  cette  étude  comparative,  j'examinerai  successivement 
les  diftérents  phénomènes  en  suivant  l'ordre  du  registre  des 
observations. 

L'étude  de  l'évaporation  dans  les  deux  stations  se  fait  avec 
l'atmismomètre  Piche.  La  vitesse  d'évaporation  dépend  de 
la  diftërence  entie  la  tension  maxirna  correspondante  à  la 
température  ambiante  et  la  tension  de  la  vapeur  d'eau 
réellement  existante  dans  l'air.  Elle  dépend,  en  outre,  de  la 
force  du  vent  et  de  la  pression  barométrique.  —  Dans  les  deux 
stations,  les  évaporomètres  sont  placés  dans  les  mêmes 
conditions,  à  2  mètres  60  au-dessus  du  sol,  sous  l'abri  régle- 
mentaire et  donnant  par  suite  l'évaporation  à  l'ombre.  J'ai  lu 
quelque  part  que  l'évaporation  diurne  constatée  avec  l'évapo- 


SEJIESTRE    MÉTÉOROLOGIQUE  12:î 

romèlre  Piche  est  notablement  plus  forte  c|ue  l'évaporatioii 
nocturne.  —  Les  résultats  obtenus  aux  deux  stations  pendant 
la  période  décembre  1901  à  juin  1902,  ne  donnent  pas  raison 
à  cette  règle. 

Avant  d'essayer  d'en  donner  une  explication,  voici  les 
résultats  obtenus  : 

HOPITAL    MILITAIHE 

Evaporalion  diurne 36,6;  30,4;  47,4;  46,4;  69,3;  48,8 

Evaporation  nocturne...     36,2;  32,7;  48,6;  43,0;  47,6;  0(),3 

SANTA-CRUZ 

Evaporation  diurne  65,1;  48,1;  67,0;  68,5;  85,5;  116,3 
Evaporation  noct..    324,7;  115,7;  139,2;  124,2;  176,1;   181,1 

Les  résultats  donnés  font  d'aboi'd  constater  qu'à  l'hôpital 
militaire  l'évaporation  diurne  ne  l'emporte  pas  toujours  sur 
l'évaporation  nocturne  et  qu'à  Sanla-Cruz  l'évaporation  diurne 
est  toujours  inférieure  à  l'évaporation  nocturne.  Un  résultat 
aussi  intéressant  à  constater,  c'est  qu'à  Santa-Cruz  l'évapora- 
tion diurne  et  nocturne  est  toujours  de  beaucoup  supérieure 
à  l'évaporation  diurne  et  nocturne  qui  s'observe  à  l'hôpital 
militaire.  11  est  déjà  certain  que  ces  dernières  anomalies 
s'expliquent  par  ce  fait  que  la  tension  de  la  vapeur  ti'eau  est 
toujours  plus  élevée  à  l'hôpital  mililaire  qu'à  Santa-Cruz,  et 
que  c'est  l'inverse  pour  l'intensité  du  vent.  La.  pression 
barométrique  qui  est  différente  par  suite  de  la  différence  de 
niveau  doit  aussi  avoir  son  intluence. 

L'élut  Itijgwinét-riqne  de  l'air  ou  humidité  relative  est 
toujours  plus  élevé  à  l'hôpital  militaire  qu'à  Santa-f.ruz.  Ces 
résultats  s'expliquent  en  constatant  que  la  tension  ambiante 
de  la  vapeur  d'eau  et  que  la  température  moyenne  sont  plus 
élevées  en  haut  qu'en  bas  de  la  montagne  (d'après  les  registres 
d'observations  des  deux  stations). 

Le  résultat  le  plus  intéressant  mis  à  jour  depuis  la  cr-éation 
de  l'observatoire  de  Santa-Cruz  est  celui  qui  résulte  des 
observations  ozonométriques 

L'état  ozonométrique  a  toujours  été  de  beaucoup  supérieur 
à  celui  -constaté  à  l'hôpital  niilitaire.  D'ailleurs  une  étude 
particulière  que  j'ai  faite  dans  les  diflérents  quartiers  de  la 
ville  d'Oran,  m'a  montré  que  c'est  à  l'hôpital  militaire  où  cet 
état  est  le  moins  élevé. 


124  SEMESTRE   MÉTÉOROLOGIQUE 

Voici  les  observations  faites  dans  les  deux  stations  : 

Santa-Cruz 14,5;  13,1;  14,0:  14,1;  13,4;  11,2 

Hôpital  militaire..       7,0;    6,5;    7,5;    8,3;     7,9;     6,8 

Cette  ditïérence  énorme  et  constante  dans  les  observations, 
demande  d'essayer  d'en  rechercher  la  cause.  Il  est  admis 
actuellement  que,  sous  l'influence  de  l'électricité,  l'oxygène  de 
l'air  acquiert  des  propriétés  particulières  qui  ont  fait  donner 
par  M.  Schœnbein  le  nom  d'ozone  à  l'oxygène  ainsi  modifié. 
Il  a  été  constaté  qu'en  temps  de  choléra,  par  exemple,  l'état 
ozonométrique  est  presque  nul,  et  que  dans  les  endroits 
souillés  par  des  fumées  ou  par  des  gaz  délétères,  comme 
aux  abords  des  usines  ou  des  usines  à  gaz,  la  quantité  d'ozone 
formée  est  insignifiante.  Ces  observations  me  conduisent  à 
émettre  l'hypothèse  suivanle,  qu'une  étude  plus  approfondie 
pourrait  justifier  ;  sous  l'intluence  de  l'électricité,  l'oxygène 
de  l'air  se  transforme  en  ozone. 

Si  cet  ozone  formé  se  trouve  en  contact  a\-ec  des  miasmes  ou 
des  gaz  délétère.s  il  est  décomposé  avec  dégagement  d'oxygène, 
comme  cela  se  produit  lorsque  l'ozone  se  trouve  en  présence 
de  matières  à  l'état  pulvérulent.  Par  suite,  un  état  ozonomé- 
trique faible  serait  la  preuve  que  l'air  est  souillé  par  des 
matières  nuisibles  à  la  pureté  de  l'air. 

Dans  le  prochain  compte  rendu  des  observations  de  la  station 
de  Santa-Cruz,  je  ferai  une  étude  comparative  des  résultats 
obtenus  aux  deux  stations  sur  la  nébulosité,  l'anémologie, 
la  pluie  et  sur  les  dilTérents  phénomènes  non  étudiés 
aujourd'hui. 

A.  GUILLAUME, 

Préparateur  de  physique 

et  de  chimie  au  Lycée  d'Or  an. 


Monographie  Géographique  &  Historique 

DE    LA 

CoMMUiXE    MIXTE     DE     LA     MINA 


INTRODXJCTIOKT 


J'ar  sa  situation  géographique  sur  quatre  régions 
marquées,  par  l'intérêt  historique  que  présente  l'oc- 
cupation successive  de  son  territoire  par  des  popu- 
lations variées,  par  le  souvenir  des  luttes  contre 
Al)d-el-Kader  dont  elle  fut  un  des  principaux  théâtres, 
la  commune  mixte  de  la  Mina  méritait  une  monogra- 
phie spéciale  destinée  à  retracer  les  détails  de  sa 
géograpliie,  de  son  histoire,  de  son  administration 
et  de  sa  colonisation.  Rien  de  ce  genre  n'avait  été  fait 
jusqu'ici.  Nous  avons  essayé  de  combler  cette  lacune 
en  décrivant  le  plus  exactement  possible  les  parties 
distinctes  de  cette  région,  c'est  à-dire  les- vallées  de 
la  Mina  et  de  l'Hillil,  les  hauteurs  de  Kalàa,  les  plaines 
de  l'Habra  et  de  Sirat  et  les  collines  de  Mekhalia  ; 
en  rappelant  les  rapports  amicaux  ou  hostiles  des 
Français  avec  les  grandes  tribus  du  territoire  telles 
que  les  Medjeher,  les  Ouled  Sidi  Abd-AUah,  les 
Bordjia  et  les  incorrigibles  Flitta  ;  en  citant  enfin 
toutes  les  particularités  propres  à  mettre  en  lumière 
certains  faits  ignorés  jusqu'ici,  à  rectifier  diverses 
erreurs. 

dO 


126  INTRODUCTION 

Nous  souhaitons  avoir  réussi  dans  notre  tâche  : 
elle  a  consisté  à  réunir  dans  un  même  groupement 
tout  ce  que  nous  avons  crû  devoir  intéresser  à  la  fois 
les  personnes  désireuses  de  se  renseigner  sur  cette 
région  dans  un  Ijut  scientifique,  les  voyageurs,  les 
colons,  les  pouvoirs  puhlics  eux-mêmes. 

Ayant  eu  l'occasion  de  parcourir  ù  diverses  reprises 
cette  partie  du  Tell  oranais.  d'y  séjourner  même 
quelque  temps,  nous  y  avons  recueilli  le  plus  de 
renseignements  susceptibles  de  compléter,  dans  une 
certaine  mesure,  les  trop  rares  détails  que  nous 
donnaient  sur  ces  lieux  les  nombreux  ouvrages  que 
nous  avions  consultés. 

Peut  être  n'avons  nous  pas.  dans  notre  travail, 
répondu  exactement  à  l'idée  de  ceux  qui  le  consul- 
teront plus  tard  pour  y  puiser  quelques  renseigne- 
ments ;  mais  si  nous  n'avons  pas  réussi  à  contenter 
entièrement  nos  futurs  lecteurs,  nous  nous  faisons 
au  moins  un  devoir  de  prétendre  que  l'intention 
y  était. 


N.-B.  —  .l'ai  (lu,  pour  ne  pas  dépasser  les  limites  d'une 
publication  destinée  à  être  insérée  au  Bulletin  de  la  Sociêtii  de 
Géographie  d'Oran,  diminuer  au  dernier  moment  le  manuscrit  de 
moitié,  c'est-à-dire  à  éliminer  nombre  de  citations  et  la  majeure 
partie  des  annotations.  Mais  jo  compte  dans  un  travail  ultérieur 
utiliser  et  publier  tous  ces  documents  qui,  malheureusement, 
n'ont  pu  trouver  leur  place  ici. 

R.  L. 


M0\0GR4PHIE  GÉOURAPIIIIIIE  Si  IIISTORIOIË 


Oommiane    mixte    <d.e    la.    Ji/Lll^A. 


PARTIE  GÉOGRAPHiaUE 


I.  —  LIMITES 

Englobant  presqu'entièrenient  la  plaine  de  l'Habra  et  celle 
de  Sirat,  une  partie  des  territoires  baignés  par  le  Bas-Chélif 
(rive  gauche),  toute  la  vallée  de  la  Basse-Mina,  celle  de 
l'Hillil  et  les  premiers  contreforts  des  Beni-Chougran,  la 
commune  mixte  de  la  Mina  est  limitée,  au  Nord-Ouest,  par  le 
territoire  des  Oulad  Malet  et  le  Djebel  Trik-Touirés  (c'est-à- 
dire  les  communes  de  plein  exercice  de  Blad-Touaria,  Aïn- 
Sidi-Chérif,  Rivoli,  Noisy-les-Bains),  au  Nord  Est  par  le  Dahra 
(communes  mixtes  de  Gassaigne  et  de  Renault),  à  l'Est, 
par  les  premiers  contreforts  de  l'Ouarsenis  (sur  lesquels 
s'étend  la  commune  mixte  de  Zemmora),  au  Sud,  par  la 
plaine  de  l'Eghris  et  les  Beni-Chougran  (c'est-à-dire  par 
l'arrondissement  .de  Mascara),  à  l'Ouest,  par  le  territoire  de 
Perrégaux  et  la  plaine  de  la  Macta. 


128 


MONOGRAPHIE    GEOGRAPHIQUE    ET    HISTORIQUE 


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DE    LA    COMMUNK;  MIXTE  DE  LA  MINA  129 


II.   —   GEOLOGIE   ET   OROGRAPHIE 

La  région  qui  nous  occupe  s'étend  donc  à  la  fois  sur  les 
territoires  de  Mostaganem  et  de  Mascara  et  sur  la  vallée 
inférieure  du  Cliélif. 

«  Le  plateau  de  Mostaganem,  dit  M.  Poiiiel,  s'étend  depuis 
«  la  dépression  du  Chélif  au  Nord,  jusqu'à  la  Macla  au  Sud, 
«  entre  la  Mina  et  la  mer.  C'est  une  vaste  région  gréseuse, 
«  monotone  et  triste,  bordée  par  une  côte  escarpée,  ne 
ft  présentant  aucune  végétation  arborescente,  si  ce  n'est 
«  aux  environs  de  Bel-Hacel  où  un  sol  un  peu  accidenté  donne 
«  lieu  à  une  végétation  broussailleuse  qui  contraste  vivement 
«  avec  la  nudité  de  l'ensemble  En  nombre  de  points,  et 
«  principalement  au  Nord  d'Aboukir,  la  nature  sablonneuse 
«  du  sol  donne  lieu  à  la  formition  de  dunes  qui  paralysent 
«  beaucoup  les  cultures  dans  cette  région.  »  Telle  est  la 
caractéristique  de  cette  région  qui  rappelle  d'ailleurs  la  partie 
Est  et  Sud-Est  de  Relizane.  Là,  en  elTet,  de  même  que  dans  le 
territoire  situé  entre  le  Chélif,  la  Mina  et  l'IIillil,  le  système 
pliocène  domine,  ainsi  qu'a  pu  le  constater  M.  Ficheur, 
directeur  du  laboratoire  d'Alger,  dans  sa  révision  de  la  carte 
géologique  de  l'Algérie.  Mais,  à  l'Est  de  la  Mina,  les  alluvions 
anciennes  coudoient  le  terrain  pliocène. 

La  plaine  de  la  Mina  proprement  dite,  c'est-à-dire  la  partie 
comprise  à  l'Est  du  confluent  du  Chélif  et  de  la  Mina,  est 
exclusivement  formée  d'alluvions  limoneuses. 

Entre  l'Hillil,  Blad-Touaria,  Aboukir  et  le  Chélif,  le  pliocène 
est  semé  par  places  de  couches  sahéliennes  (miocène 
supérieur),  mais  le  saliélien  se  développe  surtout  dans 
l'Ouest  à  partir  d'une  ligne  Cassaigne-Perrégaux.  Vers  l'Ouest, 
les  couches  de  Mostaganem  se  contiiuient  vers  Perrégaux  et 
Saint-Denis-du-Sig  où  elles  forment,  au  pourtour  de  l'Habra, 
une  bande  étroite  reliant  le  plateau  de  Mostaganem  aux  couches 
des  environs  d'Oran.  Sur  toute  la  partie  comprise  enhe 
Duperrô  et  Relizane,  la  plaine  du  Chélif  est  bornée  lui  Sud  par 
une  ligne  continue  de  collines  peu  élevées,  dont  la  composition 
lithologique  est  variable,  mais  qui  représente  des  a  faciès  » 
différents  d'un  même  étjge. 


130  MONOGRAPHIE.  GÉOGRAPHIQUE   ET    HISTORIQUE 

De  l'Hillil  à  Relizane,  au  Sud  de  ces  deux  localités,  on 
remarque  une  bande  de  terrains  formés  d'alluvions  anciennes, 
c'est-à-dire  de  même  nature  que  ceux  qui  se  trouvent  au 
Nord-Est  de  Relizane.  Après  quoi,  la  majeure  partie  du  sol 
montagneux  situé  au  Sud  de  l'Hillil  appartient  au  miocène 
moyen  (helvétien).  Il  forme  une  bande  large  d'environ 
10  kilomètres  de  Perrégaux  à  l'Hillil  ;  cette  bande  fait  ensuite 
un  coude  au  Sud-Est  et  va  s'épanouir  vers  Kalàa,  s'étendant  à 
l'Est  de  cette  ville  et  au  Sud,  atteignant  El-Bordj  et  effleurant 
iVïn-Farès,  Mascara  et  Palikao  ;  au  Nord-Est  de  Kalàa,  l'helvé- 
tien  fait  un  coude  au  Sud  et  va  s'élargissnnt  dans  la  direction 
des  Flitta.  Le  crétacé  inférieur  est  représenté  au  Sud  de  Kalàa 
et  de  Perrégaux,  à  14  kilomètres  Est  environ  de  Kalàa,  et  sur 
la  rive  droite  de  la  Mina  à  une  trentaine  de  kilomètres  Sud  de 
Relizane.  Le  miocène  inférieur  (cartennien)  a  sa  place  dans 
la  partie  Est  de  Kalàa  et  au  Nord  de  cette  localité,  entre 
l'helvétien  et  le  crétacé  inférieur,  sur  une  bande  qui  se  pro- 
longe jusqu'à  Perrégaux.  L'éocène  inférieur  s'étend  largement 
du  côté  de  la  commune  mixte  de  Palikao.  Quant  au  gypse,  il 
s'en  trouve  seulement  quelques  taches  à  l'Est  et  au  Sud-Est  de 
Kalàa.  En  résumé,  la  constitution  géologique  de  la  commune 
mixte  de  la  Mina  est  surtout  composée  :  d'alluvions  limoneuses 
sur  la  l'ive  droite  de  la  Mina  et  dans  la  plaine  de  Sirat,  de 
pliocène  sur  les  rives  gauches  de  la  Mina  et  de  l'Hillil,  d'hel- 
vétien  dans  la  partie  montagneuse  Sud.  Ces  données  géologiques 
sont  le  résultat  des  recherches  de  cet  ordre  les  plus  récentes 
faites  par  MVl.  Pomel  et  Ficheur. 

L'étage  helvétien  est  donc  le  caractéristique  de  toute  la 
partie  méridionale  de  la  commune  mixte,  entre  l'Oued  Malah, 
l'Hillil,  Relizane,  Tilliouanet  et  Kalàa.  H  est  for  né  soit  de 
calcaires  à  mélobésies  couverts  de  broussailles,  soit  de  marnes 
argileuses  au  sommet  desquelles  on  trouve  dans  des  couches 
gréseuses  des  accumulations  d'ostrca  crassissima  qui  en  est  le 
fossile  caractéristique.  Cette  région  offre  donc  aux  yeux  du 
voyageur  des  collines  à  crêtes  blanchâtres  ou  plutôt  gris  pâle  ; 
tel  est  l'aspect  des  mamelons  de  Kalàa,  Tilliouanet,  El  Romri. 
(communes  de  Kalàa,  Douair,  Guerboussa,  SidiSàada  et 
El-Romri).  Au  Nord  de  Relizane,  la  plaine  estrecouverte  de 
terres  fortes  brunes  ou  de  récents  dépôts  argileux  jaunâtres. 
La  partie  montagneuse  composée  de  pliocène  et  de  miocène 
sahélien   (aux  Zgaïr  et  chez  les  Aïn-el-Gueltar)  est  surtout 


DE   LA  COMMUNE  MIXTE   DE   LA  MINA  131 

gréseuse  et   recouverte  de  végétation    forestière    ou   plutôt 
broussailleuse. 

Remarquons  enfin  que  la  région  montagneuse  Sud,  entre 
Relizane  et  Kalàa,  est  assez  souvent  ébranlée  par  des  tremble- 
ments de  terre  et  l'aspect  si  pittoresque  de  Kalàa  lui-même  où 
les  roches  qui  s'élèvent  en  amphithéâtre  sont  disposées  dans 
le  plus  parfait  désordre  et  contre  toutes  les  règles  de  forma- 
tiiins  géologiques  piouvc  qu  ■  le  pays  dut  èlre  autrefois  léjnoin 
d'éruptions  volcaniques  ou  tout  au  moins  de  bouleversements 
fréquents  occasionnés  par  les  mouvements  séismiques. 

Les  collines  de  la  co  'imune  mixte  de  la  Mina  peuvent  se 
diviser  en  deux  catégories  :  1  celles  qui  appartiennent  au 
massif  des  lieni-Chougran  et  :  2o  celles  qui  constituent  les 
derniers  retranchements  du  système  du  Dahra. 

Daiis  la  paitie  méridionale,  au  Sud  de  Relizane,  Clinchant, 
l'Hillil,  Oued- Malah  et  Perrégaux,  s'élendant  jusqu'à  El- 
Bordj,  les  montagnes  basses  qu-'  l'on  aperçoit  de  la  voie  du 
chemin  de  ier  Alger-Oran  font  parlie  du  massif  des  Beni- 
Chougran. 

Les  sites  les  plus  importants  sont,  dans  la  région  de  la  Kalàa: 
le  Djebel  Barbar  (814  mètres),  le  Djebel  Tartar  ou  Etlartar 
(400  mètres)  qui  dominent  la  plaine  Semniar  dont  l'altitude 
est  de  3()9  mètres,  très  fertile  et  facilement  iiTigable;  le  Djebel 
El-Bab  (montagne  de  la  Porte)  (41i  mètres),  le  Djebel  Er-Rar- 
Triki  (4138  mètres),  le  Djebel  Ang-el-Djemel  (le  coup  de 
Chameau)  (461  mètres).  Dans  la  même  région,  on  remarque, 
chez  lesMessabehia,au  Sud  de  Clinchant,  la  plaine  de  Kaourara 
(203  mètres  d'altitude)  et  chez  les  Ouled-bou-Ali  la  plaine  de 
Touïla  (137  mètres  d'altitude  en  moyenne),  entourées  de 
mamelons  sans  importance  pittoresque  ou  géographique.  Les 
derniers  contreforts  de  ce  massif  s'étendent  jusqu'aux  Beni- 
Reddou  et  R'oualize  (enti-e  l'Hillil,  Bouguirat  et  El-Romri). 
Au-dessus  de-El-Romri  s'élève  le  Djebel  Ed-Djir  (la  montagne 
de  Chaux)  qui  se  partage  en  quatre  monticules  de  hauteur 
décroissante,  formés  de  plâtre  brut,  d'un  aspect  assez  curieux 
vu  de  la  plaine,  d'autant  plus  qu'au  haut  de  chaque  sommet 
est  bâtie  une  kouba  oi^i  reposent  les  restes  d'un  marabout  dont 
la  sainteté  doit  correspondre  à  la  hauteur  du  site  où  il  est 
enterré  (le  Premier  Piton,  le  plus  élevé,  est  surmonté  du 
marabout  de  Sidi  Abd-el-Kader,  saint  très  vénéré,  également 
connu  sous  le  nom  de  Sidi-Medjahed;  auprès  se  trouvent  les 


132  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE   ET   HISTORIQUE 

ruines  du  poste  géodésique  utilisé  pourla  triangulation  du  pays). 
La  crête  se  continue  en  s'abaissant  par  le  Djebel  Grabès 
(255  mètres)  et  le  Djebel  Mehariga  (la  montagne  desséchée  ou 
incendiée)  (254  mètres)  qui  domine  Bouguirat  à  gauche,  et  la 
petite  plaine  d'El-Merouane  à  droite,  chez  les  Roualize. 

La  tribu  des  Beni-R'addou  (qui  fit  partie  de  l'aghalik  d'El- 
Bordj),  occupe  la  petite  chaîne  de  montagnes  isolées  connues 
sous  le  nom  de  Djebel  Ed-Djir  vues  plus  haut  et  une  partie  de 
la  plaine  de  Negma  que  le  cheniin  de  fer  traverse  entre  Oued- 
Malah  et  l'Hillil. 

Du  sommet  du  Djebel  Ed-Djir  on  aperçoit,  à  l'Est  les  plaines 
de  l'Hillil  et  de  la  Mina,  à  l'Ouest  se  déi-oule  la  plaine 
d'El-Romri  ou  plaine  de  Karkacha,  derrière  laquelle  s'étend 
l'immense  plaine  de  l'Habra  où  campe  la  tribu  des  Borgia. 
Au  loin  apparaît  la  mer  (golt'e  d'Arzeu)  et  les  jours  sereins 
on  peut  voir  se  détacher  à  Thorizon  le  profil  caractéristique 
de  la  Montagne  des  Lions  qui  domine  Orân  et  dont  la  forme 
rappelle  la  Dent  du  Midi. 

Le  Djebel  Trek  et  Touirès  (339  mètres)  qui  s'étend  parallè- 
lement à  la  mer  au  Sud  de  Mostaganem  à  partir  d'Aboukir 
jusqu'à  A'in-Nouissy  où  il  se  termine  par  le  Djebel  Chegga 
(257  mètres)  comme  un  gigantesque  éperon  au-dessus  de  la 
plaine,  se  prolonge  à  l'Est  d'Aboukir  en  collines  dont  la  hauteur 
varie  de  100  à  280  mètres.  Elles  forment  des  mamelons  sans 
nom  chez  les  Oulad  Sidi-Abdallah  au  Nord  de  Blad-Touaria, 
ou  se  dessinent  en  sites  assez  nettement  marqués  tels  que  le 
Djebel  Mouzaïa  (265  mètres),  le  Djebel  Brahl  (260  mètres)  qui 
séparent  les  plaines  de  Blad-Touaria  et  de  Bouguirat,  le  Djebel 
Milar  (152  mètres)  entre  la  plaine  de  Sirat  et  celle  de  Bouguirat. 

Les  derniers  contreforts  du  Dahra  s'étendent  jusque  dans 
cette  région,  c'est  à-dire  au  Nord  de  Relizane,  Bel-Hacel, 
l'Hillil,  Bouguirat  et  Blad-Touaria.  Ils  se  divisent  en  trois 
branches  principales  parallèles  se  dirigeant  toutes  dans  la 
direction  Sud-Ouest,  Nord- Est.  La  première  ligne  de  collines 
se  trouve  au  Nord-Ouest  de  Bel-Hacel  au  bas  de  laquelle 
s'étend  à  droite  la  plainedu  Blad-el-Mehaftia,  elledomine  toute 
la  plaine  de  la  Mina;  on  y  remarque  le  Djebel  Mekhalia 
(450  mèti'es  à  l'Aïn-Djilali)  et  la  montagne  de  Bel-Hacel  dont 
les  points  culminants  sont  le  poste  géodésique  de  la  Koudiat 
Azreka  (la  Colline  Iîleue)(.50i  mètres)  et  le  poste  géodésique  du 
Keloub-Tsour  (51()  mètres);  un  marabout  occupe  le  sommet 


DE    LA   COMMUNE   MIXTE    DE  LA    MINA  133 

de  ce  mamelon;  la  route  militaire  de  Mostaganem  à  Relizane 
par  Sidi-bel-Hacel  passe  au  col  d'Aoud  et  Tulf,  non  loin  et  au 
Sud  de  Keloub-Tsour. 

Parallèlement  au  Djebel  Mekhalia,  et  séparés  de  la  foret 
domaniale  par  la  vullée  de  la  Soif,  s'étendent  le  Djebel 
Fernene  (Montagne  du  Liège)  (442  mètres)  et  le  Djebel 
Karrouba  (Montagne  du  Caroubier)  (4(35  mètres). 

La  deuxième  chaîne  de  collines  commence  au  Djebel  Yazzira 
(37<)  mètres),  se  continue  par  la  longue  arête  de  la  foi  et 
domaniale  de  Lakboube  doi.t  la  hauteur  est  en  moyenne  de 
400  mètres,  séparée  de  la  montagne  de  Bel  Hacel  par  l'Outha 
(plaine)  de  Sidi-Abeda  et  se  termine  par  le  Djebel  Bou-Assas 
(315  mètres)  et  le  Djebel  Zegnoun  qui  surplombent  la  rive 
gauche  du  Chélif  non  loin  de  son  confluent  avec  la  Mina. 

Quant  à  la  troisième  chaîne,  elle  comprend,  du  Sud  au  Nord: 
le  Djebel  Béiod  (Montagne  Blanche^  (382  mètres)  et  le  Djebel 
Zaimia  (393  mètres)  recouverts  par  la  forêt  domaniale  d'Ennaro  ; 
le  Djebel  Djezzar  (314  mètres)  qui  comporte  également  une 
végétation  forestière,  et  le  Djebel  Sliman  (341  mètres)  à  gauche 
du  Djebel  Bou-Assas.  Tel  est  dans  ses  grandes  lignes  le 
système  orographique  de  la  commune  mixte  de  la  Mina,  qui 
n'offre  d'ailleurs  rien  de  particulier. 


Insert 

Foldout 

Hère! 


DE   LA  COMAIUNE  MIXTE   DE   LA   MINA  135 


III.  —  HYDROGRAPHIE 

La  commune  mixte  de  la  Mina  est  située  entre  les  bassins 
inférieurs  du  Chélif  et  de  la  Mina  et  celui  de  l'Habra-Macta  ; 
c'est  dire  que  la  plus  grande  partie  des  rivières  et  cours  d'eau 
qui  se  jettent  sur  la  rive  gauche  de  la  Basse-Mina  et  du  Bas- 
Chélif,  ou  vont  se  perdre  dans  la  plaine  de  l'Hubra,  traversent 
le  territoire  qui  nous  occupe  ici. 

Le  Chélif  n'arrose  qu'une  faible  partie  de  la  région  N.-E.  de 
la  commune  mixte  ;  aussi  serait-il  hors  de  propos  de  nous 
spécialiser  dans  la  description  de  ce  fleuve  qu'on  trouvera 
traitée  dans  maints  ouvrages.  Qu'il  nous  suffise  de  dire  qu'il 
baigne  la  limite  septentrionale  de  cette  commune  mixte  depuis 
la  tribu  des  Akerma  Cheraga  Jusqu'à  son  confluent  avec  la 
Mina,  qu'il  pénètre  ensuite  sur  le  territoire  et  l'arrose  par  de 
nombreux  méandres  jusqu'à  son  entrée  dans  la  commune  de 
Sour-kel-Mitou  (  Bellevue). 

La  Mina  prend  sa  source  au  Djebel  Aklidar  (Montagne  Verte), 
à  l'Est  de  Frenda,  passe  près  de  Tiaret  et  Tagdempt,  tombe 
de  4>2  mètres  de  hauteur  à  la  cascade  d'El-Hourara,  reçoit 
l'Oued-el-Abd  ou  rivière  de  la  cascade  de  Tagremaret,  plus 
considérable  qu'elle-même,  puis,  avant  d'arriver  à  Relizane, 
quitte  la  région  montagneuse  pour  entrer  dans  la  grande 
plaine  du  Chélif.  Elle  y  est  utilisée  au  moyen  d'un  barrage- 
déversoir  pour  l'irrigation  des  environs  de  Relizane  ;  elle 
croise  ensuite  le  chemin  de  fer  et,  continuant  à  se  diriger 
dans  une  région  Sud-Nord,  elle  reçoit,  à  une  douzaine  de 
kilomètres  de  Relizane,  dans  le  douar-commune  de  Zgaïer,  la 
rivière  Hillil.  Puis  elle  baigne  Sidi-bel-Hacel,  et,  après 
plusieurs  replis  sur  elle-même,  elle  va  se  jeter  à  15  kilomètres 
au  Nord  dans  le  Chélif,  ayant  effectué  220  kilomètres  de  cours 
dont  une  cinquantaine  dans  la  commune  mixte  de  la  Mina. 
En  résumé  :  elle  arrose  les  douars-communes  des  Oulad-bou- 
Ali,  des  Messabehia,  le  territoire  de  la  commune  de  Relizane 
(où  elle  coupe  la  route  nationale  et  le  chemin  de  fer  Alger- 
Oran)  les  douars-communes  de  Mina,  Zgaïer,  (ou  e'ie  reçoit 
l'Hillil  et  coupe  le  chemin  de  fer  de  Mostaganem-Tiaret)  de 
Bel-Hacel,  Aïn-el-Guettar  et  Kiaïba  (où  elle  se  jette  dans  le 
Chélif). 

Le   mot  Miii'i  n'est  pas   arabe  :    on   .sait   seulement  qu'il 


136  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE   ET   HISTORIQUE 

désignait  à  la  fois,  à  l'époque  romaine,  et  la  rivière  et  la  ville 

auprès  des  ruines  de  laquelle  Relizane  a  été  bàli  et  qui  tirait 

son  nom  des  eaux  qui  l'arrosaient. 

L'Hillil  est  bien  moins  considérable  que  la  Mina;  elle  a  un 

fond  vaseux  sur  les  bords,  qui  communique  à  son  eau  une 

saveur  détestable;  elle  est  cependant  très  rapide  et  roule  de 

gros  cailloux  qui  sont  les  mêmes  que  ceux  de  la  Mina.  Elle 

prend  le  nom  d'Ilillil  à  deux  kilomètres  au  Nord  de  Kalàa,  au 

confluent  de  deux  rivières  :  l'Oued  Mesrata  et  l'Oued  Kalàa. 

Le  nom  de  l'IIillil  dont  la  transcription  avec  un  h  initial  n'a 

aucune  raison  d'être  vient  du  mot  que  les  Arabes  prononcent 

J-b.  «  uni  »,  dérivé  lui-même  du  mot  berbère      ^J.'   ^'''^ 

qui  signifie  «  Lauriers  Roses  ».  C'est  une  altération  des  deux 

mots     -i~l.J   w«J  «  Ir'zer  n  ilili  »,  la  rivière  du  laurier  rose  ; 
' — ^  ■•  ■■    ^    - 

la  même  signification  est  reproduise  par  l'Arabe  aI?  i  v-c 
a  Aine  Defla  ».  L'Hillil  descend  dans  une  direction  Sud-Nord 
jusqu'au  village  du  même  nom  qu'elle  arrose  et  où  elle  est 
répartie  pour  l'irrigation  par  un  petit  barrage.  Après  avoir 
coupé  la  voie  ferrée  du  chemin  de  fer  Alger-Oran,  elle  prend 
une  direction  Sud-Ouest-Nord-Est  et  traverse  dans  sa  partie 
occidentale  la  plaine  de  la  Mina  où  elle  est  utilisée  pour 
l'arrosage  de  diverses  cultures.  Elle  se  jette  ensuite  dans  la 
Mina  à  environ  5  kilomètres  de  BelHacel 

L'Oued  Mesrata  et  l'Oued-Kalàa  forment,  ainsi  que  nous 
l'avons  vu  plus  haut,  l'Oued  HiUil.  L'Oued  Mesrata  prend  sa 
source  au  douar  du  même  nom  à  l'Ouest  de  Debba  (petite  ville 
immédiatement  au  Sud  de  Kalàaj,  il  est  grossi  de  l'Oued  Bou- 
Mendjel  formé  lui-même  de  plusieurs  ruisseaux  fOued 
El-Kebich,  Oued  El-Ars,  Oued  Tinouatin)  qui  descendent 
des  alentours  d  El-Bordj. 

L'Oued  Kalàa  prend  ce  nom  à  partir  de  la  ville  de  Kalàa 
qu'il  arrose.  Auparavant,  il  s'appelle  Oued  Abadi  et  prend  sa 
source  dans  le  Djebel  Nadour(811  mètres),  l'un  des  sommets 
principaux  du  massif  des  Beni-Chougran. 

La  Mina  reçoit,  outre  l'Hil  il,  la  petite  rivière  de  l'Oued 
Malah  qui  prend  sa  source  au  Sud-Ouest  du  Djebel  Nadouret 
va  se  jeter  dans  la  Mina  à  une  douzaine  de  kilomètres  au  Sud 
de  Relizane.  Il  reçoit  sur  la  gauche  l'Oued  Tiliouanet  qui 
descend  du  Djebel  Barbar,  montagne  qui  domine  Kalàa  à  l'Est. 
Ce  sont   les   eaux  de  cette  source  qu'on  a  captées    pour  les 


DE   LA    COMMUNE  M[XTE    DE   LA    MINA  137 

amener  jusqu'à  Relizane  pour  l'alimentation.  Un  autre  Oued 
Malah  descend  d'Aïn-Farès,  coule  entre  le  Djebel  Romla 
et  le  Djebel  Hamara,  et  débouche  dans  la  plaine  de  l'Habra 
après  avoir  coupé  la  ligne  du  P.-L.-M.  et  donné  son  nom  à 
une  station  du  chemin  de  fer  qui  dessert  le  village  d'El-Romri. 
Ce  torrent  a  rarement  de  l'eau  et  ne  coule  que  lorsqu'il  a 
beaucoup  plu  et  neigé  sur  le  massif  des  Béni  Chougran. 

Dans  le  Djebel  El-Bab  (à  l'Ouest  de  Kalàa)  prend  sa  source 
l'Oued  El-Louz  (la  Rivière  des  Amandes)  qui  se  dirige  vers  la 
région  montagneuse  des  Beni-Reddou  qu'elle  traverse  à 
proximité  de  la  plaine  de  Negma  après  avoir  coupé  la  voie 
ferrée  entre  l'Hillil  et  Oued-Malah. 

Avant  de  couper  le  Djebel  El-Djir  et  le  Djebel  Grabès,  cette 
rivière  prend  le  nom  d'Oued....  Moukhannouf  selon  les  uns, 
Mekhallouf  selon  les  autres.  Elle  arrose  la  plaine  de  Kerkacha, 
située  entre  El-Romri  et  Bouguirat  ;  elle  est  utilisée  pour  l'irriga- 
tion par  un  syndicat  composé  de  délégués  de  ces  deu.K  villages. 

Un  barrage  primitif  construit  à  l'entrée  de  la  plaine  est 
fréquemment  démoli  par  les  indigènes.  Les  crues  d'hiver  font 
déborder  ce  cours  d'eau  qui  transforme  la  partie  septentrionale 
du  Biad  Kerkacha  en  un  véritable  lac  de  boue  où  il  est 
dangereux  pour  les  gens  et  pour  les  bêtes  de  s'aventurer. 
En  outre,  ce  trop  plein  se  déverse  dans  la  direction  de  la 
plaine  de  Sirat  pour  former,  concurremment  avec  de  petites 
sources  sans  nom,  les  marais  d'Ahl-el-Haciane  qui  donnent 
eux  mêmes  naissance  à  une  sorte  de  marécage  mouvant 
appelé  l'Oued-el  Tine.  Cette  Rivière  de  Boue  atteint  pendant 
l'hiver  les  marais  de  la  Macta  avec  lesquels  elle  se  confond, 
non  sans  avoir  rendu  impropres  à  la  culture  les  terrains 
qu'elle  inonde. 

La  région  montagneuse  de  Kalàa  et  de  Tiliouanet  et  celle 
de  Mekhalia-Belhacel,  sont  sillonnées  comme  toutes  les 
collines  du  Tell  algérien,  par  de  nombreuses  ravines,  torrents 
éphémères  qui  se  perdent  dans  la  plaine  pendant  la  saison  des 
pluies.  Des  centaines  de  cha'het  de  ce  genre  prennent  nais- 
sance dans  la  montagne  de  Bel-Hacel  et  de  l'Ar'boub,  dans  le 
Djebel  Mekhalia.  Ces  cours  d'eau  de  très  minimes  importance 
ne  méritent  pas  de  nomenclature  d'autant  plus  qu'ils  sont  pour 
la  plupart  dépourvus  de  dénomination,  malgré  l'habitude 
excessive  des  indigènes  de  donner  un  nom  aux  moindres 
particularités  géographiques. 


138  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE   ET   HISTORIQUE 

Le  lac  le  plus  important  de  la  région  est  la  sebkha  de 
Bou-Ziane  :  elle  s'étend  sur  le  territoire  des  Oulad  Addi 
au  Nord  et  à  peu  de  dislance  de  la  voie  ferrée  (station  du 
chemin  de  fer  des  Salines  desservant  Ferry).  Ce  lac  salé,  qui 
mesure  environ  15  à  1,600  hectares  de  superficie,  est  recouvert 
en  été  d'une  croûte  saline  blanchâtre.  Les  indigènes  du  pays 
s'y  approvisionnent  du  sel.  (Voir  plus  loin.  Partie  économique.) 

Immédiatement  au  Sud-Ouest  de  cette  sehkha  s'en  trouve 
une  autre  de  bien  moins  grande  importance  dont  les  eaux,  en 
hiver,  se  déversent  dans  la  Mina  par  le  lit  du  Derdéza. 

Dans  la  plaine  de  Sirat  le  marais  d'Ahl-el-Haciane,  et  surtout 
celui  d'Haciane  Menkoub  conservent  suffisamment  d'eau  toute 
l'année  pour  permettre  aux  chasseurs  d'y  trouver  du  gibier 
aquatique  en  abondance  et,  si  besoin  est,  de  lui  donner  la 
chasse  en  barque  plate.  Le  second  est,  le  lundi  de  Pâques,  le 
rendez-vous  habituel  des  familles  de  colons  des  villages 
environnants,  qui  viennent  y  célébrer  la  traditionnelle  Mouna, 
la  fête  par  excellence  des  moyennes  classes  algériennes  et 
oranaises. 

A  signaler  aussi  un  petit  lac  salé  dans  la  plaine  de  l'Habra, 
au  Sud  des  marais  de  Ahl-el-Haciane.  Les  indigènes  du  pays 
viennent  y  faire  des  provisions  de  sel  en  été,  car  pendant  la 
saison  des  pluies  ces  lieux  sont  impraticables  et  on  ne  saurait 
s'y  aventurer  sans  courir  le  risque  d'être  englouti  par  les 
boues  de  ce  sol  aqueux. 

Il  existe  entre  Bouguirat  et  El-Iîomri  un  marais  assez 
important  qui  forma  longtemps  un  petit  lac  jusqu'au  jour  oii 
il  fut  procédé  à  des  travaux  de  drainage  pour  que  le  trop 
plein  d'eau  puisse  s'écouler  chaque  hiver  et  être  employé  à 
l'irrigation  d'une  partie  de  la  plaine  de  Bouguirat  et  de  celle 
de  Kerkacha  (à  El-Romri). 

Telle  est,  dans  tous  ses  détails,  l'hydrographie  de  la 
commune  mixte  de  la  Mina  :  elle  répond  aux  régions  caracté- 
ristiques qui  composent  la  dite  commune  mixte,  c'est-à-dire 
1°  le  bassin  de  la  Mina  et  ceux  de  ses  affluents  ;  2"  la  partie 
montagneuse  de  la  Mekhalia,  de  l'Akboube,  d'Ennaro  sillonnée 
de  torrents,  tous  desséchés  en  été  ;  3°  la  partie  en  plaines  où 
les  oueds  s'étalent  en  marécages  et  inondent  une  bonne  partie 
des  terrains  par  cela  même  incultivables. 


DE   LA  COMMUNE  MIXTE   DE  LA  MINA 


139 


IV.    —    CLIMAT 

Le  climat  de  cette  région  est  celui  du  Tell  de  la  province 
d'Oran,  sauf  certaines  particularités  locales  qui  tiennent 
à  l'état  du  sol,  montagneux  au  Sud  et  au  Nord-Est,  en  plaine 
dans  l'Ouest.  Le  poste  d'observation  du  pays  est  celui  de 
Relizane,  situé  à  l'hôpital  de  cette  ville  (à  70  mètres  d'altitude; 
par  I047'  de  longitude  Ouest,  et  35°  45'  de  latitude).  Les  deux 
postes  pluviométriques  sont  :  1"  celui  de  l'École  communale 
de  l'Hillil  (132  mètres  d'altitude);  2°  celui  de  l'École  com- 
munale de  Sahouria  (40  mètres  d'altitude)  (1). 

De  1885  à  1890,  il  a  pu  être  constaté  : 

TEM'PÉnATURE   MOYENNE 

Janvier +  8"  centigrades 

Février +  8"  — 

Mars +  12"  — 

Avril +  14»  — 

Mai +  140  — 

Juin +  20  — 

Juillet +  25"  — 

Août +  2.5"  — 

Septembre +  22»  — 

Octobre 4-  1''°  — 

Novembre +  14"  — 

Décembre +  8"  — 

PLUIES  MENSUELLES   MOYENNES   POUR  LA   RÉGION   DE   L'hILLIL 

Janvier .  60  ">/■" 

Février 60  — 

Mars 60  — 

Avril 60  — 

Mai : 20  — 

Juin 20  — 

Juillet moins  de  20  — 

Août —        20  — 


Cf.   l'ouvrage  de  M.  Thévenet,  directeur  de  l'Ecole   des   sciences, 
Essai  de  climatologie  algérienne  (aoùt-1896). 


140  MONOGRAPHIE    GÉOGRAPHIQUK    ET    HISTORIQUE 

Septembre 20  — 

Octobre 20  — 

Novembre 60  — 

Décembre 60  — 

Pluie  générale 400'"/'"  en  moyenne  par  année 

Grêle S^/m  — 

Neige Néant. 

VeDts  doDt  la  fréquence  est  plus  grauiie  en  tiver  qu'en  été SID,  SUD-OUEST,  OUEST 

—  —  en  été  (ju'en  hiver..    ..  NORD,  NOBD-EST,  EST 

Vents  dominant  l'hiver Sud-Ouest,  Ouest 

—  l'été Nord. 

Isobares  moyennes  en  hiver 765" 

—  —  en  été 701" 

Isothermes  moyennes  d'hiver 11» 

—  d'été 25  à  30" 

Les  tableaux  météorologiques  qui  précèdent  sont  les  résultats 
de  plusieurs  années  d'expérience;  la  température  et  les  pluies 
se  reproduisent  à  chaque  saison  avec  la  même  uniformité  en 
général.  Cependant,  il  est  à  remarquer  que,  par  périodes 
de  5  ans,  les  pluies  sont  plus  abondantes  au  commencement 
de  l'hiver  et  tombent  quelquefois  avec  une  telle  persistance 
qu'elles  occasionnent  des  inondations  dangereuses  pour  les 
cultures  et  même  pour  les  êtres  vivants.  Relizaneest  renommé 
comme  étant  un  des  ooints  le  plus  chaud  du  Tell  oranais. 
Pendant  les  mois  de  juillet  et  d'août,  le  thermomètre  marque 
chaque  jour  35  à  49"  et  ne  redescend  qu'à  une  heure  avancée 
delà  nuit;  c'est  la  persistance  de  cette  chaleur  qui  la  rend 
surtout  pénible.  A  Clinchant,  l'Hillil,  Bouguirat,  El-Romri, 
Sahouria,  Sirat,  Blad-Touaria,  Aboukir,  la  température  maxima 
d'été  est  uniforme  et  oscille  ordinairement  enti-e  30  et  35°. 
A  Ain  Sidi-Chérif,  à  Fornaka,  et  enfin  dans  toute  la  partie 
Nord  de  la  plaine  de  l'Habra,  la  brise  de  mer  venant  de  la  baie 
d'Arzeu  rafraîchit  la  contrée  pendant  les  chaleurs  estivales. 


DE   LA   COMMUNE    MIXTE    DE    LA    MINA  141 


PARTIE  HISTORIQUE 


§   I.   -    TEMPS   PRÉHISTORIQUES 

Strabon  désignait  sous  le  nom  de  Mccraa'.fruXo!  (Massésyliens) 
ou  Numides  (les  Nomades)  les  peuplades  qui  occupaient, 
avant  l'occupation  romaine,  les  provinces  d'Alger  et  d'Oran 
d'aujourd'hui  (1). 

Selon  Ptolémée,  à  l'orient  des  Téladusiens  (TeXaSouatot) 
occupant  le  pays  de  Rio-SaJado,  se  trouvaient  les  Machusiens 
(Maxourjcoi)  au  dessous  desquels  s'élevait  le  mont  Zalacus  (2). 
Ce  peuple  occupait  tout  le  pays  comprenant  Arzeu,  la  plaine 
de  Sirat,  et  tout  le  territoire  de  Mostaganem  et  de  Cartennse 
(Ténès)  jusqu'à  Cherchel,  c'est-à-dire  entr'autres  régions 
celle  cfui  nous  occupe  ici,  la  commune  mixte  de  la  Mina. 
Sa  situation,  en  effet,  qui  embrasse  des  plaines  fertiles  et 
arrosées  a  dû  l'appeler  de  bonne  heure  à  être  fréquentée, 
parcourue  et  habitée  par  les  populations  aborigènes.  Naturel- 
lement, l'histoire  ne  nous  dit  rien  de  ces  premiers  habitants, 
ancêtres  des  Berbères,  tous  agriculteurs  et  pasteurs,  et  dont 
les  luttes  de  Çofs,  auraient  elles  été  relatées  par  une  chrono- 
logie quelconque,  n'eurent  rien  qui  puisse  nous  intéresser. 


§  II.  —  PÉRIODE   ROMAINE 

Les  Romains  connurent  la  fertilité  des  plaines  basses  de  la 
Mina,  de  l'Hillil,  de  l'Habra.  Ils  créèrent  auprès  de  l'emplace- 
ment de  Relizane,  sur  la  pente  occidentale  d'une  colline 
dominant  la  plaine  alentour,  un  établissement  dont  il  reste 
quelques  vestiges  et  près  duquel  on  a  trouvé  des  sous  d'or  du 
Bas  Empire.  Ces  ruines  sont  situées  à  4  kilomètres  au  Sud  de 
Relizane,  dans  -un  site  magnifique.  On  croit  que  ce  sont  celles 
de  la  ville  romaine  Mina  relatée  par  l'itinéraire  d'Antonin.  Cette 
conjecture  corroborée  par  la  comparaison  des  distances  réelles 


(1)  Syphax  régna  sur  les  Massésyliens. 

(2)  IJaus  l'Ouest  de  la  Berbérie,  Plolémée  nomme  les  Maxouoicn 
comme  occupant  la  partie  Nord  de  la  région  Arzeu-Perrégaux,  et  les 
ApuiTai,  les  HXouXioi  (Hillil  1)  et  les  ToXcorat  comme  habitant  les 
terres  intérieures  du  Tell  oranais,  c'est-à-dire  au-dessous  des  Téladusiens 
et  des  Machusiens 

11 


142  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE  ET   HISTORIQUE 

avec  celles  que  donne  le  routier  romain  se  confirme  surtout 
par  le  voisinage  de  la  rivière  Mina,  qui  a  pris  son  nom  de  la 
ville  antique  si,  ce  qui  est  probable,  elle  ne  lui  a  pas  donné 
le  sien.  Peut-être  quelques  recherches  faites  sur  le  terrain 
pourraient-elles  trancher  la  question  en  amenant  des  décou- 
vertes épigraphiques  décisives.  On  n'y  trouve  plus  aujourd'hui 
d'autres  traces  de  l'occupation  romaine  que  les  boursouflures 
du  sol  produite  par  l'amoncellement  des  décombres  et  une 
multitude  de  fragments  de  poterie  fine  qui  ne  laissent  aucun 
doute  sur  leur  origine. 

Mina  figure  dans  VAfrica  Christiana  de  Morcelli  sous  la 
forme  Mhiensis,  comme  un  des  133  évêchés  de  la  Maurétanie 
Césarienne.  Ses  évéques  connus  sont  :  1"  Cœcilius,  inscrit  le 
quarante-neuvième  sur  la  liste  des  évêques  de  la  Maurétanie 
Césarienne  exilés,  en  484,  par  le  roi  Huméric;  2°  Secundinus, 
qui  assista  au  concile  de  Carthage  en  52.5,  sous  Bonitace,  et 
auquel  il  souscrivit  le  premier  en  ces  termes,  après  les  députés 
de  provinces  :  Secondinus,  évèque  du  peuple  de  Mina,  de  la 
province  de  Maurétanie. 

A  l'Ouest  de  la  Mina,  Ballcne  Prœsidium  et  Castra  Nova 
constituaient  les  centres  les  plus  importants  du  pays.  Ces  villes, 
grâce  à  leur  position  sur  la  grande  route  de  l'intérieur  parais- 
saient avoir  joui  d'une  longue  prospérité.  On  retrouve  leur 
nom  dans  la  liste  de  Victor  de  Vite,  où  il  y  a  un  episcopus 
Balianensis  et  un  episcopus  Castranobcnsis.  Ballene  Prœsidlian 
doit,  selon  M.  Cat,  être  cherché  près  de  l'Hillil  où  l'on  a 
constaté  la  présence  de  ruines  antiques  d'une  certaine  impor- 
tance. [M.  Mac  Carthy,  dans  la  Revue  Africaine,  tome  XXX, 
page  353,  estimait  que  Ballene  Prxsidium  pourrait  être 
El-Bordj,  à  8  kilomètres  au  Sud-Ouest  de  Kalàa.  D'autres 
préfèrent  Kalàa  (cf.  Bull.  Soc.  Géogr.  d'Oran,  1882,  p.  6) 
M.  Demaëght  admet  la  synonomie  de  l'Hillil  (cf.  Bull.  Soc. 
Géogr.  d'Oran,  p.  265).  Un  des  partisans  de  la  synonomie  de 
de  Kalàa  est  M.  de  Champleins.]  L'itinéraire  d'Antonin  donne 
comme  distance  de  Mina  à  Ballene  Prsesidiu7n  XVI  milles 
romains,  c'est  à-dire  23  kilomètres  5,  ce  qui  est  à  peu  près  la 
longueur  du  chemin  entre  l'Hillil  et  les  ruines  de  Relizane. 
Il  est  dit  dans  le  Bulletin  Archéologique  du  Comité  de  Travaux 
historiques  (année  1885,  p.  339)  :  «  Dans  les  fouilles  nécessitées 
«  par  divers  travaux,  dit  le  colonel  Mercier,  on  a  acquis  la 
a  preuve  que  la  ville  avait  été  brûlée  trois  lois  et  réédifiée 


DE   LA   COMMUNE    MIXTE   DE    LA   MINA  US 

«  chaque  t'ois  sur  ses  ruines.  On  a  découvert  des  restes  de  murs 
«  et  de  portes  depuis  1  mètre  jusqu'à  G  mètres  de  profondeur, 
«  en  3  assises,  entre  chacune  desquelles  on  remarque  des  hts 
((  de  cendres  et  de  débris  d'une  épaisseur  variant  de  1  mètre 
«  à'I  mètre  50.  .;  on  a  trouvé  dans  les  fouilles  beaucoup  de 
a  jarres,  et  dans  quelques-unes  des  provisions  de  blé.  »  Un 
colon  de  Bouguirat  possède  une  sorte  de  mortier  à  pilon  en 
bronze  trouvé  dans  des  fouilles  faites  à  l'Hillil.  Une  croix 
latine  gravée  sur  cet  ustensile  fait  présumer  qu'il  date  de 
l'époque  romaine  chrétienne.  (On  peut  voir  au  Musée  d'Oran, 
dans  la  section  céramique,  sous  le  n"  186,  un  «  dolium  » 
trouvé  à  l'Hillil,  haut  de  0  mètre  84,  et  mesurant  0  mètre  77 
de  diamètre:  c'est  un  don  de  M.  Genty;  —  et  dans  la  section 
des  bijoux  en  métal,  sous  le  n"  436,  un  cœur  en  bronze,  long 
de  0  mètre  32  :  don  de  M.  Raoul  Varnier.)  Des  fouilles  ont 
également  découvert  une  citerne  de  G  mètres  de  longueur  sur 
3  mètres  de  profondeur  en  parfait  état  de  conservation .  M .  Astier, 
le  regretté  pasteur  protestant  de  Moslaganem,  y  a  vu  plusieurs 
inscriptions  qui  ont  été  employées  plus  tard  dans  leg  construc- 
tions de  l'Hillil.  On  y  remarque  encore,  sur  un  montant  de  porte, 
un  bas-relief  représentant  un  personnage  qui  tient  les  bras  levés, 
et  surmonté  d'une  inscription  entièrement  fruste.  Outre  les 
«  doliums  D  cités  plus  haut  comme  appartenant  au  musée  d'Oran, 
il  en  a  été  découvert  plusieurs  autres,  parmi  lesquels  celui  que 
possède  M.  Pochard,  ex-sous-préfet  de  Moslaganem,  et  qui 
porte  des  marques  de  fabrique.  Au  moulin  Petit,  à  2  kilomètres 
de  l'Hillil,  sur  la  route  de  Kalàa,  on  peut  voir  sur  une  pierre  de 
grès  de  0"'50  sur  0"'50,  encastrée  dans  le  mur  du  moulin,  et 
trouvée  autrefois  au  village  même  de  l'Hillil,  dans  la  propriété 
Marqués,  l'inscription  suivante  : 

D  .  M  S 
MARCVS  TANNONIVS  ■ 
MIL  LEG  ni  AVG  Q  TANNO 
NIO  M IN  EN  SI  PATRICA 
RISSIMO  AN  L  IMPEN 
DINVMMIS  MEIS  FECI 
VIX     ANNIS     LXXV 

D(is).  M{anibus)  S{acrum)  MARCUS  TANNONIUS 
MIL(es)  LEG(ionis)  III  AUG(ws<w)  Q(uinto)  TANNONIO 
MINENSI,  PATRI  GARISSIMO,  AN(imo;  L{ibenti), 
IMPENDINUMMIS  MEIS  FECI  —  VlX(it)  ANNIS  75. 


144  MONOGRAPHIE    GEOGRAPHIQUE   ET    HISTORIQUE 

Traduction  :  .  Marcus  Tannonius,  soldat  de  la  111°  légion 
Augustieniie,  à  mon  père  chéri,  Quintus  Tannonius,  originaire  de 
Mina,  ai  élevé  ce  mausolée  de  mes  propres  deniers  et  de 
cœur  libre. 

Il  vécut  75  années. 

On  voit  que  le  père  de  Q.  Marcius  Tannonius  était  originaire 
de  Mina.  C'est  la  première  fois  que  cet  ethnique  figure  dans 
une  inscription. 

A  l'époque  chrétienne,  Ballene  Praesidium  eut  un  évêque  : 
Cœcilus.  11  figure  le  Ol^"  parmi  les  évêques  de  la  Maurétanie 
Césarienne,  qui  s'étend  rendus  à  Carthage,  en  484,  pour 
l'Assemblée  générale  des  Évoques,  furent  exilés  loin  de  leurs 
Églises. 

Deux  voies  romaines  devaient  partir  de  Mina  :  la  première 
se  dirigeant  sur  l'Hillil  et  Perrégaux,  la  seconde  sur  Tirés 
(Mascara)  directeinent  par  Kalàa.  La  première  était  la  route  de 
Mina  (Relizane)  à  Tasacorra  (sur  la  Mekerra)  ;  après  Ballene 
Praesidium,  on  trouvait  à  XX  milles  le  centre  de  Castra  Nova, 
qui  est  sans  nul  doute  l'emplacement  actuel  de  Perrégaux  ou 
du  moins  le  lieu  situé  à  2  kilomètres  Est  de  cette  ville  où  l'on 
peut  voir  les  ruines  d'un  petit  poste  militaire,  sans  doute 
Castra  Nova.  On  y  remarque  les  substructions  d'un  mur 
d'enceinte,  celles  de  quelques  maisons  et  une  grande  citerne. 

Près  de  ces  ruines  se  trouvait  un  cimetière  romain,  dans 
lequel  on  a  trouvé  les  deux  inscriptions  chrétiennes  (portant 
les  numéros  47  et  48  du  Bulletin  des  Antiquités  africaines, 
t.  I,  p.  139  et  140.) 

Vitalis,  évêque  de  Castra  Nova,  est  inscrit  le  soixante- 
seizième  sur  la  liste  des  évoques  exilés,  en  484,  par  le  roi 
Hunéric. 

Les  Romains  étaient  ainsi  maîtres  de  la  Basse  Mina  et  de  la 
Macta.  Une  des  branches  de  cette  dernière,  l'Oued-el-Hammam, 
s'appelait  alors  Sira.  (C'est  peut-être  ce  qui  a  donné  le  nom  de 
Sirat  appliqué  à  une  plaine  fertile  voisine,  dans  lequel  les 
Arabes  ont  voulu  voir  le  mot  Cirât  qui  chez  eux  signifie 
spécialement  le  sentier  ou  pont  menant  au  Paradis.  Le  peuple 
arabe  est  d'ailleurs  très  porté  à  unifier  deux  analogies  linguis- 
tiques en  donnant  un  sens  de  sa  langue  propre  à  une 
expression  étrangère). 

Ballene  Pnesidium  et  Castra  Nova  étaient  des  villes  de 
garnison,  bien  qu'on  n'ait  pas  trouvé  d'inscription  en  ce  sens, 


DE   LA  COMMUNE  MIXTE  DE  LA  MINA  145 

Il  y  avait  là  une  région  très  remuante  et  fort  difficile  à 
contenir:  «Nous  ne  pouvons  oublier  que  c'est  là  que  nous 
«  avons  rencontré  les  résistances  les  plus  longues  et  les  plus 
a  acharnées,  que  c'est  le  pays  d'Abd-el-Kader.  » 

Le  pays  que  nous  étudions  ici  faisait  partie,  à  l'époque 
romaine,  de  la  Maurétanie  Césarienne,  que  Genséric  nomma 
sous  son  règne  Zengitanie  on  Consulaire. 


§  III.  -   PÉRIODE  ARABO-BERBÈRE 

Au  moment  de  la  première  invasion  arabe,  la  province 
d'Oran  était  peuplée  d'Autochtones  comme  les  Maxyes  (ou 
bien  les  Maziques),  ancêtres  des  Berbères,  laboureurs  et 
sédentaires  dans  le  Tell  ;  d'anciens  habitants,  comme  les  Libo- 
Phéniciens,  et  de  colons  et  soldats  romains.  Toutes  ces 
populations  fondues  ensemble  furent  d'abord  refoulées  vers  le 
Sud  à  l'arrivée  de  l'élément  musulman,  mais  peu  à  peu,  elles 
quittèrent  le  désert  pour  revenir  au  Nord,  de  là  l'envahis- 
sement des  provinces  Ouest  de  l'Afrique  par  des  tribus 
berbères  venant  de  Tunisie  et  de  Tripolitaine. 

Il  est  difficile  de  bien  définir  quelles  peuplades  occupaient 
exactement  le  bassin  de  la  Basse-Mina  et  la  plaine  de  l'Habra, 
les  deux  régions  importantes  comprises  en  partie  dans  la 
commune  mixte  de  la  Mina.  Nous  savons  seulement,  qu'avant 
l'invasion  arabe,  on  rencontrait  des  Senhadja  jusqu'à 
l'embouchure  du  Ghélif  ;  les  Bani-Faten  faisaient  suite  aux 
Senhadja,  à  l'Ouest,  jusqu'à  la  Moulouïa,  couvrant  le  littoral 
et  le  centre  de  la  province  d'Oran.  Parmi  eux  on  peut  citer  : 
les  Mar'iia,  sur  la  rive  droite  du  Ghélif,  et  les  Azdadja  ou 
Ouzdaga  aux  environs  d'Oran.  Le  pays  enclavé  entre  Mosta- 
ganem,  Perrégaux,  Mascara  et  Relizane  était  donc  sous  la 
domination  des  Mediouna  (fraction  des  Béni  Faten). 

On  sait  qu'Okba  ben-Nafà  défit  les  Berbères  à  Tiaret  en  se 
rendant  dans  le  Maghreb-el-Akya.  Vers  708,  Hai^ane  revint  à 
Kairouan  après  son  expédition  jusqu'à  l'Océan.  Dès  lors  la 
religion  musulmane  supplantait  la  religion  chrétienne  en 
Berbérie  :  <(  Toutes  les  anciennes  Eglises  des  chrétiens  furent 
«  transformées  en  mosquées  »,  dit  l'auteur  du  Baïan. 

Lors  de  l'établissement  des  Beni-Roustem  sur  le  territoire 
de  Tahart   (Tiaret),  Abou-el-Khottab    avait  amené   avec   lui 


146  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE   ET   HISTORIQUE 

diverses  tribus  du  Sud-Est  du  Maghreb,  entre  autres,  les 
Houara  du  Sahara  tripoUtain  v.t  de  l'Aurès  ;  les  Zenata,  de 
l'Aurès  et  des  environs  de  Tripoli  ;  les  Matmata  de  la  partie 
du  Sahara  comprise  entre  Gabès  et  Nifzaoua. 

En  740  les  Berbères  de  cette  région  prirent  part  à  la  révolte 
générale  qui  coïncidait  à  la  chute  de  la  dynastie  ommiade  et 
à  l'avènement  des  Abbassides.  La  partie  méridionale  et 
occidentale  du  Maghreb  central  obéissait  vers  700  à  Abou 
Korra  des  Beni-lfren,  chef  des  Zenata,  résidant  à  Tlemcen. 

Cette  tribu  s'allia  en  792  avec  des  Berbères  d'origine  com- 
mune, les  Maghraoua,  venus  des  environs  de  Biskra.  Ils  furent 
cependant  soumis  par  Edris  l*-'"' alors  que  celui-ci  venait  d'être 
promu  Kalife.  Révoltés  en  814,  ils  durent  faire  une  nouvelle 
soumission  à  Edris  II  qui  fit  parcourir  à  ses  troupes  la  région 
avoisinant  le  Bas-Chélif  et  la  Mina.  Son  fils  Daoud  eut  en 
partage  cette  contrée  à  la  mort  de  son  père. 

En  910  le  pays  tombait  sous  la  domination  des  Fatimites 
qui  s'étaient  assurés  l'alliance  de  Yala,  chef  des  Beni-lfren, 
à  Tlemcen.  Cependant,  après  la  mort  d'El  Mansour  cette  tribu 
reconnut  la  suprématie  ommiade. 

Signalons  rapidement  l'expédition  de  Djouher,  affranchi  de 
El  Moëzz,  qui  écrasa  les  Beni-lfren  en  958,  puis  la  courte 
durée  du  pouvoir  sur  l'Oranie  exercé  par  les  Maghraoua.  C'est 
à  ce  moment  que  les  Ouamennou  et  les  Iloumi,  parents  des 
mêmes  Maghraoua  s'établirent  sur  tout  le  pays  avoisinant  la 
Basse-Mina  et  le  Bas-Chélif.  Vers  1050,  les  Ouamennou  deman- 
dèrent contre  les  Iloumi  des  secours  au  chef  des  Almohades 
Abd  el  Moumen  ;  celui-ci  prêta  son  appui  à  ces  solliciteurs. 
Les  Iloumi  lurent  d'abord  défaits  ;  mais  après  un  combat  sur 
les  rives  de  la  Mina  près  du  plateau  de  Mindas,  les  Almohades 
durent  se  réfugier  avec  leurs  alliés  les  Ouamennou  dans  la 
région  de  Sirat.  Abd  el  Moumen  vint  à  leur  secours  et  les 
vengea  de  leur  échec  en  soumettant  les  Abd  el  Ouad,  alliés 
des  Iloumi. 

Peu  après,  alors  qu'Abd  el  Moumen  revenait  de  Tunisie  vers 
Tlemcen,  un  cheikh  almohade  ayant  eu  connaissance  d'un 
complot  tramé  contre  son  maître,  prit  ses  dispositions  pour 
passer  la  nuit  dans  la  tente  de  son  chef,  et  fut  tué  à  sa 
place.  Abd  el  Moumen  le  fit  enterrer  en  grande  pompe  au  lieu 
dit  El  Bath'a  (rive  droite  de  la  Mina,  à  4  lieues  du  Chélif)  etfonda 
une  ville  dans  cette  localité. 


DE   LA   COMMUNE  MIXTE    DE  LA   MINA 


147 


En  1218  la  domination  du  pays  se  partageait  entre  les  Abd 
el  Ouad,  (descendants  des  Beni-Ouacin)  et  les  Arabes  Zor'ba, 
leurs  alliés,  venant  de  l'Est. 


Carte  des  principales  tribus  arabes  ou  berbères  qui  ont  contribué  au 
peuplement  indigène  du  territoire  de  la  commune-mixte  de  la  Mina  et  des 
villes  bâties  par  ces  mêmes  habitants. 


Issus  de  la  même  tribu-mère,  les  Mérinides  parurent  dans 
les  plaines  du  Maghreb  en  1240  et  mirent  en  déroute  les 
Arabes  Riah'  qui  voulaient  s'opposer  à  leur  passage.  Leur 
puissance  devint  formidable.  Leur  chef  Othman  le  Borgnr', 
fils  d'Ahd  el  Hak,  soumit  à  son  autorité  les  Chaouïa,  Houara, 
Fechtala,  Mediouna,  Behloula  et  autres  tribus  du  Maghreb 
central.  11  leur  imposa  le  i  Kharadj  »  (sorte  d'imposition 
foncière)  en  sus  des  impôts  ordinaires. 


148  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE   ET   HISTORIQUE 

En  1248,  Yar'moracen,  émir  de  la  tribu  des  Abd  el  Ouad, 
fonda  à  TIemcen  une  nouvelle  dynastie  et  étendit  son  autorité 
sur  tout  le  pays  jusqu'à  Mostaganem.  Ainsi,  par  la  chute  des 
Almohades,  les  Abd  el  Ouadites  ou  Zianites  se  trouvaient 
maîtres  de  la  partie  du  Maghreb  central  comprise  entre  Alger 
et  la  Moulouïa  avec  TIemcen  pour  capitale. 

Les  derniers  restes  des  Maghraoua,  tant  de  Tripoli  que  du 
Maghreb,  s'étaient  réunis  entre  Ténès  et  l'embouchure  du 
Chélif  dans  les  moutagnes  des  Beni-bon-Saïd.  Dans  les 
montagnes  de  la  province  d'Oran  et  dans  les  contrées  mari- 
times ou  montagneuses  situées  au  Nord  de  TIemcen,  habitaient 
des  fractions  des  Beni-Faten,  resserrées  à  l'Est  par  les  Arabes 
et  au  Sud  par  les  Zenatas.  Les  Toudjine  occupaient  tout  le 
Ouarsenis  et  certains  plateaux  environnants  ;  les  Abd-el- 
Ouad'et  les  Rached  s'étaient  fixés  autour  de  TIemcen  avec  les 
débris  des  anciennes  tribus  (Ournia,  Ifrene,  .etc.).  La  grande 
tribu  arabe  des  Zor'ba  s'était  disséminée  ;  le  noyau  le  plus 
important,  celui  des  Malek,  occupait  les  plaines  du  Maghreb 
central,  dans  la  partie  comprise  entre  Miliana  et  la  Mina;  les 
Attaf  étaient  près  de  Miliana,  les  Soueïd  et  Dialem  occupant 
les  plaines  du  Chélif  et  de  la  Mina. 

En  1271,  les  Arabes  Zor'ba,  les  Beni-Rached  et  les  Maghraoua 
qui  occupaient  les  plaines  de  la  Mina  et  de  Sirat  répondirent  à 
un  appel  que  lit  Yar'moracen  de  TIemcen  à  ses  tributaires  : 
c'était  le  dernier  acte  de  solidarité  que  devaient  montrer  ces 
tribus  avant  leur  démembrement. 

Successivement  le  pays  se  trouva  sous  le  joug  du  Mérinide 
Aboul  Hassen,  puis  du  Zianite  Abou  Saïd  Othman  c'est-à-dire 
des  Abd  el-Ouadites  :  cela  de  1351  à  1383.  Pendant  la  longue 
période  d'anarchie  entre  dynasties  musulmanes  de  l'Afrique 
du  Nord  les  régions  de  Mostaganem  et  de  Tiaret  eurent  à 
subir  les  ravages  de  la  guerre.  Certaines  villes  mises  en 
cendres  ne  se  relevèrent  plus  ;  d'autres  comme  Kalàa  furent 
plusieurs  fois  rebâties  sur  des  ruines  encore  fumantes. 

En  1431,  tout  le  Nord  de  l'Afrique  reconnaissait  la  supré- 
matie du  souverain  Hafside  Abou-Farès. 

Les  peuplades  berbères  et  arabes  qui  occupèrent  successive- 
ment le  territoire  qui  nous  intéresse  furent  : 

BERBÈRES 

1°  Les  Marila  (branche  des  Beni-Faten)  et  les  Senhadja,  tous 
berbères,  sur  les  rives  droite  et  gauche  du  Bas-Chélif  ; 


DE   LA   COMMUNE  MIXTE    DE  LA  MIKA  149 

2"  Les  Koumia  et  les  Mediouna  (berbères)  au  Nord  de  Tlemcen  ; 

3°  Les  Maghraoua  (Zénètes)  dans  la  plaine  du  Chélif  et  alen- 
tours (Dahra)  ; 

4°  Les  Ouamennou  (Zénètes)  à  l'Est  de  la  Mina  ;  les  Iloumi 
(Zénétes)  sur  le  plateau  de  Mostaganem  et  la  plaine  de 
Sirat  ; 

5»  Les  Haoudra  (Berbères)  dans  le  massif  des  Béni  Chougran 

ARABES 

l"  Groupe  arabe  des  Esk'ek'in  :  les  Oulad  Sebair  qui  s'épar- 
pillèrent jusqu'à  Tlemcen  ; 

2"  Groupe  arabe  hilalien  (qui  se  fondirent  dans  la  masse):  les 
Oulad  Habra  (plaines  situées  entre  Oran  et  Mostaga- 
nem); les  Soueïd  (qui  s'étendirent  jusqu'aux  plaines  de 
Sirat  et  de  la  Mina). 


§  IV.  —  PÉRIODES  ESPAGNOLE  ET  TURQUE 

Dès  1515,  les  Espagnols  commençaient  à  parcourir  la  province 
d'Oran.  Ils  avaient  adopté  le  système  de  la  «  r'azia  «  et  étaient 
renforcés  dans  leurs  expéditions  par  des  indigènes  soumis 
antérieurement,  dénommés  a  Moros  de  paz  ». 

Cependant,  à  la  fin  de  1517,  Aroudj  ayant  reçu  à  Ténès  des 
renforts  et  de  l'artillerie  envoyés. par  son  frère  Kheir  ed  Din, 
se  dirigea  vers  l'Ouest  emmenant  avec  lui  un  corps  expédi- 
tionnaire composé  de  quinze  à  seize  cents  arquebusiers  et 
janissaires,  Levantins  ou  Maures  andalous;  ils  s'augmentèrent 
d'ailleurs  bientôt  d'un  certain  nombre  de  vo'ontaires  indigènes. 
Il  est  probable  que  sa  marche  s'eiîectua  dans  un  délai  assez 
bref,  sans  quoi  comment  le  Gouverneur  d'Oran  et  de  la  pro- 
vince de  Tlemcen  serait-il  resté  si  longtemps  sans  intervenir? 
Aroudj  se  maintint  à  une  dibtance  raisonnable  du  littoral; 
passant  par  Kalâa,  qu'on  appelait  alors  la  Kalàa  des  Beni- 
Rached  et  qui  était  une  ville  exclusivement  berbère,  il 
fut  fort  bien  accueilli  par  les  habitants  de  cette  localité.  C'était 
un  poste  fortifié  par  la  nature  et  par  la  main  des  hommes  ; 
Aroudj  se  décida  à  l'occuper  pour  assurer  ses  communications 
entre  Alger  et  Oran,  et  enlever  plus  facilement  aux  Espagnols 
les  ressources  qu'ils  tiraient  de  cette  région.  Ishac,  frère  des 
deux  Barberousses  y  resta  avec  300  soldats  levantins,  tandis 


150  MONOGRAPHIE    GÉOGRAPHIQUE   ET   HISTORIQUE 

qu'Aroudj  poursuivait  sa  route  en  avant.  Le  commerce  de 
grains  de  Kalàa  était  considérable  à  cette  époque;  les  habitants 
de  cette  place  reçurent  l'ordre,  sous  peine  de  châtiment 
terrible,  d'inteiTompre  toute  relation  commerciale  ou  politique 
avec  les  chrétiens  d'Oran.  Le  roi  détrôné  de  Tlemcen,  Abou 
Hammou  III,  réfugié  à  Fez,  écrivit  aux  Espagnols  en  leur 
disant  :  «  Vous  voyez  par  vous  mêmes  la  position  critique 
«  où  vous  vous  trouvez  depuis  qu'un  usurpateur  aidé  de  cette 
o  population  parjure  est  venu  me  faire  descendre  du  trône  de 
((  mes  pères,  à  peine  les  Turcs  ont-ils  planté  leur  étendartsur 
«  les  remparts  de  mes  capitales,  que  les  vivres  et  les  denrées 
«  que  Kalàa  vous  fournissait  ont  cessé  de  vous  parvenir. 
«  0  vous  !  poui'quoi  ne  point  m'avoir  secouru  et  aider  à  exter- 
«  miner  Aroudj  Raïs?  Pourquoi  ne  m'avoir  point  envoyé  de 
«  vos  troupes  pour  me  soutenir  et  de  l'or  pour  assurer  ma 
«  puissance  sur  ces  hordes  rebelles  ?  Votre  position  n'aurail- 
«  elle  pas  été  à  l'abri  de  toute  avanie?  Je  crois  de  mon  devoir 
«  de  vous  en  prévenir;  réfléchissez  aux  conséquences  terribles 
«  de  ces  événements,  réfléchissez,  car  avant  peu,  peut-être, 
i!  le  moment  en  sera  éloigné,  et  ces  hommes  envieux  de  toutes 
vi  choses  viendront  vous  attaquer  dans  vos  plus  forts  retran- 
«  chements!  »  Ces  paroles  ne  manquèrent  pas  d'atteindre  le 
but  que  se  proposait  leur  auteur.  Les  Espagnols  furent  ébranlés 
par  ces  insinuations  du  roi  détrôné,  et  répondirent  à  sa  missive 
dans  les  termes  suivants  :  «  Vous  ne  nous  avez  jamais  demandé 
0  protection  ni  secours;  jamais  aucune  communication  ne 
«  nous  est  parvenue  de  votre  part.  Si  telle  avait  été  votre 
«  intention  et  le  caractère  de  vos  démarches,  certes  nous 
«  n'aurions  pas  hésité  à  aider  un  allié  tel  que  vous;  le  mal  est 
«  fait,  il  faut  s'efforcer  d'y  remédier;  nous  vous  offrons  notre 
0  concours;  ce  dont  vous  aurez  besoin,  vous  l'aurez;  allez, 
«  volez  au  devant  de  l'ennemi,  et  en  l'exterminant,  qu'il 
«  se  repente  d'avoir  souillé  vos  Etats  et  osé  braver  votre 
«  puissance  ;  nous  réitérons  l'engagement  que  nous  venons  de 
«  prendre;  rien  de  ce  que  vous  demanderez  ne  vous  sera 
«  l'efusé.  »  Bou  Hammou  satisfait  de  la  réussite  de  son  message 
écrivit  aussitôt  à  ses  alliés  chrétiens  :  «  Fnvoyez-moi  une 
0  somme  d'argent  assez  forte  pour  assurer  une  levée  considé- 
«  rable  de  troupes;  avec  elles,  je  reconquerrai- mon  royaume, 
(I  et  comme  par  le  passé,  je  vous  fournirai,  en  allié  fidèle,  tous 
«  les  grains  et  vivres  dont  vous  pourrez  avoir  besoin.  »  Charles- 


DE   LA   COMMUNE  MIXTE  DE  LA  MINA  151 

Quint  fit  envoyer  au  prince  nmlsuman  7,000  ducats  d'or  et  une 
lésion  composée  de  quinze  cents  soldais;  mais  par  contre,  il  lit 
prendre  en  otage  soixante  enfants  des  principaux  chefs  arabes 
placés  sous  les  ordres  du  roi  de  Tlemcen.  Ce  dernier,  de  son 
côté,  avait  réuni,  avec  les  subsides  espagnols,  une  armée  de 
quinze  mille  cavaliers  indigènes.  Il  les  conduisit  à  Oran  et  se 
joignit  aux  quinze  cents  hommes  d'infanterie  mis  à  sa  disposi- 
tion par  les  chrétiens  et  commandés  par  Don  Martin  d'Argote, 
alors  colonel. 

Le  Gouverneur  militaire  d'Oran,  Gomarez,  avait  fort  bien 
jugé  la  situation;  il  résolut  d'enlever  d'abord  la  Kalàa  des 
Beni-Rached,  afin  de  couper  la  retraite  aux  Turcs  qui  occu- 
paient Tlemcen  et  de  les  isoler;  et  aussi  pour  empêcher 
l'arrivée  des  renforts  «qui  ne  manqueraient  pas  d'être  envoyés 
à  Aroudj.  Kheir  et  Din,  informé  des  préparatifs  faits  en  vue  de 
cette  expédition,  et  qui  connaissait  toute  la  faiblesse  de  la 
garnison  de  Kalàa,  envoya  à  son  secours  une  armée  sous  les 
ordres  du  renégat  corse  Iskender  qui  vint  se  joindre  à  la  petite 
troupe  comnjandéeparishac.  Abou  Hammou,  parti  le  premier, 
bloqua,  durant  quelque  temps,  les  janissaires  dans  la  petite 
place. 

Bientôt  après  arrivait  l'infanterie  espagnole  qui  reconnut 
vite  que  la  place,  vaillamment  défendue  par  IshaU  et  Iskender 
(dont  les  Yoldachs,  gens  rompus  à  tous  les  genres  de  guerre 
et  à  tous  les  dangers)  serait  difficile  à  prendre. 

On  se  trouvait  alors  vers  la  fin  de  janvier  1518.  Les  assié- 
geants prirent  rapidement  leurs  dispositions  pour  entourer  la 
ville  d'un  réseau  de  fer  et  intercepter  toutes  communications 
avec  l'extérieur.  La  garnison  était  fort  inférieure  au  nombre 
et  ne  pouvait  avoir  recours  à  un  autre  moyen  de  défense 
que  de  se  bloquer  dans  les  murs  de  la  place  sans  tenter  de 
sortie,  en  attendant  que  Aroudj  vînt  la  délivrer.  Mais  l'arrivée 
des  Espagnols  avait  exaspéré  les  Turcs  qui  tentèrent  plusieurs 
sorties  fort  meurtrières  de  part  et  d'autre.  Les  assiégeants 
subirent  des  pertes  assez  considérables,  mais  ayant  attiré  la 
garnison  dans  une  embuscade,  ils  lui  firent  beaucoup  de  mal 
avec  leurs  pièces  d'artillerie.  Les  Espagnols  pratiquèrent 
également  une  mine  au  moyen  de  laquelle  ils  purent  renverser 
une  partie  des  remparts  et  ouvrir  une  brèche. 

Affaiblis  par  la  perte  d'un  grand  nombre  des  leurs  et  par  la 
désertion  de  presque  tous  les  habitants  de  Kalàa,  désespérant 


152  MONOGRAPHIE  GÉOGRAPHIQUE  ET  HISTORIQUE 

enfin  de  pouvoir  tenir  plus  longtemps,  les  Turcs  demandèrent 
et  obtinrent  une  trêve  au  cours  de  laquelle  furent  entamées 
des  négociations  Le  résulat  fut  une  capitulation  honorable 
pour  les  assiégés  qui  devaient  rendre  la  place  à  condition 
qu'ils  sortiraient  avec  armes  et  bagages  pour  aller  où  bon  leur 
semblerait.  Après  six  mois  de  siège  et  de  souffrances,  c'était 
là  une  issue  plutôt  favorable.  Les  clauses  finales  étaient  celles- 
ci  :  les  assiégés  devaient  rendre  tous  les  prisonniers  qu'ils 
avaient  faits,  et  donneraient  pour  garants  seize  d'entre  les 
principaux  personnages  de  la  ville.  L'accord  étant  conclu,  la 
garnison  commença  à  sortir  ;  mais  la  capitulation  fut  indigne- 
ment violée.  Certains  des  assiégeants  indigènes  se  mirent  en 
effet  à  s'emparer  violemment  des  objets  que  les  Turcs 
emportaient  avec  eux  et  en  outre  les  insultèrent  de  toutes  les 
manières.  Une  altercation  s'éleva  entre  un  arabe  de  l'armée 
chrétienne  et  un  janissaire;  finalement,  celui-ci  fut  tué  par 
l'indigène.  La  colère  s'empara  alors  des  assiégés,  et  d'ailleurs, 
au  même  instant,  comme  si  ce  meurtre  n'était  qu'un  signal 
convenu,  Espagnols  et  Arabes  entourant  les  Turcs  se  mirent 
en  devoir  de  les  massacrer.  Le  feu  de  la  guerre  se  ralluma  et 
un  combat  acharné  s'engagea.  Ishak  fut  tué  l'un  des  premiers. 
La  mort  du  chef  ralentit  nécessairement  l'ardeur  de  ses 
soldats  ;  mais  son  vaillant  lieutenant,  le  renégat  corse  Iskender 
réussit  à  rallier  les  siens  ;  cependant,  malgré  les  efforts  de  la 
petite  troupe,  l'ennemi  dont  le  nombre  était  bien  supérieur 
l'emporta  facilement.  Les  défenseurs  de  Kalaà  furent  tous 
égorgés,  à  part  seize  turcs  que  le  colonel  Martin  d'Argote 
réussit  à  mettre  sous  sa  sauvegarde.  Quant  au  lieutenant 
d'Ishak,  il  eut  le  même  sort  que  son  maître  et  périt  glorieuse- 
ment. 

Le  commandant  espagnol  remit  la  ville  à  Bou-Hammou  ;  une 
garnison  y  fut  installée  pour  maintenir  son  autorité,  tandis 
que  l'expédition  espagnole  se  portait  du  côté  de  Tlemcen... 

Le  26  aoijt  1558,  le  Gouverneur  d'Oran,  alors  très  avancé 
en  âge,  partit  de  cette  place  à  la  tête  de  6,500  hommes.  Soit 
pour  éviter  le  passage  de  la  Macta  toujours  difficile,  soit  pour 
donner  le  change  à  l'ennemi,  l'armée  se  dirigea  d'abord  vers 
la  plaine  de  Sirat,  laissant  le  lac  salé  d'Arzeu  à  sa  gauche,  puis 
elle  se  rapproclia  de  la  mer,  et  ai-riva  le  quatrième  jour  à 
Mazagran. 

Lorsque  en  1563,  le  beglierbey  Hasson,  fils  de  Kheir  el  Din, 


DE   LA   COMMUNE   MIXTE   DE  LA  MINA  153 

quitta  la  provinca  d'Oran,  il  laissa  le  commandement  de  l'Ouest 
au  bey  Bou  Khedidja,  après  lui  avoir  confié  trente  tentes  de 
yaldachs,  (1,000  hommes  environ)  ;  il  lui  assigna  comme 
résidence  la  petite  ville  de  Mazouna,  au  Nord  du  Gtiélif, 
certain  que  les  Espagnols  ne  viendraient  pas  l'y  chercher. 
Cette  position  assurait  les  communications  entre  Alger  et 
Mostaganem.  Pour  donner  de  la  force  à  son  autorité,  le  Bey 
choisit  parmi  les  tribus  celles  qui  i»iïraient  le  plus  de  garanties 
de  fidélité,  et  les  appela  auprès  île  lui.  Elles  constituèrent  une 
sorte  de  milice  indigène  à  laquelle  de  grandes  immunités 
furent  accordées  et  qui  devait  prendre  les  armes  toutes  les  fois 
qu'elle  en  recevrait  l'ordre,  pour  apaiser  l'ordre  et  pour 
percevoir  les  contributions.  Telle  fut  l'origine  des  «  Makhzeni> 
qui  jouèrent  depuis  un  rôle  si  utile  dans  l'administration  du 
pays.  Des  Caïds  furent"  constitués  dans  chaque  ville.  Tous  les 
trois  ans,  le  Bey  dut  aller  porter  lui-même  à  Alger  le  tribut 
appelé  «  denouche  ».  Cette  organisation  produisit  les  meilleurs 
résultats. 

De  Mazouna,  le  Bey  était  prêt  à  porter  secours  à  Mostaganem 
etàKalâades  Beni-Rached  d'où  il  pouvait  joindre  la  ^  nouba» 
de  Tlemcen. 

De  Mostaganem  à  Mascara,  comme  sur  les  autres  routes,  il 
y  avait  des  gites  d'étape  (v^éUi  «  K'onak  «).  Des  ((  Chouaf  y> 

{, a'^i)  espions  ou  vigies,  établis  dans  les  endroits  propices, 

tenaient  les  postes  turcs  au  courant  des  nouvelles  pouvant  les 
intéresser.  De  la  sorte,  les  tribus  furent  organisées  non  en 
familles  féodales  soumises  à  l'autorité  turque  mais  comme  des 
feudataires  maîtres  chez  eux,  à  la  condition  de  payer  le  tribut 
et  de  coopérer  avec  leurs  goums  aux  colonnes  et  expéditions. 

Pendant  que  se  déroulaient  à  Alger  les  luttes  des  corsaires 
contre  la  chrétienté  d'Europe  (en  1669),  les  provinces  d'Oran 
et  de  Constantine  demeuraient  livrées  à  elles-mêmes.  Les 
différentes  tribus  partagaient  leur  existence  entre  la  paix  et 
l'anarchie  et  les  années  s'écoulaient  sans  qu'aucun  événement 
méritant  d'être  relaté  ait  lieu  dans  le  pays  intérieur. 

En  1701,  Moula  Ismaïl,  sultan  du  Maroc,  envahit  la  province 
d'Oran  et  la  parcourut  en  maître.  Déjà,  il  avait  atteint  la  rive 
gauche  du  Ghélif,  ayant  fait  reconnaître  son  autorité  aux 
populations  de  toute  la  région  qu'il  venait  de  traverser,  quand 
il  rencontra  sur  les  bords  de  la  Djïdiouïa,  au  lieu  dit  Hadj-ben- 
R'azi,  l'armée  du  dey  d'Alger,   Hadj  Mustapha.   Les  forces 


154  MONOGRAPHIE    GÉOGRAPHIQUE    ET    HISTORIQUE 

marocaines  étaient  considérables,  du  moins  les  auteurs  les 
évaluent  à  50,000  hommes  (chiffre  évidemment  exagéré). 
Néanmoins  les  Turcs  attaquèrent  leurs  ennemis  avec  courage 
le  28  avril  1701.  L'action  commença  à  midi  par  une  attaque  de 
la  cavalerie  a'gérienne,  à  quatre  heures,  la  bataille  se  terminait 
par  la  défaite  des  Marocains  dont  le  Sultan  faillit  tomber  entre 
les  mains  des  Turcs. 

Avant  de  quitter  la  province  de  l'Ouest,  le  dey  Iladj  Musta- 
pha, désigna  Mustapha  ben  Chelar'em  comme  bey;  c'était  un 
homme  actif  et  énergique  qui  quitta  Mazouna  pour  aller 
s'établir  à  Mascara,  point  plus  central  pour  surveiller  les 
environs  d'Oran  et  avoir  une  action  dans  le  Sud.  Il  alla  ensuite 
à  Oran;  c'est  là  que  son  fils  Yousef  lui  succéda.  Après  celui  ci, 
gouvernèrent  tour  à  tour:  Kaïd  Mohamed  el  Adjami,  Osmane, 
Mohammed  ben  Osmane.  Ce  dernier  dompta  les  Hachem,  les 
Flilta  et  les  Harrar.  Il  fît  le  siège  d'Oran  et  traita  avec  le 
roi  d'Espagne  qui  lui  livra  la  ville.  Il  Tentoura  des  tribus 
Makhzen,  Douair  Zmala,  R'araba,  et,  plus  loin,  des  Hachem  et 
Bordjia.  Ces  populations  devaient  lui  fournir  en  tout  temps 
4,000  cavaliers. 

Vers  1805,  les  Derkaoua  s'emparèrent  de  Mascara  et  parvin- 
rent à  s'allier  les  bonnes  grâces  des  tribus  a  Makhzen  »  qui  les 
entouraient.  Cette  révolte  des  Derkaoua  s'étendit  de  Mihana  à 
Oudjasans  interruption.  Cependant,  Mohammetel  Mekallechi, 
bey  d'Oran,  réussit  à  défaire  les  révoltés  et  à  rétablir  l'autorité 
turque  dans  le  pays.  Les  Bordjia  l'aidèrent  à  rejeter  les  rebelles 
au-delà  du  Sig  et  à  les  contenir  au  Sud. 

Soutenu  par  les  Douaïr  el  les  Zmala,  ainsi  que  par  les  contin- 
gents d'autres  tribus,  Mohammed  ben  Kabous,  bey  d'Oran, 
vint  prendre  position  sur  la  Mina  pour  tenir  tète  à  son  maître 
le  dey  d'Alger.  Soudain,  on  apprit  qu'une  armée  algérienne, 
forte  de  9,000  hommes,  s'avançait  avec  rapidité  sous  le 
commandement  du  renégat  grec  Omer  Agra.  Aussitôt,  les 
contingents  du  bey  d'Oran,  pris  de  panique,  lâchèrent  pied, 
abandonnant  Mohammed  ben  Kabous  qui  dut,  presque  seul, 
battre  en  retraite  vers  Oran. 

Tels  sont,  en  résumé,  les  faits  saillants  qui  se  succédèrent, 
pendant  la  période  turque  dans  la  région  que  nous  avons  pris 
à  tâche  d'étudier.  Nous  aurons  l'occasion  de  voir,  quand  nous 
traiterons  de  la  subdivision  des  provinces  en  aghaliks,  l'histoire 
particulière  de  chacune  des  tribus  appelées  à  constituer  les 


DE   LA.    COMMUNE   MIXTE   DE   LA.   MINA  155 

aghaliks  d'El-Bordj,  de  Mostaganem,  de  Mina  et  ses  Medjeher 
composant  une  partie  du  khalifat  de  Mascara.  Les  mêmes  sub- 
divisions organisées  par  les  Turcs  ayant  été  conservées  par 
les  Français  durant  plusieurs  années,  il  nous  semble  préférable 
de  réserver  pour  plus  tard  une  notice  spéciale  pour  chaque 
aghalik,  chaque  tribu  même,  où  le  groupe  parliculiôrement 
visé  sera  décrit  depuis  ses  origines  jusqu'à  nos  jours. 

C'est  durant  la  domination  turque  en  Algérie  que  deux 
grands  voyageurs  européens  parcoururent  les  contrées  barba- 
resques  :  nous  voulons  parler  de  Léon  l'Africain  et  de  Shaw. 
Il  nous  parait  intéressant  de  relater  ici  quelques-unes  des 
descriptions  de  ces  hardis  explorateurs.  Le  premier,  Léon 
l'Africain,  visita  vers  1550  ces  contrées  ignorées  des  nations 
chrétiennes.  On  peut  lire  aux  pages  traitant  du  siège  de  Kalàa 
par  les  Espagnols,  la  description  des  Beni-Rached  et  de  Kalàa 
Houara  par  ce  géographe.  Plus  loin,  il  cite  les  Hurva  (les 
Hououàra  sans  doute)  en  ces  termes  :  «  Les  Hurva  possèdent 
«  les  confins  de  Mustaganim,  hommes  de  sauvage  nature, 
a  brigands  et  maladroits.  Ils  ne  s'éloignent  pas  souvent  du 
«  désert,  d'autant  qu'ils  n'ont  ni  solde  ni  possession  en 
«  Barbarie  ;  toutefois,  ils  peuvent  mettre  aux  champs  une 
((  armée  de  dix-mille  chevaux.  »  Puis  l'auteur  décrit  la  Mina 
qu'il  appelle  Muta  :  «  Mnia  est  un  fleuve  de  médiocre  étendue, 
«  descendant  de  certaines  montagnes  prochaines  de  la  cité  de 
«  Tégdent  (Tagdempt,  l'ancienne  Téhert)  et  passe  par  les 
8  plaines  de  la  cité  Betha  (auprès  du  confluent  du  Chélif); 
a  puis,  dressant  son  cours  du  côté  de  Tramontane,  s'en  vient 
«  joindre  la  mer  Méditerranée  (sic.').  »  Le  voyageur  n'a  pas  su 
voir  que  la  Mina  se  terminait  une  fois  sa  jonction  avec  le 
Chélif,  ou  du  moins  il  a  confondu  le  cours  de  ce  dernier  avec 
la  Mina,  pensant  probablement  être  en  présence  du  prolonge- 
ment de  celle-ci.  Cependant  il  semble  connaître  le  cours 
entier  du  Chélif,  puisqu'il  dit  :  «  Selef  (Chélif)  est  un  grand 
«  fleuve  qui  sourd  aux  montagnes  de  Guanseris  (l'Ouarensenis), 
«  et,  descendant  par  les  plaines  désertes  (qui  sont  là  où  le 
«  royaume  de  Telensin  confine  avec  celui  de  Tenez)  passe 
«  entre,  continuant  son  cours  jusqu'à  ce  qu'il  vient  à  entrer 
«  dans  la  mer  Méditerranée,  séparant  Mazagran  d'avec 
((  Mustaganim  (sic  .').  A  la  bouche  d'icelui,  quand  il  se  jette 
«  dans  la  mer,  se  prend  bons  poissons  et  de  diverses 
«  espèces.  » 


156  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE   ET    HISTORIQUE 

Shaw  visita  l'Algérie  vers  1640,  c'est-à-dire  beaucoup  plus 
tard.  Voici  ce  qu'il  dit  sur  le  pays  compris  entre  Mostaganem 
et  Mascara  :  «  A  trois  lieues  au  Nord  de  Musty-gannim,  se 
«  trouve  une  source  d'eau  excellente,  entourée  de  ruines.  Les 
((  Arabes  appellent  ce  lieu  Xx»^  J/  Kull  meela  (prononcé  à 
»  l'anglaise  c'est-à-dire  Kel-Mité,  ce  qui  veut  dire  Tous  moHs) 
«  et  cela  en  mémoire  d'une  bataille  qui  se  donna  près  de  là, 
«  où  le  parti  le  plus  faible  fut  tout  passé  à  l'épée.  La  forme  de 
«  ces  ruines  (qui  ne  ressemblent  pas  mal  à  un  vieux  château 
«  d' Angleterre)  et  la  distance  de  quatorze  milles  de  Cartenna 
«  (Ténès),  nous  feraient  croire  que  ce  sont  ici  les  restes  du 
8  Lar  CastelJum  de  l'Itinéraire  d'Antonin.  A  trois  milles  au 
<(  Nord-Ouest  de  Kull  meela,  est  l'embouchure  delà  rivière 
«  Scheliff.  Ce  nom  est  une  corruption  du  mot  Chinalaph. 
«  C'est  ici  la  rivière  la  plus  considérable  du  royaume.  » 


§  V.  -  PÉRIODE    FRANÇAISE 

Dès  1833,  Mostaganem  était  occupé  par  nos  troupes.  Attaquée 
par  Abd-el-Kader,  cette  petite  ville  sut  vaillamment  se 
défendre  et  repousser  les  indigènes  des  tribus  environnantes 
venues  à  la  rescousse  en  voyant  l'émir  s'avancer  vers  la  mer. 
Une  période  de  calme  relatif  s'ensuivit  dans  toute  la  région  et 
les  populations  arabes  du  pays  eurent  même  une  tendance 
marquée  à  vivre  en  état  de  paix.  Déjà  vers  le  mois  d'octobre 
1833  Sidi-Abdallah,  chef  de  la  tribu  des  Medjeher,  avait 
manifesté  ses  intentions  de  vivre  en  bonne  intelligence  avec 
la  garnison  de  Mostaganem.  Il  alla  même  jusqu'à  fournir  à  la 
place  quelques  approvisionnements  et  des  chevaux.  L'émir 
étant  intervenu  là  comme  partout  oi^i  ses  coreligionnaires  ne 
manifestaient  pas  à  notre  égard  une  hostilité  marquée,  quel- 
ques escarmouches  malheureuses  pour  nos  troupes  décidèrent 
le  général  Desmichels,  commandant  la  place  d'Oran,  à  signer 
le  fameux  traité  du  26  février  1834  qui  assimilait  Abd-el-Kader 
à  un  chef  d'Etat.  Les  hostilités  cessèrent,  et  notre  habile 
ennemi  en  profita  pour  consolider  sa  puissance  en  écrasant 
celles  des  tribus  qui  avaient  refusé  de  lui  obéir. 

Trois  hommes  seulement  nous  restèrent  fidèles  :  Mustapha 
ben  Ismaël,  chef  des  Douairs,  ancien  agha  turc,  Kaddour  ben 
Morfi,  chef  des  Bordjia  et  enfin  Sidi-el-Aribi,  chef  des  Ouled 
Sidi  Abd-AUah. 


DE    LA   C05IMUNE   >riXTE   DE   LA   MINA  157 

Dès  le  12  avril  de  la  même  année,  Abd-el-Kader  était  battu 
par  Mustapha  ben  Ismaël  ;  sous  les  instigations  du  général 
Desniichels,  l'émir,  après  avoir  surpris  et  écrasé  les  Bordjia, 
se  tourna  vers  le  Chélif  et  infligea  une  sanglante  défaite  aux 
Ouled  Sidi  ben  Abd-Allah 

Cependant,  nos  gouvernants  n'avaient  pas  tardé  à  se  res- 
saisir et  à  comprendre  combien  était  néfaste  pour  nous  le  rôle 
politique  que  nous  jouions  dans  nos  relations  avec  Abd-el- 
Kader.  Après  le  désastre  de  la  Macta  qui  put  nous  édifier  sur 
les  sentiments  de  l'émir  à  notre  égard,  le  maréchal  Clauzel  se 
rendit  lui-même  à  Oran  (22  novembre  1835),  pour  prendre  la 
direction  des  opérations  militaires  de  la  province.  C'est  alors 
qu'eut  lieu  l'expédition  de  Mascara.  L'armée  en  repartit  bientôt, 
se  dirigeant  sur  Mostaganem,  suivie  d'une  foule  de  juifs, 
descendit  vers  la  plaine  et,  le  12  décembre,  bivouaqua  à 
Mesra,  chez  les  Medjeher.  On  tirailla  quelque  peu  ce  jour-là, 
mais  le  12,  l'armée  arrivait  à  Mostaganem, 

Après  avoir  débloqué  Tlemcen,  le  maréchal  Clauzel  décida 
d'utiliser  encore  les  troupes  dont  il  disposait  pour  recueillir  la 
soumission  des  tribus  établies  sur  l'Habra,  la  Mina  et  le  Bas- 
Chélif. 

Le  1-4  mars  1836,  le  général  Perrégaux  sortait  une  seconde 
fois  d'Oran  avec  un  bataillon  du  11'^  de  Ligne,  un  du  66'^,  un 
du  17<=  Léger,  quelques  escadrons  de  Chasseurs  d'Afrique,  trois 
pièces  de  campagne,  trois  de  montagne  et  les  cavaliers  de 
Mustapha  ben  Ismaël.  Il  alla  d'abord  camper  à  la  fontaine  de 
Goudiel.  Le  15,  il  marcha  sur  la  Macta,  en  passant  par  le 
Vieil-Arzeu  et  bivouaqua  au-delà  de  la  rivière.  Le  16,  il  rejoi- 
gnit le  colonel  Combes,  commandant  lagarnison  de  Mostaganem, 
le  bey  Ibrahim  et  El  Mezary  à  qui  il  avait  écrit  de  se  mettre  en 
marche.  Cette  jonction  s'opéra  dans  un  heu  appelé  El  Hacian, 
dans  le  pays  des  Abid  Ghéraga.  Le  colonel  Combes  avait 
amené  avec  lui  700  hommes  du  47"  de  ligne  ;  Ibrahim  et 
El  Mezary  n'avaient  que  150  fantassins  et  50  cavaliers.  Au 
moment  où  ce  corps  de  troupes  levait  le  camp  pour  se  rendre 
dans  la  direction  des  Bordjia,  il  fut  attaqué  par  une  troupe 
ennemie  recrutée  parmi  les  Gharaba,  les  Hachem,  les  Hamian, 
les  Abid  Cheraga,  les  Beni-Chougran  et  les  Bordjia.  Comman- 
dés par  Si  ben  Fréah  ben  Khatir,  personnage  important  d'une 
tribu  des  Hachem,  lieutenant  redouté  de  l'émir,  ces  goums 
rôdaient  depuis  quelques  jours  dans  la  plaine  de  l'Habra. 

là 


158  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE    ET    HISTORIQUE 

Mustapha,  Ibrahim  et  El  Mezary,  soutenus  par  la  cavalerie 
française  et  par  toute  la  cclonne  qui  la  suivait,  résistèrent  au 
choc  de  l'ennemi,  et  le  mirent  facilement  en  déroute,  le 
repoussant  jusqu'au  delà  de  l'Habra  après  lui  avoir  fait  perdre 
une  quarantaine  d'hommes.  Parmi  les  morts,  on  trouva  le 
caïd  des  Kalàa,  Mohammed  ben  Djelil  et  un  porte  drapeau  ; 
deux  drapeaux  furent  pris. 

Le  corps  expéditionnaire  alla  coucher  ce  jour-là  sur  la  rive 
droite  de  l'Habra,  en  face  de  la  position  que  le  maréchal 
Clauzel  avait  occupée,  le  3  décembre  précédent,  lors  de  sa 
marche  sur  Mascara.  La  razzia  faite  sur  l'ennemi  nous  procura 
une  assez  grande  quantité  de  bœufs,  de  moutons,  et  une 
cinquantaine  de  chevaux,  Le  résultat  de  cette  journée  fut  la 
soumission  dé  la  grande  tribu  des  Bordjia. 

Le  21  mars,  le  général  Perrégaux  traversa  le  gué  de  l'Habra 
avec  ses  troupes,  et  alla  s'établir  chez  les  Mader  après  avoir 
passé  par  HacianR'omri. 

Le  22  mars,  Perrégaux  eut  avec  le  fds'de  feu  Sidi-el-Aribi 
(caïd  de  la  tribu  de  ce  nom)  une  entrevue  qui  lui  assura  la 
soumission  de  presque  toute  la  vallée  du  Chélif.  Dès  ce  moment 
son  expédition  fut  une  promenade  pacifique  au  milieu  d'indi- 
gènes qui,  séduits  par  ses  manières  affables,  vinrent  lui  faire 
leurs  protestations  d'amitié  soit  à  Madar  où  le  général  campa 
le  23,  soit  sur  l'Oued  Hillil  et  sur  la  Mina  où  il  arrivale  26.  Les 
tribus  de  Sirat,  l'Hillil  et  Bel-Hacel  amenèrent  des  chevaux  de 
soumission  qui  furent  acceptés  par  Perrégaux.  Ces  popu- 
lations devaient  bientôt  expier  durement  ces  marques  d'hom- 
mage, et  nous  eûmes  en  effet  le  tort  de  ne  pas  leur  assurer 
par  la  suite  une  défense  contre  les  attaques  de  l'émir  prompt 
à  se  venger  de  telles  défections. 

Le  général  et  ses  troupes,  précédés  de  fantasias  joyeuses, 
suivis  de  nombreux  goums  campèrent  successivement  à  Sidi 
Bel-Hacel,  au  Touniiet  et  au  gué  des  Oulad  Snoussi.  Durant 
cette  promenade  triomphale,  toutesles  tribusde  la  rive  gauche 
du  Chélif  et  de  la  Mina  se  soumirent  à  nous.  Perrégaux  revint 
ensuite  à  Mostaganem  d'où  il  regagna  Alger.  H  partit  donc, 
laissant  cette  œuvre  incomplète,  cela  à  cause  du  nombre  infime 
de  troupes  que  la  France  accordait  au  pays  pour  le  défendre . 
Aussi,  jusqu'au  malencontreux  traité  de  la  Tafna,  les  mêmes 
populations  qui  s'étaient  soumises  à  Perrégaux,  reprirent  les 
armes  contre  nous  à  l'arrivée  d'Abd-el-Kader  dans  la  région. 
Les  hostilités  recommencèrent  à  la  fin  de  1839, 


DE   LA    COMMUNE    MIXTE  DE   LA  MINA  159 

C'est  alors  qu'eut  lieu  le  glorieux  épisode  de  Mazagran. 
Les  troupes  arabes  qui  assiégèrent  cette  petite  ville  étaient 
commandées  par  Mustapha  ben  Tami,  lieutenant  de  l'émir. 
Il  avait  amené  de  Mascara  un  bataillon  de  réguliers  avec 
deux  bouches  à  feu  et  plusieurs  cavaliers  de  la  tribu  des 
Hachem.  Kaddour  ben  Morfi,  agha  d'El  Bordj,  lui  conduisit 
ses  Bordjia.  Peu  à  peu,  les  goums  des  Medjeher,  les  cavaliers 
de  l'Hillil  et  de  la  Mina,  les  Flitta,  les  Sbéah  vinrent  le 
rejoindre.  La  somme  de  tous  ces  hommes  armés  et  pour 
la  plupart  montés  constituait  une  multitude  impossible  à 
évaluer  approximativement,  mais  formidable  à  côté  de  la 
petite  garnison  de  Zéphyrs  qui  gardait  Mazagran. 

Après  l'épisode  de  Mazagran,  le  klialii'u  Ben  Tami  rentra  à 
Mascara  avec  ses  troupes  régulières.  Mais  dans  toutes  les 
tribus,  les  marabouts  prêchèrent  la  guerre  sainte  avec  ardeur 
et  préparèrent  contre  nous  une  agression  qu'ils  voulaient 
rendre  formidable. 

Bugeaud  ayant  fait  concentrer  des  forces  de  troupes  con- 
sidérables dans  Mostaganem,  y  débarqua  en  personne  le 
15  mai  1841,  accompagné  du  duc  de  Nemours.  Trois  jours 
après,  le  18,  le  corps  expéditionnaire  organisé  quittait  Mosta- 
ganem. Il  emportait  tout  un  matériel  de  guerre,  destiné  tant 
aux  troupes  de  l'artillerie  qu'à  celles  du  génie.  Chaque  homme 
avait  avec  lui  pour  huit  jours  de  vivres  en  réserve  ;  chaque 
cheval  de  la  cavalerie  portait  soixante  kilogrammes  de  riz.  De 
plus,  un  grand  nombre  de  bêtes  de  somme  chargées  de  vivres 
de  toutes  sortes,  accompagnait  nos  soldats.  Cette  lourde 
colonne  qui  avait  à  traverser  un  pays  encore  mal  connu 
accomplit  ce  que  l'on  a  appelé  «  l'expédition  de  Tagdempt  ». 
Le  jour  de  son  départ  de  Mostaganem,  elle  campa  à  Mesra 
(Aboukir)  et  le  19  à  Sidi-Merd'ad  (1),  sur  l'Hillil.  Le  20,  elle 
traversait  la  Mina  et  allait  prendre  position  au  confluent 
de  cette  rivière  avec  l'Oued  Khelloug. 

Après  huit  jours  de  marche  nos  troupes  arrivaient  devant 
Tagdempt.  Elles  détruisirent  ce  poste  fortifié  où  l'émir  avait 
organisé  tout  un  arsenal.  Bugeaud  revint  ensuite  à  Mascara. 
Il  y  arriva  le  30  et  y  laissa  une  garnison  sous  les  ordres  du 
colonel  Tempoure.  Au  lieu  d'effectuer  ëon  retour  à  Mostaganem 
par  le, chemin  connu  d'El-Bordj,  la  colonne  coupa  au  plus 


(1^  Emplacement  actuel  du  village  de  l'Hillil, 


160  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE   ET   HISTORIQUE 

court  par  les  montagnes  des  Beni-Chougran.  Mais  elle  trouva 
le  défilé  d'Akbet-Khedda  plus  pénible  à  traverser  qu'elle  ne 
pensait.  Abd-el-Kader  avait  en  elTet  placé  là  ses  meilleurs 
tireurs  qui  firent  des  trouées  dans  les  rangs  de  notre  arrière- 
garde.  L'armée  coucha  le  2  à  Bonguirat  où  elle  arriva  sans 
que  les  Arabes,  découragés  par  l'insuccès  de  leurs  attaques  de 
la  veille,  eussent  cherché  à  l'inquiéter.  Le  3  juin,  le  gouverneur 
et  sa  colonne  étaient  de  retour  à  Mostaganem.  Quatre  jours 
plus  tard,  Bugeaud  se  remettait  en  campagne,  emmenant  avec 
lui  un  énorme  convoi  d'approvisionnements.  Il  arriva  à 
Mascara  le  10  après  avoir  suivi  une  direction  qui  le  fit  passer 
tout  près  de  la  petite  ville  de  Kalàa  que  ses  habitants  avaient 
abandonnée.  Il  n'y  eut  que  quelques  coups  de  fusil  tirés  à 
l'arrière-garde.  Le  25  juin,  après  être  allé  moissonner  dans  la 
plaine  de  l'Eghris,  le  corps  expéditionnaire  revint  par  ElBordj 
à  Mostaganem.  Il  y  était  de  retour  le  27,  n'ayant  eu  qu'un 
engagement  peu  sérieux  dans  la  partie  montagneuse  d'El-Bordj. 
Avant  de  s'embarquer  pour  Alger,  il  prescrivit  au  général 
de  Lamoricière  de  conduire  à  Mascara  un  nouveau  convoi 
pour  reprendre  la  moisson.  Le  5  juillet,  la  colonne  était  à 
Mascara,  le  6,  nos  soldats  reprenaient  la  faucille  :  mais  cette 
fois,  ils  furent  inquiétés  dans  leurs  travaux  par  l'ennemi  qu'ils 
durent  repousser.  La  chaleur  était  alors  très  forte  ;  nos 
hommes  exténués  par  la  température  et  la  fatigue  des  marches 
avaient  besoin  de  repos.  Le  15  juillet,  Lamoricière  donnait 
l'ordre  du  retour  ;  àbd-el-Kader  et  trois  de  ses  lieutenants  : 
Bon  Hamedi,  Ben  Tami,  Miloud  ben  Arach  s'étaient  réunis 
pour  lui  disputer  la  retraite.  Après  trois  jours  d'une  fusillade 
nourrie  de  part  et  d'autre,  la  division  arriva  le  19  à  Mostaganem  ; 
elle  avait  eu  106  blesses  et  13  morts  :  «  Il  ne  faut  pas  se 
«  dissimuler,  écrivait  le  gouverneur  (Bugeaud)  au  maréchal 
«  Soult,  que  les  Arabes  ayant  toujours  attaqué  et  poursuivi 
«  notre  colonne  jusqu'à  deux  lieues  de  Mostaganem,  comp- 
«  tèrent  cela  comme  une  victoire,  bien  qu'il  ne  nous  aient  pas 
«  fait  un  prisonnier  ni  pris  un  seul  cadavre...  Ab-del-Kader 
«  qui  est  le  plus  habile  menteur  du  inonde,  publiera  ce 
«  prétendu  triomphe  dans  toute  l'Algérie,  et  jusque  dans  le 
«  Maroc.  » 

A  cette  époque,  les  Medjeher,  tribu  alors  fort  populeuse, 
continuaient  à  faire  quelque  commerce  avec  les  Français  de 
Mostaganem.  Ils  venaient  à  la  ville  pour  y  céder  à  des  prix 


DE  LA   COMMUNE  MIXTE  DE  LA  MINA  161 

d'ailleurs  assez  élevés  le  bétail  et  les  chevaux  qu'ils  y 
amenaient  et  qu'ils  s'étaient  procurés  à  très  bon  compte  dans 
les  douars  de  l'intérieur  ;  de  leur  côté,  ils  achetaient  à  nos 
négociants  les  produits  de  notre  industrie  qui  pouvaient  leur 
être  utiles.  Malgré  tous  ses  efforts,  l'émir  pouvait  créer  des 
entraves  à  ce  commerce,  mais  non  le  supprimer  définitivement 
comme  telle  était  son  idée.  D'ailleurs  les  Medjeher  ne 
cherchaient  pas  à  rompre  complètement  avec  Abd-el-Kader  et 
n'y  avaient  aucun  intérêt,  car  cette  situation  mixte  leur 
permettait  d'entrer  en  rapports  avec  les  tribus  entièrement 
soumises  à  l'émir,  (cependant,  ils  en  vinrent  peu  à  peu  à  nous 
considérer  comme  leurs  seuls  maîtres.  Une  occasion  de  nous 
déclarer  soumission  pleine  et  enlière  se  présenta  à  eux 
lorsqu'une  petite  tro\ipe,  sortie  de  Mostaganem,  parvint  à 
s'emparer  d'un  certain  Ben  Djeloul,  ancien  agha  dés  Medjehej" 
qu'Abd-el-Kader  avait  destitué.  Il  s'était  avancé  jusqu'à 
proximité  de  la  ville  accompognéde  quelques  cavaliers  ;  quand 
on  l'eut  fait  prisonnier,  il  prétendit  que  ses  intentions  étaient 
absolument  pacifiques  et  qu'il  n'était  pas  venu  dans  un  autre 
but  que  de  déclarer  sa  tribu  sujette  de  la  France.  Malgré  tous 
ses  beaux  discours,  Ben  Djeloul  fut  soupçonné,  en  raison  de 
certaines  indications  fournies  sur  son  compte,  d'être  venu  par 
là  avec  l'idée  d'espionner  les  indigènes  de  son  territoire  qui 
avaient  des  relations  commerciales  avec  les  Français,  et  cela 
pour  se  réhabiliter  dans  l'esprit  de  l'émir.  On  traita  donc 
l'ancien  agha  comme  un  prisonnier  de  guerre.  Sa  présence 
à  Mostaganem  y  attira  plusieurs  notables  des  Medjeher  qui 
protestèrent  de  l'honnêteté  de  ses  intentions  et  proposèrent 
en  même  temps  de  payer  sa  rançon.  Ils  avaient  naturellement 
intérêt  à  prononcer  des  paroles  propres  à  nous  assurer  de  leur 
soumission  et  de  celle  de  leur  tribu. 

Pour  .s'assurer  du  fait,  le  général  Bugeaud  qui  venait  d'arriver 
donna  ordre  de  faire  avancer  quelques  troupes  jusqu'à  Sour- 
kel-Mitou,  espérant  déterminer  par  celle  manisfestation  les 
Medjeher,  à  affirmer  définitivement  les  sentiments  que  leur 
prêtaient  leurs  émissaires.  Dans  la  nuit  du  4  au  5  juillet,  le 
colonel  Tempoure  quittait  Mostaganem  et  allait  prendre  posi 
tion  avec  1,600  hommes  à  l'endroit  indiqué  parle  Gouverneur. 
Mais,  à  peine  au  bivouac,  au  lieu  des  marques  de  soumission 
qu'il  attendait,  ce  furent  des  coups  de  fusil  qui  l'accueillirent. 
Diverses  tribus  des  environs,  entre  autres  les  Beni-Zeroual, 


162  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE   ET    HISTORIQUE 

étaient  venues  à  la  rescousse,  et  l'émir  avait  lui-même  envoyé 
un  escadron  de  Khiala.  Le  colonel  attaqué  de  toutes  parts  avec 
vigueur  eut  beaucoup  de  peine  à  soutenir  le  choc  et  à  repousser 
les  assaillants  :  «  Le  soir  même  quelques  cheikhs  des  Medjeher 
«  arrivèrent  en  secret  jusqu'à  lui;  mais  tout  en  lui  laissant 
«  entrevoir  pour  l'avenir  une  soumission  qui  ne  pouvait  pas 
«  Atre  immédiate,  ils  lui  conseillèrent  de  décamper  sans  retard, 
«  parce  qu'il  aurait  le  lendemain  sur  les  bras  tous  les  Kabyles 
«  soulevés  depuis  Ténès  jusqu'à  Mostaganem.  »  Le  colonel 
Tempoure  crut  sage  de  suivre  cet  avis;  il  leva  le  camp  sans 
bruit  pendant  la  nuit  et  s'empressa  de  regagner  la  ville.  C'était 
un  triomphe  pour  l'émir  qui  en  profita  pour  venir  chez 
les  Medjeher  montrant  de  bonnes  dispositions  à  notre  égard; 
il  fit  trancher  quelques  têtes  de  notables  et  confisquer  les  biens 
de  la  })lupart  d'entre  eux. 

Cette  attitude  sévère  rendit  méfiants  d'autres  chefs  de  famille 
qui  s'étaient  montrés  favorables  à  notre  politique.  Du  nombre 
de  ces  derniers  étaient  Ben  Carda,  cheikh  des  Amarnah.  Il 
craignit  pour  sa  personne  et  pour  ses  biens,  parmi  lesquels  un 
superbe  cheval  auquel  il  tenait  beaucoup  mais  que  l'émir  lui 
enviait  ;  aussi  ce  notable  vint-il  nous  ofl'rir  sa  soumission 
accompagné  des  siens.  D'autres  fractions  des  Medjeher  ne 
tardèrent  pas  à  l'imiter.  Dès  que  Bugeaud  eut  connaissance 
de  ces  faits,  il  s'empressa  de  reprendre  le  chemin  de  Mosta- 
ganem afin  d'y  recevoir  en  personne  les  hommages  de  ses 
nouveaux  alliés.  Il  présumait  voir  s'avancer  vers  lui  des 
cohortes  de  fringants  cavaliers,  mais  ses  illusions  tombèrent  en 
s'apercevant  qu'il  n'avait  affaire,  sauf  de  rares  expressions, 
qu'à  de  misérables  laboureurs  revêtus  de  haillons.  Il  fallut  les 
nourrir,  leur  fournir  des  subsides  et  même  des  tentes  pour 
s'abriter.  Ces  pauvres  g^ns  n'abandonnaient  la  cause  d'Abd-el- 
Kader  que  sur  les  instigations  de  leurs  chefs,  seuls  en  mauvaise 
intelligence  avec  l'émir.  On  se  servit  d'eux  pour  organiser 
une  sorte  de  mauvaise  milice  destinée  àgarder  un  beydeMascara 
créé  par  la  fantaisie  du  Gouverneur.  Ce  bey  était  un  certain  Hadj 
Mustapha  ouldOthman,  qui  n'avait  d'autres  mérites  que  d'être 
le  fils  d'Othman,  ex-bey  d'Oran  sous  les  Turcs,  et  petit-fils  de 
Mohammed  el  Kebir.  Lamoricière  et  Bugeaud  voulaient  l'oppo- 
ser comme  rival  musulman  à  Abd-el-Kadcr.  Ceci  se  passait 
le  9  août  1841.  Après  quoi,  le  gou\erneur  reprit  la  route 
d'Alger. 


DE   LA.   COMMUNE  MIXTE  DE  LA  MINA  163 

A  Alger,  tout  le  monde  s'entretenait  des  merveilleuses 
nouvelles  parvenues  de  Mostaganem.  Le  brave  colonel 
Tempoure,  avec  son  imagination  gasconne,  prodiguait  ses 
correspondances  optimistes:  selon  lui,  toutes  les  tribus  avaient 
les  yeux  tournés  vers  le  bey  récemment  créé;  il  citait  les 
Flitta,  les  Beni-Zeroual,  les  Bordjia,  les  Cheurfa,  lesMedjeher; 
partout,  dans  les  pays  situés  sur  le  Bas-Chélif,  la  Basse-Mina 
et  environs,  on  n'attendait  que  la  venue  du  bey  pour  lui 
faire  acte  de  soumission.  Le  colonel  écrivait  lui  même  à 
Bugeaud  et  lui  disait  :  «  Arrivez  au  plus  vile.  Nous  irons 
«  promener  notre  bey  chez  toutes  les  triijus  de  l'Est,  et  vous 
«  réaliserez,  j'en  suis  sûr,  ce  que  je  vous  disais  il  y  a  quelques 
«  jours,  qu'il  était  téméraire  de  penser;  vous  irez,  de  Mostaga- 
«  nem  à  Mascara,  de  soumissions  en  soumissions,  en  passant 
((  chez  les  Flitta,  et  vous  ferez  votre  jonction  avec  le  général 
«  Lamoricière  au  milieu  de  cette  plaine  d'Egris,  accompagné 
«  d'un  goum  d'arabes  si  puissant,  qu'il  ne  pourra  rester  aux 
«  fiers  Hachem  d'autre  parti  que  la  soumission.  » 

Le  général  Bugeaud  s'était  réservé  la  présentation  officielle 
du  nouveau  bey  aux  populations  de  l'intérieur.  Il  lit  embar- 
quer le  23"  de  Ligne  pour  Mostaganem  et  y  arrivait  lui-même 
le  19  septembre  accompagné  d'un  balaillon  de  zouaves. 

Laissant  le  général  Lamoricière  préparer  un  convoi  de 
ravitaillement  pour  Mascara,  le  gouverneur  partait  le  21  sep- 
tembre à  la  tète  de  la  fameuse  colonne  politique.  Elle  se 
composait  de  7  bataillons  d'infanterie,  de  5  escadrons  de 
chasseurs,  4  de  spahis,  et  2  sections  d'artillerie  de  montagne. 
Avec  lui  venait  le  bey  El  Hadj  Mustapha  ould  Otlunan  accom- 
pagné de  son  frère  Si  Ibrahim,  récemment  promu  khalifa,  et 
de  l'agha  El  Mezary.  Le  futur  rival  d'Abd-el-Kader,  devait 
pour  fasciner  les  tribus  arabes,  déployer  le  luxe  éclatant  des 
anciens  pachas.  Il  était  entouré  de  drapeaux  de  soie  brodée, 
d'une  nouba  à  cheval  et  d'une  garde  de  chaouchs.  Le  bataillon 
turc  et  la  milice  indigène  complétaient  tout  cet  attirail  digne 
de  paraître  au  Chàtelct. 

Les  résultats  attendus  par  Bugeaud  furent  loin  de  répondre 
à  son  espoir.  Pour  donner  aux  cavaliers  de  la  tribu  des 
Medjeher  le  temps  de  venir  rejoindre  en  foule  la  colonne  en 
marche,  on  mit  deux  jours  à  traverser  ce  territoire  qui  avait 
environ  huit  lieues  de  largeur  ;  à  la  fin  de  la  seconde  journée, 
on  avait  fini  par  recruter  à  peu  près  trois  cents  mécontents. 


164  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE   ET   HISTORIQUE 

Du  24  au  28,  on  campa  au  bivouac  de  Sidi  Bel-Hacel  et  on 
attendit  les  événements.  Personne  ne  vint.  Le  gouverneur 
commença  à  douter  de  la  bonne  foi  des  promesses  de  soumis- 
sion qui  lui  avaient  été  faites.  Cela  ressemblait  fort  peu  aux 
acclamations  qu'il  avait  augurées  des  populations  venant 
saluer  leur  nouveau  bey.  Le  28,  à  onze  heures  du  soir, 
l'armée  passa  la  Mina,  marcha  durant  7  lieues  environ,  et 
arriva  à  l'aube  dans  la  région  montagneuse  où  s'étaient  retirés 
les  Fiittn  et  les  Oulad  Sidi  Yahia.  Les  babita'^ts  du  Bas-Ghélif 
et  de  la  Mina  se  souvenaient  que  l'émir  leur  avait  fait  payer 
trop  cher  leur  première  soumission  aux  Français  ;  ils  ne 
s'avançaient  plus  avec  enthousiasme  comme  ils  l'avaient 
fait  pour  le  .  général  Perrégaux  en  mars  1836.  Bugeaud 
impatienté  lança  ses  troupes  sur  les  Sidi  Yahia  ;  il  y  eut 
quelques  tués,  trois  cents  prisonniers  et  2,000  têtes  de  bétail 
capturées.  Après  cette  prise,  qui  était  tout  au  plus  un  acte  de 
brigandage,  la  colonne  politique  n'avait  pVus  de  raison  d'être 
Au  lieu  de  soumission,  elle  ne  trouvait  que  le  vide  ou 
l'hostilité.  Le  gouverneur  revint  donc  à  Mostaganem  où 
venait  de  rentrer  la  colonne  de  ravitaillement  que  Lamoricière 
avait  conduite  à  Mascara  deux  jours  après  le  départ  de 
Bugeaud,  Après  avoir  versé  45,000  rations  dans  Mascara,  cette 
colonne  avait  été  légèrement  harcelée  au  retour. 

Le  gouverneur  céda  ses  troupes  peu  fatiguées  à  Lamoricière 
qui  se  préparait  à  conduire  un  nouveau  convoi  à  Mascara. 
Avec  les  hommes  de  la  deuxième  division,  Bugeaud  forma  une 
colonne  qui  ne  reçut  pas  cette  fois  l'appellation  de  «politique», 
et,  sous  prétexte  de  retourner  chez  les  Flitta,  il  commença 
par  aller  faire  une  tournée  sur  l'Oued  Hillil  pour  faire 
des  études  archéologiques  sur  les  ruines  de  «  Ballene 
Prœsidium  ». 

Le  4  octobre,  Lamoricière  était  parti  avec  sa  colonne  de 
ravitaillement.  Quand  il  arriva  au  lieu  dit  Hacian-el-R'omri, 
il  apprit  qu'Abd-el-Kader  se  trouvait  à  Aïn-Kebira  avec  des 
forces  considérables  dans  l'intention  de  lui  disputer  le  passage. 
Quelques  officiers  étaient  d'avis  qu'il  fallait  saisir  avec 
empressement  l'occasion  de  combattre  cet  adversaire  redouta- 
ble et  jusque  là  insaisissable,  sans  trop  se  préoccuper  du 
convoi  qu'on  pouvait  facilement  parquer  et  "défendre  avec 
quelques  troupes  pendant  l'action.  Mais  la  question  du  convoi 
embarrassait  précisément  le  général  qui  prêtera  lui  assurer 


DE   LA   COMMUNE  MIXTE   DE  LA   MINA  165 

une  sécurité  entière  en  évitant  de  se  laisser  éblouir  par 
l'espoir  d'obtenir  seul  un  succès  éclatant,  à  quelques  lieues 
de  son  général  en  chef.  Il  abandonna  le  premier  chemin  qu'il 
se  proposait  de  suivre  et  obliqua  à  gauche  pour  rejoindre 
la  division  du  gouverneur.  Ce  dernier  fit  opérer  la  réunion 
des  deux  colonnes  sur  l'Oued  Hillil,  dans  la  nuit  du  6  au  7, 
Mais  on  ne  put  alors  compter  sur  une  rencontre  avec  l'émir, 
car  ce  dernier,  en  apprenant  nos  nouvelles  opérations, 
l'énonça  à  ses  projets  d'attaque. 

Bugeaud  modifia  alors  la  composition  des  troupes.  La  moitié 
de  l'infanterie  et  toute  la  cavalerie  formèrent  un  autre  corps 
dont  le  gouverneur,  ayant  le  général  Lamoricière  immédiate- 
ment sous  ses  ordres,  se  réserva  le  commandement  direct. 
Le  7  au  soir,  l'armée  arriva  à  Aïn-Kebira  ;  lancée  à  la 
poursuite  d'Abd-el-Kader,  elle  le  rejoignit  le  8  à  El-Bordj. 
La  cavalerie  régulière  de  l'émir  se  battit  avec  la  plus  grande 
bravoure  ;  enfoncés  trois  fois,  les  réguliers  revinrent  trois  fois 
à  la  charge  ;  mais  ils  durent  enfin  nous  céder  le  terrain. 
Le  9,  le  convoi  de  ravitaillement  arrivait  à  Mascara. 

Ce  corpsexpéditionnaire  rentra  le5  novembre  àMostaganem 
avec  le  général  Bugeaud  après  une  campagne  chez  les  Hachem. 
Avant  de  partir  pour  Alger  où  il  était  de  retour  le  10,  le 
gouverneur  distribua  les  commandements  de  la  province  de 
l'Ouest.  Le  colonel  Tempoure  fut  appelé  à  Oran,  Bedeau  (alors 
général)  à  Mostaganem  et  Mascara  fut  réservé  au  général 
Lamoricière.  Ce  dernier,  eut  ordre  d'y  établir  sans  retard  le 
quartier  général  de  la  division  avec  6,000  hommes  à  poste  fixe. 
Il  partit  le  27  novembre  de  Mostaganem,  emmenant  avec  lui 
huit  bataillons,  une  batterie  de  montagne,  et  les  spahis  du 
lieutenant-colonel  Yusuf.  Il  était  accompagné  du  khalifa  Si 
Brahim.  Quant  au  bey,  il  continuait  à  résider  à  Mostaganem. 
Lel'-'"'  décembre,  Lamoricière  arrivait  à  Mascara.' 

Sa  présence  dans  cette  ville  eut  pour  principal  résultat 
d'éloigner  un  peu  Mustapha  ben  Tami  et  de  séparer  d'Abd-el- 
Kader  les  tribus  situées  entre  Mascara,  Mostaganem  et  Oran  ; 
dès  lors,  ces  dernières  abandonnées  à  elles-mêmes,  songèrent 
à  se  soumettre. 

A  ce  moment,  l'émir  quitta  sa  position  de  Djediouïa  et  se 
dirigea  siir  Tlemcen,  car  à  ce  moment  éclatait  la  révolte  de 
Mohammed  ben  Abdallah.  Le  général  Bedeau  (!)  quitta  aussitôt 


(1)  C'est  le  7  décembre  1841  que  Bedeau  quitta  Mostaganem. 


166  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE  ET   HISTORIQUE 

Mostaganem,  pour  suivre  l'exemple  du  colonel  Tenipoure  qui 
était  parti  d'Oran  appuyer  le  mouvement  insurrectionnel. 
Quand  il  arriva  à  l'Habra,  il  suspendit  sa  marche  un  instant 
pour  écouter  les  propositions  de  paix  qui  venaient  lui  apporter 
les  Bordjia  de  la  plaine.  Tous  offraient  de  se  soumettre 
immédiatement  :  quant  à  ceux  de  la  montagne,  ils  hésitaient 
encore,  ou  paraissaient  plutôt  attendre  qu'on  se  donnât  la 
peine  de  les  attaquer  pour  se  rendre.  On  satisfit  leur  désir  en 
leur  envoyant  quelques  troupes  qui  n'eurent  d'ailleurs  pas  à 
combattre:  la  tribu  entière  fit  sa  soumission,  à  condition  que 
ses  cavaliers  prendraient  rang,  comme  les  Douair  et  Zmela  à 
notre  solde,  parmi  les  spahis  irréguliers.  En  outre,  les  Bordjia 
sollicitèrent  l'a'utoi-isation  d'aller  prendre  possession  provisoire 
du  teri'itoire  de  Mazagran,  afin  d'être  moins  en  danger  de 
supporter  des  représailles  de  la  part  des  autres  tribus,  au  cas 
où  celles-ci  ne  voudraient  pas  suivre  leur  exemple.  Le  général 
satisfit  à  leurs  désirs  et  renonça  à  cont'inuer  sa  route  vers 
Mohammed  ben  Abd  Allah.  Il  conduisit  et  installa  lui-même 
les  Bordjia  dans  leurs  nouveaux  campements.  Peu  après,  les 
Beni-Chougran,  ainsi  que  toutes  les  petites  tribus  à  l'Est  de 
l'Habra  firent  les  mêmes  propositions.  Les  Gharaba,  ces 
Iladjoutes  de  la  province  d'Oran,  suivirent  bientôt  leur 
exemple  en  s'adressant  directement  au  général  Bugeaud  qui 
venait  d'arriver  à  Oran  avec  l'intention  de  marcher  sur 
Tlemcen. 

Ces  soumissions  successives  assuraient  pour  l'avenir  les 
communications  entre  Mostaganem  et  Mascara.  Le  général 
Bedeau  en  profita  pour  conduire  dans  cette  dernière  ville  un 
grand  convoi  de  ravitaillement. 

Il  partit  le  25  janvier  1842.  La  seconde  étape  fut  particulière- 
ment pénible  pour  nos  troupes.  La  pluie  qui  tombait  depuis 
plusieurs  jours  avait  transformé  en  torrents  les  ravines  du 
pays.  La  plaine  de  Kerkacha,  à  El-Bomri,  où  devait  passer 
le  convoi,  était  en  partie  submergée  par  l'Oued  Mekhalouf 
dont  le  barrage  grossier  avait  été  facilement  démoli  par  les 
eaux  accumulées  :  le  sol  n'était  plus  qu'un  vaste  marécage  où 
il  était  presque  matériellement  impossible  d'avancer.  Les 
hommes  pataugeaient  dans  cette  boue  liquide,  maculant  leurs 
vêtements,  leurs  armes  et  leurs  provisions  ;  les  mulets  qui 
s'enfonçaient  jusqu'au  poitrail  s'abattaient  à  qui  mieux  mieux  ; 
c'était  un   désordre  indescriptible,   sous  une   pluie  drue  et 


DE  LA  COMMUNE  MIXTE  DE  LA  MINA  167 

incessante.  Le  convoi  tout  désorganisé  n'avançait  qu'avec  une 
extrême  lenteur,  et  les  traînards  étaient  nombreux.  La  nuit 
arriva  sur  ces  entrefaites  et  la  marche  n'en  devint  que  plus 
difficile.  Les  juifs  qui  suivaient  la  colonne  virent  leurs  ânes  et 
leur  pacotille  engloutis  dans  ce  cloaque.  Un  soldat  avec  une 
lanterne  allumée,  guidait  seul  tout  ce  monde  en  se  tenant 
auprès  du  général  qui  marchait  en  tête. 

Enfin,  vers  9heures  1/2  du  soir,  les  plus  vaillants  ari-ivaient 
aux  puits  d'El-Romri.  Peu  à  peu,  les  compagnies  parvinrent  à 
se  former  et  le  bivouac  fut  établi  tant  bien  que  mal.  Les 
premières  bêtes  de  somme  déchargées  furent  utilisées  pour 
aller  au  secours  de  ceux  qui  étaient  restés  enlizés  dans  la 
plaine.  Cette  malheureuse  étape  nous  fit  perdre  un  officier  et 
vingt-six  hommes,  la  plupart  d'une  lièvre  intense  contractée 
dans  les  marécages  où  il  avait  fallu  marcher. 

La  colonne  entra  le  28  à  Mascara  et  fit  son  retour  à  Mosta- 
ganem  sans  incident  appréciable. 

Les  généraux  d'Arbouville  et  Lamoricière  firent  au  printemps 
de  la  même  année  une  petite  expédition  chez  les  Hacliem 
Cheraga,  les  Sdama  et  les  Flitta  qui  avaient  des  velléités  de 
s'agiter. 

D'Arbouville  seconda  Bugeaud  dans  son  entreprise  consistant 
à  relier  militairement  la  province  d'Alger  à  celle  d'Oran. 
Sidi  Allai  Moubarek  et  Ben  Arach  venaient  d'attaquer  Sidi-el- 
Aribi  sur  le  Chélif  et  l'avaient  repoussé  vers  la  Mina.  Le 
gouverneur  profita  de  l'occasion.  Parti  de  Mostaganem  avec 
5,000  hommes  le  14  mai,  il  passait  le  18  sur  la  rive  droite  du 
Chélif,  mais  ne  put  atteindre  dans  les  contreforts  du  Dahra  les 
Beni-Zeroual  qu'il  voulait  châtier.  Le  25,  il  nommait  le  jeune 
Sidi-el-Aribi  khalifa  de  la  Mina  et  du  Chélit. 

Bugeaud  remonta  ensuite  la  vallée  du  Chélif  etinfiigea  une 
correction  méritée  à  la  remuante  tribu  des  Sbéah.  Le  30  au 
matin,  la  colonne  faisait,  au  son  du  canon,  sa  jonction  avec  la 
division  d'Alger  partie  de  Blidi. 

Rentré  cà  Mascara  le  18  juin,  Lamoricière  se  remit  à  la  pour- 
suite d'Abd-el  Kader  qui  se  déroba,  alla  camper  chez  les  Flitta 
el  menaça  les  tribus  du  Bas-Chélif  qui  avaient  reconnu  notre 
autorité.  Du  22  juin  au  5  juillet,  Lamoricière  fit  moissonner  les 
champs  des  Flitta.  Quant  à  l'érnir,  il  chercha  à  attaquer  les 
Bordjia;  mais  il  en  fut  empêché  par  un  mouvement  que  firent 
sur  l'Oued  HiUil  les  troupes  de  la  garnison  de  Mostaganem. 


168  MONOGRAPHIE  GÉOGRAPHIQUE   ET  HISTORIQUE 

De  retour  de  l'expédition  du  Cliélif,  le  général  d'ArJjouville 
put  à  peine  laisser  quelques  jours  de  repos  à  ses  troupes.  Le 
18  août,  il  partait  de  Mostaganem  pour  opérer  une  tournée 
chez  les  Flitta.  Il  avait  avec  lui  deux  bataillons  du  l^''  de  Ligne, 
deux  bataillons  de  la  Légion  étrangère,  le  ô''  bataillon  de 
Chasseurs,  le  bataillon  Turc  du  bey,  deux  escadrons  de 
Chasseurs  d'Afrique,  et  le  Goum  fourni  par  Sidi-el-Aribi.  Au 
début  tout  alla  bien.  Le  22,  la  cavalerie  et  le  bataillon  Turc 
parvinrent  à  enlever  trois  mille  tètes  de  bétail  aux  Oulad  Sidi- 
Yahia.  Les  Flitta  qui  ne  tenaient  pas  à  laisser  emmener  à 
Mostaganem  leurs  troupeaux  après  avoir  vu  leurs  récoltes 
transportées  à  Mascara  sortirent  de  leur  fatalisme  insouciant. 
Le  30  août,  ils  attaquèrent  avec  vigueur  notre  arrière-garde, 
et  livrèrent  à  nos  troupes,  les  4  et  5  sciptembre,  de  violents 
combats  dont  l'issue  ns  fut  pas  à  notre  honneur.  Obligé  de  se 
replier,  et  d'ailleurs  ayant  besoin  de  se  ravitaillei-,  le  général 
d'Arbouville  revint  à  Mostaganem  le  7. 'Il  y  trouva  Bugeaud 
qui  lui  reprocha  sa  conduite,  et  lui  enjoint  de  se  remettre  im- 
médiatement en  campagne.  Aussi  retourna-t-il  chez  les  Flitta 
le  16  septembre  avec  sa  colonne  renforcée  d'un  bataillon  du 
15'=  Léger  et  de  deux  escadrons  de  Spahis  que  dut  lui  céder 
Lamoricière.  Pour  faire  passer  sa  mauvaise  humeur,  d'Arbou- 
ville l'avagea  le  pays  durant  quarante  jours.  Informé  par  le 
khalifa  des  Oulad  Sidi  Abd-Allah  qu'il  était  menacé  dans  la 
vallée  du  Chélif,  il  se  rabattit  de  son  côté,  en  descendant  la 
vallée  de  la  Djedïouia  au  débouché  de  laquelle  il  eut,  le  25,  un 
petit  engagement  de  cavalerie  contre  les  Sbeih  qui  avaient  de 
nouveau  pris  parti  pour  l'émir.  Il  revint  ensuite  sur  la  Mina 
où  s'étaient  concentrées  plusieurs  fractions  de  tribus  soumises. 
Il  s'arrêta  là  quelques  jours  pour  attendre  les  approvisionne- 
ments qu'il  avait  demandés  à  Mostaganem. 

Pendant  ce  temps,  l'émir  voyant  le  général  Lamoricière 
occupé  ailleurs,  et  d'Arbouville  arrêté,  se  jetait  sur  la  petite 
ville  d'El-Bordj  et  l'incendiait  pour  punir  de  leur  défection  les 
Bordjia  dont  ce  ):iourg  pouvait  être  considéré  alors  comme  la 
capitale. 

A  la  suite  de  cet  événement,  l'épouvante  se  répandit  parmi 
toutes  les  tribus  soumises.  Elles  allèrent  supplier  le  général 
Lamoricière  de  les  secourir.  Mais  celui-ci' commença  par 
se  lancer  à  la  poursuite  d'Abd-el-Kader  jusqu'à  Taguin,  puis 
battit  l'émir  dans  un  engagement  près  de  l'Oued  Riou. 


DE   LA   COMMUNE  MIXTE   DE   LA  MINA  169 

Le  général  B.ugeaud,  après  avoir  pacifié  le  pays  des  Beni- 
Ouragh,  vint,  le  22  décembre  de  la  même  année,  visiter  Bel- 
Hacel  où  on  avait  construit  un  pont  de  bois  sur  la  Mina 
et  élevé  une  redoute  destinée  à  protéger  cet  ouvrage. 

Tandis  que  la  division  d'Alger,  sous  les  ordres  de  Chan- 
garnier,  s'avançait  dans  le  Dahra,  le  gouverneur  reprenait  le 
chemin  de  Mostaganem  d'où  il  repartait  pour  Alger.  Quant  au 
général  d'Arbouville,  il  fut  bientôt  remplacé  par  le  général 
Gentil. 

Celui-ci  débuta  dans  son  commandement  de  Mostaganem  en 
conduisant  une  nouvelle  expédition  chez  les  Flitta.  Différentes 
fractions  lui  tirent  leur  soumission,  entre  autres  les  Beni- 
Dergoun  et  les  Amamra.  Il  était  de  retour  le  28  décembre 
amenant  avec  lui  un  grand  nombre  de  prisonniers  et  de 
troupeaux  razziés.  Mais>  l'émir  reparaissait  bientôt  au  milieu 
même  des  tribus  qui  avaient  reconnu  notre  autorité.  Après  les 
Beni-Ouragh  et  le  Dahra,  les  Flitta  ne  tardèrent  pas  à  faire 
défection . 

Le  9  janvier  1843,  le  général  Gentil  repartait.  Avec  deux 
cents  chasseurs  d'Afrique  et  les  goums  de  Sidi-el-Aribi 
qui  ava.ent  pu  seuls  traverser  le  Ghélif,  il  put  débloquer 
Mazouna  assiégée  par  les  réguliers  d'Abd-el-Kader.  Il  revint 
ensuite  rapidement  rejoindre  son  infanterie  qu'il  avait  laissée 
sur  la  rive  gauche  du  fleuve. 

Le  6  mars,  le  colonel  Géry  était  en  train  de  construire 
un  pont  de  chevalets  sur  le  Ghélif,  en  amont  du  confluent  de 
la  Mina,  quand  les  Beni-Zéroual  vinrent  l'attaquer.  Le  général 
Gentil  parvint  à  soumettre  une  partie  de  cette  tribu  ;  il  revint 
ensuite  sur  le  Ghélif.  Le  21  mars,  il  se  trouva  chez  les  Ouled 
Khelouf,  où  le  32"  de  Ligne,  colonel  en  tête,  enleva  le  marabout 
Sidi-Lekhal,  défendu  par  une  bande  de  Cheurfa. 

G'est  au  mois  de  mai  de  la  même  année  que  notre  fidèle 
ami,  Mustapha  ben  Ismaël,  venant  de  Tiaret,  passa,  avec  son 
maghzen,  à  travers  le  pays  des  Flitta.  Il  se  rendait  à  Cran. 
Une  bande  de  pillards  l'attaqua  entre  Mendez  et  Zemmorah,  et 
il  tomba  frappé  d'une  balle  dans  la  poitrine.  On  fit  l'hommage 
de  sa  tête  à  Abd-el-Kader  et  son  corps,  que  Kaddour  ben 
Morfi  racheta,  fut  enterré  le  29  mai,  dans  le  cimetière  musul- 
man d'Oran,  en  présence  de  toute  la  garnison  rangée  sous  les 
armes. 

Le  général  de  Bourjolly  qui  succéda  au  général  Gentil, 


170  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHTQTJE   ET    HISTORIQUE 

quitta  Mostaganem  le  5  juin  et  traversa  le  pays  sud  de  cette 
ville  pour  se  rendre  au  khamis  des  Beni-Ouragh  (Ammi- 
Moussa)  d'où  il  ramena  trois  cents  misérables  familles  maures 
qui  craignaient,  non  sans  raison,  qu'Abd-el-Kader  n'usât 
envers  elles  de  représailles  pour  les  châtier  de  leur  soumission 
à  la  France. 

Le  3  juillet.  Bourjolly  reparaissait  dans  la  plaine  de  la  Mina 
pour  corriger  une  nouvelle  fois  les  Fiitta  intraitables.  Il  avait 
avec  lui  deux  bataillons  du  32"  de  Ligne,  un  de  Chasseurs 
à  pied,  un  de  la  Légion  étrangère,  et  enfin  les  Tirailleurs 
indigènes  du  commandant  Bosquet.  Le  4,  il  remporta  sur 
l'ennemi  une  brillante  victoire  à  l'emplacement  actuel  du 
village  de  Zemmorah.  Il  ne  fut  de  retour  à  Mostaganem  qu'un 
mois  après,  ayant  parcouru  en  tous  sens  le  pays  des  Fiitta. 
Les  mêmes  opérations  dirigées  contre  cette  tribu  recommen- 
cèrent du  31  août  au  22  octobre  de  la  même  année,  et  du 
8  avril  au  23  mai  1844. 

L'année  1844  se  termina  par  la  soumission  de  presque  toutes 
les  tribus  situées  au  sud  de  Mostaganem,  jusqu'au  Djebel 
Amour.  Mais  la  guerre  n'était  pas  encore  terminée. 

Après  Abd-el-Kader,  ce  fut  Bou  Maza,  le  fameux  Moul  es  Sàa 
qui  se  chargea  de  nous  créer  des  difficultés.  Une  nouvelle 
insurrection  éclata,  et  les  Fiitta  ne  furent  pas  les  derniers 
à  répondre  à  l'appel  du  révolté  du  Dahra.  Notre  khalifa,  Sidi- 
el-Aribi,  se  mit  aussitôt  en  campagne  avec  tous  ses  goums. 
Le  12  avril  1845,  le  général  de  Bourjolly  partait  de  Mostaganem, 
emmenant  le  d"  bataillon  de  Chasseurs,  deux  bataillons 
du  32«  de  Ligne,  une  compagnie  de  la  Légion  étrangère, 
le  bataillon  de  Tirailleurs  indigènes,  deux  escadrons  de 
Chasseurs  d'Afrique,  et  deux  obusiersde  montagne.  Il  traversa 
les  régions  méridionales  du  Dahra,  poussant  jusqu'à  Orléans- 
ville  où  il  rejoignit  les  troupes  de  Saint  Arnaud.  Il  revint 
ensuite  désarmer  les  Cheurfa,  les  Achacha,  et  toutes  les 
tribus  insurgées  de  l'Oued-Biou  et  de  Tiaret.  Il  poussa  jusqu'à 
El-Oussekh  pour  poursuivre  l'émir,  revint  à  Tiaret,  donna  de 
nouveau  la  chasse  à  Bou  Maza,  chez  les  Beni-Ouragh,  et 
rentra  à  Mostaganem  le  14  juillet,  après  soixante-trois  jours 
d'absence. 

Pendant  ce  temps,  notre  khalifa  Sidi-el-Aribi,  dont  la  smala 
avait  été  attaquée  par  Bou-Maza,  avait  réussi  à  infliger  une 
sanglante  défaite  à  notre  ennemi  qui  laissa  400  morts,  trente 


DE   LA   CO;\IMUNE  MIXTE  DE   LA   MrNA  171 

chevaux,  sept  prisonniers  et  deux  drapeaux  sur  le  champ  de 
bataille.  Ceci  se  passait  chez  les  Beni-Zeroual. 

Cependant,  l'insurrection  faisait  des  progrès  rapides.  Bientôt 
elle  s'étendait  des  Beni-Ouragh  aux  frontières  du  Maroc.  La 
situation  é!ait  grave.  La  colonne  de  Mostaganem  reprit  la 
campagne  le  16  septembre  1843.  Le  19  elle  forçait  le  défilé  de 
Tifour  et  allait  s'établir  à  Ben  Atia,  sur  la  Menesfa.  Le  général 
de  Bourjolly  avait  mandé  un  bataillon  de  la  Légion  étrangère 
en  garnison  à  Ammi-Moussa;  craignant  l'attaque  de  ce  renfort 
par  les  Flitta  avant  son  arrivée  à  Ben  Atia,  il  quitta  son  camp 
le  20,  accompagné  de  la  cavalerie,  du  bataillon  de  Tirailleurs 
et  d'un  obusier  de  montagne.  Il  ne  s'était  pas  trompé  dans  ses 
prévisions.  Déjà  les  Flitta  étaient  aux  prises  avec  le  bataillon 
de  la  Légion  et  menaçaient  de  l'écraser.  Le  général  le  dégagea 
non  sans  peine,  ayant  cHx-sept  hommes  tués  ou  blessés. 

Entouré  d'une  foule  d'indigènes  aux  dispositions  peu  favo- 
rables, de  Bourjolly  décida  de  se  rapprocher  de  Bel-llacel.  Il 
commença  à  opérer  son  mouvement  de  retraite  le  22  septembre. 
Aussitôt  les  Beni-Ouragh  et  les  Flitta  se  précipitèrent  sur 
notre  arrière-garde  composée  de  Chasseurs  d'Orléans.  Un 
combat  corps  à  corps  s'engagea  et  les  Tirailleurs  parvinrent 
difficilement  à  repousser  l'ennemi  et  à  dégager  l'arrière-garde. 
La  lutte  reprit  d'ailleurs  un  peu  après  plus  acharnée  que 
jamais  et  dura  six  heures  après  lesquelles  la  colonne  put  gagner 
Touiza  chez  les  Beni-Dergoun.  Le  2.3,  elle  y  séjourna  et  ne 
leva  le  camp  que  le  24  pour  se  diriger  sur  Belizane.  Pendant 
cette  marche,  des  engagements  très  vifs  eurent  lieu  à  l'arrière- 
garde.  Les  insurgés  essayaient  surtout  de  la  séparer  complète- 
ment du  gros  des  troupes  pour  pouvoir  l'anéantir  ensuite. 
La  colonne  arriva  enfin  sur  la  Mina,  toujours  combattant, 
escortée  par  plus  de  2,000  Flitta. 

Le  général  dirigea  tout  de  suite  ses  nombreux  blessés  sur 
Bel-Hacel  avec  les  chasseurs  d'Afrique  comme  escorte.  Quant 
à  l'infanterie,  elle  se  retrancha  près  du  barrage  de  la  rivière  (1). 
Les  Flitta  usèrent  alors  d'un  nouvel  artifice.  Ils  mirent  le  feu 
aux  chaumes  et  aux  herbes  desséchées  de  la  plaine.  Le  vent 
développa  rapidement  l'incendie.  Vers  6  heures  du  soir,  les 
flammes  léchaient  nos  retranchements  d'avant-postes,  et  nos 
ennemis,  masqués  parla  fumée,  faisaient  pleuvoir  sur  le  camp 


(1)  Sur  l'emplacement  actuel  de  la  briquettei-ie  Caldairou, 


172  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE  ET   HISTORIQUE 

une  grêle  de  balles.  Pour  être  prêts  à  toute  éventualité,  nos 
soldats  abattirent  les  tentes,  s'équipèrent  comme  pour  un  départ 
et  chargèrent  les  bêtes  de  somme.  Cependant,  des  escouades 
de  travailleurs  énergiques  parvinrent,  après  deux  heures 
d'efforts,  à  se  rendre  maître  du  feu,  et  à  préserver  le  camp  de 
rincendie. 

Pendant  la  nuit,  la  cavalerie  revint  de  Bel-Hacel,  apportant 
des  vivres  et  des  munitions. 

Du  24  au  30  septembre,  la  colonne  séjourna  à  Pielizane. 
Cependant,  Bon  Maza,  accompagné  de  nombreu.x  contingents 
de  révoltés,  s'était  avancé  vers  le  Chélif  et  avait  pillé  quelques 
douars  de  notre  khalifa  Sidi-el-Aribi.  Le  général,  en  apprenant 
la  nouvelle,  se  porta  vers  Bel-Hacel.  La  cavalerie,  ayant  à  sa 
tête  le  colonel  Tartas,  protégeait  la  droite  de  la  colonne.  Ayant 
passé  à  portée  de  Bou-Maza,  de  Bourjolly  le  fit  charger  par 
les  cavaliers  de  Sidi-el-Aribi  et  les  deux  cents  chasseurs 
d'Afrique  du  colonel  Tartas.  L'ennemi  fut  bien  vite  dispersé  ; 
on  lui  tua  quelques  hommes  et  on  lui  reprit  le  butin  qu'il 
venait  de  faire.  Le  15  octobre,  tandis  que  le  général  attendait 
à  Bel-Hacel  les  renforts  demandés,  Bou  Maza  eut  l'habileté  de 
se  glisser  jusque  sous  les  murs  de  Mostaganem  et  d'enlever  le 
troupeau  de  la  garnison.  Il  comptait  sans  le  colonel  Mellinet 
qui  le  poursuivit  et  dut  d'ailleurs  reculer  devant  le  nombre 
des  Arabes  qui  défendaient  le  butin. 

Cependant,  le  colonel  Géry  qui  commandait  à  Mascara,  en 
apprenant  la  nouvelle  prise  d'armes  des  Flitia,  s'était  mis  en 
marche  pour  aller  aider  le  général  de  Bourjolly  ;  attaqué  par 
les  insurgés  à  Tiliouanet,  il  les  avait  battus.  Mais  sachant  que 
la  révolte  gagnait  ses  derrières,  il  dut  revenir  sur  ses  pas,  et 
concentrer  les  détachements  qu'il  avait  disséminés  pour 
exécuter  des  travaux  de  routes.  H  se  dirigea  ensuite  sur 
Kalàa  qu'il  mit  à  sac  pour  la  punir  d'avoir  pris  les  armes  en 
faveur  de  Bou-Maza  II  alla  également  châtier  les  Khermanza 
pour  le  même  motif  et  leur  enleva  trois  de  leurs  marabouts 
fauteurs  de  désordre. 

Le  28  octobre,  la. colonne  d'Orléansville  rejoignait  celle  de 
Mostaganem  à  Bel-Hacel  ;  de  Bourjolly  reprenait  immédiate- 
ment l'offensive  et  pénétrait  cette  fois  en  plein  cœur  de  la 
région  des  Flitta. 

Pélissier  qui  succéda  au  précédent  fit,  pendant  l'année  1846 
deux  promenades  militaires  chez  les  Flitta,  aux  mois  de  juin 


DE    LA    COMMUNE   MIXTE   DE   LA.   MINA  173 

et  d'octobre,  etsut  rétablir  l'ordre  partout  où  il  n'avait  pas  été 
observé  jusqu'alors.  La  visite  qu'il  leur  fit  encore  en  mars  et 
avril  1847  s'elïectua  égalem3nt  sans  aucun  incident.  La 
pacification  du  pays  était  définitivement  faite.  On  peut 
considérer  ici  l'histoire  militaire  de  cette  région  comme 
terminée  ;  cependmt,  un  fait  de  guerre  reste  encore  à 
signaler  :  c'est  la  révolte  des  Flitta  en  186i. 

On  était  fort  loin  de  penser  à  une  nouvelle  insurrection  en 
Algérie  ;  aussi  avait-on  dégarni  notre  colonie  d'une  bonne 
pai'tie  de  ses  ti'oupes  pour  les  envoyer  au  Mexique.  Cependant, 
dès  1863.  certains  bruits  couraient  au  sujet  de  la  création  d'un 
royaume  arabe  sous  la  gérance  d'Abd-el-Kader.  Ces  bruits, 
propagés  par  la  malveillance,  avaient  trouvé  non  seulement 
des  européens  assez  stupides  pour  les  croire,  mais  encore  des 
indigènes  qui  y  ajoutaie'nt  une  foi  naïve  mais  dangereuse.  Il 
arriva  même  que,  certains  d'entre  eux  à  qui  on  avait  enlevé 
des  terrains  pour  la  création  du  village  de  Bouguiiat  (à 
28  kilomètres  Sud  de  Mostaganem)  crurent  facilement  à  un 
bruit  qui  satisfaisait  si  bien  leurs  intérêts  ;  aussi  envahirent-ils 
avec  leurs  troupeaux  le  territoire  destiné  à  la  colonisation  ;  ils 
n'en  voulaient  pas  sortir  disant  que  telle  était  la  volonté  de 
l'Empereur.  Il  y  eut  un  léger  conflit  qui  provoqua  10  arresta- 
tions. 

Après  l'assassinat  de  Beauprétre  et  l'insurrection  du  Sud  de 
l'Oranie,  la  trahison  et  la  défection  des  Flitta  survinrent  :  le 
cercle  d'Ammi-Moussa  se  souleva  et  le  Dahra  devint  menaçant. 
Le  colonel  Lapasset  commandait  alors  la  subdivision  de  Mosta- 
ganem. Il  réussit  à  former  une  petite  colonne  de  820  hommes 
pour  aller  surveiller  les  Flitta  qui  se  préparaient  ouvertement  à 
la  guerre  sainte,  imitant  en  cela  la  tribu  des  Harar  qui  s'était 
jointe  au  chef  des  insurgés.  Si  Mohammed.  Le  8  mai,  Lapasset 
était  à  Tiaret  ;  remplacé  par  le  général  Martineau,  il  reprit  la 
route  de  Relizane.  Sa  marche  fut  interrompue  par  des  combats 
avec  Si-Lazereg  qui  avait  juré  l'anéantissement  de  la  petite 
colonne.  Celle-ci,  constamment  harcelée  par  l'ennemi,  dès  sa 
sortie  de  Tiaret,  arriva  sur  la  soir  chez  les  Anatra,  au  bivouac 
de  Mejnem  el  Gaïla.  A  minuit,  elle  repartit  et  à  7  heures  du 
matin,  elle  arrivait  à  Relizane  (laissant  derrière  elle  le  pays 
des  Flitta"  en  pleine  insurrection).  Là,  les  fermes  étaient 
évacuées,  les  hommes  sous  les  armes,  les  femmes  et  les  enfants 
dans  le  fortin,  Lapasset  renvoya  chacun  chez  soi,  en  répondant 

iâ 


174  MONOGRAPHIE    GÉOGRAPHIQUE   ET    HISTORIQUE 

de  la  situation.  Il  partit  ensuite  (nuit  du  15  au  16  mai) 
débloquer  le  bordj  de  Zeminorah.  Il  se  prépara  ensuite  à 
défendre  Reiizane.  Le  village  était  ouvert  à  tous  les  vents.  On 
y  organisa  un  système  de  maisons  crénelées  fournissant  des 
feux  croisés  sous  toutes  les  faces.  On  arma  d'obusiers  le  fortin 
et  quelques  ouvrages  qui  avaient  été  élevés  à  la  hâte.  Jour  et 
nuit,  deux  goums  veillaient,  l'un  sur  la  route  de  Zemmorah, 
l'autre  chez  les  Hassasna.  Ils  avaient  pour  mission  de  donner 
l'alarme  au  cas  oii  l'ennemi  apparaîtrait  dans  la  plaine  et  de 
surveiller  la  conservation  des  communications  électriques.  Les 
villages,  sur  la  route  de  Mostaganem,  furent  munis  de  moyens 
de  défense.  Ma'gré  cette  sécuiité  apparente,  les  juifs  de 
Reiizane  et  quelques  européens  abandonnèrent  ce  centre  pour 
aller  se  réfugier  à  Mostaganem  oii  on  commençait  à  être 
inquiet  de  la  tournure  que  prenaient  les  choses. 

Des  renforts  venus  d'Oran  etdes  troupes  envoyées  de  France 
et  commandées  par  le  général  Roze  arrivèrent  bientôt  à 
Reiizane.  Le  29  mai,  le  colonel  laissait  la  garde  du  village  à 
un  bataillon  du  82'""  de  Ligne  et  se  remettait  en  campagne. 
Sa  colonne  était  forte  de2,500hommes.  Il  alla  prendre  position 
sur  l'Oued- Riou. 

Pendant  ce  temps,  l'enneuii  s'avançait.  Le  30,  il  vint  camper, 
Si-Lazereg  en  tête,  à  Ras-el-Anceur,  près  de  Zemmorah. 
Le  lendemain,  trois  cents  cavaliers  venaient  surprendre 
Reiizane. 

Les  insurgés  se  présentèrent  au  Sud  de  cette  localité,  mais, 
apercevant  le  bataillon  du  82'=  de  Ligne  concentré  sur  le  plateau 
auquel  est  adossé  le  village,  ils  passèrent  la  Mina.  On  tira 
quelques  coups  de  canon  du  fortin,  mais  la  troupe  ne  s'opposa 
pas  à  la  inarche  des  ennemis.  Bientôt,  toute  la  plaine  de  la 
Mina  jusqu'à  Glinchant,  fut  envahie.  Les  fermes  isolées  furent 
pillées  et  leurs  habitants  massacrés.  Pour  achever  leur  œuvre 
de  destruction,  les  Flitta  incendièrent  les  meules  de  paille 
et  de  fourrage  et  les  récoltes  sur  pied. 

Le  général  Roze  avait  quitté  Mostaganem  le  29  mai. 
Le  1'-''"  juin,  tandis  que  les  révoltés  ravageaient  la  plaine  et 
assassinaient  nos  colons,  il  arrivait  tranquillement  à  Reiizane.  Il 
y  séjourna  le  2.  Le  5,  11  eut  un  engagement  très  vif  avec,  les 
Flitta  sur  la  Menesfa.  La  victoire  fut  pour  lui  et  l'ennemi  y 
perdit  son  chef  Si-Lazereg. 


DE   LA    COMMUNE   MIXTE   DE  LA    MINA  175 

Le  colonel  Lapasset  revint  à  Pvelizane  à  la  Ihi  du  mois  de  juin. 
Avec  le  génércd  Deligny,  il  se  rendit  le  3  juillet  au  camp  du 
général  Roze  où  étaient  réunies  toutes  les  djem.'ias  des  Flitta. 
Après  leur  avoir  reproclié  leur  infâme  trahison,  il  leur  dicta 
les  conditions  de  1'  «  Aman  ». 

Cet  apaisement  ne  fut  pas  de  longue  durée.  Si-Lazereg  étant 
mort,  son  successeur  Abd-el-Aziz  se  rendit  à  Zemmorah. 
Quanta  Si  Mohammed  ould  Hamza,  il  était  en  fuite.  Mais  les 
indigènes  avaient  peu  foi  au  calme  et  ne  laissaient  pas 
de  se  montrer  arrogants  à  Relizane  et  aux  environs  de 
Mostaganem. 

Le  31  juillet,  le  colonel  Lapasset  se  relr(juvaità  Sidi-Moham- 
med-ben-Aouda,  le  3  août,  A  Si-Djilali-ben-Amar,  le  4  août  à 
Ain-Medroussa  ;  il  opéra  ensuite  dans  les  territoires  au  Sud 
d'Ammi-Moussa,  jusqu'à  Guedel  (entre  l'Ouaiensenis  et 
Tiaret).  Le  25  décembre  1861-,  tout  était  fini.  La  seconde 
colonne  de  Mostaganem  fut  dissoute.  Formée  le  30  juillet  à 
Relizane,  au  moment  où  l'ennenn  se  disposait  à  pénétrer  dans 
le  Tell  par  le  bassin  de  la  Mina,  elle  empêcha,  en  se  portant  à 
Medroussa,  la  réalisation  d'un  projet  qui  eut  étendu  l'insur- 
rection. 

Le  voyage  de  Napoléon  III  en  Algérie  suivit  de  près  les 
insurrections  de  la  province  d'Oran.  Le  2U  mai  18(35  il  était  à 
Mostaganem  et  le  24,  il  daignait  honorer  de  sa  visite  le  centre 
de  Relizane.  Nous  tenons  h  reproduire  ici  le  texte  même  de 
Pharaon,  l'historiographe  de  l'Empereur  (relatant  les  faits 
avec  la  partialité  qu'il  convenait  à  un  courtisan),  quitte  à 
remettre  ensuite  les  choses  à  leur  point  exact. 

((  Le  lendemain,  'il  mai,  Sa  Majesté  quittait  Mostaganem  à 
«  huit  heures  du  matin  pour  aller  visiter  le  centre  agricole  de 
«  Relizane  qui  fut  créé  le  24  juillet  1857,  et  qui/dans  le  court 
«  espace  de  huit  années,  s'est  transformé  en  une  petite  ville 
«  florissante. 

«  Sur  tout  le  parcours,  Sa  Majesté  fut  alternativement 
«  acclamé  par  les  colons  dont  les  villages  sont  échelonnés 
«  sur  la  route,  et  par  les  Arabes  qui  étaient  venus  établir  leurs 
«  douars  sur  le  bord  du  chemin  pour  le  saluer.  Une  scène 
«  émouvante  attendait  l'Empereur  aux  portes  de  Relizane  ; 
«  au  moment  où  sa  Majesté  arrivait,  sa  voiture  fut  inopinément 


176  MONOGRAPHIE    GÉOGRAPHIQUE    ET    HISTORIQUE 

«  entourée  par  pins  de  10,000  Arabes,  qui  se  ruèrent  jusque 
«  sous  les  roues  c'a  la  calèche,  et  la  séparèrent  complètement 
(i  de  sa  suite  et  de  l'escorte  d'honneur.  Une  pareille  scène  ne 
«  peut  se  décrire;  toute  cette  population,  hommes,  femmes, 
«  vieillards,  enfants,  la  tête  nue  (sic)  en  signe  de  soumission  (?) 
«  tendaient  les  bras  vers  l'Empereur,  et  de  ces  milliers  de 
«  poitrines,  sortait  le  même  cri  :  Grâce  (!). 

«  Cette  forte  et  puissante  population  arabe  était  courbée 
«  tout  entière  devant  le  souverain,  et  cette  manifestation  qui 
a  restera  unique  (?)  dans  l'histoire  avait  un  cachet  grandiose 
(I  que  la  plume  ne  saurait  reproduire.  Le  premier  moment  de 
«  tumulte  passé.  Sa  Majesté  parvint  non  sans  peine  à  savoir 
«  ce  que  voulaient  ces  vieillards  à  barbe  blanche,  ces  femmes 
«  éplorées,  ces  enfant*,  ces  ro^'ustes  guerriers  dans  l'attitude 
«  de  la  soumission  et  de  la  prière  (?) 

«  C'étaient  les  membres  de  la  confédéi-alion  des  Flitta, 
«  composée  de  19  tribus,  qui  venaient  implorer  la  grâce  de 
«  leurs  frères  internés  en  Corse  à  la  suite  de  la  dernière 
«  insurrection.  La  scène  était  touchante  (!).  L'Empereur, 
«  entouré  seulement  de  Son  Excellence  le  maréchal  de  Mac- 
«  Mahon,  du  général  Fleury,  et  du  général  Deligny,  se  trouvait 
«  complètement  isolé  au  milieu  de  cette  population  en  pleurs  : 
«  dans  leur  langage  pittoresque  de  l'Orient,  les  Arabes  protes- 
«  tèrent  de  leur  .dévouement  futur,  s'offrant  comme  otages  à 
«  la  parole  donnée. 

«  L'Empereur  visiblement  ému  par  cette  scène  de  désolation, 
«  fit  immédiatement  appeler  Sidi-el-Aribi,  khalifa  de  cette 
«  puissante  confédération,  et  tint  un  instant  conseil  au  milieu 
«  du  tumulte.  Pendant  tout  le  temps  que  Sa  Majestée  mit  à 
a  s'éclairer  sur  la  part  que  ces  tribus  avaient  prise  à 
«  l'insurrection,  les  Flitta  manifestaient  comme  ils  pouvaient 
«  par  leurs  cris,  par  leur  attitude,  par  leurs  gestes,  leurs 
a  promesses  d'éternelle  soumission.  Rien  ne  saurait  décrire 
«  l'enthousiasme  qui  se  manifesta,  lorsque  les  paroles  d'oubli 
«  et  de  pardon  tombées  des  lèvres  impériales  leur  furent 
«  transmises  par  leur  chef  Sidi-el-Aribi  ;  les  Flittas  éclatèrent 
«  en  actions  de  grâces  (?),  les  femmes  déchiraient  l'air  de  leurs 
«  touloiiil  (1)  aigus  :  c'était  la  débauche  de  la  joie,  le  délire  de 


(i;  Cs  soQt  les  I  you  you  »  des  l'emnes  arabes,  cf.  l'assouaauca  de  ce 
mot  avec  le  latin  «  kuhdare  ». 


DE   LA.   COMMUNE  MIXTE   DE  LA  MINA  177 

«  l'enthousiasme  (!),  les  uns  se  prosternaient  le  front  contre 
a  terre,  les  autres  cherchaient  à  baiser  les  pans  de  vêtements 
«  de  l'Empereur  et  des  officiers  généraux  dont  il  était  accom- 
0  pagné.  Ce  fut  à  grand'peine  que  le  piqueur  de  Sa  Majesté 
«  put  ouvrir  un  passage  à  la  voiture  impériale  qui  fut  obligée 
«  de  traverser  au  petit  pas  la  ville  de  Relizane. 

«  Après  avoir  visité  le  barrage  établi  sur  la  Min.-i,  dont  les 
«  eaux  ainsi  retenues  fertilisent  vingt-cinq  mille  hectares  de 
0  cultures  industrielles,  et  s'être  fait  rendre  un  compte  exact 
«  de  l'état  de  la  colonisation,  Sa  Majesté  reprenait  la  route  de 
«  Mostaganem,  où  elle  arriva  à  6  heures  du  soir,  après 
«  avoir  fourni  une  course  de  trente-quatre  lieues  dans  sa 
((  journée. 

((  Le  soir,  elle  réutiissait  à  sa  table  les  autorités  civiles, 
«  militaires  et  indigènes,  et  tandis  que  les  habitants  de 
«  Mostaganem  faisaient  éclater  leur  entliousiasme  autour  de  la 
«  résidence  impériale,  des  scènes  touchantes  se  passaient  sous 
«  les  tentes  des  Flitta.  Les  familles  arabes  réunies  exaltaient 
«  la  générosité  du  Sultan,  et  le  nom  de  Napoléon  III  volait  de 
«  bouche  en  bouche  au  milieu  des  bénédictions  de  tous  ;  toute 
«  la  nuit,  les  indigènes  se  visitèrent  les  uns  les  autres  pour 
«  se  féliciter  de  l'heureux  événement,  et  les  seules  victimes  de 
(I  cette  joie  universelle  furent  les  moutons  égorgés  pour 
«  célébrer  la  magnanimité  du  souverain. 

«  Le  lendemain  matin,  à  10  heures,  S.  M.  Napoléon  III 
«  s'embarquait  pour  Alger  au  milieu  des  acclamations  de  la 
«  population  de  Mostaganem,  et  les  cris  de  «  Vivel'Empereur  !» 
«  qui  sortaient  des  bouches  européennes,  avaient  un  écho 
«  dans  tous  les  cœurs  arabes.  L'acte  de  la  veille  n'avait  fait 
«  que  grandir,  et  les  indigènes  avaient  ajouté  au  nom  de 
«  Napoléon  III  celui  de  El  Kerim  «  le  Généreux- 1  » 

Ce  qui  précède  est  la  vérité  travestie  purement  et  simple- 
ment. Le  chroniqueur  de  l'Empereur  au  lieu  dépasser  les  faits 
sous  silence  a  cru  devoir  les  transformer  en  leur  donnant  une 
tournure  toute  à  l'honneur  de  son  maître,  dans  l'espoir  que  la 
postérité,  portée  à  croire  facilement  aux  actes  glorieux  (hi 
temps  passé,  accueillerait  ce  récit  avec  la  même  foi  que  tant 
d'autres  erreurs  et  mensonges  historiques.  En  réalité,  quand 
Napoléon  III  arriva  à  Relizane,  il  y  trouva  près  de  vingt  mille 
indigènes  hommes,  femmes  et  enfants  accourus  à  la  suile  des 


178  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE   ET   HISTORIQUE 

goums  commandés  par  Tautorité  militaire.  On  avait  fait  à 
ces  derniers  d'allécliantes promesses,  probablement  l'assurance 
d'une  distribution  de  subsides  ou  de  grains,  s'ils  criaient 
bien  fort  «  Vive  l'Empereur  »  et  s'ils  amenaient  beaucoup 
de  monde  pour  acclamer  le  souverain.  Il  y  avait,  en  outre,  de 
nombreux  parents  et  amis  d'individus  condamnés  pendant  les 
récentes  insurreclions,  et  qui  comptaient  demander  la  grâce 
des  prisonniers.  Enfin,  il  y  avait  la  tourbe  tumultueuse  des 
curieux  et  des  fauteurs  de  désordres  qui  complétait  le  tout. 
Des  clameurs  discordantes  accueillirent  Napoléon  à  son 
arrivée.  Toute  cette  foule  de  miséreux  descendus  de  la 
montagne,  venus  d'un  peu  de  tous  les  points  du  territoire  des 
Flitta,  se  massait  autour  de  la  voiture  impériale  et  de  son 
escorte,  les  uns  hurlant  «  Bibe  l'Amprou  !  Bibe  l'Amprou  !  »  (.1) 
d'autres  criant  des  choses  incompréhensibles  dans  leur 
langage  rude,  tous  cherchant  à  se  rapproeher  de  l'Empereur 
avec  des  intentions  plus  ou  moins  honnêtes.  En  somme,  les 
goums  étaient  insuffisants  pour  s'opposer  à  un  coup  de  main, 
et  rien  n'empêchait  cette  masse  d'indigènes  de  faire  prisonnier 
le  souverain  et  de  l'emmener  dans  leurs  montagnes  avec 
son  Etat-Major.  Je  me  suis  laissé  dire  par  de  vieux  arabes  que 
telle  était  bien  l'intention  de  certains  manifestants,  et  s'ils  ne 
purent  mettre  leurs  projets  à  exécution,  c'est  grâce  à  la 
présence  d'esprit  de  l'entourage  de  l'empereur.  La  foule  en  se 
bousculant  menaçait  de  déborder  la  garde  de  cavaliers  et 
d'envahir  la  calèche  impériale.  Pris  de  frayeur.  Napoléon  fit 
signe  à  son  trésorier  particulier  qui  se  trouvait  derrière  lui, 
dans  une  autre  voiture,  avec  des  cassettes  contenant  une 
somme  assez  forte.  Aussitôt  pièces  d'argent  et  d'or  tombèrent 
en  pluie  sur  la  cohue,  jetées  à  pleine  mains  par  le  trésorier  et 
un  des  généraux  de  la  suite.  Les  Arabes  se  précipitèrent  alors 
sui'  le  sol  pour  y  recueillir  la  précieuse  aubaine,  et  c'est  sans 
doute  là  ce  que  Pharaon  a  pris  pour  des  prosternations 
humiliées.  En  fait  d'acclamations,  il  n'y  eut  surtout  que  des 
cris  incohérents  et  «  l'attitude  soumise  »  se  traduisit  par  des 
gestes  de  sauvages,  des  gambades  de  gens  satisfaits  de  se  voir 
accorder  une  aumône  par  le  chef  de  ceux  qui  leur  avaient  pris 
leurs  trou|icaux.  Au  lieu  de  s'arrèler  à  la  halle  au.s  grains, 


(1)  ><  Vive  rFJiiipereur  !   Vive  rKinpereur  !  ». 


DE    LA    COMMUNE   MIXTE   DE   LA   MINA  179 

transformée  eh  salle  de  réception,  l'Empereur  qui  n'avait 
aucune  envie  de  rester  dans  un  lieu  où  les  marques  de 
sympathie  s'affichaient  avec  un  enthousiasme  évidemment 
exagéré,  ne  se  donna  pas  la  peine  de  visiter  ni  barrage  ni 
quoi  que  ce  soit.  Il  donna  ordre  de  fouetter  les  chevaux  et  de 
s'enfuir  à  toute  vitesse.  Le  soir,  les  douars  alentours  fêtèrent 
la  venue  de  «  l'Ambrou  »  avec  ses  écus  et  ses  louis,  les  feux 
des  méchouis  éclairèrent  la  plaine  en  souvenir  du  passage 
d'un  prince  qui  savait  si  généreusement  distribuer  les  fonds 
de  sa  casselte  secrète  ;  et,  si  un  sentiment  quelconque  poussa 
les  indigènes  à  se  féliciter  de  la  visite  de  l'Empereur,  ce  fut  la 
reconnaissance  du  ventre  ! 

Ici  se  termine  la  chronique  des  événements  historiques  qui 
eurent  pour  champ  d'c\ction  le  territoire  de  la  commune  nhxte 
de  la  Mina  et  ses  environs  immédiats.  Il  nous  reste  à  voir 
maintenant  l'histoire  de  ses  divisions  administratives  jus- 
qu'aux plus  récentes  organisations  et  celle  de  chaque  tribu  en 
particulier. 


180 


MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE    ET    HISTORIQUE 


DIVISIONS    ADMINISTRATIVES    DE    L'ORAME 

Les  premicres  années  de  U  Conquête  fi^inçaise 


Jièui.aw  de 


ajieni 


{Extrait  d'une  carte  publiée  m  iSfj) 


DE   LA   COMMUNE   MIXTE   DE   LA  ML\A  181 


PARTIE  ADMINISTRATIVE  &  ÉCONOMIQUE 


Chapitre  I'-.  —   HISTORIQUE   DES    DIVISIONS 
ADMINISTRATIVES  DU  PAYS 

Vers  1600,  au  moment  où  la  conquête  turque  venait 
d'étendre  son  niveau  sur  les  deux  races  du  pays,  la  plupart  des 
massifs  montagneux  se  trouvaient  encore  au  pouvoir  des  Ber- 
bères. Les  plaines  avaient  été  envahies  et  dé\astées  par  les  Arabes 
Quant  aux  villes  i!  en  restait  très  peu  :  abandonnées  par  leurs 
habitants,  presque  toutes  tombaient  en  ruines.  Peu  à  peu,  les 
races  "berbères  s'arabisèrent;  au  XVlIi^  siècle,  les  Hoouara 
seuls  parlaient  la  zenatia  qu'ils  abandonnèrent  bientôt  pour 
adopter  la  langue  arabe.  Les  villes  ruinées  qui  restaient  étaient 
Girat,  dans  la  plaine  du  même  nom  ;  Taguelmimt,  dont  les 
ruines  se  voient  encore  non  loin  de  Fornaka;  El-Bet'ha,  sur  la 
Mina,  à  4  ou  5  lieues  de  son  confluent  avec  le  Chélif  ; 
El-R'ed  la  ou  El-R'etclia,  dont  il  reste  encore  quelques  traces 
près  du  centre  de  Clinchant  ;  Tahlil,  dans  la  plaine  de  l'Hillil  ; 
Sidi-Mer'dad,  sur  l'emplacement  du  village  de  l'Hillil  ;  Kalàa 
et  quelques  bourgs  sans  importance  de  la  montagne.  Il  ne  reste 
plus  rien  aujourd'hui,  à  part  Kalàa,  de  ces  cités  dont 
quelques-unes  furent  florissantes,  entre  autres  El  Bet'ha 
et  El-R'edda.  .\ïn-es-Sefsif  et  Ilel,  villes  éphémères,  sont 
aussi  à  mentionner. 

Les  Beni-Rached  ayant  quitté  la  région  de  Kalàa  pour  aller 
s'installer  aux  environs  d'Orléansville,  les  Hoouara  de  la 
région  montagneuse  formèrent  seuls  un  noyau  berbère 
compact  qui  resta  relativement  assez  longtemps  à  contracter 
des  alliances  sanguines  avec  les  tribus  arabes  d'alentour. 
Nous  aurons  plus  loin  l'occasion  de  signaler  les  autres  tribus 
renfermant  des  éléments  berbères. 

Peu  après  notre  arrivée  dans  la  province  d'Oran,  nous 
fournîmes,  on  le  sait,  l'occasion  à  un  jeune  agitateur,  le 
fameux  Abdel-Kader,  de  devenir  le  souverain  musulman  de 
tout  le  pays.  Tout  en  formant  ses  troupes  de  réguliers,  il 
organisait  les  subdivisions  administratives  de  ses  Etats,  suivant 


182  MONOGRAPHIE    GÉOGRAPHIQUE    ET    HISTORIQUE 

pour  cela  dans  une  ceiiaine  mesure  les  i-ègles  déjà  adoptées 
par  les  Turcs  consistant  à  former  autant  de  circonscriptions 
qu'il  y  avait  de  tribus  d'origines  différentes. 

Mascara  fut  naturellement  la  capitale  du  Cherg,  c'est-à-dire 
de  l'arrondissement  de  l'Est.  Ce  khalifa  ou  beylik  de  Mascara 
se  subdivisait  en  7  aghaliks  : 

1"  Aglialik  des  Gharaba  ;  2"  Aghalik  des  Medjeher  ;  3'^  les 
Hachein  Gtiaraba  ;  4"  les  llachem  Cheraga;  5°  les  Flitta  ;  G»  les 
Sdarna  ;  7"  le  Cherg  proprement  dit. 

L'aghalik  des  Gharaba,  celui  des  Medjeher  et  celui  des 
Flitta  doivent  seuls  nous  intéresser,  car  seuls  ils  ont  contribué 
à  la  formation  de  la  commune-mixte  de  la  Mina. 

Le  district  des  Gharaba  devait  son  nom  à  la  tribu  des 
Gharaba  qui  était  la  plus  considérable  de  cette  circonscription 
territoriale,  et  la  seule  qui  ait  la  possibilité  de  lui  fournir 
des  aghas.  Il  était  limité,  au  Nord  par  les  possessions  françaises 
(en  1837),  la  mer  et  l'aghalik  des  Medjeher  ;  à  l'Ouest  par  les 
Béni  Ameur;  au  Sud  par  les  Hacheni  Cheragha  et  Gharaba;  à 
l'Est  par  les  Flitta  et  l'aghalik  du  Cherg.  Il  comprenait 
15  tribus  :  Les  Gharaba,  les  Abid  Cheraga,  les  Beni-R'eddou, 
les  Sedj'rara,  lés  Beni-Chougran,  les  Oulad  Sidi  Daho,  les 
Oulad  Riah',  les  Akerma  Gharaba,  les  Guerboussa,  les  Sahari, 
El  Ketarnia,  Bathn  el  Oued,  Chareb  er  Rih',  El  Mekan,  El 
Maafit  et  trois  Bourgades  :  El  Bordj,  Kalàa,  TiUouanet. 

Les  Bordjia  faisaient  partie  de  la  tribu  des  Gharaba,  ou  du 
moins  une  certaine  partie  des  tribus  qui  se  trouvaient  sous 
leur  dépendance  quand  l'émir  les  dispersa  pour  avoir  suivi 
Mustapha  ben  Tsmaël  lors  de  re."cpédition  du  général  Perrégaux. 
Les  Bordjia  comptaient  autrefois  parmi  les  meilleurs  soutiens 
de  la  puissance  turque  et  occupaient  le  pays  compris  entre  les 
Gharaba,  les  Abid  Cheraga,  les  Bcni-Gheddou,  les  Beni- 
Chougran  et  El  Bordj,  c'est-à-dire  la  plaine  de  Sirat  et  une 
partie  de  celle  de  l'Habra.  Ils  pouvaient  fournir  alors  plus  de 
mille  chevaux  et  de  mille  fantassins.  Mais  dès  1838,  dispersés 
par  Abd-el-Kader,  ils  se  répartirent  entre  la  tribu  des  Gharaba 
et  celle  des  Hachem  Cheraga.  Deux  fractions,  celle  des  Adjouala 
et  celle  des  Azzaraqui  leur  étaient  soumises  au  temps  de  leur 
puissance  firent  ensuite  partie  de  la  tribu  dés  Gharaba.  Un 
noyau  compact  de  Bordjia  est  demeuré  dans  la  région  de  Ahl 
el  Haciane  (Fornaka)  et  roccu[)e  encore  de  nos  jours,  alors 


DE   LA.    COMMUNE    MIXTE    DE    LA  MINA  183 

qu'il  est  venu  s'y  implanter  depuis  quatre  siècles  déjà,  ayant 
quitté  les  environs  immédiats  d'El-Bordj.  On  a  pu  voir 
antérieurement  quelle  part  a  pris  cette  tribu  dans  le  mouve- 
ment progressif  de  la  soumission  générale  du  pays  qui  suivit 
les  premières  luttes  laites  pour  le  compte  d'Abd-el-Kader.  (1) 
Les  Beni-Ifeddou  occupaient  la  légion  de  Haciane  el  R'omri 
et  la  plaine  s'éteniant  depuis  le  marabout  de  Den  Sebna  (sur 
rOued  Malah)  jusqu'à  la  plaine  du  Sersour,  au  Sud  du  lieu  dit 
Sidi-Clierf.  Cette  tribu  était  d'origine  berbère.  Elle  habita 
longtemps  la  ville  d'El  R'edda  ou  El  Retcha  dont  il  a  été  parlé 
plus  haut  située  sur  l'emplacement  actuel  du  centre  de 
Clinchant.  Elle  s'installa  ensuite  sur  le  territoire  qui  forme 
aujourd'hui  les  douars-communes  de  Sidi  Sàadaet  d'El-Romri 
car  lesSoueïd  (vers  le  XIV>;  siècle)  la  dépossédèrent  de  sa  ville 
et  de  ses  terres.  Elle  bâtit  une  nouvelle  ville  à  Sidi  Mer'dad, 
sur l'emplacementactuel  duvillage  de  l'Hillil.  Les  Beui  R'eddou 
ont  contracté  depuis  de  nombreuses  alliances  avec  les  Arabes 
des  environs  ;  mais  le  type  berbère  domine  chez  eux  et  avec 
lui,- les  qualités  et  les  défauts  de  cette  race.  Ils  affirment  avoir 
pour  auteur  commun  le  grand  marabout  Sidi  Sàada  qui 
acquit  tant  de  renommée  en  l'an  1000  de  notre  ère.  Mais  cette 
prétention  est  sujette  à  caution  et  n'est  établie  par  aucun 
document.  A  l'époque  d'Abd-el-Kader,  tous  leurs  fantassins 
étaient  enrôlés  dans  l'infanterie  régulière  de  l'émir.  Ils  furent 
longtemps  en  guerre  avec  les  Medjeher  dont  ils  triomphaient 
souvent.  Il  y  eut  une  époque  où  ils  furent  riches  en  céréales 
et  en  troupeaux,  mais  ils  ont  perdu  peu  à  peu  ces  signes 
distinctifs  de  l'opulence  chez  les  indigènes  et  sont  devenus 
quelque  peu  misérables. 

Les  Akenna  Gharaba  possédaient  la  région  s'étendant  depuis 
le  pied  de  la  montagne  de  Kalàa,  jusqu'à  la  plain.e  du  Sersou 
et  jusqu'auprès  de  Madar.  Ils  campaient  de  préférence  sur 
l'Oued  Hillil.  Ils  prétendent  descendre  d'Akeram,  issu  de  l'un 
des  apôtres  du  prophète,  qui  vint  s'établir  dans  la  plaine  de 
l'Hillil  vers  l'année  0:)8.  A  cette  époque,  il  y  avait  dans  cette 
même  plaine  une  ville  (dont  il  reste  quelques  vestiges)  qui 
avait  été  fondée  par  les  Maghraoua:  c'était  Tahlil.  Sous  la 
domination  turque,  les  .Akernia  Gharaba  fournissaient  un 
contingent  de  iô  cavaliei's  qui  devaient  assurer  la  police  du 


(1)  Les  Bordjia  sont  a.;,'ricultears  et  pasteurs. 


184  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE   ET    HISTORIQUE 

pays.  Ils  ont  fait  leur  soumission  en  1841  et  furent  placés  à 
cette  époque  sous  les  ordres  de  l'agha  El  Mezary.  Ils  firent 
défection  quelque  temps  quand  parut  Bou  Maza,  mais  revinrent 
vite  à  nous  quand  on  eut  réduit  au  silence  l'insurgé  du  Dahra. 
Cette  tribu  se  consacre  surtout  à  l'élevage  des  troupeaux. 

Les  Guerboitssa  dont  le  nom  est  resté  au  douar-comumne 
situé  sur  le  même  territoire,  occupaient  en  1837  la  région  Sud 
et  Est  deTiliouanet  qu'ils  occupent  encore.  Là,  se  trouve  une 
forêt  qui  porte  leur  nom  ;  on  y  remarque  des  thuyas  et  des 
chênes.  Le  sol  non  forestier  est  aride,  et,  partout,  les  habitants 
ne  peuvent  être  que  très  pauvres. 

Les  Sahari.  occupaient,  en  temps  d'Abd-el-Kader,  le  pays 
fertile  et  bien  arrosé  situé  sur  le  continent  de  la  Mina  et  de 
l'Hillil.  Ils  étaient  autrefois  réunis  à  la  tribu  magzen  des 
Mehall  et  faisaient  partie  des  Flitta.  Les  Turcs  leur  avaient 
donné  pour  mission  d'assurer  les  com<nunications  avec  la 
province  d'Alger  ut  de  contenir  les  Dahra  et  les  Flitta.  Ils 
allèrent,  en  1835,  présenter  leur  soumission  au  général 
Perrégaux.  Mais  ils  furent  obligés  bientôt  de  se  retourner  vers 
Abd-el-Kader.  En  1842,  ils  se  soumirent  au  général  d'Arbou- 
ville  et  restèrent  depuis  dans  le  devoir. 

La  petite  tribu  d'El-Melian  campait  dans  la  plaine  de  la 
Mina,  sur  les  bords  de  la  rivière,  près  des  Sahari.  Elle  n'était 
formée  que  de  deux  pauvres  douars  et  ne  possédait  même  pas 
de  troupeaux. 

La  tribu  des  MaafU  occupait  la  petite  colline  appelée 
Tamakrest,  à  une  lieue  et  demie  au  Sud  du  conlluent  du 
Chélif  et  de  la  Mina  et  à  une  lieue  de  la  Mina.  Elle  possédait 
de  nombreux  troupeaux. 

Kalâa  est  située  à  7  lieues  Est  de  Mascara  et  à  2  lieues  et 
demie  d'El-Bordj,  sur  le  versant  Nord  d'une  montagne  qui  se 
trouve  entre  les  deux  sources  de  l'Oued  llallil.  Adossée  en 
gradins  sur  des  roches  qui  surplombent  l'Oued  Kalàa,  la 
position  de  cette  ville  est  fort  pittoresque.  Suspendue  pour 
ainsi  dire  au  tlanc  de  la  montagne  abrupte  dite  Djebel  Berber, 
elle  a  été  plusieurs  fois  ruinée  par  les  tremblements  de  terre 
assez  fréquents  dans  la  région.  Le  chaos  du  sile  n'en  rend  que 
plus  originale  cette  bourgade  entièrement  indigène  que  la 
civilisation  française  n'a  pas  encore  envahie.  Jadis,  cette  petite 
ville,  par  suite  de  sa  position  inexpugnable,  joua  un  rôle  dans 


DE   LA   COMMUNE  MIXTE    DE   LA  MtNA  185 

les  guerres  de  tribus  sous  le  nom  de  Kalàa  des  Béni  Rached. 
Elle  avait  été  fondée,  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  au  6-=  siècle 
de  l'hégire  par  Mohammed  ben  Ishak  de  la  grande  tribu  des 
Hoouara  ;  c'est  pourquoi  elle  fut  d'abord  appelée  Kalât 
Iloouara.  Elle  tomba,  comme  le  pays  sur  laquelle  elle  était 
située  au  pouvoir  de  la  tribu  zenatienne  des  Béni  Rached 
venue  du  Djebel  Amour  ;  puis  sous  la  domination  des  rois  de 
Tlemcen,  enfin  sous  celle  des  Mehal,  conduits  par  Ahmed  el 
Abd.  On  sait  avec  quelle  énergie  les  Turcs  d'Aroudj  suppor- 
tèrent, en  1517,  le  siège  de  Dom  Martin  d'Argote.  Les 
Espagnols  ne  gardèrent  pas  longtemps  la  ville  qui  retomba 
peu  de  temps  après  sous  îa  domination  des  beys  d'Alger. 
En  ll'.iG,  le  bey  Mustapha  bou  Chclaghem  agrandit  Kalàa  et 
y  lit  construire  une  mosquée,  qui  a  d'ailleurs  été  détruite  par 
le  tremblement  de  terre  de  1887  (29  novembre). 

Les  beys  et  les  hauts  fonctionnaires  turcs  d'Alger  qui  étaient 
disgraciés  et  se  sentaient  généralement  menacés  de  ne  pas 
survivre  à  leur  disgrâce,  avaient  à  Kalàa  un  lieu  de  refuge 
tout  trouvé  ;  et  plusieurs  migrations  de  familles  turques 
motivées  par  l'insécurité  vinrent  à  diverses  reprises  peupler  la 
petite  ville  d'habitants  nouveaux.  La  population  issue  de  ces 
émigrés  et  des  familles  des  janissaires  na  pour  ainsi  dire  pas 
de  sang  arabe  dans  les  veines  et  se  trouve  être,  sauf  de  très 
rares  exceptions,  de  race  turque.  Il  y  a  lieu  d'insister  sur  ce 
point,  car  les  femmes  d'origine  turque  ou  koulouglie  ont  une 
aptitude  spéciale  pour  le  tissage  ou  la  fabrication  des  tapis. 
Avant  la  conquête,  la  population  entière  de  Kalàa  se  livrait  à 
l'agriculture  et  à  l'industrie.  L'agriculture  était  pratiquée  dans 
la  plaine  de  Semmar,  distante  de  2  à  3  kilomètres  de  Kalàa. 
Les  industriels  fabriquaient  du  savon  mou  ou  tissaient  des 
tapis  qui  rivalisaient  avec  ceux  du  Maroc  et  de  l'Orient. 
Pendant  la  conquête,  Kalàa  n'a  fait  cause  commune  ni  avec  la 
France,  ni  avec  Abd-el-Ivader.  Elle  a  observé  la  neutralité  :  ce 
qui  lui  a  valu  plusieurs  attaques  de  l'émir.  Quant  aux  Arabes 
qui  ont  poursuivi  les  troupes  françaises  passant  auprès  de 
cette  ville,  pendant  que  Mostaganem  ravitaillait  Mascara,  ils 
appartenaient  aux  réguliers  d'Abd-el-Kader.  Vers  1838,  cette 
bourgade,  qui  n'avait  même  pas  de  murs  d'enceinte,  se 
composait  de  200  à  250  maisons.  Un  marché  s'y  tenait  tous 
les  samedis. 

Après  la  conquête,  les  savonneries  primitives  de  Kalàa 


186  MONOGRAPHIE    GÉOGRAPHIQUE   ET    HISTORIQUE 

tombèrent,  ne  pouvant  rivaliser  avec  les  savonneries  françaises. 
Quant  à  l'agriculture,  il  n'y  a  plus,  dans  la  p'aine  de  Seminar, 
qu'une  dizaine  de  propriétaires  qui  soient  originaires  de  Kalàa. 
La  ville  fournissant  en  moyenne  une  quarantaine  de  journa- 
liers à  ces  fermiers,  que  peuvent  faire  les  autres  habitants  ? 
Ils  ne  peuvent  s'employer  chez  des  Français  cur  il  n'y  en 
a  ni  dans  la  ville  ni  dans  les  environs  ;  aussi,  plusieurs 
d'entre  eux  émigrenl-ils  vers  le  Sud  et  se  font  colporteurs. 
On  les  voit  errer  une  partie  de  l'année  dans  le  Sud  oranais, 
jusque  près  du  Gourara,  d'où  ils  reviennent  avec  un  léger 
bénéfice.  D'autres  continuent  à  se  livrer  à  la  fabrication 
des  tapis.  Nous  aurons  l'occasion  de  reparler  de  cette 
industrie. 

On  sait  que  des  dictons  arabes  satyriques,  œuvre  anonyme 
et  collective,  circulent  de  bouche  en  bouche  parmi  les  indigènes 
des  provinces  d'Oran  et  d'Alger,  et  sont  attribués  à  un  certain 
marabout  Ahmed  beh  Yousef.  Son  vrai  nom  est  «  Sidi  Ahmed 
ben  Yousef  Morini  el  Hoouari  er  Rach'idi  (1).  »  Il  naquit  à 
Kalàa,  au  9'-  siècle  de  l'hégire.  Il  appartenait,  comme  son  nom 
l'indique,  à  la  famille  des  Béni  Merin  qui  faisaient  parlie  de  la 
grande  famille  berbère  des  Hoouara.  Les  biographes  lui  ont 
attribué  une  noblesse  religieuse  et  lui  ont  fabriqué  une  géné- 
ration, le  faisant  remonter,  par  Edris  ben  Edris,  le  fondateur 
de  Fas,  à  Ali,  le  gendre  du  Prophète.  La  légende  raconte  que 
la  mère  de  Sidi  Ahmed  ben  Yousef  le  mit  au  monde  pendant 
un  voyage  qu'elle  effectua  avec  son  mari.  Elle  abandonna 
l'enfant  dans  une  touffe  de  palmiers-nains,  tout  près  d'une 
fraction  des  Oulad  Merah'.  Une  vache  qui  appartenait  à  un 
nommé  Ibn  Y'ousef  vint,  telle  la  louve  de  Romulus  et  de  F.emus, 
allaiter  l'élu  de  Dieu  que  les  anges  avaient  enveloppé  de  soie 
et  d'or  et  dont  le  visage  resplendissait  d'une  auréole  céleste. 
Ibn  Yousef  recueillit  le  nouveau-né  et  l'éleva  comme  son  fils  : 
en  souvenir  de  cet  acte  de  charité,  Ahmed  ajouta  le  nom  de 
son  bienfaiteur  au  sien.  L'histoire  de  sa  jeunesse  ne  présente 
rien  de  vraisemblable,  et  des  légendes  sans  consistance 
tiennent  le  plus  souvent  la  place  des  faits.  De  bonne  heure,  il 
dut  se  faire  un  nom  parmi  les  saints  du  pays,  probablement 
en  s'élevant  contre  le  relâchement  religieux  dont  les  Zyanites 


(1)  ut.  l'ouvrage  de  M.  Itené  ti.\ssËT  :    Dictons  satyriques  attribués 
à  Sidi  Ahmed  ben  Yousef. 


DE   LA    COMMUNE   MIXTE   DE   LA    MINA  187 

de  Tlemcen,  où  régnait  alors  l'émir  Abd-Allah  Moiiammed, 
surnommé  E\  Mnutaouakkil  Billah  (celui  qui  met  sa  confiance 
en  Dieu.  Il  régna  de  868  à  880  de  l'tiégire,  c'est-à-dire 
de  1462  à  "175  de  J.-C.)  donnaient  l'exemple.  Sidi  Ahmed 
étant  venu  à  Oran,  les  propos  de  certains  de  ses  compagnons 
mécontentèrent  le  gouverneur  qui  signala  le  marabout  à 
l'émir  de  Tlemcen.  Celui-ci  informé  qu'il  pouvait  y  aller  de  sa 
liberté  ou  même  de  sa  vie,  s'enfuit  à  Rasel-Mâ,  près  du  caïd 
des  Béni  Rached,  Ali  ben  Abou  Ghanem,  qui,  à  l'arrivée  des 
ordres  d'Abou  Abd-Allah,  lit  partir  Sidi  Ahmed.  Celui-ci 
s'éloigna  en  maudissant  ses  persécuteurs.  Sur  mer,  les 
Espagnols  anéantirent  leur  pouvoir  en  s'emparant  d'Oran 
(915  de  l'hégire  —  1509  de  J.-C),  et,  sur  terre,  le.s  Turcs 
mirent  fin  à  la  dynastie  zyanite  (1155  de  J.-C  )  Si  Ahmed  alla 
jusqu'à  Hillil  (Ilel  des  géographes  arabes  sans  doute),  y  laissa 
sa  fille  Aicha  et  partit  pour  Bougie.  Là,  il  fut  définitivement 
engagé  dans  le  mouvement  de  renaissance  du  monde  islamique. 
Il  y  suivit  les  leçons  d'Ahmed  ez  Zeraki  qui  l'affilia  à  l'ordre 
religieux  auquel  lui-même  appartenait:  les  Kadrya,  branche 
des  Chadelya,  dont  une  fraction  prit  le  nom  ôe  Sidi  Ahmed  er 
Rachidi.  Il  revint  ensuite  à  Ras  el-Mà  où  il  fit  un  second 
mariage.  Etant  à  Kalàa,  il  eut  des  rapports  avec  Aroudj  et 
Kheir  ed  Din  qui  lui  envoya  par  Aroudj  4,000  dinars.  D'après 
Abou  Ras,  il  mourut  en  931  de  l'hégire.  Une  tradition  rapporte 
qu'il  confia  à  ses  fils  le  soin  de  propager  sa  doctrine  dans 
divers  pays,  et  que  l'un  d'eux  s'établit  en  Egypte  :  c'est  ainsi 
qu'un  nommé  Ibrahim  Er  Rachidi  (un  des  disciples  de 
Si  Ahmed  ben  Driss,  maître  d'Es  Snoussi)  affirmait  descendre 
du  saint  de  Kalâa. 

L'ouvrage  de  M.  René  Basset  (D/ctoyi.s  satiriques  atlribuës  à 
Si  Ahmed  ben  Youssef)  cite  tout  au  long  les  dictons  relatifs  à 
la  région  de  l'HiUil  et  Sirat.  Un  des  plus  répandus  est  celui-ci: 


Je    ^h\    ^UJ\ 


^j\r  '^^>!M 


Id'a  Kanct  el  âjenna  fis  sema,  urgueb  àla  Sirat, 
Ou  Ida  hija  fd  ardh  Itija  Sirat. 

Traduction  :   Si  le  Paradis  est  au  ciel,  regarde  Sirat  (tu  en 

[auras  une  idée). 
S'il  est  sur  terre,  c'est  Sirat, 


188  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE    ET    HISTORIQUE 

Le  cheikh  Ibrahim  ben  Mohammed  beri  Ali  et  Tazi,  bien 
connu  pour  son  aménité,  est  enterré  à  Kalàa.  Après  avoir 
étudié  à  la  Mecque  puis  à  Tlemcen  auprès  d'Ibn  Merzouk,  ce 
personnage  vint  s'établir  à  Oran  où  il  succéda  à  son  maître 
le  fameux  Mohammed  ben  Omar  el  Houari  à  la  malédiction 
duquel  on  prête  la  cause  de  la  prise  d'Oran  par  les  Espagnols 
au  IX'-'  siècle.  Et  Tazi  mourut  le  dimanche  9  du  mois  de 
chàbon  866  (le  i"  mai  1462  de  notre  ère).  On  l'enterra  d'abord 
à  Oran;  mais  après  la  venue  des  Espagnols  dans  cette  ville,  on 
exhuma  son  corps  pour  le  transporter  à  Kalâa. 

Tels  sont  les  faits  et  les  hommes  qui  ont  illustré  cette 
petite  bourgade.  Il  y  avait,  en  1830,  tout  près  de  Kalàa,  deux 
villages  qui  existent  encore  et  qui  en  sont  en  quelque 
sorte  les  dépendinces.  L'un  est  Debba,  situé  à  3  kilomètres  au 
Sud  de  Kaltàa,  l'autre  Mesrata,  à  2  kilomètres  Ouest  de  cette 
dernière  sur  la  route  d'El-Bocdj  et  sur  le  versant  opposé  du 
ravin  sur  lequel  Kalàa  est  bâti.  Chacun  de  ces  centres  com- 
prend un  groupement  d'une  vingtaine  de  m'aisons  arabes  dont 
une  mosquée  sans  minaret.  Les  habitants  y  fabriquent  égale- 
ment des  tapis  qui  y  ont  quelque  renommée. 

Tilioumet  est  aussi  un  village  d'origine  berbère  comme  son 
nom  l'indique.  Sa  position  est  pittoresque  et  dans  le  genre  de 
celle  de  Kalàa.  Il  fournissait  à  l'émir  50  réguliers  et  produisait 
des  haïks  et  des  burnous  estimés.  Trois  sources  prennent 
naissance  au  bas  de  la  ville  et  forment  l'oupd  Tiliouanet  dont 
nous  aurons  l'occasion  de  parler  plus  loin  ainsi  que  des 
gisements  pétrolifères  des  environs. 

Les  forces  réunies  de  toutes  les  tribus  et  bourgades  com- 
prises dans  l'aghalik  des  Gharaba  pouvaient  être  évaluées, 
d'après  un  relevé  détaillé,  à  4,520  tentes,  2,76vi  cavaliers  et 
1,090  fantassins.  Il  est  toutefois  à  remarquer  que,  malgré  ce 
chiffre  relativement  élevé,  l'agha  des  Gharaba  ne  put  jamais 
procurer  à  l'émir  plus  de  800  à  1,200  cavaliers. 

L'aghalik  des  Medjeher  était  limité  à  l'Ouest  par  Mostaganem 
et  la  mer;  au  Sud  et  à  l'Est  par  l'aghalik  des  Gharaba,  et  au 
Nord  par  celui  du  Cherg.  Il  avait  à  peu  près  la  forme  d'un  carré 
allongé,  avec  une  longueur  de  12  lieues  d'Est  en  Ouest  et  de 
8  lieux  du  Nord  au  Sud. 

Un  des  plus  petits  et  des  moins  peuplés  de  la  province 
d'Oian,  ce  district  était  un  de  ceux  où  la  culture  était  le  mieux 
entendue  et  la  plus  avancée.   La  tribu  des  Medjeher  qui 


DE   LA    COMMUNE    MIXTE    DE   LA    MINA  189 

s'établit  sur  ce  territoire  lors  de  l'invasion  arabe  hilalienne, 
laissa  son  nom  au  pays,  mais  se  fondit  peu  à  peu  avec  les 
populationsarabes  et  berbères  voisines  pour  tbrmer  de  nouvelles 
petites  tribus  indépendantes  dont  le  groupement  reçut  le  nom 
officiel  de  Medjeher,  sous  les  Turcs.  Les  descendants  des 
premiers  immigrants  arabes,  les  Medjeher  proprement  dits, 
ne  composèrent  plus  que  quelques  familles  qui  devinrent  les 
serviteurs  des  Oulad  Sidi  Abd  Allah  dont  nous  parlerons  plus 
loin. 

L'aghalik  des  Medjeher  se  subdivisait  en  tribus  qui  étaient 
réparties  sur  les  deux  rives  du  Chélif.  C'étaient  les  suivantes  : 
Ayache  Talata,  Ayache  Fouaga,  Oulad  bou  Kamel,  Mzarah,  les 
Hachem  Daho,  les  Cherfa  el  Hamadia,  les  Oulad  Sidi  Abd 
Allah,  les  Hachaïchta,  les  Resguia,  les  R'oufirat,  les  Ashab 
Nahro,  les  Oulad  Dani,  les  Oulad  Chàfa,  les  Oulad  Sidi  Abd- 
AUali  de  Bou  Djerad,  les  Oulad  Malc{\  les  Hassainia  Ashab 
Msara,  les  Oulad  Chaker,  les  Oulad  Huindon,  les  Oulad  Sidi 
Abd- Allah  Mta'a  Sersour. 

Les  Cherfa  el  Hamadia  occupaient  le  territoire  limité  à 
l'Ouest  par  le  pays  des  Hachem  Daliro,  à  l'Est  par  les  Oulad 
Sidi  Abd-Allah  de  Sour-kel-Mitou,  et  au  Nord  par  le  Chélif  et 
les  Oulad  Bou-Kamel.  C'était  une  tribu  de  marabouts  qui  se 
prétendaient  descendants  du  prophète.  Elle  cultivait  des 
céréales  en  abondance  et  possédait  de  nombreux  troupeaux. 

Les  Oulad  Sidi  Abd-Allah  Mta'a  Sour-kel-Mitou  campaient  à 
une  demi-lieue  du  Chélif,  autour  du  Sour-kel-Mitou  ;  ils  ne 
formaient  que  trois  douars  de  30  ou  40  tentes  qui  s'étaient 
séparés  depuis  longtemps  des  Oulad  Sidi  Abd-Allah  Mta'a  bou 
Djerad  pour  cultiver  les  nombreux  vergers  qu'ils  possédaient 
à  Sour-kel-Mitou.  Ils  pouvaient  fournir  40  cavaliers  à  l'émir. 
Comme  les  autres  Oulad  Sidi  Abd-Allah,  ils  .avaient  pour 
origine  la  célèbre  famille  des  Oulad  Sidi  ben  Abd-Allah,  famille 
de  marabouts  par  excellence,  qui  se  prétendait  issue  du 
prophète  lui-inême  par  l'ancêtre  chérif  commun  Sidi  Abou 
Abd  Allah.  Ce  marabout  avait  été  chargé,  au  Wl"  siècle,  par 
la  zaouïa  Saguiet  el  Homra  de  recruter  de  nouveaux  adeptes  à 
Abd-el-Kader  el  Djilani.  Il  s'établit  pour  cela  dans  la  vallée  du 
Chélif  inférieur  avec  les  siens.  Il  est  à  supposer  qu'ils  s'y 
trouvaient  bien  puisqu'ils  s'y  fixèrent  définitivement  et  par- 
vinrent même  à  prendre  sous  leur  tutelle,  comme  serviteurs 
religieux,  les  derniers  représentants  des  Medjeher  venus  lors 


190  MONOGRAPHIE    GÉOGRAPHIQUE    ET    HISTORIQUE 

de  la  seconde  invasion  Arabe.  La  famille  des  Tekouk,  la  plus 
influente  du  pays,  appartient  aux  Oulad  Sidi  bou  Abd- Allah. 
Nous  en  reparlerons  plus  loin. 

Les  Oulad  Hamdan  qui  occupaient  d'abord  une  partie  de  la 
plaine  de  Sirat,  vinrent,  après  la  chute  de  la  domination 
turque,  s'éloignant  des  Bordjia  leurs  voisins,  s'établir  sur  le 
pays  portant  le  nom  de  Blad-oulad-Abid,  situé  au  Sud  de 
Moslaganem  et  de  Mazagran,  et  qui  appartenait  autrefois  aux 
Turcs  et  aux  Koulouglis  de  ces  deux  villes.  Ce  pays  fertile, 
bien  arrosé  et  bien  cultivé  fut  quelque  peu  maltraité  par  ses 
nouveaux  propriétaires  habitués  à  leurs  grossiers  travaux 
agricoles  de  la  plaine  de  Sirat. 

L'aghalik  des  Medjeher,  coupé  dans  beaucoup  de  parties  par 
de  longues  bandes  sablonneuses  était  par  sa  nature  moins 
fertile  que  ses  voisins.  L'industrie  de  ses  habitants  sut  y 
suppléer  :  leur  caractère  sédentaire  et  leur  persévérance 
contribuèrent  beaucoup  aux  progrès  de  la  culture.  C'est  sans 
doute  l'élément  berbère  qui  s'était  infiltré  dans  le  pays  et 
mélangé  au  sang  arabe  qui  fut  cause  de  ces  habitudes  difle- 
rentes  de  celles  des  tribus  voisines.  Au  moment  de  notre 
arrivée  en  Algérie,  les  Medjeher  n'allaient  pas  chercher  au  loin 
des  pâturages  pour  leurs  troupeaux;  de  la  sorte,  ils  pouvaient 
surveiller,  été  comme  hiver,  leurs  vergers  qui,  par  leurs 
produits  abondants  étaient  l'objet  de  la  jalousie  des  districts 
d'alentour.  Ce  fut  d'ailleurs  la  cause  première  du  rapproche- 
ment des  Medjeher  avec  les  Français,  car  nos  établissements 
leur  fournissaient  un  débouché  facile  pour  leurs  produits  et 
un  encouragement  à  venir  pour  leurs  travaux  agricoles.  Aussi 
Abd-el  Kader  manifesta-t-il  de  bonne  heure  une  grande  anti- 
pathie pour  les  Medjeher.  A  maintes  reprises,  il  profita  de  ce 
que  des  individus  de  cette  tribu  avaient  secrètement  vendu 
des  chevaux  à  des  français,  pour  obliger  plusieurs  fractions  à 
émigrer  plus  au  Sud. 

Outre  l'agricultui'e,  les  Medjeher  pratiquaient  en  gros  la 
fabrication  des  pains  de  figues  sèches  dont  ils  faisaient  un 
commerce  considérable.  Leurs  descendants  les  imitent 
d'ailleurs  dans  ce  genre  d'industrie  et  écoulent  facilement  ce 
produit  parmi  les  populations  indigènes  voisines. 

La  totalité  des  forces  réunies  de  l'aghalik  des  Medjeher  pouvait 
être  évaluée  à  2,600  cavaliers  et  à  1,600  fantassins  ;  mais  en 
réalité,  ils  ne  fournissaient  à  l'émir  que  600  cavaliers  environ, 


DE   LA    COMMUNE    I^IIXTE   DE   LA   MINA  191 

L'aglialik  des-  Flitta  était  borué  au  Nord  par  l'aghalik  des 
Gharaba  et  celui  des  Medjeher,  à  l'Est  par  celui  du  Cherg,  au 
Sud  par  la  portion  de  l'aghalik  des  Hachem  Cheraga  désignée 
sous  le  nom  de  Kibla  ;  enfin,  à  l'Ouest,  par  les  Hachem 
Cheraga  proprement  dits. 

Le  chef  de  district  ne  prenait,  par  exception  à  la  règle 
générale,  que  le  titre  de  caïd,  quoique  cette  fonction  soit  une 
des  plus  hautes  de  la  province  de  Mascara.  Au  temps  des  beys, 
les  fils  de  bey  étaient  généralement  caïds  des  Flitta,  et 
succédaient  ensuite  presque  toujours  à  leur  père. 

Les  Flitta  se  divisaient  en  Douair-Flitta  et  en  Flitta  propre- 
ment dits.  Nous  ne  parlerons  que  des  premiers  qui,  seuls, 
doivent  nous  intéresser  ici. 

Les  Douaïr-Flitta  comprenaient,  entr'autres  tribus  : 

l°Les  Oulad-bou- Ali  qui  campaient  et  campent  encore  sur 
la  rive  gauche  de  la  Mina,  à  l'endroit  dit  Radjiah  el-Bakar. 

2"  Les Hassasna  qui  campaient  souvent  réunis  avec  les  Oulad 
bou-Ali  mais  dont  le  vrai  territoire  se  trouve  autour  du 
marabout  Abd-el-Ali  et  à  Matmour-el-Ahmar  (Clinchant). 

3»  Les  Doualr-FUtta  proprement  dits,  situés  dans  la  plaine 
de  Sammar,  au  Nord -Est  de  Kalàa.  Foi'més  sous  le  gouverne- 
ment turc,  ils  ne  comprenaient  au  début  que  quelques  tentes 
pour  constituer  les  maghzen  du  caïd  des  Flitta  su i-  diverses 
fractions  du  Ràïa.  De  là  leur  nom  de  Douair,  ajouté  pour  les 
distinguer  de  celui  porté  par  la  Tribu-mère.  Ils  jouissaient  de 
grandes  immunités  :  ce  qui  contribua  à  leur  rapide  accroisse- 
ment. Ils  ne  cessaient  pas  de  suivre  la  politique  du  Gouverne- 
ment turc.  En  1843,  les  expéditions  que  l'émir  dirigea  contre 
eux  les  portèrent  à  embrasser  notre  cause.  Cependant,  en  1845, 
ils  se  révoltèrent  contre  nous.  Et,  en  1864,  lors  de  l'insurrection 
de  Si-Lazereg.  ce  sont  leurs  contingents  ((ui  dévastèrent  la 
plaine  de  Pielizane,  contingents  qui  devaient  l'année  d'après, 
se  livrer,  sur  le.  passage  de  l'empereur,  à  une  manifestation 
dont  le  souverain  aurait  autant  aimé  ne  pas  être  le  spectateur. 

La  récapitulation  des  forces  de  l'aghalik  des  Flitta  donnait 
3,030  tentes,  dont  2,390  cavaliers  et  685  fantassins  que  ce 
district  pouvait  fournir  à  Abd-el-Kader. 

L'aghalik  du  Cherg,  comprenait,  entr'autres  tribus  situées 
sur  la  rive  gauche  du  Chélif  :  1°  celle  des  Mekhalia  ou  plutôt 
des  Mekah'lia,  composée  d'éléments  fort  hétérogènes.  Elle  fut 


192  MONOGRAPHIE    GÉOGRAPHIQUE    ET   HISTORIQUE 

érigée  eu  tribu  magiizen  par  les  Turcs.  Les  liommes  de  cette 
tribu  accompagnaient  le  khalifa  du  Clierg  lorsqu'il  faisait  la 
collecte  des  impôts  et  se  rendaient  ensuite  avec  lui  à  Alger 
pour  y  verser  dans  les  caisses  du  Dey  le  produit  de  ces 
impôts.  Ces  fonctions  leur  valurent  le  nom  de  Mekhalia 
(iJ.-^-^^)  c'est-à-dire  «  d'hommes  au  fusil  ». 

2"  Celle  des  Beni-Zeroual,  dont  les  Oulad  Sidi-Braliim 
formaient  un  des  quatre  caïdats  jusqu'en  1852.  Les  Beni- 
Zeroual  ont  pris  part,  au  VIL'  siècle,  avec  si  Okba-ben-Ouanis 
aux  expéditions  d'Afrique  et  d'Espagne.  Au  XP  siècle  ils 
reconnaissaient  l'autorité  des  khalifes  du  Caire.  Ils  recou- 
vrèrent leur  indépendance  en  1562,  mais  tombèrent  peu  de 
temps  après  sous  la  domination  des  Turcs.  En  1008,  ils 
tentèrent  vainement  de  se  soustraire  à  ce  joug.  En  18150, 
profitant  de  l'arrivée  des  Français,  ils  se  déclarèrent  indépen- 
dants. Us  se  soumirent  pour  la  première  fois  en  1842  au 
maréchal  Bugeaud,  firent  défection  en  1845  sous  Bou-Maza  et 
se  rallièrent  définitivement  à  notre  cause  en  1847. 

Quant  aux  Oulad  Sidi-Brahim,  qui  ne  formèrent  un  tout 
administratif  avec  les  Beni-Zeroual  que  sous  la  dépendance 
éphémère  d'Abd-el-Kader,  leur  destinée  fut  autre.  D'origine 
berbère,  ils  lurent  soumis  et  convertis  à  l'Islamisme  vers  la 
fin  du  VIl'^  siècle  ;  ils  profitèrent  de  l'anarchie  qui  régnait  au 
XI^'  siècle  dans  les  états  musulmans  pour  se  rendre  indépen- 
dants. Vers  1552,  les  Turcs  les  rangèrent  définitivement  sous 
leur  domination.  Ils  suivirent  le  parti  d'Abd-el-Kader  de  1833  à 
1842,  s«  soulevèrent  de  nouveau  en  1845  avec  Bou-Maza  et 
entrèrent  enfin  dans  le  devoir  en  1847.  En  1852,  un 
remaniement  administratif  dissolut  la  confédération  des  Beni- 
Zeroual  dont  faisaient  partie  les  Oulad  Sidi-Brahim  qui  furent 
rattachés  à  l'aghalik  de  la  Mina  et  du  Chélif.  Cette  tribu  est 
située  à  une  trentaine  de  kilomètres  au  Sud-Est  de  Mostaganem, 
sur  le  Chélif  qui  traverse  son  territoire  d'Est  en  Ouest. 

Enfin,  parmi  les  autres  tribus  de  la  province  d'Oran  qui 
avaient  reçu  le  titre  de  maghzen  étaient  encore  les  Oulad 
AJnned  campés  sur  l'emplacement  actuel  du  douar-commune 
de  Bel-Hacel.  Us  restèrent  réunis  aux  Akerma  Cheraga 
jusqu'en  1858,  époque  de  leur  érection  en  tribu  distincte.  Le 
service  des  Oulad  Ahmed  était  essentiellement  militaire,  ce 
qui  leur  valut  en  retour  l'exemption  de  toute  espèce  de 
redevance  territoriale.  Ils  ne  payaient  que  5  francs  par  tente 


DE   LA   COMMUNE   MIXTE   DE   LA   MINA  193 

annuellement  à'  titre  de  zekkat  (le  douar  Bel-Hacel  occupe 
aujourd'hui  la  plus  grande  partie  des  Oulad  Ahmed). 

Dès  1841,  la  base  de  la  division  des  circonscriptions 
administratives  en  Algérie  fut  l'aghalik.  Le  khalifa  du  Cherg 
devint  la  subdivision  de  Mascara.  Celle-ci  l'ut  divisée  en 
plusieurs  aghaliks.  Celui  de  Mostaganem,  et  ceux  des  Medjeher, 
de  Mina  et  Chélif,  et  d'El-Bordj,  le  ca'idat  des  Flitta,  se  parta- 
gèrent les  tribus  que  nous  venons  de  décrire. 

L'aghalik  se  subdivisait  en  tribus  qui,  elles-mêmes,  compre- 
naient les  ferkaa  ou  fractions,  qu'on  décomposait  encore  en 
douars.  La  tribu  des  Bordjia  qui  avait  alors  7,073  habitants 
(dont  400  fantassins  et  270  cavaliers-goumiers)  faisait  partie 
de  l'aghalik  de  Mostaganem.  (jelui  des  Medjeher  comprenait, 
entie  autres  tribus,  celjes  des  Oulad-Sidi-Abd-Allah  (3,285 
habitants),  des  Oulad-Chafa  (1,465  habitant^),  dfs  Chelafa, 
des  Oulad-Malef  (2,279  habitants).  L'aghalik  de  Mina  et  Ghélif 
embrassait  toute  la  plaine  de  la  Mina  avec  les  Mekahlia  (1,395 
habitants),  les  Sahari  (1,220  habitants),  les  Akerma-Cheraga 
(4,410  habitants),  les  Mehal  (1,440  habitants),  etc.  L'aghalik 
d'El-Bordj  comprenait  les  Oulad-Bou-Ali  (1,000  habitants), 
Kalàa  (2,225  habitants),  Guerboussa  (885  habitants),  les  Akerma 
(2,172  habitants)  et  les  Beni-R'eddou  (1,730  habitants). 

Ces  aghaliks  et  ces  tribus  furent  compris  dans  la  division 
du  territoire  en  deux  communes  mixtes  :  Celle  de  Mostaganem 
et  celle  de  Relizane.  Enfin,  un  arrêté  du  Gouverneur  général 
réunissait  ces  deux  communes  mixtes  en  1880  (30  décembre) 
sous  le  nom  de  commune  mixte  de  l'Hillil.  Elle  a  conservé 
cette  appellation  jusqu'au  1"  janvier  1901,  époque  à  partir 
de  laquelle  elle  a  été  officiellement  désignée  sous  le  nom 
de  commune  mixte  de  la  Mina.  Pendant  vingt  ans,  la  résidence 
des  fonctionnaires  de  la  commune  mixte  a  été  le  village 
de  l'Hillil.  Depuis  le  1«''  janvier  1901,  les  bureaux  ont  été 
transférés  au  centre,  annexe  de  Cl  inchant  (autrefois  ((  les  Silos  »). 
De  la  sorte,  la  commune  mixte  a  été  affranchie  du  paiement  d'un 
loyer  annuel  de  4,000  francs  qu'elle  payait  à  la  commune 
de  plein  exercice,  pour  le  local  des  bureaux  et  le  logement 
de  l'Administrateur  et  de  ses  deux  adjoints.  En  outre, 
le  transfert  à  Clinchant  contribuera  à  assurer  l'avenir 
de  ce  centre  dont  les  débuts  ont  été  particulièrement  difficiles. 

La  commune  mixte  n'est  plus  subdivisée  en  tribus,  mais  en 
douars-communes  ou   communes  indigènes,   formées   d'une 


194  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE  ET   HISTORIQUE 

tribu  ou  de  plusieurs  fractions  de  tribu.  La  commune  mixte 
de  la  Mina  comprend  27  douars-communes,  1  ville  et  plusieurs 
villages  arabes,  4  villages  et  un  hameau  français. 
Voici  la  nomenclature  des  douars-communes  : 

1"  El-Romri,  formé  d'une  partie  du  territoire  de  l'ancienne 
tribu  des  Beni-R'eddou. 

Superficie  :  4,608  hectares.  Constitué  en  douar-commune 
par  décision  du  24  avril  1867.  {B.  0.,  p.  672).  Une  partie  de 
ce  douar-commune  a  été  prélevée  (1,306  hectares)  pour  la 
formation  du  centre  de  Nouvion  (El-Romri).  Le  surplus 
(3,302  hectares)  est  rattaché  à  la  commune-mixte  de  la  Mina. 
Il  fait  partie  du  canton  judiciaire  et  de  la  mahakma  de 
Perrégaux.  —  Population  :  1,480  indigènes  ;  15  français  ; 
4  étrangers.—  Djemàa:  12  membres. —  Impôts  :  15,114  fr.  32. 

2°  Sahouria,  formé  d'une  partie  du  territoire  de  l'ancienne 
tribu  des  Bordjia. 

Superficie  :  2,933  hectares.  Constitué  en  douar-commune 
par  décret  du  9  novembre  1865.  (B.  0.,  p.  488).  Une  partie 
de  ce  douar-commune  (870  hectares)  a  été  prélevée  pour  la 
formation  du  centre  de  Sahouria;  le  surplus  (2,063  hectares) 
est  rattaché  à  la  commune  mixte  de  la  Mina.  Il  dépend  du 
canton  judiciaire  et  de  la  mahakma  de  Perrégaux. —  Population: 
847  indigènes;  7  français.  —  Djemâa  :  8  membres.  — 
Impôts  :  4,535  fr.  26. 

3"  Doua'lr-Flitta,  territoire  de  l'ancienne  tribu  du  même 
nom. 

Superficie  :  8,380  hectares.  Constitué  en  douar-commune 
par  décret  du  24  février  1869.  (B.  0.,  p.  72).  Il  dépend  du 
canton  judiciaire  et  de  la  mahakma  de  Relizane.  —  Population  ; 
2,005 indigènes. —  Djemâa:  12 membres.— Impôts:  24,287 fr.;)2. 

4»  Ahl-el-Hassian,  territoire  ou  du  moins  partie  de  terri- 
toire de  l'ancienne  tribu  des  Bordjia. 

Superficie:  4,590  hectares.  Constitué  en  douar-commune  par 
décret  du  9  novembre  1865  (B.  0.,  p.  488).  Une  partie  de  ce 
douai'-commune  (251  hectares)  a  été  prélevée  pour  agrandir 
la  commune  de  plein  exercice  de  Noizy-les-Bains;  le  surplus 
est  rattaché  à  la  commune  mixte  de  la  Mina.  Il  dépend  du 
canton  judiciaire  et  de  la  mahakma  de  Mostaganem.  — 
Population  :  1,223  indigènes  ;  7  français  ;  7  étrangers.  — 
Djemàa  :  10  membres.  —  Impôts  :  6,095  fr.  69. 


I 


DE   LA   COMMUNE   MIXTE   DE   LA   MINA  195 

5°  R'oufivàt-oulad-Dani,  formé  d'une  partie  du  territoire 
de  l'ancienne  tribu  des  R'oufirat  qui  dépendait  des  Medjeher 
autrefois  et  comprenait  la  région  située  entre  Mekhalia,  Blad- 
Touaria  et  Aïn-Madar.  Il  y  avait  là,  au  moyen  âge,  une  ville 
appelée  Aïn  es-Sefsif,  dont  tout  vestige  a  disparu. 

Superficie  :  2,282  hectares.  Il  a  été  constitué  en  douar- 
commune  par  décret  du  6  avril  1867.  (Cf.  B.  0.,  p.  .546.) 
Il  dépend  du  canton  judiciaire  et  de  la  mahakma  de  Mosta- 
ganem. —  Population  :  409  indigènes;  20  français;  2  maro- 
cains; 1  étranger. —  Djemàa:  8  membres. —  Impôts:  1,983  fr. 

6°  R'oujirat-Sfissifa,  formé  d'une  partie  du  territoire  de 
l'ancienne  tribu  des  R'oufirat. 

Superficie  :  2,777  hectares.  Constitué  en  douar-commune 
par  décret  du  6  avril  1867.  (Cf.  B.  0.,  p.  546).  Une  partie  de 
ce  douar-commune  (303  hectares)  a  été  prélevée  pour  l'agran- 
dissement de  la  commune  de  plein  exercice  de  Blad-Touaria. 
Le  surplus  (2,474  hectares)  est  rattaché  à  la  commune-mixte  de 
la  Mina.  Il  dépend  du  canton  judiciaire  et  de  la  mahakma 
de  Mostaganem.  —  Population  :  1,186  indigènes.  —  Djemàa: 
10  membres.  —  Impôts  :  7,18-5  l'r.  97. 

7"  Oulad-CIiaffa,  formé  du  territoire  de  l'ancienne  tribu  du 
même  nom. 

Superficie  :  3,263  hectares.  Constitué  en  douar-commune 
par  décret  du  29  septembre  1867.  (Cf.  B.  0.,  p.  1116.)  Dépend 
du  canton  judiciaire  et  de  la  mahakma  de  Mostaganem.  — 
Population:  1,386  indigènes  ;  3  français;  7  étrangers.  — 
Djemàa  :  12  membres.  —  Impôts  :  8,291  fr.  19. 

8°  Oulad-Sidi  BraJibn,  formé  du  territoire  de  l'ancienne 
tribu  du  même  nom. 

Superficie  :  2,356  hectares.  Constitué  en  douar-commune 
par  décret  du  l'^'-  novembre  1868.  (Cf.  B.  0.  (1869),  p.  13.) 
Dépend  du  canton  judiciaire  et  de  la  mahakma  de  Mostaganem. 
—  Population  :  1,224  indigènes.  —  Djemàa  :  10  membres.  — 
Impôts  :  8,424  fr.  74. 

9"  Oulad-Sidi-Yousef,  formé  d'une  partie  du  territoire 
de  l'ancienne  tribu  des  Oulad-Sidi-Abd-Allah. 

Superficie:  10,701  hectares.  Constitué  en  douar-commune 
par  décret  du  9  novembre  1867  (B.  0.  1868,  p.  288). 
Une  partie  de  ce  douar-coramune  (3,.382  hectaresj  a  été 
prélevée  pour  la  formation  de  la  commune  de  plein  exercice 


496  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE   ET   HISTORIQUE 

de  Bellevue  ;  le  surplus  (6,869  hectares)  est  rattaché  à  la 
commune  mixte  de  la  Mina.  Il  dépend  du  canton  judiciaire  et 
de  la  mahakma  de  Mostaganem.  —  Population  :  1,287  indigè- 
nes; Il  français. —  Djemàa:  18 membres.  — Impôts  :  7,932fr.66. 

10"  Sfafalt,  formé  d'une  partie  du  territoire  de  l'ancienne 
tribu  des  Bordjia. 

Superficie  :  3,394  hectares.  Constitué  en  douar-commune 
par  décret  du  9  novembre  1865.  (Cf.  B.  0.,  p.  488).  Une  partie 
de  ce  douar-commune  (970  hectares)  a  été  prélevée  pour  la 
formation  du  centre  de  Sahouria.  Le  surplus  (2,964  hectares) 
est  rattaché  à  la  commune  mixte  de  la  Mina.  Dépend  du  canton 
judiciaire  et  de  la  mahakma  de  Perrégaux.  —  Population  : 
1,517  indigènes  ;  9  français  ;  1  étranger. —  Djemàa:  12  membres. 

—  Impôts  :  8,831  fr.  54. 

11"  BelHacel,  territoire  ou  plutôt  partie  du  territoire  de 
l'ancienne  tribu  des  Oulad-Ahmed.  On  a  vu  plus  haut  que 
l'historique  des  Oulad-Ahmed  se  confond  avec  celui  de  la  tribu 
des  Akerma-Cheraga,  délimitée  par  décret  du  23  novembre  1867 
et  dont  ils  firent  partie  intégrante  jusqu'en  1858.  Ils  en  furent 
alors  détachés  pour  former  un  commandement  distinct.  Leur 
position,  au  confluent  de  la  Mina  et  du  Chélif,  les  avait  fait 
comprendre  dans  le  Maghzen  sous  la  domination  turque.  Cette 
circonstance  avait  déterminé  l'inscription  de  leurs  terres  au 
sommier  de  consistance  du  Domaine,  d'où  la  décision  impé- 
riale du  9  décembre  1865  les  lit  disparaître.  Les  Oulad-Ahmed 
se  divisaient  en  quatre  fractions,  auxquelles  il  convient  d'ajouter 
la  Smala  du  khalifa  Si  RI  Aribi,  qu'une  décision  du  Gouverneur 
général  fit  passer,  avec  les  1,639  hectares  qu'elle  occupait,  des 
Sahari  aux  Oulad-Ahmed.  Ce  furent  ces  éléments  qui  formèrent 
les  douars  de  Kiaiba,  Oulad-Addi,  Bel-Hacel. 

Ce  dernier  douar  a  une  superficie  de  6,080  hectares.  Il  a  été 
constitué  en  douar-commune  par  décret  du  21  décembre  1867. 
(Cf.  B.  0.  1868,  p.  481j.  Il  dépend  du  canton  judiciaire  et  de 
la  mahakma  annexe  de  Relizane.  —  Population  :  826  indigènes. 

—  Djemtia  :  8  membres.  —  Impôts  :  10,096  fr.  15. 

12»  Aïn-el-Guetar,  formé  d'une  partie  du  territoire  de 
l'ancienne  tribu  des  Mekhalia.  La  délimitation  de  cette  tribu  a 
soulevé  quelques  difficultés,  de  peu  d'importairte,  avec  les 
tribus  limitrophes  des  Oulad-Sidi-Abd-AUad,  Oulad  Sidi- 
Brahim,  Oulad-Ahmet  et  Saliari.  Ces  contestations,  qui  por- 


DE  LA   COMMUNE   JIIXTE   DE   LA   MINA  197 

talent  sur  des  terres  ayant   le  caractère  v.  arch  »,  ont  été 
réglées  par  le  Général  commandant  la  province. 

Superficie  :  10,-1-14  hectares.  Constitué  en  douar-commune 
par  décision  du  5  décembre  1886.  (Cf.  B.  0.  1867,  p.  40). 
Dépend  du  canton  judiciaire  et  de  la  mabakma  annexe  de 
Relizane.  —  Population  :  2,141  indigènes;  '22  français,  5  maro- 
cains; 4  étrangers.  —  Djemâa  :  12  membres.  —  Impôts  : 
19,494  fr.  78. 

13"  R'oualïze,  formé  d'une  partie  du  territoire  de  l'ancienne 
tribu  des  Akernia-R'araba. 

Superficie  :  4,036  hectares.  Constitué  en  douar-commune 
par  décret  du  6  juin  1866  (/?.  0.,  p.  377).  Dépend  du  canton 
judiciaire  et  de  la  mahakma  annexe  de  Relizane.  —  Population: 
1,849  indigènes.  —  Djemàa  :  12  membres.  —  Impôts  ; 
20,226  fr.  36. 

14"  Guerhoussa,  formé  d'une  partie  du  territoire  de  l'ancienne 
tribu  des  Akerma-R'araba. 

Superficie  :  2,067  hectares.  Constitué  en  douar-commune 
par  décret  du  6  juin  1866  (B.  0.,  p.  377).  Dépend  du  canton 
judiciaire  et  de  la  mahakira  annexe  de  Relizane.  —  Popu- 
lation :  1,125  indigènes.  —  Ujemàa  :  10  membres.  — Impôts: 
12,725  fr.  32. 

15"  Kalâa,  formé  du  territoire  de  l'ancienne  tribu  du  même 
nom. 

Superficie  :  13,136  hectares.  Constitué  en  douar-commune 
par  décision  du  4  septembre  1867.  (Cf.  B.  0.,  p.  1,057.) 
Dépend  du  canton  judiciaire  et  de  la  mahakma  annexe  de 
Relizane.  —  Population  :  4,879  indigènes  ;  21  français  ; 
12  étrangers.  —  Djemàa  :  15  membres.  —  Impôts  :  37,860  fr.  37. 

16"  El-Messahehia,  formé  par  une  petite  parlie  du  territoire 
des  anciennes  tribus  des  Hassasna  et  des  Sahari. 

Superficie  :  3,786  hectares.  Constitué  en  douar-commune 
par  décision  du  31  octobre  1866.  (Cf.  B.  0.,  p.  802)  et 
11  juillet  1870.  Une  partie  de  ce  douar-coinmune  (731  hectares) 
a  été  prélevée  pour  la  formation  du  centre  de  Clinchant  ; 
le  surplus  (3,055  hectares)  est  rattaché  à  la  commune  mixte  de 
la  Mina.  Dépend  du  canton  judiciaire  et  de  la  mahakma  annexe 
de  Relizane.  —  Population  ;  1,030  indigènes,  Djemâa  :  10 
membres.  —  Impôts  :  7,447  fr.  25. 


198  MONOGRAPHIE  GÉOGRAPHIQUE  ET   HISTORIQUE 

il°  Mina,  formé  du  territoire  d'une  partie  de  l'ancienne 
tribu  des  Sahari. 

Superficie  :  6,84'2  liectares.  Constitué  en  douar-commune  par 
décret  du  21  décembre  18G7.  (Cf.  B.  0.  i86S,  p.  429).  Dépend 
du  canton  judiciaire  et  de  la  niahalvma  annexe  de  Relizane.  — 
Population  :  2,020  indigènes  ;  6  français  ;  2  marocains  ; 
26  étrangers. —  Djemàa  :  12  membres. —  Impôts:  18,305 fr. 59. 

18"  Oulad-hou-Al'i,  l'ornié  du  territoire  de  l'ancienne  tribu 
du  même  nom. 

Superficie  :  11,004  hectares.  Constitué  en  douar-commune 
par  décret  du  15  mai  1869.  (B.  0  ,  p.  179).  Rattaché  au 
canton  judiciaire  et  à  la  rnahakma  annexe  de  Relizane. 
—  Population  :  2,336  indigènes.  —  Djemàa  :  12  membres.  — 
Impôts  :  21,759  fr.  97. 

10»  Sidi-Saâda^  formé  du  territoire  de  l'ancienne  tribu  des 
Béni  R'eddou.  (On  a  vu  précédemment  que  les  Béni  R'eddou, 
d'origine  berbère,  établis  d'abord  sur  l'emplacement  actuel  du 
centre-annexe  de  Clinchant,  furent  dépossédés  par  les  Soueid 
et  vinrent  se  fixer  plus  à  l'ouest,  sur  la  rive  gauche  de  l'Hillil 
jusqu'à  la  plaine  de  Kerkacha,  près  de  llacian-el-R'omri. 
Une  ti-adilion  rapporte  qu'ils  s'appelaient  d'abord  «  Ahl  el 
Bethod  »,  puis,  qu'ayant  adressé  une  plainte  au  sultan  au 
sujet  des  travailleurs  de  ce  dernier  qu'ils  devaient  nourrir,  on 
les  renvoya  en  leur  disant  :  Benou  ou  R'eddou  \jXi  .  ^j.-^-i 
c'est-à-dire  :  «  Bâtissez  et  allez-vous-en  »,  d'où  «  Benoit  ou 
Béni  R'eddou  ».  U  est  plus  probable  que  leur  nom  a  une 
origine  berbère,  la  même  que  celle  portée  par  leur  première 
ville,  désignée  sous  l'appelation  de  R'edda  (^xi)  ou  Retcha 
Çi-^-),  selon  les  dialectes).  Les  Béni  R'eddou  étaient  et  sont 
encore  très  turbulents  et  passablement  fanatiques). 

La  superficie  du  douar-commune  de  Sidi-Saàda  est  de 
7,547  hectares.  Il  a  été  constitué  en  douar-commune  par 
décret  du  24  avril  1867.  (Cf.  B.  0.,  p.  672).  Il  est  rattaché  à  la 
commune  mixte  de  la  Mina,  partie  à  la  commune  de  plein 
exercice  de  Perrégaux.  Il  dépend  du  canton  judiciaire  et  de  la 
mahakma annexe  de  Perrégaux. —  Population:  2,901  indigènes; 
17  français.  —  Djemàa  :  14  membres.  —  Impôts  :  38,278  fr.  77. 

20"^  Tehamda,  formé  d'une  partie  du  territoire  de  l'ancienne 
tribu  des  Mekhalia. 
Superficie:  3,718  hectares.   Constitué  en  douar-cominune 


DE  LA   COMMUNE   MIXTE   DE   LA   MINA  199 

par  décret  du  5  décembre  1866.  (Cf.  B.  0.  1867,  p.  40).  Une 
partie  de  ce  douar-commune  (,1,753  hectares)  a  été  prélevée 
pour  la  création  de  Clinchant.  Le  reste  (2,565  hectares)  est 
rattaché  à  la  commune  mixte  de  la  Mina.  Dépend  du  canton 
judiciaire  et  de  la  mahakma  annexe  de  Relizane.  —  Popula- 
tion :  1,479  indigènes.  —  Djemàa  ;  10  membres.  —  Impôts  : 
10,516  fr.  96. 

21"  Zgaler,  formé  d'une  partie  du  territoire  de  l'ancienne 
tribu  des  Meklialia. 

Superficie  :  7,503  hectares.  Constitué  en  douar-commune 
par  décision  du  5  décembre  1866.  (Cf.  B.  0.  1867,  p.  40^. 
Dépend  du  canton  judiciaire  et  de  la  mahakrna  annexe  de 
Relizane.  —  Djemàa  :  10  membres.  —  Impôts  :  10,689  fr.  97. 

22»  Oulad  hou-Ahra,  formé  d'une  partie  du  territon-e  de 
l'ancienne  tribu  des  Sidi-AbdAllah. 

Superficie  :  6,010  hectares.  Constitué  en  douar-comrnune 
par  décret  du  9  novembre  1867.  (Cf.  B.  0.,  p.  208).  Une  partie 
de  ce  douar-commune  (2,289  hectares)  a  été  préle\ée  pour  la 
formation  de  la  commune  de  plein  exercice  de  Blad-Touaria 
(1,774  hectares)  et  du  centre  de  Sirat  (315  hectares),  le  surplus 
(3,701  hectares)  est  rattaché  a  la  commune  mixte  de  la  Mina. 
Dépend  du  canton  judiciaire  et  de  la  mahakma  de  Mostaga- 
nem.  —  Population  :  2,435  indigènes;  17  français  ;  5  étran- 
gers. —  Djemàa  :  12  membres.  —  Impôts  :  9,325  fr.  27. 

23°  Hassauiia,  formé  du  territoire  de  l'ancienne  tribu  des 
Oulad-Malef. 

Superficie  :  7,369  hectares.  Constitué  en  douar-commune 
par  décret  du  30  octobre  1867.  (Cf.  B.  0.  l868,  p.  628).  Le 
territoire  de  ce  douar-commune  a  été  réparti  entre  les  commu- 
nes ci-après  : 

49  hectares  environ,  réunis  à  la  commune  de  plein  exercice 
de  Rivoli,  dépendant  du  canton  judiciaire  et  de  la  mahakma 
de  Mostaganem  ; 

1,.557  hectares,  réunis  à  la  commune  de  plein  exercice  de 
Aïn-Sidi-Chérif,  dépendant  du  canton  judiciaire  et  de  la 
mahakma  de  Mostaganem.  (Population  :  998  indigènes,  y 
compris  la  population  de  la  partie  du  douar-commune  de 
Dradeb,  rattachée  à  cette  commune  de  plein  exercice)  ; 

5,763  hectares  sont  réunis  à  la  commune  mixte  de  la  Mina. 


200  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE   ET  HISTORIQUE 

Dépend  du  canton  judiciaire  et  de  la  mahakma  de  Mostaganem. 
—  Population  :  1,904  indigènes  ;  11  français.  —  Ujemàa  :  12  mem- 
bres. —  Impôts  :  150,074  fr.  69. 

24°  Kinïba,  territoire  de  l'ancienne  tribu  des  Oulad-Abmed 
(en  partie). 

Superficie  :  9,096  hectares.  Constitué  en  douar-commune 
par  décret  du  21  décembre  1867.  (Cf.  B.  0.,  1868,  p.  481). 
Dépend  du  canton  judiciaire  et  de  la  mahakma  annexe  de 
Relizane. —  Population  :  1,673  indigènes.  Djemàa  :  12  mem- 
bres. —  Impôts  :  13,197  fr.  77. 

25°  Oalad-Addi,  formé  d'une  partie  de  l'ancien  territoire 
des  Oulad-Ahmed. 

Superficie  :  6,790  hectares.  Constitué  en  douar-commune 
par  décret  du  21  décembre  1867.  fCL  B.  0.,  1808,  p.  481). 
Dépend  du  canton  judiciaire  et  de  la  mahakma  annexe  de 
Relizane.  -  Population  :  1,776  indigènes;  17 français;  6 étran- 
gers. —  Djemàa  ;  12  membres.  —  Impôts  :  16,665  fr.  28. 

26°  Chelafii,  territoire  du  l'ancienne  tribu  du  même  nom. 
On  sait  que  les  Chelafa  tonnaient,  à  35  kilomètres  Est  de 
Mostaganem,  une  agglomération  de  fractions,  arabes  de  race, 
mais  sous  communauté  d'origine,  qui  ont  successivement 
appartenu  à  divers  commandements  et  ne  constituent  une  tribu 
distincte  que  depuis  1852. 

Superlicie  :  10,789  hectares.  Constitué  en  douar-commune 
par  décret  du  27  octobre  1869.  (Cf.  B.  0.,  p.  434).  Une  partie 
de  ce  douar-commune  (3,281  hectares)  a  été  prélevée  pour  la 
formation  de  la  commune  de  plein  exercice  de  Bellevue.  Le 
surplus  (7, ,508  hectares)  est  rattaché  à  la  commune  mixte  de 
la  Mina.  Dépend  du  canton  judiciaire  et  de  la  mahakma  de 
Mostaganem.  —  Population  :  2,275  indigènes;  30  français; 
7  étrangers.  —  Djemàa  :  12  membres.  —  Impôts  :  15,7.58  fr.  80. 

27»  Beni-YaJti,  formé  d'une  partie  du  territoire  des  Bordjia. 
Dépend  de  la  Justice  de  pai'c  et  de  la  mahakma  annexe  de 
Perrégaux  (circonscription  judiciaire  de  Mascara). 

Superficie  :  5,993  hectares.  —  Population:  698  indigènes; 
7  français.  —  Impôts  :  6,420  fr.  57. 


I 


DE   LA    COMMUNE    MIXTE    DE   LA    MINA  201 


Chapitre    II.  -   RELIGION  MAHOIMÉTAXE 
CONFRÉRIES    RELIGIEUSES 

1"  Kadria.  —  Il  y  a,  dans  la  commune  mixte  de  la  Mina 
354  affiliés  de  tout  grade  à  cet  ordre,  dont  19  kliouans  et 
7  mokaddems.  Le  plus  influent  de  ces  derniers  est  le  cheikh 
Belhaouel  Abd-el-Kader,  chef  de  la  zaouïa  kadirite  des  Chelafa. 
11  y  a  d'autres  mokaddems  qui  représentent  l'ordre  dans  les 
douars-communes  des  Oulad  Sidi  Yousef,  de  Sidi  Sàada,  des 
Ouled  Addi,  des  R'oualizé,  de  la  Mina,  des  Oulad  Sidi  Brahim. 

2"  Chadehja.  —  Il  n'y  a  aucune  zaouïa  de  cet  ordre  dans  la 
commune  mixte  de  l'Hillil.  Les  mokaddems  sont  tous  morts  et 
n'ont  pas  été  remplacés.  11  reste  42  adeptes. 

3»  Aissaoïia.  —  La  Mina  ne  compte  plus  que  quelques  rares 
adeptes  des  Aïssaoua,  et  pas  im  seul  mokaddem. 

4"  Tayhia.  —  11  y  a  actuellement  81  affiliés  à  cet  ordre  dans 
la  commune  mixte  de  la  Mina  Cpas  de  mokaddems). 

S"  Zianya.  —  Il  y  a  actuelîemenl  un  seul  mokaddem  de  cet 
ordre  et  19  khouans  dans  la  commune  mixte  de  la  Mina. 

6»  Rahmanija.  —  Cet  ordre  fut  fondé  à  la  fin  du  XVIIP  siècle 
par  si  Mohammed  ben  Abd  er  Rhaman  bou  Kobrin  el  Djerdjeri 
el  Guechtouli  ez  Zoudoui  el  Ahzari.  On  compte,  dans  la 
commune  mixte  de  la  Mina  330  khouans  de  cet  ordre  et 
2  mokaddems,  qui  sont  assez  influents:  Si  Larbi  Benanis  el 
Arlii  ben  Mohammed,  et  Si  Fatmi  Si  ben  Abdallah  ould  Ahmed, 
résidant,  lun  aux  Sidi  Sàada,  l'autre  aux  R'oualizé. 

7»  Derkaoua.  —  Cet  ordre  est  celui  qui  nous  est  le  plus 
hostile  après  celui  des  senoussya.  Il  est  représenté,  dans  la 
commune  mixte  de  la  Mina,  par  une  seule  zaouïa,  celle  des 
Amarnia  (chez  les  Douaïr  Flittaj.  Fondée  vers  1860  par 
Hammam  Hadj  Moliammed  ben  Ahmed  ben  Hadj  Mohammed 
ben  Hammar,'  cheikh  de  l'ordre,  elle  a  été  fermée  le  19  mars 
1893,  date  du  décès  de  ce  dernier.  11  était  issu  d'une  famille 
maraboutique.  De  son  vivant,  la  zaouïa  des  Amarnia  était 
fréquentée  par  6  ou  8  élèves.  Son  fils  Ahmed  sort  à  peine  de 
l'adolescence  ;  on  ignore  s'il  compte  prendre  la  succession 
paternelle  à  la  zaouïa.  Les  4  mokaddems  de  cet  ordre  résidaient 
aux  Oulad  Sidi  Brahim,  à  El  Romri,  aux  Sidi  Sàada  et  aux 
Oulad  Addi.  Le  seul  influent  est  Mazouz  bou  Taleb, 


202  MONOGRAl^HIE   GÉOGRAPHIQUE   ET   HISTORIQUE 

8"  Madania.  —  Il  n'y  a  qu'un  seul  affilié  à  cet  ordre,  fondé 
en  Tripolitaine  par  un  derkaoui. 

9»  Senoussya.  —  Cet  ordre  fut  fondé  en  1250-1251  de 
l'hégire  (1835  de  notre  ère)  en  Tripolitaine  par  le  chérif 
algérien  Si  Mohammed  ben  Ali  ben  Es  Senoussi  el  Khettabi  el 
Hassani  el  Idrissi,  né  en  1206  de  l'hégire  (1791)  au  douar 
T'orch,  de  la  fraction  des  Oulad  Sidi  Yousef,  de  la  tribu  des 
Oulad  Sidi  Abd  Allah,  de  l'aghaliU  des  Medjeher.  Sa  famille, 
comme  ses  alliés  les  Ben  Latroch,  les  Tekouk,  comme  toutes 
celles  enfin  des  Oulad  Sidi  Abd-AUah,  se  disait  d'origine 
chériflenne  et  prétendait  descendre  du  Prophète  par  Hassan, 
fds  de  Fatma,  puis  par  Idris  I'^'',  fondateur  de  la  dynastie 
Edricide.  Aussi,  dans  ses  écrits,  le  cheikh  Snoussi  joint-il  à 
son  nom  les  qualificatifs  d'EI  Hassani,  El  Idrissi,  et  même  El 
Medjeheri,  bien  que  les  Oulad  Sidi  Abd-AUah  aient  une 
origine  totalement  différente  de  celle  des  Medjeher  et  se 
considèrent  plus  nobles  qu'eux;  mais  on  sait  que  les  Arabes 
ne  regardent  pas  à  un  titre  près  et  semblent  chercher  à 
augmenter  leur  nom  patronymique  du  plus  grand  nombre 
d'épithètes  possibles. 

Les  descendants  du  cheikh  Senoussi,  les  Ben  Latroch, 
habitent  de  nos  jours  aux  Ouled  Sidi-Yousef.  Ils  comptent  de 
nombreux  parents  et  amis  sur  le  territoire  des  Medjeher, 
c'est-à-dire  chez  les  Oulad  Bon  Abça,  les  Oulad  Chafa,  les 
Sfissifa,  les  Oulad  Dani,  les  Oulad  Malef,  les  Chelafa.  L'honneur 
de  représenter  dans  la  région  même  où  était  né  son  auteur 
l'ordre  des  Senoussya  ne  pouvait  être  dévolu  qu'à  des  proches 
parents  de  Senoussi:  ce  furent  les  Tekouk.  Le  premier  cheikh, 
Charef  ould  Djilali  ould  Abd-Allah  ben  Tekouk,  né  en  1794, 
fit  bâtir  aux  Oulad  Chata  une  zaouïa  de  cette  secte  qui  devait 
être  la  seule  de  l'Algérie.  Il  était  de  famille  maraboutique,  et 
déjà  son  père  avait  eu  une  grande  intluence  dans  le  pays.  C'est 
en  1859  que  fut  construit  ce  couvent,  au-dessus  d'Aïn-Madar. 
Pendant  30  ans,  le  cheikh  Ben  Tekouk  fut  à  la  tète  de  cet 
établissement. 

Il  avait  fait  ses  premières  études  chez  Bel  Guendouz, 
mokkadem  des  Derkaoua,  qui  avait  été  également  le  professeur 
du  cheikh  Senoussi.  Le  savoir  et  la  sainteté  de  ce  mokkadem 
acquirent  une  renommée  qui  porta  ombrage  aux  .Turcs;  aussi, 
le  bey  Hassan  le  lit  arrêter  et  mettre  à  mort  à  Mazouna 
en  1829.  Tekouk  qui  avait  dès  lors  le  droit  d'être  prudent, 


DE   LA   COMMUNE   MIXTE    DE   LA    MINA  203 

partit  pour  le  Maroc  et  ne  remit  les  pieds  en  Algérie  que 
lorsque  les  Français  eurent  définitivement  occupé  la  province 
d'Oran.  Il  eut  le  tort,  au  début,  de  parler  avec  une  trop 
grande  liberté  et  de  permettre  à  ses  adhérents  de  le  considérer 
comme  un  futur  révolté  contre  l'autorité  des  Chrétiens. 
Aussi,  fut-il  surveillé  par  l'autorité.  L'injonction  lui  ayant  été 
faite  de  se  présenter  à  Ammi-Moussa  pour  avoir  à  répondre 
sur  les  doutes  qu'on  formulait  à  l'égard  de  ses  intentions  pour 
la  France,  Tekouk  n'obéit  pas  ;  aussi,  fut-il  peu  après  enlevé 
par  des  cavaliers  à  notre  solde.  On  l'interna  quelques  années 
à  Ammi-Moussa,  puis  on  le  relâcha.  Il  revint  dans  son  pays 
d'origine,  et  c'est  alors  qu'il  fonda  la  zaouïa  des  Ouled  Ghafa. 

Ce  fut  d'abord  une  école  modeste,  qui,  par  la  suite,  reçut  le 
nom  de  zaouia. 

Vers  1877,  le  sous-préfèt  de  Mostaganem,  ayant  appris  que  la 
demeure  de  Tekouk  contenait  un  véritable  arsenal,  fit  faire  des 
perquisitions  qui  donnèrent  des  résultats  de  peu  d'importance 
et,  tout  au  moins,  ne  suffirent  pas  pour  mettre  en  doute  la 
loyauté  des  sentiments  du  marabout  qui,  jusque-là,  n'avait  eu 
avec  les  colons  que  des  relations  très  sympathiques.  Quelques 
années  plus  tard,  un  indigène  inculpé  d'assassinat  ayant  été 
arrêté  à  TIemcen,  déclara  que  c'était  le  cheik  Tekouk  même 
qui  l'avait  poussé  à  ce  crime.  Sans  se  renseigner  sur  l'authen- 
ticité de  ces  déclarations,  le  procureur  de  la  République  du 
Tribunal  de  TIemcen  lanra  par  télégramme  un  mandat 
d'amener  contre  le  marabout.  Arrêté  sous  cette  inculpation 
mensongère,  Tekouk  qui,  d'un  geste,  pouvait  soulever  toutes 
les  tribus  voisines,  se  laissa  conduire  sans  protester  à  Mosta- 
ganem. La  nouvelle  se  répandit  comme  une  traînée  de  poudre 
et  le  saint  homme  arriva  en  foule  escorté  de  vingt  mille 
arabes  très  surexcités,  accourus  de  toutes  parts.  Mais  le 
marabout  les  exhorta  à  garder  le  calme  et  à  regagner  leurs 
douars  ;  ce  qu'ils  firent  avec  d'autant  plus  de  bonne  volonté 
que  le  juge  d'instruction  s'étant  aperçu  facilement  de  l'inanité 
des  accusations  portées  contre  Tekouk  l'avait  relâché  immé- 
diatement. 

Cependant,  l'entourage  du  marabout  était  loin  d'avoir  les 
qualités  du  maître.  Son  gendre,  El  Boudali,  et  son  parent, 
Abd-el-Kader  ben  Gara,  se  servirent  souvent  de  son  nom  pour 
exploiter  la  crédulité  des  indigènes  en  exigeant  d'eux  des  dons 
en  argent  et  en  nature.  Ces  personnages  remuants  et  animés 


204  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE   ET   HISTORIQUE 

d'intentions  peu  bienveillantes  envers  les  Européens,  abusant 
de  l'âge  de  Tekouk,  géraient,  sous  son  couvert,  de  fructueuses 
ziara,  notamment  en  1880,  lors  de  l'insurrection  du  Sud 
oranais,  durant  laquelle  la  zaouïa  resta  encore  dans  l'ordre. 
Ce  même  entourage,  agissant  toujours  en  vue  de  bénéficier 
pécunièrement  de  l'inlluence  du  marabout,  conseillait  à 
Tekouk  d'envoyer  une  de  ses  filles  en  pèlerinage  à  la  Mecque, 
avec  ordre  de  s'arrêter,  à  son  retour,  à  Djar'boub,  chez 
le  madhi  qui  devait  l'épouser.  Le  vieillard  se  conforma  à  ces 
désirs  et  fit  partir  sa  fille  ;  mais  par  suite  de  circonstances 
diverses,  le  mariage  n'eut  pas  lieu,  et  celle  qui  devait  être 
l'épouse  du  chef  des  Senoussistes  revint  aux  Oulad  Chafa  où 
on  la  maria  à  un  modeste  propriétaire  qui  avait  été  caïd 
autrefois. 

En  1888,  c'est-à-dire  sur  ses  vieux  jours,  ses  intimes 
toujours  avides  de  ziara,  dont  les  autorités  de  la  commune 
mixte  de  l'Hillil,  gênaient  tant  soit  peu  la  perception,  décidè- 
rent, pour  obvier  à  cet  inconvénient,  de  marier  Tekouk  alors 
impotent  :  d'où  quêtes  nombreuses,  dons  de  visites,  qui 
améliorèrent  le  budget  de  la  zaouïa.  Sur  ces  entrefaites,  le  fils 
du  marabout,  Ahmed,  quitta  la  zaouïa  et  se  réfugia  à 
Djar'boub,  auprès  de  son  parent,  cheikh  El  Mahdhi.  Il  avait 
hâte,  depuis  quelque  temps,  d'échapper  à  la  tutelle  de  son 
beau-frère  dont  l'influence  sur  le  vieux  cheikh  lui  avait  assuré 
la  haute  direction  de  la  zaouïa.  Peu  de  temps  après  son 
mariage,  pour  ainsi  dire  in  extremis,  le  marabout  s'éteignit 
(5  août  1890).  Ses  funérailles  attirèrent  des  milliers  d'arabes 
qui  se  disputèrent  pour  porter  le  cercueil  quelques  instants. 
Il  en  résulta  quelque  désordre  qui  eût  été  rapidement  dissipé 
sans  l'intervention  de  certaines  autorités  administratives  qui 
voulurent  rétablir  le  calme  à  coups  de  matraque  et  en 
reeurent  elles-mêmes  de  la  part  de  ceux,  qu'elles  venaient 
déranger.  En  mourant,  Tekouk  laissait  sa  succession  temporelle 
et  spirituelle  à  son  fils  Ahmed. 

Le  crédit  du  défunt  était  grand,  même  chez  les  colons 
européens  de  Blad-Touaria,  Aïn-Tédelès,  Aboukir,  Sirat  et 
Bouguirat  qui,  lorsqu'ils  étaient  victimes  de  vols,  réclamaient 
son  intervention  parfois  suivie  de  bons  résultats.  Les  enfants 
de  ces  villages,  lorsqu'ils  jouaient  avec  les  petits  arabes,  invo- 
quaient son  nom,  et  on  les  entendait  jurer  par  la  foi  de  cheikh 
Tekouk  :  i^CO  .<-^i  ^^  H'ek'k  cheikh  Tekouk. 


DE   LA   COMMUNE   MIXTE   DE   LA   MINA  205 

Deux  ans  et  demi  après  la  mort  de  son  père,  le  23  février 
1893,  son  fils  Si  Ahmed,  qui  venait  de  passer  cinq  ans  à 
Djar'boub,  revenait  aux  Oulad  Chafa  et  rouvrait  la  zanuïa.  Peu 
de  temps  après,  le  Gouverneur  général  le  faisait  interner  dans 
la  commune  mixte  de  Cassaigne.  Bientôt,  malgré  ses  protesta- 
tions, il  était  dirigé  en  Corse,  soupçonné  probablement  de 
tramer,  de  concert  avec  la  Tripolitaine,  des  complets  qui 
pouvaient  compromettre  la  sécurité  de  nos  possessions 
françaises  d'Afrique.  On  finit  cependant  par  se  demander  si 
le  crime  d'être  allé  passer  sans  autorisation  des  autorités 
locales,  cinq  années  à  Djar'boub  méritait  une  punition  aussi 
sévère  ;  et  on  pensa  qu'il  était  plus  logique  de  libérer  le  jeune 
marabout  :  ce  qu'on  fit  quelques  mois  après.  Le  retour  de  Sidi 
Ahmed  provoqua  une  satisfaction  générale  chez  les  indigènes 
et  les  colons  du  pays.  La  fête  annuelle  de  Sidi  Cherf  se  célébra 
cette  année  là  avec  beaucoup  d'éclat.  Depuis  cette  époque.  Si 
Ahmed  vit  retiré,  plein  de  déférence  pour  l'administration. 
Dans  son  entourage,  seul  le  fameux  Ben  Gara  que  nous  avons 
déjà  cité  mérite  quelque  surveillance. 

Le  marabout  Ben  Tekouk  a  aujourd'hui  une  quarantaine 
d'années.  Son  harem  comprend  trois  femmes  et  cinq  enfants 
dont  deux  en  bas  âge. 

Située  dans  un  lieu  assez  pittoresque,  la  zaouïa  domine  la 
vallée  d'Aïn-Madar  et  de  Kitchoua  et  celle  de  Sirat.  Elle  est 
formée  de  bâtiments  construits  à  mesure  que  la  place  manquait; 
il  en  résulte  un  an;oncellement  de  cours,  de  dédales  et  de 
pièces  de  toutes  formes,  ainsi  que  cela  a  lieu  dans  toutes  les 
demeures  musulmanes.  Un  peu  au  dessus,  dans  un  petit  bois 
d'oliviers,  s'élève  une  coquette  kouba  où  un  certain  luxe  n'a 
pas  été  épargné.  De  construction  récente  (1899)  cette  chapelle 
contient  les  restes  du  cheikh  Tekouk  d'abord  inhumés  dans  un 
tombeau  à  coupole  très  simple.  Elle  est  surmontée  d'un  dôme 
allongé  assez  élevé  qui,  à  l'intérieur,  est  plafonné  d'azur  semé 
d'étoiles  dorées,  dont  une  plus  grosse  que  les  autres  dans  la 
direction  de  la  Mecque,  avec  les  colonnades  intérieures  et  le 
balcon  circulaire  qui  les  surmonte,  cette  décoration  ne  manque 
pas  d'une  certaine  originalité. 

Si  Ahmed  a  d'ailleurs  continué  les  traditions  de  son  père.  Il 
est  hospitalier  et  charitable.  S'il  reçoit  de  nombreux  dons  en 
nature  et  en  argent  de  ceux  qui  viennent  le  visiter,  il  en  fait 
une  large  part  aux  indigents  et  aux  infirmes  qui  viennent  lui 


206  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE    ET   HISTORIQUE 

demander  secours.  Sa  zaouïa  est  en  somme  un  centre  d'assis- 
tance privée  qu'il  est  politique  de  tolérer  sans  réserves.  Les 
colons  ont  à  se  louer  autant  du  fils  que  du  père,  et,  comme  les 
indigènes,  ils  jurent  maintenant,  dans  leurs  rapports  avec 
ceux  ci,  parSidi  Ahmed  :  J-p^!  ^^^  (4^  hek'k'  Sidi  Ahmed- 
L'intervention  du  marabout  a  eu  souvent  de  très  heureux 
résultats,  dans  les  atïaires  de  vols  comme  dans  les  contestations 
entre  propriétaires  limitrophes.  Tout  européen  qui  se  présente 
à  la  zaouïa  est  assuré,  comme  chez  nos  trappistes,  du  souper 
et  du  gîte. 

Le  personnel  de  Ben  Tekouk  comprend  son  entourage 
intime,  une  maisonnée  de  serviteurs,  et  une  sorte  de  garde 
de  6  ou  8  nègres  qu'il  a  ramenés  de  Tripolitaine. 

Il  ne  se  déplace  que  pour  se  rendre  à  Mostaganem  (oii  il  a 
un  pied  à  terre),  à  Bouguirat  pour  ses  aflaires,  et  enfin  il  va 
camper  chaque  année  pendant  huit  jours  aux  abords  de  la 
mosquée  de  Sidi-Cherf,  entre  Bouguirat  ej,  El-Romri  :  là  ont 
lieu  au  mois  d'août  ou  au  mois  de  septembre  des  fêtes  qui 
durent  une  semaine  environ.  Le  grand'père  du  marabout, 
Sidi  Cberf  Tekouk  (1)  est  enterré  dans  cette  mosquée  qui  est 
la  plus  grande  de  la  région;  mais  rien  dans  son  architecture 
très  simple  ne  mérite  d'être  relaté. 

Chaque  année,  les  tribus  du  pays  viennent  s'installer  au 
camp  volant  autour  du  lieu  saint  :  ce  groupement  important 
de  tentes  et  de  gourbis  prend  un  aspect  fort  pittoresque.  On 
peut  évaluer  à  dix  ou  quinze  mille  le  nombre  d'indigènes  qui 
affluent  vers  Sidi-Cherf  les  années  d'abondance,  six  mille  les 
années  de  disette.  Il  est  cependant  à  noter  que  depuis  quelque 
temps  l'ardeur  religieuse  s'est  sensiblement  refroidie,  d'où 
diminution  de  pèlerins  lors  des  fêtes  annuelles. 

Malgré  tout,  il  vient  là  des  représentants  d'un  peu  partout  : 
de  Mostaganem,  de  Renault,  Inkermann,  Arzeu,  Relizane, 
Mascara,  Perrégaux,  le  Sig,  Tiaret  même;  et  il  va  sans  dire 
que  les  tribus  restées  les  plus  fanatiques  jusqu'ici  par  suite  de 
leur  isolement  loin  de  tout  centre  de  colonisation  européen  : 
les  Béni  R'eddou  et  les  Bordjia,  fournissent  à  ces  réjouissances 
le  plus  nombreux  contingent  d'assistants.  Le  souvenir  de  leurs 
anciennes  hostilités  s'y  révèle  à  la  façon  dont  ils  s'intéressent 
aux  jeux  du  rah'ba  où  les  lutteurs  appartiennent  à  l'une  ou 

(1)  €  Tekouk  »  en  berbère  et  en  arabe  parlé  algérien  désigne  cette  sorte 
de  moucherons  qui  mettent  en  été  le  désarroi  parmi  les  troupeauxt 


DE   LA   COMMUNE   MIXTE   DE   LA   MINA  207 

l'autre  de  ces, tribus.  La  surexcitation  est  quelquefois  poussée 
si  loin  que  les  autorités  sont  obligées  d'intervenir  pour  prévenir 
une  mêlée  générale. 

En  somme,  à  part  quelques  rixes  sans  importance,  quelques 
disputes  nées  dans  les  cantines  que  des  Européens  éprouvent 
le  besoin  de  venir  installer  aux  alentours,  les  fêtes  se  passent 
avec  calme  etordre;  aussi,  sans  les  encourager,  l'administration 
les  tolère-t-elle  et  se  borne  à  exercer  une  certaine  surveillance 
sur  les  gens  et  sur  les  choses.  Elles  sont  l'occasion  d'un  afflux 
assez  considérable  de  colons  des  environs  et  de  plusieurs 
personnes  de  Mostaganem,  grands  amateurs  du  rah'ba,  et  les 
caïds  en  profitent  pour  faire  des  politesses  en  organisant  des 
diffas  monstres  auxquelles  ils  convient  les  roumis  de  leur 
connaissance  et  les  fonctionnaires  de  l'administration. 

Finissons  avec  Sidi  Ahmed,  en  disant  que  son  influence  est 
tout  aussi  grande,  si  ce  n'est  plus,  que  celle  de  son  père,  et 
tant  que  son  genre  d'existence  et  ses  procédés  continueront  à 
suivre  le  cours  qu'il  a  su  leur  donner,  il  sera  politique  de  le 
ménager  dans  ses  susceptibilités  et  de  ne  pas  chercher  à  lui 
susciter  des  embarras  quelconques.  On  n'a  eu  qu'à  se  louer  de 
la  façon  dont  il  s'est  conduil  jusqu'ici  ;  et,  il  y  a  deux  ans,  au 
moment  où  la  France  qui  semblait  craindre  des  difficultés 
diplomatiques,  prenait  ses  dispositions  pour  augmenter  son 
eflectif  de  guerre,  le  marabout  envoyait  dans  les  douars  de 
Sfissifa  et  des  Oulad  Sidi  Abd-Allah,  des  émissaires  chargés 
d'encourager  les  célibataires  pauvres  et  sans  travail,  à  s'enga- 
ger aux  tirailleurs  de  Mostaganem,  où  l'autorité  militaire  était 
en  train  de  former  un  nouveau  bataillon.  Le  résultat  ne  se  fit 
pas  attendre,  et  bientôt  le  nombre  d'engagés  volontaires  qui 
se  présentaient  à  la  caserne,  dépassa  celui  qui  avait  été  prévu- 

Il  y  avait,  en  4880,  256  partisans  du  Senoussisme  dans  la 
commune  mixte  de  l'Hillil.  Aujourd'hui,  la  commune  mixte  de 
la  Mina  en  compte  environ  600,  dont  4  Mokaddems  impor- 
tants chez  les  Oulad  Chafa,  les  Chelafa,  les  Oulad  bou  Abça  et 
les  Heçaïvnia.  La  conduite  religieuse  ou  politique  de  tous  ces 
Khouan  n'a  rien  présenté  jusqu'ici  qui  dût  produire  l'inter- 
vention de  l'administration. 

Sidi  Ahmed  est,  nous  l'avons  dit  plus  haut,  un  homme 
d'une  quarantaine  d'années,  de  petite  taille,  mais  bien 
proportionné  quoique  d'aspect  délicat.  Sa  figure,  très 
blanche  est  encadrée  d'une  barbe  noire  abondante  qui  lui 


208  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE   ET   HISTORIQUE 

donne  une  certaine  ressemblance  avec  la  physionomie  de 
l'émir  Abd-el-Kader.  Ses  mains  fines  et  soignées,  son  type 
sémitique  pur,  son  air  calme  et  froid,  plutôt  triste,  dénotent 
l'arabe  de  grande  tente,  le  marabout  de  race.  Nous  avons  eu 
maintes  fois  l'occasion  d'avoir  des  rapports  avec  Sidi  Ahmed, 
ils  ont  toujours  été  très  cordiaux  et  sa  façon  d'accueillir  les 
Européens  qui  viennent  le  visiter,  surtout  quand  ceux-ci  sont 
déjà  connus  de  lui  et  ont  su  gagner  sa  confiance,  est  on  ne 
peut  plus  satisfaisante.  Le  marabout  ignore  totalement  le 
français,  ou  du  moins  il  prétend  n'en  pas  connaître  un  seul 
mot  :  il  connaît  un  peu  le  berbère  employé  dans  le  Djebel 
Nefousa.  Sa  façon  de  s'exprimer  en  arabe  est  d'une  correction 
absolue,  il  sait  toujours  trouver  les  expressions  justes,  sans 
jamais  employer,  ces  locutions  emphatiques  qui  dénotent  une 
éducation  et  une  culture  médiocres  de  ceux  qui  en  font  usage. 
Malgré  la  gravité  de  son  caractère  et  de  ses  allures,  Ben  Tekouk 
ne  déteste  pas  la  plaisanterie,  et  c'est  toujours  d'une  manière 
très  habile  qu'il  ajoute  son  grain  de  sel  à  la  conversation. 


Chapitre  III.  —  DÉMOGRAPHIE 

La  commune  rnixte  de  la  Mina  comprenait,  lors  du  dernier 
recensement,  44,452  indigènes  et  935  habitants  européens,  en 
tout  45,387  habitants.  Les  européens  sont  pour  la  plupart  des 
colons  français  habitant  les  centres-annexes  ou  des  fermes 
isolées,  et  des  espagnols  à  la  tête  d'enti'eprises  de  jardinage. 
Parmi  les  indigènes,  il  en  est  qui  sont  propriétaires  agricoles, 
d'autres  khammès,  d'autres  enfin  qui  louent  leurs  bras  aux 
colons  français  et  européens.  Le  plus  petit  nombre  exerce 
diverses  industries  ou  essaye  de  vivre  de  rapines  exercées  au 
préjudice  de  ses  coreligionnaires  ou  des  villages  voisins. 

Arabes  ou  berbères  arabisés,  les  indigènes  de  la  commune 
mixte  parlent  tous  arabe  :  c'est  l'idiome  généralement  répandu 
dans  la  province  d'Oran  (1),  cependant,  nous  avons  noté  sur 


(I)  Le  département  d'Oran  est  celui  où  l'idiorae  berbère  est  le  moins 
répandu.  Il  y  est  encore  parlé  par  les  populations  des  A"c bâcha 
(dans  le  Dabra),  celles  de  Frendab  et  de  Cacherou  :  les  Bot'iona,  tribu 
marocaine  qui  s'est  établie  à  Sainl-Leu  (aux  environs  d'Arzeu)  il  y  a 
près  d'un  siècle,  ont  aussi  un  dialecte  a  eux.  Il  en  est  de  même  des 
habitants  des  kçours  du  Sud.  Tous  ces  indig'énes  parlent  également  arabe 
et  ne  se  servent  de  la  langue  maternelle  qu'entre  eux,  -et  surtout  quand 
ils  se  trouvent  sur  les  marchés  quand  ils  cotnbinent  une  spéculation 
quelconque  et  parlent  devant  un  arabe  ou  un  européen, 


DE   LA   COMMUNE  MIXTE   DE  LA   MINA  209 

les  lieux  des  expressions  qui  paraissent  locales  et  d'autres 
employées  dans  des  contrées  fort  éloignées  comme  la  Tunisie 
ou  la  région  de  Biskra,  et  qui  prouvent  les  émigrations  succes- 
sives des  tribus  après  l'invasion  arabe  et  les  changements  de 
contrées  qu'elles  opérèrent,  emportant  dans  les  nouvelles 
contrées  qu'elles  allaient  occuper  des  locutions  employées 
seulement  dans  le  premier  pays  qu'elles  abandonnaient.  Voici 
la  liste  de  ces  mots  et  expressions  diverses  : 

^j"  sioiia  :  excepté  (employé  ailleurs  en  arabe  écrit)  ;  — 
sj~»^j'  icsmira  :  fer  à  cheval  ;  —  «^OL;  balek  (littéralement, 
prends  garde)  :  peut-être;  —  ïJL^j^^j^  tckoutchoumala  :  cham- 
pignon ;  —  y^3  k'is  !  jette  !  —  '_i>  '  ^  dcuj  et  \,^^  x>  tedag  : 
se  disputer  ;  —  LïLxJt  U  ia  lâga  :  ô  un  tel  !  (Ex.  :  '  j.a^t''  Li'LxJt  L; 
ia  lâga  Moh'ammed  ait  :  ô  M.  un  tel,  —  pour  appeler)  ;  — 
^^L^  ou  ^^j^>  sag  ou  isoug  :  conduire  (des  bêtes)  ;  —  'iiLk^i 
fesVala  :  bouton  (d'habit)  ;  —  rali'a  ï^tj  :  non  !  pas  du  tout  1 

—  J)  Li/=  iner'ad  :  après-demain  ;  —  ^ii  J,'  licheggou  :  l'autre 
après-demain;  —  J..,a_^l  j  i^.>U^  el  faïdat  oiilh'ocel  :  j'ai 
fini  de  parler  avec  toi;  -  ifla:k  >^eX  i  d'ik  khat'ra:  l'autre 
fois;  — jl..^xJI  Kjj]i  d'ak  en  nehar  :  l'autre  jour;  — '^-^•''-^ 
hennia:  c'est  bien  !  c'est  entendu  !  —  "^ij^  yf  meraoula  :  der- 
rière! en  arrière  !  —  a^^  U'yia  :  chose  :  ^^^  .^.j'^  ouïn 
r'adi?  :  où  vas-tu?  —  ï.^^,.fii  namousia  :  lit  en  fer  ;  —  X-JùiLi'  ■ 
gabita  :  aiguière;  —  j'y  nouar  :  cotonnade  à  dessins;  — 
'ii^lS  kacha  et  *^^'j.?  ferrachia  :  couverture  de  lit;  —  ait^s 
ferracha  :  paillasse  ou  sommier  ;  —  c^j^  ^„  "'  ICaoudji  ! 
Ah  !  tiens  !  (étonnement)  ;  —  ^Clc  àUk  I  prends  garde  !  fais 
attention  à  toi  !  —  si:  iéh  !  tiens  !  (étonnement)  ;  — jLa  haou  ! 
parbleu  !  —  >\j  ^'  aï  ouah  !  c'est  ça  !  tu  y  es  ;  • —  jic  ôch  ! 
au  trot  !  (à  un  cheval)  ;  —  «.jXJLj»  ma  lek  ?  qu'as-tu  donc  ?  (au 
lieu  de  ^.jX>  ,  .^ij  ouach  hik)  ;  ^ij^  L;  iahoudi  !  donc  !  (Ex.  : 
^jjS  L;  v,i>r^!  askout  ia  houdi  !  tais  toi  donc  !)  ;  —  <  ^^-I  ess  / 
tais  toi  !  —  j.^  cedd  !  va-t-en  !  —  'LcjS'  kraâ  :  pied  (au  lieu  de 
^^j  redjel  qui  est  inconnu);  —  I  jili.  i>  ia  khelada  !  Oh  ! 
(étonnement)  ;  \^t^Ls>  hak  !  tiens  !  prends  !  ainsi  !  comme  ça  ! 

—  v.iJ'Lj  iak/  ah!   (étonnement);  jj»  r-''  mereg  :   sortir;   — 
s.i»i   necliaà:  tirer  (au  lieu  de  ^•^^)  ;  —  l_j»  Lui,  chta  houa  et 

Lxi  chta  :  qu'est-ce  que  c'est  ?  quoi  ?  —  s  b  LXi.  chta   iah  ? 


210  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE   ET   HISTORIQUE 

qu'y  a-t  il  donc  ?  —  -^^^-'.j  ouhnta  ?  quand  ?  (au  lieu  de  <  i  ixij 
ouek'tach)  ;  —  ^n-^  y  ^ou  djettou  :  tout  petit  ;  —  a-s^à^.  y 
hou  khenoufa  :  porc  ;  —  ç-L5j  y  hou  zeggar"  :  puceron  rouge 
(du  berbère  j^'-^j'  azeggar'  :  rouge)  ;  —  'À^jt  y  hou  chouka  : 
.  courge  ;  —  ^'^i->=>.  khebarek  :  comment  vas-tu  ?  —  ^i  ,àJio  l^ 
ma  ichk'a  che  :  ce  n'est  pas  la  peine  de. . .  ;  —  l'i_j^  h'ouala  : 
affaires,  marchandises  ;  —  o^^^-)  heset  (appeler  en  faisant  : 
ssssf);  —  L;I.Ls  hnouana  :  c'est  moi  qui!  —  'À<:y  y  bon 
âouïna  :  «  caput  mentalae  »  ;  —  1^.1  j.c  jI  oumm  âouina  : 
«  pudendum  muliebre  »  ;  — •     \jjS  j>  hou  keroun  et     JJ:>  IL 

fanich  :  mari  trompé  ;  —  .^ ■_)  Li.  y  hou  chareb  :  bec  de  lièvre  ; 

—  ;ijLà:'' y  hou  niekhlouf;  poussée  d'orges  par  places  ;  — 
wotjl  a*sr^  cheh'mat  el  âm  :  paupière  inférieure  ;  —  ï-j-i  Lj 
haguia  :  tour  de  l'œil  ;  —  J^Jt  ïÀ'i^à.  khengat  el  ied  :  poignet  : 
j.sr*-tl  «.^^  ceha'  el  ma'djer  :  médium  (doigt)  ;  —  -Js-.^»-?-  djàhat  : 
nombril  ;  —  fçi  t'afar  :  derrière  (subst.)  ;  —  ïi^f  ^f  kerkouba  : 

«  volva  »  ;  —  V 'i^'j   reuggah  et  ,  Lys  i  l'ertouch  :  «  crisla 

vulvaria  »  ;  — jtj.c  sjîj-c  (ce  qu'on  appelle  vulgairement 

chez  nous  «  vesse  »)  ;  —  >■-  '->  ^^t>[j  Lx_i  chta  rak  dair  ; 
qu'est-ce  que  tu  fais?  —  >■} -^-^  4  ^^  ^*  daïr  :  comme  il  agit  ! 
quel  drôle  de  type  !  -^/j-.-  ï*~i.  j.i=>.l  akhla  kheimat  sidek 
(littéralement  :  que  Dieu  vide  la  tente  de  votre  père.  Cette 
expression  qui  fut  d'abord  imprécatoire  est  devenue  une 
formule  d'étonnement  prononcée  à  tout  bout  de  champ.)  ;  — 
«!_)L»  hara .'  voyons  !  allons  !  —  a„3  ^^c  Lxi  :  qu'est-ce  que  ça 
méfait? 

i  »!>'  L/>  ma  thenima  che  :  pas  bon,  mauvais  (veut  dire  à 
Tunis  :  il  n'y  a  pas). 

Les  expressions  suivantes  sont  également  usitées  à  Tunis  où 
nous  avons  eu  l'occasion  de  les  entendre  maintes  fois  :  iiLjj  y 
hou  riat'a  :  oiseau  :  —  <^-- !-=>■  djahia  :  bassin  ;  —  X_,C9  hakka  : 
ainsi;  — ^^^  ^^'adl  :  là-bas;  ^  ï-'ly  nouala :  gourbi;  — 
UjL—i  chara  :  cible;  ^i — i  k' ad  aor.  ^j-~--,  ik'oud:  conduire 
(cheval)  ;  —  ^Jy  hoiinia  :  coup  de  poing  ;  —  i  f^sr^  meh'ebra  : 
encrier;  ï?K=^  kherrafa:  fable,    histoire;   —    s^L^c  âmara  : 

musette  ;  ^jj  rouch'  :  partir  ;  —  , tLL  t'nf  aor.  ajL>  if  ouf  : 

parcourir  ;  —  j^L  j}j  oiialou  ouaJi'ed  :  pas  un  seul  ;  —  _j.a«=. 
Kesen  :  raser. 


DE  LA   COMMUNE   MIXTE   DE  LA   MINA  211 

On  trouve  encore  :  s  x>^  endeh  f  va  (usité  en  Egypte);  — 
r.  li  gaâ  :  tous,  tout,  jamais  (employé  également  à  Biskra)  ;  — 
jifi.^  kenziz:  «  crista  vulvœ  »  (employé  par  les  Arabes  du 
Sud). 

Les  noms  berbères  restés  à  certains  lieux  comme  Tiliouanet, 
Tamakroust,  et  à  certaines  tribus,  comme  les  Béni  R'eddou, 
prouvent  suffisamment  que  cette  race  autochtone  a  largement 
contribué  à  la  population  du  pays.  M.  Carette  évaluait  à 
10,900  arabes  la  population  des  Flitta  ;  à  11,900  arabes  celle 
des  Medjeher;  à  26,200  habitants,  dont  15,000  berbères,  celle 
de  l'aghalik  de  Mina  et  Chélit'.  En  réalité,  seuls  les  Flitta  sont 
d'origine  arabe  sans  qu'il  y  ait  trop  de  mélanges,  mais  les 
Medjeherne  formaient  plus,  en  1850,  de  tribu  distincte  :  c'était 
un  nom  de  district  donné  à  un  amalgame  de  petites  tribus 
hétérogènes,  les  unes  berbères,  les  autres  arabes,  vivant  avec 
assez  d'intelligence  pour  qu'on  pût  les  considérer  comme  un 
tout  politique. 

Nous  verrons  plus  loin  de  quelle  faron  est  répartie  la  popu- 
lation agricole  dans  la  commune  mixte  en  général  et  dans  les 
centres  annexes. 


Chapilie  IV.  —  ÉTAT  ECONOMIQUE 

Ayriciilture,  Industrie 
Commerce  et  Voies  de  commuiiicatiou.  Finances 

La  commune  mixte  de  la  Mina  présente  des  régions  très 
fertiles  ;  les  plus  importantes  sont  :  la  plaine  de  Sirat,  les 
terres  basses  des  Oulad  bon  Abça,  la  plaine  de  l'Hillil  et  celle 
de  la  Mina  sur  certaines  parties,  la  région  de  Mekhalia. 

Chez  les  Oulad  bon  Ali,  les  Douair  Flitta  et  les  Guerboussa, 
seules  quelques  petites  plaines  otïrent  un  champ  à  la  culture 
et  ont  un  assez  joli  rapport  ;  mais  le  reste  qui  se  compose  de 
collines  érodées  et  nues  ne  produit  à  peu  près  rien. 

Au  nord  de  Kalàa  et  de  Tiliouanet  s'étend  la  fertile  plaine 
de  Sammar,  salubre,  bien  située,  facilement  arrosable,  cette 
plaine  semblait  faite  exprès  pour  l'établissement  d'un  centre 
français  de  colonisation.  Des  tentatives  furent  faites  pour 
persuader  aux  indigènes  de  céder  leurs  terres  par  voie 
amiable.  Mais  ceux-ci  opposèrent  un   refus  systématique  à 


212  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE   ET   HISTORIQUE 

l'administration.  Pour  vaincre  leur  résistance,  on  aurait  pu 
prononcer  l'expropriation  avec  prise  de  possession  du  sol 
d'urgence  pour  cause  d'utilité  publique  ;  mais  des  considéra- 
tions d'ordre  politique  empêchèrent  l'autorité  supérieure 
d'avoir  recours  à  ce  moyen  extrême.  Le  centre  de  Sammar 
aurait  pu  être  installé  dans  des  conditions  excellentes.  Le  sol 
convient  aux  cultures  les  plus  variées  et  l'eau,  de  qualité 
excellente,  y  est  très  abondante  ;  on  compte  en  etTet,  dans  un 
rayon  de  moins  de  trois  kilomètres  cinq  sources  d'eaux  vives 
donnant  en  toute  saison  un  débit  considérable.  Cependant, 
depuis  quelques  années,  des  mutations  nombreuses  se  sont 
produites  dans  la  possession  du  sol.  Une  partie  des  terres  de 
Sammar  appartient  aujourd'hui  à  des  européens  qui  ont  créé 
là  deux  exploitations  agricoles.  On  peut  donc  présumer,  sans 
être  taxé  d'exagération,  que  dans  un  avenir  assez  rapprociié, 
la  plaine  de  Sammar,  déjà  entamée  par  la  colonisaiion  libre, 
sera  tout  entière  entre  les  mains  des  européens 

Chez  les  Sidi  Saàda,  c'est-à-dire  sur  le  territoire  des  Béni 
R'eddou,  la  qualité  des  terrains  est  médiocre.  Les  indigènes, 
anciens  berbères,  cultivent  peu  les  céréales  et  vivent  maigre- 
ment des  produits  de  leurs  troupeaux. 

Les  douars-commune  de  El-Romri,  Sfafa  et  Sahouria 
embrassent  des  régions  de  plaines  en  partie  irriguées,  par 
l'Oued  Mekhallouf  et  les  eaux  du  marais  de  Bouguirat  pour  le 
premier,  les  eaux  de  l'Oued  Malah  et  de  l'Oued  Fergoug  pour 
les  deux  derniers.  Malgré  cela,  les  terres  qui  sont  salées  sur 
plusieurs  points  et  pauvres  en  général  comme  toutes  celles 
qui  sont  situées  dans  la  plaine  de  l'Habra,  n'ont  rien  que  de 
très  ordinaire  comme  rapport.  Les  Béni  Yah'i  sont  sillonnés 
de  canaux  de  drainage,  et,  de  même  que  le  douar-commune 
L'Ahl  el  Hessiane,  ont  la  plupart  de  leurs  terrains  inondés  en 
hiver,  et  par  suite  incultivables,  seuls  les  mamelons  sont 
labourés  el  ont  un  rendement  suffisant  en  céréales. 

Le  douar-commune  des  Hassainia  situé  dans  la  plaine  de 
Sirat  produit  d'abondantes  récoltes  pour  peu  que  l'année  soit 
pluvieuse,  mais  souvent  il  arrive  que  l'orge  et  le  blé  verts 
sèchent  sur  place  faute  d'eau  :  c'est  le  cas  qui  se  présente 
dans  presque  toute  la  plaine  du  Ghélif. 

Les  Oulad  bou  Abça  renferment  des  terres:  excellentes, 
notamment  aux  environs  de  Bouguirat  et  de  Blad  Touaria. 
Les  terrains  y  sont  riches  en  général  et  ne  sont  cédés  par  les 


DE  LA.  COMMUNE  MIXTE  DE  LA  MINA  213 

indigènes  qu'à  des  prix  rappelant  ceux  des  propriétés  de  la 
Mitidja.  Toutes  les  cultures  y  peuvent  être  expérimentées 
avec  succès.  Il  est  regrettable  que  cette  région  ne  soit  pas 
plus  abondante  en  eaux  vives  :  ce  qui  permettrait  des  irriga- 
tions favorables  au  développement  de  la  production.  Plusieurs 
indigènes  se  sont  mis,  à  l'instar  des  colons  voisins,  à  planter 
de  la  vigne  qui  donne  de  très  beaux  résultats. 

Grâce  à  l'incurie,  à  l'imprévoyance  et  à  l'apathie  tradition- 
nelle des  indigènes  des  Sficifa,  Ghoualize  et  Oulad  Chafa,  les 
sables  poursuivent  leur  marche  envahissante  sur  plusieurs 
points  de  ces  douars-communes.  Dans  cette  région,  de  superbes 
jardins  de  figuiers  ont  été  complètement  recouverts  par  de 
petites  dunes  qui  se  déplacent  sous  l'action  violente  des  vents 
du  sud  et  du  sud-ouest^lj.  C'est  à  peine  si  l'on  voit  émerger 
au-dessus  du  rouge  brun  des  sables  le  sommet  de  ces  arbres 
qui  périssent  peu  à  peu  étouffés. 

D'autres  terres  cultivées  en  céréales  ont  également  été 
envahies  et  rendues  impropres  à  toute  culture.  Cette  situation 
déplorable  est  la  conséquence  du  déboisement  inconsidéré 
effectué  par  les  indigènes  qui,  non  contents  d'arracher  et  de 
détruire  les  arbres  et  arbustes,  s'attaquent  aujourd'hui  aux 
genêts,  et,  en  général,  à  toute  ^égétation,  ignorant  l'immense 
avantage  qu'il  y  a  pour  eux  à  conserver  la  végétation  dont  les 
racines  maintiennent  les  sables  et  s'opposent  à  leur  dépla- 
cement. 

Le  meilleur  moyen  de  prévenir  l'envahissement  des  sables 
consiste  dans  l'établissement,  de  distance  en  distance,  de 
haies  de  genêts  ou  de  roseaux.  Ces  haies  présentent  le  double 
avantage  d'opposer  un  obstacle  à  la  violence  des  vents  et 
d'empêcher  le  glissement  des  terres.  Les  roseaux  ne  peuvent 
cependant  être  enjployés  que  dans  les  lieux  relativement 
humides  et  peuvent  être  avantageusement  remplacés  par  les 
tamarins  ou  pins  maritimes  qui  trouvent,  dans  un  terrain 
sabloneux,  leur  élément  favori  et  n'exigent  d'autre  entretien 
que  la  surveillance  active  des  troupeaux  que  l'on  doit  natu- 
rellement éviter  de  faire  passer  dans  les  pépinières  de  jeunes 
pousses  d'arbres. 


(1)  L'existence  première  de  ce  sable  provient  de  la  qualité  du  sol 
superficiel  qui  contient  des  matières  ferrugineuses  désagrégées  par,  les 
pluies,  les  vents  violents  et  les  pas  des  troupeaux. 


214  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE  ET  HISTORIQUE 

Chez  les  R'oufirat  oulad  Doni,  le  sol  est  de  qualité  médiocre 
et  ne  donne  de  récoltes  satisfaisantes  que  dans  les  années 
pluvieuses. 

Le  territoire  des  Oulad  Sidi  Yousef  est  presqu'exclusivement 
occupé  par  des  régions  montagneuses  et  forestières,  entr'autres 
la  forêt  domaniale,  celles  d'Ennaro  et  de  l'AUrboube.  Aussi,  les 
habitants  de  ce  douar-commune  se  livrent-ils  presqu'exclusi- 
vement à  l'élevage  des  troupeaux  et  à  la  fabrication  du  charbon 
et  du  goudron. 

Les  Ouled  Addi,  Kiaïba  et  Bel  Hacel  composent  l'ex-terri- 
toire  des  Ouled  Ahmed.  La  qualité  du  sol  cultivable,  c'est  à- 
dire  de  la  partie-plaine,  est  moins  qu'ordinaire  ;  le  rapport  est 
satisfaisant  si  l'année  est  très  pluvieuse,  et  la  situation  favorable 
de  cette  région  à  la  jonction  de  deux  grands  cours  d'eau  (le 
Chélif  et  la  Mina)  n'est  pas  en  rapport  avec  la  richesse  des 
terrains. 

Les  trois  douars-communes  d'Ain  eKGuettar,  Zgair  et 
Tahamda,  situés  sur  l'ancien  emplacement  de  la  tribu  des 
Mekhalia,  possèdent  un  sol  également  fertile  :  il  y  a  là  un 
grand  nombre  de  jardins  et  de  vergers  de  figuiers.  La  culture 
des  céréales  et  la  production  du  miel  y  sont  les  principales 
ressources. 

Le  territoire  des  Chelafa,  d'une  grande  fertilité,  est  traversé 
par  le  Chélif  et  son  affluent  de  gauche,  l'Oued-el-Kebir,  dont 
les  eaux  sont  utilisées  pour  l'irrigation  des  terrains  ;  il  ren- 
ferme des  plantations  de  figuiers  bien  entretenues,  et  son 
voisinage  des  centres  d'Aïn-Tédelès  et  de  Souk-el-Mitou 
assure  aux  cultivateurs  indigènes  un  écoulement  facile  de 
leurs  produits.  Le  sol  est  ix)ssédé  à  titre  a  melk  »  ;  la  tribu  ne 
renferme  ni  terrains  collectifs  de  culture,  ni  terres  de  parcours. 

Chez  les  Oulad  Sidi  Brahim,  le  pays  est  montagneux  et  en 
partie  formé  par  les  contreforts  du  Dahra  ;  les  terres,  bien  que 
de  bonne  qualité,  ne  donnent  de  belles  récolles  que  dans  les 
années  pluvieuses.  Parmi  les  sources,  en  petit  nombre,  deux 
sont  thermales,  à  la  température  de  46",  mais  sans  importance 
au  point  de  vue  médical. 

Le  douar-commune  de  Mina,  arrosé  par  la  Mina  et  l'Oued 
Hillil,  irrigué  par  des  travaux  de  colonisation  est  généralement 
fertile,  et,  au  contraire  des  contrées  voisines;  n'a  de  beaux 
rapports  que  par  les  années  pluvieuses  moyennes.  Il  est  faci- 
lement inondé  à  la  moindre  crue  des  eaux  et   n'olTre  plus 


DE   LA    CO^rMC^•E   MIXTE   DE   LA   MINA  215 

qu'un  vaste  lac  de  boue  et  d'argile.  Dès  lors,  toute  culture 
devient  impossible  et  les  douars  sont  obligés  de  se  retirer 
pour  aller  camper  sur  les  hauteurs.  C'est  la  partie  de  la 
commune  mixte  qui  a  le  plus  à  souffrir  des  inondations  ou 
des  périodes  de  pluies  prolongées.  Les  parties  basses  du  douar- 
commune  d'El  Messabehia  présentent  la  même  fertilité  que  le 
sol  des  territoires  de  Clinchant  et  Relizane. 

En  résumé,  les  régions  de  la  commune  mixte  de  la  Mina  au 
point  de  vue  agricole  peuvent  se  ramener  à  ceci  :  Collines 
sablonneuses  au  nord  ;  terrains  médiocres  au  centre  ;  terres 
excellentes  dans  les  régions  de  Kalaà,  Oulad  bou  Abça  et 
Mekhalia  ;  terres  fortes  dans  les  plaines  avoisinant  Perrégaux. 

Voici  quelques  données  statistiques  agricoles  relatives  à 
cette  région  : 

EUROPÉENS 

Superficie  des  propriétés  :  7,765  hectares. 

Population  agricole  :  230  hommes  ;  180  femmes  ;  2'2.3  enfants. 

—  Total  :  635  habitants. 

Bestiaux  :   197  chevaux  ;   75  mulets  ;   15  ânes  ;  669  bœufs  ; 

1,011  moutons  ;  232  chèvres  ;  146  porcs.  —  Total  :  2,245. 
Matériel  agricole  :  332  charrues  ;  121  herses,  semoirs,  etc. . .  ; 

196  chariots  ;  124  faucheuses  ;  5  machines  à  battre  ;  30  tarares  ; 

18  égrappoirs.  —  Total  :  726.  —  Valeur  :  180,830  francs). 
Constructions  :  206  maisons  ;  5  moulins  ;  48  tentes  ou  gourbis  ; 

124  puits  et  norias.  —  Valeur  totale  :  636,830  francs. 
Arbres   :  Fruitiers  à   feuilles  caduques,   9,935  ;    bananiers, 

citronniers,    orangers,    2,650  ;    oliviers    greffés,    11,832  ; 

mûriers,  1,451  ;  divers  :  9,672.  —  Total  :  34,540. 
Vignes  :  107  hectares  de  jeunes  plants  ;  574  hectares  de  cépages 

noirs  ;  8  hectares  de  cépages  blancs.  —  Total  :  689  hectares. 

—  Rapport  :  4,170  hectolitres  de  vins  rouges  et  198  hecto- 
litres de  vins  blancs. 

Oliviers  :  Rapport,  3,000  kilos  d'olives,  20hectos  d  huile. 
Céréales  :  Blés  tendres  (644  hect.  =  2,151  quint.)  ;  blés  durs 

(498  hect.  =  .561  quint.)  ;  orges  (1294  hect.  =3,040  quint.)  ; 

divers  (200  hect.  =  600  quint.) 
Apiculteurs  :  6  (36  ruches). 
Légumes  :  53  hectares  de  cultures. 


216  MONOGRAPHIE  GÉOGRAPHIQUE  ET  HISTORIQUE 


INDIGÈNES 

Superficie  des  propriétés  :  1 10,850  hectares. 

Population  agricole  :  10,646  hommes  ;  10,940  femmes  ;  22,432 

enfants.  —  Total  :  43,788  habitants. 
Bestiaux:  2,971  chevaux  ;  174  mulets;  4,625  ânes;  78  chameaux; 

14,047   bœufs   ;    62,2il    moutons    ;    36,046    chèvres.     — 

Total  :  119,972. 
Matériel  agricole  :  Charrues  de  toutes  formes,  2.198  ;  chariots 

et  charrettes,  19.  —  Valeur  totale  :  31,825  francs. 
Constructions  :   1,325   maisons  ;   7.420   tentes    ou  gourbis  ; 

2  moulins;  397  puits  ou  norias.—  Valeur  totale  :  1,484,050  fr. 
Arbres  :  Fruitiers   à  feuilles  caduques,    125,000  ;  bananiers, 

orangers,  citronniers,  200  ;  oliviers  greffés,  1,800  ;  divers, 

un  millier. 
Apiculteurs  :  270  (2,882  ruches). 
Vignes  :  28  hectares. 
Céréales  :  Blé  tendre  f4,100  hect.  =  36,284  quint.)  ;  blé  dur, 

(5,346hect.=  64,493  quint.);  orges,  (21,000  hect.  =230,724 

quint.)  ;  divers,  600  hect.  zz  3,000  quint.) 

La  production  moyenne  annuelle  des  animaux  domestiques 
dans  la  commune  mixte  est  la  suivante  : 

303  ciievaux  et  juments  ;  63  mules  et  mulets  ;  413  ânes  et 
ânesses  ;  9,927  moutons,  héliers  et  brebis  ;  6,785  boucs 
et  chèvres. 

Tous  les  chiffres  qui  précèdent  proviennent  des  statistiques 
établies  pour  l'année  1890-1900,  année  particulièrement 
~  meurtrière  pour  les  races  bovine,  ovine  et  caprine. 

Gomme  on  l'a  vu  ci-dessus,  les  céréales,  la  vigne,  les  arbres 
fruitiers  (orangers,  bananiers,  pêchers,  abricotiers,  figuiers, 
citronniers,  poiriers,  etc.)  sont  les  seules  cultures  importantes 
du  pays.  On  peut  y  ajouter  celle  des  légumes  qui  n'occupe  que 
quelques  Européens  ;  celle  du  tabac,  du  lin  ei  de  la  garance, 
fort  restreintes,  que  pratiquent  quelques  indigènes. 

L'introduction  du  cotonnier  dans  le  pays  remonte  à  l'invasion 
arabe.  Plusieurs  siècles,  cette  culture  se  maintint  dans  le 
département  d'Oran.  Elle  fut  reprise  pendant  la  guerre  de 
sécession  où  elle  donna  des  résultats  rémunci'ateurs.  En  1889, 
le    coton   occupait  3,000  hectares  dans  la  région  du  Sig,  de 


DE   LA   COMMUNE  MIXTE   DE   LA   MINA  217 

l'Habra  et  de  Relizane.  Les  prix  de  cette  année  furent  désastreux 
et  la  récolte  fut  médiocre.  En  l'absence  d'un  cours  régulier  du 
prix,  les  achats  devinrent  le  monopole  de  2  ou  3  maisons  qui 
abusèrent  de  la  situation  et  s'enrichirent  en  ruinant  de  nom- 
breux cultivateurs  pressés  de  réaliser.  A  partir  de  1870,  cette 
culture  fut  peu  à  peu  abandonnée.  En  1874,  elle  ne  dépassait 
pas  592  hectares  dans  tout  le  département  d'Oran  (produisant 
278.800  kilos  de  coton  net  égrené  —  variété  longue  soie  — ). 
Elle  dut  cesser  finalement  à  cause  de  la  concurrence  et  n'a  pas 
été  reprise  depuis. 

L'élevage  du  ver  à  soie  a  été  et  est  en  pratique  sur  une  trop 
petite  échelle  pour  qu'il  vaille  la  peine  de  s'y  arrêter.  Ce  genre 
d'industrie  mériterait  cependant  qu'on  s'en  occupe  d'une  façon 
toute  spéciale,  en  raison  de  l'extrême  facilité  avec  laquelle 
viennent  les  mûriers  ,sur  certains  points  de  la  commune 
mixte. 

Les  irrigations  des  terrains  de  la  commune  mixte  de  la  Mina 
sont  loin  d'être  réglementées  d'une  façon  satisfaisante.  Nous 
verrons  plus  loin,  aux  monographies  des  centres  de  Relizane 
et  de  l'Hillil  les  améliorations  qu'il  conviendrait  de  faire  pour 
le  bien  de  l'agriculture  en  général  et  la  colonisation  en 
particulier. 

En  dehors  de  la  Mina  et  de  l'Oued  Hillil,  les  ruisseaux  et 
torrents  de  la  région  n'ont  été  l'objet  d'aucuns  travaux  ayant 
quelque  importance.  L'Oued  Tiliouanet  est  tout  à  fait  en  dehors 
du  territoire  de  colonisation.  Une  partie  deses  eaux  est  dérivée 
pour  l'alimentation  en  eau  potable  de  la  ville  de  Relizane.  Le 
reste  est  utilisée  par  les  indigènes  pour  arroser  leurs  jardins. 

Les  indigènes  riverains  de  l'Oued  Kalâa  ont  la  libre 
jouissance  des  eaux  en  vertu  de  l'article  2  de  l'arrêté  de  régle- 
mentation du  14  mai  1868.  Article  ainsi  conçu  :  «  Les  eaux  de 
«  l'Oued  Kalâa,  jusqu'à  son  confluent  avec  l'Ougd  Mesrata, 
«  sont  attribuées  aux  indigènes  de  la  vallée  de  Kalâa  qui 
«  pourront  en  user  en  tout  temps  comme  bon  leur  semblera, 
«  sauf  réglementation  ultérieure  s'il  y  a  lieu  ».  Dans  la  nouvelle 
réglementation  des  eaux  de  l'Hillil  les  concessionnaires  n'em- 
ploient que  le  volume  qui  leur  est  nécessaire  tant  pour  leur 
alimentation  que  pour  l'arrosage  de  leurs  jardins.  Le  surplus 
serait  attribué  aux  usagers  d'aval . 

Le  ruisseau  de  Mesrata  a  un  débit  de  80  litres  à  la  seconde 
sur  lequel  les  indigènes  voisins  des  sources  sont  autorisés  à 


218  JIONOGRAPIIIE   GÉOGRAPHIQUE   ET   HISTORIQUE 

prélever  16  litres  58  pour  l'arrosage  de  22  hectares  10  de 
jardins. 

Les  sources  de  l'Oued  el  Kheir  et  d'Aïn-Hallouf  (monts  de 
Mekhalia)  seront  utilisées  lorsque  l'on  se  décidera  de  construire 
àcet  endroit  le  village  d'Ain-Hallouf  dont  la  création  est  projetée 
depuis  très  longtemps. 

On  a  dégagé  et  réglementé  les  sources  de  Sidi  Moussa  et 
Sidi-Ameur  qui  sourdent  de  la  berge  droite  de  l'Oued  Hillil 
pour  en  faire  jouir  les  habitants  du  village  de  ce  nom. 

Les  sources  de  la  plaine  de  Sammar  sont  nombreuses  et 
fournissent  de  l'eau  excellente.  Les  principales  sont  : 

L'Aïn-Djerda       débit  à  la  seconde  :  8  lit.  00 

L'Aïn-Mekra  —  3—00 

L'Aïn-Brahim  —  2—50 

L'Aïn-Tebouba  —  1   —    50 


Total 15  lit.  00 

Toutes  les  sources  sont  utilisées  soit  par  les  indigènes  qui 
s'en  prétendent  propriétaires  en  vertu  de  titres  émanant  de  la 
domination  turque,  soit  par  les  colons  européens  qui  s'y  sont 
établis.  Quoiqu'il  en  soit,  on  pourrait  toujours  prélever  sur 
les  dites  sources  la  quantité  d'eau  nécessaire  pour  l'alimenta- 
tion d'un  village  au  cas  où  on  finirait  par  en  créer  un  sur  ce 
point. 

L'Oued  Malah,  l'Oued  Addad  et  l'Oued  Mekhalouf  qui  ont 
des  bassins  hydrograpliiques  très  étendus  sont  complètement 
à  sec  en  temps  ordinaire  ;  mais  lorsqu'il  pleut  dans  les  régions 
montagneuses  où  ils  prennent  naissance,  ils  débitent  un  volume 
d'eau  considérable  qui  va  se  perdre  dans  la  plaine  de  l'Habra, 
fort  mal  réglementé  par  des  travaux  d'irrigations  rudimen- 
taires,  parmi  lesquels  le  barrage  del'Oued  Mekhalouf,  dont  nous 
aurons  l'occasion  de  parler  à  propos  du  centre  de  Nouvion 
(El-Romri). 

On  a  proposé  d'établir  des  barrages  de  dérivation  pour 
l'utilisation  des  petites  crues  de  l'Oued  Addad  et  des  deux 
autres.  Le  barrage  de  l'Oued  Malah  permettrait  d'arroser  une 
partie  des  territoires  des  douars-commune  de  Sahouria,  El 


DE   LA   COMMUNE   MIXTE    DE    LA    MINA  219 

Romri,  Béni  Yahi,  soit  une  superficie  d'environ  1,000  hectares. 
II  coûterait  200,000  francs  à  établir. 

La  commune  mixte  de  la  Mina  ne  contient  pas  de  minerais. 
Il  existe  aux  Oulad  Addi  un  lac  .salé  dit  des  Akerma  Cheraga 
CD  de  Sidi  bou  Zian,  dont  la  superficie  atteint  1,720  hectares  et 
que  nous  avons  cité  au  chapitre  de  l'hydrographie.  Il  est 
exploité  par  des  industriels  qui  l'ont  relié  à  la  station  de  l'Oued 
Djemâa  (P.-L.-M.)  par  une  voie  Decauville.  Il  produit  une 
quantité  annuelle  d'environ  3,600  tonnes  de  sel. 

On  a  fait  beaucoup  de  bruit  ces  temps  derniers  autour  des 
fameux  gisements  pétrolifères  de  Tiliouanet  appelés  plus 
communément  «  sources  de  pétroles  de  Relizane  ».  Des  indi- 
gènes ayant  signalé  il  y  a  quelques  mois  la  présence  d'eaux 
ft  sentant  mauvais  »,  des  ingénieurs  se  rendirent  sur  les  lieux 
et,  après  avoir  sondé  le'terrain,  trouvèrent  le  moyen  d'extraire 
une  certaine  quantité  de  pétrole  d'excellente  qualité.  Mais  une 
fois  ces  premières  poches  épuisées  assez  rapidement,  les 
recherches  ne  donnèrent  plus  ce  qu'on  aurait  pu  présumer. 
Déjà  on  avait  fondé  grand  espoir  sur  cette  nouvelle  ressource 
du  pays,  on  parlait  de  créer  un  chemin  de  fer  Decauville  pour 
emporter  les  quantités  considérables  de  pétrole  extrait,  on 
évaluait  les  fortunes  qui  allaient  se  gagner,  en  un  mot,  la 
fable  de  Pérette  se  renouvelait  une  fois  de  plus,  mais  malheu- 
reusement les  résultats  obtenus  ne  répondirent  pas  aux 
espérances  enthousiastes  de  ceux  qui  avaient  fait  les  premiers 
sondages  et  en  avaient  été  si  bien  récompensés. 

Depuis  plus  d'un  an,  Relizane  est  dotée  de  quatre  couîpagnies 
ayant  pour  but  de  trouver  le  pétrole  en  question.  Elles  ont 
installé  leurs  chantiers  à  Tiliouanet,  et  cette  installation  leur 
a  coûté  plus  d'un  million.  La  «  Compagnie  française  des  Mines 
de  Pétrole  »,  dont  l'ingénieur  et  les  sondeurs  sont  Polonais,  a 
fait  venir  son  matériel  très  perfectionné  de  Galicie,  où  se 
trouvent,  on  le  sait,  de  nombreuses  exploitations  de  gisements 
pétrolifères.  Ces  compagnies  ont  déjà  creusé  des  puits  allant 
jusqu'à  500  mètres  de  profondeur  sans  avoir  jusqu'à  ce  jour 
obtenu  des  résultats  satisfaisants.  On  n'a  pas  encore  pu 
déterminer  exactement  quelle  est  l'orientation  des  couches  où 
l'on  suppose  qu'il  y  a  du  pétrole  ;  et  on  est  encore  à  se 
demander  si  on  se  trouve  soit  en  présence  de  nappes  souter- 
raines, soit  de  poches,  soit  de  filons.  Dans  certains  puits,  les 
suintements  sont,  paraît-il,  abondants,  et  le  pétrole  qu'on  en 


220  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE    ET    HISTORIQUE 

retire  est  de  qualité  supérieure  :  aussi  les  ingénieurs  ont-ils 
encore  quelque  espoir.  La  difficulté  est  de  tomber  juste,  que 
ce  soit  nappe,  filon  ou  poche,  et  de  longs  mois  peut-être 
s'écouleront  avant  d'arriver  à  une  solution  quelconque.  Jusqu'à 
ce  jour,  ce  sont  les  indigènes  qui  ont  retiré  le  plus  clair 
bénéfice  de  l'arrivée  de  ces  compagnies.  Des  terrains  incultes, 
absolument  dénudés,  qui  n'avaient  auparavant  aucune  valeur, 
se  sont  vendus  jusqu'à  sept  et  huit  cents  francs  l'hectare. 
Incontestablement,  et  toutes  les  personnes  compétentes  qui 
ont  visité  la  région  sont  unanimes  à  le  reconnaître,  il  existe 
du  pétrole  dans  les  environs  de  Tiliouanet,  douaïr  Flitta, 
Kalàa  et  Oulad  bou  Ali.  La  nature  du  sol  et  les  nombreux 
suintements  constatés  ne  laissent  aucun  doute  à  ce  sujet. 
Malheureusement,  il  est  pour  ainsi  dire  impossible  de  déter- 
miner exactement  la  direction  et  la  profondeur  de  la  nappe 
pétrolifère.  Ce  n'est  qu'à  force  de  multiplier  les  sondages 
qu'on  arrivera  peut-être  à  être  fixé  sur  ce  point. 

Une  source  sulfureuse  appelée  «  Aïn-Mekeberta  »  par  les 
arabes  du  pays  coule  chez  les  Hassaïnia,  sur  le  versant  est  du 
djebel  Milar.  Elle  est  fort  appréciée  des  indigènes  et  des 
colons  qui  font  utilisée  pour  se  traiter,  mais  son  éloignement 
de  tout  chemin  de  grande  communication  s'opposera  long- 
temps à  ce  qu'elle  soit  l'objet  d'une  exploitation  quelconque. 

La  commune  mixte  de  la  Mina  est,  de  tout  l'arrondissement, 
la  commune  où  l'on  fabrique  le  plus  de  tissus.  Outre  les 
objets  nécessaires  à  la  consommation  locale,  on  y  confectionne, 
surtout  dans  la  ville  de  Kalàa,  une  assez  grande  quantité  de 
tapis  destinés  à  la  vente.  Cependant,  pour  arriver  à  livrer  la 
marchandise  plus  rapidement  et  à  y  consacrer  le  plus  capital 
possible,  les  femmes  ont  dii  se  mettre  à  tisser  des  tapis  tout  à 
fait  inférieurs  aux  anciens.  La  teinture  végétale,  très  tendre 
mais  chère,  a  été  remplacée  par  la  teinture  minérale  qu'elles 
achètent  à  vil  prix,  mais  qui  se  fane  rapidement.  Dans  ces 
conditions,  l'industrie  «  tapissière  »  est  tombée  à  un  degré 
bien  inférieur  à  ce  qu'elle  était  avant. 

Il  y  a  quelques  années,  M.  Missier,  instituteur  français,  fut 
nommé  à  Kalàa.  Sa  femme,  prévoyant  la  disparition  prochaine 
de  l'industrie  qui  faisait  vivre  la  bourgade,  essaya  de  la  sauver 
dans  la  mesure  de  ses  forces.  Après  plusieurs  mois  d'essai 
pendant  lesquels  elle  n'usa  que  de  ses  ressources  particulières, 
elle  arriva  presqu'au  but  qu'elle  s'était  proposé.  Aujourd'hui, 


DE   LA   COMMUNE   MIXTE   DE   LA  MINA  221 

elle  tient  une  sorte  d'ouvroir-atelier  où,  sous  sa  direction, 
quelques  femmes  de  la  ville  font  des  tapis  plus  soignés  que 
ceux  tissés  par  les  autres  professionnels  de  Kalàa.  Malheureu- 
sement, M™<=  Missier  a,  parait-il,  épuisé  ses  économies  dans 
son  œuvre  de  régénér'ation  professionnelle,  et  elle  pourrait 
bien  être  obligée  de  fermer  un  jour  son  ouvroir.  Le  Gouver- 
nement français  a  pour  devoir  de  ne  pas  laisser  périr  cette 
industrie  et  de  lui  rendre,  dans  la  mesure  du  possible,  sa 
prospérité  ancienne. 

Il  y  a  en  ce  moment  à  Kalàa  de  4  à  500  métiers  à  tapis,  et 
leurs  ouvrières  ne  gagnent  guère  plus  de  50  centimes  en 
moyenne  par  jour.  On  juge  donc  quelle  marge  de  développe- 
njent  il  y  a  là  comme  main-d'œuvre,  comme  salaires  et  comme 
industrie.  Les  habitants  de  Kalàa,  laborieux,  paisibles  et 
pauvres,  ont  droit  à  la  sollicitude  spéciale  du  Gouvernement. 
Ils  sont  industrieux.  Ils  envoient  leurs  enfants  à  l'école  qui 
compte  six  classes  et  n'ont  jamais  pris  part  à  une  insurrection 
quelconque,  sauf  de  très  rates  exceptions. 

La  concurrence  que  font  aux  tapis  de  Kalàa  les  produits 
similaires  de  Tiaret  et  du  Maroc  auxquels  les  indigènes  aisés 
donnent  la  préférence,  semble  également  avoir  contribué  à  la 
décadence  de  l'industrie  tapissière  de  Kalàa.  Pour  la  relever, 
le  Gouvernement  général  ferait  bien  d'accorder  à  M™"  Missier, 
directrice  de  l'ouvroir,  une  subvention  annuelle  de  50  francs 
au  minimum.  Il  conviendrait  aussi  d'accorder  des  primes  aux 
produits  fabriqués  exclusivement  à  l'aide  de  couleurs  végéta- 
les et  d'ouvrir  un  concours  pour  faire  ressortir  la  valeur  des 
tapis  tissés  par  les  ouvrières  de  cette  localité,  (l; 

On  y  fabrique  aussi  des  burnous,  des  babouches  ;  des 
tanneurs  et  des  meuniers  indigènes  y  sont  en  assez  grand 
nombre. 

L'ancien  territoire  des  Medjeher  fournit  à  la  consommation 
des  tribus  environnantes  une  grande  quantité  de  pains  de 
figues. 

Le  commerce  de  la  commune  mixte  consiste  en  exportation 
de  produits  agricoles  et  de  bestiaux,  en  importation  de 
produits  industriels,  et  en  échar;ge  entre  indigènes  et  colons 


(1)  Certains  de  ces  produits  sont  de  fabricalion  très  fine  et  peuvent 
rivaliser  pour  la  beauté  de  dessia  et  d'exécution  avec  les  plus  jolis  tapis 
de  Smyrne  et  de  Syrie. 

16 


222  MONOGRAPHIE    GÉOGRAPHIQUE    ET    HISTORIQUE 

opérés  sur  les  marchés  des  communes  de  plein  exercice  de 
Bouguirat,  l'Hillil,  Blad  Touaria,  Aboukir  et  surtout  Relizane, 
sur  les  places  des  centres  de  colonisation  tels  que  Sirat, 
Nouvion,  Clinchant,  Sahouria  et  de  Kalàa  (dont  le  marché  a 
lieu  le  samedi). 

Les  voies  de  communication  importantes  qui  sillonnent  le 
territoire  sont  ;  la  route  nationale  d'Alger  à  Oran  n°  4 
(portion  compi'ise  entre  Aboukir  et  Ferry)  ;  la  route  nationale 
n»  7  de  Relizane  au  Maroc  (terminée  de  Relizane  à  Tiliouanet, 
en  piste  de  cette  localité  à  El  Bordj,  après  avoir  passé  par 
Kalàa,  et  reprenant  un  peu  avant  El  Bordj);  route  départe- 
mentale n"  6  du  Sig  à  Bouguirat  (portion  comprise  entre  cette 
localité  et  Perrégaux)  ;  chemin  n"  59  de  Mostaganein  à  Nouvion 
(portion  comprise  entre  ce  centre  et  Ain  sidi  Chérit)  ;  route 
départementale  de  l'Hillil  à  Cacherou  (portion  comprise  entre 
l'Hillil  à  El  Bordj). 

Le  territoire  de  la  commune  mixte  est  en'outre  desservi  par 
17  chemins  vicinaux  classés  de  1  à  17,  parmi  lesquels  la  route 
de  l'Hillil  à  Kalàa,  l'ancienne  route  de  Bel  Hacel  à  Mostaganem, 
la  route  de  l'Hillil  à  Bel  Hacel,  de  l'Hillil  à  Madar,  etc. 

Deux  lignes  de  voies  ferrées  traversent  la  commune  mixte: 

1°  Ligne  d'Alger  à  Oran,  P.-L.-M.,  portion  comprise  entre 
Ferry  et  Perrégaux  qui  passe  à  la  station  des  Salines,  à 
Relizane  (arrêt  de  10  minutes),  Clinchant,  l'Hillil,  Oued- 
Malah  et  Sahouria.  Le  chemin  de  fer  franchit  la  Mina,  l'Hillil 
et  l'oued  Malah  ;  il  est  en  droite  ligne  et  en  plaine  de  Relizane 
à  l'Hillil,  et  n'otlre  quelques  courbures  et  pentes  assez  raides, 
qu'entre  celte  dernière  station  et  Oued-Malah  ; 

2°  Ligne  de  Mostaganem  à  Tiaret  (ex-Compagnie  Franco- 
Algérienne,  actuellement  réseau  d'État  algérien),  portion 
comprise  entre  Oued-el-Kheir  et  Relizane.  En  partant  de  cette 
ville,  la  voie  se  déroule  en  droite  ligne  dans  la  plaine  jusqu'au 
moment  où  elle  franchit  la  Mina  pour  commencer,  aussitôt 
après  la  station  de  Bel-Hacel,  à  serpenter  le  long  des  pentes 
des  monts  de  Bel-Hacel  et  de  l'Aki-boube,  en  des  courbes 
prononcées,  qui  font  exécuter  aux  trains  des  mouvements  de 
roulis  variés,  et  ne  Unissent  qu'à  l'Oued-el-Kheir.  Les  stations 
de  cette  région  de  collines  sont  :  Bel-Hacel  (hameau  arabe 
de  994  habitants),  Sidi-Kheltab  (koubba  du  marabout  de  ce 
nom  ;  jardins  et  vei'gers  arabes),  Mékalia  (quelques  douars), 


DE    LA    COMMUNE    MIXTE    UE    LA    MINA  223 

Oued-el-Kheir.  On  aperçoit,  sur  la  droite,  de  grands  bois 
d'oliviers,  des  broussailles,  des  pins,  d-3S  lentisques,  des 
tuyas  couvrant  d'immenses  ravins. 

Les  forêts  importantes  de  la  commune   mixte  de  la  Mina, 
sont  : 
1"  Forêt  d"En-Naro  (675  hectares)  :  pins,  tuyas,  oliviers  ; 

2"  Forêt  de  l'Akrboube  (2,998  hectares)  :  pins,  chênes, 
lentisques,  oliviers  ; 

3"  Forêt  de  Kalàa  (100  hectares)  :  chênes,  tuyas. 

Les  deux  premières  sont  l'objet  d'une  active  surveillance  de 
l'administration  forestière,  et  il  ne  s'y  produit  pour  ainsi  dire 
jamais  d'incendies,  si  fréquents  dans  d'autres  régions. 

Nous  donnons  ci-cqntre  un  tableau  établissant  la  situatioo 
financière  de  la  commune  mixte  de  la  Mina  (e.x-commune 
mixte  de  l'Hillil)  et  des  communes  de  plein  exercice  agricoles 
de  l'Hillil  et  de  Bouguirat.  Nous  nous  mettons  surtout  à  un  point 
de  vue  visant  la  colonisation  du  pays  et  sa  propriété  en  matière 
agricole,  nous  avons  omis  à  dessein  de  fournir  les  mêmes 
données  sur  Relizane  qui,  devenue  une  petite  ville  et  étant  un 
lieu  de  transaction  commerciale  avant  d'être  centre  agricole, 
a  pris  trop  d'importance  pour  ne  mériter  que  ce  seul  titre. 

On  pourra  voir  dans  le  dit  tableau  les  heureux  effets  de  la 
Caisse  de  Prévoyance  indigène.  Depuis  sa  création,  elle  a 
contribué,  dans  une  large  mesure,  à  atténuer  les  funestes 
effets  de  l'usure.  Complètement  réorganisée  en  1896  par  les 
soins  de  M.  Briquez,  administrateur,  elle  est  en  pleine 
prospérité  aujourd'hui . 


4  MON'OGRAPHIE    GÉOGRAPHIQUE    ET    HISTORIQUE 

SITXJ^TIOlSr 

de     la.     Commune     naixte     de     L'HILI^TL    (MINA).       — 


COM  M  U  N  E 


DESIGN  \TIO\ 

< 

SOLDE 

à  la  clôture 

de 

RECETTES 

TOT.\L 

lies 

DÉPENSES 

SOLDES 
8  la  clôture 

OBSERV.iTIONS 

1 

COMMINE 

JEiercice 
précédïïnt 

RECETTES 

l'eiercice      | 

1897 

29  416  85 

141111    92 

173.528  77 

147.9H  91 

25,626  86      Situation  florissante  qui 
se   maintiendra  en  raison 
des  ressources  dont  dis-  i 

LIIILLIL 

(mi.xtf) 

1898 
1899 

23.626  86 
52.395  94 

ir,:.666  72 
187  097  11 

183.293  58  130,897  64!  52.395  94 
239  493  05,127  918  50  111  574  ôh 

pose  la  commune. 

Les  principaux  produits 
sont  loclroi  de  mer  et  les 
centimes  additionnels  à 
l'impôt  arabe  sélevant 
ensemble  à  40.000  francs 
environ. 

TOT.VL'S.  . . 

1 

Les  prestations  attei- 
gnent un  chiBre  moyen 
de  SO.OOO  Iranus  par  an  ; 
mais  les  2  1  3  sont  versés 
à  la  caisse  départemen- 
tale et  l'autre  tiers  est 
afieclé   aux  travaux    des 

107.439  65 

488.875  75 

596315  ^0 

406  713  05 

189  597  35 

chemins  vicinaux. 

Doat  !i  moj  dii3  e;l 

de... 

IC-2.9.".8  58 

198.771  SO 

135.572  es'  63.199  11 

Société  de  Prévoyant-e  de  la  Coiunuiue  mixte  de  lllillil 

(Aujourd'hui  MINA  miste) 


Le  solde  disponible  en  caisse  s'élève  actuellement  à  180.000  fr  en  cbiffi-es  ronds. 
Son   actif  augmente   chaque    année' de   lO.ODd  fr    Cette   au,a'mentation    provient 
1"  des  cotisations  versées  par  les  Sociétaires  ;  2'  des  intérêts  des  prêtas  ^^onsemtis   soit 
on  argent,  soit  en  nature,  au  taux  de  5  0/0  par  an;  3"  des  intérêts  des  fonds  places 

"'Lerdé'penses  annuelles  se  composent  du  traitement  dii  Secrétaire,  des  remises  du 
Trésorier  et  des  frais  de  bureau   et  d'imprimés.   Ces  dépenses   ne   dépassent   pa.s 

''' La' Société  ell  donc  en  pleine  voie  de  prospérité  et  est  appelée  à  rendre  de  réels 
services  aux  indigènes  nécessiteux. 


DE   LA    COMMUNE    MIXTE    DE    LA    MINA  225 

Fiisr^isroiÈK.E 

Relevé  des  ImpÔLs   directs  A;  indirects  revenant  au  Trésor 


TRÉSOR 


PAR    DES    IMPÔTS   REVENANT   AU   TRÉSOR,    SAVOIR 


IMPÔTS    AHAIirS 


36.448  18 


-'3  33 


109.171  81 


5.3?8  50 


IMPOTS 
INDIRECTS 

Licence  des  Boisson' 

et  Tabacs 
et  droits  o'dlcools 


TOTAL 
OENÉRAL 


I  M  P  O  T  s 

du 

TRÉSOn 


3.':05  02 


119.. "20  83 


Los  sommos  mentionnées  ci-dessus  concernant  les  impôts  arabes,  les  patentes 
.H  l'impôt  Ibucier,  ivprésentent  la  part  du  Trésor  seulement,  déduction  faite  des 
centimes  communaux  ou  autres,  aia.si  que  des  produits  départementaux. 


226  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE   ET   IIISTORIOUE 


Chap.  V.  -   KTAT  INTELLECTUEL  ET  MORAL 

Comme  toutes  les  tribus  de  l'Algérie,  celles  de  la  commune 
mixte  de  la  Mina  ont  dans  leurs  douars  des  «  t'aleb  »  ou 
«  d'errar  »,  qui  se  chargent,  moyennant  une  maigre  rétribution, 
d'enseigner  aux  enfants  les  rudiments  de  la  lecture  et  de 
l'écriture  de  la  langue  coranique.  Les  gardiens  de  koubbas, 
quelques  membres  de  famille  maraboutiques  enseignent,  en 
outre,  quelques  éléments  de  la  religion  et  de  la  loi  musulmanes. 
Là,  se  borne  l'instruction  d'un  certain  nombre  fassez  restreint) 
d'indigènes  des  douars-communes  répartis  sur  le  territoire. 
Le  reste  est  d'une  ignorance  absolue  et  n'a  commencé  à  gravir 
aucun  des  degrés  de  la  civilisation.  Seules  la  ville  et  la  région 
de  Kalàa  sont  pourvues  d'une  école  arabe-française,  où  le  zèle 
de  M.  Missier,  directeur  de  cette  école  depuis  plusieurs  années, 
a  su  grouper  un  grand  nombre  de  jeunes  indigènes  qui  sont 
répartis  en  si.x  classes.  Plusieurs  adjoints  aident  le  directeur 
dans  sa  tâche,  et  nourrissent  les  élèves  d'une  certaine  cuUure 
intellectuelle  et  professionnelle,  qui  donnera,  sans  nul  doute, 
des  résultats  fort  appréciables  ;  la  conséquence  en  sera,  nous 
l'espérons,  la  créalion  de  nouvelles  écoles  sur  les  autres 
parties  du  territoire  où  les  principes  les  plus  élémentaires  de 
l'éducation  et  de  l'instruction  font  défaut. 

Parmi  les  familles  indigènes  importantes  et  nobles  d'origine 
habitant  dans  la  commune  mixte,  il  convient  de  citer  celle 
des  Boumédine,  issue  des  Mebal,  tribu  originaire  de  la  Mecque, 
qui  soumit  à  sa  domination,  vers  le  XII""^  siècle  de  notre  ère,  la 
plus  grande  partie  du  département  d'Oran.  Deux  membres  de 
cette  famille  des  Boumédine  occupent  aujourd'hui  des  fonctions 
publiques  :  «  Boumédine»  Abd-el-Kader ould  Habib,  adjoint 
indigène  du  douar  Mekhalia,  et  «  Boumédine  »  Abd-el-Kader 
Seghir  ould  Ahmed,  adjoint  indigène  du  douar  Guerboussa. 

Viennent  ensuite  les  familles  des  Miboub  et  des  iVIesbah  repré- 
sentées actuellement  :  la  première,  par  «  Milioub  »  Boualem, 
adjoint  indigène  de  Sidi-Sàada  ;  la  seconde,  par  «  Mesbah  » 
Mohammed  ould  el  Djilali,  ailjoint  indigène  du  douar  des 
Oulad-Bou-Ali. 

Malgré  le  niveau  peu  relevé  de  l'état  intellectuel  des  indigènes 
du  pays,  la  situation  de  la  commune  mixte  au  double  point  de 
vue  de  la  sécurité  et  de  la  tranquillité  e>t  relativement  très 
bonne.  Pendant  les  5  dernières  années,  on  n'a  à  relater  qu'un 


DE   LA    COMMUNE   MIXTE   DE   LA   MINA  227 

seul  attentat  dirigé  contre  les  Européens  ;  une  moyenne  de 
6  meurtres  ou  tentatives  de  meurtres  entre  indigènes  ;  environ 
100  à  150  cas  de  simple  police  ;  pas  de  vols  à  main  armée,  ni 
«  nefras»,  ni  attentats  à  la  pudeur. 

Depuis  plus  de  15  ans,  aucun  indigène  de  la  commune  mixte 
n'a  été  condamné  à  la  peine  capitale. 

Il  est  de  fait  que  rien  ne  vaut  en  territoire  civil  le  régime  de 
police  assuré  par  l'administration  des  communes  mixtes. 
Les  centres  de  plein  exercice  situés  dans  la  même  région  sont 
moins  bien  partagés  sous  le  rapport  de  la  sécurité. 


(.hapiti-e,  VI.    -     COKOMSATIOX 

La  commune  mixte  de  la  Mina  compte  quatre  centres  de 
colonisation.  Ils  ont  été  dotés  de  tous  les  éléments  propres  à 
assurer  leur  avenir.  Clinchant,  aujourd'hui  chef-lieu  de 
circonscription,  a  fait  depuis  sa  création  l'objet  d'un  agrandis- 
sement. Des  travaux  d'assainissement  ont  également  été 
effectués  dans  la  plaine  de  Relizane.  Sahouria  et  Nouvion  ont, 
en  outre,  été  dotés  des  travaux  d'eau  dont  l'exécution  a  permis 
l'irrigation  de  surfaces  assez  étendues.  Il  serait  trop  long 
et  fastidieux  d'énumérer  ici  les  améliorations  et  les  travaux 
d'utilité  publique  ou  communale  accomplis  ou  exécutés  depuis 
la  création  de  la  commune.  Ces  améliorations  sont  l'œuvre  des 
divers  administrateurs  qui  se  sont  succédés  à  la  tête  de 
la  circonscription  et  qui  ont  contribué  ainsi,  chacun  selon  les 
moyens  d'action  dont  il  disposait,  au  développement  de 
la  colonisation  dans  le  pays. 

CLINCHANT 

Ce  centre  fut  créé  en  1878  sous  le  gouvernement  de 
M.  Albert  Grévy.  Son  territoire  est  limité  par  la  commune  de 
Relizane,  à  l'Est;  celle  de  l'Hillil,  à  l'Ouest;  le  douar-commune 
de  Tahanda,  au  Nord,  et,  celui  d'El-Messabehia,  au  Sud. 
Le  village  fut  édifié  auprès  de  l'ancienne  ville  berbère  u'i:;i- 
R'etcha,  habitée  auparavant  par  les  Béni  R'eddou  et  dont  on 
peut  voir  encore  quelque.?  ruines.  Ce  lieu  était  appelé  par  les 
indigènes  du  pays  El-Mct'amiy  y'J^[  c'est  à-dire  Les  Silos, 


228  MONOGRAPHIE    GÉOGRAPHIQUE    ET    HISTORIQUE 

en  raison  sans  doute  du  nombre  considérable  de  silos  creusés 
sur  une  assez  vaste  étendue  dans  le  tuf  qui  forme  la  majeure 
partie  du  sous-sol.  Ces  sous-sols  ont,  en  général,  une  très 
grande  capacité.  Faute  d'autre  détermination,  ce  centre 
fut  donc  appelé  d'abord  Les  Silos,  avant  de  recevoir  le  nom  du 
général  Glinchant  qui  fut  colonel  de  zouaves  lors  de  l'expédi- 
tion du  Me.Kique. 

Son  territoire  fut  agrandi  en  1802  sous  le  gouvernement  de 
M.  Jules  C:-imbon.  Depuis  le  l'-'"'  janvier  1900,  Glinchant  est 
chef-lieu  de  la  circonscription  administrative  de  la  Mina. 
Les  bureau.^  de  la  co.'ninune  mi.xte  y  ont  été  transportés 
récemment,  et  l'administrateur  et  ses  aljoints  n'ont  pris 
possession  de  leurs  nouveaux  appartements  qu'à  partir  du 
1<^'"  janvier  1900.  Nous  avons  vu  plus  haut  les  causes  du  trans- 
fert du  siège  de  la  commune  mixte  dans  ce  centre.  Il  en 
résulte  une  économie  pour  le  budget  et  une  cause  d'améliora- 
tion pour  Glinchant,  au  point  de  vue  agricole  et  commercial. 

Ce  village  n'a  pas  d'histoire  propre,  son  territoire  ayant  été 
prélevé  sur  les  douars  Messabehia  et  Tahamda,  c'est-à-dire 
l'ancienne  tribu  des  Sahari.  Les  Béni  R'addou,  qui  sont 
d'origine  berbère,  ont  occupé  pendant  longtemps  les  envii'ons 
où  ils  fondèrent  la  ville  citée  plus  haut  et  dont  il  reste  quelques 
vestiges. 

Il  y  a  à  Glinchant:  40  feux,  214  habitants  (58  indigènes, 
114  français  et  42  étrangers',  et  50  électeurs.  L'étendue 
totale  du  territoire  est  de  1,884  hectares,  dont  1,490  cultivables 
en  céréales,  44  de  vignes,  et  350  incultes.  La  dernière  récolte 
a  donné  5,102  quintaux  de  céréales,  150  hectolitres  de  vin 
rouge  et  8  hectolitres  de  blanc. 

La  production  moyenne  de  blé  sur  1''  est  de  12  qx 

—  —        d'orge  —  14  — 

—  —        d'avoine  —  10  — 

—  —       de  raisin  —  30  — 

L'alimentation  du  village  en  eau  potable  est  assurée  actuel- 
lement par  un  certain  nombre  do  puits  publics  ou  particuliers. 
Un  projet  d'adduction  des  eaux  de  l'Aïn-el-Guettar  (région  de 
de  Tiliouanet  :  35  litres  à  la  minute  à  letiage)  a  été  élaboi'é. 
Il  sera  sous  peu  mis  à  exécution.  Les  irrigations  d'une  partie 
du  territoire  dépendent  actuellement  du  syndicat  des  eaux  de 
Relizane.  Elles  sont  d'ailleurs  insuflisantes. 


DE   LA    COMMUNE    MIXTE    DE   LA   MINA  229 

L'état  sanitaire  du  village  est  bon  ;  à  relater  seulement 
quelques  fièvres  paludéennes.  Aucun  assassinat  ou  attentat 
contre  les  personnes  n'a  eu  lieu  à  Glinchant  depuis  longtemps. 
Il  ne  s'y  commet  que  quelques  vols  de  bestiaux.  Les  auteurs 
de  ces  vols  sont  en  général  originaires  des  douars  partiels 
Bouakeur  et  Ahl-el-Morsli  qui  sont  ceux  dont  on  a  le  plus  à  se 
plaindre  et  qui  renferment  plusieurs  voleurs  de  profession. 
Au  reste,  les  indigènes  vivent  en  assez  bonne  intelligence  avec 
les  colons  qui  leur  procurent  du  travail,  c'est-à-dire  un 
gagne-pain  honnête  et  non  aléatoire. 

Glinchant  n'a  pas  de  budget  propre.  Il  relève  de  l'autorilé 
de  l'administrateur  de  la  comnmne  mixte  de  la  Mina.  Ce  centre 
ne  compte  qu'une  école  mixte  qui  reçoit  un  grand  nombre 
d'élèves  des  deux  sexes.  Le  dédoublement  de  cette  école 
s'impose  à  bref  délai,  dans  l'intérêt  de  l'institutrice  et  des 
enfants. 

Nombre  d'élèves  actuels  :  63. 

Garçons  :  26  français  ;  3  musulmans  ;  6  étrangers. 

Filles;  25  françaises  ;  musulmanes  néant  ;  3  étrangères. 

Les  besoins  pressants  de  ce  centre  sont  les  suivants  : 

1°  Construction  d'une  gare  de  chemin  de  fer  sur  la  ligne 
P.-L.-M.  Alger-Oran  qui  y  passe  ; 

2»  Etablissement  d'un  barrage  sur  la  Mina  en  avant  de  Relizane 
pour  agrandir  le  cercle  d'irrigation  ou  bien  un  barrage  de 
dérivation  sur  l'Oued  Hillil,  dont  la  consti-uction  s'élèverait 
à  150,000  francs  environ  ; 

3»  Établissement  de  canivaux  pavés  en  bordure  de  la  route 
nationale  qui  traverse  le  village  pour  prévenir  une  inonda- 
tion des  maisons  en  cas  d'une  crue  des  eaux  ou  d'une  période 
de  pluies  prolongées  ; 

4»  L'adduction  des  eaux  d'Ain-el-Guetlar.  Cette  dernière  ques- 
tion a  une  importance  capitale,  car  l'alimentation  de 
Clinchant  en  eau  potable  est  actuellement  insuffisante. 

Lorsque  ce  centre  aura  été  doté  des  améliorations  dont 
il  vient  d'être  question,  son  avenir  sera  assuré,  et  Clinchant 
pourra  au  bout  de  quelques  années,  prendre  rang  parmi  les 
localités  prospères  du  département  d'Oran. 


230  MONOGRAPHIE   GÉOGRAPHIQUE   ET   HISTORIQUE 

(EL-ROMRI)  NOUVION 

Ce  centre  fut  créé  en  1876,  sous  le  gouvernement  du  général 
Chanzy,  au  lieu  dit  Hacian-el-Romri  en  raison  du  grand  nombre 
de  puits  qui  s'y  trouvaient  pour  le  ravitaillement  de  cette 
halte  située  sur  le  chemin  de  Mostaganem  à  Mascara.  Son 
territoire  est  limité  par  celui  de  la  commune  de  Bouguirat  au 
Nord,  par  le  douar-commune  d'El-Piomri  au  Sud  et  à  l'Est,  par 
le  douar-commune  de  Hassaïnia  à  l'Ouest.  Appelé  d'abord  de 
la  dénomination  arabe  du  lieu,  il  porla  ce  nom  jusqu'à  l'année 
1900.  Depuis,  il  a  reçu  l'appellation  de  Nouvion,  pour  rendre 
hommage  à  M.  Nouvion,  ancien  préfet  d'Oran,  qui  donna 
autrefois  une  grande  impulsion  à  la  colonisation  dans  le 
département. 

La  gare  de  Nouvion  se  trouve  à  4  kilomètres  plus  loin,  à 
Oued-Malah,  petit  hameau  de  quelques  fermes  (ligne  P.-L.-M. 
Alger-Oran). 

Le  territoire  de  ce  village  était  autrefois  habité  par  des 
membres  de  la  tribu  des  Bordjia.  Là  vivait,  parmi  les  familles 
nobles  du  pays,  celle  des  Ben  Hadda  dont  les  membres  furent 
caïds  de  la  région  sous  les  Turcs  et  même  sous  Abd  el  Kader. 
C'est  encore  un  Ben  Hadda  qui  est  aujourd'hui  caïd  du  douar- 
commune  d'El-Romri. 

Il  y  a  à  Nouvion  183  habitants  (50  indigènes,  130  français  et 
3  Israélites),  30  feux  et  50  électeurs.  L'étendue  totale  du 
territoire  du  centre  de  Nouvion  et  de  1,305  hectares,  dont 
1000  hectares  cultivables  en  céréales,  78  de  vignes  et  une 
dizaine  d'hectares  incultes.  Cent  hectares  sont  irrigables  avec 
les  eauv  du  marais  de  Bouguirat  et  celles  du  Mekhalouf.  (Oued 
cité  plus  haut). 

La  qualité  du  sol  est  médiocre  et  ne  peut  être  améliorée  que 
par  des  engrais  et  des  arrosages. 

La  production  moyenne  de  blé  sur  1''  est  de  5  qx 

—  —        d'orge               —  0  — 

—  —        d'avoine            —  8  — 

—  —        de  raisin            —  20  — 

Les  vignobles  réunis  de  Nouvion  ont  donné,  en  1900, 
632  hectolitres  do  vin  rouge  et  8  hectolitres  de  vin  blanc.  Les 
colons  cultivent,  outre  la  vigne  et  les  céréales,  le  millet  à 
balais,  ustensiles  dont  ils  fabriquent  une  grande  quantité  et 
qu'ils  écoulent  facilement  dans  l'arrondissement. 


DE   LA   COMMUNE   MIXTE   DE   LA   MINA  231 

L'alimentation  du  village  en  eau  potable  n'est  assurée  que 
par  des  puits,  publics  ou  particuliers.  L'irrigation  des  terrains, 
sur  une  étendue  d'ailleurs  limitée  à  une  centaine  d'hectares,  se 
fait  par  un  canal  à  ciel  ouvert  qui  amène  les  eaux  du  marais 
de  Bouguirat.  Le  débit  varie  entre  30  litres  à  la  seconde  et 
12  litres  à  la  minute.  Un  barrage  provisoire  est  établi  sur 
l'Oued  Mekhallouf  au  moment  oii,  quittant  les  collines  entre 
lesquelles  il  serpente,  il  débouche  dans  la  plaine  de  Kerkacha. 
Mais  les  indigènes  et  les  crues  des  eaux  démolissent  facilement 
les  murailles  de  branchages  et  de  boue  qui  retiennent  le 
torrent,  et  le  plus  souvent,  les  eaux  destinées  à  l'arrosage  vont 
se  gaspiller  dans  des  terrains  incultes  ou  inondent  la  partie 
comprise  entre  Nouvion  et  le  4""=  kilomètre  sur  la  route  de 
Bouguirat.  Il  serait  à  souhaiter  qu'on  construisît  une  digue 
cimentée  permettant  d'emmagasiner  un  liquide  si  pi'écieux  à 
nos  cultures  et  dont  le  résultat  serait  l'irrigation  de  600  hec- 
tares sur  le  territoire  de  Nouvion. 

L'état  sanitaire  du  village  est  assez  bon.  Quelques  cas  de 
fièvre  intermittente  se  produisent  chaque  année  mais  ne 
rappellent  que  de  fort  loin  les  terribles  épidémies  de  lièvre 
qui  sévissaient  sur  nos  troupes  quand  elles  campaient  en  ce 
lieu,  avant  la  création  du  centre  et  les  plantations  d'eucalyptus 
qui  ont  beaucoup  contribué  à  son  assainissement. 

Comme  Clinchant,  le  village  n'a  rien  à  désirer  au  point  de 
vue  de  la  sécurité  individuelle.  Depuis  fort  longtemps  il  ne  s'y 
est  pas  commis  d'assassinat,  ni  d'attentat  quelconque  contre 
les  personnes.  Seuls  des  vols  de  bestiaux  ou  de  grains  sont  à 
signaler.  Les  douars  dont  on  a  le  plus  à  se  plaindre  à  ce  sujet, 
c'est-à-dire  ceux  qui  fournissent  le  plus  de  maraudeurs, 
appartiennent  au  douar-commune  d'EIRomri  ;  ce  sont  ceux  de 
El-Hadara  et  Oulad-Hadda. 

Le  budget  de  Nouvion  se  confond  avec  celui  de  la  commune 
mixte  de  la  Mina.  Par  lui-même,  ce  centre  est  très  pauvre,  à 
cause  de  la  fréquence  des  mauvaises  récoltes. 

L'école  est  fréquentée  par  25  élèves  (20  français,  3  musul- 
mans) filles  et  garçons. 

Les  besoins  pressants  de  ce  centre  peuvent  se  résumer 
ainsi  : 

1°  Création  d'un  bari'age  déversoir  sur  le  Meklialouf.  (Dépenses 
prévues  :  30,000  francs  environ.) 


232  MONOGRAPHIE    GÉOGRAPHIQUE    ET    HISTORIQUE 

2°  Agrandissement  du  centre  dont  le  champ  de  colonisation 
est  trop  restreint  en  raison  du  peu  de  fertilité  du  sol. 

3"  Transformation  des  fossés  d'irrigation  du  marais  de  Bou- 
guirat  en  canaux  cimentés  pour  éviter  les  pertes  d'eau  et 
faciliter  le  curage. 

En  somme,  la  commune-annexe  de  Nouvion  est  très  pauvre 
par  suite  des  mauvaises  années  qui  se  succèdent  et  qui  ne 
trouvent  pas  leur  compensation  dans  une  récolte  abondante. 
Cependant,  le  bétail  élevé  par  les  colons  donne  de  fort  beaux 
produits,  et  des  efforts  pourraient  être  tentés  dans  la  voie  de 
l'élevage  à  condition  que  de  prompts  travaux  d'irrigation 
permettent  de  transformer  la  plaine  de  Kerkacha  en  un  vaste 
pâturage. 

SAHOURIA 

La  création  de  ce  centre  date  de  1878 -(gouvernement  du 
général  Chanzy).  Son  territoire  empiète  sur  les  douars-com- 
mune Sahouria  et  Sfafa.  Le  village  est  situé  sur  le  chemin  de 
fer  (P. -L. -M.  Alger-Oran)  à  5  kiloni.  de  Perrégaux.  Ce  centre 
est  limité  au  Nord  par  le  douar-commune  des  Beni-Yahi,  à 
l'Ouest  par  la  commune  de  Perrégaux,  au  Sud  par  le  douar- 
commune  de  Sahouria,  à  l'Est  par  le  douar-commune  des 
Sfafa.  Ces  lieux  étaient  occupés  par  la  tribu  des  Bordjia  ainsi 
que  la  plaine  de  l'Habra  et  celle  de  Sirat.  La  famille  des 
«  Smaïn  »  est  une  de  celles  établies  depuis  très  longtemps 
dans  le  pays. 

Il  y  a  à  Sahouria  230  habitants  (130  français,  20  indigènes, 
30  étrangers),  60  feux  et  36  électeurs.  L'étendue  totale  en 
hectares  du  centre-annexe  est  de  2,000  hectares  (dont  1,840 
cultivables  en  céréales,  104  plantés  en  vignes  et  50  plantés  en 
arbres  fruitiers  et  d'essences  diverses). 

La  quantité  approximative  de  céréales  produites  par  les 
terres  de  ce  centre  a  été  de  5,500  quintaux.  Les  vignes  ont 
donné  1,120  hectos  (1). 

La  production  moyenne  de  blé  sur  1''  est  de  7  qx 

—  —        d'orge               —  9  — 

—  —        d'avoine            —  8  — • 

—  —       de  raisin             -  20  — 


(1)  Pour  la  récolte  de  1900. 


DE   LA   COMMUNE   MIXTE   DE   LA   MINA  233 

Les  colons  s'adonnent  à  la  culture  maraîchère  qu'ils  écoulent 
facilement  aux  marchés  de  Perrégaux  et  de  Bouguirat  et  sur 
leur  propre  marché  qui  a  lieu  le  samedi. 

L'eau  potable  est  fournie  par  des  puits.  L'eau  courante  pour 
l'irrigation  est  amenée  par  un  canal  de  dérivation  provenant 
de  rOued  Fergoug  (barrage  de  Perrégaux). 

L'état  sanitaire  du  village  est  très  bon,  et  seules  quelques 
fièvres  d'été  sont  à  signaler  :  la  température  varie  entre 
10°  (janvier)  et  38»  (juillet). 

La  sécurité  n'est  pas  aussi  bonne  que  dans  les  deux  centres 
précédents.  Les  douars-commune  de  Sl'afa  et  Sahouria  sont  le 
repaire  de  chenapans  indigènes  qui  ont  la  spécialité  d'échapper 
avec  une  grande  facilité  à  toute  poursuite  et  de  jouer  toutes 
les  ruses  combinées  pour  les  surprendre.  C'est  ainsi  qu'il  s'est 
produit,  <!urant  l'année  1900,  plusieurs  attentats  contre  les 
personnes  et  plusieurs  vols  dans  les  habitations  du  village 
sans  qu'on  ait  pu  découvrir  les  auteurs.  Aussi  les  rapports  des 
colons  avec  les  douars  environnants  sont-ils  moins  que  cor- 
diaux. 

L'école  mixte  comprend  actuellement  30  élèves  : 

Garçons  :  4  français,  1 1  étrangers. 

Filles  :  ti  françaises,  9  étrangères. 

On  remarquera  l'absence  marquée  des  enfants  de  colons 
français  qui  sont  cependant  en  majorité  dans  le  village. 

Il  y  a  à  Sahouria  deux  domaines  viticoles  comprenant 
320  hectares  de  vignes  que  nous  n'avons  pas  compris  d;ins  le 
nombre  total  des  vignobles  appartenant  aux  petits  colons,  car 
ils  s'étendent  au-delà  des  limites  du  centre-annexe.  Ces 
domaines  appartiennent  à  deux  compagnies. 

Les  besoins  pressants  de  ce  centre  se  ramènent  à  ceci  : 

r  Adduclion  d'une  source  pour  I  alimentation  en  eau  [jolable 
du  village  ; 

2°  Un  barrage-réservoir  sur  l'Oued  Malah  (dont  nous  avons 
déjà  cité  les  avantages  et  le  prix  d'exécution  qui  est  de 
200,000  fr.)  et  un  barrage  de  dérivation  sur  l'Oued  Addad 
(30,000  fr.  environ)  pour  l'irrigation  du  territoire  ; 

3°  Une  gare  sur  le  chemin  de  fer  ; 

■4'  Création  des  pâturages  communaux  vastes  et  rapprochés 
du  village  pour  augmenter  le  troupeau  des  colons  qui  ne 


234  MONOGRAPHIE    GÉOGRAPHIQUE    ET   lllSTGRIOUE 

peuvent  élever   sur    leurs    concessions    qu'un    nombre 
restreint  de  bestiaux. 

Comme  tous  les  centres  de  la  région,  Sahouria  n'atteindra 
un  degré  de  prospérité  relatif  que  lorsque  ses  plaines  seront 
irriguées.  Là,  comme  partout  ailleurs,  la  question  d'arrosage 
des  terres  est  celle  qui  prime  toutes  les  autres.  Tant  que  des 
améliorations  dans  ce  sens  n'auront  pas  été  laites,  la  coloni- 
sation végétera,  si  elle  ne  dépérit  pas,  au  milieu  de  terres  qui, 
avecles  Tells  algérien,  constantinois  et  tunisien,  furent  tour 
à  tour  les  greniers  de  Fîome,  de  l'Espagne  musulmane,  de 
l'Espagne  chrétienne,  et  enfin  de  la  France  du  xviii"  siècle. 

S1RA.T 

Ce  centre  fut  créé  en  1874  dans  la  plaine  du  même  nom, 
renommée  autrefois  pour  sa  fertilité,  à  20  kilomètres  au  Sud 
de  Mostaganem.  Son  territoire  est  limité  au  Nord  par  la 
commune  d'Aboukir,  à  l'Est  par  le  douar-commune  des 
Oulad  Bou  Abça,  au  Sud  et  à  l'Ouest  par  le  douar-commune 
des  Hassainia. 

Les  Bordjia,  qui  occupaient  toute  la  plaine,  vivaient  autrefois 
dans  ces  parages  ;  il  en  était  de  même  des  Oulad  Hamdan  qui 
allèrent,  lors  de  la  conquête  française,  occuper  plus  au  Nord 
la  région  s'étendant  immédiatement  derrière  Mostaganem. 

II  y  a  à  Sirat  151  habitants  (91  français,  45  indigènes, 
15  étrangers).  L'étendue  totale  du  territoire  est  de  515  hectares 
(dont  198  de  vignes). 

Le  sol  est  composé  de  terres  fortes  à  l'Ouest  et  de  terrains 
sablonneux  à  l'Est. 

La  production  moyenne  du  raisin  sur  un  hectare  est  de 
35  quintaux  environ. 

L'alimentation  en  eau  potable  du  village  n'est  assurée  que 
par  des  puits. 

L'état  sanitaire  est  bon  en  général.  Les  fièvres  d'été  sont 
seules  à  redouter  par  les  fortes  chaleurs  qui  s'élèvent  jusqu'à 
une  température  maxima  de  40°  continuelle  pendant  les  mois 
de  juillet  et  d'août  (la  température  minima  étant  de  10°  en 
hiver). 

Le  voisinage  de  la  commune  de  plein  exercice  d'Aboukir 
dont  les  douars  sont  peuplés  de  malfaiteurs  n'assure  à  Sirat 


DE   LA   COMMUNE  MIXTE   DE   LA   MINA  235 

qu'une  sécurité  imparfaite.  La  route  de  ce  centre  à  Aboukir 
est  sillonnée  pendant  l'été  d'indigènes  en  quête  de  charretiers 
à  dévaliser  ou  de  voitures  de  colons  à  arrêter.  La  police 
exercée  sur  les  lieux  ne  rappelle  que  de  fort  loin  celle  exercée 
de  la  commune  mixte,  et  l'inefficacité  des  moyens  employés 
jusqu'à  ce  jour  invite  les  délinquants  à  persévérer  dans  leurs 
fonctions  de  voleurs  de  grands  chemins. 

Le  budget  de  Sirat  se  confond  avec  celui  de  la  commune 
mixte  de  la  Mina. 

Ce  centre  ne  semble  pas  appelé  à  une  grande  prospérité, 
dépourvu  qu'il  est  de  tous  moyens  d'irrigation  présents  ou 
avenir.  11  est  à  souhaiter  que  pour  les  centres  de  colonisation 
placés  dans  de  pareilles  conditions  une  culture  spéciale  aux 
terrains  non  irrigables  soit  adoptée,  de  façon  à  ce  que  les 
colons  trouvent  dans  leur  travail  un  résultat  sinon  rémunéra- 
teur du  moins  encourageant. 


COISTOLUSION 


De  même  que  toutes  les  communes  mixtes,  celle  de 
la  Mina  est  appelée  à  disparaître  pour  faire  place  a  un 
certain  nomlire  de  communes  de  plein  exercice.  Mais 
cette  éventualité  ne  semble  pas  rapprochée  et  il  s'écou- 
lera certainement  un  assez  grand  nombre  d'années 
avant  sa  réalisation. 

Les  centres  de  Sirat,  Sahouria  et  El-Romri  (Xouvion) 
seront  sans  doute  les  premiers  appelés  à  la  vie  muni- 
cipale, puis  viendra  le  tour  de  Clincliant.  Mais,  en 
dehors  de  la  ditïiculté  d'assurer  aux  futures  com- 
munes le  moyen  de  se  suffire  à  elles-mêmes,  c'est-à- 
dire  d'équilibrer  leur  budget,  des  considérations  d'ordre 
et  de  sécuiité  opposeront  pendant  longtemps  encore 
un  obstacle  difficilement  surmontable  aux  créations 
de  l'espèce. 

On  n'ignore  pas,  en  effet,  que  les  maires  absoi'bés  le 
plus  souvent  par  leurs  occupations  municipales  et 
leurs  intérêts  privés,  et  ne  participant  d'ailleurs  à 
aucune  indemnilédedéplacement,  se  déchargent  entiè- 
rement de  la  police  et  de  la surveillancedes  populations 
indigènes  sur  le  caïd  ou  le  garde  champêtre  arabe  qui 
leur  est  adjoint.  Or,  ce  dernier  ne  touch*e  lui-même 
qu'un  traitement  absolument  dérisoire,  et  est  tout 
naturellement  prédisposé  à  commettre  des  actes  de 
vénalité.  Il  s'ensuit  que  des  faits  graves  sur  lesquels 
l'autorité  aurait  tout  intérêt  à  être  renseignée  sont 
passés  sous  silence.  Grâce  à  cette  situation,  la  plupart 
des  communes  de  plein  exercice  qui  comprennent 
sur  leur  territoire  des  douars  ou  fractions  de  douars 
non  livrés  à  la  colonisation,  deviennent  le  refuge  des 
malandrins  indigènes  de  toute  espèce  trop  inquiétés 
parla  police  des  communes  mixtes;  ces  malfaiteurs 
mal  surveillés  peuvent  dès  lors  exercer  pour  ainsi 
dire  impunément  leur  coupable  industrie,  soit  dans  la 
commune  même,  soit  dans  les  communes  voisines. 

REXÉ-LEGLERG. 


SCULPTURE  SUR  UN  ROCHEI 

die  Bialla.  K,eg-ia- 


J'ai  signalé  brièvement  dans  le  Bulletin  archéologique  (i) 
une  grossière  sculpture,  située  dans  les  environs  immédiats 
de  Bulla  Regia. 

Elle  était  à  l'extrémité  orientale  d'une  colline  placée  elle- 
même  à  300  mètres  environ  à  l'est  des  ruines  de  la  ville  antique 
dont  la  sépare  une  nécropole  romaine  des  deux  premiers 
siècles.  Vers  la  pointe  occidentale  de  cette  éminence,  j'ai 
découvert  plusieurs  sépuhures  puniques  dont  l'une  était  un 
véritable  caveau  renfermant  un  mobilier  de  74  pièces. 

En  pratiquant  les  sondages  pour  trouver  d'autres  sépultures 
de  la  même  époque,  j'ai  découvert  au  milieu  d'un  impénétrab  e 
fourré  de  faux  jujubiers  le  document  dont  il  va  être  question. 

C'était  un  rocher  isolé,  à  la  face  supérieure  un  peu  arrondie, 
mesurant  1'" 80  de  hauteur  sur  4  mètres  de  longueur  et  environ 
i  mètre  d'épaisseur.  Il  était  entièrement  brut,  à  l'exception  de 
l'une  de  ses  faces,  tournée  vers  l'est  et  présentant  une  niche 
dans  laquelle  apparaissait  un  buste,  un  peu  plus  grand  que  de 
nature,  exécuté  on  ne  peut  plus  sommairement.  La  tète  est 
ronde,  et  des  trous  également  circulaires  ou  ovales  indiquent 
les  yeux  et  la  bouche.  Le  cou  est  presque  cylindrique  et  les 
épaules  représentées  par  deux  lignes  légèrement  courbes.  Il 
est  possible  que  les  oreilles  aient  été  indiquées,  mais  l'état  de 
la  pierre  ne  permet  pas  de  l'affirmer. 

Il  est  facile,  en  examinant  la  surface  du  monument,  de  se 
rendre  compte  que  cette  sculpture  a  été  obtenue  avec  un 
instrument  à  pointe  mousse.  On  a  ainsi  fait  sauter  des  éclats 
irréguliers  et  c'est  en  répétant  cette  opération  un  nombre  de 
fois  plus  ou  moins  grand  qu'on  a  pu  obtenir  une  certaine 
profondeur. 

J'ai  fouillé  tout  autour  de  ce  rocher  pour  voir  s'il  n'y  avait 
point  quelque  tombe  ou  les  restes  d'un  sanctuaire  en  plein  air, 
comme  ceux  que  les  indigènes  consacraient,  primitivement,  à 


(I)  Bull,  arc/i.,  1892.  Rapport  sur  les  fouilles  faites  à  Bulla  Regia 
en  1890,  p.  75. 

17 


238  SCULPTURE    SUR    UN   ROCHER    DE   BULLA    REGIA 

]eu'  S  divinités;  je  n'ai  absolument  rien  trouvé.  Mais,  à  quelques 
mètres  de  là,  au  pied  de  la  colline,  j'ai  rencontré  une  stèle 
évidemment  votive,  portant  l'emblème  triangulaire  dit  de 
Tanit.  11  est  donc  probable  que  cette  colline  a  porté  quelque 
cliamp  d'ex-votos  plantés  en  terre  au  milieu  desquels  était 
placée  la  sculpture. 

On  doit  considérer  comme  une  indication  confirmant  cette 
manière  de  voir  le  fait  que  celte  grossière  figure  regardait 
à  l'est. 

J'ai  montré  que  le  temple  de  Saturne,  à  Dougga,  qui  avait 
été  précédé  par  un  primitif  sanctuaire  de  Baal,  était  aussi 
lourné  de  ce  côté  et  que  pour  lui  donner  cette  orientation,  il 
avait  fallu  entailler  la  montagne  à  grands  frais. 

Enfin,  dans  le  voisinage  immédiat  de  la  colline  qui  portait 
la  sculpture,  on  trouve  les  vestiges  de  nombreuses  tombes 
mégalithiques  dont  les  dalles  ont  presque  toutes  été  brisées  à 
ras  du  sol,  probablement  lors  de  l'occupation  romaine,  pour 
servir  de  matériau.^  de  construction. 

11  est  donc  certain  qu'à  une  époque  reculée  lés  habitants  de 
Bulla  Regia  avaient  élevé  en  ce  point  des  monuments,  funé- 
raires et  autres,  pour  lesquels  ils  avaient  une  vénération 
particulière. 

Mais  ce  c|ui  me  parait  mériter  surtout  l'attention  c'est  la 
situation  de  cette  sculpture  sur  une  surface  rocheuse  et  les 
détails  d'exécution  qu'elle  présente. 

Elle  est  bien,  en  effet,  sur  un  rocher  dont  les  dimensions 
sont  à  vrai  dire  restreintes,  maisauquel  on  aintentionnellement 
laissé  sa  forme  primitive,  à  l'exception  de  la  face  qui  porte  une 
représentation  humaine. 

Je  serais  presque  tenté  de  donner  le  nom  de  rupestre  à  cette 
dernière,  si  ce  nom  n'était  pas,  en  général,  réservé  à  des 
monuments  ayant  un  caractère  bien  spécial.  Néanmoins, 
jusqu'à  un  certain  point,  et  même  en  tenant  compte  de  cette 
signification,  ce  qualificatif  ne  serait  pas  ici  complètement 
déplacé,  car  le  bas-relief  présente  une  autre  ressemblance  avec 
les  dessins  des  rochers  du  Sous,  du  Fezzan,  du  Sud-Oranais, 
de  l'Oued  Itel,  etc.  C'est  la  manière  dont  il  a  été  obtenu  par 
des  coups  donnés  avec  une  pointe  peu  aiguë  et  qui  enlevait 
des  éclats  irréguliers  de  pierre. 

Je  dois  ajouter  que  là  se  borne  l'analogie,  car  si,  sur  les 
rupestres   proprement  dits,   l'instrument  a  agi   en    surface 


SCULPTURE  Sl-R  UN  ROCHER  DE  BULLA  REGIA     239 

seulement,  ici  le  sculpteur  a  dû  revenir  à  plusieurs  reprises 
sur  un  même  endroit  pour  obtenir  non  une  simple  ligne,  mais 
des  creux  assez  prononcés. 

Cette  diflërence  s'explique  d'ailleurs,  mais  par  des  caractères 
dont  l'origine  doit  être  clierchée  ailleurs.  Le  relief  accentué, 
l'exécution  sommaiie  de  cette  figure  et  jusqu'à  la  niche  où 
elle  se  trouve  rappellent  d'une  manière  assez  frappante  ces 
nombreux  monuments,  d'époque  romaine  pour  la  plupart, 
mais  que  l'on  considère  comme  dus  à  une  inspiration  toute 
sporadique,  comme  la  manifestation  rudimentaire  de  ce  qu'on 
a  convenu  d'appeler  1'  a  art  indigène  f. 

Sur  les  stèles  funéraires,  si  abondantes  dans  la  région,  qui 
ofïrent  ces  caractères,  on  voit  en  effet  souvent  le  buste  d'un 
personnage  à  l'attitude  rigide  dont  les  vêtements  sont  indiqués 
par  quelques  traits  dont  la  tète,  les  yeux  et  la  bouche  sont 
plus  ou  moins  circulaires,  le  tout  encadré  par  une  niche  ou 
par  le  portique  d'un  temple  prostyle. 

Ces  analogies  m'avaient  tellement  frappé  qu'à  un  premier 
examen  j'avais  pensé  être  en  présence  de  l'ébauche  d'un 
monument  de  ce  genre.  Mais  outre  qu'on  n'a  pas  trouvé,  à 
BullaRegiamême,  de  stèles  dues  à  l'art  indigène,  il  est  évident 
qu'on  devait  tailler  celles  ci,  leur  donner  la  forme  prismatique 
ou  conique  qu'elles  ont  toujours  avant  d'y  gj-aver  les  sculptures. 
De  plus,  le  procédé  employé  pour  y  obtenir  les  représentations 
est  moins  sommaire.  D'un  côté  on  s'est  servi  d'un  poinçon  ou 
d'un  burin  à  pointe  assez  fine,  les  traits  sont  continus  et 
forment  des  lignes,  de  l'autre  coté  au  contraire  on  s'est  borné 
à  enlever  avec  un  instrument  grossier  une  certaine  quantité 
d'éclats  plus  ou  moins  gros. 

I.a  tète  de  Bulla  Regia  est  encore  susceptible  d'un  autre 
rapprochement.  Il  existe  toute  une  série  de  sculptures  afri- 
caines remarquables,  comme  celle-ci,  par  leur  exécution  très 
sommaire.  Telles  sont  une  idole  du  musée  de  Cherchell  (1) 
dont  la  tête  est  tout  à  fait  comparable  à  celle-ci  et  une  autre 
figure  analogue,  mais  plus  fruste,  du  musée  d'Alger  (2). 

Les  hétyles  surtout,  que  l'on  a  trouvés  à  Carthage,  ressem- 
blent beaucoup  à  la  figure  de  Bulla  Regia  (3)    Le  P.  Delattre 


(1)  Gauckler.  Musée  de  Cherc/iell,  pi.  II,  n'  :i,  p.  Si. 

(2)  Doublet.  Musée  d'Alger,  pi.  IV,  a'  6,  p.  66. 

(3)  Mem.  des  antiq.,  1804    Delattre.  La  nécropole  punique  de  Douï 
liés,  p.  287.  Gauckler.  Musée  Alaoui,  pi.  XI,  n°  1. 


240  SCULPTLRK   SUR    UN    ROCHER    DE    BULLA    REGIA 

croit  que  la  forme  ronde  de  cette  figure  indique  qu'on  a  voulu 
représenter  Tanit.  Tissot  a  fait  la  même  réflexion  à  propos 
d'une  représentation  rupestre  qui  se  trouve  sur  la  rive 
septentrionale  du  chott  Djerid  (I)  et  qui  doit  également  être 
rapprochée  de  celle-ci. 

Mais  le  monument  qui  me  parait  avoir  le  plus  de  ressem- 
blance sinon  par  3a forme  extérieure,  du  moins  parla  manière 
dont  les  détails  du  visage  ont  été  indiqués,  est  celui  que 
M.  de  la  Martinière  a  trouvé  dans  les  ruines  de  Lixus  (2). 
Les  trous  circulaires  qui  représentent  les  yeux  et  )a  bouche 
sont  tout  à  fait  les  mêmes  des  deux  côtés. 

La  sculpture  de  Bulla  Regia  offre  donc  des  caractères  qui 
tiennent  à  la  fois  des  sculptures  rupestres,  des  stèles,  portant 
ou  non  des  caractères  libyques  ou  romains,  dues  à  l'art 
indigène,  et  de  certaines  sculptures  grossières  paraissant  avoir 
représenté  des  divinités  africaines. 

Sa  situation  près  de  nécropoles  mégalithiques  et  puniques, 
s'accorde  bien,  d'ailleurs,  avec  ces  caractère.^.  Et  si  les 
rapprochements  faits  par  le  P.  Delattre  et  ïissot  sont  exacts, 
quoiqu'on  n'ait  pas  ici  trouvé  de  croissant  surmontant  la 
représentation,  on  peut  croire  qu'on  se  trouve  en  présence  de 
l'image  grossière  de  l'une  de  ces  divinités. 

De  la  Blanchère,  à  qui  j'avais  montré  ce  monument,  avait 
compris  tout  l'inlèrèl  qu'il  présentait,  car  il  prescrivit  immé- 
diatement au  chef  de  chantier  qu'il  avait  mis  à  ma  disposition 
pour  les  fouilles  que  je  dirigeais,  d'en  faire  un  moulage. 
Celte  opération  n'ayant  pas  réussi,  il  fit  briser  le  rocher  et  en 
détacher  une  dalle  portant  la  sculpture,  qui  se  trouve 
actuellement  en  deux  fragments,  dans  un  magasin  du  Musée 
du  Bardo. 

Ce  document  mériterait,  à  mon  avis,  de  sortir  du  coin  où  il 
a  été  relégué  et  d'être  placé  près  des  stèles  et  des  bas-reliefs 
libyques  qui  ornent  l'escalier  du  Musée,  et  dont  il  se  rapproche 
par  plus  d'un  trait. 

Docteur  CARTON, 

Médecin  militaire. 


(1)  Tissot.  Géogr,  comp.  del'Af.  rom.  I.  p.  480,  fi?.  48. 

(2)  De  la  Maninière.    Bull,  arrhéol.  lS9a.   Recherches  sur   l'empla- 
cement de  la  ville  de  Lixus,  p.  lîi. 


CHRONIQUE  GÉOGRAPHIQUE 


EUROFE 


Un  canal  transeuropéen.  —  L)ù  à  l'iniUative  de  Guillaume  II, 
ce  canal,  reliant  Stettin,  sur  l'Oder,  au  port  de  Fiume,  situé 
dans  le  golfe  de  Quarnero,  sur  l'Adriatique,  couperait  l'Europe 
en  deux  par  une  ligne  à  direction  sensiblement  N.-S. 
Son  développement  serait  de  2,400  kilomètres,  ce  qui  en  ferait 
le  plus  grand  canal  du  monde. 

En  réalité,  il  n'y  aurait  à  creuser  que  485  kilomètres,  les 
voies  navigables  actuellement  existantes  pouvant  être  utilisées. 
De  Stettin  à  Kosel,  en  Silésie,  et  même  jusqu'à  Oderberg,  on 
utiliserait  le  cours  de  l'Oder.  Puis,  le  canal  serait  percé  de 
façon  à  aboutir  à  Komond,  sur  le  Danube,  suivrait  la  Save,  de 
Hokovar  à  Sissek,  et  la  Kalpa  jusqu'à  Karlstad.  De  ce  dernier 
point  au  port  de  Fiume,  la  nouvelle  voie  serait  très  facile  à 
établir,  sauf  pour  la  courte  traversée  des  Alpes  Juliennes. 
(BuU.  Soc.  de  Géogr.  de  Dunkerque). 

France.  —  Percement  de  la  Faucille.—  Le  Conseil  général  de 
la  Seine  s'est  occupé  dernièrement  du  projet  de  création  d'une 
voie  rapide  de  Paris  à  Genève  par  Lons-le-Saulnier  et  les 
monts  du  Jura. 

Autrefois,  la  traversée  du  Mont-Cenis  était  la  voie  la  plus 
courte  entre  Paris  et  Milan,  avec 944  kilomètres.  Actuellement, 
la  voie  par  le  Saint-Gothard  ramène  cette  distance  à  897  kilo- 
mètres. L'an  prochain,  après  le  percement  du  Simplon,  la  voie 
la  plus  courte  sera  celle  de  Paris- Pontarlier-Vallorbes- 
Lausanne,  avec  847  kilomètres.  C'est  à  cette  ligne  du  Simplon 
que  se  raccorderait  celle  de  la  Faucille  de  Paris  à  Genève  par 
Lons-le-Saulnier,  Saint-Claude  et  Crozet. 

France.  —  Émigration  aux  colonies.  —  Le  nombre  des 
passages  accordés  par  l'État  s'est  élevé  en  1901  à  IÎ94  contre  327 
en  1900.  Par  contre,  le  cbill're  des  capitaux  déclarés  n'est  que 
de  721,000  francs  au  lieu  de  816,000  en  1900. 

C'est  rindo-Chine  (170),  puis  Madagascar  (107),  qui  ont  eu 
les  faveurs  des  imigrants. 

Ces  chiffres  ne  comprennent  pas  la  totalité  de  l'émigration, 
mais  seulement  les  passages  gratuits  délivrés  par  l'État. 

18 


242  CHRONIQUE    GÉOGRAPHIQUE 

Angleterre. —  Le  câble  transpacifique. —  Le  Colonial  Office 
de  Londres  vient  de  décider  la  construction,  depuis  longtemps 
projetée,  du  câble  transpacifique  qui  réunira  la  Colombie 
britannique  à  l'Australie.  Le  câble  partira  de  l'île  de  Vancouver; 
les  atterrissements  se  feront  dans  l'ile  Fanping,  dans  les 
Fidji  et  les  Norfolk,  possessions  anglaises. 

La  longueur  totale  approchera  de  15,000  kilomètres  ;  le 
prix  total  est  évalué  à  45  millions  de  francs;  l'exploitation 
pourra  être  commencée  à  la  lin  de  1902. 


.A.SIE 


Le  chemin  de  fer  de  Bagdad.  —  Jadis,  c'est  par  la  vallée  de 
l'Eupliratu  que  la  Phénicie  et  la  Judée  recevaient  les  aromates 
des  Indes,  les  perles  du  Golfe  Persique  et  l'or  d'Ophir.  Les 
immenses  provinces  de  la  Mésopotamie  qui,  dès  l'époque  des 
plus  lointains  souvenirs  de  l'humanité  furent  le  centre  d'une 
civilisation  puissante,  rivale  de  celle  jle  l'Egypte,  vont 
renaître  à  la  vie  et  reprendre  un  développement  qu'elles  n'ont 
plus  vu  depuis  l'époque  si  florissante  des  Khalifes.  Un  accord  est 
intervenu  entre  la  Deutsch  Bank  et  le  gouvernement  Ottoman 
pour  l'exécution  de  la  voie  ferrée  qui  doit  conduire  de  Bagdad 
à  Koweït  par  Bassoiah. 

Cet  arrangement  nous  touche  de  près,  puisque  la  concession 
de  cette  ligne,  qui  n'aura  pas  moins  de  2,500  kilomètres  de 
développement,  réserve  aux  capitalistes  français  une  part  de 
40  "/o  dans  les  frais  et  les  profits  de  cette  colossale  entreprise. 

Quand  le  chemin  de  fer  de  Bagdad  aura  été  livré  à  l'exploi- 
tation, la  durée  du  voyage  entre  l'Europe  et  les  Indes  sera 
notablement  raccourcie.  Actuellement,  la  traversée  de  Brindisi 
à  Bombay  est  de  treize  jours;  elle  ne  serait  plus  que  de  huit 
jours. 

En  outre,  les  avantages  économiques  dus  à  la  nouvelle  ligne 
sont  évidents.  C'est  d'abord  la  renaissance  agricole  de  la 
Mésopotamie  dont  le  sol  est  fort  riche  et  produit  surtout  le 
blé,  l'orge,  le  coton,  le  riz,  le  maïs,  le  sésame,  les  dattes.  Plus 
en  grand  se  ferait  l'élevage  du  bétail,  qui,  actuellement,  ne 
peut  s'exporter  que  par  la  route  longue  et  périlleuse  du  désert, 
et  seulement  au  printemps  quand  les  troupeaux  trouvent  de 
quoi  brouter  sur  la  route  de  Bagdad  à  Alexandrette.  Cette 
région  fournit  dès  maintenant  au  commerce  extérieur  annuel 
10,000  balles  de  peaux  et  40,000  balles  de  laines. 

Le  sous-sol  de  l'Irak-Arabi  pourrait  enfin  être  exploité,  car 
il  est  riche  en  houille,  en  bitume,  en  naphte. 


CHRONIQUE   GÉOGRAPHIQUE  243 

Ce  serait  aussi  l'établissement  possible  d'industries  euro- 
péennes dans  l'Irak  Arabi  oi'i  il  n'existe  que  quelques  métiers 
rudimenlaires  qui  tissent  des  étoiles  de  soie,  de  laine,  de  coton, 
à  l'usage  exclusif  des  Arabes.  C'est  de  Bagdad  que  vont  en 
Europe  les  cuirs,  les  laines,  le  coton,  et  les  matières  premières 
sont  réexpédiées  d'Europe  à  des  prix  décuplés. 

A  Bagdad,  il  n'jr  a  pas  une  seule  maison  de  commerce 
européenne. 

On  voit  donc  l'iuiporlaiice  pour  l'Europe  de  ce  pays  où  tout 
l'outillage  économique  est  à  créer. 

Le  point  de  vue  stratégique  n'est  pas  à  négliger  :  on  se 
rappellera  que  les  troupes  du  6'-  corps  d'armée  n'arrivèrent, 
en  1877,  à  la  fi'ontière  turco-russe  qu'après  deux  mois  de 
marclies  forcées,  qu'après  avoir  perdu  en  cours  de  route  une 
partie  de  leurs  elléctil's,  et  trop  tard  pour  prendre  part  utile 
ment  à  la  lutte. 

En  un  mot,  l'ouverture  de  la  ligne  Bagdad-Kovveit  amènera 
de  nouveau  la  prospérité  dans  une  région  délaissée,  créera  une 
voie  nouvelle  et  plus  rapide  aux  écbanges  avec  l'Extrême- 
Orient,  contribuera  à  enlever  aux  Anglais  une  suprématie 
menaçante  non  seulement  dans  le  Golfe  Persique,  mais  dans 
toutes  les  régions  avoisinantes  qu'ils  convoitent  depuis  de  si 
longues  années. 

{Bull.  Soc.  Géorjr.  de  Lyon). 

L'Allemagne  en  Extrême-Orient— LeporideTsm-TeiO. — 

Entre  les  années  1880  et  1900,  les  exportations  allemandes  en 
Chine  ont  passé  de  8  millions  et  demi  à  60  millions  de  francs, 
les  importations  de  1  million  et  demi  à  45  millions.  Avec  le 
Japon,  la  montée  a  été  respectivement  de  3  millions  et  demi 
et  750.000  francs  à  88  millions  et  20  millions. 

Pour  le  port  de  Tsin  Tao,  qui  sera  le  foyer  principal  d'action 
de  l'Allemagne  asiatique,  on  a  dépensé  officiellement,  deiiuis 
1898,  49  millions  de  francs.  On  bâtit  là  un  arsenal  maritime, 
un  port  militaire  et  un  entrepôtcommercial,  une  vraie  capitale, 
reliée  à  l'intérieur  par  le  chemin  de  fer  de  Ïsin-Tao  à  Tsi-Nan, 
long  de  450  kilomètres,  dont  plus  de  100  sont  déjà  faits,  et 
voisine  d'un  bassin  houiller  important  qui  permettra  de 
constituer  des  dépôts  de  charbon  dans  l'empire  colonial 
allemand  du  Pacifique. 

Les  progrès  économiques  de  l'Allemagne  en  Chine  se  font 
surtout  aux  dépens  de  l'Angleterre.  Une  des  victoires  les  plus 
importantes  qu'elle  ait  remportées  est  l'accord  qu'elle  a  conclu 
en  1900  avec  l'Angleterre  pour  le  maintien  de  l'intégrité 
territoriale  et  de  la  porte  ouverte  en  Chine.  (Jette  entente,  en 


244  CHRONIQUE   GÉOGRAPHIUUE 

apparence  dirigée  contre  les  projets  des  Russes  en  Mandchourie, 
s'est  en  définitive  retournée  contre  les  intérêts  britanniques. 
Elle  a  permis  d'importantes  concessions  à  Chang-Hai,  où  les 
Allemands  ont  placé  une  forte  garnison  et  construit  sur 
1  kilomètre  de  front  des  chantiers,  des  quais,  des  docks,  des 
ateliers  de  réparations  allemands.  Elle  a  rendu  possible,  sans 
opposition,  l'entrée  de  la  concurrence  allemande  sur  le  Vang- 
Tsen,  que  les  Anglais  commençaient  à  regarder  comme  leur 
propriété  exclusive.  Une  action  combinée  des  compagnies 
Norddeutscher  Lloijd  et  Hamburg -Améi  ika  a  abouli  à  la 
création  d'un  service  allemand  sur  le  grand  fleuve  jusqu'à 
Tscliong-King.  L'Allemagne  prélève  déjà  20  p.  100  du  trafic 
du  Yang-Tsen.  De  nouvelles  lignes  maritimes  se  créent,  on 
assiste  au  rachat,  par  les  deu.x  puissantes  compagnies,  d'an- 
ciennes lignes  anglaises.  Enlin  dans  tout  le  Sud  de  la  Chine, 
jusqu'au  Siam,  le  cabotage  allemand  prend  une  prédominance 
incontestée. 

{Annales  de  Géograplùe). 


-A-FRIQUE 


Voyage  de  Dodson,  de  Tripoli  à  Mourzouk.  —  M.  Dodson 
vient  de  parcourir  la  route  conduisant  de  Tripoli  à  Mourzouk, 
la  capitale  du  Fezzan,  qui  n'avait  plus  été  visitée  par  une 
expédition  scientifique  depuis  les  explorations  de  Bartli,  de 
von  Beurmann,  de  lUiolfs  et  de  Nachtegal. 

L'expédition  de  M.  Dodson  quitta  Tripoli  et  suivit  la  route 
de  Nachtegal  dans  la  direction  Sud-Est.  Après  huit  jours  de 
marche,  elle  atteignit  le  désert  où  elle  souffrit  de  la  chaleur 
et  du  manque  d'eau  :  on  ne  trouvait  de  l'eau  que  toutes  les  dix 
ou  douze  heures.  Deux  semaines  après  avoir  quitté  Tripoli, 
l'expbrateur  arriva  à  Uadi-Sofedchin,  d'où  il  lit  une  excursion 
à  un  ancien  réservoir  d'eau  romain,  magnifique  monument  de 
maçonnerie,  bien  conservé,  dont  le  ciment,  qui  subsiste  encore, 
a  conservé  son  étanchéité. 

M.  Dodson  se  dirigea  vers  Sokna,  dans  l'oasis  Boudchem  et 
constata  que  les  habitants  n'avaient  pour  se  nourrir  que  des 
escargots  et  du  jus  de  dattier.  Quelques  constructions  de 
l'oasis  remontent  à  l'époque  romaine  et  font  contraste  avec 
les  misérables  habitations  des  indigènes  :  l'une  d'elle,  dont  les 
murs  ont  quatre  mètres  d'épaisseur,  couvre  une  superficie 
de  3,500  mètres  carrés.  Sokna  est  une  petite  oasis  de 
2,000habitants(iui possède  une  garnison  turque  de  200  hommes. 


CHRONIQUE    GÉOGRAPHIQUE  245 

L'expédition  arriva  enfin  à  Mourzouk,  à  450  kilomètres  de 
Sokna,  après  avoir  traversé  notamment  une  grande  forêt 
pétrifiée,  dont  les  troncs  d'arbres,  tous  penchés,  sontconverts 
de  coquillages  jusqu'à  deux  mètres  de  hauteur,  ce  qui  semble 
démontrer  que  la  mer  a  pénétré  autrefois  jusque  là. 

(Soc.  d'Étuden  Coloniales). 

Presqu'île  des  Somalis.  —  Deux  expéditions  françaises 
travaillent  en  ce  moment  dans  la  presqu'île  des  Somalis.  L'une, 
dirigée  par  M.  Duchesne,  sous  les  auspices  du  Gouvernement 
et  de  la  Société  de  Géographie  de  Paris,  a  étudié  la  géologie 
de  Djibouti  et  de  la  baie  de  Tadschoura  et  la  géographie  et 
l'ethnographie  du  pays  des  b'omalis,  en  traversant  le  désert 
près  de  Lassarat  et  île  Addagalla,  pour  gagner  ensuite  Addis- 
Abeba  par  Gurgura;  l'autre,  conduite  par  le  vicomte  Du  Bourg, 
reçut  de  l'Empereur  Ménélik  l'autorisation  de  traverser  les 
provinces  équatoriales,  et  se  dirigea  vers  le  Harrar.  En  quittant 
ce  pays,  l'expédition  prit  au  Sud,  explora  la  vallée  du  Webi 
Schebeli,  où  elle  courut  de  grands  dangers  à  cause  du  manque 
d'eau,  s'enfonça  dans  la  vallée  du  Dagato,  pour  pénétrer  dans 
la  région  d'Ogaden  oi!i  le  gibier  abonde.  Elle  arriva  au  confluent 
du  Burka  et  du  Webi  Schebeli  qu'elle  descendit  jusqu'à  Imi  en 
explorant  le  pays  de  Scheik-Hupein.  Se  dirigeant  ensuite  vers 
l'Ouest,  elle  visita  les  vallées  du  Webi  suf)érieur  (affluent  du 
Djuba)  et  Maneb,  où  elle  attendit  la  fin  de  la  saison  des  pluies. 

Protectorat  de  la  côte  des  Somalis—  Commerce  en  1901. 

—  D'après  le  rapport  du  consul  anglais,  le  commerce  total,  du 
protectorat  de  la  cote  des  Somalis  a  été  en  1901  de  beaucoup 
inférieur  à  celui  des  deux  années  précédentes.  La  diminution 
est  dù9,  à  Zeila,  aux  avantages  offerts  par  le  cliemin  de  fer 
français  de  Djibouti  à  Harrar,  tandis  qu'à  Berbera  et  à  Bulhar, 
elle  est  attribuable  aux  troubles  de  la  partie  orientale  du 
protectorat,  qui  eurent  pour  effet  de  fermer  les  marchés 
importants  d'Orgaden  et  du  Sud-Est  du  Dolbahanti.  Selon  le 
rapport  précité,  ce  fléchissement  n'est  que  momentané  ;  il  fait 
observer  que  Zeila  a  été,  ces  dernières  années,  le  point  de  départ 
principal  du  commerce  vers  le  Harrar  et  que,  de  tout  temps,  elle 
a  été  l'endroit  d'où  partent  les  caravanes  vers  l'intérieur. 

Il  y  a  lieu  de  penser  que  les  espérances  du  consul  anglais  ne 
sont  pas  fondées.  Tandis  que  son  gouvernement  se  contentait 
d'assurer  la  sécurité  des  routes  de  caravane,  la  Fram^e, 
abandonnant  l'ésolument  la  position  défavorable  d'Obock, 
tondait  Djibouti  qui  est  devenu  une  station  importante  et  la 
tète  de  ligne  du  premier  tronçon  de  chemin  de  fer  de  Harrar. 

(•Soc.  Etudes  Coloniales/. 


246  CHRONIQUE    GÉOGRAPHIQUE 

Maroc.  —  Les  Intérêts  Allemands.  —  Dans  le  ressort  du 
consulatde  Tanger,  seize  maisons  allemandes  font  le  commerce 
d'importation,  d'exportation  et  de  commission,  surtout  avec 
l'Allemagne  et  l'Angleterre.  Dans  quatre  ports,  le  pavillon 
allemand  possède  la  prééminence.  Il  vient  presque  au  premier 
rang  pour  les  exportations.  Dans  le  commerce  d'importation, 
les  Allemands  sont  fortement  distancés  pour  le  sucre  et  les 
cotonnades  qui  viennent  d'Angleterre;  mais  pour  d'autres 
marchandises,  le  thé,  par  exemple,  Hambourg  et  Brème 
pourraient  sans  peine  rivaliser  avec  Londres.  Au  total,  si  l'on 
tient  compte  des  maisons  industrielles  représentées  au  Maroc 
et  des  compagnies  d'assurances,  la  valeur  des  intérêts  de 
l'Allemagne  au  Maroc  se  monte  à  8  ou  IG  millions  de  marks. 

(Soc.  Géogr.  Je  Danlœrqiie). 


Venezuela.  —  Chemins  de  fer.  -  Le  gouvernement 
vénézuélien  a  concède  à  deux  sociétés  américaines  la  construc- 
tion de  deux  lignes  de  chemins  de  fer  qui  sont  appelés  à 
contribuer  dans  une  large  mesure  à  la  mise  en  valeur  du  pays. 

La  première  va  d'un  point  situé  sur  la  mer  de  Maracaibo  à 
Carora  dans  l'état  de  Lara.  A  voie  unique,  d'un  écartement  de 
1">07,  elle  devra  être  terminée  en  sept  ans,  et  pourra  être 
piolongée  jusqu'à  Barquisimeto. 

La  deuxième  va  de  Barranquitos  aux  plaines  de  San  Ignacio 
dans  le  district  de  Perija  à  la  frontière  colombienne.  Celte 
ligne,  répond  à  la  première.  Elle  se  divisera  à  partir  de  San 
Ignacio.  Une  des  branches  se  dirigera  vers  le  Sud,  l'autre  vers 
le  Nord,  vers  Maracaibo,  via  Rosario. 

(Soc.  Études  Coloniales). 

Les  Mines  d'or  du  Klondyke.  —  Le  professeur  Miers  adonné 
dernièrement,  à  la  Royal  Institution  de  Londres,  le  résultat 
d'une  récente  visite  aux  mines  d'or  du  Klondyke.  Les  mines 
se  trouvent  le  long  de  la  rivière  Klondyke,  à  13  milles  de 
Dawson  City.  On  y  arrive  maintenant  par  des  routes;  aupara- 
vant il  n'y  avait  que  des  sentiers  à  travers  les  forêts.  La 
surface  aurifère  est  de  30  milles  carrés;  les  cours  d'eau  qui 
l'arrosent  rayonnent  autour  d'une  montagne  centrale  appelée 
la  Douie.  Tous  contiennent  de  l'or.  Au  Klondyke,  on  extrait  l'or 
du  gravier  qui  se  trouve  dans  le  fond  de  la  vallée  ou  da'ns  le 
flanc   de  la   colline.    Le  gravier  provient   probablement  des 


CHRONIQUE   GÉOGRAPHIQUE  247 

rochers  de  la  surface,  et  comme  les  cailloux  ne  sont  pas 
fort  arrondis,  ils  n'ont  pas  pu  venir  de  loin.  Le  dépôt  du  flanc 
de  la  colline,  connue  sous  le  nom  de  «  White  Chaund  »  est 
très  singulier  et  ne  se  rencontre  vraisemblablement  pas  ailleurs. 
Il  est  situé  à  400  pieds  environ  au-dessus  du  fond  "le  la  vallée 
et  est  exploité  au  moyen  de  tunnels  creusés  horizontalement, 
dans  un  sol  gelé  qui  n'exige  pas  de  boisage  ni  d'autres  soutiens. 
Dans  la  vallée,  le  gravier  aurifère  est  recouvert  de  lOàlS  pieds 
de  tourbe  gelée  qu'il  faut  fondre  au  préalable  —  pierres 
brillantes  projetées  dans  des  trous  que  l'on  agrandit  peu  àpeu, 
—  feux  de  bois,  —  jets  de  vapeur  à  haute  pression  que  l'on 
introduit  dans  le  sol  par  des  tuyaux.  I.a  difficulté  est  accrue  de 
ce  que  les  parties  riches  en  or  ne  sont  pas  continues,  mais 
appai-aissent  tantôt  à  l'un,  tantôt  à  l'autre  côté  de  la  vallée. 

(Soc    d'Etudes  Coloniales.) 


foil.es 

Expéditions  en  cours.  —  Treize  expéditions  vers  les  pôles  se 
sont  mises  en  route  en  19)1.  Y  participent  le  Canada,  les  États- 
Unis,  l'Allemagne,  l'Angleterre,  l'Italie,  la  Hollande,  la 
Norwège,  la  Suède  et  la  Russie. 

Aux  alentours  du  Pôle-Nord  se  sont  successivement  donné 
rendez-vous  l'expédition  Baldwin-Ziegler,  de  New- York  ; 
le  vice-amiral  Makarofl',  parti  d'Arkang'l  à  bord  du  navire 
brise-glaces  le  Yennick  ;  le  capitaine  canadien  Dernier, 
d'origine  française,  sur  le  ScoUisli.  King  ;  le  capitaine 
Barnerdacht,  de  la  marine  impériale  allemande  ;  le  lieutenant 
Peary,  l'explorateur  américain  bien  connu,  et  le  docteur  Stein, 
un  suédois.  Puis  Nansen,  accompagné,  dit-on,  du  duc  des 
Abruzzes  ;  le  capitaine  Stokken,  un  autre  norwégien,  et  le 
baron  Toll,  qui  partira  de  la  mer  de  Kara  sur  un  bateau  de 
son  invention,  iront  rejoindre  les  six  expéditions  déjà  nom- 
mées dans  les  mers  arctiques. 

Quant  au  Pôle-Sud,  toujours  plus  délaissé,  parce  que  moins 
accessible,  il  recevra  néanmoins  la  visite  des  Anglais,  des 
Allemands,  des  Australiens  et  des  Hollandais. 

Les  deux  plus  importantes  expéditions  sont  celles  du  (t'aîi-s, 
dont  l'empereur  Guillaume  II  a  soldé  une  partie  des  frais, 
et  celle  du  DUcovery,  sous  les  ordres  du  command;mt  Scott, 
de  la  marine  royyle  britannique. 

D-  ,1.  G. 


STATION    THERMO-MINERALE 

I>'HAaiBIAOI-SEI.A»IA 


Dans  le  numéro' xx,  fascicule  lxxxiv,  du  Bulletin  de  la 
Société  de  Géographie  et  d'Archéologie  d'Oran,  j'ai  publié 
divers  renseignements  minéralugiques  et  hydrologiques  inté- 
ressant le  département  d'Oran,  accompagnés  d'une  carte 
indicatrice.  Celle  publication  était  le  résumé  sommaire  de 
divers  travaux  exécutés  dans  cet  ordre  d'idées,  par  le  Service 
des  Mines  de  la  province. 

Dans  la  partie  hydrologique,  notamment,  j'avais  exposé  le 
relevé  des  sources  thermales  et  minérales,  qui  ont  été  plus  ou 
moins  l'objet  de  travaux  importants  de  captage  et  d'aména- 
gement. Quelques-unes  sont  assez  fréquentées.  Il  n'existait 
pas  alors,  dans  le  département,  d'autres  sources  de  cette 
nature  pouvant  intéresser  le  public. 

Un  nouvel  établissement  thermo-minéral  vient  d'être  créé 
récemment,  c'est  celui  d'Hammam-Selama  ;  il  est  situé  près  le 
village  de  Port-aux-Poules,  dans  le  voisinage  de  l'embouchure 
de  la  Macta,  c'est-à-dire,  sur  les  bords  de  la  mer,  et  étant 
desservi,  en  même  temps,  par  la  voie  ferrée  d'Arzew  à  A'in- 
Sefra;  il  est  dirigé  par  M.  Roger  Duzan. 

C'est  en  forant  un  puits  artésien  que  M.  Armitage,  ingénieur 
minéralogiste,  a  vu  jaillir  cette  source  minérale,  laquella 
répandait,  à  son  émission,  une  odeur  sulfureuse  caractéris- 
tique. La  température  de  l'eau  accuse  22  degrés;  son  débit 
quotidien  est  de  55  mètres  cubes  environ  ;  elle  émerge  d'une 
nappe  située  à  225  mètres  de  profondeur  à  peu  près.  Nous 
pensons  donner,  plus  tard,  après  une  visite  sérieuse  de  la 
situation,  notre  sentiment  géologique,  sur  les  causes  et  les 
circonstances  de  cette  découverte. 

Une  commission  technique,  composée  de  divers  professeurs 
de  l'Ecole  de  médecine  d'Alger,  et  de  l'Ingénieur  en  chef  des 
mines  de  l'Algérie,  a  publié  un  rapport  officiel  sur  cette  source. 


STATION    THERJtO-MINÉRALE    D'HAMJIAM-SELaMA.  249 

Nous  n'avons  pas  pu  nous  le  procurer,  mais  voici  le  résultat 
de  l'analyse  chimique  des  eaux,  faita  par  le  docteur  Pouchet  ; 

Silice 0,120 

Carbonate  de  chaux 2,812 

Sulfate  de  chaux 0,053 

Sulfate  de  magnésie 2,871 

Oxyde  de  fer  et  d'alumine 0,080 

Chlorure  de  Sodium 9,750 

Malgré  l'odeur  sulfureuse  dégagée  par  cette  eau,  elle  ne 
contient  pas,  parait-il,  de  l'hydrogène  sulfuré,  ou  du  moins, 
l'analyse  chimique  n'en  a  pas  accusé;  de  nouvelles  épreuves 
fourniront,  sans  doute,  des  éclaircissements  à  cette  égard. 

L'organisation,  d'Hammam-Selama  est  encore  rudimentaire; 
mais  un  avenir  plus  encourageant,  plus  développé,  lui  parait 
réservé  :  1"  à  raison  de  la  nature  sulfureuse  de  ses  eaux  : 
2"  du  voisinage  de  la  mer;  3"  des  centres  de  colonisation  qui 
l'environnent,  et  40  de  la  proximité  de  la  voie  ferrée. 

J.  BOUTY. 


BIBLIOGRAPHIE 


Notes  sur  l'histoire  naturelle  du  Sahara  algérien 


Les  .1  rcliices  de  Médecine  et  de  Pharmacie  militaires  ont  publié 
deux  notes  sur  l'histoire  naturelle  du  Sah.ira  oranais:  l'une,  de 
M.  G.  Delluc,  pliarmacien  aide-major  de  1"  classe,  sur  l'hydrologie 
de  VExtrème-Sud  oranais,  de  Dureyrier  à  Beni-Ahhès  (1);  l'autre, 
de  M.  le  docteur  Roniary,  médecin  aide-major  de  1"  classe,  sur 
la  nature  du  sol,  la  faune,  la  Jlore  de  la  région  d'Igli  (2i 

Le  même  recueil  a  publié  aussi  une  troisième  note,  de  ^LJ.Lahache, 
pharmacien-major  de  2*  classe,  sur  la  mare d'Aïn-Ta'iba.  Ce  travail 
concerne  l'hydrologie  de  la  vallée  l'Igarghar  (3). 


Dans  son  travail,  M.  Delluc  s'est  proposé  de  faire  connaître 
la  nature  et  la  qualité  des  eaux  de  la  vallée  de  la  Zousfana,  c'est- 
à-dire  de  toutes  celles  que  i.os  soldats  peuvent  avoir  à  consommer 
sur  la  ligne  qui  s'étend  de  Duveyrier  à  Beni-Abbés. 

Après  un  aperçu  sur-  «  l'aspect  général  du  pays  »  et  «  l'origine 
des  eaux  »  l'auteur  donne  l'analyse  des  eaux  de  Duveyrier, 
Djenan-ed-Dar,  Djenan-el-Harris,  Nakelat-bel-Brahim,  Fendi, 
Ksar-el-Adzoug,  Haci-el-Mir,  El-Morra,  Zaouïa-Foukania,  Taghit, 
Igli,  Beni-Abbès. 

Ne  pouvant  donner  ici  les  tableaux  d'analyses,  nous  nous 
bornerons  à  reproduire  les  conclusions  du  savant  officier  : 

«  Saui  à  Duveyrier,  où  même  les  meilleures  eaux  sont  de  médiocre 
qualité,  les  eaux  de.  tous  nos  postes  de  l'Extrême-Sud  :  Djenan- 
ed-Dar,  Taghit,  Igli  (Zousfana)  et  Beni-Abbès,  sont  de  bonne 
qualité  et  peuvent  être  consommées  sans  inconvénient  Quant  aux 
diverses  stations  intermédiaires,  l'eau  est  le  plus  souvent  de 
qualité  suffisante  et  peut  être  utilisée  par  les  troirpes  en  cours  de 
route  Toutefois,  cel'e  de  Ksai-el-Adzoug  devrait  être  mise  de  côté 


(1)  Archives,  février  1902.  p.  130. 

(2)  Lob.  cit..  février-mars  1902.  p.  156  et  248. 
(S)  Loc.  cit..  février  19  2.  p.  123. 


BIBLIOGRAPHIE  251 

«  Eq  ce  qui  concerne  la  composition  do  ces  eaux,  on  peut 
constater  ([u  il  y  a  presque  toujours,  et  dans  des  proportions  bien 
différentes,  un  excès  de  chlore  ou  de  magnésie.  Il  y  a  grand  excès  de 
chlorures  dans  les  eaux  de  Duveyrier,  Nakhelat-bel-Brahim,  Ksar- 
el-Adzoug,  El-Morra  et  Igli  foued  Guir). 

0  Les  eaux  de  Duveyrier  et  de  Ksar-el-Adzoug  sont  assez 
fortement  magnésiennes. 

«  Il  y  a  parfois  abondance  de  sulfales  ;  ;iu  contraire,  il  y  a  peu  ou 
même  pas  du  tout  de  carbonate  de  chaux 

«  Les  azotates  existent  rarement  M  Breteau  a  déjà  constaté  le 
fait  ;  il  les  signale  surtout  dans  les  eaux  des  postes  où  il  y  a 
agglomération  de  troupes  (Duveyrier,  Igli,  Beni-Abbès),  et  il 
attribue  leur  présence  à  la  contamination.  On  peut,  en  effet, 
constater. (|ue  l'eau  de  Djenan-ed-Dar,  analysée  avant  la  création 
du  poste,  n'en  renfermait  pas  de  traces;  une  nouvelle  analyse, 
faite  au  bout  de  plusie\irs  mois  d  occupation,  en  signale  3  milli- 
grammes par  litre. 

«  La  présence  de  l'hydrogène  sulfuré,  même  dans  les  eaux  de 
bonne  qualité,  est  assez  fréquente.  Il  résulterait  des  renseigne- 
ments recueillis  que,  à  l'origine,  ces  eaux  n'en  contiendraient  pa.s. 
Il  se  formerait  en  cours  de  route  et  au  bout  d'un  certain  temps  par 
réduction  des  sulfates  II  ne  faut  donc  pas  y  attacher  trop 
d  importance 

«  Pour  ce  qui  est  de  la  matière  organique  et  de  l'azote  albumi- 
noïde,  très  souvent  1  analyse  n'a  pu  être  faite,  par  suite  du  manque 
d'échantillon.  Si  parfois  les  proportions  trouvées  en  sont  trop  fortes 
il  importe  de  considérer  que  l'eau  arrive  au  lab  >raloire  api-ès  de 
longs  jours  de  voyage  et  dans  des  tljcons  plus  ou  moins  boujhés. 
On  ne  doit  donc  pas  en  tenir  trop  grand  compte,  d'autant  plus  que 
les  puits  étant  plus  ou  moins  protégés,  leur  présence  doit  être 
due,  le  plus  souvent,  à  des  souillures  extérieures   » 


Dans  son  travail,  M.  Lahachc  rend  compte  des  études  qu'd 
a  faites  sur  les  eaux  de  la  mare  d'Aïn-TaVba.  Cette  mare  est 
située  sur  la  r-oute  d'Ouargla  à  El-Biodh.  «  C'est  le  seul  point 
d'eau  à  ciel  ouvert  connu  dans  le  massif  des  dunes  de  l'Erg.  » 

La  mare  qui  est  alimentée  par  une  source  «  se  présente  sous  la 
forme  d'un  petit  lac  circulaire  de  100  mètres  de  diamètre,  situé  au 

fond  d'iui  entonnoir  conique  de  30  mètres   de  profondeur 

L'eau  a  une  profondeur  de  7  mètres.  » 

Comme  le  point  d'eau  le  plus  rapproché,  celui  d'El-Biodb, 
est  à  180  kilomètres  au  sud,  il  en  résulte  que  le  lac  d'Aïn-Tai'ba 


252  BIBLIOGRAPHIE 

est    un   gite    d'étape  pour   les    caravanes   qui    suivent   le  lit  de 
rigarghar. 

Malheureusement  l'eau  du  lac,  salie  par  toutes  sortes  de 
détritus,  est  impotable.  Les  voyageurs  sont  obligés  de  creuser  des 
trous  sur  le  chemin  de  ronde  du  cône  pour  obtenir  de  l'eau 
buvable.  Cette  eau  est  relativement  bonne  ;  mais  sa  composition 
minéralogique  parait  varier.  Depuis  18S0  elle  s'est  modifiée. 
La  dernière  analyse  laite  tout  récemment  par  M.  Lahache  a  donné 
la  composition  suivante  : 

a  Pour  un  litre  d'eau  : 

Résidu  desséché  à  +  100" . . .  0,.5?0  (calciné  0,397) 

Chlore 0,057 

Acide  carbonique 0,079 

Acide  sulfurique 0,083 

Silice 0  025 

Soude 0,107 

Magnésie 0,034 

Chaux 0  083 

Matières  organiques Néant 

Fer,  alumine Traces 

Nitrates Néant 

«  La  répartition  des  éléments  entre  les  différents  sels  présente 
le  tableau  suivant  : 

Bicarbonate  de  chaux 0,134 

Bicarbonate  de  magnésie. . . .  0.064 

Silicate  de  soude 0,051 

Chlorure  de  sodium 0,093 

Sulfate  de  magnésie 0,042 

Sulfate  de  chaux 0,075 

Sulfate  de  soude 0,0-20 

Carbonate  de  soude 0.0.39 

Tout  en  cherchant  à  fixer  la  nature  et  la  qualité  des  eaux 
d'Aïn-Taïba,  M.  Lahache  avait  surtout  pour  but  de  chercher  à 
résoudre  un  des  cotés  d'un  problème  qui  intéresse  l'Algérie 
économique  ;  Y  a-t-il  des  nitrates  dans  le  Sahara  algérien  ? 

«  Il  est  tout  naturel,  dit  M.  Lahache,  que  là  où  se  trouvent  des 
gisements  considérables  de  nitrates,  les  eaux  de  diffusion  et 
les  eaux  profondes  en  soient  chargées,  au  point  qu'aucune 
confusion  ne  puisse  être  établie  avec  les  nitrates  provenant 
des  matières  azotées  accidentelles.  » 


BIBLIOGRAPHIE  253 

Or,  chose  curieuse,  l'analyse  de  l'eau  d'Aïn-Taïba   n'a   donné 
aucune  trace  de  nitrates. 
M.  Lahache  conclut  : 

«  Ainsi  donc,  nous  n'avons  pas  trouvé  de  nitrates  en  quantité 
dosable  dans  les  eaux  de  la  région  d'Aïn-Taïba.  Comme  notre 
examen  a  porté  sur  des  échantillons  recueillis  au  fond  d'une  des 
grandes  dépressions  de  l'Erg,  dans  un  des  gassis  ou  défilés  où 
rigarghar  allongeait  ses  ramifications  ;  que  lii,  par  conséquent, 
s'accumulent  les  eaux  issues  du  plateau  de  Tadmaydt,  de  celui  du 
Tinghert,  nous  croyons  qu'il  faut  renoncer  à  chercher  dans  ces 
régions  les  gisements  de  nitrates  exploitables.  » 


Dans  son  travail,  M.  le  docteur  Romary  traite  de  la  géologie, 
de  la  faune  et  de  la  flore  de  la  vallée  de  la  Zousfana  et  particuliè- 
rement des  environs  d'Igli.  Ayant  séjourné  pendant  plus  d'une 
année  à  Igli  même,  il  a  pu  faire  d'importantes  recherches, 
recueillir  de  nombreuses  observations  et  rapporter  de  précieux 
matériaux.  Son  travail  est  divisé  en  trois  parties  que  nous  allons 
essayer  de  résumer  : 

I.  Nature  du,  sol.  —  Au  point  de  vue  géologique,  les  bassins 
inférieurs  de  la  Zousfana  et  de  l'oued  Guir  paraissent  n'être 
constitués  que  par  la  baseducarboniférien  inférieur,  le  quaternaire 
alluvionnaire  et  les  dunes. 

On  sait  que  c'est  grâce  aux  quelques  échantillons  i-ecueillis  par 
M.  le  commandant  Barthal  et  M.  le  sous- lieutenant  Barthélémy, 
que  M.  Ficheur  a  pu  signaler  la  présence  du  carbonilerien  inférieur 
dans  la  région  d'Igli. 

C'est  grâce  aux  nombreux  échantillons  rapportés  par  M.  le  D' 
Romary,  que  la  classification  du  terrain  a  pu  être  confirmée. 

M.  le  docteur  Romary  énumère  les  espèces  qu'il  a  recueillies  et 
que  M.  Ficheur  a  pu  déterminer.  C'est  une  liste  précieuse  qui  sera 
complétée  plus  tard. 

Sur  notre  amicale  invitation,  M.  le  docteur  Romary  a  bien  voulu 
offrir  ses  riches  récoltes  au  service  géologique  de  l'Algérie  : 
les  types  sont  à  Alger,  les  doubles  au  service  des  Mines,  à  Oran, 
Nous  ne  saurions  trop  remercier  une  fuis  de  plus  le  généreux 
donateur. 

M.  le  docteur  Romary  signale  la  direction  du  plongement 
des  assises.  Ce  plongement  est  très  accentué  vers  l'ouest. 
C'est  là  une  indication  importante,  elle  montre  que  si  les  dernières 
assises  du  carboniférien  inféi-ieur  et,  avec  lui,  le  terrain  houiller 
existent  dans  l'Extréme-Sud  oranais,  c'est  à  l'ouest  de  la  ligne  de 


254  BIBLIOGRAPHIE 

l'oued   Zousfana    qu'on    pourra    plus   tard    reeheicher   la    partie 
occidentale  du  bassin  liouiller  (1). 

II.  Faune.  —  M.  le  docteur  Romary  cite  d'abord  les  animaux 
domestiques;  il  donne  ensuite  une  assez  longue  liste  des  animaux 
sauvages:  Mammifères,  oiseaux,  reptiles,  amphibiens,  poissons. 
Il  accompagne  cette  énumération  de  quelques  courtes  notes  sur  les 
mœurs  de  certaines  espèces.  Ces  notes  prises  sur  le  vif  témoignent 
chez  l'auteur   d'un    sérieux  esprit   d'observation. 

L'énuméralion  des  invertébrés  est  assez  longue  mais  plutôt 
générique  que  spécifique.  Seuls  quelques  coléoptères  ont  été 
déterminés  par  notre  collègue,  M.  Tournier. 

III.  Flore.  —  Les  connaissances  spéciales  de  M.  le  docteur 
Romary  lui  ont  permis  d'étudier  avec  plus  de  profit  la  flore  d'Igli. 
L'énuméralion  des  familles  et  des  espèces  étudiées  ou  entrevues 
est  assez  longue  et  très  intéressante.  Le  jeune  et  savant  docteur 
signale  deux  espèces  nouvelles  ;  l'une  qu'il  appelle  provisoirement 
Fritilldria  Igliensis.  l'autre  Primula  parrijlora. 

La  pré.sence  d'une  pi-imevère  sur  les  boyds  de  la  Zousfana  est 
bien  curieuse. 


On  voit  par  les  résultats  que  nous  venons  de  signaler  que  les 
trois  notes  de  MM  Delluc,  Lahachc  et  Romar>',  présentent  un 
grand  intérêt  ;  elles  font  le  plus  grand  honneur  à  leurs  savants 
auteurs.  Elles  sont  les  prémisses  de  travaux  plus  importants. 

Ces  notes  nous  plaisent  surtout  par  un  côté;  elles  témoignent 
une  fois  de  plus  de  l'esprit  scientifique  qui  ne  cesse  d'animer 
MM.  les  officiers  du  corps  de  Santé  militaire  ;  les  jeunes  suivent 
les  traces  de  leurs  anciens;  ils  continuent  à  grossir  la  liste  des 
travailleurs  qui  ont  honoré  et  honorent  encore  ce  corps  d'élite. 
Dans  la  solitude  des  déserts,  ils  restent  des  laborieux,  ils  savent 
chasser  l'ennui  en  consacrant  leurs  loisirs  à  des  recherches  scien- 
tifiques. Pionniers  de  la  science,  ils  plantent,  au  milieu  des  dunes, 
des  jalons  qui  guideront  leurs  successeurs. 

F.  DOUMERGUE 


(1)  Des  découvertes  et  des  ét'ides  nouvelles  de  MM.  Collot  et  Flamand 
ne  laissent  aucun  djule  sur  la  présence  dans  le  Sahara  algérieu  des 
dernières  assises  du  Culiii  CcarboniférieD  inférieur).  Tout  f:iit  supposer 
que  le  terrain  houiller  doit  continuer  quelque  part  la  série  des  assises 
carbonifériennes. 


JI 0  N  0  r.  R  A  P II I E 
DE    LA    COMMUNE    INDIGÈNE    DE    TIARET-AFLOU 


CARACTERES  GENERAUX 

DES     GOiMMlJNKS     INDIGÈNES 


AvanI  d'abordei"  la  monographie  do  la  commune 
indigène  de  Tiare<t-Allou,  il  nous  a  paru  utile  d'étudier 
les  caractères  des  communes  indigènes,  leur  orga- 
nisation et  leur  fonctionnement. 

Ces  unités  administratives  sont  loin  de  ressembler 
aux  communes  métropolitaines  ou  algériennes  du 
Tell  ;  créées  pour  des  besoins  spéciaux  elles  ont  dû 
nécessairement  comporter  une  organisation  toute 
dill'érente  que  celle  qui  régit  les  communes  où 
l'élément  européen  est  prépondérant. 

Dans  les  communes  algériennes  régies  par  la  loi 
municipale  du  5  avril  188i-,  les  franchises  et  les 
libertés  municipales  sont  absolument  identiques  à 
celles  dont  jouissent  les  habitants  de  la  France 
continentale.  Les  légères  exceptions  prévues  par 
la  loi  ont  pour  objet  de  tenir  compte  des  besoins 
locaux  et  de  donner  aux  populations  indigènes  le 
droit  de  désigner  des  représentants  au  sein  du 
Conseil  municipal  pour  soutenir  et  défendre  leurs, 
intérêts. 

Il  est  évident  qu'il  ne  saurait  en  être  de  même 
dans  les  territoires  qui  composent  les  communes 
indigènes. 

Situées  au  Sud  de  l'Algérie,  comportant  de  vastes 
espaces  habités  par  des  tribus  généralement  noma- 
des, l'organisation  municipale  de  ces  communes  ne 

19 


256    MONOGRAPHIE    DE    LA    COMMUNE    INDIC.ÉXE    DE    TIARET-AELOU 

pouvait  ètie  la  même  que  pour  leurs  voisines  du  Tell. 
Il  était  indispensable  que  le  pouvoir  central  puisse 
faire  sentir  son  action  et  exercer  sa  surveillance 
sur  des  populations  naguère  hostiles,  i^ïnorantes  des 
libertés  communales  et  peu  en  mesure  de  gérer 
convenablement  elles-mêmes  les  intérêts  multiples 
de  la  collectivité. 

Il  fallait  donc  créer  une  administration  paternelle, 
mais  puissante  iiour  maintenir  dans  le  devoir  et 
l'obéissance  les  sujets  sous  ses  ordres. 

C'est  dans  ce  but  que  l'arrêté  du  13  novembre  1873, 
qui  a  créé  les  communes  indigènes,  a  confié  à 
l'autorité  militaire  la  direction,  la  gestion  et  la 
surveillance  de  ces  unités  administratives. 

A  la  tête  de  la  commune  se  trouve  le  Commandant 
supérieur  qui  remplit  les  fonctions -de  Maire  et  en 
exerce  toutes  les  attributions.  Sous  ses  ordres,  au 
point  de  vue  communal,  sont  placés  les  chefs  des 
bureaux  aralies  ciiargés  de  la  police  des  populations 
indigènes,  de  l'expédition  des  ordres,  de  leur  mise 
à  exécution,  de  la  police  des  marchés,  de  la  situation 
politique  et  administrative  du  pays,  de  la  recherche 
des  crimes  et  délits,  etc. 

Une  Commission  municipale,  composée  du  com- 
mandant supérieur,  du  ou  des  capitaines,  chefs  des 
bureaux  arabes,  et  des  caïds  est  appelée  par  ses 
délibérations  à  se  prononcer  sur  toutes  les  matières 
soumises  aux  conseils  municipaux  des  communes 
de  plein  exercice.  (Art.  11  de  l'arrêté  du  20  mai  1868.) 

«  Tandis  que  les  communes  mixtes  civiles  ou 
«  militaires  .offrent  les  caractères  d'une  transition 
«  progressive  vers  le  régime  du  droit  commun,  le 
«  trait  essentiel  des  communes  indigènes,  est,  ainsi 
«  que  l'exprime  d'ailleurs  l'arrêté  du  13  novembre  1874, 
a  en  son  article  3,  d'être  soumises  au  régime  du 
«  commandement.  Mais  elles  ont  d'ailleurs,  aussi 
a  bien  que  les  communes  mixtes  et  de  plein  exercice, 


CARACTKRES    GÉNÉRAUX    DES    COMMUNES    INDIGÈNES  '257 

«  la  qualité  de  personnes  civiles  et  exercent  tous  les 
«  droits,  prérogatives  et  actions  qui  y  sont  attachées. 
«  Elles  ont  leur  existence,  leur  domaine  et  leur  orga- 
«  nisation  propres.  »  (Arrêté  du  29  mai  1868,  art.  4. 
Arrêté  du  I.'î  novembre  1874,  art.  2.)  <'> 

Il  résulte  des  principes  énoncés  ci-dessus  que  les 
communes  indigènes  en  tant  qu'unités  territoriales 
ont  un  jjudget  personnel,  qu'elles  peuvent  posséder, 
vendre  et  acheter  ;  mais  que  leurs  habitants,  euro- 
péens ou  indigènes,  n'ont  aucune  action  à  exercer, 
par  la  voie  du  vote,  sur  la  composition  de  la  commis- 
sion administrative  et  la  désignation  des  magistrats 
chargés  d'en  diriij,er  les  destinées.  ' 

Il  n'existe  donc  pas  en  commune  indigène  des 
compétitions  pour  l'obtention  des  fonctions  muni- 
cipales. On  n'y  vuit  pas  de  luttes  locales  ni  des  çofs 
se  disputer  le  i)ouvoir;  l'exercice  de  ce  dernier  est 
entièrement  entre  les  mains  de  l'autorité  militaire 
qui  peut  ainsi  diriger  les  populations  sous  ses  ordres, 
les  surveiller,  les  instruire  et  mener  à  bonne  fin  les 
travaux  destinés  à  assurer  le  développement  écono- 
mique et  industriel  de  ces  régions,  afin  qu'elles 
puissent,  dans  nn  avenir  plus  ou  moins  éloigné,  être 
appelées  à  jouir  des  bienfaits  d'une  organisation 
plus  complète  et  comportant  une  plus  grande  liberté. 


(1)  Le  ré'jime  municipal  en  Algérie,  par  René  Tilloy,  art.  198,  p.  111. 


MONOGRAPHIE 


Coiiiiîiiint  iiidiuène  de  Tiarel-AIIoii 


La  commune'indigène  de  Tiaret-Allou  a  été  créée  par  arrêté 
gouvernemental  du  13  novembre  187i  et  a  commencé  à 
fonctionner  à  partir  du  l'''  janvier  1875. 

Issue  de  l'ancienne  commune  subdivisionnaire  de  Mascara, 
ainsi  que  la  commune  i  ndigène  de  la  Yacoubia,  elle  a,  elle-même, 
donné  naissance  en  1881  à  la  commune  mixte  civile  de  Tiaret, 
et  en  1885.  à  une  partie  de  la  commune  mixte  de  Frendah. 

Sa  division  en  deux  cercles  (Tiaret  et  Aflou)  est  la  consé- 
quence de  l'application  de  l'article  2  de  l'arrêté  constitutif, 
qui  prévoyait  que  certains  cercles  ou  annexes,  par  suite  de 
l'insuftisance  de  leurs  ressources,  ne  pourraient  être  érigés 
immédiatement  en  communes  indépendantes  et  devraient 
former  provisoirement  des  sections  de  communes  indigènes. 

La  commune  indigène  de  Tiaret-Allou,  par  applicatio:i  du 
principe  qui  précède,  est  donc  divisée  en  deux  cercles  qui 
constituent  l'unité  communale  représentée  par  un  comman- 
dant supérieur  en  résidence  à  Tiaret. 

Le  siège  de  la  commune  indigène  de  Tiaret,  comme  celui  de 
la  commune  mixte  civile,  se  trouve  donc  situé  hors  de  ses 
limites,  sur  le  territoire  de  la  commune  de  plein  exercice  de 
Tiaret. 

Il  en  résulte  cette  anomalie,  que  les  ordonnateurs  des 
communes  indigène  et  mixte  civile,  chargés  des  intérêts 
d'unités  territoriales  très  importantes,  sont  eux-mêmes 
administrés,  en  tant  que  simplts  citoyens  et  relèvent  en  cette 
qualité  et  comme  contribuables,  de  l'arrondissement  d'Oran 
dont  fait  partie  la  commune  de  plein  exercice  de  Tiaret. 


MONOGRAPHIE    DE    L.\    COMMUNE    INDIGÈNE    DE    TIARET-AFLOU    259 

La  commune  indigène  de  Tiaret-Aflou,  dans  son  ensemble, 
a  la  forme  d'un  triangle  dont  le  sommet  le  plus  aigu  s'enfonce 
dans  les  régions  sahariennes  en  pointe  effilée,  pendant  que 
le  côté  opposé  forme  bordure  sur  l'immense  plaine  du  Sersou. 
Sa  limite  Est  se  confond  aveccel'es  des  départements  d'Oran  et 
d'Alger  sur  une  longueur  de  près  de  400  kilom'tres;  à  l'Ouest, 
elle  est  limitée  par  les  cei'cles  do  Géryville  et  de  Saïda;  au 
N. -Ouest,  par  la  commune  mixte  civile  de  Frendah,  et  au  Nord, 
par  les  communes  mixtes  de  Tiaret  et  de  Téniet-el-Hàad. 

Cette  immense  bande  de  terre  se  développe  donc  du  Sahara 
à  la  limite  Sud  du  Tell  et  comporte  des  zones  distinctes  déter- 
minées par  les  reliefs  du  sol  qui  la  divisent  en  trois  parties  : 

1°  Le  versant  Nord  qui  envoie  par  le  Chélifl"  et  ses  affluents, 
ses  eaux  à  la  Méditerranée  ; 

2°  La  région  des  Chotts,  sorte  de  dépression  intermédiaire 
où  les  eaux  s'accumulent  en  daias  et  lacs  ; 

3"  Enfin  le  versant  Sud  qui  rejette  vers  les  sables  du  désert 
les  rivières  nées  des  sources  qui  jaillissent  des  lianes  méri- 
dionaux du  djebel  Amour. 

L'ensemble  des  plaines  a  une  altitude  moyenne  de  900 
à  1,200  mètres;  au-dessus  s'élèvent  les  massifs  du  Nador 
(1,412),  et  du  djebel  Amour  au  Sud  (1,907  mètres  au  ras 
Touïlet  Makna). 


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Coupe  théorique  du  sol  ij  Nord  au  Sud 


260    MONOGRAPHIE    DE    L\    COMMUNE    INDIGÈNE    DE    TIARET-AFLOU 

Ces  considérations  générales  achevées,  nous  passerons  à 
l'examen  plus  détaillé  de  chaque  cercle  en  reproduisant  en 
grande  partie  la  remarquable  étude  géographique  faite  par 
MM.  les  officiers  des  afîairen  indigènes  et  publiée  par  ordre 
de  M.  Cambon,  gouverneur  général  de  l'Algérie,  sous  le  titre  : 
Le  Pays  du  Mouton. 


CKRCLE    DE   TIARET 


Le  cercle  de  TiarelC*  forme  un  grand  quadrilatère,  sorte  de 
rectangle  irrégulier,  dont  le  grand  axe  est  dirigé  sensiblement 
suivant  la  ligne  des  chotts,  c'est-à-dire  S.O.-N.-E.,  il  commence 
au-delà  de  la  ville  de  Tiaret,  un  peu  au  Sud  des  cascades  de  la 
Mina  et  finit  en  avant  des  premières  rides  du  djebel  Amour. 
Très  montagneuse  dans  sa  partie  septentrionale,  à  l'exception 
d'une  faible  étendue  des  hauts  plateaux  du  Sersou,  ses  limites, 
à  l'Est,  suivent  une  ligne  rasant  les  sources  de  Tagiiin  et 
venant  se  terminer  au  Daia  Mta-Radjela  et  le  djebel  Guebeur- 
el-Achi  ;  à  l'Ouest,  elles  commencent  sur  le  versant  méridional 
de  Cheika-Toual-el-Beila,  coupent  le  chott  Ech-Chergui  et  se 
prolongent  jusques  un  peu  au-dessous  de  Daia-ech-Chelib, 
enfermant  ainsi  une  zone  très  vaste  de  la  région  vraiment 
typique  des  Hauts-Plateaux.  Au  Sud,  il  s'arrête  en  son  point 
le  plus  oriental,  au  djebel  El-Achi  et  est  alors  jalonné  par  une 
série  de  plis  montagneux,  le  djebel  Archa,  le  djebel  Si-Lhassen, 
le  djebel  Zreïga,  auxquels  succèdent  des  dépressions,  des  datas 
ou  sources  :  Oum-el-Guetouta,  El-Aliat,  Daïa-Fréha  :  il  atteint 
ainsi  Ferast-el-Leben.  ravin  qui  le  sépare  de  l'annexe  de  Saïda. 

Sa  limite  Nord,  à  partir  des  r'dirs  de  Farat-el-Hassau' 
s'enfonce  en  une  ligne  capricieuse,  à  travers  les  massifs 
montagneux  du  Tell  :  le  djebel  Kermess,  Hassina,  le  djebel 
Lakdar,  dont  elle  suit  le  flanc  oriental,  puis  monte  au  Nord, 
près  des  cascades  de  la  Mina,  et  là,  plus  régulière,  comprend 
le  djebel  Si-Habed,  passe  par  l'Ain-Timetlaket  pour  se  couder 
brusquementàquelques  kilomètres  au  nord  de  l'oued  Sousselem. 

Dans  son  ensemble,  le  cercle  de  Tiaret  se  divise  naturellement 


(1)  Le  Pai/s  du  Mouton. 


MONOGRAPHIE    DE    LA    COMMUNE    INDIGÈNE    DE    TIARET-AFLOU    261 

en  deux  zones:  la  région  tellienne  monlcagneuse,  au  Nord  et  au 
Nord-Ouest  ;  ;ui  Sud,  les  Hauts-Plateaux  comprenant  le  chott 
Ech-Chergui,  et  auxquels  il  faut  rapporter  physiquement  la 
faible  portion  du  plateau  du  Sersou,  que  le  cercle  comprend 
dans  sa  liini'e  Nord  oriental. 

Dans  le  Nord,  les  terrains  secondaires  (jurassiques  très 
étendus  et  une  mince  bande  de  couches  crétacées)  s'étendent 
sous  forme  d'une  barrière  plus  ou  inoin?  compacte,  plus  ou 
moins  régulière  depuis  la  Chebka-Toual  à  l'Ouest  (annexe  de 
Saïda),  jusqu'auprès  de  Ben-Hamade  à  l'Est  (annexe  de 
Ghellala).  Coupés  de  plaines,  présentant  même  ça  et  là  de 
simples  alignements  montagneux,  séparant  de  gratides 
dépressions,  dans  la  région  orientale  (djebel  Chemakr,  djebel 
Krosni,  djebel  Ferratis),  ces  terrains  sont  au  contraire  1res 
accidentés  avec  des  reliefs  puissants  et  de  profonds  ravins, 
dans  la  partie  orientale., C'est  là  que  prennent  naissance  de 
nombreuses  sources,  origines  de  cours  d'eau,  qui  forment  des 
oueds  importants  :  l'oued  Mina,  l'oued  Anasseur  (Sousselem) 
et  de  quelques  aflluents  :  l'oued  Kerbout,  l'uued  Bou-Akerout, 
pour  la  pariie  septentrionale  ;  pour  les  régions  basses  et  de 
grandes  plaines  de  ces  n;èmes  formations:  l'Ain  Saïd  ;  enfin 
l'Ain  Ousseurklir'  qui,  sut"  la  limite  des  terrains  jurassiques  et 
quaternaires,  se  continue  par  l'oued  Ben-IIadja,  affluent  de 
l'oued  Touil  lequel  va  plus  bas,  dans  le  département  d'Alger, 
former  l'oued  CliélilT. 

Parmi  ces  oueds,  les  uns  sont  tributaires  du  bassin  méditer- 
ranéen :  la  Mina  et  le  Nahr-Ouassel,  aitluents  du  Chélilî,  l'oued 
Anasseur  (Sousselem),  l'oued  Ben-Hadja;  les  autres  :  oued 
Kerbout,  oued  Bou-Akerouf  déversent  leurs  eaux  dans  le 
bassin  des  chotts. 

Les  sources  dispersées  dans  cette  grande  aire  sont  relative- 
ment nombreuses  et  importantes;  pourtant  cette  richesse 
s'affaiblitdans  l'Est  et  particulièrement  pour  les  régions  voisines 
de  l'oued  Ben-Hadja. 

Mais  la  partie  déshéritée,  sous  le  rapport  des  eaux,  tant 
sources  vives  que  puits  et  r'dirs,  s'étend  surtout  au  Sud  de 
i'oued  Bon  Hadja  et  d'une  ligne  passant  par  El-Ousseurkhr  et 
la, pointe  orientale  du  chott  Ech-Chergui,  Aïn-sl-Guetouta:  clic 
comprend  en  outre  une  portion  de  la  plaine  d'EI-Melah;  c'est 
comme  on  le  voit,  plus  de  la  moitié  de  la  superficie  totale  du 
cercle. 


262    MONOGRAPHIE    DE    L\    COMMUNE    INDIGÈNE    DE    TIARET-AFLOU 

On  se  trouve  là  en  présence  de  terrains  quaternaires  anciens 
d'une  puissance  considérable,  déposés  sous  l'influence  de 
phénomènes  clysmiens  d'une  grande  énergie  et  d'une  longue 
durée,  ces  formations  pouvant  atteindre  trois  cents  mètres  de 
profondeur  et  peut  être  même  davantage. 

Dans  le  Sud-Est,  aux  limites  extrêmes  du  cercle,  s'étend  un 
réseau  de  plaines  et  de  chaînons  montagneux  alternants  :  le 
djebel  Aïcha,  le  djebel  Si-Lhassen,  le  djebel  Alleg,  le  djebel 
Zreiga;  ce  sont  des  sortes  d'alignements  réguliers  qui  vont  de 
l'Ouest  à  l'Est,  en  s'échelonuant  pour  former  les  premiers 
reliefs  du  djebel  Amour. 


C'est  dans  la  vaste  région  décrite  ci-dessus  et  dont  l'étendue 
s'élève  à  1, 155, 000  hectares,  que  les  seize  tribus  dont  se  com- 
pose la  population  indigène  du  cercle,  se  livrent  à  l'élevage 
des  troupeaux,  des  chameaux,  bœufs,  moutons  et  chèvres  dont 
la  vente  constitue  la  principale  ressource. 

Ces  seize  tribus  peuvent  toutes  être  classées  dans  la  catégorie 
de  celles  qui  se  déplacent  sur  leur  propre  territoire,  à  des 
époques  fixes.  Elles  foriuent  trois  groupes  bien  distincts,  qui 
ont  chacun  des  terrains  de  parcours  et  des  campements 
d'hiver  et  d'été  communs  aux  collectivités  qui  en  font  partie. 

Ces  trois  groupes  sont  : 

i"  Les  Harrar-Cheraga,  de  beaucoup  le  plus  important  et 
qui  comprend  :  les  Ouled  Sidi-Khaled-Cheraga,  les  Oulad 
Zouaï,  les  Oulad  Bou-Aflif,  les  Kàalira,  les  Chaouïa,  les  Oulad 
Bel-Hoceïn  ; 

2"  Les  Harrar-Gharaba,  groupe  formé  des  :  Oulad  Zian- 
Cherraga,  Oulad  Zian-Gharaba,  Oulad  Haddou,  Dehalsa, 
M'Rabtin  Gharaba  ; 

3»  Les  Oulad  Khelit,  constitués  par  :  les  Oulad  Bou-Renan, 
les  Oulad  Kharoubi,  les  Sahari-Cheraga,  les  Guenadza. 

Le  territoire  de  chacun  de  ces  groupes  forme  une  bande 
longitudinale  orientée  du  Nord  au  Sud,  elle  comprend  : 
i"  pour  l'été,  des  lieux  de  campements  avec  les  terrains  de 
culture  et  les  pâturages  nécessaires;  2"  pour  l'hiver,  les  mômes 
installations  et  les  mêmes  parcours. 


MONOGRAPHIE    DE    r,.V    COMMUNE    INIlIC.KNE    DE    TIARET-AFLOU    263 

Aussi  la  distribution  des  points  d'eau  et  des  pâturages  entre 
les  tribus  du  groupe  n'a-t-elle  rien  d'absolu. 

Les  trois  groupes  de  tribus  effectuent  donc,  chacune  dans 
son  secl*ur,  deux  migrations  annuelles  :  aux  mois  d'octobre- 
novembre  ils  prennent  leur  campement  d'hiver  dans  la  partie 
du  cercle  située  au  Sud  d'El-Ousseurkhi';  aux  mois  d'avril-mai, 
ils  reviennent  dans  le  Sersou  ou  la  pirlio  des  Hauts-Plateaux, 
située  au  Nord  d'El  Ousseurkhr. 

D'une  manière  générale,  les  troupeaux  exécutent  les  mêmes 
migrations  en  même  temps  que  les  tribus. 

La  richesse  de  ces  dernières  se  décompose  de  la  façon 
suivante  : 


2«4 


MOXOOR.\PIlIE    DE    h\    COMMUNE    INDIGENE    DE    TI.iRET -AKLOU 


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MONOnRAPHIE    DE    LA    COMMUNE    INliIOÈXE    DE    TIARET-AFI.OU    265 

Ces  chidVes  ne  peuvent  être  considér-és  que  comme  moyenne, 
car  ils  sont  évidemment  sujets  à  augmenlalion  ou  diminution 
annuelles,  suivant  que  les  rigueurs  de  l'hiver  ou  les 
sécheresses  de  l'été,  ont  plus  ou  moins  contribué  à  la  mortalité 
des  bestiaux. 

Il  en  sera  de  même  jusqu'au  jour  oi^i  les  indigènes, 
abandonnant  leur  indolence  habituelle,  s'efforceront  de 
construire  des  abris  approvisionnés  de  fourrages,  pour 
protéger  leurs  troupeaux  de  la  faim  et  des  grands  froids 
de  l'hiver. 

L'absence  totale  de  ces  précautions,  leur  fait  subir  des  pertes 
considérables.  Pendant  l'hiver  1888-1889,  plus  de  207,000 
moutons  périrent  de  faim  et  de  soif;  en  1890-1891,  plus  de 
80,000  moururent  dans  ks  mêmes  conditions. 

Gomme  nous  venons  de  le  dire,  ces  désastres  pourraient 
être  sinon  évités,  tout  au  moins  très  atténués,  si  les  indigènes 
plus  soucieux  de  l'avenir,  utilisaient  leurs  longs  loisirs  d'été 
en  construisant  des  baraquements  rustiques  pour  la  mauvaise 
saison  et  à  proximité  desquels  ils  réuniraient  les  approvision- 
nements de  fourrages  nécessaires  pour  la  nourriture  de 
leurs  troupeaux. 

Il  convient  de  reconnaître  que  l'administration  supérieure 
s'est  déjà  préoccupée  de  cette  question,  que  des  conseils  sages 
et  éclairés  ont  été  donnés  aux  intéressés,  mais  il  ne  parait  pas 
que  jusqu'à  ce  jour,  ils  aient  été  suivis. 

Aux  rigueurs  de  l'hiver,  viennent  s'ajouter,  comme  cause 
de  mortalité  excessive,  les  sécheresses  des  étés  ;  là  encore, 
le  travail  des  indigènes  pourrait  suppléer  au  moins  en  partie, 
à  l'inclémence  des  saisons,  par  l'aménagement  plus  rationnel 
des  points  d'eau  et  la  création  en  hiver  de  nouveaux  r'dirs 
destinés  à  conserver  et  à  retenir  une  partie  des  pluies  qui 
vont  grossir  sans  utilité  les  oueds  du  pays. 

Mais  la  paresse  des  indigènes  est  si  grande,  leur  insouciance 
si  absolue,  qu'il  est  à  craindre  que  de  longtemps  encore  on 
ne  les  voie  se  livrer  à  de  semblables  travaux.  Il  faudra 
probablement  avoir  recours  à  la  main-d'œuvre  européenne, 
liayée  sur  les  fonds  publics,  si  on  veut  les  exécuter  d'une  façon 
convenable  et  rationnelle. 

A  ces  causes  purement  physiques,  il  est  nécessaire  d'ajouter 
l'ignorance  et  l'indilTérence  des  indigènes  au  sujet  de  la 
reproduction.  Cette  dernière  s'opère  sans  soins,  sans  méthode; 


266    MONOGRAPHIE    DE    LA    COMMUNE    INDIGÈNE    DE    TIARF.T-AFLOU 

les  produits  sont  peu  ou  pas  soignés.  Enfin  l'appât  d'un  gain 
immédiat  amène  souvent  les  propriétaires  à  vendre  leurs 
plus  beaux  sujets,  sans  se  préoccuper  de  leur  utilité  pour  la 
conservation  et  l'amélioration  des  troupeaux  futurs. 

Onpeutévaluer  à287,0  0  hectares,  l'ensemble  des  pâturages 
sur  lesquels  vivent  les  troupeaux  appartenant  aux  indigènes 
du  cercle  de  Tiaret.  Dans  ce  chiffre,  les  cantonnements  d'été 
figurent  pour  122,000  hectares  et  ceux  d'hiver  pour  165,000 
hectares.  Les  plantes  fouiTagères  que  l'on  y  rencontre  le  plus 
souvent,  sont  : 

1"  Le  cliih  {artenlsla  herba  alba),  herbe  blanche,  armoise, 
recherchée  des  moutons  et  des  chameaux  ;  employée  comme 
vermifuge  par  les  indigènes  ; 

2"  Le  sennagh  (lygéum  spartum),  lygée  sparte,  sparte 
albardine,  plante  textile  et  fourragère  ; 

3"  Le  retem,  légumineuse  ;  bon  fourrage  recherché  des 
moutons  et  des  chameaux  ; 

4"  Le  drinn,  graminée  ;  bon  fourrage  ;  graminée  très 
précieuse  dans  le  Sahara,  venant  dans  les  sables.  (La  graine 
de  cette  plante  est  désignée  sous  le  nom  de  loul)  ; 

5"  Le  zef-ef,  hélianthène  à  fleurs  sessiles  ; 

6"  Le  tagoufet,  armoise  des  champs  ; 

7"  Le  djertil,  tym  d'Algérie.  (Labiées)  ; 

8"  Le  reguig,  fumana  d'Arabie  ; 

90  Le  bou-lahia  {poa  bullosa),  graminée  constituant  de  fins 
gazons  recherchés  des  moutons  ; 

10"  L'helma,  trèfle  bitumineux  ; 

11"  L'alfa,  fourrage  médiocre,  très  abondant  dans  la  région 
voisine  de  celle  de  Saida  et  exploité  par  la  C'^  Franco- 
Algérienne  ou  ses  fermiers. 


En  dehors  de  l'élevage  du  bétail,  les  indigènes  du  cercle  de 
Tiaret  se  livrent  à  la  culture  des  céréales.  Comme  le  démontre 
le  tableau  ci-après,  cette  culture  est  relativement  peu 
importante  et  ne  suffit  pas  à  l'alimentation  des  tribus  qui  sont 
obligées  d'acheter  le  surplus  qui  leur  est  nécessaire  sur  les 
marchés  de  Tiaret,  Vialar,  Trézel  et  Ghellala,  au  moyen  du 
produit  de  la  vente  de  leurs  bestiaux. 


MONOGRAPHIE    DE    LA    COMMUNK    INIllGENE    DE    TIARET-AFLOU 


267 


Cette  façon  de  procéder  remonte  à  des  temps  très  reculés. 
Nous  verrons  dans  le  résumé  historique,  lés  Harrar  et  les 
Oulad  Krelif,  malgré  leurs  caractères  belliqueux,  se  soumettre 
sans  combat  aux  Turcs  et  aux  Français,  pour  pouvoir  conserver 
la  libre  pratique  des  marchés  de  céréales  du  Tell  et  nolaniment 
de  la  plaine  d'Egris. 


IlESIGNATION 
IlES     GROUPES 


NOMS  iiEs  TnnîUH 


Alicil' 
(le: 

IlMlT 


11110 

rai  ion 


G-'  Siili-Khai''  Chcia-as 

O'  Zouai 

O''  Buu-Anif 

i  Kaàliia 

Chaouïa 

O''  Bol-Hocoïii 

(  )''  Zian-Clici'aj;as  .  .  .  . 

()■'  Ziaii-Gliaralias 

O''  Haddmi 

Dclialsa 

M'Ralitin  Gliai'alias  . . , 
O''  Azziz 


.  I    O'  Bou-Roiiaii 

Ancioiiuo 

confiMlOi-aiiou      \  O''  Kharoiiliis 

'''^^  i  Saliai-i-Choi-aua 

Oulad  Kndif      (    „  , 

\   (jueuad/.a, 

Mai'zhen 


Évaluation 
des  récoltes 
Année  moyenne 


en  blé 


l|J10t3UI 

1.600 
1.200 
150 
(■i.")0 
3,'jU 
iCO 
20(1 
650 
400 


en  orge 


quiotam 

3.100 
2.400 

■250 

I.30Û 

GoO 

80n 

400 

1.300 

800 


.5."j0  1.100 

S.'iO  500 

1.300  2.500 

l.'iOO  2.700 

1.500  3.00!) 


i.ion 

âOO 


40 


I2.Î60 


2.200 
950 


100 


24.050 


OBSERVATIONS 


ChaiTues  culii- 
vcosenl901:l,V'i0, 
ce  qui  à  raison  de 
10''  en  moyenne  = 
n.'iOO''  laboui-és  en 
1901. 


268    MON'OGRAl'IIIE    DE    LA    COJIMUNE    INDIGÈNE    DE    TI.\UET- AFI.OU 

Comme  on  le  voil,  c'est  en  chiflVes  ronds  ;)(i,000  quintaux  de 
céréales,  composés  de  1/3  de  blé  el  2/3  d'orge,  que  les  indigènes 
du  cercle  de  Tiaret  tirent  des  14  700  hectares  estimés  labou- 
rables sur  l'ensemble  de  leur  territoire.  Il  estincontestableque 
cette  surface  avec  un  peu  d'initiative  et  de  travail  pourrait  être 
considérablement  augmentée  —  le  développement  du  centre 
européen  de  Trézel  en  est  la  preuve.  —  Mais  il  ne  faut  pas 
espérer  une  amélioration  sérieuse  sur  ce  point.  L'Arabe  aime 
la  vie  contemplative,  le  ti-avail  est  pour  lui  un  signe  d'infériorité 
et  même  d'esclavage.  Ce  n'est  pas  après  une  longue  suite  de 
siècles  passés  dans  le  repos  qu'il  secouera  son  indillërence  pour 
faire  produire  à  la  terre  les  grains  dont  il  a  besoin  pour  se 
nourrir..  Il  assistera  impassible  etiiidiltérent  à  la  mise  en  valeur 
par  les  européens  de  ces  terres  restées  incultes  depuis  la  chute 
des  Romains;  il  se  servira  des  routes  qui  seront  tracées, 
utilisera  les  chemins  de  fer,  si  on  encrée,  mais  loin  d'être 
excité  et  encouragé  par  l'exemple,  il  conservera  pieusement 
les  tr.îditions  de  ses  ancêtres  et  restera  spectateur  impassible 
des  elTorts  tentés  autour  de  lui.  Cela  est  si  vrai  que  dans  la 
région  du  djebel  Amour,  habitée  autrefois  par  une  peuplade 
berbèi'e,  les  Beni-Rached.  les  Arabes  conquérants  ont  préféré 
presque  partout  abandonner .  les  ksars  construits  par  leurs 
anciens  propriétaires,  plutôt  que  de  se  donner  la  peine  de  les 
entretenir. 

M.  de  la  Rlanchère  dans  son  voyage  d'études  o  a  tracé  de 
l'Arabe  du  Sud,  le  portrait  ci-après  qui  nous  parait  d'une 
fidélité  remarquable  ;  «  C'est  comme  vrais  Arabes,  vrais 
«  musulmans,  que  les  Ouled  Sidi-Cheikh,  les  Trafi,  h-s  Harar 
«  excitent  chez  leurs  voisins  du  Nord  un  sentiment  mêlé 
«  d'admiration,  de  respect,  surtout  de  terreur.  L'homme  du 
«  Sud  est  un  vrai  Arabe,  très  pieux,  ce  qui  ne  coûte  guère 
«  dans  une  religion  où  la  morale  consiste  en  préceptes  de 
«  politesse  et  en  règlements  domestiques.  Il  est  brutal  et  son 
«  idée  de  l'autorité  est  primitive  :  la  supériorité  sociale  se 
«  manifeste  par  le  droit  d'appeler  chien  et  de  battre  celui  qui 
«  est  à  l'échelon  au-dessous.  Il  est  rusé,  car,  ne  faisant  rien  et 
«  n'étant  pas  gêné  par  mille  idées  qui  croisent  dans  le  cerveau 
«  d'un  Européen,  les  calculs  de  l'intérêt  personnel,  il  passera 
«  sa  vie  à  ressasser  et  mûrir  silencieusement  un  seul  plan, 

(I)  Page  51, 


MONOGRAPHIE    DE    LA    COMMUNE    INDIGÈNE    DE    TIARET-AFLOU    269 

«  jusqu'au  jour  oii  il  l'exécute.  Il  est  profondément  persuadé 

«  de  sa  supériorité  légitime  sur  tout  ce  qui  n'est  pas  de  sa  race  et 

('  ne  mène  pas  son  genre  de  vie  ;  et  comme  celte  vie  dure  l'a 

«  rendu  plus  cavalier  et  plus  guerrier  que  les  aiitres,  il  les  en 

((  pei'suaile  à  coups  de  sabre.  « 

L'Administration  supérieure,  dans  l'espoir  de  modilier  et 
d'améliorer  les  caractères  généraux  des  Harrars  et  des  Oulad 
Krelill'acréé  3  écoles  nomades  primaires  qui  suivent  les  Iribus 
dans  leurs  migrations  périodiques.  Cet  essai  ne  parait  pas  être 
absolument  négatif  car  quelques  «grandes  lamilles»  ont  permis  à 
leurs  garçons  de  suivre  les  cours  de  ces  écoles.  Toutefois  il 
convient  d'ajouter  que  les  résultats  obtenus  sont  loin  de  corres- 
pondre au.\  dépenses  et  au.x  elfôrts  tentés  dins  ce  but.  , 

Malgré  toutes  les  recommandalions  officielles,  c'est  à  peine 
si  chaque  école  voit  ses  cours  suivis  par  une  trentaine  d'élèves 
et  cela  n'a  rien  d'étonnant,  car  ces  tribus  ne  sentent  pas 
l'utilité  et  la  nécessitéde  l'instruction.  Les  quelques  «  Derrers  » 
ignorants  qui,  avant  l'installation  des  écoles  nomades,  appre- 
naient dans  les  douars  à  lire  et  à  écrire  au.x  enfants,  suffisaient 
amplement  à  la  conception  dont  les  Harrars  et  les  Oulad 
Kreliff  '')  se  font  de  l'instruction  Les  écoles  nomades  avec 
leurs  programmes  variés  quoique  très  simples,  sont  à  leurs 
yeu.K  un  enseignement  supérieur,  inutile  et  encombrant,  aussi 
est  ce  avec  beaucoup  de  difficultés  que  le  recrutement  de  la 
justice  musulmane  est  assuré  dans  ces  confédérations. 

Mais  si  les  instituteurs  ne  tiennent  qu'une  place  bien  minime 
dans  l'esprit  des  indigènes  du  cercle  de  Tiaret  il  n'en  est  pas 
de  même  des  marabouts  et  autres  chefs  religieux.  En  vrais 
descendants  du  prophète,  les  Harrar  et  les  Oulad  Kreliff 
respectent  et  vénèrent  tout  ce  qui  de  près  ou  de  loin  touche  à 
la  religion  de  Mohammed.  Ils  sont  presque  tous  serviteurs  de 
Mimlay  Taïeb*'".  Cet  ordre  a  son  siège  au  Maroc  et  son  principal 
mokkadem  est  le  marakout  de  Besnèss,  Si  El-AUouï,  dont  la 
famille  a  toujours  été  dévouée  à  la  France  en  haine  de  l'ex-émir 
El-Hadj  Abdelkader  qui  était  serviteur  de  Moulay  Abdelkader. 


(1)  Il  existe  une  école  du  2'  degré  chez  les  Oulad  Kharroubi,  connue 
sous  le  nom  de  Zaouïa  de  Si  Taïeb  bel  Fodhil  qui  est  peu  impoi-:ante  et 
suivie  par  une  quinzaine  d'élèves  environ. 

(2)  Sauf  le  douar  des  hamaïd  des  Guenadza.  qui  suit  les  doctrines  de 
Sldl-Abderrahmane. 


270    MONOGRAPHIE    HE    LA    COMMUNE    INDIGÈNE    DE    TIARET-AFLOU 

La  superficie  totale  du  cercle  de  Tiaretest  de  1,155,000  hect. 
qui  se  subdivisent  en  14,700  hectares  reconnus  cultivables  par 
les  indigènes  eux-mêmes  ;  287,000  hectares  de  pâturages  ;  76,500 
hectares  de  forêts  et  776,800  hectares  actuellement  inutilisés. 
C'est,  comme  on  le  voit,  une  surface  considérable  ;  un  peu  plus 
petite  que  la  Picardie  1,269,000  hectares,  que  l'Angoumois 
1,178,000  hectares,  mais  plus  grande  que  le  Limousin 
1,007,000  hectares,  le  Maine  1,004,000  hectares,  l'Anjou 
894,000  hectares,  la  Corse  875,000  hectares,  le  Bourbonnais 
789,000  hectares,  la  Savoie  1,100,000  hectares,  etc.,  etc. 

Sur  celte  aire  sont  dispersés  22,108  indigènes  vivant  sous  la 
tente,  559  européens  dont  526  résident  à  Trézel  et  33  à 
El-Ousseurkr,  21  soldats  chargés  de  la  défense  de  ce  poste 
militaire,  56  mozabites  commerçants  en  résidence  à  Trézel  et 
14  à  El-Ousseukhr.  Cela  tonne  un  total  général  de  22,848  Ames, 
et  donne  comme  densité  de  la  population  le  faible  chiffre 
de  0,0198 

Les  76,500  hectares  de  forêts  couvrent  les  flancs  du  Nador  et 
du  djebel  Chebka,  elles  sont  composées  principalement  de 
lentisques,  de  chênes-verts  et  de  pins;  on  y  rencontre  la 
perdrix,  la  palombe,  le  chacal,  la  hyène,  le  sanglier  et  excep- 
tionnellement la  panthère.  Dans  les  plaines  d'El-Ousseukhr 
vivent  de  nombreux  troupeaux  de  gazelles. 

Les  richesses  minières  que  peut  renfermer  le  sol  si  vaste  du 
cercle  de  Tiaret  sont  peu  ou  point  connues.  Les  seules  indica- 
tions que  l'on  possède  à  ce  sujet  se  résument  à  l'existence  de 
carrières  à  plâtre  très  abondanles  au  Djebel  Sidi  Labeb,  d'une 
mine  d'antimoine  dans  le  djebel  Nador  et  la  présence  de  la  terre 
à  foulon  aux  environs  de  Sidi-Sàad. 

Les  carrières  de  plâtre  sont  exploitées  par  les  européens 
depuis  le  construction  de  la  ville  de  Tiaret;  lamine  d'antimoine 
estutiliséeparlesindigènesqui  en  retirent  une  certaine  quantité 
de  minerai  pour  leur  usage  personnel; ils  ont  donné  au  col  où 
se  trouve  cette  mine,  le  nom  de  Téniet-el-Koheul,  quant  à  la 
terre  à  foulon,  ils  s'en  servent  comme  savon  nature!  qu'ils 
désignent  sous  le  nom  de  sal-sal. 

Sur  les  bords  Nord  du  Chott-esch-Chergui,  dans  le  pays  des 
Harrar  se  trouve  une  source  d'eau-cliaude,  très  abondante, 
nommée  Aïn-Sekhouna  (source  chaude).  Le  degré  de  chaleur 
n'est  pas  très  élevé  20°  au  maximum. 

Les  Harrar   et  les  Oulad  Krelif,  ne  se  livrent  à  aucune 


MONIXiKAriIlE    DE    LA    COMMU.NK    INIUGÈXE    DE    TlARET-AFLOL-27  1 

industrie;  tout  co.  quileur  est  nécessaire  aux  besoins  de  la  vie 
est  acheté  au  dehors.  Ils  se  borueut  à  utiliser  et  transformer 
pour  leurs  usages  personnels  la  laine  et  le  poil  provenant  de 
la  tonte  de  leurs  troupeaux  pour  fabriquer  des  tapis  (fcadis), 
des  couvertures  de  cheval  (djel/als),  des  sacs  de  laine  {lellh^, 
des  coussins  (oussadalis)  à  usages  multiples.  Dans  quelques 
douars  se  trouvent  en  très  petit  nombre  des  forgerons  et  des 
selliers  qui  ne  travaillent  que  pour  les  besoins  de  leurs  tribus 
seulement. 

Le  territoire  du  cercle  n'est  traversé  que  par  une  seule 
route  :  celle  de  Tiaret  à  Ailou.  liien  ouverte  et  entretenue 
jusqu'à  lô  kilomètres  au-delà  de  Trézel  elle  se  continue  en 
piste  irrégulière  pour  le  surplus  du  parcours.  Des  sommes 
considérables  ont  été  dépensées  par  la  commune  indigène 
pour  la  création  de  cette  voie.  MaisJ.i  tâche  entreprise  esllrop 
lourde  pour  les  ressources  financières  dont  elle  peut  disposer; 
aussi  Allou  ne  sera-t  il  sérieusement  l'elié  au  Tell  que  le  jour 
ou  l'Etat  et  le  départ^^ment  combineront  leurs  efTorts  avec  ceux 
faits  jusqu'à  ce  jour  par  la  commune  indigène. 

En  deliors  de  cette  voie,  des  sentiers  muletiers  en  montagne, 
permettent  aux  indigènes  de  se  diriger  vers  les  marchés  et 
pays  avoisinants.  En  plaine,  le  sol  e^t  si  uni  qu'un  «  Ilorri  » 
prétend  toujours  marcher  en  ligne  droite  vers  le  point  où  il 
veut  aboutir.  Il  n'a  donc  pas  besoin  de  roule  ;  de  ci,  de  là, 
une  colline  dans  le  lointain  lui  suffit  pour  s'orienter;-  et  si 
parfois  il  consent  à  dévier  de  la  ligne  la  plus  courte,  c'est  qu'il 
désire  atteindre  un  point  d'eau  qui  lui  permettra  d'étancher 
sa  soif. 


CENTRE    DE    TREZEL 

La  commune  mdigène  de  Tiaret  a  perdu  depuis  quelques 
années,  dans  sa  partie  extrême  Nord,  le  caractère  de  tern'toiro 
de  commandement  pour  se  rapprocher  de  l'organisation  mixte. 
Une  surface  de  6,000  hectares  environ,  prélevée  sur  les  terres 
des  tribus  du  cercle  a  été  allotie  et  a  servi  à  la  création  d'un 
centre  de  colonisation  important  :  Trézel. 

Après  les  reconnaissances  et  études  nécessaires,  les  premiers 
colons  furent  installés  dans  leurs  concessions  le  '25  février  1895  ; 
à  part  4  ou  5  familles  venues  de  France,  ces  colons  furent 
choisis  parmi  des  familles  acclimatées  en  Algérie  par  un  long 

20 


272    MOXOGRAPIIIE    DE    L.V    COMMUNIÎ    INDIGÈNE    DE    TI.VRET-AFLOU 

séjour  et  pouvant  autant  que  possible  justifier  fFétals  de 
services  militaires  dans  la  colonie. 

Comme  partout,  les  débuts  furent  pénibles,  mais  la 
sollicitude  éclairée  de  l'administration  militaire  ("  d'une  part, 
l'opiniâtreté  au  travail  des  nouveaux  concessionnaires  d'autre 
part,  eurent  raison  des  obstacles  de  toute  nature.  Trézel  est 
actuellement  un  des  centres  les  plus  coquels  et  l'un  des  plus 
importants  du  Sersou.  Situé  dans  une  plaine  fertile,  entouré 
de  plantations  vigoureuses,  doté  de  tous  les  édifices  publics 
nécessaires  au  fonctionnement  de  la  vie  communale,  il  ne 
tardera  pas,  dans  un  avenir  très  prochain,  à  se  détacher  de  sa 
tutrice  pour  constituer  une  commune  de  plein  exercice 
indépendante. 

Peu  de  villages  en  Algérie  ont  acquis,  en  un  délai  aussi 
court,  un  développement  aussi  considérable.  En  1894,  il 
n'existait  sur  son  emplacement  que  la  propriété  de  la  famille 
des  Sahraoui,  composée  de  terres  en  friches  utilisées 
par  les  indigènes  comme  terrains  de  parcours.  Cinq  ans 
après,  Trézel  comptait  125  familles  comportant  une  population 
de  582  habitants,  possédant  250  hectares  de  vignes  et  6.000 
hectares  de  terres  labourables. 

A  l'origine,  Trézel  était  destiné  à  devenir  un  centre  purement 
agricole  ;  mais  sa  situation  géographique  sur  la  route  d'Aflou, 
à  mi-chemin  de  Tiaret  et  d'El-Ousseurkhr  et  le  voisinage  des 
riches  tribus  composant  une  partie  du  cercle  de  Tiaret, 
modifièrent  les  vues  primitives  de  l'autorité  militaire  et 
l'amenèrent  à  y  créer  un  marché  hebdomadaire  destiné  à 
favoriser  les  transactions  entre  européens  et  indigènes  et 
développer  ainsi  la  commerce  local. 

Cette  tentative  a  pleinement  réussi  ;  d'année  en  année,  le 
marché  de  Trézel  prend  une  importance  de  plus  en  plus 
grande,  et  ce  n'-est  pas  sans  une  certaine  crainte,  doublée 
d'un  peu  de  jalousie,  que  les  habitants  de  Tiaret  constatent 
le  développement    d'un    marché    rival    qui,    en    diminuant 


(\)  G'esl  grâce  à  l'énergie,  à  la-haule  compétence  et  à  l'activité  de  M.  le 
commandant  Pansard,  que  le  centre  de  Tr?zei  a  pu  en  un  laps  de  temps 
des  plus  restreint,  acquérir  un  développement  parfait.  Son  successeur, 
M.  le  commandant  Jeklicl,  continue  l'œuvre  coiiiJii''nci''e  :  L'église  vient 
d'être  terminée.  On  procède  actuel  enient  aux  travau.\  do  canalisation 
pour  l'éclairage  public  au  moyen  de  l'acétylène.  Le  côté  moral  et  intellec- 
tuel n'est  également  pas  oublié,  car  une  fanfare  a  été  créée,  une  société 
de  tir  en  formation  et  le  dédoublement  des  écoles  à  l'étude. 


MONOGHAPIIIE    CE    I.\    COMMUNE    INDIliÉXE    DE    TI AUET-AELOU    273 

l'importance  du  leur,  enlève  à  leur  cité,  le  plus  clair  de 
ses  revenus. 

Le  marché  de  Trézel,  comme  tous  ceux  de  la  région,  atteint 
son  maximum  annuel  d'alTaires  en  été,  pour  diminuer 
progressivement  jusqu'à  l'hiver,  époque  ou  l'inclémence  de  la 
saison  rend  les  Iransaclions  impossibles  ou  presque  nulles. 
Il  se  tient  le  samedi  de  cliaquo  semaine. 

Ce  sont  les  moutons  qui  donnent  lieu  aux  opérations  les 
plus  importantes,  en  été,  pendant  certains  marchés,  il  y  a  été 
amené  et  vendu  de  15,000  à  18,000  de  ces  ovins.  Les  chevaux, 
les  hœufs,  les  chèvres,  y  tiennent  une  place  importante  ; 
enfin,  on  y  trouve  tous  les  produits  destinés  à  l'alimentation 
et  aux  besoins  des  indigènes  :  épicerie,  tabacs,  sucre,  café, 
savon,  cotonnades,  tnpis,  fligs,  oussidah,  etc.,  etc. 

Li  culture  des  céréales,  et  principalement  du  blé  tendre,  a 
donné  lieu  de  la  part  des  colons  à  de  sérieux  et  louables 
efforts  ;  malheureusement,  durant  les  premières  années  et 
jusqu'en  1900,  de  nombreux  orages  de  grêle  sont  venus 
quelques  jours  avant  les  récoltes,  anéantir  en  peu  d'instants, 
les  espérances  des  cultivateurs.  Il  est  à  désirer  que  l'avenir 
soit  plus  clément  que  le  passé  pour  les  travailleurs  des  champs  ; 
du  reste,  l'année  agricole  lflÛO-1901  leur  a  été  favorable  ; 
sans  atteindre  un  rendement  excessif,  le  produit  de  la  récolte 
a  été  suffisant  pour  rendre  espoir  aux  cultivateurs  et  faire 
disparaître  un  découragement  qui  menaçait  d'arrêter  le  bel 
essor  pris  par  le  centre  de  Trézel  depuis  sa  création.  Sans 
doute  des  déceptions  nouvelles  attendent  encore  les  colons, 
mais  leur  persévérance  surmontera  les  futures  épreuves,  si 
elle  sait  utiliser  les  nouvelles  données  de  la  science.  Les  effets 
de  la  grêle  peuvent  être  atténués  par  l'installation  de  stations 
de  canons  destinés  à  dissiper  les  nuages  dévastateurs. 
Les  expériences  tentées  en  France  et  en  Italie,  depuis 
plusieurs  années,  ont  donné,  parait-il,  des  résultats  satisfaisants. 
On  pourrait  donc,  dans  la  région  de  Trézel,  installer  plusieurs 
batteries,  ayant  pour  but  de  supprimer,  si  possible,  le  retour 
de  ce  fléau. 

Avec  le  développement  progressif  du  centre,  les  colons 
pourront  utiliser  les  belles  prairies  situées  dans  le  périmètre 
de  colonisation,  en  se  livrant  à  l'élevage  du  bétail  et  en 
effectuant  des  cultures  d'été  dont  le  produit  appportera  un 
sérieux  appoint  aux  bénélices  réalisés  par  la  vente  des  céréales, 


274    MONOGRAPHIE    HE    I,.V    COMMUNE    INDIGÈNE    HE    TIARET-AFLOl' 

La  région  où  se  trouve  situé  le  centre  de  Trézel  est  donc 
appelée,  au  double  point  de  vue  agricole  et  commercial,  à 
devenir  aussi  importante  qu'il  y  a  lô  siècles.  M.  de  la  Blanchère, 
qui  a  visité  toute  cette  région  en  1882,  y  a  constaté  la  présence 
de  nombreuses  villes  ou  villages  ruinés,  éloignés  de  moins  de 
deux  lieues  les  uns  des  autres.  C'est  d'abord  Tamordjant,  sur 
l'emplacement  même  de  Trézel,  puis  Ai'n-Methenan,  le  Farclia 
de  Si  El-Habet,  El-Oiillia~si,  Beboulit,  Remelia,  etc.,  etc. 
Toute  cette  région  a  été  jadis  très  florissante,  et  ne  demande 
qu'à  le  redevenir  depuis  que  les  Français  y  ont  apporté 
l'ordre  et  la  sécurité. 

Un  peu  plus  loin,  ver.-3  le-  Sud,  sur  la  route  d'Allou, 
à  41  kilomètres  de  Trézel,  se  trouve  le  village  d  El-Ousseurkhr. 
C'est  plutôt  un  poste  militaire,  tels  qu'en  avaient  établis  les 
Romains  aux  confins  de  leurs  frontières,  qu'un  village  de 
colonisation  et  de  repeuplement  européen. 

Ce  poste  est  une  des  étapes  principales  deja  route  d'Atlou  ; 
il  occupe  un  point  stratégique  qui  commande  les  différents 
passages  par  lesquels  s'elTectuent  les  migrations  périodiques 
des  tribus  allant  du  Sud  au  Nord  et  vice-versa. 

Actuellement,  la  garnison  est  réduite  à  sa  plus  simple 
expression  en  raison  des  événements  du  Touat  et  de  Chine  ; 
21  hommes  de  troupes,  commandés  par  un  sous-officier,  y 
représentent  la  force  militaire  française.  Un  médecin  militaire 
y  réside  en  permanence  pour  donner  ses  soins  à  la  petite 
garnison  et  au  détachement  de  disciplinaires  qu'elle  a  mission 
de  surveiller  et  de  garder. 

Autour  du  bordj  se  sont  groupés  quelques  constructions 
civiles,  habitées  par  cinq  ou  six  «  mercantis  »,  presque  tous 
d'origine  juive.  Ces  «  négociants  »  vendent  la  «  goutte  »  aux 
militaires,  font  le  commerce  avec  les  indigènes,  leur  fournissent 
des  tissus,  bougies  et  autres  menus  objets  et  leur  achètent  en 
échange  la  laine  de  leurs  troupeaux  à  l'époque  de  la  tonte. 
Leur  nombre,  y  compris  femmes  et  enfants,  est  de  33. 

Entre  Trézel  et  El-Ousseuk,  la  roule  est  jalonnée  par  le  bordj 
d'Aïn-Saïd  alimenté  en  eau  potable  par  une  source  importante. 
Ce  bordj  sert  d'étape  aux  troupes  qui  se  rendent  ou  reviennent 
d'Allou. 


MONOGRAPHIE    DE    I.A    COMMUNE    INDIGÈNE    DE    TIARET-AFLOU    275 


RÉSUMÉ  HISTORIQUE  DU  CERCLE  DE  TIARET 


L'historique  du  cercle  de  Tiaret  ne  saurait  se  renfermer 
exactement  dans  les  liinites  de  ses  frontières  actuelles.  Ces 
dernières  déterminées  par  le  périmètre  des  tribus  qui  le 
composent  actuelleinert  sont  conventionnelles  et  subordonnées 
à  des  décisions  administratives  qui  peuvent  les  modifier  au 
gré  de  nécessités  éventuelles.  C'est  ainsi  qu'il  y  a  11  ans,  la 
commune  indigène  de  Tiaret  comportait  dans  son  périmètre 
l'Aghalik  du  Tell,  dont  les  onze  tribus  ont  servi  à  constituer  la 
commune  mixte  civile  de  Tiaret. 

Il  nous  parait  donc  logique,  pour  celte  étude,  d'étendre  à  la 
région  géographique  proprement  dite  l'examen  des  principaux 
faits  historiques  dont  elle  a  été  le  théâtre. 

Le  Sersou  et  les  massifs  montagneux  qui  le  bornent  au  Sud 
et  au  Nord,  font  partie  du  Maghreb  central  dont  l'Ouarensenis 
est  le  point  culminant.  Cette  région  très  montagneuse  dans  sa  ' 
partie  Nord,  est  coupée  par  de  profondes  vallées,  arrosées  par 
de  nombreux  oueds  et  se  prête  admirablement  à  toutes  les 
cultures.  Elle  ofîre  dans  sa  partie  Sud  de  vastes  pâturages 
pour  l'élevage  d'innombrables  troupeaux. 

Il  n'est  donc  pas  étonnant  que  cette  contrée  privilégiée  ait  été 
constamment  l'objet  des  convoitises  des  diirérents  peuples  qui 
tour  à  tour  se  disputèrent  la  possession  de  l'Afrique  du  Nord. 

Les  silex  taillés  que  l'on  trouve  un  peu  partout  et  notamment 
à  Bénia  du  Nador  démontrent  la  présence  de  l'homme  aux 
temps  préhistoriques.  Les  dolmens,  les  menhirs,  les  pierres 
dites  «  de  sacrifice  »  témoignent  de  l'existence  d'une  race 
possédant  un  certain  degré  de  civilisation  au  moment  où  les 
Romains  vinrent  s'emparer  du  pays.  Ces  derniers  occupèrent 
cette  contrée  et  y  élevèrent  de  nombreux  ouvrages  défensils 
dont  la  ville  de  Tiaret,  probablement  T'm(iaytiaï\xi  le  principal 
boulevard. 

A  l'origine  ce  ne  fut  qu'une  redoute  de  70  à  80  mètres  de 
longueur  sur  50  à  60  de  largeur,  flanquée  de  bastions  carrés 
aux  angles  et  aux  portes.  Puis,  1  occupation  devenant  plus 
certaine,  la  ville  se  développa  au  fur  et  à  mesure  de  la  mise  en 
valeufdes  campagnes  avoisinantes  au  point  qu'une  2"^  enceinte, 


276 


MONOGRAPHIE    DE    LA    COMMUNE    INDIGENE    DE    TIARE  f-AFLOU 


se  greffant  sur  la  première  devint  nécessaire  pour  abriter  les 
défenseurs  de  Tlngarlia  (?). 

II  est  probable  que  c'est  vers  cette  époque  que  fut  édifiée  la 
forteresse  de  Bénia,  située  au  fond  d'une  riche  vallée  du  djebel 
Nador  etdontrobjectif  était  de  garder  le  pays  et  la  voie  romaine 
du  Sud,  qui  se  dirigeait  de  l'Ouest  à  l'Est,  par  les  stations 
militaires  de  A'M»i.0V!^s.S'j/)'on«ni(Lalla-Marnia),  PomariaÇTlem- 
cen),  Altava  (Lamoricièrej,  Cahors-Brencorum  (Tagremaret), 
Bénia,  Téniet-el-Hàad,  etc.,  etc.O. 

La  forteresse  de  Bénia  avait  32  à  35  mètres  de  côté.  Le  mur 
d'enceinte,  construit  en  grand  appareil  se  terminait  par  une  cor- 
niche fort  simple,  deux  bastions  carrés  en  défendaient  l'entrée. 

Au  Nord  de  la  ligne  qui  va  de  Bénia  à  Téniet-el-Hàad, 
s'élevaient  de  nombreuses  «  Latifundia»,  grandes  exploitations 
rurales,  ainsi  que  le  démontrent  les  nombreuses  ruines  que 
l'on  rencontre  encore  de  nos  jours  dans  le  Sersou.  la  vallée  de 
l'oued  Tiguiguest  et  les  Oulad  Lakred. 

En  ce  qui  concerne  plus  spécialement  le'  territoire  de  la 
commune  indigène,  aucun  doute  ne  saurait  s'élever  sur  sa 
prospérité  au  moment  de  l'occupation  romaine. 

M.  de  la  Blanchère,  dans  son  voyage  d'étude  donne  l'énumé- 
ration  suivante  des  ruines  qu'il  a  pu  visiter  : 

AïN  DzAiiRiT,  frontière  des  Beni-Leut,  fontaine  et  ville. 

AïN-EL  Kbour  (la  source  dos  toml)eaux)  au  Sud  du  djebel  Ladjdar 

AïN-MouTER,  près  de  l'oued  Tafi-aoua,  au  Sud  de  Ternaten;  ileux 

ruines. 
Kherbet-bent-Sarah,  grandi»  ville. 
Ras  fedj-Illah,  dans  le  bassin  supérieur  île  la  Mina. 
El-Abiar,  —  — 

Aïn-Melakou,  —  — 

El  OuLAnsi,  dans  1  Ouest  du  Sersou. 

Beloulit,  grandes  ruines  fort  étendues  au  Sud  des  précédentes. 
El-Kherba,  dans  le  voisinage  du  djeliel  Sidi-Maliet 
El-Farciia,  —  — 

Aïn-Metiienan,  —  — 

Tamord.ian,  prés  d'Aïn-Sougiieur.  Ti-éz(d. 

Remilia,  deux  villages  à  l'entrée  ilu  Nadoi-  [lar  lo  ciA  Mai-mela. 
Bénia,  forteresse  roniaiiK»  r\  une  a\itr<'  plus  petite  dnns  la  même 

vallée 
Bou-Tchicha,  sur  la  derniéi-e  pente  Sud  de  la  montagne  di»  ri>  nom. 

dans  la  vallée  intérieure  du  Nador. 
Ghegiiaïa.  au  débouché  <ln  ninssif,  mus  !e  Sud,  etc.,  iMc. 


(I)  Géographie  comparée  de  pariie  de  la  Maïuétaiiie  césarienne  par  le 
commandant  Ueniaëglit,  p.  61. 


MONOOR-VPIIIE    DE    LA    COMMUNE    IMUGENE    DE    TIARET-AFI.OU    1 1  l 

Aucune  de  ces  ruines  n'a  été  sérieusement  fouillée.  Elles 
renferment  probablement  des  inscriptions  qui  pourraient  être 
(les  plus  utiles  à  l'histoire  de  l'occupation  romaine,  mais  pour 
se  livrer  à  des  recherches  sérieuses  et  fructueuses,  il  faudrait 
posséder  l'argent  et  le  temps  nécessaires  pour  un  tel  travail. 
Seul  l'Etat  peut  l'entreprendre  et  en  attendant  qu'il  s'y  décide, 
on  ne  doit  attendre  que  du  hasard  seul,  la  découverte  de 
documents  épigraphiques  de  quelque  importance. 

Un  fait  se  dégage  de  cette  abondance  de  ruines  ;  c'est  que 
la  colonisation  romaine,  plus  étendue  que  la  noire,  s'était 
avancée  vers  le  Sud  du  Sersou,  avait  escaladé  les  massifs 
montagneux  du  Nador  et  ne  s'était  arrêtée  que  devant  les 
steppes  des  chotts.  Cette  colonisation  et  la  civilisation  qui  en 
était  la  conséquence  disparurent  devant  l'invasion  vandale,  et 
la  région  de  Tiaret,  comme  le  reste  de  l'Afrique  du  Nord,  fut 
l'apanage  des  barbares  venus  de  la  Sarmatie  (428-.533). 

Cî  fut  la  sanglante  victoire  de  Tricamara  qui  ouvrit  aux 
Grecs  byzantins  les  portes  de  Tlfrilcia.  Le  roi  Gélimer  vaincu, 
dut  s'enfuir  devant  les  Grecs.  Il  fut  poursuivi  sans  trêve  ni 
relâche,  pendant  plus  de  5  jours,  par  Jean  l'Arménien  qui  fut 
tué  fortuitement  par  un  de  ses  officiers  ivre.  Cette  mort 
suspendit  momentanément  la  poursuite,  et  le  roi  \andale  put 
atteindre  le  mont  Pappua,  dans  le  Nador  t'I  Les  Grecs  l'y 
suivirent,  le  cernèrent  et  l'obligèrent  à  se  rendre. 

Après  avoir  complété  leur  victoire  par  la  prise  de  Césarée 
et  de  Ceuta,  ils  organisèrent  le  pays  conquis,  et  c'est  proba- 
blement à  cette  époque  que,  reprenant  les  traditions  romaines, 
ils  élevèrent  la  3'-'  enceinte  fortifiée  qui  défendait  TiaretO. 

L'occupation  byzantine  fut  de  courte  durée  (de  533  à  678), 


(I)  D'nprés  une  inscriplion  rupestre  déchiffrée  par  M.  Papier,  le  mont 
Pappua  de  Procope  serait  un  des  sommtts  du  Nador,  et  non  l'Edough 
près  de  Hùue.  ainsi  qu'on  l'a  cru,  jusqu'à  la  découverte  de  l'inscription.  — 
Histoire  de  l'Algérie,  par  E.  Cat,  tome  1,  page  l'25. 

(1)  M.  ds  la  Blanchére  n'admet  pas  que  les  Grf  es  byzantins  aient  poussé 
leur  domination  jusqu'à  Tiaret.  Nous  pensons  que  les  textes  arabes  sont 
sutlisammnient  formels  pour  croire  à  cette  ocupation.  En-Noveiri, 
Ibn-EI-Atbin,  Ibn-Kaldoun,  sont  unanimes  sur  ce  point.  Les  deux 
premiers  citent  textuellement  les  Grecs  comme  chefs  de  la  région  du 
Sersou.  Ces  chefs  devaient  même  être  très  puissants,  puisque  d'après 
En-Novelri,  Okba,  sentant  le  péril  où  se  trouvait  son  armée  par  suite  de 
l'importance  des  forces  qui  lui  étaient  opposées,  crut  devoir  haranguer 
ses  troupes  avant  d'engag.^r  la  bataille.  Il  n'en  eut  pas  été  de  même  s'il 
n'avait  eu  devant  lui  qu'un  rassemblement  d'anciens  colon'?  romains 
mal  armés  et  sans  cohci^ion.  Il  est  cependant  utile  de  faire  remarquer 
que  le  terme  «  Nador  »  est  fréquemment  employé  par  les  indigènes,  et 
que  plusieurs  montagnes  de  r.\lgérie  portent  ce  nom. 


278    MONOGRAPHIE    DE    LA    COMMUNE    INDIGÈNE    DE    TIARET-AFLOL" 

Pendant  cette  période  troublée,  les  persécutions  religieuses 
reprirent  avec  plus  de  violence  que  jamais  ;  les  exigences  du 
fisc,  les  excursions  des  soldats  mutinés  contre  leurs  chefs,  les 
révoltes  des  berbères,  amenèrent  progressivement  la  ruine 
et  la  désolation  dans  le  Sersou  et  les  pays  avoisinants. 
La  domination  grecque,  si  éphémère,  devait  nécessairement 
s'écrouler  devant  le  premier  envahisseur  qui  se  présenterait. 

Okba,  le  célèbre  conquérant,  après  avoir  défait  les  Bysantiiis 
dans  l'Est  et  fondé  Cairouan,  s'avança  vers  Tiaret.  Tous  les 
Berbères  de  la  région,  alliés  aux  Grecs,  l'attendaient  sous  les 
murs  de  la  ville.  La  bataille  fut  acharné  et  se  termina  par  la 
défaite  des  Byzantins  qui  furent  obligés  d'évacuer  la  ville, 
pendant  qu'Okba  poursuivait  ses  conquêtes  jusqu'à  l'Océan 
Atlantique^).  (673deJ.-C.) 

Les  Berbères  qui  avaient  apporté  le  secours  de  leurs  armes 
aux  Grecs  byzantins  de  Tiaret  contre  Okba-lbn-Nafé, 
appartenaient  sans  doute  à  la  race  des  Maghraoua  et  des  Beni- 
Ifren(î). 

Les  Romains,  au  moment  de  leur  domination,  leur  avaient 
imposé  la  religion  chrétienne  et  un  certain  degré  d'obéissance  ; 
ils  payaient  rimp(jt  aux  époques  fixes  et  prenaient  part  à 
leurs  expéditions  militaires  ;  quant  aux  autres  obligations,  dit 
Ibn-Kaldoun,  ils  y  montraient  une  résistance  très  vive. 

Après  la  défaite  de  Tiaret,  les  Berbères,  obligés  de  se 
réfugier  dans  les  montagnes,  furent  remplacés  dans  le  cercle 
militaire  de  Tiaret  par  une  fraction  des  Louata,  les  Beni- 
Toudjin.  Ces  derniers,  d'origine  berbère,  avaient  dès  l'invasion 
arabe,  abjuré  la  religion  catholique  et  s'étaient  mis  au  service 
des  Arabes  envahisseurs.  Pour  les  récompenser  des  services 
rendus  à  la  cause  musulmanne,  un  gouverneur  arabe  de 
Cairouan  les  autorisa  à  habiter  le  Sersou<'5>,  et  naturellement 
les  montagnes  du  Nador. 

Pendant  près  d'un  siècle,  ils  furent  fidèles  à  leurs  suzerains  ; 
mais  en  761,  quand  Abdeirahmann  Ibn-Rostein  fonda 
Tagdempt  comme  capitale  des  Khnredjistes  Eibadistes,  ils 
s'empi'essèrent,  comme  la  plupart  dos  Berbères,  d'adhérer  au 
schime  nouveau,  prêché  par  leur  puissant  et  redoutable  voisin. 

Noas  les  voyons  ensuite  prendre  part  à  toutes  les  guerres 


(1)  Ibn-Kaldoun,  loine  I,  pafce  ^Sî. 

(2)  lbn-l\aldoun,  tome  I,  page  liiH. 

(3)  Iljn-Kaldoun,  fouie  I,  pages  '234,  Si  et  lui. 


MONOGRAPHIE    DE    LA    COMMUNE     INHIGÈNE    DE    TIARET-AFLOU    279 

religieuses  ou  de  race  qui  ensang'antèrent  le  Maghreb  central 
à  cette  époque.  En  947,  ils  apportent  le  concours  de  leurs 
armes  à  Hamid-Ibn-Yesel,  gouverneur  de  Tiaret,  qui  s'était 
révolté  contre  le3«  calife  Fatemide  «  £l-Mansour  ».  Ce  dernier 
étouffa  la  révolte,  obligea  son  adversaire  à  fuir  en  Espagne  et, 
tournant  ses  armes  contre  les  Louata,  les  vainquit  et  les 
refoula  dans  le  désert. 

C'est  pendant  cette  expédition  qu'il  constata  la  présence  des 
djedar  sur  les  contreforts  du  djebel  Ladjdar  et  que  lui  fut 
donnée  l'interprétation  d'une  inscription  relative  à  une  e.xpédi- 
tion  de  Salomon,  général  de  Justinien  contre  les  Berbères 
révoltés  O. 

Les  djedar  sont  au  nombre  de  9  et  sont  situés  sur  le  territoire 
des  Khelafa  sur  la  limite  de  la  commune  indigène  de  Tiaret. 
Ce  sont  des  constructions  ma=sives  ayant  la  forme  de  prismes 
quadrangulaires  surmontés  d'une  pyramide  tronquée;  vus  de 
de  loin,  les  djedar  rappellent  le  Madraccn  et  le  Tombeau  de  la 
Chrétienne,  mais  paraissent  en  être  de  mauvaises  copies.  Leur 
forme  est  moins  correcte  et  leurs  dimensions  plus  modestes. 
Le  plus  grand  a  45  mètres  de  coté  et  34  mètres  de  hauteur- 

M.  de  la  Blanchère  et  d'autres  savants  les  ont  visités  et  ont 
cherché  à  déterminer  l'origine  de  ces  monuments  et  leur 
affectation.  M.  Dastugne,  capitaine  du  bureau  arabe  de  Tiaret 
aurait  retrouvé  un  fragment  de  I  inscription  relatée  par  Ibn- 
Kaldoun  et  sur  lequel  il  ne  restait  plus  que  les  deux  mots  : 
Salomo  et  StratégosO''. 

Cette  découverte  semblerait  justilier  l'opinion  de  M.  le  Cat, 
qui  admet  la  version  d'Ibn-Kaldoun  alors  que  M  de  la  Blanchère 
conjecture  que  les  djedar  «  sont  les  tombeaux  d'une  dynastie 
«  indigène  catholique,  puissante  dans  la  Mauritanie  césarienne, 
«   vers  le  V  et  YI  siècle  »<*'. 

Quoiqu'il  en  soit,  les  Louata  furent  expulsé;3  du  territoire 


(I)  «  Je  suis  Soleiraan  le  Serdéghos,  les  liabilanls  de  cette  ville  s'étant 
«  révoltés,  le  roi  m'envoya  contre  eux  et  Dieu  m'ayant  permis  de  les 
«  vaincre,  j'ai  fait  élever  ce  monument  pour  éterniser  mon  souvtnir  ». 
Ibn-Ivaldoun,  tome  I,  page  241. 

(î)  Géographie  comparée  du  commandant  Demaeght,  p  80. 

fS)  Dans  sa  discussion  sur  les  djedar,  M.  de  la  Blanchère,  cite  l'opinion 
de  MM.  Desjardins,  Deloche  et  Bavet  qui  ti-ouvent  que  l'ornementation 
des  Djedar.  rfssemble  beaucoup  â  l'art  ba'bare  des  bords  du  Danube.  Si 
à  l'appui  de  cette  ressemblanct;  on  admet  comme  exacte  l'identification 
du  Nador  avec  le  mont  Pappua  où  se  reiugii  Oélimer,  ot  est  autorisé  à 
penser  que  les  djedar  sont  très  probablement  les  sépultures  des  rois 
Vandales. 


280    MONOGRAPHIE    DE    LA    COMMUNE    INDIGÈNE    DE    TIARET-AFLOU 

qui  leur  avait  concédé.  Ibn  Kaldoun  dans  son  histoire  des 
Berbères  donne  une  deuxième  version  de  leur  abandon  du 
territoire  de  Tiaret. 

«  Los  Louata  Beni-Toudjin  avaient  pour  voisin  à  Mindas 
((  (Mendez),  une  tribu  Zenatienne  appelée  les  Heni-Oudjedidjen. 
«  La  vallée  de  Minas  (la  Mina)  et  Tehert  (Tiaret)  séparaient  les 
((  deux  peuples.  Une  guerre  éclata  entre  eux  à  cause  d'une 
«  temme  des  Oudjedidjen  qui  avait  épousé  un  des  Louata. 
«  Gomme  ceux-ci  lui  reprochèrent  sa  pauvreté,  elle  écrivit  à 
«  sa  famille  pour  se  plaindre  d'eux.  Les  Oudjedidjen  qui 
((  eurent  alors  pour  chef  un  nommé  Einan,  se  concertèrent 
0  ensemble  et  demandèrent  l'appui  des  Zenata  qui  vivaient 
«  derrière  eux;  ils  reçurent  un  corps  de  renfort  que  leur 
«  expédia  Yala  ibn-Mohammed  et  Ifrein,  pendant  que  d'un 
«  autre  côté,  ils  virent  arriver  à  leur  secours  la  tribu  de 
«  Matmata  commandée  par  l'émir  Garana.  Alors  ils  marchèrent 
«  tous  contre  les  Louata  et,  après  plusieurs  conflits  dans  un 
«  desquels  Eiman  perdit  la  vie  <'),  ils'  expulsèrent  leurs 
«  adversaires  de  la  partie  occidentale  du  Seresson  et  les 
«  rejetèrent  dans  la  montagne  située  au  midi  de  Teliert  et  qui 
«  s'appelle  Gueriguera  jusqu'à  ce  jour.  Les  Louata  y  trouvèrent 
«  une  peuplade  Maghraouïène,  qui,  au  mépris  des  devoirs  de 
«  l'hospitalité,  rassembla  ses  forces  et  finit  parles  chasser  du 
«  territoire  qui  leur  restait  encore,  du  côté  de  l'Orient,  à  Mont 
«  '"laoud.  Par  suite  de  ces  revers  ils  allèrent  se  fixer  sur  la 
«  Montagne  appelée  Derrag  (Ténietel-Hàad)d'oii  ils  étendirent 
«  leurs  établissements  vers  l'intérieur  du  Tell  et  jusqu'à  la 
a  montagne  qui  domine  la  ville  de  Mitidja  (Blidah)<2).  » 

I^a  fuite  des  Beni-Toudjin  eut  lieu  en  947;  la  tribu  Maghra- 
ouïème  qui  avait  complété  l'œuvre  du  Kalif  fatemide  Mansour 
en  leur  refusant  l'hospitalité  fut,  elle-même,  chassée  du  terri- 
toire du  cercle  de  Tiaret  par  Bologguin  qui  avait  reçu  d'El- 
Moëz,  dernier  sullan  fatemide  de  l'Ifrikia,  l'ordre  de  détruire 
la  puissance  des  Zenata  dans  tout  le  Maghreb.  En  971,  24  ans 
après  la  fuite  des  Beni-Toudjin,  les  Maghraouas  s'enfuyaient 
vers  le  Maroc,  où,  après  avoir  été  rejoints^  ils  furent  taillés  en 
pièce  et  dispersés  P>. 


(1)  Eiûan  fui  Uié  près  de  Mellakoii,  actiiellenaent  Palat,  l'un  des  cenlres 
de  la  commune  mixte  de  Tiaret.  ■ 

(2)  Ibn-Kaldoun,  tome  I,  p   '235. 
(.J)  II)n-Kaldoun.  tomî  III,  p.  î.iô. 


MONOGRAPHIE    DE    LA    COMML'NE     INDIGÈNE    DE    TIARET-AFLOU    281 

Mais  El  Moëz  ne  devait  pas  conserver  pendant  longtemps  sa 
souveraineté  sur  cette  région.  Ayant  répudié  la  souveraineté 
des  Fatémides  et  fait  proclamer  dans  ses  états  la  suprématie 
du  kalife  de  Bagdad,  le  gouvernement  fatémide  se  vengea  de 
lui  en  lançant  contre  l'Afrique  septentrionale  une  horde 
d'arabes  nomades  qui  se  répandit  dans  toutes  les  parties  de  ce 
pays  en  y  portant  le  ravage  et  la  dévastation  (1054/". 

Les  arabes  envahisseurs  formaient  quatre  grandes  tribus, 
toutes  issues  de  Hilial-Ibn  Amer,  savoir:  Zogliba,  Hiah, 
El-Athbedj  et  Corra(->. 

Ce  fut  diverses  fractions  de  la  première  de  ces  tribus, 
les  Souëid  Beni-Yazid,  les  Beni-Ahmer,  les  Sahari,  les 
Chaouïa,  les  Beni-Lent  et  les  Akertna  qui  vinrent  occuper  le 
territoire  actuel  de  Tiaret  et  chasser  les  derniers  Berbères 
qui  l'occupaient.     , 

Depuis  leur  entrée  en  Afrique,  ils  avaient  lutté  contre  la 
puissance  des  Zenata  et  donné  de  nombreuses  preuves  de 
fidélité  et  de  dévouement  aux  adversaires  des  Berbères. 
Addonnés  depuis  longtemps  à  la  vie  nomade,  le  territoire 
du  cercle  de  Tiaret  leur  parut  propice  pour  une  occupation 
définitive.  Leur  chef  Ouenzemmar  obtint  d'Abou-Eïman,  qui 
venait  de  s'emparer  de  Tleincen  (1331-1332),  l'autorisation  de 
s'installer  dans  le  Sersou  et  dans  le  pays  habité  précédemment 
par  les  Toudjin.  Quelques  années  après  Ouenzemmar  renonça 
au  commandement  pour  se  retirer  sur  les  bords  de  la  Moulouya 
oii  il  se  rendit  célèbre  par  son  ardente  dévotion.  Il  fut  remplacé 
comme  chef  des  tribus  nomades  par  ses  frères  Abou  Bekr  et 
Mohammed  f-^*. 

Pendant  que  Ouenzemmar  se  faisait  remarquer  par  sa  sainteté 
sur  les  bords  de  la  Moulouya,  un  chef  Edrissite,  Khaled  ben 
Abdeikrin,  après  avoir  étudié  le  coran  à  Tlemcen,  venait 
habiter  le  djebel  Amour,  dans  une  grotte  dite  Terf-Sidi-Okba; 
puis,  après  s'être  distingué  de  ses  contemporains  par  sa  foi 
religieuse,  il  alla  s'installer  dans  le  Sersou  avec  ses  serviteurs. 
Ce  furent  ses  descendants  qui  constituèrent  plus  tard  les 
Oulad  Sidi-Khaled  et  servirent  de  souche  à  l'ensemble  de  la 
confédération  des  Harrar'''i. 


(I)  Introduction  à  Ibn-lvaldoun,  tome  !,  p.  24. 
(î)  Ibii-Ivadoun,  tome  I,  p,  :i8 
(:i)  Ibn-Ivadoun,  tome  I,  p.  Imi. 

(4)  La  Ivoulia  où  fut  enterré  l'ancêtre  des  <  lulad  Sidi-Ktialed  se  trouve  à 
Taourzout  au  Sud  de  i'rendah. 


282    MONOGRAPHIE    DE    LA    COMMUNE    INDIGÈNE    DE    TIARET-AFLOU 

FORMATION  DES  TRIBUS   ACTUELLES 

DU  CERCLE  DE  TIARET 


LES    HARRAR(i) 

Après  avoir  chassé  les  derniers  berbères  qui  habitaient 
encore  le  Sersou,  les  tribus  arabîs  unies  devant  l'ennemi 
commun,  ne  tardèrent  pas  à  se  diviser  et  se  quereller  pour  la 
possession  des  points  les  plus  favorisés  du  cercle.  Une  guerre 
éclata  entre  elles  Les  Chaouias  et  les  Akermas  furent  vaincus 
et  obligés  de  fuir,  les  premiers  vers  l'Est,  les  seconds  vers  le 
Nord.  Il  ne  resta  donc  plus  dans  le  pays,  que  les  Saharis  qui 
en  occupaient  qu'une  faible  portion  et  les  Ouled  Sidi-Khaled 
possesseurs  de  tout  le  reste. 

Attirées  par  l'espace,  par  la  richesse  du  terrain,  chassées  de 
chez  elles  par  des  discussions  ou  des  faits  particuliers,  des 
tentes  parties  de  diftérents  points  de  l'Ouest,  surtout  d'au- 
delà  du  pays  occupé  par  les  Djatïra,  vinrent  par  fractions,  par 
familles,  quelquefois  par  tentes  isolées,  demander  aux  Oulad 
Sidi-Khaled,  la  faveur  de  s'installer  chez  eux.  Ceux-ci,  trop  peu 
nombreux  pour  le  pays  resté  en  leur  pouvoir,  trop  affaiblis 
pour  résister  aux  attaques  qu'on  aurait  pu  tenter  contre  eux, 
accueillirent  ces  auxiliaires,  en  leur  ouvrant  le  pays.  Ce  fut  là 
le  noyau  d'une  nouvelle  tribu.  A  ces  premières  émigrations, 
vinrent  s'en  ajouter  de  nouvelles  qu'on  accueillait  toujours 
bien,  auxquelles  on  donnait  de  l'espace.  Le  bruit  de  cette 
hospitalité,  de  cette  générosité  se  répandit  bientôt  et  la  confé- 
dération qui  se  forma  ainsi  reçu  le  nom  de  Mgareuha.  parce 
qu'elle  répondait  à  tous  les  nouveaux  arrivants  (Gareuh, 
approche). 

Ce  ne  fut  que  plus  tard,  en  1708,  que  ce  nom  fut  changé  en 
celui  de  Harrar,  et  voici  à  quelle  occasion  :  Après  la  défaite 
de  Moulaylsmaël  dans  le  bois  qui  porte  son  nom,  les  débris 
de  son  armée  en  fuite  se  répandirent  de  tous  côtés.  Un  certain 


(1)  Les  ranseigaemeuts  qui  suiveot sont  dus. -i  lableaveillanteob  igeance 
de  M.  le  capitaine  chef  du  bureau  aralia  de  Tiaret,  M.  Delahaut  qui  a  bien 
voulu  nous  autoriser  à  prendre  connaissance  des  documants  liis!oriques 
en  sa  possession. 


MONOGRAPHIE    DE    LA    COMMUNE     INDIUKNE    DE    TIARET-AFLOf    28!î 

nombre  de  fuyards  arrivèrent  ainsi  cJiez  les  Mgareuba,  qui, 
au  lieu  de  leur  piller  le  peu  qu'il  leur  restait,  ou  de  leur  faire 
subir  de  durs  traitements,  comme  cela  arriva  partout  ailleurs, 
chez  les  Beni-Alimer  surtout,  leur  donnèrent  riiospitrilité  et 
pourvurent  à  tous  leurs  besoins  jusqu'au  moment  de 
leur  départ.  Lorsqu'on  raconta  cela  à  Moulay-Ismaèl.  il  dit 
que  des  gens  qui  avaient  agi  aiusi  devaient  être  «  Harrar  » 
(Horri,  homme  de  bonne  naissance).  Dès  lors,  le  nom  de 
Harrar  remplaça  celui  de  Mgareuba. 

Les  tentes  isolées  ou  groupes  de  toutes  sortes  qui  vinrent, 
ainsi  que  nous  l'avons  dit  précédemment,  s'établir  auprès  des 
Mgareuba,  donnèrent  naissance  à  des  fractions  qui  prirent 
généralement  pour  nom  celui  de  leur  chef  ou  premier  venu 
d'entre  eux.  Lorsqu'une  nouvelle  tente  arrivait,  elle  s'éta- 
blissait dans  telle  où  telle  fraction  déjà  formée,  suivant  qu'elle 
y  avait  des  relations  antérieures  ou  qu'elle  y  trouvait  à  vivre. 
Elle  était  souvent  elle-même  la  souche  d'une  nouvelle  L'action 
alliée  de  la  première.  Les  différentes  fractions  ainsi  alliées 
entre  elles,  formaient  dès  lors  des  groupes  qui  sont  l'origine 
des  9  tribus  actuelles. 

Les  premiers  venus  furent  les  Oulad  Bou-AtTif.  Recon- 
naissants de  l'accueil  que  leur  avaient  fait  les  Oulad  Sidi- 
Kraled,  les  Harrar  considérèrent  ces  derniers  comme  leurs 
marabouts,  et  dans  toutes  les  circonstances  les  respectèrent  et 
écoutèrent  leurs  conseils.  C'est  ainsi  que  les  Oulad  Sidi-Kraled 
firent  partie  de  la  confédération  et  devinrent  Harrar. 

Dans  les  premiers  temps,  leur  richesse  ne  se  composait 
que  de  troupeaux  ;  ils  achetaient  leurs  grains  dans  la 
plaine  d'Elgris.  payant  aux  Hachem  le  hag  El-Tenia  et  même 
recevant  peur  leurs  chefs,  l'investiture  des  grands  de  cette 
contrée. 

Les  premiers  temps  furent  paisibles,  mais  bientôt,  le  nombre 
augmentant,  la  tribu  devint  forte,  et  les  Harrar,  à  l'exemple 
de  leurs  voisins,  commencèrent  aussi  à  s'en  remettre  au  sort 
des  armes  du  soin  de  décider  les  difficultés  qui  pouvaient 
s'élever  entre  eux  et  les  tribus  limitrophes  ;  c'est  ainsi  qu'il 
défont  lesAngad  à  Sedjira,  près  du  chott,  et  les  chassent  du 
pays  pour  agrandir  le  leur. 

En  ce  moment,  ils  avaient  pour  voisins  :  à  l'Ouest,  plusieurs 
fraciions  des  Beni-Ahmer,  dont  le  centre  du  pays  était  le 
djebel  Chebka;  au  Sud,  les  Oulad  Chaib  occupant  le  Ksel  ; 


284    MONOGRAPIItE    DE    LA    COMMUNE    IXliIOÈNE    DE    TI.VUET-AFLOU 

à  l'Est,  les  Sahari,  maîtres  du  Sersou.  Quant  aux  Harrar,  ils 
avaient  pour  centre  de  leur  pays  Koiidiat-el-Hamira. 

Bientôt,  guidés  par  le  désir  de  s'emparer  de  leur  pays 
plutôt  que  de  leur  venir  réellement  en  aide,  les  Harrar  firent 
alliance  avec  les  Laghouat  du  Ksel  qui  étaient  inquiétés  par 
les  Oulad  Chaïb  et  Les  Beni-A limer.  En-  récomp&nse  des 
secours  prêtés,  les  Laghouat  du  Ksel,  au  nombre  de  7 
fractions,  promettent  aux  Harrar  de  leur  donner  tous  les  ans 
7  nègres  ou  négresses  ou  bien  leur  valeur.  Ce  tribut  existait 
encore  de  nos  jours. 

C'est  là  l'origine  des  relations  intimes  établies  entre  les 
Laghouat  du  Ksel  et  les  Harrar  actuels  et  qui  leur  a  fait 
demander  d'être  rattachés  à  cette  tribu. 

Les  Beni-Ahmer  repoussés  s'enfuirent  vers  l'Ouest,  les 
Oulad  Chaib  fuirent  aussi  et  s'établirent  dans  le  pays  ou  nous 
les  trouvons  aujourd'hui. 

Les  Sahari  seuls  conservèrent  leur  pays  et  vécurent  en  paix 
avec  les  Harrar,  possesseurs  sans  rivaux  du  pays  qu'ils  ont 
encore  aujourd'hui. 

Depuis  longtemps  les  Turcs  avaient  fait  la  conquête  de 
l'Afrique  que  leur  domination  ne  s'était  pas  étendue  sur 
les  Harrar.  Mais  enfin  les  Hachem,  battus  par  les  Turcs, 
furent  contraints  de  faire  leur  soumission  ;  ne  pas  se 
soumettre  aussi  était  pour  les  Harrar  s'exposer  à  voir  fermer 
pour  eux  les  greniers  de  la  plaine  d'El-Gris  oi^i  ils  s'appro- 
visionnaient; ils  se  soumirent  donc  aux  Turcs,  mais  sans 
combat. 

Il  fut  convenu  qu'ils  payeraient  tous  les  ans  un  tribut  tixe. 
Pour  éviter  des  discussions,  les  Turcs  eu.x  mêmes,  répartirent 
en  7  parts  ce  tribut  entre  les  ditïérenles  fractions,  savoir  : 

Les  Oulad  Zian 1  part 

Kàabra  et  Dehalsa 1  — 

Ghouadi 1  — 

Chaouïa  et  Hassinat 1  — 

Oulad  Azziz 1  — 

Oulad  Zouaï  et  Oulad  Bel-Hoceïn.  1  — 

Oulad  Bou-Aflif 1  — 

Total 7  parts 


MÔXOORAPIIIE    DE    LA    COMMUNE    INDIGÈNE    DE    TIARET-AFLOU    285 

Les  Harrar  voulurent  et  obtinrent  que  leurs  Siads,  les 
Oulad  Sldi-Kraled,  en  fussent  exempts.  C'est  de  cette  division 
que  vint  aux  Harrar  la  dénomination  de  Harrar  Sebâa. 

Après  leur  soumission,  les  Harrar  restèrent  longtemps  en 
paix,  sans  prendre  part  à  aucune  guerre  ni  révolte.  Mais  en 
1803,  ils  prêtèrent  l'oreille  aux  émissaires  de  Ben-Chérif 
et  finirent  par  le  suivre.  Celui-ci  pour  les  décider  vint  même 
chez  les  Oulad  Zian.  En  ce  moment  un  grand  nombre  des 
indigènes  des  Harrar  se  firent  Derkaoua. 

Les  Harrar  partagèrent  la  fortune  de  Ben-Chérif,  le 
secondant  de  toutes  leurs  forces.  Ben-Chérif  battu,  la  division 
se  mit  parmi  les  Harrar,  les  uns  espérant  dans  sa  cause, 
les  autres  voulant  l'abandonner  ;  d'où  des  guerres  intestines 
qui  ne  finirent  qu'à  la  mort  de  Ben-Chérif  et  qui  eurent 
comme  l'ésultat  final  la  scission  des  Harrar  en  deux  parties  : 
Harrar-Cheraga  et  Harrar-Gharaba,  division  qui  subsiste 
encore  aujourd'hui.  Après  ce  partage,  les  uns  et  les  autres 
se  soumirent  de  nouveau  aux  Turcs,  mais  ils  ne  restèrent  plus 
en  paix  comme  par  le  passé  et  nombre  de  fois,  pour  les 
mettre  d'accord,  les  Turcs  se  virent  dans  l'obligation  de 
les  raser,  sous  les  plus  légers  prétextes. 

Les  Harrar  étaient  encore  agités  par  ces  dissensions  inté- 
rieures lorsque  leur  arriva  la  nouvelle  de  la  prise  d'Alger  par 
les  Français.  Aussitôt  qu'Abd-el-Kader  leva  le  drapeau,  ils 
se  déclarèrent  pour  lui  et  combattirent  sous  ses  ordres  jusqu'à 
la  prise  de  Tagdempt  où  périrent  un  grand  nombre  des  leurs. 

Le  pouvoir  d'Abd-el-Kader  abattu,  le  Tell  soumis,  le  même 
besoin  d'approvisionnement  fit  soumettre  les  Harrar  aux 
Français,  comme  ils  s'étaient  soumis  aux  Turcs.  Les  Harrar- 
Cheraga  furent  les  derniers  à  demander  l'aman. 

Pendant  trois  ans,  période  pendant  laquelle  fut  bâti  le 
poste  de  Tiaret,  du  commandement  duquel  ils  relevèrent, 
aucun  fait  ne  vint  troubler  l'état  de  paix.  Mais  en  1845, 
Bou-Maza  leva  l'étendard  de  la  révolte;  aussitôt  les  Harrar 
indécis  se  retirèrent  dans  le  Sud,  attendant  les  événements. 

Abd-el~Kader,  venu  de  l'Ouest  après  ses  succès  de  Sidi- 
Brahim  et  d'Aïn-Temouchent,  vint  camper  au  milieu  d'eux, 
leur  déclarant,  pour  vaincre  leurs  scrupules,  qu'il  allait  faire 
venir  sa  deïra  au  milieu  d'eux. 

Alors,  les  Harrar  lui  fournirent  un  goum  qui  l'accompagna 
jusque    dans    la    Mitijda,    aux    portes    d'Alger    et   jusqu'à 


286 


MONOGRAPHIE    llE    LA.    COMMUNE    INIlKiKNE    HE    TIAKET-AFLOU 


Bouçaada,  dans  l'Est.  Vaincu,  Abd-i'l-Kader  ne  |ml  empêcher 
les  siens  de  se  débaader  ;  le  goum  de.-;  Ilari'ar  rentra  dans  son 
pays  et  la  confédération  fut  forcée  de  demander  l'aman  que 
lui  accorda  le  général  de  Lanioricicre,  sous  condition  de 
payer  une  amende  de  900,000  francs. 

Depuis  cette  époque  jusqu'en  l8Gi,  les  Harrar  Clieraga 
nous  sont  restés  soumis,  observant  la  parole  qu'ils  nous 
avaient  donnée,  exécutant  nos  ordres,  fournissant  des  goums 
et  des  convois  à  nos  colonnes. 

En  1864,  après  le  combat  du  8  avril  à  Ain-bou-Beker,  tous 
les  Ilarrar  indécis  depuis  les  complications  inattendues  dans 
le  cercle  de  Géryville,  entrèrent  franchement  dans  les  rangs 
de  Si-Seliman  ben  Hamza.  Ils  prennent  ensuite  une  part 
active  à  tous  les  coups  de  iriain  tentés  sur  nos  cokjnnes  par 
les  Oulad  Sidi-C.heik,  et  cela  jusqu'au  '25  décembre  de  la 
même  année,  époque  à  laquelle  leur  soumission  est  acceptée 
par  M.  le  général  Ueligny  qui,  à  son  retouu  du  djebel  Amour, 
les  convoqua  tous  à  Aïn-Kcheb  pour  être  reconstitués  et 
réoiganisés.  A  cette  date,  presque  tous  les  Harrar,  ayant  à 
leur  tête  Hadj-Kaddour  ben  Sahraoui,  ont  fait  leur  soumission  ; 
il  ne  reste  plus  dans  les  rangs  des  insurgés  qu'une  centaine 
de  tentes,  sous  les  ordres  de  l'ex-caïd  Safi  ould  Moharnmed- 
bel- A  roussi. 

Mais  quehpie  temps  après,  le  succès  obtenu  le  4  du  mois  de 
mai  1865,  à  Benout,  sur  les  fractions  qui  n'avaient  pas  encore 
abandonné  la  cause.de  Si-Mohammed  ben  Hamzn,  la  juort  du 
maraliout  et  l'attitude  prise  par  El  Hadj  Kaddour  ben 
Sahraoui  à  l'égard  des  révoltés,  produisirent  une  grande 
impression  sur  les  tribus  du  Sud  ;  dès  lors  les  Harrar,  dont 
les  dispositions  nous  avaient  été  sourdement  hostiles,  se 
déclarent  ouvertement  les  ennemis  des  tribus  qu'ils  avaient 
suivies  en  défection. 

Depuis,  les  Har.ar  sont  restés  fidèles  à  la  France.  Lors  de- 
l'insurrcction  de  Bou  Amama  en  1881,  après  avoir  placé  en 
sécurité  leurs  femmes  et  leurs  enfants  sous  les  murs  de  la 
place  de  Tiaret,  ils  prirent  part  aux  expéditions  de  nos 
colonnes  contre  les  Oulad  Sidi-Cheik  révoltés.  L'insurrection 
vaincue,  ils  rentrèrent  dans  leur  pays  pour  s'y  livrer  à  leurs 
habitudes  pastorales.  Ils  ne  l'ont  plus  quitté. 


MONOGRAPHIE    DE    LA    COMMUNE    INDIGÈNE    DE    TIAREÏ-AELOU    287 


OULAD    KRELIF 

On  comprend  aujonrd'hui  sous  la  désignation  générale 
d'Ouled  Krelif,  les  quatres  tribus  suivantes  . 

1»  Les  Oulad  Kharoubis  ;  2"  les  Oulad  Bou-Renane  ; 
3°  les  Sahari  Cheraga  ;  à"  les  Guenadza. 

Les  Oulad  Kiielif  sont  Cheiirfa,  c'est-à-dire  descendants  du 
Prophète.  Ils  sont  venus  dans  le  pays  avec  la  deuxième 
invasion  arabe,  vers  l'an  750  de  l'hégire  (1350)  de  l'ère 
chrétienne. 

A  cette  époque,  les  trois  tribus  actuelles  des  Oulad  Krelif  : 
les  Oulad  El-Kharroubi,  les  Oulad  Bou-Renane  et  les  Sahaii- 
Cheraga,  ne  formaient  qu'un  tout  composé  des  fractions 
suivantes  :  1"  les  Oulad  Ahsen  ;  2"  les  Oulad  Allouï  ;  3"  les  , 
Oulad  Sidi-Saad  .(marabouts  et  leurs  serviteurs  nommés 
Rohob)  ;  4»  les  Oulad  Salem  ;  5»  El-Imen  ;  6°  les  Oulad  Sidi- 
Mohammed  ben  Yacoub  (marjjjouts  et  leurs  serviteurs 
nommés  Piohob). 

Ces  fractions  qui  ont  donné  leurs  noms  aax  douars  actuels, 
avaient  pour  chef  unique  un  certain  Yaya  ben  Rached.  Elles 
occupaient  le  pays  qui  s'étend  au  Sud  de  Frendah.  Taourzout 
était  leur  point  central  d'occupation.  Gomme  marabout,  elles 
avaient  Sidi  Mansour-el  Kebrit  dont  les  descendants  forment 
aujourd'hui  la  fraction  la  plus  forte  des  Oulad  Bou-Renane,  les 
Oulad  Sidi-Mansour.  La  kouba  de  ce  marabout  se  trouve  à 
Aïn-edh-Dheheb  ou  Aïn-Sidi-Mansour,  au  Sud  de  Taourzout. 
Leur  nom  d'Oulad  Krelif  leur  vient  d'un  nommé  Krelif  qui, 
dit  la  légende,  était  originaire  des  Chafa. 

Cet  indigène  vint  dans  le  pays  de  Taourzout  à  la  suite  d'un 
meurtre  qu'il  avait  commis  sur  l'un  des  siens.  Bien  accueilli 
dans  sa  patrie  d'adoption,  il  s'y  livra  à  l'étude  des  textes  reli- 
gieux et  devint  un  des  plus  fervents  serviteurs  du  marabout 
Sidi  Mansour  dont  il  capta  à  tel  point  la  confiance  que  ce 
dernier  le  chargea  de  l'éducation  de  son  fils  aîné  Si-Ali  ben 
Sidi-Manso  ;r,  surnommé  Ben  Afia,  du  nom  de  sa  nourrice. 

Des  idées  ambitieuses  ne  tardèrent  pas  à  germer  dans  l'esprit 
de  Krelif,  il  réussit  à  s'allier  à  Yaya  ben  Rached  qui  lui  donna 
sa  fille  en  mariage,  bientôt  il  trouva  un  prétexte  pour  se 
brouiller  avec  son  beau-père.  Il  leva  donc  l'étendard  de  la 
révolte  avec  un  petit  nombre  de  partisans  qui  s'étaient  ralliés 

21 


288 


MONOGRAPHIE    DE    L\    COMMUNE    INDIGENE    DE    TI ARET-AFLOU 


à  sa  cause.  Mais  ses  débuts  ne  furent  pas  heureux,  car,  dit  la 
chronique,  Yaya  Ijen  Rached  le  razza  7  fois  dans  le  même  été. 
Après  avoir  subit  ces  échecs  successifs  Krelif  alla  implorer 
l'appui  de  son  élève  Sidi-Ali  ben  Aiia. 

Celui-ci  lui  dit  :  «  Monte  à  cheval,  rends  toi  sur  la  monta- 
«  gne,  de  là,  tu  verras  les  gens  de  Yaya  ben  Rached  qui 
«  décampent  et  se  dirigent  vers  l'Est,  tu  appelleras  alors  les 
(i  serviteurs  de  Sidi-Ali  ben  Afia  et  tu  verras  aussitôt  surgir  de 
^c  tous  les  côtés,  autant  de  cavaliers  que  tu  voudras  ». 

Tout  se  passa  comme  l'avait  prédit  Sidi-Ali. 

A  la  tête  de  ses  cavaliers  Krelif  poursuivit  les  gens  de  Yaya 
ben  Rached,  les  razza  complètement,  leur  tua  100  cavaliers 
parmi  lesquels  leur  chef  et  s'établit  avec  les  siens  dans  le  pays 
où  nous  trouvons  aujourd'hui  lesOulad  Krelif,  ses  descendants. 

De  ce  jour,  toutes  les  fractions  citées  plus  haut  lui  furent 
soumises  et  le  reconnurent  pour  chef,  lui  et  ses  descendants. 

Son  fils,  Ben  Chohra,  qui  lui  succéda  dans  son  commande- 
ment, eût  deux  enfants  :  El-Kharoubi  et  Ta'ieb. 

L'aîné,  El-Kharoubi,  conunanda  seul  pendant  quelque  temps 
à  toute  la  confédération,  non  sans  être  inquiet)  par  son  frère 
Taïeb  qui  voulait,  lui  aussi,  sa  part  de  commandement. 

Un  événement  bizarre  devait  bientôt,  en  scellant  la  discorde 
entre  les  deu.\  frères,  diviser  les  Oulad  Krelif  en  deux  fractions 
bien  distinctes,  l'une  partisante  de  Kharoubi,  lautre  de  Taïeb. 

Un  certain  jour  (en  l'année  1700),  un  marabout  de  Laghouat, 
nommé  Si-el  Hadj-Aïssa,  vint  trouver  El-Kharoubi  et  lui  dit 
«  Donne-moi  un  chameau  avec  son  palanquin  et  tous  sis 
«  ornements,  plus  une  guetifa  avec  tous  les  habits  et  tous  les 
«  bijoux  de  tes  femmes  ».  El-Kharoubi  refusa  en  disant  qu'il 
n'avait  rien  de  tout  cela. 

Taïeb,  au  contraire,  sans  attendre  que  la  même  demande 
lui  tut  faite,  apporta  au  marabout  tout  ce  que  son  frère  venait 
de  lui  refuser.  Le  marabout  jeta  alors  sa  malédiction  sur  El- 
Kharoubi  et  sa  postérité,  tandis  qu'il  comblait  Taïeb  de  ses 
bénédictions. 

C'est  à  la  suite  de  cet  événement  qu'une  partie  des  Oulad 
Krelif  abandonna  la  cause  d'El  Kharoubi  pour  suivre  la  fortune 
de  Taïeb. 

Les  partisans  de  Taïeb  furent  :  1°  Les  Oulad  Salem;  2"  El- 
Imen;  les  Oulad  Sidi  Mohammed  ben  Yacoub  et  leur  Rohob. 


MONOGUAl'IIIlî    IIE    l.\    COMMUNE    INIIKIÈNE    DF,    TIAREÏ-AVLOU    2Si) 

Ceux  au  contraire  qui  restèrent  fidèles  à  El-Kliaroubi,  lurent: 
1"  Les  Oulad  Alisen  ;  2"  Les  Oulad  Allouï;  :>  les  Oulad  Sidi- 
Sàad. 

De  cette  époque  date  la  division  des  Oulad  Krelil'  en  deux 
grandes  rraclions  bien  distinctes,  qui  plus  tard  sont  désignées 
sous  les  noms  de  Sahari-Cheraga  et  Sahari-Gharaba. 

A  partir  de  ce  moment,  l'histoire  des  Oulad  Krelif  jusqu'à 
la  domination  turque  n'est  qu'une  succession  continue  do 
guerres  intestines  entre  les  deux  fractions  sus-désignées  et  à 
la  suite  desquelles  on  voit  tout  les  Oulad  Krelif  reconnaître 
pour  chef,  tantôt  un  descendant  d'El-Kharoubi,  tantôt  un 
descendant  de  Taïeb,  chef  de  la  brandie  cadette.  Nous  ne 
saurions  donc  entrer  dans  tous  ces  détails,  car  ce  qui  se  passe 
cliez  les  Oulad  Krelif,  se  passe  également  dans  toutes  les  tribus 
de  l'Algérie. 

Les  Turcs  à  le,ur  arrivée  en  Alg.'.rie,  trouvent  les  Oulad 
Krelif  dans  le  même  état  d'indivision  et  de  guerres  intestines. 
Ils  consacrent  les  faits  antérieurement  accomplis  en  confirmant 
comme  caïd  des  Sahari-Gharaba  le  petit-lils  d'El-Kharoubi  et 
comme  chef  des  Sahari-Cheraga  1j  descendant  de  Taïeb. 
Etrangers  à  toutes  leurs  luttes,  ils  se  contentent  d'exiger  de 
chacun  d'eux,  le  versement  d'un  impôt  annuel. 

A  la  nouvelle  de  la  prised'Alger  et  de  la  première  apparition 
des  Français  à  Tiaret,  les  Oulad  Krelif  s'enfuirent  dans  le  Sud 
plutôt  que  de  se  soumettre.  Lorsque  l'émir  El-Hadj  Abd-el- 
Kaderleva  l'étendard  de  la  révolte,  ils  se  déclarèrent  pour  lui 
et  combattirent  sous  ses  drapeaux.  Lors  de  la  prise  de  la  smala 
de  l'émir  à  Tagguin,  les  Oulad  Krelif  firent  leur  soumission 
au  général  de  Lamoricière.  Celui-ci  ne  changea  rien  à  leur 
organisation  et  se  contenta  de  leur  imposer,  comme  aux  Harrar, 
une  forte  contribution  de  guerre. 

A  l'époque  de  l'insurrection  de  Bou-Maza,  les  Oulad  Krelif 
prennent  part  au  mouvement  et  s'enfuient  dans  le  Sud  avec 
leur  agha.  Peu  de  temps  après  ils  demandaient  l'Aman.  En 
1864,  ils  restent  avec  nous  et  combattent  dans  nos  rangs  contre 
les  Oulad  Sidi-Cheik  et  les  Harrar  révoltés.  Une  seule  de  leur 
fraction  prend  fait  et  cause  contre  nous,  c'est  celle  des  Oulad 
Sidi-Mansour.  Celte  fraction  composée  en  entier  de  marabouts 
farouches,  à  la  nouvelle  du  désa.stre  de  la  colonne  du  colonel 
Beauprête,  tua  deux  cavaliers  de  remonte  et  vola  trois  étalons 
de  la  station  de  Krosni.  C'est  cette  môme  fraction  qui  favorisa 


290    MONOGRAPHIE    DE    LA    COMMUNE    INDIGÈNE   DE    TIARET-AFLOU 

par  des  menées  occultes  l'attaque  de  Si-Mohammed  ben  Hainza 
contre  Tagha  Eddin,  razzé  complètement  à  Tagguin. 

Enfin,  au  mois  d'août  1864,  ces  mêmes  Oulad  Sidi-Mansour, 
cernés  sur  un  pic  du  Nador,  par  le  mouvement  combiné  des 
colonnes  Pécho  et  Martineau,  t'ont  vainement  une  résistance 
désespérée.  Tous  ses  guerriers  succombent,  la  fraction  est 
anéantie,  tous  ses  troupeaux  sont  razzés  et  les  femmes  et  les 
enfants,  seuls  survivants,  sont  amenés  prisonniers  à  Tiaret. 

La  destruction  des  Oulad  Sidi-Mansour  eut  comme  exemple, 
un  résultat  immense,  elle  eut  pour  ell'et  de  ramener  complète- 
ment à  nous  tous  les  Oulad  Krelif  mal  disposés  depuis  le  dernier 
succès  de  Si-Mohammed  ben  Hamza  et  qui  n'attendaient  peut- 
être  qu'une  occasion  favorable,  pour  prendre  part  à  l'insur- 
rection. 

Les  Oulad  Krelif  réorganisés  au  mois  d'avril  186ô,  ont  pris 
depuis,  part  à  toutes  les  colonnes  qui  ont  été  jusqu'à  ce  jour 
organisées  en  vue  de  nos  opérations  dans  le  Sud.  En  1881,  au 
moment  de  l'insurrection  de  Bou-Amama,  leurs  g)ums  ont 
combattu  avec  nous,  pendant  que  les  vieillard's,  les  femmes  et 
les  enfants  se  réfugiaient  sous  les  murs  de  la  place  de  Tiaret. 


GUENADZA 


Les  Guenadza  sont  originaires  de  l'Est.  Ils  tirent  leur  nom 
d'un  certain  Ahmeur  ben  El-Guendouz.  Bien  avant  l'arrivée 
des  Oulad  Krelif,  ils  occupaient  le  territoire  où  nous  les 
trouvons  installés  aujourd'hui.  Vaincus  par  les  Oulad  Krelif, 
ils  devinrent  leurs  serviteurs. 

A  l'origine,  les  Guenadza  étaient  très  nombreux,  ce  qui  leur 
permit  de  chasser  de  Goudjila  les  Oulad  Kherouf  qui  avaient, 
dit-on,  bâti  ce  ksar  dont  la  construction  (d'après  la  légende), 
est  contemporaine  de  la  fondation  d'Alger^". 

Aujourd'hui,  cette  population  est  bien  déchue  ;  elle  ne 
compte  que  deux  douars  :  El  Hamaid  et  El-Behiat.  Ces  douars, 
qui  ne  renferment  en  tout  qu'une  population  de  170  habitants, 


(1)  Alger  musulmane  fut  bâtie  en  972  de  l'ère  chrétienne  (362  de 
riiégire),  par  Kologgin-Youçof,  fils  de  Ziri.  Elle  fut  appelée  par 'son 
fondateur  Djézaïr-beni-Mezgliana  (Les  iles  des  enfants  de  Mezgliana). 
Miliana  et  Médéa  datent  de  la  même  époijue  et  ont  également  été  fondées 
par  Bologgin.  (Ibn-Kaldoun,  tome  II,  page  6). 


MONOGRAPHIE   DE   LA    COMMUNE    INDIGÈNE   DE   TIARET-AFLOU   291 

représente  les  descendants  des  quatre  grandes  fractions  qui, 
autrefois,  composaient  la  tribu  des  Guenadza  :  les  Rehahla, 
les  Aour,  les  Behilat,  les  Ilamaïd. 

Les  Guenadza,  ser\'iteurs  des  Oulad  Krelif,  les  ont  suivis 
dans  leur  fortune.  Leur  histoire  politique  et  militaire  est  donc 
la  même  que  celle  de  leurs  conquérants. 


CERCLE   D  AFLOU 


L'annexe  d'Aflou(->  est  le  prolongement  vers  le  Sud,  du 
cercle  de  Tiaret.  C'est  une  sorte  de  vaste  triangle  que  limite 
dans  sa  région  orientale,  la  province  d'Alger  (cercles  de 
Djelfa  et  de  Laghouati.  La  base  de  ce  triangle,  vers  le  Nord, 
passe  par  le  djebel  Sidi-Lliassen  et  le  pied  Sud  du  djebel 
Zreïga,  dans  un  pays  de  Hauts  Plateau.x  proprement  dits. 

A  l'Ouest,  depuis  les  Oulad  Sidi-en-Naceur,  sa  limite  suit 
une  ligne  toute  conventionnelle  et  cela,  jusqu'auprès  du 
djebel  Azrag,  un  peu  avant  d'EI-Macta  ;  puis,  à  partir  de  ce 
point,  après  avoir  contourné  le  djebel  Beklef,  elle  accompagne 
l'oued  Melah  à  travers  le  Kheneg,  le  dépasse  et  atteint 
Tadjerouna.  De  là,  l'annexe  se  continue  en  un  prolongement 
à  travers  le  Sahara,  suivant  l'oued  Zergoun  ;  resserrée  étroi 
tement  depuis  Tajerouna  jusqu'à  Besbessa,  elle  forme  un  long 
couloir  où  sa  largeur  atteint  moins  de  huit  kilomètres,  elle 
prend,  un  peu  en  aval  de  ce  dernier  point,  une  forme 
lancéolée  et  vient  en  pointe  aiguë,  enclavée  entre  le  dépar- 
tement d'Alger  et  le  cercle  '  de  Géryville,'  se  terminer  à 
Oumma-el-Hadjadj,  à  la  perte  de  l'oued  Zergoun. 

Le  territoire  de  l'annexe  d'Ailou  enferme  dans  ses  limites 


(2)  Le  djebel  Amour  a  fait  l'objet  d'une  étude  très  intéressaote  et  très 
approfoQdie  de  !a  part  de  M.  le  lieuleiiant-colonel  Derrien.  Celle  étude  a 
paru  dans  le  Bulletin  <Je  la  Société  de  Géographie,  tome  XV,  pages 
!S3  à  2U7.  Elle  contient  des  descriptions  ut  des  renseignements  très 
intéressants  et  plus  complets  que  ceux  contenus  dans  le  présent  travail. 
—  Extrait  de  la  publication  gouvernementale  :  Le  Pays  du  Mouton. 


292    MONOORAPHIE    ME    LA    COMMUNE    IXDIOÉNE    DE    TIARET-AFLOU 

trois  régions  pliysiquement  dill'érentes:  les  Hauts  Plateaux,  au 
Nord  ;  un  massif  monlagneux  puissant,  au  centre  ;  une  région 
désertique,  vers  le  Sud. 

La  région  septentrionale,  peu  étendue,  composée  de  larges 
plaines  que  rompent  des  alignements  secondaires,  se  présente 
dans  des  conditions  en  tout  semblables  à  celles  rencontrées 
dans  la  partie  méridionale  du  cercle  de  Tiaret. 

La  région  saharienne,  également  très  restreinte,  est  une 
contrée  d'une  stérilité  absolue  en  été;  c'est  à  peine  s'y  l'on  y 
rencontre  quelques  r'dirs. 

Quant  au  massif  principal,  (jui  embrasse  à  lui  seul  les  0/10 
de  la  superficie  de  l'annexe,  il  présente  au  double  point  de  vue 
de  l'hydrographie  et  de  l'orographie,  un  intérêt  capitaL  Le 
djebel  Amour  peut  être  considéré,  en  quelque  sorte,  comme 
le  noyau  central  des  larges  chaînes  montagneuses  qui,  depuis 
le  Maroc  vers  Figuig,  opposent  une  dernière  barrière  au 
Sahara,  tout  le  long  du  Sud  algérien  et,  au-  delà  dans  la  Tunisie. 
Cette  immense  zone  orientée  sensiblement  S.-O,,  N.-E.,  prend, 
suivant  les  pays  qu'elle  traverse,  des  noms  différents  :  Monta- 
gnes des  Ksours,  dans  les  cercles  d'Aïn-Sel'ra  et  de  Géryville; 
djebel  Amour  entre  Géryville  et  Laghouat,  etc.,  etc. 

Peu  homogène,  le  djebel  Amour  se  compose  de  3  parties  :  les 
masses  montagneuses,  les  plateaux  et  une  subdivision  de  ceux- 
ci  les  «  Gada  ».  Loin  de  constituer  une  masse  compacte,  il  est 
formé  par  une  série  d'échelons,  de  plans  superposés,  entou- 
rant de  nouvelles  montagnes  qui,  une  fois  gravies,  présentent 
encore  d'autres  steppes  et  cela  jusqu'aux  altitudes  de  1,300 
mètres;  puis,  dispersés  sur  ces  plateaux  successifs,  des 
alignements  culminants  s'étalent,  tels  qua  le  djebel  Gouzou 
(  1,700  mètres),  ledjebelSidî-Okba(  1,642  mètres),  ledjebelOugal, 
le  Kef  de  Si  Slimane,  etc.,  etc. 

Les  plaines  du  djebel  Amour  ne  sont  autres  choses  que  de 
larges  couloirs  compris  entre  ces  montagnes;  elles  sont  toutes 
à  des  altitudes  élevées,  mais  très  variables  (bordj  d'Aflou  1,350 
mètres  pour  descendre  à  945  mètres,  à  El-Maia  à  873  mètres, 
à  Tadjerouna  à  la  limite  du  désert,  et  se  confondre  insensible- 
ment dans  la  partie  orientale,  chez  les  Oulad  Sidi-en-Nuçeur  et 
les  Ouiad  Sidi-Brahim  avec  les  Hauts-Plateaux  du  Sud  du 
cercle  de  Tiaret  (900  mèti-es).  On  peut  donc  les  comparer  à  un 
escalier  gigantesque. 

Très  pailiculières  sont  les  «  Gada  »  enclavées  dans  le  massif 


MONOGRAPHIE    DE    LA    COMMUNE    INDIGÈNE   DE   TIARET-AFLOU    293 

même  du  djebel  Amour;  constituées  par  de  vastes  plateaux 
formés  de  couches  gréseuses  peu  inclinées,  elles  sont  découpées 
brusquement  par  de  nombreux  ravins  qui  les  entaillent  pro- 
fondément; on  en  compte  trois  principales:  Gada  d'Enfous, 
Gada  d'El  Groun,  Gada  Matena;  sur  leurs  lianes  se  montrent 
ordinairement  des  forêts  remarquables,  et,  lorsque  les  dépres- 
sions qui  les  pénétrent  s'élargissent,  quelques  cultures  dans 
les  bas-fonds.  Les  rivières  qui  sillonnent  ce  vaste  ensemble 
sont  nombreuses  et  leurs  eaux  abondantes,  elles  coulent  cons- 
tamment; divisées  en  deux  bassins  bien  distincts,  les  unes 
sont  tributaires  de  la  Méditerranée,  les  autres  s'écoulent  vers 
le  Sud  où  elles  descendent  dans  le  Sahara  pour  disparaître 
bientôt  sous  les  sables. 

A  l'Ouest  de  l'annexe  l'oued  Brida  et  l'oued  Tamelliket  se' 
réunissent  pour  former  l'oued  Berkane,  qui,  se  joignant  à 
l'oued  Sebgagne,  devient  l'oued  Touïl  ;  ce  dernier,  au-delà  Je 
Tagguin  prend  le  nom  de  ChelilV  qu'il  conserve  jusqu'à  la  mer. 

Dans  la  partie  centrale  naissent  plusieurs  ruisseaux  qui 
recueillent  les  eaux  des  Gada  et  des  Hauts-Plateaux  avoisinant 
Afiou,  pour  constituer  les  oued  Ûuaren,  oued  El-Richa,  etc., 
etc.  Tout  ce  réseau  vient  aboutir  au  Nord  de  Tadjemout  ;  c'est 
l'origine  de  l'oued  Mzi. 

Au  Sud,  l'oued  Taouïala,  l'oued  Hammouaida,  l'oued  Malah, 
draine  les  eaux  du  pays  de  Bou-Alem  et  de  Taouïala  et 
forment  à  Tajeronna,  l'oued  Zergoun. 

A  partir  de  ce  point  l'eau  cesse  d'ordinaire  d'apparaître  à  la 
surface  dans  le  lit  de  loùed.  Des  fonçages  poussés  jusqu'à 
35  mètres  n'ont  donné  aucun  résultat.  Les  nappes  d'infiltra- 
tion paraissent  donc  assez  profondes. 

La  vallée  n'en  continue  pas  moins  vers  le  Sud,  plus  ou 
moins  régulièrement,  pour  s'arrêter  à  Oumma-el-Hadjadj  où 
sa  trace  se  perd  complètement. 

La  nature  des  sols  que  l'on  rencontre  dans  l'annexe  d'Atlou 
est  peu  variée  et  se  réduit  à  deux  catégories  de  dépôts  : 
les  terrains  quaternaires  et  les  terrains  secondaires.  Les 
premiers  forment  la  totalité  des  plaines  du  Nord,  des  Oulad 
Sidi-Ahmed  ben  Saïd  et  des  Oulad  Sidi-Brahim  ;  ils  s'étendi^nt 
depuis  l'oued  Touïl,  entre  le  Sidi-Lliassen  et  le  djebel  El- 
Alleg,  longent  au  Nord  l'extrémité  du  djebel  Debich  et  du 
djebel  Tikialin.  Ce  sont  les  couches  puissantes  d'atterris- 
sements  des  Hauts-Plateaux.  Tout  à  fait  au  Sud,    vers  El- 


294    MONOGn.VPHIE   DE   LA   COMMUNE    IN11IGÈNE    DE    TIARET-AFLOU 

Macta,  Tadjerouna  et  Tréfla,  les  terrains  quartenaires  salia- 
riens  réapparaissent  et  se  développent  indéllnimenf,  couvrant 
de  leur  manteau  durci  (Hammada)  toute  la  zone  septentrionale 
du  Sahara  et  plus  particulièrement,  dans  les  limites  de 
l'annexe  d'Aflou,  constituent  la  région  des  Gantara. 

Les  terrains  secondaires,  à  l'exception  da  la  mince  bande 
jurassique  méridionale  (Kef-el-Guebli)  et  des  formations 
crétacées  restreintes  du  Nord  (marnes  et  gypse  et  calcaires) 
djebel  El-Alieg  et  djebel  Harcha,  sont  constitués  sur  des 
épaisseurs  considérables  par  le  terrain  néocomien,  crétacé 
inférieur  ;  dans  le  Sud,  à  El-Uicha,  il  se  présente  sous 
la  forme  de  marnes  fissiles  bariolées.  Ce  sont  des  bancs  de 
grès  peu  inclinés,  mais,  tellement  épais,  qu'ils  atteignent 
plusieurs  centaines  de  mètres  d'épaisseur  ;  on  peut  les  suivre 
en  remontant  d'El-Richa  \-ers  Atlou,  à  travers  les  Gada,  et  eu 
descendant  jusqu'aux  grandes  plaines  du  Nord. 

En  général,  ces  grès,  avec  des  mélanges  de  marnes  rouges, 
violacées,  vertes,  intercalées,  sont  des  bnics  plus  ou  moins 
durs,  plus  ou  moins  friables,  parfois  constituant  de  véritables 
poudingues  à  cailloux  roulés  de  quartz  très  fortement  colorés 
par  des  oxydes  de  fer  ;  ils  sont  doués  d'une  grande  perméabi- 
lité ;  aussi  se  développe-t-il  à  leur  surface  des  forêts  étendues 
de  cèdres,  de  pins,  de  thuyas.  Du  Sud  au  Nord,  de  l'P^st  à 
l'Ouest,  ils  se  développent,  continuant  ces  chaînes  du  Sud, 
jusqu'à  la  frontière  du  Maroc. 

Çà  et  là,  surtout  vers  l'Ouest,  d'autres  terrains  (çénomanien 
et  turonien),  reposent  sur  ces  giès,  vers  l'oued  Berkana,  par 
exemple;  d'autre  part,  les  fortes  dépressions  qui  sillonnent 
tout  ce  massif  ont  été  quelque  peu  comblées  par  les  apports 
successifs  des  éléments  ari'achés  aux  sommets  par  les  érosions; 
on  rencontre  donc  à  des  altitudes  variables,  comblant  les 
valléiîs,  des  alluvions  anciennes  qui  ont  formé  de  petites 
plaines  et  de  larges  passages  oii  réussissent  quelques  cultures. 

Grâce  aux  sources  nombreuses  et  abondantes  qui  prennent 
naissance  sur  les  plateaux  les  p'us  élevés  du  djebel  Amour  et 
en  raison  de  sa  disposition  toute  spéciale  en  gradins,  de 
nombreux  pâturages  se  rencontrent  à  diverses  altitudes.  Leur 
valeur  varie  suivant  qu'ils  sont  situés  dans  l'une  ou  l'aulre 
des  zones  indiquées  plus  haut. 

La  première,  celle  qui  limite  au  Sud  la  chaîne  du  djebel 
Amour   (Sidi-Bouzid,    djebel   Tighenter,    Okba,   Sidi-S'iman, 


MONOGIIAPHIE   DE    L\   COMMUNE    INDIGENE    DE    TI\RET-AFLOU 


295 


Guern-Arit'),  se  composent  de  vastes  plaines,  légèrement 
ondulées,  avec  de  nombreuses  daïas.  Toute  cette  partie, 
généralement  couverte  d'alfa,  i'ournit  la  nourriture  en  abon- 
dance aux  troupeaux,  qui  y  trouvent  également  l'eau  qui  leur 
est  nécessaire. 

La  deuxième,  la  zune  montagneuse  qui  s'arrête  au  Sud,  au 
Kef  el-Guebli,  contient  le  moins  de  resssources  en  pâturages  ; 
les  teirains  de  rapport,  situés  dans  le  fond  des  vallées,  étant 
presque  tous  mis  en  culture. 

Comprise  entre  le  Kef-el-Guebli  au  Nord,  l'oued  Zergoun  à 
l'Ouest,  l'oued  Maliaïguen  à  i'P^st,  la  zone  saharienne  renferme 
de  bons  parcours,  surtout  quand  les  pluies  sont  tombées 
en  abondance.  Mais  l'eau  d'alimentation  y  est  rare  et  les 
troupeaux  des  Ouled  Yacoub  qui  y  vivent  sont  parfois  obligés 
d'aller  s'abreuver  aux  sources  d'El-Maïa,  cercle  de  Gérvville. 


L'annexe  d'Aflou  a  conservé  de  nos  jours  l'organisalion  des 
premiers  temps  de  la  ronquête,  puisqu'elle  constitue  un  des 
rares  aghaliks  de  la  province  d'Oran. 

Les  quatorze  tribus  du  cercle  sont,  en  effet,  placées  sous 
les  ordres  de  l'agha  Si-Harnza  ben  BouBekeur,  chef  religieux 
des  Oulad  Sidi-Chcik,  qui  sert  d'intermédiaire  entre  le 
pouvoir  effectif,  représenté  par  le  capitaine,  chef  du  bureau 
arabe,  et  les  caïds,  agents  d'exécution. 

Aux  débuts  de  la  conquête,  les  fonctions  d'agha  comportaient 
des  jiUi»:uu lions  importantes  qui  diminuèrent  au  fur  et  à 
Tn'esure  qu'augmentait  notre  autorité.  En  principe,  ce  fut 
un  véritable  vice-roi  indigène,  chargé  de  remplacer  le  dey  aux 
yeux  des  populations  arabes.  (Arrêté  gouvernemental  du 
18  février  1831.)  Ce  fut  ensuite  un  fonctionnaire  supérieur 
ayant  mission  de  recevoir  les  plaintes,  de  punir  les  trimes  et 
délits  arabes,  de  nommer  les  caïds  et-les  cheiks,  etc.  Puis 
ses  attributions  diminuèrent  de  plus  en  plus  pour  devenir  une 
fonction  honorifique  très  élevée  à  laquelle  sont  attachés 
un  traitement  important  et  une  certaine  part  d'impôt  arabe, 
prélevée  sur  celle  attribuée  aux  caïds  sous  ses  ordres. 

r'.n  échange  de  ces  faveurs,  l'agha  prête  à  la  France  le 
concours   de   son    intluence   religieuse  ou   militaire   sur  les 


296    MONOGRAPHIE    DE    LA   COMMUNE    INDIGÈNE   HE   TIARET-AFLOU 

populations  indigènes  qu'il  a  mission  d'administrer  sous 
le  contrôle  direct  de  MM.  les  Ofticiers  des  atïaires  indi- 
gènes. 

Si-Hamza  ben  Bou  Bekeur,  exerce  donc  son  autorité  sur 
les  tribus  ci-après,  dont  la  richesse  en  bestiau.\  peut  être 
évaluée  aux  cliitlVes  suivants  : 


NOMBRE 

NOMBRE 

NOMBRE 

NOMBRE 

DÉSIGN-.\TION  DES  TRIBUS 

de 

de 

ie 

de 

TOTAUX 

Chameaun 

Bœufs 

Montons 

Chèvres 

3.5 
3ll 

245 
G15 

1.620 

c.ioio 

1.500 
1.840 

3.400 
9.395 

Oulad  Ali  ben  Amour  . . . 

Oulail   En-Xnçeur 

■2'i0 

3.50 

7.270 

1 .435 

9.295 

1 . 1 30 
760 

2.230 
1.000 

34  500 
22 . 850 

14.320 
4.770 

52. .180 
29.380 

0''  Sidi-Ahmed  ben  Saïd. 

Oulad  Sidi-Brahini 

115 

510 

9.250 

1  910 

11.785 

Oulad  Sidi-en-Xaçeui'. .  . 

2?0 

920 

11.170 

2.070 

11.380 

Oulad  Sidi-Hamza 

45 

870 

7.500 

3.310 

11.725 

Oulad  Yaconb-Cbi'iaga. . 

2.8';.0 

3 

29.400 

6.200 

38.. 523 

Oulad  Yacoub-el-Ghalia. 

30 

700 

7.760 

4.190 

12.740 

0\da(l  Yacoub-GliaraliM. . 

2.  ISO 

10 

18  540 

4.'i05 

25.235 

110 
15 

•5 
200 

2.800 
1.000 

1.040 
610 

3.985 
1.825 

Taouïala 

375 

110 
125 

5.550 

5  613 

950 

907 

6.975 
6.873 

Maizhcn 

8.37:i 

7.9S3 

171.893 

49.'i'i7 

237.696 

MONOGRAPHIE   DE    LA   COMMUNE    INDIGÈNE   DE    TIARET-AFLOU    297 

Ainsi  que  nous  l'avons  fait  reinarquor  pour  le  cercle  de 
Tiaret,  les  chiffres  qui  précèdent  doivent  être  considérés 
comme  moyenne,  car  l'effectif  varie  d'année  en  année  suivant 
que  les  conditions  climatériques  ont  iniluencé  en  bien  ou  en 
mal  l'existence  des  bestiaux. 

Depuis  deux  ans,  le  troupeau,  en  ce  qui  concerne  les  cha- 
meaux, a  été  considérablement  réduit  à  là  suite  des  fatigues 
excessives  supportées  par  ces  animaux  pendant  l'expédition  du 
Touat.  Deux  tiers  environ  sont  morts  et  le  prix  en  a  été  payé 
aux  propriétaires  sur  une  moyenne  de  cent  francs  par 
tète. 

Ce  remboursement  a  provoqué  chez  les  indigènes  un  bien 
être  inattendu  qui  leur  a  permis  de  supporter  sans  beaucoup 
de  regrets  les  pertes  subies  par  eux;  mais  il  est  à  craindre 
que  les  sommes  touchées  soient  gaspillées  en  menus  achats 
et  que  la  reconstitution  du  troupeau  subisse  un  retard  consi- 
dérable, qui  diminuera  dans  de  sensibles  proportions,  la  , 
situation  prospère  des  indigènes  de  la  région  en  les  privant 
d'un  des  éléments  les  plus  essentiels  à  leur  existence 
pastorale. 

La  richesse  en  bétail,  des  indigènes  de  l'annexe  d'Allou,  est 
de  beaucoup  inférieure  à  celle  de  leurs  correligionnaires  du 
cercle  de  Tiaret.  On  constate  en  elîet  un  écart  de  plus  de 
285,000  têtes  entre  les  troupeaux  des  deux  cercles.  Cette 
différence  est  due  à  l'insuffisance  relative  des  pâturages  de 
l'annexe,  dont  on  évalue  à  10,000  hectares  seulement  la 
surface  réellement  utilisable.  Ces  pâturages  sont  composés  des 
mêmes  plantes  que  ceux  du  cercle  de  Tiaret:  une  description 
spéciale,  en  est  donc  inutile. 

Il  est  facile  de  remarquer,  par  l'examen  du  tableau  ci-après, 
que  la  production  des  céréales  de  l'annexe  d'Aflou  est  égale- 
ment plus  faible  que  celle  du  cercle  de  Tiaret.  La  principale 
c  uisede  cette  infériorité  est  due  engrande  partie  à  l'importance 
du  massif  montagneux  qui  occupe  les  9/10  de  la  surface  totale 
du  cercle  et  à  l'aridité  absolue  de  la  région  désertique  qui 
s'étend  vers  le  Sud. 


298 


MONOGRAPHIE  DE    I,\   COMMUNE    INDIGENE    DE   TIARET-AFLOU 


IMPORTANXE    MOYENNE 

DÉSIGXATION    DES    TRIBUS 

DE  LA  RECOLTE 

IMI    bl.^ 

l'U  or,L;-o 

quinLiux 

iniliilaiix 

45 

425 

130 
1.135 

Oiilail  Ali  licii  AniL'iu- 

Oulad  Eii-Xai;eur 

500 

135 

i.sr.j 

305 

3.610 
910 

(_)ulail  Sidi-Alinunl  Ijon  Saïil 

Oulad  Sidi  Brahiui 

420 

845 

(Julad  Sidi-en-Naçeur 

360 

960 

Oulad  SidiHaniza 

2l.b 

570 

Oulad  Yacouli-Clioi-aj;a 

115 

30 

Oulad  Yaruul)-rl-Gliaba 

2'.0 

015 

Oulad  Ya(/ouli-Gliaraba 

5 

11 

Taouïala 

145 

400 

Sniala  de  TAdui 

105 

2S5 

MaizluMi 

35 

95 

4.270 

9.761 

Ce  sont  là,  on  cm  conviendra,  des  chiUVes  bien  modestes, 
suilout  si  l'on  songe  que  la  surface  totale  du  cercle  ne 
comporte  pas  moins  de  947,50'J  liectares,  sur  lesquels  vit  une 
population  totale  de  18,436  habitants  0). 

Les  richesses  que  peut  renfermer  le  sol  au  point  de  vue 
minéralogique  sont  peu  connues.  I.e  pays  n'a  pas  encore  été 
étudié   sur   ce   iio.nt    s[)écial,  et,  l'aui'ait-il   été,    qu'en    l'état 


(1)  Reccuseinent  de  llKll . 


MONOGRAPHIE    DE    L\    COMMUNE    INDIGI^SE    DE    TIARET-AFLOl" 


299 


actuel  des  voies  de  communication,  les  minerais  que  l'on 
pourrait  y  découvrir,  ne  pourraient  être  exploités  en  raison 
des  énormes  frais  de  transport  dont  ils  seraient  grevés  avant 
d'atteindre  un  port  d'embarquement  <•>. 

C'est  à  Ailou  que  sont  concentrés  les  services  administi'atifs 
chargés  de  la  gestion  des  alTaires  du  cercle.  Une  petite 
garnison,  composée  d'une  demi-compagnie,  est  chargée  de 
défendre  ce  poste  contre  un  soulèvement  éventuel  des 
populations  indigènes. 

Aflou.en  1886,  comptait  à  peine  5  ou  (J  maisons  européennes. 
AcluellemcDt,  on  peut  évaluer  à  une  centaine  les  constructions 
qui  composent  le  village.  Dans  ce  chiffre,  ne  sont  pas  compris 
les  édifices  où  sont  installés  le  bureau  arabe,  le  bureau  de 
poste,  les  casernes,  la  station  de  monte,  la  maison  des  hôtes, 
etc.  qui,  pour  la  plupart,  ont  été  élevés  au  moyen  des  deniers 
communau.x. 

La  température  est  généralement  froide  et  très  supportable  ; 
néanmoins,  en  été,  les  vents  du  Sud  y  soufflent  avec  violence 
en  soulevant  des  nuages  de  poussière  impalpable,  qui  pénètre 
dans  les  habitations  les  mieux  closes.  L'autorité  militaire  a 
essayé  de  parer  à  cet  inconvénient,  en  entourant  Atlou  de 
superbes  plantations  destinées  à  briser  l'effort  des  courants 
atmosphériques. 

La  population  est  entièrement  composée  de  commerçants 
français,  juifs,  mozabites  et  m'garbis,  dont  les  revenus  sont 
constitués  par  les  bénéfices  réalisés  sur  les  transactions 
elïectuées  avec  les  indigènes  de  la  région.  On  y  voit,  en  outre, 
une  colonie  assez  nombreuse  de  femmes  appartenant  soit  à  la 
tribu  des  Oulad  Naïls,  soit  aux  ksars  avoisinants,  qui 
pratiquent  une  hospitalité  intéressée,  dont  le  produit  est 
destiné  à  constituer  une  dot  après  i-etour  dans  le  pays 
d'origine. 

Le  lundi  de  chaque  semaine  se  tient  à  Allou  un  marché 
assez  important  fréquenté  par  les  gens  de  Chellala,  de  Zénina 
et  de  Roghari.  C'est  en  été,  après  la  tonte  des  moutons  et  la 
levée    des    récoltes,   que  le   marché    atteint    son   maximum. 


(1)  On  a  découvert,  prés  d'El-Ghicha,  un  gite  de  lignite  compact  aux 
veines  très  pures.  Ca  minerai  pourrait  être  appelé  à  de  grands  emplois, 
si,  mallieureusement,  il  n'était  imprégné  de  pyrite  ferrugineuse,  comme 
l'a  démontré  M.  le  docteur  Jovillard  dans  l'analyse  qu'il  en  fit  en  1877. 
(Le  Djebel  Amour,  pagre  2UU,  par  M,  le  lieuteDant-colonel  Derrien), 


300    MONOGRAPHIE    DE    LA    COMMUXE    INDIGÈNE    DE    TIARET-AFLOU 

d'affaires.  A  cette  époque,  on  y  trouve  de  nombreux  troupeaux 
de  moutons,  de  boeufs,  quelques  chevaux,  des  grains,  des 
tapis,  de  la  laine,  du  goudron,  des  fruits  et  des  légumes 
produits  par  les  jardins  des  ksars  environnants. 

Ce  marché  fut  créé  en  1886,  sur  l'initiative  de  M.  le  capitaine 
de  Bannière,  chef  du  bureau  arabe.  Après  le  départ  de  cet 
officier,  le  marché  périclita  jusqu'en  1897,  époque  à  laquelle 
M.  le  capitaine  de  la  Gardette,  reprenant  les  traditions  do 
M.  de  Bannière,  encouragea  de  tous  ses  pouvoirs  les  indigènes 
à  fréquenter  le  marché  d'Aflou  et  réussit  à  rendre  à  ce  dernier 
sa  prospérité  des  anciens  jours. 

Les  indigènes  du  cercle  se  livrent  à  la  fabrication  de  tapis' 
qui  ont  acquis  une  certaine  renommée  sous  le  nom  de  tapis 
du  djebel  Amour.  Ces  tapis  sont  habituellement  plus  longs 
que  larges,  en  raison  de  la  forme  du  métier  qui,  généralement, 
ne  dépasse  pas  deux  mètres.  Le  lavage  de  la  laine  est  effectué 
par  les  femmes  dans  les  oueds  du  pays.  C'est  par  elles 
également  que  le  filage  et  le  tissage  sont  e.xécutés.  Pour  cette 
dernière  opération,  elles  sont  guidées  par  dès  ouvriers  spécia- 
listes appelés  ((  Ragem  »,  qui  dirigent  le  travail  pour  obtenir 
les  différents  dessins  qui  ornent  le  tapis.  Chaque  Ragem 
conserve  précieusement  le  secret  de  ses  combinaisons,  qui  est 
transmis  oralement  de  père  en  fils. 

Après  le  lavage,  les  laines  sont  colorées  par  des  teinturiers 
juifs,  qui  se  font  payer  leurs  débours  et  leur  travail  en  nature. 
L'unité  de  paiement  est  le  mouton. 

Les  substances  colorantes  les  plus  employées  sont:  l'indigo, 
la  cochenille  et  les  écorces  de  grenade,  qui  donnent  les  trois 
couleurs  dominantes  que  l'on  rencontre  dans  les  tapis  du 
djebel  Amour  ;  le  bleu  foncé,  le  rouge  et  le  jaune.  Le  fixage 
des  couleurs  est  obtenu  par  l'emploi  de  l'acide  sulfurique. 

Ces  substances  ne  sont  malheureusement  pas  les  seules 
qu'emploient  les  teinturiers  pour  l'exécution  de  leurs  travaux. 
La  chimie  moderne  en  mettant  à  leur  disposition  les  couleurs 
d'aniline  porte  un  véritable  préjudice  aux  indigènes  en  les 
incitant  à  se  servir  de  colorants  bon  marché  mais  fugaces  et 
de  peu  de  durée. 

L'industrie  des  tapis  devrait  être  encouragée  par  l'autorité 
supérieure,  car  elle  apporterait  aux  indigènes  de  la  région  un 
bien  être  appréciable  en  leur  permettant  d'utiliser  les  ressour- 
ces  provenant  de  l'élevage   des   ovins.  La  laine  du  pays, 


MONOGRAPHIE    DE    LA    COMMUNE     INDIGÈNE    DE    TIARET-AFLOU    -'X)! 

dépréciée  par  les  manœuvres  frauduleuses  des  producteurs  et 
des  intermédiaires,  ne  trouve  acquéreur  qu'à  des  prix  dérisoires. 
Au  lieu  de  s'attacher  à  produire  des  laines  exemptes  de  tout 
reproche,  les  indigènes,  les  courtiers  et  les  acheteurs  intermé- 
diaires, se  sont  ingéniés  dans  un  but  de  lucre  à  la  charger  de 
sable,  de  matières  terreuses  qui,  en  augmentant  son  poids 
réel,  la  rendent  inutilisable  pour  le  tissage  mécanique. 

C'est  ainsi  que  les  laines  algériennes  sont  arrivées  à  ne 
donner  qu'un  rendement  net  de  35  à  40  O/q  alors  qu'avec  celles 
d'Australie  ou  de  l'Amérique  du  Sud  le  résultat  obtenu  est  de 
70  à  75  O/q.  Aussi  en  est-il  résulté  que  nos  gros  manufacturiers 
français  ont  à  peu  pi-ès  abandonné  le  marché  algérien  pour 
faire  venir  à  grand  frais  des  laines  de  l'étranger. 

Il  parait  à  peu  près  impossible  de  revenir  sur  cette  situation 
créée  par  la  mauvaise  foi  des  producteurs  et  des  intermédiaires; 
mais  on  pourrait  tenter  de  faire  utiliser  sur  place,  par  les 
indigènes  eux-mêmes,  les  laines  de  la  région.  Pour  cela,  il 
faudrait  d'abord  améliorer  le  travail  primitif  des  femmes 
indigènes,  les  guider,  leur  procurer. des  métiers  moins  rudi- 
mentaires,  leur  indiquer  des  méthodes  plus  pratiques  et 
trouver  ensuite  des  débouchés  aux  tapis  obtenus.  Certes  ça  ne 
sera  pas  sans  difficultés  que  ces  résultats  pourront  être  atteints; 
mais  avec  de  la  persévérance  il  semble  qu'on  pourrait  arriver 
à  faire  comprendre  aux  indigènes  qu'il  y  a  pour  eux  un  intérêt 
supérieur  à  suivre  les  indications  et  les  conseils  donnés  dans 
ce  sens. 

En  dehors  des  tapis,  la  laine  sert  à  fabriquer  des  djelléls 
(couvertures  de  chevaux),  des  uus'adahs  (coussins  à  usages 
divers),  des  amaras  (musettes  pour  chevaux),  des  burnous  et 
enfin,  mélangée  à  des  poils  de  chèvres  et  de  chameaux,  des 
fliijs  (longues  bandes  qui  servent  à  confectionner  des  tentes 
pour  les  nomades). 


Le  massif  montagneux  du  djebel  Amour  est  couvert  en 
partie  de  forêts  constituées  par  des  cèdres,  des  thuyas,  des 
chênes- verts,  des  genévriers  et  des  pistachiers.  Dans  la  contrée 
d'Enfous  existe  une  grande  forêt  de  pins  et  de  sapins  qui  est 
utilisée  par  les  indigènes  pour  la  construction  de  leurs 
gourbis. 

Dans  ces  forêts  ainsi  que  dans  les  vallées  qui  descendent 
des  hauteurs,  l'on  trouve  en  grande  quantité  :  le  lièvre,  la 


302    MONOGRAPHIE    DE    L.V    COMMUEE     INDIGÈNE    DE   TIARET-AFLOU 

perdrix,  la  bécasse,  le  canard,  le  pigeon-ramier,  la  palombe  et 
la  tourlerelle.  A.u  printemps  on  y  voit  des  passages  considé- 
rables de  cailles  qui  se  répandent  dans  les  prairies  et  les 
parcelles  ensemencées. 

Les  animaux  carnassiers  y  sont  nombreux;  jadis  les  pen- 
thères  y  vivaient  en  assez  grand  nombre,  mais  elles  ont  été  à 
peu  lires  détruites.  Cependant  de  loin  en  loin  il  arrive  qu'un 
de  ces  fauves  est  tué  par  des  indigènes  et  sa  dépouille  portée 
à  .\flou  pour  y  être  vendue. 

Le  sanglier  était  jadis  très  répandu;  jusqu'en  1880,  il  était 
facile  d'en  tuer,  mais  des  battues  trop  fréquentos  ont  fait 
émigrer  ces  animaux  vers  le  Nord,  dans  les  forêts  de  pins  r]ui 
couvrent  au  Sud  le  territoire  de  Frendah. 

La  hyène,  le  chacal,  le  lynx,  le  chat  sauvage,  le  renard 
habitent  également  toute  la  région.  Dans  les  plaines  d'VA- 
Ousseuh  et  de  Tadjerouna  on  rencontre  de  nombreux  trou- 
peaux de  gazelles  se  nourrissant  des  herbages  qui  croissent 
dans  la  région  des  chotts.  En  montagne,  on  trouve  également 
des  gazelles,  mais  d'une  espèce  plus  robuste  et  plus  grande. 
Enfin  dans  la  région  montagneuse  située  entre  El-Mahdi  et 
El-Gaïcha  on  peut  atteindre  le  mouflon  dont  la  chasse  est  des 
plus  difficiles  en  raison  des  lieux  escarpés  dans  lesquels  il  se 
tient.  Les  indigènes  prétendent  que  lorsque  le  mouflon  est 
poursuivi  et  serré  de  trop  près,  il  n'hésite  pas  à  se  jeter,  la 
tête  la  première,  du  haut  des  rochers  dans  les  ravins  et  que, 
tombant  sur  ses  énormes  cornes,  il  ne  se  fait  aucun  mal. 

Dans  les  cours  d'eau  on  trouve  quelques  loutres  se  nourris- 
sant de  barbeaux,  seule  espèce  de  poissons  connue  dans  la 
région. 


Jusqu'à  ce  jour  la  culture  des  céréales  est  restée  entièrement 
entre  les  mains  des  indigènes;  les  européens  se  sont  bornés 
à  exercer  les  commerces  susceptibles  d'une  certaine  prospérité. 
Cependant  il  serait  possible  de  livrer  à  leur  activité  et  à  leur 
initiative  de  nombreuses  et  excellentes  terres,  actuellement 
incultes  ou  à  peu  près,  qui  forment  le  fond  des  vallées  de 
la  région.  Parmi  les  plus  importantes  il  faut  citer:  l'oued 
Medsous  qui  s'étend  d'Assi-Marouf  jusqu'aux  Oulad-Sidi- 
Abdallah  ;  la  vallée  de  l'oued  Sebbagg  qui  renferme  des  prairies 
naturelles  arrosées  par  plus  de  cent  sources  abondantes,  la 


MOXOGR.VPIIIE    DE    LA   COM^iIUNE    INDIGÈNE    DE    TI.VRET-AFLOU    303 

vallée  de  Bridah  attribuée  à  l'agha  Si-Hamza  pour  y  installer 
sa  smala;  la  vallée  de  l'oued  Ksob  sur  les  limites  des  cercles 
d'Atlou  et  de  Géryville;  enfin  les  vallées  de  l'oued  Morra  et  de 
FA'in-Beida  qui  produisent  des  fourrages  et  des  pommes  de 
terre. 

Toutes  ces  vallées  présentent  assez  de  surfaces  cultivables 
pour  créer  des  fermes  et  des  hameaux  européens.  Les  produits 
du  sol  serviraient  à  l'alimentation  des  garnisons  de  la  région 
saharienne  et  radministralion  de  la  guerre  ne  se  verrait  pas 
obligée  de  faire  venir  à  grands  frais,  grevées  de  transports 
coûteux,  les  farines  et  les  orges  destinées  à  l'alimentation  des 
hommes  et  des  chevaux. . 

Le  centre  d'Aflou  est  relié  aux  postes  voisins  par  des  sentiers 
muletiers  décorés  parfois  du  nom  de  route.  La  plus  importante 
de  ces  routes?  est  cell,e  de  Tiaret  à  A  flou,  qui  se  déroule  sur 
une  longueur  de  173  kilomètres.  Par  les  lieaux  jours  elle  est 
carrossable  et  tant  bien  que  mal  on  peut  la  parcourir  en 
voiture;  elle  passe,  en  partant  d'Allou,  par  Guelta-Sidi-Sàad 
(bordj  affecté  aux  passagers),  Hacian-el-Dib  récemment  créé 
et  qui  a  remplacé  le  gite  d'étape  d'Oum-el-G  uetouta  ;  Moudjehaf 
bordj  d'étape  où  l'eau  est  magnésienne.  La  route  pénètre  alors 
sur  le  cercle  de  Tiaret  en  desservant  El-Ousseurkh,  Sidi-Saïd 
et  Trézel,  pour  arris'er  à  Tiaret,  résidence  du  commandant 
supérieur. 

D'Atlou  à  Laghouat,  on  compte  120  kilomètres,  la  route 
passe  par  El-Gaïclia,  ksar  entouré  de  jardins;  Ain-Mahdi  où 
l'on  remarque  une  école  indigène  dirigée  par  un  instituteur 
français.  A  8  kilomètres  plus  loin  au  lieu  ditGordan,  se  trouve 
l'habitation  du  célèbre  marabout  Ould  Tidjini,  marié  avec  une 
française  originaire  de  Bordeaux.  Les  voyageui'S  européens  ou 
indigènes  reçoivent  à  Gordan  une  hospitalité  large  et  bien- 
veillante dans  un  superbe  domaine,  meublé  de  tout  le  confort 
et  le  luxe  moderne  et  entouré  de  magnifiques  jardins. 

La  route  passe  ensuite  à  Tadjemout  où  se  trouvent  une 
école  et  un  bureau  télégraphique.  Ce  dernier  a  pour  mission 
de  prévenir  les  populations  de  Laghouat  des  crues  de  l'oued 
M'zi,  dont  les  débordements  subits  provoquent  parfois  des 
accidents  et  de  graves  dégâts.  On  arrive  enfin  à  Laghouat, 
poste  militaire  important  de  la  province  d'Alger. 

Le  village  d'Aflou  est  également  relié  à  Géryville  par  une 
piste  qui  se  développe  sur  une  longueur  de  130  kilomètres  en 

22 


304    MONOGRAPHIE   DE    LA    COMMUNE    INDIGÈNE    DE    TIARET-AFLOU 

passant  par  le  ksar  de  Taouïala(i),  l'oued  Sidi-Sliman, 
Boualem,  Timerdert  (où  se  trouve  une  ferme  très  importante 
appartenant  à  l'agha  Si-Eddin  ould  Si-Hamza).  La  piste  passe 
ensuite  à  proximité  d'un  modeste  monument  élevé  à  la 
mémoire  des  soldats  de  la  colonne  Beauprête,  massacrés  par 
surprise  pendant  l'insurrection  de  1864,  laisse  Stitten,  gros 
village  indigène,  et  atteint  Géryville,  chef-lieu  delà  commune 
mixte  militaire  de  ce  nom. 

Enfin,  une  quatrième  voie  relie  Aflou  à  Cliellala  en  passant 
par  Zenina.  Elle  a  130  kilomètres  de  longueur  et  passe  auprès 
de  Taguin,  où  fut  capturée,  en  i843,  la  smala  d'Abd-el  Kader. 
Une  colonne  commérnorative,  au  sommet  d'une  faible  colline, 
rappelle  au  voyageur  ce  fait  d'armes  qui  coûta  la  vie  à  vingt- 
neuf  chasseurs  d'Afrique  ou  spahis  enlisés  dans  les  marais  et 
fondrières  au  moment  de  la  charge  audacieuse  qui  décida 
du  succès  de  cette  héroïque  journée. 

Aux  artères  principales  que  nous  venons  d'énumérer, 
viennent  se  souder  des  lignes  secondaires  utilisées  par  les 
indigènes  pour  se  rendre  de  douar  à  douar,  de  région  à 
région.  L'ensemble  forme  un  réseau  primitif,  mal  entretenu, 
accessible  quelquefois  aux  voitures  en  été,  mais  utilisé  pendant 
toute  l'année  par  les  caravanes,  les  cavaliers  et  les  piétons. 


(\)  i  Taouïala  était,  il  y  a  quelques  années,  la  capitale  du  djebel 
«  Amour.  Il  dépend,  comme  Aflou  et  Sidi-Bouzid,  de  la  tribu  des  Oulad 
«  Mimoun.  Son  importance  provenait  de  la  fertilité  de  la  vallée,  de  la 
«  proximité  des  forêts  à  l'Est  et  surtout  de  la  valeur  de  son  enceinte 
«  fortifiée. 

i.  Cette  enceinte,  dont  la  forme  générale  est  un  rectangle,  est  en  pierres, 
«  crénelée  élevée  de  .i  à  8  métrés  et  pourvue  d'un  ilauquement  assez 
»  remarquable. 

«  Les  murs  ont  un  métré  d'épaisseur  à  leur  faite  et  sont  soutenus  par 
«  des  contre-forts  au-dessus  desquels  court  une  banquette  à  1"()U  au- 
«  dessous  de  la  crête. 

«  Une  rue  de  rempart,  large  en  moyenne  de  '2  mètres,  a  été  ménagée 
0  tout  le  long  de  la  plus  grande  partie  de  cette  enceinte. 

«  Ce  llanquement  est  donné  sur  les  faces  Est,  Sud  et  Ouest  par  des 
«  tours  reciangulaires  construites  aux  angles  et  figurant  ainsi  de  vérita- 
«  blés  bastions.  La  défense  de  la  face  Sud.  longue  de  '225  mètres,  est 
a  encore  complétée  par  une  tour  semblable  à  celle  des  angles  et  cons- 
«  truite  en  son  milieu. 

t  La  face  Nord,  longue  de  262  métrés,  n'est  pas  droite  comme  les 
a  deux  autres  ;  le  terrain  s'y  est  opposé,  c'est  simplement  une  ligne 
«  à  crémaillère  donnant  des  feux  vers  les  deux  extrémités. 

«  Les  petites  faces  ont  :  celle  de  l'Ouest,  52  métrés  ;  celle  de  l'Est, 
d  94  mètres. 

«  Deux  portes  donnent  accès  dans  le  ksar,  l'une  pratiquée  sous  la  tour 


MONOGRAPHIE    DE    LA    COMMUNE    INDIGÈNE    DE    TIARET-AFLOU    305 


RÉSUMÉ  HISïORIOUE  DU  CKRCLE  DAFLOU 


Le  territoire  du  cercle  d'Allou  a  été  haiiité  aux  temps 
préhistoriques.  Aucun  doute  ne  peut  exister  sur  ce  point 
depuis  que  M.  le  médecin-major  Delnias,  après  de  patientes 
recherclies,  a  découvert  de  nombreux  abris  sous  roches  aux 
alentours  d'Aflou. 

Les  fouilles  pratiquées  sur  ses  indications  ont  mis  à  décou- 
vert divers  foyers  superposés,  des  ossements,  des  silex  et  une 
hache  en  jade.  Malheureusement  ces  fouilles  ont  été  inter- 
rompues par  son  départ  pour  Lyon  et  il  est  à  souhaiter 
qu'elles  soient  reprises  au  plus  tôt  dans  l'intérêt  de  la  science 
et  de  l'Algérie. 

Avant  de  quitter  Aflou,  le  docteur  Delmas  a  eu  soin 
d'estamper  divers  dessins  rupestres  gravés  sur  les  importantes 
assises  de  grés  de  la  région.  Ces  dessins,  au  nombre  de  quatre 
ou  cinq,  sont  séparés  les  uns  des  autres  par  des  distances  qui 
varient  entre  25  et  40  kilomètres.  Le  plus  important  est  situé 
à  une  trentaine  de  kilomètres  au  Sud-Est  d'Aflou;  il  repré- 
sente une  chasse  aux  éléphants,  faite  par  des  guerriers  à 
demi-nus,  coiffés  de  bonnets  pointus  et  armés  de  flèches 
et  de  lances. 

M.  le  docteur  Delmas,  lors  de  son  passage  à  Tiaret,  nous 
a  donné  des  renseignements  verbaux  sur  ces  dessins   qu'il 


«  occidentale  de  la  face  Sud,  l'autre  presque  au  milieu  de  la  face  Sud.  Ces 
«  portes  ont  3  mètres  de  largeur  :  elles  sont  à  deux  battants  en  bois 
«  épais  et  revêtues  de  plai(ues  de  tôle  solidement  clouées. 

«  L'intérieur  de  la  ville  est  formé  d'un  massif  de  80  maisons  environ, 
(I  autour  duquel  est  la  rue  du  rempart.  Une  seule  ruelle  à  ciel  ouvert 
«  pénètre  dans  ce  massif  et  encore  aboulit-elle  à  un  cul-de-sac. 

€  Les  communications  entre  les  maisons  sont  établies  par  un  réseau 
t  de  galeries  couvertes. 

€  Une  seule  maison  sort  par  sa  construction  de  l'uniformité  de  celles 
«  de  tout  ce  ma<sif  ;  c'est  la  maison  de  l'ancien  agha  Eddin  qui  formait 
«  comme  le  réduit  de  Taouïala  :  se=;  terrasses  dominent  toute  la  ville  et 
n  elle  est  encore  dominée  elle-même  par  un  belvédère  qui  découvre  au 
«  loin  la  campagne. 

€  On  le  voit.  Taouïala  était  une  place  vraiment  forte  pour  le  pays,  ce 
«  qui  Un  permit  de  tenir  tète  jadis  aux  beys  d'Oran  et  de  résister  aux 
€  attaques  de  ses  voisins  les  Harrar  où  à  celles  des  Zegdou.  réputés 
c  comme  d'insatiables  piUards.  » 

(Le  Djebel  Amour,  par  M.  le  L'-Colonel  Derrien,  t.  XV,  p.  199  du 
Bulletin  de  la  Société  de  Géographie  d'Oran.) 


306 


MONOGRAPHIE    DE    LA    COMMUNE    INDIGENE    DE    TIARET-AFLOU 


considère  comme  absolument  authentiques  ;  il  nous  a  promis 
d'adresser  à  la  Société  de  Géographie  d'Oran,  un  mémoire 
détaillé  de  ses  découvertes  et  de  ses  observations  et  nous 
a  assuré  que  les  dessins  rupestres  d'Aflou  étaient,  de  beaucoup» 
plus  intéressants  q  le  ceux  qu'il  a  vus  dans  l'oasis  de  Tiout, 
alors  qu'il  était  en  garnison  à  Ain-Sefra'i). 

C'est  sans  doute  aux  descendants  de  la  race  qui  grava  sur  le 
roc  ces  dessins  primitifs,  qu"il  faut  attribuer  les  travaux 
d'adduction  d'eau,  depuis  des  siècles  ruinés,  que  l'on  trouve 
dans  le  bassin  de  l'oued  M'/.i,  ainsi  que  la  fondation  des 
nombreux  ksours  dont  les  ruines  abondent  dans  toute  la 
région. 

Les  renseignements  manquent  sur  cette  race  disparue 
depuis  de  nombreux  siècles  et  c'est  à  peine  si  la  légende 
en  a  conservé  le  souvenir. 

«  Le  sultan  des  Berbères  du  ksar  d'El-Mahia,  dont  malheu- 
«  reusement  le  nom  a  péri,  dit  M.  de  la  Blanchère,  avait  un 
«  cheval  d'une  beauté  inouïe,  mais  si  ardent,  qu'il  fallait  deux 
a  nègres  pour  le  conduire  à  la  rivière.  C'est  sous  une  forme 
«  locale,  le  souvenir  de  la  puissance  et  de  la  richesse  des 
«  anciens  habitants.  Presque  tous  les  endroits  propices  pour 
«  l'établissement  d'un  centre  d'habitation  avaient  été  reconnus 
«  et  choisis  par  ces  populations  avisées.  Tedimema,  par 
«  exemple,  dans  un  des  plus  beaux  sites  du  djebel  Amour, 
«  avec  une  abondante  et  bonne  source  ;  Afiou  où  l'on  a 
«  établi  le  commandement  de  l'annexe,  dans  l'endroit  le  plus 
«  fertile  de  tous,  montrent  les  ruines  de  leurs  bourgades. 
«  Sur  ces  points,  choisis  avec  raison,  la  population  a  dû 
((  rester  de  longs  siècles  pendant  lesquels  les  catastrophes 
«  ordinaires  ne  lui  auront  pas  manqué  ;  mais  les  ksours 
«  duraient  toujours.  » 

La  région  d'Aflou  ne  semble  pas  avoir  été  occupée  d'une 
façon  permanente  par  les  Romains  ®.  On  n'y  rencontre 
aucune  trace  d'habitation  que  l'on  puisse  leur  attribuer  avec 
certitude.  Il  est  possible,  tort  probable  même,  que  les  tribus 


(1)  Ces  dessins  ont  été  signalés  dans  le  travail  de  M.  le  L'-Colonel 
Uerrien.  sur  le  Djebel  Amour.  (Bulletin  de  la  Société  de  Géographie 
d'Oran.  t.  VX,  p.  201.) 

(2)  Cependant  les  ruines  romaines  ont  été  signalées  à  Gucliara,  au  Sud 
du  Hadna,  au  sommet  du  Bou-Kahil  et  à  Messad  près  de  Laghouat.  (Le 
Djebel  Amour,  par  le  colonel  Derrien). 


MONOGRAPHIE   DE    LA   COMMUNE    INDIGÈNE   DE   TIARET-AFLOV    307 

berbères  qui  l'occupaient  à  cette  époque  turent  alliées  aux 
conquérants,  mais  elles  durent  avoir  souvent  des  démêlés 
avec  eux. 

Des  expéditions  militaires  durent  être  dirigées  contre  elles, 
ainsi  que  l'atteste  la  pierre  votive,  avec  double  inscription, 
rencontrée  en  1880  sur  les  bords  de  l'oued  Ksob,  par  la 
colonne  du  général  Gérez,  à  60  kilomètres  au  Nord-Ouest 
d'Aflou. 

L'invasion  Vandale  et  la  conquête  Bysantine  ne  paraissent 
pas  avoir  exercé  une  influence  quelconque  sur  cette  région, 
protégée  des  envahisseurs  par  son  éloignement  du  Tell  et 
l'immense  surface  désolée  qui  s'étend  des  derniers  contreforts 
méridionaux  du  Nador  aux  preiniei's  escarpements  du  massif 
saharien. 

Les  berbères  de  l'époque,  les  Beni-Rached,  purent  donc, 
pendant  de  longs  siècles,  jouir  d'une  paix  profonde,  pendant 
laquelle  ils  édifièrent  les  nombreux  ksours  dont  les  ruines 
attestent  encore  leur  puissance. 

Ces  Beni-Rached  appartenaient  à  la  grande  famille  des 
Zenata  par  leur  ancêtre  Rached' \  la  montagne  qui  était  le 
centre  de  leur  domaine,  s'appelait  le  Mont-Rached  et  était 
entourée  d'une  suite  de  villages  et  de  bourgades,  dont  les 
environs,  dit  Ibn-Kaldoun(-)  «  sont  couverts  de  dattiers,  de 
champs  cultivés  et  d'eau  courante.  » 

A  l'apogée  de  leur  puissance,  vers  le  commencement  de 
l'ère  musulmane,  ils  organisèrent  diverses  expéditions  au 
Nord  de  leur  pays  et  pénétrèrent  dans  le  Maghreb.  Leurs 
contingents  victorieux  parvinrent  à  s'emparer  des  plaines 
fertiles  situées  au  Sud  de  Tlemcen  et  au  pied  du  Thessalah  ;  ils 
en  chassèrent  les  habitants,  les  Beni-Ournid  et  les  Médiouna, 
qui  furent  obligés  de  s'enfuir  dans  les  montagnes  voisines f^'. 

Mêlés  ensuite  aux  divisions  qui  troublèrent' d'une  façon  si 
profonde  le  Nord  de  l'Afrique,  on  les  voit  partisans  des  Béni- 
Abd-el-Ouad,  prendre  part  aux  expéditions  contre  les  Beni- 
Toudjin  et  les  Beni-Merin  et  partager  la  fortune  et  les  revers 
du  peuple  dont  ils  avaient  embrassé  la  cause. 

Les  guerres  entreprises  parles  Beni-Rached  avaient  afTaibli 
leur  puissance  militaire;  aussi,  lors  de  la  2"^  invasion  arabe. 


(I)  Ibn-Kaldoun,  tome  HT,  )i.  :i(l2  et  SOi,  tome  i,  p.  l. 
Ci)  Ibii-lvalJoun,  tome  I.  p.  19'.'. 
Ci)  Ibnivaldoun,  tome  IV,  p.  2. 


308    MONOGRAPHIE    DE    LA    COMMUNE    INDIGÈNE    DE    TIARET-AFLOU 

voyons-nous  les  Amour,  confédération  arabe  relativement  peu 
importante,  s'emparer  de  leur  pays  et  s'en  rendre  les  maîtres 
absolus. 

Les  Amour,  taisaient  partie  d'une  des  branches  de  la  tribu 
de  Hilal.  Peu  nombreux,  divisés  en  plusieurs  fractions  enne- 
mies, ils  ne  purent  comme  les  autres  tribus  envahir  le  Tell  et 
se  contentèrent  de  conquérir  le  vaste  pays  qui  s'étend  du  Sud 
de  l'Aurès,  au  Sud  du  Ksel. 

Les  Oulad-Chokr  qui  les  commandaient  s'installèrent  au 
Mont-Raciied  qui  perdit  son  nom  pour  prendre  celui  de  djebel 
AmourC). 

Les  Oulad  Chokr  se  divisaient  en  deux  grandes  familles 
issues  du  même  ancêtre  :  les  Oulad  Mihya  et  les  Oulad 
Zekrir  (2). 

Après  leur  installation  dans  le  djebel  Amour,  la  division  ne 
tarda  pas  à  se  produire  entre  ces  deux  fractions. 

Après  plusieurs  combats  meurtriers,  les  Oulad  Zekrir  furent 
chassés  de  la  région  et  obligés  d'aller  s'établir  dans  l'Ouest, 
sur  les  montagnes  du  ksel.  Ils  y  trouvèrent  les  Beni-Ahmer 
avec  qui  ils  contractèrent  alliance  afin  de  pouvoir  revendi- 
quer aux  Oulad  Mihya,  les  territoires  dont  ils  avaient  été 
dépouillés. 

Les  Oulad  Mihya,  de  leur  coté,  s'étaient  assurés  le  concours 
de  la  tribu  de  Soueid,  branche  des  Zoghba,  et  avaient  formé, 
avec  ces  derniers,  une  confédération  ayant  pour  but  principal 
la  défense  de  leur  nouvelle  patrie. 

Entre  les  deux  fractions  rivales,  un  troisième  groupe, 
les  Noder,  composé  de  pillards,  prêtait  alternativement  son 
appui  à  l'une  ou  l'autre  des  tribus  et  tirait  parti  de  cette 
discorde  qu'il  entretenait  soigneusement'^). 

On  devine,  sans  peine,  les  résultats  malheureux  d'une 
semblable  situation.  Les  ksours,  fondés  par  les  Beni-flached, 
furent  détruits,  les  jardins  ravagés,  et  toute  la  contrée,  jadis  si 
florissante,  ne  fut  plus,  au  bout  de  quelques  années,  qu'un 
amas  de  décombres  et  de  ruines. 

Ce  fâcheux  état  de  choses  dura  bien  près  de  trois  siècles 
(de  1053  à  1350). 

Vers  cette   époque  (1350),    un    cheikh   des   Oulad  Mihya, 


(1)  Ibn-Kaldoun,  t  I,  p.  58. 
(î)  Ibn-Kaliloiin,  t.  I.  p.  5S. 
GO  Ibn-Kaldoun,  t.  I,  p.  :,d. 


MONOGRAPHIE   DE    LA    COMMUNE    INDIGÈNE   DE    TIARET-AFLOU    309 

nommé  Amer  ben  Bou-Yahya-ibn-Mihya,  se  rendit  en  pèleri- 
nage à  la  Mecque  et  rencontra  en  Egypte  le  principal  cheikh 
des  Soufis,  Youçof-el-Kourani  qui  lui  apprit  les  doctrines  de 
cette  secte. 

«  Rentré  au  milieu  de  son  peuple,  Amer  en  convertit 
«  la  plus  grande  partie  aux  opinions  qu'il  venait  d'adopter. 
«  Il  fit  alors  la  guerre  aux  Noder,  cette  population  nomade 
«  qui  infestait  le  pays,  et  il  ne  leur  donna  aucun  répit,  jusqu'à 
«  ce  qu'un  certain  jour,  étant  à  la  chasse,  il  tomba  dans  une 
«  embuscade  tendue  par  ses  ennemis  et  y  perdit  la  vie.  <"  » 

L'expulsion  des  Noder  ramena  le  calme  dans  la  région.  Les 
vieilles  rancunes,  n'étant  plus  excitées  par  des  tiers  intéressés 
à  les  exploiter,  s'apaisèrent  peu  à  peu.  Des  mariages  entre  les 
descendants  des  deux  tribus  rivales  ramenèrent  la  paix,  sinon 
l'amitié  d'autrefois,"  enfin  la  nécessité  de  se  prêter  un  mutuel 
appui  pour  repousser  les  empiétements  des  tribus  voisines, 
finirent  par  créer  entre  les  diverses  fractions,  une  sorte  de 
confédération  qui   depuis  ne  s'est  jamais   désagrégée  (-K 

Le  groupe  principal  de  cette  confédération  est  constitué  par 
les  Oulad  Miraoun  et  les  Oulad  Sidi-Hamza  qui  occupent  la 
partie  la  plus  fertile  du  djebel  Amour,  les  sources  de  l'oued 
Sebague  et  le  plateau  d'Aflou. 

Ces  deux  tribus  ont  pour  ancêtres  les  premiers  conquérants 
arabes  qui,  vers  le  milieu  du  VII'^  siècle,  chassèrent  les  Beni- 
Rached  de  leur  pays.  Ils  sont  les  héritiers  des  Oulad  Mihya  et, 
en  cette  qualité,  ils  ont  toujours  exercé  une  prépondérance 
marquée  sur  les  autres  groupes.  Leur  nombre,  d'après  le 
dernier  dénombrement,  s'élève  à  4,718  âmes,  dont  3,6<i8  pour 
les  Oulad  Mimoun  et  1,050  pour  les  Oulad  Sidi-Hamza. 

«  Diverses  populations  d'origines  diverses  sont  venues  se 
«  joindre  aux  Oulad-Mimoun,  ce  sont'')  : 

«  1°  Les  Oulad  Sidi  ben  Abdallah  formant  2  douars  :  les 
«  Oulad  Sidi  ben  Abdallah  et  les  Oulad  Sidi  Khaled  ; 

«  2"  Les  Oulad  Sàad,  issus  des  Harrar  ; 

«  3°  El-Khadra,  parents  des  serviteurs  des  Oulad  Sidi  Cheik, 
a  d'El-Abiod; 

«  4°  Taouïala  habité  par  les  Oulad-Sassi  et  les  Oulad-Turki  ; 

;(  5"  Les  Oulad  Tikhil,  parents  des  Hamyanes  ; 


(1)  Ibii-Kaldoun,  t.  I,  p.  6IJ. 

(2)  Le  Djebel  Amoin\  par  M.  le  L'-Colonel  Dereibn,  p.  202. 

(3)  Le  djebel  Amour,  par  M.  le  L'-Colonel  Derrien. 


310    MONOGRAPHIE    DE    LA    COMMUNE    INDIGÈNE    DE    TIARET-AFLOU 

«  6°  Kesaoura  ; 

«  7°  Rechanma,  anciens  propriétaires  du  ksar  d'Allou  et  de 
«  Bou-Kherouf,  d'origine  berbère; 

«  8°  Les  Oulad  Riah,  premiers  habitants  d'El-Ghicha  ; 

«  9»  Les  Clieivkala,  anciens  posseseurs  des  terres  du  Haut- 
«  Sebgagne.  La  beauté  de  ce  territoire  excita  la  jalousie  des 
«  Amour  qui  s'en  emparèrent  de  force  ; 

«  10»  Les  Sidi  Bou-Zid,  qui  ont  leurs  ancêtres  enterrés  à 
«  El-Hamra  et  sont  frères  des  Bou  Zid  de  la  province  de 
«  Constantine  ;  ils  forment  deux  douars  ;  les  Oulad  Ilalyma  et 
«  les  Zehalguin; 

«  11"  Les  Atama. 

«  Depuis  1867,  les  Oulad  Mimoun  ont  régné  en  maîtres  sur 
«  le  djebel  Amour.  Ils  furent  soumis  aux  Turks  et  reconnurent 
«  l'autorité  d'Abd  el-Kader.  Ils  tirent  acte  de  soumission 
«  en  1843. 

a  Le  premier  agha  tut  Yelloul  ben  Yahia  ben  Daoud,  mort 
«  en  1854;  son  frère,  Ed-Din  ben  Yahia  lui  succéda. 

«  En  18G4,  surpris  par  l'insurection  qui  l'avait  entraîné,  il 
«  est  venu,  le  premier  de  tous  les  chefs  indigènes,  faire  sa 
«  soumission  au  mois  de  juin.  En  juillet,  il  laissa  ses  tribus 
a  entraînées  de  nouveau  et  se  retira  à  Taguine  oij  il  perdit 
«  toute  sa  fortune.  Il  se  réfugia  à  Laghouat  au  milieu  de  la 
a  colonne  Yusuf.  On  dit  qu'il  sauva  les  cavaliers  de  remonte 
«  en  les  faisant  habiller  en  femmes  et  qu'il  les  lit  partir  sur 
«  des  palanquins. 

«  Les  Oulad  Sidi  Hainza  ont  les  mêmes  ancêtres  que  les 
«  Oulad  Sidi  Hamela  de  M'sila.  Ils  se  subdivisent  en  Oulad 
«  Bou-Ghemial,  Kherazza,  Hadjadj  et  Droura  ». 

Le  deuxième  groupe  est  également  d'origine  arabe,  il  a  pour 
ancêtre  un  nommé  El-Adjel,  ce  qui  a  valu  aux  indigènes  qui 
en  font  partie,  le  surnom  d'Adjalates.  Héritiers  des  Oulad 
Zekrir,  ils  sont  aussi  anciens,  dans  le  pays,  que  les  Amour, 
mais  plus  faibles  que  ces  derniers,  ils  ont  dû  se  résigner  à 
subir  leur  influence.  Leur  nombre,  d'après  le  dernier  dénom- 
brement, s'élève  à  3,382  habitants. 

«  Avant  l'arrivée  des  Français,  les  Adjalates  étaient  com- 
mandés par  une  djemàa.  Lors  de  leur  soumission,  en  1842,  on 
leur  donna  un  caïd.  En  1847,  ils  tonnaient. trois  caïdatsO  : 


(1)  Le  djebel  Amour,  par  M,  le  L-Coloael  Derrien,  page  203. 


MONOGRAPHIE    DE    LA    COMMUNE    IXDIGliNE    J)E    TIARET-AFLOU 


311 


«  1»  Oulad  Sidi  Ahmed  beii  Said  (1,030  âmes); 

«  '2"  Oiilad  En-Nasser  (667  àines)  ; 

a  3''  Oiilad  Sidi  Brahiin  (1,085  âmes). 

m  Les  Oulad  Sidi  Ahmed  ben  Said  sont  les  descendants 
«  directs  d'EIAdjel.  Ils  sont  répartis  en  7  douars. 

«  En  1864  le  caïd  Si  Mohammed  ben  Mouaz  resta  fidèle  avec 
ï  le  douar  Sidi  El-Adeb;  il  rejoignit  avec  ses  cavaliers  la 
V.  colonne  du  général  Yusuf. 

«  En  1863,  ils  suivirent  avec  leurs  goums  la  colonne  du 
«  général  Deligny. 

(i  En  1867,  lors  de  l'annonce  de  l'approche  de  Sidi  Kaddour 
•  ben  Uamza,  ils  s'enfuirent  sur  le  territoire  des  Ilarrar. 

«  Ils  occupent  actuellem'^nt  le  lerritoii-c  de  l'oued  El-Beïda, 
«  entre  le  djebel  ElAlleg  et  le  ksar  de  Sidi  Bou-Zid. 

a  Les  Onlad  En-Nasser  (ou  Naçeur),  au  Nord  de  Sidi  Bou-Zid, 
(c  comprennent  quatre  douars  :  les  Oulad  el-Haid,  les  Oulad- 
0  ben-Amar,  les  El-Abidat  et  les  Oulad  I3ou-Kalita  ou  Derkaoua, 
«  ainsi  nommés  parce  qu'ils  ont  quitté  les  Adjalates,  après  une 
'<  discussion,  pour  aller  habiter  un  autre  paysO. 

«  Les  Oulad  En-Nasser  ont  fait  défection  en  1864.  En  1867, 
«  ils  s'enfuirent  d'El-Beïda  à  Boghar  et  ne  rentrèrent  chez  eux 
«  qu'après  le  combat  d'El-Mahdi. 

«  Les  Oulad  Sidi  Brahim  ont  leurs  quatre  douars  dans  la 
«  vallée  de  l'oued  Barkana  :  ce  sont  les  Oulad  Sidi  Abd-el-Kader, 
«  lesOulad  Merabtine,  les  Oulad  Boucherit  elles  Oulad  Mezzien. 
«  Une  fraction  du  diuar  Merabtine  vient  de  Tadjerouna. 

«  En  1864.  ils  ont  t'ait  défection,  mais  Si  Ilamza  les  abandonna 
«  parce  qu'ils  n'avaient  que  des  bœuts  comme  moyens  de 
«  transport. 

«  En  1867,  ils  furent  razziés  sur  l'oued  Sebbague,  près  de 
«  la  kouba  de  Si-Belkassem,  par  Kaddour  ould  Hamza.  Ils  se 
«  sauvèrent  alors  dans  le  kef  de  Sidi  Zid  et  de  là  cà  Taguine.  » 

Un  troisième  groupe,  celui-ci  d'origine  berbère,  comporte 
une  population  de  1,845  âmes.  Il  est  composé  des  successeurs 
des  Béni  Rached,  les  Demmer.  Leur  berceau  est  une  monta- 
gne de  la  province  de  Tripoli,  formant  re.Ktrémité  occidentale 
de  la  chaîne  qui  s'-étend  au  Sud  de  cette  ville,  jusqu'aux 
environs  de  Cabes.  On  appelle  les  habitants  de  celte  montagne 
AU  Demmer  ou  Aïd  Deunner  (Ibn-Kaldoun,  t.  I,  p.  80). 


(1)  Le  djebel  Amour,  pai-  M.  le  L'-Co!onel  Derrien. 

23 


312    MONOGRAPHIE    DE    LA    COMMUNE    INDIGÈNE    DE    TIARET-AFLOU 

«  Les  descendants  des  Demmer  sonL  les  Ghementa,  les  Oulad. 
«  Ali  ben  Ameur  et  une  partie  des  Oulad  Yacoub-el-GhabaO. 

«  Les  Ghementa,  543  âmes,  habitaient  autrefois  à  l'Est  de 
«  l'oued  Morra  ;  à  l'arrivée  des  Ar.ibes  dans  le  pays,  ils 
«  cherchèrent  asile  dans  les  forêts  et  les  terrains  accidentés 
«  qui  avoisinent  le  Haut-Mezi. 

«  Ils  sont  paisibles,  cultivent  des  jardins  et  l'ont  du  goudron. 

«  Lors  des  incursions  enneniies,  ils  se  réfugient  dans  leurs 
«  gadas. 

«  Ils  occupent  le  terriinire  d'El-Groun,  do  Madena  et  de  la 
«  gada  Cherguia. 

(C  Les  Oulad  Ali  ben  Ameur,  802  àines,  ont  quatre  douars 
«  dans  l'annexe  d'Aflou,  dans  la-  région  du  djebel  Gourou  ; 
«  les  autres  dépendent  de  Laghouat  et  de  Djelfa. 

«  Les  Oulad  Yacoubel-Ghaba,  1,549  âmes,  habitent  El- 
«  Ghicha  et  Eufous.  Les  premiers  habitants  d'El-Ghichafurent 
«  les  Mouissat  qui  ont  tous  disparus.  Les  Oulad  Riah  des 
«  Amour  ont  occupé  le  ksar  après  eu.x'et  en  ont  vendu  les 
«  propriétés  h  des  indigènes  de  provenances  diverses  qui  ont 
«  formé  la  tribu  actuelle  des  Oulad  Yacoub-el-Ghaba. 

«  Us  comprennent  quatre  douars  ;  les  Oulad  Serour,  les 
«  Bellâa,  les  Khoualids  (formés  de  Ilarrar)  et  les  Mekabi. 

«  En  1864,  les  Oulad  Sidi-Cheikh  vinrent  détruire  les 
«  jardius  d'El-Ghicha.  Les  Oulad  Yakoub-el-Ghalja  pactisèrent 
«  avec  eux,  mais  ne  sortirent  pas  du  pays.  » 

Enlin,  eu  dehors  des  groupes  que  nous  venons  d'indiquer, 
la  population  de  l'annexe  d'AIlou  comporte  également  deux" 
tribus  étrangères  détachées  en  1872  du  cercle  de  Géryville. 
Ce  sont  les  Oulad  ijidi  En-Nasseur  (1,448  âmes)  et  les  Oulatl 
Y'acoub  Zerara  qui  se  divisent  en  Gharabas  (1,928  âmes)  et 
Cheraga  (l,-495  âmes). 

((  Les  Oulad  Sidi  Eu-Nasseur  se  disent  Cheurfa  et  descen- 
«  dont  d'un  marabout  originaire  de  Mazouna  qui  vint,  sous 
((  les  Turcs,  se  fixer  sur  l'oued  qui  a  depuis  poi'té  son  nom. 
«  Ses  descendants  ont  toujours  été  tributaires  des  Amour 
«  pour  les  terres  de  culture  qu'ils  leur  louent. 

«  Les  Oulad  Yacoub  Zerara  sont  issus  des  Hilal  qui 
<(  habitaient  autrefois  l'oued  Zergoun.  » 


(I)  Le  iljeliel  Amou7\  par  le  L'-Uoloiiel  Deiîrien. 


MONOGRAPHIE    DE    LA    COMMUNE    INhlGÈNE    DE    TIARET-AII.OU    313 

Tadjerocna  et  El-Maïa.  —  «  I.e  ksar  de  Tadjerouna 
«  fut  fondé  en  l'année  1003  de  l'hégire  par  un  nommé  Si  El- 
«  Mihoub  ben  Mohammed  ben  Youssef,  qui  est  l'ancêtre  des 
«  Oulad  Sidi- Youssef,  habitants  actuels  du  ksar  (751  âmes). 

«  Ils  gardent  les  grains  des  Ou'ad  YacouJi  Zerara  et  ont 
«  quelques  troupeaux. 

((  En  WM,  ils  sont  restés  lidèles.  Ils  comprenaient  les 
«  quatre  douars  des  Oulad  ben  Aissa,  Oulal  Sidi-Chenaff. 
«  Oulad  Sidi-el-Milhoub  et  Medabih,  d'El-Maïa. 

«  Le  ksar  d'El-Maïa  appartenait  jadis  aux  Alil-el-llnoud 
«  (  Laghouat  de  Stitten).  Si  ben  Ilaméïda  céda  le  terrain  aux 
«  Oulad  El-Gharbi,  qui  construisirent  le  ksar;  battus  par  les 
«  Makena,  ils  se  réfugièrent  à  Kadra.  Le  ksar  fut  repeupli' 
ic  avec  les  Oulad  Sidi-Youssef  et  les  Medabih. 

«  En  186i,  ils  firent  défection  et  se  retirèrent  au  Mzab. 
«  La  colonne  du  général  Delignv  détruisit  le  ksar  en  1865.  » 


En  1875,  au  moment  de  sa  création,  le  territoire  de  la- 
commune  indigène  de  Tiaret-Atlou-Frendah,  comportait  en 
chifïres  ronds  une  surface  de  2,540,(J0(i  hectares,  se  décompo- 
sant ainsi  qu'il  suit  : 

Commune  mixte  de  Tiaret  ....         157,G8'2  hectares 
—  de  Frendah . .         280,()7(3        — 

Cercle  de  Tiaret.  . .  : 1,155,000        — 

—         d'.\nou ■ 9.47,500        — 

Soit  un  total  de   2,540,858  hectares 

Ce  chiffre  explique  et  justitie  le  sixième  paragiaphe  de 
l'arrêté  gouvernemental  du  13  novembre  1874  qui,  tout  en 
suppi'imant  les  communes  subdivisionnaires,  créait  les  com- 
munes indigènes  et  donnait  dans  les  termes  ci-après  une  des 
causes  de  cette  réforme  :  «  Considérant  que  les  communes 
«  subdivisionnaires  crées  par  l'arrêté  du  20  mai  1868  ont  une 
«  étendue  trop  vaste  pour  qu'il  soit  possible  de  leur  assurer 
«  tous  les  bienfaits  de  l'organisation  municipale.  » 

Même  réduite  à  2,540,858  hectares,  la  surface  d'une  com- 
mune paraît  singulièrement  éiendue  si  on  la  compare  à  ses 
sœurs  du  Tell  ou  de  la  métropole. 


314    MONOGRAPHIE    DE    l.X    COMMUNE    INIIIGÉNE    DE    TIARET-Ari.Gir 

Le  département,  de  la  Seine  a  moins  de  48,03!1  hectares.  La 
France  entière  avec  ses  52,503,003  hectares  n'est  que  vingt 
fois  plus  grande  que  l'ancienne  commune  indigène  de  ïiarel- 
Aflou-Frendah  telle  ((ue  l'avait  créée  l'arrêté  du  13  novem- 
bre 1874. 

Comparée  aux  anciennes  provinces  de  France,  elle  viendrait 
comme  surface,  immédiatement  après  la  Bourgogne  (2,600,000) 
et  avant  la  Lorraine  (2,224,000). 

Ses  dimensions  sont  devenues  il  est  vrai  plus  modestes, 
mais  elles  sont  encore  respectables,  car  avec  les  2, 102,500  hec- 
tares qui  lui  restent  elle  peut  presque  se  mesurer  avec  la 
Provence  et  dépasse  l'Orléannais  et  le  Poitou. 

Malheureusement  là  s'arrête  sa  supériorité,  car  si  on  opère 
la  même  compiraison,  au  point  de  vue  des  populations  qui 
vivaient  sur  son  territoire  au  moment  de  sa  création,  on 
constate  que  les  75,000  habitants  de  1874  ne  représentent  que 
la  50(5'-  partie  de  la  population  française  et  que,  actuellement, 
avec  les  41,23i  habitants,  accusés  par  le  dénombrement 
de  iOOl,  la  proportion  ne  s'élève  plus  qu'à  la  020''  partie 
de  la  France  continentale. 

Nous  avons  vu  que  depuis  sa  création  elle  avait  donné 
naissance  à  deux  communes  mixtes  civiles  lesquelles  sont 
elle-mèmes  appelées  à  se  subdiviser  en  communes  de  plein 
exercice  au  fur  et  à  m33ure  de  la  mise  en  valeur  du  sol. 

L'oîuvre  de  transformation  pacifique  continue  tous  les 
jours,  —  Trézel  et  son  territoire  ne  larderont  pas  à  être 
rattachés  au  régime  civil  —  puis  ce  sera  le  Nador  entier  livré 
à  la  colonisation  et  plus  tard,  dans  un  avenir  encore  lointain, 
le  djebel  Amour,  avec  son  territoire  fertile,  sera  lui-même 
colonisé. 

Les  communes  indigènes,  en  général,  et  surtout  celle 
de  Tiaret-Aflou,  doivent  donc  être  considérées  comme 
d'immenses  réserves  territoriales  appelées  à  répondre  au 
développement  progressif  de  la  colonisation. 

Elles  disparaîtront  un  jour,  mais  elles  auront  joué  un  rôle 
considérable  dans  l'histoire  algérienne  en  habituant  les  popu- 
lations indigènes  au  respect  de  l'autorité,  en  assurant  la 
sécurité,  en  prépaient  l'avenir  et  en  rendant,  ainsi  possible, 
l'reuvre  de  civilisation  entreprise  par  la  France  en  Algérie. 

FABRE. 


Insert 

Foldout 

Hère! 


LES  INTÉRÊTS  ÉCO^OJIIOIES  DE  LA  FRAACE  AL  MAROC* 


LE  COMMERCE  DU   MAROC  EN  1900 

Par    Camille    FIDHL 


PREFACE    DE   L'AUTEUR 


La  question  d'Occident,  autrement  dit  la  question  de 
l'avenir  du  Maroc,  a  pris  dans  ces  dernières  années 
pour  les  puissances  de  l'Europe  occidentale,  et  en 
particulier  pour  la  France,  une  importance  de  plus  en 
plus  grande,  un  intérêt  d'actualité  de  plus  en  plus 
immédiat  :  à  l'heure  présente  la  solution  en  paraît 
certes  moins  éloignée  que  celle  delà  question  d'Orient. 
En  ce  qui  concerne  la  France,  on  peut  dire  qu'aujour- 
d'hui la  solution  de  la  première  question  l'intéresse 
jjeaucoup  plus  que  celle  de  la  seconde.  En  effet,  l'axe 
de  notre  politique  méditerranéenne  parallèlement  à 
celui  de  notre  politique  africaine,  s'est  déplacé  de  l'Est 
à  l'Ouest.  La  France  a  eu  pendant  longtemps  une 
influence  prépondérante  dans  l'empire  Ottoman  et  en 
Egypte;  mais  aujourd'iiui  l'Egypte  est  une  possession 
anglaise  de  fait,  en  attendant  l'annexion  officielle,  et 
dans  l'empire  Ottoman,  l'inlluence  française  lutte  de 


(1)  Cettf!  remarquable  Elude  commerciale  paraîtra  Jans  deux  numéros 
successifs  de  notre  Bullclin.  E  le  sera  précédée  d'une  préface  de  M.  Mou- 
liéras.  qui  sera  publiée  dans  les  exemplaires  du  tirage  à  part  commandé 
par  l'auteur.  (Note  du  Comilé  de  Rédaction). 


31G    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

plus  en  plus  diflicileinent  contre  les  progrès  des  autres 
nations.  Mais  si  nous  n'avons  plus  dans  l'ensemble  du 
bassin  de  la  Méditerranée  la  situation  privilégiée  que 
nous  y  occupions  il  y  a  moins  d'un  demi  siècle,  du 
moins  notre  prépondérance  tend  à  s'affirmer  de  plus 
en  plus  dans  le  bassin  occidental  de  cette  mer.  D'autre 
part  la  consolidation  de  la  domination  française  en 
Algérie,  l'occupation  de  la  Tunisie,  la  conquête  du 
Touat,  la  jonction  établie  à  travers  le  Saliara  entre  nos 
possessions  méditerranéennes  et  nos  colonies  de 
l'Afrique  occidentale,  nos  territoires  du  Niger,  du 
Tchad  et  du  Congo,  ont  eu  pour  résultat  la  formatiiui 
d'un  immense  bloc  compact,  l'Afrique  française  du 
Nord-Ouest,  qui  ne  présente  de  solution  de  continuité 
que  dans  la  région  côtière  où  se  trouve  un  certain 
nombre  d'enclaves  d'inégale  importance  dont  la  plus 
considérable  est  le  Maroc.  Ce  pays,  complément  naturel 
de  nos  possessions  méditerranéennes  avec  lesquelles 
il  forme  un  seul  ensemble  géographique,  est  à  cause 
de  sa  valeur  économique  et  des  avantages  de  sa  situa- 
tion au  point  de  vue  des  communications  entre  l'Atlan- 
tique et  la  Méditerranée  un  objet  de  convoitise  de  la  part 
de  plusieurs  grandes  puissances  européennes,  notam- 
ment la  France,  l'Espagne,  l'Angleterre  et  l'Allemagne. 
Le  récent  accord  franco-italien  relatif  à  laTripolitaine... 
et  peut-être  au  Maroc,  est  une  preuve  que  notre  diplo- 
matie ne  perd  point  de  vue  la  question  d'Occident,  et 
nous  ne  serions  point  surpris  si  des  accords  analogues 
venaient  à  être  conclus  par  la  France  avec  l'Espagne, 
l'Angleterre  et  l'Allemagne,  puissances  dont  les  inté- 
rêts au  Maroc  sont  infiniment  plus  considérables  que 
ceux  de  l'Italie,  mais  qui  pourraient  être  amenées  à  la 
reconnaissance  formelle  de  la  situation  prépondérante 
de  la  France  par  des  concessions  faites  soit  au  Maroc 
même,  en  ce  qui  concerne  l'Espagne  et  l'Allemagne, 
soit  dans  un  autre  pays  d'Afrique  ou  sur  d'autres  points 
du  globe,  en  ce  qui  concerne  l'Angleterre. 

Le  but  de  la  présente  étude  n'est  pas  d'envisager  la 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONO.AIIQUES  DE  LA.  FRANCE  AU  :\IAROC     'Ml 

solution  de  la  question  d'Occident,  la  situation  actuelle 
et  l'avenir  politique  du  Maroc  ayant  fait  l'objet,  surtout 
dans  ces  derniers  temps,  d'ouvrages  et  d'articles  aussi 
nombreux  que  compétents.  Mais  le  côté  économique 
de  la  question,  le  plus  important  à  notre  avis,  nous  a 
paru  avoir  été  laissé  quelque  peu  dans  l'ombre  et  nous 
nous  sommes  proposé  de  combler  cette  lacune.  Nous 
avons  pensé  qu'à  un  moment  où  l'avenir  du  Maroc 
donne  lieu  dans  notre  pays  à  de  légitimes  et  sérieuses 
préoccupations,  il  pouvait  y  avoir  intérêt  à  faire  con- 
naître la  situation  que  la  France  y  occupe  au  point  de 
vue  économique  elles  perspectives  de  développement 
des  relations  commerciales  franco-marocaines.  Notre 
étude  sur  le  commerce  du  Maroc  est  basée  sur  les 
résultats  de  l'année  1900,  les  plus  récents  que  nous 
ayons  pu  nous  procurer  au  complet.  Nos  renseigne- 
ments sont  extraits  de  rapports  consulaires  français, 
anglais,  allemands,  e\c  ,  de  statistiques  ofiicielles, 
d'ouvrages  d'explorateurs  et  de  géograpbes,  d'articles 
de  revues  et  de  journaux,  de  brochures  spéciales,  de 
projets,  etc.  Un  voyage  que  nous  avons  entrepris  en 
juillet  1902  dans  l'Oranie  et  sur  la  frontière  marocaine, 
nous  a  permis  de  compléter  ces  données  sur  certains 
points  intéressant  particulièrement  le  commerce  fran- 
çais. Nous  remplirons  le  plus  agréable  des  devoirs  en 
adressant  l'expression  do  notre  profonde  gratitude  à 
toutes  les  personnes  qui  tant  en  France  qu'en  Algérie, 
aux  colonies  et  à  l'étranger,  ont  bien  voulu  nous  aider 
de  leurs  conseils  et  de  leur  expérience,  et  dont  le  pré- 
cieux concours  nous  a  permis  de  mener  à  bonne  fin 
notre  travail,  en  facilitant  des  recherches  souvent 
pénibles  et  ingrates. 


15    septembre  1902. 

C.  FIDEL. 


IKTTK-ODXJOTIOlSr 


VALEUR    ÉCONOMIQUE    OU     MAROC 


Actuellement  le  Mafoc  tient  bien  peu  de  place  dans  le 
concert  des  nations,  et  lorsque  la  presse  s'occupe  de  ce  pays, 
ce  n'est,  la  plupart  du  temps,  que  pour  signaler  soit  une 
nsurrection,  soit  quelque  acte  de  brigandage  ou  quelque 
crime  dont  un  étranger  y  a  été  victime,  fait  qui  entraîne  presque 
toujours  une  demande  de  réparation  de  la  part  de  la  puissance 
à  laquelle  appartient  cet  étranger.  Aussi  le  Maroc  jouit-il 
d'une  réputation  détestable,  justifiée  peut-être  jusqu'à  un 
certain  point,  mais  qui  a  eu  pour  conséquence  de  faire  naître 
sur  ce  pays  des  idées  fausses  et  préconçues.  Bien  que  situé  à 
la  porte  de  l'Europe,  le  Maroc  est  resté  jusqu'à  ces  derniers 
temps  un  des  pays  les  moins  connus  du  monde  entier,  et  l'on 
se  fait  fréquemment  illusion  sur  sa  valeur  économique  :  le 
plus  souvent  on  le  considère  comme  un  pays  aride,  peu  fertile 
et  peu  habité  ;  parfois  au  contraire,  on  exagère  ses  richesses 
naturelles  et  sa  productivité.  La  vérité  est  entre  ces  deux 
extrêmes,  et  les  nombreuses  explorations  dont  le  Maroc  a  été 
le  théâtre  au  cours  de  ces  dernières  années  (explorations 
auxquelles  les  Français  ont  pris  la  plus  large  pari)  ont  eu 
pour  résultat  de  fixer  les  idées  sur  sa  valeur  réelle. 

La  partie  occidentale  de  l'Afrique  Mineure  est  désignée  par 

les  Marocains  sous  le  nom  de  El  Rarb  ,  ,x}]  (l'Occident). 

Ils  se  donnent  à  eux-mêmes  Je  nom  de  Mr'arha  À';  flx.o  (^Occi- 
dentaux), au  singulier  Mr'avhi    ^.-jLis-».  En  arabe  littéral,  le 

Maroc  est  appelé  El  Mar'rih  on' El  Mag'rib  > .^xj',  et  non 

El  Mar'reb  ou  El  Maghreb,  qui  signitle  l'heure  du  coucher  du 
soleil <).  Quant  à  l'appellation  française  de  Maroc  (en  anglais 


(1)  A.    Mou'iéras.    Le  Maroc   inconnu    l"   partie,   E^vidoration  du 
Rif,  page  19. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    319 

Morocco,  en  allemand  Marokko,  en  italien  Marocco,  en 
espagnol  Marruecos),  ce  n'est  qu'une  défiguration  informe  du 
mot  Marrakech  ^S\  ,^  nom  de  la  capitale  méridionale  de 
l'Empire.  Le  Far-West  africain,  comme  on  l'a  parfois  désigné, 
est,  de  l'avis  de  tous  les  explorateurs,  le  plus  riche  des  trois 
pays  qui  composent  la  Berbérie.  De  la  chaîne  de  l'Atlas,  qui 
y  atteint  sa  plus  grande  hauteur,  descendent  un  grand  nombre 
de  cours  d'eau,  dont  quelques-uns  sont  très  longs  et  ont  un 
débit  considérable,  quoique  très  souvent  intermittent,  tels  que 
la  Mlouia,  le  Sbou,  l'Oum-er-Rbia,  le  Tensift,  le  Sous,  le  Dra. 
Non  seulement  le  Maroc  a  un  système  fluvial  beaucoup  plus 
développé  que  l'Algérie  et  la  Tunisie,  mais  les  pluies  y  sont 
plus  abondantes  ;  par  suite,  le  climat  y  est  plus  tempéré  et  la 
productivité  du  sol  plus  grande.  Enfin,  la  partie  cultivable,  ou 
plus  exactement,  la  partie  économiquement  exploitable 
(cultures,  pâturages,  forêts),  est  plus  étendue  au  Maroc  que 
dans  les  deux  autres  pays  d,e  l'Afrique  Mineure:  c'est  la 
région  comprise  entre  la  chaîne  de  l'Atlas  et  la  côte  de 
l'Atlantique,  d'une  étendue  de  plus  de  80,000  kilomètres  carrés 
(sur  une  superficie  totale  de  450,000  kilomètres  carrés),  dont 
une  faible  partie  seulement  est  exiiloitéeO.  M.  Th.  Fischer, 
professeur  à  l'université  de  Marburg,  a  exploré,  au  printemps 
de  1899,  cette  région  qu'il  appelle  Atlas  Vorland  et  qu'il 
divise  en  trois  zones  (2)  ;  d'abord,  la  zone  des  Hauts-Plateaux 
du  front  septentrional  de  l'Atlas,  irriguée  artificiellement  à 
l'aide  de  canaux  souterrains  destinés  à  recevoir  les  eaux  qui 
descendent  des  montagnes,  zone  surtout  forestière,  mais 
susceptible  de  produire  des  céréales  :  —  en  second  lieu,  la 
zone  des  steppes,  qui  constitue,  surtout  en  hiver  et  au  prin- 
temps, une  grande  région  de  pâturages,  un  pays  d'élevage  par 
excellence,  s'étendant  sur  une  largeur  de  80  à  100  kilomètres  ; 
—  enfin,  la  zone  des  cultures,  s'étendant  parallèlement  à  la 
côte  sur  une  largeur  de  50  à  70  kilomètres  ;  région  suffisam- 
ment arrosée  et  caractérisée  dans  sa  plus  grande  longueur 
par  la  présence   de  la  terre   noire,  qui  en  fait,  au  dire  de 


(1)  V.  Gollin.  Le  Maroc  et  les  Iiiiércts  beUjes,  p.  67. 

(2)  Th.    Fischer.   Reise   iin    Atlas-Vorlande   ron   Marokl.o,   p.    1Ô7 
(Pelermann's  Mitteilungen.  Erganzungslieft,  ur.  l'Si). 


320    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

M.  Fischer  et  d'autres  explorateurs,  une  des  régions  les  plus 
riches  qui  existent. 

On  a  prétendu  qu'aux  produits  des  régions  tempérées,  le 
Maroc  joignait  ceux  des  pays  tropicaux,  tels  que  la  canne  à 
sucre,  le  café,  le  coton  :  c'est  là  évidemment  une  exagération. 
«  L'Afrique  Mineure  tout  entière,  dit  en  effet  M.  Doutté,  offre 
«  ce  caractère  exceptionnel  d'être  un  pays  chaud  où  il  ne 
«  pleut  que  l'hiver,  ce  qui  est  le  contraire  de  presque  tous  les 
«  autres  climats  chauds  :  U  ne  faut  donc  pas  espérer  y  irans- 
«  planter  des  végétaux  tropicaux  et  équatoriaux  dont  la  culture 
(c  se  fait  dans  des  conditions  climatériques  opposées.  »(') 
Mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  les  productions  végétales 
du  Maroc  sont  extrêmement  variées.  Dans  les  régions  agrico- 
les, le  sol  à  peine  gratté  par  la  charrue  produit  d'excellentes 
récoltes  de  toutes  espèces  de  grains  et  de  légumes  à  cosse. 
Dans  d'autres  régions  la  vigne  est  florissante,  bien  qu'elle  soit 
cultivée  de  la  manière  la  plus  primitivé'<->.  Les  grandes 
plaines  de  la  zone  des  cultures,  surtout  entre  le  Sbou  et  le 
Tensift,  produisent  des  céréales  de  toutes  sortes  :  blé,  orge, 
maïs,  etc.  L'exportation  du  froment  et  de  l'orge  ayant  été 
longtemps  interdite,  la  culture  de  ces  céréales  n'a  pris  aucune 
extension  ;  mais  la  superficie  des  champs  où  l'on  cultive  le 
maïs,  les  pois,  les  haricots,  les  lentilles,  tous  grains  dont 
l'exportation  est  autorisée,  ne  cesse  de  s'accroître  W.  Malgré 
les  procédés  rudimentaires  de  culture  en  usage  au  Maroc,  le 
rapport  de  la  terre  est  extraordinaire  ;  malheureusement,  le 
pays  est  fréquemment  affligé  comme  l'Algérie  et  la  Tunisie, 
par  le  fléau  des  sauterelles.  Les  agglomérations  urbaines  sont 
entourées  de  riches  jardins  produisant  des  fruits  et  des  légumes 
d'une  diversité  infinie.  Les  pentes  de  l'Atlas  sont  partiellement 
couvertes  de  vastes  forêts,  le  déboisement  étant  moins  avancé 
au  Maroc  qu'en  Algérie  ;  mais  là  aussi  les  pâtres  ont  l'habi- 
tude d'incendier  les  bois  afin  de  renouveler  la  végétation  des 


(1)  E.  Doutté.  Rapport  fiom maire  sur  une  mission  d'études  au 
Maroc.  SupDiémentau  Bulletin  du  Comité  de  l'Afrique  française  de 
décemtjre  19(J1. 

(2)  lîapportde  M.  Macleao.  consul  liritauniqae.  ForeiQU  0/jice-Annual 
Heries  a°  2323. 

(î)  Reclus.  Afrique  Septentrionale.  2'  partie,  p.  772. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQL'ES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    321 

pâturages"'  ;  d'aulre  part,  l'exploitation  de  ces  forêts  est 
entravée  par  le  manque  de  voies  de  communications,  et  le 
débit  irrégulier  des  fleuves  qui  ne  permet  pas  le  flottage  des 
bois  (■->.  Ces  forêts  se  composent  de  noyers,  d'amanliers, 
d'oliviers,  de  j^ins,  da  cèdres,  etc.  Elles  pourraient  fournir  une 
grande  quantité  de  bois  de  construction.  On  trouve  également 
des  chènes-liéges  dans  le  Nord  de  l'Atlas  ;  mais  il  ne  semble 
exister  au  Maroc  de  forêts  sérieuses  de  cette  essence  qu'à  la 
lisière  méridionale  du  Rif,  d'après  M.  de  Segonzac.  Une 
espèce  particulière  au  Maroc  est  Varganier,  dont  le  fruit 
renferme  un  noyau  qui  donne  une  huile  dont  l'avenir 
industriel  est  au  moins  incertain  :  à  part  cette  exception,  le 
Maroc  produit  à  [)eu  près  les  mêmes  espèces  que  l'Algérie 
et  la  Tunisie.  Quant  aux  oasis  du  versant  méridional  de 
l'Atlas,  eles  renferment  des  quantités  considérables  de  pal- 
miers et  de  rfa ff(V»s;  les  dattes  du Tafilelt  sont  particulièrement 
recherchées. 

L'élei-age  est,  avec  l'agriculture,  la  seconde  grande 
ressource  du  Maroc,  à  cause  de  la  grande  étendue  de  la  zone 
des  pâturages.  0.  Lenz  donne  l'éxaiuation  approximative 
suivante  des  animaux  domestiques  dans  ce  pays  :  moutons, 
40,000,000;  chèvres,  11,000,000;  bœufs,  5,500,000;  ânes  et 
mulets,  4,000,000  ;  chevaui;,  500,000  ;  cliameaux,  500,000. 
Les  moutons  et  les  chèvres  sont  particulièrement  nombreux 
dans  le  Sud,  les  bœufs  dans  le  centre.  M.  Doutté  estime  que 
l'élevage  des  bœufs  et  des  moutons,  des  premiers  surtout, 
fournit  la  source  de  richesse  la  plus  abondante  à  celle  des 
puissances  européennes  qui  chercherait  à  mettre  en  valeur 
le  Maroc  '^).  La  race  bovine  est  petite,  mais  agile,  vigoureuse, 
sobre  et  docile  ;  elle  se  prête  à  tous  les  travaux  et  à  toutes  les 
transformations  et  sert  à  la  fois  au  trait  et  à  la  boucherie  <*>. 
L'exportation  des  animau.t  vivants  est  interdite,  sauf  de  rares 
exceptions  en  ce  qui  concerne  les  bœufs  ;  elle  existe,  il  est 
vrai,    sur   la   frontière    algérienne.    La   laine,    les   l'caux   de 


(1)  Reclus.  Afrique  Septentrionale.  1' pariie,  p.  (i6i. 

(2)  V.  CoUiQ.  Le  Maroc  et  les  Intérêts  belr/es.  p.  7U. 
(3;  E.  Uoutlé.  Elappoi-t  précité. 

(4)  R.  .1.  Fiisch.  Le  Maroc,  p.  214. 


322    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

moulons  et  de  chèvres,  t'ont  l'oljjut  d'un  commerce  important. 
Quant  à  l'industrie  pastorale,  elle  est  pour  ainsi  dire  dans 
l'enfance,  et  les  épizooties  sont  fréquentes.  Les  pêcheries,  sur 
les  côtes  du  Maroc,  sont  aussi  une  importante  source  de 
richesse  ('>. 

La  richesse  du  sous-sol  ne  le  cède  en  rien  à  celle  de  la 
surface  ;  mais  les  recherches  et  l'exploitation  minières  étant 
rigoureusement  interdites,  on  se  trouve  encore  à  ce  sujet,  dans 
le  domaine  des  conjectures.  M.  Fischer  signale  la  ressem- 
blance qui  existe,  au  point  de  vue  de  la  constitution  géologique 
entre  le  Vorland,  c'est-à  dire  la  région  comprise  entre  l'Atlas 
et  l'Atlantique,  et  le  haut  plateau  de  la  Péninsule  ibérique, 
lequel  est  très  riche  en  minerais  de  toutes  sortes  et  not^.m- 
ment  en  houille  (Puertollano,  Belurez,  Asturies).  Le  plus 
connu  des  gisements  de  minerai  de  fer  au  Maroc  est  le  Djebel 
Hadid,  à  22  kilomètres  au  Nord-Est  de  Mogador  où  l'on 
trouve  des  traces  d'exploitations  très  anciennes,  mais  dont  on 
n'extrait  plus  de  minerai  depuis  longtemps  ;  ce  minei'ai  est 
très  riche  :  il  contient  58  "/o  de  fer^  d'après  l'examen  auquel 
il  a  été  procédé  sur  des  échantillons  envoyé  à  Marseille  par 
l'ancien  comul  français  Beaumier.  Mais  la  région  la  plus  riche 
du  Maroc  au  point  de  vue  minier  est  sans  contredit  le  Sous, 
qui  renferme  du  minerai  de  ter  et  probablement  aussi  des 
gisements  d'argent  et  d'or  ;  le  minerai  de  cuivre  y  est 
particulièrement  abondant.  M.  Fischer  se  demande  cependant 
si  les  minerais  du  Sous  peuvent  encore  être  exploités  avec 
avantage  '2). 

L'Atlas  et  le  Rif  sont  éga'ement  riches  en  minerais  :  fer, 
cuivre,  plomh,  antimoine,  étain,  nickel,  argent  et  .or.  Des 
affleurements  de  houille  auraient  été  découverts  dons  le  voisi- 
nage de  la  rivière  Martil  (près  de  Tétouan).  Sur  la  cùle  on 
trouve  un  grand  nombre  de  lacs  salés  (lac  Sima,  dans  la  pro- 
vince de  Ahmar,  à  78  kilomètres  de  Saffî)  ;  les  rivières  salées 
sont  également  nombreuses  (Oum-er-Rbia)  ;  enfin  les  dépôts 


(1)  Voir  G.  Wolfron.  Le  Maroc.  Etude  commerciale  et  afiricoJe,  p.  8. 
(1)    Th-Fischer    «   Die    Bodensc/iaetse    MarohI.os    »,    Ztitschrift    fur 
Pralciische  Géologie,  avril  IOjO. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  XV  MAROC    323 

de  sel  gemme  y  sont  très  communs  (environs  de  Fez).  Dans 
les  environs  de  Marrakech  se  trouvent  des  gisements  de  marbre. 
Actuellement  il  ne  peut  être  question  de  l'exploitation  de  ces 
richesses  minières,  car  non  seulement  elle  est  interdite,  mais 
encore  elle  est  rendue  impossible  par  l'.nbsence  complète  de 
toute  industrie  appropriée  et  de  tout  moyen  de  transport. 
Pour  le  cas  seulement  oi^i  le  Maroc  passerait  sous  la  domination 
d'une  ou  de  plusieurs  puissances  européennes,  la  mise  en 
valeur  des  richesses  minières  de  ce  pays  mériterait  d'être 
sérieusement  envisagée. 

Pour  le  moment  il  n'y  a  lieu  de  se  préoccuper  que  de  celles 
de  ses  ressources  dont  les  indigènes  tirent  parti  et  qui  sont 
susceptibles  d'un  développement  plus  immédiat,  la  culture  et 
l'élevage.  Quelle  que^soit  la  fertilité  du  sol,  la  situation  actuelle 
du  fellah  marocain  est  des  plus  misérables,  non  seulement 
dans  le  blad-es-siba,  ou  pays  insoumis,  à  cause  des  luttes 
continuelles  que  les  tribus  indépendantes  se  livrent  entre 
elles  ou  soutiennent  contre  les  soldats  du  Sultan,  mais  encore 
dans  le  blad-el-Makhzen  ou  pays  du  gouvernement,  où  le 
malheureux  cultivateur,  après  avoir  acquitté  des  taxes  écra- 
santes, est  encore  obligé  de  disputer  sa  récolte  et  ses  bestiaux 
à  l'audace  des  maraudeurs  et  à  la  rapacité  des  caïds.  O  Aussi  ne 
produit-il  que  ce  qui  est  strictement  nécessaire  à  ses  besoins 
et  à  ceux  de  sa  famille,  et  la  plus  grande  étendue  des  terrains 
est  en  friche.  Si  l'on  ajoute  à  cela  les  entraves  de  toute  sorte, 
d'ordre  fiscal  ou  douanier,  apportées  à  la  liberté  des  échanges, 
l'absence  presque  complète  de  moyens  de  transports  modernes, 
l'insécurité  d'une  grande  partie  du  pays,  l'impossibilité 
pour  les  Européens  de  se  rendre  dans  certaines  régions  qui 
comptent  souvent  parmi  les  plus  riches,  l'opposition  que  ren- 
contrent ces  derniers  de  la  part  du  gouvernement  marocain 
à  l'acquisition  de  la  propriété  et  à  la  création  de  n'importe 
quel  genre  d'entreprises,  on  conviendra  qu'on  se  trouve  en 
présence  d'un  ensemble  de  circonstances  singulièrement  défa- 
vorables au  développement  économique  du  pays.  Cet  état  de 


(I)  Lire  à  ce  sujet  la  belle  dtscriptioQ  de  M.  de  FoucauW  Reconnais- 
sance au  Maroc,  p.  40. 


324    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

choses  qui  existe  depuis  des  siècles  pourrait  durer  indéfini- 
ment si  le  Maroc,  queJqueréfractairequ'ilsoità  toute  tentative 
de  pénétration,  ne  commentait  pas  à  ressentir  l'action  de  la 
civilisation  européenne  qui  resserre  de  plus  en  plus  étroitement 
le  cercle  dont  elle  l'entoure.  A  une  époque  oii  toutes  les  nations 
civilisées,  trop  à  l'étroit  à  l'intérieur  de  leurs  frontières,  se 
répandent  au  dehors  pour  trouver  un  aliment  à  l'activité  de 
leurs  nationaux  et  de  nouveaux  déboucliés  à  leur  production 
sans  cesse  grandissante,  il  est  inadmissible  qu'un  pays  riche 
et  peuplé (•),  situé  à  la  porte  de  l'Europe  et  jouissant  d'une 
position  géographique  indispensable  sur  deux  mers  et  sur  un 
des  passages  les  plus  importants  du  commerce  maritime 
international,  s'obstine  à  rester  fermé  aux  tentatives  d'expan- 
sion économique  des  pays  voisins.  Nous  assisterons  donc, 
semble-t  il,  dans  un  avenir  plus  ou  moins  rapproché,  à  une 
transformation  radicale  de  ce  dernier  rempart  de  l'Islam,  sous 
la  pression  irrésistible  d'éléments  extérieur^.  Des  motifs  d'or- 
dre politique  singulièrement  puissants,  dans  le  détail  desquels 
nous  n'avons  pas  à  rentrer  ici,  mais  qui  se  résument  dans 
notre  domination  algérienne  et  saharienne  et  notre  prépondé- 
rance dans  l'Afrique  du  Nord-Ouest,  semblent  appeler  la  France 
à  jouer  un  rôle  essentiel  dans  cette  transformation.  .Mai?  n'y 
a-t-il  pas  également  des  raisons  d'ordre  économique  qui 
militent  en  faveur  d'une  action  de  ce  genre  de  la  part  de  notre 


(I)  On  évalue  généralement  à  S  millions  dliabitanls  la  population 
totale  du  Maroc,  soit  une  dencité  de  18  habitants  par  kilomètre  carré. 
M.  Mouiiéras,  £e  .l/aroc  inconnu.  ExjAoration  du  Rif,  p.  27,  estime 
que  cette  population  atteint  24  à  25  millions  d'habitants.  Au  Maroc  les 
Berbères  occuiient  presque  toutes  les  parties  du  pays  :  or,  leur  densité 
est  comparable  à  cel'e  tie  notre  Kahylie,  peuplée  de  gens  de  même  race, 
qui  comptent  90  habitants  par  kilomètre  carré.  Lors  da  la  conquèts 
arabe,  un  grand  nombre  de  peuples  n'ont  fait  que  traverser  l'.Mgérie  et 
se  sont  fixés  au  Maroc,  terre  plus  fertile.  D'autre  part,  l'expulsion  df  s 
Maures  d'Espagne  et  la  conquête  de  l'Algérie  par  la  France  ont  fait  béné- 
iici'  r  le  Maroc  d'une  émigration  considérable,  v.  Il  faut  bien,  dit 
M.  .Mouliéras,  que  le  Maroc  soil  extrêmement  peuplé,  puisque  telle  grande 
tribu  des  Brabei-  peut  à  elle  seule  a  tenir  tète  à  toutes  les  forces  réunies 
du  Sultan  et  mettre  en  ligne  de  bataille  jusqu'à  lUU.OUU  guerriers».  Les 
Berbères  forment  environ  les  deux  tiers  de  la  populatiou  totale  ;  l'autre 
tiers  est  composé  surtout  par  les  Arabes.  Après  eux  viennent  les  Xègres. 
les  Juifs  et  les  Européens.  Quelle  que  soit  l'évaluation  que  l'on  adopte 
pour  la  populatiou  du  Maroc,  il  est  dans  tous  les  cas  hors  de  doute  que 
ce  pays  renferme  plus  d'habitants  que  l'Algérie  et  la  Tunisie  réunies. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    325 

pays  ?  Eu  d'autres  termes,  les  intérêts  commerciaux  de  la 
France  sont-ils  déjà  assez  considérables  à  l'heure  actuelle  et 
sont-ils  susceptibles  de  prendre  une  extension  suffisante  pour 
légitimer  une  politique  d'intervc  lion  ~?  C'est  à  cette  question 
que  nous  allons  essayer  de  répondre.  Après  'avoir  donné  un 
aperçu  des  conditions  générales  du  commerce  au  Maroc,  nous 
présenterons  le  tableau  général  du  commerce  maritime  de  ce 
pays  en  189!»  et  en  1900  en  comparant  ces  résultats  récents 
avec  ceux  des  années  antérieures  ;  nous  examinerons  ensuite 
le  commerce  des  principales  nations  intéressées  ;  puis  nous 
passerons  à  l'étude  du  mouvement  commercial  de  chacun  des 
ports  ouverts  et  du  trafic  de  chacune  des  régions  qui  com- 
posent la  Maroc  actuel,  en  insistant  particulièrement  sur  le 
caractère  et  l'importance  du  commerce  de  la  Fiance  avec  ces 
diiTérentes  régions  et  sur  ses  perspectives  de  développement. 
Enlin  nous  nous  efforcerons  de  donner  une  idée  aussi  com- 
plète que  possible  de  la  situation  commerciale  actuelle  et  de 
l'avenir  économique  de  la  France  au  Maroc. 


PREMIERE  PARTIE 


LES  CONDITIONS  ÉCONOMIQUES  GÉNÉRALES 


§  I"    —  GENERALITES 

M.  Mac  Leod,  vice-consul  britannique  à  Fez,  donne  dans 
son  rapport  pour  l'année  1899  des  renseignements  sur  les 
conditions  générales  du  commerce  à  l'intérieur  du  Maroc. 
«  Les  facilités  du  commerce,  dit-il,  sont  peu  nombreuses,  et, 
c(  à  part  une  ou  deux  exceptions,  elles  sont  sans  importance. 
«  Quant  aux  difficultés,  elles  sont  légion,  et  beaucoup  sont 
«  d'ordre  le  plus  élémentaire.  Les  facilités  consistent  dans  la 
«  liberté  de  contrat  et  de  trafic  concédée  par  les  traités 
«  existants,  des  droits  d'importation  relativement  peu  élevés 
«  (5  3.  iGo/o  ad  valorem)  ^^^  et  les  services' postaux  entretenus 
«  par  les  gouvernements  anglais  et  français  <->  pour  faciliter 
«  le  commerce  de  leurs  nationaux  respectifs.  On  peut  ajouter 
«  à  cela  la  salubrité  du  climat  et  l'abondance  de  matières 
K  projiiières  de  tout  genre.  De  plus,  dans  les  villes  de  l'inté- 
«  rieur,  les  maisons,  magasins  et  locaux  divers  sont  conforta- 
«  blés,  bon  marché  et  nombreux.  Les  plus  considérables  parmi 
«  les  difficultés  sont  l'absence  de  moyens  de  transports  à  bon 
«  marché  et  rapides,  le  caractère  prohibitif  des  droits 
((  d'exportation  sur  un  certain  nombre  des  principaux  produits 
«  et  les  charges  énormes  qu'ils  entraînent  pour  les  autres  ; 
«  l'absence  de  banques,  l'absence  des  tribunaux  pour  le 
«  règlement  des  litiges  commerciaux,  et  enfin  la  résistance 
«  obstinée  que  les  étrangers  rencontrent  toujours  de  la  part 
«  des  autorités  marocaines  pour  l'achat  ou  même  la  location 
«  de  maisons  et  de  magasins.  Il  est  manifeste,  ajoute  le 
«  consul  anglais,  que  les  quelques  facilités  accordées  au 
«  commerce  sont  de  telle  nature,  qu'elles  ne  peuvent  être 
«  accrues.  Le  progrès  ne  peut  consister  qu'à  amoindrir  les 
«  difficultés  ». 


(1)  ForeUin   Office.     Diplomatie    et    Consular    Reports.     Annual 
Séries,  n»  2603. 

(2)  Auxquels  il  faut  joindre  les  services  postaux  espagQol  et  allemaud. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  Là  FRANCE  AU  MAROC    327 

§  II.  —  RÉGIME  DOUANIER 

A  l'importation,  les  produits  payent  en  général  un  droit  de 
10  "/o  ad  valorem  C  ;  les  armes  et  munitions,  les  poudi'es,  le 
salpêtre,  le  soufre,  sont  prohibés  à  l'importation  '■-K 

Les  droits  à  l'exportation  sont  très  variables.  L'importante 
convention  commerciale  passée  en  1890,  entre  l'Allemagne  et 
le  Maroc,  a  servi  de  base  au  Tarif  des  dro'its  de  sortie, 
applicable  également  aux  marchandises  françaises,  la  France 
ayant  au  Maroc  le  tarif  de  la  nation  la  plus  favorisée  'S).  Une 
remarque  s'impose  en  ce  qui  concerne  l'exportation  du  blé  et 
de  l'orge.  Elle  a  été  rigoureusement  interdite  jusqu'en  1890, 
sous  prétexte  qu'elle  amènerait  la  disette  dans  le  pays  et 
élèverait  le  prix  du  pain  :  ce  qui  est  manifestement  faux, 
étant  donné  que  le-  Maroc  peut  produire  10  ou  20  fois 
plus  qu'il  ne  produit  <*>.  La  diplomatie  allemande,  par  la 
convention  dont  nous  venons  de  parler,  réussit  à  obtenir 
la  mainlevée  de  cette  prohibition,  mais  pour  trois  années 
seulement,  de  1890  à  1893.  En  1894,  l'exportation  du 
blé  et  de  l'orge  fut  de  nouveau  interdite.  Dans  le  courant 
de  1899,  le  gouvernement  marocain  autorisa  l'exportation 
du  blé,  en  se  réservant  la  faculté  de  l'interdire  pendant 
les  années  de  sécheresse.  Au  mois  de  septembre  1901, 
le  Sultan  notifia  aux  réprésentants  des  puissances  qu'il 
autorisait  le  cabotage  des  grains  dans  les  ports  marocains. 

En  l'absence  de  voies  de  communication  terrestres,  deux 
régions  du  pays  peuvent  se  trouver  en  même  temps  l'une  dans 
l'abondance  et  l'autre  dans  la  disette  :  le  cabotage  seul  permet 
d'écouler  le  trop-plein  de  céréales  d'une  de  ces  régions  dans 
celle  qui  en  manque.  En  dehors  du  cabotage,  l'exportation  des 
céréales  marocaines  commence  à  se  faire  sur  une  assez  grande 
échelle  à  la  frontière  algérienne  par  la  plage  du  Kiss  oia  une 
colonie  commerciale  française  a  été  créée  dans  ce  but.  En 
février  1902,  le  gouvernement  marocain  autorisa,  jusqu'à 
nouvel  ordre,,  l'exportation  de  l'orge.  Au  mois  de  mai  de  la 


(1)  Nous  verrons  plin  loin  qu'i  la  France  a  obtenu  la  réduction  à  5  °/« 
ad  valorem  des  droits  d'entrée  pour  certain?  produits. 

(2)  Rapport  de  M.  CoUin  de  Piancy,  ancien  chargé  d'affaires  de  France. 
Le  Commerce  fht  Maroc,  annexs  au  Moniteur  Officiel  du  Commerce 
du  '.'6  mars  1896.  n'  339. 

(3)  Tarif  reproduit  dans  le  rapport  précité,  ainsi  que  dana  l'ouvrage 
de  M  Wolfrom  Le  Maroc.  Etude  commerriale  et  agricole,  p.  39,  et 
dans  le  livre  de  M.  Mouliéras  Le  Maroc  inconnu,  2'  partie,  p  600. 

(4^  (j.  Wolfroa),  ouvrage  cité,  p.  3. 


328    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMInUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

même  année,  le  représentant  de  la  France  à  Tanger  a  fait 
connaitrequ'en  raison  des  apparences  favorables  sous  lesquelles 
se  présentait  la  récolte,  le  gouvernement  marocain  a  décidé  de 
réduire  de  3  pesetas  75  à  2  pesetas  50  par  fanègue  de  44  kilog. 
le  droit  de  sortie  sur  le  blé,  se  réservant  d'ailleurs,  au  bout 
d'une  année,  de  maintenir  ce  droit  ou  de  raugmpnter<''.  Le 
gouvernement  du  Sultan  parait  ainsi  disposé  à  mettre  en 
pratique  une  politique  commerciale  plus  libérale  que  par  le 
passé  :  il  y  a  tout  lieu  de  s'en  féliciter.  Signalons  encore  dans 
le  même  ordre  d'idées,  qu'aux  termes  d'une  communication 
officielle  en  date  du  25  août  lOL'l,  le  gouvernement  a  autorisé 
la  libre  exportation  des  pommes  de  terre,  courges,  tomates  et 
bananes,  moyennant  un  droit  dé  5  0/q  ad  valorem. 

L'exportation  des  animaux  domestiques  est  interdite  en  prin- 
cipe, la  sortie  des  bœufs  étant  autorisée  par  Tanger  seulement 
à  raison  de  12,000  têtes  par  an  et  par  pays  de  destination. 
Certaines  puissances  ont,  il  est  vrai,  -obtenu  des  adoucis- 
sements à  la  rigueur  de  cette  prohibition.  Le  gouvernement 
anglais  a  notamment  conclu  avec  le  gouvernement  marocain 
une  convention  autorisant  l'approvisionnement  à  Tanger,  en 
viande  sur  pied,  de  la  garnison  de  Gilbratar'-').  D'autre  part  il 
se  fait  une  exportation  assez  active  d'animaux  vivants  (bœufs, 
moutons,  chèvres)  par  la  frontière  algérienne. 


§  m.  —  TRANSPORTS  ET  COMiMUMCATIOXS 

Il  n'y  a  au  Maroc  ni  routes  ni  chemins;  les  pistes  suivies  par 
les  caravanes  sont  à  peine  tracées;  le  passage  des  rivières,  en 
l'absence  presque  complète  de  ponts,  esta  peu  près  impossible 
pendant  les  périodes  de  p'uies.  Pour  les  voyageurs,  les  imtlets 
constituent  le  moyen  de  transport  le  plus  pratique.  Le  transport 
des  marchandises,  en  dehors  de  celles  de  luxe,  s'effectue  par 
chameaux.  Le  vice-consul  britannique  à  Fez  évalue  le  prix  de 
ce  moyen  de  transport  à  0,86  d  (fr.  0,70  environ)  par  tonne  et 
par  mille  en  moyenne.  Le  transport  par  mule  coûte  à  peu  près 
le  double,  1  sh.  1,72  d.  (fr.  1,45  environ)  par  tonne  et  par  mille. 
Ces  prix  paraissent  extraordinairement  élevés  si  on  les  com- 


(I)  Moniteur  Officiel  du  Commerce  du  12  juin  1902. 
(2;  H.  M.  P.  de  la  Martlnière,  Notice  sur  le  Maroc  (E.xlrait  de  la 
Grande  Encyclopédie),  p.  54, 


LES  INTÉRKTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    32^1 

pare  aux  prix  des  transports  par  mer  entre  les  ports  européens 
et  les  ports  marocains.  Pour  les  cotonnades  et  les  bougies 
importées  d'Angleterre  à  Fez  le  prix  du  transport  terrestre 
représente,  par  tonne  et  par  mille,  16  fois  le  prix  du  transport 
maritime  pour  les  premières,  et  environ  8  fois  pour  les 
secondes. 

Le  contraste  est  encore  plus  saisissant  lorsqu'il  s'agit  de 
l'importation  ou  de  l'exportation  de  produits  ayant  à  elTectuor 
un  très  long  parcours  dans  l'intérieur  du  Maroc.  Au  prix  du 
transport  par  chameaux  ou  par  mules  (si  les  accidents  du 
terrain  ne  permettent  pas  le  transport  par  chameaux),  il  faut 
ajouter,  lorsque  le  chemin  traverse  le  territoire  de  tribus  ne 
reconnaissant  point  l'autorité  du  Sultan,  un  droit  très  élevé 
exigé  par  celles  ci  et  appelé  zetat.  D'autre  part  si  la  marchan- 
dise est  destinée  à  l'exportation,  le  gouvernement  marocain 
perçoit  un  droit  de  10  O/q  ad  valorem  sur  son  prix  d'achat 
augmenté  des  frais  de  transport  et  du  zetat.  Le  vice-cons  il 
britannique  à  Fez,  calcule  que  les  dattes  de  Tafilelt  paient, 
avant  d'être  embarquéesàTanger,14G  O/q  de  leur  prix  d'achat  O. 

Il  n'existe  point  de  lignes  télégraphiques,  et  jusqii'à  ces 
dernières  années,  il  n'y  avait  aucun  service  postal  régulier. 
M.  Gautsch,  commerçant  français  établit  le  premier  service 
postal  entre  Fez  et  Tanger.  En  1893,  il  réunit  ce  service  à 
r.\dministration  des  postes  françaises.  A  la  même  époque 
l'Angleterre  et  l'Espagne  créèrent  chacune  leur  service  postal; 
l'Allemagne  les  imita  en  1900.  Ces  quatre  services  mettent  en 
communication  Tanger  avec  les  villes  suivantes*-*: 

Service  français  :  Tétouan,  Ksar-el-Kbir,  Fez,  Meknès, 
Arzila,  Larache,  Salé,  Rabat,  Casablanca,  Mazagan,  Marrakech, 
Saffi,  Mogador. 

Service  anglais  :  Tétuan,  Fez,  Larache,  Rabat,  Casablanca, 
Mazagan,  Saffi,  Mogador. 

Service  allemand  :  Ksar-el-Kljir,  Fez,  Larache,  Rabat, 
Casablanca,  Mazagan,  Saffi,  Mogador. 

Service  espagnol  :  Tétouan,  Fez,  Meknès,  Arzila,  Salé, 
Marrakech. 

En  dehors  du  service  des  ports,  effectué  par  les  vapeurs 
allant  à  la  côte,  le  service  intérieur  se  fait  au  moyen  des 


(1)  Foreiçjn  Office,  Annual  Séries,  iv  26u3. 

(2)  A.  Cousin,  Tanger,  p.  73  et  suite. 


330    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMirH:ES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

courriers-piétons  (rekkas),  dont  les  meilleurs,  dans  les  condi- 
tions les  plus  favorables,  ne  peuvent  pas  parcourir  plus  de  80 
à  100  kilonièlres  par  jour,  étant  donné  l'absence  de  relais. 
Pour  les  courriers  spéciaux  voyageant  à  cette  allure  épuisante, 
le  prix  moyen  pour  un  voyage  si»i[jle  est  d'environ  fr.  0,20  par 
kilomètre,  et  pour  un  voyage  aller  et  retour  fr.  0, 12  par  kilo- 
mètre. Pour  les  articles  à  destination  du  Maroc  et  de  Gibraltar, 
le  public  paie  les  taxes  locales  européennes;  pour  l'étranger, 
les  tarifs  ordinaires  de  l'Union  Postale  Universelle O. 

La  lenteur  des  moyens  de  communication  est  un  des 
principauxobstacles  au  développementdu  commerce  intérieur; 
mais  il  importe  de  ne  pas  oublier  qu'au  Maroc  la  notion  du 
temps  n'existe  pas;  et  ce  n'est  pas  là  un  des  caractères  les 
moins  originaux  de  cet  étrange  pays  demeuré  immobile  au 
milieu  de  l'évolution  universelle,  et  où  la  vie  est  semblable  à 
ce  qu'elle  était  il  y  a  plusieurs  siècles. 


s?  IV.  —  LA  CONDITION  DES  ÉTRANGERS.  — 
L'ACQLISITION  DE  EA  PROPRIÉTÉ 

Les  étrangers  au  Maroc  sont  soumis  au  régime  des 
Capitulations  ;  ils  jouissent  du  privilège  de  V exterritorialité, 
c'est-à-dire  qu'ils  ne  relèvent  que  de  leurs  Cunsuls.  Aux  termes 
du  traité  du  28  mai  1867,  les  Français  sont  soumis  à  la 
juridiction  consulaire  au  point  de  vue  civil,  commercial  et 
criminel  (2).  La  France,  en  dehors  du  corps  diplomatique  et 
du  consulat  général  de  Tanger,  a  des  consuls  à  Casablanca  et 
à  Mogador,  des  vice  consuls  à  Fez  et  à  Larache,  des  agents 
consulaires  à  Tétouan,  Ksar-el-Kbir,  Rabat,  Mazagan  et 
Marrakech. 

La  propriété  immobilière  des  étrangers  est  réglée  par  les 
articles  11  et  12  de  la  convention  de  Madrid,  passée  le 
3  juillet  1880  entre  le  gouvernement  marocain  et  les  repré- 
sentants des  puissances.  Ces  articles  sont  ainsi  conçus  : 

«  Art.  11.  —  La  droit  de  propriété  au  Maroc  est  reconnu 
«  pour  tous  les  étrangers. 


([)  Foreif/n  Office.  A'^nual  Séries.  n°  2GU3. 

Ci)  Voir  E.    Roiiarl  do  lard.    Les    Traités  entre  la  France  et  le 
Maroc,  p.  115  à  12U. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUKS  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    331 

«  L'achat  de  propriété  devra  être  effectué  avec  le  consen- 
«  teinent  préalable  du  gouvernement,  et  les  titres  de  ces 
«  propriétés  seront  soumis  aux  formes  prescrites  par  les  lois 
«  du  pays. . . . 

«  Art.  12.  —  Les  étrangers  et  les  protégés,  propriétaires  ou 
((  locataires  de  terrains  cultivés,  ainsi  que  les  censaux  admis 
«  à  l'agriculture,  paieront  l  impôt  agricole.  Ils  remettront 
a  chaque  année,  à  leur  consul  la  note  e.xacte  de  ce  qu'ils 
"■«  possèdent,  en  acquittant  entre  ses  mains  le  montant  de 
«  l'impôt. . . . 

«  La  nature,  le  mode  et  la  quotité  de  cet  impôt,  seront 
«  l'objet  d'un  règlement  spécial  entre  les  représentants  des 
«  puissances  et  le  Ministre  des  Affaires  étrangères  de 
«  Sa  Majesté  Cliérifienne.  » 

Le  consentement  du  gouvernement  marocain,  condition  sine 
qua  non  de  l'acquisition  de  la  propriété  par  les  étrangers,  est 
très  difficilement  accordé.  Dans  les  environs  de  Tanger,  il  est 
vrai,  les  Européens  possèdent  un  grand  nombre  de  villas  ei 
de  jardins,  et  leurs  acquisitions  de  terrains  sont  de  plus  en 
plus  fréquentes.  Il  en  est  de  même  dans  les  autres  ports  ouverts, 
quoique  à  un  moindre  degré.  Cependant  les  étrangers,  tout  en 
effectuant  des  achats  de  terrains,  au.x  termes  de  l'art.  11  de  la 
convention  de  Madrid,  se  sont  abstenus  de  payer  l'impôt 
foncier  prévu  par  l'art.  12.  Le  Sultan  a  chargé  son  ministre  à 
Tanger,  d'entamer  des  pourparlers  avec  les  représentants  des 
puissances,  en  vue  de  la  mise  en  vigueur  de  cet  impôt  ;  mais 
ces  pourparlers  n'ont  pas  abouti,  les  représentants  des 
puissances  n'étant  disposés  a  y  adhérer  qu'à  la  condition  que 
le  gouvernement  du  Sultan  renonce  à  certaines  formalités 
relatives  à  l'examen  des  contrats  d'achat,  condition  que  ce 
dernier  a  formellement  rejetée.  D'un  autre  côté,  une  profonde 
opposition  se  manifeste  parmi  les  populations  musulmanes 
contre  l'introduction  de  cette  taxe  sur  les  étrangers,  car 
elles  craignent  qu'en  échange  le  Sultan  ne  reconnaisse 
définitivement  aux  étrangers  le  droit  de  propriété.  Le  gouver- 
nement marocain  a  donc  en  même  temps  à  tenir  compte  des 
réclamations  des  représentants  des  puissances,  qui  insistent 
sur  l'observation  rigoureuse  de  l'art.  1 1  de  la  convention  de 
Madrid,  et  de  l'hostilité  des  Marocains  qui  s'opposent  à  toute 
ingérance  étrangère. 


25 


332    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

§  V.  —  LE  CRÉDIT.  —  LES  IXTEKMÉDIAIRES 
COaiMEIiCIAUX 

Le  commerce  soulïre  de  l'absence  de  banques,  car  il  n'en 
existe  qu'à  Tanger  et  dans  les  autres  ports  ouverts.  D'un  autre 
côté  le  gouvernement  s'efforce  d'entraver  par  tous  les  moyens 
possibles  les  relations  commerciales  entre  les  européens  et  les 
indigènes.  Les  notaires  marocains  ne  sont  pas  autorisés  à 
certifier  l'acte  constituant  la  preuve  légale  d'une  dette,  dans 
les  transactions  entre  européens  et  indigènes.  11  est  presque 
impossible  d'obtenir  une  assistance  quelconque  de  la  part  des 
autorités  lorsqu'un  indigène  essaye  de  se  soustraire  au 
paiement  de  ses  dettes  envers  un  négociant  européen.  Dans 
ces  conditions,  les  plus  grandes  précautions  doivent  être  prises 
en  accortlant  du  crédit  aux  indigènes.  Cette  opinion  est  expri- 
mée dans  un  rapport  de  M.  Mac  Lean,  consul  britannique  à 
Dar-el-Baïda,  qui  donne  de  nombreux  exemples  à  l'appui  de 
sa  démonstration*".  M.  Doutté  se  montre- beaucoup  plus 
optimiste  en  ce  qui  concerne  le  crédit  au  Maroc.  «  On  a  fait  au 
«  Maroc,  dit-il  (2),  une  réputation  peu  méritée  :  il  passe  en  effet 
«  pour  un  des  pays  où  le  crédit  commercial  n'offre  aucune 
«  sécurité.  Or  l'expérience  démontre  que  si  l'on  ne  veut  faire 
(I  du  négoce  qu'avec  les  maisons  marocaines  bien  assises,  le 
«  crédit  est  très  sur.  Le  principal  importateur  français  de 
«  Tanger  nous  a  déclaré  que  depuis  trente  ans  qu'il  faisait 
«  du  commerce  au  Maroc,  ses  pertes,  par  suite  de  non- 
«  paiements,  n'avaient  jamais  dépassé  plus  de  0,25  "/.,.  Le 
«  crédit  au  Maroc  est  donc  non-seulement  supérieur,  comme 
«  sécurité  à  ce  qu'il  est  en  Algérie,  mais  aussi  sûr  que  dans 
«  n'importe  quel  pays.  Seulement  il  doit  être  assez  long  : 
«  l'usage,  jusqu'ici,  a  été  de  vendre  à  quatre  mois,  de  garder 
«  les  traites  en  portefeuille,  et  de  renouveler  le  crédit  à 
«  l'échéance,  en  cas  de  non-paiement.  C'est  qu'en  effet  le 
((  commerçant  musulman,  le  boutiquier  de  Fez  par  exemple, 
«  n'a  aucune  idée  de  ce  que  c'est  que  le  temps  et  recule 
«  volontiers  ses  échéances  ;  mais  il  finit  toujours  par  payer.  » 

Les  Européens  commerçant  au  Maroc  se  trouvent  dans 
l'obligation  de  se  servir  d'intermédiaires  connaissant   l'inté- 


(1)  Foreign.  Office-Annual  Séries,  W  ','323. 

(2)  B.  Uoutté    Une  mission  d'études  au  Maroc.  Rapport  sommaire 
d'ensemble.  Bulletin  du  Comité  de  l'Afrique  Française,  décembre  19U1. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    333 

,ieur  du  pays,  les  routes,  les  marchés,  les  langues  arabe  ou 
i)erbère  ;  ces  courtiers  indigènes  ou  censanx,  jouissent  de  la 
protection  de  la  nation  à  laquelle  appartient  le  commerçant 
qui  les  emploie.  En  ce  qui  concerne  la  France,  la  convention 
du  19  août  186; i  accorde  la  protection,  comme  censaux,  aux 
indigènes  «  employés  par  les  négociants  français  pour  leurs 
«  affaires  de  commerce.  »  Elle  est  limitée  à  deux  indigènes  par 
maison  de  commerce.  Ce  système  qui  a  été  maintenu  par  la 
convention  de  Madrid  du  3  juillet  1880  (art.  10)  est  considéré 
généralement  comme  trop  restrictif  et  de  nature  à  nuire  aux 
opérations  commerciales  de  nos  négociants.  0) 

Les  Juifs  sont  les  plus  employés  parmi  les  intermédiaires. 
M.  Mouliéras,  dans  son  récent  livre  sur  Fez,  donne  à  ce  sujet 
l'opinion  d'un  marocaniste  de  haute  valeur,  dont  voici  un 
extrait  :  <->  «  Au  Maroc,  plus  peul-ètre  qu'ailleurs,  les  Juifs 
«  sont  des  intermédiaires  indispensables  pour  le  conuiierce  ; 
«  c'est  par  eux  que  l'on  entre  en  relations  avec  l'intérieur,  et 
«  c'est  là  ce  qui  nous  explique  le  grand  nombre  de  a  censaux  » 
«  ou  «  protégés  »  juifs  employés  par  nos  commerçants.  Dans 
«  les  villes  comme  Casablanca,  où  les  commerçants  se  trouvent 
«  en  rapports  directs  avec  les  tribus,  à  cause  de  la  proximité 
«  de  celles-ci,  ils  se  servent  beaucoup  de  censaux  musulmans; 
«  mais  dans  des  ports,  comme  Mogador  par  exemple,  où  les 
«  affaires  se  traitent  avec  des  tribus  souvent  très  éloignées,  le 
«  courtier  Israélite  devient  absolument  indispensable  :  aussi 
«  tous  nos  protégés  de  Mogador  sont-ils  des  Juifs.  Ceux  des 
«  ports  sont  en  relations  suivies  avec  leurs  coreligionnaires 
«.  du  pays  qui  vivent  dans  les  tribus  où  ils  demeurent  dans  de 
«  petits  «  mellah  «  et  qui  connaissent  seuls  le  commerce  des 
«  tribus.  Le  commerce  du  Rif,  par  exemple,  se  fait  exclusive- 
ce  ment  par  l'intermédiaire  des  Juifs  rifains,  dont  la  condition, 
«  au  reste,  paraît  être  assez  misérable...  Nos  commerçants. 
«  n'ont  guère  eu  jusqu'ici  qu'à  se  louer  des  habitudes 
«  commerciales  des  Juifs.  » 


(1)  E.  Rouard  de  Card.    Les   Traités  entre  la  France  et  le  Maroc, 
pages  136  à  146, 

(2)  A..  Mouliéras.  Fe;  p  2'.;o. 


334  LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 


§  VI    —  LA  MONNAIE  ET  LE  CHANGE  (D 

Il  y  a  au  Maroc  deux  espèces  de  monnaies  ;  la  monnaie 
marocaine  ou  liassani,  et  la  monnaie  espagnole.  Le  système 
monétaire  marocain  est  d'une  complication  extraordinaire. 
Nous  renvoyons,  pour  sa  connaissance,  au  tableau  extrê- 
mement complet  qui  en  a  été  dressé,  avec  explicaiions  à 
l'appui,  par  M.  Mouliéras  dans  le  Maroc  Inconnu  i~\  L'unité 
monétaire  est  le  feh  v.  Is  (pluriel  :  fous  ,  ^  jla),  équivalant 
à  1/6  de  centime  :  il  s'emploie  de  1  à  5.  6  flous  valent  une 
motizouna  'i'ijjy  monnaie  fictive  équivalant  à  1  centime. 
Pour  indiquer  2  mouzouna  fou  12  flous),  on  se  sert  du  mot 
oudjhéin  .t-§^j  duel  du  mot  ouédjh,  synonyme  de  mouzouna. 
4  mouzouna  (24   flous),  forment  un  derhem   »_»;.3  (pluriel  : 

draheni    »!»tji)    ou  otiak  ^ i'^  (pluriel  :  aouak  ^ ?'_•')   ou 

oïik'iya  'Lsj  (pluriel  :  ouk'iijat  ^.Lèj).  40  mouzouna  forment 
un  methk'al  Ji-ii^»  (pluriel  :  mlhak'el  J-iLi/).  Toutes  ces 
monnaies,  sauf  les  flous,  sont  des  monnaies  fictives  :  ce  sont 
des  appellations  qui  se  prêtent  à  de  nombreuses  combinaisons. 

Il  existe  des  pièces  d'argent  de  0  fr.  25  (guerch  /J-t'), 
0  fr.  50,  1  fr.  25,  2  fr.  50  et  5  fr.  {rial  Jl; j  ou  douro  jjj:>). 
Ces  pièces  d'argent  qui  constituent  la  monnaie  h'assani,  ont 
été  frappées  en  Europe.  Le  sultan  Moulaye-Hassan  en  fit  d'abord 
frapper  à  Paris,  à  la  suite  d'un  contrat  passé  avec  un  syndicat 
de  banquiers  belges  et  français.  Pendant  ces  dernières  années, 
il  en  a  été  de  nouveau  commandé  pour  plusieurs  millions. 
Au  mois  de  mars  1902  notamment,  une  commande  de 
3  millions  de  douros  a  été  faite  à  la  monnaie  de  Paris. 

Mais  la  monnaie  courante  en  usage  dans  le  pays  est  la 
monnaie  espagnole,  surtout  la  pièce  de  5  pesetas,  le  douro. 
Il  n'existe  en  eflet  au  Maroc  que  30  à  40  millions  de  monnaie 
nationale,  quantité  insuffisante  pour  satisfaire  aux  nécessités 
du  trafic.  D'autre  part,  cette  monnaie  ne  circulant  que  dans  le 
pays,  le  commerce  marocain  a  dû  emprunter  au  pays  le  plus 
voisin,  l'Espagne,  la  grosse  partie  du  numéraire  dont  il  avait 


(1)  Pour  les  poids  et  mesures  en  usage  au  Maroc,  voir  F.   Bianconi, 
Carte  commerciale  du  Maroc,  p.  li  et  15. 

(2)  A.   Mouliéras.   Le  Maroc  inconnu,  2'  partie,  Exploration   des 
Djebala,  p.  695  et  saivanles. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    335 

besoin  (').  Cette  monnaie  espagnole  subissant  la  dépréciation 
du  change,  il  s'est  créé,  à  côté  du  change  espagnol,  un 
change  marocain  calqué  sur  le  précédent.  Le  change  marocain 
suit  les  cours  de  Madrid,  mais  varie  avec  ceux  de  cette  ville 
suivant  les  besoins  des  différentes  places. 

En  1891  l'argent  espagnol  était  au  pair.  Depuis  cette  époque 
la  prime  sur  l'or  supportée  par  la  monnaie  d'argent  espagnole 
s'est  élevée  graduellement  jusqu'à  25  O/q  en  1897,  et  augmenta 
encore  de  10  O/q  à  la  fm  de  celte  même  année.  En  1898, 
l'année  de  la  guerre  hispano-américaine,  le  change  s'éleva  par 
bonds  jusqu'à  109  O/q  au  mois  de  mai.  A  la  lin  de  1898.  par  suite 
de  la  cessation  des  hostilités,  il  tut  ramené  à  environ  300/0- 
En  1899,  le  change  tomba  de  32  1/2  O/q  en  janvier,  à  20  0/0 
en  avril  et  se  releva  jusqu'à  30  O/q  en  décembre.  En  1900,  les 
tluctuations  ont  été  moins  fortes,  variant  entre  29  et  32  O/q.  A 
la  lin  de  1900  le  change  atteignait  3.5  1/4  0/o<2>.  Il  était  en 
juillet  1901  à  39  0/0.  En  juillet  1902,  il  se  maintenait  aux 
environs  de  37  O/q.  Ce  change  élevé  pèse  lourdement  sur  le 
commerce  du  Maroc.  Il  favorise  jusqu'à  un  certain  point  les 
exportations,  mais  il  porte  un  coup  fatal  au  commerce  d'impor- 
tation, car  il  détermine  un  tel  renchérissement  des  produits, 
qu'il  les  rend  presque  inabordables  pour  des  consommateurs 
plutôt  pauvres.  Ce  sont  surtout  les  fluctuations  du  change  qui 
paralysent  le  commerce  d'importation  :  en  effet  les  importa- 
teurs locaux  n'osent  pas  donner  des  ordres  lorsqu'ils  ne  peuvent 
savoir  ce  qu'ils  auront  à  payer  en  numéraire  pour  le  papier 
qu'ils  devront  acheter  à  l'échéance;  quant  aux  indigènes,  ils 
ne  veulent  point  acheter  des  marchandises  pour  un  prix 
double  de  celui  qu'ils  sont  habitués  à  payer. 

Les  banquiers  et  gros  négociants  de  la  place  qui  jouent  le 
rôle  d'intermédiaires  entre  acheteurs  et  vendoLirs,  paient  en 
monnaie  a  h'assani  »  les  marchandises  achetées  au  Maroc  pour 
l'exportation,  et  exportent  la  monn  lie  espagnole,  expédiée  par 
caisses  à  Marseille,  le  grand  marché  de  ce  tralîc,  pour  satisfaire 
en  Europe  au  paiement  des  marchandises  importées.  A 
Marseille  cette  monnaie  est  revendue  au  cours  du  change  de 
Madrid,  convertie  en  francs  qui  servent  à  payer  les  marchan- 


(1)  A.  Mouliéras,  ouvrage  cité,  p.  650. 

(2)  (Jours  du  change  à  Tanger.  Foreign  Office.  Annual  Séries  n°'2296, 
2603  et  2723. 


336    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

dises  importées.  Cette  même  monnaie  rentre  ensuite  en 
Espagne,  recherchée  par  les  négociants  qui  ont  des  achats  à 
solder  dans  ce  pays.  Les  banquiers  au  Maroc  rachètent  de 
nouveau  en  Espagne  des  douros,  les  importent  au  Maroc  et  les 
revendent  avec  un  bénéfice  de  2  à  3  fr.  0/q  dont  ils  n'ont  à 
déduire  que  1  0/q  de  frais  d'aller  et  retour'^'. 

Le  remède  à  la  situation  déplorable  créée  par  l'emploi  de  la 
monnaie  espagnole  semble  consister  dans  la  possession  d'une 
monnaie  marocaine  en  quantité  suffisante  pour  satisfaire  aux 
besoins  du  pays. 


î^VII.  -  I.A  PROTECTION  DE  LA  PUOl'RIÉTÉ 
INDUSTRIELLE 

Grâce  aux  elïorts  du  gouvernement  français,  la  protection 
des  marques  de  fabrique  est  aujourd'hui  assurée  sur  les  mar- 
chés marocains.  L'arrangement  franco-marocain  de  1892 
reconnaissait  à  nos  agents  le  droit  de  faire'saisir  les  marchan- 
dises portant  de  fausses  marques  françaises;  mais  étant  donné 
le  privilège  d'interritorialité  dont  jouissent  les  Européens,  ce 
droit  ne  pouvait  s'exercer  qu'à  l'égard  des  sujets  du  Sultan  : 
la  protection"  était  insuffisante  et  on  put  voir  l'introduction  au 
Maroc  ue  grandes  quantités  de  sucres  étrangers  portant  des 
marques  françaises;  on  constata  aussi  l'imitation  des  marques 
de  tissus  dits  guinées  de  Pondichéry.  Pour  mettre  un  terme  à 
ces  fraudes,  le  gouvernement  français  a  provoqué  une  entente 
internationale  à  laquelle  l'Angleterre,  l'Allemagne  et  la  Belgique 
ont  adhéré  :  moyennant  le  dépôt  des  marques  françaises  dans 
ces  diOérents  pays,  leurs  consuls  sont  chargés  d'en  poursuivre 
les  contrefacteurs,  le  traitement  réciproque  étant  accordé  par 
l'autorité  française  aux  négociants  étrangers  (->. 


S  VIII.  -  LES  INDUSTRIES  INDIGÈNES 

Les  seules  ressources  de  la  population  des  campagnes  qui 
représentent  95  O/q  de  la  population  totale  consistent  dans 
l'agriculture  et  l'élevage  :  mais  ces  occupations  ne  sont  guère 


(\)  A  Mouliéra",  Le  Maroc  Inconnu,  -"  partie,  p.  6J!)  et  GGlJ.  Renseigne- 
ments  extiaiis  d'articles;  parus  dans  le  Réveil  du  Maroc,  des  31  mars  et 
14  avril  18118. 

(3)  Le  Commerce  du  Maroc.  Bapport  annexé  au  Moniteur  Officiel  du 
Maroc  du  20  mars  1896. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC  337 

rémunératrices  par  suite  de  la  cherté  des  moyens  de  transport 
terrestres  et  des  droits  d'exportation,  à  cause  aussi  de  l'insécu- 
rité et  des  exactions  administratives.  Dans  ces  conditions  le 
fellali  ne  s'enricliit  pas  et  ne  peut  acheter  qu'un  très  petit 
nomhre  d'objets  d'usage  personnel  dont  la  fabrication,  en 
dehors  des  trafics  ordinaires  communs  à  toutes  les  aggloméra- 
tions, constitue  la  seule  industrie  des  villes  Cette  industrie 
indigène,  il  est  vrai,  par  suite  de  l'état  d'isolement  dans  lequel 
le  Maroc  s'est  volontairement  maintenu,  s'est  mieux  conservée 
dans  ce  pays  que  dans  n'importe  quel  autre  état  musulman; 
bien  que  réduite  encore  aujourd'hui  aux  procédés  antiques  de 
fabrication,  elle  est  pourtant  toujours  ilorissante,  malgré 
les  elïorts  faits  depuis  quelques  années  dans  certains  pays 
d'Europe,  notamment  en  Allemagne,  pour  imiter  l'industrie  - 
marocaine  et  apporter  dans  le  pays  des  objets  manufacturés 
économiquement  et  mécaniquemento. 

L'ouvrier  marocain  continue,  comme  par  le  passé,  à  faire 
preuve  d'un  goût  original.  Les  principales  industries  sont  les 
suivantes  ;  lapis  de  Rabat  et  de  Marrakech  ;  tissus  de  soie  et 
broderies  de  Fez  ;  tisswi  de  laine  (couvertures,  haiks,  djellabas) 
de  Fez  ;  cuirs  de  Marrakech,  de  Fez  et  du  Tafilelt,  de  Télouan  ; 
méallurgie  du  Sous  ;  annes,  fusils  damasquinés  de  Fez,  de 
Tétouan  et  du  Sous  ;  i^otcries  et  l'ases  émaiUés  de  Fez  et  de 
Salfi  ;  bijouterie,  orfèvrerie,  mosaïques,  etc.  c^)  Ces  produits  de 
l'industrie  marocaine  sont  exportés  en  grandes  quantités  en 
Algérie,  en  Tunisie,  en  Tripolitaine,  en  Egypte,  au  Sénégal. 
Par  suite,  celte  industrie  a  luie  grande  importance  pour  nos 
possessions  africaines.  Signalons  ici  que  des  tentatives  sont 
faites  en  Algérie  en  vue  de  relever  certaines  industries  indi- 
gènes, notamment  celles  de  la  céramique  et  des  tapis.  (3)  a. 
Tlemcen,  cette  dernière  industrie  parait  appelée  à  prendre  un 
important  essor  :  dans  le  but  de  refouler  l'importation  maro- 
caine, on  a  institué  dans  cette  ville  deux  écoles  professionnelles 
oi!i  les  jeunes  filles  arabes  apprennent  à  faire  des  tapis.  (*' 

Au  Maroc,  la  population  des  villes  a  en  général,  et  dans  de 


(1)  H.  M.  P.  de  !a  Martiniére,  Notice  sur  le  Maroc  (Extrait  de  la 
Grande  Encyclo-pédie.  p.  54.  . 

(1)  Voir  R.  J.  Friscti.  Le  Maroc,  pages  226  à  229. 

Ci)  E.  DjuUé  Une  mission  d'études  au  Maroc.  Rapport  sommaire 
d'ensemble.  Bulletin  du  Comité  de  l'Afrique  Française,  décembre  1901. 

fi}  Article  de  M.  Pèae-Siefert.  Politique  Coloniale  du  13  février  1902. 


338    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

trop  grandes  proportions,  une  prédilection  marquée  pour  le 
petit  commerce  :  d'où  il  résulte  que  toutes  les  villes  sont 
encombrées  d'une  multitude  de  petites  boutiques  dont  les 
locataires  ne  sont  guère  autre  chose  que  des  revendeurs.  La 
concurrence  qu'ils  se  font  entre  eux  a  pour  conséquence  un 
abaissement  du  prix  des  marchandises  importées,  qui,  pour  la 
plupart,  peuvent  être  obtenues  à  crédit,  pour  des  sommes  qui 
ne  laissent  pratiquement  pas  de  bénéfice  appréciable  ni  pour 
les  vendeurs  en  gros,  ni  pour  les  détaillants,  (i- 


(1)  Rapport  du  vice-consul  britannique  à  Fez.  Foreigv-Office  Annnal 
Séries,  n«  2603. 


DEUXIEME  PARTIE 


^t^TISTIQUES  DU  COMMERCE 
&  DE  LA    NAVIGATION  DES  PORTS  MAROCAINS 

Le  commerce  du  Maroc  avec  les  pays  étrangers  s'elïectiie 
surtout  par  huit  jjorts  ouverts  :  Tanger,  Titouan,  Laraclie, 
Rabat,  Casablanca,  Mazagan,  Saffi  et  Mogadov.  Pour  avoir 
le  commerce  total  du  pays,  il  convient  d'ajouter  à  ce  commerce 
maritime  les  transactions  qui  s'etTectuent  par  l'intermédiaire 
des  présidios  espagnols,  notamment  de  la  place  de  Melilla,  le 
trafic,  de  plus  en  plus  important,  qui  passe  par  la  frontière 
algéro -marocaine,  et  enfin  le  commerce  de  caravanes  avec  le 
Sahara  et  le  Soudan.  Quant  au  commerce  de  contrebande,  il 
est  assez  considérable. 

Tandis  que  sous  l'influence  du  régime  français,  le  commerce 
de  l'Algérie  s'est  développé  jusqu'à  atteindre  plus  de  600  mil- 
lions par  an,  tandis  que  le  commerce  de  la  Tunisie  a  presque 
décuplé  depuis  1881,  le  commerce  extérieur  du  Maroc,  pour 
les  raisons  exposées  plus  haut,  est  encore  bien  faible.  Le  com- 
merce maritime  (le  seul  dont  nous  nous  occuperons  pour  le 
moment),  qui  s'élevait  en  1892,  importations  et  exportations 
réunies  à  fr.  77,018,000,  accuse  une  décroissance  marquée 
jusqu'en  1897,  et  en  1898,  il  atteignit,  d'après  les  chiffres 
nidiqués  par  M.  Auspach,  ancien  ministre  plénipotentiaire  de 
Belgique,  fr.  59,000,000,  en  augmentation  de  fr.  5,000,000, 
seulement  sur  celui  de  18970.  Mais  les  résultats  de  1899, 
d'après  les  rapports  consulaires  anglais,  se  chiffrent  par 
fr.  68,484,087,  soit  une  nôtableaugmentationsur  ceux  de  1898; 
et  ce  mouvement  de  relèvement  s'est  accentué  encore  davan- 
tage l'année  suivante  :  le  commerce  des  ports  marocains' 
en  1900  s'élève  en  effet,  d'après  les  rapports  consulaires,  à 
fr.  85,816,055,  chiffre  sensiblement  supérieur  à  celui  de  1892. 
D'autre  part  en  1900,  pour  la  première  fois,  les  exportations 
dépassent  les  importations.  Le  commerce  marocain,  parait 
donc  entré  dans  une  période  de  prospérité  et  de  relèvement, 
laquelle,  selon  toute  probabilité,  sera  durable.  Si  la  situation 


(1)  Artic'e  de  M.  Daniel  Bellet,  dans  le  Moniteur  i!es  Intérêt?  MatérieU 
du  25  août  1901. 


340    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 


déplorable  résultant  du  maintien  du  statu  quo  permet  déjà 
d'obtenir  des  résultats  de  cette  nature,  il  semble  que  l'on  paisse 
fonder  les  espérances  les  plus  optimistes  sur  l'éventualité  de 
l'ouverture  définitive  du  pays  à  l'expansion  et  à  l'ijiiîiative 
européennes. 

Voici  le  tableau  des  importations  et  exportations  des  ports 
ouverts  pendant  les  années  1898, 189!)  et  1900,  comparées  avec 
celle  de  1892,  avec  la  répartition  par  pays  de  provenance  et 
de  destination.  En  ce  qui  concerne  les  années  de  1899  et  1900, 
les  chiffres  fournis  pour  les  différents  ports  par  les  rapports 
consulaires  anglais,  complétés  sur  certains  points  par  les 
rapports  français  et  allemands,  nous  ont  permis  de  faire  la 
totalisation  du  commerce  des  ports.  Nous  ne  présentons  point 
ces  résultats  comme  étant  d'uneexactitude  absolue,  étant  donné 
surtout  que  la  plupart  du  temps  les  chiffres  indiqué.s  par  les 
consuls  de  différentes  nationalités,  ne  concordent  pas  entre  eux. 

Commerce  total  des  ports  marocains  (sans' les  métaux  précieux 


Impnrtntions. 
E-xportations. 


39 ^  OIH).O(II)'  G8  Wi.OST  85 .  816.0,"):!' 


Commerce  des  ports  marocains  avec  les  principales  puissances 

IMPORTATIONS  (irancs) 


Iles  Britanniques  (avec  Malte  et  Gibraltar) 

Fraiice  (.Algérie  et  culoiiiesl 

Allemagne 


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Espagne . 

Italie 

Autriche-Hongrie. 

Suède  

Hollande 

Horlugal 

Etals  IJnis  

Divers 


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3o3.800 
50.500 


.763.452121  8!»:i  !)« 
586  796:10.439.703 
:i.76S.,S2i 


E.XPORTATIONS  (fraiics) 


Iles  Britanniques  (avec  Gibraltar  et  Malle). 

Espagne  (et  eoloiiics) 

Krsnce  (Algérie  et  colonies) 

Allemagne 

Elats-Unis.l 

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LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    341 


NAVIGATION  DES  PORTS  MAROCAINS 

Voici    le    tableau    de    la    part    prise    par    les    différentes 


puissances  dans  la  navigation  des 

ports 

marocains 

en  1900: 

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342    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

Les  lignes  de  navigation  régulières  entre  les  ports  européens 
et  les  ports  marocains  sont  les  suivantes  : 

ANGLETERRE 

Forwood  Brothers  et  Cu.  [Mcrseij  Steamship  Co.),  service 
hebdomadaire  de  Londres  pour  Gibraltar,  Tanger,  Larache, 
Rabat,  Casablanca,  Mazagan,  Mogador  et  les  Iles  Canaries. 

Papaijanni  StcamsJnp  Co.,  service  bi-mensuel  de  Livei'pool 
pour  Tanger,  Alger,  Malte,  Alexandrie. 

Ai.  H.  Bland  cl  Co.,  entre  Gibraltar  et  Tanger,  trois  fois  par 
semaine  dans  les  deux  sens. 

Th.  Haynes,  services  réguliers  entre  Gibraltar,  Tanger  et  les 
autres  ports  marocains. 

ALLEMAGNE 

Woermann-Linie,  service  mensuel  de  Hambourg  pour 
Tanger,  Larache,  Rabat,  Casablanca,  Mazagan,  Saffi,  Mogador, 
les  lies  Canaries  et  la  côte  occidentale  d'AtViqije. 

Oldenburg-Portugiesisc]te  Dainpfschiff's  Rhederei,  service 
mensuel  de  Hambourg  pour  Anvers,  Porto,  Lisbonne, 
Gibraltar,  Tanger,  Larache,  Rabat,  Casablanca,  Mazagan,  Saffi 
et  Mogador. 

Slornan-Linie,  service  mensuel  de  Hambourg  aux  ports 
espagnols  et  italiens,  avec  escales  à  Tanger. 

Levante- Linie,  service  mensuel  de  Hambourg  à  la  Méditer- 
ranée orientale,  avec  escales  à  Tanger. 


Compagnie  de  Navigation  marocaine  et  arménienne 
(M.  Paquet  et  C'=),  service  bi-mensuel  de  Marseille  pour 
Gibraltar,  Tanger,  Larache,  Rabat,  Casablanca,  Mazagan,  Saffi, 
Mogador  et  les  Iles  Canaries. 

Compagnie  de  Navigation  Mixte  {C"^  Touache),  service 
hebdomadaire  de  Marseille  pour  Oran,  Nemours,  Melilla, 
Tétouan,  Gibraltar  et  Tanger. 

Société  Navale  de  l'Ouest,  service  mensuel  d'Anvers  et  du 
Havre,  pour  Porto,  Lisbonne,  Tanger,  Casablanca,  Mazagan  et 
Mogador. 

Compagnie  des  Vapeurs  de  Charge  français,  de  Marseille  à 
Dunkerque  avec  escales  à  Tanger. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    343 


Compana  Transatlanlica  Espailola  :  1°  service  de  Cadiz  à 
Gibraltar  avec  6  escales  par  semaine  à  Tanger  ;  2°  service 
mensuel  de  Barcelone  et  Cadiz  à  Casablanca  et  Mazagan. 

CM  Millun,  service  de  Séville  à  Casablanca  et  Mazagan. 

M.  Carasco,  service  mensuel  de  Cadiz  aux  ports  marocains. 

AUTRICHE-HONGRIE 

C'"  Adria,  service  mensuel  de  Fiume  et  Trieste  pour  Alger, 
Tanger,  Casablanca,  Mazagan,  Mogador  et  l'Amérique  du  Sud. 

Loyd  Autrichien,  dont  les  bateau.^  alternent  à  Tanger  avec 
ceux  de  VAdria.  , 

ITALIE 

C'"  Ligure  Braziliana,  service  mensuel  pour  Marseille, 
Barcelone,  Tanger,  Lisbonne,  Madère  et  l'Améi-ique  du  Sud. 

PAYS-BAS 

Ci»  Royale  Néerlandaise,  service  mensuel  de  Rotterdam, 
Amsterdam  et  Anvers  pour  les  Indes,  avec  escales  à  Tanger. 

Si  la  France  occupe  le  second  rang  parmi  les  nations 
commerçant  avec  les  ports  marocains,  il  n'en  est  pas  de  irême 
de  la  navigation.  L'Allemagne,  sur  ce  point,  dispute  le  premier 
rang  à  l'Angleterre,  et  la  France  ne  vient  qu'en  troisième 
rang  O.  Il  importe  toutefois  de  faire  remarquer  que  les  chiffres 
indiqués  dans  le  tableau  précédent  comme  représentant  le 
mouvement  des  navires  français  dans  les  ports  marocains  en 
1900,  ne  portent  que  sur  les  navires  de  la  Compagnie  Paquet 
et  de  la  Compagnie  Touache,  les  seules  compagnies  françaises 
qui  desservaient  alors  les  côtes  marocaines  :  la  création  de 
nouveaux  services  par  d'autres  coinpag'nies  se  traduira 
forcément,  dans  les  prochaines  statistiques,  par  une  augmenta- 
tion des  navires  et  du  tonnage  français. 


(1)  En  réalité,  le  tonnage  des  navires  tranchais,  d'après  le  tablfau  qui 
précède,  est  même  iiifi-rieur  à  celui  des  navires  espagnols  :  mais  celte 
circonstance  est  due  uniquement  au  tait  que  les  navires  de  la  Compagnie 
Transatlantique  espagnole  effectuant  un  service  postal,  touchent  presque 
tous  les  jours  à  Tanger.  Pour  l'enseratile  dps  autres  poris,  la  navigaiiOQ 
française  l'emporte  de  bsaucoup  sur  la  navigation  espagnole 


TROISIEME  PARTIE 


LA     SITUATION     COMMERCIALE 
DES   PUISSANCES   AU    MAROC 


Les  importations  au  Maroc  portent  principalement  sur  les 
produits  suivants*»  : 

Colonnades  :  colons  filés  et  brut  d'Angleterre;  articles  de 
coton,  mousseline  d'Angleterre  et  de  Suisse; 

Draps  et  lainages  venant  surtout  d'Allemagne  et  aussi  d 
France  ; 

Soieries,  principalement  de  provenance  française; 

Sucres,  pour  la  plus  grande  partie  de  provenance  françaite 
la  Belgique  en  fournissant  une  cet  taine  quantité  ; 

The,  fourni  surtout  par  l'Angleterre,  une 'certaine  qiiantiîr 
provenant  d'Allemagne; 

Café,  de  Fiance,  d'Angleterre  et  du  Brésil; 

Bougies,  fournies  surtout  par  l'Angleterre  ; 

Matériaux  de  contruclion  : 

Fers  ; 

Quincaillerie  ; 

Verrerie  ; 

Pétrole; 

Papier,  etc. 

Les  exportations  du  Maroc  portent  surtout  sur  \%%  marchan- 
dises suivantes  : 

Laines,  pour  la  France,  l'Allemagne  et  l'Angleterre; 

Peaux  de  chèvres,  pour  la  France  et  les  Etats-Unis; 

Peaux  de  veaux,  pour  l'Italie; 

Animaux  vivants  :  moutons  pour  l'Algérie  et  la  France, 
bœufs  pour  Gibraltar,  l'Algérie,  la  France  et  l'Espagne; 

Cuirs,  pour  l'Angleterre,  la  France,  l'Espagne  et  l'Allemagne; 

Céréales,  pour  l'Algérie  ; 

Mais,  pour  l'Espagne  et  le  Portugal  ; 


(1)  Pour  de  plus  amples  détails  relalivemsnt  aux  marchandises  impor- 
tées et  exportées,  à  leurs  prix,  aux  droits  d'entrée  et  de  sortie,  nous 
renvoyons  à  l'ouvrage  de  M.  Wolfrora,  Le  Maroc.  Etude  Commerciale 
et  Agricole,  p.  lUà24, 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    345 

Fèves,  pour  l'Espagne,  le  Portugal  et  l'Angleterre; 

Pois  chiches,  pour  l'Espagne  et  la  France; 

Amandes,  pour  l'Allemagne,  l'Angleterre  et  la  France; 

Dulta^,  pour  l'Angleterre  et  l'Espagne  ; 

Huiles  ; 

Gommes  ; 

Cire; 

Œufs,  etc. 

Signalons  en  outre  l'exportation  des  produits  de  l'industrie 
marocaine  vers  l'Algérie,  la  Tunisie,  la  Tripolitaine,  l'Egypte 
et  le  Sénégal. 


§  I.  —  L'ANGLETERRE 

L'Angleterre,  qui  vient  au  premier  rang  des  pays  importa- 
teurs, possède  toujours'  la  prépondérance  sur  les  marchés 
marocains;  mais  tandis  que  les  importations  de  marchandises 
anglaises  au  Maroc  sont  restées  proportionnellement  les  mêmes 
ayant  suivi  les  tluctuations  du  commerce  total,  les  exportations 
de  produits  marocains  en  Angleteri'e  :  laines,  cuirs,  amandes, 
dattes,  etc.;  bœufs  pour  Gibraltar,  malgré  le  relèvement  que 
l'on  constate  pour  les  années  1899  et  1900,  ont  subi  une  dimi- 
nution proportionnelle  des  plus  sensibles,  et  Londres  qui  était 
autrefois  le  seul  grand  marché  des  produits  marocains  est 
aujourd'hui  sérieusement  concurrencé  par  Marseille  etsurtout 
par  Hambourg.  Le  commerce  anglais  qui  représentait  en  1892 
55,15  0/0  du  commerce  des  ports  marocains,  ne  représente 
plus  en  1900  que  40,44  O/q. 

En  ce  qui  concerne  les  marchandises  importées  au  Maroc, 
l'Angleterre  fournit  la  presque  totalité  des  cotonnades,  qui 
constituent  le  plus  important  des  articles  d'importation  ;  les 
rapports  consulaires  établissent  qu'elle  ne  peut  être  C(jncur- 
rencée  sur  cet  article.  Elle  a  eu  en  outre  jusqu'à. présent  le 
monopole  de  la  fourniture  du  thé,  la  boisson  nationale  du 
Maroc,  bien  que  l'Allemagne  commence  à  lui  faire  concur- 
rence. Les  expéditions  de  draps  anglais  sont  affectées  par  la 
concurrence  allemande  ;  mais  pour  les  bougies  (fournies 
autrefois  par  la  France),  les  efforts  de  la  Belgique  n'ont  pu 
aboutir  à  déplacer  le  monopole  de  l'Angleterre.  Si  les  com- 
merçants de  la  Cité  et  les  industriels  de  Manchester  parviennent 
à  maintenir  leurs  positions  malgré  la  concurrence  acharnée 
qui  leur  est  faite  par  l'Allemagne  et  la  Belgique,  c'est  grâce  à 


346    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

leur  souci  de  se  plier  aux  exigences  du  marché  et  d'accorder 
des  facilités  de  paiement  en  rapport  avec  les  usages  du  pays. 

H  est  à  remarquer  toutefois  que  les  statistiques  attribuent  à 
l'Angleterre  une  grande  quantité  de  marchandises  d'autre 
provenance,  lesquelles  ne  font  qu'emprunter  le  pavillon 
britannique,  notamment  les  marchandises  américaines.  Enfin 
les  chiffres  indiqués  pour  le  commerce  anglais  comprennent 
le  commerce,  surtout  d'exportation,  du  Maroc  avec  les  posses- 
sions anglaises  de  la  Méditerranée,  principalement  avec 
Gibraltar.  Malgré  ces  réserves,  grâce  aux  impoi  talions  qui  sont 
la  véritable  manifestation  de  l'influence  commerciale  des 
nations  européennes  au  Maroc,  l'Angleterre  occupe  toujours 
un  rang  privilégié  parmi,  les  nations  commerçant  avec 
ce  pays.  Notons  que  le  commerce  anglais  et  le  commerce 
français  ne  se  font  point  concurrence,  car  ils  ne  portent  point 
sur  les  mêmes  articles:  l'Angleterre  est  la  grande  importatrice 
de  cotonnades,  de  thé,  de  bougies,  etc.  ;  la  France  est  lagr-ande 
importatrice  de  sucre,  de  soieries,  etc.;  d'autre  part  les  articles 
exportés  dans  ces  deux  pays  sont  différents. 

Les  relations  commerciales  entre  l'Angleterre  et  le  Maroc 
sont  régies  par  le  traité  de  i856,  signé  entre  le  Sultan  et 
l'Ambassadeur  britannique  Sir  John  Deummond  Hay,  la 
première  convention  qui  ait  un  caractère  commercial  bien 
défmi.  L'Ambassadeur  obtint  la  fixation  des  droits  de  sortie, 
et  l'exportation  d'un  grand  nombre  de  produits  du  soi,  tels  que 
le  mais,  les  fèves,  etc.,*  à  l'exception  toutelois  du  blé  et  de 
l'orge!^).  Au  Maroc  comme  partout  ailleurs,  l'Angleterre  cher- 
che à  faire  triompher  le  principe  de  la  porte  ouverte,  et  à 
obtenir  du  gouvernement  chérifien  des  diminutions  de  droits 
et  des  facilités  pour  le  commerce.  Elle  met  à  profit  pour  le 
triomphe  de  cette  politique  commerciale  l'influence  consi- 
dérable dont  elle  jouit  à  la  Cour  du  Sultan.  On  examine  en  ce 
moment  à  Londres  au  Ministère  des  Affaires  Étrangères  un 
projet  relatif  à  la  conclusion  d'un  nouveau  traité  de  commerce 
entre  la  Grande-Bretagne  et  le  Maroc;  les  négociations  préli- 
minaires seraient  presque  terminées.  Ce  traité  donnerait  de 
grandes  facilités  pour  le  développement  du  commerce  britan- 
nique avec  les  tribus  des  montagnes  de  l'Atlas  et  du  Rif. 


(  1;  (j.  Woli'rom.  Le  Maroc-  Etude  Commerciale  et  Agricole,  p.  3î 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    347 


§  II.  -  LA.  FRANCE  ET  L'ALGERIE 

Le  commerce  français  occupe  toujours  au  Maroc  une  place 
considérable.  Si  dans  la  période  comprise  entre  1892  et  1898 
il  a  été  très  affecté  par  la  dépression  des  affaires  et  par  la  con- 
currence étrangère,  les  chill'res  de  1899  et  de  1900  accusent  un 
relèvement  sensible,  tant  aux  importations  qu'aux  exportations. 
En  ce  qui  concerne  les  importations,  ce  relèvement  doit  être 
attribué  presque  exclusivement  aux  progrès  réalisés  sur  les 
marchés  marocains  par  le  principal  article  d'exportation  fran- 
çaise, le  sucre  :  tandis  qu'il  y  a  plusieurs  années  on  avait  pu 
craindre  que  le  sucre  français  ne  succombât  devant  la 
concurrence  belge,  les  etYorts  des  fabricants  français  ont 
réussi  à  triompher  de  celle-ci  sur  presque  toutes  les  places. 
Le  sucre  français,  intrpduit  par  les  raffineries  de  la  Méditer- 
ranée, de  Saint-Louis  et  de  CJiatenay  représente  plus  de  la 
moitié  de  nos  importations;  ensuite  viennent  la  soie  grège, 
les  tissus  de  soie  et  de  cotons,  les  lainages.  On  ci'oit  que  les 
Allemands,  qui  nous  ont  enlevé  une  partie  du  marché  des  draps 
et  des  lainages  se  préparent  à  faire  une  concurrence  redoutable 
aux  soieries  françaises;  une  grande  partie  des  cotonnades 
importée  de  France  au  Maroc  sont  de  fabrication  suisse  ;  enfin 
l'Angleterre  et  la  Belgique  ont  enlevé  à  la  France  le  marché 
des  bougies. 

«  Il  est  certain,  dit  M.  Victor  Collini'),  que  c'est  la  l'rance 
«  qui  est  en  meilleure  posture  pour  commercer  activement 
«  avec  le  Maroc.  Elle  n'est  pas  sujette  aux  crises  qui  annihilent 
«  l'influence  économique  extérieure  de  l'Espagne,  et  ses  ports 
'c  ne  sont  pas  aussi  éloignés  de  Tanger  que  ce'ix  de  l'Angleterre 
«  de  la  Belgique  et  de  l'.AUemagne.  Mais  il  semble  que  l'accès 
«  trop  facile  du  marché  algérien  détourne  l'attention  de  l'in- 
«  dustrie  française  de  ce  débouché  si  favorable.  Les  occasions 
c(  de  Marseille  pour  Tanger  sont  assez  irrégulières.  C'est  la  voie 
«  qu'empruntent  cependant  toutes  les  marchandises  fran- 
((  çaises,  car  les  navires  de  Dunkerque,  du  Havre  et  de 
«  Bordeaux  qui  se  rendent  dans  la  Méditerranée  passent 
«  devant  Tanger  sans  s'y  arrêter.  Or,  en  arrivant  à  Marseille, 
«  ces  marchandises  qui  viennent  en  grande  partie  du  Nord, 
«  sont  déjà  grevées  de  frais  de  transport  considérables,  ce  qui 


(1;  V.  Collin,  Le  Maroc  et  les  Intérêts  Belges,  p.  97. 

26 


348    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA.  FRANCE  AU  MAROC 

«  ne  leur  permet  pas  de  soutenir  facilement  la  concurrence 
«  des  articles  étrangers  arrivés  directement  par  bateaux  de 
«  leur  pays  d'origine  ». 

Hâtons-nous  d'ajouter  que  cette  cause  d'infériorité  est  main- 
tenant supprimée  en  partie,  car,  comme  nous  l'avons  vu  plus 
haut,  des  services  de  navigation  viennent  d'être  créés  entre  les 
ports  du  Nord  de  la  France  et  les  ports  marocains. 

Nos  conclusions,  en  ce  qui  concerne  le  commerce  français 
au  Maroc,  sont  loin  d'être  aussi  pessimistes  que  celles  de 
M.  Victor  Collin,  qui  se  base,  il  est  vrai,  sur  les  résultats  de  la 
période  quinquennale  de  1892  à  1896  qui  accusaient,  en  pré- 
sence d'une  dépression  générale  des  affaires,  une  diminution 
considérable  du  commerce  français  en  particulier,  surtout  des 
importations.  Le  relèvement  de  ce  commerce  dans  les  dernières 
années,  montre  qu'il  ne  peut  être  question  de  «  décadence 
commerciale  »  de  la  France,  car  notre  pays  a  reconquis  la 
place  qu'il  s'emblait  menacé  de  perdre.  Mais  cette  constatation 
une  fois  faite,  nous  sommes  obligés  d'avouer  que  la  partie 
active  de  notre  commerce,  c'est-à-dire  nos  importations, 
n'occupent  point  au  Maroc  la  place  qui  convient  à  une 
puissance  revendiquant  dans  ce  pays  une  situation  politique 
prépondérante.  Examinons  les  raisons  pour  lesquelles  le 
commerce  français  lutte  difficilement  contre  la  concurrence 
étrangère.  Ces  raisons  ont  été  très  bien  mises  en  relief  par 
M.  Collin  de  Plancy,  ancien  chargé  d'affaires  de  France  à 
Tanger,  dans  une  brochure  intitulée.-  Le  Commerce  du  Maroc  ;(" 
ce  remarquable  exposé,  bien  que  datant  de  six  ans  déjà,  n'a 
rien  perdu  de  son  caractère  d'actualité. 

«  1"  On  peut  d'abord  reprocher  à  nos  nationaux  de  se  mon- 
«  trer  moins  actifs  et  moins  entreprenants  que  beaucoup 
«  d'autres.  Ils  se  bornent  généralement  à  essayer  de  garder 
«  les  affaires  qui  leur  appartiennent  depuis  longtemps,  et  ne 
«  font  aucune  tentative  pour  en  accaparer  d'autres,  ou  pour 
«  regagner  celles  qu'ils  ont  perdues.  Les  étrangers,  au 
«  contraire,  étudient  nos  produits,  cherchent  à  les  imiter,  à 
«  en  introduire  de  similaires  à  meilleur  marché.  Pendant  que 
«  les  Allemands  et  les  Belges  entreprenaient  contre  nos  sucres 
«  une  campagne  souvent  fructueuse,  que  les  Anglais  nous 
a  dépossédaient  des  bougies,  les  Français  n'ont  jamais  essayé. 


(1)  Annexe  au  Moniteur  Officiel  du  Commerce  du  36  mars  1S96. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA.  FRANCE  AU  MAROC    349 

«  par  exemple,  de  combattre  ces  derniers  sur  le  marché  des 
«  cotonnades,  pour  citer  un  des  plus  importants.  Les  vins  du 
«  midi  de  la  France  ne  sont  pas  entrés  en  lutte  avec  ceux  de. 
«  l'Espagne  ;  et  de  même  pour  bien  d'autres  articles.  Il  s'ensuit 
«  que  nous  avons  peine  à  défendre  ce  que  nous  tenons  contre 
«  nos  rivaux  et  que  nous  ne  leur  enlevons  rien.  En  outre,  les 
«  étrangers,  les  Allemands  en  particulier,  hésitent  moins 
«  que  les  Français  à  créer  des  établissements  nouveaux,  à 
«  faire  parcourir  le  pays  par  leurs  représentants  ;  ils  s'aident 
«  plus  eux-mêmes  pour  trouver  des  débouchés  et  y  réussissent 
«  souvent  mieux,  n  Les  maisons  françaises  n'envoient  pas 
assez  de  voyageurs  de  commerce  pour  otTrir  la  marchandise  ; 
M.  Doutté  (1)  se  déclare  partisan  de  l'augmentation  du  nombre 
des  commerçants  français  au  Maroc  :  c'est  à  eux  qu'incombe 
la  tâche  d'éclairer  le  gros  commerce  métropolitam,  car  il 
convient  de  stimule'r  l'initiative  des  maisons  françaises. 

«  2"  Les  négociants  étrangers  montrent  plus  de  souplesse 
«  que  les  nôtres  pour  satisfaire  les  goi'Us  ou  les  fantaisies  des 
a  indigènes,  et  répugnent  moins,  pour  y  parvenir,  à  changer 
«  les  habitudes  de  leurs  maisons.  Les  Marocains  demandent 
a  à  tout  instant  des  tissus  un  peu  plus  larges  ou  un  peu  plus 
«  étroits,  des  bougies  plus  grosses  ou  plus  minces,  plus 
«  longues  ou  plus  courtes,  autrement  empaquetées  que  les 
«  articles  livrés  précédemment  ;  certains  négociants  acceptent 
a  toujours  ces  exigences  sans  observations;  les  nôtres,  confiants 
a  dans  la  supériorité  de  leur  fabrication,  dédaignent  souvent 
«  de  les  accueillir  :  leurs  concurrents  s'emparent  de  la 
«  clientèle.  On  se  plaint  aussi  quelquefois  de  l'insuffisance  de 
«  nos  emballages  pour  le  débarquement  des  marchandises 
«  dans  des  carcasses  généralement  très  mal  entretenues;  ce 
«  déta'l  a  une  grande  importance,  car  les  avaries  sont 
«  fréquentes.  » 

1.  30  Pour  le  prix  comme  pour  la  forme  de  ses  marchandises, 
«  le  fabricant  français  refuse  de  faire  des  concessions,  parce 
((  qu'il  fournit  toujours  de  bonnes  qualités.  Ces  qualités  sont 
«  appréciées  aussi  bien  au  Maroc  qu'ailleurs,  et  leur  supé- 
«  riorité  est  reconnue.  Mais  le  Marocaiu  tient  à  acheter  à  bon 
«  marché,  elles  considérations  de  prix  passent  pour  lui  avant 


CD  E.   Doutté.   Vne  mission  d'études  au  Maroc.  Rapport  sommaire 
d'ensemble.  Bulletin  du  Comité  de  l'Afrique  Française,  décembre  1901. 


350    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIOUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

«  toutes  les  autres.  »  11  ne  tient  pas  compte  de  la  qualité  et  se 
fie  uniquement  aux  apparences.  La  «  camelote  »  que  demande 
le  client  et  que  les  maisons  françaises  se  refusent  à  fabriquer, 
est  évidemment  contraire  aux  traditions  de  goût  et  de  perfec- 
tion de  notre  industrie  ;  mais  il  ne  s'agit  pas  toujours  de 
satisfaire  une  clientèle  de  luxe,  et  nous  ne  pouvons  nous 
résigner  à  perdre  celle  des  populations  de  civilisation  peu 
avancée.  L'abaissement  des  prix  a  fait  passer  à  l'Angleterre 
l'important  marché  des  bougies  qui  nous  appartenait  autre- 
fois :  les  industriels  français  se  sont  en  effet  refusés  à  fabriquer 
des  bougies  à  la  paraffine,  d'une  qualité  très  inférieure,  mais 
moins  chères  que  les  bougies  à  la  stéarine.  La  question  des 
prix  nous  a  également  uni  sur  le  marché  des  lainages.  Au 
contraire,  la  France  a  conservé  le  marché  des  sucres,  parceque 
les  raffineries  de  Marseille  ont  réussi  à  résoudre  ce  difficile 
problème,  faire  des  produits  de  bonne  qualité  et  à  bon  marché. 

«  4"  Enfin  les  délais  de  paiement  jouent  dans  les  affaires 
«  traitées  avec  les  indigènes  un  rôle  des  plus  importants  ;  et 
«  nos  concurrents  ne  semblent  pas  avoir  eu  à  souffrir  de 
«  s'être  montrés  là-dessus  plus  hasardeux  que  nous.  Les 
«  maisons  allemandes  en  particulier  sont  moins  timides  que 
8  les  nôtres  :  leurs  draps  étaient  d'abord  payables  à  quatre 
(c  mois  ;  les  maisons  suisses  en  ayant  accordé  six,  elles  les  ont 
«  imitées.  Pour  les  sucres,  tandis  que  nos  fabricants  marseil- 
«  lais  ne  vendent  qu'au  comptant,  d'autres  font  trois,  six  et 
«  même  neuf  mois  de  crédit  ;  et  si  l'acheteur  ne  peut  payer  à 
«  l'échéance,  ils  lui  accordent  une  prolongation  de  six  mois 
«  moyennant  un  intérêt  de  G  »/„.  » 

Les  exportations  marocaines  en  France  se  présentent  sous 
un  aspect  très  favorable  et  tendent  à  augmenter  dans  de  très 
fortes  proportions.  Il  convient  de  noter  à  ce  propos  que  les 
chiffres  donnés  par  le  Tableau  général  du  Commerce  et  de 
la  NavigationO>  sont  sensiblement  supérieurs  à  ceux  que  nous 
avons  indiqués  sur  des  données  extraites  des  rapports  consu- 
laires. En  elïet,  d'après  le  Tableau  général  du  Commerce  el  de 
la  Navigation,  les  exportations  marocaines  vers  la  France 
auraient  atteint  en  1899  fr.  11.019.000  au  commerce  spécial  et 
fr.  16.640.000  au  commerce  général,  et  en  1900,  fr.  16.091.000 


(1)  Tableau  gênerai  du  Commerce  et  de  la  Xavir/ation,   publié  par 
la  Direction  générale  des  Douanes,  1900,  l"  vol. 


LES  INTÉHÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    351 

au  commerce  spécial  et  fr.  24.134.000  au  commerce  général, 
au  lieu  de  fr.  5.112.535  en  1899  et  fr.  9.007.857  en  1900, 
d'après  les  rapports  consulaires.  Marseille  est  avec  Londres 
et  Hambourg  un  des  grands  marchés  des  produits  marocains. 
La  France  importe  du  Maroc  principalement  des  peaux  de 
chèvres,  des  laines  en  masse,  que  les  fabricants  de  Roubaix  et 
de  Tourcoing  font  acheter  par  leurs  agents  dans  les  ports  de 
l'Atlantique,  des  légumes  secs  (surtout  des  pois  chiches),  des 
amandes,  etc.  Marseille  reçoit  en  outre  du  Maroc  des  animaux 
vivants,  des  bœufs,  mais  par  la  voie  algérienne. 

Le  commerce  qui  s'effectue  entre  la  France  et  les  ports 
marocains  ne  représente  pas  la  totalité  des  échanges  franco- 
marocains:  il  faut  tenir  compte  du  commerce  entre  l'Algérie 
et  le  Maroc,  lequel  couiprend  d'ailleurs  le  commerce  qui 
s'efïectue  entre  la  France  et  le  Maroc  en  empruntant  le  terri- 
toire algérien.  Ce  trafic,  qui  passe  surtout  par  la  frontière 
terrestre,  par  la  voie  Marnia-Oudjda,  est  en  progrès  <').  Les 
importations  d'Algérie  au  Maroc  sont,  il  est  vrai,  encore  bien 
faibles  :  fr.  838.514  en  1899  et  fr.  600.003  en  1900,  le  sucre 
français  entrant  dans  ce  total  pour  les  deux  tiers  ;  les  chifl'res 
de  1901  se  présenteront  en  augmentation  sur  ceux  de  1900,  et 
pour  1902  on  prévoit  une  notable  augmentation  sur  les  résul- 
tats de  1901.  Les  importations  marocaines  en  Algérie  sont 
beaucoup  plus  importantes:  elles  passent  de  fr.  4.424.047  en 
1899,  à  fr.  11.370.576  en  1900,  portant  principalement  sur  des 
animaux  vivants  (moutons,  bœufs).  Cet  important  trafic  est 
également  en  voie  de  développement  constant*-).  Enfin  le 
commerce  de  produits  indigènes  elfectué  par  voie  de  terre 
entre  le  Maroc  d'une  part,  le  Sahara  et  le  Soudan  d'autre 
part,  peut  être  évalué  à  environ  2  millions  de  francs,  dont  les 
trois  quarts  environ  pour  l'importation  au  Maroc  jgommes, 
laines  brutes,  peaux,  plumes  d'autruches,  sël,  dattes)  et  le 
reste  pour  l'importation  de  produits  marocains  (laines  brutes, 
viandes  séchées,  graines,  vêtements  en  laine,  objets  en  cuir, 
etc.)<3'.  Si  l'on  ajoute  au  commerce  direct  entre  la  France  et 


(1)  Nous  reviendrons  plus  loin  sur  l'importante  question  des  relations 
cou)mei'ciaIes  a'g-éro-maroraines. 

(1)  En  19U1,  le  commerce  total  entre  l'A'gérie  et  le  Maroc  s'élève  à 
fr.  le.OUii.OOO  en  chiffres  ronds. 

(3)  Renseignements  extraits  d'une  éluda  publiée  dans  la  Revue  Franco- 
Musulmane  et  Saharienne  de  julllet-aoùt  1902. 


352    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

le  Maroc  le  commerce  algéro-marocain  et  le  commerce  du 
Maroc  avec  le  Sahara  et  le  Soudan  français,  on  obtient  pour 
1900  les  résultats  suivants  en  cliiiïres  ronds  (sans  les  métaux 
précieux)  : 

Importations  de  la  France  et  de  l'Afrique 

française  au  Maroc Fr.       12.500.000    » 

Exportations  du  Maroc  en  France,  en  Algéiie 

et  Afrique  française Fr.       20  500.000    » 

D'où  il  résulte  que  la  France  figure  au  premier  rang  parmi 
les  pays  importateurs  de  produits  marocains. 

Jusqu'en  1892,  les  marchandises  françaises  importées  au 
Maroc  étaient  soumises  à  un  droit  fixe  et  uniforme  de  10  °/o 
ad  valorem;  en  outre  des  prohibitions  empêchaient  l'ex- 
portation d'un  grand  nombre  de  produits  marocains.  Ce 
régime  a  été  sensiblement  amélioré  par  l'accord  commercial 
franco  marocain  conclu  par  M.  le  comte  d'Aubigny,  le 
24  octobre  1892.  En  échange  de  l'application  du  tarif  minimum 
français  aux  produits  marocains  à  leur  entrée  en  France,  notre 
ministre  à  Tanger  a  obtenu:  1°  la  réduction  de  iO  "/o  à  5  °/o 
ad  valorem  des  droits  d'entrée  pour  certains  produits  français 
(tissus  de  soie,  pierres  précieuses,  bijoux  d'or  et  d'argent, 
vins  et  liqueurs,  pâtes  alimentaires)  ;  2"  la  rédaction  des  droits 
de  sortie  pour  certains  produits  marocains,  la  France  demeu- 
rant soumise  au  traitement  de  la  nation  la  plus  favorisée 
(convention  de  Madrid,  art.  17)  pour  les  produits  non  men- 
tionnés au  traité  ;  3°  la  suppression  des  prohibitions  empê- 
chant l'exportation  de  certains  produits  marocains  :  différents 
bois,  m.inerais  de  fer,  de  cuivre,  etc.,  sauf  le  plomb  ;  4°  la 
protection  des  marques  de  fabrique  françaises.  Ce  traité 
constitue  un  important  succès  commercial,  surtout  en  ce  qui 
a  trait  à  la  mainlevée  de  la  prohibition  d'exporter  les  minerais. 


§  III.  -   L'ALLEMAGNE  ET  L'AUTRICHE-HOIVGRIE 

L'Allemagne  a  fait  au  Maroc  un  elTort  commercial  considé- 
rable, elTort  qui  a  été  couronné  d'un  plein  succès.  Son 
commerce  dans  ce  pays  s'est  surtout  développé  depuis  la 
création  en  1890,  par  le  D''  Jannasch,  président  du  Centralverien 
fïtr  Hanilelsgeograpltie  et  directeur  de  la  Deutsche  Exporthanh, 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    353 

de  la  ligne  de  na\igation  Allas,  qui  organisa  un  service 
régulier  entre  Hambourg  et  les  ports  marocains,  (i'  C'est  en 
1800  également  que  le  comte  de  Tattenbach,  ministre  allemand, 
obtint  du  gouvernement  marocain  des  concessions  commer- 
ciales que  l'on  considère  comme  les  plus  décisives  qui  aient 
été  accordées  au  cours  de  ces  dernières  années.  En  effet,  le 
traité  germano-marocain  de  i890  fixait  à  10  "/o  ad  valorem 
les  droits  d'importation,  fixait  les  droits  de  sortie  et  servait 
ainsi  de  base  au  tarif  général  marocain,  autorisait  pour  trois 
années  la  libre  exportation  du  blé  et  de  l'orge,  enfin  contenait 
l'engagement  pris  par  le  gouvernement  marocain  de  maintenir 
cet  accord  en  vigueur  jusqu'au  jour  d'une  révision  ou  de  li 
conclusio7i  d'un  l'onveau  traité'^K 

Les  importations  allemandes  au  Maroc  qui  consistent  surtout 
en  draps,  tissus  de  laine  et  de  coton,  alcool,  papier,  quincaillerie, 
sucre,  thé,  etc.,  n'ont  été  que  peu  affectées  par  la  dépression 
commerciale  de  la  période  de  1893  à  1898  ;  les  chiffres  de  1899 
accusent  un  important  relèvement  :  ceux  de  1900  marquent,  il 
est  vrai,  un  léger  recul.  Pour  un  certain  nombre  d'articles, 
notamment  les  draps,  les  tissus  (de  laine,  de  coton,  de  soie), 
le  thé,  la  concurrence  allemande  commence  à  devenir 
redoutable  pour  la  France  et  l'Angleterre.  L'Allemagne  fait  des 
efforts  cansidérables  pour  accroître  ses  relations  avec  le  Maroc  ; 
ses  maisons  de  commerce  se  sont  multipliées  dans  le  pays,  et 
elle  y  envoie  un  grand  nombre  d'agents  commerciaux  pour 
nouer  des  relations  avec  les  producteurs  et  les  consommateurs 
et  s'enquérir  des  goûts  de  la  clientèle.  «  Les  fabrications 
«  à  bon  marché,  dit  M.  V.  CoUin,  de  qualité  plutôt  inférieure, 
«  mais  agréables  à  l'œil,  ce  que  nous  appelons  dédaigneuse- 
«  ment  de  la  camelote,  ont  fondé  au  Maghrib  la  réputation 
«  commerciale  des  Allemands.  L'Arabe  est  incapable  de 
«  comprendre  qu'en  payant  un  article  un  peu  plus  cher,  il  le 
«  conservera  plus  longtemps  en  bon  état  et  réalisera  ainsi  une 
«  économie.  Comme  tous  les  peuples  primitifs,  l'apparence 
«  surtout  le  charme  et  il  lui  sacrifie  tout  ».(3)  M.  Doutté  fait 
la  même  constatation  et  insiste  sur  l'imprévoyance  extraor- 
dinaire des  indigènes  de  l'Afrique  du  Nord.  D'un  autre  côté, 


(1)  V;  Collin.  Le  Maroc  et  les  Intérêts  belges,  p.  Iil2. 

(2)  Sur  le  traité  geiniaDO-maroiain,  voir  G.  W'olfrom,  ouvrage  cité, 
p.  37,  et  A.  Mouliéras,  Le  Maroc  inconnu,  2'  partie,  p.  649. 

(3)  V.  Cotlin,  Le  Maroc  et  les  Intérêts  belges,  p.  105, 


354   LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

l'indigène,  «  actuellement  méfiant  cherche  à  acheter  toujours 
«  exactement  dans  les  mêmes  conditions  :  il  tient  à  ce  que  le 
«  mode  d'empaquetage,  les  dimensions  du  paquet  ou  du  ballot, 
«  la  couleur  des  étiquettes  soient  toujours  les  mêmes.  Le 
«  commerce  allemand  se  prête  admirablement  à  tous  ces 
«  caprices  :  les  voyageurs  allemands  passent  au  Maroc,  vont 
<L  trouver  les  maisons  d'importation,  prennent  note  que  l'on 
«  veut  telle  étoffe,  dans  telle  largeur,  avec  telles  couleurs, 
«  emballée  de  telle  façon,  rentrent  en  Allemagne,  et  quelques 
«  temps  après  la  commande  arrive,  exécutée  strictement, 
«  dans  les  conditions  exigées,  brillante,  bien  présentée, 
«  d'un  bon  marché  excessif,  mais  par  ailleurs  de  la  plus 
«  détestable  qualité  :  le  consommateur  l'achète  ainsi  et  est 
satisfait  y>.'^' 

Si  les  importations  allemandes  au  Maroc  sont  en  progrès,  la 
marche  ascendante  des  exjmrlations  en  Allemagne  de  produits 
marocains  est  bien  plus  remarquable  encore.  L'Allemagne 
reçoit  du  Maroc  principalement  des  amandes,  des  laines,  des 
onifs,  des  peaux  de  chèvre,  de  la  cire.  Tandis  que  ce  commerce 
n'atteignait  en  1892  que  fr.  1,068.000,  il  s'élevait  en  1808  à 
fr.  4.573  000  et  en  1899  à  fr.  4.168.034  pour  monter  brusque- 
ment en  1900  à  fr.  7.674.146.  Cette  augmentation  extraordi- 
naire porte  surtout  sur  les  amandes,  les  laines  et  la  cire.  En 
ce  qui  concerne  les  amandes,  Hambourg  tend  à  devenir,  au 
préjudice  de  Londres,  le  grand  marché  de  ce  produit.  Il 
convient  de  faire  remarquer  que  cette  progression  du  com- 
merce d'exportations  marocaines  en  Allemagne  a  un  caractère 
local  très  accentué,  car  elle  porte  presque  exclusivement  sur 
les  expéditions  du  port  de  Mogador,  les  efforts  commerciaux 
des  Allemands  ayant  été  particulièrement  heureux  dans  la 
région  du  Sud.  D'ailleurs,  la  navigation  allemande  dans 
les  ports  marocains,  presque  égale  en  importance  à  la 
navigation  anglaise,  contribue  puissamment  à  entretenir  et  à 
développer  les  relations  commerciales  entre  l'Allemagne  et  le 
Maroc. 

Jusqu'à  ces  derniers  temps,  la  presque  totalité  des  expédi- 
tions austro-hongroises  au  Maroc  (sucres,  étotïes,  papiers, 
verreries,  bières),  étaient  transportées  par  des  navires  allemands 


(1)  E.  Doutté,    Une  mission  d'Etude  au  Maroc.   Rapport  sommaire 
d'ensemble.  Bulletin  du  Comité  de  l'Afrique  française,  décembre  1901. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC   355 

et  étaient  naturellement  comprises  parmi  les  importations 
allemandes.  Mais  dans  le  courant  de  1901,  la  Compagnie 
de  Navigation  Adria  a  inauguré  une  ligne  de  navigation 
ayant  Fiume  et  Trieste  pour  points  de  départ,  et  devant 
desservir  les  principaux  ports  de  l'Algérie  et  du  Maroc  ; 
d'autre  part  les  vapeurs  du  Lloyd  autrichien  alternent  à  Tanger 
avec  ceux  de  YAdria.  Dès  lors,  on  peut  s'attendre  à  un 
procliain  développement  des  relations  commerciales  entre 
l'Auliiche-Hongrie  et  le  Maroc.  D'ailleurs,  en  envoyant  une 
mission  au  Sultan  au  commencement  de  1902,  le  gouverne- 
ment austro-hongrois  a  assez  montré  l'importance  qu'il  attache 
à  ces  relations.  L'entrée  en  scène  de  l'Autriche- Hongrie  ne 
peut  être  vue  avec  inditïéren:e  par  la  France,  car  les  sucres 
de  ce  pays,  font  déjà,  à  Tanger,  une  concurrence  sérieuse 
aux  nôtres. 


§  IV    —  LA  BELGIQUE 

M.  V.  CoUin,  constatant,  à  propos  de  l'Allemagne,  que  la  pro- 
pagande la  plus  rationnellement  et  la  plus  activement  conduite 
ne  suffit  pas  toujours  pour  triompher  d'une  crise  résultant  de 
la  situation  intérieure  du  marché,  dit  «  qu'une  nation  moins 
«  prévoyante,  mais  dont  la  production  générale  s'adapte  mieux 
«  aux  exigences  ordinaires  du  marché,  est  placée  dans  de 
((  meilleures  conditions  pour  y  résister  ».<')  En  efl'et,  au  milieu 
de  la  dépression  générale  de  la  période  de  189'i  à  1897,  on 
constate  que  les  exportations  de  la  Belgique  au  Maroc  ont 
augmenté  progressivement  de  fr.  1.601.830  en  1892,  à 
fr.  3.239.198  en  1897.  Ce  progrès  ne  s'est  point  maintenu 
pendant  les  années  suivantes,  les  résultats  ayant  été  en  1898, 
1899  et  1900,  respectivement  de  fr.  2  796.000,  fr.  2  862.400 
et  fr.  3.064.765,  accusant  une  situation  a  peu  près  stationnaire 
avec  une  tendance  à  l'augmentation.  Pour  les  sucres,  qui 
forment  la  presque  totalité  de  ses  expéditions,  la  Belgique 
n'est  point  arrivée,  malgré  une  concurrence  acliarnée,  à  sup- 
planter les  sucres  français,  sauf  sur  certaines  places.  Il  n'en 
est  pas  de  même  des  bougies  :  sur  cet  article,  la  Belgique  fait 
une  concurrence  heureuse  à  la  France  et  dans  une  certains 
mesuré  à  l'Angleterre.  Elle  expédie  encore  au  Maroc  des  draps, 


(I)  V.  ColUn.  Le  Maroc  et  les  Intérêts  belges,  p.  108. 


356    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FflANCE  AU  MAROC 

du  fer,  de  la  potasse,  etc.  Quant  aux  envois  de  produits  maro- 
cains en  Belgique,  ils  sont  à  peu  près  nuls  :  cependant  les 
Belges  commencent  à  comprendre  qu'ils  auraient  grand 
intérêt  à  attirer  sur  leurs  marchés  les  laines  marocaines  qui 
vont  ù  Dunkerque,  et  les  peaux  de  bœufs  ('>.  Les  relations 
commerciales  entre  la  Belgique  et  le  Maroc  sont  régies  par  un 
traité  du  4  janvier  1862,  étendant  à  la  Belgique  les  faveurs 
dont  jouissaient  déjà  auparavant  l'Angleleterre  et  l'Espagne.  '•-'> 


§  V.   —  L'ESPAGNE 

Le  commerce  espagnol  offre  un  contraste  absolu  avec  le 
commerce  belge  :  il  est  presque  entièrement  passif.  Etant 
donné  le  faible  développement  de  son  industrie,  l'Espagne 
envoie  au  Maroc  peu  de  produits  manufacturés,  tandis  que, 
à  cause  de  sa  proximité  de  ce  pays,  elle  en  tire  une  quantité 
considérable  de  produits  naturels.  Ce  commerce  d'exportation 
du  Maroc  en  Espagne  a  subi,  au  cours  des  dernières  années, 
des  iluctuations  sensibles,  ainsi  qu'il  ressort  du  tableau  ci- 
après  :  (') 

1892 Fr.  8.577  000 

1893 —  13.078  000 

1894 —  12.736  000 

1895 —  9.426  000 

1896 —  11.606  000 

1897 -  6.392  000 

1898 —  3.199  000 

1899  .    ." —  6.244  050 

1900 —  9.528  680 

L'Espagne  reçoit  surtout  du  Maroc  des  pois  clncltes,  du  maïs, 
des  bœufs,  des  peaux  de  chèvres,  des  œufs,  etc.  Elle  peut  être 
considérée  com-me  un  de  ses  meilleurs  clients. 


(1)  Article  de  Daniel  Betlet,  dans  le  Moniteur  des  intérêts  matériels 
du  ','5  août  19U1. 

(2)  V.  Collin.  Le  Maroc  et  les  Intérêts  belges,  p.  IK.  Tout  en  faisant 
nos  plus  expresses  réserves  sur  la  conclusion  de  CPt  ouvrage,  nous  en 
recommandons  la  lecture  à  cause  de  sa  riche  docummlaiion. 

(3)  Annales  du  commerce  extérieur,  1901,  11"  fascicule.  Ces  chififres 
ne  concordent  pas  absolument  avec  ceux  que  nous  avons  donnés  plus 
haut. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    357 

Au  commerce  entre  l'Espagne  et  le  Maroc,  il  convient 
d'ajouter  le  commerce  entre  le  Maroc  et  les  «  presidios  » 
espagnols,  surtout  Melilla  et  les  îles  Zaffarines,  déclarées 
ports  francs  en  1887.  M.  Wolfrom  évalue  ce  commerce  à 
1.500.000  francs.  <"  Mais  nous  avons  de  bonnes  raisons  de 
croire  qu'il  s'est  beaucoup  développé  pendant  ces  dernières 
années,  car  les  maisons  allemandes,  belges  et  anglaises  intro- 
duisent par  Melilla  beaucoup  de  produits  manufacturés. 


§  VI.  —  LES  AUTRES  PAYS 

Autrefois  le  commerce  du  Maroc  s'effectuait  en  presque 
totalité  avec  trois  ou  quatre  puissances  ;  depuis  un  certain 
nombre  d'années,  on  constate  l'augmentation  constante  de  la 
part  prise  dans  ce  commerce  par  d'autres  nations,  et  cela  au 
détriment  des  précédentes.' 

En  ce  qui  concerne  les  imporialions  au  Maroc,  nous  avons 
signalé  l'entrée  en  scène  de  V Aulrichc-Hongrv;.  Les  importa- 
tions de  ïllalic,  quoique  encore  peu  considérables,  sont  en 
progrès  sensible  (soieries,  allumettes,  etc.)  Signalons  encore 
les  importations  de  la  Suéde  (fer,  bois  de  construction)  et  celles 
de  la  Hollande.  Enfin  la  Suisse,  avec  ses  draps,  fait  une 
concurrence  heureuse  aux  produits  français  et  même  alle- 
mands ;  mais  ses  envois  transitant  par  la  France  ou  par 
l'Allemagne,  ne  sont  point  séparés,  dans  les  statistiques,  des 
envois  de  ces  deux  pays. 

A  l'exportation,  la  part  des  puissances  dont  le  commerce 
avec  le  Maroc  a  une  importance  secondaire  est  bien  plus 
considérable  qu'à  l'importation.  Les  Etats-Unis  méritent  une 
mention  spéciale.  Tandis  qu'à  l'importation  ce  pays  ne  figure 
dans  les  statistiques  que  pour  des  cliiffres  infimes  <-',  nous 
constatons  que  les  exportations  marocaines  aux  Etats-Unis, 
qui  étaient  nulles  en  1898,  s'élèvent  brusquementà  fr.  1.153,000 
en  1899,  pour  atteindre  le  cllilîre  relativement  considérable  de 
fr.  2. 191.900  en  1900.  Elles  consistent  principalement  en  peaux 
de  chèvres.  L'accroissement  des  relations  commerciales  entre 


(i)  (i.  Wolfrom  «  Le  Maroc  >■.  Etude  commerciale  et  a;jricole,  p.  35. 

(i)  Nous  avons  dit  plus  liaul  cjne  les  statistijues  atlribueat  à  l'Angle- 
terre des  marchandises  américaines  qui  ne  font  qu'emprunter  le  pavillon 
britannique. 


358    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

les  Etats  Unis  et  le  Maroc  est  un  fait  digne  d'attention.  Depuis 
quelque  temps  les  Américains  ont  fait  leur  apparition  dans 
différentes  régions  de  l'Afrique  occidentale  :  ils  y  ont  fondé 
des  compagnies  en  vue  de  l'exploitation  des  produits  du  sol 
et  de  leur  exportation  aux  Etats-Unis  II  n'y  aurait  rien 
d'étonnant  à  ce  qu'ils  projettent  également  d'étendre  leur 
action  commerciale  au  Maroc,  et  dans  ce  cas,  les  nations 
européennes  auraient  à  compter,  dans  ce  pays,  avec  une 
nouvelle  et  redoutable  concurrence. 

Les  exportations  marocaines  en  Italie,  consistant  principale- 
ment eu  amandes,  peaux  de  chèvres  et  de  veaux,  sont  en 
progrès  sensible,  de  même  que  les  importations  italiennes  au 
Maroc.  Elles  passent  de  fr.  607.750  en  1899,  à  tr.  1.099.338  en 
1900.  Par  contre,  les  exportations  du  Maroc  au  Portugal 
{mais,  fèves,  etc.)  restent  stationnaires.  Enfui  l'Egypte  et  la 
Tripolitaine  ont  reçu  en  1900  une  quantité  considérable 
(fr.  1.41G.050)  de  lainages  et  de  babouches  de  fabrication 
marocaine. 


QUATRIÈME  PARTIE 


ÉTUDE    RÉGIONALE    DU    COMMERCE 
MAROCAIN 


M.  Mouliéras  donne  la  division  suivante  du  Maroc  comme 
étant  la  plus  commune  chez  les  Marocains  lettrés ('>: 
1»  Le  Maroc  septentrional,  comprenant  ; 

1.  Le  Rif  sur  les  bords  de  la  Méditerranée,  depuis  la  pro- 
vince d'Oran  (frontière  de  l'oued  Kiss),  jusqu'à  la  tribu 
maritime  des  R'mara,  non  loin  deTétouan; 

2.  Les  Djebala,  au  Sud  et  à  l'Ouest  du  Rif,  occupant  la  partie 
occidentale  du  littoral  méditerranéen,  celui  du  détroit  de 
Gibraltar  et  une  partie  du  rivage  Nord  de  l'Atlantique: 

3.  Dairat-Fas  (province  de  Fezj,  au  Sud  des  Djebala,  s'éten- 
dant  jusqu'à  l'Atlantique. 

2"  Le  Maroc  central,  comprenant  : 

4.  Les  Braber,  immense  province  qui  occupe  toute  la  partie 
montagneuse  du  centre  du  Maroc; 

5.  H'ous  Mcrrakech  (pro\ince  de  Merrakech),  bornée  à  l'Est 
par  les  Braber  et  à  l'Ouest  par  l'Atlantique; 

6.  La  Dhahra,  bornant  la  province  d'Oran  d'Oudjda  à 
Figuig,  et  s'étendant  à  l'Ouest  jusqu'aux  Braber. 

3°  Le  Maroc  méridional,  comprenant  : 

7.  Le  Sous; 

8.  Le  Dra  ; 

9.  Sagiat-el-H'amra; 

10.  Eçça'hra  (le  Sahara). 

L'ancienne  division  politique  du  Maroc,  en  royaume  de  Fez 
et  royaume  de  Merrakech,  existe  encore  aujourd'hui  au  point 
de  vue  économique.  En  effet,  ces  deux  parties  ont  chacune 
leurs  centres,  leurs  courants  commerciaux  et  leurs  débouchés 
propres,  tandis  qu'elles  n'ont  presque  aucune  relation  l'une 


([)  A.  Mouliéi'aSj  Le  .Varoc  Inconnu  (première  partie),  E.\ploralioa 
du  Rif,  p.  18.  f  f        ^        f 


360    LES  INTKRKTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

avec  l'autre.  Elles  sont  séparées  par  une  longue  ligne  de  régions 
montagneuses  habitées  par  des  tribus  indépendantes,  s'étendant 
entre  les  bassins  du  Sbou,  de  la  Ivlloma  et  du  Ziz,  d'une  part, 
de  rOum-er-Khira  et  du  Dra,  d'autre  part.  Ces  deux  contrées 
ne  communiquent  qu'en  deux  points,  aux  extrémités  opposées 
de  la  ligne  qui  les  sépare  :  au  bord  de  l' Antiantique  par  l'étroit 
couloir  commandé  par  la  ville  de  Rabat;  et  au  Sud  de  l'Atlas 
par  la  plaine  s'étendant  entre  l'ouad  Dadès,  aftluent  du  Dra  et 
l'ouad  Ziz  par  le  Todra,  le  Ferkla  et  le  Reris^').  En  réalité  le 
Maroc  comprend,  au  point  de  vue  commercial,  trois  régions 
distinctes,  car  l'ancien  royaume  de  Fez  se  divise  lui-même  en 
deux  régions  ayant  peu  de  rapports  entre  elles.  Le  Maroc 
oriental,  la  région  voisine  de  l'Algérie,  est  la  partie  la  moins 
riche  du  Maroc  ;  il  comprend  :  au  Nord  de  l'Atlas,  le  Rif  et  la 
vallée  de  la  Mlouïa  avec  la  Dhahra;  au  Sud  de  l'Atlas,  la  vallée 
du  Ghir  et  de  laZousfana  ;  son  commerce  s'efï'ectue  par  l'Algérie 
et  par  Mélilla;  il  a  peu  de  rapports  avec  le  Maroc  occidental. 
La  région  qui  a  pour  centre  Fez  comprend  les  vallées  du  Sbou, 
du  Bou-Regrag,  du  Loukkos,  c'est  à- dire  une  grande  partie 
desBraber,  la  province  de  Fez  et  celles  des  Djebalaà  l'Ouest  de 
Taza,  y  compris  la  presqu'île  qui  s'avance  vers  le  détroit  de 
Gibraltar  entre  l'Atlantique  et  la  Méditerranée  :  elle  a  pour 
débouchés  les  ports  de  Rabat,  Larache,  Tai;ger  et  Tétouan. 
Très  riche  au  point  de  vue  agricole  (fruits,  légumes),  cette 
région,  à  cause  de  son  caractère  occidenté,  se  prête  cependant 
peu  aux  grandes  cultures  ;  elle  renferme  d'importantes  agglo- 
mérations urbaines  où  l'industrie  indigène  est  encore  assez 
florissante.  Les  ports  servent  principalement  au  transit  des 
marchandises  à  destination  ou  provenant  des  villes  de  l'inté- 
rieur, notamment  de  Fez,  et  les  importations  de  produits 
européens  dépassent  les  exportations  de  produits  indigènes. 
Il  convient  de  rattacher  à  cette  région  la  vallée  du  Ziz 
avec  le  Tafilelt,  au  Sud  de  l'Atlas,  dont  le  commerce  s'effectue 
surtout  par  Fez.  Le  Maroc  méridional,  ou  ancien  royaume 
de  Marrakech,  ayant  pour  centre  la  ville  du  même  nom, 
comprend  les  vallées  de  l'Oum-er  Rbia,  du  Tensift,  du  Sous, 
du  Noun  et  du  Dra  ;  au  Nord  comme  au  Sud  de  l'Atlas, 
c'est  un  pays  de  grande  production  agricole  ;  au  Nord  de 
l'Atlas  on  trouve  d'immenses  plaines  d'une  fertilité  inouïe, 


(ij  Cli.  de  Foucauld.  Reconnaissance  au  Maroc,  p.  21. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMInUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    361 

qui  produisent  malgré  les  procédés  primitifs  de  culture 
en  usage  d'abondantes  moissons  de  céréales.  C'est  pourquoi, 
dan?  les  ports  qui  servent  de  débouché  à  cette  région, 
Casablanca,  Mazagan,  Saffi  et  Mogador,  les  exportations  sont 
sensiblement  supérieures  aux  importations. 

Nous  commencerons  cette  étude  régionale  par  rexamen  du 
trafic  des  ports  ouverts  au  commerce,  et  de  la  région  faisant 
face  à  l'Atlantique,  c'est-à-dire  de  celle  dont  l'importance 
économique  est  la  plus  considérable.  Nous  passerons  ensuite 
aux  oasis  sahariennes  et  au  Maroc  oriental. 


.§  I.  —  LE  DÉTROIT  DE  GIBRALTAR 

La  cùte  marocaine  du  détroit  de  Gibraltar  est  beaucoup  plus 
escarpée  que  la  cote  espagnole.  Le  territoire  espagnol  de 
CcHta,  à  l'entrée  de  la  Méditerranée,  forme  l'extrémité  Nord- 
Ouest  de  la  presqu'île  qui  s'avance  entre  la  Méditerranée  et 
l'Atlantique.  Le  mont  Hacho,  qui  constitue  la  forteresse  pro- 
prement dite,  se  termine  à  l'Est  par  la  pointe  Elmina,  dont  les 
feux  sont  visibles  à  23  milles  ;  entre  l'extrémité  septentrionale 
du  mont  Hacho  et  la  pointe  d'Europe,  extrémité  méridionale 
du  rocher  de  Gibraltar,  la  distança  est  de  22  kilomètres.  Le 
mont  Hacho  est  séparé  de  la  terre  ferme  par  une  langue  de 
terre  basse  et  très  étroite  où  est  bâtie  la  ville  de  Ceuta 
(Sehta  aX...,.),  dont  la  population  est  de  7  à  8,000  habitants,  y 
compris  la  garnison  et  les  forçats.  Celte  place,  très  importante 
au  point  de  vue  stratégique,  oii  les  Espagnols  font  exécuter  en 
ce  moment  d'importants  travaux  de  défense  par  la  main- 
d'œuvre  pénale,  est  presque  dénuée  d'importance  commerciale 
La  construction  d'un  port  est  commencée,  mais  actuellement 
ce  n'est  qu'une  rade  assez  bien  abritée,  mais  peu  fréquentée,  à 
l'exception  des  navires  elïectuant  le  service  postal  entre  Ceuta 
et  Algeciras.  Cette  absence  presque  complète  d'activité 
commerciale  présente  un  contraste  frappant  avec  le  mouve- 
ment prodigieux  de  Gibraltar,  de  l'autre  côté  du  détroit. 
Tandis  qu'à  Melilla,  la  place  espagnole  du  Rif,  on  a  créé  un 
port  franc,  ce  qui  a  donné  naissance  à  des  transactions  actives 
avec  les  Marocains,  rien  de  semblable  n'existe  à  Ceuta  qui  ne 
fait  aucun  commerce  avec  l'intérieur  :  il  n'y  a  pas  de  douane 
marocaine  à  l'entrée  du  territoire  espagnol,  et  l'introduction 
à  Ceuta  de  quelques  objets  d'alimentation  par  les  Marocains 


362    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

constitue  un  commerce  de  contrebande  :  il  en  est  de  même 
des  objets  que  ceux-ci  achètent  à  Ceula  et  qu'ils  introduisent 
au  Maroc  sans  payer  de  droits  d'importation.  <■>  Les  indigènes 
d'Endjra,  importante  tribu  voisine,  vendent  à  Ceuta  des  œufs, 
des  poules,  du  gibier,  des  céréales,  et  elle  fait  avec  eux, 
clandestinement  la  contrebande  des  armes  de  guerre  euro- 
péennes, des  revolvers,  des  fusils  Mauser  et  des  cartouches. 
Ceuta  a  sur  les  autres  presidios  l'avantage  d'être  abondamment 
pourvue  d'eau  ;  mais  pour  le  ravitaillement,  elle  est  tributaire 
de  Tétouan,  des  tribus  du  voisinage  et  de  la  mère-patrie.  <'^ 

La  plus  grande  longueur  du  territoire  espagnol  est  d'environ 
8  kilomètres.  La  ligne  de  défense  terrestre  s'étend  sur  une 
série  de  hauteurs  qui  constituent  les  derniers  contre  torts 
orientaux  du  Djebel-Mouça,  lequel  se  termine  un  peu  plus  à 
l'ouest  par  la  pointe  Leona,  l'extrémité  la  plus  septentrionale 
du  Maroc  et  le  point  de  la  côte  africaine  le  plus  rapproché  de 
la  pointe  d'Europe  (20  k.  700)  ;  à  l'Ouest  de  cette  pointe  se 
trouve  l'ilot  espagnol  de  Peregil.  Plus  à  l-'Ouest  se  trouve  la 
pointe  Ciris  :  c'est  entre  cette  pointe  et  un  point  de  la  côte 
espagnole  (à  3  k.  500  à  l'Ouest  de  Tarifa)  que  se  trouve  la 
plus  faible  largeur  du  détroit  de  Gibraltar  (14  k.)  Par  contre, 
la  orofondeur  est  considérable,  surtout  du  côté  de  la  côte 
africaine,  et  atteint  en  certains  endroits  de  900  à  1,000  mètres. 

La  baie  de  Tanger  qui  commence  à  l'Est  du  cap  Malabata 
est  arrondie  et  largement  ouverte  :  elle  n'a  qu'une  profondeur 
de  2  kilomètres,  tandis  que  sa  largeur,  entre  le  cap  Malabata 
et  le  promontoire  occidental  sur  lequel  est  bâtie  la  ville  de 
Tanger,  est  de  6  kilomètreB.  Entièrement  ouverte  au  Nord- 
Ouest,  elle  offre  peu  de  protection  aux  navires,  mais  constitue 
cependant  le  meilleur  mouillage  de  tout  le  Maroc.  Les  navires, 
suivant  la  direction  du  vent,  jettent  l'ancre  tantôt  près  de 
Tanger,  tantôt  près  du  cap  Malabata,  sous  la  protection  des 
hautes  montagnes  qui  le  surplombent.  C'est  à  cette  situation 
favorable  sur  une  des  voies  principales  du  commerce 
du  monde,  que  Tanger  doit  son  importance  économique 
actuelle.  (•">  Entre  Tanger  et  la  côte  espagnole,  bien  que  le 
détroit  ait  une  grande  largeur,  sa  profondeur  est  bien  moindre 
que  dans  sa  partie  la  plus  resserrée. 


(1)  Don  Teodoro  Bermudez  Reina.   Geografia  de  Marruecos,  p.   217 
et  suiv. 

(2)  A.  Mouliéras.  Le  Maroc  Inconnu,  2'  partie.  Les  DJebala  p.  710. 

(3)  Tli,  Fiscler  Reise  im  Atlas-Vorlande  von  Marokko,  p.  14  et  suiv, 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMInUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    '363 

A  l'Est  de  Tanger  commence,  après  le  plateau  de  Marchan, 
une  montagne  entièrement  isolée  appelée  «  El  Djebel  »  ou 
«  Djebel  el  Kbir  »  qui  se  termine  au  cap  Spartel,  oii  la  côte 
prend  la  direction  du  Sud  :  là  cesse  la  région  du  détroit  et 
commence  la  côte  basse  et  sablonneuse  de  l'Atlantique.  La 
distance  entre  le  cap  Spartel  et  le  cap  Trafalgar  est  de 43  k.  500. 
Au  cap  Spartel  se  dressent  des  rochers  à  pic  d'une  hauteur  de 
300  mèti-es  :  à  leur  pied,  à  l'e.xtrémité  d'une  terrasse  étroite, 
haute  de  près  de  100  mètres,  est  situé  le  phare  que  les 
puissances  européennes  ont  construit  et  entretiennent  à  leurs 
Irais  communs,  en  vertu  d'une  conxention  signée  le 
31  mai  1865.  (M  Les  feux  de  ce  phare  sont  visibles  à  20  milles. 
Environ  300  mètres  au  Sud  du  phare,  il  y  a  depuis  1892  un 
sémaphore  (Lloyd  Signal  Station)  relié  télégraphiqaement  avec 
l'Europe.  Depuis  juin  18v»3,  il  y  a  été  adjoint  une  station 
météorologique  convenablement  aménagée.  *-' 

Le  détroit  de  Gibraltar  est  traversé  par  deux  courants  en 
sens  contraire,  l'un  provenant  de  la  Méditerranée,  l'autre  de 
l'Atlantique.  A  l'action  de  ces  courants  se  joint  celle  du  flux 
et  du  reflux  qui  se  fait  sentir  sur  chacune  des  deux  côtes  à 
une  distance  variant  entre  un  quart  de  mille  et  un  mille,  selon 
le  vent  et  la  température.  Enfin  cette  situation  se  complique 
parfois  de  vents  violents  soufflant  de  l'Est  et  du  Sud-Ouest. 
Dans  ces  conditions,  la  navigation  dans  le  détroit  est  parfois 
dangereuse.  L'existence  de  ces  couranis  rend  également 
difficile  et  foi't  coûteux  l'entretien  des  câbles  télégraphiques 
dans  le  détroit  :  c'est  pour  cette  raison  que  les  Anglais  se 
préoccupent  actuellement  de  la  suppression  du  câble  de  Tanger 
à  Gibraltar  et  de  son  remplacement  par  un  système  de  télé- 
graphie sans  fil.  Les  Espagnols  projettent  une  création  analogue 
entre  Ceuta  et  Tarifa. 


§  II.  -  TANGER  (Taiulja  é.^xL) 

Nous  venons  d'examiner  les  raisons  qui  ont  fait  de  Tanger 
une  place  commerciale  d'une  grande  importance  :  sa  proximité 
de  l'Europe,  sa  situation  sur  une  des  routes  maritimes  les 
plus  fréquentées  du  monde,  et  la  protection  relative  olîerte 


(1)  Voir  le  texte  de  ceUe  convealion  daos  Les  Traités  entre  la  France 
et  le  Maroc,  par  Rouird  de  Card.  p.  2'3. 

(2)  Th.  Fischer,  ouvrage  cité,  p.  24  et  2'j. 

2? 


364    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

aux  navires  par  la  baie  de  l'extrémité  de  laquelle  la  ville  est 
située.  La  construction  d'un  port  accroîtrait  singulièrement 
ces  avantages  naturels  ;  cependant  le  débanjuement  est  mainte- 
nant facilité  par  un  môle  en  fer  et  en  bois  d'environ  200  mètres, 
qui  a  été  construit  en  1897  par  la  compagnie  anglaise  du 
chemin  de  fer  de  Bobadilla  à  Algesiras;  les  droits  de  péage 
sont  perçus  au  profit  du  Sultan  qui  abandonne  20  0/q  à  la 
commission  d'hygiène<'>.  Un  ponton  charbonnier  est  ancré 
dans  la  baie  de  Tanger. 

Tanger  étant  le  principal  point  de  contact  du  Maroc  avec 
l'Europe,  toutes  les  puissances  européennes  y  sont  représentées 
par  des  Ministres  plénipotentiaires  et  des  Consuls.  Sur  une 
population  de  35.000  habitants,  on  compte  20.000  Arabes, 
10.000  Israélites,  4.000  Espagnols  et  protégés,  650  Anglais  et 
protégés,  117  Français,  Algériens,  naturalisés,  protégés,  etc.''''. 
La  situation  des  Européens  est  déterminée  par  la  convention 
de  Madrid  du  3  juillet  1880  ;  ils  possèdent  de  nombreuses  villas 
dans  les  environs  de  Tanger,  et  les  acquisitions  de  propriété 
n'y  rencontrent  point  les  mêmes  obstacles  que  dans  le  reste  du 
Maroc.  Le  gouvernement  marocain  a  abandonné  pour  ainsi 
dire  au  corps  diplomatique  l'administration  de  Tanger.  A 
l'instigation  du  corps  diplomatique,  les  Européens  établis 
versent  une  cotisation  pour  les  frais  d'éclairage  et  de  voirie; 
tous  les  ans  ils  élisent  ceux  d'entre  eux  qui  administreront  les 
fonds  ainsi  recueillis.  Ce  corps  élu,  composé  de  14  membres, 
est  dénommé  Commission  d'Hygiène  ;  il  est  sous  la  haute 
direction  du  Conseil  Sanitaire  composé  des  Ministres  et 
Consuls  généraux®. 

Quatre  services  postaux  réguliers  fonctionnent  entre  Tanger 
et  les  principales  villes  du  Maroc,  un  français,  un  anglais,  un 
allemand  et  un  espagnol.  Trois  cables  télégraphiques  relient 
Tanger  avec  l'Europe  :  un  anglais,  un  espagnol  et  un  français, 
le  cable  d'Oran  à  Tanger,  inauguré  le  24  juin  1901.  Il  existe 
aussi  dans  la  ville  un  réseau  téléphonique.  Enfin  la  lumière 
électrique  a  été  installée  en  1894  pai- la  Compagnie  Transatlan- 


(\)  A.  Cousin,  Tamjer.  p.  46.  Nous  renvoyons  à  cet  ouvrage,  très  bien 
documenté,  pour  le  détail  des  droits  de  port,  tarif  des  débarquements  et 
embarquements,  emmagasinage,  etc,  p.  3S  et  saiv.,  cf.  Commerce  (jcné- 
ral  du  Maroc  en  1900.  Rapport  de  M.  Saint-René-Taillsalier,  suppi.  au 
Moniteur  Officiel  du  Commerce,  du  9  janvier  l'J'JÎ. 

{1)  A.  Cousin,  Tanger,  p.  35. 

(3)  -  -         p.  29. 


LES   INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    365 

tique  espagnole"".  L'industrie  taugéroise,  encore  rudimentaire, 
est  représentée  par  une  scierie  mécanique  (préparant  les  bois 
de  construction  et  d'ameublement)  et  une  meunerie  à  vapeur 
établie  par  une  maison  de  Paris  «  le  Printemps  »,  une 
briqueterie  espagnole,  trois  moulins  à  vapeur  et  une  usine 
française  pour  blanchir  la  cire<').  Comme  produits  de  l'indus- 
trie indigène,  signalons  la  bijouterie,  l'orfèvrerie,  les  tapis,  les 
plateaux  en  cuivre  (^i. 

Voici,  d'après  M.  A.  Cousin  ('*),  la  liste  des  banquiers  de 
Tanger  : 

Comptoir  National  d' Escompte  do  Paris.  —  MM.  Ch.  Gautsch 
et  C'»,  Français  ;  M. -Y.  Benasayag,  Marocain  ;  H.  Benchimol, 
Marocain,  protégé  Français:  J.-M.  Cohen,  Marocain  ;  Haessner 
et  Joachimssohn,  Allemands  ;  Moses  J.  Mahon,  Marocains,' 
protégés  Italien.s,  correspondants  du  Crédit  Lyonnais  ; 
A. -S.  Malion  et  G'=,  Marocains,  protégés  Italiens  ;  Serfaty  et 
Delmar,  Brésiliens.  Signalons  en  outre  la  Banque  Transatlan- 
tique. 

Actuellement  Tanger  est  le  principal  port  d'importation  et 
d'exportation  de  tout  le  Maroc  da  Nord  ;  ce  n'est  pas,  il  est 
vrai,  le  débouché  immédiat  d'une  région  essentiellement 
productrice,  comme  par  exemple  Casablanca  et  Mazagan. 
Mais  Tanger  est  surtout  le  premier  port  de  transit  du  Maroc  ; 
c'est  avec  Larache  le  débouché  de  Fez  et  de  sa  région,  l'inter- 
médiaire presque  obligé  des  communications  avec  l'Europe,  le 
grand  entrepôt  du  détroit.  L'escale  de  Tanger  a  sur  celle  de 
Gibraltar  plusieurs  avantages  :  économie  sur  les  droits  de 
port  et  de  ravitaillement,  fret  d'aller  et  de  retour,  parcours 
moins  long  pour  les  bateaux  qui  n'entrent  dans  le  détroit  que 
pour  y  charbonner.  D'autre  part,  la  viande  de  boucherie,  le 
gibier,  la  volaille  et  les  œufs  que  l'on  trouve  à  Gibraltar 
proviennent  en  majeure  partie  de  Tanger  ;  par  suite  ces 
vivres  s'y  vendent  plus  cher  que  dans  ce  port  (').  En  fait, 
Tanger  devient  un  port  de  relâche  des  plus  importants,  et  le 
nombre  des  compagnies  de  navigation  qui  y  font  escale 
s'accroît  sans  cesse.  C'est  enfin  le  lieu  d'embarquement  pour 


(1)  A.  Cousin,  Tanrjer,  p.  73  et  suivantes. 

(2)  A.  Mouliéras.  Lo  Maroc  Inconnu,  2'  partie,  p.  643. 

(o)  G.   Wolfrom    Le  Maroc.  Élude  Commerciale  et  Agricole,  p.    16 
(4)  A.  Cousia.  Tanger,  p.  S3. 
(b)  Id.  id.      p.  30, 


366    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FKANCE  AU  MAHOC 

les  pèlerins  se  rendant  à  La  Mecque  et  pour  les  éraigrants  qui 
partent  pour  le  Brésil. 

Le  commerce  de  Tanger,  après  avoir  subi  une  diminution 
progressive  jusqu'en  1897  et  1898,  s'est  sensiblement  relevé  en 
1899  et  en  19C0.  La  crise  antérieure  avait  pour  causes,  d'après 
M.  White  1",  consul  britannique,  le  transfert  au  port  de  Lara- 
che  d'une  partie  du  tralic  de  Fez,  l'absence  continue  de  la 
Cour  chérifienne  des  capitales  du  Nord,  l'état  d'insécurité  du 
pays,  les  mauvaises  récoltes,  la  faillite  d'un  certain  nombre 
d'importantes  maisons  marocaines,  enfm  les  lluctualions 
considérables  et  l'énorme  bausse  du  change. 

Le  commerce  de  Tanger,  de  1897  à  1900,  présente  les 
variations  suivantes  : 

Imporlatioiis  ExportJitiuns  Total 

Kr.  Fi-.  Fr. 

1897  7.654  150      4.704  625      12.358  775 

1898  7.419  450      5.710  125       13.159  575 

1899  10.693  700      G. 536  950      17.230  6.50 

1900  12.216  850      9  656  850      21.873  700 

L'augmentation  réalisée  en  1900  a  été  surtout  sensiJjle  aux 
exportations. 

Voici,  d'après  le  rapport  du  consul  britani.ique  à  Tanger  (->,  la 
part  des  difl'érentes  puissances  dans  le  mouvement  commercial 
de  cette  place  en  1899  et  en  1900  : 

Importaliolis  Exporlalioii.s 

Fr,  Fr, 

1899  1900  1899  1900 
Angleterre  (Gibralnu- 

et  Malte) 4.990  525  5.903  475    1  928  900  2.000  425 

France    (Algérie    et 

colonies) 2.893  125  2.860  400  4.57  050  999  150 

Espagne  (avec Melilla)      483  7(10  433  875    2  999  475  3.317  275 

Allemagne 1.719  600  1.570  475  114  200  1.166  175 

Egypte^elTiipoli  ...           '>  »  998  0.50  1.416  0.50 

Belgique 373  175  589  750  »  2  400 

Italie 139  800  382  450  39  275  35  900 

Etats-Unis  »  »  »  686  90o 

Autriche-Hongrie ...           »  298  200  ■>  » 

Pays-Bas 44  575  124  825  »  » 

Suède 49  200  30  300  »  » 

Portugal .)  23  400  »  32  575 


(1)  Forei'jn  Office- Annual  Séries,  n°  2Î96. 

(2)  Foreign  Office  Annual  Séries,  n»  2723. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    367 

I.  —  Importations 

Il  ressort  du  tableau  ci-dessus,  que  l'Angleterre  occupe  une 
place  prépondérante  sur  le  marché  de  Tanger  et  qu'elle  a  pris 
une  part  considérable  dans  l'augmentation  des  importations 
constatée  en  1000.  Le  pourcentage  des  importations  anglaises 
est  de  48  1/2  %  en  1900,  contre  46  1/2  "/"  en  1899.  Quant  à  la 
France,  le  chiffre  de  ses  iinportations  n'a  presque  pas  varié, 
mais  ne  représente  en  1900  que  23  1/2  °/o  contre  27  1/2  "jo  en 

1899.  La  part  proportionnelle  de  l'Allemagne  tombe  de  1(3  "/o  à 
13  "/o.  Au  contraire,  le  pourcentage  des  autres  pays  passe  de 
10°/o  à  i5o/o  :  ce  résultat  dot  être  attribué  à  l'augmentation 
du  commerce  belge,  italien  et  hollandais  et  surtout  du 
commerce  austro-hongrois  ;  une  partie  des  marchandises  de^ 
cette  provenance  ayant  été  importée  directement  par  une  ligne 
de  vapeurs  austrb-hongroise  a  pu  être  classée  séparément  ; 
mais  la  valeur  portée  au  tableau  ci-dessus  ne  représente  pas  le 
montant  total  des  importations  de  l'Autriche-Hongrie. 

Voici  le  tableau  de  la  part  proportionnelle  des  principaux 
pays  dans  les  importations  à  Tanger  pendant  la  période  de 
1897  à  1900: 

1898 

58  3/i 

18  1/2 

12  3/4 

4  1/2 

C'est  le  plus  important  des  articles  d'im- 
portation, sa  valeur  atteignant  en  1900,  fr.  5.868.425,  c'est- 
à-dire  environ  la  moitié  des  importations  totales  (contre 
fr.  4.282.925  en  1899j.  La  part  de  l'Angleterre,  dans  ce  chiffre, 
est  de  fr.  4.053.800;  celle  de  la  France  de  fr.  813.300;  celle  de 
l'Allemagne  de  fr.  730.900;  celle  de  la  Belgique  de  fr.  189.525, 
et  celle  de  l'Espagne  de  fr.  51.825.  Il  convient  de  faire  remar- 
quer que  les  chiffres  indiqués  pour  la  France  et  l'Allemagne 
comprennent  les  marchandises  de  provenance  suisse  et  autri- 
chienne. 

Soieries.  —  La  valeur  des  soies  brutes  importées  à  Tanger  en 

1900,  a  été  de  fr.  734.000  et  celle  des  tissus  de  soie  de  fr.  250.000. 
La  s'oie  brute  est  en  bonne  demande  pendant  les  années  pros- 
pères. La  France  détient  les  marchés  des  soieries,  une  faible 
quantité  seulement  étant  de  provenance  italienne  et  espagnole. 


1897 

Angleterre. 

54  1/2 

France  .... 

28  2/5 

Allemagne  . 

13  3/5 

Autres  pays 

3  4/5 

Cotonnades. 

—  C'est 

1899 

1900 

46  1/2 

48  1/2  pour  cent 

27  1/2 

23  1/2        — 

16 

13                — 

10 

15                — 

368    LES  INTÉBÉTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

«  Los  produits  de  nos  fabriques  lyonnaises,  dit  M.  Saint-René 

«  Taillandier,  dans  son  rapport  pour  Tannée  1900  *'>,  continuent 

«  à  être  appréciés  à  Tanger.  Cependant,  d'après  des  renseigne- 

«  ments  privés   que  j'ai   lieu   de   croire   exacts,  un   certain 

«  nombre  de  modèles  de  soieries  lyonnaises  auraient  été  copiés 

«  par  des  fabriques  allemandes  et  vendus  au  Maroc  comme 

«  produits  français  ». 

Tisbus  de  laine.  —  La  France  occupe  avec  cet  article 
le  premier  rang  sur  le  marché  de  Tanger,  la  concurrence 
anglaise  étant  seule  sérieuse. 

Draps.  —  Au  contraire,  l'Allemagne  détient  le  marché  des 
draps,  une  partie  des  draps  d'importation  allemande  étant, 
il  est  vrai,  de  provenance  autrichienne.  «  Il  est  à  ma  connais- 
((  sance,  dit  M.  Saint-René  Taillandier,  que  des  négociants 
«  français  de  Tanger  ont  fait  des  tentatives  en  vue  d'amener 
a  les  grands  fabricants  de  drap  français  à  fabriquer  un  drap 
«  spécial  et  bon  marché,  exclusivement  destiiiéau  Maroc;  des 
«  échantillons  leur  ont  été  soumis;  mais  nos  fabricants  parais- 
«  sent  se  désintéresser  de  la  question.  »  La  valeur  totale  des 
lainages  importés  à  Tanger  en  1900,  y  compris  les  draps,  à 
atteint  fr.  475.950,  contre  fr.  844  425  en  1899. 

Sucres.  —  Les  sucres  français,  qui  autrefois  régnaient  sans 
conteste  sur  le  marché  de  Tanger,  sont  maintenant  sérieuse- 
ment concurrencés  par  les  sucres  belges  et  par  les  sucres 
austro-hongrois.  En  1900,  dans  les  fr.  800.000  représentant  la 
valeur  totale  des  sucres  importés,  les  produits  français  n'entrent 
guère  que  pour  la  moitié.  M.  Saint-René  Taillandier  attiibue 
l'accroissement  considérable  des  importations  de  l'Autriche 
Hongrie  en  1900  aux  sucres  dont  ce  pays  a  su  depuis  peu 
d'années  faire  adopter  la  marque  au  Maroc  et  qu'il  introduit 
directement  sans  plus  emprunter  les  voies  d'Anvers  et  de 
Hambourg.  Notre  Ministre  appelle  l'attention  de  la  Chambre 
de  Commerce  de  Marseille  sur  cette  nouvelle  concurrence 
pour  le  sucre  français,  notamment  celui  des  raffineries  mar- 
seillaises, de  préférence  consommé  à  Tanger.  «  Bien  que  le 
«  sucre  français,  dit-il,  soit  particulièrement  apprécié  au 
«  Maroc  et  que  les  principales  marques  y  soient  connues  de 


(1)  Année  1902,  a' 81.  Supplément  du  Moniteur  Officiel  dit  Commerce 
du  9  janvier  1902. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    369 

«  longue  date,  mes  renseignements  particuliers  me  forcent  à 
«  penser  que  nos  raflineries  ne  font  pas  tous  les  efforts  désira- 
«  Lies  pour  se  constituer  de  nouveaux  marchés.  Tous  nos 
«  commerçants  locaux  sont  d'avis  qu'il  faut  réduire  nos  prix 
«  et  accorder  de  plus  larges  facilités  de  paiement;  mais  je  crois 
«  qu'il  est  aussi  de  l'intérêt  de  nos  raffineries  de  multiplier 
«  le  nombre  de  leurs  agents  au  Maroc  et  de  ne  pas  se  fatiguer 
«  de  faire  de  la  propagande.  »  Etant  donné  les  facilités  de 
paiement  accordées  aux  acheteurs  par  les  maisons  belges  et 
allemandes,  qui  arrivent  jusqu'<à  vendre  à  crédit  de  six  mois, 
alcrs  f[ue  les  raffineries  de  Marseille  ne  vendent  qu'au  comptant, 
et  la  petite  différence  de  prix  existant  entre  les  sucres  français 
et  étrangers,  il  est  à  craindre  que  cette  concurrence  ne  prenne 
de  jour  en  jour  des  proportions  plus  considérables.  Une  des 
raffineries  de  Marseille,  émue  des  résultats  obtenus  par  les 
étrangers,  s'est  décidée  à  diminuer  le  prix  de  son  sucre  et  celui 
(lu  transport  poui'  les  ports  de  la  côte  où  les  sucres  belges 
arrivent  en  plus  grande  quantité,  afin  de  conserveries  marchés 
des  dilférenfes  villes  du  Maroc.  De  plus,  la  raffinerie  de  Chante- 
nay,  afin  d'introduire  au  Maroc sessucres(iui  y  étaient  inconnus 
auparavant,  vend  ses  produits  avec  un  escompte  de  2  1/2  O/q, 
et  le  montant  n'est  payé  qu'à  l'arrivée  de  la  marchandise;  les 
autres  raffineries  françaises,  sauf  de  rares  exceptions,  ne  ven- 
dent   leurs    sucres   qu'après  avoir    été  payées  d'avance   du 
montant  (•).  Le  Consul  britannique  à  Tanger  croit  que  le  sucre 
égyptien  se  vendrait  facilement  sur  cette  place  et  pourrait 
concurrencer  le  sucre  français  si  les  frais  de  transport  étaient 
moins  considérables,  aucune  ligiie  directe  de  vapeurs  n'exis- 
tant entre  l'Egypte  et  le  Maroc. 

Farines.  —  La  valeur  de  la  farine  importée  en  1900  est  de 
fr.  228,000  ;  la  demande  est  en  augmentation  constante  depuis 
quelques  années,  à  cause  de  la  cherté  du  blé  dans  le  district  de 
Tanger.  La  plus  grande  partie  est  fournie  par  la  France,  le 
reste  étant  de  provenance  américaine  et  importé  par  Gibraltar- 

Bouffies.  —  Tanger  a  reçu  en  1900  pour  168,-325  francs  de 
bougies,  presque  exclusivement  de  provenance  anglaise,  la 
Belgique  ayant  importé  506  caisses  et  la  France  132.  La  bougie 
était  autrefois  un  de  nos  principaux  articles  de  vente  ;  mais  la 


{.{)  Rapport  de  M.  de  Moabel,  ancien  fininistre  de  France  à  Tanger. 
Moniteur  Officiel  du  Commerce,  du  8  mai  19U0. 


370    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

bougie  actuellement  consommée  au  Maroc  est  à  base  de 
paraffine,  tandis  que  la  bougie  française  est  à  base  de  stéarine. 
Cependant  les  bougies  à  stéarine  de  fabrication  hollandaise 
sont  appréciées  par  les  Marocains  riches  qui  peuvent  se  per- 
mettre une  plus  forte  dépense.  On  prétend  que  les  .\llemands 
imitent  les  bougies  anglaises. 

Huiles  et  Beurre.  —  Sur  fr.  100,000  d'huiles  importées  à 
Tanger  en  1900,  l'Angleterre  en  a  introduit  les  deux  tiers,  de 
provenance  américaine,  à  ce  que  l'on  prétend.  L'Espagne  et 
l'Allemagne  en  ont  introduit  une  certaine  quantité.  Marseille, 
qui  expédiait  auparavant  la  moitié  des  huiles  consommées  à 
Tanger,  n'en  a  introduit  que  pour  10,000  francs.  Quant  au 
beurre,  M.  Saint-Piené  Taillandier  estime  que  le  cbifTre  de 
notre  importation,  jusque  là  insignifiant,  pourrait  être 
augmenté,  le  beurre  français  pouvant  arriver  à  Tanger  plus 
frais  que  les  beurres  étrangers. 

Thé.  —  La  valeur  du  thé  importé  à  Tanger  en  1900,  a  été 
de  fr.  549,250,  presque  exclusivement  de  provenance  anglaise. 

Café.  —  Valeur  en  1900,  fr.  52,875  ;  principalement  d'ori- 
gine brésilienne,  expédié  par  l'Allemagne  et  la  France. 

Tahac.  —  En  1900,  les  importations  ont  atteint  fr.  208,950, 
provenant  de  Gibraltar,  de  France,  d'Algéile,  d'Allemagne  et 
d'Autriche-Hongrie. 

Fruits,  provenant  surtout  d'Espagne. 

Vins  et  spiritueux.  —  Importations  en  1900,  fr.  321,750. 
Les  vins  proviennent  pour  la  plus  grande  partie  d'Espagne.  Il 
semble  que  les  vins  français  et  algériens  pourraient  venir 
concurrencer  les  vins  espagnols  sur  la  place  de  Tanger. 

Epices.  —  Valeur  en  1900,  fr.  170,043,  surtout  d'importation 
anglaise. 

Conserces,  de  provenance  française  et  anglaise. 

Produits  chimiques.  —  Valeur,  fr.  88,675,  comprenant  prin- 
cipalement la  potasse  importée  d'Allemagne  et  de  Belgique,  le 
salpêtre  d'Allemagne  et  le  soude  d'Angleterre.  Le  salpêtre, 
faisant  l'objet  d'un  monopole,  ne  peut  être  introduit  que  pour 
le  compte  du  gouvernement  marocain.  Les  drogues  sont  intro- 
duites par  la  France  et  l'Angleterre. 

Allumettes.  —  Sur  un  total  de  fr.  122,375,  la  part  de  l'Italie 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    371 

a  été  de  t'r.  63,125,  celle  de  la  France  de  fr.  4t>,375  et  celle  de 
l'Angleterre  de  fr.  26,875. 

Quincaillerie.  —  La  valeur  de  la  quincaillerie  (machines 
agricoles,  couteaux,  etc.)  introduite  à  Tanger  en  1900,  est  de 
fr.  190,500.  La  part  de  l'Angleterre  est  de  fr.  78,425,  celle  de 
la  Franec  de  fr.  36,975,  celle  de  l'Allemagne  de  fr.  29,250,  et 
celle  de  la  Belgique  de  fr.  18,450. 

Fers  et  Aciers.  —  Valeur  totale,  fr.  1 48,350,  de  provenance 
française,  anglaise  et  allemande. 

Verrerie.  —  Le  total  de  l'importation  de  cet  article  s'est  élevé 
à  fr.  82,375  en  1900,  contre  fr.  148,950  en  1899.  La  plus  grande 
partie  est  introduite  par  l'Allemagne,  le  reste  pir  la  France. 

Un  artic'e  en  bonne  demande  est  le  verre  à  thé  de  couleur, 
surtout  de  fabrication  austro-hongroise  et  expédié  jusqu'à 
présent  par  l'Allemagne  et  la  Belgique.  M.  Saint-René  Taillan- 
dier estima  que  nous  devons  pouvoir  fabriquer  également  cet 
article  et  qu'il  importerait  de  l'introduire  à  bon  marclié. 

Papeterie.  —  Valeur  en  1900,  fr.  45,175,  surtout  de  prove- 
nance trançaise. 

Ameublement.  —  Il  a  été  introduit  en  1900  pour  fr.  103.700 
de  marchandises  rentrant  dans  celte  catégorie  :  lits,  chaises, 
glaces,  etc. 

Matériaux  de  construction.  —  Valeur  importée  en  1900, 
environ  fr.  315.000  :  marbre  pour  parquets  ;  poutres  en  fer, 
de  provenance  belge  ;  bois  de  construction,  de  provenance 
suédoise  ;  briques  et  tuiles,  de  France  et  d'Espagne  ;  ciment 
de  Portiand,  surtout  de  provenance  française,  etc. 

Pétrole.  —  La  décadence  des  importations  de  pétrole  à 
Tanger  doit  être  attribuée  à  l'augmentation  de  l'usage  de  la 
lumière  électrique  et  à  l'abondance  de  cette  denrée  en 
magasin . 

Charbon.  —  L'augmentation  du  prix  du  charbon  a  sérieu- 
sement affecté  les  importations  à  Tanger  ;  les  propriétaires  de 
moulins  utilisent  le  bois,  de  préférence  à  un  combustible  plus 
cher.  Dans  les  maisons  particulières,  on  brûle  le  charbon  de 
bois  de  préférence  à  la  houille.  Le  ponton  de  charbon  amarré 
à  la  baie  ne  fait  pas  beaucoup  d'affaires  avec  les  navires  ; 
étant  donné  la  difficulté  actuelle  de  faire  du  charbon  à  Tanger, 


372    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOJirQUES  DE  LA  FRANCE  AU  ILVROf: 

ceux-ci  préfèrent  aller  y  Gibraltar.  La  demande  étant  très 
faible,  il  n'y  a  pas  de  concurrence  et  l'on  paie  -  I.IG  sh. 
(fr.  35)  par  tonne  de  houille  livrée  en  douane. 


II.  —  Exportations 

Depuis  1897,  les  exportations  de  Tanger  se  présentent  en 
augmentation  constante  ;  cette  augmentation  a  été  surLout 
sensible  en  1900  et  porte  principalement  sur  les  peaux 
de  chèvres,  les  bœufs,  la  cire,  les  laines,  les  babouches. 
Ce  commerce  a  un  caractère  local  nettement  tranché.  En  effet, 
les  produits  naturels,  exception  faite  de  la  cire  expédiée  .en 
Allemagne,  des  peaux  de  chèvres  envoyées  aux  Etats-Unis  et 
des  dattes  envoyées  à  Londres,  sont  pour  la  plupart  exportés 
dans  les  régions  voisines  :  Sud  de  l'Espagne,  possessions 
anglaises  de  la  Méditerranée.  Quant  aux  produits  de  l'industrie 
marocaine  pour  lesquels  Tanger  est  iè  principal  port 
d'exportation,  ils  sont  tous  envoyés  dans  les  pay.s  voisins  de 
l'Afrique  musulmane.  L'Espagne  a  une  part  prépondérante 
dans  les  exportations  de  Tanger  ;  elle  en  a  reçu  en  1900 
34  1/3  °/o  ;  cette  part  avait  été,  il  est  vrai,  de  45,9  "/o  en  1899. 
Dans  les  chiffres  portés  au  compte  de  l'Espagne,  rentrent  les 
expéditions  à  destination  de  Mélilla,  port  qui  approvisionne  le 
Maroc  du  Nord-  Est.  La  part  de  l'Angleterre  est  tombée 
de  29,5  "/„  en  1899,  à  20,7  %  en  1900  ;  une  quantité  considé- 
rable de  marchandises  à  destination  des  Etats-Unis  a  pu  être 
séparée  des  chiffres  portés  au  compte  de  l'Angleterre  ;  d'autre 
part,  la  presque  totalité  de  ces  exportations  a  pour  destination 
Malte  et  Gibraltar,  12  à  15  "/o  à  peine  étant  envoyés  en 
Angleterre.  Au  contraire,  la  part  de  l'Allemagne  est  passée 
de  1,8  %  en  1899,  à  12,1  "/o  en  1900.  Celle  de  la  France  est 
passée  de  7  «/o  à  10,3  «/o  ;  dans  les  chiffres  portés  au  compte 
de  la  France  rentrent  les  expéditions  à  destination  de  l'Algérie, 
de  la  Tunisie  et  du  Sénégal.  Une  quantité  considérable  de 
produits  de  l'industrie  marocaine  est  expédiée  par  Tanger,  en 
Tripolitaine  et  en  Egypte. 

Œufs.  —  C'est  un  des  priiTcipaux  articles  d'exportation. 
Ce  commerce,  qui  ne  date  que  de  quelques  années,  est  en 
progression  rapide.  Il  a  été  exporté,  en  1900,  46. .500.000  œufs, 
d'une  valeur  totale  de  fr.  1.954.525.  La  plus  grande  partie  est 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA.  FRANCE  AU  MAROC     373 

envoyée  en  Espagne,  le  reste  à  Gibraltar  (d'où  une  certaine 
quantité  est  réexpédiée  en  Angleterre,  en  France,  en  Alle- 
iTiagne).  Les  envois  en  Espagne,  cause  de  la  proximité 
de  ce  pays,  peuvent  être  elïectués  pendant  toute  l'année, 
tandis  que  les  envois  dans  les  autres  pays  ne  peuvent  avoir 
lieu  que  pendant  la  saison  froide.  Ces  œufs  sont  petits,  mais 
de  bonne  qualité,  et  l'on  peut  s'en  procurer  de  grandes 
quantités  à  des  prix  modérés. 

Bd'ufs.  —  I^e  nombre  des  bœufs  exporlés  par  Tanger  en 
1900  a  été  de  23.659,  d'une  valeur  totale  de  fr.  1.892.725  : 
14.488  ont  été  expédiés  a  Gibraltar  et  9.120  en  Espagne  et  à 
Melilla.  II. y  a  quelques  aunées,  l'exportation  des  bœufs  par 
Tanger  s'élevait  en  moyenne  à  plus  de  2.500.000  fr.  par  an  ; 
en  1894,  elle  avait  atteint  le  chiffre  considérable  de  fr.  4.185.000, 
portant  sur  30.000  tètes  de  bétail.  Mais  à  cette  époque  un 
grand  nombre  de  bœufs  étaient  expédiés  à  Marseille  ;  à  la 
suite  des  restrictions  imposées  par  les  autorités  françaises, 
les  exportations  directes  de  bœufs  à  destination  de  ce 
port  ont  cessé,  mais  un  grand  nombre  parviennent  à 
Marseille  par  les  ports  algériens  après  avoir  franchi  'la 
frontière  par  voie  de  terre  ou  après  avoir  été  expédiés 
par  Melilla. 

On  évite  ainsi  le  droit  d'exportation  de  25  francs  par  lète  de 
bétail,  perçu  à  Tanger.  Notons  que  Tanger  est  le  seul  port 
marocain  par  lequel  l'exportation  des  animaux  vivants  soit 
autorisée,  dans  la  mesure  indiquée  plus  haut. 

Volailles.  —  Valeur  en  1900,  fr.  101,850.  Elles  sont 
expédiées  à  Gibraltar  et  dans  les  régions  adjacentes 
d'Espagne. 

Peaux  de  chèvres.  —  La  valeur  des  peaux  de  chèvres  expor- 
tées en  1900  a  été  de  fr.  1,012,525,  contre  fr.  323,750  en  1899  : 
elles  sont  dirigées  principalement  sur  les  Etats-Unis,  la 
France,  l'Espagne  et  l'Italie. 

Peaux  de  bœufs.  —  Dirigées  principalement  sur  l'Espagne. 

Cire.  —  L'augmentation  considérable  des  exportations  de 
cire,  passées  de  fr.  197,900  en  1899  à  fr.  1,154,825,  a  pour 
cause  d'i  in  portantes  expéditions  en  Allemagne.  La  France  en 
reçoit  une  certaine  quantité. 

Alpiste.  —  Expédié  en  Angleterre. 


374    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

Dille?.  —  L'exportation  des  dattes  par  Tanger  a  atteint  en 
1900,  fr.  234,515,  la  plus  grande  partie  à  destination  de  l'An- 
gleterre, et  le  reste  surtout  pour  l'Espagne. 

C/irtCMi  (savon  minéral),  expédié  en  Algérie"'. 

Produits  de  l'industrie  marocaine.  —  Les  lainages  et  les 
babouches  fabriqués  au  Maroc  et  surtout  à  Fez  sont  expédiés 
en  grandes  quantités  par  Tanger  en  Egypte,  en  Tripolitaine, 
en  Algérie,  au  Sénégal,  à  Mélilla.  Les  tissus  de  laine  (couver- 
tures, haïks,  djelabas,  etc.)  exportés  en  1900  représentent  une 
valeur  de  fr.  1,029,500,  contre  fr.  472.000  en  1899  ;  l'exporta- 
tion des  tapis,  provenant  de  Rabat,  a  atteint,  fr.  270,050  (conti'e 
fr.  141,300)  ;  celle  des  babouches  s'est  élevée  de  fr.  755,625  en 
1899  au  chilTre  considérable  de  fr.  1,550,000  en  1900.  Une 
partie  importante  de  ces  articles,  notamment  des  babouches, 
est  e-xpédiée  au  Sénégal.  Dans  son  récent  rapport,  M.  Saint- 
René  Taillandier  insiste  sur  ce  fait,  que,  faute  de  bateaux 
français  touchant  à  Tanger  avant  d'aller  au  Sénégal,  les 
babouches  sont  transportées  par  des  bateaux  allemands  qui 
font  le  service  de  la  côte  occidentale  d'Afrique  (Wœrmann 
Liniej  et  qui  passent  à  Tanger  tous  les  mois.  «  La  babouche, 
«  écrit  il,  constituant  un  fret  régulier  pour  le  Sénégal,  il  me 
((  paraît  ulile  que  cette  situation  soit  portée  à  la  conTiaissance 
«  des  compagnies  de  navigation  ayant  des  services  entre 
«  Marseille  et  le  Brésil  par  Dakar.  Si  leurs  bateaux  passaient 
«  à  date  fixe  à  Tanger,  et  si  le  commerce  en  était  exactement 
«  informé,  ils  auraient  les  plus  grandes  chances  d'y  prendre 
«  du  fret  pour  le  Sénégal,  et  des  passagers  (émigrants  Israélites) 
«  pour  le  Brésil,  qui  s'y  rendent  par  les  bateaux  de  la  Compa 
«  gnie  Ligure  Brasiliana,  de  Gènes,  touchant  à  Tanger  une  fois 
«  par  mois.  » 

III.  —  Navigation 

En  1900,  ont  touché  à  Tanger,  1,336  navires  jaugeant 
423,917  tonnes,  contre  l,0i4  navires  jaugeant  358,590  tonnes 
en  1899. 

Voici  le  tableau  du  mouvement  de  la  navigation  de  Tanger 
en  1899  et  en  1900. 


(1)  Les  Arabes   prononcent  r'asoul.   Quant  à  l'usage  de  ce  savon, 
cf.  Mouliéras.  Maroc  Inconnu.,  t.  11,  p.  496,  n"  t. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCli  AU  MAROC    375 


-1  899 

-1  900           1 

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^^ 

PAVILLONS 

ta 
ce      ï 

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roNNA(;E 

TONNAGE 

Anglais 

262 

115.570 

307 

140,620 

Espagnols 

622 

1 20. 056 

827 

131.730 

Allemands 

29 

24.090 

46 

U  808 

Francjais ■.  .  . 

65 

43.895 

68 

44.040 

Ilnliciis 

16 

31.235 

16 

28.707 

Ilollaudnis 

U 

10.897 

17 

17.015 

Auslro-IIongrois  .  . .  .\ 

« 

0 

9 

13.868  ! 

1   Roumain 

» 

1 

1.452 

Portugais 

33 

1.365 

41 

711  i 

2 

494 

686 

183 

2.271 

1.848 

2 
2 

» 

604  1 
362 

» 

Russe 

Tun-s 

Belge 

Total 

1.044 

358.590 

1.336 

423.917 

L'Espagne  vient  en  tête  pour  le  nombre  des  navires,  mais 
elle  est  dépassée  par  l'Angleterre  en  ce  qui  concerne  le 
tonnage  :  cela  tient  à  ce  que  dans  les  827  navires  espagnols 
entrés  à  Tanger  en  1900,  on  compte  517  petits  voiliers  d'un 
tonnage  total  de  9.618  tonnes  seulement.  Quant  à  la  navigation 
à  vapeur  espagnole,  elle  porte  presque  exclusivement  sur  les 
navires  de  la  Compai'ia  Transatlanlica  qui  font  le  service 
postal  entre  Cadiz  et  Algecir-as  et  qui  touchent  à  Tanger  et  à 
Gibraltar  sur  leur  passage  :  de  là  300  entrées  à  Tanger  en  1900, 
représentant  1 16.556  tonnes.  Les  voiliers  espagnols  sont  pour 
la  plupart  employés  à  la  pèche,  ou  à  transporter  des  œufs  et 
provisions  dans  les  ports  espagnols  voisins  et  à  en  rapporter 
des  vins,  des  poteries,  des  fruits,  etc. 


376    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

L'Angleterre  a  vu  augmenter  sa  Navigation  à  vapeur  en  1900 
de  23  navires.  Elle  est  représentée  par  les  compagnies  suivantes: 

Entiées  en  1303  Tonnage 

M.   H.  Bland  et  Co,  Ld,  service  entre 

Gibraltar  et  Tanger 22i)  29.172 

Forwood   Brothers   et   Co,   de    Londres 

aux  Canaries 34  41  970 

Papayamii  Steamship  Co,  de  Llverpool 

en  Egypte 35  57 .  774 

La  France,  dont  la  navigation  est  restée  stationnaire  en  1900, 
est  représentée  par  les  compagnies  suivantes  : 

Entrées  en  lOûO  Tonnage 

Compagnie  K.  Paquet,  de  Marseille  aux 

Canaries 37  21.988 

Compagnie    de    Navigation    Mixte,    de 

Marseille  à  Tanger  par  l'Algérie. .. .         25  19.322 

Des  arrangements  ont  été  pris  pour  que  les  cargo-boats  de 
la  Compagnie  des  Vapeurs  de  Charge  français  touchent  à 
Tanger  sur  leur  route  entre  Marseille  et  Dunkerque.  D'autre 
part,  depuis  le  li^f  janvier  1902,  la  Compagnie  Navale  de  l'Ouest 
a  organisé  un  service  mensuel  entre  le  Havre  et  les  ports  Maro- 
cains, faisant  escale  notamment  à  Tanger. 

L'Allemagne  a  vu  son  tonnage  presque  doubler  en  1900 
parce  que  la  Levant  Linic  a  repris  ses  escales  à  Tanger  et 
parce  que  la  Woermann  Linie  a  augmenté  ses  entrées  dans  ce 
port.  Voici  le  tableau  de  la  navigation  allemande  : 

Entrées  en  1900  Tonnage 

Slomann  Linie,  de  Hambourg  à  la  Alédi- 

terranée 14  14. 188 

Woermann  Linie,  de   Hambourg  à  la 

côte  occidentale  d'jVfrique 13  11 .847 

Oldenburg,    Portugiesische     Linie,     de 

Hambourg  aux  ports  marocains  ....         13  10.439 

£ei'a»ii  Lijii'e,  Hambourg-Constantinople  0  8.326 

L'Italie  est  représentée  par  la  Ligure  Braziliana,  entre 
(rênes  et  l'Amérique  du  Sud,  qui  fait  escaie  à  Tanger  où  elle 
embarque  des  émigrants-pour  le  Brésil. 

La  Hollande  est  représentée  par  la  Compagnie  Royale  Néer- 
landaise, entre  la  Hollande  et  les  Indes,  qui  fait  escale  à 
Tanger  où  elle  a  embarqué  en  1900  des  pèlerins  pour  le  Hedjaz, 


LES  INTÉBKTS  ÉCONOMIQUKS  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC     377 

L'Autriche- Hongrie  a  ùté  représentée  pour  la  première  fois 
en  1900  par  le  fJoijd  Autrichien,  dont  les  navires  faisant  le 
service  de  l'Amérique  du  Sud  ont  touché  à  Tanger.  La 
Compagnie  Adria  vient  de  créer  un  service  de  navigation 
régulier  vers  les  ports  n  arocains. 

La  navigation  portugaise  ne  se  compose  que  de  petits  voiliers, 
employés  à  la  pêche. 

Ohservaiion.  —  La  Errance  tient  tou.joui's  une  place  considé- 
rable dans  le  commerce  de  Tanger,  surtout  en  ce  qui  concerne 
les  importations.  Il  est  intéressant  de  constater  qu'au  lieu  de 
porter  presque  exclusivement  sur  un  seul  article,  le  sucre, 
comme  cela  se  produit  dans  la  plupart  des  ports  marocains 
nos  envois  à  Tanger  se  répartissent  .sur  un  très  grand  nombre 
de  marchandises  diverses,  au  premier  rang  desquelles  ligurent, 
pour  une  valeur  sensiblement  égale,  les  sucres,  les  cotonnades, 
les  soieries  et  les  lainages.  Quant  aux  exportations,  les  colonies 
françaises  y  ont  une  large  part.  «  Nos  produits  nationaux  )), 
écrivait  M.  de  Monbel,  ancien  Ministre  de  FranceO,  «  sont, 
«  à  l'exception  de  certains  articles  étrangers,  plus  recherchés 
«  au  Maroc  que  ceux  des  autres  pays;  les  relations  commer- 
«  ciales  sont  des  plus  faciles  et  des  plus  continues,  à  l'aide  de 
«  notre  navigation  et  des  agences  de  banques  françaises, 
«  parmi  lesquelles  se  trouve  le  Comptoir  National  d' Escompte , 
«  qui,  depuis  son  établissement  au  Maroc,  rend  de  très  utiles 
«  services  au  commerce  français  et  facilite  les  rapports  avec 
«  tous  les  autres  pays  en  général.  » 


§  in.  —  TCTOUAN  (Tit'l'aouine  ^jj  Li-^_.' ) 

Cotte  ville  est  située  à  8  kilomètres  de  la  Méditerranée  sur 
l'oued  Jelu  ou  Martil  à  l'embouchure  duquel  se  trouve  la  rade 
par  laquelle  Télouau  communique  avec  l'Europe.  C'est  une 
rade  ouverte  qui  n'olïVe  pas  d'abri  aux  navires.  Les  embarca- 
tions d'un  faible  tirant  d'eau  peuvent  entrer  dans  le  fleuve 
lorsque  la  barre  ne  les  en  empêche  pas.  Les  navires  de  fort 
tonnage  ne  peuvent  mouiller  qu'à  un  mille  de  la  côte  :  la  rade 
de  Tétouan  ne  leur  offre  par  conséquent  aucun  abri  contre  les 
vents. 


(1)  Le  commerce  e.Kténeur  de  Tanger,  Larache,  Mazagan,  Salii  et  Rabat 
en  lb98,  Moniteur  Officiel  du  Commerce,  du  S  mars  19i.iO. 


378    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

Cette  ville  qui  compte  une  population  de  20.000  habitants 
est  le  siège  d'une  industrie  assez  florissante.  On  y  fabrique  des 
objets  en  cuir  brodé,  des  babouches,  des  cebiturcs,  des  soies 
brodées,  des  djellabas,  des  haiks,  des  vases  en  cuivre,  des 
mosaïques,  des  meubles,  etc.  Une  des  principales  industries 
de  la  ville  est  celles  des  fusils  dai)iasquincs(^'>  ;  mais  les  fabri- 
cants de  fusils  luttent  difficilement  contre  la  concurrence 
européenne.  Le  commerce  de  la  place,  presque  entièrement 
entre  les  mains  des  Juifs,  a  un  caractère  absolument  local.  Les 
peuplades  des  montagnes  envii'onnantes  sont  très  pauvres: 
elles  n'apportent  que  peu  de  produits  sur  le  marché,  et  leur 
faculté  d'achat  est  limitée. 

Voici,  d'après  le  rapport  de  M.  Bewicke,  vice-consul 
britannique  <->,  le  tableau  de  la  valeur  des  échanges  en  1899 
et  1900  : 

Importations  ExporUlions 

Fr.  Fr. 

1899     1900  -  1899  1900 

Angleterre...    848. 700  575.325  117.-450  68.150 

France 143.375  191 .325  13.950  25.700 

Espagne 23.275  24.900  27.300  15.150 

Allemagne...      »  48.100  »  » 


Total...  1.015.350   839.650    158.700   109.000 

Il  ressort  de  ce  tableau  que  la  diminution  du  commerce 
total,  constatée  en  1900  par  rappoi-t  à  1899,  est  entièrement  à 
à  la  charge  du  commerce  angbiis,  ou  plus  exactement  de 
Gibraltar.  Le  commerce  français  est  au  contraire  en  progrès 
sensible,  ce  résultat  étant  dû,  comme  nous  le  verrons  plus 
loin,  à  l'augmentation  de  la  navigation  française  dans  le  port 
de  Tétouan. 

I.  —  Importations 

Les  principaux  articles  d'importation  sont  les  colonnades 
anglaises,  les  soieries,  les  sucres  français,  les  bougies,  le  thé, 
le  café,  le  pétrole,  les  draps,  etc.  L'augmentation  des  impor- 
tations de  farines  et  d'huile  d'olive,  l'importation  de  céréales 


(1)  R.  J.  Fri-ch   Le  Maroc,  p.  228. 

(2)  Foreirjn  Office,  Annual  Séries,  n"  2723. 


LKS  INTÉRKTS  El  .ÛNOMIQL  ES  DE  LA  IKANCE  AL"  MAKOC    o7i> 

de  la  côte  voisine,  sont  des  signes  de  mauvaise  récolte,  et 
par  suite,  de  diminution  de  la  richesse  et  de  la  faculté  d'achat 
de  la  population. 

II.    —    ExrORTATIiiNS 

Les  principaux  produits  naturels  exportés  sont:  la  r/rainc 
de  lin,  les  arnundcs,  le  liî'ge,  les  oranges,  les  œufs,  la  CfVe. 
Il  a  été  exporté  en  IDOO,  4,400  paires  de  babouches,  d'une  valeur 
de  fr.  7.2.30.  La  pêche  et  le  couimerce  des  poissons  salés  sont 
entièrement  entre  les  mains  des  Espagnols  :  le  sel  est  importé 
d'Espagne  et  les  poissons  sont  expédiés  dans  les  ports  espa 
gnols  et  à  Gibraltar. 

Le  consul  britannique  signale  un  essai  d'acclimatation  de 
tabac  de  La  Havane  .dans  cette  région  :  la  récolte  a  été  très 
satisfaisante,  les  feuilles  étaient  grandes  et  belles  ;  mais  il  est 
à  craindre  que  l'humidité  et  les  changements  de  température 
ne  rendent  impossible  la  préparation  du  tabac  sans  pro- 
cédés artificiels  ;  dans  ces  conditions,  même  si  la  culture 
était  libre,  le  tabac  produit  ne  serait  pas  de  première 
qualité  <■'. 

III.  —  Navigation 

Voici  le  tableau  de  la  na\igation  du  port  de  Téiouar.  en  1898, 
1890  et  llKlO; 


i  PAVILLON!^ 

-1 

39S 

tonnA(;f. 

1899 

5-5  ;      TOXN'ir.F. 

1 

5=^  > 

900 

TO.XNAGE 

1 

16 

^ 

r'r;mrais  .. 

UO 

12  206 

23 

17.632 

Anglais  . . . 

82 

5.027 

63 

4.153 

■  59 

4.680  ; 

Allemands. 

1 

146 

!) 

,) 

3. 

3.500 

1  Espagnols . 
Total... 

38 
122 

59.5 

64 

1.143 

42 

2.481 

5.908 

143 

17.502 

127 

23.293 

En  jetant  les  yeux  sur  ce  tableau,-  il  est  impossible  de  ne  pas 
être  frappé  de  l'augmentation  du  tonnage  de  la  navigation 
fru'içaise  d'une  manière  absolue  et  par  rapport  au  tonnage 


fl)  Foreiyn  Office.  Annual  Séries,  n°  Î6CI3. 


28 


380    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

total  :  depuis  1899,  les  vapeurs  de  la  Compagnie  Française  de 
Navigation  Mixte  font  escale  à  Tétouan  en  allant  d'Oran  à 
Gibraltar  et  à  Tanger  :  ils  s'arrêtent  maintenant  à  Tétouan 
tous  les  quinze  jours,  à  moins  que  le  mauvais  temps  ne  les  en 
empêche.  Celle  circonstance  explique  surabondamment  le 
développement  du  commerce  français  à  Tétouan.  Etant  donné 
les  conditions  favorables  où  il  se  trouve,  un  elTort  relativement 
faible  suffirait  pour  nous  implanter  davantage  sur  ce  marché 
qui,  malgré  son  caractère  restreint,  a  une  certaine  importance 
pour  nous  à  cause  de  sa  proximité  de  l'Algérie  et  de  sa  situation 
à  l'entrée  de  la  Méditerranée. 

L'apparition  de  plusieurs  navires  de  HamJjourg  a  eu  pour 
conséquence  naturelle  l'apparilion  du  commerce  allemand  à 
Tétouan.  On  dit  que  la  Goinpagnie  en  question  se  propose  d'y 
faire  escale  périodiquement. 


§  IV.  —  L.\UACIII5  (Kl-Araïch  ^i ->',-*-') 

Ce  port,  situé  à  l'embouchure  du  Loukkos,  sur  l'Atlantique, 
était  autrefois  exlrêmement  actif;  mais  ses  transactions  ont 
diminué  par  suite  do  l'ensablement  de  l'embouchure  du  fleuve, 
et  à  cause  de  la  barre  qui  est  très  dangereuse  par  les  gros 
temps.  Depuis  1809,  le  port  a  été  doté  d'un  petit  remorqueur 
qui,  bien  que  peu  en  état  de  passer  la  barre  par  un  gros  temps, 
facilite  cependant  les  transactions <".  M.  Fischer  estime  qu'il 
serait  relativement  facile  et  peu  coûteux  d'indiquer  l'embou- 
chure du  Loukkos  et  d'en  faire  ainsi  un  très  bon' port'-*.  La 
plupart  des  marchandises  débarquées  à  Larache  ne  font  que 
transiter  à  destination  de  Ksar-el  Ivbir,  d'Ouazzan,  de  Fez  et 
de  Meknès.  Larache,  qui  est  actuellement  le  port  le  plus 
rapproché  de  Fez,  dispute  à  Tanger  le  transit  de  cette  capitale  ; 
c'est  le  débouché  le  plus  immédiat  de  la  fertile  région  du 
R'arb  et  du  bassin  du  Sbou,  c'est-à-dire  d'une  des  contrées  les 
plus  riches  et  les  plus  peuplées  du  Maroc.  Cependant,  le  port 
de  Larache  qui,  pendant  les  années  antérieures,  avait  pris 
une  partie  du  transit  de  Tanger,  a  perdu  en  1900  cet  élément 
de   trafic,   transféré  de  nouveau  à  Tanger.    Les   fluctuations 


(1)  Mourement  commercial  et  marilime  de  Larache  en  1899. 
Rapp.  de  M.  Jfannier,  vice-consul  de  France.  Moniteur  officiel  du 
Commerce,  du  'M  août  1901). 

(2)  Tli.  Fischer.  Reise  im  Atlas-Vorlande  von  Marokko,  n°  37, 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA.  FKANCE  AU  MAROC    381 

considérables  rUi  change,  en  amenant  une  grande  incertitude 
dans  les  transactions,  ont  enipêclié,  dans  une  très  large 
mesure,  le  développement  des  importations  ;  en  1900,  ces 
fluctuations  ont  été  inférieures  à  celles  des  années  précé- 
dentes. On  peut  espérer  que  le  séjour  actuel  de  la  Cour 
chérifienne  dans  les  capitales  du  Nord,  donnera  une  nouvelle 
activité  au  commerce  de  Larache. 

Le  tableau  suivant <')  donnera  une  idée  des  lluctuations  des 
importations  à  Larache,  depuis  189-i. 

1894 Fr.  6.886.735 

1895 —  8.458.774 

1896 —  7.576.000 

1897 —  5.165.000 

1898.    .    .  < —  4.117.200 

1899 —  5.056.950 

1900 —  2.867.325 

Voici  maintenant  le  mouvement  du  commerce  pour  1899 
et  1900  :  '^> 

Importations  E.xporlations 

Fr.  Fr. 

1899  1900  1899  1900 

Angleterre..  3.090.850  1.462.425  769.925  349.625 

France 1 . 46 1 . 000  1 . 097 . 650  349 . 1 75  408 . 500 

Belgique....  337.200  235  050              »  » 

Allemagne.   .  132.625  64.125  229.900  56.525 

Espagne....  9  275  3.775  85.875  232.800 

Portugal....  »  2.150  132  000  128.375 

Italie 26.000  2.150              »  » 

Total...     5.050.950    2.867.325     1.566.8/5    1.175.825 

I.  —  Importations 

Comme  le  montre  le  tableau  ci-dessus,  les  importations  à 
Larache  ont  subi  une  baisse  considérable  pendant  ces  dernières 
années,  et  les  chitTres  de  1900  marquent  une  diminution  très 
sensible  sur  ceux  de  1899.  Cela  tient  à  ce  que  les  négociants 


(I)  Commerce  fjénéral  du  Maroc  en  1900.  Rapp.  de  M.  S.  Reoé 
Taillandier.  Supplément  au  Moniteur  officiel  du  Commerce,  du  9  jaa- 
vier  l'JU'^ 

(î)  Rapp.  de  M.  Forde,  vice-coasul  britannique.  Foreign  Office, 
Annual  Séries,  n°  2723. 


382    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

de  Fez  et  de  Meknès  onL  trouvé  plus  de  profit  à  recevoir  leurs 
marchandises  par  Tanger  ;  les  frets  pour  ce  port  et  les  droits 
perçus  ôlant  moins  élevés,  cet  avantage  a  plus  que  compensé 
celui  d'un  transport  terrestre  plus  rapide  et  du  louage  des 
cliameaux  meilleur  marché  par  la  voie  de  Larache.  Il  est  à 
remarquer  que  le  commerce  anglais  a  beaucoup  plus  souffert 
de  cette  diminution  que  le  commerce  français,  car  elle  a  porté 
sur  les  cotonnades  bien  plus  que  sur  les  sucres. 

Colonnades.  —  La  valeur  des  cotonnades  (d^  Manchester) 
importées  à  Larache  en  1900,  n'a  été  que  de  fr.  950.000  contre 
tr.  2.397.025  en  1899. 

Sucres.  —  La  valeur  des  sucres  importés  est  tombée  de 
fr.  1.458.800  en  1899,  à  IV.  L065.400  en  1900.  Les  sucres 
français  entrent  dans  ce  total  pour  83,97  "/o  et  les  sucres 
belges  pour  16,03  "/o,  la  part  proportionnelle  de  la  France 
ayant  augmenté  de  1,83  en  1900.  La  plus  grande  partie  des 
sucres  français  proviennent  de  Marseille  ;  ils-  sont  extrêiiiement 
recherchés,  et  le  consul  britannique  à  Larache  disait,  dans  un 
rapport  de  1899,  que  les  raftineurs  marseillais  ne  pouvaient 
suffire  à  toutes  les  commandes  qu'ils  recevaient.  D'autre  part, 
une  certaine  quantité  de  sucre  est  expédiée  de  Nantes,  par 
Gibraltar  ;  le  sucre  des  raffineries  de  l'Ouest  de  la  France  a 
été  trouvé  égal,  peut-être  légèrement  supérieur  en  qualité  à 
celui  de  Marseille,  son  piix  étant  inférieur  de  1  fr.  ou  1  fr.  50 
par  100  kilog.  ;  mais  ces  envois  ont  été  entravés  jusqu'à 
présent  par  l'absence  d'une  ligne  directe  de  transports  entre 
les  ports  français  de  l'Ouest  et  les  ports  marocains  de 
l'Allantique. 

Bougies.  —  Leur  valeur  est  passée  de  fr  309,200  en  1899, 
à  fr.  269,150  en  1900,  presque  entièrement  de  provenance 
anglaise  ;  les  envois  de  la  lîolgique  étant  peu  imiiortants. 

riio.  —Valeur:  fr.  111.425  en  1900,  contre  (r.  193.750  en 
1899,  de  provenance  anglaise. 

Soie  brute.  —  Valeur:  fr,  85.025  en  1900,  contre  tr.  73.950 
en  1899,  de  provenance  française  et  allemande. 

II.  —  Exportations 

En  1900,  la  France  vient  au  premier  rang  dans  le  commerce 
d'exportation  de  Larache  :  depuis  quelques  années,  elle  dispu- 
ait cette  première  place  à  l'Angleterre.  Les  exportations  des 


LES  INTÉRÊTS  ÉGONOMIQUICS  DE  LX  FRANCE  AU  M.\ROC   383 


laines  ont  été  inférieures  de  moitié  à  celles  de  1899  (fr.  381.825 
conire  tV.  lll.Wih)  h  cause  des  mauvaises  conditions  de  vente 
en  Europe  ;  de  grandes  quantités  de  laines  sont  restées  en 
magasin  à  Larache.  Les  régions  montagneuses  des  environs 
produisent,  en  dehors  des  laines  inférieures,  une  laine  d'excel- 
lente qualité  et  d'une  très  belle  couleur,  que  les  tribus  du 
voisinage  achètent  à  des  prix  que  les  exportateurs  ne  peuvent 
obtenir  et  s'en  servent  pour  faire  leurs  vêtements.  On  exporte 
une  laine  de  belle  qualité  nommée  Aboudia.  La  France,  l'An- 
gleterre et  l'Allemagne  se  partagent  les  exportations  de  laines 
de  Larache.  Les  exportations  de  peaux  de  chèores  (fr.  105,450), 
Ae,  savon  minéral  {g\vAzy\\),  de  crins,  de  vêtements  mauresques 
prennent  toutes  le  chemin  de  la  France.  L'exportation  des 
iimincs  d'a'pislc  (fr.  306,500  en  1900,  contre  fr.  411,300  en 
1899)  est  dirigée  principalement  sur  l'Anglet  'rra  et  l'Espagne  : 
20°/o  des  envois  de  C3lte  denrée  en  1899- lOOO  étaient  conservés 
depuis  4  ans  en  magasin,  dans  l'attente  d'une  hausse  sur  les 
marchés  européens:  ce  proluit  ne  se  détériore  pas  comme  les 
céréales  conservées  eu  magi^in.  Les /'«ues  (fr.  198,325  en  1900, 
contre  fr.  249,525  en  1899)  sont  expédiés  surtout  en  Angle- 
terre et  au  Portugal,  une  faible  quantité  étant  envoyée  en 
Espagne. 

111.   —  Na\I(;ation 

Voici  le  tableau  de  la  navigation  du  port  de  Larache  en  1899 
et  1900  : 


PAVILLONS 

-1 

a        .y 

899 

ToNN.\OE 

5-  - 

900 

TONNAGE 

46 
34 
23 
31 
16 
7 
2 
2 

24.305 

23.190 

15.114 

10.498 

^60 

833 

405 

268 

33 
23 

17 

67 

5 

5 

4 
1 

15.335 

14.254 

12.389 

1.533 

734 
496 

4j--(!  ; 

90 

'   Français 

AlleiiiaiiJ.s 

Espagnols  .... 

Portugais 

Danois    

Russes 

Total 

161 

75.473 

165 

45.337 

384    LES  INTERETS  ECONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

La  diminution  considérable  des  échanges  en  1900,  spéciale- 
ment du  commei'ce  d'importation,  a  eu  pour  corrélation  une 
diminution  de  la  navigation.  La  diminution  porte  presque 
exclusivement  sur  les  vapeurs  des  lignes  régulières.  La  Com- 
pagnie Transatlantique  Espagnole  a  complètement  supprimé 
ses  escales  à  Larache,  et  en  1900,  le  pavillon  espagnol  n'es* 
représenté  que  par  des  voiliers.  Le  pavillon  français  est  repré- 
senté à  Larache  par  la  Compagnie  Paquet,  de  Marseille 
(service  bi-mensuel). 

Il  est  facile  de  se  rendre  compte,  par  ce  qui  précède,  de  la 
place  considérable  occupée  par  la  France  dans  le  commerce 
de  Larache,  tant  aux  importations  qu'aux  exportations.  Ce  fait 
est  d'autant  plus  intéressant  à  constater  que  cette  ville  est  le 
port  le  plus  rapproché  de  Fez,  la  capitale  du  Nord,  où  la 
France  a  des  intérêts  économiques  et  politique  de  premier 
ordre.  «  La  préférence  des  négociants  de  Larache  pour  notre 
«  pays,  écrivait  î\l.  de  Monbel"),  tient  sans  doute  à  la  proxi- 
n  mité  relative  de  Marseille,  mais  plus  encore  aux  facilités 
«  qu'ils  rencontrent  de  la  part  de  nos  commerçants  ou  de  nos 
«  armateurs.  Les  produits  français  sont  meilleurs,  et  «  le 
«  Français  est  plus  accommodant  ».  Si  nos  produits  étaient  en 
«  même  temps  meilleur  marché,  nous  ne  tarderions  pas  à 
«  éliminer  tous  nos  concurrents.  » 


§  V.  —  LES  DJEBALA 

La  région  qui  se  trouve  à  proprement  parler  entre  deux 
mers,  la  région  des  Djebala  s'étendant  au  sud  et  à  l'ouest  du 
Rif  et  dont  la  partie  maritime  est  baignée  à  la  fois  par  la  Médi- 
terranée, le  détroit  de  Gibraltar  et  l'Atlantique,  est,  comme 
son  nom  l'indique,  entièrement  accidentée,  sauf  dans  la  partie 
voisine  de  l'Atlantique.  L'ouad  Ouarera,  l'un  des  principaux 
affluents  du  Sbou,  sépare  les  Djebala  des  plaines  de  la  pro- 
vince de   Fez.   La    population   des   Djebala,  très  dense,  est 


(0  Rapport  de  M.  de  Monbel,  ancien  ministre  de  France.  Moniteur 
officiel  du  Commerce,  du  8  mars  1900. 


LES  INTÉRÉrS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    385 

évaluée  par  M.  Mouliéras  à  près  de  deux  raillions  d'habitants  <') 
répartis  sur  36,000  kilomè'res  carrés  environ,  soit  environ 
55  habitants  par  kilomètre  carré.  Les  habitants  vivent  en 
groupes  ou  bourgs  d'importance  inégale,  dont  quelques-uns 
sont  considérables,  mais  qui  ont  un  caractère  rural  nettement 
accentué.  La  population  s'occupe  presque  exclusivement  de 
culture  et  de  jardinage.  On  trouve  dans  cette  province  des 
champs  d'orge,  de  bU,  de  maïs,  de  fèves,  de  pois  ;  mais  la 
plus  grande  ressource  consiste  dans  les  arbres  fruitiers, 
notamment  les  noyers,  les  oliviers,  les  figuiers,  les  orangers, 
les  vignes  :  ces  arl)res  donnent  des  fruits  en  abondance,  qui 
sont  échangées  contre  des  céréales  apportées  par  les  caravanes 
de  la  province  de  Fez  ;  on  fabrique  du  vin  et  de  l'huile.  Les 
cul/urcs  maraîchères  sont  également  très  répandues.  Le  lin  et 
le  chanvre  occupent  des  milliers  d'hectares  dans  la  province 
des  Djebala  où  l'on  >se  livre  à  la  lilature  et  au  tissage.  On  y 
cultive  le  tabac  et  le  kif  Les  montagnes  sont  couvertes  de 
forêts  de  diènes-liège,  de  cèdres,  de  tlnijas.  Mentionnons 
encore  la  culture  du  mûrier  et  l'élevage  des  vers  à  soie  ;  mais 
le  tissage  de  la  soie  a  lieu  à  Fez  et  à  Marrakech.  Le  bétail  est 
surtout  représenté  par  des  chèvres,  on  rencontre  également 
des  moutons,  des  bœufs  et  des  chevaux.  Enfin  l'apiculture  est 
assez  répandue.  Cette  province  septentrionale,  grâce  h  l'abon- 
dance et  à  la  régularité  des  pluies,  grâce  aussi  à  l'extension 
des  exploitations  arbustives  et  de  l'irrigation,  n'a  presque  point 
à  redouter  les  disettes  qui  désolent  en  temps  de  sécheresse 
les  plaines  de  la  côte  atlantique,  pays  à  céréales  et  à  grands 
troupeaux.  Aussi  l'importance  de  cette  région  est-elle  consi- 
dérable. Etant  donné  sa  proximité  de  l'Europe  et  ses  facilités 
relatives  de  pénétration,  c'est  sans  aucun  doute  une  des  parties 
du  Maroc  qui  a  le  plus  d'avenir.  N'oublions  pas,  à  ce  propos, 
de  mentionner  sa  grande  richesse  minière  :  on  y  trouve  du 
fer,  du  cuivre,  du  plomb,  du  soufre,  de  l'antimoine,  de  l'argent 
et  de  l'or,  ce  dernier  métal  étant  particulièrement  abondant 
sur  le  territoire  de  la  srande  tribu  de  R'mara'-',  voisine  du 


(1)  A.  Mouliéras,  le  Maroc  Inconnu,  deuxième  partie.  (Exploration  des 
Djebala)  Cf.  (Jonipte-reudu  de  cet  ouvrage  par  G.  Jacquelou.  «  Questions 
diplomatiifues  et  coloiiia'es  «,  1 J  mars  I9UI).  ainsi  que  l'étude  qui  en  a 
été  faite  p;u'  M.  IJoutlé  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  Géographie 
d'Oran,  juin  1899. 

(2)  A.  Mouliéras,  ouvrage  cité,  p.  288. 


380    LES  INTÉRlirS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

Rif  ;  mallieureusement  ces  trésors  sont  actuellement  inexploi  . 
tables. 

Les  ports  <iui  desservent  les  Djebala  sont  Tanger,  Larac:lie 
et  Tétouan  :  mais  une  très  faible  partie  seulement  de  leur 
mouvement  commercial  doit  être  rapportée  à  cette  province. 
A  rimportation,  presque  rien  n'est  pour  elle,  et  le  peu  d'objets 
européens  qui  y  pénètre  (sucres,  bougies,  cotonnades)  tiansile 
par  Fez.  Les  exportations  des  Djebala  consistent  surtout  eu 
œufs,  volailles,  cire,  peaux  de  chèvres,  laines;  le  tout  pour 
quelques  millions.  La  part  de  la  France  dans  ce  commerce 
est  relativement  considérable  ;  abstraction  faite  des  produits 
alimentaires  qu'absorbe  Gibraltar,  les  achats  français,  grâce 
aux  peaux  de  chèvres  et  aux  laines,  doivent  être  supérieurs 
aux  achats  anglais,  surlout  si  on  observe  que  les  marchandises 
exportées  sous  pavillon  britannique  sont  souvent  destinées  à 
d'autres  pays  que  l'Angleterre,  notamment  les  peaux  de 
chèvres  qui  vont  en  Amérique  '". 

Villes  des  l>jel)ala 

L'importance  de  Ksarel-Kbir  (  f...^.\J\  y-^J)  en  dehors  de 
la  fertilité  et  de  la  richesse  en  bétail  de  la  vallée  du  Loukkos, 
tient  à  cette  circonstance  que  cette  agglomération  est  un  lieu 
de  passage  obligé  pour  les  caravanes  se  rendant  de  Tanger  ou 
de  Larache  à  Fez  :  c'est  le  point  intermédiaire  entre  Tanger  et 
la  vallée  du  Sbou.  M.  Fischer  dit  que  la  vallée  inférieure  du 
Loukkos,  large  de  12  kilomètres,  sur  une  longueur  de  3ô  kilo- 
mètres entre  Ksar-el-Kbir  et  Larache,  pourrait  être  convertie 
en  un  immense  jardin,  ou  la  possibilité  d'y  acclimater  une 
diversité  infinie  de  fruits  et  légumes,  et  d'utiliser  l'eau  du 
Loukkos  et  de  ses  affluents  pour  l'irrigation  de  la  vallée  :  la 
construction  d'un  chemin  de  fer  de  Ksar-el-Kbir  à  Larache 
serait  une  entreprise  peu  coûteuse,  immédiatement  rémunéra- 
trice, qui  devrait  être  complétée  par  la  construction  d'un  port 
à  l'embouchure  de  Loukkos.  De  cette  façon,  les  produits  de 
cette  «  huerta  »  pourraient  être  rapidement  transportés  sur 
les  marchés  extérieurs.  On  pourrait  aussi,  il  est  vrai,  sans  de 
trop  grandes  dépenses,  utiliser  le  flux  pour  rendre  le  Loukkos 


(1)  G.  .Iacf|uelin.  nrticle  cilc 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    387 

navigable  jusque  dans  le  voisinage  de  Ksar  el-Kbir.  Du  jour 
oh  le  Maroc  tomberait  sous  rinlluence  d'une  puissance  euro- 
péenne, cette  localité  deviendrait  le  centre  d'importantes 
entreprises  industrielles  '  '  '. 

D'après  un  rapport  do  l'agent  consulaire  britannique  à  Ksar- 
el-Kbir  '-',  les  importations  sur  cette  place  portent  sur  les 
articles  suivants  :  calicots  et  mous&elinei  de  fabrication  anglaise, 
vendus  pour  une  valeur  annuelle  de  fr.  750,000  à  El  Ksar, 
Ouazzan  et  dans  les  souU'S  des  environs  ;  hoiigir^,  (lié,  épices, 
fer  et  acier,  savons  de  toilette,  importés  d'Angleterre,  pour 
fr.  75,000  par  an  ;  sucrp  et  allumettes,  importés  de  France  et 
de  Belgique,  une  grande  partie  du  sucre  en  pains  étant  vendu 
à  Ouazzan.  ville  assez  importante,  et  dans  les  souks  voisins  ; 
verrerie,  poterie,  draps  de  qualité  inférieure,  de  provenance 
allemande,  faisant  l'objet  d'un  tratlc  peu  important.  Il  vient 
aussi  de  France  quelques  soieries,  mais  là  nos  fabricants  sont 
coacurrencés  par  les  AUeuiands  dont  les  produits  sont  moins 
bons,  mais  moins  chers.  Il  est  à  noter  que  plusieurs  représen- 
tants de  maisons  allemandes,  se  rendant  à  Fez,  s'arrêtent  à 
Ksar-el-Kbir,  tandis  que  les  négociants  français  n'y  paraissent 
presque  jamais  ("'. 

Le  principal  article  d'exportation  est  la  laine  :  de  25,000  à 
30,000  toisons  sont  envoyées  annuellement  de  Ksar-el-Kbir  à 
Larache  pour  être  vendues.  Les  peaux  de  chèvres  et  de  vaches 
sont  apportées  à  Ksar-el-Kbir  du  R'arb  et  des  contrées  envi- 
ronnantes ;  on  les  sale  et  on  les  envoie  à  Larache  et  à  T'anger 
pour  la  vente.  Des  céréales  (blé  et  orge)  sont  également  appor- 
tées du  R'arb. 

Dans  la  ville  de  Ouazzan  on  fabrique  des  haiks  en  laine- 
Un   autre  centre  industriel  est  Ecli   Chaoun,  au  Sud   de 
Tétouan,  où  l'on  fabrique  des  armes,  des  haïhs,  des  djelabas, 
des  cuirs,  des  bahonclies,  et  oii  l'on  travaille  le  bois  des  forets 
voisines'". 

Arzila,  sur  la  côte,  entre  Larache  et  le  cap  Spartel,  a  perdu 
toute  importance  commerciale. 


(1)  Th.  Fischer.  Rei^e  im  Atlas  Vorlande  von  Marol.ko,  p.  31  et  Sa. 
(T)  Foreign  Office.  Annual  Séries,  n'  23ilG. 

(3)  Le  Commerce  du  Marne,  Rapport  annexé  au  Moniteur  Officiel  du 
Commerce,  du  '26  mars  1896. 
(i)  A.  Mouliéras,  Le  Maroc  Inconnu,  2"  partie,  p,  U' 


38S    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

§  VI.  —  VALLÉE  DU  SBOU.  —  LE   R'ARB.  —  FEZ.  — 

(lAS  C^-'^?)-  —  LES  BUABEK 

La  vaUéç  du  Sboti  comprend  deux  régions  de  nature  très 
dissemblable,  mais  l'une  et  l'autre  d'une  très  grande  richesse. 
La  vallée  supérieure  du  fleuve  et  de  ses  principaux  aftluents, 
l'Ouci)  er'a,  VInnaouen,  le  Rdein,  le  Beh't  est  une  région  mon- 
tagneuse désignée  par  les  géographes  sous  le  nom  de  Moijen- 
Allas,  chaîne  qui  court  parallèlement  du  Grand-Atlas,  au 
Nord  de  celui-ci.  Cette  région,  qui  forme  la  partie  Nord  de  la 
grande  province  centrale  des  Hfahev,  est  habitée  par  les  Ben'i- 
Ouarain,  les /lïf-YoHssi,  les  P>eni-]fffUd,  les  Zainn,  les  Beni- 
AJlir,  etc.,  grandes  tribus  berbères  iadépendantes;  elle  compte 
peut-être  parmi  les  plus  riches  dû  Maroc.  D'après  M.  cii' 
Segonzac,  qui  a  exploré  en  1901  cette  contrée  auparavant 
presque  inconnue,  la  plus  belle  partie  du  Maroc  montagneu.x'. 
est  celle  qui  commence  immédiatement  au  Sud  de  la  trouée  de 
Tazi.  :  les  nombreuses  et  puissantes  tribus  qui  l'habitent  culti- 
vent admirablement  le  fond  des  vallées,  tandis  que  des  groupes 
d'entre  elles  gardent  les  troupeaux  sur  la  montagne  :  celle-ci 
est  boisée  de  chcnes  verts,  de  chénes-liégcs  ei  de  cèdres,  mais 
les  indigènes  détruisent  peu  à  peu  ces  forêts  O.  La  région  oflre 
également  de  grandes  ressources  au  point  de  vue  minéralo- 
gique. 

La  vallée  inférieure  du  Sbou  constitue  la  province  de  Fez  ; 
à  partir  de  cette  ville  jusqu'à  l'Océan  Atlantique  s'étend  la 
grande  plaine  du  R'arb,  extrêmement  riche  en  pâLurages  et  en 
bétail  (bo:ufs,  moutons,  chevaux),  et  produisant  du  blé,  de 
Yorije  et  des  fruits  et  légumes  de  toute  nature.  Au  Sud  du  Sbou 
on  commence  à  rencontrer  la  fameuse  terre  noire  dont  la 
fertilité,  ainsi  que  nous  le  verrons  plus  loin,  est  extraordinaire. 
La  population  du  R'arb,  relativement  dense,  se  compose  de 
tribus  arabes  soumises  à  l'autorité  du  Sultan.  Le  Sbou,  dit 
Reclus  (■>«  est  le  cours  d'eau  le  plus  abondant  de  l'Afrique 
«  septentrionale,  après  le  Nil.  Large  de  100  à  300  mètres  dans 


(1)  Article  de  M.  R.  de  Caix  sur  le  voyage  de  M.  de  Segonzac.  Journal 
des  Débats  du  16  avril  1902. 

(î)  Reclus.  Géographie  Universelle.  L'Afrique  septentrionale, 
2*  partie,  p.  675. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    389 

a  sa  partie  inférieure,  il  coule  en  méandres  entre  des  berges 
«  terreuses  de  7  mètres  de  hauteur  qu'il  dépasse  parfois  dans 
«  les  crues.  Sa  profondeur  moyenne  est  de  3  mètres.  On 
«  pourrait  donc  utiliser  le  Sbou  pour  la  navigation,  du  moins 
«  pendant  une  grande  partie  de  l'année  :  de  petits  bateaux  à 
«  vapeur  remorquant  des  chalands  à  fond  plat  remonteraient 
«  le  lleuve  sans  peine  jusque  dans  le  voisinage  de  la  capitale  ; 
«  mais  tous  les  transports  de  denrées,  tous  les  voyages  entre 
«  le  littoral  et  les  lieux  d'étapes  do  la  vallée,  situés  sur  les 
«  routes  de  Fez,  se  font  par  terre.  Les  tribus  riveraines  sont 
«  trop  remuantes  pour  qu'un  commerce  régulier  puisse 
«  s'établir  par  voie  fluviale.  »  A  peu  près  ù  mi-chemin,  entre 
l'embouchure  du  Sbou  et  celle  du  Loukkos,  se  trouve  une 
vaste  lagune,  la  Merdjat-ez-Zcnia{\Q  Marais  bleu),  qui,  d'après 
Tissot  "),  formait  autrefois  un  golfe  intérieur  et  «  offrait  dans 
«  l'antiquité  et  jusqiw  dans  le  moyen-âge,  un  des  ports  les 
ft  plus  vastes  et  les  plus  si^u's  du  littoral  maurétanien. ...  Ce 
«  n'est  qu'à  une  date  relativement  récente  que  les  sables,  en 
«  s'accumulant  dans  la  coupure  qui  communique  avec  l'Océan, 
«  ont  formé  une  barre  qui  ne  permet  plus  aux  bâtiments  de 
«  pénétrer  dans  la  lagune,  tout  en  offrant  encore  assez  de 
«  profondeur  pour  rendre  le  passage  également  impraticable 
«  aux  caravanes  qui  suivent  le  littoral.  »  Entre  cette  lagune  et 
le  cours  inférieur  du  Sbou,  s'étend  une  autre  lagune,  bien 
plus  vaste  encore  que  la  précédente,  la  Merdja  Ras-ed-Doura, 
qui  n'a  point  d'accès  sur  la  mer,  mais  communique,  par 
contre,  avec  le  Sbou.  A  son  embouchure,  la  profondeur  du 
Sbou  atteint  près  de  6  à  7  mètres  ;  mais  la  barre  qui  se  fait 
sentir  à  Mehedia,  à  l'entrée  du  fleuve,  en  rend  l'accès  très 
dangereux,  de  sorte  que  le  commerce  a  complètement  délaissé 
ce  point,  actuellement  simple  village,  mais  susceptible  de 
prendre  dans  l'avenir  un  essor  considérable,  en  tant  que 
débouché  naturel  de  la  vallée  la  plus  riche  et  la  plus 
populeuse  du  Maroc,  lorsqu'on  y  aura  créé  un  port  et 
lorsqu'on  aura  régularisé  la  navigation  du  Sbou  à  son 
embouchure. 

Il  y  a  en  effet  peu  de  régions  au  Maroc  dont  l'importance 
économique  soit  plus  grande.  La  vallée  du  Sbou  est  la  voie 


(!)  Géographie  compai'ée  de  la  Maurétanie  Tingitane,  p.  85  et  suiv. 
Cité  par  M.  Mouliéras  dans  Le  Maroc  Inconnu,  1'  partie,  p.  556. 


390    LES  INTÉRÊTS  ÉC.0N0:\11QUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

de  communication  naturelle  entre  le  bassin  méditei'ranéen 
de  la  Mlouïa  et  le  littoral  atlantique.  Elle  constitue  la  ligne 
de  séparation  et  la  grande  voie  de  communication  entre  l'Atlas 
et  le  Rif.  Enlia  elle  renferme  la  ville  la  plus  importanle  du 
Maroc,  Fas,  improprement  appelée  Fer,  qui  compte  100  à 
150,000  habitants.  L'autre  capitale  du  Nord,  .\Jtkni?s  (Meknasa 
'i^'.::\/)  compte  25  à  30,000  habitants;  elle  est  aujourd'hui 
bien  déchue;  on  y  fabrique  des  coutoaux,  des  poignards  en 
argent  et  en. cuivre,  des  éperonsC.  Citons  encore  la  ville  de 
Sfrou,  au  Sud  de  l''ez,  célèbre  par  ses  juidins. 

Fez,  située  sur  un  affluent  du  Sbou  à  une  faible  distance  de 
ce  fleuve,  à  la  sortie  des  montagnes  et  à  l'entréç  de  la  plaine  est 
l'intermédiaire  obligé  entre  l'Algérie  ipar  la  dépression  de 
Tlemcen  à  Fez)  et  l'Océan  atlant'ique,  entre  l'importante  oasis 
du  Tatilelt  (par  la  route  de  caravanes  qui  franchit  l'Atlas  au  col 
de  Telremt)  et  les  poi'ts  du  Maroc  septentrional.  C'est  dans  cette 
capitale  que  réside  actuellement  le  Sultan  Moulaye  Abd-el-Aziz. 
La  France,  l'Angleterre  et  l'Allemagne  y -ont  chacune  un  vice- 
consul,  l'Espagne  un  agent  consulaire.  Chacune  d'elles  entre- 
tient un  service  postal  par  courriers-piétons  entre  Fez  et 
Tanger. 

Fez  est  le  premier  centre  industriel  du  Maroc.  Bien  que  son 
industrie  ne  soit  plus  ce  qu'elle  était  autrefois,  elle  est  cepen- 
dant encore  très  llorissante  et  ses  produits  se  vendent  non 
seulement  dans  tout  le  Maroc,  mais  encore  dans  tous  les  autres 
pays  de  l'Afrique  musulmane.  On  s'y  livre  au.K  travaux  de  tissage 
et  de  broderie:  on  y  fabrique  des  halks,  des  djellabas,  des 
vêtements  de  luxe,  des  tissus  de  soie,  des  tapis,  des  nattes,  on 
y  confectionne  des  haboucltes;  on  y  travaille  les  cuirs  et  les 
métaux  ;  on  y  fabrique  des  armes  damasquinées.  Une  des 
industrie  les  plus  originales  est  celle  des  poteries,  des  i-ascs 
émaillés  <■'. 

Au  point  de  vue  commercial.  Fez  tient  égalemeirt  le  premier 
rang  au  Maroc.  Pour  se  faire  une  idée  de  la  valeur  de  ce  com- 
merce, il  faut  se  reporter  aux  stati-tiques  du  commerce  de 
Tanger  et  de  Larache,  les  poi'ts  de  transit  de  la  capitale  du 


(1)  G.     Wolfi'Om.    Le   Maroc.   Etudes   Commerciales   et    Agricoles, 
p.  16. 

(2)  Il  y  a  actuellement  au  Musée  d'Alger  une  collection  de  ces  poteries 
que  M.  Doutté  a  rapportée  de  sa  deinière  mission. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANGE  AU  MAROC    391 

Nord.  «  Fas,  écrivait  M,  de  Foucauld  ">,  est  le  centre  oi;i 
«  affluent  d'une  parties  marcliandises européennes  venant  par 
«  Tanger,  de  l'autre,  les  cuirs  du  Tafiielt,  les  laines,  la  cire, 
«  et  les  peaux  de  chèvres  des  Aït-Ioussi  et  des  Beni-Ouaraïn, 
«  parfois  même  les  plumes  du  Soudan.  Les  laines,  les  peaux, 
«  la  cire  sont  expédiées  par  grandes  (juantités  en  Europe; 
«  les  plus  beaux  cuirs  restent  à  Fas,  où,  travaillés  par 
«  d'habiles  ouvriers,  ils  servent  à  faire  ces  coussins,  ces 
0  ceintures,  objets  de  luxe  qu'on  vient  acheter  de  tous  les 
«  points  du  Maroc  du  Nord.  Les  objets  d'origine  européenne 
«  arrivant  dans  la  ville  sont  nombreux  :  velours,  soieiies, 
«  passementeries  d'or  et  d'argent  venant  de  Lyon;  sucres, 
«  allumettes,  bougies  de  Marseille  ;  pierres  fines  de  Paris, 
«  corail,  de  Gênes;  cotonnades,  draps,  papier,  coutellerie, 
«  aiguilles,  sucres,  thé  d'Angleterre;  verrerie  et  faïences 
«  d'Angleterre  et  de  France  Les  grands  négociants  de  la 
«  capitale  envoient  sur  les  marchés  voisins  des  agents  munis 
«  de  cotonnades,  etc.  Les  caravanes  qui  viennent  du  Tafiielt 
«  apportent  des  cuirs  et  des  dattes,  et  s'en  retournent  chargée 
((  de  cotonnades,  de  sucres,  de  thés,  de  riches  vêtements,  de 
«  papiers,  de  parfums,  d'allumettes,  de. verres  et  de  faïences'. 
«  Fas  fournit  ainsi  non  seulement  une  partie  du  Maroc 
«  central,  mais  encore  la  plus  grande  portion  du  Sahara 
i.1  orioiilal,  toulr  celle  qui  dépend  commercialement  de  l'Ouad 
«  Ziz. 

ft  Un  commerce  aussi  éteniUi,  poursuit  M.  de  Foucauld, 
«  serait  la  source  de  richesses  immenses  dans  un  autre  pays; 
«  mais  ici  plusieurs  causes  diminuent  les  bénéfices  :  d'abord 
«  le  prix  éle\é  des  transports,  tous  t'ait  à  dos  de  chameau  ou 
u  de  mulet,  prix  que  doublent  au  moins  de  nombreux  péages 
«  établis  sui'  les  chemins  du  Noi'd  de  l'Atlas  et  les  escortes 
«  qu'il  est  indispensable  de  prendre  au  Sud  de  la  chaîne; 
«  ensuite,  dans  une  région  dont  la  plus  grande  partie  est 
«  peuplée  de  tribus  indépendantes  et  souvent  en  guerre  entre 
«  elles,  dont  l'autre  n'est  qu'à  moitié  soumise  et  se  révolte 
«  fréquemment,  il  arrive  sans  cesse  qu'une  caravane  est 
((  attaquée,  qu'un  convoi  est  pillé,  qu'un  agent  est  enlevé. 
((  Le  commerce  a  donc  ses  risques,  et  plus  d'un  motif  vienten 
Cl  amoindi'ir  les  gains.  Enlin  il  est  entr'ové  encore  parle  manque 


(1)  Cil.  (le  Foucauld,  Reconnaissance  au  Maroc,  p.  '^l. 


392     LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

((  de  crédit  et  l'usure.  Le  taux  de  l'intérêt  atteint  au  Maroc  des 
((  limites  fantastiques,  ou  pluti'it  il  n'y  en  a  pas.  Voici  le  taux 
«  auquel  prêtent,  à  Faz,  les  Israélites  qui  se  respectent  :  12  0/o 
«  pour  un  coreligionnaire  d'une  solvabilité  certaine  ;  30  O/o 
«  pourun  musulman  d'une  solvabilitéégalement  assurée;300/o 
«  pour  une  personne  de  solvabilité  moins  sûre,  mais  qui 
«  fournit  un  gage;  GO  O/o  dans  les  mêmes  conditions,  sans 
(c  gage.  )) 

Dans  ces  dernières  années,  il  est  vrai,  les  conditions 
commerciales  se  sont  un  peu  améliorées  ;  l'abondance  des 
récoltes  a  eu  pour  effet  de  faciliter  les  transactions,  et,  par 
suite  des  précautions  croissantes  prises  par  les  maisons  étran- 
gères en  accordant  du  crédit  aux  maisons  indigènes,  les 
retards  dans  les  paiements  ont  été  moins  fréquents  et  les 
faillites  moins  nombreuses.  Quant  aux  frais  de  transport,  ils 
sont  considérables.  Le  consul  britannique  à  Fez  évalue 
à  6  b/4  d  (0  fr.  75)  par  tonne  et  par  mille,' le  prix  du  transport 
terrestre  (de  Tanger  à  Fez),  des  cotonnades  et  des  bougies,  les 
deux  principaux  articles  d'importation  anglaise,  tandis  que  le 
transport  maritime  de  ces  mêmes  articles,  de  Londres  à 
Tanger,  revient  à  3/4  d  (environ  0  fr.  08)  par  tonne  et  par 
mille''*.  Pour  les  marchandises  qui  ne  font  que  transiter  par 
Fez,  à  destination  des  régions  d'au-delà  de  l'Atlas,  ou  prove- 
nant de  cas  mêmes  régions,  les  frais  de  transport  s'accroissent 
dans  des  proportions  bien  plus  considérables,  comme  nous  le 
verrons  plus  loin  on  étudiant  le  commerce  du  Tafilelt.  Pour 
le  sucre,  le  principal  article  d'importation  française,  le  prix  de 
transport  par  caravane  de  Tanger  à  Fez  est  de  50  pesetas,  la 
charge  de  chameau  de  280  kilog.  environ,  et  de  37  pesetas  50 
la  même  charge  de  Larache  à  Fez  ;  cette  dernière  voie  est 
préférée  par  les  commerçants,  car  elle  est  de  12  pesetas  50 
meilleur  marché  que  celle  de  Tanger  à  Fez,  route  généra- 
lement suivie  en  été  par  les  chameliers  <-'. 

En  ce  qui  concerne  les  articles  d'importation  étrangère, 
certains  changements  se  sont  produits  depuis  l'époque  où 
écrivait  M.  de  Foucauld.   L'Angleterre  continue  à  approvi- 


(1)  Rapp.  de  M.  Mac  Leod,  vice-consul  britanniriue  à  Fez,  pour  1899. 
(Foreign  Office.  Annual  Séries,  ir  2603). 

(2)  Rapp.  de  M.  Malpertuy,  consul  de  France  à  Fez  (Moniteur  officiel 
du  Commerce,  du  20  avril  1899). 


LES  INTÉRÊTS  ÉCOMOJIIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    393 

sionner  le  marché  de  Fez  de  cotoruiades  ;  cependant,  les 
guinées  à  destination  du  TaOlelt  proviennent  de  ['Inde  française 
{Pondicliénj),  quoique  passant  fréquemment  par  Londres. 
D'autre  part,  l'Angleterre  s'est  vu  enlever  par  un  nouveau 
concurrent,  l'Allemagne,  le  marché  des  draps,  lainages  à  bon 
marché.  Les  draps  allemands,  après  avoir  eu  le  monopole  du 
marché,  sont  maintenant  concurrencés  par  ceux  de  Suisse. 
Les  percales  et  les  mousselines  importées  d'Angleterre  sont 
imitées  parles  Allemands.  La  France  occupe  la  première  place 
pour  l'importation  de  la  soie  ;  mais  l'Allemagne  et  la  Suisse 
envoient  aussi  des  satins  de  CJùne,  très  employés  dans  le  pays. 
Nos  industriels  auraient  intérêt  à  importer  tous  ces  articles, 
et  leur  concurrence  aurait  des  chances  de  réussir"'.  L'Angle- 
terre a  enlevé  à  la  France  le  marché  des  bougies.  Enfin,  en  ce 
qui  concerne  les  sucrés,  notre  principal  article  d'importation, 
si  la  concurrence  anglaise  a  totalement  disparu,  la  France  a  à 
compter  sérieusement  avec  la  concurrence  belge.  Il  semble 
cependant  que,  grâce  aux  efforts  faits  depuis  quelque  temps 
par  les  ralïineurs  français,  le  sucre  français  doive  évincer  le 
sucre  belge. 

D'après  un  rapport  de  M.  Malpertuy,  ancien  vice-consul  de 
France  à  Fez  »-),  le  chiffre  des  importations  des  sucres  pendant 
l'année  qui  s'est  écoulée  du  1'^''  février  1898  au  1'^''  février  1899 
s'est  élevé  à  5.108.200  Icilog.,  dans  lesquels  nos  sucres  figurent 
pour  4  millions  de  kilog.,  laissant  loin  derrière  eux  l'impor- 
tation belge  avec  ses  844.200  kilog.  La  vente  de  ces  sucres 
étrangers  a  subi  une  baisse,  g'ràce  à  l'introduction  sur  le 
marché  de  Fez  d'une  nouvelle  marque  fiancaise  (raffinerie  de 
Chanlenay-sur-Loire),  qui  a  su  offrir  à  sa  clientèle  du  Maroc 
des  avantages  qu'elle  n'avait  pas  encore  trouvés  auprès  de 
notre  industrie  sucrière.  En  effet,  la  raffinerie  de  Cliantenay 
vend  au  comptant  avec  2  1/2  "/u  d'escompte.  La"  marchandise 
est  payable,  non  pas  à  son  embarquement,  mais  en  douane  à 
Larache  où  elle  retourne,  jusqu'à  ce  que  le  montant  de  là 
facture  soit  versé  au  commissionnaire  en  traite  sur  la  France. 
Ces  sucres  se  vendent  à  fr.  39,50,  fret  et  assurances  compris. 


(1)  Rap'p.  de  Gollin  de  Plancy,  ancien  chargé  d'affaires  de  France. 
Le  Commerce  du  Maroc,  annexe  au  Moniteur  officiel  du  Commerce, 
du  2G  mars  1890. 

(2)  Rap.  piéclté,  Moniteur  officiel  du  Commerce,  du  20  avril  1899. 


:î94    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMKjLES  UK  LA  I-RANCE  AU  JHAKOC 

De  plus,  le  sucre  de  Chantenay  est  assuré  jusqu'à  quai,  avan- 
tage très  appréciable  si  l'on  lient  compte  de  la  dil'liculté  des 
débarquements  en  rade  des  ports  marocains,  qui  sont  ouverts 
à  tous  les  vents,  et  où,  pendant  la  saison  hivernale,  la  mer  est 
généralement  mauvaise  et  le  mouillage  des  navires  à  vapeur 
très  éloigné  au  large.  M.  Malpertuy  exprime  l'espoir  que  dans 
un  avenir  très  prochain,  nous  aurons  à  enregistrer  la  dispa- 
rition de  l'importation  des  sucres  étrangers  sur  is  marché  de 
Fez  et  que  notre  industrie  sucrière  y  conservera  définitivement 
la  place  qu'elle  s'est  vue  disputer  pendant  ces  dernières 
années.  Nos  grandes  rallineries  de  sucre  devront,  pour 
atteindre  ce  but,  imiter  l'e-xemple  de  celle  de  Chantenay  et 
otïrir  leurs  marchandises  à  des  conditions  plus  faciles.  Les 
qualités  sucrantes  de  nos  produits  sont  fort  estimés  par  les 
indigènes  du  Maroc,  qui  font  une  très  grande  consommation 
de  thé  vert  dont  la  saveur  âpre  ne  peut  être  atténuée  que  par 
une  très  grande  quantité  de  sucre.  Le  sucre  belge  est  de 
qualité  inférieure  ;  sa  vente  se  fait  généralement  au  détail  par 
les  petits  marchands,  qui  le  mélangent  avec  du  sucre  français 
pour  faciliter  son  écoulement.  Notre  consul  signale  à  nos  fabri- 
cants la  préférence  marquée  des  indigènes  des  campagnes 
pour  les  petits  pains  de  sucre  de  2  kilog.,  parce  qu'ils  se 
vendent  plus  facilement  dans  les  marchés  de  l'intéi'ienr. 

L'absence  complète  des  statistiques  rend  très  difficile  l'éva- 
'  luation  du  commerce  de  Fez  :  nous  dirons  seulement  que,  le 
chifiVe  total  de  '20  millions  nous  pai'ait  être  au-dessous  de  la 
vérité.  Mais  ce  que  l'on  peut  toutefois  affirmer  avec  certitude, 
c'est  que  la  part  de  la  France  dans  ce  commerce  est  consi- 
dérable, malgré  la  concurrence  des  auti:es  pays.  Onze  lîiaisons 
françaises  sont  installées  ou  représentées  dans  la  ville.  D'un 
autre  côté,  il  existe  un  trafic  régulier  de  caravanes  entre  Fez 
et  l'Algéi'ie  ;  mais  la  parlie  du  Maroc  qui  sépare  Fez  de  la 
frontière  algérienne  est  loin  d'être  aussi  facile  à  parcourir 
que  la  région  comprise  entre  la  capitale  et  les  côtes  du 
Nord-Ouest. 

Deux  tribus  puissantes,  entièrement  indépendantes,  les 
Dsoul  au  nord' et  les  R'iatha  an  sud,  gardent  l'important  défilé 
de  Taza,  appeié  par  les  Marocains  l'oum-el-N'arb  (bouche  du 
Maroc)*",  lequel,  faisant  communiquerla  vallée  de  Vlnnaouen, 


(1)  A.  Moiiliéias,  Le  .Maroc  Inconnx'.,  î"  parlie,  p.  4'.'l  et  suiv. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIOUES  PE  LA  FRANCE  AU  JIAROC     395 

affluent  du  Sbou,  avec  celle  du  Msoun,  affluent  de  la  Mlouïa, 
est  le  passage  obligé  des  caravanes  circulant  entre  Fez  et  la 
frontière  algérienne.  La  ville  de  Taza,  située  sur  un  affluent 
de  rinnaouen,  au  point  d'intersection  des  deux  bassins,  a  une 
importance  capitale  au  point  de  \ue  stratégique  et  au  point  de 
vue  économique.  Le  Sultan  y  entretient  un  caïd  avec  une 
centaine  de  miliciens  :  mais  son  autorité  y  est  nulle,  et  la  ville 
est  en  fait  entre  les  mains  des  R'iatha"'.  Les  caravanes  sont 
presque  toujours  attaquées  par  les  pillards  des  Dsoul  et  des 
R'iatha  ;  c'est  ce  qui  explique  pourquoi  la  voie  d'Oudjda  à 
Fez  n'est  pas  fréquentée  davantage  par  le  commerce.  Dès 
aujourd'hui,  cependant,  les  districts  occidentaux  du  Maroc 
font  avec  l'Algérie  des  échanges  assez  importants  :  ils 
envoient  dans  notre  colonie  des  bœufs,  des  moutons,  des 
laines,  poils  et  peaux,  et  reçoivent  des  négociants  de  Nemours 
et  de  Tlemcen  un  certain  nombre  de  produits  européens  <-'. 
Ce  trafic  serait  susceptible  d'un  grand  développement 
si  les  conditions  générales  d'existence  et  de  sécurité 
s'amélioraient  dans  le  pays  :  on  pourrait  alors  sérieusement 
songer  à  la  construction  d'un  chemin  de  fer  de  Tlemcen  à  Fez, 
à  laquelle  ne  s'opposent  p.as  de  difficultés  d'ordre  géogra- 
phique. Etant  donné  l'importance  de  nos  intérêts  politiques 
et  économiques  à  Fez,  cette  ville  doit  être  le  centre  de  notre 
action  au  Maroc,  et  la  construction  de  ce  chemin  de  fer,  qui 
pourrait  être  éventuellement  prolongé  jusqu'à  l'Atlantique, 
serait  le  moyen  par  excellence  de  rendre  cette  action  vraiment 
efficace  en  faisant  rentrer  dans  notre  orbite  Fez  et  le 
R'arb. 

D'autre  part,  notre  action  .saharienne,  c'est-à-dire  l'occupa- 
tion du  Touat,  la  construction  du  chemin  de  fer  du  Sud- 
Oranais  jusqu'à  Figuig,  et  son  prolongement  éventuel  dans  la 
direction  du  Tafilelt  aura  et  commence  déjà  à  avoir  pour 
conséquence  de  drainer  pour  l'Algérie  le  commerce  de  cette 
oasis,  qui  s'est  jusqu'alors  elïectué  par  Fez  :  cette  ville  sera 
ainsi  privée  d'une  partie  de  son  trafic,  mais  elle  sera  rendue 
en  même  temps  plus  indépendante  des  marchés  algériens  et 
français. 


(1)  Lire  à  ce  sujet  la  descriptioi  de  Taza,  faite  par  M.  de  Poucauld, 
Reconnaissance  au  Maroc,  p.  3'^. 

(X)  I  Le  commerce  du  Maroc  ».  Annexe  au  Moniteur  Officiel  du 
Commerce,  du  26  mars  1S96. 

29 


396    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

§  VII.  —  RABAT  (I=L;j) 
Les  Zaïr,  Zemmour,  Zaïan 

Le  port  de  Rabat,  situé  à  l'embouchure  du  Bou-Regrag, 
l'ancienne  limite  des  royaumes  de  Fez  et  de  Marrakech,  a  une 
importance  géographique  exceptionnelle  en  temps  que  lieu  de 
passage  obligé  de  toutes  les  caravanes  se  rendant  du  Maroc  du 
Nord  dans  le  Maroc  du  Sud  et  vice-versa.  Rabat  est  la  clef  des 
communications  entre  Fez  et  Meknès  d'une  part  et  Marrakech 
de  l'autre,  car  l'état  d'insécurité  absolue  de  la  région  monta- 
gneuse séparant  les  capitales  du  Nord  de  celles  du  Sud,  rend 
indispensable  ce  détour  par  la  côte.  On  pourrait  croire  que 
par  suite  de  cette  situation  privilégiée,  Rabat  fait  un  commerce 
maritime  considérable  :  il  n'en  est  rien  parce  que  la  barre  du 
Bou-Regrag,  à  l'embouchure  duquel  sont  bâties  en  face  l'une 
de  l'autre  les  deux  villes  de  Rabat  et  de  Salé,  est  une  des  plus 
dangereuses  de  la  côte  marocaine  de  l'Atlaatique.  Les  navires 
jettent  l'ancre  à  plusieurs  kilomètres  de  la  côte,  et  de  petits 
vapeurs  seulement  peuvent  franchir  la  barre  et  trouvent  dans 
l'embouchure  profonde  du  Bou-Regrag,  qui  fait  une  courbe 
très  accentuée,  un  ancrage  abrité  contre  tous  les  vents.  Il  y  a 
de  très  longues  périodes,  surtout  en  hiver,  pendant  lesquelles 
la  barre  est  absolument  impraticable,  bien  que  les  autorités 
douanières  marocaines  aient  amélioré,  dans  ces  dernières 
années,  le  service  de  remorquage.  M.  Fischer  dit  qu'il  serait 
possible,  à  des  frais  relativement  peu  élevés,  de  supprimer 
cette  barre  en  construisant  des  digues  et  en  effectuant  des 
dragages  ;  Rabat  aurait  alors  un  port  magnifique  qui 
regagnerait  l'importauce  qu'avait  autrefois  Salé,  lorsqu'au 
xvi'=  et  au  xviio  siècle  ses  corsaires  allaient  porter  leurs 
déprédations  jusque  sur  les  côtes  d'Angleterre  <'>.  On 
trouve  cependant  dans  le  port  de  Rabat  une  grue  puissante, 
que  M.  Rottenburg,  ingénieur  allemand,  a  installée  pour 
le  montage  des  canons  Krupp  qui  défendent  l'embou- 
chure du  fleuve  et  un  petit  chemin  de  fer  à  voie  étroite 
qui  a  été  construit  du  port  à  la  Kasbah,  à  travers  la 
ville,  et  qui  sert  à  amener  les  marchandises  jusqu'à  la 
forteresse. 


(1)  Th.  Fischer,  iiêîse  im  Atlas  Vorlande  von  Marokko,  p.  40  et  suiv. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    397 

Tandis  que  des  deux  villes  situées  à  Fembouchure 
du  Bou  Regrag,  Salé  (Sla)  est  une  ville  morte,  en  pleine 
décadence,  Rabat,  qui  compte  environ  30,000  habitants, 
est  une  ville  assez  active  et  ayant  conservé  une  industrie 
qui,  si  elle  n'est  plus  ce  qu'elle  était  autrefois,  est  encore 
appréciée.  L'industrie  des  tapis,  notamment,  était  autrefois 
très  célèbre  :  il  y  a  tel  vieux  Rabat,  dit  M.  Doutté  O,  dans 
lequel  la  variété  des  couleurs,  le  fondu  des  teintes,  la  finesse 
des  dessins,  sont  vraiment  étonnants.  Les  tapis  actuels, 
quoique  bien  inférieurs  aux  anciens,  sont  encore  remar- 
quables, tout  en  étant  d'un  prix  très  abordable.  D'ailleurs, 
un  certain  contrôle  est  exercé  pour  empêcher  l'avilissement 
du  produit  ;  il  arrive  que  des  tapis  de  mauvaise  qualité  sont 
saisis  sur  le  marché  et  déchirés.  On  fait  en  ce  moment  des 
tentatives  à  l'effet  d'activer  le  commerce  des  tapis  et  d'empê- 
cher l'emploi  des  couleurs  à  l'aniline  pour  la  coloration  de 
la  laine  (^'  On  fabrique  aussi  à  Rabat,  des  cuivs,  des  nattes, 
des  jjoteries,  etc. 

Rabat  est  le  débouché  de  Meknès  et  de  la  riche  région 
habitée  par  les  tribus  belliqueuses  et  insoumises  des  Zaïr  et 
des  Zemmour,  dont  la  grande  ressource  consiste  dans  l'élevage 
des  bœufs.  «  Les  Zaïr  et  les  Zemmour  »,  dit  M.  Doutté  <3', 
«  déversent  sur  les  marchés  de  Rabat,  de  Tanger  et  de  la 
«  frontière  oranaise  les  plus  beaux  spécimens  de  la  race 
«  bovine  au  Maroc.  Ceux  des  Zemmour  surtout  se  font 
«  remarquer  par  leurs  formes,  leur  robe,  et  l'envergure 
«  des  cornes  qui  est  caractéristique  ;  aussi  sont-ils  très 
«  recherchés  ;  et  l'on  aura  une  idée  de  la  source  de  bénéfices 
«  qu'ils  pourraient  donner  si  l'on  songe  qu'une  grande 
«  partie  des  Zemmour  envoie  au  printemps  ses  bœufs  à  Fez 
«  et  de  là  à  la  frontière  algérienne,  et  que  ces  animaux, 
«  après  une  marche  de  trois  semaines  à  un  mois,  sont  encore 
«  expédiés  avec  avantage  à  Marseille  pour  la  boucherie.  » 
M.  de  Monbel,  ancien  ministre  de  France,  estime  à  2  ou 
à  3  millions   de   francs  la  valeur  des  38,000  bœufs  expédiés 


(\)  E.  Doutté.  Une  mission  d'études  au  Maroc.  Rapport  sommaire 
d'ensemble.  (Supplément  au  Bulletin  du  Comité  de  l'Afrique  Française 
de  décembre  1901). 

(2)  Th.  Fischer.  Reise  im  .Atlas-Vorlande  non  Marokko,  p.  44. 

(i)  E.   Doutté.  Rapport  précité. 


398    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

en  1898  de  la  région  de  Rabat  en  Algérie  par  voie  de 
terre  "l 

D'après  M.  Doutté,  les  territoires  occupés  par  les  Zaïr  et  les 
Zemmour,  et  vraisemblablement  une  grande  partie  de  ceux 
des  Beni-Mtir,  des  Zaïan  et  des  Beni-Mgild  (province  des 
Braber)  sont  peut-être  les  plus  riches  du  Maroc,  car  à  la 
ressource  de  l'élevage,  ils  joignent  celle  d'une  bonne  produc- 
tion agricole  et  de  forêts  {chênes-lièges,  bois  d'arrar  ou  (hîiya) 
qui  comptent  parmi  les  plus  belles  et  les  plus  exploitables  du 
Maroc  «  ce  qui  permettrait,  dit-il,  d'établir  entre  le  bétail  et  les 
«  produits  végétaux  l'équilibre  si  nécessaire  à  la  bonne  marche 
«  d'une  exploitation  agricole.  »  Les  bassins  du  Bon  Regrag  et 
de  l'ouad  Beht,  at'Iluent  du  Sbou,  occupés  par  ces  tribus, 
comptent  en  effet  parmi  les  territoires  les  plus  régulièrement 
et  les  plus  abondamment  arrosés.  «  On  peut  considérer  cette 
«  région,  conclut  M.  Doutté,  comme  une  des  plus  enviables  et 
«  une  de  celles  qui  sont  susceptibles  d'arriver  le  plus  rapide- 
ce  ment  à  une  grande  production  '  •'.  »  Nous 'ajouterons  que  le 
chemin  de  fer  projeté  de  Tlemcen  à  Fez  pourrait  être  utile- 
ment complété  par  une  voie  ferrée  qui,  partant  de  Fez, 
desservirait  la  ville  importante  de  Meknès,  contournerait 
ensuite  le  territoire  des  Zemmour  et  se  rapprochant  de  la 
vallée  inférieure  du  Sbou,  aboutirait  soit  à  Rabat,  soit  plutôt  à 
Mehedia,  dans  l'hypothèse  où  on  se  déciderait  à  entreprendre 
la  construction  d'un  port  à  l'embouchure  du  Sbou.  Une  telle 
ligne  qui  bénéficierait  d'un  trafic  déjà  existant,  c'est-à-dire  du 
transport  des  bœufs  et  qui  serait  alimentée  en  outre  par  le 
trafic  des  produits  agricoles  les  plus  variés,  paraît  devoir  être 
rapidement  rémunératrice. 

Si  en  présence  de  semblables  éléments  de  prospérité 
le  commerce  maritime  de  Rabat  est  presque  insignifiant 
par  rapport  à  celui  de  plusieurs  autres  ports  de  la  côte, 
la  faute  en  est,  comme  nous  l'avons  vu  plus  haut,  aux 
dangers  de  la  navigation  qui  obligent  souvent  les  navires 
à  délaisser  le  port  de  Rabat,  tandis  que  les  marchandises, 
au  lieu  d'être  embarquées  à  cet  endroit,  doivent  sou- 
vent être  transportées  jusqu'à  Casablanca  où  elles  sont 
embarquées. 


(1)  Moniteur  Officiel  du  Commerce,  du  8  mars  1900. 
(2>  E.  DouUé.  Rapport  précité. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    399 

Voici,  d'après  le  rapport  du  vice  consul  allemand  à  Rabat, 
en  1900*",  le  tableau  du  commerce  de  ce  port  en  1899  et 
en  1900  : 


ImporUlions 

Exportai 

lions 

Fr. 

Fr. 

1899 

1900 

1899 

1900 

France 

1.049.301 

857.768 

275.838 

324.941 

Angleterre . . 

1.457.36:> 

922.100 

88.268 

68.738 

Allemagne . . 

408.062 

364.551 

187.569 

231.208 

Total 2.914.725    2.144.419        551.675        624.887 

I.  —  Importations 

Les  importations  sont  en  diminution  constante  depuis 
plusieurs  années.  Il  convient  de  remarquer  que  la  diminution 
constatée  en  1900  par  rapport  à  1899  a  atTecté  davantage  le 
commerce  anglais  que  le  commerce  français. 

Colonnades.  —  L'importation  des  cotonnades  de  Manchester 
a  diminué  de  fr.  1.165.000  en  1899  à  fr.  755.000  en  1900, 
à  cause  surtout  de  l'élévation  du  prix  de  ces  marchandises 
en  1900(2). 

Sucres.  —  Leur  valeur  a  été  en  1900  de  fr.  917.750,  sensi- 
blement égale  à  celle  de  1899.  Cependant  l'importation  du 
sucre  français  a  un  peu  diminué  par  suite  de  la  concurrence 
que  commence  à  lui  faire  le  sucre  belge  d'Anvers,  transporté 
sous  pavillon  allemand.  La  valeur  de  ce  produit  est  estimée 
à  fr.  75,000  en  1900  :  on  en  a  vendu  90  tonnes  de  plus 
qu'en  1899. 

Les  autres  articles  d'importation  sont  les  bougies  (fr.  180. 150) 
et  le  thé  (fr.  148.150)  d'Angleterre,  les  soieries  et  le  ciment 
de  France,  les  draps  et  les  lainages  d'Allemagne  et  de  France, 
etc. 


(1)  Deutsches  Handelsarchic,   Zeitsclirift   fur  Handel  und  Gewerbe, 
herausgegeben  im  Reichsamt  des  iQaern,  juillet  19UI. 
il)  Rapport  du  vice-consul  britannique,  Foreign  Office  Animal  Series- 


400    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

Quant  à  l'Espagne,  elle  a  complètement  cessé  d'envoyer  des 
produits  sur  le  marché  de  Rabat. 


II.  —  Exportations 

Relativement  au  peu  d'importance  du  commerce  d'exportation 
de  Rabat,  comparativement  à  celui  des  autres  ports  marocains, 
le  vice-consul  britannique  dit  que  cela  tient  surtout  à  l'incer- 
titude des  communications  avec  la  côte.  Cette  circonMance 
écarte  de  ce  port  les  navires  rentrant  dans  leur  pays  d'origine, 
et  les  acheteurs  de  produits  devant  être  embarqués  à  Rabat 
courent  des  risques  considérables  de  baisse  de  prix  en  com- 
mandant des  marchandises  qui  doivent  être  embarquées  à  une 
date  incertaine. 

Un  autre  obstacle  au  commerce  d'exportation  est  la  difficulté 
qu'éprouvent  les  commerçants  étrangers  à  trouver  des  maga- 
sins convenables  et  des  locaux  spacieux,  les  indigènes  étant 
très  peu  disposés  à  leur  louer  leurs  magasins. 

Laines.  —  C'est  le  principal  article  d'exportation  (fr.  343. ROC) 
en  1900.  La  plupart  des  laines  vendues  à  Rabat,  surtout  celle 
dite  Aboudia,  sont  d'une  très  bonne  qualité.  Jusqu'à  ces 
dernières  années,  la  plus  grande  partie  était  expédiée  en 
Allemagne,  la  France  et  l'Angleterre  se  partageant  le  reste. 
Mais  en  1900,  comme  le  lait  remarquer  le  vice-consul  allemand, 
les  compagnies  allemandes  n'ayant  établi  qu'une  communica- 
tion insuffisante  avec  Rabat  et  exigeant  des  frets  trop  élevés, 
le  commerce  a  pris  la  direction  de  Marseille.  Dans  les  derniers 
mois  de  1900,  la  maison  française,  qui  possède  des  magasins 
assez  grands,  a  pu  seule  acheter  de  la  laine,  tandis  que  les 
maisons  allemandes,  n'ayant  pas  l'espace  suffisant,  ont  dû 
interrompre  leurs  achats.  Le  gouvernement  marocain  empêche 
en  efTet  les  maisons  étrangères  de  louer  des  magasins  en 
dehors  de  la  rue  qui  leur  est  assignée  <'>. 

Les  autres  article*  d'exportation  sont  :  la  cire  jaune,  les 
-peaux  de  chèvres  les  peaux  de  bœufs,  les  cornes,  le  criii,  les 
œufs,  les  tapis-,  les  djellabas,  les  haïks  et  les  couvertures  de 
laine. 


(1)  Bapp.  précité.  Deutsches  Handelsarchiv,  juillet  1901. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA.  FR.\NCE  AU  MAROC    401 


III.  —  Navigation 
Voici  le  tableau  de  la  navigation  de  Rabat  en  1900  : 


PAVILLONS 

1 

NOMBRE 

de 

TONNAGE 

25 
17 
14 

15.691 

14.818 
7.249 

Allemands 

„  .  ,        (,  en  1900.. 
Total...  \ 

(   en  1899.. 

56 

84 

37.758 
65.324 

Le  tonnage  des  navires  français  peut  paraître,  d'après  ce 
tableau,  peu  en  rapport  avec  l'importance  du  commerce 
français  proportionnellement  au  commerce  total  ;  mais  la 
navigation  française  est  représentée  surtout  par  des  navires  de 
tonnage  relativement  faible  qui  prennent  à  Marseille  un  char- 
gement entièrement  destiné  au  port  de  Rabat,  tandis  que  la 
navigation  anglaise  et  surtout  la  navigation  allemande  se 
composent  de  grands  navires  qui  ne  débarquent  à  Rabat  que 
quelques  tonnes  de  marchandises  et  poursuivent  leur  route 
vers  les  autres  ports  marocains.  Cependant  les  navires  de  la 
Merseij  Steam^-hip  Co,  de  Londres,  visitent  moins  fréquem- 
ment le  port  de  Rabat,  préférant  transborder  les  marchandises 
à  destination  de  ce  port  sur  un  petit  vapeur  de  Gibraltar  qui 
apporte  périodiquement  à  Rabat  le  chargement  de  plusieurs 
navires. 

Observation.  —  Le  commerce  français  tient  à  Rabat  une 
place  très  importante.  Il  y  a  deux  maisons  de  commerce  fran- 
çaises, et  les  négociants  indigènes  sont  en  relations 'suivies  avec 
les  maisons  de  Marseille,  quelques-uns  avec  celles  d'Alger  et 
de  Tunis  W.  Si  l'on  totalise  les  importations  et  les  exportations, 


(I)  Le  Commerce  du  Maroc,  Annexe  au  Moniteur  Officiel  du  Commerce' 
du  2G  mars  1896. 


402    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

on  obtient  le  résultat    suivant    pour    les    trois    puissances 
commerçant  avec  Rabat  : 

France Fr.     1.182  709 

Angleterre —         990  838 

Allemagne —         595  759 

D'autre  part,  si  Ton  ajoute  aux  cliiffres  du  commerce  fran- 
çais la  valeur  des  bœufs  expédiés  par  voie  de  terre  en  Algérie 
(et  ultérieurement  en  France)  de  la  région  de  Rabat,  on  obtient 
pour  le  commerce  français  un  total  de  près  de  4  millions  de 
francs,  laissant  loin  derrière  lui  le  chiffre  du  commerce  des 
autres  puissances.  Ce  sont  là  des  résultats  fort  encourageants 
et  sur  l'importance  desquels  nous  ne  saurions  trop  insister. 


(A  suivre.) 


NOTES  SUR  L'ALGÉRIE  ÉCONOMIQUE 


LES  INDUSTRIES  ALGÉRIENNES 


L'incUislrie  algérienne  est  encore  peu  de  chose.  Dans  ce  pays 
l'agiieulture  et  le  commerce  ont  tout  pris.  11  aurait  fallu  créer 
l'industrie  de  toutes  pièces,  dans  l'incertitude  complète  des 
résultats,  tandis  qu'on  avait  à  profusion  la  terre  féconde  et 
ses  riches  promesses. 

C'est  donc  vers  la  terre  que  toutes  les  forces,  capital,  travail, 
encouragements  officiels,  ont  convergé. 

Plus  tard,  quand  le  pays  fut  mieux  conuu,  on  s'aperçut  que 
le  sol  ne  donnait  pas  que  des  céréales,  des  raisins  etdes  olives. 
L'alfa,  le  palmier-iiain  furent  méthodiquement  exploités.  On 
ranima  ou  découvrit  les  mines  de  fer,  de  zinc  et  les  carrières 
de  phosphates  de  chaux.  Mais  le  principal  manquait  toujours  : 
le  combustible  ou  à  défaut  une  force  hydraulique  qui  permît 
de  s'en  passer. 

D'autres  choses  manquaient  encore  :  les  capitaux,  le  peuple- 
ment européen  qui,  en  fournissant  les  consommateurs,  aurait 
du  même  coup  amené  la  main-d'œuvre  spéciale  u-tile  à  l'atelier 
et  à  l'usine. 

Tant  et  si  bien  que,  cipitaux,  combustible  bon  marché, 
affluence  européenne  et  main  d'œuvre  industrielle  n'existant 
pas,  l'industrie  algérienne,  après  70  ans  doccui  ation,  est 
restée  embryonnaire.  Tout  le  monde  a  continué,  sans  chercher 
ailleurs,  à  ne  vivre  que  par  l'agriculture  et  du  commerce 
qu'elle  engendre. 

A  part  quelques  intéressantes  tentatives  que  nous  enregis- 
trerons avec  le  plus  vif  plaisir,  nos  industries  algériennes  sont 
simplement  alimentées  par  l'agriculture  locale  en  vue 
de  la  transformation  de  ses  produits  :  minoteries,  huileries, 
manufactures  de  tabacs,  fabriques  de  crin  végétal,  etc. 

Mais  cette  situation  changera  et,  par  une  conséquence  natu- 
relle du  progrès  économique,  les  algériens  arriveront  à  placer 
l'activité  industrielle  à  côté  du  développement  de  l'agriculture 
et  du  commerce. 

30 


•404  NOTES  SUR  l'algêrie  économique 

Que  l'Algérie  se  peuple,  que  l'appel  incessant  qu'elle  fait  à 
la  France,  à  l'Europe,  dans  son  généreux  altruisme,  soit 
entendu  ;  que  les  capitaux  français  aient  plus  de  foi  en  nos 
destinées  ;  qu'un  régime  de  zones  franches  pratiqué  dans  nos 
principaux  ports  permette  de  desserrer  l'entrave  dont  la 
douane  nous  étreinl  —  et  l'on  verra  que  notre  industrie  est 
capable  de  grandir. 

Dans  une  certaine  mesure  ne  peut-on  pas  dire  que  si  le 
combustible  nous  manque  et  s'il  nous  faut  l'importer,  l'étranger 
à  qui  nous  livrons  nos  matières  premières  est  non  moins 
obligé  de  les  transporter  cliez  lui  à  pied-d'œuvre  pour  les 
manufacturer? 

Puisque  nous  avons  des  minerais,  de  l'alfa,  des  forêts, 
des  vignes,  du  tabac,  pourquoi  n'aurions-nous  pas  des 
usines  métallurgiques,  des  fabriques  de  papier,  d'objets  en 
liège,  des  distilleries,  de  grandes  manufactures  de  tabacs, 
etc.? 

Pour  quelques-unes  de  ces  industries,,  question  de  droits 
fiscaux  à  résoudre.  Pour  les  autres,  afl'aire  de  capitaux  et  de 
nombre  de  consommateurs.  Mais  pas  d'impossibilités  essen- 
tielles, pour  aucune. 

Et  qu'on  ne  croie  pas  que  nous  tondons  nos  conjectures  sur 
un  facile  optimisme.  La  minoterie  algérienne  est  en  train  de 
réaliser  la  première  partie  de  ce  programme.  De  Bône  à  Oran 
s'installent  des  moulins  à  cylindres  avee  les  derniers  perfec- 
tionnements de  nettoyage  et  de  mouture.  Et  bientôt,  au  lieu 
de  demander  aux  minoteries  de  la  métropole  nos  farines  et 
nos  semoules,  ce  sont  les  nôtres  qui  approvisionneront  la 
consommation  locale  et  qui  exporteront  le  surplus  en  France 
et  à  l'étranger,  où  certaines  marques  de  nos  farines  (blés 
tendres  de  Bel-Abbès)  et  de  nos  semoules  (blés  durs  de  Sétif) 
sont  particulièrement  recherchées. 

Ce  qui  se  passe  pour  la  minoterie  nous  le  verrons  peu  à  peu 
se  produire  pour  d'autres  brandies.  Simple  alfaire  de 
temps. 

Demain  ce  sera  peut-être  l'exploitation  régulière  des  pétroles 
d'Oranie,  et,  par  la  construction  de  barrages,  par  l'ouverture 
de  nouvelles  routes,  l'établissement  de  nouvelles  voies  ferrées, 
ce  sera  aussi  la  création  de  chutes  hydrauliques  et  de  facilités 
toujours  plus  grandes  mises  au  service  de  l'extension  indus- 
trielle. 


LES   INDUSTRIES   ALGÉRIENNES  405 

Tabacs.  —  Le  fumeur  français  qui  vient  pour  la  première 
fois  en  Algérie  a  deux  surprises:  le  bon  marché  du  tabac  et 
des  cigarettes,  et  le  nombre  de  marques  diverses  de  celles-ci. 
Habitué  aux  uniformes  paquets  de  la  Régie  française,  il  est 
amusé  par  les  papiers  multicolores,  illustrés  ou  non,  qui 
enveloppent  les  jolis  tubes  blancs  de  la  fumée  desquels  il 
attend  la  satisfaction  d'un  besoin  ou  simplement  un  plaisir 
léger.  . . 

Les  illustrations  et  les  textes  les  plus  alléchants  sollicitent 
son  choix  à  l'étal  des  marchands  de  tabacs  :  cigarettes  Camé- 
lias, F/or  de  Espaila,  Crème  de  Havane,  Herbe  divine,  Gerbe 
d'Or,  Vénus,  etc.  Et  ces  produits  aux  noms  charmants  sont 
ollerts  à  des  prix  variant  de  0,10  à  0,25  le  paquet  de  16  ou  de 
24  cigarettes.  En  acquérant  un  certain  nombre  de  paquets  à 
la  fois,  de  gros  escomptes  sont  mômes  consentis. 

Mais  il  n'est  pas  rare  qu'après  avoir  parcouru  le  cycle 
complet  des  tabacs  africains,  le  vrai  fumeur  revienne  tout 
bonnement  à  ceux  de  notre  Régie,  cédés  en  Algérie  à  tr'ès  bas 
prix  quoique  un  peu  plus  chers  que  les  tabacs  du  cru.  C'est 
que  les  produits  de  nos  manufactures. nationales  sont  réelle- 
ment remarquables  et  leur  renommée  dans  le  monde  en  est 
une  preuve  constante.  Nous  avons  si  souvent  dénié  à  l'État 
toute  hab'ileté  d'exploitant  en  matière  agricole,  commerciale  et 
industrielle,  que  nous  ne  devons  pas  lui  ménager  nos  bravos 
quand  ils  sont  mérités. 
Il  faut  rendre  à  César. . . 

Cependant  quelques  maisons  algériennes  fabriquent  des 
produits  qui  valent  les  tabacs  officiels,  et  nos  tabacs  algériens 
sont  l'objet  d'une  faveur  marquée  dans  nos  colonies  les  plus 
lointaines  et  à  l'étranger. 

Oran,  Alger,  Constantine,  Rône,  Blida,  etc  ,  possèdent  de 
nombreuses  usines  ;  mais  Oran  et  Alger  surtout  sont  les  deux 
grandes  villes  où  l'industrie  des  tabacs  s'est  spécialisée.  C'est 
à  Oran  que  se  trouve  la  fameuse  maison  Bastos  dont  les 
paquets  de  cigarettes,  bleus  avec  trèfle  rouge,  sont  connus  de 
tous  les  fumeurs. 

Dans  la  période  de  1899-1900,  Oran  seul  a  exporté  3,811  kil. 

de  tabacs  en  côte  et  258,000  kil.  de  cigarettes.  En  1900-1901, 

ces  chiffres  passaient  à  46,300  kilog.  de  tabacs  en  côte  et  à 

275,000  kilog.  de  cigarettes. 

Alger  exporte  moins  de  cigarettes  (208,000  kilog.),  mais 


406  NOTES   SUR   L'ALGÊftlE  ÉCONOMIQUE 

beaucoup  plus  de  cigares  et  de  tabacs  en  poudre  et  en  carottes. 
Quant  aux  autres  ports,  Philippeville,  Bône,  Bougie,  etc.,  leur 
production  est  à  peu  près  entièrement  absorbée  sur  place. 

L'industrie  des  tabacs  est  une  des'  industries  algériennes 
présentes  qui  sont  dignes  d'un  meilleur  avenir.  Son  dévelop- 
pement, bienfaisant  pour  les  nombreux  indigènes  qui  se 
livrent  à  la  culture  de  la  plante  (il  y  a  7,000  planteurs,  dont 
6,000  Indigènes),  le  serait  non  moins  pour  les  grandes  villes 
où  des  fabriques  existent  ou  pourraient  se  monter. 

Ce  ne  sont  pas  seulement  les  débouchés  locaux  ou  les  prélè- 
vements que  font  à  Hussein-Dey,  à  Blida  et  à  Bône  pour  le 
compte  de  l'Etat  français  les  entreposeurs  de  ces  trois  magasins 
d'achat,  que  l'Algérie  doit  viser.  C'est  à  l'exportation  à  l'étran- 
ger qu'elle  doit  prétendre.  Et  nous  touchons  ici  à  la  question 
brûlante  des  ports  francs. 

Les  tabacs,  comme  les  vins,  comme  les  farines,  doivent  être 
(I  coupés  »,  mélangés,  (j'est  ce  que  font  nos  manufactures 
nationales  en  employant  des  tabacs  de  quaUtés  et  de  prove- 
nances diverses  qu'elles  amalgament  dans  des  proportions 
déterminées. 

Nos  tabacs  algériens  ne  peuvent  constituer  des  marques 
sutfisamment  appréciées.  De  même  qu'on  môle  aux  vins 
faibles  et  à  certaines  farines  des  vins  plus  alcooliques  et  des 
farines  de  force  pour  les  approprier  au  goût  des  consomma- 
teurs, de  même  nos  tabacs  ont  besoin  de  l'appoint  de  qualités 
spéciales  qu'on  ne  trouve  qu'à  l'étranger. 

Si  nous  pouvions  recevoir  ces  tabacs  exotiques  à  de  bonnes 
conditions  pour  les  combiner  avec  les  nôtres,  nous  aurions 
vite  pris  une  place  enviable  sur  les  marchés  étrangers  au 
]ieu  de  continuer  à  n'avoir  presque  pour  clientèle  que  nos 
propres  colonies. 

Mais  la  Douane  veille,  et  si  nous  voulons  importeries  tabacs 
qui  nous  sont  nécessaires,  elle  nous  demande  de  lui  verser 
d'abord  fr.  56  par  100  kilogs.  C'est-à-dire  que  ses  manipulations 
nous  sont  par  le  fait  interdites  et  que  nos  industriels  sont 
forcés  de  marquer  le  pas  ou  d'aller  ailleurs-  C'est  ce  qu'ont  fait 
certains  d'entre  eux.  La  maison  Bastos  a  créé  une  succursale 
à  Tanger  où  elle  compte  manipuler  2,000  kilogs  de  tabacs  par 
jour  et  il  a  été  question  d'en  fonder  une  autre  à  Malte.  Elle  a 
aussi  une  maison  en  Belgique.  Et  ce  sont  ces  pays  qui  bénéfi- 
cient de  ce  dont  l'Algérie  devrait  profiter. 


LES  INDUSTRIES  ALGÉRIENNES  407 

Qu'au  contraire  une  zone  tranche  soit  créée  dans  deux  ou 
trois  grands  ports  algériens.  Au  lieu  de  s'expatrier,  nos  fabri- 
canls  s'installeront  dans  ces  portions  de  ports  francties  et, 
recevant  sans  redevance  les  tabacs  exotiques  convenant  à 
rarnélioration  des  nôtres,  ils  pourront  lutter  contre  a  concur- 
rence étrangère  sur  les  marchés  extérieurs. 

L'idée  des  ports  francs  fait  son  chemin  partout  malgré 
l'aputliie  administrative  et  malgré  les  quelques  oppositions 
peu  logiques  qu'elle  rencontre,  et  il  est  certain  que  la  libre 
manipulation  des  tabacs  sera  une  des  premières  à  autoriser 
dans  les  zones  franches  que  tôt  ou  tard  on  se  décidera  à 
établir. 

Nos  terres  conviennent  à  merveille  à  la  culture  de  la  plante; 
notre  main-d'œuvre  est  bon  marché  et  nos  fabricants  très 
habiles.  Si  à  ces  facteurs  de  premier  ordre  on  ajoute  la  possi- 
bilité de  rechercher  la  clientiVe  de  l'extérieur  par  la  libre 
adjonction  à  nos  tabacs  de  tabacs  étrangers  en  vue  d'une 
réexportation  immédiate,  on  aura  permis  à  cette  intéressante 
industrie  de  réaliser  de  très  sensibles  progrès. 

L'administration  des  manufactures  nationales  achète  chaque 
année  eu  Algérie  par  ses  trois  magasins  d  Hussein-Dey  (près 
Alger),  de  Blida  et  de  Bône,  3  millions  de  kilogrammes  de 
tabacs  en  feuilles,  soit  à  peu  près  la  moitié  de  ce  qu'elle  produit. 

Pour  la  récolte  de  1902,  M.  le  Ministre  des  Finances  a  décidé 
qu'exceptionnelle  itent  le  contingent  à  demander  par  la  Régie 
à  la  production  algérienne  serait  de  3,200,000  kilogs. 

Les  prix  payés  par  la  Régie  varient  de  55  à  60  fr.  le  quintal. 

Depuis  1893  pourtant  le  taux  de  60  fr.  n'a  plus  été  payé.  Les 
prix  de  vente  au  commerce  sont  d'une  manière  générale  plus 
élevés  que  les  précédents. 

Avons-nous  dit  que  les  rendements  de  tabacs  en  feuilles  à 
l'hectare  sont  de  10  à  12  quintaux  en  terres  sèches  et  de  15 
à  25  en  terres  irriguées  '.' 

La  quantité  de  tabac  manufacturé  annuellement  est  de 
4  millions  de  kilogrammes  environ,  dont  un  million  et  demi 
de  kilogs  sont  importés  de  l'étranger  pour. les  mélanges.  Ces 
tabacs  proviennent  de  l'Amérique  (du  Nord  et  du  Sud),  des 
Philippines,  du  Levant  et  d'Allemagne. 

D'après  M.  Léon  Dachot,  il  se  fabrique  en  Algérie  2  millions 
de  kilogs  de  cigarettes  par  an,  représentant  800,000  journées 
d'ouvrières. 


'408  NOTES   SUR   L'ALGÉRIE   ÉCONOJIIQUE 

Au  total  l'industrie  algérienne,  pour  manufacturer  ses 
4  millions  de  kilogs  de  tabacs  annuellement,  occupe  plus  de 
5.000  ouvriers  et  ouvrières. 

Crin  Végétal.  —  C'est  une  industrie  bien  algérienne  et 
qui,  sans  être  d'une  très  grosse  importance,  occupe  toute 
l'année,  sauf  pendant  la  saison  des  récoltes,  ime  assez  abon- 
dante main-d'œuvre  indigène. 

L'introduction  du  crin  végétal  dans  l'industrie  remonte 
à  une  cinquantaine  d'années  environ.  11  paraît  que  ce  sont 
deux  algériens,  MM.  Averseng  et  Delorme  qui  ont  découvert 
les  premiers  l'utilisation  du  palmier-nain. 

Le  crin  végétal  est  la  fibre  de  .cette  feuille  préparée  et 
séchée.  En  passant  de  l'état  de  feuille  verle  à  celui  de  crin 
sec  les  deux  tiers  à  peu  près  du  poids  ont  été  perdus  et  300  kil. 
de  feuilles  ne  donnent  guère  plus  de  100  kilogs  de  crin  sec 
tressé  en  torons. 

Le  peignage  de  la  feuille  de  palmier  est  effectué  à  l'aide  de 
tambours  horizontaux  montés  sur  un  arbre,  horizontal  aussi, 
tournant  à  la  vitesse  de  450  à  500  tours  par  minute  et  recevant 
directement  par  sa  poulie  le  mouvement  du  moteur,  d'ordi- 
naire une  locomobile  à  vapeur. 

Cet  arbre  est  supporté  par  un  bâti  en  fer  reposant  sur  4  pieds. 

Chaque  tambour  a  0'n60  de  longueur.  Il  est  formé  de  2  ou  3 
disques  en  fonte,  sur  lesquels  sont  boulonnées  des  douelles  en 
bois  de  frêne  ou  de  platane.  Sur  les  douelles  on  fixe  des  alênes 
en  acier  en  nombre  et  d'une  disposition  variables.  On  met 
jusqu'à  5  tambours  peigneurs  sur  le  même  arbre  en  les  espaçant 
de  0"'40  entre  eux,  pour  que  l'ouvrier  puisse  remplacer  les 
alênes  usées  ou  en  changer  la  position. 

Les  tambours  sont  recouverts  d'un  masque  de  tôle  ne  laissant 
d'ouverture  que  ce  qui  est  utile  pour  présenter  les  feuilles 
de  palmier  au  peignage.  L'ouvrier  est  ainsi  protégé  et  n'a  à 
veiller  qu'à  ceux  de  ses  doigts  maintenant  les  tiges  des  feuilles. 

Chaque  tambour  prend  à  peu  près  un  cheval-vapeur  de 
force  et  peut  peigner  environ  de  5  à  (j  quintaux  de  crin  frais 
par  jour. 

Le  rendement  varie  selon  que  la  main-d'œuvre  à  laquelle 
on  s'adresse  est  plus  ou  moins  exercée. 

Il  existe  une  machine  automatique  pour  le  peignage  du  crin 
végétal,  mais  à  raison  de  son  prix  élevé  (6  à  7,000  francs)  elle 


LES   INDUSTRIES   ALGÉRIENNES  409 

est  peu  employée  en  Algérie  et  la  presque  totalité  des  usines 
se  sert  de  tambours.  Au  fait,  le  mot  d'usine  est  bien  gros  pour 
la  plupart  de  ces  installations.  Sous  un  hangar,  une  vieille 
locomobile  faisant  marcher  4  ou  5  tambours  ;  un  chautïeur, 
quelques  peigneurs,  sept  ou  huit  autres  ouvriers,  tous 
indigènes  le  plus  souvent,  sauf  le  chaufleur  et  le  patron 
qui  sont  espagnols  ou  Italiens  ;  des  bourriquots  apportant  à 
dos  leurs  charges  de  feuilles  vertes,  —  voilà  ce  que  sont  et 
comment  fonctionnent  les  usines  à  crin  végétal  de  la  région 
d'Oran  à  Aïn-Témouchent,  de  Bel-Abbès,  de  Kabylie  et  de  la 
province  de  Constantine. 

Le  séchage  du  crin  tombant  des  tambours  se  fait  comme 
celui  du  fourrage,  en  plein  air  et  à  l'aide  de  fourches.  (Quelques 
rares  fabricants,  dans  le  département  d'Alger,  ont  une  faneuse 
mécanique  à  traction- animale.  La  mnind'œuvre  nécessaire  au 
séchage  revient  à  peu  près  à  0  fr.  10  par  quintal  de  crin  sec. 

Le  crin  sec  est  mis  en  cordes  tressées  qu'on  fait  généralement 
de  13  mètres  de  longueur  (longueur  adoptée  par  les  fabricants 
du  département  d'Alger).  Il  importe  que  cette  longueur  soit 
uniforme,  parce  que  c'est  aux  100  cordes  que  sont  payés  les 
ouvriers  tresseurs. 

Il  y  a  trois  qualités  de  crin  et  les  cordes  tressées  pèsent 
chacune  environ  : 

1  kil.  300  en  qualité  ordinaii'e  ; 
0  kil.  9U0  en  qualité  supérieure  ; 
0  kil.  700  en  qualité  extra. 

Les  ouvriers  tresseurs  sont  payés  d'habitude  : 

1  fr.  50  pour  le  cent  de  cordes  ordinaires  ; 
1  tr.  25  —  —        supérieures  ; 

-1  fr.  00  -  —       extra. 

La  qualité  ordinaire  est  plus  grossière,  plus  dure  à  tresser, 
et  les  cordes  sont  plus  épaisses,  ce  qui  explique  que  les 
tresseurs  sont  moins  payés  pour  les  cordes  fines,  lesquelles 
donnent  moins  de  mal  et  sont  plus  minces. 

Nous  rappelons  que  le  crin  végétal  est  surtout  préparé  aux 
environs  immédiats  d'Oran,  sur  la  ligne  d'Oran  àTémouchent, 
à  Nemours,  Nédromah  (où  sont  quelques  usines  importantes), 
à  Bel-Athès,  etc.  Dans  la  province  d'Alger,  les  centres  princi- 
paux sont  :  El-A.tïroun,  Affreville,  Bordj-Ménaïel  et  quelques 
autres  localités  kabyles.  Dans  la  province  de  Constantine  on 


410  NOTES   SUR   L'ALGÉRIE   ÉCONOMIQUE 

commence  aussi  à  en  produire  autour  des  villes  du  littoral, 
Bougie,  Djidjelli,  Philippeville  et  Bôiie. 

Nous  verrons  plus  loin  à  quel  mouvement  d'exportation 
donne  lieu  cette  marchandise,  mais  disons  ici  que  l'exportation 
du  crin  végétal  algérien,  qui  fut  de  25,000  kilogs  seulement  en 
-1849,  à  été  de  32,540,000  kilogs,  valant  3,245,000  francs, 
en  1900. 

Si  on  tient  compte  que  le  palmier  nain  n'est  ramassé  que  par 
des  indigènes,  on  voit  que  c'est  pour  eux  une  source  de 
revenus  qui  n'est  pas  négligeable. 

C'est  rOranie  qui  fabrique  et  e.xporte  le  plus  de  crin  végétal. 
D'ailleurs  ce  produit  est  presque  entièrement  exporté. 

Liège.  —  Le  liège  algérien  est  exporté  en  planches.  Il 
existait  à  Bône,  il  y  a  quelques  années,  une  usine  appelée 
La  Subérine,  oii  l'on  travaillait  le  liège  de  la  région  (Edough, 
Oued-el-Aneb,  etc.)  ;  mais  elle  a  disparu  faute  de  capitaux 
suffisants  pour  s'outiller  convenablement 'et  s'approvisionner. 

On  y  faisait  de  la  poudre  fine  de  liège  pour  la  pyrotechnie, 
des  briquettes,  des  poudres  de  déchets  pour  l'emballage  des 
fruits  primeurs  et  divers  autres  objets.  Nous  ne  croyons  pas 
qu'il  existe  aujourd'hui  en  Algérie  une  autre  usine  de  ce  genre. 

En  somme,  il  n'y  a  pas  à  proprement  parler  en  Algérie,  une 
industrie  du  liège  autre  que  celle  consistant  à  préparer  le  liège 
en  planches,  puis  en  balles  liées,  pour  l'exportation. 

Une  fois  démasclé  le  liège  est  ramolli  dans  des  chaudières. 
Ensuite  on  l'aplatit,  on  rabote  mécaniquement  sa  surface 
ligneuse,  on  coupe  les  planches  obtenues  aux  dimensions  vou- 
lues, et,  encore  humides  et  molles,  on  les  soumet  à  l'action 
d'une  presse. 

En  dernier  lieu,  ces  planches  sont  réunies  en  balles  de 
1  mètres  à  1  m.  20  de  longueur,  d'ordinaire,  liées  par  du  111 
de  fer. 

On  sait  que  l'Algérie  produit  annuellement  110,000  quintaux 
de  liège,  qu'elle  vend  3,500,000  francs  environ.  Le  Portugal  et 
l'Espagne,  qui  ne  viennent  qu'après  l'Algérie  comme  surface 
de  forêts  de  chêne-liège,  vendent  chaque  année  :  Le  Portugal 
340,000  et  l'Espagne  280,000  quintaux  de  liège. 

Le  liège  est  utilisable  dans  toutes  ses  parties  et  il  est  chaque 
jour  plus  recherché  par  l'industrie,  ce  qui  explique  la  stabilité 
de  son  cours  en  dépit  de  sa  production  plutôt  croissante. 


LES   INDUSTRIES   ALGÉRIENNES  411 

Du  premier  liège  démasclé  ou  liègè-màle,  on  confectionne 
des  ornenienls  rustiques  de  jardins,  de  parcs,  de  kiosques,  etc. 
Les  plaques  et  les  briques  de  liège  sont  employées  au  revête- 
ment des  parois  de  glacières,  de  séchoirs,  d'appartements,  etc., 
car  le  liège  est  non-seulement  athermane,  mais  encore  impu- 
trescible, imperméable  et  il  intercepte  les  sons. 

Ses  déchets  entrent  dans  la  fabrication  du  linoléum,  dont 
l'usage  est  en  progrès  constant.  Réduit  en  poudre,  il  est  utilisé 
dans  l'emballage  des  fruits  frais  (raisios  surtout)  à  expédier  en 
caisses. 

Mais  le  grand  débouché  du  liège  est  la  préparation  des 
bouchons. 

Sait-on  que  la  France  en  consomme  annuellement  400,000 
quintaux  (dont  11,000  quintaux  importés  de  l'étranger^» 
soit  à  peu  près  un  milliard  deux  cents  millions  de  bouchons 
pour  ses  vins  de  Champagne,  Bordeaux,  ordinaires  ;  ses 
l-iières,  liqueurs,  sirops,  eaux  minérales  ;  ses  produits  phar- 
maceutiques, etc.  ? 

On  prépare  des  bouchons  de  liège  à  Alger,  à  Philippeville, 
Bône,  mais  la  plupart  des  fabriques  sont  en  France,  en  Italie 
et  en  Espagne. 

Les  bouchons  de  qualité  ordinaire  sont  tous  de  fabi'ication 
française  et  ce  sont  les  bouchons  fins  surtout  qLii  proviennent 
de  l'éti'anger. 

A  Paris  seulement  on  évalue  à  300  millions,  soit  800,000 
kilogrammes,  le  nombre  de  bouchons  employés.  Aussi  y  voit- 
on  de  nombreuses  fabriques. 

Nous  bornons  là  ces  détails  qui  sortent  un  peu  de  notre 
cadre  puisque,  nous  le  répétons,  le  liège  n'est  presque  pas 
travaillé  aujourd'hui  en  Algérie.  11  n'est  pas  téméraire  de 
prévoir  que  cette  situation  changera  et  qu'à  côté  des  quelques 
bouchons  que  nous  livrons  d'Alger  et  de  la  province  de  Cons- 
tantine,  viendront  se  placer  les  articles  variés  dont  nos  lièges 
abondants  et  de  qualité  excellente  sont  la  matière  première  à 
portée. 

Huilerie.  —  L'Algérie  fut  avec  la  Tun.sie  la  terre  classique 
de  l'olivier  dans  l'antiquité.  Aussi  trouve  t- on  des  fabriques 
d'huile  d^olive  à  peu  près  dans  toutes  les  villes  algériennes  du 
Tell  ;  principalement  à  Bône,  Philippeville,  Constantine,  Souk- 
Aliras,  Guelma,  Sétif,  la  région  de  Khenchela-Tébessa-Aïn- 


412  NOTES   SUR   L'ALGÉRIE   ÉCONOMIQUE 

Beida,  Bougie,  les  villages  de  Kabylie,  Alger,  Blidah,  le  Sig, 
Tlemcen,  Aïn-Témouchent,  Mascara,  Bel-Abbès,  Relizane,  etc. 

En  -1901,  l'Algérie  a  produit  24.684.800  kilogs  d'huile  d'olive. 

Sur  ce  chiffre  elle  en  exporte  6  millions.  Comme  elle  con- 
somme 28  millions  de  kilogs  d'huiles  diverses  annuellement,  il 
lui  faut  importer  9  millions  de  kilogs  d'huiles  de  toutes  graines, 
soit  à  peu  près  le  tiers  de  sa  consommation. 

Ces  9  millions  de  kilogs  importées  se  décomposent  en  : 

437.000  kil.  d'huile  d'olive  (venant  de  France,  Espagne  et 
Tunisie)  ; 

4.396.000  kil.  d'huile  de  colon  (venant  de  France  et  de 
l'étranger)  ; 

3.982. OOû  kil.  d'huile  de  sésame  (venant  de  France  seu- 
lement). 

L'appoint  est  formé  d'huiles  de  lin,  de  ricin,  etc.,  en  faibles 
quantités  pour  chaque  sorte. 

Pour  satisfaire  aux  demandes  des  diverses  classes  d'ache- 
teurs, nos  fabricants  sont  obligés  de  produire,  à  côté  d'huiles 
d'olive  pures,  des  huiles  de  coupage  d'un  prix  moindre  où 
entrent  des  huiles  de  graines.  Le  plus  souvent  les  usiniers 
vendent  au  commerce  des  huiles  très  fruitées  et  les  négociants 
font  eux-mêmes  les  coupages  nécessaires. 

C'est  l'explication  des  importations  d'huiles  de  coton  et  de 
sésame. 

Sur  les  247.000  quintaux  d'huile  d'olive  de  la  production 
de  1901,  216,000  quintaux  seulement  proviennent  des  moulins 
algériens.  Les  31.000  autres  quintaux  sont  dus  aux  pi-imitifs 
procédés  kabyles. 

Les  arrondissements  les  plus  productifs  sont  les  suivants  : 

Bougie  (KabyUe) 84.600  quintaux 

Tizi-Ouzou  (kabylie) 33.600  — 

Alger 28.000  — 

Constantine 27.800  — 

Bône 12.700  — 

Sétif. 7.000  — 

Philippeville  (Jemmapes,  El-Arrouch). .  4.200  — 

Oran  (Temouilicut,  Arzcw,  Perrégaux,  Sijj).  3.800  — 

Tlemcen 3.500  — 

Orléansville 3.300  — 

Guelma 2.700  — 

Mostaganem 2.200  — 


LES  INDUSTRIES  ALGÉRIENNES  413 

Les  huiles  d'Oranie  sont  les  plus  recherchées.  Par  la  finesse 
de  leur  goût,  elles  se  rapprochent  sensiblement  de  nos  meil- 
leures huiles  de  Provence. 

Le  prix  des  huiles  d'olive  algériennes  sur  le  marché  de 
Marseille  varie  de  90  à  120  i'r.  les  100  kilogs,  selon  les 
qualités. 

La  Kabylie  est  le  centre  de  la  production  de  l'huile  d'olive. 
Les  communes  mixte  de  Beni-Mançour  et  de  pl-iin  exercice 
d'Akbou  ont  donné  à  elles  seules,  en  1901  :  Beni-Mançour 
10,340  hectol.  pour  274,000  oliviers  greffés,  Akbou  8,200  hectol- 
pour  80,000  oliviers  greffés  ;  soit  7  et  10  kilogs  d'huile  par 
arbre. 

La  région  de  Tlemcen,  a\ec  ses  50,000  oliviers,  produit 
4,000  quintaux  d'huile  environ. 

Nous  n'avons  pas  en  Algérie  de  grandes  installations  indus- 
trielles comparables  aux  usines  de  Sousse,  en  Tunisie.  L'ou- 
tillage de  nos  fabricants  européens  est  plus  modeste  et  diffère 
peu  de  celui  qu'on  emploie  dans  les  installations  rurales  de  la 
Provence. 

Les  olives  mûres,  achetées  aux  indigènes  ou  aux  propriétaires 
européens,  sont  broyées  sous  la  meule  ou  entre  les  cylindres 
d'un  concasseur  ;  puis  les  grignons,  placés  dans  des  scourtins 
d'alfa,  sont  disposés  en  pile  verticale  entre  les  deux  plateaux 
d'une  presse  métallique.  L'huile  brute  coule  dans  des  réci- 
pients où  elle  est  décantée  plusieurs  fois  jusqu'à  obtention  des 
qualités  requises. 

Les  résidus  solides,  d'autre  part,  sont  épuisés  par  des  macé- 
rations à  l'eau  chaude.  Voilà  en  deux  mots  la  théorie  de  la 
fabrication  de  l'huile  d'olive  européenne. 

Les  petites  huileries  agricoles  d'Algérie  se  composent 
d'ordinaire  : 

1°  D'un  broyeur  ou  concasseur  à  cylindres  cannelés,  mû  à 
bras,  semblable  à  un  concasseur  de  grains,  —  ou  bien  d'une 
meule  en  pierre  volcanique  écrasant  les  olives  dans  une  auge 
également  en  pierre  ; 

2"  D'une  presse  à  huile  mue  à  bras,  avec  ses  scourtins  d'alfa 
(2  ou  3  douzaines)  ; 

3"  Des  réservoirs  nécessaires. 

Dans  les  installations  plus  importantes  (à  partir  de  15  à 
20  quintaux  d'olives  par  jour  par  exemple),  le  tout  est  actionné 


414  NOTES   SUR   L'ALGÉRIE   ÉCONOMIQUE 

par  lin  moteur.  Le  nombre  de  moulins  et  dé  presses  est  pro- 
portionné au  rendement  à  obtenir  et  on  fait  parfois  usage  de 
presses  liydrauliques  donnant  des  pressions  plus  puissantes, 
de  filtres  à  liuile,  etc. 

En  somme,  il  n'y  a  rien  de  spécial  en  ce  qui  touche  les 
procédés  de  nos  usiniers  européens. 

Il  faudrait  surtout  chercher  à  améliorer  les  conditions  de 
fabrication  des  huiles  indigènes.  En  Kabylie,  centre  de  l'oléi- 
culture, les  kabyles,  plus  avisés  et  plus  laborieu.K  que  les  arabes, 
profitent  chaque  jour  davantage  des  exemples  ambiants.  Mais 
il  reste  beaucoup  à  faire,  en  Kabylie  et  ailleurs,  et  le  progrès 
pénètre  lentement  chez  les  indigènes,  malgré  les  plus  louables 
efforts. 

Sur  nombre  de  points,  les  procédés  sont  déplorahlement  en 
retard  et  la  défectuosité  de  l'outillage  a  pour  corollaire  làcheux 
l'infériorité  de  la  qualité  et  du  prix  de  vente. 

Au  lieu  de  moulins  ou  de  broyeurs  periectionnés,  beaucoup 
d'indigènes  continuent  à  se  servir  de  moulins  primitifs  dont  le 
travail  grossier  est  mal  terminé  par  des  presses  en  bois  d'une 
puissance  insuffisante.  Le  manque  de  propreté  s'ajoute  à  ces 
antiques  moyens.  Aussi  le  résultat  est  d'une  part  une  grosse 
perte  de  rendement,  d'autre  part  la  production  d'une  huile 
forte,  de  mauvais  goût,  recherchée  seulement  par  les  indigènes. 
Cette  dernière  raison,  il  convient  de  le  dire,  fait  que  la  trans- 
formation de  l'outillage  sera  lente  dans  les  lieux  où  la  produc- 
tion est  inférieure  à  la  consommation. 

D'autres  fois  le  moulin  arabe  est  remplacé  par  une  sorte  de 
bassin  dallé  où  l'on  verse  les  olives  mûres  et  fermentées.  Puis, 
disposés  autour  de  ce  bassin,  les  indigènes  se  renvoient  en 
tous  sens,  des  pieds  et  des  mains,  une  grosse  pierre  qui  écrase 
sommairement  les  olives  en  roulant  sur  elles. 

Les  kabyles,  qui  ont  un  goût  très  marqué  pour  les  huiles 
fortes,  rances  môme,  s'adressent  aussi  à  un  procédé  dilférant 
des  deux  précités.  Ils  font  bouillir  leurs  olives.  Après  un 
certain  temps,  quand  elles  ont  abandonné  une  partie  de  leur 
eau,  ils  les  soumettent  à  la  dessiccation  puis  en  confectionnent 
une  pâte  qu'ils  mettent  à  macérer  dans  l'eau.  L'huile  monte  à 
la  surface  et  est  décantée. 

En  1901,  l'oléiculture  algérienne  avait  à  sa  disposition  près 
de  5,000  moulins  à  huile  d'olive.  En  voici  les  chiffres  par 
arrondissement  : 


LES   INDUSTRIES   ALGÉRIENNES  415 

Bougie 2.855  moulins  ; 

Tizi  Ouzou 989  — 

Orléansville 351  — 

Sétif 219  — 

Alger 94  — 

Mostaganem 2(<  — 

Tlemcen 19  —    ■ 

Guelma 10  — 

Oran 9  — 

Batna 8  — 

Pliilippeville 7  — 

Bône 5  — 

Bel-Abbès 5  — 

Le  nombre  de  moulins,  pris  dans  l'aijsolu,  ne  révèle  guère 
l'importance  productive  de  chaque  région  y  afférente.  Ainsi, 
avec  94  moulins,  l'arrondissement  d'Alger  arrive  à  28,000  quin- 
taux d'huile,  tandis  que  celui  de  Sétif  qui  possède  219  moulins 
ne  donne  que  7,000  quintaux.  De  même  Bône  avec  5  moulins 
réalise  près  de  13,000  quintaux  d'huile  alors  que  Mostaganem 
avec  20  n'atteint  que  2,200  quintaux.  Tout  est  dans  le  rende- 
ment de  chaque  moulin. 

Le  Bulletin  de  l'office  de  renseignements  du  GouvernemerA 
général  de  l'Algérie,  qui  fonctionne  si  intelligemment  à  Paris, 
signale  une  initiative  qu'il  convient  de  louer  sans  réserves. 

L'an  dernier,  M.  Guenin,  commandant  supérieur  du  Cercle 
de  Khenchela,  dont  le  territoire  comprend  de  nombreuses 
olivettes,  a  fait  acheter  par  la  commune  indigène  de  Khen- 
chela, pour  l'installer  à  Ouldja,  point  central  de  la  production 
du  pays,  un  broyeur  à  olives,  des  scourtins  et  une  presse  à 
huile  du  dernier  système,  constituant  en  quelque  sorte  une 
huilerie  communale. 

Les  indigènes  se  sont  convaincus  par  eux-mêmes  que  le 
rendement  en  huile  était  à  peu  près  le  double  de  celui  qu'ils 
obtenaient  par  leur  outillage  suranné.  De  plus  l'huile  était 
d'un  goût  franc  d'une  belle  couleur,  d'une  vente  facile. 

Comme  l'acquisition  conseillée  par  M.  Guenin  a  été  effectuée 
sur  les  fonds  communaux,  les  indigènes  des  villages  voisins 
ont  demandé  que  leur  centre  fût  doté  par  les  mêmes  moyens 
d'un  matériel  similaire. 

L'administrateur  de  la  commune  mixte  de  Takitoun  a  pu 


416  NOTES    SUR    L'ALGERIE   ÉCONOMIQUE 

décider  aussi  un  groupe  d'indigènes  de  sa  commune  à  installer 
une  huilerie  moderne.  Les  fonds  ont  été  fournis,  à  titre 
d'avance,  par  la  Société  de  prévoyance  indigène  de  l'endioit 
et  l'usine  a  fonctionné  dès  la  dernière  campagne. 

Il  est  désirable  que  ces  tentatives  intelligentes  se  généra- 
lisent. Rares  sont  les  indigènes  possédant  up"  solvabilité 
suffisante  pour  acheter  même  une  petite  huilerie,  qui  coûte 
encore  un  millier  de  francs  rendue  sur  place.  L'achat  étant 
fait  pour  la  collectivité  et  sur  des  fonds  communs,  ces  huile 
ries  d'un  genre  coopératif  ont  de  grandes  chances  de  se 
multiplier  si  notre  administration  veut  se  montrer  bienveil- 
lante pour  raccomplissement  des  formalités  nécessaires.  Il  n'y 
a  pas  à  douter  qu'on'puisse  compter  sur  elle  pour  cela  ;  le  vif 
désir  qu'elle  manifeste  d'initier  la  population  indigène  à  nos 
méthodes  modernes  en  est  la  preuve. 

En  Algérie,  la  consoinmation  d'huile  individuelle  semble 
être  de  6  kilogs  par  an.  Les  arabes  absorbent  moins  de 
3  kilogs  par  tète,  mais  les  européens,  comptent  pour  II  à 
12  kilogs  et  les  kabyles  pour  15. 

La  production  du  pays  étant  inférieure  à  sa  consommation, 
l'industrie  de  l'huile  d'olive  reste  une  industrie  d'avenir. 

Les  plantations  et  grelïages  incessants  qui  sont  effectués  de 
tous  côtés  indiquent  que  notre  productio.i  est  destinée  à 
s'accroître.  Alors  le  chilYre  de  la  consommation  sera  atteint  ou 
dépassé,  mais  une  e.xportation  ascendante  entrera  à  ce  moment 
en  ligne  do  compte.  Il  n'y  a  qu'à  voir  les  progrès  qu'elle  a 
faits  en  ces  dernières  années  :  en  1898  nous  avons  exporté  en 
France  1,34.5,000  kilogs  d'huile  d'olive.  Ce  chifïre  est  passé  à 
plus  de  3  millions  en  1899  et  à  plus  de  6  millions  en  1900. 

On  aiderait  encore  à  l'extension  de  l'oléiculture  en  votant  le 
projet  Suchetet  qui  vise  le  relèvement  des  droits  de  douane 
sur  les  graines  oléagineuses  et  les  huiles  végétales  (fr.  18  le 
quintal  pour  les  huiles  de  colza,  navette,  pavot,  olive  ;  fr.  12 
pour  les  huiles  d'arachide,  coton,  sésame,  etc.) 

Mais  tout  en  étant  d'avis  qu'il  est  nécessaire  de  protéger 
l'industrie  de  l'huile  d'olive,  nous  croyons  qu'il  ne  faut  pas 
totalement  négliger  l'intérêt  des  consommateurs.  Certains 
d'entre  eux  préfèrent  à  la  saveur  fruitée  de  l'huile  d'olive 
vierge  le  goût  plus  neutre,  moins  prononcé,  d'une  huile 
mixte.  D'autres,  sinon  par  goût  du  moins  pour  des  raisons 
d'économie,  ne  peuvent  s'offrir  que  des  huiles  mélangées, 


LES   INDUSTRIES   ALGÉRIENNES  417 

C'est  la  fraude  qu'il  faut  énergiquement  poursuivre  et  empê- 
cher. 

Comme  nous  venons  de  le  dire,  le  Gouvernement  général 
est  préoccupé  du  développement  de  l'oléiculture  et  de  l'indus- 
trie qui  en  est  la  conséquence.  Répondant  à  un  vœu  de  la 
Délégation  financière  des  non- colons,  émis  au  cours  de  la 
session  de  juin  1901  et  tendant  à  ce  qu'il  soit  procédé  au 
recensement  des  oliviers  greffés  et  non-greCfés,  l'a  hninistration 
s'est  mise  à  l'étude  des  dispositions  à  prendre  en  vue  d'amener 
les  indigènes  surtout  à  améliorer  leurs  moyens  de  fabrication 
et  de  conservation  de  l'huile 

Elle  a  envoyé  aux  maires  et  administrateurs  des  communes 
oléicoles  une  circulaire  les  priaut  de  fournir  toutes  les  indi- 
cations utiles  sur  la  situation  de  l'oléiculture  dans  leurs 
communes. 

Ces  autorités  avaient  à  signaler:  les  principales  variétés 
cultivées;  le  mode  de  multiplication  le  plus  fréquemment 
employé  (bouturage,  propagation  par  rejetons,  greffage  des 
oliviers  sauvages)  ;  la  qualité  de  l'huile  obtenue  au  point  de 
vue  alimeiitaire  et  industriel  ;  l'état  présent  du  matériel  de 
fabrication  et  la  nature  des  récipients  où  l'huile  est  conservée  ; 
la  consommation  moyenne  par  tète,  d'huiles  diverses  chez  les 
indigènes  ;  les  quantités  excédant  la  ccmsommation  locale  et 
pouvant  être  exportées,  etc. 

La  plupart  des  communes  ont  ponctuellement  répondu  à  ce 
questionnaire  administratif  et  c'est  dans  leurs  réponses,  habi- 
lement résumées  et  colligées  en  un  très  intére.'rsant  opuscule 
qui  a  été  publié  ces  jours  derniers  par  le  Gouvernement 
général,  que  nous  avons  pris  plusieurs  des  chiffres  et  des 
indications  qui  précèdent. 

Il  a  été  demandé  en  outre  des  échantillons  d'huiles  et  de 
grignons  en  vue  de  les  soumettre  à  l'analyse,  dans  le  labora- 
toire de  la  station  agronomique  d'Alger.  A  la  suite  de  ces  essais, 
des  experts  et  des  spécialistes  indiqueront  les  principales 
destinations  qu'il  est  possible  de  rechercher  pour  nos  huiles. 

Ceci  est  parfait  et  digne  de  tout  éloge.  Mais  à  côté  de  l'action 
officielle,  utile  surtout  aux  indigènes,  il  est  indispensable  que 
les  intéressés,  producteurs  d'olives  et  fabricants  d'imile,  se 
munissent  d'un  matériel  perfectionné,  fabriquent  soigneuse- 
ment, obtiennent  d'irréprochables  produits  et  s'occupent 
ensuite  de  trouver  des  débouchés. 


418  NOTES   SUR   L'ALGÉRIE   ÉCONOMIQUE 

Cette  dernière  question  sera  facilement  résolue  lorsque  les 
autres  conditions  seront  remplies.  Qu'ils  sachent  bien  qu'ils 
doivent  surtout  compter  sur  leur  propres  eflbrts  car  l'admi- 
nistration ne  peut  pas  tout  faire. 

Minoterie  et  Pâtes  alimentaires.  —  La  minoterie  algé- 
rienne se  développe  à  vue  d'œil  et  bientôt,  si  les  pas  en  avant 
qu'elle  a  déjà  faits  continuent,  elle  pourra  se  passer  presque 
entièrement  de  la  France.  Il  est  assez  logique  d'ailleurs  que 
dans  un  pays  céréalier  comme  l'est  celui-ci  cesse  cette  ano- 
malie d'envoyer  les  blés  se  faire  moudre  en  France  pour  les 
réimporter  ensuite  comme  fu-ines  ou  semoules,  grevés  du 
transport  aller-retour  et  de  la  location  des  sacs  pendant  ces 
trajets. 

Ce  n'est  pas  l'Algérie  seulement  qui  a  compris  l'avantage  de 
moudre  le  grain  là  où  il  pousse.  La  Russie,  l'Espagne,  l'Italie, 
etc.,  en  font  autant  depuis  quelques  années.  En  ce  moment 
même  la  maison  Buhler,  d'Uzwil  (Suisse)  installe  à  Nijni- 
Novgorod  une  minoterie  à  cylindres  qui  pourra  traiter 
4,000  quintaux  par  jour  de  farines  et  semoules. 

Cette  décentralisation  explique  le  marasme  où  se  trouvent 
aujourd'hui  les  minotiers  de  Marseille,  qui  ne  peuvent  plus 
résister  à  la  raréfaction  de  leurs  débouchés  qu'en  spéculant 
sur  les  grains. 

Oran  recevait  jusqu'à  ces  derniers  temps  plus  de  35,000  quin- 
taux de  farine  par  an.  Assurément  cette  importation  sera 
annulée  dès  l'année  prochaine.  Il  en  ira  peu  à  peu  ainsi  des 
autres  départements  algériens. 

Alger,  ses  environs  (Maison-Carrée,  Hussein-Dey),  Blidah. 
Médéah,  ont  plusieurs  minoteries.  Constantine,  Guelma,  Bône, 
Souk  Ahras,  Sétif,  en  ont  une  douzaine  de  très  importantes 
s'occupant  surtout  de  la  fabrication  des  semoules  avec  les 
beaux  blés  durs  de  leur  province. 

Mais  c'est  l'Oranie  qui  tient  la  tête  comme  étant  la  province 
céréaliers  par  excellence.  Oran  a  une  grande  minoterie, 
plusieurs  petites,  et  une  autre  va  fonctionner  sous  peu. 
BelAbbès  en  a  près  de  20  dans  sa  région  ;  le  Sig  en  a  3 
grandes  dont  une  date  de  quelques  mois  à  peine  ;  Dublineau, 
près  Mascara,  en  possède  une  depuis  plusieurs  années  ; 
Tlemcen  4  ou  5,  etc. 

Enfin  l'année  1902  verra  se  monter  de  grosses  minoteries  à 


LES   INDUSTRIES   ALGÉRIENNIiS  419 

Saïda,  Saiiit-Cloud  (pi'ès  Oran),  Aïn-Témouchent,  Oran,   Bel- 
Abbès,  Tlemcen,  etc. 

Cette  extension  de  la  minoterie  algérienne  s'explique  d'autant 
mieux,  que  nos  blés  durs  et  tendres  donnent  des  farines  et  des 
semoules  qui  n'ont  pas  besoin  d'être  mélangées  à  d'autres 
qualités  pour  la  boulangerie  ou  la  fabrication  des  pâtes  ali- 
mentaires. En  d'autres  termes,  nos  farines  et  nos  semoules  se 
suffisent  à  elles  mêmes  et  peuvent  se  passer  de  l'immixtion 
d'autres  qualités. 

Beaucoup  de  nos  minoteries  actuelles  marchent  à  l'aide 
d'une  force  hydraulique  (Constantine,  Guelma,  Dublineau,  le 
Sig,  Tlemcen,  etc.)  ;  les  autres  recourent  à  la  vapeur,  ce  qui 
augmente  leurs  frais. 

Il  n'est  question  dans  tout  ce  qui  précède,  que  de  minoteries 
munies  des  derniers  perfectionnements  (nettoyage  moderne, 
broyeurs  à  cylindres,  désagrégeurs,  convertisseurs,  plan- 
sichters,  bluteries  centrifuges,  etc.)  oii  la  marche  de  la  mou- 
ture est  absolument  automatique  pour  des  débits  variant  de 
100  à  500  quintaux  par  jour,  ou  même  bien  davantage,  de 
farine  ou  de  semoule. 

Nous  ne  parlons  pas  des  innombrables  petits  moulins  à 
meules  métalliques  (moulins  anglais)-ou  à  meules  en  pierre,  qui 
font  spécialement  de  la  mouture  de  blé  et  d'orge  pour  les  indi- 
gènes. Ces  moulins  dits  à  «  mouture  arabe  »  sont  répandus  sur 
tout  le  territoire  de  l'Algérie  et  se  composent  d'ordinaire 
d'une  ou  de  deux  paires  de  meules  a(;tionnées  soit  par  une 
locomobile  à  vapeur  ou  un  moteur  à  pétrole,  soit  par  uug 
turbine  ou  une  roue  hydraulique. 

Les  minotiers  algériens  estiment  que,  pour  s'en  tirer,  un 
écart  de  10  francs  au  moins  doit  exister  entre  le  prix  du 
quintal  de  blé  et  celui  du  quintal  de  farine,  au  lieu  de 
production. 

Cent  kilogs  de  blé  tendre  donnent  approximativement 
70  kilogs  de  farine.  On  compte  que  les  frais  de  mouture,  de 
sacs,  l'amortissement  du  matériel  et  la  location  du  moulin, 
coûtent  fr.  1,30  par  quintal  de  blé.  Si  par  exemple  le  blé  est 
payé  fr.  20  le  quintal  par  le  minotier,  son  prix  de  revient  est 
ainsi  de  fr.  21,50.  De  plus,  les  blés  étant  généralement  achetés 
au  comptant  et  les  farines  vendues  à  terme,  0,30  centimes 
d'intérêt  environ  grèvent  encore  ce  prix  de  revient  qui  est 
finalement  porté  à  fr.  21.80. 

31 


420  NOTES   SUR   L'ALGÉRIE   ÉCONOMIQUE 

Le  blé  valant  20  fr.,  il  faudrait,  d'après  ce  que  nous  avons 
dit,  que  la  farine  se  vendit  10  francs  de  plus,  soit  fr.  30.  A  ce 
prix  70  kil.  de  farine  vaudraient  fr.  21.  Les  sons  et  autres 
déchets  de  mouture  étant  évalués  à  fr.  2,50,  le  minotier  retire- 
rait de  ses  fr.  21,80  de  blé,  fr.  23,.50  f  farine  et  basses  matières), 
d'oii  un  bénélice  de  fr.  1,70  par  centkilogs  de  blé. 

Mais  le  plus  souvent  l'écart  de  fr.  10,  n'existe  pas  entre  le 
prix  du  quintal  de  farine  et  le  prix  du  même  poids  de  lilé,  et 
ce  taux  est  considérablement  réduit. 

Comme  conséquence  de  la  préparation  des  semoules,  il 
s'est  établi  dans  plusieurs  villes  algériennes  :  Alger,  Constan- 
tine,  Bône,  Pliilippeville,  Oran,  Médéah,  Sétif,  etc.,  une 
industrie  connexe  dont  les  produits  sont  très  appréciés  :  des 
fabriques  de  pâtes  alimentaires. 

Ces  fabriques,  outre  la  consommation  locale,  commencent 
à  trouver  un  écoulement  facile  dans  l'exportation,  et  nos 
excellentes  pâtes  sont  de  plus  en  plus  demandées.  Il  faut  qu'on 
sache  que  certains  de  nos  blés  durs  algériens  sont  les  premiers 
du  monde  peut-être,  comme  qualité,  et  que  les  pâtes  alimen- 
taires provenant,  de  leurs  semoules,  peuvent  lutter  sans  aucune 
crainte  de  désavantage  avec  les  pâtes  dites  d'Italie,  que  d'habiles 
réclames  ont  universellement  magnifiées.  Nos  blés  durs  ne  le 
cèdent  en  rien  aux  blés  fameux  de  Sicile,  de  Toscane  ou  de 
Taganrok.  Leur  rendement  en  semoule  atteint  64  "/o.  Très 
riches  en  gluten  (les  pâtes  alimentaires  ne  sont  que  du 
gluten  humecté,  malaxé  et  comprimé  en  des  moules  divers 
selon  la  forme  recherchée),  leurs  pâtes  sont  fermes  à  la 
cuisson,  d'un  goût  fln,  délicat,  et  elles  se  gonflent  comme  il 
convient. 

Le  Sijndicat  commercial  algérien,  d'Alger,  nous  apprend 
qu'à  fin  1900,  il  y  avait  dans  le  seul  département  d'Alger, 
14  fabricants  de  pâtes,  dont  11  à  Alger  même.  Ces  14  fabriques 
produisaient  journellement  5,500  kil.  de  pâtes  entièrement 
consommées  dans  le  département. 

Médéah  a  une  fabrique  qui  exporte  des  produits  très  appré- 
ciés dans  toute  l'Algérie. 

Quelques-unes  de  ces  usines  ont  substitué  à  leur  ancien 
matériel  des  machines  capables  de  travailler  3,000  kil. 
par  jour. 

Constantine  a  4  ou  5  fabriques  produisant  ensemble  30  à  40 
quintaux  par  jour.  Bône,  avec  les  importantes  minoteries  et 


LES    INDUSTRIES    ALGÉRIENNES  4-21 

usines  Debono,  toutes  récentes,  vient  de  se  placer  au  premier 
rang  de  cette  industrie.  Oran  compte  4  usines  aussi  ;  etc. 

Les  pâtes  algériennes  se  vendent  de  40  a  50  francs  les 
100  kilogs.  On  peut  les  avoir  à  Paris,  emballage  et  port 
compris,  à  fr.  55  environ  les  100  kil.  en  moyenne. 

Nous  recommandons,  en  passant,  la  consommation  du 
rouscoms  que  connaissent  tous  ceux  qui  ont  voyagé  ou 
séjourné  en  Algérie. 

Sec,  11  a  l'aspect  d'une  très  grosse  semoule,  mais  il  est 
formé  par  l'agglomération  de  grains  de  semoule  fine.  Il  est  la 
base  de  l'alimentation  des  indigènes  et  il  jouit  aussi  d'une 
faveur  marquée  auprès  de  tous  les  algériens.  Avec  le  mouton 
rôti,  il  est  le  plat  de  consistance  classique  des  di/fas 
officielles. 

Cuit  à  la  vapeur  et  préparé  selon  la  formule,  c'est  un 
excellent  mets  qui  se  vulgariserait  en  France  dès  qu'il  y  serait 
connu.  Contrairement  à  la  bouillabaisse,  il  n'est  pas  indispen- 
sable qu'il  soit  consommé  sur  place.  Le  cadre  seul  manquerait, 
mais  les  paysages  de  la  Neva  ou  de  la  Caspienne  ne  sont  pas 
toujours  à  la  di-^position  de  tous  les  consommateurs  de  caviar, 
si  foi't  à  la  mode  depuis  ([uelques  années  sur  nos  tables 
parisiennes. 

Dans  le  but  d'en  étendre  la  consommation,  plusieurs  fabri- 
cants de  pâtes  algériens  vendent  le  couscouss  en  boite  de 
1  kilog.  et  de  500  grammes,  avec  indication  du  procédé  de 
préparation  culinaire. 

En  résumé,  comme  la  minoterie,  l'industrie  des  pâtes 
alimentaires  en  Algérie  est  pleine  de  promesses.  Elle  dépasse 
déjà  les  besoins  de  la  consommation  locale  et  dès  que  l'excel- 
lente qualité  de  ses  produits  sera  connue,  on  peut  être  certain 
que  les  marchés  de  la  métropole  et  de  l'étranger  lui  seront 
ouverts. 

Produits  chimiques.  —  A  la  suilo  de  l'exploitation  des 
gisements  de  phosphates  de  cliaux  naturels,  il  eût  été  étrange 
qu'une  usine  d'acide  suliurique  ne  se  créât  pas  dans  un  des 
ports  du  département  de  Constantine,  et  ce  port  ne 
pouvait  être  que  Bône,  tête  de  ligne  du  chemin  de  fer  de 
Tébessa. 

Nous  avons  déjà  exposé  ailleurs  l'anomalie  de  la  situation. 
Les  phosphates  de  chaux,  même  très  finement  moulus,  ne 


422  NOTES   SUR   L'ALGÉRIE   ÉCONOMIQUE 

.s'assimilent  que  très  lentement  à  la  terre  et,  pour  hâter 
la  diffusion  de  leurs  parties  fertilisantes,  il  faut  les  mélanger 
à  une  certaine  dose  d'acide  sulfurique.  Ils  deviennent 
alors  des  «  superphosphates  de  chaux  minéraux  »,  forme 
sous  laquelle,  le  plus  généralement,  l'acide  phosphorique 
est  donné  au  sol  pour  remplacer  celui  qu'absorbent  les 
cultures.  Pour  marquer  d'une  image  saisissante  cette  lenteur 
et  cette  rapidité  d'absorption,  les  Anglais  ont  un  dicton  qui 
est  à  peu  près  celui-ci  :  «  Qui  veut  ferliliser  la  terre  pour 
«  ses  enfants  épand  du  phosphate  naturel  ;  qui  veut  réaliser 
«  de  suite  l'abondance  de  ses  produits  use  du  superphosphate  ». 
(J'ai  entendu  énoncer  le  proverbe  en  anglais,  mais  la  langue 
anglaise  ne  m'est  pas  assez. . .  maternelle  pour  que  j'aie  pu  le 
retenir  ainsi.) 

Notre  agriculture  algérienne  a  besoin  d'engrais  phosphatés. 
Tous  nos  superpiiosphates  nous  venant  du  dehors,  on  songea 
à  opérer  sur  place  la  transformation  des  phosphates  de  Tébessa, 
certain  au  moins  d'éviter  la  charge  onéreuse  d'un  double 
transport  :  exportation  du  minéral  et  réimportation  des  super- 
phosphates. 

Mais  l'acide  sulfurique  66",  qui  est  coté  à  Marseille  de 
fr.  8.50  à  fr.  9  le  quintal,  en  bonbonnes  de  00  litres  environ 
(120  kil.),  arrive  à  Bùne  grevé  d'un  fret  de  5  à  6  fr.  par  bon- 
bonne parce  que,  à  cause  du  danger  qu'offre  le  transport  de 
ce  produit,  on  trouve  ditlicilement  des  compagnies  de  naviga- 
tion voulant  en  assumer  les  risques. 

On  fit  alors  venir  d'Espagne  des  pyrites  de  cuivre  et  on 
construisit  de  vastes  chambres  de  plomb  pour  fabi-iquer  l'acide 
sulfurique. 

La  fabrique  de  produits  chimiques  de  la  Boudjimali,  aux 
portes  de  Bùne,  s'est  montée  vers  1808.  Ses  débuts  furent 
pénibles  comme  le  sont  toujours  les  débuts  d'une  affaire  entiè- 
rement nouvelle  dans  un  pays  neuf.  Toutefois  la  persévérance 
des  créateurs  a  triomphé  des  obstacles.  Outre  la  consommation 
locale,  qui  se  développera  de  plus  en  plus  à  mesure  que  les 
facilités  et  le  bon  m.arché  des  transports  permettront 
d'étendre  le  rayon  des  ventes,  l'usine  a  trouvé  des  débouchés 
à  l'extérieur. 

Voici  les  chiffres  des  expéditions  faites  pendant  le  second 
semestre  de  1901.  Nous  les  devons  à  l'obligeance  d'un  corres- 
pondant particulier  bien  informé  : 


LES   INDUSTRIES   ALGERIENNES 


423 


DESTINATION 

SUPER- 
PHOSPHATE 

PHOSPHATE 
moulu 

SULFATE 
de  cuiïre 

ACIOE 

sulturiquQ 

ENGRAIS 
spéciaux 

Algérie 

Tunisie..    .. 
Espagne.   .. 
Egypte 

Total   ... 

275  ...„„« 
73    » 
1.270    » 
650    » 

1 4  "■»■■" 

28 '"■'"- 

23  ...n«. 

5    » 

g.onne. 

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14.om,es 

2g  lonnes 

28.onn.s 

g. «nues 

Pour  une  période  de  6  mois  et  étant  données  les  deux  der- 
nières mauvaises  années  agricoles,  ces  chiffres  montrent 
l'importance  qu'a  su  prendre  en  peu  de  temps  cette  heureuse 
initiative,  dont  les  progrès  sont  assurés. 

On  nous  affirme  que  l'usine  est  outillée  et  aménagée  pour 
pouvoir  produire  annuellement: 

1.5,000  tonnes  de  superphosphates  ; 
500  tonnes  de  sulfate  de  cuivre  ; 

20,000  tonnes  d'acide  sulfurique. 

En  l'état  actuel  de  sa  production,  elle  occupe  une  centaine 
d'ouvriers  et  dispose  d'une  force  motrice  de  60  chevaux- 
vapeur. 

En  dehors  de  l'usine  de  produits  chimiques  de  la  Boudjimah, 
d'autres  essais  sont  tentés.  On  parle  de  créer  à  Maison-Carrée, 
en  vue  probablement  de  la  poudrerie  qu'il  est  question  d'éta- 
blir à  Alger,  une  usine  d'acide  sulfurique  et,  depuis  cette 
année,  une  raffinerie  de  soufre  fonctionne  au  Gué  de-Gonstan- 
tine,  près  d'Alger.  Le  minerai  de  soufre  vient  de  Sicile  exempt 
de  droits  de  douane  et  il  est  transformé,  dans  des  chambres 
de  sublimation,  en  soufre  sublimé  pour  la  viticulture. 

I^'avantage  de  cette  usine  —  et  des  similaires  qui  se  créeront 
en  Algérie  —"  sur  les  raffineries  marseillaises  réside  dans 
l'économie  de  fret  réalisée  sur  les  soufres  sublimés  expédiés 
de  Marseille,  et  dans  l'économie  des  droits  de  douane  sur  les 
soufres  également  sublimés  venant  de  Sicile. 

En  efl'et,  l'Algérie  reçoit  chaque  année  pour  les  vignes, 
•100,000a  120,000  balles  de  soufre  sublimé;  un  peu  de  Sicile 
et  la  majeure  partie  de  Marseille  et  de  Cette. 

Les  raffineries  du  Midi  se  trouvent  exactement  dans  les 


424  NOTES  SUR  L'ALGÉRIE  ÉCONOMIQUE 

mêmes  conditions  que  l'usine  du  Gué-de-Constantine.  Elles 
n'ont  pas  de  droits  de  douane  sur  les  minerais  qu'elles  impor 
tent  de  Sicile,  mais  elles  ont  à  charge  le  transport  d  ^.  leurs 
soufres  (en  sacs  de  100  kil.  net)  de  Marseille  et  de  Cette  à  quais 
Algérie. 

Quant  aux  soufres  de  Sicile  venant  directement  de  Catane, 
qu'on  importe  de  plus  en  plus  en  Algérie,  ils  paient  comme 
raffinés  ou  sublimés  un  droit  de  douane  de  fr.  2.25  à  leur 
entrée. 

L'usine  du  Gué-de-Constantine  près  Alger  est  donc  en 
situation  favorable  pour  écouler  ses  produits  dans  toute  la 
région  éminemment  viticole  de  la  Mitidja. 

Il  a  été  question,  l'an  dernier,  de  créer  aussi  une  raffinerie 
de  soufre  à  Oran,  mais  rien  n'a  été  fait  encore. 

Force  motrice.  —  Il  nous  reste  un  mot  à  dire  de  la  force 
motrice  mise  en  Algérie  au  service  des  diverses  industries 
européennes.  C'est  un  point  caractéristiquo  qu'on  ne  saurait 
passer  sous  silence. 

Nous  devons  en  partie  à  l'obligeance  du  service  des  Mines 
d'Algérie  les  chiflres  qui  vont  suivre.  Ils  se  rapportent  à 
l'année  1900,  ceux  de  1901  n'ayant  pas  été  définitivement 
établis  encore. 

A  fin  1900,  il  y  avait  en  Algérie,  sans  compter  les  chemins 
de  fer,  tramways  et  bateaux,  1,499  établissements  employant 
de  la  force  motrice.  Le  nombre  de  chaudières  était  de  l,82(j 
produisant  une  force  de  21,526  chevaux-vapeur  effectifs. 

Alger  vient  dans  ce  chiffre  pour  près  de  9,000  chevaux- 
vapeur  et  Oran  pour  plus  de  7,0U0. 

Il  faut  remarquer  que  dans  le  dénombrement  ci-dessus 
l'industrie  agricole  (locomobiles  actionnant  des  batteuses,  des 
presses  à  fourrage,  des  pompes  et  norias  d'irrigation,  etc.) 
entre  pour  691  machines  produisant  6,712  chevaux-vapeur. 

Les  chemins  de  fer  et  tramways  algériens  comportaient  à 
eux  seuls  à  la  même  date  et  en  plus  des  chilïres  précédents  : 
334  locomotives  donnant  113,541  chevaux-vapeur. 

En  1901,  l'industrie  a  installé  plus  d'une  centaine  de 
machines  à  vapeur  produisant  2,000  chevaux-vapeur  effectifs 
environ,  ce  qui  porte  les  nombres  précités  à  près  de  2,000 
machines  et  à  plus  de  23,500  chevaux- vapeur,  —  chemins  de 
fer  et  tramways  non-compris  toujours. 


LES   INDUSTRIES  ALGÉRIENNES  425 

En  Oranie,  de  470  machines  et  4,810  chevaux-vapeur  en 
1895,  on  est  passé  à  près  de  700  machines  et  de  8,000  chevaux- 
vapeur  au  commencement  de  1902. 

Et  dans  toutes  ces  évaluations  n'entrent  pas  les  moteurs  à 
gaz,  à  pétrole  et  à  essence  de  pétrole,  dont  le  service  des 
Mines  ne  s'occupe  pas  et  qui  se  répandent  de  plus  en  plus, 
à  raison  de  la  commodité  et  de  l'économie  de  leur  emploi. 

Pour  rOranie  seulement  (où  on  compte  le  plus  de  ce  genre 
de  moteurs),  il  n'est  pas  excessif  d'évaluer  à  plus  de  100  mo- 
teurs à  gaz  et  à  pétrole  le  nombre  existant.  Ils  sont  générale- 
ment d'une  torce  de  4  à  10  chevaux-vapeur. 

Il  y  a  aussi  plusieurs  installations  de  transport  de  force 
motrice  par  l'électricité.  Citons,  entre  autres,  celle  de  Mascara 
pour  l'éclairage  de  la  ville  au  moyen  des  cliules  d'Âïn-Fekan, 
à  30  kilomètres  de  Mascara  ;  celles  d'Orléansville,  Tlemcen,  de 
Perrégaux,  pour  le  -même  objet  ;  celle  du  moulin  Lavie,  à 
Héliopolis,  près  Guelma,  etc.  Il  est  question  d'éclairer  la  ville 
de  Saïda  de  la  même  manière  par  les  chutes  de  Nazereg, 
à  10  kilomètres. 

En  résumé,  on  voit  que  le  pays  prospère  et  qu'on  peut 
former  des  pensées  consolantes  sur  son  avenir  industriel. 

Tapis  indigènes.  —  Voici  \me  industrie  indigène  qui 
devrait  tenii-  une  place  meilleure  que  celle  qu'elle  occupe, 
dans  la  consommation  française  tout  au  moins. 

Depuis  l'Exposition  de  1900,  où  on  a  pu  admirer  les  beaux 
échantillons  qu'elle  exposait  à  la  section  algérienne,  tout  le 
monde  connaît  M""'  Delfau,  la  fondatrice  de  l'école  profession- 
nelle de  tapis  indigènes  d'Alger. 

On  estime  que  chaque  année  la  France  importe  de  Perse, 
de  Turquie,  du  Maroc,  etc.,  pour  plus  de  10  millions  de  francs 
de  tapis. 

Beaucoup  de  ces  tapis  arrivent  de  Turquie  (écoles  d'Ouchak 
et  d'Eréké)  ou  du  Maroc,  sous  le  nom  de  tapis  algériens,  ce 
qui  est  une  manière  de  fraude  qu'il  ne  tient  qu'à  nous  de 
supprimer  en  rénovant  le  bel  art  des  tapis  orientaux  à  peu 
près  disparu  d'Algérie,  avant  les  nobles  efforts  de  M"'"  Delfau. 

Nous  conseillons  aux  touristes  qui  passeront  à  Alger  de  ne 
pas  manquer  d'aller  visiter  l'école  professionnelle  de  la  rue 
de  l'Etat-Major.  Ils  ne  laisseront  pas  de  s'intéresser  au  spec- 
tacle de  ces  petites  mauresques  de  6  à  8  ans  tissant  avec  une 


426  NOTES   SUR   L'ALGÉRIE   ÉCONOMIQUE 

surprenante  dextérité  ces  jolis  ouvrages,  et  ils  se  persuaderont 
que  nos  tapis  valent  en  beauté  et  en  finesse  ceux  que  nous 
faisons  venir  de  si  loin  et  à  si  grands  frais. 

A  des  modèles  uniformes  et  monotones  ont  été  substitués 
des  dessins  variés,  bien  choisis  et  plus  artistiques.  Les  laines 
sont  rigoureusement  sélectionnées  ;  enfin  les  couleurs  miné- 
rales, très  altérables,  sont  proscrites  et  remplacées  par  des 
teintures  végétales  plus  belles,  de  tons  plus  fixes  et  plus 
durables  surtout. 

Le  but  de  M""^  Delfau  est  artistique,  économique  et  moral  à 
la  fois.  D'abord  elle  a  voulu  faire  revivre  une  industrie  d'art 
et  d'exportation  D'autre  part,  elle  a  cherché  à  occuper  la 
femme  arabe,  d'habitude  oisi\e,  et  à  créer  pour  elle  et  sa 
famille  l'aisance  par  le  travail. 

Les  débouchés  sont  assurés  pour  la  fabrication  des  tapis,  et, 
quand  les  nôtres  seront  connus,  on  trouvera  des  consomma- 
teurs sans  nulle  peine.  Cela  simplifie  déjà  la  question  et  peut 
enhardir  les  fabricants. 

Quant  aux  femmes  indigènes,  nous  croyons  qu'il  y  a  intérêt 
pour  nous  à  les  mettre  à  même  de  gagner  leur  vie  et  de 
contribuer  aux  charges  du  ménage,  ce  qu'aucune  ne  fait 
aujourd'hui  à  quelques  exceptions  près. 

Les  besoins  de  l'indigène  croissent  au  fur  et  à  mesure  que 
notre  civilisation  le  pénètre.  Il  faut  donc  que  se  développent 
parallèlement  les  moyens  qui  doivent  le  conduire  à  la  satis- 
taction  de  ces  besoins. 

Ne  perdons  pas  de  vue  —  et  nous  en  recauserons  —  que 
l'assimilation  politique,  religieuse,  morale  ou  psychologique 
de  l'indigène  est  une  chimère  qu'il  faut  enfin  délaisser.  Son 
assimilation  économique  est  seule  réalisable  et  possible.  Nous 
avons  voulu  l'instruire  en  nos  habituelles  connaissances  et, 
neuf  fois  sur  dix,  nous  en  avons  fait  un  déclassé,  quand  ce 
n'est  pas  pire.  Il  n'y  a  pas  un  indigène  sachant  lire,  écrire  et 
ses  quatre  règles  à  peu  près,  qui  ne  se  croie  d'imprescriptibles 
droits  à  devenir  fonctionnaire.  S'il  ne  peut  l'être,  le  voici 
transformé  en  mécontent  et  prêt  à  mettre  sa  rancune  ou  la 
perte  de  ses  illusions  au  service  de  toutes  les  mauvaises 
causes. 

Que  l'élite  indigène  continue  dans  les  Médersas  d'Alger, 
Constantine  et  Tlemcen  à  se  cultiver  l'esprit  par  l'étude  de 
l'histoire,  du  droit,  de  la  théologie  musulmans,  de  la  littérature 


LES   INDUSTRIES   ALGÉRIENNES  427 

arabe,  tout  en  apprenant  aussi  le  français  subsidiairement  : 
c'est  parfait.  Sa  mentalité,  en  se  distinguant,  se  rapprochera 
de  la  nôtre  et  la  France  n'a  rien  à  redouter  de  l'élévation 
intellectuelle  et  morale  de  ses  sujets.  Bien  au  contraire,  elle 
doit  l'aider.  Comme  bach  adels,  imans  ou  professeurs  de' 
mosquées  et  de  Médersas,  ces  indigènes  qui  nous  devront  leur 
instruction  et  leurs  postes,  nous  en  seront  reconnaissants  et 
placeront  leur  inlluence  à  notre  service. 

Mais  ne  cherchons  donc  plus  à  donner  aux  indigènes  nos 
cerveaux  et  nos  âmes.  Ce  serait  poursuivre  la  réalisation  d'une 
conception  aussi  coûteuse  que  vaine. 

Pour  revenir  au  fait,  c'est-à-dire  à  la  fal)rication  dos  tapis, 
la  famille  indigène  profiterait  du  travail  à  domicile  de  la 
femme  ou  de  la  jeune  fille.  On  sait  qu'à  partir  de  Tàge  de 
12  à  13  ans,  les  jeunes  filles  mauresques  prennent  le  voile  et 
sont  désormais  vouées  à  des  travaux  d'intérieur.  Les  écoles  de 
tapis  indigènes  ne  peuvent  donc  recruter  leurs  ouvrières  que 
parmi  les  jeunes  filles  au-dessous  de  cet  âge,  ou  chez  les 
vieilles  femmes.  Il  importerait  que  dans  le  début  on  pût  faci- 
liter aux  familles  arabes  l'acquisition  des  métiers  nécessaires. 
C'est  le  but  poursuivi  par  l'école  professionnelle  indigène  de 
tapis  de  Tlemcen,  fondée  il  y  aura  bientôt  deux  ans  et  placée 
sous  le  patronage  du  Comité  de  l'Alliance  française. 

Il  y  a  aussi  une  autre  école  de  tapis  à  Tlemcen  et  une  autre 
encore  en  Kabylie.  Toutes  sont  en  quelque  sorte  des  filiales  de 
l'école  de  M™"  Delfau  d'Alger,  laquelle  reçoit  une  subvention 
du  Gouvernement  général. 

Par  son  glorieux  passé,  son  cadre,  dont  le  pittoresque  est 
cher  aux  touristes  etaux  arabisants,  par  son  caractère  musul- 
man tout  parfumé  de  grâce  archaïque,  par  sa  nombreuse 
population  indigène  enfin  —  Tlemcen,  la  «  fleur  de  l'Algérie  », 
est  bien  placée  pour  devenir  un  centre  de  fabrication  de  tapis 
d'art. 

A  l'école  du  Comité  de  l'Alliance  française,  de  Tlemcen,  six 
métiers  fonctionnaient  en  mars  1902.  Trois  d'entre  eux  ayant 
3'" 50  à  4  mètres  de  large,  permettent  de  fabriquer  des  tapis  de 
grandes  dimensions,  lesquels  sont  d'ordinaire  vendus  au 
mètre  carré. 

Nous  formons  des  vœux  pour  que  de  nouvelles  écoles 
soient  fondées  et  pour  que  les  encouragements  déjà  donnés  à 
M""^  Delfau  lui   soient  continués.    Il   s'agit  là  d'une  œuvre 


428  NOTES   SUR  L'ALGÉRIE  ÉCONOMIQUE 

nationale  dont  la  portée  morale  s'allie  très  heureusement 
au  côté  pratique  et  ce  serait  une  regrettable  faute  que 
de  la  laisser  péricliter  en  négligeant  d'aider  ses  premiers 
pas. 

Autres  industries.  —  École  d'apprentissage  de  DeUys. 

—  Ce  sont  à  peu  près  là  toutes  les  industries  algériennes  qui 
olïrent  un  certain  intérêt  économique.  11  y  en  a  bien  d'autres, 
mais  elles  concernent  plus  spécialement  la  consommation 
locale. 

A  part  les  tanneries  d'Alger,  Constanline,  Tlemcen,  etc., 
qui  exportent  des  peaux  préparées,  les  distilleries,  fabriques 
de  liqueurs  et  sirops,  brassei'ies,  ateliers  de  sparterie,  usines 
de  ciment  comprimé,  tuileries  et  briquetteries,  fabriques 
d'allumettes  (Alger,  Bône),  etc.,  se  contentent  pour  l'instant 
des  débouchés  algériens. 

11  faut  citer  aussi  l'industrie  indigène  de  la  poterie.  Elle 
florit  surtout  à  Nedromah  (Oran),  en  Ivabyhe  et  sur  quelques 
points  de  la  province  de  Constantioe. 

L'Algérie  possède  depuis  une  vingtaine  d'années  son  école 
industrielle  :  l'école  d'apprentissage  de  Dellys,  qui  est  en 
quelque  sorte  une  école  d'arts-et-métiers  primaire. 

On  l'accuse  de  coûter  cher  (Délégations:  sessiondejuin  1901). 
Le  reproche  est  peut-être  fondé,  mais  les  services  qu'elle  rend 
au  pays  ne  sont  pas  niables,  comme  on  va  le  voir. 

Aux  premiers  ateliers  de  forge,  ajustage  et  menuiserie  ont 
été  adjoints  le  modelage,  le  charronnage  et  la  tonnellerie. 

Les  Français  ne  sont  pas  les  seuls  à  fréquenter  l'école.  Elle 
reçoit  aussi  des  Arabes  et  des  Kabyles.  Le  recrutement  se  fait 
au  concours.  A  côté  de  quelques  notions  de  français,  d'histoire 
et  de  géographie  et  d'un  léger  enseignement  théorique  (dessin, 
mathémathiques,  mécanique  et  électricité  industrielles),  se 
place  l'instruction  réellement  pratique  et  professionnelle 
donnée  à  l'atelier. 

Sur  300  élèves  environ  sortis  de  Dellys,  plus  de  50  °jo  ont 
suivi  les  carrières  auxquelles  l'Ecole  les  préparait  plus  ou  moins 
directement  :  mécaniciens  de  chemins  de  fer,  de  tramways, 
d'usines  privées,  de  la  marine;  dessinateurs  ;  Ponts-et-Chaus- 
sées,  voirie,  hydraulique,  etc. 

Il  ne  serait  peut-être  pas  très  adroit  de  supprimer  l'Ecole  de 
Dellys  à  raison  de  son  prix  de  revient,  et  nous  ne  croyons  pas, 


LES   INDUSTRIES   ALGÉRIENNES  429 

au  surplus,  qu'on  y  songe  sérieusement  malgré  les  quelques 
critiques  d'ordre  financier  que  nous  relatons. 

Autant  nous  sommes  d'avis  qu'il  vaudrait  mieux,  pour 
l'enseignement  supérieur,  envoyer  nos  étudiants  algériens 
dans  nos  vieilles  et  fières  universités  de  province,  s'imprégner 
de  notre  intellectualité,  vivre  quelques  années  dans  un  milieu 
exclusivement  français,  se  façonner  l'esprit  selon  notre  passé, 
nos  traditions  et  nos  mœurs,  —  autant  nous  croyons  qu'il 
serait  inutile  et  onéreux  d'agir  de  même  pour  une  école 
d'apprentissage  toute  fondée  et  fonctionnant  normalement.  Il 
est  bon  d'élever  ici  même,  afin  de  les  conserver  dans  le  pays, 
des  jeunes  gens  capables  d'être  de  bons  ouvriers,  de  futurs 
chefs  d'ateliers  et  pouvant  former  plus  tard  à  leur  tour  de  bons 
apprentis. 

A  ce  sujet,  de  divers  cùlés  s'est  manifesté  le  désir  de 
voir  se  développer  l'éducation  industrielle  des  indigènes.  En 
dehors  des  quelques  artisans  kabyles  que  l'on  trouve  dans 
certaines  grandes  villes  (Alger,  Constantine,  etc.)  et  dont  la 
clientèle  est  exclusivement  composée  de  coreligionnaires,  nos 
indigènes  ne  sont  guère  qu'agriculteurs  et  pasteurs,  pris  dans 
la  masse. 

Ne  serait-ce  pas  faire  de  bonne  besogne  que  leur  permettre 
de  devenir  charrons,  forgerons,  menuisiers,  etc.,  dans  ceux  de 
nos  villages  où  il  en  manque  et  dans  leurs  douars  et  tribus? 

On  augmenterait  ainsi  leurs  moyens  d'existence  et  on 
les  mêlerait  plus  intimement  à  notre  vie  corporative  et 
sociale. 

Les  indigènes  ne  manquent  pas  d'intelligence  ni  d'adresse 
et  il  est  probable  que  nombre  d'eux  suivraient  avec 
plaisir  et  avec  goût  les  cours  d'apprentissage  manuel  que 
des  chefs  ouvriers  rémunérés  leur  feraient  dans  les  petites 
localités. 

Alphonse  AUBERT. 
Oran.   -  .luillet  1902. 


IN  XOIVEAI  COMPAS  DE  MER  ENREGISTREIR 


Voyageant  en  mer  à  bord  du  Félir  Tonache,  le  commandant 
de  ce  bâtiment  a  bien  voulu  nous  montrer  un  nouveau  compas 
de  route  de  son  invention  et  nous  donner  en  même  temps 
quelques  indications  sommaires  sur  les  dispositions  nouvelles 
apportées  par  lui  à  cet  instrument  de  navigation. 

On  sait  qu'il  existe  sur  le  pont  de  tout  bâtiment  une  boussole 
de  grand  modèle  fixée  à  demeure  auprès  du  gouvernail,  c'est- 
à-dire  à  l'arrière.  Une  autre  boussole  est  à  portée  de  la  roue 
que  manœuvre  l'homme  de  barre,  sur  la  passerelle  de  l'officier 
de  quart.  En  fait,  ce  n'est  guère  que  de  ceUe-ci  qu'on  fait  usnge 
ordinairement,  mais  toutes  deux  —  naturellement  —  se  meu- 
vent identiquement. 

Le  capitaine  du  Félix  Touaohea  inventé  un  double  dispositif 
lui  permettant  :  l»  d'être  averti  chaque  fois  que,  pour  une 
raison  ou  pour  une  autre,  le  navire  gouverne  soit  à  tribord 
soit  à  bâbord  au-delà  d'un  certain  angle  ;  2"  d'enregistrer 
mécaniquement,  c'est-à-dire  d'une  façon  absolument  fidèle,  la 
route  que  son  bateau  a  suivie. 

Nous  allons  essayer  d'expliquer,  en  quelques  mots,  en  quoi 
consistent  ces  deux  inventions  —  qui  constituent  des  amélio 
rations  ti-ès  sérieuses,  comme  il  sera  facile  de  s'en  rendre 
compte. 

I.  —  Supposons  que  le  commandant,  avant  de  quitter  le 
pont,  ait  prescrit  au  timonier  de  quart  de  faire  sa  route  par 
15°  N.-N.-E.  Il  dispose  son  appareil  en  conséquence  avant  de 
s'éloigner,  en  tenant  compte  de  l'angle  que  le  bâtiment  fait 
alors  avec  le  Nord  magnétique.  Vienne  soit  un  coup  de  mer 
qui  brutalise  la  barre  aux  mains  de  l'homme  de  quart,  soit  un 
moment  d'oubli  ou  une  erreur  de  la  part  de  celui-ci  :  l'aiguille 
aimantée,  qui  est  pourvue  d'une  pointe,  dépasse  l'angle  de 
tolérance  fixé  par  l'otficier.  Quand  elle  atteint  le  point  extrême 
de  cet  angle,  une  petite  tige  méta'lique  fixée  sous  l'aiguille 
entre  en  contact  avec  une  pile  minuscule  dissimulée  sous  la 


UN  NOUVEAU   COMPAS   DE   JIER   ENREGISTREUR  431 

rose  de  l'habitacle  et  qu'un  fil  relie  à  une  sonnerie  placée  dans 
la  chambre  de  veille  de  l'officier  de  quart  ou  du  commandant. 
La  sonnerie  se  fait  entendre,  l'officier  se  réveille  et  se  rend 
immédiatement  auprès  de  l'hommo  de  barre  pour  lui  demander 
la  raison  de  son  écart. 

II.  Un  crayon  enregistreur  est  adapté  à  la  rose  des  vents, 
mobile  dans  l'habitacle  qui,  lui,  demeure  immobile  par  rapport 
au  bâtiment.  Une  feuille  de  papiei"  est  introduite  sous  la  rose, 
à  la  distance  voulue  du  cray.m  pour  que  celui-ci  puisse  se 
promener  utilement  sur  le  papier.  L'appareil  est  ensuite  fermé 
à  clef  et  ne  pourra  être  rouvert  que  par  l'armateur  ou  par  le 
service  maritime  dont  dépend  le  navire.  On  comprend  tout  de 
suite  que  la  roule,  soit  tous  les  mouvements  du  navire  par 
rapport  au  pôle,  va  être  tracée  sur  le  papier  par  le  crayon 
adhérent  en  dessous  à^'aiguille  du  compas.  Si,  au  retour,  ces 
mouvements  ou  changements  de  direction  paraissent  anor- 
maux à  la  personne  cliargée  de  vérifier  la  route  suivie  par  le 
bâtiment,  le  commandant  aura  à  les  justifier  en  les  expliquant 
à  l'aide  de  son  journal  de boid. 

On  comprend  tout  l'avantage  de  cette  disposition  ;  en  cas 
d'abordage,  par  exemple,  il  sera  facile  à  l'officier  de  quart  de 
justifier  les  ordres  qu'il  aura  donnés  en  démontrant  que  son 
bateau  suivait  exactement  telle  ou  telle  route  quand  est 
survenu  tel  événement  ou  incident  qui  l'a  obligé  à  modifier  la 
direction  primitive.  Impossible,  en  ell'et,  de  traquer  ou  de 
modifier  le  tracé  imprimé  par  l'aiguille  sur  le  papier  qui, 
comme  on  lésait,  est  renfermé  dans  l'habitacle  fermé  à  clef. 
Il  faut  que  le  livre  de  route  ou,  dans  le  cas  d'accident,  le 
témoignage  des  marins  et  passagers,  soit  conforme  au 
graphique  mécaniquement  enregistré. 

Ces  deu.x  perfectionnements  —  que  je  décris  comme  je  puis 
dans  mon  langage  de  terrien  —  sont  d'une  grande'importance. 
Et  cependant  (il  est  triste  de  le  dire)  il  n'y  a  encore  que  les 
marines  étrangères  qui  soient  entrées  en  pourparlers  pour 
acheter  son  brevet  au  jeune  et  intelligent  commandant  du 
Félix  Touache  ! 


Lucien  JACQUOT. 


CHROMQIJE  4RCIIÉ0L0GIQLE 


I    -  GENERALITES 

Époque  préhistorique.  -  Le  Ui'rwil  dr  la  SocirU'  </>■  Constun- 
tine,  ayant  élé  publié  trop  tard,  n'a  pu  être  consulté  utilement, 
lors  de  la  derniôre  chronique  archéologique.  Le  volume  de  1900 
présente  un  travail  de  M.  Gustave  MEnciER.  Cet  archéologue  n. 
fait  le  relevé  des  monuments  mégalithiques  de  la  région  du  Sahara, 
d'après  les  observations  de  M.  Leroy,  de  la  mission  Foureau  et 
Lamy.  A  Tabalbaiet,  M.  Leroy  a  rencontré  les  vestiges  de  la 
civilisation  appelée  par  M.  Duveykier,  ijaraman tique.  Ce  sont 
presque  toujours  des  puits,  entourés  de  tu'hiuli.  Plus  loin,  près  de 
Tikhammort,  se  trouve  un  tombeau  avec  enceinte  de  pierres.  Non 
loin  de  là,  un  énorme  tumulus  possède  une  chambre  sépulcrale. 
Les  mêmes  monuments  préhistoriques  se  rencontrent  encore  près 
du  lieu  où  fut  assassiné  Flatters.  Enfin,  sur  les  rochers  qui 
entourent  le  puits  de  Tarazit,  M.  Leroy  a  copié  des  dessins 
reproduisant  des  animaux  et  des  hommes.  Des  caractères  tiflnars 
entourent  ces  grossières  peintures  ;  mais  ils  sont  postérieurs  aux 
dessins. 

Époque  lybique.  —  Le  même  savant,  ISL  Mercier,  puljlie  encore 
dans  le  Bulletin  de  Constantine  une  étude  sur  les  Dimnitôs 
lyhiques.  L'auteur  cherche  à  établir  l'existence  d'un  panthéon 
indigène,  antérieur  au  panthéon  sémitique  et  gréco-romain  et 
distinct  de  ceux-ci,  d'après  les  documents  épigraphiques  latins, 
datant  de  la  survivance  de  ces  cultes  lybiques  au  milieu  des 
influences  asiatiques,  égyptiennes,  sémitiques,  helléniques  et 
enfin  latines. 

Il  raie  d'abord  du  panthéon  lybique  le  dieu  palmyrénien  Malag- 
belus.  Les  autres  dieux  lybiques  seraient  en  général  des  divinités 
locales  M.  Mercier  cite:  fîacaw,  vénéré  au  Djebel-Taya;  Matman, 
associé  à  Mercure  dans  une  inscriplion  due  à  un  soldat  de  la 
IIP  Légion,  et  qui  pourrait  donc  être  une .  divinité  aborigène; 
Kautus  Pâtes,  que  M.  Goyï  a  pensé  pouvoir  être  assimilé  à 
Mithra  ;  Aoulisoua,  divinité  adorée  à  Tlemcen  ;  Kaoub  ;  lalaou, 
d'une  lecture  lybique,  très  douteuse  et  encore  unique  ;  Baldir  ou 
Baliddir,  connu  par  quatre  inscriptions  de  Guélaat-bou-Sba  et  de 


CHRONinUE   ARCHÉOLOGIQUE  433 

Sigus,  dieu  vénéré  de  Calama  à  Sigus,  et  que  M.  Mercier, 
identifie  au  Dieu  misant  des  Arabes.  D'autres  savants  le  rappro- 
chent du  dieu  Balder  des  Scandinaves  et  pensent  à  un  vestige 
laissé  en  Atrique  par  une  invasion  lointaine  de  ces  hommes  du 
Nord  ;  lerii,  représenté  par  une  ligure  radiée  sur  une  inscription 
rupestre  de  Guechgach  (ù  16  kilomètres  de  Constanline),  et  qui 
serait  peut-être  la  lune. 

Enfin  M.  Mercier  cite  cr.core,  d'après  Corippe,  les  divinités 
indigènes  Sinitère,  Mastimas  et  Guizil,  fils  d'Ammon,  qu'aucune 
inscription  n'a  encore  révélées. 

Époque  romaine.  —  Le  même  Recueil  de  la  Société  de  Constnn- 
tinc  contient  une  très-intéressante  étude  de  M.  Guérin,  sous- 
directeur  dos  Contributions  diverses  à  Tizi-Ouzou,  intitulée -E^Hcfe 
sur  les  (/uatuor  Publiva  Africœ  (les  quatre  contributions  en 
Afriq.ie;.  Dans  cette  inonographie  du  système  fiscal  appliqué  à 
l'Afi'i([ue  par  Rome,  l'auteur  passe  successivement  en  revue  :  1°  le 
portorium,  douane,  octrois,  péages  payés  en  argent  ;  2'  le  stipen- 
dium,  également  payé  en  argent,  contribution  foncière  de  capilation 
imposée  aux  territoires  qui,  avec  Carthage,  avaient  résisté  à 
Rome.  Ces  terrains  étaient  laissés  aux  propriétaires,  non  pas  a 
titre  de  propriétés  libres,  mais  bien  de  fiel's  sujets  à  tribut  envers 
le  maître  véritable,  le  peuple  romain  ;  3°  les  decumae,  dîmes  sur 
les  récoltes,  payées  en  nature  et  embarquées  pour  l'Italie.  Cette 
contribution  se  payait  en  vin,  huile,  maïs  et  surtout  en  blé.  A 
Rome  pour  une  population  évaluée  par  Marquardl  à  1,600,000  ha'  i- 
tants,  200,000  de  ces  citoyens  touchaient  gratuitement  chaque 
mois,  cinq  modii  de  blé.  L'Afrique  fournissait  la  nourriture  de 
Rome,  pendant  huit  mo's,  l'Egypte  l'espace  de  quatre  mois.  Ces 
trois  premières  contributions  étaient  adjugées  i"!  une  unique 
compagnie  ;  4°  enfin  la  sariptura,  droit  de  pacage  perçu  en  argent 
sur  les  troupeaux. 


IL  —  TUNISIE 

Époque  punique.  —  Le  Bulletin  archéologique  du  Comité  des 
tratsaux  historii/ues  publie  une  note  intéressante  du  capitaine 
Tribalet  sur  une  sépulture  punique  ou  néo-punique  découverte  à 
Tatahouine.  Deux  pierres  servaient  de  couvercle  à  ce  tombeau. 
Elles  présentent  des  sculptuies  grossières,  d'un  dessin  naïf, 
reproduisant  des  oiseaux,  des  animaux,  des  fruits.  Une  inscription 
de  caractère  analogue  aux  lettres  néo-puniques  y  fut  aussi  décou- 
verte. M.  Gauckler,  en  expliquant  les  figures  sculptées  sur  ces 
pierres,  croit  pouvoir  les  faire  remonter  au.\  premiers  temps  de 


434  CHRONIQUE   ARCHÉOLOGIQUE 

l'occupation  romaine  en  Afrique.  Cette  conclusion  est  appuyée  sur 
le  fait  de  la  récente  introduction  en  Afrique  du  paon  et  des  droma- 
daires repi'ésenlés  sur  ces  pierres 

M.  Berger  a  expliqué  l'inscription  néo-punique,  qui  nous  apprend 
que  c'est  un  mausolée  élaboré  à  la  mémoire  de  PiUukan,  lils  de 
Massoulat.  Le  même  savant  donne  la  traduction  d'une  stole 
punique  trouvée  à  Cartilage.  C'est  un  ex-voto  à  la  déesse  Tanit, 
identique  à  tous  les  ex-votos  consacrés  à  cette  divinité  punique. 
Nous  donnons  la  traduction  de  M.  Berger,  afin  de  montrer  quel 
est  le  caractère  ordinaire  de  ces  dédidaces  :  A  la  grandr  Tanit 
Penê-Baal,  et  au  seigneur  Baal-Hanimon,  vœu  fait  par  Hannon, 
fils  de  Baahill('e,fils  de  Maijon. 

Époque  romaine.  —  Les  mélanges  d'archéologie  et  d'histoire  de 
l'école  de  Rome  publient  une  notice  de  M.  A.  Merun  sur  les 
fouilles  exécutées  à  Dougrja  en  1901.  Après  avoir  rendu  compte 
des  déblaiements,  M.  Merliîj  s'attache  surtout  à  décrire  une 
mosaïque  otTrant  une  scène  à  personnages.  Elle  est  intéressante 
parce  qu'elle  est  la  première  jusqu'à  ce  jour^exhumée  à  Dougga. 
Le  sujet  représente  un  cocher  du  cirque  qui  a  remporté  le  prix  do 
la  course.  L'aurïga  montre  la  couronne  qu'il  vient  de  recevoir  et 
de  l'autre  main  retient  le  char  attelé  de  quatre  chevaux  Les 
ornemenis  et  caparaçons  de  chevaux  sont  très  riches. 

Les  fouilles  de  Dougga  en  1901  présentent  le  double  avantage: 
1'  de  permettre  do  retrouver  sous  quatre  mètres  de  déblais^  la 
ville  antique  entière  avec  ses  rues,  ses  maisons,  et  ï°  elles  ont 
fourni  sur  la  topographie  de  la  Thugga  romaine  des  renseigne- 
ments utiles  pour  les  recherches  futures. 

Le  Comité  archéologique  du  Comité  des  Tratuiux  historiques 
doit  publier  80  textes  épigraphiciues.  découverts  au  cours  des 
fouilles. 

Dans  le  même  Bulletin  du  Comité  (année  1902,  l"  livraison), 
M.  ScHUSTEN,  professeur  â  l'université  de  Gœttingen.  public  une 
longue  étude  sur  l'arpentage  romain  en  Tunisie.  Ce  dernier  est 
à  peu  près  identique  à  l'arpentage  actuellement  en  vigueur  aux 
États-Unis  et  dont  le  mille,  unité  de  mesure,  correspond  assez 
bien  à  l'ancien  mille  ronuiin. 

Deux  arpentages.  — .  L'arpentage  en  carré  chez  les  Romains, 
divisait  les  terrains  donnés  en  toute  propriété,  eoloniœ.  L'arpen- 
tage en  rectangle,  désignait  les  terres  dont  l'Etat  gardait  la 
propriété  et  n'abandonnait  pas  la  possession  aux  provinciaux. 

La  centuriation,  outre  nom  de  l'arpentage  en  carrés,  existe 
encore  assez  visiblement  aux  environs  de  Carthage  ;  les  Arabes 
en  ont  conservé  les  anciennes  limites  de  terres,  M,  Schusten,  à 


CHRONIQUE    ARC}n':OLOGIQCE  435 

l'aide  d'une  savante  documentation  essaie  de  préciser  cette  centu- 
riation  soit  autour  de  Carthage,  soit  autour  d'Hadrumote,  la 
nouvelle  Sousse. 

Dans  le  même  recueil,  nous  lisons  des  Notes  sur  les  Recherches 
arch/'olo(jiques  aux  environs  de  Tatahouine,  par  M.  le  capitaine 
Tribalet.  Outre  It's  sépultures  puniques  et  néo-puniques  dont  il 
est  par-lé  plus  haut,  il  existe  à  Tatahouine  un  csstellum  romain 
dont  les  murs  sont  encore  debout,  avec  chemin  de  ronde,  etc.  Au 
pied  de  la  colline  qui  porte  ce  fort,  gisent  de  nombreux  tombeaux. 
Non  loin  de  là,  se  dresse  un  autre  castellum  avec  mur  d'enceinte 
quadrangulaire  et  portes  monumentales  sur  les  quatre  faces. 
Tout  près,  se  trouvaient  de  nombreuses  termes  avec  citernes, 
barrages   etc. 

A  El-Gasseur,  entre  Bizerte  et  Tabarcn,  on  a  découvert  des 
ruines  lomaines.  Dans  des  galeries  exploitées  autrefois,  on  a 
retrouvé  des  scories  de  fer.  Le  oiéme  recueil  rend  compte  des 
découvertes  faites  à  Sousse  et  à  Kairouun.  Dans  cette  ville-ci,  une 
statuette  de  Baeehus  à  demi  brisée  ;  à  Sousse,  une  statuette- 
fontaine,  représentant  un  Amour  assis  sur  un  rocher  et  une 
magnifique  statue  de  négrillon,  tenant  une  colombe  sur  sa  poitrine, 
ont  été  trouvées.  Cette  dernière  statue  est  en  marbre  noir  avec 
incrustations  de  blanc  pour  les  yeux. 

A  Sousse  encore,  on  a  mis  à  jour  une  assez  belle  mosaïque, 
représentant  l'enlèvement  de  Gangméde  par  l'aigle.  Elle  parait 
remonter  au  milieu  du  II"  siècle.  Enfin,  une  quantité  de  lampes  de 
toutes  les  époques,  ont  été  recueillies,  pour  le  musée  du  Bardo, 
par  l'infatigable  M.  Gaucklek  ;  elles  proviennent  de  Sousse  et  dé 
Lemta.  A  signaler,  un  scarabée  grec  en  cristal  de  roche  qui  devait 
être  enchâssé  dans  un  chaton  de  bague.  Il  représente  un  guerrier 
grec  prêt  à  combattre. 

Le  musée  de  Tunis  s'enrichit  de  nombreux  objets.  Le  docteur 
Vercoutrk  lui  a  donné  une  collection  cousidérable  de  silex  taillés, 
de  pierres  gravées  et  de  monnaies.  Il  a  trouvé  les  silex,  à  El-Goléa 
et  à  Khenchela,  les  pierres  et  les  monnaies  en  Tunisie  et  principa- 
lement à  Sousse  Ces  dons  gracieux  d'amateurs  aux  musées  sont  à 
signaler  et  à  proposer  à  l'imitation  de  ceux  qui  possèdent  des 
collections  particulières. 

De  Bou-Grara,  l'ancienne  Gi'jthis,  M.  Gauckler  rend  compte 
des  fouilles  exécutées  au  Forum.  A  remarquer  surtout  la  décou- 
verte dune  statue  dédiée  à  la  Concorde  Panthée,  haute  de  2  m.  40, 
dont  la  'frise  du  ironton  de  l'édiculc  «[ui  l'abritait  porte  les 
mots  ; 

Concordiœ  in  Po.ntheo. 

32 


436  CHRONIQUE   ARCHÉOLOGIQUE 

Le  forum  de  Gigthis,  se  ressent  beaucou)!  de  l'inthience  helléni- 
que. Il  est.  plus  riche  que  celui  de  Timgad. 

De  son  côté,  le  P.  Delattre,  écrit  ou  Comité  des  Travaux 
historiques,  qu'il  a  été  découvert  h  l'orphelinat  Perret,  une  croix 
pattée  de  chancel  et  deux  morcaux  de  bas-relief  représentant 
Adam  et  Eve. 

Citons  encore,  pour  être  aussi  euniplet  i|ue  possible,  d'autres  et 
récentes  découvertes.  M.  Gauckler,  qu'il  faut  toujours  nomnii-i-, 
conjointement  avec  le  P.  Delattre,  lorsqu  il  s'agit  des  fouilles  de 
la  Tunisie,  M.  Gauckler  annonce-au  Comité  des  Traisaux  histo- 
riques de  nouveaux  succès.  On  a  mis  à  jour  une  statuette,  de 
Diane,  sans  doute,  en  marbre  blanc,  des  lampes  chrétiennes,  une 
tête  de  cygne.  Dans  les  fouilles  de  YOdéonei  du  terrain  d'^-l/ico w», 
de  nombreuses  inscriptions  païennes  etchrétiennes  ont  été  retrou- 
vées. M.  Gauckler  les  publie  et  signale  aussi  une  bague  d'or 
provenant  de  Lemta  et  fi  présent  au  musée  du  Bardo.  Elle  porte 
une  entaille  eu  jaspo  de  couleur  l'hair  qui  i-eprésente  la  luuve  de 
Rome. 

Dans  les  proeès-serbaux  du  Comité  des  travaux  historiques 
(juin  1902),  MM.  Novak  et  Epinat  rendent  compte  de  leurs  décou- 
vertes à  Chehha.  Il  s'agit  d'une  villa  ronjaine  dont  le  déblaiement 
a  permis  de  retrouver  une  splendide  mosaïque  :  le  triomphe  de 
Neptune.  Cette  œuvre  parait  appartenir  à  la  fin  du  1"'  siècle. 
Neptuiie  se  dresse  sur  un  char  traîné  par  un  couple  de  chevaux  ; 
des  Néréides  et  des  Tritons  sont  autour  de  ces  coursiers.  La 
mosaïque  présente  quatre  médaillons  oïi  figurent  les  saisons. 
Ces  allégories  sont  pleines  de  fraîcheur  et  de  grâce.  A  quelques 
mètres  au  Nord,  les  deux  archéologues  ont  déblayé  une  autre 
villa.  La  principale  mosaïque  de  cette  nouvelle- villa  représente 
une  barque  portant  un  pécheur  à  la  ligne.  Des  rameurs  conduisent 
cette  barque,  tandis  que  d'autres  pêcheurs  sont  sur  le  rivage. 
La  construction  de  l'une  et  l'autre  mosaïque  est  parfaite  et  elles 
paraissent  être  du  même  artiste. 

Bizerte  dévoile  aussi,  grâce  aux  travaux  exécutés  pour  le  pori 
de  guerre,  les  beautés  de  ces  ruines  romaine.s.  M.  Gauckler 
signale  la  découverte  inattendue  de  Thermes.  Un  appartement  de 
ces  bains  contient  une  mosaïque  dont  le  sujet  se  rapproche  de  la 
mosaïque  d'Hadrumète.  Elle  représente  deux  chevaux  de  course, 
dont  les  noms,  Aloides  et  Diomèdes,  sont  inscrits  au-dessus. 
L'un  d'eux  porte  une  robe  jaune,  l'autre  une  robe  brune. 

Ne  terminons  pas  cette  chronique  tunisienne,  un  peu  longue,  sans 
reconnaîti'e  que  grâce  aux  patientes  recherches  de  M.  Gauckler, 
du  P.  Delattre  et  de  nombreux  savants,  la  Régence  reste  tou- 
jours la  terre  promise  des  archéologues. 


CHRONIQUE    ARCHÉOLOGIQUE  437 

La  Tunisie  offre,  en  effet,  le  sol  le  plus  fécond  et  le  plus  riche 
en  découvertes  de  toutes  sortes,  soit  puniques,  n6o  puniques  et 
romaines. 

Époque  arabe.  —  M.  le  tlocteur  Carton  a  remis  au  musée  du 
Bardo,  une  curieuse  amulette  ai-abe,  trouvée  dans  les  environs 
de  Ghai'dimaou.  Elle  est  en  argent  impur  et  porte  une  inscription 
arabe  de  trois  lignes.  Ce  qui  en  fait  l'originalité,  c'est  que  cette 
amulette  porte  à  l'avers  une  tète  de  Perséplioné.  C'est  donc  un 
curieux  mélange  de  deux  civilisations. 


III.  —  DÉPARTEMENT  DE  GONSTANTINE 

Époque  préhistorique.  —  Dans  le  recueil  de  la  Soeiété  archéo- 
logique de  Constantine,  M.  Lucien  Jacquot  a  fait  le  relevé  des 
monuments  mégalithiques  de  la  région  de  Sétif.  .Ces  monuments 
appartiennent  à  trois  types  différents  .  ctjclopéen,  berbère  et 
rnctjalithii/ue  proprement  dit.  Les  premiers  sont  cantonnés  autour 
de  Mouladjoud  et  do  Mansourah  ;  les  monuments  des  deux 
derniers  types  forment  plusieurs  groupes  séparéS- 

Le  même  auteur  publie  une  note  dans  le  recueil  précité  sur  des 
tombeaux  creusés  dans  la  roche  et  que  l'on  rencontre  au  Sud  de 
Sétif.  Ces  sépulcres  peu  nombreux,  ont  dû  recevoir  le  corps  de 
grands  personnages.  Il  est  utile  d-î  remai  quei'  que  leur  orientation 
ne  diffère  nullement  de  celle  des  tombeaux  mégalithiques. 

M.  Jacquot  encore  nous  déi-rit  des  excavations  ayant  servi  de 
demeures  à  des  Troglodytes.  Outre  des  espèces  de  cuves  taillées 
dans  le  roc  et  qui  furent  des  tombeaux,  on  rencontre  ù  Baala  de 
véritables  demeures  préhistoriques,  avec  bassins,  galeries,  etc. 
Ces  galeries  porte  .i  des  traces  d'habitations  et  forment  un  déve- 
loppement total  de  plus  de  40  mètres  avec-  une  superficie  de 
72  mètres  carrés. 

Enfin,  toujours  le  même  auteur  fait  ressortir  la  ressemblance 
qui  existe  entre  les  grands  dis([nes  de  pierre  qui  se  rencontrent 
dans  la  région  Sud-Est  de  Sétif  et  les  portes  en  pierre  des  vil'ages 
malgaches.  Le  passant  souriait  lorsqu'un  arabe  affirmait  que  ces 
disques  étaient  autrefois  des  portes.  L'Exposition  de  Paris,  en 
montrant  ce  spécimen  malgache  de  ces  roues-portes,  a  permis 
de  noter  une  manière  d'agir  qni  est  en  usage  aux  deux  extrémités 
du  continent  africain. 

M.  A.  Robert,  dans  le  même  recueil  Je  Constantine  rend 
compte  des  fouilles  exécutées  dans  les  stations  préhistoriques  de 
la  commune  mixte  iWïn-Mellla.  Quoique  vingt  stations  en  grottes 


438  CHBONIQUE   ARCHÉOLOGIQUE 

dénotent  dans  cctic  commune  mixte,  la  présence  de  l'homme  aux 
époques  paléolithique  et  néolithique,  M.  Robert  n'a  pu  explorer  à 
fond  que  la  grotte  Bou-Zabaouine.  Les  spécimens  de  ces  époques 
rencontrés  par  ce  savant,  se  rapprochent  complètement  des  échan- 
tillons trouvés  en  France,  Ils  se  classifi'-nt  dans  les  types  des 
époques  Chéléenne,  Acheidéenna,  etc.  C  s  spécimens  consistent  en 
marteaux,  haches,  casse  tètes,  grattoirs,  burins,  os  d'antilope  bubale, 
d'équidés,  couteaux  en  corne  de  cerf,  flèches  en  os,  scies,  etc. 

Les  autres  stations,  différentes  de  Bou-Zabaouine  et  explorées 
plus  sommairement,  ont  donné  de  semblables  résultats.  A 
remarquer,  cependant,  qu'on  y  a  trouvé  un  plus  grand  nombre 
d'aiguilles  en  os  et  en  corne  d'antilope,  dont  les  habitants  se 
servaient  comme  d'alênes.  Elles  possèdent  un  chas  pour  passer 
le  til. 

Ces  hommes  préhistoriques  savaient  donc  assembler  par  une 
couture  plusieurs  peaux  de  bêtes,  pour  en  former  leur  vêtement 

Epoques  libyque  et  punique.  —  M.  Gsell  signale  dans  le  Recueil 
du  Comité  des  Travaux  historiques,  l'inscription  d'El  Kantara. 
C  est  jusqu'à  présent,  la  seule  inscription  lybique  découverte  entre 
Batna  et  Biskra.  Une  autre  a  été  retrouvée  à  M'sila. 

Le  même  archéologue  décrit  dans  le  bulletin  déjà  cité,  une  stèle 
punique  trouvée  aussi  à  El-Kantara.  Celte  stèle  porte  trois 
saturnes  sculptés.  Faut-il  croire  que  sous  le  nom  et  avec  les  attributs 
de  saturne,  on  adorait  trois  divinités  distinctes?  ou  a  cùlé  du 
Saturne  senex,  faut-il  admettre  un  saturne  entant  avec  une  déesse 
Nutrix  Saturni  ? 

Une  autre  inscription  a  été  signalée  par  le  même  savant  et 
découverte  près  de  Souk-Ahras.  C  est  une  stèle  qui  porte  une 
figure  de  femme.  Elle  est  remarquable  par  son  inscription  assez 
semblable  aux  formules  de  l'Ancien  Testament.  Nous  citons  : 

,l!(  jour  faeorable  et  au  jour  de  la  bénédiction 

a  prononcé  ce  vœu  Ramkath  à  Baal.  Il  a  entendu  sa  voix 

et  l'a   bi^ni 

Epoque  romaine  —  Nous  prenons  tout  d'abord  pour  guide  le 
rapport  de  M.  B.4.llu  au  Ministère,  rendant  compte  des  fouilles 
exécutées  en  1901,  Tout  d'abord  pai-lons  de  Lambése.  En  cette 
année  1901,  on  a  déblayé  le  Postlcuin  qui  séparait  le  Prccetorium 
du  quartier  des  Scholae  ;  lieu  où  était  conservé  le  trésor  de 
la  Légion.  Une  inscription  dédicatoire  à  Septime-Séveré  et  h  sa 
famille  y  a  été  retrouvée.  Elle  a  été  iaite  aux  frais  des  conservateurs 
de  l'ornement  (custodes  armorum)  sous  la  présidence  du  Légat  de 
de  la  III'  Légion.  Des  camées,  des  bronzes,  des  lampes  et  plus  de 
cent  pièces  de  monnaie,  argent  et  bronze  y  ont  été  découverts  aussi. 


CHRONIQUE  ARCHÉOLOGIQUE  439 

Le  rapport  indique  aussi  que  la  halle  aux  grains  a  été  trans- 
formée en  musée.  Quoique  trop  petite  pour  contenir  les  640  objets 
recueillis  à  Lambèse,  il  faut  se  féliciter  cependant  de  cette  amélio- 
ration qui  préserve  des  intempéries  du  temps,  ces  sculptures, 
inscriptions,  etc.  Jusque-lJi,  ces  différents  objets  d'art  se  trouvaient 
dispersés  dans  les  cours  du  Praeloriuni  ou  dans  les  jardins  de  la 
maison  centrale. 

Le  même  rapport  rend  compte  des  découvertes  faites  à  Khamissa, 
(Thubursicum  Numidoruni).  Une  partie  du  théâtre  a  été  déblayée  : 
on  a  exhumé  des  partie.?  de  colonnes,  mis  à  jour  l'orchestre  et  le 
mur  extérieur  du  Pulpitum.  On  y  a  retrouvé  encore  deux  statues 
acéphales,  une  épitaphe  en  vers  en  l'iionneur  de  Julien  l'Apostat 
(361-363),  une  inscription  dédiée  à  Septime-Séveré,  deux  stèles 
offertes  à  Saturne,  des  lombes,  etc. 

La  découverte  faite,  près  de  Sétit,  à  Kherhet-ben-Addoufen 
parait  plus  intéressante.  On  y  connaissait  les  ruines  de  trois  basi- 
liques chréti.'nnes.  Celle  située  au  Nord  du  village,  longue  de  34 
mètres  sur  16.  offre  ceci  de  particulier  qu'elle  est  bàlie  sur  des 
catacombes.  Sous  la  basilique,  s'ouvre  un  souterrain  de  60  mètres 
de  long  sur  2  de  large.  Les  parois  présentent  des  cases,  à  plusieurs 
rangs  superposés,  remplies  d'ossements  et  fermées  par  des 
mureltes  en  briques.  Ces  catacombes  sont  \e%  premières  reconnues 
en  Algérie  :  d'autres  ont  été  signalées  a  Klenchela  et  à  Sallakta 
en  Tunisie. 

Ces  hypogées  sont  d'ailleurs  fort  rares  en  Afrique.  M.  Ballu  en 
donne  pour  raison  que  la  persécution  fut  infiniment  moins  intense 
en  Afrique  qu  à  Rome. 

Ne  pourraiit-on  pas  croire  aussi  qu'en  Afrique,  les  chrétiens 
conservèrent  tranquillement  la  propriété  des  areae  ou  cimetières 
découverts  qui  leur  sirvaient  de  lieu  de  réunion  et  de  prière. 

A  Tiingad,  se  poursuivent  activement  les  recherches.  On  a 
exhumé  complètement  une  immense  maison,  la  plus  vaste  de  la 
ville.  Elle  a  62  mètres  de  long  sur  36,50,  soit  i'.263  mètres  de 
superficie.  A  peu  près  de  la  même  dimension  de  la  fameuse  maison 
do  Pansa  à  Pompéï,  elle  présente  les  mêmes  divisions  :  atrium, 
peristyliuni,  tablinum,  fauces,  etc.  Les  propriétaires  en  étaient, 
croit-on,  Mareus  Plotius,  Faustus  Sertius  et  Serlia  \ alentina 
Tucciana,  déjà  connus  par  !a  donation  du  marché  de  Tiragad.  Un 
petit  monument,  situé  près  des  bains  de  la  maison,  porte  les  noms 
de  ces  personnages. 

La  basilique  chrétienne  a  été  déblayée.  On  a  retrouvé  les  débris 
de  la  table  d'autel  en  marbre  rouge,  les  statues,  trois  sarcophages 
placés  derrière  l'abside  et  sur  le  dallage  même  de  l'atrium  de  la 
maison  de  Januarius  voisine  de  la  basilique. 


440  CHRONIQUE   ARCHÉOLOGIQUE 

Disons  en  terminant  le  compte-rendu  sur  r/m^ad  que  M.  Hano- 
TAUX  a  publié  sui-  ces  ruines  une  remarquable  étude  dans  le 
Bulletin  Géographir/iie  du  Nord  de  la  France,  qui  parait  à  Douai. 

Le  Recueil  des  Notices  de  la  Société  archéolorjique  de  Constan- 
tine  C1900),  donne  un  grund  nombre  d'inscriptions  découvertes  par 
M.  Jacquot  dans  la  région  de  Sctif  ci  par  M.  Robert  aux  environs 
d'Aïn-Mlila.  A  noter  seulement  une  dédicace  à  Cirés  Jrugijére.  prés 
d'Ain-Fesguïa. 

M.  GsELL,  a  communiqué  à  TAcailémie  des  Inscriptions,  la  copie 
d'une  inscription  en  vers,  trouvée  près  de  la  Summam.  Elle  est  à 
double  acrostiche  cl  nous  apprend  qu'un  chef  indigène  nommé 
Summac,  fit  construire  une  forteresse  au  lieu  appelé  Fetra  (la 
roche).  Celte  inscription,  découverte  par  M.  Boci.ay,  permet  de 
fixer  plus  exactement  les  territoires  des  Tyndenses  et  des  Massi- 
nissences  d'Ammien  (livre  xxix,  5)  et  l'oppidum  Lanfoctence, 
qui  étaient  situés  tout  près  du  fundus  petrensis. 

Le  même  savant,  dans  le  Bulletin  du  Comité  des  travaux  histo- 
riques,pvhUe  des  inscriptions  découvertes  récemment  àKhamissa, 
Tébessa,  Khenchcla,  Timgad,  Tobna.  Elles  ne'  présentent  rien  de 
particulier.  Enfin,  M.  Gsell,  toujours,  décrit  le  plan  du  camp 
primitif  de  Lambése,  dont  l'enceinte  a  cio  dégagée  par  l'abbé 
MoNTAGXON.  Ce  dernier  archéologue  a  découvert  au  milieu  du 
camp  une  dédicace  à  Hadrien. 

Dans  le  même  recueil,  M.  Cagnat  rend  compte  des  fouilles 
exécutées  par  le  lieutenant  Gigot.  Ce  dernier  signale  à  Termount 
les  vestiges  d'une  cité  antique,  des  bornes  milliaires  et  autour 
d'Aïn-Tugrout  un  grand  nombre  de  fermes  romaines  en  ruines,  de 
villages,  de  castella.  M.  Gsell,  à  son  tour,  envoie  un  rapport 
sur  les  découvertes  du  lieutenant  Grange  à  Tobna.  Déblaiement 
de  termes,  d'un  castellum,  de  deux  absides  de  chapelles  chré- 
tiennes sans  doute.  Dans  une  autre  abside,  entourée  de  sacristies, 
on  a  découvert  neuf  sarcophages  de  pierre;  d'autres  sépultures 
se  trouvaient  plus  loin.  Ces  tombeaux,  probablement  de  l'école 
bysantine,  ont  donné  de  nombreux  colliers  de  cornaline,  d'onyx, 
de  corail,  d'ambre,  avec  croix  monogrammatiquc  gravée,  monnaies 
d'argent  du  i\'  siècle.  Ces  objets  ont  été  déposés  au  musée  d'Alger. 

Ajoutons  en  terminant  que  dans  le  Recueil  de  la  Société  de 
Constantine  (190Û),  M.  Jacquot  décrit  un  pressoir  romain  à 
Tébessa  :  il  se  compose  de  trois  chambres.  Après  lui,  M.  Besnier 
donne  une  note  sur  une  tète  virile  du  musée  de  Lambcse. 
M.  Cagxat  l'avait  déjà  signalée.  M.  Besxier  pense  que  cette  tête 
est  une  copie  d'un  modèle  connu,  exécutée  sans  doute  vers  le 
m'  siècle  de  notre  ère.  Le  modèle  semble  d'origine  grecque. 


CHRONIQUE    APCHÉOLOr.IQUE  441 


IV   —  PROVINCE  D'ALGER 

Époque  préhistorique.  —  Une  grotte  fouillée  par  MM.  Ficheus 
et  Brive  aux  Bain.s  Romains,  près  d'Alger,  leur  a  Iburni  des 
ossements  do  rhinocéros,  d'hippopotames,  de  bos  apistonomus, 
d'antilopes,  d'un  cerf  et  d'un  équidé,  accompagnés  de  silex  taillés 
du  type  moustéricn. 

Époque  romaine.  —  A  50  kilomètres  N.-E.  de  Bou-Saada,  le 
lieutenant  Pineai-  a  rencontré  de  nombreuses  ruines  romaines. 
Xe  serait-on  pas  sur  l'ancienne  praesidium  que  la  Table  de  Peu- 
tinger  place  à  l'ouest  deTubuna  et  au  sud  des  salines  Tubonenses  ? 

M.  Victor  Waili.e,  professeur  à  l'école  supérieure  de  lettres 
(l'Alger,  a  été  chargé  par  M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique 
de  fouilles  à  Cherchell,  avec  l'appui  financier  du  service  des 
monuments  historiques.  Les  objets  recueillis  ont  été  déposés  au 
musée  de  Chercheli  cb  M.  Waille  en  fait  l'énumération  dans  une 
série  de  lettres  à  M.  le  Maire  de  cette  ville,  publiées  par  la 
Déprche  Algi'rieiuic,  les  12  novembre,  10  et  27  décembre  1901  et 
17  janvier  1902. 
Nous  devons  citer  parmi  les  plus  intéressantes  de  ces  récoltes  : 
1°  Une  élégante  réplique,  en  marbre  grec,  du  faune  joueur  de 
flùte  de  Praxitèle  ;  une  tète  presque  intacte  d'impératrice  voilée  ; 
une  statue  d'empereur  en  costume  militaire  ;  deux  tètes  en  marbre, 
l'une  diadémée  et  paraissant  être  de  Ptolémée,  et  l'autre  peut  être 
de  son  aïeul,  Juba  l''  ;  de  nombreux  fragments  de  statues  de 
Vénus,  de  Mars,  d  Apollon  et  un  masque  décoratif  à  la  bouche  et 
aux  yeux  forés; 

2°  Un  certain  nombre  d'inscriptions  parmi  lesiiuclles  :  une 
dédicace  à  Bellone  d'un  temple  édifié  par  une  de  ses  prêtresses  ; 
une  dédicace  à  Julia  Donna,  par  Julius  Turannius,  à  l'occasion  de 
sa  promotion  à  l'édilité  en  l'an  172  de  la  province  (211  de  J.-C), 
une  épitaphe  dont  voici  le  texte  : 

Aelia  Flavina  covjugi  Classiei  proe.  aurj.  sanetissima  Jemina 
Canicia  Salsa  oh  mérita 

Comme  on  le  voit,  elle  est  consacrée  par  sa  fille  Canisia  Salsa  ;l 
la  femme  de  Classicus,  procurateur  d'Auguste  (qui  ne  figure  pas 
sur  la  liste  dos  gouverneurs  de  Maurétanie  de  M.  Fallu  de  Lesseut)  ; 
l'épitaphe  consacrée  par  Primitivus  à  son  esclave  et  complable 
fdispensatorj  Attaus  ;  une  inscription  mentionnant  un  patron  de 
la  province  de  Maurétanie  Césarienne,  et  une  assemblée  de  cette 
province  ; 


442  CHRONIQUE  ARCHÉOLOGIQUE 

3°  Des  entailles  et  quelques  monnaies  dont  3  africaines,  une  de 
Cléopatre  Séléné  et  une  de  Juba  II  et  quelques  romaines  de  toutes 
les  "époques; 

4°  Deux  sarcophages  chrétiens,  l'un  en  marbre  de  Chenoua  avec 
bas  relief,  raprésentant  le  Bon  Pasteur  avec  l'Agneau  sur  ses 
épaules.  De  chaque  côté  se  voit  un  mouton  et  un  arbre  pour 
symboliser  le  paysage.  L'autre  tombeau  est  décoré  d'une  ancre; 

5°  Une  mosaïque  représentant  les  trois  grâces; 

6°  Enfin  de  nombreuses  sculptures  et  débris  architecturaux 

Cette  abondante  moisson  est  le  résultat  de  deux  mois  de  fouilles 
dans  le  sol  de  l'antique  Césarée. 

Peu  après  M.  Waille,  M.  Ballu  dans  son  rapport  annuel  au 
ministre  (24  mai  1902',  avait  consigné  d'autres  découvertes  faites 
en  1901. 

M.  Alfred  R,\ilu  fait  surtout  ressortir  Timportanto  découverte 
d'un  palais  antii|ue,  contenant  20  salles  ou  galeries  groupées 
autour  d'un  atrium  de  7  mètres  sur  8,50.  La  plus  grande  des  salies, 
décorée  de  4  rangées  de  deux  colonnes  mesure  15  m.  50  sur  5,50. 
Le  pavage  est  en  .mosaïques. 

M.  Waille  croit  voir  dans  ses  ruines,  un  ancien  temple  des 
rois  de  Maurétanie.  M.  Ballu  penche  plutôt  à  croire  que  ce  serait 
un  palais  royal,  à  cause  de  sa  salle  de  bains,  sa  forme  d'atrium,  etc. 
En  tout  cas,  ce  bâtiment  a  servi  plus  tard  de  maison  chrétienne. 
On  y  a  trouvé,  en  effet,  une  tète  nimbée  de  madone  bysantine,  un 
fragment  portant  la  croix  gemmée,  un  autre  ayant  le  poisson 
symbolique 'gravé  entre  deux  traita. 

A  Jomnium  (Tizzirt)  des  fouilles  ont  mis  à  jour  une  partie  du 
pourtour  d'un  temple  païen.  Rien  à  noter  de  saillant  jusqu'à 
présent. 

Le  Recueil  du  Comité  des  Travaux  historiques,  nous  indique 
que  M  Mariîs  a  trouvé  de  nombreuses  tombes,  dans  ses  propriétés 
de  Sidi-Ferruch,  près  d'Alger. 

Dans  quelques-uns  de  ces  tombeaux,  creusés  dans  le  tuf,  on  a 
rencontré  des  squelettes  ayant  un  plat  déposé  sur  les  jambes 
D'autres  tombes,  plus  récentes,  ont  donné  des  lampes  païennes 
et  chrétiennes. 

Fait  à  noter!  On  rencontre  rarement  en  Afrique,  des  lampes 
chrétiennes,  déposées  dans  les  tombeaux. 

En  installant  le  centre  de  Borély-la-Sapie,  on  a  mis  à  jdur  des 
murs  antiques  et  des  piliers.  Sans  s'en  douter,  la  colonisation 
française  avait  choisi  un  emplacement  déjà  occupé  par  les  Romains. 


CHRONIQUE  ARCHÉOLOGIQUE  443 


V.    —    PROVINCE    S'ORÂN 

Epoque  préhistorique.  —  M.  Gentil  a  recueilli  au  voisinage  de 
Muntn'inar,  dan.s  les  graviers  du  fond  du  lac  Karar,  des  inslru- 
menis  en  pierre,  ni(_Més  à  des  ossements  qui  ont  élë  étudiés  par 
M.  Boule  dans  le  journal  L'Antropologie  (1901).  Les  instruments 
seraient  les  uns  en  quortzi'e  et  du  type  de  Saint-Acheul,  les 
autres,  pointes  et  grattoirs  en  silex  et  du  type  mousiericn.  Quant 
à  la  faune  elle  comprendrait  l'id^phas  atlaniicus,  le  rhinocéros 
mauritanicus,  le  bubalus  antiquus,  un  hippopotame,  un  cervidé  et 
le  gnou.  D'après  M.  Boule,  la  faune  quaternaire  algérienne  est 
essentiellement  africaine,  et  comprend  presque  exclusivement  dos 
espèces  propres  au  conlinf  nt  africain,  la  plupart  encore  vivantes 
dans  l'Afrique  australe  et  émigrés  dans  le  Sud  au  même  titra  que 
de  nombreuses  espèces  de  la  laune  quaternaire  de  l'Europe,  dont 
l'iniigialion  a  eu  lieu  vers  le  Nord. 

Dans  le  Congrt's  de  l'Association  fr'ançaisp,  tenu  à  Boulogne 
(1899),  M.  I'allary  a  rendu  compte  de  ses  fouilles  en  Oranio.  Il 
a  visité  dans  la  rôg'on  des  Traras  plusieurs  grottes  dans  lesquelles 
il  a  recueilli  avrc  d-s  ossements  humains  et  deux  fragments  de 
poterie  quelques  silex  de  l'épocjue  néolithique. 

De  son  côté,  M.  le  Capitaine  M.vumené  publie  dans  lo  Bulletin 
du  Comité  des  Travaux  historiques,  une  note  sur  1-  s  dessins  et 
peintures  rupestres  relevés  dans  la  régioi  entre  Laghouat  et 
Gértjeille.  Si  nous  citons  ceci  dans  'a  paitie  consacrée  à  la  pro- 
vince d'Oran,  c'est  pai'ce  que  beaucoup  de  ces  peintures  ont  été 
vues  vers  AJlou.  Ces  dessins  et  peintures  reU-vés  par  M.  Mau- 
MENÉ  représentent  des  combats  d'éléphants  et  de  panthères,  des 
groupes  d'hémioaes,  un  combat  d 3  buffles.  C'est  surtout  sur  les 
roches  de  l'oued  Safsaf  et  de  l'Oued  Sidi-Brahini  ([ue  l'on  ren- 
contre les  peintures  :  ce  sont  des  giraffes  t-t  des  silhouettes 
humaines  peintes  au  vermillon,  couleur  provenant  sans  doute 
du  thuya  fraîchement  coupé.  Une  scule  peinture  d'homme  est  en 
couleur  brun-rouge. 

Enfin,  pour  terminer,  rappelons  que  M.  Flamand  a  publié  une 
brochure  intitulée  :  Les  Pierres  écrites  du  Sud  oranais. 

Epoque  romaine.  —  Dans  les  procès-verbaux  du  Bulletin  du 
Comité  des  Tracaux  historiques,  section  de  l'Afrique  française 
et  1"  semestre  1902,  nous  lisons  la  communication  d'une  note  de 
M.  le  capitaine  Molins  du  2'  Zouaves,  sur  l'étendue  de  la  ville  de 
Tlemeenii  l'époque  romaine.  Nous  regrettons,  eu  égard  au  petit 
nombre  des  publications  intéressant  l'Ora'iie,  que  le  Comité  n'ait 
pas  cru  devoir  la  publier.  Peut-être,  M.  Molins  ferait-il  bien,  en 


444  CHRONIQUE   ARCHÉOLOGIQUE 

corrigeant   les    desiderata   réclamés,    de    la   donner  au   Bulletio 
d'Oraa  ? 

D'autre  part,  M.  RouziÈs  a  découvert  une  nouvelle  inscription 
à  Alamiliar'ia  CBénian),  quoique  mutilée  elle  a  pu  ("'tre  reconstituée 
ainsi  :  Victorine  Augustiae  prosalute  imperatorum  doininorum 
nostrariim  Augustomni  et  Aelei  Peregrini,  praesidis  nostri, 
Xonius  Fortunatus  centurio  Cohorlis. 

M.  Fallu  de  Lessert  nomme  dans  ses  Fastes  des  Provinces 
Africaines,  Aelius  Peregrinus  comme  gouverneur  de  la  Mauré- 
tanie  Césarienne  en  l'an  201  de  J.-C.  Alainiliaria  aurait  donc 
existé,  sinon  comme  ville,  du  moins  comme  camp,  au  début  même 
du  3'  siècle.  Cette  inscription  a,  par  la  date  qu'elle  indii|ue,  son 
importance. 

Epoque  arabe.  —  LeBiillelin  mensuel  de  l'Académie  des  Inscrip- 
tions dans  le  <-ompte  rendu  <le  sa  séance  du  8  juin  1900  donne 
quelques  détails  de  M.  Berbier  de  Méynard,  sur  une  mission, 
dont  M  René  Basset,  directeur  de  l'Ecole  des  Lettres  d'A'ger, 
avait  élé  chargé  par  le  gouvernement  de  l'Algérie.  L'objet  de  la 
mission  de  M.  Basset  était  l'étude  des  populations  Traras,  sur 
lesquelles  i'  a  recueilli  des  renseignements  archéologiques,  histo- 
ricjues  et  hagiographiques  II  a  recherché  les  manuscrits  arabes 
existant  dans  cette  région  et  a  étudié  un  dialecte  berbère  iion 
encore  signalé,  parlé  par  les  Beni-bou-Said,  du  cerc'e  de  Lalla- 
Maghrnia  et  apparenté  à  celui  des  Beni-Igoacem. 

M.  Basset  a  eu  la  bonne  fortune  de  relever  à  Nédroma  une 
inscription  coufiquc  qu'il  considère  comme  la  pltis  ancienne  de 
l'Algérie  après  l'inscription  de  Sidi-Okba  (province  deConstantine). 
La  mention  de  l'année  et  la  fin  de  l'inscription  ont  entièrement 
disparu  ;  mais  la  lecture  certaine  du  nom  d'Ibn  Tachfin  permet 
d'assigner  à  ce  document  une  date  très  voisine  de  l'an  474  de 
l'hégire  (1081-1082  J.-C.),  c'est-à-dire  l'époque  à  laquelle  le 
conquérant  berbère  avait  sous  sa  domination  toute  la  région 
centrale  du  Magrheb. 

M.  Basset  a  encore  trouvé,  prés  de  la  porte  du  minaret  de  la 
grande  mosquée  de  Nédroma,  une  inscription  beaucoup  plus 
récente  fan  749  de  l'hégire,  1348-1349  J.-C.)  et  qui,  par  conséquent, 
est  contemporaine  de  la  dynastie  des  Mérinides  de  Tlemcen. 

Au  cours  de  son  voyage,  M.  Basset  a  relevé  un  nombre  consi- 
dérable d'inscriptions  tumulaires  dans  les  mosquées  et  d'autres 
petits  sanctuaires  ;  elles  portent  pour  la  plupart  le  nom  de  mara- 
bouts^ c'est-à  dire  de  pieux  anachorètes  dont  le  prestige  n'a  pas 
été  sans  influence  sur  les  événements  politiques  et  religieux  du 
pays.  M.  Basset  croit  avoir  aussi  trouvé  les  traces  d'une  influence 


CHRONIQUE   ARCHÉOLOGIQUE  445 

juive  qui  serait  aiifôvieure  :'i  l'cniigration  dos  Juifs  du  Maroc, 
laquelle,  au  dire  des  iiidi.^'énes,  ne  reuioute  pas  au-delà  <lu 
XVIII"  siècle. 

M.  Cagnat  ajoute  que  M.  Basset  a  envoyé  au  Musée  d'Alger 
l'inscription  d'Iljn-Tai-hfin. 

Le  rapport  de  mai  1902  adressé  au  Ministre  par  M  A.  Ballu, 
signale  les  travaux  exécutes  à  Sidi-bou-Médine,  près  Tlenicen. 
Après  avoir  au  cours  des  derniers  exercices  remis  en  place  les 
mosaïques  de  faïence  du  Djionor  du  minaret  do  Sidi-bou  Mi'dine, 
on  a  reconstitue  en  1901  la  frise  qui  couronne  le  minaret. 

Le  Musée  de  Tiemcen  a  été  installé  dans  l'ancienne  école  arabe- 
fi-anyaise  de  Sidi-Aboul-Haaen.  Une  belle  salle  décorée  d'arabes- 
ques de  cette  ancienne  école  a  reçu  les  colonnes  en  on\x  de  lu 
mosquée  de  Mansourah. 

Enlin,  signalons  en  terminant,  six  inscripli(]iis  arabes  du  Musée 
de  Tiemcen  que  M.  Maèçais  a  publiées  dans  !(.'  Bulletin  d'archéo- 
logie du  Comité  des  travaux  historiques. 

Abbé  FABHE. 


BIBLIOGRAPHIE 


LES    MONUMENTS    ANTIQUES  DE  L'ALGÉRIE,    par   Sthcpli; 
GSELL.   (Paris,  Alkrt  Foiilflimiig,  4,  n.e  Le  GoffJ. 


Chargé  pnr  le  Direi-leur  des  Beaux-Arts,  "de  la  l'édaclion  d'une 
série  de  notices  sur  les  ruines  antiques  de  l'Algéi-ie  classées  comme 
monuments  historiques,  M.  Gsell  a  cru  devoir  «  élargir  le  plan 
i<  primitif  du  livre  et  en  faire,  pour  ainsi  dire,  un  manuel  d'areliéo- 
0  logie  monumentale  algérienne  ». 

Manuel  d'archéologie  monumentale  algérienne,  c'est  en  etfc'i 
le  tilro  qui  convient  à  l'ouvrage,  appelé  à  être  le  guide  indispcn- 
saljle  et  sûr  do  tous  ceux  qu'intéresse  la  reconstitution  du 
passé  de  l'Algérie  antiipic.  au  moyen  de  l'interprétation  de  ses 
monuments. 

L'ouvrage  de  M.  Gsell  forme  deux  volumes  in-8",  ensemble  de 
720  pages,  illustrés  par  174  figures  intercalées  et  par  106  planches 
hors  texte. 

L'auteur,  dans  son  Livre  I",  s'oci.-upe  des  monuments  indigènes 
et  puniques. 

Il  pas.se  successivement  en  revue  les  grottes  et  abris  sous 
roches,  les  refuges,  les  tombeaux  en  pierres  sèches,  les  tombes 
tadlées  dans  le  roc,  et  enfin  les  gravures  rupestres. 

Un  2'"'  chapitre  est  consacré  aux  monuments  puniques  et  liby- 
phéniciens,  et  plus  spécialement  aux  sépultures,  les  seuls  vestiges 
que  l'on  puisse  attribuer  avec  certitude  aux  Phéniciens  ou  à  leurs 
colonies  du  littoral  africain,  auxquelles  Carthage  n'avait  pas  tardé 
â  imposer  sa  suzeraineté. 

Ce  sont  des  caveaux  creusés  dans  le  sol,  et  accessibles  (à  Gou- 
raya)  au  moyen  de  puits  ;  ils  présentent  trois  rites  funéraires  : 


BIBLIOGRAPHIE  447 

Parfois  le  mort  est  simplement  étendu  sur  le  sol. 

Plus  souvent,  des  ossements  sont  déposés  au  hasard  dans  des 
auges  latérales,  dans  des  vases  en  poterie  ou  des  moitiés  d'am- 
phores partagées  dans  leui"  longueur  ;  et  quelquefois  ils  sont 
simplement  déposés  en  tas,  ce  qui  suppose  un  dr^chariiement 
préalable  des  squelettes,  déjà  .signalé  dans  quelques  sépultures 
indigènes,  et  qui  indique  un  mélange  des  éléments  autochtones  et 
de  'eurs  mœurs,  à  la  race  et  aux  mœurs  puniques. 

Enfin  d'autres  ossements,  soit  simplement  entassés,  soit  dépo.sés 
dans'  des  récipients,  sont  plus  ou  moins  carbonisés,  suivant  un 
usage  introduit  probablement  sous  l'influence  des  Grecs  de  Sicile. 

Le  mobilier  de  ces  sépultures  les  fait  dater  des  derniers  siècles 
de  la  domination  carthaginoise. 

A  CoUo  les  sépultures  se  trouvent  à  flanc  de  coteau  ;  ce  sont 
des  couloirs,  au  lieu  de  puits,  qui  donnent  accès  au.\  chambres 
funéraires. 

Puis,  sous  l'influence  grecque,  apparaissent  de  remarquables 
mausolées,  tels  que  la  Souma,  prés  du  Khroub,  dont  les  chapi- 
teaux sont  d'un  style  purement  grec.  Le  Medracen,  le  Tombeau 
de  la  Chrétienne  sont  d'énormes  tumulus,  avec  chambre  funéraire 
centrale,  sépultures  royales  revêtues  d'une  somptueuse  chemise 
gréco-punique. 

Le  Medracen  est  orné  de  soixante  colonnes  d'ordre  dorique  a 
fut  non  cannelé,  d'une  architrave  et  d'une  corniche  dont  te  profil 
est  celui  de  la  gorge  égyptienne. 

Le  Tombeau  de  la  Chrétienne  est  décoré  lui  aussi  de  soixante 
colonnes  engagées,  mais  d'ordre  ionique,  d'un  entablement  au 
profil  assez  simple  et  de  quatre  fausses  portes. 

Dans  l'un  et  l'autre  édifice,  la  forme  générale  est  la  même  ;  le 
noyau  intérieur  consiste  en  un  amas  central  confus  de  pierres 
non  façonnées,  et  l'extérieur  est  un  gigantesque  tambour  cylin- 
drique orné  de  soixante  colonnes  grecques  et  surmonté  d'un 
cône  à  gradins. 

Le  Livre  II"  passe  en  revue  les  monuments  romains,  et  en 
premier  lieu  les  établissements  militaires,  qui  devaient  assurer  la 
conquête  et  protéger  contre  les  incursions  des  indigènes  non 
soumisj  les  nouveaux  maîtres  du  nord  de  l'Algérie.  L'auteur 
nous  décrit  successivement  les  camps,  celui  de  Lambèse  avec 
son  prœtorium,  ses  scholœ,  ses  thermes,  —  ceux  de  l'Ala 
Milaria  (Benian),  de  Besseriani  (ad  Majores).  Puis  il  passe  en 
revue  les  principaux  ouvrages  de  défense,  remparts,  tours, 
portes,  les  castella  formant  l'enceinte  fortifiée  de  domaines 
privés,  dôntKaoua,  près  d'Ammi-Moussa,  présente  un  type 
remarquable. 

L'aspect  général  des  villes,  les  places  publiques  (forum)  et 


448  BIBLIOGRAPHIE 

leurs  annexes,  les  lemples,  les  arcs  de  triomphe  et  portes  monu- 
mentales, font  le  sujet  de  chapitres  très  documentés.  D'autres 
sont  consarrés  successivement  aux  théâtres,  amphithé.ilies  el 
cirques,  aux  marchés,  aux  thermes,  aux  nymphéas  et  fontaines, 
aux  acqueducs,  citernes  et  réservoirs,  aux  routes,  ponts  et 
ports. 

Les  édilices  privés  font  l'objet  de  deux  chapitres,  consarrés 
l'un  aux  maisons,  aux  installations  rurales,  l'autre  aux  sépultures 
individuelles,  aux  caveaux  et  aux  mausolées.  Enfin  un  dernier 
chapitre  est  consacré  a  la  décoration  des  édifices  au  moyen  de 
mosaïques. 

Un  Livre  III'  traite  des  monuments  chrétiens  et  byzantins. 

Il  débute  par  une  étude  générale,  d'ordre  architectural,  sur  les 
édifices  du  culte  chrétien  ;  l'auteur,  après  avoir  examiné  succes- 
sivement les  diverses  parties  des  églises  à  plusieurs  nefs  et  les 
particularités  présentées  par  les  anciens  édifices  religieux  de 
l'Algérie,  conclut  de  labsence  de  transept,  d'atrium,  et  d'autres 
détails  dans  les  dispositions  générales,  que  les  églises  do  ce  pays 
n'ont  pas  été  copiées  sur  celles  de  Rome,  mais  ressemblent  plus 
à  celles  de  la  Syrie  et  de  l'Mgypte. 

Il  fait  ensuite  l'énumération  et  la  de^i-i-ipiion  de  -169  églises  ou 
chapelles. 

Lin  2""'  chapitre  est  consacré  aux  constructions  défensives  de 
Ijasse  époque,  généralement  qualifiées  de  Byzantines,  dont  les 
restes  sont  parfois  encore  utilisés  de  nos  jours,  comme  à  Guelma, 
Sétif  et  Tebessa.  Ces  constructions  ont  généralement  emprunté 
leurs  matériaux  à  des  constructions  romaines,  mais  se  distinguent 
de  celles-ci  par  des  murs  en  pierre  de  taille  formant  double  pare- 
ment, d'nuti'cs  fois  elles  ont  incorporé  des  construrtion.s  et  des 
monurijents  du  Haut  Enipir(,'. 

Ce  sont  d  abord  un  cei'tain  nombre  de  cités  fortifiées,  la  plupart 
datant  de  l'empereur  Justinien  et  de  son  lieutenant  Salomon. 

Puis  viennent  des  citadelles  en  forteresses  purement  militaires, 
tantùt  carrées  ou  rectangulaires  avec  des  tours  aux  angles  ou  sur 
les  courtines  —  tantôt  de  forme  irrégulière. 

Enfin  il  existe  un  grand  iinmlu'o  de  simples  fortins  de  défense 
locale,  le  plus  souvent  dus  à  l'initiative  pi-ivée  des  habitants,  et 
dont  quelques-uns,  édifiés  h  l'intérieur  des  villes,  étaient  de  vérita- 
bles réduits  et  refuges  pour  les  habitants. 

Quelquefois  ces  villes  étaient  protégées  par  un  mur  il'enceinte  ; 
enfin  des  refuges  ou  réduits  fortifiés  étaient  construits  pour  servir 
d'asiles  aux  habitants  des  campagnes. 

Les  sépultures  chrétiennes  font  l'objet  d'un  3"'"  chapitre.  Un 
connaît  une  catacombe  avec  loculi  à  Djitfa,  près  Kenchela,  mais  le 


BIULIOGRAPHIE  449 

type  de  la  sépulture  chrétienne  en  Afrique  a  été  dès  le  iir  siècle 
le  cimetière  à  ciel  ouvert,  area,  complété  parfois  par  des  édifices 
destinés  au  culte  des  morts  (cella  ou  basilique).  11  ne  subsiste 
aucun  cimetière  de  cette  époque,  mais  ils  se  sont  multipliés  et 
étendus,  l'ère  des  persécutions  fermée.  L'inhumation  était  seule 
employée,  et  aucun  mobilier  funéraire  n'était,  sauf  de  rares 
exceptions,  déposé  auprès  du  mort. 

Les  sépultures  individuelles  consistent  soit  en  fosses  creusées 
dans  le  roc  et  recouvertes  d'une  dalle  unique,  soit  en  fosses 
tapissées  de  dalles,  de  grandes  tuiles  ou  même  de  murs,  soit 
encore  en  sarcophages  monolithes  ;  la  tombe  était  parfois 
couverte  d'un  toit  en  tudes,  et  quelquefois  réduite  à  de  simples 
jarres. 

Des  caveaux  souterrains  avec  ouvoi-ture  horizontale  (fosses 
agrandies)  ou  verticale,  ont  été  employés  comme  sépultures 
uniques  ou  multiples;  il  existe  aussi  des  mausolées  chrétiens, 
entre  autres,  le  grand  mausolée  circulaire  de  Tipaza. 

Le  mausolée  de  Blad  Ourloun  rappelle,  à  quatre  siècles  de 
distance,  le  Tombeau  de  la  Chrétienne  qui  parait  avoir  inspiré 
l'architecte  dans  les  détails  décoratifs  surtout,  car  pour  le  surplus 
les  influences  gréco-romaines  ont  pris  le  pas  sur  la  simpliciii; 
indigène  ;  ce  n'est  plus  le  tumulus  classique  en  maçonnerie  inco- 
hérente revêtu  d'une  chemise  décorative;  le  plan  est  dove.ui 
octogonal,  la  chambre  funéraire  n'est  plus  un  réduit,  mais 
une  véritable  demeure,  la  paroi  verticale  n'est  plus  un  simple 
mur  de  pied,  une  bordure  de  tumulus  ;  elle  comporte  deux 
étages. 

Les  Djeilar  de  Tiaret  sont  un  autre  iy|)e  de  mausolée,  tumulus 
à  plan  carré  surmonté  de  pyramides  à  gradins,  recouvrant,  des 
caveaux  funéraires  multiples  avec  couloirs  d'accès. 

Nous  aurions  voulu  pouvoir  consa:rer  au  livre  de  M.  Gsell 
mieux  que  cette  aride  énumération  de  chnpiiies.  Nous  avons  dû 
y  renoncer  ;  par  la  multiplicité  des  monuments  passés  en  revue  et 
décrits,  par  l'abondance  des  détails,  l'ouvrage  se  dérobe  à  une 
analyse  sommaire.  C'est  un  traité  dédactique  très  condensé,  une 
véritable  grammaire  de  l'archéologie  afiicaine  que  tous  les 
archéologues  devront  lire  et  posséder,  mais  qu'on  no  peut 
résumer. 

Ajoutons  que  l'auteur  ne  s'est  arrêté  ni  à  la  décoration  archi- 
tecturale :  Chapitaux,  sculptures,  mosaïques,  ni  au  mobilier  et  à 
l'outillage,  ni  f  ntin  a  l'épigraphie,  qui  auraient  facilement  doublé 
le  champ  de  son  ouvrage;  ils  pourraient  faire  l'obj  t  de  préi-ieux 
compléments  que  nous  voudrions  pouvoir  espérer. 

La  part  occupée  par  1  Oranie  dans  les  Monuments  antiques  de 


450  BIBLIOGRAPHIE 

l'Algérie  est  nalurellementtrès  resU'einte  ;  placée  aux  avant-postPS 
de  l'occupation  romaine  et  de  la  civilisation  africaine,  TOranie 
n'offrait  guère  ni  la  sécurité,  ni  la  richesse  et  le  faste  des  Mauré- 
tanies  Cosarienneet  Sétitinnne.  Nous  trouvons  cependant  décrits  le 
camp  d'Ala-Mdiaria  (Benian),  le  castellum  de  Kaoua  (prés  d'Auinii- 
Moussa),  les  sépultures  indigènes  de  Méchera-Sfa,  les  Djerar, 
mais  à  peine  quelijues  monuments,  et  pour  cause.  Cetle  rareté 
rend  plus  précieux  et  plus  respectables,  jusqu'aux  moindres 
vestiges  de  l'anticjuité  qu3  pourra  révéler  le  sol  de  notre  province. 

E.  FLAHAULT. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCO\OMIOIES  DE  LA  FRA^CE  Al  MAROC 

LE  COMMERCE   DU   MAROC  EN   1900 

Par     Camille    FIDHL 


QUATRIÈME  PARTIE  —  (suite) 


§  VIII.  —  CASABLANCA  (Dar-el-lîaïda  .L^.^.Ji    ,1  J) 
La  Chaouïa.  —  L'Agriculture  au  Maroc 

Casablanca,  à  86  kilomètres  au  Sud-Ouest  de  Rabat,  est  un 
des  ports  les  plus  avantageusement  situés  de  toute  la  côte 
marocaine  :  la  baie  est  pi'otégée  par  un  promontoire,  et 
l'atterrage  est  relativement  facile  pour  les  navires  d'un  faible 
tirant  d'eau,  car  là  comme  partout  ailleurs  sur  la  côte 
marocaine,  les  navires  doivent  jeter  l'ancre  à  quelques  kilo- 
mètres de  la  côte.  Cependant,  au  moment  de  la  mauvaise 
saison,  la  rade  est  loin  d'oftVir  un  abri  sur  à  la  navigation.  Les 
vents  régnants  sont  celui  du  S.  S.-O.,  très  fréquent  en 
hiver  et  suivi  généralement  de  pluies,  et  celui  du  N.-O. 
qui  souille  avec  violence  en  hiver  et  produit  la  grosse  mer. 
L'atterrage  est  signalé  par  un  tanal  d'une  élévation  de 
TiO  mètres,  d'une  puissance  de  30  bougies,  et  d'une  portée 
de  5  milles  par  temps  clair:  il  s'effectue  à  l'aide  de  barcasses 
et  de  canots  qui,  aux  approches  de  la  terre,  s'engagent  dans 
un  chenal  de  30  mètres  creusé  dans  le  roc.  Par  la  grosse  mer, 
une  véritable  barre  se  forme  à  l'extrémité  et  le  long  de  ce 
chenal,  rendant  dangereuses  et  parfois  impossibles  les  commu- 
nications avec  les  navires  mouillés  en  rade  ;  les  avaries  de 
marchandises  se  produisent  donc  assez  fréquemment, 
principalement  en  hiver  où  l'état  de  la  mer  ne  rend  pas 
praticables  les  chargements  ou  déchargements i.').  La  cons- 
truction d'un  port  à  Casablanca  est  d'autant  plus  désirable 
que,  comme  nous  allons  le  voir,  cette  ville  est  le  débouché 
d'une  province  très  riche  et  le  siège  d'un  important  commerce, 
susceptible  de  s'accroître  dans  des  proportions  considérables. 

Les  progrès  de  cette  localité,  qui  ne  comptait  en  1830  que 
700  habitants,  ne  datent  que  de  la  dernière  partie  du  xix'^ 
siècle  et  continuent  encore  à  l'heure  actuelle  :  sa  population 
atteint  près  de  20.000  habitants  :  c'est,  par  le  chilîre  de  ses 
transactions,  le  port  le  plus  important  du  Maroc  après 
Tanger  (2). 


fl)   Rapport  de  M.  Ferrieu,  conseiller   du  Commerce  extérieur  (J899). 
Moniteur  officiel  du  Commerce  du  8  novembre  lOUU. 
(2)  Th.  Fischer.  Reise  im.  Atlas-Vorlande  von  Marokko,  p.  49  et  50, 

33 


452    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

Malheureusement,  tandis  que  Mazagan  et  Rabat  ont  atlecté 
aux  iiiarcbandises  d'importation  et  d'exportation  des  locaux 
spéciaux  et  bien  aménagés,  on  ne  trouve  à  Casablanca  aucun 
entrepôt  consacré  aux  exportations.  L'importation  n'est  guère 
plus  favorisée  :  c'est  à  peine  si  elle  jouit  de  trois  magasins 
insuffisants  oii  les  marchandises  débarquées  sont  placées  dans 
un  certain  désordre.  Malgré  le  développement  pris  par 
Casablanca,  où  l'on  bâtit  beaucoup,  on  n'y  trouve  pas  un  seul 
hôtel  convenableC.  Les  influences  et  les  rivalités  européennes 
se  font  sentir  à  Casablanca  presque  aussi  vivement  qu'à  Tanger  ; 
comme  dans  cette  dernière  ville,  les  Européens  y  possèdent 
des  maisons  de  commerce,  des  villas  et  des  jardins.  La 
principale  industrie  de  la  ville  est  celle  des  tapis. 

L'essor  pi'is  par  Casablanca  a  pour  cause  la  richesse  de  son 
arrière  pays,  la  province  de  Chaouia,  caractérisée  par  la 
présence  de  la  terre  noire  appelée  «  (i?'s  » ,  terre  végétale 
extrêmement  féconde.  «  Dans  toutes  les  directions,  dit 
«  M.  \Veisgerber(2i,  s'étendent  à  perte  de  vue  de  vastes  champs 
«  de  froment,  d'orge,  de  maïs,  de  fèves,  de  pois  chiches,  etc., 
«  dont  le  rapport,  malgré  les  procédés  rudimentaires  de 
«  l'agriculture  indigène,  est  superbe  ». 

D'après  M.  Fischer,  la  région  de  la  terre  noire  commence  à 
11  kilomètres  environ  de  Casablanca  et  s'étend  parallèle  Tient 
à  la  côte  de  l'Atlantique  sur  une  profondeur  de  75  kilomètres. 
D'ailleurs  cette  terre  n'existe  pas  seulement  dans  a  Chaouïa  ; 
on  la  retrouve  également  dans  le  lïarb  (vallées  du  Sbou,  de 
l'oued  Beht,  de  l'oued  Rhem,  jusqu'aux  environs  de  Meknès), 
dans  le  pays  de  Tadla  (arrière  pays  de  la  Chaouia),  et  -surtout 
dans  les  riches  provinces  de  Doukhala  et  A'Ahda.^  au  Sud-Ouest 
de  la  Chaouïa.  M.  Fischer  estime  que  la  terre  noire  se 
rencontre  sur  une  zone  parallèle  à  la  côte,  commençant  à  une 
faible  distance  de  celle-ci,  large  en  moyenne  de  50  à  60  kilo- 
mètres et  s'étendant  sur  une  longueur  de  300  kilomètres 
depuis  le  Tensift  au  Sud,  à  travers  l'Abda,  la  Doukkala,  la 
Chaouïa  et  le  R'arb,  jusqu'au  Sbou  au  Nord  (de  32»  N.  à 
environ  34  1/2°  N.) 


(1)  Rapport  de  M.  Pinard,  consul  fratçais.  Moniteur  officiel  du  Com- 
merce du  27  décembre  19UIJ. 

(2)  U'  F.  Weisgeilier.  Itinéraire  de  Casablanca  aux  Beni-Meskin. 
La  Géoçirapliie,  16  octobre  1901.  Voir  aussi  F.  Weisgerber,  Etudes 
Géographiques  sur  le  Maroc.  La  province  de  Chaouïa,  Casablanca. 
La  Géographie,  15  juin  l'JdO. 


J 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONO.MiQUES  DE  LA  FRANCK  AU  MAROC    453 

Vers  le  Nord  cepeadant,  le  territoire  de  la  terre  noire 
s'avance  davantage  dans  l'intérieur.  M.  Fischer  en  évalue  la 
superficie  totale  à  environ  30,000  kilomètres  carrés.  La 
profondeur  de  cette  couche  de  terre  noire  est  d'environ 
1  mètre  dans  la  Chaouïa  ;  mais  elle  est  supérieure  dans 
d'autres  parties.  Ce  qui  caractérise  cette  région,  c'est  l'absence 
presque  complète  d'eaux  courantes  sur  des  étendues  considé- 
rables ;  elle  n'est  habitable  que  grâce  aux  puits  que  l'on  a 
creusés  de  distance  en  d'stance,  parfois  à  de  très  grandes 
profondeurs.  C'est  pour  cette  raison  que  ce  pays  est  entièrement 
dépourvu  d'arbres.  La  terre  n'est  arrosée  que  grâce  aux 
pluies,  très  abondantes  sur  la  côte,  beaucoup  plus  rares  dans 
l'intérieur,  et  surtout  grâce  à  la  rosée  qui  tombe  avec  une 
telle  abondance  et  une  telle  régularité  que  le  cultivateur 
compte  'sur  elle,  sachant  qu'il  lui  doit  en  partie  ses  récoltes  et 
notanunent  qu'elle  lu'i  permet  de  cultiver  le  maïs  sans  irri- 
gation artificielle.  La  terre  végétale  qui  existe  dans  cette 
région  fait  en  eflet  défaut  dans  tous  les  autres  pays  du  Sud  de 
la  Méditerranée  oii  la  culture  du  maïs  ne  peut  avoir  lieu  qu'à 
l'aide  d'irrigations.  La  récolte  du  maïs  a  lieu  en  juin. 

La  terre  noii'e  jouit  de  la  propriété  de  retenir  l'eau  avec  une 
étonnante  facilité.  Tandis  qu'avec  des  terrains  de  nature 
différente,  l'insuffisance  des  pluies  pendant  l'hiver  entraîne  la 
perte  de  la  récolte,  avec  le  a  tirs  »,  on  peut  toujours  compter 
sur  une  récolte.  M.  Fischer  dit  avoir  rencontré  partout  dans 
la  zone  de  la  terre  noire,  de  riches  champs  de  Hé, 
d'orge,  de  mais,  de  donrah,  de  pois  cliiches,  de  lentilles,  de 
haricots,  de  millet,  de  coriandre,  de  courges,  de  melons,  etc., 
le  pourcentage  des  terres  cultivées  étant  par  endroits  de  50  oj" 
et  par  endroits  de  30  "/u.  «  Cette  zone  du  «  tirs  »,  ajoute-t-il, 
((  parait  ainsi  extraordinairement  favorisée.  D'après  ce  que 
«  j'ai  vu  (et  je  n'ai  pas  entendu  dire  que  cette  année  tût 
«  particulièrement  bonne,  car  au  contraire  dans  le  Sud,  on 
«  se  plaignait  du  peu  d'abondance  des  pluies  pendant  l'hiver 
«  précédent)  je  serais  porté  à  taire  rentrer  cette  région  parmi 
«  les  plus  riches  de  la  (erre,  où  le  sol,  sans  le  concours 
«  d'engrais  d'aucune  sorte  produit  chaque  année  les  récoltes 
«  les  plus  abondantes.  Ces  produits  naturels  peuvent  être 
«  facilement  transportés  à  la  côte  qui  est  très  voisine,  et, 
«  sans  l'interdiction  de  l'exportation,  ils  pourraient  atteindre 
«  dans  l'espace  de  quelques  joui's  les  pays  d'Europe  à  une 


4-54    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

«  époque  où,  dans  ces  pays,  les  céréales  commencent 
«.  seulement  à  se  développer.  En  elïet  dans  la  Chaouïa  la 
«  récolte  de  l'orge  avait  déjà  lieu  le  i<^''  mai  et  l'on  pouvait 
«.  attendre  la  récolte  du  blé  pour  le  15  ou  le  20  mai.  »<')  Un 
autre  témoignage,  celui  de  M.  Ferrieu.  conseiller  du  commerce 
extérieur  <■),  confirme  les  appréciations  du  géographe  allemand 
relativement  à  la  richesse  de  la  Chaouïa.  «  KUe  est  bien 
«  arrosée,  dit-il,  point  capital  dans  un  pays  oii  l'on  ne  voit 
«  jamais  pleuvoir  pendant  la  saison  sèche,  du  mois  de  mai  au 
«  mois  de  septembre.  Les  hivers  sont  pluvieux  :  durant  les 
«  nuits  d'été,  de  fortes  rosées  rafraîchissent  la  terre...  On 
«  reste  surpris  de  la  fertilité  de  certaines  parties  de  la  Chaouïa 
«  quand  on  voit  avec  quels  instruments  aratoires  le  Marocain 
«  travaille  »  ;  la  terre  est  à  peine  grattée  et  les  mauvaises 
herbes  poussent  en  toute  liberté. 

Vers  la  fm  de  l'automne,  lorsque  les  pluies  ont  complète- 
ment trempé  le  sol,  le  labourage  commence  à  l'aide  de 
primitives  charrues  en  bois,  de  construction_indigène,  traînées 
par  des  bœufs  ou  par  les  animaux  dont  le  fermier  dispose.  Les 
Marocains  mettent  en  pratique  la  culture  extensive,  car 
généralement  les  limites  entre  les  champs  sont  à  peine 
marquées  ;  aussi  ont-ils  l'habitude  de  labourer  un  endroit 
après  l'autre  pour  éviter  d'appauvrir  le  sol  et  pour  lui  permettre 
de  se  reposer.  Dans  la  terre  sèche  on  cultive  le  blé,  l'orge,  les 
pois,  les  fèves  et  les  lentilles,  dans  la  terre  humide  le  maïs  et 
le  millet.  On  sème  d'abord  l'orge,  pui.s  le  blé,  et  le  maïs  en 
dernier  lieu  Les  pluies  cessent  ordinairement  en  avril  et  c'est 
en  mai  et  juin  qu'a  lieu  la  récolte  :  les  moissonneurs  se  servent 
de  petites  faucilles  à  dents.  Le  grain  fauché  est  foulé  aux  pieds 
par  les  bêtes  de  somme,  ou  battu  à  l'aide  de  fléaux,  ou  bien  on 
fait  rouler  sur  les  épis  un  système  grossier  de  troncs  d'arbres, 
le  grain  étant  ensuite  vanné  avec  des  pelles.  Le  grain  est 
ordinairement  apporté  à  la  ville  par  les  cultivateurs  eux  mêmes 
et  s'il  n'a  pas  été  payé  d'avance,  il  est  vendu  aux  portes  des 
négociants  étrangers,  au  prix  fixé  par  ces  derniers.  Il  est 
emmagasiné  jusqu'à  l'embarquement,  dans  de  vastes  hangars. 


(t|  Renseigaements  extraiis  du  livre  de  M.  Th.  Fisclier  Reise  iin 
Atlas-Vorlande  von  Marokho,  où  l'auteur  fait  une  description  très 
complète  de  la  région  du  tirs  et  donne  une  analvse  de  la  «  terre  noire  » 
(p.  115  à  124). 

(2)  Casablanca  en  1893.  Moniteur  officiel  dit,  Commerce  du  8 
novembre  19UU. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC   455 

OU  bien  dans  des  fosses  recouvertes  d'une  couche  de  tuf, 
imperméable  à  l'humidité  :  dans  ces  fosses  le  blé  et  l'orge 
peuvent  être  conservés  pendant  des  années (•'. 

Une  autre  grande  ressource  de  la  Chaouïa  est  l'élevage  du 
bétail.  Les  troupeaux  de  bœufs,  de  montons,  y  trouvent  des 
pâturages  abondants.  La  laine  est  d'excellente  qualité.  Quant 
aux  bœufs,  Casablanca  ne  les  exporte  pas  ;  ils  sont  dirigés  sur 
Tanger  oi^i  ils  n'arrivent  qu'après  un  parcours  de  300  kilomètres. 

L'arrière-pays  de  la  Chaouïa,  la  région,  montagneuse  et  peu 
accessible  de  Tadla  est  fertile  et  riche  en  minerais  de  cuivre, 
de  plomb  et  d'argent.  On  y  trouve  également  du  sel.  Le  princi- 
pal centre  Bou-Djad,  fait  un  commerce  assez  actif  avec  Casa- 
blanca (-). 

L'année  1900  ayant  été  complètement  bonne  pour  la 
province  de  Chaouïa  au  point  de  vue  de  la  récolte  et  des 
troupeaux,  le  commerce  de  Casablanca  en  a  ressenti  l'heureux 
effet.  11  n'ena  pas  été  de  même  en  1901  en  ce  qui  concerne 
l'exportation. 

Voici  d'après  les  rapports  franrais*')  la  statistique  du  com- 
merce de  ce  port  en  1899,  1900  et  1901  : 

IMPORTATIONS 

Fr. 

1899  1900  1901 

Angleterre 3.257.61.'S  3.825.375  4.461.900 

France 1.872.470  2.202.413  3.020.336 

Allemagne 670.510  885  605  970.425 

Belgique 293.675  269.050  194.040 

Espagne 130.350  .53.145  98.783 

Italie »  31.900  18.900 

Portugal »  »  » 

Etats-Unis »  •>  '  » 

Autriche-Hongrie..    »  o  94.160 

Total...       6.224.650      7.267.488      8.858.544 


(1)  Biidgett  Meakin,  Tlie-Moors,  p.  155  à  159. 

(2)  Biidgell  Meakin,  The  Landof  the  Moors.  p  ?8  et  30;  p.  345  et  3i6. 

(3)  lUppoit  sur  le  commerce  du  Maroc  en  191)0.  Supplément  au  Moniteur 
officiel  du  Commerce,  du  9  janvier  1902.  Mouvement  commercial  de 
Casablanca  et  de  Mazagan  en  190 1.  Moniteur  officiel  du  Commerce  du 
i  septembre  1902. 


456    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANGE  AU  MAROC 

EXPORTATIONS 

Fr. 

1899               1900  1901 

Angleterre 1.070.350      1.711,700  2. .54.5. 800 

France 2.682.372      3.745.926  2.056.717 

Allemagne 230.490          686.250  497.135 

Belgique .              »                     o  > 

Espagne 1.600.000      2  680.330  1.813.830 

Italie 263.175          452.750  127.207 

Portugal 346 .500          448 .  175  309. 400 

Etats-Unis »                 141  875  258.065 

Autriche-Hongrie »                      u  » 


Total...       6.192.NS7       9.897.0116       7.608.154 
I.  —  Importations 

Le  chitïre  des  importations  de  Casablanca  eu  1900  a  été 
supérieur  à  celui  de  1899  et  celui  de  1901  a  dépassé  celui  de 

1900.  Parmi  les  quatre  nations  qui  se  disputent  le  marché  de 
Casablanca,  la  France,  l'Angleterre,  l'Allemagne  et  la  Belgique, 
les  trois  premières  participent  à  cette  augmentation.  Seul  le 
commerce  de  la  Belgique  est  en  diminution.  Signalons  en 
outre  en  1901  l'apparition  des  importations  austro-hongroises. 

Cotonuades.  —  L'importation  des  cotonnades  anglaises  (par 
la  maison  Lamb  de  Manchester;  atteint  en  1900  le  chiffre 
de  fr.  2.612.'250,  contre  fr.  2.175.200  en  1899.  La  quantité  a  été 
à  peu  près  la  même  ;  le  nombre  des  balles  a  diminué  ;  mais 
elles  ont  augmenté  en  volume  ;  l'augmentation  de  la  valeur 
s'explique  par  une  hausse  des  prix  de  près  de  20  "/o  <'^    En 

1901,  l'importation  des  cotonnades  anglaises  a  atteint  le 
chiffre  considérable  de  fr.  3.334.500,  mais  paraît  avoir  été 
excessive. 

Draps  et  lainages.  —  Valeur  en  1900,  fr.  2B4  500,  contre 
fr.  155.275  en  1899.  Cette  augmentation  a  profité  presque 
exclusivement  à  l'Allemagne  qui  a  fourni  les  plus  grandes 
quantités  de  draps  de  fabrication  allemande  et  autrichienne,  et 
qui,  pour  le  moment,  n'a  pas  de  rival  sérieux  dans  cet  article. 
Valeur  en  1901,  fr.  273.704,  presque  exclusivement  de 
provenance  allemande. 


(1)  Rapport  de    M.    Pearson,   vice-consal    britannique  à  Casablanca 
Foreign  office  Annual  Séries  n*  2632. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    457 

Soieries.  —  Le  chiffre  d'importation  des  soieries  françaises 
qui  était  en  1899  de  fr.  126.500  n'a  atteint  en  1900  que 
fr.  88.300,  soit  une  diminution  de  fr.  38.200  dont  a  bénéficié 
en  partie  l'Italie  avec  fr.  15.500.  En  1901,  l'importation 
française  a  atteint  fr.  100.952.  11  n'y  a  guère  que  deux  maisons 
qui  s'occupent  d'une  façon  un  peu  sérieuse  de  l'introduction 
des  soieries  françaises  à  Casablanca  :  ce  commerce  consiste 
principalement  dans  la  vente  des  mouchoirs  et  des  foulards  , 
Lyon  fournit  les  premiers  et  Nimes  les  seconds  'i>.  Nos 
fabriques  lyonnaises,  dit  M.  Malpertuy,  consul  de  France  à 
Casablanca  (2),  pourraient  imiter  l'industrie  allemande  dans  la 
fabrication  du  foulard  de  soie  et  lui  faire  concurrence  ainsi 
qu'aux  fabricants  de  Fez.  Cet  article  est  très  acheté  ;  toutes  les 
femmes  indigènes  s'en  servent  en  guise  de  coifïure  ;  son 
chiffre  d'affaires  peut  atteindre  environ  200.000  francs  par  an.  ' 

S/(i-rc».  -  La  France  fournit  actuellement  presque  tout  le 
sucre  consommé  à  Casablanca.  L'importation  des  sucres 
français,  a  sensiblement  augmenté  en  1900,  par  rapport  à 
1899  et  en  1901  par  rapport  à  1900.  La  vente  des  sucres 
raffinés  de  Saint-Louis,  dit  M.  Malpertuy  (3>,  avait  atteint  en 
1899  fr.  1.563.550;  en  1900  elle  s'est  élevée  à  fr.  1.936.000 
(soit  une  augmentation  de  fr.  372.459),  sur  une  importation 
totale  de  fr.  2  081.550;  la  consommation  de  1900  a  dépassé 
celle  de  1899  d'environ  fr.  327.500,  dont  a  bénéficié  entiè- 
rement notre  industrie  sucrière.  En  1901  la  France  a  importé 
pour  fr.  2  671.937  de  sucres,  soit  une  augmentation  de 
fr.  735.937  par  rapport  à  1900.  L'Allemagne  comptait  pour 
fr.  10.750  en  1899;  son  importation  est  tombée  en  1900  au 
chifïre  insignifiant  de  fr.  1.800  (fr,  2. .525  en  1901).  Le  sucre 
allemand  se  vend  plus  cher  que  le  nôtre  ;  le  fret  de  Hambourg 
est  plus  élevé  que  de  Marseille  :  ce  sucre  est  destiné  à 
disparaître  du  marché  de  Casablanca,  à  moins  que  l'Allemagne 
ne  fente  un  grand  effort.  Le  sucre  belge  à  fait  subir,  un 
fléchissement  assez  sensible  à  nos  importations  à  Casablanca. 
Le  rapport  de  M.  Colomb  pour  1895  constatait  que  notre 
importation   de  sucre  avait  diminué  de  fr.  200.000  et  que 


(I)  Casablanca  en  IS99.  Rapport  de  M.  Ferrieu,  conseiller  du 
Comraerce  extérieur.  Moniteur  officiel  du  commerce  du  8  novembre 
l'JOO. 

Cl}  Commerce  de  Casablanca  et  de  Ma/.agan  en  1900.  Moniteur 
officie!  du  Commerce  du  11  juillet  1902. 

Ci)  Rapport  précité. 


45(S    LES  INTÉBÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

rimporlation  belge  de  ce  produit  avait  augmenté  d'autant.  En 
1897  un  rapport  du  vice-consul  de  Belgique  constatait  que 
rimporlation  belge  des  sucres  raffinés,  évaluée  pour  1896  à 
fr.  318.125,  montait  en  1897  à  fr.  446.170.  Mais  en  1898 
l'importation  belge  diminue  d'une  quarantaine  de  raille  francs  ; 
en  1899  elle  ne  s'élève  plus  qu'à  fr.  179.750,  pour  tomber  à 
fr.  143.750  en  1900  et  à  fr.  99.990  en  1901.  Le  sucre  de 
Marseille,  des  raffineries  de  Saint-Louis,  défie,  comme  qualité, 
la  concurrence.  Sa  supériorité  provient  notamment  de  ce 
qu'il  est  peu  hygrométrique,  ce  qui  est  essentiel  dans  une 
région  humide  comme  celle  de  Casablanca.  Le  sucre  d'Anvers, 
pendant  les  périodes  de  pluie,  fond  trop  facilement  en  sirop. 
Comme  prix,  le  sucre  d'Anvers  aurait  un  petit  avantage  ;  mais 
apporté  par  des  vapeurs  anglais  ou  allemands,  il  paie  un  fret 
onéreux  de  20  fr.  25  par  tonne,  tandis  que  les  sucres  français 
qui  arrivent  beaucoup  plus  rapidement  par  les  bateaux  de  la 
C'«  Paquet  ne  paient  qu'un  tret  de  15  francs  par  tonne"). 
M.  Malpertuy  ('•')  signale  un  nouvel  adversaire  qui  est  venu 
se  joindre  à  ceux  qui  veulent  nous  disputer  le  marché  des 
sucres  à  Casablanca  :  c'est  la  «  Société  des  S^reries  et  de  la 
Raffinerie  d'Egypte  »,  importante  entreprise  qui  a  son  siège 
au  Caire,  dont  les  sucres  ont  commencé  à  faire  leur  apparition 
sur  le  marché  de  Casablanca  dans  le  dernier  trimestre  de 
1900.  Cette  compagnie  a  un  agent  général  à  Tanger  et  des 
correspondants  dans  les  autres  ports.  Ses  sucres  qui  sont  de 
bonne  qualité  sont  vendus  franco  bord  Casablanca  à  raison  de 
fr.  38,.50  les  100  kilog.  ;  les  pains  sont  de  2  kilog.  Nos  sucres 
se  vendent  actuellement  tr.  39  les  100  kilog.,  bord  Marseille 
auxquels  il  faut  ajouter  fr.  1,50  de  fret;  les  pains  sont  de 
2  kil.  1/4  à  2  kil.  1/2.  Ces  derniers  poids  sont  re(:herchés  par 
les  indigènes,  et  il  est  probable  que  la  Compagnie  du  Caire 
n'hésitera  pas  à  les  adopter.  D'autre  part  la  suppression  des 
primes  à  l'exportation  des  sucres,  décidée  en  principe  par  la 
conférence  internationale  de  Bruxelles  en  1902  mettra  les 
sucres  de  cette  Compagnie  en  état  de  concurrencer  avanta- 
geusement les  sucres  européens.  En  1901,  un  nouveau  et 
sérieux  concurrent  a  fait  son  apparition  sur  le  marché  de 
Casablanca,  l'Autriche-Hongrie,  dont  l'importation  sucrière  a 


(1)  Rapport  de  M.   Pinard,   ancien   consul  de   France   à  Casablanca 
Moniteur  officiel  du  Coinmerce  du  Tl  décembre  19UU. 

(2)  Rapport  précité. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    459 

atteint,  pour  la  première  fois,  fr.  84  160.  «  Si  nous  régnons  en 
«  maîtres,  dit  M.  Malpertuy,  pour  cet  important  article,  nos 
«  raffineries  doivent  cependant  surveiller  attentivement  les 
«  progrès  de  nos  concurrents  qui  ne  négligent  rien  pour  nous 
«  enlever  la  place.  Certains  défauts  chez  les  sucres  étrangers, 
«  tels  que  grandeur  de  pains,  emballage  défectueux,  qui  ont 
«  aidé  notre  importation,  peuvent  dispai'aître.  » 

Tlié.  —  L'importation  de  cet  article  surtout  de  provenance 
anglaise  est  passée  de  fr.  742.675  en  1899  à  fr.  565.500  en  19()0 
et  à  fr.  648.625  en  1901.  Le  thé  importé  d'Allemagne  commence 
à  concurrencer  les  produits  anglais  (fr.  54.450  en  1901). 

Bougies.  —  Valeur  en  1901,  fr.  125.0G0,  contre  fr.  215.350 
en  1900  et  fr.  178  275  en  1899.  L'importation  des  'rougies 
anglaises  ne  rencontre,  plus  de  concurrence,  la  bougiv  belge 
placée  sur  le  marché  n'ayant  pu  maintenir  ses  positions. 
L'importation  des  bougies  françaises  devient  presque  nulle  et 
tend  à  di'^paraitre  :  cet  article  dont  nous  avions  anciennement 
le  monopole,  n'a  pu  lutter  contre  le  même  article  anglais  qui 
se  vend  meilleur  marché.  M.  Malpertuy,  notre  consul  se 
demande  pourquoi  nos  fabricants  ne  se  décident  pas  à  employer, 
comme  leurs  concurrents  étrangers,  la  paraffine  qui  leur 
permettrait  de  vendre  à  meilleur  marché.  Nos  bougies  sont,  il 
est  vrai,  demandées  pendant  la  saison  d'été,  car  elles  offrent 
l'avantage  de  résister  à  la  température  chaude  et  de  ne  pas  se 
fondre  et  se  déformer  comme  celles  de  paraffine. 

Sacs  et  toiles  d'emballage.  —  L'importation  s'est  élevée  à 
fr.  167.600  e.i  '899,  à  fr.  233.050  en  1900  et  à  fr.  103.344  en  1901. 
L'Angleterre,  la  France  et  l'Allemagne  se  partagent  la  vente 
de  cet  article  Les  sacs  importés  par  l'Angleterre  proviennent 
de  Calcutta. 

7''er,s  et  Quincaillerie  —  La  valeur  de  l'importation  qui 
n'atteignait  en  1899  que  fr.  204.700  s'est  élevée  à  fr.  433.450 
en  1900  et  à  fr.  453.556  en  1901,  l'Allemagne  ayant  surtout 
profité  de  cette  augmentation.  Le  marché  du  fer  est  en  effet 
passé  de  l'Angleterre  à  l'Allemagne,  les  fabricants  anglais 
paraissant  peu  disposés  à  proiiuire  les  articles  ordinaires  et  à 
bon  marché  tels  que  couteaux,  théières,  clous,  produits  émail- 
lés  pour  cuisine,  fers  à  cheval,  etc.  qui  sont  très  demandés 
au  Maroc. 

En  dehors  des  produits  précités,  l'importation  française  est 


460    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

en  augmentation  en  ce  qui  concerne  le  riment,  les  tuiles  et 
briques,  la  verrerie,  les  faïences,  les  cotonnades,  les  vins  et 
spiritueux,  etc.  Elle  est  en  diminution  en  ce  qui  concerne 
les  allumettes,  le  papier,  etc. 

11.  —  Exportations 

Le  commerce  d'exportation  de  Casablanca,  en  raison  de  la 
riches.se  agricole  de  la  région  à  laquelle  ce  port  sert  de 
débouché,  tend  à  prendre  une  importance  de  plus  en  plus 
grande,  et  son  développement  sera  favorablement  influencé 
par  l'autorisation  récemment  accordée,  d'exporter  le  blé  et 
l'orge  :  Casablanca  paraît  notamment  appelé  à  devenir  le 
grand  entrepôt  du  commerce  des  céréales  marocaines.  Ce 
commerce  est  cependant  soumis  à  des  fluctuations  considé- 
rables. Pur  suite  d'une  récolte  exceptionnellement  favorable, 
le  chiffre  des  exportations  en  1900  a  été  bien  supérieur  à  celui 
de  1899  :  cette  augmentation  portait  principalement  sur  les 
exportations  à  destination  de  la  France,  q'ui  venait  en  1900  au 
premier  rang  des  pavs  exportateurs.  11  n'en  a  pas  été  de  même 
en  1901,  où  le  commerce  d'exportation  a  enregistré  une  diminu- 
tion sensible  par  rapport  à  1900  :  le  commerce  français  s'est 
particulièrement  ressenti  de  cette  diminution  et  a  cédé  la 
première  place  au  commerce  anglais.  Cette  situation  ne  parait 
d'ailleurs  tenir  qu'à  des  causes  passagères. 

Laines.  —  La  valeur  des  expéditions  s'est  élevée  en  1900 
à  fr.  1.997.375,  soit  une  augmentation  du  double  environ  sur 
les  chilTres  de  1899.  La  France  figure  au  premier  rang  parmi  les 
pays  exportateurs  de  laines  à  Casablanca.  La  valeur  des  laines 
expédiées  en  France  par  ce  port  est  passée  de  fr.  466.600 
en  1899  à  fr.  1.537  956  en  1900  (soit  fr.  1.051.956  de  plus).  Cet 
article  est  traité  principalement  par  les  maisons  françaises 
établies  à  Casablanca,  et  est  expédié  à  nos  fabriques  du  Nord. 
L'.\llemagne  a  également  enregistré  une  augmentation  dans 
ses  exportations  de  laines  qui  sont  passées  de  fr.  114.665 
en  1899  à  fr.  423  000  en  1900.  Celte  laine,  comme  le  faisait 
remarquer  M  Picard,  ancien  consul  de  France,  vient  au  Maroc 
manufacturée  par  les  fabriques  allemandes,  notamment  sous 
forme  de  satin  de  Chine  dont  la  consommalion  considérable 
s'explique  tout  naturellement  ;  c'est  l'étoffe  dont  se  servent  les 
Arabes  aisés  pour  la  confection  de  leur  djelaba  (vêtement  de 
dessus).  Ce  satin  de  Chine  mesure  de  185  à  160  centimètres. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    461 

Le  mètre  se  paie  de  2  fr.  25  à  6  fr.  25,  M.  Pinard  se  demande 
si  Roubaix  et  Tourcoing  ont  examiné  la  question  de  la  fabrica- 
tion du  satin  de  Ciiine  pour  l'exportation (•).  D'après  le  rapport 
de  M.  Pearson,  vice-consul  britannique,  la  tonte  en  1900  a  été 
très  satisfaisante  ;  mais  en  présence  de  la  dépression  des 
marchés  de  la  laine  les  importateurs  en  France  et  en  Allema- 
gne ont  éprouvé  de  grosses  difficultés  pour  vendre  à  un  prix 
leur  permettant  de  réaliser  un  bénéfice.  Cette  baisse  des  prix 
était  causée  par  de  gros  arrivages  de  laine  de  même  qualité, 
d'Amérique  du  Sud  et  d'Australie,  lesquelles  encombraient  les 
marchés  européens,  créant  une  olîre  supérieure  à  la  demande. 
En  1901  les  prix  étaient  encore  très  bas,  et  les  perspectives  de 
ce  commerce  peu  encourageantes' ->.  Ces  prévisions  pessimistes 
se  sont  réalisées,  car  en  1901,  l'exportation  totale  de  laines  parle 
port  de  Casablanca  ne  s'est  élevée  qu'à  fr.  460.779,  soit  une 
diminution  de  fr.  1.536.602  par  rapport  en  19U0  :  les  laines 
expédiées  en  France  n'ont  atteint  que  fr.  325.128  (diminution 
fr.  1.212.828)  et  les  laines  expédiées  en  Allemagne  fr.  133.630 
(diminution  fr.  189  870),  M.  Malpertuy'^' attribue  cette  dimi- 
nution à  deux  causes  :  1°  le  stock  considérable  expédié  en 
Europe  l'année  précédente,  et  dont  une  grande  partie  est  restée 
en  magasin  ;  2"  les  nombreux  arrivages  de  laines  d'Australie 
d'où  mévente  des  laines  marocaines  qui,  même  au  temps 
ordinaire,  sont  moins  recherchées.  Il  n'y  a  donc  là,  en  ce  qui 
concerne  le  commerce  français,  qu'une  cause  de  diminution 
accidentelle  et  transitoire. 

Pois  rhicJies.  —  Cet  article  fait  l'objet  d'un  commerce 
considérable.  La  valeur  des  exportations  qui  était  de  fr.  2.622. 125 
s'est  élevée  à  fr.  3  786.815  en  1900  pour  retomber  à 
fr.  1.576.594  en  1901.  L'Espagne  en  a  reçu  en  1901  pour 
fr.  1.012.689,  contre  fr.  1.574.160  en  1900.  La  France  dont 
l'exportation  avait  atteint  fr.  1.517.180  en  1900,  a  vu  ce  chiffre 
tomber  à  fr  516.439  en  1900  (soit  une  diminution  de 
fr.  1.000.741).  Les  expéditions  en  Angleterre  n'ont  porté  que 
sur  le  chilïre  insignifiant  de  fr.  26.275,  contre  fr.  501  825.  Les 
récoltes  de  pois  chiches  et  de  maïs  en  1901  ont  beaucoup 
souffert  des  sauterelles. 


(1)  Rapport  de  M.  Pinard,  Moniteur  officiel  du , Commerce,  du  27  dé- 
cembre 1900. 

(2)  Foreinrj  Office  Annual  Séries  n°  2632. 

(3)  Mouvemeot   commercial    de  Casablanca  et  de  Mazagan  en  1901, 
Moniteur  officiel  du  Commerce  du  4  septembre  1002. 


462    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

MaVs.— Valeur  exportée  en  1899,  fr.  547.775,  en  1900, 
fr.  1.072.050,  et  en  1901.  fr.  749  288.  L'Espagne  et  le  Portugal 
se  partagent  presque  e.\clusivement  cet  article,  la  première 
pour  fr.  479.738  en  1901  (fr.  600.647  en  1900)  et  le  second 
pour  fr.  246.425  en  1901  (fr.  399.875  en  1900). 

Fives.  —  La  récolte  de  1900,  bien  supérieure  à  celle  de  1899 
a  produit  fr.  900.300,  celle  de  1901  fr.  913.978.  Il  a  été  e.xporté 
en  Angleterre  en  1901  pour  fr.  679,975  (fr.  525.700  en  1900) 
et  en  Espagne  pour  fr.  104.0Ù3  (fr.  375.121).  La  France  n'avait 
rien  reçu  en  1900  ;  en  1901  elle  a  exporté  pour  fr.  130.000  de 
fèves. 

Blé  et  Orge.  —  L'exportation  du  blé  et  de  l'orge  ayant  été 
prohibée  de  1894  à  1900,  il  faut  remonter  jusqu'à  l'année  1893 
pour  trouver  un  terme  de  comparaison  avec  les  résultats  de 
1901.  En  1893  les  deux  produits  avaient  donné  lieu  à  un 
mouvement  de  près  de  2  millions  de  francs,  dans  lequel 
l'Angleterre  avait  pris  la  plus  grande  part'"'.  Eu  1901  l'expor- 
tation des  blés  n'a  encore  atteint  que  fr.  4.200,  l'Espagne  et 
l'Angleterre  se  partageant  cette  somme  par  moitié.  Par  contre 
l'exportation  de  l'orge  a  atteint  la  somme  assez  considérable 
de  fr.  851.934;  l'Angleterre  et  l'Espagne  se  sont  partagé  cet 
article,  la  première  pour  fr.  795.750  et  la  seconde  pour 
fr.  56.184. 

Graine  de  lin.  —  M.  Malpertuy  signale  le  développement 
que  commence  à  prendre  la  culture  du  lin  dans  la  région  : 
cela  tient  notamment  à  ses  propriétés  particulières  qui  en 
éloignent  les  sauterelles.  En  effet  en  1900  lors  de  l'invasion 
des  criquets,  toutes  les  cultures  de  lin  ont  été  indemnes, 
tandis  que  les  champs  de  blé,  d'orge  ou  de  fèves  voisins,  ont 
été  complètement  dévastés.  Aussi  les  cultivateurs  se  sont-ils 
empressés  l'année  suivante  de  pratiquer  cette  culture  qui 
couvre  actuellement  la  plus  grande  partie  des  champs  aux 
alentours  de  Casablanca.  De  3.100  francs  environ  en  1899, 
l'exportation  de  cet  article  s'est  élevée  à  fr.  26  805  en  1900  et  à 
fr.  487.219  en  1901  :  l'Angleterre  en  a  acheté  pour  fr.  298.675, 
la  France  pour  fr.  103.320,  le  Portugal  pour  fr.  53.575  et 
l'Allemagne  pour  fr.   31.500.    D'après   M.    Maclean,    consul 


(I)    Le    Commerce    du   Maroc.    Annexe    au    Moniteur    officiel   du 
Commerce  du  26  mars  IS3C 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    403 

britanniciue<'>,  des  quantités  considérables  ont  été  conservées 
pour  la  semence  et  l'on  estime  que  les  exportations  de  1902 
atteindront  une  somme  de  2  millions  et  demi  de  francs. 
Jusqu'à  présent  la  culture  du  lin  n'a  été  pratiquée  que  par 
les  indigènes  des  environs  de  Casablanca  ;  mais  étant  donnés 
les  bons  résultats  obtenus,  il  est  probable  que  cette  culture 
s'étendra  rapidement  à  d'autres  parties  du  Maroc. 

Fenit-grer.  —  En  1900,  fr.  278.150,  et  en  1901,  tV.  280.845, 
à  destinaton  de  l'Angleterre,  de  l'Allemagne  et  de  la  France. 

Coriantbw  —  En  1900,  fr.  90.622,  et  en  1901,  fr.  14G.256, 
pour  l'Angleterre,  l'Allemagne,  les  Etats-Unis  et  la  France. 

Lentilles.  —  En  1900,  fr.  168  377,  et  en  1901,  fr.  6:3.913,  à 
destination  de  la  France  et  de  l'Angleterre 

Peaux  do  chèvres,  t-  L'exportation  de  cet  article,  tombée 
de  fr.  858.475  en  1899  à  fr.  28i.645  en  1900,  s'est  relevée  en 
1901  à  fr.  745.149.  L'exportation  en  France  tombée  à 
fr.  104.200  en  1900  s'est  relevée  à  fr.  585.650  en  1901.  Les 
Etats  Unis  ont  reçu  pour  fr.  226  571  de  peaux  de  cbèvres  en 
4901,  contre  fr.  141.875  en  1900. 

Peaux  de  moutons.  —  Sur  un  total  de  353.860  de  peaux  de 
moutons  exportées  en  1901,  (contre  fr.  320.112  en  1900  et 
fr.  174.250  en  1899),  la  France  en  a  reçu  pour  fr.  277.200 
(contre  fr.  218  570  en  1000),  l'Italie  pour  fr.  31257  et 
l'Allemagne  pour  fr.  36.595. 

Cuirs.  —  La  valeur  des  cuirs  exportés  est  tombée  de 
fr.  345.069  en  1900  à  fr.  261.770  en  1901.  Les  pays  de  desti- 
nation sont  l'Espagne,  l'Italie  et  la  France. 

Œufs. —  L'exportation  des  œufsaatteint  en  1900,  fr.  464.398, 
près  du  double  de  celle  de  1899  ;  elle  s'est  élevée  en  1901,  à 
fr.  485.324.  La  plus  grande  partie  est  expédiée  en  Angleterre 
(fr.  430.100  en  1900  et  fr.  425.375  en  1901)  ef  le  reste  en 
Allemagne  (fr.  -55.250  en  1901).  Le  prix  payé  en  1900  a  été  de 
fr.  4,40  les  cent.  Les  prix  sont  très  variables  et  les  bénéfices 
de  ce  commerce  sont  minimes.  Les  œufs  sont  expédiés  dans 
des  boîtes  fournies  par  les  maisons  anglaises  et  allemandes. 

Cire.  —  Expéditions  en  1900,  fr.  113.650,  et  en  1901 
fr.  110.250,  à  destination  de  l'Allemagne. 


CD  Rapport  pour  19L)l.  Foreign  Of/ice-Annual  Séries  a'  2791. 


464    LES  INTÉRÊTS  ÉCONO.MIQUES  DE  L.-V  FR.\NCE  AU  MAROC 

III.  —  Navigatio.v 

Voici    le   tableau   de   la    navigation  du  port  de  Casablanca 
en  1900  : 


PAVILLONS 

NOMBRE 

Ile 
NAVIRES 

TONNAGE 

Anglais 

Allemands 

69 

57 

66 

98 

4 

19 

2 

4 

1 

():j.239 

52  217 

44.758 

37.692 

3.348 

2.581 

649 

573 

159 

Fz'ancais 

Espagnols 

Marocains 

Portugais 

Norwégiens 

'  Danois 

Russe 

i                                        Total 

En  1899 

'  320 
258 

207.216 
166.269 

Le  port  de  Casablanca  est  le  plus  fréquenté  du  Maroc  après 
Tanger.  La  navigation  anglaise  représentée  par  la  «  Mer  ey 
Steamship  C"  (Forwood  Brothers  et  CJ  accuse  en  1900  une 
augmentation  de  24.133  tonnes  :  les  navires  de  cette  Com- 
pagnie touchent  à  Casablanca  une  fois  par  semaine. 
La  navigation  allemande  se  présente  en  augmentation  de 
15.596  tonnes  :  la  «  Wœrmann  Linie  »  touche  à  Casablanca 
une  fois  par  mois  à  l'aller  et  deux  fois  au  retour,  la  «  Olden- 
burg-Portugiesische  Linie  »  une  fois  par  mois  dans  les  deux 
sens.  La  compagnie  Paquet  de  Marseille  touche  à  Casablanca 
une  fois  par  mois  ;  d'autre  part,  la  «  Société  Navale  de 
l'Ouest  »  vient  d'instituer  un  service  mensuel,  ayant  pour 
port  d'armement  le  Havre,  vers  la  côte  marocaine  :  le 
commerce  français  pouria  ainsi  lutter  plus  facilement  contre 
ses  concurrents  étrangers  pour  l'importation  de  certains 
articles  comme  les  sucres,  et  l'exportation  des  laines  qui 
vont  en  grande  partie  dans  le  nord  de  la  France  (i>. 
M.  Mal pertuy  signa' e  d's^utre  part  qu'il  y  aurait  intérêt  à  relier 


(1)  Mouvement  commercial   de  Casablanca  et  de  Mazagan  en    19Ul . 
Moniteur  officiel  du  Commerce  du  -i  septembre  1902. 


Les  intérêts  économiques  de  la  frange  au  maroc  465 

l'Algérie  avec  la  côte  \tlantiqiie  du  Mai'oc  par  une  ligne  de 
navigation  qui  contribuerait  à  la  création  de  relations 
commerciales  entre  les  deux  régions  O.  L'Espagne  est  repré- 
sentée par  la  «  Compania  Transatlantiea  »  (ligne  mensuelle 
de  Barcelone  et  Cadizj  et  la  Compagnie  Millan  de  Séville 
(service  mensuel). 

Observations.  —  Si  l'on  totalise,  pour  1899,  1900  et  1901  les 
importations  et  les  exportations  du  port  de  Casablanca  en  ce 
qui  concerne  les  deux  pays  faisant  le  plus  de  commerce  avec 
ce  port,  on  obtient  les  résultats  suivants  : 

-1899  1900  1901 

Angleterre....  Fr.  4.327  965  5.567.075  7.007.700 
France -       4 .  554 .  842       5 .  948 .  201       5 .  077 .  053 

Si  l'on  s'en  tient  à  un  examen  superficiel,  ce  tableau  montre 
que  l'avance  prise  par  le  conuiierce  français  en  1899  et  en  1900 
a  été  complètement  perdue  en  1901,  le  commerce  anglais 
ayant  dépassé  le  commerce  français  de  près  de  2  millions. 
Mais  il  faut  tenir  compte  de  ce  fait,  que  la  diminution  du 
chiffre  total  du  commerce  français  en  1901  est  due  uniquement 
à  une  baisse  considérable  des  exportations  :  encore  cette 
baisse  tient-elle  à  des  causes  transitoires,  telle  que  la  mévente 
des  laines  en  1901  ;  d'ailleurs  sur  certains  articles  exportés  en 
France,  on  constate  des  progrès  satisfaisants.  Au  contraire  les 
importations  françaises  à  Casablanca  ont  beaucoup  augmenté 
en  1901,  et  dans  une  proportion  plus  forte  que  les  impor- 
tations anglaises.  On  peut  donc  dire  que  la  situation  commer- 
ciale de  la  France  à  Casablanca  n'est  guère  inférieure  à  celle 
de  l'Angleterre.  Ce  port  compte  quatre  maisons  de  commerce 
françaises  :  trois  se  livrent  seulement  à  l'exportation,  surtout 
à  celle  de  la  laine  envoyée  dans  le  Nord  de  la  France  ;  une 
seule  s'occupe,  comme  représentant  de  la  Compagnie  Paquet, 
de  l'importation  des  sucres  (-).  Casablanca  est  de  t-ous  les  ports 
marocains  (sans  en  excepter  Tanger]  celui  avec  lequel  la 
France  fait  le  commerce  le  plus  considérable.  Un  seul  article, 
le  sucre,  représente,  il  est  vrai,  les  4/5  de  l'importation  totale. 
Aussi  est  il  désirable  de  développer  l'importation  des  autres 
articles,  notamment  des  soieries. 


(1)  Commerce  de  Casablanca    et    de   Mazagaa    en     IfllO.    Moniteur 
officiel  du  commerce  du  U  juillet  19U2. 

(2)  «  Le    Commerce  du   Maroc  »   annexe   au   Moniteur   officiel  du 
Commerce  du  26  mars  1896. 


466    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

S  IX.        MAZAGAX  iLa  Doukkala     »^~=l^, 

Tandis  que  la  ville  d'Azennour,  à  l'embouchure  de  VOum- 
er-Rhia,  un  des  fleuves  les  plus  longs  et  les  plus  profonds  du 
Maroc,  est  comme  Mebredia  à  l'embouchure  du  Sbou,  fermée 
au  commerce  étranger  et  désertée  à  cause  de  la  barre  du  fleuve, 
la  petite  ville  Mazagan,  située  à  18  kilomètres  à  l'Ouest,  fait 
au  contraire  un  grand  commerce.  La  rade  offre  aux  navires 
une  protection  relative.  Les  Portugais  qui  ont  occupé  cette  pla- 
ce pendant  260  ans,  jusqu'en  1769,  y  ont  laissé  des  traces  encore 
très  apparentes  de  leur  domination,  notamment  un  petit  port 
de  débarquement  qui  est,  avec  celui  de  Mogador,  le  seul  qui 
existe  au  Maroc,  de  grand  magasins  pour  l'entrepôt  des  produits 
de  la  région,  et  une  grande  citerne.  L'importance  commerciale 
de  Mazagan  tient  à  deux  causes.  D'abord  c'est  le  port  par  lequel 
on  atteint  le  plus  facilement  Marrakech  la  grande  capitale  du 
Sud  :  c'est  par  Ma^iagan  que  passent  habituellement  les 
ambassades  allant  rendre  visite  au  Sultan  lorsque  celui-ci 
réside  à  Marrakech.  En  second  lieu  Mazagan  est  le  débouché 
de  la  fertile  province  de  Doukkala  qui  passe,  au  dire  de 
M.  Fischer,  pour  la  plus  riche  province  du  Maroc  :  la 
couche  de  terre  noire  y  atteindrait,  en  elïet.  une  profondeur 
de  6  mètres.  <" 

Voici  d'après  le  rapport  de  M.  Spinney,  vice  consul 
britannique '-\  le  tableau  du  commerce  de  Mazagan  en  1899, 
1900  et  1901  : 

1899 

Angleterre :i .  295 .  300 

France 559. 125 

Belgique 594.225 

Allemagne 223.100 

Espagne 19.775 

Autriche  Hongrie » 

Portugal » 

Suède 15.000 

Etats-Unis 30.000 

Russie » 

Total...       4.736.525 
Numéraire...  305.000 


IMPORTATIONS 

1900 

1901 

4.459.650 

6.432.000 

1.013.025 

935.250 

1.110.550 

896.800 

405.650 

275.3.50 

9.625 

27.500 

" 

90.600 

25.000 

> 

18.7.50 

18.7.50 

>' 

17.150 

7.042.750 

8.693.400 

2.353.750 

1.535  000 

fl)  Th.  Fischer.  Reise  hn  Atlas-Vorlande  con  MaroUUo,  p.  5U  et  121. 
(2;  Foreinij  Office  Annual  Séries.  n°  2632  et  2791. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  HE  LA  FRANCE  AU  MAROC    467 

EXPORTATIONS 

1899  1900  1901 

Angleterre 1.534.573  3.687.575  2.793.250 

France 693.750  1.320.825  548.100 

Belgique »  »  » 

Allemagne 787.750  972.175  524.825 

Espagne 1.297.500  2.906.425  1.697.000 

Autriche-Hongrie »  »  » 

Portugal 219.925  127.425  37.750 

Suède »  0  » 

Etats-Unis »  »  » 

Russie »  »  » 

Total...       4.533.500      9.014.425      5.600.925 
Numéraire...  190.500  288.400  923.100 

Il  ressort  de  ce  tableau  que  le  port  de  Mazagan  fait  un 
commerce  très  actif^doiit  la  valeur  est  sensiblement  égale  à 
celle  du  commerce  de  Casablanca.  En  1900,  par  suite  d'une 
excellente  récolte,  on  constate  tant  aux  importations  qu'aux 
exportations  une  augmentation  considérable  à  laquelle  a  pris 
part  le  commerce  de  tous  les  pays.  En  1901  l'augmentation 
constatée  à  l'importation  a  profité  presque  exclusivement  à 
l'Angleterre  ;  en  outre,  l'importation  austro-hongroise  a  fait 
son  apparition  sur  le  marché  de  Mazagan.  Quant  à  l'expor- 
tation en  1901,  elle  accuse  une  très  forte  diminution  par  suite 
des  mauvaises  récoltes  :  la  baisse  des  envois  en  France  a  été 
particulièrement  sensible,  car  ils  sont  inférieurs  de  plus  de 
moitié  à  ceux  de  1900.  Le  commerce  anglais  est  prédominant 
à  Mazagan,  tant  aux  importations  qu'aux  exportations,  et  son 
importance  proportionnelle  s'accroit  sans  cesse.  La  France 
dispute  le  second  rang  à  la  Belgique  pour  les  marchandises 
importées.  Mais  le  chitlre  des  importations  françaises  doit  être 
grossi  considérablement  si  l'on  tient  compte  de  ce  fait  qu'il  a 
été  importé  à  Mazagan  en  1900  et  en  1901  une  grande 
quantité  de  numéraire  or  en  pièces  de  20  francs  et  que  la 
France  en  a  fourni  la  plus  grande  partie.  En  1901  dans  les 
fr.  1.535.000  formant  la  valeur  totale  du  numéraire  importé,  la 
France  figure  pour  fr.  1.377.500  et  l'Angleterre  pour 
fr.  157.500  (1). 


(I)  Mouvement   commsrcial   de    Casablanca  et  de  Mazagin    en    19UI 
Moniteur  officiel  du  Commerce  du  1  septembre  19'J2. 

34 


468    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

I.  —  Importations 

Cotonnades.  ~  L'importation  de  cet  article  s'est  élevée  de 
fr.  2.761.706  en  1899  à  fr.  3.866.500  en  1900.  En  1901,  ce 
commerce  a  atteint  le  chifl're  sans  précédent  de  fr.  5.325.000, 
pour  les  cotonnades  anglaises  seulement  sur  un  chitfre  total 
de  fr.  5.344.750.  «  Nous  paraissons  »,  dit  M  S. -René  Taillan- 
dier C,  «  avoir  renoncé  à  luiter,  et  bien  à  tort,  contre  les 
«  cotonnades  anglaises,  bien  que  des  fabriques  du  Nord  de  la 
«  France  aient  pu,  à  la  demande  d'un  négociant  français  de 
«  Tanger,  produire  des  tissus  conformes  à  un  échantillon 
a  anglais  et  qu'elles  auraient  livré  au  même  prix  ». 

L'Angleterre  approvisionne  également  le  marché  de 
Mazagan  de  thés  (fr.  295.350  en  1900  ot  fr.  247.200  en  1901) 
et  de  bougies  (fr.  254.900  en  1900  et  fr.  142.750  en  1901). 

Les  dmps  viennent  surtout  d'Allemagne  (fr.  88.500  en  1901). 

Sucres.  —  La  valeur  des  sucres  importés  à  Mazagan  s'est 
élevée  en  1900  à  fr.  1.242.500  et  en  1901  à  fr.  1.527.750.  La 
Belgique  en  a  introduit  pour  fr.  812.800  en  1900  et  pour 
fr.  992.250  en  1901  <-\  et  la  Fraice  respectivement  pour 
fr.  429.750  et  fr.  535.500.  Celte  situation  est  d'autant  plus 
regrettable  que  la  France  avait  le  monopole  des  sucres  à 
Mazagan  il  y  a  une  dizaine  d'années. 

La  France  fournit  encore  de  soieries  le  marché  de  Mazagan. 

II.  — -  Exportations 

Amandes.  —  L'exportation  des  amandes,  qui  était  insigni- 
fiante il  y  a  quelques  années,  atteignait  fr  631.950  en  1899 
pour  s'élever  au  chitlre  considérable  de  fr.  2.604.975  en  1900  : 
une  grande  partie  a  été  expédiée  en  Angleterre,  et  le  reste  est 
venu  suppléer  aux  mauvaises  récoltes  en  Espagne,  en  Italie  et 
en  France.  Mais  en  1901  on  constate  une  diminution  énorme 
à  fr.  382.800. 

Mais.  —  La  valeur  du  maïs  exporté  est  passée  de  fr.  884.600 
en  1899  à  fr.  1.682.000  en  190O,  pour  retomber  à  fr.  654.550 
en  1901,  à  destination  de  l'Espagne  et  des  Canaries. 


fl)  Rapport  sur  le  commerce  du  Maroc  ea  1903.  Supplément  du 
Moniteur  officiel  du  Commerce  du  9  janvier  1902. 

(2)  On  remarquera  que  ces  cliififres,  extraits  dur  apport  de  M.  Malpertuy, 
ne  concordent  pas  avec  les  chiffres  totaux  des  rapports  anglais. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  L.\  FRANCE  AU  MAROC    469 

Fèves.  —  Valeur  exportée  :  fr.  325.200  en  1899,  fr.  1.134.650 
en  1900,  et  fr.  1.202.500  en  1901,  principalement  à  destination 
de  l'Angleterre. 

Poischiches{Garhanzos).  -  E.xpéditions  en  1900,  fr.  1.057.250 
soit  le  double  des  expéditions  de  1899,  à  destinaton  de 
l'Espagne  et  des  Canaries.  Elles  n'ont  été  que  de  fr.  716.600 
en  1901. 

Orge.  —  L'orge  exportée  par  Mazagan  en  1901,  à  la  suite  de 
l'autorisation  accordée,  n'a  atteint  qu'une  valeur  d'environ 
150.000  francs  dont  100.000  pour  l'Angleterre  et  50.000 
pour  l'Espagne. 

Œu/s.  —  La  valeur  des  œufs  exportés  a  atteint  en  1900 
fr.  1.505.050,  et  en  1901  fr.  1.903.725.  Ils  sont  expédiés 
en  Angleterre. 

Laines.  —  Il  a  été  expédié  en  1900  pour  fr.  550.000  de  laines, 
vers  la  France  et  l'Allemagne.  En  1901  ces  envois  tombent 
cà  fr.  88.125. 

Les  autres  articles  d'exportation  sont  Valinste,  la  cire, 
les  peaux,  etc. 

III.  ^  Navigation 
Voici  le  tableau  du  mouvement  du  port  de  Mazagan  en  1900: 


PAVILLONS 

NO.MBRE 

de 

XAVIBES 

tonnage 

Anglais 

ti-1 

51 

110 

53 

1 

1 

58.390 

49  ..541 

40.836 

37.910 

1.452 

770 

114 

Allemands 

Espagnols 

Français     

Roumains 

Portugais 

Total 

en  1899.. 

288 
237 

189.013 
155. 8i0 

Ce  port  est  desservi   par  les  mêmes  compagnies  que   le 
port  de  Casablanca. 


470    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

§  X.  —  SAFFI   (Asii      ^iJ) 

Ce  port,  débouché  de  la  fertile  région  d'Abda,  et  point  de 
départ  d'une  route  de  caravanes  vers  Marrakech  id'ailleurs 
peu  fréquentée)  est  un  des  plus  mauvais  de  la  côte  marocaine, 
à  cause  de  brisants  dangereux.  C'est  ce  qui  explique  sa  faible 
importance  commerciale.  Le  Sultan  aurait  donné  des  ordres 
récemment  en  vue  de  l'amélioi'er.  Son  commerce  est  entre  les 
mains  de  l'Angleterre,  de  la  Belgique  et  de  l'Allemagne,  son 
importance  pour  la  France  est  devenue  à  peu  près  nulle. 
D'après  des  informations  reçues  vers  la  lin  de  1901,  celte 
place  a  été  le  théâtre  de  terribles  inondations  qui  ont  causé 
des  pertes  considérables  d'existences  et  de  propriétés. 

Sur  la  côte  entre  Mazagan  et  Safti  se  trouve  le  vaste  port 
naturel  de  WaJudiijaA^^,  actuellement  abandonné. 

Voici  le  tableau  du  commerce  de  Safti  en  1899  et  en  1900  (^^ 


linpoilations 

1899         '"   1900 

Ex 

.1899 

porlations 

^''  1900 

Angleterre . . 

999.500 

1.206.375 

817.300 

2.224.125 

Belgique 

Allemagne.   . 

789.475 
127.325 

524  225 
59.075 

» 
574.650 

868.625 

France. .... 

50.000 

102.150 

156.725 

147.450 

Suède 

197.503 

185  000 

» 

» 

Espagne  

Portugal .... 

» 

» 
» 

47.375 
292.6-25 

195.800 
124.650 

Autres  pays . 

2.169.800 

» 

15.500 

25.300 

Total... 

2.076.825 

1.904.175 

3.. 585. 950 

En  1900  le  commerce  se  présente  sous  un  aspect  assez 
favorable,  par  suite  d'une  abondante  récolte  de  grains,  qui  a 
eu  pour  conséquence  une  exportation  double  de  celle  de 
l'année  précédente.  Les  perspectives  pour  1901  étaient  moins 
bonnes. 

I.  —  Lmportations 

Les  deux  principaux  articles  d'importation  à  Safli  sont 
les  cotonnades  anglaises  (fr.  700.000  environ)  et  les  sucres 
(fr.  603.750  en  1900,  contre  fr.  826.500  en  1899),  l'importation 


(1)  liudgetl  Meakin.  T/te  Land  of  tlie  Moors  p.  II. 

(2)  Rapport  du  vice-consul  britannique   pour    1900.   Foreign  Office- 
Annual  Séries  n°  2632. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    471 

belge  de  cet  article  étant  environ  7  fois  supérieure  à  l'impor- 
tation française.  L'Angleterre  fournit  encore  des  bougies,  du 
thé,  etc.,  la  Suède  du  fer  et  du  bois  de  construction. 


II. 


Exportations 


L'exportation  des  fèves  a  atteint  en  1900  fr.  1.553.750  soit 
plus  du  double  de  celle  de  1809,  à  destination  de  l'Angleterre 
principalement.  Les  exportations  de  mais  (fr.  4S8.100)  ont 
également  augmenté  de  plus  du  double.  Les  amandes 
(fr.  433.750  en  1900  contre  fr.  73.250  en  1899)  ont  été 
expédiées  en  Angleterre  et  en  Allemagne.  Quant  à  la  laine 
(fr.  258.625)  et  aux  jwaux  de  chèvres,  l'Allemagne  en  a 
pris  la  plus  grande  partie,  la  France  n'en  ayant  reçu  qu'une 
petite  quantité. 

Navigation 

Voici  le  mouvement  do  la  navigation  du  port  de  Saffi  en  1900  : 


PAVILLONS 


Anglais 

Allemands 

Français 

Norwégiens 

Espagnols 

Danois 

Portugais 

Russes 

Hollandais 

Total .... 
en  1899 


114 
106 


34.919 

32.753 

11.326 

1.982 

1  698 

1.267 

458 

159 

120 


84.6S2 
69.565 


Obsercation.  —  On  peut  se  rendre  compte  d'après  les  statisti- 
ques qui  précèdent  que  le  rôle  commercial  de  la  France  est  assez 
effacé  à  Mazagan  et  à  peu  près  nul  à  Saffi,  fait,  fort  heureuse- 
ment, .exceptionnel  dans  l'ensemble  du  commerce  franco- 
marocain.  Il  n'en  était  pas  de  même  il  y  a  quelques  années, 
car  la  France  détenait  dans  ces  deux  ports  le  marché  des  sucres, 
qu'elle   s'est  vu    depuis    lors,  enlever   par   la   Belgique.    Le 


472    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

principal  remède  à  cette  situation  consisterait  dans  l'établisse- 
ment de  communications  maritimes  directes  entre  ces  ports 
3t  ceux  du  Nord  et  de  l'Ouest  de  la  France,  ce  qui  permettrait 
à  nos  raffineries  de  l'Ouest  d'introduire  leurs  sucres  à 
Mazagan  et  à  Saffi,  et  faciliterait  en  outre  l'exportation  en 
France  des  laines  et  des  grains  de  ces  régions.  La  ligne  de 
navigation  qui  vient  d'être  créée  par  la  Société  Xavale  de  l'Ouest 
donnera  en  partie  satisfaction  à  ce  desideratum  tant  de  fois 
formulé  par  nos  consuls. 


§  XI.  —  MOGADOR  (Es-Soueïra  ='^fj-'i) 

Cette  ville  est  bâtie  sur  une  presqu'île,  reliée  aux  hautes 
dunes  sablonneuses  qui  forment  la  côte  en  cet  endroit,  par 
une  étroite  langue  de  terre.  Au  large  se  dresse  un  ilôt  rocheux 
qui  ferme  le  port  :  cet  îlot  est  utilisé  comme  prison  et  comme 
lieu  de  quarantaine  et  de  lazaret  pour  les  pèlerins  de  retour 
de  la  Mecque.  L'entrée  la  plus  large,  au  Sud  du  port,  n'a 
qu'une  profondeur  de  4  mètres  ;  celle  du  Nord  a  une 
profondeur  de  12  à  14  mètres.  La  plus  grande  profondeur  du 
port  est  de  8  à  9  mètres,  mais  sur  une  faible  étendue 
seulement  ;  les  bas-fonds  et  les  rochers  le  rendent  dangereux 
pour  les  navires  par  le  mauvais  temps  (•'.  Cependant  tel  qu'il 
est,  le  port  de  Mogador  est  le  meilleur  du  Maroc.  A  l'intérieur 
des  fortifications,  un  petit  dock  est  aménagé  pour  le  déchar- 
gement des  marchandises  ('-).  L'importance  commerciale  de 
Mogador  date  de  l'époque  où  l'excellent  port  naturel  d'Agadir, 
au  Sud  du  cap  Ghir,  le  débouché  de  la  riche  région  du  Sous, 
a  été  fermé  au  commerce  européen.  Depuis  lors,  Mogador  est 
le  port  le  plus  méridional  ouvert  au  commerce  étranger.  Il 
est  devenu  en  conséquence  le  débouché  du  Sous,  dont  le 
sépare  la  chaîne  de  l'Atlas,  et  qui,  au  moins  en  ce  qui 
concerne  l'exportation,  a  plus  d  importance  encore  pour  le 
commerce  de  Mogador  que  l'hinterland  immédiat  de  cette 
place,  c'est-à-dire  les  provinces  de  Haha  et  de  Chiadma,  et  la 
ville  de  Marrakech  (3),  reliée  à  Mogador  par  une  route  de 
caravanes,  mais  recevant  plutôt  ses  approvisionnements  de 
Mazagan.  En  ce  qui  concerne  les  produits  importés  au  Sous, 


(1)  Th.  Fischer.  Reise  im  Atlas  Vorlande  von  Marokho.  p.  51  et  suiv. 

(2)  Budgelt  Meakia.  The  Land  ofthe  Moors,  p.  211  et  212. 

(3)  Th.  Fischer,  ouvrage  cité  p.  51  et  suiv. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  L.\  FRANCE  AU  MAROC    473 

ce  pays  fait  plutôt  ses  achats  à  Marrakech.  Mogador  appro- 
visionne encore  le  Sahel  et  la  partie  inférieure  du  bassin  du 
Dra^^K  Autrefois  Mogador  faisait  un  commerce  considérable 
avec  le  Soudan,  notamment  avec  Tombouctou.  Le  trafic 
des  esclaves,  jadis  très  florissant,  a  presque  complètement 
disparu  depuis  l'occupation  de  ces  régions  par  la  France. 
Actuellement,  bien  que  le  trafic  de  Tombouctou  et  du  Soudan 
soit  attiré  de  plus  en  plus  vers  la  côte  occidentale  d'Afrique, 
une  quantité  assez  considérable  de  marchandises  de  prove- 
nance européenne  est  encore  importée  par  Mogador  chez  les 
Maures  riverains  du  Sénégal  et  du  Niger  :  cotonnades  (toile  de 
guinée)  d'Angleterre  ;  sucres  français  ;  thés  anglais  ;  bottgies 
anglaises  ;  soieries  françaises  ;  cuirs,  armes,  poudre,  lainagefi 
d'Allemagne,  café,  etc.  (•'.  Ce  commerce  représente  une 
valeur  d'environ  5  millions  de  francs  par  an.  Les  importations 
du  Soudan  au  Maroc  consistent  surtout  en  gommes,  laines, 
peaux,  plumes  d'autrwhe,  sel,  etc.  Il  résulte  de  ce  qui 
précède  que  Mogador  à  une  importance  commerciale  plus 
grande  que  celle  qu'il  tirerait  uniquement  de  sa  situation 
géographique  (3).  H  a  d'ailleurs  beaucoup  perdu  de  la 
prospérité  dont  il  jouissait  autrefois. 

Les  industries  de  la  ville  sont  les  plateaux  en  cuivre,  les 
poignards,  les  draps  de  laine  ponr  djelabas,  haïks  et  autres 
vêtements,  les  objets  d'ameublement  fabriqués  en  bois  d'ara/- 
ou  ihutja^'^K  L'iniluence  européenne  est  assez  considérable  à 
Mogador,  de  même  qu'à  Tanger  et  à  Casablanca.  On  y  trouve 
deux  petits  hôtels.  Le  gouvernement  marocain  y  a  conttruit 
des  maisons  d'habitation  et  des  magasins  qu'il  loue  aux 
négociants.  Les  Juifs,  très  nombreux  à  Mogador,  monopolisent 
le  commerce  local  et  sont  les  intermédiaires  obligés  de  toutes 
transactions. 

Le  commerce  de  Mogador  est  surtout  un  commerce  de 
commission.  Le  change  y  est  généralement  plus  bas  qu'à 
Tanger.  A  ce  point  de  vue  les  ports  de  la  côte  Sud  du  Maroc 
sont  plus  ou  moins  influencés  par  les  cours  de  Madrid,  mais 
le  change  local  de  ces  ports  est  réglé  par  les  importations  et 


(\j  Çh.  de  Foucauld.  Reconnaissance  au  Maroc,  p.   188. 

(2)  Renseignements  extraits  d'un  article  sur  les  Relations  entre  le 
Maroc-Algérie  et  le  Sénégal-Sowlan  publié  par  la  Revue  franco- 
musuhnane  et  saharienne,  juillet-août  !9lJ2. 

(3)Tb.  Fisclier.  Ouvrage  cité,  p.  5i. 

(4)  Budgett  Meakin.  The  Landoft'  e  Moors,  p.  213. 


474    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

exportations.  En  général  les  traites  sont  meilleur  marché  à 
Mogador  qu'à  Tanger  à  cause  de  la  rareté  du  numéraire  pour 
le  paiement  des  récoltes,  et  dans  ce  cas  des  espèces  sont 
expédiées  de  Tanger  à  Mogador.  Les  personnes  qui  ont  à 
effectuer  des  remises  fréquentes  n'achètent  pas  de  traites,  mais 
des    marchandises  qu'elles  expédient^". 

Voici  d'après  les  rapports  du  vice-consul  allemand  (-')  et  du 
vice-consul  britannique(3)le  tableau  du  commerce  de  Mogador 
en  1899  et  en  1900  : 


Imp.irta 

ions 

Export;i 

lions 

Fr. 

Fr 

1899 

1900 

1899 

1900 

Angleterre . . 

2.825.600 

3.539.218 

3.963.025 

2.626.650 

France 

1.552.400 

2.114.972 

483.675 

2.035.365 

AllemagQe  . . 

6G6.075 

371.243 

2.043.475 

3.693.188 

Belgique .... 

474.650 

336.140 

» 

)) 

Italie 

» 

» 

305  300 

610.688 

Etats-Unis. . . 

» 

1) 

1.153  000 

1.363.125 

Cote  marocaiue . .  . 

213.450 

106.836 

334.675 

267  312 

Espagne  el  colonies. 

25.775 

51.669 

1S6.525 

180.897 

Total...     5.757.950    6.520.078    8.469  673      10  777.22S 
Numéraire.  3.227.200  2.210.700 

I.  —  Importations 

Les  cotonnades  anglaises,  de  Manchester,  ont  été  en  bonne 
demande  en  1900  (fr.  2.332.750).  Il  en  a  été  de  même  des  thés 
(fr.  704.000)  et  des  bougies  (fr.  182.650J,  également  de 
provenance  anglaise. 

L'importation  des  sucres,  a  atteint  en  1900,  fr.  1.716.050: 
les  sucres  français  entrent  dans  ce  total  pour  fr.  1.442.000; 
le  reste  formant  la  part  des  sucres  belges  et  allemands  : 
ceux-ci  sont  de  qualité  inférieure  aux  sucres  français  et  fondent 
plus  vite  :  ils  sont,  il  est  vrai,  meilleur  marché.  Les  indigènes 
ont  une  préférence  marquée  pour  les  petits  pains  de  sucre 
de  2  kilos. 


(1)  Rapport  de  Maddei-,  vice-consul  brilaiiDique,  pour  lOni.   Foreing 
Office  Annual  Seriez,  n°  2791, 

(2)  Rapport commerc.  pour  1900.  Deutsohes  Handels  ar  luv,  août  1901. 

(3)  Foreign  Office,  Annual  Séries,  a°  2632. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    475 

Les  lainages  français  se  sont  mieux  vendus  en  1900  que  les 
lainages  allemands,  mais  les  allemands  nous  t'ont  concurrence 
dans  la  vente  des  soieries  (^'. 

II.  —  Exportations 

Le  chiffre  des  exportations  de  Mogador  en  1900  dépasse 
celui  de  tous  les  autres  ports  marocains. 

Amandes.  —  L'augmentation  considérable  de  l'exportation 
des  amandes  constitue  le  caractère  le  plus  remarquable  du 
commerce  de  Mogaùor  en  1000.  Elle  a  atteint  en  effet  le 
chiffre  considérable  de  fr.  tj.000.000,  contre  fr.  2.400.000  en 
1899.  Par  suite  d'une  mauvaise  récolte  en  Italie,  la  demande  a 
été  considérable  à  Mogador  ;  d'ailleurs  la  récolte  du  Sous  a  été 
extraordinaire.  La  meilleure  amande  de  la  place  est  celle  de 
Haha  dont  le  prix  a  atteint  en  1900  jusqu'à  30  douros  par 
quintal  ;  pour  les  amandes  du  Sous  le  prix  s'est  élevé  à 
29  douros  par  quintal.  Quatre  puissances  se  sont  partagé 
l'exportation  des  amandes  de  Mogador  en  1900,  dans  les 
proportions  suivantes  : 

Allemagne Fr.     2.432.000 

Angleterre —     1.816.000 

France —      1.450.000 

Italie —         27-2.000 

C'est  aux  expéditions  d'amandes  que  l'Allemagne  doit 
d'occuper  le  premier  rang  dans  le  commerce  d'exportation  de 
Mogador  en  1900.  Le  consul  britannique  dans  ce  port  insiste 
sur  ce  fait  que  le  marché  de  Hambourg  tend  à  monopoliser, 
au  détriment  de  celui  de  Londres,  le  commence  des  amandes 
de  Mogador  :  la  raison  de  cette  évolution  doit  être  cherchée 
dans  les  plus  grandes  facilités  accordées  au  commerce  en 
Allemagne  :  les  frais  de  déchargement,  d'entrepôt,  de  vente, 
d'escompte,  sont  moins  considérables  qu'en  Angleterre  ;  de 
plus  les  maisons  d'importation  allemandes  se  passent,  la 
plupart  du  temps,  d'intermédiaires  et  traitent  directement 
avec  les  petits  détaillants  auxquels  elles  peuvent  offrir  de 
meilleures  conditions  et  des  prix  plus  modérés.  Les  trois 
maisons  allemandes  établies  à  Mogador  s'occupent  surtout  de 
l'exportation. 


(l)  Rapport  sur   le   comtnTee  du  Maroc   en    1901).    Supplément    au 
Moniteur  officiel  du  Commerce  du  9  janvier  1902. 


476    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

Peaux  de  chèvres  et  de  veaux.  —  Sur  un  total  de  fr.  1.681.020 
représentant  le  total  des  peaux  de  chèvres  exportées  en  1900 
(chiffre  inférieur  de  près  de  moitié  à  celui  de  1899),  une 
grande  partie  a  été  exportée  directement  aux  Etats-Unis  et  le 
reste  a  pris  le  chemin  de  la  France.  Les  peaux  de  veaux 
(fr.  466.400)  sont  expédiées  surtout  en  Italie. 

Œufs  (fr.  337.050).  —  De  grandes  quantités  ont  été  expédiées 
de  mars  à  septembre  1901  :  on  les  vend  4  pesetas  les  100.  Les 
œufs  de  Haha  sont  les  meilleurs  et  les  plus  grands.  Ceux  du 
Sous  sont  plus  petits. 

Gommes  (fr.  500.675).  —  De  Mogador  on  expédie  les 
gommes  suivantes  :  la  gomme  Amrad  à  10  douros  par  100  livres 
et  la  gomme  brune  de  Barbarie  à  13  douros  par  100  livres  ; 
la  gomme  Sandarak,  à  iO  douros  par  charge  de  chameau  de 
315  livres  ;  la  gomma  blanche  du  Sénégal.  Cette  dernière  n'est 
venue  qu'en  faible  quantité  sur  le  marché-de  Mogador  en  19J0, 
les  prix  étant  trop  bas  pour  la  faire  venir  du  Soudan. 

Cire.  —  lia  été  emporté  en  1900  pour  fr.  603.500  de  cire 
à  destination  de  la  Russie,  via  Hambourg, 

Huile  d'olive.  —  Les  expéditions  en  1900  se  sont  élevées  à 
fr.  696.275.  Le  consul  britannique  signalait  en  mai  1901  des 
arrivages  considérables  d'huile  d'olive  apportée  k  Mogador  par 
les  caravanes  du  Sous  pour  être  expédiée  notamment  à 
Marseille  à  destination  de  l'Italie. 

En  1900,  par  suite  de  l'important  trafic  des  amandes,  le 
change  à  Mogador  était  de  3  à  4  "/o  plus  bas  que  le  change  à 
Tanger,  à  cause  de  l'insuffisance  de  numéraire  pour  l'achat  des 
produits  ;  les  acheteurs  ont  dû  transmettre  leurs  traites  à  un 
agent  à  Tanger  pour  les  vendre  et  remettre  leur  montant 
en  espèces (". 

Il  s'est  produit  d'importants  mouvements  de  numéraire, 
surtout  à  l'importation,  consistant  principalement  en  or 
français  que  le  gouvernement  marocain  s'est  procuré  pour 
faire  face  aux  besoins  de  la  récolte  <-).  Pour  1901  les  récoltes 
s'annonçaient  d'une  manière  satistaisante. 


(1)  Foreing  Office  Annual  Séries,  n°  2G3'2. 

(2)  Rapport  du  vice-consul  allemind  pour   1900.  Deutscher  Handels 
archiv  août  19UI. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    477 

III.  —  Navigation 
Voici  le  tableau  de  la  navigition  de  Mogador  en  1900  : 


PAVILLONS 

NOMBKE 
de 

TON.NAGE 

Anglais  .         

52 

45 

34 

6 

5 

1 

59.258 

44.544 

23.920 

2.700 

1.886 

38 

Français 

Marocains 

Portugais 

Total 

en  1899.. 

143 

149 

132.326 
119.008 

Mogador  est  desservi  par  les  mêmes  compagnies  que  les 
autres  ports  marocains  de  l'Atlantique. 

Observation.  —  Le  commerce  de  la  France  à  Mogador,  dans 
son  ensemble,  est  très  important  et  vient  immédiatement 
après  le  commerce  anglais.  Mogador  compte  deux  maisons  de 
commerce  françaises  et  d'une  certaine  importance,  celle  de 
MM.  Borgeaud  et  Rentermann,  et  celle  de  M.  Jacquery(i>.  Si 
les  produits  de  la  région  sont  exportés  en  plus  grande  quantité 
en  Allemagne,  en  revanche  l'importation  française  à  Mogador 
est  bien  supérieure  à  l'importation  allemande,  laquelle  a  été 
très  faible  en  1900.  D'ailleurs  les  envois  en  France  de  produits 
du  Sous  sont  en  progrès  marqué.  Enfin  Mogador  a  une 
grande  importance,  au  point  de  vue  français,  en  tant 
qu'entrepôt  du  commerce  du  Sahara  et  du  Soudan,  régions 
dintluence  française.  Bien  que  nos  intérêts  dans  le  Maroc 
méridional  soient  moins  importants  que  dans  le  Maroc  du 
nord,  il  importe  de  ne  point  nous  laisser  distancer  dans  la 
conquête  économique  de  cette  région  destinée,  par  sa  richesse 
agricole  et  la  variété  de  ses  productions,  à  un  brillant 
avenir. 


(t)  Le   Commerce  du   Maroc   (année    1896).    Annexe    au    Moniteur 
officiel  (lu  Commerce  du  '26  mars  1896. 


478    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

§  XII.  —  LA  PLAINE  DE  MARRAKECH 

L'irrigation  au  Maroc 

Au  Nord  du  Grand  Atlas,  entre  ces  montagnes  et  l'Atlan- 
tique est  située  une  immense  plaine  qui  constitue  la  partie  la 
plus  imporlante  du  Maroc  méridional  ;  elle  est  séparée  du 
Maroc  du  Nord  par  une  région  montagneuse  peu  accessible 
s'étendant  sur  une  largeur  de  plus  de  100  kilomètres  entre  la 
Chaouïa  et  le  pays  de  Tadla,  au  Sud,  le  plateau  de  Meknès  et 
le  R'arb  au  Nord.  D'une  manière  générale  la  végétation  est 
moins  riche  dans  le  Maroc  du  Sud  que  dans  le  Maroc  du 
Nord  parce  que  les  pluies  y  sont  beaucoup  moins  abondantes*'). 
D'ailleurs  la  grande  plaine  méridionale  comprend  d'après 
M.  Fischer,  trois  zones  bien  distinctes  :  la  zone  des  cultures, 
où  l'on  rencontre  la  «  terre  noire  »  et  dont  nous  avons  signalé 
l'étonnante  fertilité  ;  la  zone  des  steppes,  grande  région  de 
pâturages  ;  et  la  zone  des  hauts  plateaux,  immédiatement 
voisine  de  l'Atlas,  suffisamment  irriguée  par  les  nombreuses 
rivières  qui  descendent  des  montagnes.  Le  plateau  de 
Marrakech  situé  dans  le  bassin  du  Tenaift  entre  le  Djebilet  et 
le  Grand  Atlas,  se  trouve  dans  la  partie  la  mieu.x^  arrosée  de 
cette  zone  l'~).  Là  en  effet  toute  culture  est  subordonnée  à 
l'irrigation  artificielle  du  sol,  condition  facilement  réalisable, 
car  pendant  la  fonte  des  neiges  qui  a  lieu  depuis  le  commen- 
cement du  printemps  jusqu'à  la  fin  de  l'été,  c'esl-à-dire 
pendant  la  saison  où  il  ne  pleut  pas,  une  quantité  énorme 
d'eau  courante  descend  de  l'Atlas  par  une  inlinité  de  petits 
ruisseaux  qui  viennent  se. jeter  dans  le  Tensift  et  l'Ouni-er- 
Rbia.  Une  quantité  de  petits  canaux  de  dérivation  ont  été 
construits  afin  d'utiliser  ces  eaux  pour  l'inigation  des  terres  : 
les  uns  sont  à  ciel  ouvert,  les  autres  souterrains  ;  ces  derniers 
appelés  rliattnra  remontent  à  la  plus  haute  antiquité  et  sont 
surtout  nombreux  dans  les  environs  de  Marrakech  ;  ils  sont  par- 
fois très  longs  et  situés  à  une  très  grande  profondeur.  Ce  systè- 
me d'irrigation  très  perfectionné,  que  l'on  ne  rencontre  guère 


(1)  E.  UouUé.  Une  mission  d'études  au  Maroc.  Rapport  sommaire 
d'ensemb'e.  Supplément  au  «  Bulletin  da  Comité  de  l'Afrique  française  » 
de  décembre  1501. 

(2)  Th.  Fischer.  Reise  i»i  Atlas-Vorlande  von  Marokko  p.  83  et  157. 
—  Cf.  V.  Uemontés.  La  plaine  de  Marrakech ,  Bulletin  de  la  Société 
de  Géographie  d'Alger,  2"  trimestre  1901. 


LES  INTÉRKTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  l^-RANCE  AU  MAROC    479 

que  dans  cette  région,  rend  encore  de  grands  services  actuel- 
lement, bien  qu'un  grand  nombre  de  canaux  soient  obstrués. 
Il  pourrait  être  étendu  à  un  espace  bien  plus  considérable  de 
terres  cultivables.  M.  Fischer  estime  que  ce  système 
d'irr'igation,  quelles  que  soient  les  dépenses  entraînées  par  la 
construction  et  l'entretien  des  canaux,  est  encore  moins 
coûteux  que  celui  dont  on  se  sert  dans  la  région  côtière, 
particulièrement  pour  l'irrigation  des  jardins  dans  lès 
environs  des  villes,  consistant  à  creuser  des  puits  larges  et 
profonds  et  à  élever  l'eau  à  l'aide  de  grandes  roues  à  puiser 
(noria),  mues  par  des  ânes  ou  des  mulets  ;  l'eau  est  amenée 
dans  des  bassins  cimentés  et  distribuée  par  des  rigoles  à 
travers  les  jardins  <■'. 

L'oasis  de  Mai'rakech  est  de  toutes  celles  qui  se  trouvent  au 
Nord  de  l'Atlas  la  plus  riche  en  dattiers  ;  malgré  la  sécheresse 
de  la  surface  du  sol,  les  racines  de  ces  arbres  plongent  dans 
l'eau  que  renferme  l'intérieur  de  la  terre.  Les  fruits  en  sont,  il 
est  vrai,  peu  estimés.  h'oUvier  y  est  également  très  répandu, 
■comme  dans  les  autres  oasis  et  cultivé  avec  beaucoup  de  soin. 
D'une  manière  générale  les  fruits  et  légumes  de  toute 
catégorie  prospèrent  dans  l'oasis  de  Marrakech  qui  &=t 
également  propre  à  la  culture  des  céréales  <-). 

La  population  de  Marrakech  est  évaluée  à  55.000  habitants. 
Son  commerce  est  presque  semblable  à  celui  de  Fez,  sauf 
qu'il  est  à  peu  près  entièrement  entre  les  mains  des  Juifs. 
Cette  ville  fait  un  important  commerce  de  féaux  avec  les 
tribus  du  Sud  de  l'Atlas.  Ses  cuirs  et  ses  tissus  sont  inférieurs 
à  ceux  de  Fez  et  ses  tapis  ne  peuvent  lutter  avec  ceux  de 
Rabat.  Cependant  Marrakech  parait  maintenir  son  rang  dans 
le  tissage  des  étoffes  de  soie,  broderies  et  passement  cries  (3).  On  y 
trouve  également  des  armes  montées  en  argent  et  des  objets 
en  cuivre  travaillé  provenant  des  mines  du  Sous.  Les  produits 
du  Tafilelt  n'y  parviennent  pas  <*'.  Le  principal  port  de 
Marrakech  est  Mazagan,  la  route  des  caravanes  qui  mène  à 
ce  port  étant  plus  fi'équentée  que  celles  qui  mènent  à  Mogador 
et  à  Saffi.  C'est  par  ces  trois  ports  que  Marrakech  effectue  ses 


(1)  Th.  Fischer.  Reise  tm  Atlas-Vorlande  von  Marokko  p.  Î6-89. 
Cf.  BudgeltMeakiQ  The  Moors  p.  lG3et  164. 

(2)  Th.  Fischer,  ouvrage  cité,  p.  SU  et  91. 

(3)  R.  J.  Frisch  Le  Maroc  p.  92.  Cf.  Reclus   Afrique   septentrionale 
tome  II  p.  742. 

(4)  J.  Erckmann.  Le  Maroc  Moderne  p.  38. 


480    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

transactions  avec  l'Europe.  Il  y  a  clans  cette  ville  un  négociant 
français,  représentant  de  la  maison  Borgeaud.  de  Mogador^''. 
Marrakech,  oi^i  les  produits  européens  sont  surtout  importés 
par  Mazagan,  alimente  tout  le  bassin  du  .Sons,  l'immense 
bassin  du  Dra,  à  l'est  de  l'oued  Agga  (aflluent  de  droite),  et 
jusqu'aux  districts  arrosés  par  les  alfluents  de  droite  de  l'oued 
Ziz,  tels  que  le  Todra  et  le  Fe.rkla^^'-K 

Malgré  l'augmentation  des  transactions  de  cette  ville  avec 
l'Europe,  et  bien  que  plusieurs  négociants  étrangers  y  soient 
établis,  aucune  puissance  européenne  n'y  est  encore 
représentée  <3). 

La  ville  de  Demnal  située  dans  une  vallée  de  l'Atlas  oii 
Nord- Est  de  Marrakech,  dans  une  région  très  arrosée  où  l'on 
cultive  surtout  l'olivier,  fait  un  commerce  assez  important 
avec  Marrakech  (^). 


§  XIII.  —  LE  SOUS.  —  LE  DHA 

La  vallée  du  .Sous,  séparée  de  la  plaine  de  Marrakech  et  de 
la  vallée  de  Tensift  par  le  Grand  Atlas,  a  une  importance 
économique  considérable,  tant  au  point  de  vue  de  ses  produc- 
tions agricoles  qu'au  point  de  vue  de  ses  richesses  minières  : 
mais  elle  est  actuellement  fermée  au  commerce  européen.  Ses 
habitants  de  race  berbère  (chleuh)  ont  résisté  pendant  très 
longtemps  aux  troupes  des  Sultans  ;  mais  ils  ont  été  définiti- 
vement soumis  par  les  expéditions  de  Moulaye-el-Hasan 
en  1881  et  1886.  Le  Sous  a  été  exploré  par  Lenz,  Rohlfs, 
Gatell,  Camille  Douls,  de  Foucauld,  Davidson,  et  dernièrement 
par  M.  de  Segonzac.  Il  a  longtemps  passé  pour  une  région  des 
plus  dangereuses  pour  les  Européens  :  cependant  M.  de 
Segonzac  n'y  a  couru  nulle  part  de  danger  véritable,  si  ce  n'est 
à  la  passe  de  Bibaouan,  à  Nzala-Organa  ;  un  autre  voyageur  a 
pu  pénétrer  en  chrétien  à  Goundafo,  à  Taroudant  et  chez  les 
Ida-ou- Mahmoud  sans  être  inquiété <•'>. 

L'Oued  Sous  apparaît  comme  un  fleuve  à  eau  permanente 


(1)  Le   Commerce    du    Maroc.    Annexe    au    Moniteur    officiel    du 
Commerce  an  26  mars  1896. 
(î;  Ch.  rie  Foucauld.  Reconnaissance  au  Maroc  p.  1(J8. 

(3)  Budgrlt  Mealiin  Tlie  Land  of  the  Moors  p   311. 

(4)  Budgelt  Meakin  T/ie  Land  of  the  Moors  p.  346-348. 

(5)  V.  Démontés    La  région  du  Sous.  Bulletin  de  la  Société  de  Géo- 
graphie d'Alger,  iMrimeilre  1901. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    481 

et  à  pente  très  rapide,  quoique  à  débit  variable  et  diminuant 
progressivement  vers  son  embouchure.  La  partie  qui  avoisine 
sa  source  est  très  productive  :  on  y  trouve  des  oliviers,  des 
amandiers,  des  céréales  ;  vers  l'embouchure  et  dans  le  cours 
moyen  on  cultive  \'orge,  le  blé,  le  niais.  Lorsque  la  pluie 
tombe  au  bon  moment,  les  récoltes  sont  très  belles  ;  dans  le 
cas  contraire  les  liabitanls  arrosent  péniblement  leurs  terres 
au  moyen  de  puits  profonds  de  plus  de  10  mètres.  Toute  la 
plaine  de  la  rive  droite,  très  arrosée,  large  d'une  vingtaine  de 
kilomètres,  est  ou  peut  être  cultivée  :  elle  est  couverte  de 
cultures,  de  forêts  et  de  pâturages:  ces  derniers  nourrissent  des 
moutons,  des  chevaux,  des  chameau.K,  et  surtout  des  bœufs  qui 
n'ont  pas  l'apparence  chétive  de  ceux  d'Algérie  et  du  Sahara 
Marocain.  La  fertilité  naturelle  du  sol  a  élé  reconnue  par  tous 
les  explorateurs  :  le  Sous  produit  plus  de  céréales  qu'il  n'ea 
peut  consommer,  ainsi-que  de  l'Imile  d'olive  et  d'argan,  des 
amaiides,  des  noix,  des  oranges,  des  dattes,  en  quantité 
considérable  O.  La  population  est  assez  dense,  et  dans 
certaines  régions,  la  moitié  des  terres  sont  cultivées. 

Au  point  de  vue  minier  le  Sous  paraît  être  la  région  la  plus 
riche  du  Maroc  :  à  cet  égard  les  témoignages  des  explorateurs 
sont  concordants  :  on  y  a  reconnu  l'existence  des  gisements 
d'oc  (Ida-ou-ltilt,  Massa),  d'argent  (Agadir,  ouad  Noun),  de 
cuivre  (Tasellert,  près  de  la  passe  de  Bibaouan),  de  /er  (Ida- 
ou-ltilt),  de /j/omb  (au  Sud  de  Tiznit),  d'antirnoine''~\  Certaines 
de  ces  mines  seraient  encore  exploitéei  par  les  indigènes  à  ciel 
ouvert,  et  les  minerais  traités  de  la  façon  la  plus  primitive.  Le 
cuivre  notamment  serait  actuellement  exploité  pour  alimenter 
la  chaudronnerie,  l'industrie  spéciale  de  Taroudant,  la,  capitale 
du  Sous.  Les  batteries  de  cuisine  vendues  sur  les  marchés  de 
Kouba,  de  Kano  et  de  Tombouciou  proviennent  de  Tarou- 
dant'3).  Rohlfs  assure  que  vers  1800  on  extrayait  encore  du 
minerai  de  cuivre  des  environs  de  Taroudant  ;  mais  M.  Fischer 
ne  croit  guère  à  celte  assertion  (^\  D'après  0.  Lenz,  presque 
tout  le  cuivre  brut  nécessaire  à  l'industrie  de  Taroudant  serait 
importé  d'Angleterre.  Les  autres  industries  de  Taroudant  sont 


(1)  Jules  Erckmaaa,  Le  Maroc  moderne,  p.  49.  V.  Démontés,  La  région 
du  Sous. 

(2i  Budgett  Meakin,  The  Landofthe  Moors,  p.  26-30. 

(,i)  Reclus,  Afrique  Septentrionale,  T.  II.  p.  746. 

(4)  Th.  Fischer.  Die  Bodenschaetze  Marokkos,  Zeitschrift  fur 
■praktisches  Géologie,  avril  19UI, 


48'i    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIÙUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

le  tissage  des  étoffes  de  laine  et  la  préparation  du  salpêtre. 
L'industrie  du  Sous  est  beaucoup  moins  prospère  que  l'agri- 
culture à  cause  de  la  concurrence  européenne  qui  se  fait  sentir 
bien  que  le  Sous  n'entretienne  pas  de  relations  directes  avec 
l'Europe.  On  importe  d'Europe  au  Sous  des  objets  en  fer  et  du 
fer  en  barres,  des  fusils  et  des  poignards  fournis  par  des 
maisons  anglaises,  de  la  toile,  des  bougies,  du  sucre,  du 
savo7i,  etc.  Taroudant  communique  avec  Marrakech  par  le  col 
de  Bibaouan  (quatre  jours  de  trajet)  ;  c'est  un  important 
marché  où  s'accumulent  les  produits  d'échange  pour  être 
dirigés  vers  le  Nord  ou  le  Sud.  Toutefois  une  partie  du 
commerce  suit  la  route  Mogador-Agadir-Tiznif,  le  long  de  la 
côte  et  évite  la  capitale <".  De  grands  marchés  se  tiennent 
périodiquement  dans  diverses  localités  :  les  nomades  y 
apportent  des  laines,  des  peaux,  des  dattes,  et  achètent  des 
objets  manufacturés. 

Le  port  naturel  de  la  région  du  Sous  est  Agadir,  situé  au 
Sud  du  cap  Ghir,  un  peu  au  Nord  de  l'embouchure  du  Sous  ; 
au  pied  de  la  falaise  sur  laquelle  est  située  cette  localité,  se 
trouve  le  petit  fort  de  Fonti,  construit  par  les  Portugais  et 
restauré  par  les  Marocains  après  la  guerre  de  1859-1860.  La 
rade  d'Agadir  est  la  meilleure  de  toute  la  côte  marocaine  de 
l'Atlantique.  D'après  Gatell,  au  fond  même  des  rochers,  l'eau 
est  assez  profonde  pour  les  navires  de  200  tonneaux.  D'après 
M.  de  Segonzac,  à  30  mètres  de  la  côte  on  trouverait  15  mètres 
de  profondeur.  La  rade  est  fermée  à  l'Ouest  par  une  ligne  de 
rochers  ;  elle  n'est  ouverte  qu'aux  vents  du  Sud  contre  lesquels 
il  faudrait  protéger  les  navires  par  une  jetée.  Entre  Agadir  et 
Fonti  se  trouvent  une  fontaine  et  un  réservoir  construits  par 
les  Européens.  Agadir  a  été  fermé  au  commerce  étranger  après 
la  fondation  de  Mogador,  en  ''773  :  depuis  cette  époque  ce  port 
est  en  complète  décadencf  •  .st  interdit  aux  navires  d'y  faire 
escale,  et  les  denrées  qui  viennent  du  Soudan  sont  acheminées, 
après  acquittement  des  taxes  de  douanes,  vers  les  cols  de 
rAtlas<->  et  vers  Mogador.  Le  parcours  entre  Agadir  et  Mogador 
peut  être  effectué  en  deu.x  jours  par  une  assez  bonne  route, 
bien  abritée  contre  les  vents.  Mogador  est  actuellement  le 
débouché  des  produits  du  Sous  :  mais  Agadir  le  redeviendrait, 


(1)  V.  Démontés     La  région  du  Sous.    Bulletin   de   la  Société  de 
Géographie  d'Alger,  4=  trimestre  l'JUl. 

(2)  Reclus.  Afrique  Septentrionale,  T.  II.  p.  748. 


LES  1NTKRI2TS  KCONOMIOUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    483 

du  jour  oi'i  il  serait  rouvert'  au  commerce  européen.  Une 
compagnie  anglaise  a  essayé  réceuiment  d'y  installer  ses 
comptoirs  ;  les  Allemands  le  convoitent  (ainsi  que  Mogador) 
et  les  visées  des  Espagnols  sont  séculaires  O. 

D'une  manière  générale  la  région  du  Sous  a  été  très 
fréquemment,  à  cause  de  sa  richesse  et  de  ses  perspectives 
d'avenir,  l'objet  des  convoitises  européennes.  Depuis  la 
fermeture  d'Agadir  au  commerce  étranger,  un  certain  nombre 
de  puissances  ont  essayé  de  tourner  cette  prohibition  par  des 
tentatives  officielles  ou  privées,  en  signant  des  traités  avec  des 
chefs  semi-indépendants,  qui,  bien  que  n'étant  pas  plus 
favorablement  disposés  que  le  gouvernement  envers  les 
étrangers,  étaient  portés  à  accueillir  tout  ce  qui  pouvait 
fortifier  leur  situation  et  améliorer  leurs  chances  dans  une 
révolte  future.  Des  négociations  ont  eu  lieu  notamment  en 
1819  entre  le  Français  Cochelet  et  les  cheikhs  Baïrouk  ;  en 
1839  le  consul  français  à  Mogador  fut  envoyé  à  la  côte  du 
Sous  sur  le  vaisseau  de  guerre  La  }falouine,  et  à  son  second 
voyage  il  obtint  un  traité  établissant  un  protectorat  nominal, 
lequel  ne  fut  jamais  appliqué.  De  nombreuses  tentatives  ont 
été  faites  dans  cette  région  par  des  compagnies  anglaises  : 
toutes  ont  échoué  ;  mais  comme  elles  ne  sont  pas  sorties  d'un 
cercle  restreint  de  spéculateurs,  le  bruit  de  leur  ruine  n'est 
pas  parvenu  à  la  connaissance  de  leurs  successeurs.  La 
politique  du  gouvernement  marocain  consiste  à  tenir  le  Sous 
complètement  fermé,  en  vue  de  prévenir  toutes  compli- 
cations ('->. 

Entre  le  bassin  du  Sous  et  le  bassin  du  Dra  se  trouvent  les 
riches  vallées  de  l'oued  Glias  et  de  l'oued  Noun  ;  les  ports  de 
cette  région  sont  Masua,  Aglou,  Ifni,  Arksis,  Assaka.  A  Ifni, 
en  1880  le  vapeur  français  Aiiji  -fit  une  vaine  tentative  de 
débarquement  pour  le  compte  d'une  compagnie  de  Londres  et 
de  Marseille,  et  ensuite  le  gouverneur  du  Sénégal  envoya  un 
vaisseau  faire  une  reconnaissance  *■*).  Le  havre  d'Ifni  est 
maintenant  considéré  comme  possession  espagnole,  étant 
censé  être  Santa  Cruz  de  Mur  Pequeiia.  Un  établissement  de 
ce  nom  avait  été  fondé  sur  la  côte  Sud  du  Maroc  en  1476  par 
le  duc  de  Herrera,  mais  il  avait  étï  pris  et  détruit  par  les 


(1)  V.  UeQiontès.  La  région  du  Sous. 

(2)  Budgett  Meakin  T/œ  Land  of  the  Moors.  p.  377  et  37S. 

(3)  Budgett  Meakin  The  Land  of  the  Moors,  p.  388. 


35 


484    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

Marocains  en  1524  et  depuis  cette  époque  ou  en  avait  perdu 
toute  trace.  A  la  suite  de  la  guerre  de  1859-1860,  l'Espagne 
obtint  par  l'art.  8  du  traité  de  paix  la  restitution  de  cet 
établissement.  Comme  on  ne  pouvait  se  mettre  d'accord  sur 
l'emplacement  de  ce  port,  le  capitaine  Fernandez  Duro,  du 
vaisseau  Blasco  de  Garny  envoyé  en  reconnaissance  par  le 
gouvernement  espagnol,  se  prononça  en  laveur  d'Ifni  et  des 
traités  furent  signés  entre  les  fonctionna  res  espagnols  et  les 
chefs  de  la  région.  Le  Maroc  ne  ratifia  le  choix  de  l'Espagne 
qu'en  1883.  Pour  surveiller  Uni,  le  Sultan  Moulaye-el-Hasan 
a  établi  son  autorité  sur  Tiznit,  au  Nord-Est  d'Ifni,  à  une 
faible  distance  de  la  côte.  Cette  localité,  la  plus  méridionale 
où  se  fasse  sentir  directement  l'autorité  du  pouvoir  centi-al, 
grandit  rapidement  en  importance.  Tiznit  est  situé  aux  confins 
du  Tazeonalt.  Plus  au  Sud,  et  non  loin  de  l'ouad  Noun,  est 
situé  Ogoxilmin,  où  siègent  les  cheikhs  Baïrouk  :  c'est  une 
importante  station  commerciale  entre  Mogador  et  Tombouctou, 
qui  expédie  à  Mogador  des  plumes  (Vautruche  et  de  la  poudre 
d'or  du  Soudan  ;  c'est  un  grand  marché  de  chcvriiu-,  de 
mulets  de  moutons  et  aussi  d'e-^claves.  La  rade  d'Ifni  a  le 
grand  avantage  de  ne  pas  être  éloignée  de  ce  marché  ;  en 
outre,  des  voies  de  communication  pourraient  la  mettre  en 
rapports  avec  les  riches  campagnes  de  l'oued  Ghas  et  de 
l'oued  Sous  (').  11  y  a  quelques  années  l'Allemagne  a 
vainement  tenté  d'acheter  Ifni  à  l'Espagne.  M.  Victor  CoUin, 
dans  son  livre  «  Le  Maroc  et  les  Intérêts  belges  »  proposait 
récemment  l'achat  de  ce  port  par  la  Belgique  qui  posséderait 
ainsi  une  garantie  de  participation  éventuelle  à  la  solution  de 
la  question  marocaine  <-'.  Ces  différentes  tentatives  démontrent 
l'importance  de  ce  point. 

Cette  partie  de  la  côte  est  caractérisée  par  de  hautes  falaises. 
A  quelque  distance  au  Sud-Ouest  d'Ifni  s'ouvre  la  baie 
d'Arksis,  facilement  accessible,  profonde  et  bien  protégée. 
M.  Budgett  Meakin  estime  qu'au  cas  où  le  gouvernement 
marocain  se  déciderait  à  ouvrir  un  port  au  Sud  de  l'ouad 
Sous,  Arksis  serait  l'endroit  le  plus  favorable  (').  D'ailleurs, 
sur  ce  point  également,  les  tentatives  européennes  n'ont  pas 
manqué,  mais  n'ont  pas  été  plus  heureuses  que  sur  les  autres 


(1)  Reclus.  A  frique  Septentrionale .  2'  partie  p.  753. 

(2)  V.  CoUin  Le  Maroc  et  les  Intérêts  belges,  p.  17a. 

(3)  Budgett  Meakin  T/>e  Land  ofthe  Moo'rs,  p.  388-390. 


LKS  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    485 

points,  notamment  celle  du  capititine  écossais  Giass  en  1760, 
et  le  projet  d'établissement  d'une  station  française  en  1859, 
qui  fut  abandonné  sur  les  réclamations  du  Sultan.  Un  vaisseau 
anglais  le  Scorpion,  envoyé  pour  négocier  avec  les  cheikhs  de 
la  région,  ne  put  communiquer  avec  la  côte  à  cause  du 
mauvais  temps.  Un  projet  fut  élaboré  en  1851  par  le  capitaine 
anglais  .SIeigh  pour  la  mise  en  valeur  de  la  région  en  prenant 
Arksis  pour  base.  C'est  là  qu'en  1883  le  vaisseau  Garrawalt 
de  la  Sui  and  Norlh  Wesl  African  Trading  Company  tenta 
vainement  sous  la  direction  de  M.M.  Andrews  et  Gurtis, 
d'établir  des  relations  commerciales,  tentative  qui  fut  renou- 
velée en  1898,  sans  plus  de  succès  par  la  Tourmaline  du 
Glohe  Ventare  Syndicale,  sous  la  direction  du  Major  Gybbon 
Spilsbury.  Cette  dernière  société  avait  été  fondée  à  Londres  à 
l'instigation  d'un  aventurier  qui  n'avait  pas  réussi  à  le  faire  à 
Paris.  L'expédition  essaya  de  nouei"  des  relations  avec  les  chefs 
des  tribus  du  Sous  dans  le  but  de  soustraire  aux  douanes 
marocaines  l'important  trafic  de  cette  région.  Quelques 
Anglais  qui  avaient  débarqué  furent  capturés  par  les  autorités 
marocaines  et  condamnés  à  plusieurs  mois  d'emprisonnement 
pour  s'être  livrés  à  la  contrebande;  le  major  Spilsbury  fut 
arrêté  en  Angleterre  et  traduit  devant  le  jury  de  Gibraltar  qui 
l'acquitta.  Les  actionnaires  de  la  compagnie  intentèrent  un 
procès  aux  directeurs  :  un  jugement  prononça  la  liquidation 
de  la  compagnie  et  le  président  et  le  conseil  d'administration 
durent  rembourser  le  capital  O. 

Un  cheikh  de  l'ouad  Noun  ayant  menacé  en  1882  d'ouvrir 
directement  des  l'elations  avec  l'étranger  à  cause  de  la  famine, 
le  Sultan  Moulaye-el-Hasan  promit  d'ouvrir  le  port  d'Assaka, 
à  l'eodjouchure  de  l'ouad  Nonn.  A  partir  du  15  septembre 
1882,  Agadir  et  Assaka  furent  ouverts  pour  6  mois  à 
l'importation  de  denrées  alimentaires  sur  lesquelles  on 
percevait  le  droit  de  10  °/o  ad  valorem  ;  mais  le  délai  expiré, 
l'autorisation  fut  retirée.  En  1886  on  prétendait  que  le  Sultan 
avait  promis  à  l'ambassadeur  allemand  de  rouvrir  Assaka; 
mais  depuis  cette  époque  il  n'a  plus  été  question  de  ce  projet. 
A  la  fin  du  XVIII''  siècle  beaucoup  de  négociants  étrangers 
établis  à  Mogador  avaient  manifesté  l'intention  de  s'établir  à 


(1)  Hudgelt  MeakiQ.   The  Land  ofthe  Moors  p.  389-391.  Cf.  V.  Gollla. 
Le  Maroc  et  les  Intérêts  belges  p.  I  11  et  112. 


486    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

Assaka;  et  Jackson  prétait  à  Napoléon  en  1809  le  projet  de 
fonder  dans  ces  parages  un  important  établissement  dans  le 
but  de  créer  des  relations  commerciales  directes  avec  Tom- 
bouctou  et  le  Soudan  <■'. 

La  rade  d'Assaka  est  bien  inférieure  à  celle  d'Arksis  ; 
l'importance  de  sa  situation  dérive  de  sa  proximité  des 
marchés  de  l'ouad  Xoun,  notamment  d'Ogoulmin.  Les  plaines 
de  l'ouad  Noun,  se  prêtent  à  la  culture  des  céréales  ;  la  vallée 
renferme  des  forêts  d'arganiers,  de  palmiers,  d'oliviers, 
d'amandiers,  etc.  <■'. 

L'ouad  Dra  dont  le  cours  inférieur  a  souvent  été  considéré 
comme  formant  la  limite  méridionale^du  Maroc,  est  le  fleuve 
le  plus  long  de  ce  pays,  mais  n'a  un  débit  assez  abondant  que 
dans  sa  vallée  supérieure,  montagneuse  et  fertile  ;  depuis  sa 
sortie  des  montagnes  jusqu'à  la  mer,  il  est  presque  toujours  à 
sec  et  son  courant  atteint  rarement  l'Atlantique.  Cette  région  a 
été  visitée  par  Rohlfs,  Lenz,  de  Foucauli  Les  principales 
oasis  de  la  vallée  sont  Tarnala,  Kitaoua,  Tamagrourt, 
Mimcina,  TissinI,  Tatta,  Akka.  Au-delà  de  Mimcina,  le  lleuve 
forme  un  lac,  Debiaia,  dont  l'emplacement  en  été  est 
partiellement  cultivé.  Le  lit  du  Dra  est  salin  en  plusieurs 
endroits  <3).  Il  est  en  partie  couvert  de  cultures.  Les 
palmeraies  produisent  les  meilleures 'dattes  de  tout  le  Maroc 
occidental,  rivalisant  avec  celles  du  Tafilelt,  et  en  si  grande 
quantité  que,  lors  du  voyage  de  Rohlfs,  une  charge  de  150  kg. 
se  vendait  pour  moins  de  deux  francs  *').  On  trouve  dans  ces 
régions  des  champs  de  céréales  et  de  pâturages  où  paissent  de 
nombreux  troupeaux  de  moutons,  des  chevaux  et  des 
chameaux  (■■'). 


(1;  Budgelt  Meakia  The  Land.of  the  Moors,  p.  331. 

(?)  id.  id.  p.  392  et  393. 

(3)  id.  id.  p.  398. 

(4)  Reclus  Afrique  Septentrionale,  2'  partie,  p.  755. 

(5)  X.  Coppolani.   L'organisation   des   régions  saliariennei.    Reçue 
franco-musulmane  et  saharienne  juillet-août  I9J2. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    487 

§  XIV.         SAGIAT-EL-IIAIMRA.         LE  CAP  JUBY.  — 

I.E  RIO  l>E  OUO.        LA1>UAR.  -  LA  MAURÉ- 

TANIE  SAHARIENNE 

Le  coinnierce  entre  le  Maroc,  le  SaUaru  et  le  Souilan 

L'étude  économique  des  régions  limitrophes  du  Sud  du 
Maroc  nous  amène  à  nous  occuper  des  nombreuses  tentatives 
européennes  dont  elles  ont  été  l'objet,  ainsi  que  des  rivalités 
internationales  existant  à  la  frontière  méridionale  de  ce  pays. 
Cette  question  sort  un  peu,  il  est  vrai,  du  cadre  d'un  ouvrage 
purement  économique  ;  mais  étant  donné  qu'elle  ofTre  un 
grand  intérêt  d'actuatité  et  qu'elle  est  généralement  peu 
connue,  nous  croyons  devoir  en  faire  l'exposé,  d'autant  plus 
qu'elle  met  en  jeu  des  intérêts  économiques  aussi  bien-  que 
politiques. 

Entre  l'emboucbuie  de  l'ouad  Dra  et  le  Sénégal  s'étend  la 
côte  saharienne,  occupée  pai'  la  France  au  Sud  du  cap  Blanc, 
par  l'Espagne  du  cap  Blanc  au  cap  Bojador,  tandis  que  la 
question  de  la  souveraineté  sur  la  partie  comprise  entre  le  cap 
Bojador  et  le  cap  Noun,  en  face  des  îles  Canaries,  est  actuel- 
lement litigieuse.  Toute  question  de  rivalité  internationale 
mise  à  part,  on  considère  comme  faisant  partie  du  Maroc  la 
région  de  Sagiat-el-Hamra  et  Tekna,  pays  de  cultures  situé 
au  Sud  de  l'ouad  Dra.  Le  fleuve  Sagiat-el-Hamra  qui  se  jette 
dans  l'Atlantique  au  Sud  du  cap  Juby  arrose  cette  région  et  y 
répand  la  fertilité  par  ses  inondations  périodiques  et  l'eau 
courante  de  ses  aflluenls.  On  y  a  relevé  des  mines  de  plomb 
et  de  cuivre  ainsi  que  des  dépôts  de  nifraïevO.  Dans  le  pays 
de  Tadkajiint  se  trouve  Tindouf,  à  une  assez  grande  distance 
de  la  côte  :  là,  convergent  les  routes  de  caravanes  d'Ogoulmin, 
d'Akka,  du  Tafilelt,  du  Touat,  de  Tonibouctou.  Le  fleuve 
Sagiat-el-Hamra  qui  constituerait,  au  dire  de  certains,  la 
frontière  méridionale  du  Maroc,  limite  d'autre  part  au  Nord 
les  territoires  parcourus  par  les  Maures  nomades. 

Le  littoral  qui  borde  cette  région  s'étend  sur  une  longueur  de 
500  kilom.  environ  entre  l'ouad  Dra  et  le  cap  Bojador.  La  partie 
comprise  entre  l'embouchure  du  Dra  et  le  cap  Juby  a  été  le 
théâtre  d'un  certain  nombre  de  tentatives  européennes.  A  Quina 
notamment  un  anglais,  James  Butler,  essaya  de  s'établir  en 


(l)  X.  Coppolani,  article  irécilé. 


488    LES  INTERETS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

1866  pour  faire  du  commerce  ;  il  fut  détenu  en  esclavage  pendant 
plusieurs  années,  puis  remis  en  liberté  pour  27.000  douros. 
Les  Espagnols  effectuèrent  un  débarquement  au  même  endroit 
en  1886.  Entre  le  Dra  et  le  Sagiat-el-Hamra  se  jette  le  petit 
fleuve  Thibika  qui  fut  visité  en  mars  1886  par  le  navire 
allemand,  Gottorp,  conduisant  une  expédition  commerciale 
allemande  commandée  par  le  Dr  Jannasch  :  les  membres  de 
cette  expédition  serendirentpar  voie  de  terre  delà  à  Agoulmin, 
à  Tiznit  et  au  Soîi?.  Avant  d'arriver  au  cap  Jiiby  se  trouve  une 
assez  grande  lagune  appelée  par  les  Espagnols  Puerto 
Cansado'^>,  communiquant  avec  la  mer,  mais  trop  peu  profonde 
pour  former  un  port. 

Ce  littoral  a  été  attribué  à  l'Espagne  par  un  certain  nombre  de 
géographes,  bien  que  ce  pays  n'y  ait  jamais  fait  acte  de  souve- 
raineté comme  il  Ta  fait  sur  la  partie  de  la  côte  comprise  entre  le 
cap  Bojador  et  le  cap  Blanc  en  1884.  Cependant  le  parti  africain 
d'Espagne  a  revendiqué  un  moment,  comme  «  héritage  inalié- 
nable de  la  nation  »  la  partie  de  la  côte  situé.e  en  face  des  îles 
Canaries.  Cette  prétention  a  été  définie  par  B.  Reparaz(-)  qui 
considérait  la  côte  saharienne  comme  une  possession  très 
enviable  à  cause  de  l'abondance  de  ses  pêcheries  et  surtout  à 
cause  de  la  richesse  de  l'arrière-pays  et  de  son  importance  au 
point  de  vue  des  relations  commerciales  entre  le  Maroc  et  le 
Soudan,  enfin  à  cause  de  sa  valeur  stratégique  «  La  nation, 
«  écrivait-il,  qui  occupera  le  Sahara  occidental,  surtout  si  cette 
«  nation  est  l'Angleterre,  menacera  les  îles  Can:iries,  et 
«  exercera  sur  le  Maroc  une  influence  sans  limites,  dont  la 
«  conséquence  pourra  être  l'annexion  du  Sud  de  ce  pays,  si  ce 
«  n'est  de  l'empire  tout  entier  ». 

Cette  crainte  d'une  occupation  anglaise  était,  à  cette  époque, 
légitimée  dans  une  certaine  mesure.  A  l'instigation  d'un 
écossais,  nommé  Mac  Kenzic,  une  puissante  maison  de 
Manchester  avait  fondé  en  1879  dans  une  île  située  en  face  du 
cap  Jttby  et  du  pays  de  Tar/ata  une  factorerie  à  laquelle  on 
donna  le  nom  de  «  Port  Victoria  »,  dans  le  but  avoué  de  faire 
du  commerce  avec  les  tribus  maures  du  voisinage.  En  réalité 
les  fondateurs  qui  s'étaient  constitués  sous  le  nom  de  North 
West  Africa  Trading  Company  et  avaient  dépensé  t  130.000, 


(l)  Bugett  Meakin.  The  Land  of  the  Moors,  p.  394. 
Ci)  B.  Reparaz,  EspatXa  en  Africa.  Madrid  1891. 


LES  INTERETS  ECONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    489 

avaient  conclu  avec  les  chefs  des  tribus  des  traités  leur 
assurant  des  droils  de  souveraineté  exclusifs  sur  toute  la  côte 
située  entre  l'ouad  Dra  et  le  cap  Rojador  et  sur  tout  l'arriére- 
pays  ;  et  une  intervention  de  l'Anglelerre  se  serait  produite  au 
cas  où  l'Espagne  aurait  contesté  ses  droits.  Pendant  les 
premières  années,  la  compagnie  réalisa  de  gros  bénéfices.  On 
s'efforçait  de  détourner  de  Mogador  les  caravanes  du  Soudan 
et  on  ne  projetait  rien  moins  que  la  construction  d'un  chemin 
de  fer  de  pém'tration  vers  Tombouctou  !  Mais  pendant  ce 
temps  la  France  consolidait  sa  domination  dans  la  vallée  du 
Niger.  Puis  le  Sultan  du  Maroc,  malgré  l'état  précaire  de  son 
autorité  dans  ces  régions,  s'inquiéta  de  cette  tentative  étran- 
gère, craignant  d'en  voir  se  reproduire  de  semblables  sur 
d'autres  points.  Sur  ces  entrefaites  un  certain  nombre  de 
colons  furent  massacrés  par  des  indigènes  de  la  région.  Puis, 
la  compagnie  fit  de  mauvaises  affaires,  et  lorsque  le  fondateur 
de  la  colonie  mourut,  ses  héritiers  offrirent  au  Sultan  du 
Maroc  de  lui  vendre  l'établissement.  Le  contrat  de  vente  fut 
négocié  par  le  ministre  d'Angleterre,  Satow,  et  conclu  avec  le 
vizir  du  Sultan,  le  113  mars  1895,  après  que  la  demande  primitive 
de  2  100.000  eut  été  réduite  de  moitié.  On  voit  ainsi  un  Etat 
succéder  aux  droits  d'une  compagnie  privée,  et  la  convention 
quoique  simple  contrat  de  vente  renferme  des  dispositions 
d'une  portée  considérable.  La  clause  I.  dit  en  efïet  :  «  Le 
«  gouvernement  marocain  ayant  acquis  les  bâtiments,  etc. . . 
«  de  la  société  sus  nommée,  nul  ne  pourra  élever  une  préten- 
«  tion  quelconque  sur  le  territoire  situé  entre  l'ouad  Dra  et 
«  le  cap  Bojador,  appelé  Tarfaïa,  ni  sur  l'arrière-pays,  car 
«  toute  cette  région  fait  partie  du  territoire  marocain  ».  Et  la 
clause  IL  :  «  Il  est  entendu  que  le  gouvernement  marocain 
«  s'engage  envers  le  gouvernement  anglais  à  ne  céder  à 
c(  personne  aucune  partie  des  territoires  en  question  sans 
u  l'assentiment  du  gouvernement  anglais*"  ».  L'Angleterre 
aurait  pu  se  rendre  maîtresse,  en  rachetant  les  établissements 
de  la  Compagnie,  d'un  territoire  de  60.000  milles  carrés,  dont 
la  possession  aurait  eu  pour  elle  l'avantage  inappréciable  de 
la  rendre  voisine  du  Maroc.  Mais   elle   semble  avoir  voulu 


(1)  Nous  extrayons  ces  renseignements  d'une  très  intéressaute  corres- 
pondaaceadresséa  de  Londres  à  la  New  Freie  Presse  de  Vienne,  du  20 
juillet  19U2,  Cf.  Budgelt  Meakin  The  Moorish  Empire,  p  412,  et  The 
Land  of  tlie  Moors,  p.  377  et  395. 


490    LES  fNTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

établir  qu'elle  ne  recherche  en  principe  aucune  acquisition 
territoriale  au  Mai'oc  :  toutefois  elle  a  voulu  se  prémunir,  au 
moyen  des  clauses  précitées,  contre  l'occupation  éventuelle  du 
territoire  en  question  par  une  autre  puissance.  Aussi  ce  traité 
qui  donne  à  l'Angleterre,  d'une  manière  indirecte,  des  avan- 
tages égaux  à  ceux  d'une  occupation  etîectivc,  peut  .il  être 
considéré  comme  un  chef-d'œuvre.  Il  est  dirigé,  non  pas  contre 
l'Espagne  qui  semble  avoir  définitivement  renoncé  à  toute 
prétention  territoriale  sur  cette  partie  de  la  côte,  uiais,  comme 
nous  allons  le  montrer  contre  la  France. 

Au  Sud  de  Sagiat-el-Haiiira  s'étend  une  zone  de  dépressions 
sablonneuses  où  l'on  observe  des  lagunes  (sebliha)  couvertes 
de  banrs  de  sel  ci'istallisé.  La  plus  importante,  la  lagune 
d'idjil  ayant  de  25  à  30  kilomètres  de  longueur  sur  12  à  15  de 
largeur,  ne  comprend  pas  moins  de  quatre  couches  d'une 
épaisseur  moyenne  de  15  centimètres,  séparées  par  des 
couches  d'argile.  Les  bancs  de  sel  exploités  depuis  un  temps 
immémorial  par  les  Maures,  se  reforment  grâce  aux  pluies  qui 
apportent  du  sel  des  terrains  environnants.  La  sebkha  d'Idjil 
forme  ainsi  une  mine  inépuisable  qui,  indépendamment  des 
pays  maures,  fournit  en  grande  partie  le  sel  à  tout  le  Soudan 
occidental.  La  région  des  sebkhas  contiendrait  en  outre  des 
dépôts  de  7\itrales  dont  l'emplacement  n'a  pas  été  nettement 
défini  :  ils  seraient  situés  à  peu  près  à  la  latitude  où  se 
trouvent,  dans  l'hémisphère  Sud,  les  grands  gisements  de 
nitrate  de  soude  du  désert  d'Atacama,  au  Chili  :  l'aspect  des 
deux  régions  est  identique;  les  conditions  climatériques  sont 
les  mêmes,  et  les  éléments  salins  qui  constituent  les  gisements 
n'ofTrent  pas  de  différence  notable.  En  1894  le  consul  français 
aux  îles  Canaries  signalait  le  départ  de  Las  Palmas  d'une 
mission  anglaise  composée  d'ingénieurs  spécialistes  qui  devait 
se  rendre  dans  la  région  de  Sagiat-el-Hamra  pour  étudier  le 
trace  d'un  chemin  de  fer  du  cap  de  Juby  à  Tombouctou  «  et 
«  reconnaître,  notamment,  l'existence  d'une  mine  de  nitrate 
«  découverte  la  môme  année.  »  O  A  l'Ouest  de  la  région  des 
sebkha,  dans  la  direction  de  l'Atlantique,  s'étend  le  plateau  du 
Tiris    dont   les    pâturages   sont   estimés    et   nourrissent   de 


(1)  Ces  renseignements,  ainsi  que  la  plupart  des  données  géogra- 
phiques relatives  ;i  la  région  saharienne,  sont  extraits  d'un  article  de 
M.  X.  Coppolani  :  L'orçjanisation  des  régions  sahariennes.  Reçue 
franco-musulmane  et  saharienne,  juillet-août  1902. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    491 

nombreux  moutons  réputés  pour  leurs  riches  toisons  et  la 
bonne  qualité  de  leur  viande.  Au  Sud  de  la  région  des  sebkha 
s'étend  la  région  des  oasis  occupée  en  grande  partie  par 
VAdrar  occidental  et  renfermant  une  série  de  vallées  où  l'on 
rencontre  les  oasis  de  Nenna,  Oualata,  Tichitt,  Oiiadan, 
Chinqiieli,  Alar,  Oiidjeft,  etc.  qui  abritent  une  population 
sédentaire  de  près  de  30.000  âmes  se  livrant  au  négoce, 
cultivant  des  cliamps  de  céréales,  entretenant  des  palmeraies 
d'un  proiiuit  comparable,  sinon  siqjérieur  à  celui  des  oasis  de 
l'Extrême  Sud  Algérien  ;  malheureusement  leurs  récoltes  sont 
exposées  aux  déprédations  dos  nomades,  ce  qui  les  empêche 
de  donner  du  développement  à  leurs  cultures.  D'api'ès 
certains  rapports  de  voyageurs  anglais,  on  trouve  dans  le  Sud 
de  r.'\drar  des  forêts  de  caoutchouc  et  de  palm  icrs,  de  la  vigne  et 
des  claltcs  de  qualité  supérieure  ;  et,  en  dehors  decérêales  de  toutes 
sortes,  une  terre  végétale  riche  et  profonde  permet  d'y  cultiver 
le  thé,  le  café,  le  tabac.  L'eau  courante  n'abonde  que  dans  les 
années  pluvieuses  ;  maison  trouve  de  l'eau  à  quelques  pieds 
au-dessous  de  la  surface.  On  rencontre  dans  ce  pays  des 
gisements  de  fer,  de  manganèse,  de  cuivre,  de  nitrates,  de  sel, 
des  carrières  de  granit  et  de  marbre.  On  assure  que  les 
indigènes  seraient  disposés  à  échanger  des  marchandises 
européennes  contre  de  Yor,  de  Vargcnt,  de  Vaniimoine,  de 
Vivoirc,  des  poils  de  chameaux,  des  peaux,  de  la  laine,  des 
plumes  d'autruche  et  des  pierres  précieuses.  Le  climat  y  est 
très  sain  et  tempéré.  A  l'Est  de  l'Adrar  s'étendent  les  régions 
sablonneuses  de  El  Djouf,  de  Tanezrouft,  d'Az-ouad,  traver- 
sées par  la  route  de  caravanes  qui,  partant  de  Tombouctou, 
passe  par  les  importants  marchés  d'Araouan  et  Taoudeni  et 
se  dirige  vers  le  Maroc  méridional.  A  Taoudeni  se  trouvent 
de  riches  carrières  de  sel  gemme.  L'Adrar  est  bordé  au  Sud 
par  les  pays  de  Hodh,  de  Taganl  et  d'Agan  dont  les  habitants 
s'adonnent  surtout  à  Yelevage.  Ils  s'étendent  jusqu'à  la  côte  de 
l'Atlantique. 

L'immense  région  que  nous  venons  de  décrire,  connue  sous 
le  nom  de  Maurétanie  saharienne,  se  trouve  aujourd'hui 
presque  entièrement  dans  la  zone  d'influence  française  à  la 
suite  du  récent  accord  franco  espagnol  qui  a  eu  pour  objet  la 
délimitation  des  sphères  d'intluence  de  la  France  et  de 
l'Espagne  dans  le  Sahara  occidental  C'est  en  1884  que 
l'Espagne   établit  son   protectorat  sur  la  partie  du    littoral 


492    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

comprise  entre  la  haie  de  l'Ouest,  près  du  cap  Blanc,  et  le  cap 
Bojador,  et  sur  Farrière-pays  ;  un  représentant  de  la  Société 
Coloniale  Espagnole  conclut  avec  les  indigènes  des  traités  les 
mettant  sous  la  protection  de  l'Espagne.  Le  12  juillet  1886  une 
expédilion  envoyée  par  la  Société  Espagnole  de  Géographie 
Commerciale,  munie  de  pleins  pouvoirs  du  Gouvernement 
espagnol,  obtint  par  des  actes  solennels  et  écrits  la  recon- 
naissance de  ce  protectorat  de  la  part  des  cheiksde  l'intérieur, 
et  surtout  du  cheikli  de  VAdrar-Tmar.  Cette  expédition  mit 
ainsi  sous  le  protectorat  de  l'Espagne  un  territoire  de 
300.000  milles  carrés  comprenant  les  territoires  de  Rio  de  Oro, 
Tiris  et  Adrar.  On  adopta  pour  limite  méridionale  de  cette 
colonie  une  ligne  idéale  se  dirigeant  directement  vers 
Tombouctou  :  certains  prétendent  que  cet  immense  arrière- 
pays  qui  comprenait  le  fertile  pays  de  l'Adrar  en  entier, 
s'étendait  jusqu'au  7=  degré  de  latitude  Ouest  de  Greenwich. 
Mais  l'expansion  française  en  Afrique  occidentale,  dans  la 
direction  du  Nord-Ouest,  faisait  des  progrès  considérables,  et 
en  1892  les  Français  signèrent  à  leur  tour  un  traité  de 
protectorat  avec  le  Sultan  de  l'Adrar,  et  émirent  des 
prétentions  sur  les  salines  d'Idjil  que  les  Espagnols  avaient 
acquises  le  12  juillet  188t).  Des  négociations  furent  entamées 
en  vue  de  la  délimitation  des  zones  d'influence  des  deux  pays. 
Il  s'agissait  par  la  même  occasion  de  régler  la  question  de  la 
souveraineté  sur  le  territoire  du  Rio-Mouni,  situé  sur  le  golfe 
de  Guinée  au  Nord  du  Gabon  et  revendiqué  à  la  fois  par  la 
France  et  par  l'Espagne. 

Les  négociations  aboutirent  à  la  convention  signée  le 
27  juin  1900  entre  M.  Delcassé  et  M.  Léon  y  Castillo,  ambassa- 
deur d'Espagne  à  Paris  :  cette  convention,  en  échange  des 
concessions  faites  par  la  France  en  ce  qui  concerne  le  territoire 
du  Rio-Mouni,  consacre  la  totalité  des  prétentions  françaises 
dans  l'Afrique  du  Nord  Ouest.  La  délimitation  franco  espagnole 
dans  cette  partie  de  l'Afrique  part  de  l'extrémité  du  cap  Rlanc 
qu'elle  divise  en  deux  parties,  de  façon  à  laisser  à  la  France 
toute  la  baie  du  Lévrier  :  elle  remonte  ensuite  vers  le  Nord 
jusqu'au  parallèle  21°20  de  latitude  Nord  qu'elle  suit  jusqu'au 
IS»  de  longitude  Ouest  de  Greenwich  (15020'  Ouest  de  Paris)  ; 
à  partir  de  ce  point  la  frontière  incline  vers  le  Nord-Ouest, 
laissant  le  Tiris  à  l'Espagne  et  l'Adrar  à  la  France,  décrit  un 
arc  de  cercle  autour    des   salines  d'Idjil   de   manière  à  les 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONO^nQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    493 

laisser  à  la  France,  puis,  pi-enant  la  direction  du  Nor(i-Est, 
rejoint  le  12»  de  longitude  Ouest  do  Greenwich  (14°20'  Ouest 
de  Paris)  à  son  intersection  avec  le  tropique  du  Caucer,  et  le 
suit,  dans  la  direction  du  Nord  jusqu'à  la  hauteur  du  cap 
Bojador  :  à  cet  endroit  s'arrête  la  délimitation  franco  espagnole. 

La  Société  Coloniah  Espagnole  (Société  Hhpano-Airicahie) 
est  actuellement  propriétaire,  sous  la  souveraineté  espagnole, 
des  territoires  composant  la  colonie  de  Rio  de  Oro,  en  vertu 
d'un  décret  royal  du  16  juin  188G.  Le  siège  du  gouvernement 
est  le  petit  port  de  ViUa-ChneroA  oii  se  trouvent  une  fa<'torerie 
et  une  petite  garnison.  La  Société  Coloniale  Austro-Hongroise 
a,  au  cours  de  ces  dernières  années,  tourné  ses  regards  vers  la 
colonie  de  Rio  de  Oro,  et  sollicite  l'autorisation  d'y  envoyer 
des  missions  d'exploration  et  d'y  acquérir  des  territoires.  Les 
Autrichiens  se  proposaient  notamœ.ent  de  coloniser  le  sultanat 
d'.\drar  et  de  détourner  vers  Rio  de  Oro  le  trafic  de  caravanes 
existant  entre  Tombouctou  et  le  Sud  du  Maroc.  Mais  un  te^' 
projet  est  devenu  d'une  réalisation  difficile  depuis  que  l'Adrar 
est  définitivement  rentré  dans  la  sphère  française  et  fait  partie 
de  la  0  Maurétanie  Saharienne  »,  c'est-à-dire  de  l'immense 
région  comprenant  les  pays  décrits  plus  haut  et  «'étendant  du 
Sénégal  et  du  Soudan  au  Maroc  et  à  l'Algérie.  D'autre  part 
l'art.  7  de  la  récente  convention  franco-espagnole  confère  à  la 
France  un  droit  de  préemption  sur  toutes  les  possessions 
espagnoles  de  la  côte  occidentale  d'Afrique.  L'exercice  éventuel 
de  ce  droit  de  préemption  en  ce  qui  concerne  la  colonie  du 
Rio  de  Oro  ferait  de  la  France  la  voisine  du  Maroc  sur  la 
frontière  Sud  de  ce  pays,  cette  frontière  ayant  été  reportée  en 
réalite  jusqu'au  cap  Bojador  par  l'effet  de  la  convention  anglo- 
marocaine  dont  nous  avons  parlé. 

Mais  même  sans  exercer  ce  droit  de  préemption,  pourrions- 
nous  néanmoins  devenir  les  voisins  du  Maroc  par  le 
Sud  ?  Les  progrès  de  l'expansion  française  dans  l'Afrique 
du  Nord  Ouest  ont  pour  résultat  l'investissement  de  plus  en 
plus  étroit  de  ce  pays.  En  dehors  de  la  Frontière  algéro- 
marocaine,  le  contact  franco-marocain  tend  à  s'établir 
également  au  Sud  du  Maroc  :  mais  c'est  un  contact  purement 
nominal  à  l'Ouest  de  Figuig.  Il  ne  pourrait  devenir  effectif  et 
avoir  en  conséquence  des  avantages  sérieux  au  point  de  vue 
d'une  action  éventuelle  à  exercer  au  Maroc  que  par  notre 
établissement  sur  un  point  de  la  côte  susceptible  de  servir  de 


494    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMTOUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

base  à  cette  action  ;  ce  point  ne  peut  être  que  le  cap  Juby. 
Notre  occupation  de  l'arrière-pays,  c'est-àdire  du  Sagiat-el- 
Hanira  compléterait  l'investissement  du  Maroc.  La  convention 
franco-espagnole  de  1900  ne  s'y  oppose  point,  cur  la 
délimitation  s'arrête  à  la  liauteur  du  cap  Bojador.  Le  seul 
obstacle  à  la  pénétration  française  jusqu'au  cap  Juby  réside 
dans  la  convention  anglo-marocaine  aux  termes  de  laquelle 
le  Gouvernement  marocain,  en  prenant  possession  du 
territoire  du  cap  Juby  s'engage  à  ne  le  céder  à  personne  sans 
le  consentement  de  l'Angleterre.  On  voit  maintenant  que  c'est 
la  France  qui  est  visée  par  cette  convention,  contre  laquelle  a 
vainement  protesté  le  représentant  français  à  la  cour  du 
Sultan.  D'ailleurs  la  reconnaissance  de  la  souveraineté  du 
Sultan  sur  ces  territoires  émane  de  l'Angleterre  seule,  et  la 
France  n'ayant  pas  été  partie  à  cette  convention  ne  se  trouve 
pas  liée  par  elle. 

Mais  l'établissement  du  cap  .luby  n'a  [las  seulement  pour  la 
France  un  intéi'êt  pui-ement  politique.  E-n  elïet  dans  la  région 
de  Sagiat-el-Hamra  aboutissent  plusieurs  routes  de  caravanes 
ayant  leurs  points  de  départ  dans  le  Saliara  et  le  Soudan 
français.  Le  commerce  qui  s'effectue  par  l'intermédiaire  des 
régions  sahariennes  entre  le  Maroc  (ouad  Dra,  TaOlelt)  d'une 
part,  le  Sénégal  et  le  Soudan,  d'autre  part,  n'est  nullement 
négligeable,  quoique  bien  inféiieur  à  ce  qu'il  était  autrefois, 
car  le  commerce  du  Soudan  est  attiré  de  plus  en  plus  vers  la 
côte  de  l'Afrique  occidentale,  et  une- des  conséquences  de 
l'extension  de  la  domination  trançaise  dans  l'Afrique  du 
Nord-Ouest  a  été  de  réduire  considérablement  le  trafic  des 
esclaves.  Les  marchandises  de  provenance  européenne  (telles 
que  colonnades,  bwcres,  thés,  bougies,  cuirs,  soieries,  lainages, 
etc.)  sont  importées  par  Mogador  au  Soudan  pour  une  valeur 
approximative  de  plus  de  5  millions  de  francs  par  an  ;  les 
produits  marocains  importés  (Jaines  brutes,  burnous,  Itaiks, 
couvertures,  sandales,  tapis,  ambres  du  Tafilelt,  huile  d'olive, 
ustensiles  de  cuisine  de  Taroudant,  etc.)  se  chiffrent  par 
300.000  francs  environ.  Les  envois  des  régions  sahariennes  et 
soudanaises  au  Maroc  (gommes,  cire,  laines  brutes  et  (issus  de 
laine,  cJiameaux,  poils  de  chameaux,  idéaux,  pluma 
d'autruche,  poudre  d'or,  ivoire,  sel,  dattes,  etc.j  atteignent  de 
1.500.000  francs  à  3.000.000  de  francs  environ.  Si  l'on  ajoute  à 
cela  le  trafic  qui  s'effectue  entre  les  régions  sahariennes  d'une 


LES  INTÉUÈTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    495 

part,  et  le  Sénégal-Soudan  d'autre  part,  d'une  valeur  approxi- 
mative de  12  à  13  millions  de  francs,  on  obtient  un  mouvement 
conunercial  total  de  plus  de  20  millions  de  francs!).  Bien  que 
ce  trafic  ait  lieu  dans  des  régions  d'inHuence  Irançaise,  les 
produits  labriqués  venant  du  Nord,  sauf  le  sucre,  sont 
expédiés  presque  exclusivement  par  l'Angleterre,  et  l'Alle- 
magne a  pris  une  place  prépcndérante  dans  l'importation  des 
laines  brutes.  D'autre  part  les  marchés  étrangers  du  Tafileit, 
du  Sous,  du  Dra  et  de  Mogador  bénéficient  d'une  grande 
partie  du  trafic  provenant  ou  à  destination  du  territoire 
français.  Les  grandes  caravanes  qui  font  le  voyage  entre 
Tombouctou  et  le  Maroc  du  Sud  li'ansportent  encore 
actuellement  de  grandes  quantités  de  marchandises  :  M.  Zerbib, 
de  Mogador,  dans  un  compte-rendu  publié  par  le  «  Anti- 
Slavery  Report  »  de  ma;i  18S7  évalue  à  3  millions  de  francs  la 
valeur  des  marchandises  apportées  par  une  grande  caravane 
arrivée  à  Marrakech  au  mois  de  février  de  la  même  année  (2). 
Les  caravanes  qui  traversent  le  désert  ont  à  emporter 
d'énormes  provisions  d'eau  pour  se  prémunir  contre  la  soif, 
et  elles  doivent  s'armer  et  se  grouper  pour  se  défendre  contre 
les  bandes  pillardes.  Généralement  elles  paient  un  droit  de 
passage  à  certaines  tribus  dont  elles  ont  à  traverser  le 
terriloire,  moyennant  quoi  celles-ci  s'engageât  à  les  conduire 
.saines  et  sauves  jusqu'au  territoire  voisin.  Cette  pratique 
accroît  encore  les  frais  de  transport,  déjà  considérables. 
D'après  Jackson,  la  durée  du  voyage  de  Fez  à  Tombouctou 
serait  de  130  jours  en  comprenant  les  arrêts  :  mais  le  voyage 
a  été  accompli  parfois  en  82  jours  f'^'.  La  grande  route  de 
caravanes  partant  de  Tombouctou  et  passant  par  Araouan  et 
Taoudeni,  bifurque  ensuite  dans  deux  directions  diiïérentes, 
l'une  vers  le  Tafileit  par  El  Harib,  l'autre  vers  le  Sous  et 
Mogador,  ou  Marrakech,  par  Tindouf.  Cette  derqière  localité 
est  proche  de  la  région  de  Sagiat-el-Hamra,  laquelle 
communique  par  différentes  routes  de  caravanes  avec  Igli  par 
l'ouad  Dra,  avec  l'Adrar  occidental,  et  avec  le  Sénégal.  Son 
import  mce  est  donc  considérable  au  point  de  vue  du 
commerce  avec  toute  l'Afrique  française  du  Nord-Ouest,  et  la 


({)  Relations  commerciales  entre  le  Maroc-Algérie  et  le  Sénégal- 
Soudan,  Revue  franco-musulmane  et  saharienne,  juillet-août  19U2. 
(2)  Biidgelt  Meakia  T/ie  Moors,  p.   I7«. 
(3J  iJ.  id,  p.   181. 


496    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

station  du  cap  Juby,  débouché  de  la  région,  est  admira- 
blement placée  pour  attirer  ce  commerce.  Aux  termes  de  la 
convention  anglo-marocaine  dont  nous  avons  parlé,  le  Sultan 
devait  ouvrir  ce  port  au  commerce  étranger  et  y  établir  des 
douanes  ;  en  outre,  des  terrains  devaient  être  loués  pour 
vingt  années  aux  négociants  désireux  d'y  faire  du  commerce  ''^ 
Non  seulement  le  gouvernement  marocain  n'a  pas  exécuté 
cette  partie  de  la  convocation,  mais  il  a  envoyé  au  cap  Juby 
un  agent  chargé  d'y  rendre  tout  commerce  impossible,  fût-ce 
même  en  employant  la  force  l^).  Aussi  les  caravanes  ont-elles 
déserté  ce  point.  Il  serait  très  désirable,  tant  au  point  de  vue 
politique  que  dans  l'intérêt  de  son  commerce  avec  ses 
possessions  du  Sahara  et  du  Soudan,  que  la  France  reprit  la 
tentative  abandonnée  par  les  Anglais,  en  s'établissant  au  cap 
Juby  (■')  :  il  serait  dès  lors  facile  de  détourner  vers  ce  point  le 
trafic  de -Caravanes  parlant  de  Tombouctou  et  passant  par 
Taoudeni  et  Tindouf.  Quant  à  la  difficulté  résultant  de  la 
convention  anglo-marocaine  relative  au  cap  Juby,  nous 
souhaitons  qu'elle  soit  tranchée  lors  du  règlement  des 
différends  existant  entre  la  France  et  l'Angleterre. 


§  XV.  —  LE  TAFILELT  (o'itsLV) 

A  l'Est  du  bassin  du  Dra  descendent  du  grand  Atlas  des 
rivières  qui  arrosent  d'étroites  mais  fertiles  vallées  et  vont 
se  perdre  dans  les  sables  du  Sahara  :  ce  sont  l'ouad  Ziz  avec 
ses  affluents  le  Todra  et  le  Reris  ;  l'ouad  Giiir  et  la  Zo,tsfana 
dont  la  réunion  forme  la  Saoura. 

L'oued  Ziz  commence  au  col  de  Teh-emt,  très  fréquenté  par 
les  caravanes  allant  du  Tafilelt  à  Fez.  Toute  la  partie  inférieure 
de  la  rivière  constitue  la  longue  oasis  du  Tafilelt,  la  plus 
importante  du  Sahara  :  d'après  Rohlfs  elle  n'aurait  pas  moins 
de  100.000  habitants  de  population  Beraber,  groupés  en  plus 
de  150  ksour  couvrant  un  millier  de  kilomètres  carrés.  A 
Rissani  réside  le  gouverneur  (parent  du  Sultan)  qui  n'a  qu'une 


(1)  Budget!  Makin  The  Moorsil;  Empire,  p.  413. 
.    (?)  Th.  1-ischer  Reise  iin  Atlas-Vorlande  von  Maroltko,  p.  41. 

(3)  Cette  idée  a  ét«^  également  exprimée  par  M.  Henri  LoriD  dans  un 
article  intitulé  La  Question  du  AÏaroc.  parue  dans  la  Revue  Politique 
et  Parlementaire  Au  lU  juillet  19U1  ;  ellfi  a  été  longuement  développée 
par  M.  Piirrp  Dornier  dau-s  une  étude  intitulée  Du  Soudan  au  Maroc  et 
àl'Algcrie,  publiée  par  [si Reuue de Géograpltie,  d'août  et  septembrd  1901. 


LES  INTÉKÈIS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AL"  .MAROC    497 

autorité  nominale,  le  pouvoir  étant  exercé  par  les  sissemblées 
communales.  Le  ksar  de  Bou-Adam,  au  Sud  de  l'oasis,  est  le 
marché  principal  de  tout  le  Sahara  marocain,  entre  le  Touat 
et  l'ouad  Dra.  Dans  le  Sud  du  Tafdelt,  le  Ziz  se  perd  dans  le 
sable  en  été  ;  mais  au  printemps  l'oasis  se  transforme  parfois 
en  un  lac*''  {Dajit-el-Daura).  Ce  pays  a  été  exploré  par  Caillé, 
Rohlfs,  Delbrel,  Harris. 

Actuellement  le  commerce  du  Tafilelt  se  fait  presque  entière- 
ment par  Fez.  La  route  de  caravanes  entre  le  Tafilelt  et  Fez 
franchit  l'.\tlas  au  col  appelé  Tizi  n'Telremt,  à  une  hauteur 
de  2.162  mètres  et  descend  ensuite  dans  la  vallée  de  la  haute 
Mlouïa,  puis  dans  celle  du  Sebou,  traversant  le  territoire  de  la 
tribu  indépendante  des  Beni-Mguild  qui  exigent  une  contribu- 
tion {zetat)  de  toutes  caravanes.  Le  trajet,  d'une  longueur 
d'environ  275  kilomèts'es,  exige  de  10  à  14  jours.  Une  route  de 
caravanes,  moins  fréquentée  conduit  du  Tafilelt  à  Marrakech. 
Le  Tafilelt  recevait  autrefois  une  grande  quantité  de  marchan- 
dises d'Europe  par  l'Algérie  :  le  commerce  entre  le  Tafilelt  et 
l'Algérie,  aujourd'hui  peu  important  est  appelé,  comme  nous 
le  verrons  plus  loin,  à  prendre  très  prochainement  une  exten- 
tion  considérable.  Le  Tafilelt  est  également  en  relation  avec  le 
Touat  et  le  Soudan. 

Voici,  d'après  le  vice-consul  britannique  à  Fez'-'  l'énu- 
mération  des  principaux  produits  importés  au  Tafilelt  :  des 
cotonnades  d'Angleterre  et  de  l'Inde  française  (Pondichéry) 
ces  dernières  étant  fréquennnent  expédiées  par  Londres  ;  du 
sucre  de  France  et  de  Belgique  ;  du  llié  verl,  des  bougies,  et  un 
peu  de  quincaillerie  d'Angleterre  ;  une  faible  quantité  de  draps 
et  de  verrerie  d'Allemagne,  et  une  quantité  insignifiante  de 
soierie.'!  françaises.  Le  Tafilelt  reçoit  aussi  quelques  produits  de 
l'industrie  de  Fez,  tels  que  des  soieries,  des  vèi.ernents  de  coton, 
des  objets  de  sellerie,  de  la  ferblanterie.  Certains  articles  de 
provenance  étrangère  sont  achetés  au  Tafilelt  et  importés  à 
Tombouctou  par  caravanes. 

Les  principaux  produits  d'exportation  du  Tafilelt  sont  les 
dattes,  les  peaux  de  clièvres,  le  célèbre  cuir  tanné  appelé  djild 
el  filait,  Vambre,  etc.  Le  Tafilelt  reçoit  de  Tombouctou  et  du 
Soudan  des  plumes  d'autruclie,  de  la  poudre  d'or,  des  gommes, 


(IJ  Reclus.  Afrique  Septentrionale,  2'  partie,  p. 
(2)  Foreign  Office.  Annual  Séries,  W  2723. 


498    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

du  sel,  etc.  Le  trafic  des  esclaves  tend  à  se  réduire  de  plus  en 
plus  depuis  l'arrivée  des  Français  à  Igli  et  sur  la  Zousfana. 

Les  cZa»es(i>  sont  le  produit  le  plus  important  du  Talilelt.  Les 
palniiers  y  poussent  en  quantités  innombrables  sur  une  immense 
surface  irriguée  avec  le  plus  grand  soin.  Il  y  a  une  grande 
variété  de  dattes  ;  au  dire  de  certains  indigènes,  il  y  en  aurait 
plus  de  200  espèces  différentes.  Celle  qu'on  exporte  est  connue 
sous  le  nom  de  «  majhol  »  :  le  fruit  est  grand,  très  doux,  d'un 
brun  verdatre  lorsqu'il  est  complètement  miir  et  renferme  un 
assez  gros  noyau.  Chose  étrange,  bien  que  ce  fruit  soit  très 
apprécié  en  Europe,  il  n'est  pas  en  grande  laveur  auprès  des 
indigènes  qui  préfèrent  généralement  les  espèces  moins 
grandes  et  plus  sèches.  Les  espèces  les  plus  petites  sont  extrê- 
mement bon  marché  et  servent  principalement  à  la  nourriture 
des  chevaux  et  du  bétail. 

Les  dattes  pour  l'exportation  sont  expédiées  à  Londres  par 
Fez  et  Tanger.  Du  Tafilelt  à  Fez  elles  sont  transportées  à  dos 
de  mulet.  A  Fez  elles  sont  vendues  aux  enchères  sur  le 
marché.  Les  plus  mûres,  les  plus  petites,  celles  qui  sont  le 
moins  susceptibles  d'être  conservées,  sont  cédées  aux  détail- 
lants pour  la  consommation  locale  et  pour  la  vente  dans  les 
autres  villes  du  pays  ;  les  plus  grandes,  celles  qui  sont 
relativement  sèches  et  en  bon  état  sont  placées  dans  de 
grandes  boîtes  en  bois  (de  45  ou  50  livres  anglaises")  enve- 
loppées de  papier  et  de  toile,  et  sont  expédiées  à  Londres 
dans  ces  conditions.  La  récolte  parvient  à  Fez  entre  le 
15  octobre  et  le  30  décembre  de  chacjue  année  ;  les  premiers 
lots  sont  très  demandés,  car  les  prix  obtenus  à  Londres  sont 
bien  plus  élevés  lorsque  la  livraison  a  lieu  avant  Noël  que 
lorsqu'elle  a  lieu  après  :  ils  varient,  suivant  les  circonstances 
de  110  sh.  (fr.  137,.50)  à  30  sh.  (fr.  37,5U)  par  «  hundredwight  » 
(50  kilog.78). 

Ces  prix  peuvent  paraître  considérables  par  comparaison 
avec  le  prix  d'achat  au  Talilelt,  qui  est  en  moyeirne  de  5  sh.  6 
(6  fr.  85)  par  50  kg  ;  mais  ce  commerce  est  entravé 
actuellement  par  des  frais  de  transport  considérables  et 
charges  de  toutes  sortes,  ainsi  que  le  montre  le  tableau 
suivant,  dressé  par  le  vice-consul  britannique,  doonant  leur 
montant  et  leur  pourcentage  par  rapport  au  prix  d'achat. 


(1)  On  trouvera  dans  le  rapport  précité  d'iûléressaots  renseignements 
sur  la  culture  des  dattes  du  Tafili  It. 


I.KS  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  r>E  LA  KHANC.K  AI     MAROC    499 

Tableau  des  charges  prélevées  sur  un  »  hundredweigt  »  (50    kg  ) 
de  dattes  envoyées  du  Tafilelt  à  Londres 


Crix  d'aiiial  mojeii  iiTafilcIl,  par  iiO  ki|. 

Traiispo"!  à  Fe/  (275  km.)  par 
mules,  dui-ant  de  lU  a  1  i  joui-.s. . 

Zelat 

Taxe   perçue   à   l'iv.,   di^    10  "  „   nd 
valorem  sur  le  prix  d'aeliul  auji' 
iiienté     du     prix     du     transport 
jusc|u'a  Fez  et  du  Zetal 

ïransportde  FezàTanger(270km  ) 

Dioit  d'exportation  a  Tanger  (20 
reale  par  50  kg.) 

Fret,  et  charges,  de  Tanger  a 
Londres  (  lî^OO  milles) 

Total  de  Irais  de  transport  et 
charges  pouc  5  sh.  6  (Fr.  6,85) 
de  prix  d'achat 


.\ln.^•^.^^^  des   iiiAiii;es  Pourceiitago 

— .  par  rapport 
M'.    C.  au 

6  8j  I"''"^    (l'achai 


V\Sll.   I). 
0      5      li 


0      7      (i 

u    a    U 


0     1     7 
0     -1     « 


d    :!    0 

U     5     7 


s:  1   j  8 


9  :c> 

;!  75 


2  Ou 
5  00 


:i  75 
7  00 


30  85 


i;!6  .s:i 
:,4  54 


28  78 

-■1    lO 


101  .51 


-148  h2 


Malgré  ces  charges  e.\trarirdinaire3,  l'exporlation  des  dattes 
.du  Tafilelt  par  Tanger  représente  aiiniieUeiaent  une  valeur 
de  200.000  à  250.0L0  francs. 

L'importation  des  marchandises  européennes  à  destination 
du  Tafilelt  se  l'ait  à  peu  près  dans  les  mêmes  conditions.  A  leur 
arrivée  à  Larache,  les  marchandises  paient  un  droit  d'impor- 
lalioii  de  10  "/o  ad  oalorem.  Le  transport  de  Larache  à  Fez 
1 169  kilomètres)  par  chameau.x  revient  à  4  sh.  (5  francs) 
par  50  kg.  A  Fez  on  prélève  sur  les  marchandises  à  destination 
du  Talileit  et  de  toutes  les  régions  situées  au  Sud  et  au  Sud- 
Est  de  I''e7,  une  taxe  de  5  à  lOo/o  ad  valorem  sur  le  prix  d'achat 
de  la  marchandise  augmenté  des  charges.  Le  transport  de  Fez 
au  Tafilelt  par  mules  (les  seuls  animaux  capables  de  transpor- 
ter des  marchandises  sur  les  275  kilomètres  de  route  difficile  et 
accidentée  qui  séparent  ces  deux  points),  coûte  environ  7  sh.6d. 
(fr.  9,35)  par  50  kg.  A  cela  il  faut  ajouter  le  selal,  la  rançon 
exigée  par  les  tribus  de  l'Atlas,  à  cause  de  l'impuissance  où  se 
trouve  le  gouvernement  marocain  d'assurer  la  sécurité  le  long 
de  la  route.  Le  prix  moyen  du  transport  terrestre  au  Maroc 


36 


500    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMTOUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

représente  environ  21  fois  le  prix  moyen  du  transport  par  mer. 
Les  cotonnades  importées  d'Angleterre  an  Tafilelt  payent, 
avant  de  parvenir  à  destination,  34,7  "/„  de  leur  prix 
d'achat . 

Mais  ces  conditions  si  défavorables  au  commerce  d'impor- 
tation et  d'exportation  du  Tafilelt  sont  à  la  veille  d'être 
modifiées  du  tout  au  tout  par  l'apparition  d'un  facteur  nouveau, 
le  chemin  de  fer  français  du  Sud-Oranais,  qui  s'arrête  actuel- 
lement à  l'entrée  de  l'oasis  du  Figuig.  «  Il  semble  tout 
«  naturel,  dit  à  ce  propos  le  vice  consul  britannique  à  Fez, 
«  qu'à  la  suite  de  l'occupation  d'igli  (qui  est  à  quatre  journées 
o  de  marche  facile  du  Tafilelt,  tandis  que  la  route  du  Tafilelt 
((  à  Fez  exige  10  jours  de  voyage  pénible)  et  dans  l'éventualité 
«  du  prolongement  du  chemin  de  fer  du  Sahara  algérien 
«  jusqu'à  ce  point,  le  commerce  avec  le  Tafilelt  et  la  région 
«  du  Sud  de  l'Atlas  doive  fatalement  être  détourné  du  Maroc, 
((  à  moins  que  le  gouvernement  de  ce  pays  ne  supprime  les 
«  charges  écrasantes  imposées  au  commerce  sur  son  territoira 
(c  et  lui  procure  les  mêmes  facililés  que  les  Français.  En 
((  présence  des  tuifs  élevés  qui  lui  sont  imposés  dans  les  ports 
«  algériens,  d'une  part,  et  de  tous  les  obstacles  auxquels  il  se 
«  heurte  à  l'intérieur  du  Maroc,  d'autre  part,  les  perspectives 
«  du  commerce  britannique,  ou  plus  exactement,  de  n'importe 
«  quel  commerce  en  dehors  du  commerce  français,  avec  ces 
«  régions,  ne  sont  nullement  encourageantes  :  fait  d'autant 
{(  plus  regrettable  que  le  transport  à  bon  marché  par  le  chemin 
«  de  fer  français  permettant  de  vendre  en  Europe  les  produits 
a  du  Tafilelt  à  des  prix  abordable.-,  la  vente  en  sera  accrue,  ce 
«  qui  enrichira  les  indigènes  et  augmentera  leurs  achats  de 
«  marchandises  européennes.  L'économie  des  frais  de  trans- 
«  port  réalisée  en  employant  la  voie  d'Oran  au  lieu  de  celle 
«  de  Tanger  ou  de  Larache  peut  être  évaluée  à  9  1/3  »/o  sur  le 
«  prix  d'achat  des  cotons  bruis  importés  et  de  191  «/o  sur  le 
a  prix  d'achat  des  dattes  exportées.  Les  autorités  françaises 
«  peuvent  d'ailleurs,  pour  décider  le  commerce  à  employer 
«  leur  chemin  de  fer,  établir  des  droits  bien  inférieurs  à  ceux 
«  que  l'on  prélève  au  Maroc  (17  "/o  sur  les  cotons  importés  et 
a  831/2°/o  sur  les  dattes  exportées)  ».  Un  quintal  de  sucre 
paie  moins  de  9  francs  pour  son  transport  d'Arzeu  à  Duveyrier 
et  les  négociants  qui  approvisionnent  le  Tafilelt,  se  seraient 
dès  à  présent  montrés  disposés  à  user  désormais  du  chemin  de 


LES  INTÉBÉTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    50t 

fer<').  D'autre  part  on  a  déjà  constaté  l'arrivée  par  caravanes 
au  terminus  de  Duveyrier,  de  cuirs,  probablement  des 
fameux  filalis. 

Mais  ce  n'est  pas,  comme  parait  le  croire  le  vice-consul 
britannique,  la  prolongation  du  chemin  de  fer  français  jusqu'à 
Igli  qui  consacrera  d'une  manière  dofmitive  ce  déplacement 
commercial.  Le  Moniing  Po^(  publiant  il  y  a  quelque  temps(') 
une  dépêche  de  son  correspondant  de  Tanger  d'après  laquelle 
le  Sullan  du  Maroc  aurait  accordé  à  la  France  la  concession 
pour  la  constructioiv  d'un  chemin  de  fer  de  Duveyrier  à 
Djenan-ed-Dar,  faisait  observer  que  si  une  concession  du  Sultan 
est  nécessaire  il  faut  en  conclure  que  le  chemin  de  fer  français 
doit  être  prolongé  à  travers  une  région  incontestablement 
marocaine,  qu'au  lieu  de  prendre  la  direction  dii  Sud-Ouest, 
en  suivant  la  val  ée  de  la  Zousfana,  c'est-à-dire  en  restant  en 
territoire  français,  le  chemin  de  fer  doit  tourner  hardiment 
vers  l'Ouest  en  suivant  les  dernières  pentes  méridionales  de 
l'Atlas,  et  aboutir,  non  pas  à  Djenaa-ed  Dar,  mais  à  Dajat-el- 
Daura  sorte  de  lac  formé  par  le  Ziz  à  l'extrémité  méridionale 
de  l'oasis  de  Tafilelt.  La  prolongation  de  la  ligne  dans  cette 
direction  aurait  pour  résultat  de  détourner  vers  l'Algérie  tout 
le  commerce  du  Tafilelt. 


.§  XVI.  —  VALLÉES  DU  (.HIK  ET  DE  LA  ZOUSFANA 

(Fi(juir|  ^„^?) 

e"' 
Enti-e  le  bassin  de  l'ouad  Ziz  et  celui  de  l'ouad  Ghir  s'étend 
une  ((  hainmada  »  fatigante  à  parcourir.  Le  Ghir  et  la 
Zousfana  descendent  l'un  et  l'autre  de  la  partie  du  grand 
Atlas  limitrophe  de  l'Algérie  et  se  réunissent  à  Igli  pour  former 
la  Saoura  dont  le  lit,  presque  toujours  à  sec  constitue  la 
grande  voie  de  pénétration  française  vers  le  Touat.  La  vallée 
du  haut  Ghii'  et  de  ses  atïluenls,  très  montagneuse,  habitée  par 
les  Berbères  Beiii  Gull,  renferme  d'importantes  oasis  dont  les 
principales  sont  celles  d'Ain-Cliaïr  et  de  Kenadsa.  A  la  sortie 
des  montagnes,  chez  les  Doni-Menia,  le  lit  fluvial  du  Ghir  est 
si  vaste  qu'on  l'appelle   «  Buliariit  n  (petite  mer):  autrefois 


(I)  R.  de  Caix    La  pénétration  de  V Extrême-Sud.  Supplément  au 
Bulletin  du  Comité  de  l'Afrique  française  de  décembre  1901. 
0)  Morniny  Post,  ?8  février  19U2. 


502    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

un  lac,  c'est  actuellement  une  vallée  cultivée  <".  On  a  reconnu 
dans  la  région  l'existence  de  dépôts  de  nilrale^-. 

Le  principal  centre  de  la  vallée  de  la  Zousfana  est  l'impor- 
tante oasis  de  Figuig,  agglomération  d'une  trentaine  de 
milliers  d'habitants  répartis  en  un  certain  nombre  de  ksour 
entourés  d'une  enceinte  de  16  km.  de  longueur';  le  plus 
considérable  et  le,  plus  influent  de  ces  ksour  est  celui  des 
Zenaija.  L'oasis  est  uu  important  marché  de  céréales  et 
renferme  environ  200.000  palmiers  produisant  d'excellentes 
dalles  (2).  Jusqu'à  ces  derniers  temps,  Figuig  a  été  un  foyer  de 
propagande  anti-chrétienne  et  d'agitation  anti-frangaise.  Mais 
le  prolongement  du  chemin  de  fer  du  Sud-Oranais,  l'occu- 
pation de  la  vallée  de  la  Zousfana  et  l.i  conquête  du  Touat  ont 
eu  pour  conséquence  d'amener  les  Français  jusqu'aux  portes 
de  l'oasis  de  Figuig.  Le  traité  du  18  mars  1845  n'a  guère  fixé 
la  frontière  algéro-marocaine  d'une  manière  précise  que 
jusqu'au  Teniet  Sassi,  à  40  kilomètres  environ  au  Sud-Ouest 
d'El-Aricha.  Au  Sud  de  ce  point  l'art.  4  se  contente  d'énumérer 
les  tnbus  dépendant  de  l'Algérie  et  celles  dépendant  du  Maroc. 
L'art.  5,  relatifà  la  région  des  ksour,  jndiquo  ceux  qui  sont 
attribués  à  l'Algérie  (Aïn-Sefra,  Stissita,  Assla,  Tioui,  Chellala, 
El-Abiad^  et  Bou  Semghoun)  et  ceux  qui  appartiennent  au 
Maroc  (Ich  et  Figuig).  Quand  au  pays  situé  au  Sud  des  ksour, 
dit  l'art.  (5,  c'est  le  désert  et  la  délimitation  en  serait  supertlue. 

Le  peu  de  précision  de  ces  dispositions,  et  surtout  la 
situation  intolérable  (^^  créée  par  l'hostilité  des  habitants  de 
Figuig  ont  amené  la  signature  à  Paris  du  protocole  du 
30  juillet  1001,  en  exécution  duquel  une  commission  de 
délimitation  fianco-marocaine  a  été  envoyée  sur  les  lieux  . 
celle  ci  s'est  occupée  tout  d'abord  de  la  question  de  Figuig. 
L'autorité  du  Sultan  n'avait  jamais  été  reconnue  par  les 
habitants  de  celte  oasis^ gouvernés  par  leurs  a.-^semblées  élues  ; 
mais  le  traité  de  1845  l'ayant  formelleinenl  attribuée  au  Maroc, 
la  France  ne  pouvait  l'occuper  sans  porter  attemte  au  statu 
quo  :  on  essaya,  pour  assurer  la  sécurité  de  la  frontière, 
d'établir  d'une  manière  effective  l'autorité  du  Sultan  sur 
Figuig,  et  le  11  février  1902  le  général  Cauchemez  et  Sidi 


(1)  Reclus  Afrique  Septentrionale,  2'  partie,  p    76i. 

(2)  id.        id.  id.  id.      p.  770. 

(3)  Celte  situation   avait  conduit  en    1870  l'expédition  du  général  de 
Winipffen  jusque  dans  la  région  de  l'ouad  Uliir. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    503 

Mohamed  el  Guelbaa  y  entrèrent  à  la  tète  de  150  réguliers 
marocains  destinés  à  faire  la  police  dans  l'oasis,  recrutés  à  cet 
effet  dans  les  environs  d'Oudjda  et  amenés  par  le  chemin  de 
fer  français.  La  solde  de  cette  garnison  est  payée  par  le  Maroc 
et  par  les  soins  du  commissaii-e  marocain  Sidi-Zoubir;  mais 
l'argent  destiné  à  assurer  ce  paiement  est  en  dépôt  au  poste 
français  d'Ain  Sefra.  Un  officier  installé  à  Beni-Ounif,  point 
terminus  actuel  du  chemin  de  fer  du  Sud-Oranais,  à 
6  kilomètres  de  Figuig,  remplit  les  fonctions  de  commissaire 
français.  La  commission  de  délimitation  paraît  avoir  été  mal 
accueillie  au  ksar  de  Kenadsa,  à  l'Ouest  de  Figuig.  Ayant 
interrompu  ses  travaux,  elle  a  dû  les  reprendre  en  septembre 
1902.  L'établissement  de  ce  nouvel  état  de  choses  ne  semble 
pas  avoir  beaucoup  fortifié  l'autorité  du  Sultan  dans  la  région 
ni  assuré  définitivement  la  sécurité  de  la  frontière.  Aussi 
l'occupalion  de  Figuig  par  la  France  serait  elle,  peut-êti'e,  le 
seul  moyen  d'amener  la  pacification  du  pays  et  d'assurer  nos 
communications  avec  le  Touat(i).  D'ailleurs,  au  point  de  vue 
économique  comme  au  point  de  vue  politique,  le  chemin  de 
fer  de  pénétration  a  pour  résultat  de  placer  Figuig  sous  notre 
dépendance  de  plus  en  plus  étroite.  En  effet  cette  oasis  cessera 
de  s'approvisionner  par  la  route  difficile,  longue  et  coûteuse 
de  Melilla  jusqu'alors  suivie,  et  tous  ses  transpcJTts  s'ef- 
fectueront par  notre  chemin  de  fer.  Le  sucre,  le  café,  le  thé, 
les  lainages,  les  colonntides,  etc.,  pourront  être  importés  en 
grandes  quantités  à  Figuig.  Déjà  sur  la  ligne  d'Aïn-Sefra  h 
Duveyricr,  ouverte  à  l'exploitation  depuis  le  mois  d'octobre 
1901,  les  recettes  dépassent  les  dépenses:  les  recettes 
s'élevaient  ti  la  fin  de  mars  1902  à  fr.  166.000  (dont  fr.  90.000 
pour  le  commerce  proprement  dit  et  le  reste  pour  les 
transports  militaires  et  les  transports  pour  la  construction)  et 
les  dépenses  n'atteignaient  que  fr.  115.000,  soit  un  excédent 
de  recettes  de  fr.  50.000  (->.  L'activité  dii  commerce  de 
l'Extrème-Sud  est  dès  à  présent  appréciable.  Pendant  l'année 
1901,  le  bureau  de  douane  d'Aïn-Sefra  a  enregistré  l'expédition 
en  transit  à  destination  du  Maroc  et  des  oasis  sahariennes 
(sous  le  régime  du  transit  spécial  organisé  par  le  décret  du 


(1)  Oelte  opinioD  est  exprimée  daas  un  article  rédigi»  par  un  officier 
devant  Figuig,  et  pub'ié  par  la  Rerue  île  Géographie  de  novembre  19U'2. 

(2)  ChillVes  extraits  d'un  article  de  M  tiano'taux  publ'é  dans  \e  Journal 
du  6  mai  1902. 


504    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

27  décembre  1896)  de  348  267  kilogrammes  de  sucre,  de 
36.475  de  café,  de  12.391  de  thé,  de  6.003  de  poivre,  etc.  0).  Un 
décret  du  l"''  février  1902  a  exempté  des  droits  de  douane  et 
d'octroi  de  mer  certaines  marchandises,  notamment  les 
cotonnades,  à  destination  du  Sud  <''. 


§  XVII.  —  LE  MAUOC  ORIENTAL 

Vallées  de  la  MIouïa  et  de  la  Tafiia.  —  Le  Dhahra  — 
Le  Rif.  —  Les  Présitlios.  —  Melilla 

Toute  la  partie  orientale  du  Maroc  comprise  entre  l'Atlas  au 
Sud,  la  vallée  du  Sebou  à  l'Ouest,  la  Méditerranée  au  Nord  et 
la  frontière  algérienne  à  l'Est,  est  en  général  peu  connue, 
sauf  dans  la  région  frontière,  et  sa  valeur  économique  est 
inférieure  à  celle  du  Maroc  occidental,  c'est-à-dire  la  région 
comprise  entre  l'Atlas  et  l'Atlantique.  Cependant  ce  pays 
présente  une  grande  importance  pour'  la  France  en  tant  que 
limitrophe  de  l'Algérie  et  renfermant  la  grande  voie  de  péné- 
tration de  Lalla-Mai'nia  à  Fez  par  Oudjda,  la  vallée  de  la  Mlouia, 
Taza  et  la  vallée  de  l'Innaouen,  affluent  du  Sebou.  La  vallée  de 
la  MIouïa  couvre  presque  toute  la  partie  orientale  de  cette 
région.  Ce  fleuve,  d'une  longueur  de  450  kilomètres,  descend 
du  Grand  Atlas,  non  loin  du  Djebel  Aiachi,  un  des  sommets 
de  l'important  massif  de  diramation  d'où  partent,  dans  toutes 
les  directions,  la  plupart  des  grands  cours  d'eau  du  Maroc.  Le 
cours  supérieur  de  la  Mlouia  qui  traverse  le  territoire  peu 
fertile  des  Oulad  el-Hadj,  constitue  une  voie  de  pénétration 
assez  importante  :  en  effet,  les  caravanes  qui  viennent  du 
Tafilelt,  après  avoir  remonté  l'ouad  Ziz  et  franchi  l'Atlas  au  col 
de  Telremt,  bifurquent  à  Kasbach-el-Mahhzen,  sur  la  MIouïa: 
les  unes  continuent  vers  le  Nord-Ouest  dans  la  direction  de 
Fez,  les  autres  se  dirigent  vers  le  Nord-Est,  en  suivant  le  cours 
de  la  MIouïa  et  rejoignent  la  route  d'Algérie.  La  MIouïa  est 
grossie  à  droite  par  l'ouad  Za,  qui,  avec  ses  affluents,  arrose 
la  Dhahra,  la  région  des  Hauts-Plateaux,  limitrophe  de 
l'Algérie,  peu  fertile  et  peu  accessible  dont  les  troupeaux  sont 
la  principale  ressource  ;  on  y  remarque  le  Chott-el-Gliarbi  et 


(1)  Documents  statistiques  sur  le  commerce  de  l'Algérie,  publiés  par 
la  Direction  des  Douanes  de  l'Algérie,  p.  99. 

(2)  Journal  Officiel  du  8  février  1002. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    505 

le  Chott-Tigri  ;  elle  est.  habitée  par  les  Deni-Guil.  A  gauche  la 
MIouïa  est  grossie  des  rivières  Srina  et  Msom  :  la  vallée  de  la 
dernière  conduit  à  celle  de  l'Innaouen,  affluent  du  Sebou.  La 
Mlouia  est  à  pente  très  rapide  ;  son  débit  est  relativement 
considérable  en  hiver  ;  mais  elle  est  facilement  guéableen  été. 
A  partir  du  confluent  de  l'ouad  Za,  elle  pourrait  être  rendue 
facilement  navigable  <".  Des  barques  peuvent  aisément  la 
remonter  pendant  une  centaine  de  kilomètres.  Elle  se  jette  dans 
la  Méditerranée  un  peu  à  l'est  du  Cap  de  l  Eau  (territoire  de 
Kebdana»,  où  M.  Louis  Say,  avant  de  fonder  son  établissement 
du  Kiss,  avait  reconnu  la  possibilité  de  créer  un  port  :  ce  point 
est  situé  en  face  les  îles  Zaffarines,  présidio  espagnol.  A  l'Est, 
entre  l'embouchure  de  la  Mlouia  et  le  Kiss,  qui  forme  la  frontière 
algéro-marocaine,  s'étend  la  plaine  fertile  et  arrosée  des  Triffas 
bordée  au  Sud  par  le  massif  montagneu.x  des  Beni-Snassen 
qu'habitent  des  tribut  partiellement  soumises.  La  seule  localité 
importante  de  la  vallée  de  la  Mlouia  est  Debdou  qui  est  en 
relations  commerciales  actives  avec  Fez,  Melilla,  Figuig  et 
l'A'gérie.  Entre  la  vallée  de  la  MIouïa  et  celle  de  la  Tafna 
s'étend  la  grande  plaine  des  Angad,  au  Sud  des  Beni-Snassen. 
La  Tafna  est  entièrement  algérienne  ;  mais  son  aflluent,  l'oued 
Isly  a  la  plus  grande  partie  de  son  cours  au  Maroc  :  non  loin 
de  cette  rivière  à  quelques  kilomètres  delà  frontière  algérien- 
ne se  trouve  l'importante  ville  d'Oadjda  (7  ou  8000  habitants) 
où  réside  un  àmel  nommé  par  le  Sultan  d'un  commun  accord 
avec  la  France.  Oudjda  entretient  des  relations  très  suivies 
avec  la  ville  française  de  Lalla-Marnia,  à  24  kilomètres  de 
distance.  Nou5  montrerons  plus  loin  l'importance  du  rôle 
d'Oudjda  dans  les  relations  commerciales  franco-marocaines. 
La  province  du  Rlf,  limiti-ophede  l'Algérie  est  bornée  à  l'Est 
par  la  province  d'Oran,  au  Nord  par  la  Méditerranée,  à 
l'Ouest  et  au  Sud  par  la  province  des  Djebala,  au  Sud-Est  par 
la  province  de  Dhahra.  C'est  la  plus  petite  des  provinces 
marocaines;  mais  sa  population  indépendante,  de  race  berbère, 
est  très  dense  :  M.  Mouliéras  l'évalue  à  1.250.000  habitants  <-), 
Cette  région  montagneuse,  très  peu  connue  jusqu'à  ces 
derniers  temps,  a  été  en  1901  traversée  deux  fois  de  part  en 


il)  Frîsch.  Le  Maroc  p.  :iO. 

(2;  A.   Mouliéras,  Le  Maroc  Inconnu  (première  partie).  Exploration 
du  Rif,  p.  38. 


506    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOHfnUKS  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

part  par  M.  de  Segonzac  <".  Les  montagnes  sont  couvertes  de 
sapins,  de  chênes  verls,  de  cliènes-likges,  de  cèdres,  de  tlmijas 
pouvant  fournir  du  bois  de  construction  .  dans  les  vallées  on 
rencontre  une  grande  variété  d'arbres  friiUi- rs  :  )fti;/ers, 
orangers,  oliviers,  etc.  ;  la  vigne  y  prospère  égaiemenl.  Uitl/a 
est  assez  i-épandu  dans  le  Rif  et  sert  à  fabriquer  des  cordes, 
des  nattes,  des  lilets,  etc.  On  trouve  dans  les  plaines  des 
champs  d'orbe,  de  mais,  de  fèves,  de  lenlillcs,  des  pommes 
de  terre,  ainsi  que  des  pâturages  où  paissent  des  bœufs,  des 
c/ièures  et  des  mulets.  Le  sous-sol  du  Rif  parait  extrêmement 
riche  et  contient  des  minerais  de  fer,  de  cuivre,  d'élain,  de 
calamine,  de  plomb,  d'argent  et  d'or.  Des  sables  aurifères 
existeraient  à  Rio  del  Oro  près  Melilla,  et  aux  dires  des 
indigènes,  des  quartz  aurifères  auraient  été  renconti'és  entre 
le  Penon  de  Vêlez  et  Alhucemas.  On  raconte  (ju'un  français, 
M.  Gondy,  ayant  fait  des  recherches  dans  le  Rif  occidental,  y 
avait  trouvé  des  quartz  aurifères  de  toute  beauté  ;  il  avait,  il  y 
a  environ  vingt  ans,  demandé  la  concession  de  lexploitation 
au  Sultan  du  Maroc,  à  la  condition  de  partager  les  bénéfices 
de  l'extraction.  Le  Sultan  aurait  bien  consenti  à  l'exploitation, 
mais  en  se  refusant  au  partage,  et  aurait  frappé  M.  Gondy 
d'expulsion  <-'. 

La  côte  du  Rif  est,  dans  sa  plus  grande  partie,  abrupte, 
exposée  aux  vents  et  inliospitalière  :  on  n'y  rencontre  que 
quelques  rades  qui  n'olfrent  qu'une  protection  insuflisante  à 
la  navigation.  L'Espagne  y  possède  un  certain  nombre  de 
presidios,  forteresses  qui  sont  en  même  temps  des  lieux  de 
détention  pour  les  forçats.  .Mais  il  ne  semble  pas  que  par  la 
possession  trois  fois  séculaire  de  ces  établissements,  l'Espagne 
ait  acquis  une  influence  quelconque  sur  les  tribus  rifaines 
voisines.  «  La  haine  de  l'Espagnol  est  tellement  vivace 
«  chez  les  Berbères  qu'ils  refusent  de  vendre  à  leurs 
a  ennemis  des  vivres  ou  de  l'eau  douce,  même  au  poids  de 
«  l'or.  »  (3)  Le  plus  occidental  de  ces  presidios  est  le  Penon  do 
Vêlez,  appelé  par  les  Rifains  Djezirat  Bades  (ile  de  Badès)  : 
sur  le  continent,  les  Berbères  ont  installé  une  douane  et  un 
corps  de  garde.  A  l'est  se  trouve  la  ville  berbère  de  Adouz,  oii 


(1)  LaGéographie,  15  juillft  1!)01. 

(2)  H.  F.  Caillol,  La  PUnje  du  Kiss,  Politique  Coloniale,  8  novembre 
1901. 

(3)  A.  Mouliéras,  Le  Maroc  Inconnu,  \"  partie,  p.  87. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    507 

se  font  les  transactions  commerciales  les  plus  importantes 
peut-être  de  toute  la  côte  après  Melilla  <'>.  Dans  la  baie 
d'AUiuicmas,  relativement  abritée,  se  trouve  l'ilôt  de 
Xekour,  presidio  espagnol  :  une  douane  rifaine  a  été  établie 
sur  le  continent.  A  l'intérieur,  non  loin  de  l'ouad-En-Nekour, 
se  trouve  le  Djebel  Sidi-bou-Khijar,  contenant,  parait-il,  une 
mine  d'or,  qui  a  failli  être  la  cause  d'une  complication 
diplomatique  entre  la  France  et  le  Maroc.  Il  y  a  quelques 
années,  deu.N.  personnages  se  disant  fondés  de  pouvoir  des 
Beni-Ourar'iel.  tribu  habitant  la  région, -avaient  rédigé  un  acte 
de  vente  aux  termes  duquel  la  mine  en  question  devait  être 
cédée  à  une  maison  française.  Celle-ci  ayant  reçu  de  beaux 
minerais  d'or,  donna  les  arrlies  considérables  qu'on  exigeait 
d'elle  et  un  navire  battant  pavillon  français  se  présenta  dans  la 
baie  d'Alhucemas,  ayant  à  bord  ingénieurs,  ouvriers,  et  tout 
le  matériel  nécessaire  à  l'extraction  du  minerai.  Mais  les 
Berbères,  craignant  une  invasion,  se  portèrent  en  masse  sur 
le  littoral  et  enjpêchèrent  le  débarquement.  La  maison 
française  protesta  auprès  du  Sultan  sans  obtenir  autre  chose 
qu'une  promesse  de  châtiment  des  coupables <->. 

A  l'Est  de  la  presqu'île  terminée  par  le  cap  Viejo  et  par  le 
cai;'  Ti-es  Forças  est  située  la  place  de  Melilla  {Mlillya  .aJJ,-), 
le  plus  important  des  établissements  espagnols  de  la  côte 
rifaine,  sur  le  territoire  de  la  grande  tribu  berbère  de  Galiija. 
'  Sa  situation  resie  toujours  assez  pi'écaire  à  cause  de  l'hostilité 
des  Rifains  :  il  est  môme  à  noter  que  depuis  la  conquête  en 
14*^2  jusqu'à  la  moitié  du  xix"  siècle,  Melilla  n'a  été  attaquée 
que  deux  fois,  tandis  qu'elle  l'a  été  quatre  fois  pendant  la 
seconde  moitié  du  xix''  siècle  (3).  Cependant  Melilla  a  acquis 
une  réelle  impoi'tance  commerciale  depuis  que  le  gouver- 
nement espagnol  a,  en  1887,  déclaré  la  franchise  de  ce  port  et 
des  iles  ZalTarines  :  Melilla  est  maintenant  le  grand  entrepôt 
où  viennent  s'approvisionner  non  seulement  les  Galiyens, 
mais  encore  tout  le  Rif  oriental,  toute  la  Dhahra  jusqu'à 
Figuig,  et  tonte  la  partie  Est  des  Djebala'*>.  Le  gouvernement 
marocain  qui  entretient  une  garnison  sur  le  territoire  de 
Galiya    en    vue    d'empêcher    les     Berbères     d'atlaquer    les 


(\)  A,  Mouliéras.   Le  Maroc  Inconnu,  ["  partie,  p.  91. 

(2)  i(l.  il.  id.  p.  99et  IilO. 

(i)  lion  Teoloro  Bermiidez  Reina  Geografia  de  Marrvecos  p.  213, 

(i)  A.  Moallèra?,  Le  Maroc  Inroi'nu.  ["  partie,  p.  167. 


508    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

Espagnols,  a  établi  une  barrière  douanière  à  l'entrée  du 
presidio  et  frappé  d'un  droit  de  10  °/o  ai  valorem  toutes  les 
marchandises  importées  et  exportées.  Les  Rilains,  qui  ont  le 
droit  d'entrer  à  Melilla  sans  armes,  y  viennent  en  grand 
nombre  vendre  leurs  produits  et  s'approvisionner  d'articles 
étrangers  de  première  nécessité.  Bien  que  l'Espagne  ait 
interdit  l'exportation  des  céréales  par  Melilla,  la  place  voit  son 
commerce  se  développer:  des  maisons  étrangères,  surtout 
allemandes,  belges  et  anglaises  s'y  sont  établies,  y  ont  édifié 
des  docks  où  elles' accumulent  de  grandes  quantités  de 
marchandises  pour  que  les  Marocains  puissent  opérer  eux- 
mêmes  leurs  acquisitions  O.  On  introduit  surtout  par  Melilla 
du  sucre,  du  thé,  du  café,  des  bougies,  des  armes,  de  la  poudre, 
de  la  verrerie,  des  couteaux,  des  colonnades,  etc.  Au  Sud  de 
Melilla,  le  lac  salé  de  Boa-Erg  est  séparé  de  la  Méditerranée 
par  une  étroite  bande  de  terre  qui  n'a  pas  toujours  existé;  ce 
lac  très  profond,  est  susceptible  de  devenir,  plus  tard,  un  port 
magnifique.  Plus  à  l'Est,  en  face  de  l'embouchure  de  la  Mlouia, 
non  loin  de  la  frontière  algérienne,  se  trouvent  les  iles 
Zaffarines,(C/iM/Vn'nîas)  occupées  depuis  1849  par  l'Espagne  qui 
les  a  déclarées  port  franc  en  1887.  Ces  iles  sont  au  nombre  de 
trois:  elles  sont  très  rapprochées  l'une  de  l'autre,  et,  en  les 
reliant  par  des  digues,  on  pourrait  créer  un  magnifique  port 
de  refuge.  Les  mdigènes  de  la  tribu  de  Kebdana,  habitant  la 
région  située  en  face  de  ces  iles,  y  vont  acheter  des  objets  de 
première  nécessité,  tels  que  sucre,  thé,  savon,  calicot,  pétrole, 
couteaux,  fusils,  cartouches  ^^\ 

Les  marocains  préfèrent  acheter  les  marchandises  euro- 
péennes dans  les  «  presidios  espagnols  »  que  sur  les  places 
françaises  frontières  où  elles  sont  plus  chères.  Ils  vont  même 
assez  souvent  en  Espagne  acheter  des  armes,  des  cotonnades, 
du  savon,  du  sucre,  des  bougies,  etci-*)  M.  G.  Wolfrom  évalue 
à  fr.  1.500.000  le  chiffre  d'affaires  que  le  Maroc  peut  faire 
annuellement  avec  les  presidios  espagnols^'^K  Nous  croyons 
volontiers  que  ce  chiffre  a  dû  augmenter  au  cours  de  ces 
dernières  années. 


(1)  H.  F.  Caillol,  La  Plarje  du  t\iss.  Politique  Coloniale,  15  novembre 
19UI. 

(2)  A.  Mouliéras,  Le  Maroc  Inconnu,  l"  partie,  p.  171. 

(3)  id.  id.     ,  id.  p.  88. 

(4)  Ci.   Wolfrom,  Le  Maroc.  Etude  Commerciale  et  Agricole,  p.  35. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMrQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    509 


§  XVIII.  —  LE  COMMERCE  ALGÉRO-MAROCAIN 
Lalla-Marnia.  —  Le  Kiss 

Le  coinmerce  algéro-marocain  est  soumis  en  ce  qui  concerne 
les  importations  en  Algérie  des  produits  marocains,  aux 
prescriptions  de  la  loi  du  1?  juillet  1867  aux  termes  de  laquelle 
les  produits  naturels  et  fabriqués  au  Maroc  sont  admis  en 
franchise  sur  le  territoire  algérien,  mais  seulement  s'ils  sont 
importés  par  la  fi'onlière  de  terre.  D'autre  part,  les  décrets  du 
27  décembre  1896  et  du  i"'  février  1902  autorisent  le  libre 
transit  à  travers  le  territoire  algérien  et  à  destination  du  Maroc 
d'un  certain  nombre  de  produits  de  provenance  française  et 
européenne,  ces  produits  étant  soumis  au  contrôle  des  bureaux 
d'entrée  (Arzeu,  Oran,  Nemours)  et  bureaux  de  sortie  (Aïn- 
Sefra,  Lalla-Marniaj.  Le  commerce  algéro-marocain  constitue 
un  élément  très  important  du  commerce  franco-marocain  Son 
importance  serait  bien  plus  grande  encore  s'il  n'était  resté, 
jusqu'à  présent,  presque  entièrement  passif  :  en  etïet^  les 
importations  du  Maroc  en  Algérie  sont  intiniment  supé- 
rieures aux  exportations  d'Algérie  au  Maroc.  Ce  commerce 
comprend  : 

1"  Les  expédhioiis  du  Maroc  en  Alfférie,  extrêmement  impor- 
tantes et  en  augmentation  constante,  ainsi  qu'il  ressort  des 
chiffres  suivants  : 

1899 Fr.     4.424.047 

1900 —     11.370.070 

1901 —     16.565.000 

Le  Maroc  envoie  en  Algérie  des  moulons,  béliers,  brebis 
(en  1900,  fr.  5.990.000  et  en  1901,  fr.  6.709.000);  des  bœufs, 
vaches,  taureaux  (en  1900,  fr.  3.196.800  et  en  1901, 
fr.  6.811.000)  ;  des  mules  et  mulets  (en  1900,  fr.  41.000  et  en 
1901,  fr.  128.000)  ;  des  chevaux  et  juments  (en  1900,  fr.  111.400 
et  en  1901,  fr.  87.000)  ;  des  boucs  et  chèvres  (en  1901,  fr.  88.000j  ; 
des  peaux  bruten  (en  1900,  fr.  623.800  et  en  1901,  fr.  584.000)  ; 
des  peaux  préparées  et  otivrages  en  peau  et  en  cuir  (en  1900, 
fr.  251.000  et  en  1901,  fr.  594.000).;  des  vêtements  (en  1900, 
fr.  536  000  et  en  1901,  fr.  547.000);  des  tissus  de  laine  (en 
1900,  fr.  247.450  et  en  1901,  fr.  288.000)  ;  des  laines  en  masse 
(en  1900,  fr.  118.000)  ;  des  poils  hruts  de  chèvres,  des  œufs. 


510    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

des  espèces  médicina'es,  des  fruits,  'etc.  *''  Nous  avons  ajouté 
aux  chiffres  de  1901  une  somme  de  îr.  420.000  représentant  1,). 
valeur  approximative  des  céréales  marocaines  exportées  par  le 
Kiss 

2"  Les  envois  de  marchandises  algériennes  au  Maroc  :  ce  trafic 
peu  important,  est  malheureusement  en  diminution  sensible 
depuis  3  ans  : 


1899   .    .    . 

.    .     Fr. 

579.329 

1900   .    .    . 

.    .      — 

242.076 

1901    .    . 

.    .      — 

214.000 

Il  porte  principalement  sur  les  lissu-y  de  coton,  de  laine,  et 
de  soie,  la  bijouterie,  la  tabletterie,  les  denrées  coloniales,  les 
tabacs,  les  céréales,  etc. 

3"  Le-i  envois  de  nwrcliandises  expédiées  des  ports  d'Algérie 
sur  le  Maroc,  sous  le  régime  du  transit  général  organisé  par 
le  décret  du  27  décembre  1896.  Le  tralio  est  en  augmentation 
constante,  ce  qui  compense  la  diminution  constatée  dans  les 
envois  de  marchandises  algériennes  : 

1899 Fr.     2.59.187 

1900 —     357.693 

1901 —      620.000 

Il  porte  surtout  sur  les  sucres  bruts  et  ral'tinés,  le  café,  le 
thé,  le  poivre,  la  canelle,  les  clous  de  girofle,  la  farine,  la 
semoule,  les  bougies,  les  (issus.  Ces  produits  sont  surtout  de 
provenance  française. 

Si  l'on  totalise  les  chiffres  des  deux  derniers  paragraphes, 
le  commerce  algéro-marocain  se  présente  comme  suit  : 


Importalions 
d'Algérie  au  Maroc 
Fr. 

E.\ipoi  talions 

du  Maroc  en  Algérie 

Fr. 

Tutal 
Fr. 

1899 

838.514 

4.424.047 

5.262.561 

1900 

599.769 

11.370.076 

11.969.845 

1901 

834.000 

16.505.000 

17.399.000 

(1)  Ces  renseignements  statistiques  soat  e.xtraits  :  1°  du  Tableau 
général  du  Commerce  et  de  la  Nacigation,  publié  par  la  Direction 
Génch-ale  des  Douanes,  19i  U,  1''  vol.  ;2'  des  Documents  statistiques 
publiés  par  la  Direction  des  Douanes  de  l'Algérie  sur  le  commerce  de 


ce  pays  eo  1901, 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    511 

Le  mouvement  commercial  entre  le  Maroc  et  l'Algérie 
s'opère  de  deux  façons  :  d'une  part,  des  caravanes  vont  et 
viennent  une  ou  deux  t'ois  par  an  entre  Tlemcen  et  Fez,  le 
Tafilelt,  Figuig,  le  Sud-Ouest  ou  l'Ouest  ;  d'autre  part,  les 
Marocains  habitant  les  territoires  voisins  de  l'Algérie,  appor- 
tent sur  les  marchés  de  Nemours,  de  Marnia,  de  Tlemcen  des 
bestiaux,  des  peaux,  des  laines,  des  poils,  et  s'y  approvi- 
sionnent des  articles  dont  ils  ont  besoin.  Ce  mouvement  est 
relativement  considérable  et  s'étend  à  une  zone  qui  n'est  pas 
intérieure  au  tiers  du  Maroc,  puisqu'il  se  prolonge  jusqu'à 
Fez,  jusqu'à  la  haute  MIou'ia  et  jusqu'au  Tafilelt  :  on  peut  dire 
que  tous  les  territoires  situés  à  l'Est  d'une  ligne  imaginaire 
tirée  du  Nord  au  Sud,  à  une  journée  de  marche  de  Fez  vers 
Taza,  ont  un  trafic  plus  actif  avec  l'Algérie  qu'avec  le  Maroc 
occidental,  et  qu'en  s'approcliant  du  méridien  de  Debdou, 
l'influence  du  trafic  maritime  cesse  de  se  faire  sentir  O.  Nous 
rappelons  à  ce  propos  qu'il  convient  d'ajouter  à  ce  trafic  celui 
des  ho/'ufs  de  la  région  des  Zemmour  (arrière-pays  de  Piabat) 
qui  sont  expédiés  par  Fez  à  destination  de  l'Algérie  et  de 
la  France. 

Depuis  que  les  bureaux  de  transit  de  El-Avic]ia  et  de  DJenien- 
bou-Iiezg  ont  été  supprimés  par  décret  du  30  juillet  1900,  le 
com.i  crce  algéro-marocain  s'effectue  par  Ain-Sefra  pour  la 
région  saharienne,  et  par  Marnia  et  Oadjda  pour  la  région 
située  au  Nord  de  l'Atlas.  Les  bureaux  arabes  ont  fait  établir 
sur  la  frontière  un  certain  nombre  d'ënlrcpôts  francs  dans  le 
but  de  faciliter  les  transactions  entre  les  deux  pays.  Cette 
création  a  servi  de  thème,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de 
Géographie  Commerciale  de  Paris  à  une  intéressante  discussion 
que  nous  allons  résumer. 

Dans  une  lettre  adressée  à  ce  Bulletin  '-- ,  un  correspondant 
d'Oran  prétendait  que  ces  entrepôts  francs  n'attendaient  que 
les  négociants  marocains  et  français.  «  Il  y  aurait  pourtant, 
«  disait-il,  à  faire  là  de  belles  transactions  :  1"  Vendre  aux 
«  Marocains  et  Arabes  des  quantités  de  sucre,  café,  thé, 
«  épiccs,  bougies,  savon,  etc.  Tout  cela  e.xempt  de  droits,  avec 
«  un  bénéfice  moyen  de  40  <>/o  ;  2»  recevoir  leurs  produits. 


(1)  G.  Wolfrona.  Le  Maroc.  Etude  Covinierciale  et  Agricole,  p.  3i. 

(2)  Le  Commerce  du  Maroc  "par  VOranie.  Les  Marchés  francs. 
«  fiullelin  de  la  Société  de  Géograpliie  Commerciale  »,  T.  X.\1I,  19U0. 
n"  3,  4,  5.  p.  2:vl. 


5l2    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMtQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

.«  bétail,   moutons,   laines,    cuirs,   peaux,    cires,   drogueries, 

«  œufs,   volailles,    maroquin,    poudre  d"or,  etc.,  à  des  prix 

«  incroyables;  et,  en  outre,  avoir  une  source  de  bénéfices  au 

«  moyen  du  change,  les  Marocains  n'acceptant  en  paiement 

«  que  la  monnaie  espagnole.  Une  société  qui  e.Nploiterait  re 

«  genre    d'affaires    n'aurait  à    mobiliser    qu'un    capital    de 

«  300,000  francs  par  an  «.  En  outre,  la  concurrence  étrangère 
ne  serait  guère  à  craindre. 

A  la  suite  de  cette  lettre,  le  Bulletin  donne  l'opinion  d'un 
correspondant  de  Tanger,  nettement  défavorable  aux  entrepôts 
francs  et  à  la  pénétration  commerciale  du  Maroc  par  l'Algérie. 
D'après  lui,  les  entrepôts  francs  de  la  frontière  peuvent 
approvisionner  les  régions  limitrophes  ;  mais  ces  parties  du 
Maroc  sont  peu  peuplées.  En  ce  qui  concerne  la  pénétration 
vers  l'Ouest,  toute  marchandise  venant  de  l'Est  pour  arriver 
dans  des  territoires  riches  et  peuplés,  aura  à, supporter  un 
voyage  long  et  coûteux,  à  dos  de  chameau  ou  de  mulet,  à 
travers  des  tribus  pillardes  et  des  régions  sans  eau.  Par 
exemple  pour  aller  de  Djenien-bou-Rezg  à  Taroudant,  dans  le 
Sous,  le  voyage  sera  d'environ  un  mois  et  la  charge  de 
chameau  (250  kilog.)  coûtera  au  bas  mot  250  à  300  francs  ; 
or,  les  droits  de  douane  marocaine  sont  de  10  %  au  maximum, 
ad  valorem  ou  en  marchandises,  au  choix  du  commerçant. 

Pour  aller  à  Fez,  il  ne  semble  pas,  poursuit  le  correspondant 
de  Tanger,  que  l'on  ait  intérêt  à  passer  par  Marnia  et 
supporter  15  jours  de  voyage,  plus  la  douane  d'Oudjda,  au 
lieu  de  prendre  par  la  voie  de  Larache,  comportant  quatre 
jours  de  route  en  pays  calme,  plat,  où  aucune  rançon  n'est  à 
payer  aux  tribus  parcourues.  Quant  au  bénéfice  de  40  "/o  à 
prélever  sur  les  marchandises,  aucun  commerçant  ne  peut, 
d'après  lui,  avoir  dans  ce  pays  de  telles  prétentions,  du  moins 
en  affaires  de  gros.  A  Tanger,  sur  les  sucres,  bougies,  on  se 
contente  de  5  »/„,  7  au  maximum  ;  comment  alors  ferait-on 
face  à  telle  concurrence  ?  Le  sucre,  considéré  généralement 
par  le  commerçant  de  la  côte  comme  marchandise  d'échange, 
est  très  souvent,  généralement,  vendu  à  l'intérieur  meilleur 
marché  que  son  prix  de  l'evient  à  la  côte.  Pour  les  bougies, 
depuis  dix  ou  quinze  ans,  les  Marocains  ne  veulent  plus  de 
bougie  française  :  il  leur  faut  de  la  paraffine,  bien  que  celle- 
ci  fonde  souvent  au  cours  des  transports  ;  d'ailleurs  ils 
profitent  de  cette  paraffine  fondue  en  l'additionnant  par  fraude 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    513 

à  la  dre  qu'ils  exportent.  Quant  au  café,  le  Marocain  n'en 
boit  pas.  Le  thé  provient  des  possessions  anglaises  ;  ses  deux 
marchés  sont  Londres  et  Hambourg  :  il  ne  semble  pas  que  la 
France  puisse  songer  à  en  importer  de  grandes  quantités. 
Il  en  est  de  même  pour  les  épiées,  pour  les  cotonnades  qui 
arrivent  directement  de  Manchester  à  la  côte  ouest.  Le  savon 
est  fabriqué  dans  le  Sous,  à  Marrakech,  au  Tafileit,  etc.,  avec 
des  potasses  belges  et  des  huiles  indigènes,  à  des  prix 
tellement  bon  marché  qu'on  en  exporte  même  en  France. 
Mais  de  plus,  si  l'importation  au  Maroc  par  la  frontière  Est 
pourrait  prendre  de  l'extension,  pourquoi  des  douanes  maro- 
caines ne  seraient-elles  pas  étabhes  ".'  On  dira  que  le  Sultan 
n'a  pas  assez  d'autorité  dans  ces  régions.  11  se  passera  au 
contraire  ce  qui  se  passe  déjà  à  Oudjda  :  les  tribus  insoumises 
seront  les  premières,  à  lui  prêter  la  main  pour  en  profiter, 
prélever  le  double  des  droits  et  n'en  verser  au  gouvernement 
chérifien  qu'une  faible  partie.  Pour  le  change,  la  perte  sur 
les  marchandises  encaissées  sera  éprouvée  au  moment  du 
paiement  en  Europe  :  recevoir  130  ou  150  pesetas  pour 
100  francs,  cela  ne  constitue  nullement  un  bénéfice,  puisque 
d'autre  part  on  en  éprouve  la  contre-partie  dans  la  suite  ; 
au  contraire,  on  aura  à  craindre  les  aléas  d'un  change  toujours 
variable.  Le  correspondant  de  Tanger  dit,  en  concluant,  que 
les  entrepôts  en  question  peuvent  viser  à  trafiquer  avec  les 
tribus  pauvres,  insoumises,  de  la  frontière  algérienne,  mais 
nullement  avec  les  régions  riches,  fertiles  et  très  peuplées  du 
Maroc,  voisines  de  l'Océan. 

Ces  déclarations  nous  paraissent  empreintes  d'un  pessimisme 
exagéré  et  peu  conformes,  en  outre,  à  la  réalité  des  faits. 
C'est  pourquoi  nous  enregistrons  avec  plaisir  leur  réfutation, 
dans  une  lettre  adressée  par  M.  Gounon,  d"Oran,  au  secrétaire 
général  de  la  Société  de  GéograpJiie  Commerciale,  à  la  date 
du  2  août  1900*').  «  Je  ne  rechercherai  pas  »,  dit  M.  Gounon, 
«  si  tel  capitaliste  en  s'instaliant  sur  un  de  ces  marchés 
«  francs,  ferait  bonne  ou  mauvaise  spéculation. ...  Ce  qui  est 
«  certain,  c'est  que  les  commerçants  oranais,  voisins  du 
«  Maroc,  se  livrent  depuis  un  temps  immémorial,  c'est-à-dire 
«  longtemps  avant  qu'on  eût  pensé  à  la  création  des  entrepôts 


(1)  Bulletin  de  la  Société  de  Géoqraphie  Commerciale  de  Paris, 
T.  XXII,  1900,  n-e,  7,  8,  9,  lU,  p.  417. 


5l4     LKS  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  l'RANCE  AU  .MAROC 

0  franc?,  aux  spéculations  que  voli-e  correspoiulaiil  redoute 
«  comme  désastreuses.  Je  connais  à  Ûran  des  maisons  de 
«  commerce  établies  depuis  plus  de  20  ans  sur  la  frontière 
«  Sud,  et  dont  loul  le  trafic  consiste  dans  le  change  de  la 
«  monnaie,  l'acliat  aux  Marocains  de  leur  bétail  et  la  vente  à 
<>  ceux-ci  de  quelques-uns  de  nos  produits  manufacturés. 
«  Si  ces  maisons  ont  trouvé  le  moyen  de  réussir  et  de  réaliser 
ft  de  nombreux  échanges  avec  le  .Vlaroc  avant  la  création  des 
«  marchés  trancs,  il  n'y  a  pas  de  raison  pour  qu'elles  ne 
a  deviennent  pas  plus  prospères  avec  le  développement  des 
ft  facilités  que  ces  marchés  leur  procurent...  La  question 
«  principale  est  la  suivante  :  Nous  ne  sommes  pas  des 
(1.  exportateurs  de  denrées  coloniales,  mais  une  nation  d'in- 
«  dustriels,  fabriquant  des  cotonnades,  des  lainages  et  des 
«  soieries,  des  tissus  de  toute  sorte.  C'est  la  base  de  notre 
i(  production  nationale  et  ce  qui  constitué  le  plus  important 
«  coeflicient  de  notre  expansion  commej-ciale.  Il  s'agit  de 
«  savoir  si  la  bonne  organisation  des  marchés  francs  dans 
«  rOranie  peut  contribuer  pour  peu  que  ce  soit  à  la 
«  prospérité  de  notre  industrie  et  au  développement  de  notre 
((  exportation  ». 

M.  Gounon  divise  le  Maroc  en  deux  grands  versants  :  le 
versant  septentrional,  coa.pris  entre  le  Rif  et  l'Atlas,  d'une 
part,  l'Atlantique  de  l'autre,  et  le  versant  méridional,  qui 
renferme  le  Rif,  la  vallée  de  la  Mlouïa,  Figuig,  leTafilelt,  le 
Sous,  le  Dra.  «  Dans  ce  pays  dépourvu  de  routes  dignes  de 
((  ce  nom,  privé  des  moyens  de  locomotion  autres  que  les 
«  bètes  de  somme,  les  communications  entre  les  différentes 
«  régions  sont  bien  difficiles  et  par  conséquent  bien  rares. 
«  Aussi  on  peut  dire  que  les  montagnes  qui  séparent  les  deux 
«  versants,  rejettent  en  quelque  sorte  les  populations  du 
«  versant  Sud  loin  de  l'intluence  économique  de  celles  du 
((  littoral.  Uudjda  et  Figuig  à  l'Est  du  Maroc,  le  Taiileit  au 
«  Sud,  sont  mieux  situés  pour  commercer  avec  la  province 
«  d'Oran  qu'avec  le  versant  septentrional  du  Maroc.  »  Du 
Rif  et  surtout  des  Beni-Snassen,  on  parvient  plus  facilement 
à  rOranie  qu'à  Mélilla,  ou  loul  au  moins  par  des  routes  plus 
fréquentées,  des  moyens  de  communication  plus  commodes. 
Figuig  est  aussi  près  de  nos  marchés  qu'il  est  éloigné  des 
ports  de  ravitaillement  marocains.  Le  ïatileit  est  en  rapports 
constants  avec   Figuig.    Les   habitants  du  Tafilelt,   ceux  de 


Les  intérêts  économiques  de  la  frange  au  maroc  515 

Kenadsa,  et  les  gens  de  Debdou  ont  l'habitude  de  venir  en 
Oranie  pour  y  vendre  leur  bétail  et  leur  cuir  et  s'approvi- 
sionner de  quelques-unis  de  nos  produits  manufacturés, 
comme  les  soieries  elles  plumelis.  Le  ruir  dit  «  filali  »  est 
connu  dans  toute  l'Algérie  oi^i  il  est  très  apprécié  des 
indigènes  qui  en  confectionnent  des  selles  de  fantaisies  et  des 
bottes. 

D'autre  pai-t  M.  Gounon  nous  apprend  ijue  l'Oranie 
entretient  des  relations  suivies  non  seulement  avec  le  versant 
méridional,  mais  aussi  avec  le  versant  septentrional  du 
Maroc.  «  Quatre  fois  par  au,  des  caravanes  parcourent  le 
«  Sud  Orauais  et  Marocain,  vont  et  viennent  de  Fez  à  Tlemcen 
«  et  au  Gourara,  d'Aïn-Sefra  à  Figuig,  au  Tafilelt  et  jusqu'au 
«  Sous,  établissant  des  relations  constantes  entre  l'Oranie  et 
«  l'Empire  Chérifien.,Des  maisons  importantes  du  Maroc  ont 
«  en  Oranie  une  succursale  à  qui  elles  expédient  une  grande 
«  partie  du  thé  qui  se  consomme  dans  cette  région,  des  tapis 
«  de  Rabat,  des  savates  (dites  a  belras  »,  certains  haïks,  et 
«  mâtne  certaines  bimbeloteries  allemandes,  toutes  marchan- 
«  dises  qui  viennent  par  voie  de  lerre  et  qui  entrent  par 
«  Oudjdn,  quelques-unes  en  contrebande.  Enfin,  les  Arabes  de 
«  Tlemcen  ont  des  intérêts  commerciaux  si  importants  à  Fez 
«  ([u' ils  ]i  ont  des  colonies.  » 

«  Malgré  les  vieilles  relations  et  les  raisons  de  voisinage  et 
«  de  proximité,  les  populations  du  versant  méridional  du 
«  Maroc  qui  devraient  être  nos  clients  pour  presque  tous  leurs 
«  approvisionnements  ne  nous  achetaient  avant  l'établissement 
«  des  marelles  francs  que  quelques  rares  produits  (soieries, 
«  plumêtis).  Cette  abstention  était  motivée  par  l'impôt  qui 
«  frappe  en  Algérie  toutes  les  denrées  coloniales  (café,  sucre, 
«  cannelle,  thé,  etc.)  ainsi  que  les  pj'oduits  manufacturés, 
«  (tissus,  laine  et  coton)  venant  de  l'étranger.  Cet  impôt  double 
«  le  prix  de  certaines  denrées  coloniales  et  empêche 
«  absolument  l'entrée  en  Algérie  des  produits  manufacturés, 
«  tandis  qu'à  Melilla  et  dans  tous  les  ports  marocains,  le  droit 
«  sur  les  marchés  importés  est  insignifiant  et  grève  à  peine 
a  le  prix  d'achat  de  10  °/o.  D'où  une  différence  considérable 
«  dans  le  prix  des  malières  premières  selon  qu'elles  sont 
«  achetées  au  Maroc  ou  dans  la  province  d'Oran,  d'où  la 
«  nécessité  pour  les  Marocains  du  Rif,  de  Figuig,  du  Tafilelt, 
«  de  s'approvisionner  à  Melilla,  à  Tanger,  etc.,  de  préférence  au 

37 


516    LES  INTÉR1':TS  économiques  de  la  FR.VNCE  au  MAROC 

«  marché  crânien.  Si  les  denrées  coloniales  (sucre,  café,  etc.) 
«  pouvaient  se  vendre  en  Oranie  au  même  prix  que  sur  le 
«  territoire  marocain,  nul  doute  que  les  populations  du 
«  versant  méridional  du  Maroc  ne  vinssent  les  prendre  en 
«  Oranie.  C'est  ce  qu'ont  compris  en  même  temps  le 
«  commerce  et  les  corps  élus  algériens,  et  c'est  afin 
«  d'atteindre  ce  but  et  de  répondre  au  désir  des  populations 
«  oranaises  que  les  entrepots  francs  ont  été  créés.  Si  les 
«  Marocains  s'habituaient  à  venir  prendre  chez  nous  les  objets 
«  de  première  nécessité,  et  ils  s'habitueraient  facilement 
«  puisque  ce  serait  leur  intérêt,  ils  nous  achèteraient  en 
«  même  temps  toutes  leurs  cotonnades,  leurs  effets  d'Iiabille- 
«  ment,  etc.  La  différence  de  prix  entre  nos  tissus  en  général 
«  et  ceux  de  l'étranger,  de  l'Angleterre  par  exemple,  n'est 
«  pas  assez  forte  pour  balancer  la  différence  de  prix  des 
«  transports  particuliers  et  de  la  constitution  de  caravanes 
«  spéciales.  » 

Les  Marocains  ne  pouvant,  à  cause  des  frais  généraux,  de 
la  difficulté  et  de  la  longueur  des  communications,  du  manque 
de  sécurité,  fractionner  leurs  achats,  constituent  tous  les  ans 
des  caravanes  pour  venir  vendre  en  Algérie  les  produits  de 
leur  fabrication  (ha'iks,  tapis,  cuir,  savates,  etc.)  et  pour  y 
amener  leur  bétail.  Ces  pérégrinations  ne  pouvant  être 
répétées  continuellement,  ils  s'organisent  pour  une  fois  arrivés 
sur  un  marché,  j  faire  en  même  temps  leurs  ventes  et  leurs 
achats.  Les  créateurs  des  entrepôts  francs  en  Oranie  ont 
voulu  répondre  à  ce  besoin.  «  Malheureusement,  dit 
«  M.  Gounon.  ils  n'ont  pas  compté  avec  les  difficultés  créées 
u  par  l'administration.  La  douane  exige  pour  la  franchise  des 
«  marchandises  envoyées  à  Djenien-bou-Rezg  (Aïn-Sefra)  et 
«  Marnia,  entrepôts  francs,  la  constitution  en  espèces  des 
«  droits  entiers  comme  garantie,  sauf  à  restituer  le  montant 
((  de  ces  droits  entiers  lorsqu'il  aura  été  démontré  que  la 
«  marchandise  affranchie  a  été  vendue.  Ainsi  le  droit  sur  le 
«  café,  par  exemple,  équivaut  presque  au  prix  de  la  marchan- 
«  dise  . .  Les  marchés  francs,  sans  les  difficultés  adminis- 
(c  tratives  qui  en  liérissent  l'accès,  rendraient  de  grands 
«  services  à  l'exportation  nationale.  » 

M.  Gounon  évalue  à  4  millions  d'habitants  la  population  du 
versant  méridional  du  Maroc,  que  nous  voulons  attirer  sur 
notre  marché  :   ce   n'est  pas  là  une   quantité    négligeable. 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    517 

«  On  dit  que  ces  populations  sont  pauvres.  C'est  vrai,  relati- 
«  vement  ;  mais  cet  état  de  dénuement  chez  quelques 
«  peuplades  est  simplement  effet  de  mauvaise  administration» 
«  d'exactions  du  fisc,  qui  tuent  cliez  le  Marocain  tout  désir  de 
«  travail,  toute  idée  d'entreprise,  tout  esprit  d'économie.  Le 
«  rapprochement  de  ces  populations  de  nos  indigènes,  »  dit 
en  concluant  M,  Gounon,  «  la  fréquence  de  leurs  rapports 
«  avec  nous,  grâce  à  nos  marchés  francs,  leur  pénétration  par 
«  certaines  de  nos  idées,  produiraient  à  la  longue  une  grande 
«  transformation  dans  l'existence  économique  de  ces  peu- 
«  plades.  Elles  subiront  les  lois  de  l'évolution  sociale, 
«  comme  nos  indigènes  du  Sud  dont  elles  sont  bien  proches 
«  parents.  Elles  adopteront  peu  à  peu  nos  méthodes  d'échange, 
«  useront  nos  tissus,  et  finiront  par  se  considérer  comme 
«  plus  Algériens  que  Marocains.  Qui  sait  si  d'ici  là 
«  notre  gouverriement  n'arriverait  pas  à  obtenir  des  voies 
«  terrées  ayant  pour  point  de  départ,  notre  frontière 
«  algérienne,  desservant  Figuig,  le  Tafilelt  et  allant  jusqu'au 
a  Sous  ?  » 

Nous  avons  dit  précédemment  que  les  indigènes  du  Tafilelt 
achètent  des  cotonnades  dites  guinées,  originaires  des  établis- 
sements français  de  l'Inde,  mais  importées  le  plus  souvent 
par  Londres.  Le  décret  du  l""'  février  1902("  admet  à  transiter 
en  franchise  à  travers  le  territoire  algérien  les  toiles  de  coton 
pur,  unies,  écrues  ou  blanchies,  pesant  plus  de  5  kilogs 
aux  lOOmètres  carrés,  ainsi  que  les  guinées  des  établissements 
français  de  l'Inde,  à  destination  du  Maroc  et  des  oasis  saha- 
riennes. Mais  à  la  différence  du  décret  du  27  décembre  1896, 
ayant  trait  principalement  au  sucre,  le  décret  du  l'''  février  1902, 
ne  spécifie  pas  que  les  cotonnades  admises  à  transiter  en 
franchise  devront  être  de  provenance  française.  Un  fabricant 
de  Rouen  a  attiré  l'attention  de  la  Chambre  de  Commerce  de 
cette  ville  sur  le  décret,  et  une  commission  a  été  nommée  pour 
examiner  la  question.  Tin  rapport  a  été  rédigé  et  adressé  au 
Ministre  du  Commerce  et  aux  Chambres  de  Commerce  des 
centres  industriels,  demandant  l'abrogation  du  décret.  Le 
rapporteur  fait  remarquer  que  les  agents  des  douanes  ne 
peuvent  pas  exercer  une  surveillance  rigoureuse  sur  toute 
l'étendue  de  la  frontière  saharienne,  et  que  les  cotonnades  de 


(1)  Journal  Officiel,  du  S  février  190Î. 


518    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

provenance  étrangère,  après  avoir  été  expédiées  au  Maroc, 
pourraient  être  réintroduites  en  contrebande  sur  le  territoire 
français  sans  avoir  payé  de  droit  d'importation.  Jusqu'à  ces 
derniers  temps  une  telle  concuri'ence  n'était  pas  à  craindre, 
car  les  marchandises  étrangères  ne  pouvaient  atteindre  le 
territoire  français  que  grevées  des  frais  de  transport  par 
caravanes  ;  ma's  grâce  au  décret  du  i^''  février  1902,  elles 
peuvent  bénéficier  du  transport  à  bon  marché  par  les  chemins 
de  fer  algériens  et  faire  concurrence  aux  cotonnades  françaises 
non  seulement  au  Maroc,  mais  aussi  dans  les  régions  françaises 
limitrophes.  La  Chambre  de  Commerce  de  Troyes  a  rédigé  un 
rapport  identique  dans  ses  conclusions  à  celui  de  la  Chambre 
de  Commerce  de  Rouen. 

Nous  avons  parlé  plus  haut  du  trafic  passant  par  Aïn-Sefra 
et  le  chemin  de  fer  du  Sud  Oranais  dans  la  direction  de  Figuig  ; 
nous  allons  nous  occuper  maintenant  du  commerce  de  Marnia, 
ainsi  que  du  commerce  du  Kiss,  port  de  création  récente, 
appelé  à  un  brillant  avenir. 


§  I.  -  LALLA-MARNIA  ÇUx^  ïi^) 

OUDJDA  (»^^^.) 

Lalla-Marnia,  chef  lieu  d'un  cercle  militaire  qui  compte 
20.000  habitants  environ,  située  non  loin  de  la  Tafna,  est 
reliée  par  une  route  carrossable  de  54  kilomètres  à  l'impor- 
tante ville  de  Tlemcen,  point  terminus  de  la  ligne  du  chemin 
de  fer  de  l'Ouest-Algérien.  La  route  de  Tlemcen  à  Marnia  se 
continue  sur  une  longueur  de  46  kilomètres  de  Marnia  au  port 
de  Netywurs,  en  franchissant  de  hautes  montagnes  et  en  passant 
par  la  petite  ville  berbère  de  Nedroma.  La  route  de  Tlemcen  à 
Nemours  par  Marnia  (100  kilomètres)  est  parcourue  par  un 
service  quotidien  de  diligences,  qu'il  est  question  de  rem- 
placer par  des  automobiles.  La  route  de  Tlemcen  à  Marnia  se 
continue  vers  l'Ouest,  dans  la  direction  du  Maroc  par  une  piste 
de  24  kilomètres  qui  conduit  de  Marnia  à  Oudjda,  la  ville 
marocaine  frontière.  Cette  piste  traversant  un  terrain  unifor- 
mément plat,  est  praticable  jusqu'à  Oudjda  pour  les  voitures 
solides.  La  frontière  se  trouve  à  peu  près  à  égale  distance  de 
Marnia  et  d'Oudjda  ;  d'ailleurs  il  n'y  a  pas  plus  de  route  digne 
de  ce  nom   sur  le  territoire  français  que  sur  le  territoii-e 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    519 

marocain.  Tandis  que  la  dépression  Tlenicen-Marnia-Oudjda 
se  prolongeant  dans  la  direction  de  Fez,  est  séparée  de  la 
Méditerranée,  au  Nord,  parles  hautes  montagnes  difficilement 
franchissables,  les  communications  sont  relativement  faciles 
entre  ces  différentes  localités  :  un  trafic  important  s'effectue 
par  cette  dépression  qui  constitue  la  grande  voie  de  pénétra- 
tion économique  du  Maroc  par  l'Algérie.  Entre  Marnia  et 
Oudjda  les  communications  sont  aujourd'hui  beaucoup  plus 
sûi-es  qu'autrefois  ;  Marnia  est  actuellement  le  principal 
entrepôt  du  commerce  algéro-marocain.  Son  marché  qui  se 
tient  tous  les  samedis,  a  une  importance  e.Kceptionnelle.  Il 
comprend  :  1°  le  marché  algérien  où  l'on  vend  principalement 
des  ustensiles  de  cuisine  et  de  ménage,  et  des  chevau.x  ;  2'^  les 
marchés  marocaine,  bien  plus  considérables  que  le  marché 
algérien,  où  les  Marocains  de  la  région  avoisinante,  jusqu'à  la 
moyenne  Mlouïïi,  viennent  vendre  leur  bétail  ;  il  y  a  deux 
marchés  marocains,  le  marché  au.K  hœufs  et  le  marché  aux 
moutons,  le  plus  grand  de  tous,  qui  couvre  un  espace 
considérable. 

Voici,  d'après  les  renseignements  que  nous  avons  pu  nous 
procurer,  la  statistique  du  bétail  marocain  vendu  à  Marnia 
endOOOet  1901. 


chevaux. 
Juments . 
Mulets... 

Anes  .... 
Bœuf.s .  . . 
Vaches. . . 
Taureaux  . 


Montons. 
Chèvres . 


PRIX  MOVFN 


1900 

TÈTES  I  VSLEUR 


'  de  2.'.0  à  300  pcsotds' 


de  300  à  330 
de  50  à  GO 
de  120  à  150 


de    20  à    2- 
de    12  i     1.' 


''  / 


21.323 
3.03'i 


^     I 


Valeuu  totale Pes, 

Suit,  au  change  moyeu  de  133  "/^ Fr. 


ô.:28-00u 

209. SOS 

:i.,ï(iO 

5.. -,30 

'J.20;j.ri00 

6.924.400 

P.  n  nti.ioo 

F.  8.993.3011 


520     LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 


Les  Marocains  vendent  encore  à  Marnia  la  laine  de  leurs 
moutons,  dont  les  toisons  sont  très  abondantes  ;  ils  y  apportent 
également  des  peaux,  des  tissus,  des  grains,  etc. 

Ils  s'y  approvisionnent,  en  échange,  d'objets  manufacturés 
de  provenance  européenne,  surtout  française. 

Voici  le  tableau  des  expéditions  de  Marnia  au  Maroc  en 
1900  et  1901  : 


Suire 

PRIX  MOYEN 

19 

QUANTITÉS 

00_ 

VALEUR 

19 

OUANIITÉS 

01 

VALEUR 

32  fr.  les  100  kil. 

70               — 
150                — 
150               - 
125                — 
28  à  30  fr.  le  nuintal 
28  à  30              — 
2  0  fr.  les  100  kil. 

Kil, 

9Ô4.1ÏI0 
16.884 
5.779 
559 
1.337 
.54.9S6 
.58.277 

Fr. 
305.340 
11.830 
8.700 
840 
1.G80 
33.000 
34.980 

Kii 

1.614.06: 

15.625 

6.153 

942 

2.318 

17.310 

35.245 

321 

Fr. 
51U.500 
10.920 
9.225 
1.410 
2,.<!75 
10.3)0 
21.145 
442 

Café 

Girolle 

Farine 

ViLEUR    TO 

TALE 

39l1.3.j0 

.572.907 

De  Marnia  on  exporte  également  au  Maroc  des  tissus,  en 
moyenne  15  balles  de  115  à  120  kil.  par  mois  :  la  plus  grande 
partie  de  ces  tissus  sont  des  colonnades,  le  reste,  des  iiss^ls  de 
soie.  Par  Marnia  on  introduit  aussi  au  Maroc  des  bougies,  du 
thé,  etc. 

Le  seul  article  dont  les  expéditions  au  Maroc  commencent  à 
prendre  une  réelle  importance  est  le  sucre.  Pendant  le 
premier  semestre  de  1902,  il  a  été  exporté  de  Marnia  à  Oudjda 
les  quantités  suivantes  de  ce  produit  : 

Janvier 99.149''5 

Février 191.974  9 

Mars 92.857 

Avril    289.148  6 

Mai 108.850 

Juin 123.000 

Total 904.976'' 


Les  intérêts  économiques  de  la  frange  au  maroc  521 

D'où  l'on  peut  prévoir  l'envoi  d'environ  2.UOO.O0O  de  kil. 
pour  l'année  1902.  Donc,  la  progression  pour  les  trois 
dernières  années  est  la  suivante  : 

ijuanlilés  Valeur 

Kil,  Fr. 

1900  954.190    305.340 

1901  1.G14.067    516.500 

1902  2.000.000    640.000 

Le  sucre  des  Raffineries  de  la  Méditerranée  se  vend 
33  fr.  50  les  100  kil . ,  pris  à  la  fabrique,  moins  2  "/o  de 
bonification,  soit  32  fr.  83.  Voici  quel  est  le  prix  du  sucre, 
rendu  à  Marnia  : 

Prix  à  la  fabrique Fr 

Bateau  Marseille  Nemours. 

Droit  de  transit 

Plombage 

Frais 

Transport  Nemours-Marnia 
Droit  de  transit  à  Marnia. . . 

Total Fr.     36  48  les  100  kil. 

Le  prix  du  transport  de  Marnia  à  Oudjda  par  chameau  est 
de  fr.  2,50,  soit,  au  change  de  133  "/o,  pes.  3,35.  En  entrant  à 
Oudjda,  le  sucre  paie  1  douro  (5  pesetas)  par  sac,  plus  pes.  0,50 
de  droit  d'octroi  (hak-el-bab).  11  faut  ajouter  pes.  0,25 
pour  le  transport  de  la  douane  au  magasin.  Soit  au  total, 
pes.  9,10. 

Donc,  voici  le  prix  de  revient  des  100  kil.  de  sucre  à 
Oudjda  : 

Prix  de  revient  à  Marnia  :  fr.  36,48,  soit.     Pes.  48,50 
Frais  de  Marnia  à  Oudjda —      9,10 


Fr. 

32  83 

— 

1  60 

— 

0  40 

— 

0  25 

— 

0  10 

— 

1     » 

— 

0  30 

Prix  de  revient  à  Oudjda Pes.  57,60 

Oudjda  est  actuellement  un  important  marché  où  viennent 
s'approvisionner  les  Arabes  du  Maroc  oriental  et  des  Hauts- 
Plateaux.  Si  un  entrepôt  franc  était  créé  à  Marnia,  comme  le 
réclament  les    négociants  de    celte    localité,    les   Marocains 


522    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

viendraient  acheter  à  Marnia,  et  non  plus  à  Oudjda.  Pour  le 
sucre  notamment,  ils  économiseraient  ainsi  pes.  9,10  par 
100  kil.  D'autre  part,  ils  pourraient  eftecluer  à  Marnia  leurs 
achats  au  détail,  ce  qui  leur  permettrait  de  les  accroître 
considérablement. 

Les  Marocains  introduisent  en  contrebande  sur  le  territoire 
algérien  beaucoup  de  thé  anglais  et  de  sucre  français. 

Marnia  est,  par  sa  situation  géographique,  admirablement 
placée  pour  devenir  le  grand  entrepôt  du  commerce  franco- 
algérien  avec  le  Maroc.  Son  importance  s'accroîtrait  considé- 
rablement si  une  voie  ferrée  la  mettait  directement  en 
communication  avec  la  mer,  et  si  Ton  réalisait  le  projet 
comportant  le  prolongement  jusqu'à  Marnia  du  chemin  de  fer 
d'Oran  à  Tlemcen.  La  ligne  de  Tlemcen  à  Marnia  sera  le 
premier  tronçon  de  Tlemcen  à  Fez. 

Actuellement,  le  commerce  de  Marnia  avec  le  Maroc 
représente  les  2/3  des  expéditions  du  Maroc  en  Algérie  et 
les  3/4  des  envois  d'Algérie  au  Maroc.  'En  dehors  de  son 
importance  au  point  de  vue  du  transit,  Marnia  est  le  centre 
d'une  riche  région  qu'il  est  question  de  fertiliser  par  la 
construction  d'un  barrage  sur  la  Tafna,  en  vue  d'arroser 
une  plaine  de  5  à  6,000  hectares.  En  outre,  Marnia  est 
reliée  par  une  route  carrossable  de  36  kilomètres  aux 
gisements  de  plomb  argentifère  de  Gar  Rouban,  situés  sur 
la  frontière,  dont  l'exploitation  est  abandonnée  depuis 
plusieurs  mois  ;  les  gisements  de  Djaber,  situés  de  l'autre  côté 
de  la  frontière,  ne  sont  qu'à  une  distance  de  18  kilomètres 
d'Oudjda. 


g  II.  —  LE  KISS 


Sur  la  rive  algérienne  de  l'oued  Kiss  qui  forme,  dans  la  région 
maritime,  la  frontière  entre  l'Algérie  et  le  Maroc,  se  trouve  une 
plage  d'un  kilomètre  et  demi  de  longueur,  distante  de  70  kilom. 
de  Nemours.  Sur  une  pélition  de  quelques  négociants  de  cette 
ville,  M.  Duchamp,  conseiller  du  gouvernement  et  gouverneur 
intérimaire  de  l'Algérie,  avait,  par  une  circulaire  en  date 
du  3  octobre  1887,  aggravée  par  l'administration  des  douanes 
de  l'époque,  fermé  au  commerce  la  plage  du  Kiss  ainsi  que 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC     523 

celles  du  Bieder  et  du  Sel.  Le  port  de  Nemours,  malgré  ses 
conditions  défectueuses  et  la  difficulté  de  ses  communications 
avec  l'intérieur,  était  ainsi  rendu  maître  de  tout  le  commerce 
de  la  région  frontière  maritime  ;  les  indigènes  se  trouvaient 
contraints  d'apporter  leurs  denrées  à  Nemours  parles  chemins 
longs  et  difficiles  et  d'y  acquitter  des  droits  de  marchés  élevés. 
Cet  état  de  choses  durait  encore,  lorsqu'en  juillet  1900, 
M.  Louis  Say,  lieutenant  de  vaisseau  de  réserve,  s'établit  sur 
la  plage  du  Kiss  et  devint,  par  acquisition  notariée, 
propriétaire  du  large  espace  de  terrain  s'étendant  entre  la 
la  rivière  du  Kiss  et  le  massif  montagneu.x  du  cap  Milonia. 
Un  certain  nombre  de  colons  français  sont  venus  rejoindre 
M.  Say  au  Kiss,  oii  l'élément  européen  est  actuellement 
représenté  par  60  personnes.  Des  constructions  y  ont  été 
bâties,  notamment  un  hôtel  pouvant  loger  de  nombreux 
visiteurs  ;  on  y  a  "créé  des  .plantations  et  des  cultures,  le 
domaine  acquis  étant  d'une  grande  fertilité  •'>.  En  juillet  1901, 
M.  Révoil,  gouverneur  général  de  l'Algérie,  consentit  à 
donner  l'autorisation  temporaire  d'ouvrir  la  plage  du  Kiss  à 
l'exportation  des  céréales  et  de  Valfa  en  Algérie  ;  mais  l'impor- 
tation des  marchandises  de  provenance  européenne  étant 
interdite,  on  ne  put  établir  un  commerce  d'échange  avec  les 
indigènes  ;  d'autre  part,  le  commerce  d'exportation  des 
céréales  à  Nemours,  à  Oran  et  dans  les  autres  ports  algériens, 
fut  gêné  par  certaines  mesures  douanières  et  fiscales. 
Cependant,  dès  l'ouverture  de  la  plage,  les  Marocains,  avec 
lesquels  avaient  été  établies  des  relations  très  amicales,  vinrent 
en  toute  de  la  plaine  des  Triffas,  des  montagnes  des  Béni 
Snassen,  des  Kebdana,  de  la  vallée  inférieure  de  la  Mlouia, 
apporter  de  grandes  quantités  de  blé  et  d'orge.  Le  vapeur 
Zénith,  affrété  pour  faire  un  service  hebdomadaire  entre  le 
Kiss  et  Oran,  chargea  en  3  mois  une  quantité  approximative 
de  20,000  quintaux  de  céréales,  lesquelles  ont  trouvé 
acquéreurs  à  des  prix  rémunérateurs,  en  raison  de  leur  qualité 
supérieure.  Les  blés,  à  la  revente,  ont  laissé  une  marge  de 
4  francs  par  100  kil.,  et  les  orges  de  2  fr.  50  par  100  kil.  Au 
mois  de  septembre  1901,  le  Zénith  n'a  pu  suffire  au  transport 


(1)  H.,  F.  Caillol.  La  Plage  du  Kiss  et  son  avenir  commercial. 
Sens  tout.—  Cf.  Lettres  de  M.  Gai'lol  puljliées  par  la  Politique  Coloniale 
des  27  octobre,  8  novembre  et  16  novembre  1901. 


38 


524    LES  INTERETS  ECONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

des  céréales  importées  du  Kiss  à  Oran,  et  il  a  été  secondé  par 
le  vapeur  Norma  de  la  Compagnie  Chabei*  et  Castanié,  d'Oran. 
Pour  la  saison  1901-1902,  la  quantité  totale  de  céréales 
marocaines  exportées  en  Algérie  par  le  Kiss  peut  être  évaluée 
à  30,000  quintaux,  dont  : 

18.000  quintaux  d'orge  à  10  fr.,  soit  environ  180.000  tV. 
12.000        —        de  blé  à  20  fr.,  —  240.000  fr. 


Soit  une  valeur  totale  de  420.000  fr. 

Pour  la  deuxième  année,  on  s'attend  à  une  exportation 
double  de  la  précédente.  Il  y  a  en  outre  à  s'occuper  au  Kiss, 
en  février  ou  en  mars,  du  bétail  (moutons,  bœttfs,  chèi'res), 
lequel  peut  arriver  en  nombre  par  les  vallées  du  Kiss  et  de  la 
Mlouïa,  et  s'embarquer  au  Kiss  à  destination  de  Marseille, 
Cette  ou  Port-Vendres.  Il  faut  citer  également  les  poils  de 
chèvre,  les  cuirs,  les  cornes,  les  peaux,  la  laine,  Vhuiled'oUve, 
et  surtout  le  crin  végétal  dont  les  palmiers  nains,  très 
nombreux  iiur  la  plage  d'Adjeroud  et  dans  la  plaine  des 
Triffas,  peuvent  fournir  la  matière  première  en  grande 
quantité  :  ce  produit  est  très  recherché  dans  le  Nord  de 
l'Europe  et  aux  Etats-Unis.  En  dehors  de  ces  richesses 
agricoles,  la  région  voisine  du  Kiss  possède  d'importants 
gisements  de  plomb  argentifère,  de  calamine,  de  fer 
magnétique  des  montagnes  des  Beni-Snassen,  dont  les 
habitants  verraient  avec  faveur  la  visite  des  ingénieurs 
français.  Ces  gisements  pourraient  être  reliés  à  peu  de  frais 
par  des  chemins  de  fer  au  Kiss.  De  même,  une  voie  ferrée 
passant  par  le  col  de  Garbous  (582  mètres  d'altitude)  pourrait 
mettre  en  communication  avec  le  Kiss  les  gisements  de  plomb 
argentifère  de  Djaber  et  de  Gar  Rouban  situés  au  Sud  d'Oudjda. 
Le  Kiss  est  le  port  le  plus  rapproché  de  cette  ville,  le 
débouché  naturel  de  la  plaine  des  Triffas,  de  la  région  des 
Kebdana,  du  massif  des  Beni-Snassen  ;  il  paraît  appelé  à 
supplanter  Melilla  en  tant  que  débouché  de  la  vallée  inférieure 
de  la  Mlouïa. 

Si  le  Kiss  parait  appelé  à  un  grand  avenir  eu  (;int  que 
débouché  commercial,  son  rôle  paraît  devoir  être  aussi 
important  en  ce  qui  concerne  la  pénétration  économique  du 
Maroc  oriental.    Notons    que  les  commerçants  du   Kiss  ont 


LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC    525 

obtenu  en  mai  1902  l'autorisation  qu'ils  sollicitaient  d'importer 
au  Maroc  des  produits  de  provenance  métropolitaine.  Ils 
réclament  en  outre  la  concession  d'un  bureau  de  douanes 
autonome  et  d'un  entrepôt  réel.  Ces  mesures  mettront  le  Kiss 
à  même  de  rivaliser  avec  MeliUa.  Le  commerce  français,  de 
son  côté,  devra  s'efforcer  d'introduire  au  Kiss  tous  les 
articles  recherchés  par  les  Marocains,  et  de  satisfaire  leurs 
goûts,  comme  le  font  les  maisons  allemandes  et  anglaises  de 
Melilla.  Jusqu'ici  les  prétentions  des  commerçants  français, 
telles  que  le  paiement  par  anticipation,  l'envoi  à  leur  gré  de 
la  marchandise,  ont  amené  les  indigènes  à  s'approvisionner  à 
Melilla  où,  tout  en  opérant  au  comptant,  les  Allemands  et  les 
Anglais  ont  fait  à  leurs  clients  des  prix  de  faveur.  C'est  ainsi 
que  Marseille  qui  avait  expédié  auparavanl  par  Nemours  la 
plupart  des  sucres  consommés  dans  le  Maroc  oriental,  s'est 
vue  concurrencer  en  1901  par  les  sucres  allemands  vendus 
par  Melilla.  En  1900  les  raffineries  marseillaises  ont  exporté 
dans  le  Maroc  oriental  3600  tonnes,  et  si  quelques  concessions 
avaient  été  faites,  ce  chiffre  aurait  progressé  en  1901  jusqu'à 
plus  de  5000  tonnes.  En  dehors  des  sucres,  nous  pourrions 
introduire  encore  un  grand  nombre  de  produits  :  cafés,  thés, 
soie  yège,  tissus,  rubans,  cotonnades,  lainages,  porcelaines, 
verres,  bougies,  savons,  peaux  brutes,  outils  et  ouvrages  en 
métaux,  vêtements,  lingerie,  matériaux  de  construction, 
bijouterie,  articles  de  Paris,  armes  et  munitions,  etc.  Si  sur  la 
plage  du  Kiss  les  Marocains  trouvaient  des  marchandises 
analogues  à  celles  vendues  à  Melilla,  et  s'ils  avaient  la  certitude 
de  pouvoir  y  écouler  leurs  produits,  il  se  créerait  aussitôt  un 
courant  commercial  très  important. 

Le  développement  du  Kiss  et  ses  perspectives  d'avenir 
ont  causé  une  certaine  inquiétude  en  Espagne  au  sujet 
de  Melilla.  Le  17  février  1902,  M.  Labra,  sénateur,  demanda 
des  explications  au  Ministre  d'Etat  sur  «  la  formation  d'une 
«  colonie  à  l'embouchure  du  Kiss,  la  construction  d'un 
«  port  à  cet  endroit  et  d'un  chemin  de  fer  vers  Nemours  (?) 
«  et  les  tentatives  faites  en  vue  de  faire  déclarer  le  Kiss 
«  port  franc  afin  de  détourner  de  Melilla  tout  le  conmierce 
«  du  Maroc  oriental  ».  Le  Ministre  d'Etat  reconnut  l'exac- 
titude de  ces  affirmations  en  ce  qui  avait  trait  au  port 
du  Kiss,-  et  dit  que  le  gouverment  espagnol  ne  pouvait  y 
remédier  qu'en  mettant  Melilla  en  situation  de  soutenir  cette 


526    LES  INTÉRÊTS  ÉCONOMIQUES  DE  LA  FRANCE  AU  MAROC 

concurrence  (1).  Dans  tous  les  cas,  s'il  faut  admettre  que 
Melilla  restera  vraisemblablement  le  débouché  du  Rif,  on 
peut  s'attendre  à  ce  que  le  Kiss  devienne  le  débouché  de  la 
vallée  intérieure  de  la  Mlouïa. 

En  attendant  la  construction  d'un  port  au  Kiss  et  la  création 
de  voies  ferrées  le  mettant  en  communication  avec  Marnia  ou 
avec  Oudjda,  l'établissement  d'un  wharf  pour  l'embarquement 
et  le  débarquement  des  marchandises,  et  la  construction  d'une 
route  carrossable  entre  le  Kiss  et  Marnia  par  Sidi-bou-Djenan, 
contribueront  à  hâter  le  développement  de  l'œuvre  entreprise 
par  M.  Say  et  ses  collaborateurs.  Nous  sommes  persuadés  que 
cette  intéressante  tentative  est  appelée  à  un  brillant  avenir,  si 
toutefois,  en  dehors  de  l'appui  gouvernemental,  elle  obtient 
le  concours  des  commerçants  et  des  capitalistes  fran<;ais, 
concours  qui,  dans  l'esprit  des  fondateurs  du  Kiss  ne  pourrait 
mieux  se  manifester  que  par  la  création  d'une  Société 
commerciale  et  industrielle  pour  l'exploitation  du  Maroc 
oriental. 


{A  suivre). 


(V)  La  Epoca,  18  février  1902. 


IVOTIOJB 

SUR     LA     MONTAGNE     DE    SEL     DU     DJEBEL- AMOUR 


Dans  la  partie  Sud-Ouest  du  Djebel-Ainour(province  d'Oran) 
existe  une  «  Montagne  de  Sel  »  remarqualjle  et  cependant  très 
peu  connue.  Elle  setrouveen  effet  loin  de  toutcentre  important, 
aux  confins  du  Sahara,  et  en  dehors  des  routes  habituelles 
du  Sud. 

On  peut  s'y  rendre  soit  de  Tiaret  et  Allou  (176  kil.  deTiaret 
à  Atlou,  et  65  kil.  d'Aflou  à  la  montagne  de  sel  par  Taouiala) 
soit  de  Géryville  (120  kil.  par  Stitten  et  Sidi-Tifour),  soit  de 
Laghouat  par  Aïn-Madhi  (80  kil.).  La  route  de  Laghouat  à 
Géryville  passe  à  deux  lieues  au  Nord. 

La  montagne  de  Sel  du  Djebel-Amour,  connue  dans  le  pays 
sous  le  nom  de  Kef-el-Melah,  est  située  sur  la  rive  droite  de 
l'oued  el  Melah  (rivière  salée). 

Cette  rivière  qui  coule  en  toutes  saisons  est  formée  par  la 
réunion  de  l'oued  Amouida  et  de  l'oued  Kbalah  dont  les  eaux 
sont  déjà  amères,  car  elles  traversent  quelques  aflleurements 
gypso-salins. 

En  aval,  après  avoir  décrit  de  nombreuses  sinuosités  pour 
sortir  des  montagnes,  l'oued  el  Melah  devient,  dans  le  Sahara, 
l'oued  Zergoun  dont  les  eaux  souterraines  ou  de  surface 
conservent  très  loin  une  saveur  salée. 

La  montagne  de  Sel  est  orientée  de  l'E.-N.-E.  à  l'O.-S.-O.  Sa 
longueur  est  d'environ  800  mètres  sur  une  largeur  moitié 
moindre.  Elle  s'élève  de  200  à  250  mètres  au-dessus  du  lit  de 
l'oued  dont  l'altitude  en  ce  point  est  approximativement 
de  1.000  mètres. 

L'aspect  est  variable  suivant  les  saisons,  mais  toujours 
remarquable,  surtout  lorsque  l'on  arrive  par  le  Sud.  Le  voya- 
geur qui  est  encore  aux  portes  du  Sahara  ne  peut  s'empêcher 
de  corhpai'er  à  la  région  des  glaciers  le  pittoresque  paysage 
qu'il  a  sous  les  yeux.  Après  une  longue  période  de  sécheresse, 
l'ensemble  a  un  aspect  gris-cendré  sur  lequel  tranchent  les 

39 


528      NOTICE  SUR  LA  MONTAGNE  DE  SEL  DU  DJEBEL-AMOUR 

assises  de  sel  et  les  eftlorescences  Jolanches  des  sources  salées. 
Mais  en  hiver,  ou  simplement  après  une  pluie,  les  marnes 
vertes  et  roses,  les  roches  verdàtres  reprennent  leurs  magni- 
fiques couleurs,  les  blocs  de  gypse  et  les  bancs  de  quartz 
brillent  de  tout  leur  éclat  et  le  soleil  illumine  le  tout  en  mettant 
en  relief  les  assises  de  sel  gemme. 

Mais  si  c'est  pendant  et  après  la  saison  des  pluies  et 
notamment  au  printemps  que  la  montagne  de  Sel  revêt  son 
aspect  le  plus  pittoresque  et  le  plus  brillant,  le  moment  serait 
mal  choisi  pour  en  faire  l'ascension  et  l'exploration.  Les  argiles 
et  les  marnes  sont  rendues  glissantes  et  l'on  s'exposerait  à  des 
chutes  dangereuses  sur  les  pentes  raides  ;  les  éboulements 
ne  sont  pas  exceptionnels,  et  la  chute  des  blocs  a  causé 
quelques  victimes  parmi  les  indigènes  venant  faire  leur  pro- 
vision de  sel. 

En  été,  principalemenl  en  août  et  septembre,  l'humidité  de  la 
montagne  n'a  pas  entièrement  disparu,  mais  la  solidité  du  sol 
est  suffisante  pour  permettre  de  tenter  l'ascension.  Il  est  bon 
de  signaler  qu'alors  la  région,  infestée  de  nombreux  moustiques, 
est  insalubre. 

En  raison  de  l'absence  de  fossiles  dans  les  couches  argi- 
leuses intercalées,  il  est  difficile  de  fixer  d'une  façon  ferme  à 
quel  étage  appartient  le  sel  du  Djebel-Amour.  On  doit  l'attri- 
buer, croyons-nous,  au  Keuper  ou  trias  supérieur. 

Les  montagnes  voisines  appartiennent  au  jurassique  moyen 
et  au  jurassique  supérieur.  A  une  certaine  distance,  reparaît 
le  terrain  dominant  du  Djebel-Amour,  c'est-à-dire  le  crétacé 
inférieur  avec  une  grande  abondance  de  grès  albiens. 

Les  bancs  de  sel  du  Kef-el-Melah  sont  d'une  horizontalité  à 
peu  près  parfaite  et  leur  épaisseur  varie  de  quelques  millimètres 
à  plusieurs  dizaines  de  mètres. 

Le  sel. gemme  que  l'on  retire  de  ces  assises  se  présente  sous 
forme  de  blocs  de  grosseur  variable  (un  à  deux  kilogrammes 
en  général),  d'une  teinte  légèrement  gris  rosé,  translucides, 
à  cassure  cristalline.  Suivant  les  points,  ce  sel  est  homogène 
ou  contient  dans  l'épaisseur  même  des  assises  une  légère 
proportion  de  substances  terreuses. 

Nous  avons  prélevé  au  mois  de  mars  1902  un  certain 
nombre  d'échantillons  de  sel  en  ditïérents  points  de  la 
montagne.  L'analyse  en  a  été  faite  par  M.  Lecomte,  pharmacien 
aide-major  à  l'hôpital  militaire  de  Laghouat. 


NOTICE  SUR  LA  MONTAGNE  DE  SEL  DU  DJEBEL-AJIOUR      529 

Nous  devons  nous  borner  à  reproduire  ici  quelques-unes 
des  conclusions  de  cet  habile  chimiste. 

«  Gisement  principal  vers  le  centre  de  la  montagne. 

Chlorure  de  sodium  (Na  Cl) 97ï801 

Chlorure  de  magnésium  (Mg  Cl '). . . .  0  004 

Sulfate  de  magnésie  (So''  Mg) 0  070 

Sulfate  de  chaux  (So^  Ca) 0  680 

Azotate  de  sodium  (Az  o^  Na) 0  00.3 

Eau  (H2  o) 0  612 

Résidu  insoluble  dans  l'eau    0  830 

Total 100s  000 

Conclusions.  —  Ce  sel  renfermant  beaucoup  de  cldorure 
de  sodium  et  très  peu  de  magnésie  doit  être  considéré  comme 
étant  de  première  qualité  ». 

Des  échantillons  prélevés  aux  deux  extrémités  de  la 
montagne  ont  donné  des  résultats  différents;  leur  teneur  en 
chlorure  de  sodium  était  respectivement  de  : 

04.478  o/o  à  l'extrémité  Est  de  la  montagne  (aval) 
9Û.698  o/o  —         Ouest  —  (amont) 

Ces  deux  échantillons  contenaient  très  peu  de  magriésie 
(0.036  et  0.018  p.  100),  mais  une  certaine  proportion  de 
matières  insolubles  dans  l'eau  (3  g.  192  et  5  g.  150  pour  100. 

Au  contraire,  un  échantillon  prélevé  à  une  certaine  altitude 
sur  le  flanc  de  la  montagne,  en  un  point  inexploité  et 
actuellement  inexploitable,  a  donné  le  résultat  suivant  bien 
digne  de  remarque  : 

«  Chlorure  de  sodium 99b'900 

Matières  insolubles 0  100 

TOT  AI lOOïOOO 

Conclusion.  —  Ce  sel   est  presque    chimiquement  pur  ». 
(Lecomte). 
Les  autres  roches  i"  qui  entrent  dans  la  composition   des 


(I)  Des  écliantillons  minéraux  recueillis  par  nous  dans  la  montagne 
de  sel  du  l.ijebel-Amour  ont  été  remis  à  M.  Ficheur,  directeur-adjoint  du 
Service  de  la  Carte  géolotcique  de  l'Algérie  à  Al^er,  par  l'intermédiaire 
de  M.  Uoumergue  d'tJran,  attaché  à  ce  Service  (19UI)  et  de  M.  Augustin 
Bernard  (19U2). 


530      NOTICE  su  H  LA  MONTAGNE  DE  SEL  DU  DJEBEL-AMOUR 

assises  du  Kef-el-Melah  sont  :  des  marnes  vertes  et  rosées,  du 
gypse  en  cristaux  trapéziens,  de  la  diorite  (roche  basique 
formée  de  feldspath,  d'amphibole  et  de  mica  noir),  de  l'ophite 
(intermédiaire  entre  les  roches  cristallines  et  les  roches 
mixtes),  enfin  des  cargneules  ou  dolomies  caverneuses. 

L'action  des  eaux,  souterraines  et  de  surface,  mérite  de 
retenir  un  instant  l'attention. 

A  l'extérieur,  le  Kef-el-Melah  est  profondément  raviné 
sous  l'influence  des  agents  atmosphériques.  La  montagne  est 
comme  o  décharnée  »  creusée  de  rigoles  parallèles  ou  conver- 
gentes encombrées  de  débris  rocheux  et  d'éboulis.  D'énormes 
blocs  de  diorite  et  d'ophite  se  rencontrent  au  pied  de  la 
montagne  et  jusque  sur  la  riv-e  gauche  de  l'oued. 

Les  eaux  qui  s'infiltrent  à  travers  les  couches  supérieures 
produisent  dans  les  assises  de  sel  et  surtout  vers  la  base  de  la 
montagne  des  phénomènes  de  dissolution.  Il  en  résulte  des 
effondrements  elliptiques  ou  circulaires  plus  ou  moins 
profonds,  analogues  aux  «  bofias  »  de  la  montagne  de  sel  de 
Cardona  (Espagne).  En  certains  points  et  notamment  vers  le 
milieu  de  la  longueur  du  Kef-el-Melah,  cette  dissolution 
progressive  a  amené  la  formation  d'un  ravin  très  encaissé, 
d'une  largeur  de  un  à  deux  mètres  avec  des  parois  verticales 
hautes  d'une  cinquantaine  de  mètres.  Si  l'on  suit  ce  ravin  — 
ce  qui  n'est  pas  toujours  sans  danger  —  on  trouve  dans  la 
profondeur  de  véritables  «  ponts  de  sel  ». 

On  y  voit  actuellement  une  petite  grotte  au  centre  de 
laquelle  un  homme  peut  se  tenir  debout.  De  la  voijte  pendent 
de  véritables  stalactites  de  sel  formées,  comme  dans  les 
cavernes  calcaires,  par  les  infiltrations  qui  traversent  les 
couches  supérieures. 

11  sort  de  ce  ravin  une  «  source  »  permanente  formée  en 
réalité  d'une  série  de  suintements  et  d'un  débit  variant,  suivant 
les  saisons,  entre  5  et  20  litres  par  seconde. 

Un  échantillon  de  cette  eau,  prélevé  par  nous  le  18  mars 
1902  (température  de  l'eau  13"  8  —  température  ambiante  à 
l'ombre  21<'('),  a  été  analysé  par  M.  Lecomte  et  a  donné  les 
résultats  suivants  : 


(1)  Le  21  août  1902,  nous  avons  noté  :  température  de  l'eau  à  la  scurco 
I9°2  —  température  ambiante  à  l'ombre  3G°5. 


NOTICE  SUR  LA  MONTAGNE  DE  SEL  DU  DJEBEL- AMOUR     531 

«  Caractères  orgcinoleptiques.  —  Eau  très  limpide,  incolore, 
de  saveur  très  saline  sans  amertume,  se  conservant  très  bien. 

Réaction neutre 

Degré  hydrotimétrique  total 292o5 

Cette  eau  contient  par  litre  : 

Chlorure  de  sodium 292b'500 <') 

Sulfate  de  soude 0  029 

Sulfate  de  magnésie    1  243 

Sulfate  de  chaux ....       4  896 

L'évaporation  de  cette  eau  donnerait  un  sel  renfermant  peu 
de  composés  magnésiens  et  qui  ne  serait  pas  amer  ». 

Le  cours  du  ruisseau  issu  de  la  source  est  recouvert  d'une 
couche  épaisse  de  sel  déposé  par  l'évaporation  partielle.  Ce  sel 
est  très  blanc,  mamelonné  à  la  surface  supérieure  et  assez 
résistant  pour  ne  pas  céder  sous  le  poids  du  corps.  Ces  sortes 
d'eftlorescences  pourraient  fournir  un  sel  très  blanc  et  très 
exploitable.  Les  indigènes  ne  les  utilisent  pas,  sous  prétexte 
que  les  blocs  de  sel  gemme  sont  plus  faciles  à  transportera 
dos  de  chameau. 

La  composition  de  ce  sel  déposé  par  évaporation  montre 
qu'il  contient,  pour  100  grammes  : 

Chlorure  de  sodium 96b'847.5 

Chlorure  de  magnésium.       0  173 

Sulfate  de  chaux 1  167  (Lecomte). 

D'autres  sources  moins  importantes  et  qui,  pour  la  plupart, 
tarissent  en  été,  apparaissent  sur  les  rives  de  l'oued  el  Melah, 
en  formant  de  véritables  cascades  de  sel. 

Il  va  sans  dire  que  si  l'eau  de  ces  différentes  sources  était 
recueillie  dans  des  bassins  d'évaporation,  on  pourrait  en 
retirer  une  grande  quantité  d'un  sel  excellent,  ainsi  que  le 
montrent  bien  les  analyses  précédentes. 


(1)  Il  n'est  pas  sans  intérêt  de  rappeler  ici  la  composiiion  des  eaux 
clilorurées-sodiqiies  les  plus  connues  de  la  France  et  de  l'Etranger.  — 
Bourbonne-les-Bains  :  5  gr.  8  de  chlorure  de  sodium  par  litre.  — 
Balaruc:  7  gr.  01.—  Salins  (.Jura)    22  gr.  745.—  Salies  de  Béarn  :  22  gr.  9. 

—  Salins-Moustiers  :   16  gr.  22.  —  Ilammam  Mélouane  :  36  gr.  069.  — 
Kreuznach  :  !l  gr.  520.  —  Kissingen  :  5  gr.  «22.  —  Niederbronn  :  3  gr.  088. 

—  Nauheïra  1 1  y:\.\  —  Saizungen  :  256  gr.  —  Wiesbaden  :  5  gr. 


532     NOTICE  SUR  LA  MONTAGNE  DE  SEL  DU  DJEBEL-AMOUR 

Les  indigènes  font  l'extraction  du  sel  gemme  dans  les 
grandes  assises  et  en  des  points  généralement  voisins  des 
sources.  Chacun  de  ces  endroits  porte  le  nom  de  Bit-el-Melah 
(chambre  de  sel). 

Les  indigènes  du  Djebel-Amour  emploient  tous  pour  leur 
alimentation  le  sel  du  Kef-el  Melah.  Celui  qui  se  vend  sur  le 
marché  d'Aflou  n'a  pas  d'autre  origine  ;  son  prix  brut  est 
d'environ  0  fr.  05  à  0  fr.  10  le  kilog.  Les  tribus  nomades  le 
transportent  jusqu'à  Laghouat  et  Ghardaïa.  Les  tribus  du  cercle 
de  Ciéryville  jusqu'à  Stitten,  viennent  aussi  s'approvisionner  au 
Kef-el-Melah  ;  les  autres  tribus  de  ce  cercle  se  fournissent  au 
Keragda,  au  Sud  de  Géryville.  A  l'Est  du  Djebel-Amour  les 
indigènes  s'approvisionnent  au  Djebel  Sahari  ou  Rocher  de  Sel 
de  Djelfa'i'. 

Pendant  l'iiiver  et  le  printemps,  la  région  du  Kef-el- 
Melah  est  relativement  fréquentée  par  les  indigènes  au  cours 
de  leurs  migrations  entre  le  Sahara  d'une  part  et  les  Hauts- 
Plateaux  ou  le  Djebel-Amour  de  l'autre.  Les  Arabes  ne 
savent  pas,  en  médecine  humaine,  utiliser  les  sources  salées, 
mais  ils  affirment  guérir  rapidement  la  gale  des  chevaux 
et  des  chameaux  par  des  lavages  avec  l'eau  de  l'oued  el 
Melah.  Cette  eau  est  utilisée  également  pour  le  tannage  des 
peaux . 

De  temps  à  autre,  les  troupeaux  de  moutons  et  de  chameaux 
sont  mis,  pendant  une  période  de  quelques  semaines,  au 
pâturage  dans  la  région  voisine  ou  dominent  les  plantes  salées 
et  notamment  le  guetaf  (Atriplex  Halimus).  A  ce  régime, 
d'après  les  indigènes,  le  lait  devient  meilleur  et  plus  abondant, 
la  laine  des  moutons  plus  épaisse,  le  poil  des  chameaux 
plus  luisant. 


(I)  La  composilioa  du  sel  du  Dj  bel  Pahai'i  est  la  suivacte  : 

Chlorure  de  sodium    96"  475 

—  de  magnésium 0  020 

—  de  calcium 0  212 

Sulfate  de  chaux 1  745 

Matières  insolubles  dans  l'eau 0  616 

Eau  et  matières  organiques 0  032 


Tolal lOi.'UliO 

(Pharmacien-Major  Gulllol)- 


NOTICE  sua  LA  MONTAGNE  DE  SEL  DU  DJEBEL-AMOUR     533 

Le  Kef-el-Melah,  mieux  connu  et  surtout  pourvu  de  voies  de 
communication,  pourra  sans  doute  quelque  jour  être  l'objet 
d'une  exploitation  régulière.  Peut-être  même  les  eaux  de  ses 
sources,  dont  la  composition  chimique  est  supérieure  à  celle  de 
la  plupai't  des  eaux  minérales  chlorurées  sodiques  les  plus 
réputées,  seront-elles  utilisées  en  médecine. 

Quoiqu'il  en  soit  la  montagne  de  Sel  du  Djebel-Amour  méri- 
terait d'être  moins  ignorée,  car  elle  est  certainement  une  des 
merveilles  naturelles  de  l'Algérie. 


Atlou,  30  septembre  1902. 


D--  ROMARY, 

Médecin-Major  de  3^  Classe, 
uréat  de  l'Académie  de  Médecine, 


534 

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STATION  METEOROLOGIQUE 

DE    SANTA-CRUZ    DORAN 

Altitude:  374  mètren 


EXPOSE   SOMMAIRE 

des  résultats  obtenus  du  i"""  juin  au  i^''  décembre  1902,  avec  une 
étude  comparative  avec  les  résultats  obtenus  à  l'hôpital  militaire 
(altitude,  51  m.)  pendant  la  même  période. 


Les  observations  relevées  pendant  ces  six  mois  confirment 
les  résultats  indiqués  dans  le  bulletin  de  juin  1902  :  A  Santa- 
Cruz  l'évaporation  nocturne  l'emporte  toujours  sur  l'éva- 
poration  diurne  ;  il  n'en  est  pas  toujours  ainsi  à  l'hôpital 
militaire.  Toutefois  l'évaporation  au  fort,  jour  et  nuit,  est 
toujours  supérieure  à  l'évaporation  à  l'hôpital.  Deux  résultats 
généraux  peuvent  être  considérés  comme  acquis  :  1»  une  plus 
grande  évaporation  la  nuit  que  le  jour  dans  les  deux  stations 
contrairement  aux  idées  admises  pour  les  stations  météoro- 
logiques algériennes  ;  2°  une  évaporation  toujours  plus  grande 
au  sommet  du  Murdjardjo  qu'à  ses  pieds. 

Les  tableaux  suivants  faisant  connaître  les  moyennes  de 
l'intensité  du  vent,  de  la  tension  de  la  vapeur  d'eau  et  de  l'état 
hygrométrique  donnent  une  explication  des  résultats  obtenus 
pendant  ces  six  mois  : 

ANÉMOLOGIE  (0  à  10) 

Santa-Cruz 3,3  ;      3,3  ;      3,1  ;      G,3  ;      5,2  ;      5,6. 

Hôpital  militaire.       1,6;       3,3;       1,8;       3,9;       4,1;       5,1. 

TENSION  DE  LA  VAPEUR  D'EAU  (en  ■"/ai) 

Santa-Cruz -11,8;     16,6;     13/1;     15,1;     10,9;      9,4. 

Hôpital  militaire.     13,1;     17,3;     18,7;     15,5;     12,2;     11,0. 

40 


536  SEMESTRE   MÉTÉOROLOGIQUE 

ÉTAT    HYGROMÉTRIQUE    (0    à     100) 

Santa-Cruz 53,1;     60,3;    56;    64,7;    62,1;    66. 

Hôpital  militaire 71     ;     73     ;     73  ;     73     ;     75    ;     77. 

L'évaporation  constatée  est  la  vaporisation  de  l'eau  retenue 
sur  la  surface  de  la  terre  parce  que  l'air  ambiant  n'est  jamais 
complètement  saturé  d'iiumidité  ainsi  que  le  constate  l'état 
iiygrométrique  e  qui  est  le  rapport  entre  la  tension  de  la 
vapeur  d'eau  /  dans  l'air  à  la  tension  maximum  i^  à  la  même 
tempéi'ature  (e=-p-).  Ce  qui  est  assez  rationnel,  les  écarts  de 
températures  entre  les  deux  stations  sont  insigniliants 
comme  le  constate  le  tableau  donné  dans  cette  note.  On  peut 
donc  considérer  F,  identique  pour  les  deux  stations.  Or  /'  est 
plus  élevé  à  l'hôpital  militaire  qu'à  Santa-Cruz,  par  conséquent 
l'état  hygrométrique  e  doit  varier  dans  le  même  sens;  c'est  ce 
qui  vérifient  les  observations.  D'après  une  loi  de  la 
physique  l'évaporation  est  proportionnelle  à  la  différence 
entre  /"et  F  :  or  la  différence  '-f,  comme  on  vient  de  le  voir, 
est  plus  faible  à  l'hôpital  militaire  qu'à  Santa-Cruz,  l'éva- 
poration doit  donc  y  être  aussi  plus  faible.  C'est  ce  que 
prouvent  les  résultats. 

Une  deuxième  loi  de  l'évaporation  fait  connaître  qu'elle 
varie  en  raison  inverse  de  la  pression  de  l'air  ambiant.  Une 
troisième  loi  indique  que  l'évaporation  est  activée  par 
l'agitation  de  l'air  extérieur.  L'altitude  plus  élevée  de  Santa- 
Cruz,  l'agitation  de  l'air  plus  grande,  sont  donc  les  causes  qui 
font  que  l'évaporation  est  relativement  plus  forte  en  haut 
qu'au  bas  de  la  montagne. 

Pour  terminer  cette  étude  il  faut  faire  constater  que  les 
températures  des  deux  stations  sont  à  peu  près  identiques 
pour  pouvoir  dire  que  la  tension  maximum  de  la  vapeur  d'eau 
est  à  peu  près  la  même  dans  les  deux  stations. 

MOYENNES  MENSUELLES  DES  MINIMAS 

Santa-Cruz  (juin  à  1"  décembre  1902) . .     l.j.l  ;    19,3;    20,ô;    17,7;    14,0;    12,1. 

Hôpital  militaire  —  ..     1G,2  ;    20,6;    21,1;    18,9;    31,2;    11,2. 

id.  (moyenne  de  20  années) .. .    17,7;    20,4;    21,2;    19,3;    15,3;    11,4. 


MOYENNES  MENSUELLES  DES  MAXIMAS 

Sanla-Croz  (juin  à  1"  décembre  1902)..    25,6;    31,6;    34,1;    27,6;  23,5 

Hôpital  militaiie  —  . .    25,0  ;    29,2  ;    30,8  ;    27,1  ;  23,4 

id.  (moyenne  de  20  années) . .      25,6;    28,1;    28,4;    26,2;  22,4 


20,5. 
20,6. 
18,8. 


SEMESTRE   MÉTÉOROLOGIQUE  537 

TEMPÉRATURES  MOYENNES  MENSUELLES 


Sanla-Cii 

z  (juin  à  1"  décembre  1902;. 

.    20,3  ; 

25,4; 

27,3; 

22,6; 

18,7; 

16,3 

Hôpital  iriilitair 

e                     — 

20.6; 

24,9; 

25,9  ; 

23,0  ; 

18,3; 

15  9 

id. 

(iiioycnne  île  20  années) . . . 

21,1; 

21.2; 

2i,8; 

22,7; 

18,8; 

15,1 

Ces  résultats  permettent  de  constater  que  pendant  la 
période  estivale  les  miniii?as  ont  été  plus  faibles  et  les  maximas 
plus  élevés  à  Santa-Cruz  qu'à  l'hôpital  militaire  où,  par 
conséquent,  la  variation  diurne  de  température  ont  été  plus 
faible  ;  est  que  pendant  celte  même  période  estivale  la 
température  a  dépassé  la  moyenne. 

Il  a  été  aussi  constaté  que  la  quantité  de  pluie  tombée  est 
plus  faible  à  Santa  Cruz  qu'au  bas  de  la  montagne. 

A.  GUILLAUME, 

Préparateur  de  physique 

et  de  chimie  au  Lycée  d'Oran. 


OUVRAGES  OFFERTS  A  LA  SOCIETE 

EN   1902 


Ministère  de  l'Intruetion  publique.  —  Paul  Monceaux  :  Histoire 
littéi'aire  de  l'Afrique  Chrétieune  depuis  les  origines  jusqu'à 
l'invasion  arabe  (deux  volumes). 
Robert  de  Lasteyrie.  —  Tome  III,  i'  livraison,  de  la  bibliogra- 
phie des  travaux  historiques  et  archéologiques. 
A.  Clément  Fallu  de  Lessert.  —  Fastes  des  provinces  africaines 
sous  la  domination  romaine  (tome  II,  2°  part  e.)  Bas  empire. 
Gouvernement  général  de  l'Algérie   —  M.  Varnier  :  Rapport  sur 
les    opérations    des    Sociétés    indigènes   de    prévoyance    de 
secours  et   de  prêts   mutuels    des    communes    de    l'Algérie 
pendant  l'exercice  1900-1901 .  —  Tableau  général  des  communes 
de  l'Algérie.  —  Situation  au  1"  novembre  1902. 
Régence  de  Tunis.  —  Paul  Gauckler  :  Enquête  sur  les  installations 
hydrauliques  romaines  en  Tunisie  (tome  II,  1"  partie. 
Direction  des  Antiquités  et  des  Beaux-Arts  —  Compte-rendu 
de  la  marche  du  Service  en  1901. 
M.  G.-B.-M.  Flamand.  —  Sur  la  position  géographique  d'In-Salah, 

oasis  de  l'Archipel  touatien  (Tidikelt),  Sahara  central. 
M.  G  -B.-M.  Flamand.  —  Sur  l'existence  de  gisements  de  nitrates 

dans  l'Archipel  touatien  (Gourara,  Touat,  Tidikelt). 
M.    G.-B.-M.  Flamand.  —  Hadjrat    Mektoubat   ou    les    pierres 
écrites.  —  Première  manilestation  artistique  dans  le  Nord  africain 

M.  G.-B,-M.  Flamand  — Les  pierres  écrites  (Hadjrat  Mektoubat) 

du  Nord  de  l'Afrique  et  spécialement  de  la  région  d'In  Salah. 
M.    G.-B.-M.    Flamand.    —    Sur  le  régime   hydrographique   du 

Tidikelt  (Archipel  touatien),  Sahara  central. 
M.  G.-B.-M.  Flamand.  —  Sur  la  présence  du  terrain  cailionifè.re 

dans  le  Tidikelt  (Archipel  touatien),  Sahara. 
M.  G.-B.-M.  Flamand.  —  Sur  la  présence  du  Dévonieu  inférieur 

dans  le   Sahara    occidental   (Bas-Touat  et    Tidikelt,    archipel 

touatien). 
D'  C.\rton.  —  Le  théàt-'e  romain  de  Dougga. 
D'  Carton.  —  Panthères  bachiques   affrontées  sur  un  bas-relief 

de  l'Afrique  du  Nord. 


OUVRAGES   OFFERTS   A   LA   SOCIÉTÉ  539 

D' Carton.  —  Réflexions  sur  les  inscriptions  d'Aïn-Ouassel  et 

d'Enchir-Mettich. 
D'  Carton.  —  Annuaire  d'épigraphie  africaine  (1901-1902). 
G.  GuYon.  —  Un  Nouveau  Planétaire. 
D'  Martin  Grosse.  —  Dei  beiden  Afrikaforscher  Johann  Ernst 

Hebenstreit   und    Christian    Gottlieb    Ludvvig   ihr    Leben    und 

ihre  Reise. 
Don  Antonio  Blazquez.  —  Via  Romana  de  Tanger  à  Cartago. 
Albert  Cousin.  —  Tanger. 
Victor  Gross.  —  Les  Protohelvètes  ou  les  premiers  colons   sur 

les  bords  des  lacs  de  Bienne  et  Neuchàtel. 
M.  Jacquot.  —  Notes  diverses  d'ethnographie 
Paul  AzAN.  —  Annihal  dans  les  Alpes. 
D'  Bertholon.  —  L'année  anthropologique  Nord-Africaine 
D'  MoNGEOT.  —  La  va'ccine  en  Cochinchine  et  les  idées  chinoises 

sur  la  variole  et  la  variolisation. 
Louis  Gentil.  —  Esquisse  stratigraphique  et  pétrographique  du 

Bassin  de  la  Tafna  (Agérie). 
Gustavo    NiEDERLEiN     —    Ressources    végévales    des     Colonies 

françaises. 
Georges  Bruel.  —  L'occupation  du  Bassin   du  Tchad    La  région 

du  Haut-Chari. 
Guillaume  Grandidier.  —  Une  mission  dans   la   région    australe 

de  Madagascar  en  1901. 
C.  René-LECLERC.  —  Monographie  géographique  et  historique  de 

la  commune  mixte  de  la  Mina  (Département  d'Oran). 
Augustin  Bernard.  —  Revue  bibliographique  des   travaux  sur  la 

géographie  de  l'Afrique  septentrionale  (5*  année). 
M.  E.-A.  Martel.  —  Sur  les  récentes  explorations  souterraines 

et  les  progros  de  la  spéléologie.  (Neut  brochures). 
Arthur  de  Claparède. —  Le  xxiii"  Congrès  géographique  français 

et  le  Millénaire  de  la  Ville  d'Oran. 
Arthur  de  Claparède.  —  A  propos  de  l'itinéraire  d'Annibal  dans 

les  Alpes 
Musée  Guimet   —  G.   Legrain  et  Ed.  Naville:  L'aile  nord   du 
pylône    d'Aménophis   m   à    Karnak.    (Annales,     tome    xxx, 
1"  partie). 

Al.  Gayet.  —  L'exploration  des  nécropoles  gréco-bysantines 
d'Antinoé.  (Annales,  tome  sxx ,  2"  partie).  —  Revue  de 
l'Histoire  des  Religions  (Fascicules  1  et  2  du  tome  xlv). 

Alexandre  Bén.vzet.  —  Le  Théâtre  au  Japon,  ses  rapports  avec 
les  cultes  locaux. 


540 


OUVRAGES   OFFERTS   A   LA   SOCIÉTÉ 


L.  de  MiLLODÉ.  -  Conférences  au  Musée  Guimet  (tome  xii) 

Congrès  des  Sociétés  savantes.  -  Discours  prononcés  à"  h 
Séance  générale  du  Congrès,  le  samedi  5  avril  1902,  par  M  Vidal 
de  La  Blache  et  M.  Bouquet  de  La  Grye. 

Société  de  Géoyraphie  Commerciale  de  Paris.-  Henri  C^stonnet 
DES  Fosses  :  L'Inde  française  au  xvni»  siècle. 

Socim  de  Géographie  de  l'Est.  -  Congrès  National  des  Sociétés 
Irançaises  de  géographie,  xxir  session,  Nancy. 

Groupe  Colonial  de  la  Conférence  Ramgnan,  Bordeaux.  Son  but 
son  organisation,  ses  travaux   -  Exposition  Hanoï  190-' 

Société  des  Etudes  Indo-Chinoises  de  Saigon.  _  Monographie  de 
la  province  d'Hà-Tièn.  _  Monographie  de  la  province  de  Gia- 
Umh  -  Monographie  de  la  province  de  My-Tho.  -  Mono- 
graphie de  la  province  de  Bà-Ria  et  de  la  ville  du  Cap  Saint- 
Jacques.  —  Monographie  de  la  province  de  Chàu-Dôc. 

Société  de  Géographie  italienne  de  Rome    -  L.   Van.nutelli  et 

OrientlL"'*''  ~  "  "  ^'''^^''°  '^'   ^^P'°'~«^i°"e  nell'Africa 

Société  de  Géographie  de  Bucharest—  Dictionar  géografic.  - 
Vol.  V.  fasc.  II,  ni  et  iv. 

Musée  iXational  de  Rio-de-Janeiro.  -  Archives  (volumes  x  etxi). 


C  A  RT 


Algérie.-  Carte   Géologique  de  l'Algérie  au '--   - 

"  800.000- 

C.«TE  Géologique.  -  Carte  Géologique  de  Beni-Sal  au '  — 

50.000» 

Direction.  -  Carte  Géologique  de  Constantine  au  ' 

50. 000- 


LA  VIE  COLONIALE 

Revue  de  la  Colonisation,  du  Commerce  et  de  l'Industrie 


Le  numéro  de  Janvier  1903  de  la  Vie  Coloniale  paraît  aug- 
menté de  4  pages  et  sous  couverture  en  couleur.  Il  renferme 
parmi  un  grand  nombre  d'articles  intéressants  et  des  notes 
pratiques  :  un  document  du  général  Galliéni  sur  Madagascar, 
une  étude  intitulée  «  Comment  on  devient  colon  »  et  un  récit 
de  l'explorateur  Mizon. 

Il  contient  en  outre  la  liste  des  emplois  vacants  aux  co.  onies 
ainsi  que  de  nombreuses  photographies. 

Envoi  de  cet  important  numéro  contre  50  centimes  en 
mandat  ou  timbres-poste  adressés  à  M.  Henri  Cyral,  directeur, 
23,  passage  Legendre,  Paris. 


JUL  /       1^0/ 


DT  Société  de  géographie  et 

o«loo       ^;^^^^e°l°gie  de  la  province 
083622       d'Oran 

t. 22  ^     Bulletin  trimestriel  de 

géographie  et  d'archéologie 


1 


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