Skip to main content

Full text of "Bulletin trimestriel de géographie et d'archéologie"

See other formats


HANDBOUND 
AT  THE 


UNIVERSITY  OF 
TORONTO  PRESS 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  witii  funding  from 

University  of  Ottawa 


littp://www.arcliive.org/details/bulletintrimestr21soci 


SOCIÉTÉ 


(Il 


D'ARCHÉOLOGIE 


L-A.     FROVinsrOE     ZD'OR^lSr 


FONDÉE     EN      1  S78 


TO]VIE  XIXII  .  —  1901 


ORAN 
Imprimerie  Typographique  et  Lithographique  L.  FOUQUE 

Rue  ThuiUier,  4  {Place  Kléhcr) 


1  9  O  1 


DT 

t. 2-1 


621876 


SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE  &  D'ARCHÉOLOGIE 


PROVINCE      D'ORAN 


TOiMEXXK—  1901 


TABLE  DES  MATIÈRES 


Liste  générale  des  Membres  de  la  Société  

Ouvrages  offerts  à  la  Société  en  1900  et  1901 IX,  XXXVI, 

Sociétés  correspondantes 

L'-Colonel  Derrien.  -  Pluie  tombée  à  Oran  en  1900 '. . 

Congrès  de    1902.    —    Circulaires   n"'    1,  2  et  3  aux   Membres   de  la 

Société XIII,  XXXVII, 

Assemblée  générale  du  ô  mai  1901 

—  Rapport  du  Secrétaire  général 

—  Rapport  du  Trésorier 

—  Rapport  du  Bibliothécaire 

—  Allocution  du  Président 

—  Résultat  sur  le  Concours  de  1900... 

—  Renouvellement  annuel  du  tiers  des 

Membres   du   Comité   et  Élection 

du  Bureau 

Programme  du  Concours  ouvert  en  1901  par  la  Société  de  Géographie 

et  d'Archéologie  d'Oran 

A.    Guillaume.    —    Observations  météorologiques    de    la   station    de 

Santa-Cruz XXXIII, 

—  Station  météorologique  de  Santa-Cruz.. .     XXXIV, 

40'  Congrès  des  Sociétés  savantes  de  Paris  et  des  Départements  (avis 

ministériel) 

René  Basset. —  Rapport  sur  le  XXlI'  Congrès  national  des  Sociétés 
françaises    de     Géographie,     tenu    à    Nancy     du 

1"  au  5  août  1901 

Vœux  émis  par  le  XXII*  Congrès 

L'-Colonel  Deriuen.  —  Nécrologie 

Mouvement  des  entrées  et  sorties,  par  pavillons,  dans  le  port  d'Oran 

en  1900 

Mouvement  de  la  Navigation   dans  les  ports  du  département  d'Oran 
en  1900 


Pages 

1 

LXXV 

XI 

XII 

XL1X 

XIV 

XV 

XXII 

XXVI 

XXVII 

XXVIII 


XXX 

XXXI 

LXXII 
LXXIII 

XXXVIII 

XXXIX 

XLVI 

XLVIII 

L 

LUI 


TAHL1<:    DES    MATIKRES 

Pages 

Relevé  total  du  mouvctncnt  dos  ports  du  département  dOran  en  1000.  LVIII 
Statistique   du   mouvement    commercial   des   ports    du   département 

dOran  en  lOJ) l-I-^ 

Relevé  du  trafic  de  la  gare  de  Karguentah  (C-  P.L.-M.)  en  1000 LXIV 

Relevé  du  trafic  de  la  gare  d'Oran-Marine  (('.'•  P.-L  -M.)  en  IDOO lAV 

Produits  agricoles  18  ni-lOOO LXV'I 

Recensement  de  la  populal  on  du  déiiartemenl  d'Oran  en  1901 LXX 

Mouvement  des  français  et  des  étrangers  dans  le  port  d'Oran  en  lilOl  LXXI 
F.    DoUMEHGUE.    —    Essai    sur   la    Faune    crpétologique    de    l'Oranie 

(Errata) LXXVII 

—  Essai    sur    la    Faune    crpétologiriue    de    l'Oranie 

(Appendice) LXX  Vlll 


A.  MouLiÉRAS.  —  Couféi^ence  sur  la  ville  de  Fas  (Fez) 1 

E.  Flahault.  —  Fouilles  ai^chéologiques  à  Aïn-Temouchent 

fAlbulœJ,  avec  planche 32 

—                Chroniques  ai-chéologiques 30,  221 

Ségalas.  -    Lettfe  sur  la  Mission  Foureau-Laniy 52 

QuiÉVREUx.    —    Lettre    sur  les   tremblements  de    terre   au 

Venezuela  en  1900 56 

F.  DouMERGUE. —  Essai  sur  la  Faune  crpétologique  de  l'Oranie, 

avec  planches  (suite  et  fin) 61,  103,  187 

A.  MouLiÉRAS.  —  Nouvelles  gcogi^aphiques  (La  travci^séc  du 

Rif.  —  Exploration  des  Brabor)  ....     93,  185 

KocK.  —  Volcan  éteint  de  Tigi^aou  (avec  carte) 99 

L'-Coloncl   Deurien.    —   Deux  chapiteaux  romains  trouvés 

à  Renault 102 

D' J.  Gasser.  —  Chroniques  géographiques 151,  315 

Capitaine  Duv.iux.  —  Le  Tlaïa,  avec  planches 171 

Abbé  Fabue.    —    Une  découverte    mégalithique   en  France 

(Les  Statues-Menhirs) 216 

Société  de   Géographie  et  d'Archéologie  d'Oran.  —  Séance 
du    Comité    du    14  octobre  1901.    —   Démission  du 

Seeiétaire  général 233 

Augustin  Bernaud,  —  En  Oraiiie 235 

Congrès    CUb    1902.    —    C^irculaire    n"    4.    —    Questionnaire 

provisoire 304 

Capitaine  DuvAux.  —  Notice  stu'  les  Inscriptions  recueillies 
à  Tagliit  (Sud  Oranais),  avec 
planches 306 


TABLE   DES    MATIERES 

BIBLIOGRAPHIE 

Pages 

BouTY.   —  Le  Transsaharien  et  la  pénétration  française  en 

Afrique,  par  M.  Maurice  Honoré 94 

A.  GoYT.  —   Cinq  textes  berbères  en  dialecte  chaouia,   par 

M .  Gustave  Mercier 98 

L.  Gentil.  —  Note  sur  la  carte  géologique  do  Beni-Saf 159 

L'-Colonel    Derrien.      —     Une     excursion    au    Sous,    par 

M.  de  Segonzac 1G6 

BouTY.  —  Une  question  d'actualité:  Le  chemin  de  fer  d'Oran 
au  Maroc.  —  Une  question  de  demain  :  Les 
chemins  de  fer  marocains,  par  M.  G.  Milsom, 
ingénieur  civil  des  Mines,  Beni-Saf 229 

Alfred  Bel.  —  Nédromah  et  les  Traras  par  René  Basset.  . . .     322 


LISTE  GENEKALE  des  MEMBRES  de  la  SOCIÉTÉ 


MM. 


au  1"  Janvier  1901 


PRÉSIDENT    HONORAIRE 

M.  MoNBRUN,  Avocat  à  Oran. 


MEMBRES    D'HONNEUR 

Le  Gouverneur  Général  de  l'Algérie. 

Le  Général  Commandant  la  Division  d'Or  an. 

Le  Préfet  d'Oran. 

De  Brazza,  ancien  Gouverneur  du  Congo. 

A.  Héron  de  Villefosse,  Membre  de  l'Institut. 

René  Cagnat,  Membre  de  l'Institut. 

Le  Conseil  Général  du  Département  d'Or.a.n. 

Le  L'-Colonel  Marchand,  Explorateur. 


MEMBRES    HONORAIRES 


Mm.  Elisée  Reclus,  Géographe 
à  Bruxelles. 
Jules  Verne,  à  Amiens. 
BiNGER,      Explorateur. 
Caron,  id. 

FOUREAU,  id. 

MONTEIL,  id. 


MM.   MousTiER,  Explorateur. 
Nordenskiold,    Explora- 
teur. 

Nanssen,   Explorateur, 
Trivier,  id. 

Verminck,  id. 

ZWEIFEL,  id. 


MEMBRES   HONORAIRES  CORRESPONDANTS 

MM.  René  Basset,  Directeur  de  l'École  supérieure  des  Lettres 
d'Alger. 

Augustin  Bernard,  Directeur  des  Questions  Diplomatiques 
et  Coloniales,  à  Paris. 

Carton,  Médecin-Major  au  19''  Régiment  de  Chasseurs. 

A.-L.  Delattre  (des  Pères  Blancs),  Correspondant  de  l'Ins- 
titut de  Carthage. 


II  LISTE   GÉNÉRALE   DES  MEMBRES   DE  LA   SOCIÉTÉ 

MM.  Paul  Gauckleu,  Directeur  du  Service   des    Antiquités   et 

Beaux-Arts  de  la  Tunisie. 
Gentil,  chargé  de  conférences  de  Pétrographie  à  la  chaire 

de  Géologie  du  Collège  de  France. 
Lacroix,  Chef  de  Bataillon,  Chef  du  Service  des  Affaires 

indigènes  au  Gouvernement  Général  à  Alger. 
RuFF,  Professeur  au  Lycée  de  Cherbourg. 


COMPOSITION    DU    BUREAU 

MM.    Derrien,  Président. 

MouLiÉRAS,  i"  Vice-Président  fGéographie). 

GiLLOT,  2'  Vice-Président  (Archéologie). 

BouTY,  Secrétaire  Général. 

PocK,  Trésorier. 

BoissiN,  Bibliothécaire-Archiviste. 

Gasser,  Secrétaire  de  la  Commission  de  Géographie. 

Bel,  Edgar,  Adjoint  de  la  Commission  de  Géographie, 

Flahault,  Secrétaire  de  la  Commission  d'Archéologie. 

KocH,  Adjoint  de  la  Commission  d'Archéologie. 


MEMBRES    DU    COMITÉ    ADMINISTRATIF 


MM.  Barthélémy. 
Doumergue. 
Frette. 
Getten. 

GOYT. 

Had.'-Hassak. 
Jullian,  Charles, 


MM. 


Pousseur, 

Renard. 

Renucci. 

Rocchisani. 

Tartavez. 

Thiébault, 

Tridon. 


1 


MEMBRES    TITULAIRES 

MM.    Ali  Ghoumeri,  Rentier,  à  Oran. 

Ali  Mustapha  Mahi-Eddin,  Interprète  judiciaire,  à  Oran. 

Allard,  Ingénieur,  à  Oran. 

Alliot,  Directeur  de  l'Hôpital  Civil  d'Oran, 

Amillac,  Médecin-Dentiste,  à  Oran. 

Amoros,  Négociant,  à  Oran. 

Ancey,  Administrateur,  à  Port-Gueydon, 

Antona,  Joseph,  Géomètre,  à  Roseville  (Oran), 

Aron,  Avocat,  à  Oran. 


LISTE   GÉNÉRALE   DES   MEMBRES   DE   LA  SOCIÉTÉ  III 

MM.  Ayasse,  Médecin,  à  Aïn-Tcmouchent. 

Aymé,  Conducteur  des  Ponts  et  Chaussées,  à  Saïda. 
AzAN,  Lieutenant  au  2"  Régiment  de  Zouaves. 

Banton  (Abbé),  Aumônier  du  Lycée  d'Oran. 
Barber,  Consul  d'Angleterre,  à  Oran. 
Barthélémy,  Pharmacien,  à  Oran. 
Bartholomé,  Directeur  des  Tramways,  à  Oran. 
Bassompierre,    Médecin-Major   de,  1"   classe   à    l'Hôpital 

MiH taire  d'Oran, 
Bastide,  Maire  de  Bel-Abbès, 
Bel,  Edgar,  Professeur  au  Lycée  d'Oran. 
Bel,  Professeur  à  la  Médersa  de  Tlemcen. 
Ben  Daoud,  Colonel  en  retraite,  à  Oran. 
Ben  Saad,  Etudiant  en  Pharmacie,  à  Oran. 
Bernauer   Médecin,  à  Oran. 

Beyna,  Directeur  de  la  Compagnie  Algérienne,  à  Oran. 
Bister,  Interprète  judiciaire,  à  Saint-Denis-du-Sig. 
Blan'chet,  Avocat,  a  Tanger. 
Bloch,  Banquier,  à  Mostaganem. 
Blondelle,  Prosper,  Négociant,  au  Sig. 
BoissiN,  Directeur  de  l'École  Sédiman,  à  Oran. 
Bossi,  Curé,  à  Saint-Lucien. 
BoucHARn,  Pharmacien,  à  Oran. 
BouÉ,  Entrepreneur  de  peinture,  à  Oran. 
Bougnol.  Notaire,  à  Tlemcen. 

Bouty,  Contrôleur  principal  des  Mines  en  retraite,  a  Oran. 
Brcxel,  Géomètre  principal,  à  Mustapha. 
Burgart,  Constructeur-Mécanicien,  à  Oran. 

Cabanel,  Chef  de  Gare,  à  Oran. 

Cabanel,  Huissier,  à  Mostaganem. 

Cabrol,  Négociant,  à  Oran. 

Cairol,  Photographe   à  Oran, 

Canal,  Agent-Voyer  principal  en  retraite,  à  Oran. 

Cardona,  Chancelier  du  Consulat  d'Espagne,  à  Oran. 

Carrafang,  Conseiller  Général,  à  Saïda. 

Carli.  Repi'ésentant  de  Commerce,  à  Oran, 

Castanié,  Ingénieur  en  Chef  des  Mines  de  Beni-Saf,  à  Oran. 

Castanié,  fils,  Armateur,  à  Oran. 

Cayla,  Emile,  Ingénieur,  à  Oran. 

Cau,  Directeur  de  l'Agence  Wails,  ù  Oran. 

Cercle  de  la  Mosquée,  à  Oran. 

Chabaud,  Camille,  Propriétaire,  à  Aïn-Temouchent. 

Champion,  Victor,  Administrateur-Adjoint,  à  Montagnac. 

Chancogne,  Directeur  du  Comptoir  d'Escompte,  à  Mascara. 

Chandelier,  Marins,  Propriétaire  du  Cafi  Riche,  à  Oran. 


IV  LISTE   GENERALE   DES   MEMBRES   DE   LA   SOCIETE 

MM.  CiiATROUssE,    Administrateur   des  Affaires  indigènes  à  la 
Préfecture  d'Oran. 
Cheyi.ard,  Com'  en  retraite,  à  Mustapha  {Membre  perpétuel). 
Cholet,  Directeur  de  la  O'  l'Ouest-Algérien,  à  Oran. 
CoHEN-SoLAL,  Profcsscur  d'Arabe  au  Lycée  d'Oran. 

Conseil  Municipal  de  Bel-Abbès. 
Conseil  Municipal  de  Perrégaux. 
Conseil  Municipal  de  Relizane. 
Conseil  Municipal  de  Saint-Denis-du-Sig. 

CoRRiÉRAS,  Instituteur,  à  Eckmuhl  (Oran). 

CouRREcii,  Instituteur,  à  Eckmûhl  (Oran). 

Courserant,  Notaire  honoraire,  à  Mostaganem. 

CouRïiNAT,  Avocat-défenseur,  à  Oran. 

Couture,  Chef  d'Escadron  d'Artillerie  en  retraite,  à  Oran. 

Dagne,  Architecte,  à  Oran  {Membre  perpétuel). 

Daniel,  Paul,  Négociant,  à  Oran. 

Delinon,  Directeur  du  Gaz,  à  Barcelone  [Membre  perpétuel) ^ 

Delrieu,  Pilote  en  retraite,  à  Oran. 

Derhien,  Lieutenant-Colonel  en  retraite,  à  Oran  {Membre 

perpétuel).   Correspondant  du   Ministre   de  l'Instruction 

publique. 
Dessirier,  Général  Commandant  le  VIP    Corps  d'Armée, 

à  Besançon. 
Didière,  Géomètre,  à  Oran. 
Douine,  Propriétaire,  à  Frendah. 
DouMERGUE,  Professeur  au  Lycée  d'Oran. 
Du  Jonchay,  Capitaine,  Chef  du  Bureau  Arabe,  à  Méchéria. 
DuPORT,  Employé  à  la  Mairie  d'Oran. 
Dupuy,  Liquoriste,  à  Oran. 
DuREL,  Propriétaire,  à  Oran. 
DuzAN,  Maire  de  Saint-Leu. 

Ê.MARD,  Conservateur  des  Eaux  et  Forêts,  a  Oran. 
Emerat,  Conseiller  Général,  à  Oran. 
Engel,  Ingénieur  Civil,  à  Oran,  rue  d'Arzew,  72. 
EscLAVY,  Représentant  de  Commerce,  à  Oran. 
Etienne,  Député  d'Oran,  à  Paris. 

Fabre,  Receveur  des  Contributions  diverses,  à  Tiaret. 

Fabre,  Curé,  à  Kléber. 

Fabriès,  Médecin,  à  Bel-Abbès. 

Faure,  Firmin,  Député  d'Oran,  à  Paris. 

Faure,  Pharmacien,  à  Aïn-Temouchent. 

Faure,  Entrepreneur,  à  Oran. 

Féraud,  Ingénieur  Civil,  à  Mustapha. 


LISTE   GÉNÉRALE   DES  MEMBRES   DE  LA  SOCIÉTÉ  V 

MM.  Fauconxet,  Sous-Intendant  Militaire  de  1'"  classe,  Directeur 

du  Service  de  l'Intendance,  à  Oran. 
Flahault,  Ingénieur-Architecte,  à  Oran. 
Flamand,  Professeur  à  l'École  supérieure  des  Sciences,  à 

Alger. 
FouLD,  Alfred  Israël,  Propriétaire,  à  Oran. 
FouQUE,  Laurent,  Président  du  Conseil  Général,  à  Oran. 
FouREAU,  Explorateur,  à  Bussière-Poitevine  (H''-Vienne). 
Frette,  Négociant,  à  Oran. 

Cachet,  Paul,  Négociant,  à  Oran. 
Gardié,  Instituteur,  à  Nédroma. 

Garoby,  Secrétaire  Général  de  la  Préfecture,  à  Oran. 
Garouste,  Conseiller  général,  à  Bel-Abbès. 
Gasser,  Médecin,  à  Oran. 

GaupefroyDemombyxes,  Secrétaire  des  Langues  Orientales, 
ù  Paris. 

Gautsch,  Agent  de  la  Compagnie  Touache,  à  Tanger. 
Getten,    Ingénieur   en    Chef  des    Ponts  et   Chaussées,    à 

Oran  [Membre  perpétuel). 
GiBBAL,  Architecte,  à  Oran. 
Gibou,  Emile,  Propriétaire,  à  Saïda. 
GiLLOT,  Professeur  au  Lycée  d'Oran. 
G1R.4.UD  Hippolyte,  Avoué,  à  Oran. 
GiRAUD  Jules,  Négociant,  à  Oran. 
GiRAUD,  Edmond,  Avocat,  à  Alger. 
Gobert,  Maire  d'Oran. 

Goisbault,  Vicaire  général  de  l'EvôcRé,  à  Oran 
Gourlier,  Administrateur-adjoint,  à  Nédroma. 
GoYT,  Géomètre  principal,  à  Oran  (Membre  perpétuel). 
Grandjeax,  Instituteur,  à  Aïn-Temouchent. 
GsELL,  Professeur  à  l'Ecole  supérieure  des  Lettres,  à  Alger. 
GuENOUN  Darmon  (de).  Moïse,  Mercier,  à  Oran. 
GuÉRiDO,  Conseiller  de  Préfecture,  à  Oran.- 
GuEYDON  (Comte  de).  Commissaire  de  l'Inscription  Mari- 
time à  Oran. 
Guillaume,  Préparateur  au  Lycée  d'Oran. 
.  GuioL,  Propriétaire   à  Bou-Henni. 

Hadj-Hassan,  Conseiller  Général,  à  Oran. 

Hassan,  Léon,  Négociant,  à  Oran. 

Heintz,  Imprimeur,  à  Oran. 

Hertogh,  Propriétaire,  à  El-Ançor. 

HuERTAS,  Emile,  Curé,  à  Aïn-el-Turck. 

HuERTAs,  Rapliaël,  Aumônier  des  S.  S.  Trinitaires,  à  Oran. 

Izambert,  Médecin  principal  de  2°  classe,  Chef  de  l'Hôpital 
militaire,  à  Oran. 


VI  LISTE    GÉNÉRALE   DES   MEMBRES   DE   LA    SOCIETE 

MM.  Jacques,  père,  ancien  Sénateur. 

Jacques,  fils,  Avocat-défenseur,  à  Oran. 

Jarsaillon,  Propriétaire,  à  Oran. 

JouAXB,  Ingénieur  Civil,  à  Oran. 

JuLLiAN,  Charles,  Vice-Consul  de  Russie,  à  Oran. 

Karm,  Ancien  Notaire,  à  Oran. 

Kermina,  Entrepreneur,  à  Mostaganem. 

KiÉNER,  Juge  suppléant  au  Tribunal  Civil,  à  Oran. 

KocH,  Ingénieur  Civil,  à  Oran. 

Krumb,  Commis  de  Préfecture,  à  Oran. 

Lapaine,  Sous-Préfet  de  Béthune. 

Laurent,  Maire  de  Perrégaux. 

Lauret,  Pharmacien,  à  Oran. 

Léchelle,  Maurice,  Représentant  de  Commerce,  à  Oran. 

Lemoine,  Conducteur  des  Travaux  du  P.-L.-M.,à  Perrégaux. 

Leruste,  Directeur  du  Crédit  Foncier,  à  Oran. 

Levé,  Chef  d'Escadron,  à  Paris. 

Lévy,  Salomon,  Consul  du  Venezuela,  à  Oran. 

Loge  Maçonnique  de  l'Union  Africaine,  à  Oran. 

LoRENZo,  Engel,  Greffier  Notaire,  au  Télagh. 

Mantoz,  Inspecteur  des  Contributions  diverses,  à  Oran. 
Marchand,  Chef  d'Escadron  en  retraite,  à  Tunis  {Membre 

perpétuel). 
Marchant,  Xavier,  Propriétaire,  à  Oran. 
Marégiano,  Notaire,  à  Oran. 
Mayaudon,  Notaire,  à  Oran. 
Merle,  Géomètre  principal,  à  Oran. 
Mhammed  ben  Rahhal,  Propriétaire,  à  Nedroma. 
Millière,  Administrateur,  à  Saïda. 
MiLSOM,  Propriétaire,  à  Beni-Saf. 
MiRAMONT,  Léon,  Négociant,  à  Oran. 
MoNBRUN,  Avocat,  à  Oran. 
MoNDOT,  Médecin,  à  Oran. 

MoNTFiL,  Instituteur  à  l'École  Karguentah,  à  Oran. 
MoTELEY,  Albert,  Propriétaire,  à  El-Ançor. 
MouLiÉRAs,  Professeur  à  la  Chaire  d'Arabe,  à  Oran. 
Moulin,  Gustave,  Caissier  de  la  Société  Générale  des  Eaux, 
_    à  Oran. 
MuGNiER,  Arbitre  de  Commerce,  à  Oran. 

Nessler,  Vice-Consul  d'Autriche-Hongrie,  à  Oran. 
NicoLAï,  Capitaine  du  Port,  à  Oran. 

Oliva,  Instituteur,  à  Dublineau. 

Ollivier,  Propriéaire,  à  Moudzouch  (Bou-Tlélis). 

Ondedieu,  Chef  d'Escadron  d'Artillerie  en  retraite,  à  Oran. 


LISTE  GÉNÉRALE  DES  MEMBRES  DE   LA.   SOCIÉTÉ  VU 

MM.  OuDBi,   Général,   Commandant  la  9'  Division    d'Infanterie, 
à  Orléans. 

Pjlllu  de  Lessert,  Avocat,  à  Paris 

Pastre,  Architecte,  à  Bel-Abbès. 

Pellet,  Conseiller  Général,  à  Oran. 

Pequignot,  Directeur  des  Salines  d'Arzew. 

Pérès,  Directeur  des  Mine  s  d'Or  de  Madagascar,  à  Tananarive. 

Perrier,  Paul,  Directeur  de  VEcho  d'Oran,  à  Oran. 

Peyret  DoRTAiL,  Médccio  de  colonisation,  à  Montagnac. 

PiLLOT,  Chef  de  Bataillon  au  2°  Etranger,  à  Ain-Sefra. 

PiNCEMAiLLE,  Ingénieur  des  Ponts  et  Chaussées,  à  Mascara. 

PiTOLLET,  Notaire,  à  Oran. 

Plat,  Directeur  des  Eaux,  à  Oran. 

Platel,  Conducteur  des  Ponts  et  Chaussées,  à  Oran. 

PocK,  Caissier  de  la  Caisse  Nationale  d'Epargne,  à  Oran. 

Poindrelle,  Chef  de  Bataillon  au  87"=  Régiment  d'Infanterie. 

PoiNSSOT,  à  Paris  (Membre  perpétuel). 

Pointeau,  Notaire,  à  Tlemcen. 

PoiREY,  Alfred,  Juge  au  Tribunal  civil,  à  Oran. 

PoTTiER,  Notaire,  à  Oran. 

Pousseur,  Directeur  du  Gaz,  à  Oran. 

PouYANNE,  Ingénieur  des  Ponts  et  Chaussées,  à  Mosta- 
ganem. 

PouYER,  Entrepreneur,  à  Oran. 

Prades,  Benjamin,  Répartiteur  des  Contributions  directes, 

à  Nemours. 
Prailly,  Notaire,  à  Aïn-Temouchent. 
Prestat,    Président    du    Conseil    d'Administration    de  la 

Société  Générale  des  Eaux,  à  Oran. 

Prunier,  Charles,  Administrateur-adjoint  de  la  Commune 
mixte  de  Mascara. 

Quiévreux,  Fils,  Propriétaire,  au  Télagh. 

Renard,  Directeur  de  l'École  Karguentah,  à  Oran. 
Renoux,  Receveur  principal  des  Postes,  à  Oran. 
Renucci,  Inspecteur  des  Postes  et  Télégraphes,  à  Oran. 
Réunion  des  Officiers,  à  Oran. 
Réunion  des  Officiers,  à  Bel-Abbès. 

RicuoMME,  Lieutenant  au  144°  Régiment  d'Infanterie,  à  Bor- 
deaux. 
Robert,  Interprète  militaire  en  retraite,  à  Oran. 
Robert,  Administrateur  à  Bordj-bou-Aréridj   (Constantine). 
RoGHEFORT  (de).  Agent  principal  de  la  Compagnie   Transa- 
tlantique, à  Oran. 
Rocchisani,  Directeur  des  Postes  et  Télégraphes,  à  Oran. 
Roman,  Inspecteur  des  Postes  et  Télégraphes,  à  Orao. 
Roque,  Pharmacien,  à  Oran. 


VIII  LISTE   GKNERALE   DES   MEMBRES   DE  LA.   SOCIETE 

MM.  Roussel,  Sous-Inspecteur  des  Télégraphes,  à  Oran. 
Roux-Freissixeng,  Avocat,  à  Oran. 
RouziÈs,  Instituteur,  à  Tizi. 

Sabatier,  Avocat-défenseur,  à  Tlemcen. 

Saget,  Franijois,  Négociant,  à  Oran. 

Saint- Amans,  Aristide,  Propriétaire,  à  Tlemcen. 

Saint-Cyr,  Propriétaire,  à  Oran. 

Saint-Germain,  Sénateur  d'Oran,  à  Paris. 

Saintpierre,  Charles,  Négociant,  à  Oran. 

Sajous,  Géomètre,  à  Oran. 

Sandras,  Médecin,  à  Oran. 

Sarrocchi,  Géomètre,  à  Oran. 

Sartin,  Greffier  au  Tribunal  civil  d'Oran. 

Secrétariat  de  l'Évèché,  à  Oran. 

Sépulcre  (Abbéj,  Aumônier  de  l'Hôpital  Civil  d'Oran. 

Simon,  Propriétaire  aux  Hamyan,  Saint-Leu.        .  . 

Soipteur,  Conseiller  général,  à  Tlemcen. 

SouiN,  Auguste,  Propriétaire,  à  Marnia. 

Stéph-a-nopoli,  Conseiller  de  Préfecture,  à  Oran. 

Tabary,  Inspecteur  des  Douanes,  à  Phiiippeville. 

Tartavez,  Officier  principal  d'Administration  en  retraite, 
à  Oran. 

Terrade,  Entrepreneur,  à  Oran. 

Thib.\udat,  Receveur  des  Postes  à  Karguentah,  Oran. 

Thiebault,  Conservateur  des  Hypothèques,  à  Oran. 

TouRNiER,  Alfred,  Agent  de  la  Société  des  Auteurs,  Compo- 
siteurs et  Editeurs  de  Musique,  à  Oran. 

Tridon,  Chef  d'Escadron  de  Gendarmerie,  Commissaire  de 
Gouvernement  près  le  2"  Conseil  de  Guerre,  à  Oran. 

Turot,  Conseiller  général  de  Saint-Denis-du-Sig. 

Vallois,  Capitaine  en  retraite,  à  Arzew. 

Vauvilliers,  Inspecteur  des  Contributions  directes,  à  Nice. 

Varnier,  Secrétaire  Général  du  Gouvernement  Général  de 

l'Algérie. 
Venisse,   Administrateur-adjoint  à  la    Sous-Préfecture   de 

Tlemcen. 
ViALA,  Eugène,  Instituteur  à  l'Ecole  Karguentah,  à  Oran. 
Viénot,  Propriétaire,  à  Oran. 

Wolters,  Chef  de  Dépôt  de  l'Ouest-Algérien,  à  Bel-Abbès. 

ZiMMERMANN,    Administrateur    de   la    Commune    mixte   du 

Télagh. 
ZuANi,  Capitaine  du  Port  d'Ajaccio. 


I    OUVRAGES  OFFERTS  A  LA  SOCIÉTÉ 


en  1900 


Auguste  MouLiÉRAS.  —  Le  Maroc  inconnu.  —  Exploration  des 
Djebala  (Tome  II). 

Auguste  MouLiÉRAS.  —  Les  Beni-Isguen  (M'zab). 

D'  Carton.  —  Les  Ruines  de  Ksar  Djema  el  Djir  (Tunisie). 

Vaughan  Cornish.  —  Formation  des  Dunes  de  sable. 

Elisée  Reclus.  —  La  Phénicie  et  les  Phéniciens. 

Guillaume  Grandidier.  —  Voyage  dans  le  Sud-Ouest  de  Mada- 
gascar. 

Ernest  Fallût.  —  La  Situation  économique  de  la  Tunisie. 

Achille  Robert.  —  L'Arabe  tel  qu'il  est. 

Société  Languedocienne  de  Géographie.  —  Géographie  générale 
du  Département  de  l'Hérault  (Tome  III,  1"  fasc). 

J.  Corcelle.  —  Les  Boers  et  le  Transvaal. 

Thorvald  Kornerup.  —  Aperçu  des  Meddelelser  om  Grônland 
(communications  sur  le  Grônland)  1876-1899. 

Vidal  Cuinet.  —  Syrie,  Liban  et  Palestine. 

G.-B.-M.  Flamand,  —  Mission  au  Tidikelt.  —  Une  Mission  d'ex- 
ploration scientifique  au  Tidikelt. 

Paul  Gauckler.  —  Enquête  sur  les  Installations  hydrauliques 
romaines  en  Tunisie  (4*  fascicule). 

M. -A.  Papier.  —  Lettres  sur  Hippone,  avec  album. 

Adrien  Leclerc.  —  De  l'application  de  l'act  Torrens  dans  la 
régence  de  Tunis  et  des  modifications  à  apporter  à  la  loi  foncière. 

A.  de  Peyre.  —  Sociétés  indigènes  de  prévoyance  de  secours  et 
de  prêts  mutuels  des  communes  de  l'Algérie. 

Gouverneur  Général  de  l'Algérie.  —  Rapport  sur  les  opérations 
des  Sociétés  indigènes  de  prévoyance  de  secours  et  de  prêts 
mutuels  des  communes  de  l'Algérie  pendant  l'exercice  1898-99. 

R.  Gautier.  —  Observations  météorologiques  faites  aux  fortifica- 
tions de  Saint-Maurice  pendant  l'année  1898. 

Henry  Benest.  —  Fleuves  sous-marins. 

R.-P.  Delattre.  —  Carthage.  —  Nécropole  punique  voisine  do 
S''-Monique. 

E.  Zeys.  —  Esclavage  et  Guerre  sainte. 


X  OUVRAGES   OFFERTS   A   LA    SOCIETE 

L.  I1E  MiLLOUÉ.  —  Petit  Guide  illustré  du  Musée  Guimet. 

M.-L.  Jacquot.  —  Traditions  et  superstitions  algériennes. 

M.-G.-B.  Flamand.  —  L'Occupation  d'In-Salah  et  l'Action  fran- 
çaise dans  le  Sahara. 

M. -G.  MiLsoN.  —  Rachgoun  port  de  guerre  et  port  de  commerce. 

M.-G...  —  Rapport  sur  la  nécessité  de  la  création  d'un  port  de 
guerre  et  de  comni-^rce  à  Rachgoun  et  de  la  construction  d'un 
chemin  de  fer  de  Tlemcen  à  Rachgoun. 

François  Drouet.  —  Au  Nord  de  l'Afrique. 

J.  RuFER.  —  Histoire  de  Mostaganem  et  de  Mazagran. 

M.  MoRENO  Y  Anda  y  Antonio  Gomez.  —  El  clima  de  la  Repiiblica 
mexicana  en  el  aùo  de  189G. 


CARTES 


Gouverneur  Général  de  l'Algérie.  —  Sphère  céleste  en  arabe- 
et  en  français. 


SOCIETES  CORRESPONDAiNTES 


SOCIÉTÉS  DE  GÉOGRAPHIE 

Paris.    —    Société    de    Géographie.    —    Société    de    Géographie 

commerciale. 
Alger,  Bordeaux,  Douai.  Dunkerque,  Le  Havre,  Lille,  Lyon,  Lorient, 

Montpellier,    Nancy,    Nantes,   Rochefort,  Rouen,   Saint-Nazaire, 

Toulouse,  Tours. 

Amsterdam,  Anvers,  Berne,  Bruxelles,  Buda-Pesth,  Buencs-Ayres, 
Edimbourg,  Genève,  Helsingfors,  Le  Caire,  Lisbonne.  Madrid, 
Manchester,  Munich,  Neufchàtel,  New-York,  Rio-de-Janeiro, 
Saint-Pétersbourg,  Saint-Gall. 


SOCIÉTÉS  DIVERSES 

Paris.  —  Association  philotechnique.  —  Comité  des  Travaux 
historiques  et  scientifiques.  —  Questions  diplomatiques  et 
coloniales.  —  Revue  coloniale.  Société  des  Études  maritimes 
et  coloniales.  —  Société  nationale  des  Antiquités  de  France. 

Alger.  —  École  supérieure  des  Lettres.  —  Société  historique 
algérienne. 

Autun.  —  Société  Eduenne. 

Bône.  —  Académie  d'Hippone. 

Constantine.  —  Société  archéologique. 

Dax.  —  Société  de  Borda. 

Gap.  —  Société  des  Études  des  Hautes-Alpes. 

Rouen.  —  Association  des  anciens  Élèves  des  Écoles  supérieures 
de  Commerce. 

Saint-Dié.  —  Société  philomathique  Vosgienne. 

Saïgon.  —  Société  des  Études  Indo-chinoises. 

Toulouse.  —  Revue  archéologique  du  Midi  de  la  France. 

Tunis.  —  Institut  de  Cai'thage. 

Vienne  (Isère).  —  Revue  épigraphique. 

Cordoba.  —  Academia  nacional  de  Ciencias. 

Guatemala.  —  Sociedad  Guatemalteca  de  Ciencias. 

Madrid    —  Real  Academia  de  la  Historia. 

Mexico.  —  Sociedad  cientifica   «  Antonio  Alzate.  » 

Rome.  —  Istituto  archeologica  Germanico. 

Saint-Pétersbourg.  —  Section  impériale  d'Archéologie. 

Stockholm.  —   Académie  des  Belles- Lettres,   d'Histoire   et   des 

Antiquités. 
Toronto.  —  The  Canadian  Institute. 


XII 


OBSERVATIONS    MÉTÉOROLOGIQUES 


0 
0 

œ 

H 
% 

Pi 
0 


n 

0 

H 

J 
P< 


l~ 

'"'  „'•«■«=       «oeo       tn-i-:?!^ 

=:  -  ?o  r,         '-Xi         >■  .=-     o     i^ 

ions   ont   él6   fa 
cuulaleurs  instal 
,  à  l'altitude  de 
litaire,  àl'altiludc 
>  environ  du  (ort 

ran  en  1000  s'écc 
e  ;  mais  celle  tom 
rs  mois  dépasse 

que  300  millimè 

'est  eu    1800  qu 

(230  millimètres) 

tombé  le  plus  ( 

annuelle  est  700, 

CT 

r. 

o 

ce 

c: 
c 

(I)  En  1000,  les  observa 
avec   deux  pluviomètres  di 
l'un   au   fort  de  Sanla-Cru/ 
mètres,  l'autre  à  lliùpital  mi 
.00  mètres  et   à  000  mètre 
projection  horizontale. 

(2)  La  pluie  tombée  à  C 
peu  de  la  moyenne  annuell 
pendant    les  quatre  demie 
moyenne  de  35  millimètres 

En  ISO!)   il   n'est  tombé 
de    pluie.  Depuis   1841,    o 
tombé  le  moins    de    |)luie 
c'est  en  is,07  qu'il  en  est 
millimètres). 

(3)  A  Alger,  la  moyenne 

.- 

co 

a>       oj 

w          -"          t^         c^         ^^         lT            ^          T^ 

^^ 

o 

1.'^ 

CO 

C- 

^ 

«       ^ 

^^ 

^ 

CO 

z 

o 

C3 

- 

.'_ 

o      iC      oo        «       iiî        ^        «       lO 

55 

00 

lO 

L-^ 

CO 

(-, 

s 

= 

B 

s 

E 

—        tCCO-^OSO-r-G-* 

Gi 

«ri 

CO 

en 

-^ 

^ 

ZC                    uT       (?>        ..^        G' 

t— 

c-< 

o 

1— 

LU 

«^ 

-^r 

OO 

LU 

1 

c? 

£ 

1  J 

rp        a       —      ^T-      oc        »iO 

Cl 

CO 

■<ri 

o 

t;~ 

— :» 

-2 

z 

z 

-=c 

== 

r-     Cl     r;     o     V*     —      «     (M 

rn 

lO 

lO 

oo 

1^— \ 

C/5 

iC               lO      fC      o      — 

Ol 

CD 

CO 

•c^ 

O 

lO 

s 

co  m 

^^ 

o  co 

^ 

'"       «th       --r       iO        A       ÏO       •30        a 

ce 

^1 

l^ 

C^' 

ro 

S 

s  5  - 

z 

= 

e 

■S  s  i- 

z' 

2^ 

S  -g  "° 

l^       f-       ^-       f»       iO       l—       •«ri       (M 

co 

— ^ 

o 

eo 

CO 

r-     <X>     O     -^      irt 

«ri 

v-« 

CO 

i- 

OO 

Ci      ™ 

-sr 

o 

■=  C3 

E 

KO 

•y. 

C 

-'. 

>i  ! 

-3 

O 

p 

cj     ^t^        •        •        •        .      -j 

5 

o 

c 
o 
> 

c 
o 
o 

O    , 

^       *■":.        ^        '-^         '"       *Z2        ^        O 

o 

o 

•o 

1 

>^^i^-<3Î^>.^>-5<î 

73 

o 

^ 

Q 

SOCIETE  DE  fiEOGRAI'IIIE 

s  D'ARCHÉOLOGIE 


CONGRÈS  NATIONAL 

DES  SOCIÉTÉS  FRANÇAISES  DE  GÉOGRAPHIE 
1  9  O  2 


CmCULAIRb:     N°    1 


XXIir    SESSION.   -  ORAN 


I  MM.  les  Membres  de  la  Société 
d3  Géographie  d  Oran 


Oran,  le  15  juin  1901. 


Monsieur  lt  cher  Collègue, 


Le  XXII [«^  Congrès  des  Sociétés  de  Géographie  se 
réunira,  vous  le  savez,  à  Oran,  du  1^'  au  5  avril  1902, 
sous  la  présidence  de  M.  Hanotaux,  ancien  Ministre 
et  membre  de  l'Académie  française. 

Nous  espérons  que  vous  nous  ferez  l'honneur 
d'assister  à  cette  solennilé  scientifique  qui  doit 
coïncider  avec  la  célébration  du  millénaire  d'Oran, 
et  nous  faisons  appel  à  votre  concours  pour  vous 
prier  de  nous  faire  connaître  si  vous  avez  quelque 
communication  à  faire  ou  quelque  question  à  faire 
inscrire  au  programme  de  cette  session. 

Veuillez  agréer.  Monsieur  et  cher  Collègue, 
l'assurance  de  nos  sentiments  les  plus  dévoués. 


Le  Secrétaire  général, 
BOUTY. 


Le  Président, 
L'-Colonel  DERRIElN. 


11 


SOtllTÉ  M  GÉOGKAPIIIE  &  D'aUCHÉOLOOIE  D'ORAN 


Assemblée  Générale  du  5  Mai  1901 


Après  avoir  ouvert  la  séance,  le  Président,  M.  le  L'-Colonel 
DiiHRiEN,  lit  un  télégramme  de  M.  Etienne  par  lequel  le 
Député  d'Oran,  membre  de  la  Société,  s'excuse  de  ne  pouvoir 
assister  à  la  réunion,  comme  il  l'avait  promis  et  en  exprime 
tous  ses  regrets. 

Sur  la  proposition  du  Piésident,  l'adi-osse  suiviinle,  à 
M    ETIENNE,  est  votée  à  l'unanimité  : 

La  Soci»,H(j  de  Géographie  d'Oran,  tout  en  regrettant  qu'une 
circonstance  imprévue  ail  empêché  M.  le  Député  Etienne  d'assister 
à  sou  assendjlée  générale,  le  remercie  vivomcnt  du  haut  intérêt 
qu'il  n'a  cessé  de  lui  porter  et  lui  exprime  ses  rélicitations  et  toute 
son  admiration  pour  l'œuvre  coloniale  (ju'il  a  enti'eprise  depuis 
plus  de  vingt  ans  avec  une  activité  des  plus  ellicaces,  quoique 
silencieuse,  puisqu'elle  nous  a  donné  une  Afrique  occidentale 
fi-anraiso  s'ôtcndant  du  Maroc  au  Congo,  œuvre  coloniale  qui,  en 
Ci  qui  nous  concerne,  assure  notre  expansion  vers  le  Soudan  et 
au-delà  de  la  Moulouïa. 

La  Société  de  Géograiihic;  d'Oran  émet  le  vœu  ({ue  AL  Etienne, 
au  Congi'és  de  1902,  soit  l'intei'prète  et  l'avocat  do  ses  aspirations, 
qui  soBf  celles  de  l'Oranie,  à  laijuelle  notre  Dé[juté  a  voué  toute 
son  énergie  et  toute  son  éloquence. 

Il  est  passé  ensuite  à  l'ordre  du  Jour  et  M.  Bouty,  Secrétaire 
générai,  a  la  parole  pour  rendre  compte  des  travaux  de 
la  Société. 


COMPTE  RENDU  DES  TRAVAUX  DE  LA  SOCIÉTÉ 

PENDANT  L'ANNÉE  1900-1901 


Permettez-moi,  Mesdames  et  Messieurs,  de  venir,  selon  l'usage, 
vous  rendre  compte,  rapidement,  des  travaux  accomplis  par  notre 
Société,  pendant  l'année  administrative  qui  s'achève  aujourd'hui. 
Deux  conditions  m'ohligent  d'être  bref:  la  nécessité  de  ne  pas 
fatiguer  votre  attention  ;  ensuite,  l'attrait  littéraire  que  je  suis 
incapable  de  faire  naître  dans  cette  circonstance,  le  sujet  d'ailleurs 
s'y  prêtant  médiocrement.  ■ 

Je  diviserai  mon  travail  en  plusieurs  paragraphes  : 

§  1".—  Effectif  des  Membres  do  notre  Société  ; 

§  2.  —  Résumé  des  délibérations  du  Comité  administratif  ; 

§  3.   —  Conférences  ;  Bulletin  de  la  Société  ; 

§  4.   —  Appréciations  diverses. 

§  1".    —  Effectif  des  Membres  de  noire  Société 

La  première  questior.  ([ui  s'impose  à  mon  esprit,  est  celle 
de  retracer  le  mouvement  de  l'effectif  de  notre  Société;  il  se 
décompose  ainsi  : 

L'année  dernière,  à  pareille  époque,  le  total  des  Membres 
actifs    et    honoraires   était    do 289 

Les    nouvelles   adhésions    sont   de   31 

Total 3-20 

Les  radiations  pour  cause  de  décès,  départs,  etc 7 

Reste 313 

Tel  est  le  chiffre  du  mouvement  additif  subi  pendant  l'année. 

Ce  résultTl  est  un  peu  faible,  eu  égard  au  chiffre  de  notre 
population  provinciale  et  aux  intérêts  importants  que  nous 
représentons,  au  double  point  de  vue  politique  et  colonial;  nous 
devrions  être  mieux  encouragés.  Aussi  bien,  j'émets,  avec 
insistance,  le  vœu,  que  nous  devons  i^edoubler  d'efforts  pour 
recruter  un  plus  grand  nombre  d'adhérents.  Notre  force  morale  et 
nos  ressources   financières  en  ressentiraient  les  heureux  effets. 

De  nombreuses  sociétés  sportives  existent  parmi  nos  popula- 
tions ;  nous  les  approuvons.  Mais  aucune  d'elles,  étant  donné  le 
but  que  nous  visons,  n'a  l'utilité  objective  de  la  nôtre  ;  aucune 
ne  peut  revêtir  ce  caractère  d'utilité  publique  qui  nous  distingue. 

La  Société  de  Géographie  d'Alger,  bien  plus  jeune  que  la  nôtre, 
compte  environ  COO  membres;  (luel  bel  exemple  à  suivre  ! 


N.VI  COMPTE  RENDU  DU  SECRÉTAIRE  GÉNÉRAL 

^2.    —    Rcitnions    du    Comité    administratif 

SÉANCE  DU  2  JUILLET  l'JOO 

C'est  sur  un  V(L'u  de  l'Assemblée  que  ce  §  a  été  ajouté. 

Ces  réunions,  eu  égard  à  la  période  inactive  des  vacances,  ont 
été  de  11  ;  le  nombre  des  membres  présents,  a  été  toujours  assez 
considérable  pour  pouvoir  délibérer  utilement,  nous  devons  louer 
leur  empressement,  je  dcvi-ais  dire  leur  dévouement. 

Dans  cette  revue  sommaire  de  nos  délibérations,  j'éliminerai 
tous  les  sujets  ne  présentant  par  un  intérèl  immédiat  et  ayant, 
tout  simplement,  le  caractère  d'administration  intérieure. 

SÉANCE  DU  ÎO  JUILLET  1900 

M.  Gentil,  membre  de  notre  Société,  chargé  de  conférences  à 
la  Sorbonne,  nous  a  adressé  son  rapport  sur  les  travaux  du 
Congrès  des  Sociétés  savantes,  où  il  avait  bien  voulu  accepter  le 
mandat  de  nous  représenter,  circonstance  particulièrement  avan- 
tageuse pour  nous  On  lui  a  voté  de  vives  félicitations. 

M.  Augustin  Bernard,  également  noire  collègue,  professeur  de 
Géographie  à  l'École  supérieure  des  Lettres  d'Alger,  actuellement 
directeur  de  la  Revue  des  questions  diplomatiques  et  coloniah's, 
à  Paris,  a  fait  don,  à  la  Société,  de  deux  nouvelles  brochures  : 
1°  suv  Vllistoire  de  la  pénétration  saharienne;  2°  sur  la  Revue 
bibliographique  des  travaux  intéressant  la  géographie  de 
l'Afrique  septentrionale.  M.  Bernard  était  Secrétaire  général  du 
Congrès  national  de  Géographie,  qui  a  siégé  à  Alger  en  IS'J'J  ; 
il  était,  donc,  parfaitement  en  situation  d'apprécier  sérieusement  les 
travaux  de  ce  Congrès.  Le  Comité  l'a  remercié  très-cordialement 
de  son  précieux  concours  dans  cette  circonstance. 

La  discussion  s'ouvre  ensuite  sur  l'étal  de  délabrement  de  la 
petite  mosquée,  dédiée  à  Mohamed  el  Kebir,  et  située  à  l'intérieur 
du  quartier  de  cavalerie  de  Karguentah.  Cette  mosquée  est 
classée  dans  la  catégorie  des  monuments  historiques  du  départe- 
ment. Notre  dévoué  Président,  M.  le  L'-Colonel  Dehrien,  fera, 
auprès  d(;  (jui  de  droit,  les  démarches  voulues  en  vue  de  répara- 
tions à  effectuer. 

Notre  Société  ayant  manifesté  le  vœu  que  le  nom  de  M.  Pomel, 
ancien  Sénateur  d'Oran,  Directeur  de  la  Carte  Géologique  de 
l'Algéiie,  Président  d'honneur  et  un  des  fondateurs  de  notre 
Société,  fut  donné  ù  un  des  villages  en  création  dans  notre 
département,  ce  vœu  a  été  transmis  à  M.  le  Préfet,  avec  une 
notice  produite,  sur  sa  demande,  concernant  les  travaux  scientifiques 
de  M.  Po.MEL  intéi-essant  l'Algérie.  Notre  Société,  selon  mon 
humble  avis,  devrait  préparer  un  travail  général  dont  le  but  essentiel 


COMPTE   RENDU    DU    SECRETAIRE    GENERAL  XVII 

serait  :  d'appli([ut'i-,  à  tels  centres  de  colonisation  pourvus  d'un 
nom  indigène  vulgaire,  à  consonnalion  barocjue  et  insigniliant, 
des  dénominations  rappelant  les  hauts  faits  et  les  services  rendus 
à  la  colonisation  et  à  l'histoire  algérienne.  N'est-il  pas  singulier  de 
voir,  par  exemple,  que  le  nom  du  premier  explorateur  du  Soudan 
occidental,  j'ai  nommé  René  Caillé,  soit  ignoré  de  toutes  nos 
populations  algériennes  ?  Nous  devrions  être  plus  soucieux  de 
perpétuer  le  souvenir  de  nos  gloires  nationales,  et  des  bienfaits 
de  riiumanitô. 

Notre  Président,  M.  leL'-Colonel  Derrien,  annonce  son  prochain 
départ  pour  Paris,  où  il  a  mandat  officiel  de  représenter  notre 
Société,  au  Congrès  des  Sociétés  françaises  de  Géographie,  qui 
doit  se  réunir  dans  la  deuxième  quinzaine  du  mois  d'août,  et 
d'obtenir,  si  possible,  que  ce  même  Congrès  de  Géographie 
choisisse  Oran  pour  siège  de  sa  réunion  en  1902.  Son  dévouement 
absolu  à  notre  Société,  nous  assure  d'avance  le  succès  de  sa 
mission. 

SÉANCE  DU  8  OCTOBRE  1900 

Reprise  des  travaux  après  les  vacances. 

M.  le  Président  annonce  au  Comité  qu'il  a  fait,  à  Paris,  à  la 
réunion  du  Congrès,  un  rapport  sur  les  travaux  de  notre 
Société,  dont  il  a  su  mettre  habilement  en  relief  les  qualités  ;  il  a 
été  vivement  applaudi  et  c'était  justice.  Aussi,  le  Congrès  à 
la  fin  de  ses  séances,  a-t-il  volé  a  l'unanimité  que  la  réunion  du 
Congrès  de  1902  aurait  lieu,  ainsi  que  nous  en  avions  manifesté  le 
désir,  à  Oran.  Cette  fêle  scientifique  coïncidera  avec  la  célébration 
du  millénaire  de  la  fondation  d'Oran,  dont  la  création  remonte 
à  l'an  902. 

Délibérant  sur  ce  dernier  point,  le  Comité  décide  que  la 
Municipalité  oranaise  sera  avisée  de  cette  double  circonstance, 
afin  qu'ell»3  prenne  les  dispositions  qu'elle  croira  convenables  pour 
donner  le  plus  d'éclat  possible  à  cette  partie  de  la  fête  absolument 
municipale. 

SÉANCE  DU  5  NOVEMBRE  1900 

M.  le  L'-Colonel  Derrien,  Président,  communique  au  Comité  la 
lettre  de  félicitations  qu'il  a  adressée  à  M.  l'Explorateur  Foureau 
et  à  ses  courageux  compagnons,  de  retour  de  la  grande  et  pénible 
mais  glorieuse  excursion  à  travers  le  grand  Sahara  central  et 
aboutissant  aux  rives  encore  indéterminées  du  Tchad.  M.  Foureau 
étant  d'ailleurs  membre  de  notre  Sociél(',  M.  Bouty  a  proposé  de 
lui  conféier  le  diplôme  de  membre  honoraire.  Approuvé  ; 
M.  Bouty  fera  le  nécessaire. 


XVIII  COMPTE   RENDU    DU   SECRETAIRE   GENERAL 

M.  Derrien,  Président,  est  autorisé  i\  sijfiier,  au  nom  de 
la  Société,  le  nouveau  traité  convenu  avec  M.  Fouque,  imprimeur, 
pour  la  publication  de  notre  Bulletin. 

SÉANCE  DU    12  NOVEMBRE 

Réunion  spéciale  pour  l'organisation  des  Commi-sions  officielles, 
relatives  au  Congrès  national  de  1902. 

SÉANCE  DU  3  DÉCEMBRE  lOliO 

Règlement  nouveau  concernant  le  prêt  des  ouvrages  de  notre 
Bibliothèipie,  et  décision  l'elative  à  un  alioiinemenf  aux  Annales  de 
Géographie,  de  Vidal  Lablache. 

SÉANCE  DU  7  JANVIER  19  U 

M.  le  Secrétaire  général  rend  compte  de  la  visite  qu'il  a  faite, 
officiellement,  à  M.  le  Gouverneur  général  de  l'Algérie,  Jonxard,  et 
de  la  remise  du  diplôme  d'honneur  accordé  à  celte  occasion.  M.  le 
Gouverneur  général  accueillit,  avec  la  plus  vive;  sympathie,  ce 
témoignage  de  l'intérêt  que  noire  Société  lui  a  voué. 

M.  BouiY  communi(iue  une  lettre  de  M.  Ficheuu,  professeur  de 
Géologie  à  l'École  supérieure  des  Sciences,  à  Alger,  au  sujet 
de  la  découverte  du  terrain  carbonifère  maiin,  aux  environs 
d'Igli. 

M.  le  Président  rend  compte  de  la  visite  faite  à  M.  le  Maire 
d'Oran,  accompagné  des  Membres  du  Bureau  du  Comité  admi- 
nistratif, alîn  de  lui  communi(}uer,  officiellement,  le  choix  de  la 
ville  d'Oran,  pour  la  réunion  du  Congrès  national  des  Sociétés 
françaises  de  Géographie,  en  avril  1902.  M.  le  L'-Colonel  Derrien 
fait  remarquer  que  cette  époque  correspond  au  millénaire  de  la 
fondation  d'Oran  ;  il  fait  ressortir  qu'il  conviendrait,  à  raison  de 
cette  circonstance  commémorative,  que  la  Municipalité  de  notre 
laborieuse  et  impoi-tante  cité,  la  dernière  venue  dans  l'histoire  du 
Nord  de  l'Afrique,  mais  la  plus  importante,  la  première  peut-on 
dre,  au4)oint  de  vue  politique,  commercial,  et  de  la  colonisation, 
il  conviendrait  que  la  Municipalit(i  prit  les  mesures  nécessaires 
pour  célébrer  cette  fête  où  assistei-ont  grand  nombre  d'étrangers, 
avec  le  plus  d'éclat  possible. 

M.  le  Maii'c  remercia  viveniiMil  la  Commission  do  cette  commu- 
nicalion,  et  promet  d'en  informer  le  Conseil  Municipal,  qui  sera 
désireux,  autant- que  lui,  de  répondre  avec  empiesseinent  à  la 
communication  de  M.  le  L'-Colonel  Deuhien. 


COMPTE   RENDU   DU   SECRÉTAIRE   GÉNÉRAL  XIX 

SÉANCE  DU  4  FÉVRIER  1901 

Avis,  que  le  Congrès  des  Sociétés  françaises  de  Géographie  se 
réunira,  celte  année,  à  Nancy.  M.  Basset,  directeur  de  l'École 
supérieure  des  Lettres  d'Alger,  sera  prié,  le  cas  échéant,  de 
représenter  officiellement  notre  Société  à  cette  réunion  scienti- 
fique. M.  Bel,  profcsseur  au  Lycée  d'Oran.  voudra  bien  assister 
M.  Basset. 

^L  le  Président  fait  connaitre  ({u'une  subvention  de  300  francs 
a  été  accordée  à  notre  Société  par  >L  le  Gouverneur  Général.  De 
vifs  remerciements  seront  adressés  à  M.  Jonnart  par  M.  le 
L'-Color.el  Derrien. 

M.  le  Président  annonce  que  M.  Hanotaux,  ancien  Ministie 
des  Affaires  étrangères,  Membre  de  l'Académie  française,  a  bien 
voulu  accepter  la  Présidence  du  Congrès  dOran,  en  1902. 

SÉANCE  DU  COMITÉ  DU  -'i  MARS 

Des  mesures  sei^ont  prises  pour  mettre  en  vente  les  exemplaires 
de  nos  Bulletins  trimestriels  en  excès,  encombrant  notre 
bibliothèque. 

SÉANCE  DU  COMITÉ  DU  1-  AVRIL 

M.  Augustin  Bernard,  le  meml>re  très  dévoué  de  notre  Société, 
assiste  à  la  réunion  ;  il  est  présenté  par  M.  le  L'-Colonel  Derrien, 
qui  fait  son  éloge  en  quelques  mots.  M.  Bernard  se  dit  très  flatté 
de  cet  accueil  cordial  ;  il  assure  que  la  Société  peut  compter  sur 
son  concours  le  plus  dévoué. 

M.  le  Président  donne  lecture  des  résultats  du  concours  ouvert 
l'année  dernière,  selon  l'usage,  et  relatif  aux  monographies 
concernant  diverses  communes  mixtes  ou  de  plein  exercice. 
Il  est  peut-être  utile  de  rappeler  (}ue  ces  concours  ont  pour  objet 
la  réunion  d'éléments  historiques  et  géographiques  locaux,  qui 
seront  autant  de  jalons  plantés  pour  guider  les  historiens  futurs 
de  notre  province.  (Voir  ci-après  le  Rapport  du  Président  sur 
le  concours). 

M.  le  Président  tait  connaître  (jui-  l'Asseniblée  générale  de 
lolre  Société  est  fixée  au  Dimanche,  5  mai,  à  0  heures  du  inatin. 
M.  Boutv  fera  le  nécessaire. 


XX  COMPTE  RENDU   DU   SECRETAIRE  GENERAL 

§  3.  —    Conférences 

Une  entente  confratornello  s't^st  établie  entre  notre  Société  et 
celle  de  V Enseignement  par  l'Aspect,  piésidé'C  et  dirigée  si  habi- 
lement par  M.  GiLLOT,  qui  est  en  même  temps  notre  2«  Vice- 
Président.  C'est  en  vertu  de  cet  arrangement  que  M.  Mouliéiias, 
notre  1"  Vice-Président,  a  pu  donner  avec  un  succès  des  plus 
atti-ayanls,  une  conférence  sur  son  voyage  à  Fez  (ville  marocaine, 
célèbre  par  son  université).  Les  applaudissements  chaleureux  et 
unaninKS  qui  ont  accuedli  le  discours  de  M.  Moultéras  témoi- 
gnent de  l'intérêt  que  porte  notre  Société  à  tout  ce  qui  touche  ù 
nos  voisins  do  l'Ouest.  Nous  espérons  que  l'aimée  prochaine  un 
plus  grand  essor  sera  donné  au  mode  de  conférences  qu'illustrent, 
pour  ainsi  dire,  les  procédés  iconographiques  de  la  Société 
de  VEnsignement  par  V Aspect,  ci  (\\\q  M.  Mouméras  trouvera  des 
imitateurs. 

Bulletin 

L'intérêt  que  iiotre  Bulletin  inspire  ne  fait  que  croître  et 
embellir,  selon  l'expression  comparative  vulgaire.  C'est  à  lui, 
principalement,  que  notre  Société  doit  sa  flatteuse  réputation 
d'être  littéraire  et  scientifique  ;  et  nous  pouvons  dire,  sans  crainte 
d'être  taxé  de  vanité,  que,  sans  noire  Bulletin,  d'excellents  travaux 
n'auraient  pas  vu  le  jour  et  seraient  restés,  toujours  ignorés, 
au   détriment   de    la   science  et   de   l'humanité. 

Indépenilammeut  des  questions  d'administration  purement 
intérieure,  h,'  tome  XXI  de  notre  puljlicatiou  a  eu  l'heureuse  chance 
de  donner  asile  à  une  vingtaine  d'auteurs  tous  membres  de  la 
Société,  dont  les  noms  de  la  plupart  vous  sont  familiers. 
Leurs  œuvres  intéressent  l'histoire,  la  géographie,  l'archéologie, 
l'histoire  naturelle,  l'hvdrologie,  la  météorologie,  etc. 


55  4.  —  Appréciations  diverses 

Tous  ces  Bulletins,  Messieurs,  ont  défile  suus  vos  yeux  ; 
vous  les  avez  lus  et  judiciinisemcul  appi^éciês  ;  et  mon  maigre 
compte-rendu  serait  impuissant  à  mettre  en  idief  b-s  ipialilés 
littéraires  et  scienliliipics  qui  la  cararh'riscnt  ;  c'I  <à  cet  égard, 
permettez-moi  de  comptci-  sui-  votre  indulgence. 

Mais  cependant,  il  est  de  mon  devoir  de  mettre  deux  faits  en 
lumière. 


COMPTE   RENDU   DU   SECRETAIRE   GENERAL  XXI 

Premièrement,  le  choix  de  la  ville  d'Oran  pour  siège  du  Congrès 
national  des  Sociétés  françaises  de  Géographie  en  IDO?.  Ce  choix, 
décidé  à  l'unanimité  des  membres  assistant  au  Congrès  de  Paris, 
a  été  la  conséquence  des  intéressantes  communications  faites  par 
notre  dévoué  et  vaillant  Président,  M.  le  L'-Colonel  Derrien,  sur 
les  travaux  de  notre  Société  qu'il  a  su  mettre  si  habilement  en 
lumière  et  les  résultats  obtenus  depuis  sa  fondation,  en  1878. 

Ce  fait  sera  remarquable  dans  les  annales  de  la  Société  ;  il  ne 
dépend  que  de  vous,  de  nous,  de  lui  donner  encore  une  importance 
significative  plus  consiilérablc.  par  l'accueil  franc  et  cordial  que 
nous  réserverons  aux  Congressistes.  Nous  avons  l'intime  conviction 
que  les  Commissions  qui  ont  été  nommées  à  cet  effet,  rempliront 
leur  programme  avec  tout  le  zèle  et  le  dévouement  dont  elles 
sont  capables. 

Le  2°  fait  dont  j'ai  à  vous  parler,  c'est  le  vote,  par  le  Parlement 
français,  approuvant  définitivement  le  tracé  du  Transsaharien 
occidental,  qui  est  l'objectif  que  nous  poursuivons  de[,uis  plus 
de  vingt  ans,  avec  une  persévérance  et'  un  dévouement' qui  ne 
se  sont  jamais  démentis.  A  cette  occasion,  nous  devons  nos  plus 
sincères  remerciements  aux  Membres  de  la  Chambre  des  Députés 
et  au  Sénateur  de  notre  département,  pour  leur  bienveillant  et  utile 
concours,  dans  cette  circonstance   mémorable  pour  notre  pays. 

L'Algérie,  et  pirticulièrement  notre  département,  tireront  un 
parti  politique  et  commercial  énorme  de  cette  décision  légale. 
Espérons  (juc  nos  concitoyens  nous  en  seront  quelque  peu 
reconnaissants  ;  je  n'ajouterai  pas  un  mot  de  plus  et  je  laissse  la 
parole  à  notre  trésorier,  après  le  compte  rendu  duquel,  notre 
Bibliothécaire  vous  met  ra  au  courant  de  la  situation  de  nos 
archives  et  de  notre  Bibliothèque. 

Le  Secré taire  général, 

B  0  U  T  Y . 


RAPPORT    DU    TRÉSORIER 


Messieurs, 

Je  viens  vous  exposer  la  situation  financière  de  notre  Société 
pour  l'exercice  IDOO-lOOl. 

Nous  avons  péniblement  clôturé  celui  de  189'J-1900,  qui  s'est 
soldé  par  un  excédent  de  recettes  de  9  fr.  47  seulement. 

Avec  une  encaisse  aussi  minime,  la  prudence  nous  commandait 
de  marcher  à  l'économie  et  de  faire  en  sorte  de  ne  pas  dépasser 
les  crédits  votés  par  le  Comité. 

Il  n'a  pas  été  possible  d'éviter  les  dépassements  pour  deux 
articles,  vous  pouvez  vous  en  rendre  compte  par  les  deux  tableaux 
détaillés  des  recettes  et  des  dépenses  que  j'ai  établis,  mais,  cet 
excédent  de  dépenses  est  tout  à  l'honneur  de  la  Société  puisqu'il 
marque  par  la  correspondance  échangée,  la  vitalité  toujours 
croissante  de  notre  compagnie  et  sa  sollicitude  pour  les  travailleurs 
puisque  nous  avons  donné  un  prix  de  cinq  cents  IVancs  pour 
l'ouvrage  mis  au  concours  en  1900,  La  Géographie  du  Maroc. 

C'est  grâce  au  concours  annuel  du  Conseil  général,  qui  nous  a 
toujours  subventionné  depuis  la  ciéation  delà  Société,  et  à  l'appui 
financier  du  Gouvernement  général  de  l'Algérie,  lequel  nous  a 
alloué  cette  année  une  subvention  de  trois  cents  francs,  renouve- 
lable tous  les  ans,  nous  l'espérons,  que  nous  avons  pu  clore  notre 
exercice  par  un  excédent  de  l'ecettes  de  171  fr.  55. 

Les  recettes,  en  ce  qui  concerne  les  cotisations,  n'ont  pas 
atteint  le  chiffre  prévu,  mais  tout  porte  à  croire  que  pour  le 
prochain  exercice  ce  chiffre  sera  dépassé  car  nous  constatons  avec 
plaisir  que  le  nombre  des  Membres  de  notre  Société,  resté 
stalionnaire  un  moment,  tend  à  s'accroître  de  jour  en  jour. 

RÉSUMÉ 

Recettes 3.634'97 

Dépenses 3.463  42 

Différence ITK.jJ 

Le  budget  de  19U0-1901,  a  été  discuté  et  adopté  dans  la  séance 
du  Comité  du  4  février  dernier,  je  donne  dans  mon  troisième 
tableau  le  dcitail  de  ce  budget  en  receltes  et  en  dépenses. 

Je  vous  prie.  Messieurs,  de  vouloii-  bien  approuver,  ap'ès 
examen,  le  compte  financier  1900-101(1, 

Oran,  le  5  mai  1901.  Le  trésorier, 

E.  POCK. 


RAPPORT  DU  TRESORIER 


XXIII 


RECETTES 


o 

' 

O 

, 

Cd     ■ 

_  = 

1- 

c^ 

1      2 

^  i 

B 

a 

a 

~ 

o 

» 

<5 

o 

S5 

« 

o 

z  \ 

c-< 

(M 

/      ^ 

a    \ 

S 

f       c 

c:;     ,'- 

\           0) 

■y    ' 

r- 

S 

o      o 

o 

« 

f. 

I> 

/        r- 

^ 

r/3 

-^ 

"~ 

(>J 

ce 

l       "^ 

r-r 

^ 

co 

c 

»^ 

1^ 

a; 

O 

C 

c: 

\       ^ 

1 

^— 

O          a 

^ 

'7 

o 

^ 

ci: 

1       ^^ 

S 

co 

vj 

co 
co 

c 

~~~"^ 

a 

o^ 

«^ 

a. 

C- 

^^ 

<ÎJ 

::l^  

^rs 

cr 

c: 

'c 

•  — 

<=>                                         Il 

^«*     ^- 

-^ 

* 

o      o       s 

J 

s 

O 

(t" 

c^ 

o: 

1 

çc    ^- 

£â 

i 

S 

's 

c 

co                            1, 

o/:; 

(- 

— 

o            c 

-, 

1- 

v* 

fo       ir 

lO                  C-- 

as 

^M 

o 

C-»         o         --r 

in      'O            ce 

O 

c 

-=!< 

t^ 

CO           O           l> 

c- 

th 

^-^1 

-^ 

fO 

Cb2 

G 

lO         -^ 

rs 

O 

Cs. 

1 

I^^ 

c 

CO                                         II 

bj 

yj 

. 

ô 

cj 

C 

o 

o 

p 

p 

J 

2~ 

•^ 

,  -. 

— ^ 

p 

r^ 

o 

S 

-^ 

■? 

r: 

Ô 

r. 

V 

£ 

^ 

-:3 
'o 

ai 
5 

H 

ï 

•^^ 

o 

S 

H 

"* 

n 

"7^ 

c^ 

W 

c 

, 

Ô 

O 

o 

> 

O 

m 

c: 

y 

c 

o 

,_^ 

^ 

5 

K 

o 

1 

— ^ 

H 

(/3 

S 

1 

C 

c 

s 

•S 

m 

C 

m 

•o 

" 

'c 

o 

•■Û 

Oj 

w 

-^3 

'c 

c 
c/: 

o 

to 

3 

Q 

c. 

y 

c 

X 

s 

73 
•O 

O 

5 

■fcb 

5 

xn 
m 

•c 

^ 

^ 

c: 

o 

H 

o 

c 

l 

C 

•o 

> 

g 

''<^ 

r^ 

r/ 

"c 

y 

y 

73 

Q 

^ 

c: 

y 

1 

c 

1  i 

O 

-5 

73 

S  1 

_^ 

_c 

d 

-3      C 

3 

o    r 

^« 

~ 

c 

C 

c 

,r,       -^ 

"-. 

-3    ^ 

5 

y 

■jT 

73           j;- 

— 

.,1^ 

-^ 

'^ 

c 

r: 

a 

'— '            — 

o 

o      r' 

O 

y 

— '            ^ 

> 

,—       ■~> 

"1 

_; 

•  " 

■1J          -^ 

"2 

3       ^ 

y. 

;; 

c. 

•::; 

O 

H 

,     c7 

CJ 

c 

> 

■— ' 

7^ 

> 

I 


XXIV 


RAPPORT    DU   TRESORIER 


DÊF  EI^SE  S 


' 

00     t- 

o 

, 

„ 

0       s 

jo       ; 

w 

,  = 

O    -i^ 

•^ 

lO 

u 

g 

CO     ^H       s 

c 

s 

« 

00    o         os         o    o     s 

f- 

3 

^  \ 

lO    OC 

o^ 

o           (M           1- 

d 

CO         l             O^ 

^r< 

-=r        l 

H      1 

^ 

1        c 

c;    ,- 

1        « 

~    { 

o- 

lO      = 

1          '^ 

■       \        c~< 

E 

vt 

V* 

05 

^ 

r 

S 
\ 

"H. 

c 

OC 

^ 

* 

^ 

" 

s 

^ 

1- 

lO               ■»              fS 

"^^  ' 

a 

« 

■a 

Sj 

^^ 

j: 

^ 

"^^ 

(= 

S^ 

t=^ 

C 

c 

ç 

c 

<= 

lO 

o    o         o         o    o    IC 

C 

-M     rt 

c 

■= 

C- 

o    o         o         lO    o    o     « 

0 

s 

o 

s 

5" 

'^ 

c- 

»       ^T^ 

— 

■T» 

co 

a. 

^" 

(M 

co 

c/s 

S- 

o- 

c- 

c: 

j; 

?5 

a 

0 

lO      s 

1              C.V1 

-â^ 

o~ 

cc 

-^ 

OC 

lO 

0 

vj. 

i 

cr 

00    J^ 

o- 

<= 

lO 

o 

^ 

co 

r 

>  0         c 

^ 

--■t 

oc 

(- 

fî 

Oi 

os      s 

C 

t-      a    0    C=         1          0                                   1 

i^ij 

^   c\ 

^«" 

■^^ 

^    lO         1          -^                                   1 

Cl^ 

■ 

u-> 

^. 

1       ^ 

bd 

1 

— 

e/n 

7} 

o 

^ 

w 

<s 

3 
0 

'^ 

'^ 

0 

^— 

ci 

r^ 

— 

-^ 

0 

w 

0 

H) 

o 

X 

M 

c 

— ' 

0 

rz^ 

3 

C3 

-3 

>■ 

o 

-^ 

M 

2 

i 

o 

O 

0 

ryj 

^ 

-a 

S 

Cfi 

K 

'5 

'q5 

O) 

s 

m 

c 

^ 

c 

«J 

c 
ç 

(y: 

-S; 

^ 

■o 

O 

5 

in 

tr. 

t. 

> 

H 
0 

H 

■^ 

c 

c 

o 

fcC 

S 

ô 

'y 

ce 

^      0 

) 

CAj 

^ 

c^ 

c 

-   "^^-C 

•1. 

y 

•« 

H 

"E 

^ 

c 

y. 

7- 

IJ 

0 

" 

c 

"a 

4 

r-^, 

^ 

— 

o 

Cj 

'— 

^^ 

^ 

^ 

« 

ç 

^ 

C 

.  —    r 

•  — 

ri 

■^ 

t. 

C 

cl 

C 
C 

c 

c 

c 
c 
c 
c; 

;= 

C 

c 

ce 

c 

D    «^ 

i: 
"a 

-5 

■m 

3 

'o 
o  V 

IX}  J: 

ci  ^ 

C 

c 
c 

«^ 

S'a 
0  îij 

2i 

C, 

o! 
c 

•c 
c 

-  .? 

1 

c 

a 

t/^ 

c 

^ 

" 

a  Ë 

6Da 

3  =^ 

» 

t. 

1 

V 

a 

t. 

c 

K 

5 
1 

y 

C 

c 

<U 

c 

c 
te 

- 

c 

c. 

2 

C" 

.^  '/ 

_5 

73 

a 

M 

Ç. 

c 

p 

ô'c 

c 

^  0 

--»  c 

0  /^ 

C 

C 

r 

c. 

:: 

_c 

ra 

-  "^ 

«  "S 

ç 

s 

c 

"  £ 

"c 

~ 

s. 

i-. 

c 

0 

0 

•^ 

c 

.    < 

^ 

O 

Ch 

c 

<!^ 

«5^ 

^ 

r^ 

CJ 

RAPPORT  DU  TRESORIER 


KXV 


BUDGET    DE    L'EXERCICE    1901-1902 


« 

A 

- 

- 

« 

« 

^ 

« 

« 

« 

« 

^ 

o 

<= 

O 

^ 

— 

lO 

o 

o 

^ 

o 

o 

»,o 

o 

Cl 

<=• 

o 

&< 

ff< 

o 

o 

L.-5 

lO 

o 

o 

(M 

G-* 

Ti 

•th 

cr< 

^H 

<t-i 

•^ 

M 

o\ 

rw 

o     • 

m     • 

M  -; 

1     • 

— ^ 

-ta 

G) 

c     -r 

o 

CJ 

o 

— 

c 

ï  O 

S 

P 

te  • 

.2    ' 

O 

c^ 

II 

1  • 

w 

o 

^3      • 

o 

o  :: 

rt    • 

T. 

H 

Ç3 

S 

o 

o    • 
o 

C3 

II 

o  — 

o     • 

3 
■p 

►J 

02 
[2! 

/- 

CT 

c 

S 

•S      • 

o"  S 

_rt 

-    '/3 

il 

s   • 

I 

O 

H 

z 

'— 

"o 

o  o 

o 

C   ce 

o     , 

M 

o 

m 

o 
> 

'S 

M 

S 

P4 

fi 

c 

a 

o 

o 
o 

o 

g- 

9 

c 

o 

Ci 

3 

ci 

•_2 

3    ^- 

14 

o"? 

.3  "S 

V 

c 
c 

c. 

m 
o 
to 

Ç5 
> 

g 

;c  D 
-  9 

o  - 

-a  o 

o 

3    • 

o     . 
m  3 

Ci. 

■*    t^ 

o 

o 

'a 

o  r^ 

c 

■".■-! 

o   - 

y  io 

«; 

U 

-— t 

►- 

O 

C. 

!L 

!     < 

< 

U 

1 

H 
H 

H 

H 
(4 


o 


-^5  !K  X. 


^       O 


3  73      03 

"Sa 


2      -3  ^ 


►:;      X      c: 


: . 

yj 

3 

3 

o 

rt 

^ 

-3 

.^ 

o 

^ 

-^ 

a 

® 

•il 

-1 

-1) 

> 

>— 1 

O 


RAPPORT    DU     BIBLIOTHÉCAIRE 


Loin  du  centre  de  la  ville,  dans  un  tout  petit  local  dépendant  du 
Musée,  les  ouvrages  composant  la  Bibliothèque  de  notre  Société 
dorment  en  paix  sur  leurs  rayons,  et,  sans  les  soins  de 
M.  Decloux,  gardien  du  Musée  et  chargé  du  service  de  la 
Bibliothèque,  ils  disparaîtraient  sous  la  noble  poussière  qui 
pénètre  d'autant  plus  aisément  dans  la  salle  (jue  la  porte  n'a  aucun 
moyen  de  fermeture  extérieure. 

Cependant,  Messieurs,  un  pareil  état  de  choses  ne  saurait 
étonner  outre  mesure.  Avouez  qu'il  faut  avoir  vraiment  le  goût  de 
la  lecture  pour  affronter  le  calvaire,  car  c'est  un  vrai  calvaire,  qui 
conduit  à  notre  Bibliothèque.  Si  encore  on  était  récompensé 
de  sa  peine  et  qu'une  salle  vaste  et  bien  aménagée,  permît 
de  consulter  commodément  les  ouvrag(>s  !  Mais  l'espace  est  si 
restreint  que  deux  personnes  ont  de  la  peine  à  s'y  mouvoir  et 
qu'il  est  presque  impossible  au  lecteur  de  déployer  une  caite. 

Toutes  ces  raisons  ont  si  bien  influé  sur  les  Membres  de  la 
Société  que  quinze  d'entre  eux  seulement  ont  fréquenté  la 
Bibliothèque  pendant  l'année  écoulée  empruntant  '201  volumes, 
bi'ochures  ou  fascicules.  Quant  aux  lecteurs  sur  place,  ils  ont  été 
au  nombre  de  deux. 

Et  cependant,  elle  possède  quantité  d'ouvrages  de  réelle  valeur 
qui  pourraient  rendre  de  grands  services  s'ils  étaient  plus  faciles 
à  consulter. 

J'ai  été,  pour  mon  compte,  très  agréablement  surpris  d'y  trouver 
\c  Maroc  inconnu  de  nolve  collègue,  M.  Mouliéras.  Après  avoir 
«  coupé  »  l'ouvrage,  je  me  suis  empressé  de  le  passer  à  un 
sociétaire  arabisant  qui  m'a  vivement  remercié  de  lui  avoir  procuré 
pareille  aubaine. 

L'exiguïté  du  local  ne  permet  pas  d'insLallcr  de  nouveaux  rayons 
et  comme  ceux  qui  existent  déjà  débordent  d'ouvrages,  il  faudra 
bien"que  le  Comité  de  la  Société  se  décide,  sans  tarder,  à  trouver 
une  salle  plus  spacieuse  et  surtout  plus  centrale. 

La  Bibliolhè(jue  possède  actuclierncnl  : 

1°  1089  ouvrages  divers  comprenant  1549  volumes,  brocliures  ou 
fascicules  ; 

2°  190  revues  ou  bulletins  périodi(iues  qui,  reliés,  formeraient 
environ  un  millier  de  volumes  ; 

3"  374  cartes  ou  plans. 


ALLOCUTION   DU   PRESIDENT  .^XVli 

Le  crédit  annuel  affecté  à  la  reliure  n'est  que  de  100  fr.  ; 
il  conviendrait  d'augmenter  sensiblement  ce  crédit,  afin  de  pouvoir 
iaire  relier  un  grand  nombre  d'ouvrages  qui  méritent  de  l'être. 

La  Bibliothèque  ne  j^ossède  pas  une  collection  de  gravures  et  de 
vues  photographiques  relatives  à  notre  province  :  ne  pourrait-on 
pas  combler  cette  lacune  en  créant  un  album  de  l'Oranie,  album 
qui,  vu  la  multiplicité  des  photographes  amateurs,  s'enrichirait 
rapidement  de  nombreux  dons  ? 

Les  bulletins  de  la  Société  s'accumulent  démesurément  :  il  y  en 
a  5844  en  dépôt.  Pour  remédier  à  cet  encombrement,  deux 
mesures  me  paraissent  urgentes  :  1"  Réduire  de  450  à  400  le 
nombre  d'exemplaires  à  tirer  ;  2°  Faire  connaître  que  les 
bulletins  des  années  antérieures  sont  en  vente  à  un  prix  minime, 
0  fr.  50  ou  1  fr.,  par  exemple.  Il  est  certain  que  bon  nombre  de 
sociétaires  se  procureraient  dans  ces  conditions  les  numéros  qui 
leur  manquent  ou  même  la  collection  des  années  qui  ont  précédé, 
celle  de  leur  entrée  dans  la  Société. 

Certains  Bulletins  de  Sociétés  étrangères,  en  outre,  qu'ils 
deviennent  encombrants,  ne  sont  jamais  lus.  Tels  sont  ceux  qui 
nous  arrivent  de  la  Suède,  de  la  Russie,  de  la  Hollande,  de  la 
Hongrie,  de  la  Roumanie,  etc.  Le  Comité  administratif  pourrait 
décider  d'en  cesser  l'échange,  ce  qui  permettrait  de  faire  des 
échanges  plus  utiles  av.-c  d'autres  Sociétés  françaises. 

En  terminant,  Messieurs,  qu'il  me  soit  permis  de  vous  signaler 
la  façon  irréprochable  dont  M.  Decloux,  gardien  du  Musée, 
remplit  son  service  de  bibliothécaire  effectif  et  de  vous  proposer 
de  porter  sa  rétribution  mensuelle  de  10  à  12  francs. 

Oran,  le  5  mai  1901.  L'arehimste-hibllothècaire, 

B.  BOISSIN. 


Le  Président  prononce  ensuite  l'alloculion  suivante 


ALLOCUTION    DU    PRÉSIDENT 


Messieurs  et  chers  Collègues, 

Dussé-je  encourir  le  reproche  de  pratiquer  l'admiration 
mutuelle,  je  ne  peux  m'empêcher  de  remercier,  en  votre  nom,  les 
auteurs  des  rapports  que  vous  venez  d'entendre  pour  le  zèle  et  le 
dévouement  qu'ils  ne  cessent  de  montrer  dans  l'accomplissement 
de  leurs  fonctions. 


XXVIII  RAPPORT  SUR   LE  CONCOURS  DE  1900 

Jo  suis  heureux,  en  outre,  de  i-enouveler  à  M.  Pock,  noti-e 
sympathùiue  trcsoi-ier,  mes  sincères  IV'licitalions  pour  les  palmes 
académiques  qm  viennent  de  lui  être  décernées,  en  récompense 
des  services  rendus  par  lui  à  la  Société  de  Géographie  et  à  la 
Société  des  Anciens  Elêoes  du  Lycée. 

Nous  devons  aussi  rendre  hommage  à  la  mémoire  des  regrettés 
collègues  que  la  mort  nous  a  enlevés  depuis  la  dernière  assemblée 
gént'rale,  et  ([ui  sont:  MM.  Ravier,  ingi'nieur des  Mines,  Guimet, 
commis  de  Trésorerie,  Hlondelle,  contrôleur  des  Conli'ibutions 
directes,  et  Giraud,  banquier. 

Vous  avez  vu,  par  le  rapport  de  votre  Secrétaire  général,  que 
notre  Société  consciente  des  obligations  que  lui  impose  sa 
situation  à  l'ouest  de  l'Algérie,  sur  les  contins  du  Maroc,  soutenue 
par  la  générosité  du  Conseil  général  et,  disons-le  aussi,  par  votre 
bonne  volonté  et  votre  vigilance  éclairée,  notre  Société,  dis-je, 
poursuit  avec  activité  et  succès  son  œuvre  de  vulgarisation  des 
connaissances  géographiques  de  notre  région  comme  vous  le 
montrera  mon  rapport  sur  les  concours  de  lUOO. 

Aussi  est-ce  avec  confiance  que  nous  voyons  approcher  le 
Grand  Congrès  géographiqut;  (jui  doit  se  réunir  à  Oran,  en 
avril  1902,  et  où  doit  se  manifester  noti-e  vitalité,  en  vue  de  justifier 
la  confiance  dont  on  a  bien  voulu  nous  honorer. 


RAPPORT 

SUR  LES  TRAVAUX  PRÉSENTÉS  AU  CONCOURS  OUVERT  EN  1900 
PAR  LA  SOCIÉTÉ  DE  GÉOGRAPHIE  &  D'AIlCilÉOLOGIE  D'ORAN 


I.  Concours  extraordinaire  —  Géographie  du  Maroc 

Au  concours  normal  portant  sur  des  monographies  de  commune 
mixte  du  dil'partement,  votre  Comité  avait  jugé  d'urgente  actualité 
d'adjoindre  un  Concours  extraordinaire  en  vue  de  la  rédaction 
d'une  Géographie  du  Maroc,  à  l'usage  du  pulilic  lran(;ais.  Cette 
géographie  n'a  pas  encore  été  laite  ;  il  appartenait  à  la  Société  de 
Géographie  d'Oran,  placée  en  avant  garde  sur  les  confins 
des  mystérieux  Moghreb,  et  faire  appel  aux  bonnes  volontés  pour 
comblei-  cette  lacune  regrettable. 

Un  seul  travail  a  été  présenté  ;  son  auteur,  M.  Canal,  agent 
voyer  principal  en  retraite,  membre  de  la  Société,  est  proclamé 
lauréat,  avec  attribution  de  la  prime  de  5'''0  fr. 


RAPPORT  SUR  LE  CONCOURS  DE  1900        XklX 

Faire  connoître  lo  Maroc,  vulgariser  les  découvor-tos  (jui  y  ont 
été  faites,  tel  était  le  but  de  la  mise  au  concours  d'une  Géographie 
du  Maroc. 

De  l'examen  minutieux  du  travail  présenté,  il  résulte  que  notre 
vœu  se  trouve  heureusement  réalisé. 

L'auteur  a  consulté  les  récits,  notes  et  mémoires  de  tous  ceux 
qui  ont  exploré  le  Maroc  ;  il  a  fait  une  sélection  des  appréciations 
qui  lui  ont  paru  les  plus  intéressantes  et  les  plus  judicieuses 
et  il  nous  en  a  présenté  une  mosaïque  admirablement  coordonnée, 
de  telle  sorte  que  l'Empii'e  des  Chérifs,  sur  lequel  on  n'avait  que 
des  données  éparses  et  confuses,  se  trouve  sortir  de  la  pénombre 
qui  le  rendait  si  mystérieux. 

La  Géographie  du  Maroc  de  M.  Canal  est  remarquable  par  sa 
clarté,  par  la  méthode  employée,  par  l'érudition  qui  y  a  présidé  et 
surtout  par  la  netteté  et  le  fini  des  cartes  et  plans  insérés  dans  le 
texte. 

La  Société  de  Géographie  d'Oran  doit  être,  à  bon  droit,  fière  de 
ce  résultat  dû  à  son  initiative  et  il  lui  appartient  de  faciliter,  par  son 
patronage,  la  publication  la  plus  rapide  de  cette  Géographie  du 
Maroc. 

2.  Concours  normal 

Trois  monographies  de  communes  mixtes  ont  été  présentées  : 
celle  de  la  Mina  par  M.  René  Leclerc,  maître  répétiteur  au  collège 
communal  de  Mostaganem  ;  celle  de  Cassaigne  par  M.  Mairin, 
instituteur  à  Lapasset,  el  celle  de  Renault  par  M.  Métrât, 
instituteur  à  Mazouna. 

1°  L'étude  de  M.  Leclerc  est  des  plus  consciencieuses;  elle  dénote 
un  labeur  considérable,  une  connaissance  parfaite  de  pays  décrit 
et  beaucoup  d'érudition  et  de  discernement  dans  le  choix  des 
citations.  La  division  est  claire  et  judicieuse  ;  le  texte  est  précis, 
mais  un  peu  long  ;  il  gagnerait  à  être  ramené  à  de  plus  justes 
proportions  par  l'élagage  de  généralités  historiques  et  géologiques 
par  trop  développées  et  qui  ne  sont  pas  particulières  à  l'objet  du 
récit. 

Quant  aux  cartes  on  peut  leur  reprocher  de  ne  pas  répondre  à 
la  valeur  du  texte  ;  elles  sont  en  effet  confuses  et  peu  nettes. 

A  part  ces  quelques  critiques,  nous  devons  reconnaître  que 
M.  Leclerc  s'est  révélé  écrivain  géographe  et  historiographe  de 
tslent  et  nous  est  mons  que,  répondant  dans  une  large  mesure 
aux  conditions  du  progran:ime,  le  travail  de  M.  Leclerc  mérite 
d'être  récompensé  par  une  médaille  de  vermeil. 

12 


XXX  RENOUVELLEMENT  DU  TIERS  DES  MEMBRES  DU  COMITE 

2°  La  commune  mixte  de  Cassaigne  est  décrite  avec  beaucoup 
d"  méthode  par  M.  Mairin  ;  la  partie  géographique  y  est  traitée 
avec  so'n  ;  riiydrolo^iio  s'y  trouve  amplement  détaillée,  mais  une 
cane  à  l'appui  aurait  permis  d'en  mieux  saisir  la  physionomie. 
De  nombreux  tableaux  stalistiques  mettent  en  évidence  la  richesse 
et  la  fertilité  de  cette  partie  du  Dahra.  Un  dciionnaire  des  cen'res 
européens  et  des  douais-communes  complète  heureusement 
l'élude  de  M.  Mairin  qui  a  p;iru  è  la  Commission  mériter  une 
médaille  d'urgent. 

3°  M.  Métrât  déjà  réc<.)mpensé  en  1898  et  en  1S99  pour  ses 
monographies  de  Mazouna  et  de  l'arrondissement  de  Mostaganem, 
a  jugé  utile  do  continuer  ses  études  sur  cette  région,  en  nous 
soumettant  une  monographie  nette  et  précise  de  la  commune 
mixte  de  Renault.  Son  essai  est  louable  et  bien  que  l'exposé  en 
soit  quelque  peu  sommaire,  la  Commission  n'en  a  pas  moins  cru 
devoir  encourager  le  zèle  et  la  bonne  volonté  de  M.  Métrât  en  lui 
décernant  une  médaille  de  bronse. 

Pour  la  Commission  : 

Le  président, 

Lt-Colonel    DERRIEN. 


RenouvellcincHt  annuel  dn  tiers  des  Membres  du  Comité 

ET    ÉLECTIOSSI    DU    BUREAU 


Los  huit  membres  à  renouveler  étaient  : 

MM.  BoissiN,  Goyt,  Hauj  Hassan,  Kock,  Renard,  Tartavez, 

TuiEUAUl-T    et   TuiOON. 

Les  six  premiers  sont  réélus  par  acclamation. 

MM.  Canal  et  Niîs.'^leix  sont  élus  au  scrutin  secret  en  rem- 
placement de  MM.  TiiiÉBAULT  et  Tkioon  qui  se  désistent  de 
leur  niîlndat. 


Dans  sa  réunion  du  lundi  13  mai  19J0,  le  Comité  a  réélu  par 
acclamation  les  membres  de  son  Bureau,  tels  qu'ils  figurent 
à  la  page  II  du  précédent  Bulletin. 


CONCOURS  OUVERT  EN  1901 

PAR  LA  SOCIÉTÉ   DE  GÉOGRAPHIE  ET  D'ARCHÉOLOGIE  D'ORAN 


Les  questions  mises  au  concours  sont  les  suivantes  : 

1'  Description  géograpiiique,  tiistorique  et  économique  de  l'une  des 
communes  mixtes  de  Saint-Lucien,  Ain-Temouciient,  Mascara, 
Frenda,  Saida,  Cacfierou  ; 

De  i'une  des  communes  mixtes  militaires  de  Géry ville  et  Méchéria, 
ou  de  l'une  des  communes  mdigènes  de  Tiaret-Aflou  ou  de  la 
Yacoubia  ; 

2°  Monographie  de  l'ur.e  des  con.munes  de  plein  exercice  de  Mascara, 
Frenda,  Saida,  Ain-Temouchent ; 

3°  Étude  sur  la  colonisation  des  Hauts-Plaiesux  de  l'Oranie  (Historique 
—  Situation  actuelle  —  Son  avenir)  ; 

4"  Étude  sur  la  création  d'un  port  franc  à  Oran  ; 

5°  Pénétration  économique  et  mouvement  commercial  vers  le  Maroc.  — 
Moyens  de  l'activer. 

Pourront  jjii-nJre  part  au  concours  toutes  les  personnes 
membres  ou  non  de  la  Société. 

Les  manuscrits  devront  être  adressés  au  Président  avant 
le  I"  mars  'J902.  —  Les  monographies  des  §  1  et  2  devront  être 
établies  d'après  les  indications  des  programmes  ci-après. 

Des  médailles  de  vermeil,  d'argent  ou  de  bronze  seront  décernés 
aux  auteurs  des  travaux  qui  en  auront  été  jugés  dignes  par  le 
jury.  La  distribution  des  récompenses  aura  lieu  à  l'Assemblée 
générale  de  mai  1902. 


PROGRAMME 

d'une  Monographie  de  Commune  mixte,  civile  ou  militaire 
ou  de  Commune  indigène  : 

I.  —  Description  physillue  (nom,  formation,  situation,  limites, 
superfi(;ie).  —  Physionomie  générale,  Orographie.  —  Géologie.  — 
Hydrographie.  —  Climatologie.  —  Curiosité  naturelle. 


XXXir  CONCOURS  OUVERT   EN    1901 

II.  —  Histoire.  —  Temps  préhistorique.  —  Périodes  romaine, 
arabe,  espagnole,  turque.  (Ruines).  —  Occupation  française.  — 
Création  et  développement  de  la  commune. 

III.  —  Population.  —  Culte.  —  Confréries  religieuses,  instructaon 
publique. 

IV .  —  Divisions  administratives.  —  Tribus. 

V.  —  Colonisation.  —  Agriculture.  —  Productions. 

VI.  —  Industrie.  —  Mines.  —  Sources  minérales. 

VII.  —  Commerce.  —  Voies  de  communication. 
Carte  d'ensemble  à  l'échelle  de  -îoôôôô"- 

Ce  travail  ne  devra  pas  comprendre  plus  de  60  pages  du 
Bulletin . 


PROGRAMME 

d'une  Monographie  de  Commune  de  plein  exercice  : 

I.  —  Situation,  Aspect  général.  —  Eaux.  —  Géologie.  — 
Superficie.  —  Climat.  —  Curiosités  de  la  ville  et  des  environs. 

II.  —  Etymologie.  —  Origine.  —  Notice  historique  (dominations 
romaine,  arabe,  espagnole,  turque).    -  Occupation  française. 

III.  —  Création  et  développement  de  la  Commune.  —  Services 
publics.  —  Population.  —  Cultes.  —  Instruction  publique.  — 
Commerce.  —  Industrie. 

Carte  d'ensemble  à  l'échelle  de^Q^p^-. 

Ce  travail  ne  devra  pas  comprendre  plus  de  40  pages  du 
Bulletin . 

Pour  le  Comité  : 

Le  Secrétaire  généra 

BOUTY. 


OBSERVATIONS   METEOROLOGIQUES 


XXXIII 


< 

ce 

o 
b 

I 

^-  2 

^^  .S 

c  d 

<:  ^ 

-^   cd 

*-" 

J  o 

«  R 

Q   O 


o 

krsn 

O 


c  " 

!^ 
O 
> 

O 


r\.^-- 



-     ■- 

— - — ^^ 

1 — 

jour 

de 

illa 

X 

c- 

'10 

o 

*^ 

TH 

<M 

1      o      a,              g 

Ti 

^-H 

O 

1 

S      ° 


ÎC^     00^     '=3*__     «*      00^ 

in    co"   *^'"   ce'    «*" 


L^ 

OC' 

C5 

r: 

C: 

co 

iM 

•^ 

-O 

>^ 

'^ 

-i* 

r^ 

-., 

ir; 

r- 

•rH 

#N 

^1 

(M 

co 

O 

CO 

co 

il 


l^ 

ce            « 

QQ      «a      C- 

-■^^ 

C^ 

>-i 

o 

co 

w 

Ol 

•^ 

z: 

c        ,    <« 

«^ 

-^ 

_ 

c: 

co 

co 

lr- 

E  S -:S 

LO 

»5r 

th 

O 

«o 

co 

co 

-S        E  E 

•T^ 

V? 

t^ 

00 

(M 

o 

~ 

co 

co 

i^H 

O 

r- 

■^ 

N0liV«0dVA3 

c^ 

O 

R 

ce 

^ 

CO 

svi 

•^ 

-^ 

(M 

o\ 

(M 

-^ 

■UJ                         CD 

>^ 

ce 

CO 

r^ 

00 

.-s 

>=st 

CO' 

/*^, 

TH 

o 

o 

1^ 

c- 

r^ 

l-' 

t^ 

L^ 

:=               -5 

s    «n         ^ 

Cl 

00 

co 

c^ 

c: 

X 

t- 

co 

I> 

Cj' 

^ 

,     S  °        ^  "^ 

T-< 

s 

1           /           g         1 

o\ 

o 

r^ 

c; 

"<^ 

{ 

^ 

c-i 

*r^ 

et) 

C( 

o 

t- 

o 

E 

-^ 

^r< 

^-( 

■^^ 

rH 

u 

P         1 

Ti 

GO 

-^ 

o 

>* 

X 

c:  <        •=      1 

-^ 

>^ 

co 

o 

r>\ 

«— 

ë         1 

"^ 

^H 

et 

Cl 

s; 

cr 

Cl 

(M 

c 

lO 

lO 

i— • 

TO 

C- 

co 

oo 

— 

co 

i        ^        ^       1 

■T- 

*^ 

^        .                 œ. 

r^ 

CO 

et 

co 

CO 

<«      E      g-     g 

' — 

r- 

c- 

f^ 

co 

co 

*-* 

c^ 

C' 

<r 

c^ 

c; 

j    £  -S  *"    i 

C~- 

c- 

c^ 

t^ 

r- 

i> 

•s. 

X      1 

X 

3    ' 

"^ 

O 

r- 

<; 

ù 

o 

O 

O 

w 

0) 

r_ 

0) 

^      1 

[1} 

■H 

F- 

— 

r- 

Z 

a 

"Z. 

< 

•a 
1= 

)                ^ 
;               4 

> 

'  1 

> 

S  2J 


<^  3 

"C  co 

r  co 

I  -  'S 

s   t'!  c  . 
I   o    ,  * 


y; 


Qi*- 


l;  Oo 

-  •    ■<ri  o 


s; 

ai  Q) 

n^ 

*j 

ti.    es 

•«>    fci 

•«^    t. 

coS 

rt 

7. 

"^  (h 

,, 

ii   3 

-^« 

" 

L. 

::: 

O 

O 

c3 

rn 

to 

ri 

^ 

o 

,-'> 

•-i 

-3 

E- 

c:; 

-^ 

fc» 

::3 

ce 

•^ 

liq 

Vi 

j 

ai 
o 

STATIO\  MÉTÉOROLOGIOIE  DE  SAMI-CRIZ 


Altitude  374  mètren 


EXPOSÉ   SOMMAIRE  DES  RÉSULTATS   OBTENUS 
du  1"  Décembre  1900  au  1"  juin  1901 


Les  résultats  consignés  au  tablenu  ci-joint  ont  besoin  d'êtr  e 
complétés  par  quelques  renseignements  particuliers. 

En  Algérie,  la  pression  barométrique  moyenne  mensuelle 
décroît  d'une  façon  régulière  de  janvier  à  mai.  Ce  résultat 
d'observations  n'a  pas  été  confirmé  cette  année.  Le  mois 
d'avril  a  donné  une  pression  barométrique  moyenne  men- 
suelle supérieure  à  celle  du  mois  de  mars.  C'est  le  mois 
d'avril  qui  a  la  pression  la  plus  faible.  Cette  constatation  est 
importante  dans  la  prévision  du  temps.  Pour  arriver  à  cette 
prévision,  il  faut  suivre  les  variations  barométriques  au  moyen 
d'un  baromètre  sensible  ou  mieux  avec  un  enregistreur  et 
surveiller  les  tendances  du  vent  à  cbanger  de  direc'ion. 

Ces  données  connues,  il  faut  voir  si  le  baromètre  est  plus 
haut  ou  plus  has,  ce  qui  signifie  en  langage  météorologique 
s'il  est  notablement   supérieur  ou   inférieur  à  la    nioijcnne 

du  71101  s. 

Pour  s'occuper  sérieusement  de  la  prévision  du  temps  dans 
une  contrée,  il  faut  enregistrer  les  tendances  du  vent  à  changer 
de  direction,  et  étudier  les  variations  barométi'iques  par 
rapport  à  la  moyenne  du  mois  de  la  contrée  ou  l'on  se  trouve. 
Les  personnes  désireuses  d'avoir  ces  moyennes  n'auront  qu'à 
s'adresser  k  M.  le  Président  en  indiquant  l'altitude  du 
baromètre.  Avec  ces  données,  on  peut  avoir  des  indications 
sérieuses  sur  le  temps  à  venir. 

Pendant  ces  6  mois  la  pression  barométrique  a  oscillé  enti'e 
720""/'" G  en  mars  et  730 ""/'"G  en  décembre.  C'est  pendant 
le  mois  de  mars  que  les  fluctuations  ont  été  les  plus 
irrégulières:  703"'/"'5  le  19  à  7  heures  du  matin,  et  734"7'"5 
le  4  à  7  heures  du  soir. 

Pendant  le  mois  de  février  les  Oranais  ont  pu  con.stater 
une  chute  de  grêle  le  Ifi,  suivie  d'une  chute  de  neige  dans  la 
nuit  du  10  au  17.  Cette  neige  atteignait  une  hauteur  de 
10  centimètres  sur  la  terrasse  de  notre  observatoire.  Le  mois 
de  mars  donne,  pour  la  température,  une  variation  diurne 


f 


SEMESTRE   MÉTÉOROLOGIQUE  XXXV 

moyenne  de  1204  Ce  résultat  est  une  exception,  et  les 
liiverneurs  doivent  se  rassurer  car  la  moyenne  de  ce  mois 
est  de  705  pour  vingt  années  d'observations. 

La  température  de  février  a  été  supérieure  de  l"!   à  la 

moyenne  du  mois  d'avril  et  de  1  04  à  la  moyenne   de  mai. 

La  température  la   plus    basse   a  été    de    0°  dans  la    nuit 

du  i(i  au  17   février  (nuit  de  la  chute  de   neige)  et  la  plus 

élevée,  de  29o0  dans  la  journée  du  U  avril. 

Pendant  ce  semestre,  la  moyenne  de  la  tension  de  la  vapeur 
d'eau  a  été  de  8 '"/'"S  au  lieu  de  9'"/'". 

Quant  à  l'humidité  relative,  elle  a  été  inférieure  à  la  moyenne 
de  2"/o  pendant  le  mois  de  décembre,  à  peu  près  égale  pendant 
le  mois  de  janvier,  février  et  mars,  mais  supérieure  de  2  "jo 
en  avril,  de  8  "/o  en  mai  en  variant  du  minimum  78,8  en  avril, 
au  maximum  76,6  en  mai. 

L'évaporatioji  totale  a  été  de  1256 m/'"  1  inférieure  à  nos 
résultats  pendant  le  même  semestre  des  années  précédentes. 
La  moyenne  par  24  heures  est  de  6'n/m8  de  beaucoup  supé- 
rieure à  la  moyenne  au  cap  Falcon,  où  il  règne  une  intensité 
moins  grande  des  vents  dominants. 

La  plaie  est  tombée  d'une  façon  anormale  et  la  quantité  en 
est  de  beaucoup  inférieure  à  la  moyenne  de  ce  semestre  qui 
est  257ii/ni9,  tandis  que  42  journées  de  pluie  n'ont  donné  à 
Sanla-Gruz  que  193  m/m  7.  H  faut  faire  remarquer  que  le 
résultat  de  257""/'"  9  est  la  moyenne  des  observations  de  ces 
six  mois  à  l'hôpital  d'Oran. 

L'état  ozonométrique  reste  toujours  élevé.  Il  a  varié  entre 
13,4  et  15,6,  indiquant  ainsi  un  état  sanitaire  satisfaisant  sur 
les  hauteurs  du  Murdjadjo. 

Le  nombre  de  jours  de  brouillards  à  Oran  a  été  très  élevé 
pendant  les  mois  d'avril  et  de  mai. 

Dans  un  prochain  article,  j'essaierai  d'expliquer  les  causes 
de  la  formation  des  brouillards  sur  les  hauteurs  du  Murdjadjo, 
ainsi  que  celles  de  leur  résultante,  la  grande  humidité  à  Oran, 
sous  l'influence  du  relief  du  sol  et  des  vents  du  Nord  et  du 
Nord-Ouest. 

A.  GUILLAUME, 

Préparateur  de  physique  au  Lycée  cV  ran. 


OUVRAGES  OFFERTS  A  LA  SOCIETE 

PENDANT  LE  !«•   SEMESTRE  lOOl 


[  Bullolins  II"  49  à  56  (aniirc   1801),  de   la   Société 

Alliance    \  d'Ethnographie. 

Seiontiliqne  )  Léon  de  Ro3n\.  —  La  Morale  du  Bouddhisme. 

\  Le  n°  74 18  du  journal  La  Pata?,  du  22  septembre  1899. 

République  Orientale  d'Uruguay.  —   Comision   N.  dcl   Censo, 
cl  1"  marzo  19jO. 

A.  Clément  Fallu  de  Lessert.  —  Fastes  des  Provinces  africaines 
sous  la  domination  romaine.  (Tome  IL)  Bas  empire. 

E.  Bise,  —  Rapport  sur  l'année  académique  1899-1900.  {Unieersité 

de  Friboiirg,  Suisse.) 
Maurice  Honoré.  —  Le  Transsaharien  et  la  Pénétration  française 

en  Afrique. 

Nathan    Soderblom.    —    La   Vie    future,    d'après   le    Mazdéisme 
(Annales  du  Musée  Guimet). 

Valère   Maes.    —    Projection    sphérique    comparée   aux    autres 
projections. 

Paul    Gauckler.    —   Enquête   sur   les    installations   hydrauliques 
romaines  en  Tunisie  (5'=  fascicule). 

Régence  de  Tunis.   —  Compte-Rendu  de  la  marche  du   Service 
en  1900. 

M.  L.  Gentil.  —  Résumé  stratigraphicjue  sur  le  bassin  de  la  Tafna. 

—  Le  Volcan  andésitique  do  Tifarouïne. 

Le  Comte  R.  de  Bordon  de  Segonzac.  —  Excurs'on  au  Sous. 


CARTE 


République  Argentine.  —  Piano  topografico  de  la  région  Norte 
Ai'genlina. 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE 

&  D'ARCHÉOLOGIE 
d'oran 


CONGRÈS  NATIONAL 

DES  SOCIÉTÉS  FRANÇAISES  DE  GÉOGRAPHIE 


ClRCULAIRK     N"    2  19    0    2 


à  MM.  les  Membres  de  la  Société 

de  Géographie  dOran  XXIII=   SESSION.    -   ORAN 


Oran,  le  1"  octobre  1901. 


Mon  cher  Collsgue, 

Comme  suite  à  ma  circulaire  du  15  juii:  dernier,  insérée 
en  tète  du  précédent  Bulletin.,  j'ai  l'honneur  de  vous 
prier  de  vouloir  bien  nous  faire  connaître  si,  comme 
nous  l'espérons,  vous  assisterez  au  Congrès  national 
des  Sociétés  françaises  de  Géographie,  qui  se  réunira  à 
Oran,  du  l""'  au  5  avril  190:2,  et  coïncidera,  vous  le  savez, 
avec  la  célébration  du  millénaire  de  la  fondati  m  d'Oran 
et  si  vous  vous  inscrivez  pour  une  communication  dont 
nous  vous  serons  reconnaissants  de  nous  indiquer  le 
titre,  lequel  serait  inscrit  au  questionnaire. 

Les  Compagnies  de  chemins  de  fer  de  l'Algérie  accor- 
dent une  réduction  de  50  %  sur  le  prix  des  tarifs  généraux 
aux  membres  des  Sociétés  qui  prendront  part  au  Congrès 
d'Oran,  sous  la  réserve  que  cette  faveur  sera  limitée 
aux  membres  faisant  partie  des  dites  Sociétés  avant  le 
1"  janvier  1902. 

Si  vous  avez  l'intention  de  bénéficier  de  cette  réduction, 
vous  voudriez  bien  nous  la  faire  connaître  en  spécifiant 
par  quelles  lignes  vous  comptez  vous  rendre  à  Oran, 
des  BONS  individuels  devant  être  distribués  aux  inté- 
ressés. 

Veuillez  agréer.  Monsieur  et  cher  Collègue,  l'assu- 
rance de  nos  sentiments  les  plus  dévoués. 


Le  Président, 
Le  Secrétaire  général,  L'-Colonel  DERRIEN, 

BOUTY. 


19 


40^  CONGRÈS 

des  Sociétés  Savantes  de  Paris  el  des  Départemenls 


Paris,  le  8  Jui  lel  1901. 


Monsieur  le  Président, 

Vous  trouverez  ci-joint,  en  deux  exemplaires,  le  programme 
du  4l>  Congrès  des  Sociétés  Savantes  qui  s'ouvrira  à  la  Sor- 
bonne,  le  l^''  avril  1902. 

Je  vous  serai  obligé  de  porter  sans  retard  ce  document  à  1;<, 
connaissance  des  metnbres  de  votre  Société  et  de  leur  notifier 
que  tout  mémoire  sera,  comme  les  années  précédentes,  soumis 
à  l'approbation  du  Comité  des  travaux  historiques  et  scienti- 
fiques. 

Les  manuscrits  devront  être  entièrement  terminés,  lisible- 
ment écrits  ?ur  le  recto  et  accompagnés  des  dessins,  cartes, 
croquis,  etc. . .,  nécessaires,  de  manière  à  ne  pas  en  retarder 
l'impression,  si  elle  est  décidée. 

J'appelle  toute  voire  attention  sur  ces  prescriptions.  Elles 
sont  indispensables  à  la  marche  régulière  du  Congrès,  .sans 
restreindre  le  droit  pour  chacun  de  demander  la  parole  sur 
les  questions  du  programme. 

J'insiste  tout  particulièrement,  afin  que  les  mémoires  par- 
viennent avant  le  30  janvier  procJiain,  au  5"  bureau  de  la 
Direction  de  l'Enseigiiernen'  supérieur.  Il  ne  sera,  en  effet,  tnu 
aucun  compte  des  cnvns  adrcs-iés  postérieure  r,cnt  à  cette  date. 

Ivoccvez,  Monsieur,  l'assurance  de  ma  considération  la  plus 
distinguée. 

Le  Ministre  de  l'Instruction  publique  et  des  Beaux  Arts, 

Signé:  G.  l.EYGUES. 

Le  Directeur  de  l'Enseignement  supérieur.  Conseiller  d'Etat, 

L.   LIARD. 


Le  programme  du  Congrès  des  Sociél<!'S  Savantes  est  déposé 
au  secrétariat  de  la  Société,  où  on  peut  en  prendre  counaissance. 


RAPPORT 

SUR    LE 

X\lh  Congrès  National  des  Sociétés  Françaises  de  Géographie 

TENU  A  NANCY,  DU  l^r  AU  5  AOUT  1901 


Le  XXIP  Congrès  national  des  Sociétés  françaises  de  Géogra- 
phie s'est  ouvert  le  i^''  août  à  Nancy,  ville  désignée  dans 
l'avant-dernier  Congrès,  suivant  l'usage. 

Les  Sociétés  suivantes  s'étaient  fait  représenter  par  des 
délégués  :  Alger,  Bordeaux,  Bourges,  Bre-^t,  Douai,  Le  Havre, 
Lille,  Lorient,  Lyon,  Marseille,  Montpellier,  Oran,  Paris 
(Société  de  Géographie  commerciale),  Paris  (Club  alpin), 
Paris  (Alliance  française),  Rochefort,-  Rouen,  Saint-Naziire, 
Toulouse. 

Il  faut  y  joindre  les  délégations  des  Ministères  de  l'Instruction 
publique,  des  Colonies,  de  la  Guerre,  du  Commerce  et  de 
l'Agriculture,  et  celle  de  la  Sociélé  de  Topographie. 


JEUDI  1er  AOUT 


Dans  une  séance  préparatoire  de  la  matinée,  les  délégués 
des  Sociétés  ont  constitué  les  bureaux  des  diverses  séances 
dont  l'ordre  du  jour  avait  élé  préparé  par  le  Comité  d'or- 
ganisation. Le  délégué  d'Oran  a  été  désigné  comme  vice- 
pré>ident  de  la  séance  de  vendredi  soir.  Chaque  délégué 
a  ensuite  donné  lecture  du  rapport  sur  la  Société  qu'il 
représentait.  J'ai  lu  la  note  que  m'avait  adressée  M  le  Secré- 
taire général  de  la  Sociélé  de  Géographie  d'Oran  ;  elle  a  été 
accueillie  par  des  applaudissements  ainsi  que  l'invitation 
adi-essée  pour  le  Congrès  de  1002.  Ces  rapports  seront  publiés 
dans  les  actes  du  Congrès,  ainsi  que  ceux  relatifs  aux  Sociétés 
de  Géographie  d'Alger  et  de  Paris,  dont  les  représentants 
n'assistg-ient  pas  à  cette  réunion. 

La  séance  solennelle  d'ouverture  s'est  tenue  l'après  midi  à 
rilùtel  de  Ville,  sous  la  présidence  d"honneur  du  vice-amiral 
FouRNiER,  aux  côtés  de  qui  avaient  pris  place  sur  l'estrade 
le    préfet    de    Meurthe  et    Moselle,    le    cardinal    Mathieu, 


XL  RAPPORT    SUR   LE    XXIl'    CONGRÈS   NA.TIONAL 

le  recteur  de  l'A-cadémie,  le  i'^^  adjoint  au  maire  de  Nancy, 
le  général  commandant  le  XX«  Corps,  le  président  de  la 
Société  de  Géographie  de  VEs',  etc. 

Le  discours  d'ouverture  a  été  prono  icé  par  M.  Pfistër, 
professeur  à  l'Université  de  Nancy,  et  président  de  la  Société 
de  Géographie  de  V Est.  Après  avoir  remercié  les  Congressistes 
d'avoir  fixé  leur  choix  sur  Nancy,  il  a  énum^ré  les  titres 
qu'avait  la  Lorraine  à  cette  laveur,  rappelant  la  longue  liste  de 
voyageurs  qu'elle  a  proluits  —  et  dont  plusieurs  comme 
Crevaux,  Grampel  et  Krick  périrent  à  i'œavre  —  et  celle  de 
ses  géographes,  dont  l'un  d'eux,  Waltzmuller  (Hylacomylus) 
de  Saint-Dié,  donna  à  l'Amérique  le  nom  qu'elle  porte  encore 
aujourd'hui.  Un  souvenir  est  consacré  à  deux  hommes  qui 
firent  beaucoup  pour  la  Société  de  Geo jraphie  de  VEst  ; 
son  premier  secrétaire  général,  J.-V.  Barbier  et  un  de  ses 
vice-présidents,  le  D""  Bleicher,  récemment  assassiné. 

En  répondant  à  M.  Pi<'ister,  le  vice-amiral  Fournier  se 
félicite  de  présider  le  XXII^  Congrès  dans  une  ville  aussi 
patriote  que  savante  et  fait  ressortir  les  liens  qui  unissent  les 
explorateurs  aux  marins  et  la  solidarité  qui  existe  entre  eux. 

La  séance  solennelle  d'ouverture  a  été  suivie  immédiatement 
de  la  première  séance  du  Congrès. 

M.  LoRiN,  professeur  à  l'Université  de  Bordeaux,  et  délégué 
du  Ministre  de  l'Instruction  publique,  a  traité  de  l'enseignement 
colonial.  Il  en  montre  l'importance  aujourd'hui  que  la  France 
est  entrée  résolument  dans  la  voie  de  la  colonisation  et  de 
l'acquisition  des  territoires  indispensables  à  l'extension  de  son 
commerce,  de  son  influence  et  de  sa  puissance.  Il  constate 
que  fréquemment  celui  qui  demande  «  à  partir  pour  les 
colonies  »  ignore  absolument  les  connaissances  indispensables 
à  qui  veut  s'y  établir  pour  faire  soit  de  la  culture,  soit  du 
comiTierce.  Nombre  d'émigrants  croient  posséder  toutes  les 
aptitudes,  c'est-à-dire  qu'ils  n'en  ont  aucune.  Aussi,  est  il 
nécessaire  de  remédier  à  cette  ignorance,  causes  de  mécomptes 
dont  on  rend  à  tort  les  colonies  responsables.  On  peut  parler 
aux  yeux  et  aux  oreilles  ;  aux  yeux,  par  des  Musées,  comme 
celui  qui- est  projeté  à  Bordeaux  ;  aux  oreilles,  par  des 
conférences  dont  l'initiative  peut  être  prise  par  les  Sociétés  de 
Géographie  et  par  les  fondations  d'instituts  coloniaux  où  les 
colons  eux-mêmestrouveraientdes  notions  pratiques  d'hygiène, 
de  géographie  et  des  langues  du  pays.  Dans  ce  qui  précède, 
M.  LoRiN  n'a  eu  en  vue  que  les  colons  ;  pour  les  fonctionnaires, 
il  demande  qu'ils  aient  une  connaissance  approfondie  de  la 
colonie   oii  ils   exercent   leurs    fonctions   et  qu'ils  ne  soient 


RAPPORT  SUR  LE  SX!!"^  CONGRES  NATIONAL  XLI 

plus  transplantés,  comme  cela  a  encore  lieu  dans  certains 
services  (la  justice  par  exemple)  dans  les  pays  les  plus  divers, 
passant  de  l'Océanie  à  Madagascar,  de  l'Inde  au  Sénégal  ou  à 
CayennCj  au  grand  dommage  du  Trésor  que  grèvent  ces 
déplacements,  et  des  intérêts  d'une  région  qu'ils  ne  peuvent 
bien  connaître,  n'y  étant  que  do  passage.  Les  desiderata 
signalés  dans  celte  coriférence  sont  résumés  en  un  vœu 
présenté  par  M.  Lobin  appuyé  par  les  délégués  dOran  et 
d'Alger  et  voté  dans  la  dernière  séance. 

I^r.  GoETT,  délégué  de  la  Société  Académique  de  Brest, 
parle  des  modifications  dont  le  littoral  de  la  Bretagne  a  été 
l'objet  par  suite  des  oscillations  du  sol,  et  dont  il  est  possible 
de  retrouver  des  indices  dans  l'orientation  des  menhirs  et  des 
monuments  mégalithiques.  Ces  modifications  ont  laissé  des 
souvenirs  dans  les  légendes  comme  celle  de  la  ville  d'Is,  et  il 
est  curieux  de  constater  que  certaines  traditions  populaires 
reposent  sur  des  faits  réels. 

Le  soir,  une  réception  a  lieu  à  l'Hôtel  de  Ville  où  la 
municipalité  de  Nancy,  représentée  par  le  premier  adjoint, 
souhaite  la  bienvenue  au  vice-amiral  Fournier  ;  celui-ci 
répond  en  affirmant  à  nouveau  la  vitalité  coloniale  de  la  France, 
même  vis  à  vis  de  l'Angleterre,  et  en  rendant  hommage  à 
l'homme  d'Etat  à  qui  l'on  doit  l'Indo-Chine  et  la  Tunisie, 
Jules  Ferry. 


VENDREDI  2  AOUT.  —  Séance  du  matin 

M.  Faiivel,  délégué  de  la  Société  dnToyiographic  de  Franco, 
traite  de  l'unification  <ies  signes  conventionnels  pour  les 
travaux  de  cartographie  ;  il  insiste  aussi  sur  l'unification  des 
échelles  graphiques,  au  moins  pour  les  pays  où  est  adopté  le 
système  métrique  ;  enfin,  il  parle  de  l'utilité  de  conserveries 
anciennes  dénominations  des  accidents  géographiques  et  des 
noms  de  lieux.  (Il  y  aurait  à  tenir  compte  de  ces  observations 
au  profit  de  l'Algérie,  où  la  toponymie  peut  seule  permettre 
de  reconstituer  la  carte  de  l'Algérie  berbère,  là  où  l'arabe  a 
prévalu). 

M.  Port,  délégué  de  la  Société  de  Géo</raphie  de  Saint- 
Nazaire,  présente  l'état  actuel  de  la  navigdjilité  de  la  Loire  et 
expose  les  moyens  de  l'améliorer  :  ce  serait  de  creuser  le 
fleuve  même  entre  Nantes  et  Angers,  et  de  lui  donner  une  pro- 


XLII  RAPPORT    SUR   LE   XXII'   CONGRES   NATIONAL 

fondeur  uniforme  d'un  mètre  vingt.  Cette  opinion  est  combattue 
par  les  partisans  d'un  canal  latéral,  mais  le  Congres  donne 
raison  à  M.  Fort  en  étendant  à  deux  mètres  la  profondeur 
de  la  Loire  creusée. 

M.  GuKNOT,  délégué  de  la  Société  de  Grorjrapliic  de  Toulousi', 
reprend  une  question  déjà  longuement  traitée  dans  d'autres 
Congrès,  celle  du  reboisement  des  Pyrénées. 


SÉANCE    DE    L'APRlbs-MIDI 

M.  Raillant,  délégué  de  ]3.  Société  d'Émulation  c/cs  Vosgrs, 
fait  ressortir  l'importance  de  l'élude  des  nctms  de  lieux,  en 
particulier  dans  les  Vosges,  pour  la  connaissance  de  l'histoire 
de  la  région  et  aussi  de  la  philologie.  Il  établit  ensuite  le  plan 
d'une  bibliographie  géographique  ayant  les  Vosges  pour 
objet. 

M.  AuERBACH,  professeur  à  l'université  de  Nancy,  parle  du 
canal  du  Nord-Est,  destiné  à  mettre  en  rapports  plus  directs 
et  plus  étroits  la  région  minière  de  Lorranie,  comprenant  les 
bassins  de  Longwy,  Briey  et  Nancy  avec  les  districts  houillers 
du  Nord.  La  Lorraine  produit  du  fer,  en  telle  abondance  que 
sa  production  a  pris  en  France  une  place  prépondérante,  mais 
elle  manque  de  houille,  du  moins  sur  le  sol  français  ;  la 
nécessité  d'un  canal  direct  qui  lui  en  apportera  par  une  voie 
moins  coûteuse  que  les  che:nins  de  fer,  s'impose.  L'idée  de  ce 
canal  qui  ferait  communiquer  la  Chiers,  la  Meuse  et  l'Escaul, 
fut  d'abord  conçue  par  Vaubin;  puis,  ressuscitée  pir  M.  de 
Freycinet.  elle  retomba  de  nouveau  dans  l'oubli,  jusqu'à  ce 
que  le  25  avril  1901,  ce  canal  fut  classé,  comme  le  premier, 
par  ordre  d  urgence,  parmi  les  travaux  à  exécuter. 

M.  Lemire  fait  hommage  de  plusieurs  de  ses  publications 
sur  rindo-Chine. 

La  soirée  du  vendredi  devait  être  remplie  par  une  conté 
rence  de  M.  Gentil,  gouverneur  des  colonies,  sur  la  France 
au  Tchad.  Malheureusement,  le  conférencier  étant  souffrant, 
elle  n'a  pu  avoir  lieu. 


RAPPORT    SUR   LE    XXII"    CONGRES    NATIONAL  XLlII 

SAMEDI  3  AOUT.  —  Séance  du  matin 

M.  Imbault  traite  des  eaux  d'alimentation  de  Nancy.  Les 
eaux  des  puits  et  celles  des  sources  de  Villers  et  de  Boudonville 
(sans  parler  de  celles  de  la  Moselle)  sont  de  mauvaise  qualité, 
fréquemment  contaminées  et  causent  des  épidémies  de  fièvre 
typhoïde.  On  songe  à  les  remplacer  en  utilisant  la  nappe 
souterraine  du  plateau  de  Haye  dont  les  conditions  géologiques 
(falaise  de  calcaire  bajocien,  reposant  sur  un  soubassement  de 
marne  supraliasique  dont  elle  est  sépaiée  par  une  courbe  de 
terrains  ferrugineux)  présentent  des  garanties. 

M.  DE  Rey-Palhade,  délégué  de  la  Société  de  Géographie 
de  Toulouse,  expose  l'utilité  de  l'usage,  dans  la  marine,  du 
système  décimal  appliqué  aux  mesures  angulaires,  comme  on 
l'emploie  déjà  dans  l'armée  de  terre. 

M.  Beaupré  parle  des  établissements  humains  dans  le  bassin 
de  Meurthe  et  Moselle,  aux  temps  préhistoriques,  gallo- 
romains  et  mérovingiens.  Il  établit  que  les  populations  préhis- 
toriques s'établirent  sur  les  hauteurs  qui  bordent  les  cours 
des  rivières  ;  dans  son  opinion,  l'influence  romaine  fut  peu 
considérable  à  l'époque  mérovingienne;  les  cimetières  four- 
nissent d'assez  nombreux  renseignements. 

M.  GuÉ::^OT  appelle  l'attention  du  Congrès  sur  la  nécessité 
de  joindre  la  Méditerranée  à  l'Océan  par  un  grand  canal  de 
cabotage  qui  diminuerait,  pour  la  France,  l'influence  du 
détroit  de  Gibraltar. 


Séance  de  l'après-midi 

M.  Rossignol  fait  connaître  qu'il  s'est  formé  à  Bordeaux 
une  Société  qui  a  pour  but  le  développement  de  la  navigation 
fluviale  dans  le  Sud-Est,  et  en  particulier  sur  la  Garonne.  Les 
principaux  articles  de  son  programme  sont  le  reboisement 
des  montagnes,  la  création  d'un  nouveau  canal  et  l'agrandisse- 
ment des  écluses. 

Il  traite  ensuite  de  la  situation  faite  en  France  par  le  dépeu- 
plement qui  la  met  dans  un  état  d'infériorité  vis-à-vis  de 
l'Allemagne. 

M.  Paul  Hazard,  délégué  de  la  Société  de  Géographie  de 
Bourges,  signale  l'importance  de  la  création  d'un  réseau 
télégraphique  purement  français,  pour  relier  la  Métropole  aux 


ÏLIV  RAPPORT   SUR   LE  XXll"   CONGRÈS   NATIONAL 

colonies.   M.   Lemire  rappelle   que   le  Parlement  a  voté   la 
création  de  ce  réseau. 

Le  rapport  de  M.  Devoir,  délégué  de  la  Société  de  Géogra- 
phie de  Brest,  sur  les  monuments  mégalithiques  en  Bretagne, 
est  déposé  sur  le  bureau  ;  il  sera  inséré  dans  les  actes  du 
Congrès. 

M.  TuRQUAN  expose  le  plan  d'un  atlas  statistique  de  la 
France  et  de  l'Europe.  (Un  travail  semblable  pour  l'Algérie 
est  projeté  par  la  Société  de  Géographie  d'Alger.) 

M.  Lemire  communique  des  renseignements  sur  la  civilisa- 
tion des  Khmers  et  des  Annamites,  d'après  leurs  lois,  leur 
culte  et  leur  théâtre. 

M.  Mesplé,  délégué  de  la  Société  de  Géographie  d'Alger, 
fait  connaître  qu'une  Exposition  coloniale  doit  avoir  lieu  dans 
cette  ville  en  1904  ou  1905  ;  elle  doit  faire  suite  à  celle  qui  est 
projetée  à  Saigon  en  1902. 

Le  soir,  les  congressistes  se  réunissent  dans  un  banquet  à 
à  l'Hôtel  de  l'Europe.  En  l'absence  du  Président  de  la  Société 
de  Géographie  de  l'Est,  retenu  à  Paris  comme  membre  du  jury 
d'agrégation  d'histoire,  le  Vice-Présid.mt  souhaite  la  bienvenue 
aux  membres  du  Congrès. 


La  journée  du  dimanche  4  août  est  consacrée  à  une  excur- 
sion à  Domremy,  avec  visite  à  la  maison  et  à  l'église  de 
Jeanne  d'Arc. 


LUNDI  5  AOUT.  —  Séance  du  matin 

M.  des  Roberts  étudie  la  répartition  des  anciennes  circons- 
criptions administratives  en  Lorraine,  et  montre  l'enchevêtre- 
ment _des  domaines  des  ducs,  des  seigneurs  féodaux,  des 
évêques  des  Trois  Evêchés,  des  Abbayes  ;  il  insiste  sur  l'utilité 
de  dresser  un  atlas  historique  de  Lorraine. 

M.  AuERBACH  propose  comme  sujet  de  discussion  la  décen- 
tralisation au  point  de  vue  géographique,  comme  un  travail 
de  fond,  que  les  diverses  Sociétés  de  Géographie  peuvent 
seules  mener  à  bien.  Existe-t  il  des  unités  géographiques 
naturelles  ?  Peuvent-elles  servir  de  bases  à   de    nouvelles 


RAPPORT   SUR    LE   XXll'    CONGRES   NATIONAL  XLV 

divisions  administratives?  Quel  compte  doit-on  tenir  aussi  des 
groupements  économiques  du  sol,  des  voies  de  communi- 
cation ? 

M,  Blondel  traite  de  la  marine  marchande  ;  il  constate 
que  malgré  l'accroissement  de  notre  domaine  colonial,  la 
France  est  descendue,  de  1887  à  1890,  du  second  au  cinquième 
rang  des  puissances  qui  possèdent  une  marine  marchande. 
En  outre,  si  quelque  effort  est  fait,  il  se  porte  sur  la  marine  à 
voiles  et  non  sur  la  marine  à  vapeur,  grâce  à  la  loi  de  1893. 


SÉANCE    DU    SOIR 

M.  Haumant  fait  une  communication  sur  l'utilité  de  l'éta- 
blissement entre  les  Sociétés  de  Géographie  de  province  d'un 
office  central  chargé  de  réunir  des  renseignements  sur  les 
conférences  proposées  aux  Sociétés.  Certaines  de  ces  proposi- 
tions, comme,  par  exemple,  la  communication  de  notes 
confidentielles  sur  tel  ou  tel  conférencier,  sont  d'une  exécution 
difficile.  Quant  aux  recommandations  que  les  membres  des 
bureaux  des  Sociétés  pourraient  donner  aux  Français  allant 
s'établir  aux  colonies  ou  à  l'étranger,  el  les  ne  doivent  procéder, 
pour  avoir  de  l'efficacité,  que  des  relations  individuelles. 

A  l'issue  de  cette  séance,  une  réunion  des  délégués  arrête 
la  rédaction  définitive  des  vœux  qui  sont  votés  et  doivent 
être  transmis  aux  diverses  Sociétés  parles  soins  du  Secrétaire 
général  de  la  Société  de  Géographie  de  VEst. 

La  ville  de  Rouen  est  désignée  provisoirement  pour  le  siège 
du  XXIV"  Congrès,  qui  doit  avoir  lieu  en  1903. 

Le  XXIJc  Congrès  est  clos  par  une  séance  solennelle  à 
l'Hôtel  de  Ville,  sous  la  présidence  de  M.  Flicme,  vice-président 
de  la  Société  de  Géograplne.  Après  que  lecture  des  vœux  a  été 
donnée,  il  est  rappelé  que  la  prochaine  session  se  tiendra  à 
Oran,  en  avril  1902,  et,  après  une  courte  allocution  du 
président,  la  session  est  déclarée  close. 

Le  Délégué  de  la  Société  de  Géographie  et  d'Archéologie  d'Orait, 

René    BASSET, 

Correspondant   de    l'Institut, 
Directeur  de  l'École  supérieure  des  Lettres  d'Alger. 


20 


•VCEXJ2C 

émis  par  le  XXIP   Congrès  des  Sociétés  françaises  de  Géographie 

(Nancy,    l"-5    Août    1901) 


1°  Qu'une  exposition  coloniale,  aussi  large  que  possible  soit 
organisée  à  Alger  pour  1904  ou  1905. 

2°  Que  tous  les  géographes  et  topographes  s'entendent  pour 
l'adoption  d'une  série  unique  de  signes  conventionnels  tant  pour 
les  cartes  en  noir  que  pour  les  cartes  en  couleur  ; 

Que  toutes  les  cartes  soient  désormais  construites  à  des  échelles 
simples  dont  les  dénominations  soient  exclusivement  les  facteurs 
1,  2,  5  et  leurs  multiples  et  sous-multiples. 

3°  Que  les  sociétés  de  géographie  soient  admises  à  soumettre 
leurs  desiderata  au  Comité  central  consultatif  relevant  du  Ministère 
de  la  guerre,  chargé  de  la  direction  géjiérale  à  donner  à  tous  les 
travaux  de  cartographie. 

4"  Que  la  question  de  la  décentralisation  au  point  de  vue  géogra- 
phique fasse  l'objet  des  travaux  des  sociétés  de  géographie  et  d'un 
rapport  d'ensemble  au  Congrès  de  1903. 

5°  Que  le  système  métrique  soit  introduit  dans  celles  de  nos 
colonies  où  il  n'existe  pas  encore  ;  que,  vu  les  habitudes  acquises, 
cette  introduction  soit  progressive  et  que  l'application  en  soit  peu 
à  peu  étendue,  notamment  au  commerce  des  tissus  et  aux  mon- 
naies. 

6°  Qu'un  enseignement  colonial  pratique  soit  institué  dans  les 
principales  villes  de  France  et  des  colonies  à  l'eftet  de  préparer  à 
la  vie  coloniale  les  jeunes  gens  capables  ou  désireux  de  s'occuper 
dans  notre  domaine  d'outre-mer. 

Cet  enseignement  sera  distribué  par  des  conférences  portant  es- 
sentiellement sur:  Géographie,  Hygiène,  Notions  sur  les  produits 
coloniaux  et  1  Agriculture  coloniale,  la  Construction  et  la  Topo- 
graphie élémentaire  et  les  diverses  œuvres  post- scolaires. 

7"  Le  Congrès  appelle  l'attention  des  pouvoiis  publics  sur  la 
nécessité  d  imposer  aux  fonctionnaires  en  rapport  avec  les  indi- 
gènes, de  recommander  et  de  faciliter  aux  colons  la  connaissance 
et  la  pratique  usuelle  des  langues  indigènes  parlées  dans  les  colo- 
nies de  leur  résidence. 

8°  Le  Congrès,  reconnaissant  les  grands  avantages  que  les 
diverses  branches  de  la  science,  et  tout  particulièrement  la  Marine, 


VŒCX    ÉMIS    PAR    LE    XXIl'    CONc.RÈS    NATIONAL  XLVIf 

iH^tiroraient  (1(^  r(Mii[iloi  do  la  divisioii  (léciniale  du  (|uai-t  di'  cercle. 
division  déjà  olHciclle  pour  rarméc  de  teiTC,  émet  le  vn-u  qu'il  soit 
publié  annuellement  des  épliéméi-ides  du  soleil  et  d(^s  principaux 
astres  calculés  d'après  la  division  décimale  du  quart  de  cercle. 

9°  Que  les  diverses  Sociétés  de  géographie  fassent  une  place 
aussi  large  que  possible  dans  leurs  travaux  aux  questions  relatives 
à  la  marine  marchande  et  s  efforcent  de  montrer  l'importance  de 
ces  questions  pour  le  dévelopj)enu'nt  de  noti-e  empire  colonial  et 
potn-  notre  essor  éconoiniqmv 

10"  Le  Congrès,  partisan  du  développement  général  des  voies 
navigables  en  France  exprime  le  vœu  que  dans  le  cas  où  les  tra- 
vaux d'approfondissement  et  d'amélioration  de  la  Loire  seraient 
exécutés  entre  Angers  et  Nantes,  un  approfoiulissement  constant 
de  deux  mètres  soit  assuré. 

11"  Qu  il  soit  procédé  le  plus  tôt  possible  à  rexécntioii  du  canal 
(le  la  Chiers  et  d'un  canal  unissant  l'Escaut  à  la  Meuse,  sur  le 
territoire  français. 

12"  Vu  l'état  d  infériorité  de  la  région  du  Sud-Ouest,  en  ce  qui 
concerne  les  voies  navigables  et  1  intérêt  particulier  qui  s'attache 
aux  canaux  du  Midi,  le  Congrès  émet  le  \œu  que  l'exécution  des 
travaux  de  réfection  du  canal  du  Midi  et  du  canal  latéral  à  la 
Garonne  aient  lieu  le  plus  tôt  possible. 

13"  Que  le  reboisement  des  terrains  dégradés  en  montagnes,  en 
raison  dos  dangers  de  toute  nature  que  ladéuudation  des  versants 
fait  courir  à  l'intérêt  public,  soit  activé  le  plus  possible  et  qu'en 
même  temps  des  mesures  soient  prises  pour  arrêter  la  disparition 
des  forêts  existantes  au  moyen  d'une  réglementation  plus  étroite 
de  la  dépaissance. 

14"  Le  Congrès  émet  le  vœu,  déjà  émis  par  le  16°  Congrès  do 
Géographie,  que  les  pouvoirs  publics  s'efforcent  partons  les  moyens 
de  relever  la  natalité  en  France. 

15°  Le  Congrès,  considérant  la  nécessité  de  reviser  la  convention 
des  câbles  signée  à  Paris  en  1881  par  26  états,  émet  le  vœu  que  les 
pouvoirs  publics  réunissent  de  nouveau  à  Paris  les  signataires  de 
cette  convention  et  procèdent  à  bref  délai  à  sa  révision  dans  le 
sens  de  la  neutralité  des  câbles 

16°  Que  dans  les  négociations  en  cours  avec  la  Chine  soit  com- 
prise l'application  effective  de  la  clause  rituelle  de  la  convention  en 
1898  avec  la  Corée  et  qu'un  service  régulier  postal  soit  organisé 
«lans  le  Céleste  Empire  sous  notre  direction. 

(Extrait  du  Bulletin  de  la  Société  de  Géographie  eommerciale 
de  Bordeaux.) 


NÉCROLOGIE 


Pendant  le  trimestre  écoulé,  la  Société  a  eu  à 
déplorer  la  perle  de  deux  de  ses  membres  honoraires, 
le  Baron  Nordenskiold,  décédé  à  Stockholm,  à  l'âge  de 
69  ans,  et  M.  Paul  Ruff,  professeur  d'histoire  au 
Lycée  de  Cherbourg,  décédé  dans  sa  famille,  à  Reims, 
à  l'âge  de  39  ans. 


Le  Baron  Nordenskiold,  le  savant  éminent,  le  grand 
voyageur,  figurait  depuis  "20  ans  sur  les  contrôles  de 
la  Société.  C'est  en  1879  qu'il  entreprit  son  neuvième 
voyage  rendu  célèbre  parla  découverte  du  passage  du 
Xord-Est,  dans  les  régions  polaires.  Il  avait  prévu  que 
les  grands  fleuves  sibériens  apportent  à  l'Océan 
glacial  un  fort  tribut  d'eaux  chaudes  dont  les  courants, 
dirigés  d"abord  vers  le  Nord,  sont  rejetés  vers  l'Est 
par  la  rotation  de  la  terre  et  qu'en  août  et  septembre, 
la  mer  étant  dégagée  jusqu'à  une  grande  distance  des 
côtes,  cette  large  bordure  d'eau  libre  devait  offrir  un 
chemin  libre  aux  navires. 

L'expédition  de  la  Véga  dura  deux  ans  et  fut  bloquée 
pendant  9  mois  dans  la  baie  de  Koliventchine  ;  déga- 
gée enfin,  elle  doubla  le  cap  oriental,  le  20  juillet  1879, 
puis  explora  les  deux  rives  du  détroit  de  Behring, 
arhevant  ensuite  dans  les  mers  connues  le  périple  de 
l'ancien  monde. 


M.  Paul  Ruff,  professeur  d'histoire  au  Lycée 
d'Oran  et  membre  du  Comité  de  1893  à  1899  fut  un  des 
collaborateurs  les  plus  actifs  et  les  plus  dévoués  de 
la  Société.  Sa  conférence  sur  l'Empire  Ottoman,  ses 
chroniques  géographi([ues,  ses  articles  bibliographi- 
ques furent  des  plus  appréciés. 

Son  départ  d'Oran,  où  il  n'avait  que  des  amis,  fut 
universellement  regretté.  Le  Comité,  reconaissant  de 
ses  services  rendus  ù  la  Société  de  Géographie,  l'avait 
nommé  membre  honoraire  correspondant. 

A  sa  jeune  veuve,  si  cruellement  frappée,  le  Comité 
adresse  ses  plus  sincères  condoléances  et  l'expres- 
sion de  ses  plus  vifs  regrets. 


SOCIETE  DE  GEOGRAPHIE 

&  D'ARCHÉOLOGIE 
d'oran 


CiRCULAIRK    N"    3 


CONGRÈS  NATIONAL 

DES  SOCIÉTÉS  FRANÇAISES  DE  GÉOGRAPHIE 
DU  1    AU  5  AVRIL  1902 

XXIII'=  SESSION.   —  ORAN 


Oran,  le  2  janmer  1902. 

A  M^C.  les  Membres  de  la  Société  de  Géographie 

et  d'archéologie  d'Or  an. 

Monsieur  et  cher  Collègue, 

La  confection  du  questionnaire,  des  cartes  de 
Congressistes,  des  inaprimés  et  documents  que 
comporte  l'organisation  d'un  Congrès,  nous  oblige 
encore  à  faire  appel  à  votre  concours,  en  vous  priant  de 
vouloir  bien  nous  faire  savoir,  avant  le  15  février  1902,  si 
vous  comptez  assister  au  Congrès,  et  si  vous  vous 
proposez  d'y  faire  une  communication. 

Les  Compagnies  des  chemins  de  fer  de  France, 
d'Algérie  et  de  Tunisie,  accordent  aux  Congressistes, 
une  réduction  de  50  %  sur  les  tarifs  généraux,  avec 
validité  de  cette  faveur  du  20  mars,  au  21  avril. 

Les  Compagnies  de  navigation,  accordent  la  même 
réduction,  avec  faculté  de  retour  en  France  par  Oran, 
Alger,  Philippeville,  Bône  ou  Tunis. 

Aux  sociétaires  qui  auront  fait  connaître  leur  adhésion 
et  le  parcours  qu'ils  suivront,  il  sera  envoyé,  en  temps 
opportun,  la  carte  de  Congressiste  et,  en  plus,  des  bons 
de  1/2  place  pour  ceux  venant  de  France. 

En  outre  des  attractions  des  fêtes  du  millénaii'e  de  la 
fondation  d'Oran,  des  excursions  seront  organisées 
permettant  aux  Congressistes  de  visiter,  d'une  part,  la 
ville  et  les  environs  d'Oran,  pendant  la  session  du 
Congrès,  et,  d'autre  part,  du  6  au  10  avril,  à  leur  choix, 
la  région  de  l'Ouest  ou  celle  du  Sud.  Le  programme 
détaillé  de  ces  excursions,  sera  envoyé  ultérieurement, 
avec  l'évaluation  de  la  dépense  pour  chacune  d'elles. 

Veuillez  agréer.  Monsieur  et  cher  Collègue,  l'assu- 
rance de  nos  sentiments  les  plus  dévoués. 

Le  Secrétaire  général,  Le  Président, 

FLAIIAULT.  L'-Colonel  DERRIEN. 


25 


L  MOUVEMENT  DE  LA  NAVIGATION 

Mouvement  des  Entrées  du  port  d'ORAN,  par  pavillon,  pendant  l'année  1900 


PAVILLONS 

ENTRÉES 

NOMBRE 

VAPE 

lURS 

VOILIERS 

NOMBRE 

de 

Tonnages 

Equipages 

Passagers 

(le 

Tonnages 

Equipages 

Passagers 

VAl'iaiRS 

VOILIKRS 

Français 

1  306 

889  504 

38.509 

26.277 

162 

7.484 

790 

» 

Espagnols 

114 

30.571 

2.307 

10.239 

138 

5.266 

906 

36 

Anglais 

09 

94.234 

2.045 

» 

2 

388 

16 

» 

Allemands  

33 

37.710 

793 

» 

2 

2.441 

26 

» 

Belges 

11 

4 

12.959 
3.0G9 

244 
66 

» 

» 

» 

2 

» 
750 

» 

18 

» 

XI 

Nonvégiens.. . . 

Danois 

4 

3.414 

76 

» 

1 

156 

7 

» 

Grecs 

2 

1.917 
1.8SG 

44 
38 

» 

» 
» 

» 

» 

» 
» 

» 

Hollandais 

Autrichiens.. . . 

1 

942 

23 

» 

6 

2.773 

74 

9 

Italiens 

3 
1 

2.657 
927 

62 
19 

» 

28 
» 

10.630 
» 

266 

» 

1 

» 

Russes 

Suédois 

1 

674 

20 

» 

» 

» 

t> 

» 

Américains .... 

» 

» 

» 

» 

1 

492 

10 

» 

Portugais 

» 

» 

)) 

» 

9 

671 

:i 

» 

Marocains 

» 

» 

» 

» 

6 

38 

36 

10 

Totaux  en  l'JOO 

1.081 

1.080.364 

44.246 

r6.516 

:{57 

31.089 

2.220 

47 

»       en  1899 

1.684 

1.216.072 

47.647 

32.624 

383 

32.533 

2.470 

20 

MOUVEMENT   DE   LA  NAVIGATION  LI 

Mouvement  des  Sorties  du  port  d'ORAN,  par  pavillon,  pendant  l'année  1900 


PAVILLONS 

SOFIXIES 

VAPEURS 

NOMBRE 

VOIL 

lERS 

NOMBRE 

de 

VAPEURS 

Tonnages 

Equipages 

Passagers 

de 

VOILIERS 

Tonnages 

Equipages 

Passagers 

Français 

1.316 

887.303 

38.562 

28.195 

157 

7.069 

785 

» 

Espagnols 

113 

29.5.59 

2.270 

7.153 

142 

5.651 

1.003 

» 

Anglais 

103 

99.767 

2.163 

5 

2 

383 

16 

» 

Allemands 

35 

3G.120 

765 

». 

2 

2.441 

26 

» 

Belges 

11 

12.959 

244 

» 

» 

» 

» 

» 

Norwégiens  . . . 

3 

2.302 

5i 

» 

2 

750 

18 

B 

Danois 

4 

3.432 

76 

» 

1 

156 

7 

» 

Grecs 

3 

2.900 
1.886 

64 
38 

» 
» 

» 

» 

» 
» 

» 
» 

» 

Hollandais  .  . .  . 

Autrichiens.. . . 

1 

942 

23 

» 

5 

2.1.59 

60 

' 

Italiens 

3 

2.657 

62 

» 

26 

10.150 

268 

»         1 

Russes 

1 

927 

19 

» 

» 

» 

» 

» 

Suédois 

1 

674 

20 

» 

» 

» 

» 

» 

Américains .... 

» 

» 

» 

» 

1 

492 

10 

» 

Portuguais  .... 

» 

» 

» 

» 

9 

983 

75 

;) 

Marocains 

» 

» 

» 

» 

6 

37 

36 

» 

Totaux  en  1900 

1.596 

1.081.428 

44.357 

35.353 

353 

30276 

2.304 

» 

»      en  1899 

1.683 

1.211.740 

47.610 

30.654 

361 

32.203 

2.275 

» 

LU  MOUVEMENT    PE   LA   NAVIGATION 

Mouvement  des  Entrées  et  Sorties  du  port  d'ORAN,  par  pavillon,  pendant  l'année  1900 


1 

1 

RÉUNION  DES  ENTRÉES  ET  DES 

SORTIES 

1 
PAVILLONS 

NOMBRE 

OBSERVATIONS 

de 

TONNAGES 

ÉQUIPAGES 

PASSAGERS 

NAVIRES 

1 

1   Français 

2.9U 

1.791.260 

78.646 

54.472 

•   Espagnols.... 

toi 

71.047 

6.486 

17.428 

Anglais 

216 

194.777 

4.240 

5 

'   Allemands 

72 

78.712 

1.610 

» 

'   Belges 

22 

25.918 

488 

» 

Norwégiens  .  . . 

11 

6.871 

153 

» 

Danois 

10 

7.158 

166 

i> 

Grecs 

5 

•i.817 

108 

» 

;   Hollandais 

4 

3  772 

76 

» 

Autrichiens.... 

13 

6.816 

180 

» 

1   Italiens 

60 

26.094 

658 

1 

,   Russes 

2 

1.8o4 

38 

» 

Suédois 

2 

1.3i8 

40 

s 

Américains  .... 

2 

984 

20 

» 

Portugais 

18 

1.654 

146 

» 

1   Marocains 

12 

75 

72 

10 

Totaux  en  1900 

.3.887 

2.223.157 

93.127 

71.916 

r>       en  1809 

4.111 

2.492.549 

100.002 

03.298 

Dfférence,  190O 

-  224 

-  269.392 

-  6.875 

+  8.628 

MOUVEMENT   DE    LA   NAVIGATION  LUI 

Mouvement  de  la  Navigation  dans  le  port  de  MERS-EL-KEBIR,  pendant  l'année  1900 


s.ia§essB(j 

« 

« 

co 

» 

(» 

c-> 

^i< 

o 

X 

saâediiibg 

co 

•r-1                           O 

Ci 

co 
co 

i5 

< 

G5 

Cî 

co 

■j: 

_ 

CO                        C5                 1               fO 

c» 

, 

Êi 

G-* 

fM                        O                 1               ^ 

1.0 

CD 

0 

t^ 

T^                                     1- 

o 

■rH 

oo 

» 

1- 

1 

c 

1—1 

O] 

O 

th 

r- 

■'^ 

T-l 

•rH 

i               'i 

O 

«ri                          -5 

._ 

^_ 

o 

=         a        .h 

C-D 

-^ 

CO 

a 

oi 

c           "            '*" 

'^ 

Z                   S 

, 

« 

. 

« 

- 

1 

^ 

^ 

oo 

o 

r> 

i?' 

soâeclinbg 

ai 

»                          C 

i                         -^ 

th 

« 

t^ 

lU 

1 

/                 ^ 

j 

\                 - 

GO 

c 

i                        r- 

r- 

^-^ 

1                 't 

^„ 

5                                co 

O 

Ol 

'    0 

1         i 

"^ 

«                                          T- 

Oî 

a 

'^.           1 

>  j 

j 

o 

-* 

CO 

P                        r. 

—           O         .— 

^•? 

?: 

»c" 

ce 

f-— 

s^ 

Ci 

■ 

~           -           > 

co 

[~ 

'Z<                      = 

SJOgp.SSIIrl 

« 

OO                                       != 

^ 

« 

CO 

«    - 

^^ 

c 

CD 

o 

O 

w 
ce 

■    J 

Ul     < 

sjSedjribg 

c: 

^ 

c— 

(~ 

s 

« 

d 

Cï 

co 

t 

£ 

c^ 

,^ 

.- 

lO 

1 

Q. 

lO 

c 

(~ 

C5 

co 

^ 

O 

-fw 

<; 

co 

o 

o 

'^ 

■     <    1 

i     > 

th 

co 

lO  ■ 

^ 

P              X. 

'           1 

—       w      .~ 

lO 

*— 

j; 

T.T 

(- 

^ 

«^ 

-       —       > 

7" 

co 

-* 

-tH 

"^              = 

M 

O- 

C5 

3 

G 

■Oi 

co 

O 

:i< 

G 

C/} 

-—— -- 

«^^ 

^_^i-v^ 

•^-^          ( 

z 

. 

1 

o 

s 

c 
o 

1 

j~] 

C/; 

o 

c 

i 

'5 

fc 

< 

1 

Q 

5 

tJ 

0                     § 

H 

1 

--* 

< 

K 

LIV 


MOUVEMENT  DE  LA  NAVIGATION 


Mouvement  de  la  Navigation  dans  le  port  de  MOSTAGANEM,  pendant  1  année  1900 


/                1 

M 

_ — 

(M 

-^f        lO 

05 

sja;5cssLM        1 

-.1" 

* 

ft 

C» 

^ 

CO         CO 

C^ 

i 

(>> 

^^ 

-^ 

CO 

1 

,  ^ 

^^ 

ira 

Cï 

~-. 

o      <x> 

CD 

1 

CÔ 

-^ 

O 

CO 

-TH 

CjO            --^ 

00 

^      \      soSciliiib:^         i 

05 

<x> 

l-      -* 

«          CO 

= 

1 

M 

cJ 

(£>          oj 

c^•( 

<      1 

1 

CD 

CO 

30 

o 

-5J< 

^        00 

i— 

^             (                              V 

oo 

O 

t^ 

(M 

-sr       t^ 

CO         * 

h                                1 

O 

o 

<£> 

CO         -^ 

in 

0                    g 

<0 

(M 

cri 

Ol          l.O 

o( 

CO 

(M 

CO       cr. 

CO 

h 

1 

£               ï       1 

o 

Ol 

CO 

OJ 

tH 

lO          CO 

oo 

■°       -^       h 

^i< 

c^ 

^       o 

R           lO 

1         S       -5       ■> 

T— 

Ol 

--«         i.O 

1          o                     « 

;     z           = 

sj93esscd 

« 

« 

« 

« 

« 

«     « 

;5          « 

1 

CO 

lC 

t^ 

, 

th           <^ 

12 

(/)               ?DiiEdinb3 

i=ï 

1- 

CO 

^ 

CO       -sr 
--r        O 

c-< 

1        i.i       1 

lu 

J           i 

.^ 

3C 

•«r^ 

>>+ 

l-        ---t< 

r- 

^i* 

C 

^^ 

OJ 

CO        «o 

i^ 

Ol 

th 

ï:ï 

•=ri 

in 

-T 

co'      r- 

> 

H 

jf                   ?5 

_^ 

CO 

o> 

„ 

oi      r^ 

L-; 

•2       o      ■= 

^ 

t- 

"j^      "^ 

^          CO 

S      -5       > 

^ 

o                  « 

\        Z                  = 

/ 

C-i 

(M 

1               -^          L(0 

s     « 

SJ9§CSSBrI 

-^ 

ft 

^ 

05 

"^ 

1               CO          CO 

05             " 

G--» 

1               -* 

CO 

r^ 

o 

CO 

o^       o 

o 

t— 

*^ 

•_^ 

CO          C3 

t; 

(/)       l        soScdinbj 

05 

' 

oo 

« 

CO         00 

«      -* 

DC      \ 

CO 

c 

c::?       cd 

oj 

?^  i 

„ 

(M 

CO 

05 

-f      vj« 

o 

lli      <              u 

CO 

lO 

lo       ^ 

CO 

Q.      ^ 

te 

S 

o 

« 

^^ 

^ 

-TH          to 

^ 

? 

G 

O 

Ci 

■^ 

er^       e^ 

T— " 

O 

c< 

c< 

lO        00 

H 

—        •^ 

o 

1 

o 

o 

CO          CO 

CO 

-2       «      .^ 

1           -* 

j5 

o 

« 

CO         CO 

«         (M 

=       -a        > 

1               "^ 

o 

CO          CO 

1            \     /'.          = 

1 

•/3 

<~>       cri 

y^         .Z^ 

CD           C5 

3         O 

05        00 

«rH         ■^ 

"H-     S 

C/D 

^■» 

^ 

^— -—^^ 

-  .— «^^ 

O 

•^ 

- 

C 
o 

S 

|J 

jà 

et 

c^ 

y 

r 

y 

"c 
c 
fco 

0 

:          y 

H 
O 

i 

"T 

a 

■c 

t 

0            î- 

1 

t. 

'Ji 

fc 

*              < 

^ 

■<r 

<           ~ 

MOUVEMENT  DE  LA  NAVIGATION  LV 

Mouvement  de  la  Navigation  dans  le  port  d'ARZEU,  pendant  l'année  1900 


^' 



^ 

^"'**' 

—     — 

sjd8bssb,j 

lO             a             »             «             « 

' 

-^               00 

?5 

00 

r^         t^         O         co         :0 

CO             1           C-'              v,-}< 

c-> 

ff 

'            v-f            oo 

■^-< 

05             00 

05 

X 

< 

,        saSudinlia 

'Crs           CO            "tH 

•  1.^             ce 

5^1 

ir5 

I> 

00             O 

'^' 

/                            «5 

00            ff«            00            Cvi            tO 

— 

1                  _H                       C^. 

(M 

H 

OJ 

c^            CO            fM            l- 

1- 

CO              I           00                30 

C5 

te 

-ro            O            CD 

(M 

CO              l            1~               it 

OC' 

0 

h 

c 

C-5               -r- 

1^            c« 

Sï 

o 

ô           OJ 

00            co 

^ 

^ 

"^ 

■^          c> 

<13                        ir. 

r-        o 

-^               -r- 

Ol 

^ 

r^          -^ 

r^ 

~^                      eu 

CO            G-< 

i^          -^ 

o 

s     -ë    ■? 

*^ 

-^           in 

^ 

o                         as 

\           •'^                        = 

sjoSbssbj 

« 

a 

a 

« 

« 

1    "      ' 

« 

« 

O           00            CD 

oc 

a-'          cï 

t^ 

-* 

th 

00          Ci 

•^H 

0) 

sofcduiba 

~^ 

^ 

■rH 

o         o 

« 

^th 

a. 

iij 

o 

-^ 

r^ 

œ 

o 

c.»          ce 

CD 

j 

ci 

lit 

-* 

i> 

t^ 

ce 

r^>          .o 

CO 

an 

<T. 

G« 

co 

CO               <T* 

5 

— 

-^-t 

>o          t- 

*— 

>    1 

o 

<U                           t»            1 

mbr 

de 

vire 

05 

?1 

th 

'M 

•!^ 

I.-5               lO 

o 

l^ 

R 

O 

O               C 

« 

(M 

°                     -n 

Z                    =         1 

sjoSbssbj 

« 

=^ 

« 

- 

^ 

« 

Ci 

O 

r^ 

c- 

—            ir; 

1~. 

^Ti 

l~ 

w 

saScdinba 

lO 

o 

« 

« 

« 

Cl             CO 

« 

<T 

oc 

3  < 

i- 

■X.           o 

^H 

oo 

(>1 

— ; 

,— ;                       ,.-5 

CD 

a> 

t;;^ 

~-i          G-i 

CD 

1 

O' 

ô 

« 

j5 

« 

Cî               CO 

« 

CO 

<    , 

c 

o» 

05 

—              lO 

CO 

o 

L^ 

G-l 

(Z)            J* 

*c 

> 

H 

ombie 
de 

avires 

00 

!i> 

(M 

•7>                  cri 

r- 

co 

?:: 

J!^ 

!=; 

r-          ^ 

^ 

-c" 

cô 

CO           ^-r- 

^               =       1 

O             05 

Oi           X) 

ï 

■J. 

'5 

m 

^ 

V — ^-.-.^ — - 

*-^-»i^ — 

O 

h4 

G 

c 
o 

J 

I 

ki 

a> 

-< 

•/ 

ir 

•y 

y; 

■f 

o 

o             1 

0- 

^ 

-^         c 

5 

)          ^ 

L        -; 

"2 

O 

H 

^       ( 

"5 

0          g 

<         "^ 

_c 

'  = 

=s 

c 

rf 

"« 

C 

p 

;^ 

<; 

t: 

t 

'-' 

o: 



LVI  MOUVEMENT   DE   LA  NAVIGATION 

Mouvement  de  la  Navigation  dans  le  port  de  BENI-SAF,  pendant  l'année  1900 


SJO.iU^Sl^l 

^-l 

= 

* 

CO 

- 

« 

R 

« 

Ol         CO 

«*      CO 

i-       « 

c?' 

.-, 

j^ 

,j^ 

l^ 

__ 

CO 

iO 

CO         CO 

o 

X 

C' 

f^- 

£^ 

CO 

*;— 

».o 

c< 

Oï          — — 

\n 

soSedinb^ 

l^ 

■^ 

CO 

^1 

-^        1- 

R           (M 

D 
< 

•"r< 

c 

vj«     -^ 

m 

.^^ 



.^H 

OO 

CO 

T-C 

«t< 

ir 

—         C5 

oc 

GJ 

L^^ 

lO 

.:.•"! 

C-i 

*^ 

CO 

lO 

(M         CO 

^< 

h 
0 

te 

co 

05 

>* 

CM 
fM 

o 

CO 

00         --r 

T-1 

«n 

,T< 

th 

O         O 

:_ 

.-M         C-< 

h 

t-                                Cj 

r- 

^ 

et 

.^H 

lO 

(M 

t— 

.^ 

I.-5          r" 

R          CO 

—          ^          î- 

o 

CO 

Q>-        rc 

s       -a       ■> 

«ri 

C<        CM 

iC                      = 

JÇ 

» 

CO 

^ 

^ 

^ 

CO             R 

CD          R 

-c*- 

_ 

C»         CO 

CM 

U) 

sDâBdmbg 

CO 

R 

" 

R 

R 

R 

R 

CO           l- 

CO           » 

£C 

1 

UJ 

J 

5 

1 

a 

« 

R 

CO 

a 

R 

R 

R 

CO         CO 

CO         GO 

CO      -* 

CO 

> 

r- 

w                                   'X 

^ 

-r.        1- 

,^ 

•2       i      .h 

Cl 

» 

!=; 

a 

R 

R 

R 

G'-          «rH 

\       Z 

uagessej 

o 
co 

« 

« 

R 

« 

R 

R 

« 

--      CO 

CO        o 

?     « 

CO 

*^ 

CO 

lO 



CO 

lO 

lO          I^ 

CM 

CO 

-.- 

r^ 

•^^ 

G-< 

lO          '— 

■^1 

(/) 

1       sDilBdiiilig 

^ 

« 

CO 

"TH 

CO          CO 

1 

-:- 

c^ 

>*     -^ 

I 

, 

, 

_^ 

CO 

_, 

-* 

.^ 

CO          CO 

lO 

U 

(M 

lo 

en 

<M 

vX 

CO 

i.O 

30          lO 

CO 

Q. 
< 

£C 

«r-i 

CO 

lO 

a 

v}< 

Q-ï 

-^ 

CO 

>*       cr. 

-.       "^ 

C 

a 

CO 

CO 

05 
(M 

lO 

l— 

Ol 

=: 

^ri 

S       ^ 

-^ 

> 

b. 

«r^         (M 

j;                      '   S 

^ 

en 

1'^ 

(M 

r^ 

«ri 

1-         CO 

R         05 

00 

CO 

ÎO 

î> 

T^ 

05         — 

S            T=            -^ 

.^1         C>< 

>        5^                  = 

VI 

O         <J5 

Cl.     s 

O         OS 

CXi         CO 

^H           "«r^ 

7j 

— , , — 

=      c 

o 

a 
o 

CJ         o 

h:] 

k5 

o 

►J 

VI 

Y 

«3 

XI 

H 
O 

o 

c 

0^ 

S 

.2 
'« 

c 

a. 

C 

c 
c 
ce 

S 

'5b 

•o» 

O 

y; 

'c 

_c. 

Xt 

a 
y 
y 

Q 

fe 

<îî 

W 

^ 

y. 

(/: 

<• 

r^ 

MOUVEMENT  DE  LA   NAVIGATION 


VLU 


Mouvement  de  la  Navigation  dans  le  port  de  NEMOURS,  pendant  l'année  1900 


sia^Bsspj 


soSccIinha: 


SJOSGSSBJ 


G' 
C5 

(M 

^tH 

(M 

soâedinba 


C/3 
O 

a. 


fe 


6D 

ci 
Cl, 
m 


p 


Q 


Lvin 


MOUVEMENT  DE   LA  NAVIGATION 


Relevé  lolal  du  WoiiYeinenl  des  porls  du  département  d'Orau,  pendant  l'année  1900 




^^- 

X 

;* — 

^_ 

lO 

"^^ 

>* 

CO     0 

t^ 

■r^ 

(M 

53 

<^ 

S^        1- 

1.0 

sJd^Gssej 

t- 

•^^ 

0 
01 

0     0 

t^        CO 

CO 

t- 

-* 

.^^ 

(=5 

C>J 

CO 

>* 

C5        -^ 

lO 

, 

(M 

OJ 

m 

co 

05 

en 

CVJ 

— '        CO 

CO 

(M 

OT 

l^ 

l^ 

-<I< 

00      -^ 

CO 

X 

saSedinba 

r^ 

05 

r^ 

c; 

X' 

^ 

0 

00       Ci 

os       « 

< 

1- 

1 

C5 

O 

Ci 

j 

— 

'^ 

'^ 

t— 

rys 

o 

^, 

.^^ 

.^^ 

CD 

Oî      c» 

t- 

■y. 

v^ 

l- 

V* 

00 

c-« 

CD 

I>       CO 

^H 

'    0 

te 

^, 

O 

—" 

CD 

I- 

00 

"^ 

00     0 

TO 

H 

c 

co 

c  * 

1."^ 

o\ 

r— 

c 

CD 

oi     0 

CD         «> 

= 

Ol 

.«7-1 

co 

■X 

■0 

0 

C3        ^ 

00 

1     ^ 

cm' 

Ci 

TTl 

•T^ 

fr< 

00        Ci 

Ci      ci 

0 

E               ^. 

l^ 

.-. 

_. 

,- 

t~ 

lO 

■^ 

00       Ci 

0                       • 

jan                    =i 

oc 

*^ 

co 

«--f 

l~~ 

l?< 

05 

CD       lO 

— ^                                             1 

00 

Cî 

•<J< 

■^ 

c-< 

(>< 

CO        CO 

0         « 

1     "     1 

î^ 

« 

lO        -^ 

"JH 

CD 

1^ 

c^ 

^r-t 

CD 

G-t 

— < 

SJ8SeisC(j 

-* 

CD 

T< 

— 

ce 

ÛO 

.._, 

(M 

OC 

C 

.,_ 

(M 

c<; 

00 

CO 

V? 

CO 

(M 

c< 

»^ 

LO 

^r^ 

Ci 

CO 

j 

saâedinbg 

!m' 

G-î 

CO 

— 

i__ 

CD 

i~ 

C^l 

•^v^ 

'^J 

0 

X 

^ 

Cl 

00 

(M 

CO' 

0 

CO 

1       *~ 

^ 

o 

c^ 

^^ 

00 

oc 

t^ 

CO 

0 

a 

^ 

,' 

0 

0 

lO 

> 

S 

o                        -y: 

r; 

a: 

o 

o^ 

0 

CO 

c< 

Ci 

.a                  7^ 

CD 

00 

^ 

C<I 

\!l 

eo 

-.£•?■ 

'^ 

CO 

■^ 

CD 

Z                   c 

c^ 

ce 

-rr 

..— 

^— 

CD 

O] 

0 

•— 

O 

rc 

T< 

CO 

il 

->■? 

sjoâessEd 

in 

ce 

0 

■r-i 

en 

CD 

;^ 

Ol 

0 

"^^ 

lO 

0 

05 

l^ 

cr< 

CO 

iO 

00 

OS 

\^ 

^_ 

i^ 

c^ 

^1 

CO 

^-< 

t~ 

w 

saândinba 

•^ 

_-■ 

r^ 

CD 

00 

0 

r^ 

ce 

•^ 

O 

t^ 

D 
Ll 

- 

vj 

:_^ 

O 

.7 

05 

3C 

<«< 

0 

'                            -x 

{ ^ 

tC^ 

0 

CO 

0 

-^ 

Q. 

CJ 

CÔ 

■^ 

O 

■T* 

r- 

00 

< 

s 

— ■ 

^H 

r-', 

CD 

', 

--;■ 

.0' 

ift 

> 

5 

OC 

ai 

lT 

00 

c^ 

Q^ 

r- 

Tl 

T-< 

1                    H 

^' 

«th 

0 

«J                                   r/l 

_H 

O 

r- 

fO 

G-* 

l— 

x 

t- 

1 

.3                            tl 

OD 

ce 

CO 

Cr 

05 

CO 

00 

C          V        -b 

_■       '-'^ 

S 

CO 

^^ 

rri 

r- 

1 

%       -O        > 

1                                                                  1 

z            S 

^' 

"^ 

Ci 

1                                                                  1 

^^*'." 

on 

M 

E/î 

c; 

^■^ 

^ 

^^ 

•A 

■^ 

0        CTi 

M       .= 

CZ) 

J 

•é 

^ 

-z 

■'= 

J 

c« 

o>     os 

ers     CO 

3        0 

-a  s 

"T-        ■<rH 

O 

àr. 

û 

■~ 

'^ 

'^' 

~ 

^ 

— _- 

"« 

5 

u 

^ 

■£ 

'£ 

a 

c 

0 

> 

s 

id 

UJ 

H 

w 

es 
=2 

H 

H 

0 
0 

c 

C 

B= 

-^^ 

û 

H 

P~3 

tes 

» 

Cû 

s 

<S> 

"" 

ss 

-i: 

ea 

lêE 

>— < 

STATISTIQUE  DU  MOUVEMENT  COMMERCIAL  DES  PORTS 

du  déparlemenl  d'Oran,  pendant  l'année  1000 

comparé  au  mouvement  de  l'année  1899,  et  par  nature  de  marchandises 

EXPORTATIONS 


(Nous  devons  les  renseignements,  publiés  dans  les  tableaux  ci-après,  à  l'obligeance  de    M.  Tlnspcctcur  principal    des 

Douanes  du  département  d'Oran 


Ensemble 

PORT  D'ORAS 

Ensemble 

PORT  D'ORAN 

DÊSIGN.4T10N  des  MARCHANDISE? 

UNITÉS 

des  ports  eu  1900 

seul 

des  ports  en  1899 

seul 

Animaux    bêtes  de  somme. 

Tètes 

933 

842 

1.171 

1.148 

vivants      bestiaux.. 

» 

361.126 

(  1.634.139 
1      352.664 

328.220 

253.271 

Gi\'îisses,  suif  brut  et 

Kilog. 

63.287 

53.493 

107.004 

107.004 

saindoux 

» 

1.275.256 

932.231 

1.141  165 

1.125.845 

Peaux  bfutes 

» 

1  996.070 

1.892.953 

2.013.687 

1.999.979 

Laines  en  masse 

» 

274 

274 

327 

327 

So  es 

» 

18.898 

14.602 

6.265 

6  090 

Cires  brutes  

» 

342.062 

305.522 

326.700 

322.182 

Poissons  de  mer  .... 

» 

220 

220 

2.462 

2.462 

Corail  brut 

» 

705.745 

521.315 

867.108 

845.788 

Os,  sabots  et  cornes 

de  bétail 

Quintal 

496.416 

331.293 

361.649 

311.918 

j  Froment. 

l 

» 

13  700 

4.060 

304 

300 

\  Maïs  .... 

Céréales  s  ^ 

)) 

6i2.632 

389.829 

448.863 

270.. 571 

i  Orge 

» 

502.282 

399.039 

291.139 

251.683 

1  Avoine  . . 

» 

3.392 

1.295 

3.585 

2.349 

Farines 

Kilog. 

2.208.738 

2.202.078 

2.296.727 

2.294.567 

(  verts  .... 

Légumes   j  secs  et  leurs 
'     farines. . . 

» 

1.759.825 

1.452.997 

2.111.255 

1.791.472 

» 

1.059.890 

1.031.800 

1.435.837 

831.362 

Pommes  do  terre  . . . 

» 

20.100 

20.100 

27.900 

25.200 

Alpistes  

LX 


MOUVEMENT   COMMERCIAL 

EXPORTATIONS  (suite) 


DÉSIGNATION  des  MARCHANDISES 

UNITÉS 

Ensemble 
(les  ports  eu  1000 

PORT  D'ORAN 
seiil 

Ensemble 
des  ports  en  1800 

PORT  D'ORAN 
seul 

f  frais 

Kilog 

1.0G7.943 

415.745 

98G.915 

783.514 

Fruits<  secs  ou  tapés 

» 

105.48? 

65.253 

179.240 

90.229 

\  oléagineux.. 

» 

» 

» 

2.190 

2.190 

(  en  feui  les  . . 
Tabacs] 

(.  fabriqués  . . 

» 
» 

2.165 

29G  168 

1.069 
234.645 

4.400 
383.370 

4.400  ! 
331.347  ' 

j              ;'  d'olives 

Huiles  ;  jg  graines 
(      grasses. . . 

» 

413.127 

410.410 

104.814 

10 '4. 184 

)) 

» 

» 

7.175 

6.G55 

/  en  graines 

» 

191.518 

95.618 

51.190 

47.2Û0  : 

-      )  en  tiges  brutes. 
Lin  s 

» 

» 

» 

» 

»           ! 

/  teille,  peigné  et 
\      en  étoupes.. . 

» 

» 

» 

» 

! 
»           i 

1 

Joncs  et  roseaux  bruts 

» 

» 

» 

» 

»           ' 

Alfa 

» 
» 

8  5.553.590 
» 

61.845.472 

80. 93 '1.830 
» 

G  1.630.180 
» 

1  Feuilles  de  palmiers  nains  .  . 

Crin  végétal 

» 

20.179.235 

14.583.376 

16.237.707 

15.5G0.527 

Liège 

» 

178. 439 

133.938 

170.268 

170. 2G8 

Écorces  à  tan 

» 

6.591.177 

5. 074. 066 

5.184.837 

5.184.837 

Fourrages  et  son 

» 

4.096.25G 

3.241.875 

3.493.917 

2.736.451  ; 

Drilles.    

» 

843.874 

592.988 

820. 0G8 

783.782 

Plomb  (métal  brut). . 

Quintal 

» 

» 

» 

» 

/  de  fer  . . . 

» 

461.367.375 

3.411.902 

4.932.481 

» 

y  de  cuivre 

» 

» 

» 

» 

» 

Minerais  \ 

j  do  plomb. 

_•  » 

29.650 

296 

307 

)) 

y  de  zinc  . . 

» 

548.500 

» 

6.360 

» 

;  Vins  de  toute  sorte. . 

Litre 

98.219.485 

6G. 393. 075 

155.412.770 

114.370.963 

,  Eaux-do-vie  et  alcools 

Liire  d'alconl 

1.G08.067 

827. Gl G 

1.485.617 

1.075  571 

Peaux    prt^parées    ot 
ouvrées  en  peau . . . 

Kilog. 

8.965 

7.585 

17.054 

16.743 

MOUVEMENT   COMMERCIAL 


LXl 


IMPORTATIONS 


DESIGNATION  des  MARCHANDISES 

UNITÉS 

Eosenible 
des  ports  en  iDOO 

PORT  D'ORAN 
seul 

Ensemble 
ports  en  1899 

PORT  D'ORAN 

seul 

Aciinaux  j  bêtes  de  somme . . . 

Tète 

1.570 

1.208 

2.073 

2.073 

vi?aDts  1  bestiaux 

» 

290.129 

459 

85.665 

» 

Viandes  salées 

Kilog. 

376.996 

359.306 

313.222 

303.589 

Fromages 

» 

7G6.770 

762.455 

741.990 

688.3-35 

(Beurre 

» 
» 

133.906 
431.433 
137.217 

133.906 

431.433 

59.348 

134.512 
434.512 

240.936 

130.689 
432.558 
117.925 

iGraisses 

Peaux  brutes 

Soies 

» 
» 

f. 
993.744 

992.669 

» 
878.176 

» 
846.425 

'  Poissons  de  mer .... 

!                    ,  Froment. 

Quintal 

1.221 

1.221 

1.555 

1.555 

\  Maïs  .... 

CÉRÉALES  ^ 

i                    )  Orge .... 

» 
» 

25.646 
14 

24.854 
14 

27.920 
2.458 

21  MO  ! 

2.458 

'                                      f      A           ■ 

\  Avoine  . . 

» 

35 

35 

7 

7 

i  Farines 

)) 

Kilog. 

» 

42.340 
2.580.267 
5.6G5.216 

39.775 
2.568.267 
5.123.234 

40.950 
2.136.578 
5.872.524 

39.722 
2.023.966  \ 
5.285.809 

Riz 

j  Pommes  de  terre  . . . 

Légumes  secs 

» 

2.748.364 

2.237.850 

2.420.623 

2.047.122  i 

:  secs  ou  tapé. 

» 

1.433.919 

1.415.884 

1.382.602 

1.314.389  ' 

Fruits]    , 

[  oléagineux.. 

» 

828.464 

828.464 

a 07. 082 

805.077 

Glucose  

» 
» 

64.498 
591.021 

62.697 
575.553 

160.408 
353.354 

154.248 
321.986 

(  brut 

(  raffiné 

» 

6.910.085 

5.699.760 

7.067.632 

5.841.376 

Café 

» 

1.998.250 

1.592.135 

2.046.135 

1.708.478  ' 

Chicorée 

» 

308.077 

301.235 

271.655 

250.524 

LXII 


MOUVEMENT    COMMERCIAL 

IMPORTATIONS   (suite) 


1 

DESIGNATION  des  MARCHANDISES 

UNITÉS 

Ensemble 
des  poits  en  1900 

PORT  D'ORAN 
seul 

Ensemble 
des  ports  en  1899 

PORT  D'ORAN 
seul 

1 
Thé 

Kilog. 
s 

54  418 
7.606 

37.301 
5.800 

37.507 
5.811 

36.83 i 
5.307 

Poivre 

Marrons,  chàiaignes 

et  leurs  farines  . . . 

X 

321.984 

280.934 

331.776 

317.705 

Cannelles    et    cassia 

lignea 

» 

5.378 

4.980 

5.032 

5.012 

Muscade,    macis    et 

vanille 

» 

704 

600 

853 

830 

Clous    et   griffes    de 

girofle 

» 

70 

.     9-28.805 

26.917 

51 

803.500 

15.900 

91 

793.356 
18.945 

89  j 

757.122  ; 

18.837  : 

Tabacs 

(  fabriqués  . . 

i  d'olives 

» 

337.392 

296.900 

417.010 

381.092  ' 

Huiles  l  d'aulres  graines 

,     grasses  

» 

4.611.889 

3.508.000 

5.236.852 

4.817.373 

/     buts     ou 

Bois       \ 

}       equarns.. 

1  à  coDstruire 

\  sciés 

1.000  kil. 
» 

10.891 
7.458 

5.600 
3.900 

9.940 
15  116 

8.545 
7.293 

Mater,  de  toute  sorte. 

Kilog. 

32.978  500 

24.525.001 

31.827.266 

21.397.387 

Houille 

Quintal 
Kilog. 

532.493 
362  333 

421.610 
356.000 

545.641 
507.462 

404.435 
490.976 

Huiles  et    (brutes 

pétroles       raffinés .... 

Hectol. 

22.954 

19.000 

23.669 

20.355 

Boissons    j  vins  ordin.. 

Litre 

1.829.773 

1.100.500 

1.373.090 

1.353.845 

lermentées  (  vinsdeliq,. 

» 

542.072 

506.000 

398.665 

366.165 

Eaux-de-vie,  alcools 

^. 

et  liqueurs 

Litre  d'alcool 
Litre 

547.738 
320.137 

500.180 
280.000 

437.181 
707.425 

279.530 
675.978 

Bière 

Poteries 

Kilog. 

3.195.975 
1.930.912 

2.956.700 
1.750  000 

3.432.813 

1.532.568 

2.977.116 
1.384.730 

Verres  et  cristaux.. . 

MOUVEMENT   COMMERCIAL 

IMPORTATIONS   (suite) 


LXIII 


DESIGNATION  des  MARCHANDISES 

UNITÉS 

Ensemble 
des  ports  en  1900 

PORT  D'ORAN 
seul 

Eû^crable 
desportunlH9'J 

160.522 

1.810  052 

2.879.194 

203.326 

4.512 

» 

2.197.369 

579  550 

1.866.803 
5.386.509 

171.457 

PORT  D'ORAN 

seul 

de    lin   et 
chanvre . 

1  de  iute  . .    . 
eju 

.le 

Kilog. 

0 

» 
» 
» 
» 
» 

» 

» 
» 

216.474 

1.810.658 

2  120.272 

262.811 

6.G84 

» 

2  271.242 

543.449 

1.458.470 
4.035.052 

161.215 

180.900 
1.051.000 
1.975.000 

180.700 
5.900 

0 

1.950.600 

430.000 

1.000.050 
3.875.600 

151. 2C0 

153.736 

1.582.623 

2.834.531 

158.725 

4.315 

» 

1.955.851 

457.842 

1.727.813 
4.496.103 

165.843 

Tissus   '^^^°ton.. 
de  laine  . . . 
de  soie.  . . . 

\  autres  .... 

Papiers  et  carton  . 

Peaux    préparées 
ouvrages  en  peau 

Machines  et  mécan 
(lues  .          ... 

et 

Ouvages  et  métau; 

Ouvrages  de  spart 
rie,  de  vannerie 
de  corderie 

e- 
et 

»     *    ^     >     « 


RELEVÉ  du  Tralic  de  la  Gare  de  kargueBlah,  de  la  C  "  P.-L.-M..  pendant  l'année  1900 


DÉSIGNATION  DRS  MARCUANDISES 


Céréales 

Son  et  farine 

Minerai  de  zinc 

Houille  et  coke 

Tuiles  et  briques 

Bois  à  brûler  et  charbon  de  bois. 

Crin  végétal 

Alfa .    .    , 

Chaux,  ciment  et  plâtre  .  .    . 

Liège  et  écorces 

Caillasse 

Engrais,  phosphate  et  soufre  .    . 

Vin 

Alcool 

Oranges,  citrons  et  mandarines  . 

Huile 

Tabac       ,•   .    . 

Foin  et  paille 

Fûts  vides 

Laines 

Arbres  vivants 

/   Pierre  .    .    .    . 
Matériaux  .    .    .  )   Bois 

(   Fer 

Divers , 

Légumes  et  fruits  frais 

Denrées 

Guerre  et  télégraphes 


Totaux 


EXPEDITIONS 

Importations 


1.1 


864 1" 
.152 
» 

293 
,1G4 
135 

76 
493 

OS 
101 


327 

.245 

.137 

9 

3-20 

151 

63 

.704 

305 

2 

57 

,326 

204 

.990 

166 

245 

,297 


ARRIVAGES 

Exportations 


33.G98f" 
2.71G 


10.112 

2.017 

17.019 

11 

471 

» 

54 

49.115 

12 

166 

103 

2 

2.911 

714 

327 

39 

872 

371 

161 

3.279 

3.394 

5i9 

122 


29.934 1""|  123. 260 1"-' 


OBSERVATIONS 


VOYAGEURS 

Partis  de  Karguentah 10 i. 317     j  [     Arrivés  à  Karguentah 104.475 


RELEVÉ  du  Trafic  de  la  Gare  d'Oran-Marine,  de  la  C»  P.-L.-M.,  pendant  l'année  1900 


DESIGNATION  DES  MARCHANDISES 


Céréales 

Son  et  farines 

Minerai  de  zinc 

Houille  et  coke 

Tuiles  et  briques 

Bois  à  brûler  et  charbon  de  bois. 

Crin  végétal 

Alfa 

Chaux,  ciment  et  plâtre 

Liège  et  écorc-îs 

Caillasse 

Engrais,  phosphate  et  soufre  .    . 

Vin 

Alcool 

Oranges,  citrons  et  mandarines  . 

Huiles 

Tabac    

Foin  et  paille 

Fûts  vides 

Laines 

Arbres  vivants 

/    Pierres.    .   .    . 
Matériaux  .   .   .  '   Bois 

(    Fers  .... 

Divers  

Légumes  et  fruits  frais 

Denrées 

Guerre  et  télégraphes 


Totaux. 


EXPEDITIONS 


897 1"« 
742 


14.895 
4.033 


23 
4.178 

2.361 
945 
226 
567 

u 

578 
36 

9 

715 

10 

1 

» 

2.359 

864 

12.878 

> 


ARRIV.UES 


46.302t°" 


86.381 t" 
2.379 


.".30 

2.766 

33.566 

» 

4.309 

» 

35 

6.372 

35 

290 

352 

» 

46 

120 

1.515 


84 

238 

2.890 


OBSERVATIONS 


141. 908  f" 


BESTIAUX 

Nombre  de  wagons  expédiés . . .  281     1 1     Nombre  de  wagons  arrivés 


.  499 


26 


PRODUITS    AGRICOLES    1899-1900 

TERRITOIRE   CIVIL  (Européens) 


Oi         00 


o       o 


—      o 


Oi  ~         — 

GO  CO  v}< 

05          (M         ÛO 


(M        -«^ 


6/3 

W 
O 


a 


<T 

ce 

co 

_ 

l« 

05 

T-l 

X 

(M 

o 

Ci 

oo 

tî  £ 

in 

o 

W 

lO 

o 

Ci 

'^  -2 

(- 

o 

X 

t^ 

iO 

'Xj 

<-.    o> 

^>^ 

—~t 

ce 

r-l 

o-° 

Ch 

<! 

lO 

— 

X 

CO 

T-< 

CM 

t- 

Z 

lO 

lO 

«r* 

*^ 

(M 

R 

<=t 

CO 

^— 

p 

O 


UJ      , 

i    j: 


V* 

r- 

>>+ 

X 

(M 

L."^ 

VT- 

.C 

-.i" 

r- 

Cï 

a 

t^ 

■r. 

X 

-* 

(M 

^* 

c 

CO 

î^J 

co 

.^ 

O 

X 

t— 

co 

X 

v^ 

•srT< 

"^ 

oo 

T-l 

£- 

<?<  o  t- 
o  —  X 
t-         co         05 


a 

05 
ca 

I» 

o 


<5 


m 


H 


X 
00 

os 


P 
•«! 
H 
O 

H 


PRODUITS    AGRICOLES    1899-1900 


TERRITOIRE    CIVIL    (Indigènes) 


— 

(M 

1^0 

t^ 

lO 

CD 

eo 

9^ 





CD 

^ 

l^ 

OC' 

Tl 

OO 

O 

5 

W  £ 

'^ 

30 

as 

eo 

î- 

s  fe 

"^ 

A 

» 

« 

« 

» 

» 

i>i 

(^i 

lO 

Ti 

s  „ 

T- 

""^^ 

o-ë 

ZZ 

&, 

<1 

ï~ 

eo 

"Tô" 

Oi 

l^ 

(>) 

"^^ 

o 

CM 

■«-1 

<=> 

05 

CD 

M 

co 

eo 

r^ 

O 

œ 

co 

T-i 

lO 

CO 

CO 

t^Q 

£ 

CM 

^r< 

A 

co 

ce 

'S 

li    « 

>:! 

th 

A 

^i 

ffl 

>] 

"^ 

O 

I- 

L-J 

(3i 

CD 

i- 

O 

-* 

"o" 

o 

O 

-sf 

72 

CO 

<r> 

CD 

CD 

O 

c^ 

OO 

^^ 

U3 

SD 

O 

o 

^, 

co 

00 

^1 

ce 

eo 

J 

y: 

.  1- 

co 

00 

irt 

r^ 

W 

> 

cd 

co 

'T* 

Tri 

"—H 

0 

•  Ci 

E">i 

Ll" 

C^ 

«r^ 

ai 

CO* 

'a 

^r- 

CTi 

f^y 

CM 

C75 

52 

X 

fa 

1 

■^ 

00 

a 

< 

' 

'^ 

C5 

"  ^. 

i- 

-* 

lO 

o 

O 

o 

'T 

J^ 

M 

-^— 1 

^H 

co 

; 

«  o 

o 

o 

7} 

co 

«* 

CO 

(M 

l~ 

lO 

c» 

F  o 

o 

o 

|Z 

• 

-►J       • 

^ 

^ 

« 

'< 

-^ 

CD 

^H 

e>i 

LO 

o 

'-—    f^ 

•— ' 

Vf 

_ 

«^^ 

•^ 

^ 

co 

co 

D 

^ 

È 

0 

0) 

co 

iO 

"œ 

•5j< 

^ 

0 

^ 

o 

-T" 

ij 

T-l 

oo 

eo 

~f 

00 

in 

ïO 

l< 

.  7, 

p 

c^ 

co 

C5 

CO 

m 

o 

CD 

î\ 

i 

a 

« 

« 

th 

•r-i 

co 

'^ 

œ 

5 

o 

¥^ 

(/) 

< 

< 

u 

j 

h 

(M 

î- 

L~ 

T 

wr* 

^ 

«^ 

o 

«Jt 

^— 1 

o 

•«-H 

i^ 

L-5 

^— 

<x 

O 

zr> 

< 

H 

O 

«M 

O 

CO 

CD 

O 

s 

■u 

(X 

o 

l'a 

-J 

« 

«!^ 

LO 

s 

s 

« 

s 

P! 

oc 

•UJ 

■>rH 

O 

LÔ 

£- 

CD 

o 

J2 

o 

O 

CO 

^H 

CO 

lO 

&. 

0 

T-l 

(M 

^ 

O 

co 

rô 

— 

CO 

/ 

co 

OO 

O 

~^^ 

O 

00 

1 , 1 

C^ 

i- 

•!-l 

lO 

CD 

«J) 

c- 

05 

00 

liO 

Ci 

_J 

lO 

î' 

^     R 

co 

î> 

^-1 

Ci 

C3 

OO 

c= 

^ 

Û 

CCI 

fO 

I- 

o 

"ïc 

00 

CD 

,-v 

^ 

!^ 

OC 

^ 

'^ 

•!^ 

t:^ 

05 

^^ 

o 

(^^ 

CD 

lO 

co 

OO 

:2 

vj< 

OQ 

iO 

CD 

C^J 

17' 

g 

S  î^ 

<* 

T— 1 

C^J 

û 

c_ 

^— ( 

od 

OO 

lO 

o 

ci 

z 

-l"^ 

-S 

T— 1 

•w 

T— C 

1— 1 

(TJ 

(>J 

l^ 

■:; 

o 

j 

«M 

"^ 

^— 1 

«rH 

Ci 

0 

cS 

^ 

CQ 

> 

LU 

ce 

1— ( 

o; 

— 

en 

ce 

X 

OO 

lO 

W 

^ 

r^ 

Ô 

co 

ce 

•^ 

o 

v: 

«* 

«r^ 

co 

lO 

C3 

?— 

(M 

oo 

Ll 

■^ 

^ 

£- 

CD 

-^ 

z 

c-> 

LU 

r^ 

CD 

c: 

Cl 

ce 

«tH 

^ 

00 

^ 

^ 

05 

es 

■UJ 

-^-H 

—1 

^ 

oa 

H 

H 

Z 

P 

<< 

z 

p 
•«1 

H 
O 

;   s 

H 
O 

a 

R 

1           «0 

XI 

c 

Eh 

Q 

rt 

o 

c 

Z 

^ 

bO 

X 

i           <! 

Z 

;- 

60 

c 

O 

ce 

C 

< 

O 

ce 

i= 

CQ 

< 

£ 

tf 

c 

5          O 

C 

5         ^ 

a 
5       C 

5   '  '^ 

ce 

ec 

O 

<3 

a 

= 

< 

^ 

:   ^ 

5      F 

^ 

^ 

^ 

c 

PC 

É= 

PRODUITS    AGRICOLES    1899-1900 


TERRITOIRE  MILITAIRE  (Européens) 


c 

if: 

•o 

I^^ 

i ~ 

o           ir. 

u:  = 

o: 

o 

r^'    m 

^■f 

'" 

* 

(M 

" 

« 

a 

a 

c  -S 

— 

cm 

< 

1 

1 

z 

1        '■'' 

cf 

1 

1 

g  . 

« 

a 

a 

a 

ni 

"ô 

C 

ï            a             1             « 

ffl    ■ 

y] 

"^ 

1 

X 

-x. 

— 

<=e 

>  \ 

O             1            O 

"î^ 

iO 

O          1         o 

ti!- 

^  ,i 

en 

O            1           O 

a          s         d          1         d 

X 

'W 

<=> 

5 

>4<               i              -<r 

D 
< 

1- 

' 

l 

O            O            C 

o 

^~ 

O               1             <=. 

co         c: 

Vf 

1              r- 

:/2 

(M 

<^J 

g 

X 

CO               1             CCI 

Z 

<^ 

— 

•"^ 

J 

i  "^ 

a- 

(3 

z 

o 
oo 

0       s 

to 

Oi               1             (M 

UJ 

o 
> 

OJ 

o\ 

<     i 

o 

a            a 

(0 

<     "" 

■^ 

UJ 

J 

h 

c 

o         en 

o 

^ 

H                                                          .*— l 

C 

Oi 

< 

a 

ce 

oo 

w 

ce 

Ail 
0 

K 

o.         ^ 

C5 

3 

a            a 

o 

CL. 
\ 

1- 

lO 

eo 

CD 

C 

:                        lO 

co 

1                                  iTS 

co 

^ 

,'      "S 

.ti 

T-H            a           c 

>                                            T-1 

co 

^ 

J 

Cv 

1                         M 

ce 

o 

1/: 

r-' 

Oi 

i 

lO             t- 

ir 

5                         t^ 

12 

o 

ce 

o 

Gi 

UJ       s 

(M 

'W 

z  /    "r: 

0      ^ 

^ 

^" 

— 

LU 

r"?              <=>              '^ 

(- 

> 

Oï           C^J           T- 

<                             Ci 

a: 

'^^ 

'^ 

X- 

wo 

to 

o 

05 

c: 

«T 

»* 

Xj 

a 

!i^ 

Cl 

<M 

-UJ 

ra 

00 

\     ^ 

E- 

;■ 

H 

Z 

..• 

H 

Z 

Q 
Z 

O 

ce 

ee 

<5 

c 
a, 

c 

£ 
a 

E- 

O 

S 
u 

s 

z 

O 

2 

Cfl 

O 
Cfl 

w 
ci; 
a 

1 
c 

< 

c 
c 

Ê 

a 
E- 

Totaux 

PRODUITS    AGRICOLES    1899-1900 


TERRITOIRE  MILITAIRE  (Indigèoes) 


CTj 

r?5 

^ 



LO 

ï 

C5 

o 

K    £ 

O 

C^ 

as 

j;; 

s  fe 

» 

"^ 

« 

» 

R 

a 

lO 

lO 

o  -S 

.a 

eu 

-tî 

lO 

lO 

, 

»e 

1-^ 

O 

05 

/ 

co 

>■£ 

cb 

K 

a 

ta 

« 

T-l 

T-< 

m     "i 

"o 

ttl  = 

m 

y  1 

-= 

> 

/ 

O 

iC 

ira 

o 

\ 

o 

o 

en 
w 
> 

-* 

£- 

ce 

o 

th 

(M 

^  J 

o 

« 

o 
o 

o 
o 

X 

<=> 

- 

ira 

ira 

D 
< 

\ 

l^ 

t^ 

O 

^ 

/ 

1- 

c^ 

<* 

O 

•* 

/ 

cfi 

Ci 

ce 

se 

£ 

Z 

5 

-^ 

-tf       ^ 

tt 

» 

a 

'5 
S 

ce 

"o 

0 

(0 

1    - 

1 

l{ 

g 

« 

„ 

a 

A 

0]    ■£ 

i  « 

a 

« 

a 

V) 

O 
> 

<     -- 

J 

j 

h 

' 

ZO 

O 

-=r 

CD 

< 

o 

ce 

— — 

-J 

'-/3 

o 

ce 

T-l 

co 

lO 

C5 

1 

1      — 

« 

«: 

« 

a 

ce 

ce 

G^J 

CJ 

<o 

'U 

o 

"^ 

0 

^■^^^ 

(        '-^ 

£ 

LU 

« 

^ 

^ 

^ 

— 

rt^      ^ 

a 

» 

a 

CD 

LU 

-S 

<Z> 

es 

-= 

K 

o 

— 

^— 

^—c 

\ 

GO 

O 

00 

CD 

w|    s 

D 

cr: 

00 

en 

ce 

03 

O 

Ul        a 

C_            ^ 

ft 

a 

"îj* 

I- 

o 

ci 

zi  1 

-2 

.fc] 

Ol 

ce 

OJ 

J 

0  \  ^- 

•= 

eo 

> 

o 

o 

o 

1 

~ 

ci 

c^i 

GO 

1                 !^ 

,— , 

t>J 

ce 

ira 

1— 

g 

V* 

•^ 

^ 

" 

** 

' 

'^ 

*~" 

rt 

>LlJ 

£U 

CÛ 

H 

H 

Z 

s 

■< 

z 

u 

« 

X 

D 
-< 

a 

E-< 

u 

H 

Cfi 

ô 

CT' 

O 

5 

ç. 

es 

c 

H 

C/3 
S 

c; 

c: 

1 

S 

H 

o 
ce 

ce 
r? 

a. 

1 

o 
ce 

■ 

Ë 

ce 

< 

C 

< 

0. 

RECENSEMENT 

de  la  Population  du  Département  d'Oraa  en  i901 


TERRITOIRE    CIVIL 


Mascara  (ville)  :  20.922  hab.,  dont  9.045  indigènes. 
Total  de  l'arrondissement  de  Mascara:  173.061,  dont  145.502 
indigènes. 

MosTAGANEM  (ville)  :  18.090  hab.,  dont  9.134  indigènes. 
Total  de  l'arrondissement  de  Mostaganem  :   287.658,   dont 
260.081  indigènes. 

Oran  (ville):  89.253  hab.,  dont  12.417  indigènes. 
Total  de  l'arrondissement  dOran  :   265.140,   dont  113.297 
indigènes. 

Bel-Abbès  (ville)  :  25 901  hab.,  dont  5.947  indigènes. 
Total  de  l'arrondissement  de  Bel-Abbès:  90.544,  dont  50.785 
indigènes. 

Tlemcen  (ville)  :  35.468  hab.,  dont  24.234  indigènes. 
Total  de    l'arrondissement    de    Tlemcen  :    143.577,    dont 
116.779  indigènes. 

TOTAL  DU  DÉPARTEMENT 

Population  civile:  959.980  habitants,  dont 686.444 indigènes. 

Nota.  —  Dans  ces  chiffres,  ne  sont  pas  comprises  les 
troupes  en  territoire  civil,  ni  les  populations  indigènes  en 
territoire  militaire. 


TERRITOIRE    MILITAIRE 


Européens 

Indigènes 

Subdivision  de  Mascara. . . 

723 

40.554  = 

41.277 

—          d'Aïn-Sefra  . . 

.     3.090 

69.625  n 

72.715 

—          de  Tlemcen... 

.     3.249 

30.133  = 

33.382 

Totaux . . . 

.     7.062 

140.312 

147.374 

MOUVEMENT 

DES    FRANÇAIS    âc    DES    ÉTRANGERS 
dans  le  port  d'Oran,  en  1902 


FRANÇAIS    (civils    et    militaires),    arrivés   à    Oran,    par 
voie  de  mer,  du  l*"""  janvier,  au  31  décembre  1900  :  27.628. 

FRANÇAIS    (civils    et    militaires),    partis    d'Oran,    par 
voie  de  mer,  du  1*^'"  janvier,  au  31  décembre  1900  :  24:. Ml. 

ÉTRANGERS   de  toute  nationalité,    arrivés  à  Oran,   par 
voie  de  mer,  du  l''''  janvier,  au  31  décembre  1900  :  24.104 

ÉTRANGERS    de    toute    nationalité,    partis    d'Oran,   par 
voie  de  mer,  du  l^""  janvier,  au  31  décembre  1900  :  23.950. 

BOUTY, 

Secrétaire  Général   honoraire. 


LXXII 


OBSERVATIONS  MÉTÉOROLOGIQUES 


< 

ce 
o 

Q 

N3 
!^ 

I 

< 

u 

a 

O 


Xi 

s 

> 

0 


-si 


G 
o 

H 


o 

MM 

H 

> 

PS 

CQ 
O 




=s=^^ 



oc      îr              M 

i    ■=.-    1 

O      »^      (Tl      O      "^      00 

-^     "°             ^ 

1                                                    .—V 

LU            CM 

C5       LO       'î*       ^ 

^      -rH       00 

S            <=> 

«!*"    cvf    c-r    :^   co    of 

g            ^ 

T-l        ^H        ^-1 

T-i      rH 

1                     , , 

C3                   C3 

I    -UJ         *" 

O^      C5^     ^^      (>]_     (?1^     00^ 

—5     H-         -to 

o"    >sf    «jf    irf    zo    o" 

UJ                         03 

z           2- 

^-^ 

/                         ^ 

(M     co     lO     -^     ce     c: 

S   -«» 

o      <=> 

co     co     co     co     co     CN 

(« 

u.      a> 

H 
?5   < 

> 

o            «" 

S   -o    •^ 
.—            c 

^     "=     aé     ss     ^ 

1 

\   Q 

::»      o« 

1 

^     LU 

j 

oc            i/> 

co     »     5- 

o      o      o      vj!      LO      Ci 

00 

W 

2= 

-^ 

c» 

^    < 

i  !r" 

-S       1  '^ 

co     00     r- 

00 

-Q     , y 

r\ 

£  S-ê 

o      o      o      00      LO      co 

i> 

-S       El 

00       CI 

V 

"T- 

Cl 

07     I>     »^     c^     i>     o 

ï^ 

N0liVU0dVA3 

co      t>      LO      lO      '«J'      co 
o       »*      GO       >^      o       I> 

co      00      CN      co      TH      .rH 

CO 

1         SJJ                       CD 

1 

tu     S     *-^ 

''J*     c:     i>     o     t>     o 

j 

C3         -^         ^ 

00      l>       I>       00       (M       CM 

1    "^     î 

C^       l- 

.      CO       CO      CD      O 

ë  2      1  ;, 

05      iO^     "<!-|      iO^     t>      l> 

^  S -S  s- s 

co"     !>"     lO      co      Ci      C-' 

LU      2               «J    ""^ 

^H      «th      r-i      TH 

H-     E           — 

/    ë   1 

CO      T-      LO      00      CM      «^        1 

c 

1  „ 

CI       »0       »?(<      CO       C^       v}< 

es 

o 
E 

C^         CI         C^         (7^         'TH         -TH 

i  <: 

1 

E 

oc 

(>»      co      00      CI      o        1 

Π  < 

■x 

r- 

O      C5       CT)       tH      t^ 

•H 

E 

<M 

CO      O       d       (M      T- 

u 

^         1 

ïC 

C 

I>      OC 

co 

00^ 

H 

E 

•S 

t> 

C 

"    Ci     l> 

c: 

'^ 

^           i         1 

T^ 

(M      T- 

"^ 

"T- 

•r* 

S     1 

a 

Ci 

^    «J* 

ce 

C5 

^2     E     g.    g 

C" 

Cl 

c. 

'S* 

»=^ 

o" 

LU       °     'tl       ^*^ 

ci 

c 

Ol     c^ 

c^ 

CI 

£    -S    ■"     E 

t-- 

c^ 

L-- 

î^     t> 

I> 

-■ 

22 

o 

>< 

2 

^ 

p 

<; 

H 

O 

O 

W 

0) 

0) 

H 

r" 

1 

o. 

&H 

^ 

■< 

C 

^1 

i 

> 
o 

< 

c/: 

C 

Z 

-^ 

5^^j 

g^^ 



S  « 

— '  ^ 

s  sa 

cj  -a 

"^  t_ 

>  co-^ 

c  ° 

'^  01  co 

-a  -a 

K  !    to 

i  ^^ 

a  93  ta 

Il  s 

îî  C'a 

ro  ,^  co 

O  CJ   t. 

-t3  o  3 

»J  ■«  « 

N  «3   m 


73 

">3 

rt 

is: 

o 

<T 

►*! 

-3 

ir^ 

"■) 

"< 

T3 

fc* 

3 

a; 

"^ 

bq 

« 

co 

J 

o 

STATION  IHÉTÉOROLOGIQVE  DE  SiKTA-CRlJZ 


Altitude  374  mètres 


EXPOSÉ  SOMMAIRE  DES  RÉSULTATS  OBTENUS 

du  1''  Juin  1901  au  30  Novembre  1901 


Afin  de  donner  quelques  résultats  qui  puissent  être  comparés 
aux  moyennes  barométriques  obtenues  à  Oran  depuis  1875,  il  est 
bon  de  réduire  le  baromèti'e  à  zéro  et  au  niveau  de  la  mer.  Les 
résultais  annexés  au  tableau  ci-contre  deviennent  respectivement: 
754,3,  753,5,  754,6,  755,7,  758,2  et  758,6.  A  Oran  la  pression 
barométrique  moyenne  mensuelle  décroit  de  Février  au  mois 
d'Août  pour  croître  d'Août  au  mois  de  Février.  Ce  résultat  à  été 
confirmé  depuis  l'installation  de  l'observatoire. 

C'est  pendant  le  mois  d'octobre  que  l'oscillation  barométrique  a 
été  la  plus  forte  s'élevant  à  16"/""  6,  tandis  que  la  plus  faible 
différence  entre  le  maximum  et  le  mininum  a  été  de  8""/™  1 
pendant  le  mois  de  Juillet.  Durant  cette  période  étudiée  l'enregis 
Ireur  a  permis  de  constater  que  la  plus  faible  pression  barométri- 
que a  été  de  717"/'"  1,  le  13  Juin,  à  cinq  heures  du  matin,  et  la 
plus  forte  de  734'"/"',  à  10  heures  du  soir,  le  30  Novembre,  à 
l'altitude  de  cet  instrument. 

Pendant  ces  six  mois,  il  a  été  constaté  que  d'après  l'ordre  des 
mois  le  mininum  des  minimas  a  été  respectivement  :  16°,  16°, 
12°,  14°,  9°  et  5°  et  que  le  maximum  des  minimas  a  été  :  19°2,  24°, 
22''4,  24°6,  18°  et  15°6. 

Le  minimum  des  maximas  a  été  :  15°8,  24°6,  26"2,  21°8,  15°2  et 
12°4,  et  le  maximum  des  maximas  33"^,  37°8,  35°2,  41°,  28*6 
et  26°8. 

L'enregistreur  montre  que  la  température  la  plus  élevée  a  été  de 
4l°5,  le  2  septembre,  à  2  heures  du  soir,  et  que  la  température 
ja  plus  basse,  de  4°8,  le  30  novembre,  à  4  heures  du  matin. 

La  moyenne  mensuelle  des  mois  de  Juin,  Juillet  et  Septembre  a 
été  supérieure  à  la  moyenne,  celle  des  mois  d'Août,  Octobre  et 
Novembre  lui  a  été  inférieure.  Pendant  ces  mois,  la  variation 
diurne  a  été  respectivement  de  :  9°9,  10°4,  'I0°9,  11°7,  7°5  et  7"! 
résultats  supérieurs  aux  moyennes  mensuelles.  La  plus  forte 
variation  diurne  a  été  de  19°4,  le  4  Septembre,  et  la  plus  faible  de 
1°8,  le  2  Novembre. 


LXXIV  STATION  MÉTÉOROLOGIQUE  DE  SANTA-CRUZ 

La  tension  de  la  vapeur  d'eau  a  été  supérieure  à  la  moyenne 
pendant  les  mois  de  Juin  et  Juillet  et  inférieure  pendant  les  quatre 
autres  mois.  La  plus  faible  a  été  de  4"/'"  4,  le  24  Octobre,  à  7  heures 
du  matin,  et  la  plus  forte  de  '26"/"'  1,  le  26  Août,  à  1  heure  du  soir. 

L'humidité  relative  qui  est  utile  à  connaître  au  point  de  vue 
climatologique,  a  subi  la  même  progression  que  la  tension  de  la 
vapeur  d'eau.  Elle  a  été  supérieure  à  la  moyenne  pendant  les  mois 
de  Juin  et  de  Juillet,  d'une  façon  très  sensible  et  fortement 
inférieure  pendant  les  quatre  autres  mois.  Le  maximum  a  été  de 
94  0/0,  le  14  Septembre,  à  une  heure  du  soir,  et  le  minimum 
de  34  0,0,  le  27  Août,  à  1  heure  du  soir,  et  le  14  Septembre,  à 
7  heures  du  matin. 

Ne  connaissant  pas  l'évaporation  moyenne  à  Oran,  il  faut 
comparer  les  résultats  avec  ceux  qui  sont  connus  au  Cap  Falcon. 
Par  ?4  heures  l'évaporation  est  presque  le  double  à  Santa  Cruz 
qu'à  ce  dernier  endroit.  Conformément  à  des  lois  bien  connues  en 
ptiysique  ce  résultat  n'a  rien  de  bien  surprenant,  étant  donné  la 
fréquence  et  l'intensité  des  vents  qui  régnent  à  l'observatoire  et 
qui  favorisent  ce  phénomène  d'évaporation. 

Les  observations  de  l'état  ozonométrique  de  l'air,  ne  font  que 
confirmer  des  résultats  acquis  depuis  la  création  de  la  station. 
Ces  résultats  dépassant  toujours  10  sur  ?0  indiquent  une  grande 
pureté  de  l'air,  par  rapport  aux  résultats  ne  dépassant  5  que  l'on 
observe  à  l'hôpital  militaire. 

Quant  à  la  pluie,  les  instruments  ont  donné  pendant  les  trois 
premiers  mois  une  quantité  inappréciable.  Les  mois  d  Octobre  et 
de  Novembre  dépassent  de  beaucoup  la  moyenne  mensuelle  qui 
s'y  rapporte.  Le  mois  de  Novi  mbre  donne  à  lui  seul  62"/°'  de  pluie 
de  plus  que  la  moyenne  correspondante  à  ce  mois. 

Pendant  cette  période  le  nombre  de  jours  où  1  on  a  entendu  le 
tonnerre  accompagné  d'éclairs  a  été  respectivement:  1,  3, 
1,  3,  7et0. 

A.  GUILLAUME, 

Préparateur  de  physique  et  de  chimie  au  Lycée, 

Calculateur  à  l'Observatoire  de  Santa-Crui. 


OUVRAGES  OFFERTS  A  LA  SOCIÉTÉ 

PENDANT  LE  2^  SEMESTRE  1901 


I 


Elisée  Reclus.  —  L'enseignement  de  la  Géographie.  Réunion 
d'Etudes  Algériennes.  Quelques  notes  sur  le  pétrole  dans  le 
département  d'Oran. 

M.  Varnier.  —  Rapport  sur  les  opérations  des  Sociétésindigènes 
de  prévoyance  de  secours  et  prêts  mutuels  des  communes  de 
l'Algérie  pendant  l'exercice  18^9 -'900  (Gouvernement  général 
de  l'Algérie  ). 

MiNiSTERio  DA  ISIarinha  e  Ultramar.  —  Album  de  estatistica 
graphica  dos  Caminhos  de  ferro  portuguezes  dos  provincias 
ultramarinas,  1898. 

L.  Gallois.  —  Les  Andes  de  Patagonie, 

Gustave  Milsom.  —  Le  chemin  de  fer  d'Oran  au  Maroc.  Les 
Chemins  de  fer  marocains. 

"Willi  Ule.  —  Der  Wiirmsee  (Slarnbergersee)  in  Oberbayern.  — 
(Atlas). 

M.-G.-B.-M.  Flamand.  —  Sur  la  présence  du  dévonien  à  Calceola 
sandalina  dans  le  Sahara  occidental  (Gourara,  Archipel 
touatien). 

G*^  Derrécagaix.  —  Des  cartes  d'Europe  en  19C0. 

Gustavo  Niederlein.  —  Catalogue  des  collections  des  produits 
du  sol  des  Colonies  françaises  d'Amérique  à  l'Exposition  Pan- 
Américaine  de  Buffalo  (1901). 

Augustin  Bernard.  -  Revue  bibliographique  des  travaux  sur  la 
géographie  de  l'Afrique  septentrionale  (4°  année). 

H.  Kern.  —  Histoire  du  Bouddhisme  dans  l'Inde,  Tome  premier 
(Annales  du  Musée  Guimet). 

E.  Chancogne.  —  Barrages  sur  la  Tafna. 

Augustin  Bernard.  —  L'Afrique   du   Nord  et   l'Empire  colonial 

français. 

f     P  Les    Entretiens    économiques    et    financiers, 

)       journal  paraissant  le  5  et  le  20  de  chaque  mois. 
Journaux       {    r^  %     r-,  ■     i ,  i.        ^  j    i    d    . 

]    2°  La  Garonne  navigable,  supplément  de  la  necue 

{        Commerciale  et  Coloniale  (  n°  3  ). 

R.    Gautier.  —  Résumé    météorologique  de  l'année  1899  pour 

Genève  et  le  Grand  Saint-Bernard. 


LXXVI  OUVRAGES  OFFERTS   A   LA  SOCIÉTÉ 


CARTE 


I 


R.  Gautier.  —  Obsei-vations  météorologiques  faites  aux  fortifica- 
tions de  Saint-Maurice  pendant  l'année  1899. 

M  -J.  de  Rey-Pailhade.  —  Unification  des  mesures  angulaires 
pour  les  cartes  de  l'Armée  de  terre  et  pour  les  Cartes  de  la 
Marine. 

G.  Marinelli.  —  L'Accroissement  du  Delta  du  Po  au  XIX'  siècle. 

Ministère  des  Colonies.  —  Statistiques  Coloniales  pour  l'année 
1899  (Commerce). 

F.  Foureau.  —  D'Alger  au  Congo  par  le  Tchad.  Relation  de  la  _ 

Mission  Saharienne  avec  170  figures.  Masson,  1902.  ■ 


Gouvernement  g"'  de  l'Algérie.  —  Carte    géographique   arabe 
indiquant  les  territoires  occupés  par  la  France,  en  Afrique. 


ERRATA 


TOME  XIX 

Page  525,  5^  ligne  :  supprimer  von  den  Herren  et  von  Fritsch, 
mettre  :  Drs.  G.  von  Fritsch  et  J.  .T.  Rein. 

TOME   XX 

Pages  104  et  suivantes  :  au  lieu  de  9%  lO^,  lie  famille, 
lire  8%  9%  10°  famille. 

Page  110,  2e  alinéa  :  mettre  occipital,  interpariétal  et  frontal 
au  féminin. 

Page  117  :  remplacer  variété  fusca  par  variété  brunnea. 

Page  349  :  supprimer  le  l^''  alinéa  (9  lignes).  Les  corps  en 
forme  de  graines  de  melon  étaient  des  parasites. 

Page  369:  Il  faut  écrire  Lythorynchus  au  lieu  deLithorynchus 
(Blg.,  in  litt.) 

Dans  le  tableau  mettre  variété  Hirouxii  à  la  place 
de  L.  diadema  et  réciproquement. 

Page  390,  avant-dernière  ligne  :  au  lieu  de  ventrales,  mettre 
rangées  dorsales. 

TOME  XXI 

Planches  XXVI  et  XXVII  :  les  figures  3  h,  c,  d,  e,  sont 
grossies  —  ;  toutes  les  autres  sont  de  grandeur  naturelle. 


APPENDICE 


Il  y  a  des  Colubridées  vivipares,  même  en  Algérie, 
Coronella  par  exemple  {B\g.  in  liti.)    , 

En  1899,  j'ai  mis  plusieurs  Agama  Bïbron'i  dans  le 
ravin  situé  au  sud  du  Polygone  d'Oran. 

J'ai  pris  Saurodactylus  mauritanicus  au  Coudiat  el 
Abada,  à  Sidi-Yahia,  à  14  kilomètres  sud-ouest  de 
Sebdou. 

A  Sebdou,  le  discoglosse  est  désigné  sous  le  nom 
de  grenouille  de  prairie  et  consommé. 


Bibliographie.  —  MM.  Anderson  et  Werner 
ont  puljlié,  vers  1898,  sur  les  Stenodactyles  du  nord  de 
l'Afrique  un   travail  que  je  ne  connais  pas. 

M.  Ernest  Olivier  a  publié,  en  1899,  Les  Serpents  du 
nord  de  l'Afrique  (in  Manuel  pratique  de  lAgriculture 
algérienne,  par  MM.  Rivière  et  Lecq). 


LA  VILLE  DE  PAS 

(FEZ) 


Conférence  faite  sous  les  auspices  de  la  Société  de  Géographie  et  de  la  Société  Oranaise 
de  l'Enseignement  par  l'Aspect 

au   Théâtre    municipal    d'Oran,    le    27    février    1901 

PAR  M.  Auguste  MOULIÉRAS 

chargé  d'une  Mission  officielle  au  Maroc  en  içoo 


M.  le  lieutenant-colonel  Derrien,  président  de  la  Société  de 
Géographie  d'Oran,  présente  le  conférencier  en  ces  termes  : 

Mesdames,  Messieurs, 

J'ai  l'honneur  de  vous  présenter  M.  Mouliéras,  pour  la  forme 
bien  entendu,  car  vous  connaissez  tous  le  savant  professeur  à  la 
Chaire  publique  de  langue  et  de  littérature  arabe  d'Oran,  le 
sympathique  \"  vice-président  de  la  Société  de  Géographie. 
Vous  savez  tous  que,  né  à  Tlemcen,  à  deux  pas  du  Maroc,  il  s'est 
intéressé  toute  sa  vie  à  ce  mystérieux  empire  des  chéri fs. 

Le  sphynx  marocain  l'a  toujours  attiré  et  non  content  des 
renseignements  puisés  sans  relâche  aux  sources  les  plus  auto- 
risées, auprès  des  nombreux  personnages  de  ce  pays  qui  viennent 
visiter  l'Oranie  et  surtout  auprès  d'un  derviche  merveilleux  qui 
depuis  22  ans  parcourt  le  Maroc  en  tous  sens  et  nous  fait  profiter 
de  ses  découvertes  et  de  ses  observations  ;  non  content,  dis-je,  de 
ces  renseignements  qui  nous  ont  valu  la  publication  de  deux 
volumes  remarquables  sur  le  Maroc  inconnu,  M.  Mouliéras 
a  voulu  voir,  entendre  et  juger  sur  place,  par  lui-même. 

Son  rêve  s'est  enfin  réalisé  et,  l'an  dernier,  il  obtenait  du 
Ministre  de  l'Instruction  publique  la  direction  d'une  Mission 
scientifique  à  Fez,  mission  que  la  Société  de  Géographie  et 
la  Chambre  de  Commerce  d  Oran  s'empressèrent  de  favoriser  par 
des  subventions. 

En  prenant  contact  avec  les  étudiants  et  les  fekyrs  du  Maroc, 
M.  Mouliéras,  qu'ils  ont  surnommé  le  «  cadi  des  Chrétiens  »,  n'a 
eu  qu'un  seul  but  :  celui  de  faire  aimer  et  apprécier  la  Franco, 
notre  patrie  qui  est  déjà  au  fond  de  leurs  pensées  à  tous,  autant 
par  l'effet  de  notre  voisinage  que  par  l'intuition  de  la  force. 

M.  Mouliéras,  en  pénétrant  ainsi  au  cœur  du  Maroc,  a  accompli 
une  œuvre  de  prévoyance  essentiellement  patriotique  et  de  défense 
nationale,  car  il  y  a  planté  un  jalon  destiné  à  devenir  un  jour 
la  hampe  du  drapeau  protecteur  de  la  France  au  Maroc. 

La  parole  est  au  conférencier.  (Applaudissements.) 


LA  VILLK    DE   FAS 

(FEZ) 


«  Mesdames,  Messieurs, 

a  Dans  ma  dernière  conférence  à  la  Sociale  de  Géographie 
d'Alger,  je  me  suis  arrêté  aux  portes  de  la  ville  de  Fas  parce 
que  je  réservais  à  mes  concitoyens  oranais  la  surpi'ise  de  les 
inviter  à  pénétrer  avec  moi  dans  la  grande  cité  marocaine  qui 
est  considérée,  d'un  bout  à  l'autre  de  l'Afrique  Mineure, 
comme  le  boulevard  indestructible  de  la  foi  islamique,  comme 
le  sanctuaire  oi^i  s'épanouissent,  de  nos  jours  encore,  les  vertus 
des  saints  de  l'Islam  ainsi  que  les  Sciences  arabes  qui  rendirent 
célèbre  autrefois  le  siècle  de  Haroun-er-Rachid  ;  —  et  je  disais 
à  nos  chers  voisins  les  Algérois  : 

—  «  Les  mille  impressions  qui  m'assaillirent  quand  je  vis 
pour  la  première  fois  cette  capitale  du  Maroc  au  détour  d'un 
monticule,  quand  ses  minarets,  hauts  comme  des  tours, 
m'apparurent  llambants  sous  les  rayons  d'or  du  soleil  levant, 
non.  Messieurs,  ce  n'est  ici  ni  le  moment  ni  l'occasion  d'es- 
sayer de  vous  les  décrire.  * 

En  parlant  ainsi,  je  pensais  à  vous,  mes  chers  auditeurs,  et 
je  n'avais  garde  d'oublier  non  plus  que  j'avais  contracté  une 
dette  d'honneur  envers  la  Société  de  Géographie  d'Oran  et 
qu'il  me  faudrait  bien  tôt  ou  tard  lui  offrir  publiquement  le 
juste  tribut  de  ma  reconnaissance. 

Or,  non  seulement  les  dévouements  et  les  bonnes  volontés 
sont  venus  à  moi  du  sein  de  cette  Société,  mais  j'ai  trouvé 
encore  chez  sa  sœur  cadette,  la  Société  de  l'Enseignement  par 
V Aspect,  le  plus  louable  empressement  à  mettre  à  ma  disposi- 
tion la  totalité  de  ses  ressources,  ses  projections,  son  matériel, 
cette  salle  enfin  où  son  dévoué  président  et  ses  principaux 
collaborateurs  prodiguent  aux  intelligences  avides  de  s'ins- 
truire leur  temps,  leur  patience  et  aussi  les  trésors  d'une 
haute  culture  i;itellectuelle  que  vous  vous  plairez  sans  doute  à 
saluer  avec  moi  de  vos  acclamations. 


LA  VILT^E  DE  FAS  (fEz)  3' 

Il  nous  faut  reprendre  maintenant  notre  récit  au  point  où 
je  l'ai  laissé  à  Alger,  c'est-à-dire  au  jour  même  de  mon  entrée 
à  Fas  le  !«■•  Mars  1900. 

Nous  avions  campé  la  veille  près  de  la  grosse  bourgade  de 
Douiyèt  dont  les  gourbis  couverts  de  chaume  se  dressent  à 
une  faible  distance  d'une  belle  nappe  d'eau  qui  pourra 
devenir,  au  jour  lointain  d'une  domination  européenne, 
le  rendez-vous  du  monde  élégant  et  sportif  de  Fas,  quelque 
chose  d'analogue  à  nos  étangs  du  Bois  de  Boulogne  ou  de 
Vincennes. 

La  nuit,  une  nuit  chargée  de  ténèbres  et  d'orage,  s'était 
passée  pour  moi  dans  l'attente  fiévreuse  du  lendemain,  jour 
tant  désiré  où  mes  yeux  pourraient  voir  surgir  enfin  devant 
eux  la  ville  féerique  aux  cent  minarets,  la  sainte  cité  qui 
compte  parmi  les  agglomérations  humaines  les  moins  connues 
et  les  plus  mystérieuses  du  Continent  noir  tout  entier.  Et  les 
réflexions  me  venaient,  abondantes  et  graves,  me  posant  leurs 
points  d'interrogation  lancinants,  très  troublants  je  vous 
l'assure.  —  Était-il  possible,  en  effet,  à  un  simple  serviteur  de 
la  science  comme  celui  qui  a  l'honneur  de  parler  devant  vous, 
de  se  lancer  sur  l'océan  des  mille  questions  sociales,  religieu- 
ses, administratives,  universitaires  et  scientifiques  dont  le 
vaste  champ  n'a  pour  ainsi  dire  été  exploré  par  personne,  pas 
plus  du  reste  par  les  polygraphes  magribins  eux-mêmes  que 
par  les  écrivains  de  la  Vieille  Europe  ?  N'avait-on  pas  en 
France  des  savants  d'une  autre  envergure  que  la  mienne, 
infiniment  mieux  qualifiés  que  moi  pour  l'énorme  et  encyclo- 
pédique labeur  à  entreprendre  ? 

Fausse  modestie  qui  nous  tues,  m.odestie  qui  n'est  en 
somme  que  la  peur  exagérée  du  ridicule,  combien  de  Français 
des  plus  heureusement  doués  ne  sont-ils  pas  tes  quotidiennes 
victimes  ?  Voyez  l'Anglais  par  exemple,  voyez  les  autres 
cosmopolites  errant  à  travers  les  peuples  et  les  races, 
éprouvent-ils  au  même  degré  que  nous,  connaissent-ils  seule- 
ment cet  extrait  alambiqué  de  la  pudeur  aiguë  qui  s'appelle  la 
crainte  du  ridicule  ?  Hélas  !  ce  sentiment,  qui  déprime  chez 
nous  les  plus  puissantes  intelligences,  leur  est  inconnu,  et 
c'est  ce  qui  fait  leur  force. 

Vouloir,  c'est  pouvoir.  Telle  est  la  formule  que  les  difficultés 
et  les  nécessités  de  plus  en  plus  croissantes  de  la  vie  moderne 
imposent  aux  nations  comme  aux  individus  qui  persistent  à 


fr  LA   VILLE   DE   TAS   (FEZ) 

tendre  des  mains  éperdues  vers  le  ciel  en  disant  à  je  ne   sais 
quelle  divinité  sourde  : 

—  Ya  Rebbi,  ma  nk'edrouch  ! 

—  Domine,  non  possumus  ! 

—  Seigneur,  nous  ne  pouvons  ! 

Vouloir,  c'est  pouvoir,  jusqu'à  une  certaine  limite  toutefois, 
et  c'est  ce  que  j'allais  expérimenter  dans  la  fourmilière  maro- 
caine que  ma  bonne  étoile  m'appelait  à  visiter. 

Ce  fut  par  une  pluie  aussi  fine  que  désap:réable  et  sous  les 
bourrasques  violentes  venues  de  l'Atlantique  que  notre  petite 
caravane  se  mit  en  route,  le  cap  sur  la  ville  de  Fas.  Des 
nuages  galopaient  sur  nos  têtes  et  paraissaient  courir  à  un 
unique  rendez-vous,  attirés  qu'ils  étaient  par  l'énormité  du 
massif  des  Beni-Ouarain  dont  la  croupe  neigeuse  nous  mas- 
quait l'horizon  à  plus  de  quarante  kilomètres  de  distance. 
Montagne  superbe,  dont  les  crêtes  dépassent  3,500  mètres 
d'altitude,  le  Djebel  Beni-Ouaraïn  disparaissait  complètement 
sous  la  neige,  du  sommet  à  la  base,  et  mes  Marocains  me 
disaient  que  dans  ses  forêts  et  dans  ses  retranchements  natu- 
rels vivait  un  peuple  fier  et  indomptable,  les  Braber,  qu'aucune 
dynastie  marocaine  n'a  jamais  pu  soumettre.  C'est  alors 
seulement,  c'est  en  présence  de  cette  nature  majestueuse  et 
tourmentée  qui  forme  la  région  si  accidentée  des  Braber  que 
je  compris  l'impuissance  des  Sultans  à  gravir  ces  hautes 
murailles  avec  les  éléments  hétéroclites  de  plus  en  plus 
lamentables  qui  composent  leurs  armées,  —  et,  me  souvenant 
subitement  des  paroles  d'un  de  leurs  historiens  <^\  je  demandai 
au  vieux  soldat  chérifien  qui  m'accompagnait  s'il  était  vrai 
que  les  Braber,  et,  par  extension,  la  race  entière  des  Berbères 
magribins,  étaient  bien  les  arbitres  des  destinées  du  Maroc. 

A  cette  question,  mkhazni,  muletiers,  guide  et  jusqu'au 
cuisinier  répondirent  à  l'unisson  : 

a  —  Rien  n'est  plus  exact,  ôfk'ih.  Et  nous  jurons  par  le  Coran 
qui  est  dans  ta  poitrine  que  si  les  Braber  et  les  autres  Chelouh' 
du  Rif  et  du  Sous  faisaient  cause  commune  et  se  mettaient 
en  tête  de  conquérir  le  Maroc,    le  sultan   actuel,  Moulaye 


(l)  Voyez  Maroc  Inconnu,  tome  II   page  461. 


LA   VILLE   DE   FAS  (FEZ)  5 

Abd-el-Aziz,   ne  resterait  pas  une  minute  de  plus  sur  son 
trône.  »  (•) 

Tandis  que  nous  faisions  ainsi  la  causette,  parlant  des  évé- 
nements politiques  passés  et  à  venir  et  que  la  route  s'abré- 
geait lentement  sous  les  pas  de  nos  montures,  nous  vîmes 
tout  à  coup  le  soldat  chérifien  prendre  le  triple  galop  et  s'ar- 
rêter soudain  au  milieu  du  chemin,  à  une  cinquantaine  de 
mètres  devant  nous.  Dressé  sur  ses  étriers,  les  burnous  rejetés 
en  arrière,  les  mains  ouvertes  à  la  hauteur  du  visage,  le  vieux 
burgrave  adressait  à  haute  voix  une  ardente  invocation  à 
Moulaye  Idris,  le  grand  saint  marocain  qui  est,  comme  vous 
le  savez,  le  patron  de  la  ville  de  Fas. 

Alors  il  y  eut  une  bousculade,  puis  un  brusque  arrêt  de 
toute  la  caravane  qui  s'était  empressée  d'arriver  aux  côtés  de 
l'homme  en  prière,  et  nos  yeux  émerveillés  ne  se  détachèrent 
plus  d'une  ville  énorme,  qui  s'entassait,  s'écrasait  au  fond 
d'une  vallée  trop  étroite  pour  elle,  rejetant  sur  les  deux  bords 
du  vallon  Tèxcédant  de  ses  habitations  dont  l'amoncellement 
confus  ne  rappelle  en  rien  les  quartiers  tirés  au  cordeau  et  les 
très  larges  avenues  de  nos  cités  européennes.. 

A  ce  moment  là  précisément,  un  long  faisceau  de  flamme 
partant  du  soleil  vint  illuminer  la  ville  sainte  et  faire  flamber 
les  tuiles  vernies  dR  ses  monuments  sacrés  et  les  croissants 
d'or  de  ses  innombrables  minarets.  Sous  le  ciel  vaste  et  bleu, 
un  ciel  frais  et  lavé  par  les  dernières  averses  de  la  matinée, 
l'informe  carrière  de  pierres  que  nous  avions  sous  les  yeux 
s'étirait,  s'allongeait,  sans  une  solution  de  continuité,  dans  son 
chenal  étranglé,  couvrant  en  longueur  une  surface  supérieure 
à  5,000  mètres.  Mais  ce  qui  me  ravissait  surtout,  c'étaient  les 
grandes  tours  carrées  qui  émergeaient  du  fouillis  des  mai- 
sons, les  dominant  toutes  de  leur  jet  continu  vers  les  cieux, 
minarets-colosses  qui  semblaient  d'autant  plus  hauts  qu'on 
sentait  que  leurs  fondations  reposaient  pour  la  plupart  dans 
le  creux  de  la  dépression  au  fond  de  laquelle  Fas  est  bâtie. 


(1)  Au  moment  où  j'écris  ces  lignes,  le  télégraphe  m'apporte  la 
douloureuse  nouvelle  de  l'attaque  de  Timimoun  par  les  Braber 
(18  février  1901).  Saluons,  Messieurs,  ceux  des  nôtres  qui  sont  tombés 
au  champ  d'honneur  et  insistons  auprès  des  Pouvoirs  publics  pour  que 
l'annexion  pure  et  simple  du  Maroc,  qui  est  absolument  indispensable 
au  maintien  de  notre  domination  en  A'gcrie,  soit  sous  peu  un  fait 
accompli. 


6  LA    VILLE    DE    FA  S   (FEZ) 

Pendant  que  ma  pensée,  emportée  sur  les  ailes  de  l'Histoire, 
revoyait,  à  travers  les  projections  rapides  de  la  mémoire,  la 
naissance,  l'apogée  et  le  déclin  de  la  capitale  magribine  qu'un 
demi-dieu,  issu  de  la  lignée  de  Mahomet,  était  venu  fonder 
dans  ce  coin  ignoré  de  l'Occident-Extrôme,  pendant  que,  l'es- 
prit perdu  dans  le  labyrinthe  des  hypothèses  futures,  je  me 
demandais  quel  sort  serait  réservé  demain  à  cette  métropole 
d'un  monde  fermé,  que  faisaient,  que  disaient,  que  pensaient 
mes  compagnons  mahométans? 

Ils  priaient,  ils  s'extasiaient  devant  la  Viile-Sainte,  et  pour- 
tant leurs  prières  n'allaient  pas  directement  à  Dieu  ;  elles 
étaient  adressées  à  une  véritable  divinité  humaine,  à  l'idole 
d'un  culte  tel  que  je  n'en  ai  jamais  vu  de  pareil  depuis  les 
frontières  de  la  Tripolitaine  juscju'à  l'Océan  Atlantique.  En 
réalité,  c'est  un  Dieu  nouveau  qui  apparaît  ici  au  premier 
plan,  avant  Allah,  avant  le  Prophète  lui-même.  En  succédant 
dans  l'ordre  des  temps  à  ces  deux  types  successifs  de  la 
monolàtrie  sémitique,  Idris  II  les  a  purement  et  simplement 
remplacés  dans  l'adoration  des  foules  ignorantes,  et  il  a  eu  cet 
inconcevable  bonheur  de  devenir  pour  ses  aveugles  coreli- 
gionnaires du  Maroc  ce  qu'est  pour  les  Espagnols,  de  l'autre 
côté  du  détroit  de  Gibraltar,  son  illustre  confrère  en  sainteté, 
Saint-Jacques-de-Compostelle. 

Mais,  Messieurs,  il  est  inutile  et  dangereux  d'aller'plus  loin 
dans  nos  comparaisons  ;  bornons-nous  donc  à  examiner 
curieusement  la  poutre  qui  est  dans  l'œil  de  nos  voisins  en 
attendant  qu'on  arrache  le  madrier  qui  est  dans  le  nôtre.  La 
superstition  possède  encore  un  empire  assez  vaste  en  Europe 
pour  que  nous  ne  la  traitions  pas  à  la  légère  quand  nous  en 
faisons  l'objet  de  nos  études.  Nos  lois,  nos  usages,  nos  mœurs, 
nos  coutumes  enfoncent  pour  la  plupart  leurs  racines  dans  les 
idées  superstitieuses  qui  nous  furent  léguées  par  nos  lointains 
ancêtres,  et,  ce  n'est  pas  trop  m'avancer  que  de  prétendre, 
d'accord,  en  cela  avec  les  plus  éminents  sociologues,  que  la 
superstition  fut  la  mère  des  Religions. 

Au  Maroc,  j'en  fus  imprégné  de  ces  superstitions  ;  je  ne 
jurerais  môme  pas  que  je  n'aie  point  fait  cliorus  plus  d'une 
fois  avec  mes  dévots  compagnons  quand  ils  criaient  par 
exemple  à  tout  propos  : 

—  Ya  Moulayc  Mris,  Monseigneur  Idris  par-ci  !  Monseigneur 
Idris  par-là  ! 


LA    VILLE   DE   FAS  (FEZ)  7 

Un  jour,  ma  mule  s'abattit  dans  l'horrible  plaine  marécageuse 
d'El-Khellat,  sur  le  territoire  dos  Beni-Ah'sen.  Un  même  cri 
s'échappa  de  toutes  les  bouches  musulmanes  : 

—  Ya  Moulaye  Idris  !  Ya  Moulaye  Idris  ! 

Moi-même  alors,  décrivant  une  courbe  dans  l'espace,  par- 
dessus la  tête  de  ma  pauvre  monture,  je  me  surpris  à  répéter 
avec  les  autres  : 

—  Ya  Moulaye  Idris  el-ezhar  !  (0  Monseigneur  Idris  le 
très-brillant  !) 

Cet  aimable  fondateur  de  Fas  fut  apparemment  la  cause  que 
je  ne  me  fis  aucun  mal  ;  c'est  du  moins  ce  que  me  déclarèrent 
mes  compagnons  qui  profitèrent  de  cet  heureux  accident  pour 
accabler  de  bénédictions  touchantes  et  de  vits  remerciements 
leur  saint  favori. 

Dans  un  semblable  milieu  saturé  à  ce  point  de  religiosité, 
milieu  qui  était  le  mien  par  le  fait,  puisque,  parlant  leur  langue 
et  adorant  leur  fréquentation,  je  m'étais  plongé  résolument 
dans  la  société  des  congréganistes  et  des  hommes  pieux  de 
l'Islam,  dans  ce  milieu  qui  évoquait  pour  moi  celui  de  nos 
chapelles  et  de  nos  diverses  églises  chrétiennes,  il  m'eût  été 
impossible  de  montrer  le  bout  de  l'oreille  en  faisant  l'esprit 
fort,  l'esprit  critique.  Une  si  peu  clairvoyante  imprudence, 
outre  qu'elle  eût  pu  me  coûter  cher,  n'aurait  pas  manqué  de 
me  faire  arriver  au  but  opposé  à  celui  que  je  voulais  atteindre. 
Concevez -vous  bien  un  philosophe  tombant  à  l'improviste 
dans  un  cloître,  s'annonçant  comme  tel,  et  demandant  ensuite 
aux  moines  effarés  la  permission  de  se  livrer  sur  eux  à  des 
expériences  de  haute  psychologie  sentimentale  ? 

Non,  je  le  dis  hautement,  mon  rôle  a  été  et  devait  être  ce 
qu'il  a  toujours  été  depuis  le  premier  jour,  il  y  a  bien 
longtemps  de  cela,  où  je  fus  pris  de  la  passion  d'étudier,  de 
connaître  et  de  révéler  à  mes  concitoyens  l'étrange  Société 
mahométane  qui  nous  presse,  qui  nous  étoutîe,  qui  nous 
submerge  presque  dans  cette  belle  colonie  de  l'Afrique 
septentrionale  que  nos  soldats  arrosèrent  tant  de  fois  de  leur 
sang  dans  le  but  d'appeler  nos  frères  de  l'Islam  à  prendre 
place,  eux  aussi,  au  grand  banquet  de  la  vie  spirituelle  et 
matérielle  auquel  les  convie  si  généreusement  Celle  que  nous 
ne  pouvons  nommer  sans  que  les  fibres  de  notre  cœur  ne 


8  LA    VILLE   DE   FA  S   (FEZ) 

tressaillent  d'intense  émotion,  Celle  que  les  peuples  libérés 
appellent  leur  seconde  patrie,  Celle  que  nous  appelons  notre 
mère,  la  grande,  la  fraternelle  France  de  la  Révolution 
française  ! 

C'est  en  plongeant  au  fond  de  la  mer  que  l'Indien  rapporte 
du  sein  de  l'Océan  les  perles  qui  brilleront  un  jour  sur  le  front 
des  sultanes  ;  c'est  en  se  mêlant  modestement  aux  diverses 
coucbes  du  peuple,  sans  être  ni  gâté  ni  flatté  par  personne» 
que  l'observateur  digne  de  ce  nom  voit  peu,  si  vous  voulez, 
mais  voit  bien  le  peu  qu'il  voit.  Aussi  n'annoncé  je  à  aucun 
de  mes  futurs  sujets  d'observation  ma  qualité  d'envoyé  du 
Gouvernement  français.  J'étais  un  simple  taleb,  un  étudiant 
chrétien  quelconque  qui  venait  s'instruire  et  se  désaltérer 
à  cette  source  des  sciences  qui  s'appelle  la  ville  de  Fas. 
Mon  costume  européen  était  pour  les  indigènes  une  curiosité 
de  plus  ajoutée  à  celle,  peu  banale  en  vérité,  d'entendre  sortir 
de  la  bouche  d'un  noçrani  (chrétien)  des  formules  élogieuses 
à  l'adresse  du  Prophète  et  des  principaux  grands  hommes 
de  l'Islam. 

Ainsi,  ces  mots  magiques,  ces  formules  toutes  faites  que 
l'on  trouve  dans  les  livres  arabes,  m'ont  ouvert  les  cœurs  et 
délié  les  langues  ;  ainsi,  il  m'a  été  donné  de  constater  encore 
une  fois,  jusque  dans  ce  camp  retranché  du  fanatisme  et  de  la 
foi  irréductible,  l'admirable,  la  merveilleuse  puissance  du 
langage.  Tout  le  secret  de  ma  réussite  est  là  ;  et  je  livre  bien 
volontiers  ce  secret  aux  voyageurs  qui  voudront  enfin  se 
décider  à  aborder  et  à  approfondir  sérieusement  la  belle  mais 
difficile  langue  de  l'Apôtre  de  La  Mecque. 


Un  instant  ralantie  par  l'accès  d'extase  mystique  dont  nous 
venons  _de  parler,  notre  marche  fut  reprise  au  milieu  des 
conversations  et  des  congratulations  réciproques  et  générales 
que  nous  nous  adressions  les  uns  aux  antres  sur  l'ineffable 
bonheur  qui  nous  attendait  à  proximité  du  mausolée  de 
Moulaye  Idris,  lequel  ne  manquerait  certainement  pas  de 
combler  de  faveurs  des  voisins  tels  que  vos  serviteurs,  à 
commencer  par  ce  bon  Cadi  des  Chrétiens  (c'était  moi),  dont 
la  destinée  avait  fait  un  chef  de  caravane  musulmane. 


I 

I 


LA   VILLE   DE   FAS   (FEZ)  9 

Deux  heures  après,  nous  nous  arrêtions  devant  une  des 
portes  de  Fas,  Bah-Ségma,  où  j'avais  donné  rendez-vous  par 
lettre  à  M.  Gaillard,  gérant  intérimaire  du  Vice-Consulat  de 
France.  Ma  montre  marquant  9  heures,  et  notre  représentant 
ne  devant  être  là  que  dans  une  heure,  je  mis  pied  à  terre 
autant  pour  me  dégourdir  les  jambes  que  pour  mieux  examiner 
à  mon  aise  les  hautes  murailles  crénelées  qui  protègent  Fas 
sur  tout  son  pourtour.  Ma  première  impression  fut  que  ces 
remparts  en  mauvais  pisé,  déjà  décrépits  et  croulants  sur 
plusieurs  points,  peuvent  sans  doute  opposer  à  des  hordes 
barbares  sans  artillerie  un  obstacle  presque  infranchissable, 
mais  qu'ils  ne  tiendraient  pas  une  demi-heure  devant  les  engins 
formidables  de  destruction  que  possèdent  les  nations  modernes. 
Mes  promenades  des  jours  suivants  autour  de  la  ville  corro- 
borèrent cette  opinion,  et  je  me  rappelle  un  certain  endroit, 
où,  sur  une  longueur  d'une  centaine  de  mètres,  on  ne  passe 
qu'en  courant,  tant  ces  pauvres  remparts,  plus  penchés  encore 
que  la  Tour  de  Pise,  menacent  d'ensevelir  sous  leurs  ruines 
les  imprudents  qui  s'attarderaient  à  admirer  ou  à  calculer  à 
leur  base  leur  angle  d'inclinaison. 

Cependant  des  Marocains,  hommes,  femmes  et  enfants, 
entraient  et  sortaient  par  le  Bab-Ségma  en  jetant  sur  mes 
vêtements  européens  des  regards  que  je  sentais  chargés 
d'autant  de  curiosité  inquiète  que  de  sincère  aversion.  Des 
gamins,  hauts  comme  des  bottes,  ne  sachant  pas  que  leur 
langage  m'était  familier,  s'appelaient,  se  formaient  en  bandes, 
criant  pour  se  donner  du  courage  : 

—  ((  Ya  Llah,  ntferrjou  âl  en-noçrani.  (Allons  voir  le 
chrétien,  c'est-à-dire  le  Nazaréen.) 

En  voyant  mon  cavalier  chérifien,  l'œil  torve,  la  matraque 
frémissante,  menacer  les  bambins,  les  célèbres  paroles  du 
glorieux  Nazaréen,  dont  la  piété  humaine  a  fait  un  Dieu,  rne 
vinrent  je  ne  sais  pourquoi  à  l'esprit  et  je  ne  sais  pourquoi 
aussi  je  les  traduisis  en  arabe  littéralement,  presque  mot  pour 
mot,  disant  au  farouche  mkhazni  : 

—  Khalli  l-icliachra  iâjiou  l-ândi.  (Laisse  venir  à  moi  les 
petits  enfants.) 

Alors  le  vieux  reître,  aussi  surpris  de  ma  bonhomie  que  les 
enfants  l'étaient  de  m'entendre  parler  leur  langue,  revint  vers 


10  LA   VILLE  DE   FA  S  (KEZ) 

moi,  secouant  la  tête,  mâchant  sous  ses  dents  branlantes  des 
mots  étoutTés,  comme  pour  me  faire  comprendre  que  cette 
bonté  de  ma  part  était  de  la  sottise.  Faire  entrer  dans  la 
cervelle  d'un  employé  du  Makhzen  chérifien  que  la  clémence 
et  la  douceur  sont  les  moyens  les  plus  sûrs  de  captiver  le 
cœur  des  hommes  est  une  entreprise  au-dessus  des  forces  du 
plus  grand  génie  de  la  terre.  J'avais  usé  du  reste  à  cette 
expérience  le  peu  de  lumières  et  d'arguments  persuasifs  que  je 
possède  durant  la  longue  route  que  nous  venions  de  faire 
ensemble,  et  ce  bouillant  guerrier,  très  brave  quand  il  n'y 
avait  pas  de  danger,  excessivement  couard  au  contraire  dès 
qu'un  mousqueton  se  montrait  à  l'horizon,  tenait  en  réserve  au 
bout  de  chacune  de  nos  conversations  à  ce  sujet  cette  conclusion 
charitable  : 

—  Ech-chafak'a  maâ  l-âdou,  dhoôf.  (Avoir  pitié  de  son 
ennemi  est  un  signe  de  faiblesse.) 

Parole  significative,  parole  cruelle  sous  laquelle  la  psycho- 
logie du  Marocain  se  révèle  à  découvert  malgré  le  voile  à  peine 
transparent  d'une  rhétorique  arabe  avec  laquelle  nous  essayons 
de  nous  familiariser  depuis  bientôt  un  tiers  de  siècle. 

Il  eût  fallu  d'ailleurs  être  aussi  naïf  que  l'enfant  qui  vient  de 
naître  pour  ne  pas  déchilîrer  la  pensée  entière  de  notre 
belliqueux  compagnon,  et  cette  pensée  se  résumait  dans  les 
deux  postulatum  politiques  que  voici  : 

1°  Les  Marocains  ne  sont  pas  les  plus  forts,  sans  quoi  il  y  a 
beau  temps  qu'ils  auraient  eu  l'extrême  plaisir  de  jeter  à  la 
mer  les  Européens  qui  souillent  le  pays  ; 

2°  La  France  ne  s'empare  pas  du  Maroc  parce  qu'elle  craint 
l'Angleterre.  De  son  côté,  la  Grande-Bretagne  a  peur  de  la 
France  et  c'est  pour  cela  qu'elle  ne  prend  pas  possession  du 
littoral  de  Tanger  à  Ceuta  pour  lequel  elle  brûle  cependant 
d'une  passion  sans  pareille. 

Mon  bonhomme  eut  la  parole  coupée  au  beau  milieu  de  son 
raisonnement  par  l'arrivée  soudaine  de  deux  superbes  cavaliers  : 
un  mkhazni  à  calotte  rouge,  au  visage  énergique  et  basané, 
magnifique  en  ses  burnous  multicolores  et  flottants,  et  un 
jeune  européen  dont  la  mise  élégante  et  boulevardière  de 
cycliste  me  frappa  vivement  dans  ce  pays  où  le  noçrani  est 
chose  si  rare,  si  peu  commune. 


LA  VILLE  DE  FA  S   (FEZ)  il 

—  C'est  ma  faute  si  j'ai  attendu,  dis-je  à  notre  vice-consul, 
qui  avait  mis  pied  à  terre  et  s'excusait  d'être  venu  si  tard.  Ma 
lettre  portait  que  je  serais  à  10  heures  à  Bab  Ségma.  II  est 
dix  heures  ;  vous  êtes  l'exactitude  même.  Tant  pis  pour  moi 
si  je  suis  arrivé  au  rendez-vous  une  heure  trop  tôt. 

Puis,  les  présentations  faites,  chacun  étant  remonté  à  cheval, 
la  petite  cavalcade  franchit  rapidement  la  porte  de  la  ville. 
Elle  s'engouffre  aussitôt  à  la  queue  leu  leu  dans  les  boyaux 
étranglés  delà  capitale  du  Magrib,  et  nous  voilà  zigzagant  dans 
des  couloirs  à  ciel  ouvert,  entre  deux  murs  sans  fenêtres, 
de  10  à  15  mètres  de  hauteur  et  tellement  rapprochés  que  je 
m'imagine  cheminer  au  fond  d'un  tortueux  canal  desséché. 

Desséché  ?  Pas  tout  à  fait.  Propre  ?  Pas  précisément.  Conce- 
vez par  l'imagination,  si  vous  pouvez,  des  flaques  d'eau,  des 
ornières  de  boue  dans  lesquels  surnagent  les  animaux  les  ^lus 
divers,  principalement  des  poules  et  des  rats  morts  depuis 
longtemps.  Franchissons  en  nous  bouchant  le  nez  les  carcasses 
de  moutons,  de  chiens,  de  chameaux  crevés,  qui  ont  l'agaçant 
privilège  d'effrayer  nos  montures  ;  tâchons  de  ne  pas  nous 
perdre  surtout  à  travers  le  labyrinthe  inextricable  des  ruelles 
chérifiennes  où  nous  croisons  assez  souvent  des  passants  qui 
sont  obligés  de  se  blottir  contre  les  murailles  ou  de  se  réfugier 
sur  le  seuil  des  portes  pour  éviter  d'être  meurtris  par  la  cava- 
lerie qui  passe. 

A  travers  la  complication  infinie  des  impasses,  des  ruelles, 
des  culs  de-sac,  des  sentiers,  des  tunnels,  des  chemins  de 
traverse  qui  croisent  et  enchevêtrent  leurs  capricieux  méandres 
dans  une  cité  de  cent  mille  âmes  au  bas  mot,  nulle  place, 
nulle  grande  artère,  nul  boulevard  aux  larges  trottoirs  n'offre 
au  voyageur  nouvellement  arrivé  la  possibilité  de  s'orienter, 
de  se  retrouver  dans  ce  nid  de  termites  qu'est  la  ville  de  Fas. 
Sans  vouloir  médire  le  moins  du  monde  de  la  ville  d'Oran, 
que  j'aime  beaucoup,  dont  j'adore  le  climat  et  que  je  ne  quit- 
terais pas  volontiers  pour  n'importe  quel  autre  centre  algérien, 
car  je  suis  un  admirateur  passionné  de  ses  falaises  sauvages, 
de  son  ciel  transparent  et  de  sa  délicieuse,  de  son  incompa- 
rable montagne  de  Santa-Cruz  où  nous  allons  si  souvent  avec 
ma  famille  et  plusieurs  de  nos  bons  amis  qui  m'écoutent  en  ce 
moment,  sans  chercher  à  projeter  en  quoi  que  ce  soit  la  plus 
petite  ombre  dans  les  sentiments  afïectifs  que  mon  auditoire 
ressent  j'en  suis  sûr  pour  notre  chère  cité,  il  me  sera  bien 


12  LA    VILLE   DE   FAS  (FEZ) 

permis  de  dire,  je  pense,  qu'avant  d'avoir  vu  Fas  je  considé- 
rais Oran  comme  la  reine  des  villes  ratées  au  point  de  vue  de 
la  grande  et  de  la  petite  voirie.  J'ai  dû  en  rabattre  depuis  mon 
séjour  là-bas  et  je  reconnais  de  bonne  grâce  qu'Oran  est  une 
ville  supérieurement  tracée,  aérée,  aux  voies  larges  et  im- 
menses en  comparaison  du  dédale  fassien  dans  lequel  nous 
nous  enfoncions  pour  aller  au  vice-consulat  de  France  où  était 
préparé  un  succulent  déjeuner. 

Une  surprise  un  peu  forte  m'attendait  à  la  porte  de  notre  hôte  : 
Un  vigoureux  marcassin,  un  vrai,  aux  soies  hérissées,  nous 
regardant  d'un  œil  pétillant  de  malice  et  de  curiosité,  s'était 
planté  résolument  entre  les  jambes  du  cuisinier  indigène  du 
vice-consul.  Là.  se  sentant  inattaquable,  il  observait  cet 
envahissement  inusité  de  bêtes  et  de  gens  dont  les  allées,  les 
venues  et  les  cris  lui  faisaient  dresser  les  oreilles.  Puis,  nous 
ayant  renifles,  devinant  que  nous  étions  décidément  des 
intrus,  il  se  mit  à  battre  en  retraite,  le  groin  en  l'air,  à  demi 
tourné  vers  nous,  avec  de  sourds  grognements  de  colère, 
histoire  de  protester  à  sa  manière  contre  cette  prise  de 
possession  de  son  domicile.  Rentré  dans  le  jardin,  il  vit  que 
nous  l'y  suivions.  Résister  plus  longtemps  eût  été  de  la  folie. 
Alors  il  prit  éperdument  le  galop  pour  filer  comme  une 
flèche  à  l'écurie,  à  sa  place  habituelle,  sous  la  mangeoire  de 
ses  camarades,  les  chevaux  et  les  mulets,  avec  lesquels  il 
faisait,  paraît-il,  très  bon  ménage. 

Voir  un  sanglier  se  promener  dans  les  rues  sacro-saintes  de 
Fas,  constater  qu'une  douce  intimité  régnait  coram  populo 
entre  lui  et  un  indigène  musulman,  étaient  déjà  deux  faits  qui 
m'avaient  fortement  impressionné.  Mais  que  dire  de  ma 
stupéfaction  quand  j'entendis  mes  compagnons  de  route,  mes 
propres  domestiques  mahométans  affirmer  que  ce  marcassin 
n'était  pas  seulement  gras  et  beau,  mais  qu'il  méritait  les 
honneurs  de  la  casserole? 

II  n'Qsi  pas  une  seule  personne  dans  cette  enceinte  qui  ne 
sache  que  Dieu  lui-même  s'est  donné  la  peine  d'interdire  dans 
son  saint  Livre  aux  sectateurs  de  son  cher  Prophète  la  viande 
mille  fois  abhorrée  de  l'immonde  khoizir,  c'est-à-dire  du  porc. 
Bien  entendu,  l'interdiction  divine  frappe  également  le  frère 
sauvage  de  celui-ci,  le  rude  sanglier  de  nos  montagnes,  dont 
la  chair  nous  paraît,  à  nous  autres  Intidèles,  si  savoureuse. 

Eh  !  bien,  je  le  déclare  ici,  la  vérité  m'y  pousse  :  Il  ne  m'est 


LA  VILLE  DE   FAS  (FEZ)  13 

jamais  arrivé,  ni  en  France,  ni  en  Espagne,  ni  en  Suisse,  ni 
en  Tunisie,  ni  en  Algérie,  de  manger  pendant  tout  le  cours  de 
mon  existence  autant  de  sanglier  que  j'en  mangeai  à  Fas  en 
un  peu  moins  de  deux  mois  seulement.  J'eus  même  un 
éblouissement  d'étonnement  et  de  joie  quand  notre  cuisinier, 
le  rifain  Ah'med,  m'annonça,  dès  le  premier  jour  de  notre 
installation,  qu'il  se  proposait  de  varier  le  menu  quotidien, 
composé  généralement  de  l'éternel  mouton  magribin,  au 
moyen  de  petits  plats  exquis  de  h'allouf  el-r'aha  (cochon  de  la 
forêt),  qu'il  excellait  à  préparer  comme  il  me  le  prouva  par  la 
suite. 

D'où  provient  donc,  me  demanderez-vous,  cette  surabon- 
dance d'animaux  maudits  du  Seigneur  dans  un  centre  aussi 
orthodoxe,  aussi  farouchement  rigide  et  pieux  que  Fas? 

En  voici  l'explication  telle  qu'elle  me  fut  donnée  par  les 
Fassiens  eux-mêmes  un  jour  que  je  rn'amusais  à  regarder 
courir  dans  les  rues  de  jeunes  marcassins  qui  suivaient  comme 
des  chiens  leurs  petits  maîtres  mahométans  : 

Persuadé  que  la  présence  d'un  sanglier  dans  une  écurie 
suffit  pour  préserver  les  bestiaux  des  atteintes  d'une  épizootie 
quelconque,  les  habitants  de  Fas  achètent,  moyennant  quel- 
ques sous,  les  petits  marcassins  que  leurs  coreligionnaires 
campagnards  de  la  montagne  de  Zerhoun  principalement  leur 
apportent  vivants  et  bien  portants  après  les  avoir  pris  au  piège 
ou  à  la  course  ;  de  sorte  que  nous  nous  trouvons  en  présence 
d'un  commerce  extrêmement  curieux  de  cochons  sauvages 
domestiqués  que  nos  économistes  étaient  à  cent  lieues  de  soup- 
çonner et  dont,  bon  gré  mal  gré,  ils  devront  dorénavant  tenir 
compte  dans  leurs  statistiques  commerciales  relatives  à 
l'Empire  des  Chérif. 

Dérober  des  sangliers  dans  les  rues  et  dans  les  écuries  pour 
les  revendre  ensuite  comme  porte-bonheur  constitue  égale- 
ment une  industrie  lucrative  à  laquelle  se  livrent  certains 
croyants  peu  scrupuleux  et  bien  élevés  au-dessus  des  préjugés 
de  leur  doctrine  religieuse.  Voilà  pourquoi,  je  le  sus  plus  tard, 
mes  domestiques  achetèrent,  quelques  jours  avant  mon  départ, 
pour  un  prix  dérisoire,  5  pesetas  seulement,  un  sanglier  vivant, 
pesant  plus  de  cinquante  kilos,  dont  le  cadavre  dépouillé  de 
sa  peau  se  balança  dans  notre  cour  aux  branches  d'un  oranger 
pendant  deux  fois  vingt-quatre  heures  à  côté  d'un  mouton 
orthodoxe  qui  avait  été  tué  à  l'occasion  de  la  grande  Fête  des 


l-i  LA   VILLE  DE   KAS   (fEZ) 

Sacrifices.  Devant  les  savants  et  autres  étrangers  de  la  ville 
qui  venaient  me  voir,  quelle  que  fût  leur  condition  sociale,  il 
était  convenu  entre  nous  que  l'habillé  de  soie,  que  l'on  avait 
préalablement  décapité,  était  un  r'ozal,  une  gazelle,  et  c'est  à 
ce  dernier  titre  que  trois  de  mes  marocains  s'en  régalèrent 
avec  nous,  en  riant  aux  larmes,  jusqu'à  ce  qu'il  n'en  resta 
plus  une  côtelette. 


L'arrivée  à  Fas  d'un  européen  se  complique  d'une  foule  de 
difficultés  matérielles  auxquelles  on  ne  s'attend  guère  quand 
on  sort  des  vastes  fourmilières  civilisées  où  l'existence  est 
entourée  de  tant  de  confort  et  de  charmes  pour  ceux  qui  ont 
la  bourse  pleine. 

A  Tanger,  ainsi  que  dans  les  autres  villes  de  la  côte,  à 
Tétouan  même,  il  est  facile  à  un  chrétien  de  trouver  à  s'abriter 
sous  le  toit  hospitalier  d'un  hôtel  ou  d'une  auberge  tenus 
généralement  par  des  Anglais,  des  Juifs  ou  des  Espagnols. 
Entre  parenthèses,  l'Hôtel  Cécil,  à  Tanger,  est  un  modèle  de 
propreté,  de  luxe,  de  bien-être.  Admirablement  situé  sur  la 
plage,  les  dernières  ondulations  des  vagues  du  détroit  viennent 
mourir  au  pied  de  la  terrasse  de  ce  charmant  séjour,  où, 
moyerxuant  dix  francs  par  jour,  on  est  aussi  bien  que  dans  les 
établissements  similaires  de  premier  ordre  que  nous  pouvons 
avoir  en  Algérie. 

Donc,  sur  la  côle,  rien  à  craindre  au  sujet  du  logement.  A 
Fas  et  à  Merrakech,  l'européen  aura  le  choix  suivant  :  —  ou 
continuer  à  coucher  sous  la  tente  —  ou  aller  se  terrer  dans 
un  fondouk  arabe  si  le  tenancier  du  fondouk  veut  bien  l'y 
accepter. 

Ce  n'est  pas  devant  une  assemblée  d'Africanistes  expéri- 
mentés comme  vous  que  je  perdrai  mon  temps  à  décrire  un 
fondouk  marocain,  c'est-à-dire  le  très  peu  ragoûtant  dortoir 
public  dans  lequel  hommes  et  bestiaux  grouillent  dans  une 
promiscuité  absolument  fraternelle. 

S'il  désire  se  loger  d'une  manière  moins  primitive,  le 
voyageur  chrétien  devra  donc,  un  mois  avant  son  arrivée  à 
Fas  ou  à  Merrakech,  prier  le  Ministre  de  sa  Légation  à  Tanger 
d'agir  auprès  des  autorités  marocaines  de  l'endroit  afin  qu'une 
maison  arabe  soit  mise  à  sa  disposition,  les  conditions  de  la  |j 


LA  VILLE   DE   FAS   (FEZ)  15 

location  étant  réglées  et  imposées  d'avance  par  le  propriétaire 
musulman  selon  l'importance  de  l'immeuble. 

Quant  à  moi,  connaissant  depuis  longtemps  et  les  agréments 
de  la  tente  et  les  délices  des  caravansérails  indigènes,  j'avais 
pris  à  Tanger  mes  précautions  en  vue  d'éviter  les  uns  et  de 
me  dérober  aux  autres.  A  ce  propos,  qu'il  me  soit  permis  de 
payer  une  dette  de  gratitude  à  notre  Chargé  d'Afïaires  au 
Maroc,  M.  de  La  Martinière,  qui  voulut  bien  s'occuper  de 
me  faire  chercher  une  maisonnette  convenable,  donnant  sur 
l'une  des  milles  petites  ruelles  de  la  capitale  chérifienne,  et 
dont  j'ai  rapporté  une  photographie  assez  bonne. 

Que  de  peines  avait  eues  notre  jeune  vice-consul  de  Fas 
pour  me  dénicher  ce  logis  à  peu  près  passable  !  Rebuté  par  les 
refus  successifs  de  plusieurs  propriétaires  qui  avaient  fait  la 
moue  en  apprenant  qu'il  s'agissait  de  loger  un  roumi,  notre 
représentant  s'était  adressé  en  désespoir  de  cause  à  un  de  nos 
riches  protégés  français,  le  chérif  Moulaye  Ali-l-Kthiri,  l'homme 
le  plus  aimable,  le  plus  fin,  le  plus  intelligent  et  le  moins 
fanatique  que  j'aie  rencontré  au  Maroc.  Ce  gentleman  distingué 
poussa  l'obligeance  jusqu'à  donner  congé  à  d'anciens  locataires 
de  sa  religion  pour  me  laisser  la  place  nette,  ce  qui  était,  on  le 
comprendra,  une  grave  infraction  aux  usages  locaux,  infraction 
d'autant  plus  grave  qu'elle  avait  pour  unique  objectif  de 
favoriser  un  infidèle. 

Ce  modeste  bâtiment,  dont  le  loyer  était  de  50  pesetas  par 
mois,  n'était  pas  d'une  architecture  compliquée  : 

En  bas,  une  cour  rectangulaire  de  quelques  mètres  carrés, 
pavée  de  carreaux  vernis  blancs  et  bleus,  avec  trois  ou  quatre 
orangers  malades  qui  s'étiolaient  au  fond  de  leur  morne 
prison  ;  —  à  gauche,  et  au  fond  de  la  cour,  une  cuisine  d'une 
longueur  démesurée,  et  si  étroite,  que  notre  cuisinier,  tout 
maigre  qu'il  fût,  avait  de  la  peine  à  s'y  retourner  ;  —  contigu 
à  la  cuisine,  un  double  W.  G.,  dans  lequel  une  rivière  gron- 
dante s'engouftrait  avec  fureur,  fait  qui  se  reproduit  d'une 
façon  identique  dans  toutes  les  autres  habitations  de  la  capitale 
et  qui  a  donné  naissance  à  cette  injure  intraduisible  que  les 
Bédouins  de  l'extérieur  lancent  à  la  figure  des  citadins  de  Fas  : 

—  Ya  l-kherra'in  f-el-ma  !  !  (1) 


(1)  Ceux  qui  font  caca  dans  l'eau, 


Il)  LA   VILLE  DE   FAS  (FEZ) 

Enlin,  deux  autres  pièces,  l'une  pour  les  domestiques,  l'autre 
servant  de  salle  à  manger,  compléteront,  si  j'y  joins  le  bassin 
avec  jet  d'eau  du  milieu  de  la  cour,  la  description  du 
rez-de-chaussée. 

Au  premier  étage,  deux  chambres,  très  basses  de  plafond, 
séparées  par  la  longueur  de  la  cour,  se  faisaient  vis-à-vis. 

Au  deuxième  étage,  une  seule  pièce  assez  grande,  ayant 
trois  fenêtres  sans  vitres  cela  va  sans  dire,  se  trouvait  presque 
à  la  hauteur  des  terrasses  voisines.  On  y  accédait  par  un 
escalier  biscornu,  étranglé,  aux  marches  d'une  élévation  peu 
ordinaire.  Des  rafales  envahissaient  cette  pièce  par  les  trois 
croisées,  par  la  porte  fermant  à  peine  et  par  la  lucarne  en  bois 
qui  donnait  sur  la  rue.  On  y  gelait  en  hiver,  on  y  grillait 
en  été,  on  y  était  aussi  mal  que  possible  dans  cette  chambre. 
C'est  celle  que  je  choisis  néanmoins  parce  que,  seule  de  la 
maison,  elle  me  procurait  la  vue  d'une  bande  de  ciel  bleu  que 
tranchait  brutalement  à  l'horizon  l'arête  rocheuse  et  désolée 
du  fameux  Djebel  Zalar'. 

Une  table  pour  écrire,  un  lit  de  camp,  et  un  tapis  des  Braber 
sur  lequel  s'assoieront  les  Marocains,  savants  et  ignorants, 
dont  je  me  propose  de  sonder  la  cervelle,  voilà  tout  le  mobilier 
du  missionnaire  de  la  France.  Mes  livres,  je  n'aurai  guère 
l'occasion  de  les  consulter  car  l'enquête  sociologique  que 
je  suis  venu  faire  au  sein  de  la  collectivité  humaine  la  plus 
fermée  qui  existe  absorbera  la  majeure  partie  de  mon  temps  et 
de  mes  forces.  Il  est  un  livre  pourtant  que  j'ouvrirai  fréquem- 
ment quand  je  serai  seul  :  c'est  celui  qui  me  réconfortera 
lorsque  la  solitude  et  l'exil  pèseront  d'un  poids  trop  lourd  sur 
mon  âme  attristée,  c'est  le  livre  où  je  dissimule  aux  regards 
des  indifïérents  et  des  indiscrets  les  têtes  chéries  des  êtres 
bien-aimées  qui  m'attendent  à  Oran,  ;ma  femme,  mes  chers 
enfants,  auxquelles  j'envoie  chaque  jour,  à  la  fin  comme 
au  commencement  de  la  journée,  le  souvenir  ému  de  ma 
tendresse. 

Un  dernier  détail  topographique  :  Ma  maisonnette  était 
située  dans  un  sous-quartier  appelé  Ras-el-djoun  (la  tête  des 
sources),  près  de  la  mosquée  dite  Es-Siaj,  et  si  rapprochée  de 
ce  temple  qu'un  de  nos  murs  était  mitoyen  avec  cette  mosquée. 
Nous  habitions  donc  le  Vieux-Fas  {Fas  el-Bali),  dans  une 
des  dépendances  de  l'immense  quartier  des  Andalous  {El- 
Andalous.) 


LA   VILLE   DE   FAS  (FEZ)  17 

Voulez-vous  que  nous  aillions  nous  promener  ensemble  dans 
la  ville  et  faire  plus  ample  connaissance  avec  elle  ?  Avant 
de  sortir  cependant,  je  vous  propose  de  jeter  avec  moi  un 
rapide  coup  d'œil  sur  son  histoire.  Le  passé  nous  fera  mieux 
comprendre  le  présent  ;  puis,  quand  nous  aurons  vu  s'envoler 
devant  nous  la  poussière  des  siècles  écoulés,  quand,  à  larges 
traits,  comme  en  une  fresque,  nous  aurons  mis  en  relief  les 
grandes  étapes  chronologiques  de  cette  sombre  capitale,  alors 
je  vous  prendrai  par  la  main  et  nous  nous  jetterons,  si  vous  le 
voulez,  à  travers  la  cohue  de  ses  habitants.  Nous  les  verrons 
marcher,  agir,  parler,  s'agiter  autour  de  nous.  Nous  essayerons 
de  les  comprendre,  de  pénétrer  les  secrets  de  leur  cœur,  les 
mobiles  de  leurs  actions.  Nous  ne  passerons  pas  un  monument 
sans  l'admirer,  pas  un  jardin  sans  en  saluer  les  fleurs,  pas  une 
mosquée  sans  lui  lancer  une  œillade  impie  et  sacrilège. 

Étudier  les  races  et  les  types,  les  dialectes  et  les  langues 
diverses,  les  usages,  les  mœurs,  les  idées,  les  croyances,  — 
analyser  les  institutions  civiles  et  politiques,  l'organisation 
sociale,  le  développement  économique,  la  vie  politique  et 
privée,  les  industries,  le  commerce,  l'agriculture,  et,  au-dessus 
de  ce  tableau,  couronnant  le  tout,  montrer  sous  son  vrai  jour 
le  prétendu  mouvement  intellectuel  d'une  Université  à  moitié 
morte,  les  Arts,  les  Lettres  et  les  Sciences,  à  peu  près  inconnus, 
faisant  entendre  les  derniers  râles  de  l'agonie,  —  voilà,  mes 
chers  concitoyens,  l'ennuyeux  programme  que  j'ai  la  cruauté 
de  vous  proposer  d'adopter  en  vous  suppliant  de  résister  au 
sommeil  si  Morphée,  pendant  notre  excursion  imaginaire, 
s'avisait  de  répandre  sur  vos  paupières  ses  pavots  enivrants. 


Un  homme,  un  grand  saint,  que  les  Marocains  appellent 
Moulaye  Idris  el-enouar  (le  très  brillant),  ou  bien  el-ezhar 
(le  très  étincelant),  alors  que  dans  l'histoire  il  est  connu  sous 
le  nom  d'Idris  el-esr'ar,  c'est-à-dire  le  jeune,  domine  du  haut 
de  sa  légende  dorée  le  cycle  authentique  des  grands  hommes 
dont  la  ville  de  Fas  croit  devoir  s'enorgueillir.  Ce  mot,  el-esr'ar 
(le  plus  petit,  le  plus  jeune),  raisonnant  mal  aux  oreilles  des 
fidèles,  a  été  changé  en  ezhar  par  le  peuple  et  en  enouar  par 
les  savants,  uniquement  pour  distinguer  Idris  II  de  son  père, 
Moulaye  Idris  el-ekbar,  ou  Moulaye  Idris  !«■■,  qui,  chassé  de 


18  LA   VILLE   DE   FAS  (FEZ) 

l'Orient,  était  venu  fonder  au  Maroc  la  l'anieuse  dynastie  des 
Idrissites  dans  la  seconde  moitié  du  Vlll«  siècle  de  Jésus-Christ. 
Son  fils  et  successeur,  le  très  brillant  Idris  II,  trouvant  que  la 
ville  de  Oualili,  l'antique  Volut)ilis,  était  trop  petite  pour 
contenir  sa  nombreuse  armée  et  les  populations  arabes  et 
berbères  qui  s'y  étaient  concentrées  à  la  suite  du  succès  de 
ses  armes,  conçut  l'idée  de  bâtir  une  nouvelle  ville  pour  lui, 
sa  famille,  sa  suite  et  les  principaux  de  ses  sujets,  et  il  jeta 
les  premiers  fondements  de  la  nouvelle  cité  le  3  février  808 
de  J.-C.  (i>,  sur  un  affluent  du  Sbou,  à  deux  jours  de  marche 
à  l'Est  de  la  capitale  de  son  père,  par  34°  6' 3"  de  latitude 
Nord  et  7"  8' 30"  de  longitude  Ouest  du  méridien  de  Paris, 
à  environ  3'iO  kilomètres  Ouest  de  la  frontière  algérienne 
actuelle.  Telle  fut  l'origine  de  la  ville  de  Fas. 

Vous  n'ignorez  pas  que  les  Européens,  notamment  les 
Espagnols,  ont  estropié  la  plupart  des  noms  propres  arabes  et 
berbères.  Fas  n'a  pas  échappé  à  la  règle  commune  et  il  faut 
nous  résigner  à  l'appeler  Fez,  avec  un  Z  final,  au  lieu  de 
prononcer  et  d'écrire,  comme  le  font  les  Arabes  et  les  Berbères, 
Fas  ou  Fès,  avec  un  S. 

Le  substantif  Fas  qui,  en  arabe,  signifie  pioche,  pourquoi 
a-t-il  été  donné  à  la  ville  naissante  ? 

Les  historiens  musulmans  ne  sont  pas  d'accord  surl'étymo- 
logie  de  ce  mot  et  ils  ont  imnginé  à  ce  sujet  plusieurs  légendes, 
excessivement  séduisantes  les  unes  et  les  autres,  mais  égale- 
ment dépourvues  d'authenticité.  En  voici  quelques-unes  que 
je  cueille  au  hasard  dans  les  livres  arabes  : 

«  —  On  raconte  que  lors  de  la  fondation  de  Fas,  l'imam 
Idris,  par  humilité  et  pour  mériter  les  récompenses  de  Dieu, 
se  mit  lui-même  à  l'ouvrage  avec  les  maçons  et  les  artisans, 
et  que  ceux-ci,  voyant  cela,  lui  offrirent  un  fas,  c'est-à-dire 
une  j3ioc7ie  qui  était  d'or  et  d'argent.  Idris  l'accepta  et  s'en 
servit  pour  creuser  les  fondements  ;  de  là,  le  mot  Fas  fut 
souveiit  prononcé  ;  les  travailleurs  disaient  à  tout  instant  : 

—  Donne  le  fas,  creuse  avec  le  fas  ;  et  c'est  ainsi  que  le 
nom  de  Fas  est  resté  à  la  ville. 


(1)  La  Grande  Encyclopédie  à  l'article  Fez,  commet  une  erreur  de 
date  relative  à  la  fondntion  de  cette  ville.  Fournel,  les  Berbers,  t.  L,  p.  462, 
«t  le  K'art'as,  p  44  de  la  traduction,  donn'-nt  la  vra^e  date  que  j'indique 
plus  haut. 


ï 


LA   VILLE    DE    FAS   (fEZ)  19 

«  Un  autre  auteur  rapporte  qu'en  creusant  les  premiers 
fondements  du  côté  du  midi,  on  trouva  une  grande  pioche 
(/as)  pesant  60  livres  et  ayant  quatre  palmes  de  long  sur  une 
palme  de  large  et  que  c'est  là  ce  qui  lit  donner  à  la  ville  le  nom 
de  Fas. 

«  Selon  un  autre  récit,  on  commençait  déjà  à  construire, 
lorsque  le  secrétaire  d'Idris  demanda  quel  serait  le  nom  de  la 
nouvelle  ville. 

—  Celui  du  premier  homme  qui  se  présentera,  lui  répondit 
l'imam. 

«  Un  individu  vint  à  passer  et  répondit  à  la  question  qui  lui 
fut  faite  : 

—  Je  me  nomme  Farès. 

«  Mais  comme  il  blésait,  il  prononça  Fas,  pour  Farès,  et 
Idris  dit  : 

—  Que  la  ville  soit  appelée  Fas. 

«  On  raconte  encore  qu'une  troupe  de  gens  du  Fers  (Persans) 
qui  accompagnaient  Idris  tandis  qu'il  traçait  les  murs  d'enceinte, 
furent  presque  tous  ensevelis  par  un  éboulement  et  qu'en 
leur  mémoire  on  donna  au  lieu  de  l'accident  le  nom  de  Fers, 
dont  plus  tard  on  fit  Fès. 

«  Enfin  on  rapporte  que  lorsque  les  constructions  furent 
achevées,  l'imam  Idris  dit  : 

—  Il  faut  donner  à  cette  ville  le  nom  de  l'ancienne  cité  qui 
exista  ici  pendant  dix-huit  cents  ans  et  qui  lut  détruite  avant 
que  l'Islam  se  répandît  sur  la  terre. 

«  Or  cette  ville  se  nommait  Séf  et  en  renversant  le  mot  on 
en  fit  Fès  (i).  » 

Il  m'est  difficile  de  passer  sous  silence  la  prétendue  ville 
qui,  après  1800  ans  d'existence,  aurait  été  détruite  bien  avant 
le  siècle  de  Mahomet.  Voici  à  ce  sujet  la  légende  que  l'on  peut 
lire  dans  le  Kartas  : 

«  Abou-R'aleb  raconte  dans  son  histoire  qu'un  jour  l'imam 
Idris,  se  trouvant  sur  l'emplacement  de  la  ville  qu'il  voulait 
bâtir,  était  occupé  à  en  tracer  les  contours,  lorsque  arriva 
vers  lui  un  vieux  solitaire  chrétien  qui  paraissait  bien  avoir 


(I)  Roudh  el-Kartas,  passim. 


20  LA   VlLLl^   DE   FAS  (FEz) 

150  ans  et  qui  passait  sa  vie  en  prières  dans  un  ermitage  situé 
non  loin  de  cet  endroit. 

—  Que  le  salut  soit  sur  toi,  dit  le  solitaire  au  prince  en 
s'arrêtant.  llépoiids,  émir.  Que  viens-tu  faii'c  entre  ces  deux 
montagnes  ? 

—  Je  viens,  répondit  Idris,  élever  une  ville  où  je  demeurerai 
et  où  demeureront  mes  enfants  après  moi  ;  une  ville  où  le 
Dieu  Très-Haut  sera  adoré,  où  son  Livre  sera  lu  et  où  l'on 
suivra  ses  lois  et  sa  religion. 

—  Si  cela  est,  j'ai  une  bonne  nouvelle  à  l'apprendre,  fit 
le  vieillard. 

—  Parle,  ermite,  dit  l'imam. 

—  Écoute.  Le  vieil  anachorète  chrétien,  qui  priait  avant 
moi  en  ces  lieux  et  qui  est  mort  depuis  cent  ans,  m'a  dit  qu'il 
exista  ici  une  ville  nommée  Sèfqui  fut  détruite  il  y  a  1700  ans, 
mais  qu'un  jour  il  viendrait  un  homme  appartenant  à  la 
famille  des  Prophètes,  qui  rebâtirait  cette  ville,  relèverait  ses 
établissements  et  y  ferait  revivre  une  population  nombreuse  ; 
que  cet  homme  se  nommerait  Idris  ;  que  ses  actions  seraient 
grandes  et  son  pouvoir  célèbre,  et  qu'il  apporterait  en  ce  lieu 
l'Islam  qui  y  demeurerait  jusqu'au  dernier  jour. 

—  Loué  soit  Dieu  !  Je  suis  cet  Idris  !  s'écria  l'imam,  et  il 
commença  à  creuser  les  fondations. 

A  l'appui  de  cette  version,  le  Kartas  cite  le  passage  d'El- 
Bernousi  où  il  est  dit  «  qu'un  juif,  creusant  les  fondations 
d'une  maison  près  du  pont  de  Ghzila,  à  un  endroit  qui  était 
encore,  con:îme  la  plus  grande  partie  de  la  viUe,  couvert  de 
buissons,  de  chênes,  de  tamarins  et  autres  arbres,  trouva  une 
idole  en  marbre  représentant  une  jeune  fille  sur  la  poitrine  de 
laquelle  étaient  gravés  ces  mots  en  caractères  antiques  : 

—  En  ce  lieu,  consacré  aujourd'hui  à  la  prière,  étaient  jadis 
des  thermes  llorissants,  qui  furent  détruits  après  mille  ans 
d'existence.  »  <^> 

Faut-il  attribuer  à  ce  conte  une  valeur  quelconque  et 
pouvons-nous  raisonnablement  espérer  que  des  fouilles 
archéologiques  mettront  à  découvert  un  jour  les  thermes 
florissa7its  dont  parle  l'auteur  arabe  ?  Contre  toute  attente,  les 


(I)  Kartas,  passiin. 


LA   VILLK   DE   FA  S  (FEZ)  21 

ruines  de  l'antique  Ilion  ont  bien  surgi  du  sol  qui  avait  été 
témoin  des  grandes  batailles  homériques.  Pourquoi  désespe- 
rerions-nous  de  voir  reparaître  sous  la  pioche  de  nos  savants 
am^iteurs  d'antiquités  la  ville  de  Sèf,  qui  me  fait  l'eflet,  si  elle 
a  jamais  existé,  d'être  la  contemporaine  de  la  patrie  d'Hector 
et  de  Priam  ? 


Pour  ne  pas  faire  ici  un  facile  étalage  d'érudition,  j'arrête 
le  torrent  de  mes  citations  étymologiques,  et  je  vous  demande 
l'autorisation  de  vous  donner  moi  aussi,  après  tant  d'autres, 
ma  petite  étymologie  du  mot  Fas.  Elle  seule  a  le  mérite,  si 
mérite  il  y  a,  de  prendre  sa  source  dans  la  langue  berbère, 
dans  le  dialecte  que  parle  depuis  un  temps  immémorial  le 
groupe  authoctone  le  plus  important  du  Maroc  au  double 
point  de  vue  ethnique  et  géographique  ;  j'ai  nommé  les 
Braber. 

Nul  n'osera  nous  contester,  l'histoire  en  main,  que  le  terri- 
toire sur  lequel  est  bâtie  Fas  n'appartenait  pas  anciennement 
à  des  tribus  ou  fractions  de  tribus  berbères.  Ces  tribus  faisaient 
sans  doute  partie  de  la  confédération  des  Braber  attendu  que 
ceux-ci  ont  toujours  été,  bien  avant  l'invasion  arabe,  et  sont 
encore  aujourd'hui  les  maîtres  du  sol  aux  environs  de  la 
capitale  chérifienne.  Les  documents  que  j'ai  reçus  de  Fas  et 
que  j'ai  publiés  dans  VEcho  d'Oran  du  27  janvier  dernier  en 
sont  une  preuve  péremptoire.  Bevenons  à  mon  étymologie. 
Pendant  les  longs  pourparlers  qu'engagea  Idris  II  en  vue  de 
se  faire  cédsr  le  terrain  nécessaire  à  la  future  ville  et  à  sa 
banlieue,  on  peut  admettre  que  la  phrase  suivante  a  dû  être 
répétée  très  souvent  au  chef  indigène  qui  commandait  les 
Braber  de  cette  région  : 

—  F-ès  ihamazirlh-in,  ce  qui  veut  dire  en  berbri  :  —  Donne- 
lui  ce  terrain. 

Ces  mots  F-ès,  —  ou  F-a.s,  —  signifiant  donne-lui,  rabâchés 
à  satiété,  soit  comme  menace,  soit  comme  prière,  ne  furent 
pas  sans  happer  vivement  l'attention  de  l'imam  arabe  et  de  ses 
principaux  officiers  ;  et  c'est  peut-être  à  une  cause  aussi 
simple,  aussi  vulgaire,  qu'il  convient  d'attribuer  la  dénomi- 
nation de  Fès,  ou  Fas,  qui  fut  donnée  alors  à  la  nouvelle 
capitale  de  l'Empire  Idrissite. 


22  LA   VILLE   DE  FAS  (FEZ) 

Et  maintenant.  Messieurs,  que  les  chercheurs  d'étymologies 
s'escriment  tant  qu'ils  voudront  sur  mon  hypothèse.  J'estime 
qu'elle  en  vaut  bien  une  autre  ;  j'estime  en  outre  qu'elle  est 
d'autant  plus  plausible,  d'autant  plus  difficile  à  réfuter,  qu'elle 
se  rattache  à  un  dialecte  berbère  qu'aucun  linguiste  arabe  ou 
chrétien  n'a  étudié  jusqu'ici,  dialecte  qui  m'a  donné  la  clef  de 
certaines  étymologies  géographiques  que  je  publierai,  si  j'en 
ai  le  temps,  avec  les  autres  matériaux  que  j'ai  recueillis  sur 
l'idiome  et  le  pays  des  Braber. 


Laissons  Idris  II  poursuivre  ses  conquêtes,  voler  de  triomphe 
en  triomphe,  du  Sous  jusqu'à  Tlemcen,  plus  loin  même, 
jusqu'au  Ghélif,  et  voyons  comment  se  peuple  sa  capitale. 

Remplie  de  troupes  guerrières  qui  ramènent  constamment 
de  leurs  victorieuses  expéditions  des  quantités  d'esclaves  et  de 
butin,  regorgeant  déjà  de  recrues  berbères  qui  se  sont  enflam- 
mées pour  la  cause  idrissite,  recrues  à  la  tête  desquelles  il  faut 
placer  la  célèbre  tribu  des  Aurabah,  la  nouvelle  cité  devient 
rapidement  le  centre  de  ralliement  des  partisans  du  vainqueur 
arabe. 

Elle  a  d'ailleurs,  dès  ses  débuts,  des  chances  inespérées  : 
Vers  815,  une  émigration  en  masse,  due  aux  cruautés  du 
calife  oméyade  d'Espagne,  el-H'akem,  fait  venir  à  Fas  huit 
mille  musulmans  qui  ont  échappé  à  la  répression  sanguinaire 
de  la  révolte  du  faubourg  de  Cordoue.  Notez  que  ces  fugitifs 
sont  d'origine  celto-romaine,  que  leurs  pères  ont  embrassé 
l'Islamisme  depuis  moins  de  cent  ans  seulement,  c'est-à-dire 
après  la  conquête  de  la  Péninsule  Ibérique  par  les  milices  de 
l'Islam.  Ouvriers,  artisans,  lettres,  artistes,  savants,  c'est  la 
fine  fleur  de  l'Espague  arabe  qui  vient  apporter  ses  bras,  son 
intelligence,  son  activité  à  la  jeune  métropole.  Le  grand 
quartier  que  fondèrent  à  Fas  ces  exilés  porte  encore  aujour- 
d'hui le  nom  de  Quartier  des  Andalous,  H'ouma-t-el-Endalous. 

En  825,  une  seconde  émigration  Importante,  due  également 
aux  persé'3utions,  amène  à  Fas  trois  cents  familles  arabes  de 
Cairouan,  dont  le  nom  et  le  souvenir  sont  restés  altaclKÎs 
jusqu'ici  à  la  plus  vaste  mosquée  du  Maroc,  au  temple  qui  fait 
la  gloire  de  nos  voisins  de  l'Ouest:  l'immonse  mosquée 
(TEl-Kcroiàyin,  c'est-à-dire  des  Cairouanais. 


LA   VILLE   DE   FAS   (FEz)  23 

Enfin,  ce  fut  peu  après  la  naissance  de  Fas  qu'une  foule  de 
Juifs  s'y  réfugièrent  et  il  leur  fut  permis  de  s'établir  depuis 
Aghlen  jusqu'à  la  porte  de  Hisn  Saâdoun  moyennant  un  tribut 
annuel  qu'Idris  fixa  à  trente  mille  dinars,  chiffre  qui  indique 
surabondamment  que  la  colonie  Israélite  de  Fas  devait  être 
dès  ce  temps-là  d'une  certaine  importance  numérique. 

Munie  à  son  berceau  de  ces  divers  éléments  ethniques  dans 
lesquels  se  trouvaient  réunis  les  biens  et  les  maux  de  l'avenir, 
éléments  qui  se  coudoieront  sans  fusionner  et  qui  subsistent 
là-bas  à  l'heure  où  je  vous  parle,  la  ville  de  Fas  ne  se  traîna 
pas  longtemps  dans  les  langes  de  l'enfance.  Devenue  subite- 
ment majeure,  elle  fit  rayonner  au  loin  son  influence  politique 
et  littéraire,  son  goût  passionné  des  arts,  toutes  choses 
excellentes  en  elle-mèmes,  mais  qui  n'allèrent  pas  sans  le 
développement  parallèle  d'un  libertinage  excessif,  et,  jeune 
reine  que  chacun  voulait  voir,  la  cité  de  Moulaye  Idris  ne 
tarda  pas  à  attirer  à  elle  des  centaines,  des  milliers  d'individus 
qui  venaient  y  chercher  la  fortune,  les  plaisirs,  la  science  ou 
l'oubli. 

Tandis  que  la  ville  grandit  de  jour  en  jour,  des  événements 
de  la  plus  haute  gravité  se  passent  dans  ses  murs.  Venue  des 
quatre  coins  de  l'horizon,  sa  population  frondeuse,  bigote, 
intransigeante  secoue  les  trônes  et  les  couronnes  pour  les 
offrir  ensuite  à  ceux  qui  savent  la  séduire  ou  se  faire  craindre 
d'elle.  Le  petit-fils  d'Idris  II,  poursuivi  par  les  citadins  écœurés 
de  ses  débauches,  perd  en  une  seule  nuit  le  pouvoir  et  la  vie. 

Les  Idrissites  passent  emportés  par  les  dynasties  suivantes 
qui  se  dévorent  les  unes  les  autres,  toujours  affamées  d'hon- 
neurs et  d'ignobles  jouissances  :  Idrissites,  Zénètes,  Omeyades, 
Almoravides,  Almohades,  Mérinides,  Saâdiens,  Filaliyins 
prennent,  perdent,  reprennent  et  reperdent  Fas,  se  la  disputent 
comme  une  proie,  sachant  que  c'est  elle  qui  sacre  et  détrône 
les  rois. 

Ah  !  Messieurs,  quelle  abominable  histoire  que  celle  du 
Maroc  !  Je  ne  connais  point  d'annales  aussi  écœurantes  que 
celles  des  diverses  dynasties  de  monstres  couronnés  qui  se 
sont  succédé  sur  le  trône  du  Magrib.  Ces  misérables  princes, 
dont  les  écrivains  mahométans,  toujours  fbigorneurs,  n'ont 
pu  cependant  cacher  tous  les  crimes,  ont  poussé  la  cruauté  et 
la  tyrannie  aux  plus  horribles  excès  où  la  démence  humaine 


24  LA   VILLE  DE   FAS  (FEZ) 

• 

puisse  parvenir  ;  et  le  peuple,  le  pauvre  peuple  lui-même, 
avili  par  le  despotisme,  fanatisé  par  sesclercs,  a  vécu  et  vit  à 
cette  heure-ci  dans  la  plus  crapuleuse  fàiige  morale  et  physique 
qu'il  soit  possible  d'imaginer.  t 

Alors,  qu'allons-nous  voir  dans  les  fastes  de  la  ville  de  Fas? 
De  la  boue,  du  sang,  du  sang  partout,  même  aux  époques  les 
moins  troublées  de  son  histoire;  et  les  révolutions,  les  guerres 
civiles,  les  massacres,  les  turpitudes  génésiques,  les  boulever- 
sements politiques,  dont  a  toujours  souflert  le  lamentable 
troupeau  humain,  ne  nous  quitteront  plus.  Ouvrons  un  livre 
et  lisons  les  lignes  suivantes  d'un  auteur  musulman,  lignes 
remplies  de  partialité  et  d'enphémismes,  où  la  vérité  et  l'indi- 
gnation semblent  se  bannir  réciproquement. 

«  En  1067-68  de  J.-C,  dit  l'historien  du  Kartas,  Yousef  ben 
Tachfm  s'empare  de  Fas  pour  la  première  fois  ;  il  en  part 
bientôt  pour  le  Djehel  R'mara,  en  laissant  le  commandement 
de  la  ville  à  un  de  ses  lieutenants,  avec  une  garnison  de 
400  cavaliers  Lemtouna  ;  mais,  sitôt  après  son  départ,  Tmim 
ben  Moênnser  arriva  à  la  tête  d'une  armée  formidable  de 
Zénètes  et  se  fit  livrer  la  capitale  en  promettant  l'aman  aux 
Lemtouna  qui  s'y  trouvaient  ;  cependant,  à  peine  fut-il  entré, 
qu'il  commença  à  les  faire  mourir  dans  le  feu  ou  sur  la  croix, 
et  il  était  encore  occupé  à  ces  sanglantes  exécutions  quand 
l'émir  Yousef,  arrivant  en  toute  hâte,  assiéga  Fas  à  son  tour  et 
la  prit  d'assaut  après  quelques  combats  acharnés.  Ce  fut  là  la 
seconde  et  grande  entrée  des  Lemtouna  ;  cette  fois,  ils  firent 
périr  tous  les  Maghraoua  et  les  Beni-Ifren,  qui  furent  impi- 
toyablement massacrés  dans  les  mosquées  et  dans  les  rues  au 
nombre  de  plus  de  vingt  mille. 

«  Ce  massacre  des  Zénètes  Maghraoui  etifrani  eut  lieu  dans 
le  courant  de  l'an  462  (1069  de  J.-C.)  et  leur  domination  dura 
donc  environ  cent  ans,  de  362  à  462  (972  à  1069  de  J.  C.)  Le 
commencement  de  leur  règne  fut  prospère  et  leur  puissance 
fut  grande  ;  ils  entourèrent  de  murs  les  faubourgs  de  Fas,  ils 
embellirent  les  portes,  agrandu-ent  les  mosquées El-K'erouiyin 
et  El-Endalous,  et,  à  leur  exemple,  les  habitants  bâtirent  un 
grand  nombre  de  maisons.  Cette  prospérité  dura  environ 
jusqu'à  l'apparition  des  Ahnoravides  dans  le  Magrib  ;  déjà 
même,  à  cette  époque,  la  puissance  des  Meghraoua  commen- 
çait à  s'ébranler,  et  leurs  possessions  s'étaient  amoindries,  car 
la  corruption  les  gagnait  ;    les  princes    dépouillaient    leurs 


LA   VILLE   DE   FAS  (FEZ)  25 

sujets^  faisaient  couler  leur  sang  et  violaient  toutes  les  lois 
sacrées;  aussi  le  pays  cessa  de  payer  les  impôts  et  resta  plongé 
dans  la  terreur.  Les  vivres  devinrent  fort  rares,  la  cherté 
succéda  à  l'abondance,  la  crainte  à  l'aman,  l'injustice  à  la 
justice.  La  fin  de  leur  règne  fut  entièrement  obscurcie  par  le 
nuage  de  l'iniquité,  des  guerres  civiles  et  d'une  famine  sans 
exemple  dans  l'histoire  des  temps.  Fas  et  ses  dépendances 
furent  réduites  aux  dernières  extrémités  de  la  faim  sous  le 
règne  d'El-Fetouh'  ben  D'ou-Nas  et  sous  celui  de  son  cousin 
El-Moênnser.  La  farine,  seul  aliment  qui  restât  à  l'homme,  se 
vendait  à  un  dirhem  l'once,  non-seulement  en  ville,  mais  aussi 
dans  tous  les  pays  circonvoisins.  Toutes  les  autres  denrées 
avaient  disparu.  Les  chefs  Maghraoua  et  Beni-Ifren  envahis- 
saient les  maisons  des  particuliers  et  pillaient  leurs  biens, 
sans  que  nul  osât  se  plaindre,  car  au  moindre  mot,  ils  les 
faisaient  massacrer  par  leurs  gens  ;  ils  envoyaient  leurs 
esclaves  sur  le  mont  El-Ardh,  qui  domine  la  ville,  pour 
découvrir  les  maisons  d'où  il  sortait  de  la  fumée,  et,  sur  les 
indications  qui  leur  étaient  données,  ils  les  envahissaient 
et  prenaient  de  force  les  aliments  que  l'on  y  faisait 
cuire. 

«  Sous  la  terreur  des  dernières  années  de  leur  règne,  la 
faim  arriva  à  une  telle  extrémité,  que  les  habitants  creusèrent 
de  petites  caves  dans  leurs  maisons  pour  faire  leur  pain  sans 
être  entendus,  ou  pour  cacher  ce  qu'ils  pouvaient  avoir  à 
manger;  ils  construisirent  des  espèces  de  galetas  sans  escalier, 
dans  lesquels,  à  l'heure  des  repas,  le  maître  de  la  maison 
montait  avec  sa  famille  au  moyen  d'une  échelle  qui  se  retirait 
ensuite  afin  de  ne  laisser  accès  à  aucun  étranger  durant  le 
repas.  »  ('> 

Prenons  un  autre  historien  plus  moderne,  franchissons  près 
de  six  cents  ans  et  voyons  si  les  progrès  moraux  des  habitants 
de  ce  doux  pays  ont  avancé  d'un  pouce  depuis  l'époque  loin- 
taine des  émirs  Zenètes.  Nous  sommes  à  présent  au  commen- 
cement du  xvip  siècle,  sous  le  règne  des  empereurs  Saâdiens 
qui  faisaient  remonter  leur  noble  origine  jusqu'à  Mahomet, 


(1)  El-K'art'as,  p.  154  et  suiv  de  la  traduction  Beaumier. 


26  LA  VILLE  DE  FA  S  (FEZ) 

raison  de  plus  peut-être  pour  écraser  davantage  leurs  malheu- 
reux sujets. 

«  Le  sultan  Abdallah  ben  Ech-Cheikh,  dit  l'auteur  de  la 
Nozhet-el-H'adi,  s'appuyait  surtout  sur  les  gens  de  la 
tribu  des  Cheraga  et  leur  avait  distribué  des  jardins  et  des 
maisons  qu'il  avait  enlevés  au  peuple.  Il  arrivait  parfois  qu'un 
propriélaire,  se  rendant  à  son  jardin,  trouvait  installé  au 
milieu  de  sa  propriété  un  arabe  qui  y  avait  dressé  sa  tente  et 
disait  :  —  «  Le  Sultan  m'a  donné  ce  jardin.  )^  Ces  Cheraga  ne 
craignaient  pas  de  s'emparer  des  femmes,  de  piller  les  marché? 
et  de  commettre  ouvertement  leurs  brigandages  ;  ils  se 
montraient  en  état  d'ivresse  dans  les  rues  et  s'introduisaient 
de  force  dans  les  maisons. 

«  Un  jour  qu'une  femme  était  occupée  à  faire  cuire  de  la 
viande  salée,  ayant  auprès  d'elle  son  enfant  encore  à  la 
mamelle,  un  Cheraga  entra  de  vive  force  dans  la  maison.  La 
femme  s'enfuit  sur  un  balcon  et  s'y  enferma  à  clef.  Voyant 
qu'il  ne  pouvait  l'atteindre,  l'Arabe  l'engagea  à  descendre,  et 
comme  celle-ci  s'y  refusait,  il  lui  dit  :  —  «  Si  tu  ne  descends 
pas  vers  moi,  je  jette  ton  enfant  dans  le  chaudron.  »  La 
femme  persistant  à  ne  pas  vouloir  descendre,  le  soldat 
accomplit  sa  menace.  A  cette  vue,  la  femme  poussa  un  grand 
cri,  puis,  se  précipitant  du  haut  du  balcon,  elle  se  brisa  les 
reins  et  mourut. 

«  Cet  événement  causa  un  vif  mécontentement  parmi  la 
population.  Un  homme  du  nom  de  Sliman  ben  Moh'ammed  se 
mit  alors  à  la  tète  d'un  mouvement  contre  les  Cheraga.  Il 
réunit  autour  de  lui  une  foule  de  gens  du  peuple  qui  prirent 
parti  pour  lui  et  on  tua  tous  les  Cheraga  et  tous  les 
Tlemcéniens  qu'on  trouva  à  Fas  ;  ils  furent  tous  passés  au 
fil  de  l'épée  ou  violemment  expulsés  de  la  ville  qui  fut 
ainsi  débarrassée  de  leurs  violences  et  purifiée  de  leurs 
souillures. 

«  Durant  cette  période,  ajoute  un  peu  plus  loin  notre  auteur, 
Fas  fut  divisée  en  un  grand  nombre  de  partis  et  de  factions. 
Aucun  commerçant  n'était  en  sécurité  s'il  ne  se  plaçait  point 
sous  la  protection  d'un  des  chefs  de  ces  clans.  Enfin,  il  y  eut 
tant  de  troubles  que  l'athmosphère  de  Fas  en  fut  obscurcie  et 
que  ses  émanations  parfumées  en  furent  empuanties.  La 
plus  grande  partie  de  la  ville  devint  déserte,  se  couvrit  de 


LA    VILLE   DE   FAS  (FEZ)  27 

ruines  et  les  hostilités  persistantes  entre  les  habitants  des  deux 
Quartiers,  les  Andalous  et  les  K'erouiyin,  faillirent  amener  la 
destruction  complète  de  la  cité.  »  o 

Louis  Chénier,  le  grand-père  de  notre  illustre  poète  André 
Chénier,  a  confié  au  papier  lui  aussi  quelques-unes  de  ses 
impressions  sur  la  ville  de  Fas  qu'il  visita  dans  la  seconde 
moitié  du  siècle  dernier  en  qualité  de  consul  de  France.  Son 
livre,  assez  instructif,  et  bien  documenté  pour  l'époque,  nous 
prouve  que  l'auteur  avait  étudié  les  institutions  et  les  hommes 
de  l'Empire  chérifien  avec  une  conscience  et  une  persévérance 
qui  ont  dû  lui  coûter  une  somme  de  travail  considérable.  Quel 
dommage  qu'il  n'ait  pas  su  l'arabe  !  Le  premier,  il  eût  déchiré 
d'une  main  sûre  le  linceul  qui  nous  cache  depuis  tant  de 
siècles  le  sépulcre  magribin.  Quoi  qu'il  en  soit,  ses  Recherches 
historiques  sur  les  Maures  seront  consultées  longtemps  encore 
avec  fruit,  et  je  me  plais  à  saluer  en  Louis  Chénier  l'un  de  ces 
nombreux  Français  dont  l'initiative,  le  talent  et  les  efforts  sont 
restés  sans  écho  dans  le  beau  royaume  de  France.  Laissons-lui 
la  parole  maintenant.  Écoutons-le  parler  de  Fas  dont  il  a  fort 
bien  saisi  le  côté  immoral. 

«  Après  que  les  Arabes  se  furent  étendus  dans  l'Asie,  dans 
l'Afrique  et  dans  l'Europe,  dit-il,  ils  portèrent  à  Fas  le  peu  de 
connaissances  qu'ils  avaient  acquises  des  sciences  et  des  arts, 
et  cette  capitale  réunit  aux  écoles  de  religion  des  académies 
où  l'on  recevait  des  leçons  de  philosophie,  de  médecine  et 
d'astronomie  ;  cette  dernière  dégénéra  insensiblement  et 
l'ignorance  accrédita  l'astrologie,  campagne  fidèle  de  la 
superstition  qui  enfanta  à  son  tour  l'art  de  la  magie  et  de  la 
divination. 

«  Fas,  où  l'on  accourait  de  presque  toute  l'Afrique,  et  où  les 
Mahométans  allaient  par  dévotion,  fut  bientôt  le  rendez-vous 
des  provinces  voisines  ;  l'affluence  des  étrangers  y  introduisit 
le  goût  du  plaisir,  qui  est  un  attrait  de  plus  pour  le  voyageur. 
Le  libertinage  suivit  de  près,  et,  comme  ses  progrès  sont  plus 
rapides  dans  les  pays  chauds,  Fas,  qui  était  l'école  des 
sciences  et  des  mœurs,  fut  bientôt  l'asile  de  tous  les  vices.  Les 
bains  publics,  que  la  santé,  la  propreté  et  l'usage  rendaient 
nécessaires,  respectés  partout  comme  des  lieux  sacrés,  étaient 


(1)  Nozltet-el-Hadi,  Iraduclion  Hondas. 


28  LA    VILLE   DE   FAS   (FEZ) 

devenus  des  rendez-vous,  où  les  hommes  s'introduisaient 
habillés  en  femmes.  Les  jeunes  gens,  sous  le  même  dégui- 
sement, la  quenouille  à  la  main,  couraient  les  rues  après  le 
soleil  couché,  pour  attirer  les  étrangers  dans  leurs  hôtelleries, 
qui  étaient  moins  des  lieux  de  repos  que  des   maisons  de 

prostitution 

({  Les  usurpateurs  qui  se  disputèrent  le  royaume  de  Fas 
après  le  X<'  siècle  dissimulèrent  ces  abus  ;  ils  se  contentèrent 
d'assujettir  les  maîtres  des  hôtelleries  à  fournir  un  nombre  de 
cuisiniers  pour  leurs  armées.  C'est  à  cette  tolérance  que  la 
ville  de  Fas  doit  son  premier  éclat  et  une  partie  de  ses 
richesses.  Comme  le  sang  y  était  beau  et  que  les  habitants  y 
étaient  attrayants,  les  Africains  y  couraient  en  foule,  et,  par  le 
renversement  des  lois  et  des  mœurs,  le  vice  lui-même  y  était 
devenu  une  ressource  poUtique.  »(!) 


Chers  et  patients  auditeurs,  vous  ne  tenez  pas  plus  que  moi, 
j'imagine,  à  ce  que  je  poursuive  ces  annales  atroces  d'une 
cité  corrompue  jusqu'aux  moelles.  Jetons  rapidement  un  voile 
sur  les  horreurs  et  les  flots  de  sang  qui  ont  souillé  cette 
capitale  tant  vantée.  Arrivons  aux  jours  moins  horribles  de 
son  histoire  contemporaine  et  tâchons  de  bien  distinguer  ce 
qu'est  aujourd'hui  la  grande  ruche  mahométane  où,  l'an 
dernier,  un  mois  après  mon  départ,  des  Fassiens  pieux,  et 
fort  doux  peut-être  en  temps  ordinaire,  ont  cru  gagner  le  ciel 
en  assommant  à  coups  de  marteau  d'abord  et  en  plaçant  ensuite 
sur  un  bûcher  enflammé  l'infortuné  juif  américain  Marcos, 
qui,  dit-on,  n'avait  pas  cessé  complètement  de  vivre  quand  on 
lui  fit  subir  ce  dernier  supplice. 

Ma  première  visite,  le  2  Mars,  fut  pour  le  tombeau  de 
Moulaye-Idris.  Je  tenais  à  voir  d'aussi  près  que  possible  ce 
sanctuaire  ^vénéré  dont  j'avais  les  oreilles  rebattues  depuis 
mon  enfance.  Tout  en  pataugeant  dans  les  épouvantables 
cloaques  de  la  capitale,  mes  lectures  arabes  me  revenaient  à 
la  mémoire  et  je  comparais  la  triste  réalité  que  j'avais  devant 
les  yeux  aux  poèmes  menteurs  dans  lesquels  les  bardes  maro- 
cains, toujours  débordants  de  lyrisme   et  d'hyberbole,   ont 


I 


(1)  Louis  Chénier,  Recherches  historiques  sur  les  Maures,  tome  IIL 


LA    VILLE   DE   FAS   (FEZ)  29 

chanté  les  merveilles  de  Fas  en  s'accompagnant  sur  les  cordes 
vibrantes  de  leur  imagination  déréglée.  A  les  en  croire,  nulle 
cité  au  monde  ne  réunit  la  millième  partie  des  beautés  et  des 
agréments  de  leur  ville  de  prédilection.  Paris  lui-même,  le 
prodigieux  Paris  de  l'an  de  grâce  1900,  n'est  qu'une  sentine 
impure  à  côté  de  Fas;  nos  monuments  les  plus  grandioses 
sont  à  peine  des  ébauches  de  manœuvres  en  comparaison  du 
mausolée  trois  fois  saint  où  reposent  les  restes  mortels  de 
Notre-Seigneur  Idris.  Et  ce  mausolée  si  beau,  si  éclatant  de 
lumière  mystique,  de  cette  lumière  divine  que  ne  peut  aper- 
cevoir l'œil  du  profane,  n'a-t-il  pas,  outre  son  immense 
supériorité  architecturale,  une  autre  supériorité  miraculeuse 
qui  le  place  à  cent  coudées  au-dessus  des  monuments  du 
même  genre  ?  —  Devinez  laquelle,  excellents  Infidèles  qui 
m'écoutez  ?  —  Eh  !  bien,  ce  mausolée  a  l'incroyable  privilège 
de  conserver,  non  la  cendre  plus  ou  moins  mêlée  de  terre  du 
bienheureux  qui  dort  sous  son  dôme  depuis  plus  de  mille  ans, 
mais  il  garde,  incorruptible  et  tel  qu'il  était  pendant  sa  vie  (^), 
le  corps  de  celui  à  propos  duquel  Sidi  Ah'med-et-Tidjani  a 
osé  dire  : 

—  «  Si  les  habitants  de  Fas  se  faisaient  une  idée  exacte  des 
mérites  de  N.-S.  Idris,  ils  égorgeraient  sur  son  tombeau  leurs 
propres  enfants  !  »  (-> 

Acheminons-nous  donc  vers  cette  merveille  des  merveilles 
et  écoutons  ce  que  nous  dit,  chemin  faisant,  notre  fidèle 
domestique  Djilali.  C'est  un  fin  limier,  un  habile  homme  qui 
connaît  Fas  comme  sa  poche  pour  y  être  venu  souvent  et  y  avoir 
séjourné  de  longs  mois  en  compagnie  de  visiteurs  européens 
dont  il  était  le  guide  et  l'interprète  ;  et  quel  interprète  ! 
Possédant  un  vocabulaire  de  150  à  200  mots  français  relatifs 
aux  besoins  matériels  de  l'existence  quotidienne  en  pays 
musulman,  Djilali  en  était  réduit,  quand  il  voulait  faire  de  la 
science  ou  de  l'histoire  dans  notre  langue,  à  des  métaphores 
risquées,  stupéfiantes,  véritables  tours  de  force  de  rhéteur- 
prestidigitateur  dont  il  était  le  premier  à  se  moquer  avec  moi 
en  arabe,  car,  se  défiant  de  ses  barbarismes,  il  ne  m'adressait 


(1)  Séloua  t-el-Enfas,  tome  T,  page  82. 

(2)  Séloua-î-el  Enfas,  tome  I,  page  «l. 


30  LA  VILLE  DE  FAS  (FEZ) 

la  parole  que  dans  l'idiome  de  son  cher  Prophète.  C'est  lui 
qui,  voulant  expHquer  à  un  touriste  allemand  la  vénération 
dont  le  patron  de  Fas  est  l'objet  de  la  part  de  ses  coreligion- 
naires, lui  aurait  dit  textuellement  ceci  : 

—  «  Vous  outr,  el-Brous,  ti  lim  I'  coucho  blis  qui  toun  bire  ; 
ti  lim  r  chouk'rout  blis  qui  toun  mir  ;  kif-kif  li  Marrouk  i  lim 
Moulaye  Idris  blis  qui  l'  kouskous,  blis  qui  F  moto.  »(i) 


Par  bonheur,  nous  aurons  d'autres  ciceroni  moins  roublards 
mais  plus  instruits  que  Djilali.  Plus  nous  prolongerons  notre 
séjour  dans  la  capitale  du  Maroc  et  plus  nous  aurons  de  gens 
respectables,  étudiants,  commerçants,  savants  même  qui  se 
mettront  à  notre  disposition  pour  nous  guider  et  nous  instruire. 
Ils  ne  sauront  pas  un  mot  de  français,  c'est  vrai  ;  leurs 
renseignements  n'en  seront  que  moins  frelatés  et  plus  purs  de 
tout  alliage  étranger.  Jamais  voix  européenne,  jamais  visage 
de  mécréant  n'aura  encore  impressionné  ces  âmes  concentrées 
que  nous  pourrions  comparer  aux  eaux  stagnantes  et  calmes 
en  apparence  des  uarais,  où  il  suffit  de  jeter  une  pierre  pour 
réveiller  des  milliers  d'existences  insoupçonnées.  Nous  aurons 
aussi,  pendant  quelques  jours  seulement,  un  nouveau  cicérone 
en  djellaba  bleue-marine,  habillé  de  pied  en  cap  à  la  marocaine, 
un  vrai  type  bronzé  et  basané  de  bédouin  magribin  énergique, 
brave,  capable  de  se  dévouer  corps  et  âme  pour  qui  saura 
comprendre  et  taire  agir  cette  nature  de  feu  et  de  flamme 
saharienne  que  l'incompréhensible  destinée  fit  naître  à 
Merrakech  d'une  femme  arabe  et  d'un  ancien  officier  français 
réfugié  au  Maroc,  converti  à  l'Islamisme,  devenu  ensuite, 
grâce  à  ses  connaissances  techniques  d'ex-capitaine  du  génie, 
une  sorte  d'ingénieur  en  chef  ou  plutôt  de  ministre  des 
travaux  publics  de  Sa  Majesté  Chérifienne. 

Je  vous  présenterai  plus  tard  le  fils  unique  du  comte  de 
Saulty,  celui  que  l'on  ne  connaît  d'un  bout  à  l'autre  du  Magrib 
que  sous  le  nom  de  Si  Mouh'ammed  el-Merrakchi. 


(1)  «  Vous  autres,  Prussiens,  vous  aimez  le  cochon  plus  que  votre  père; 
vous  aimez  la  choucroute  plus  que  votre  mère.  De  môme  les  Marocains 
aiment  Moulaye  Idris  plus  que  le  couscous,  plus  que  le  mouton.  * 


LA  VILLE   DE   FAS  (FEZ)  3l 

Pour  aujourd'hui,  absolument  confus  de  voire  bienveillance, 
profondément  touché  par  l'inaltérable  patience  que  vous 
m'avez  montrée  en  prenant  la  peine  de  gravir  avec  moi  l'aride 
Golgotha  au  sommet  duquel  nous  voici  maintenant  parvenus, 
je  vous  présente,  mes  chers  compatriotes,  l'hommage  de  ma 
très  sincère  gratitude,  en  vous  disant,  non  pas  adieu,  mais 
au  revoir. 


La  péroraison  de  M.  Mouliéras  ainsi  que  divers  passages  de 
sa  relation  ont  été  couverts  d'applaudissements. 

Ensuite  M.  Gillot,  président  de  la  Société  de  l'Enseignement 
par  l'Aspect,  est  venu  remercier  chaleureusement  l'orateur,  le 
félicitant  de  sa  persévérance  et  surtout  prenant  acte  de  sa 
promesse  de  réserver  à  ses  auditeurs  une  nouvelle  et  prochaine 
causerie  sur  les  choses  du  Magrib  qui  ont  le  don  de  passionner 
le  public  français  et  surtout  les  Algériens. 


FOUILLES  A  AIN-TEMOUCHENT 

(  A  L  B  U  L/E) 


Des  déblais  exécutés  il  y  a  quelques  mois  à  Aïn-Temouchent, 
en  vue  de  la  construction  d'un  marché  couvert  au  voisinage 
des  rues  Baudin  et  IJugeaud  et  du  boulevard  Gambetta,  ont 
mis  à  jour  quelques  vestiges  intéressants  : 

1°  Une  colonne  en  calcaire  dur,  de  2™  12  de  hauteur.  (PI.  1, 
fig.  1.) 

Le  travail  en  est  assez  primitif  et  grossier  :  le  socle,  le 
chapiteau  et  le  fût  en  sont  légèrement  plus  larges  que  longs. 

Le  socle  mesure  0™  48  sur  O""  43  de  base  et  0^18  de  hauteur  ; 
il  est  absolument  lisse  et  profdé  en  doucine  ou  talon  renversé 
qui  se  raccorde  avec  le  lût  lui-même. 

Celui-ci,  dépourvu  de  tout  galbe,  est  lisse  et  mal  réglé  en 
section  comme  aussi  dans  ses  génératrices. 

Le  chapiteau  se  borne  à  un  tailloir  dont  les  faces  sont 
décorées  de  ciselures,  les  unes  verticales,  les  autres  en  forme 
de  chevrons,  grossières  et  tracées  à  la  pointe. 

La  hauteur  totale  est  de  2""  12,  le  diamètre  moyen  de  0'"20. 

L'exécution  de  cette  colonne  dénote  un  outillage  très  rudi- 
mentaire  et  l'absence  de  panneaux  et  de  gabarits,  mais  en 
raison  même  de  la  simplicité  des  procédés,  elle  accuse  un  réel 
savoir  faire  de  la  part  de  l'artisan. 

Nous  avons  relevé  à  la  hâte  le  croquis  de  cette  colonne  lors 
d'un  passage  à  Aïn-Temouchent  au  printemps  dernier,  et  n'en 
avons  plus  trouvé  trace  lors  d'une  visite  moins  précipitée  en 
juillet  1900  ;  il  nous  a  paru  intéressant  d'en  publier  le  croquis 
en  raison  de  sa  contemporanéité  probable  avec  les  épigraphes 
rencontrées  dans  son  voisinage  immédiat,  et  dont  la  date  est 
déterminée. 

2°  Un  boisseau  de  forme  cylindrique,  en  calcaire  dur. 
(PI.  1,  fig.  2.) 

Ce  récipient  porte  dans  le  fond  une  cavité  de  0'"025  de 
profondeur,  en  forme  d'hexagone  oblong,  d'une  régularité  de 


FOUILLES  A  AÏN-TEMOUCHENT   (aIBVLJE)  33 

taille  si  parHxite  qu'elUî  paraît  avoir  rté  destinée  à  l'encastre- 
ment d'une  pièce  en  métal.  Dans  les  parois  du  cylindre  sont 
percés  symétriquement  deux  trous  carrés  de  0'"06  de  côté 
qui  paraissent  destinés  à  l'emmanchement  de  leviers  ou 
manches  en  bois. 

Nous  ne  pouvons  nous  expliquer  l'usage  de  ce  récipient; 
la  régularité  de  la  cavité  du  fond,  celle  des  deux  trous  percés 
dans  les  parois,  indiquent  l'adaptation  exacte  de  pièces  de 
dimensions  précises.  La  forme  hexagonale  de  la  cavité  du  fond 
exclut  la  supposition  d'un  puisard  destiné  à  recueillir  des  lies 
ou  des  boues;  celle  des  deux  trous  carrés  latéraux  exclut  la 
supposition  de  tuyaux  (généralement  cylindriques)  s'encastrant 
dans  un  regard  ou  bassin  de  décantation.  Il  semble  plus 
probable  que  nous  nous  trouvons  en  présence  d'une  pièce 
isolée  d'un  outillage  dont  les  parties  plus  altérables  (fer  ou 
bois)  ont  succombé  aux  ravages  du  temps,  et  dont  la  destina- 
tion reste  à  rechercher. 

3°  Une  stèle  en  calcaire  blanc  grossier  :  largeur  0'"50, 
hauteur  O'"70,  épaisseur  0™16,  avec  inscription  gravée  dans 
un  cadre  carré  à  filets  ;  cette  stèle  présente  à  la  partie  supé- 
rieure une  cavité  rectangulaire  de  0™15  sur  0"'ll,  et  de  0'"05 
de  profondeur. 

A  M  S 
M  E  M  0  R  I  A  E 
IVLIE  ECVSIE 
QUI  VIXIT  ANNIS 
PLS  M//  XCII  ET 
AI  C  E  S  S  I  T  IN 
PAGE  AN  1  NOS 
TRI  KL  AECEM 
BRES  ANNVM 
P  R  0  V  I  N  C  I  /E 
CCCC//     Il 

Il  faut  remarquer  à  la  4«^  ligne  le  qui,  s'accordant  avec  un 
nom  féminin  ;  à  la  5*^  ligne  il  manque  deux  lettres  dégradées, 
il  faut  sans  doute  lire  MNS  (minus),  et  : 


34  FOUILLES  A   AÏN-TEMOUCIIENT    (ALBUL^) 

D(iis)  M(anibufi)  S(acnim)  Juli(a)e  Ecusi{a)e  qui  vixitannis 
pl(u)s  m(ina.s)  XCII  et  di(s)cessit  in  pace  D{omi)ni  noslri 
K{a)l{endas)  décembres  annwn  provbiciœ  CCCC.  .Il 

—  Consacré  aac  Dieu>:  Mânes  de  .lulia  Ecusia  qui  vécut 
92  ans  plus  ou  moins  et  niourut  dans  la  paix  de  Notre  Seigneur 
(le  jour  des)  calendes  de  Décembre  (l"^''  Décembre;  Tannée  de 
la  province  4-2. 

4"  Autre  stèle  de  calcaire  grossier  :  largeur  0'"50,  hauteur 
On'58,  épaisseur  0'"  16  ;  inscription  gravée  dans  un  cadre  avec 
fdets  ;  cavité  rectangulaire  à  la  partie  supérieure. 


///EN  S  A/  R  EL 
MATRONA  VIX 
IT  ANN  PLVS  MN 
XCI  A  I  s  C  E  SS I T 
IN  PACE  ANI  AIE 
XI  KL  SERIE 
MBR/////  ANNO 
PROVINCIA    CCCCXV 


Les  trois  premières  lettres  de  l'inscription  sont  dégradées  et 
illisibles,  la  3'^  est  peut-être  un  A. 

eii  8  Aurel  malrona  vixit  ann{is)  plus  w(i)n(us)  XCI, 

disces^  in  pace  D{omi)ni  die  XI  K{a)l(endas)  sep  tembr{es) 
anno  2irovincia(e)  CCCCXV. 

L'épitaphe  s'applique  soit  à  une  chrétienne  de  qualité 
(matrona),  soit  à  une  femme  portant  le  nom  de  Matrona, 
décédée  à  l'âge  de  91  ans,  dans  la  paix  du  Seigneur,  le  11  des 
calendes  de  Septembre  de  l'année  415  de  la  province  (45i  de 
J.-C). 


FOUILLES  A   AÏN-TEMOUCHENT    (ALBUL.E)  35 

5°  Une  autre  stèle  de  même  genre,  en  calcaire  grossier  : 
largeur  O^n^S,  hauteur  0'n45,  épaisseur  0'"  18  : 

MEMORI/E  IVLI 
A  MONICVR ////// 
V  I  C  S  I  T  A/  N  N 
I  S ///////////////// 
//////////////////// 
AEC/////////////// 
NOVEMBRES  A/ 
NVM  PROVINCIAE 
//////////////////// 

Cette  épigraphe  est  très  altérée. 

Les  trois  stèles  ci-dessus  décrites,  par  la  forme  du  A,  par 
leur  facture  grossière  et  la  similitude  des  cadres  paraissent 
remonter  à  une  même  époque,  et,  d'après  la  seconde  d'entre 
elles,  au  5^  siècle  de  l'ère  chrétienne. 

6°  Un  cippe  en  calcaire  grossier  de  bonne  qualité,  mesurant 
0'"40  de  largeur  et  0^38  d'épaisseur,  et  l'"68  de  hauteur  dont 
l°i20  seulement  destinés  à  émerger  du  sol.  Ce  cippe  est  repré- 
senté PI.  1,  fig.  3. 

L'inscription  a  été  gravée  en  caractères  très  réguliers,  les 
mots  séparés  par  des  points  triangulaires  ;  quelques  lettres 
sont  altérées. 

D  ff  M 
VLPI  *  QVETI 
MIL  ^  N  .  EX  E  * 
GERMr'STIPi 
VI 4  VIXIT  .  A  N 
XXVII  '^  C  V  I 
PL  *  V  IGTORI 
N  V  S  .  S  EG-  ÎE  à 
SEPVL.    F-G 

Lettres  douteuses  :  les  deux  dernières  de  la  2^  ligne,  le  T  et 
ri  de  la  4e  et  la  2°  de  la  5'^  ligne  ;  l'avant-dernière  a  disparu  à 
laQMigne. 


36  FOUILLES  A   AÏN-TEMOUCHENT   (ALBUL.e) 

Diisinanibua  Ulpi{i) Queti niil(itis)  N Exer(cUus)Germa(nivp) 
stip{endiarum)  VI,  vixit  an{nis)  XXVIf.  Cai  FI.  Victorinus 
sec(undus)  he(res)  sepHl{turam)  f[aciendam)  c{uravit). 

—  Aux  Dieux  Mânes  d'Ulpius(?)  Quetus(?)  soldat  de  l'armée 
de  Germanie,  ayant  servi  6  ans.  Il  a  vécu  27  ans.  Flavius 
Victorinus,  héritier  en  second,  lui  a  fait  élever  cette  sépulture. 

Cette  inscription  rappelle  l'épitaphe  d'un  autre  soldat  de 
l'Armée  de  Germanie,  Romanus  Victorinus,  conservée  au 
Musée  d'Oran,  sons  le  n°88;  dans  celle-ci  l'héritier  érecteur 
du  monument  est  Priseus  Sec(undus)  He(res)  ;  nous  croyons 
que  dans  chacune  de  ces  épitaphes  de  soldats,  où  nous 
trouvons  un  «  recundus  hères  »,  cette  expression  doit  être 
traduite  non  par  «  Secundus,  héritier  »,  mais  par  «  héritier 
en  second,  substitué  au  premier.  » 

En  effet  Secundus  (pris  comme  nom)  serait  un  cognomen 
ou  un  agnomen,  et  ce  n'est  qu'exceptionnellement  que  ceux- 
ci  sont  abrégés  dans  les  inscriptions  ;  sur  16  épigraphes  où 
figure  le  nom  de  Secundus,  mentionnées  dans  le  Bulletin  de 
notre  Société,  deux  ou  trois  seulement  portent  l'abréviation 
Secand  ;  quant  à  Tabréviation  «  Sec  »,  elle  ne  tigure  soit  dans 
le  Bulletin,  soit  au  Musée  d'Oran,  que  devant  le  mot  Hères. 

Quoiqu'il  en  soit,  si  l'on  admet  que  Secundus  est  employé  ici  à 
titre  de  surnom,  c'est  pour  la  quatrième  fois  qu'il  se  retrouverait 
à  Aïn-Temouchent  dans  les  quelques  inscriptions  décrites  dans 
notre  Bulletin  ou  conservées  au  Musée  d'Oran  ;  le  surnom  de 
«(  Victorinus  »  y  figure  pour  la  3^  fois  (n^*  88  et  101  du  Musée.) 

7"  Une  pierre  funéraire  (calcaire  blanc  jaunâtre)  en  forme 
de  caisson  (PI.  1,  lîg.  4),  portant  à  la  partie  antérieure  un 
bas-relief  représentant  deux  personnages,  homme  et  femme, 
vus  de  face,  et  au-dessous  l'inscription  : 

DMS 

BOMO    M    SISSOI    Vie 
BIT    AN    L    RVFINA    F- 
A      ElIVS     VICSIT     AN 
//////////    A    GENER    F- 

Une  lettre  piraît  effacée  par  les  dégradations  de  la  pierre  à 
la  fin  de  la  3«  ligne,  une  ou  deux  autres  tant  au  commencement 


f 

'ii 


FOUILLES  A  AÏN-TEMOUCHENT  (ALBUL.e)  37 

qu'à  la  fin  de  la  4'  ;  la  o^  ligne  est  dégradée  à  ses  deux  extré- 
mités. Cette  inscription  nous  paraît  pouvoir  être  lue  : 

D(ns)   M(anibus)   S(ac)'um).    Bomo   Ma(rito)   Siasoi    vicsit 

ann{is)  L.  Bufina  t(ili)a)  ejus  vicsit  an{nis) a  Gêner  fecit) 

et  traduite  comme  il  suit  : 
t 

—  Aux  Dieux  Mânes.  Au  bon  mari  Sisso  ;  il  vécut  L  ans. 

Rufina,   sa  fille,   a  vécu ans Son  gendre  a  fait 

(ce  monument.) 

La  lecture  de  M  à  la  2°  ligne  est  douteuse,  et  peut-être  faut-il 
lire  BOMONA  au  lieu  de  BOMO  MA  ;  le  nom  de  BomonD  nous 
est  d'ailleurs  inconnu. 

Une  autre  particularité  appelle  l'attention,  c'est  la  ressem- 
blance de  cette  épitaphe  avec  une  autre,  également  d'Aïn- 
Temouchent,  figurée  dans  noire  Bulletin  (1892,  p.  135,  n"  1164.) 
Par  leur  disposition,  leur  facture,  leur  ortographe,  ces 
monuments  paraissent  contemporains  et  peut-être  dus  à  un 
même  artisan  ;  le  nom  de  Rufina  se  retrouve  dans  les  deux, 
et  peut-être  s'applique-t-il  à  un  même  personnage. 

La  dernière  des  deux  inscriptions  (n"  1164)  est  encastrée 
dans  le  mur  de  l'école  des  filles  d'Aïn-Temouchent,  exposée 
au  vandalisme  des  enfants  comme  à  celui  des  crépisseurs. 

Si  le  bord  de  droite  et  celui  du  bas,  que  M.  Demaëght  a  lus 
en  1892,  sont  aujourd'hui  couverts  de  crépis  et  de  badigeon  et 
illisibles,  certaines  parties  cachées  en  1892,  sont  découvertes 
aujourd  hui. 

Il  en  résulte  que  la  lecture  publiée  dans  le  Bulletin  de  1892 
doit  être  rectifiée  ;  à  la  4«  ligne  en  effet  on  lit  très  distinctement  : 

EIIVS     VICSIT     AN  NI  S.... 

au  lieu  de  k  Annius  vicsit  annis. . .  IIII.  »  Admettons  que  la 
5^  et  la  6«  ligne,  aujourd'hui  enduites  de  crépi,  soient 
conformes  à  la  lecture  de  feu  M.  Demaëght  (1892)  l'épilaphe 
deviendra  : 

Diis  Manibiis  Sacrum.  Liiciosa  Properlii  vixit  annis  LX. . . 
et  diebus  V.  Rufina  nepos  ejus  vixit  annis.  ..  Messor  et 
Caninius  instantiâ  sud  fecerunt. 


38  FOUILLES   A   AÏN-TEMOUCHENT   (ALBUL.T:) 

Le  monument  aurait  été  dédié  par  Messor  et  Caninius  à 
Luciosa  et  à  Rufina  ;  cette  lecture  est  très  rationnelle,  tandis 
que  celle  de  1802,  au  contraire,  oblige  à  admettre  que  le 
monument  aurait  été  dédié  deux  fois,  d'abord  par  Rufina  et 
Nepos,  puis  après  le  décès  d'Annius,  une  seconde  fois  par 
Messor  et  Caninius.  Celte  double  dédicace  me  paraît  inexpli- 
cable ;  en  outre,  rien  ne  semble  justifier  la  supposition  d'un 
«  et  »  sous  entendu  entre  les  mots  a  Rufina  »  et  «  Nepos  »  de 
l'inscription. 

Il  importerait  que  ce  petit  monument  (le  n"  1164  de  notre 
Bulletin),  réellement  intéressant  et  aujourd'hui  en  grand  péril 
dans  la  cour  de  l'école  d'Aïn-Temouchent,  tût  mis  en  lieu  sûr; 
la  dépense  et  le  travail  se  réduiraient  à  démolir,  puis  à  refaire 
un  ou  deux  mètres  cubes  de  maçonnerie  du  mur  de  clôture  de 
la  dite  école.  La  lecture  et  la  traduction  de  l'inscription  seraient 
alors  faciles. 

Nous  souhaitons  que  ces  différents  documents,  les  uns  mis 
à  l'abri  dans  la  cour  de  l'ancien  abattoir  d'Ain-Temouchen^ 
les  autres  abandonnés  au  lieu  de  leur  découverte,  voient  leur 
conservation  assurée  par  leur  transfert  au  Musée  d'Oran. 

£.  FLAHAULT. 


A 4 «■__>!   U-.o.^ 


.±J 


D      .«^      M 

VLPrgvETi 

MIL^N^EXE 
GERM'STIP, 
VIWIXfT-AN 
XXVII  ^  CVI 
FL-VICTORI 
NVS*SEC'F£- 


Fitf.2 


" 

1  ; 

1 

-7( 

1 

1 

1 

', 

0 

1 

1 

yr 

R 

1 

•ys    ' 

' 

; 

>^. 

.- 

. ,   

m)    ^ 

o 

f 

'  Il 

^ 

X.4.?_ 


Fig.4 


1    I    BOMO  M    il55o»    Vic^ 
.SiT    AA'     L      R\/  FI  M    F 
^£llV5     ^ICSIT    AM| 

û.'if . 


.     -.0,14.      -.; 

■ 

■  0.5^- 


CliRO^IOllË  ARCHÉOLOGIOUE 


I.  —  GENERALITES 

Parmi  les  brochures  publiées  par  le  Gouvernement  Général 
de  l'Algérie  à  l'occasion  de  l'Exposition  Universelle  de  1900, 
nous  devons  citer  L'Algérie  dans  VAnliquité  par  M.  Stéphane 
GsEi-L  ;  dans  ce  travail  de  vulgarisation  est  résumée  succincte- 
ment l'histoire  de  l'Algérie  ju'^qu'à  l'établissement  des  Arabes; 
l'auteur  y  expose  lumineusement  la  suite  des  transformations 
politiques,  religieuses  et  surtout  morales  et  sociales,  et  le 
développement  des  institutions,  des  usages  et  des  mœurs  à 
travers  les  luttes  des  diverses  civilisations  qui  se  sont  disputé 
le  sol  algérien  ;  en  un  mot,  il  a  dressé,  dans  ce  tableau  très 
net,  la  philosophie  de  l'histoire  de  l'Afrique  du  Nord  jusqu'à 
l'invasion  arabe  (Giralt,  éditeur,  Alger-Mustapha). 

La  Revue  Tunisienne  de  l'Institut  de  Carthage  (année  1900) 
contient  une  étude  de  M.  Gabriel  Médina  sur  Vâge  du  bronze 
en  Lybie  et  dans  le  bassin  occidental  de  la  Méditerranée  ; 
cette  étude  est  un  résumé  critique  des  discussions  savantes 
auxquelles  ont  donné  lieu  l'origine  de  la  métallurgie  dans  le 
bassin  delà  Méditerranée,  l'importation  du  bronze  en  Egypte,  en 
Sardaigne  et  sur  d'autres  parties  du  littoral  par  les  immigrants 
Lybiens,  et  enfin  la  provenance  de  i'étain  employé  à  la  fabri- 
cation des  produits  de  l'âge  de  bronze.  L'auteur  ne  hasarde 
d'ailleurs  qu'avec  une  extrême  modération  quelques  conjec- 
tures personnelles,  et  nous  croyons  comme  lui  qu'il  serait 
prématuré  de  vouloir  conclure  sur  des  sujets  encore  aussi  peu 
étudiés  et  aussi  difficiles. 


II.  —  TUNISIE 


La  Tunisie  a  donné  lieu,  comme  toujours,  à  un  grand 
nombre  de  recherches  des  plus  intéressantes. 

Époque  Punique.  —  Carthage  est  un  champ  inépuisable  de 
découvertes. 

Le  R.  P.  Delattre  a  publié  dans  les  comptes  rendus  de 
l'Académie   les   résultats  de   ses   fouilles   dans  la  nécropole 


40  CHRONIQUE  ARCHÉOLOGIQUE 

voisine  de  Sainte  Monique  pendant  le  deuxième  semestre  de 
1899  et  le  premier  de  1900.  Les  sépultures  visitées  sont  des 
chambres  souterraines  avec  puits  d'accès;  ces  chambres  rece- 
vaient directement  dos  cadavres  ;  mais  beaucoup  d'entre  elles 
contenaient  en  outre,  disposés  dans  des  cavités  spéciales 
ouvertes  dans  leurs  parois,  des  coffrets  en  pierre  avec 
couvercles  à  dos  d'âne,  contenant  les  ossements  calcinés  et 
brisés  d'autres  morts,  et  souvent  avec  ces  coffrets,  des 
amphores  contenant  les  cendres,  qui  paraissent  avoir  été 
triées  par  tamisage.  Les  coffrets  renferment  très  peu  de  mobi- 
lier funéraire  ;  il  n'en  est  pas  de  même  des  caveaux,  dans 
lesquels  les  cadavres  étaient  accompagnés  d'objets  nombreux 
et  variés  :  Vases  de  formes  diverses,  dont  l'un  paraît  être  un 
encrier  carthaginois  inversable,  figurines  en  terre  cuite, 
amulettes  de  façon  égyptienne  en  faïence  et  pâte  de  verre 
émaillée,  vases  et  objets  en  bronze,  en  plomb  ou  en  fer,  en  os 
et  en  ivoire,  anneaux  et  bagues  en  or,  gravures  sur  cornaline; 
ces  sépultures  ont  fourni  en  outre  quelques  inscriptions 
puniques,  dont  l'une  tracée  sur  une  cruche  de  terre  rouge, 
est  une  assez  longue  épitaphe. 

Une  de  ces  chambres,  ouverte  au  fond  d'un  puits  de  dix 
mètres  de  profondeur,  était  fermée  par  une  dalle  portant  en 
punique  l'épitaphe  d'une  prêtresse  de  Tanit;  le  mobilier 
funéraire  comprenait,  outre  une  figurine  de  Tanit,  une 
centaine  d'objets,  vases  à  queue,  vases  noirs,  lampes  de 
forme  punique  ou  grecque,  amulettes,  et  cinquante  mon- 
naies. » 

Dans  d'autres  ont  été  trouvés  :  de  jolies  terres  cuites, 
statuette  de  femme  debout,  brûle-parfums  en  forme  de  têtes  de 
déesses  ;  un  cachet  en  matière  brune  et  malléable,  peut  être 
de  la  cire,  ayant  reçu  l'empreinte  d'un  sceau  figurant  un 
guerrier  avec  son  bouclier  ;  un  grand  nombre  d'amulettes,  de 
lampes,  d'objets  en  ivoire  ;  enfin  de  très  curieux  rasoirs 
puniques  en  profil  de  hachettes,  avec  manches  affectant  régu- 
lièrement la  forme  d'un  cou  et  d'une  tête  de  cygne;  ces 
rasoirs  puniques  en  bronze  portent  des  ciselures  représentant 
des  personnages,  des  oiseaux  et  des  palmiers  ;  l'un  d'eux  porte 
en  outre  une  inscription  punique. 

M.  Ph.  Berger  (Comptes-rendus  de  l'Académie  des  Inscrip- 
tions, avrillOOO)  a  donné  la  traduction  de  l'épitaphe  punique 
trouvée  en  place  par  le  P.  Delatthe,  et  mentionnée  plus  haut  : 
«  Tombeau  de  Gératasloret,  'prêtresse  de  Notre-Dame  »,  c'est- 
à-dire  de  Coilestis  ou  de  Tanit.  En  présentant  à  l'Académie  une 
des  hachettes  ou  rasoii's  en  bronze  dont  nous  venons  de 
parler,  il  a  insisté  sur  le  caractère  religieux  de  l'acte  auquel 


CHRONIQUE    ARCHÉOLOGIQUE  41 

étaient  destinés  ces  instruments,  caractère  attesté  par  les 
figures  symboliques  qui  les  couvrent  ainsi  que  par  certaines 
inscriptions  sur  lesquelles  se  lit  le  litre  de  a  barbier  sacré  ». 

M.  Gauckler  de  son  côté  a  poursuivi  ses  fouilles  dans  la 
nécropole  des  Vl^  et  Vll^  siècles  à  Carlhage  ;  sans  énumérer  le 
mobilier  funéraire  des  tombeaux  bâtis  et  des  sarcophages  qu'il 
a  fouillés,  et  dont  nos  confrères  trouveront  l'inventaire 
détaillé  dans  les  comptes-rendus  de  l'Académie  (30  mars  1900), 
il  nous  faut  citer  la  découverte,  dans  des  tombes  et  sarco- 
phages, de  sept  petits  étuis  en  or,  en  argent  ou  en  bronze. 
Ces  étuis  sont  fermés  hermétiquement  dans  le  bas  par  un 
disque  mobile;  dans  le  haut  ils  sont  munis  d'un  anneau  de 
suspension  et  se  terminent  par  une  tête  de  lionne  ou  de  chatte 
surmontée  de  l'urœus  dressé  devant  le  disque  solaire.  Chacun 
de  ces  étuis  renferme  une  bande  très  mince  de  métal  précieux 
enroulée  sur  elle-même  et  couverte  de  figures  mythologiques 
gravées  au  trait  et  ressortant  en  relief  au  revers  de  la  lame. 

Ces  figures,  très  nombreuses  (au  nombre  de  250  sur  l'une 
des  lames)  se  succèdent  dans  un  ordre  immuable  qui  devait 
être  fixé  par  un  rituel  funéraire  strictement  observé  ;  une  des 
lames  découvertes  porte  deux  inscriptions  en  caractères 
phéniciens  microscopiques,  que  M.  Ph.  Berger  a  déchiffrées 
et  traduites,  la  première  par  :  Protège  et  garde  Hilleçbaal,  fils 
d'Arisathaal  et  la  deuxième  par  :  Garde  et  protège  Hilleçhaal, 
fils  d'Aï.  (Peut  être  par  abréviation.) 

Ces  étuis  sont  donc  des  porte-bonheurs,  à  la  fois  bijoux  et 
amulettes.  Et  comme  il  en  a  été  découvert  déjà  dans  la  nécro- 
pole phénicienne  de  Cadix,  et  surtout  en  Sardaigne,  c'est,  fait 
observer  M.  Berger,  «  toute  une  nouvelle  catégorie  de  monu- 
«  ments  épigraphiques  qui  étaient  jusqu'à  présent  lettre  close 
«  pour  nous  et  qui  nous  deviennent  intelligibles  »  ;  ils  feront 
suite  à  la  tabella  devotionis  que  nous  avions  déjà  mentionnée 
dans  une  chronique  précédente  (Bulleiin  1900,  page  223). 

Dans  le  Bulletin  archéologique  du  Comité  des  Travaux 
historiques  (1900,  1''''  livraison)  nous  citerons  : 

1°  Une  courte  note  par  laquelle  M.  Saladin  décrit  deux 
mausolées  puniques  en  pierre  situées  à  Kasr'Chenann  et  à 
Kasr'Rouhaha  et  découverts  par  la  2^  brigade  topographique 
de  Tunisie  ; 

2"  Une  note  de  MM.  Epinat  et  Novak  qui  ont  décrit  la 
nécropole  punique  de  Ras  Ed  Dimas,  l'antique  Thapsus  célèbre 
par  la  victoire  de  César  sur  les  Pompéiens  ;  les  tombeaux  sont 
des  chambres  avec  puits  d'accès,  fermées  par  des  dalles  ;  les 
dispositions  des  caveaux  et  le    mode  de  sépulture   étaient 


42  CHRONIQUE  ARCHÉOLOGIQUE 

variables  ;  quoique  les  tombes  eussent  été  violées,  il  y  a  été 
recueilli  un  grand  nombre  de  lampes,-  de  vases  divers,  des 
amphores,  des  figurines  en  terre  cuite  et  quelques  monnaies 
très  frustes  et  menus  objets  divers. 

Époque  Romaine.  —  I  o  P.  DeLATTREa  publié  dans  la  Revue 
Tunisienne  de  Vlniitiiiit  de  Cnrlhage  (1900,  pages  279  à  293,  et 
1901,  pages  20  à  41)  doux  cent  trente  deux  inscriptions  sur 
terres  cuites  ou  menus  objets  trouvés  à  Cnrthage  en  1899-1900  : 
marques  d'amphores  rhodiennes  portant  le  nom  d'un  magistrat 
ou  quelquefois  d'un  prêtre,  avec  ou  sans  indication  du  mois 
de  la  fabrication  ;  —  marques  de  briques  en  langue  latins  ;  — 
marques  sur  grands  vases,  lampes,  poteries  rouges,  menus 
objets  en  os,  agates  gravées.  Ces  marques  sont  généralement 
postérieures  aux  nécropoles  puniques,  et  un  grand  nombre 
d'entre  elles  proviennent  des  décombres  qui  ont  recouvert 
la  nécropole  dite  de  Sainte-Monique  et  comblé  les  puits 
d'accès  des  chambres  funéraires. 

Ces  mêmes  couches  supérieures  à  la  nécropole  punique  ont 
fourni  aussi  au  P.  Del.\ttre  (Comptes-rendus  de  V  Académie, 
i900,  i^"  livraison)  un  certain  nombre  de  vases  portatifs  en 
poterie  munis  d'une  anse  de  panier  permettant  de  les  porter, 
et  percés  de  trous  latéraux  pour  accès  de  l'air,  et  qui  paraissent 
au  P.  Delattre  avoir  pu  servir  il'encensoirs;  peut-être  sont-ce 
de  simples  pots  à  feu,  réchauds  ou  chaufferettes.  Le  même 
savant  a  décrit  dans  la  même  Revue  Tunisienne  (1900,  pages 
411  a  426)  quatre-vingt  poids  romains  en  bronze,  de  la  collec- 
tion du  Musée  Saint-Louis  de  Carthage  ;  parmi  eux  figurent 
quelques  exagia,  poids  réglementaires  employés  par  les 
zygostrates,  institués  par  Julien  II  pour  juger  les  nombreux 
procès  auxquels  donnaient  lieu  la  diversité  et  la  mauvaise 
qualité  des  monnaies  courantes,  et  tenus  en  outre  de  procéder 
au  pesage  officiel  de  matières  ou  monnaies  d'or  quand  ils  en 
étaient  requis  par  les  intéressés. 

M.  Gaucklrr  a  communiqué  à  VAcadcmie  des  Inscripdons 
(comptes-rendus  du  19  Octobre  1900)  le  résultat  de  fouilles 
qu'il  a  fait  exécuter  dans  le  Sahara  TunÏMcn,  à  Ksar  Ghelane, 
à  90  kilomètres  au  Sud  Est  de  Douz,  sous  la  direction  de 
M.  le  lieutenant  Gombeaud  ;  elles  ont  mis  à  jour  un  fortin  de 
30  mètres  sur  40  mètres,  aux  angles  arrondis,  s'ouvrant  au 
Nord-Est  par  une  porte  cintrée  monumentale  portant  une 
dédicace  à  l'empereur  Commode  ;  le  fortin  se  composait  d'une 
trentaine  de  pièces  dont  quekjues  unes  par^aissent  des  schoUc, 
avec  niches  et  piédestaux  ;  l'un  d'eux  porle  une  dédicace  au 
genius  loci  :  «  (Jenio  Tisavar  Auguslo  Sacrum  )>  par  Clpius 
Paulinus,  centurion  de  la  3»^  légion  Augusta  et  ses  lieutenants 


CHRONIQUE  ARCHÉOLOGIQUE  43 

(optiones)  Yibianus  et  Myron.  Tisavar,  non  de  l'endroit  où  fut 
édifié  le  fortin,  a  été  retrouvé  sur  une  autre  inscription  sur 
stuc.  Enfin  une  3«  épigraphe  couronnait  la  porte  de  la  chapelle 
située  au  centre  du  fortin,  dédiée  :  «  Jovi  optimo  Maxlmo 
Viclori  ».  Une  marque  de  brique  légionnaire  trouvée  dans  les 
ruines  porte  l'estampille  de  la  2"  légion  Flavienne,  qui  a  dû 
succéder  à  la  III«  légion  Augusta  dans  la  garnison  du  fortin. 

M,  Gauckler  a  publié  dans  le  Bulletin  Archéologique  du 
Comilé  {i9i)iJ,  l"''-  livraison),  soixante-quatre  inscriptions  latines 
découvertes  en  Tunisie;  douze  sont  des  épitaphes  trouvées  à 
Haidi'a  ( Ammœdara)  par  M.  Drapier,  et  Tune  d'elles  est  celle 
d'un  esclave  d'un  proconsul,  Ser(gius)  Cornélius  Cethegus, 
encore  inconnu  à  ce  titre,  et  qui  est  peut-être  le  Ser.  Cornélius 
Cethegus  qui  fut  consul  dès  l'an  24  avec  L.  Vitellius  Yarron. 
D'autres  épitaphes  concernent  des  soldats  de  la  XV"^'  cohorte 
et  de  la  Ille  légion  Augusta. 

Le  même  bulletin  contient  une  note  de  MM.  Hannezo  et 
FÉMÉLIAUX  sur  la  nécropole  chréiienne  de  Sfax,  qui  comprend 
quatre  classes  de  sépultures  : 

i"  Tombes  en  maçonnerie  recouvertes  de  mosaïques  enca- 
drées de  bordures  ; 

1°  Tombes  en  solide  maçonnerie  très  épaisse,  mais  sans 
mosaïque  à  la  partie  supérieure  ; 

3°  Mêmes  tombes  recouvrant  des  corps  enfermés  dans  des 
jarres  ; 

4°  Sépultures  en  jarres. 

Dans  le  Bulletin  Archéologique  du  Comité  des  Travaux 
Historiques  (1900,  l'"^  livraison)  nous  trouvons  le  compte-rendu 
des  fouilles  exécutées  sur  l'emplacement  de  la  ville  de  Tacape 
par  M.  le  Capitaine  Hilaire  en  vue  de  déterminer  l'emplace- 
ment de  i'emjjorium  et  du  port  de  cette  ville;  elles  ont  abouti 
à  la  découverte  de  citernes,  de  monnaies  et  de  poteries  funé- 
raires romaines,  de  fragments  de  lampes  à  réprésentations 
figurées,  de  pans  de  murs  et  de  tronçons  de  canalisation  qui 
tendraient  à  comprendre  dans  l'emplacement  de  la  Tacape 
romaine  les  villages  arabes  de  Boul-Baba,  de  Menzel  et  de 
Djara  et  la  petite  bourgade  européenne  de  Gabès.  Au  point  de 
vue  du  port,  et  plus  spécialement  d'un  goulet  mettant  en 
communication  la  lagune  de  Tacape  avec  la  mer,  les  fouilles 
ont  donné  un  résultat  contraire  à  l'opinion  exprimée  en  1885 
par  M.  le  Colonel  Monlezun  ;  elles  cnt  prouvé  en  elTet  que  les 
deux  grandes  dunes  isolées  situées  sur  le  rivage  de  Gabès  ne 
recouvrent  ni    les   musoirs    d'un   goulet,    ni    des    ouvrages 


44  CHRONIQUE  ARCHÉOLOGIQUE 

défensifs.  L'une  a  révélé  une  grande  citerne  à  deux  comparti- 
ments dont  l'un  de  décantation,  ce  qui  semble  contredire 
l'hypothèse  d'un  port  en  eau  douce  dans  la  lagune  ;  l'autre 
dune  a  donné  un  chapiteau  de  travail  rudimentaire,  des 
lampes  et  des  vases  grossiers,  et  d'autres  vestiges  qui  ne 
paraissent  avoir  rien  de  commun  avec  des  ouvrages  défensifs 
ou  des  môles.  Le  rappel  de  M.  le  Capitaine  Hilaire  en  France 
a  malheureusement  fait  ahandonner  ces  recherches. 

Le  même  auteur  avait  antérieurement  publié  dans  le  même 
Bulletin  (1899,  3*^  livraison)  une  reconnaissance  de  la  route  de 
Tacaspe  à  Théveste  (Gabès  à  Tébessa)  depuis  Tacape  jusqu'à 
Thasarte,  et  relevé  un  certain  nombre  de  bornes  militaires  de 
cette  route,  datant  de  Caracalla,  de  Maximin  et  de  Dioclétien 
et  Maximien. 

Les  ruines  de  Dougga  (Thugga)  ont  été  l'objet  de  nouvelles 
fouilles  dues  à  M.  Homo  ;  nous  attendrons  pour  en  rendre 
compte,  le  rapport  complet  qui  est  annoncé  à  dfe  sujet. 

Non  loin  de  Dougga  s'élevait  l'antique  Numluli  ou  munici- 
pium  Numlulitanum  ;  M.  le  Docteur  Carton  en  a  fait  l'objet 
d'une  étude  d'ensemble  publiée  dans  la  Revue  Tunisienne  de 
l'Institut  de  Carthage.  Celte  ville,  à  l'encontre  de  la  région  qui 
l'environne,  est  dépourvue  de  traces  des  civilisations  anté- 
rieures à  l'occupation  romaine,  mégalithes,  inscriptions 
lybiques  ou  puniques  ;  son  inscription  la  plus  ancienne  date 
de  124  ;  le  Capilole  fut  inauguré  en  170  sous  Marc-Aurèle  ; 
d'autres  édifices  datent  de  Commode,  Alexandre  Sévère, 
Valérien  et  Gallien.  Le  Capitole,  dédié  à  «  Jupiter  très  grand, 
à  Junon  reine,  à  Minerve  Auguste  »  avait  été  élevé  aux  frais 
d'un  riche  habitant  Caïus  Memmius  Pécuarius  Marcellinus, 
qui  n'exerçait  aucune  fonction  honorifique,  mais  paraît  avoir 
par  cette  maniOcence,  les  fêtes  et  les  libéralités  qui  accompa- 
gnèrent l'inauguration,  poussé  aux  honneurs  sa  femme, 
élevée  au  sacerdoce,  et  son  fils  qui  devint  décurion  et  flamine. 
Numluli  possédait  en  outre  un  aqueduc  alimenté  par  un 
barrage  sur  l'Oued  Matria  et  desservant  à  la  fois  les  thermes, 
un  bassin  émettant  plusieurs  conduites  d'irrigation  et  dû  à 
Comraode,  et  des  citernes.  Les  tombeaux  sont  essentiellement 
romains,  tant  par  le  style  que  par  les  formules  des  inscrip- 
tions et  l'onomastique.  Les  environs  de  Numluli  possédaient 
de  nombreuses  exploitations  rurales,  avec  aqueducs,  citernes, 
etc.  Numluli  (aujourd'hui  Henchir  Matria)  était  donc  une  ville 
de  création  romaine,  et  essentiellement  de  colonisation  agricole. 

L'étude  de  M.  Cauton  est  complétée  par  une  série  de 
soixante-onze  épigraphes  recueillies  à  Numluli  ou  dans  ses 
environs  immédiats 


CHRONIQUE    ARCHÉOLOGIQUE  45 

Mentionnons  encore  dans  la  Revue  archéologique  (année  1900) 
une  étude  de  M.  le  Colonel  Monlezun  sur  la  Topographie, 
d' Hadrumètc  (Sousse)  à  travers  les  siècles  —  et  une  note  de 
M.  Paul  Monceaux  sur  les  Martyrs  d'Utique  et  la  légende  de 
la  Massa  Candida,  relative  à  l'exécution  en  masse,  en  25S  et 
par  les  ordres  du  proconsul  Galerius  Maximus,  de  trois  cents 
chrétiens,  exécution  qui  précéda  de  quelques  semaines  celle 
de  l'évêque  Saint  Cyprien. 

Enfin,  parmi  les  grandes  publications  en  cours  relatives  à  la 
Tunisie,  signalons  l'apparition  : 

Du  !'='■  volume  des  Monuments  historiques  de  la  Tunisie, 
2^  partie,  les  Monuments  arabes.  Ce  volume  contient  une  étude 
très  savante  de  la  fameuse  mosquée  de  Kairoan,  par  M.  Saladin, 
architecte,  illustrée  de  27  planches  en  héliogravure  d'après  les 
photographies  de  M.  Sadoux  et  additionnée  de  notes  histo- 
riques de  M.  Roy, 

Du  7*^  fascicule  de  V Atlas  archéologique  de  la  Tunisie  publié 
sous  les  auspices  du  Ministre  de  l'Instruction  publique  par 
MM.  Babelon,  Gagnât  et  Reinagh. 

Et  du  3^  fascicule  du  Catalogue  illustré  du  Musée  Lavigerie, 
de  St-Louis  de  Carthage  consacré  aux  antiquités  chrétiennes, 
rédigé  par  le  R.  P.  Delattre  et  comprenant  13  planches. 


III.  -  DEPARTEMENT  DE  CONSTANTINE 

M.  HÉRON  de  ViLLEFOSSE  a  publié  dans  le  Bulletin  archéo- 
logique du  Comité  (1900,  l""»  livraison)  une  note  sur  un 
huste  de  marbre  blanc  découvert  à  Philippeville  (Russicada) 
et  présentant  une  véritable  parenté  avec  le  type  du  Triptolème 
d'Eleusis. 

Le  même  Bu,lMin  (1900,  2^  livraison),  contient  des  notes  de 
M.  Stéphane  Gsell  sur  diverses  antiquités  d'Algérie  : 

La  première  est  relative  à  une  stèle  d'Hipponc,  de  facture 
romaine,  représentant  un  jeune  homme  nu,  debout  sur  un 
socle  OU  un  rocher,  et  tenant  d'une  main  une  palme,  de 
l'autre  une  grappe  de  raisin  que  mord  un  serpent;  une  rosace 
surmonte  la  tête  du  jeune  homme  et  sur  le  socle  est  sculpté 
un  petit  taureau.  L'auteur  se  demande  si  le  serpent  ne  sym- 
bolise pas  le  dieu  punique  Eshmoun,  dont  il  était  devenu  un 
des  attributs,  et  auquel  aurait  été  dédiée  la  stèle  en  question  ; 
la  grappe  a  été  rencontrée  associée  au  serpent  sur  d'autres 
monuments,  et  d'après  les  interprétations  antérieures  de 
Lenormand  et  de  La  Blanchère,  elle  paraîtrait  être,   elle 


46  CHRONIQUE   ARCHEOLOGIQUE 

aussi,  un  des  attributs  d'Eschmoun.  Cependant  M.  Stépliane 
GsELL  incline  à  voir  dans  le  bas-relief  la  représentation  du 
dédicant  lui-même. 

La  deuxième  est  relative  à  trois  chapiteaux  puniques  décou- 
verts à  Hammam-Meskoutine  (Aquœ  Thibilitanœ),  à  Guelaat- 
bou-Attan  et  à  Tipasa  (de  Numidie)  et  caractérisés  par  deux 
volutes  en  forme  de  crosses,  isolées  et  indépendantes  et 
séparées  par  une  palmette  formant  l'angle  du  chapiteau,  type 
d'origine  asiatique  et  que  l'on  retrouve  dans  la  Phénicie 
propre. 

Une  troisième  note  décrit  et  figure  quelques  curieuses 
terres  cuites  recueillies  à  Ain-Chabrou,  à  10  kilomètres  de 
Theveste  (Tebessa),  modelées  à  la  main  et  enduites  de  stuc 
réhaussé  de  dorures  ou  de  couleurs  variées  ;  plusieurs  d'entre 
elles  semblent  figurer  des  divinités. 

Enfin  une  quatrième  note  se  rapporte  à  une  inscription  de 
Constantine  déjà  publiée,  et  dans  laquelle  sont  associés  deux 
dieux  Mercurii,  de  même  que  Ton  disait  Castores  pour  Castor 
et  Pollux,  et  Cereres  pour  Cérès  et  Proserpine.  L'auteur  se 
demande  s'il  n'y  aurait  pas  ici  association  du  Mercure  Gréco- 
Romain  et  d'une  divinité  punique,  Sakon  ou  Taaut,  qui  aurait 
été  appelée  aussi  Mercurius  par  les  P^omains,  —  de  même 
que  l'on  trouve  en  Afrique  une  Cereô  Grœca  et  une  Ceres 
Africana,  et  un  Saturnus  Achaiœ  distinct  de  Saturne- Baal- 
Hammon. 

M.  l'Abbé  MoNTAGNON  a  découvert  à  TMmhëse  un  neuvième 
règlement  de  schola  militaris  ;  tous  ces  règlements  datent  du 
III''  siècle,  époque  à  laquelle  ces  associations  se  constituèrent 
dans  le  camp  pendant  les  règnes  des  Sévère,  et  ils  ont 
été  tous  découverts  dans  un  même  groupe  de  bâtiments, 
le  quartier  des  Scholae  ;  dans  une  chronique  antérieure 
(Bulletin  1900,  page  'P2.^),  nous  avons  mentionné  le  tabu- 
lariu7n  legionis,  document  de  même  ordre  et  de  même 
provenance. 

Le  Recueil  de  la  Société  Archéologique  de  Constantiiie  (de 
1899,  publié  en  1900)  contient  un  travail  de  M.  A.  Robert  sur 
les  raines  romaines  de  la  commune  mixte  de  Sedrata  ;  il  en 
énumère  plus  de  cent,  la  plupart  byzantines  ;  cinq  d'entre 
elles  seulement  sont  identifiées,  ce  sont  celles  de  Tubursicum 
Numidarutn,  Vatari,  Fonte  Potamiano,  Madaurus  et  Tipasa 
(de  l'Est).  Ce  travail  est  surtout  une  compilation  descriptive, 
et  l'auteur  ne  dit  pas  si  les  quelques  épigraphes  qu'il  cite  sont 
inédites  ;  l'une  d'elles,  une  dédicace  à  l'empereur  Gratien, 
établit  l'identification  des  ruines  de  Madaurus. 


CHRONIQUE    ARCHÉOLOGIQUE  47 

Dans  le  môme  recueil,  M.  Jacquot  a  publié  : 

1"  Une  étude  sur  les  Tombeaux  de  Mons,  ville  située  à 
18  milles  de  Sétif  sur  la  voie  de  Sitifis  à  Cirta.  Cette  nécropole 
avait  été  signalée  en  1839  par  le  duc  d'Orléans  ;  M.  le  Com- 
mandant De  La  Mare,  en  1850,  en  avait  dessiné  les  quatre 
tombeaux  les  plus  importants,  de  trois  desquels  M.  Jacquot  a 
pu  encore  relever  les  mensurations  exactes.  Les  sépultures 
appartiennent  à  trois  types  distincts  :  1°  Monumental  avec  ou 
sans  niensa,  paraissant  être  des  columharia  ;  2°  Sous  tuiles 
avec  mcnsa  et  cippe  ;  3^  Sarcophages  avec  tegumentum. 

2°  Une  note  sur  le  souterrain  du  Klierhet-Ahderrahim 
rappelant  celui  de  Biar  Haddada  que  nous  avons  mentionné 
d'après  lui  dans  notre  précédente  chronique  (Bulletin  1900, 
page  224)  ;  il  pense  que  ces  souterrains  pourraient  être  les 
restes  de  sanctuaires  du  culte  de  Mithra. 

3°  Une  note  sur  trois  citadelles  romaines  de  la  région  de 
Sétif,  ou  plutôt  trois  fortins,  Kherbet-El  Goulea,  Meguebel  et 
Aïn-Regada,  tous  situés  à  l'origine  de  cours  d'eau,  mais  dont 
les  ruines  n'ont  fourni  aucune  inscription  qui  permette  de  les 
identifier  avec  des  stations  romaines  connues. 

Comme  suite  aux  travaux  que  nous  avons  déjà  mentionnés 
dans  nos  chroniques  antérieures,  et  poursuivant  ses  recherches 
sur  la  frontière  Saharienne  de  l'Empire  Romain  M.  M.  Blanchet 
a  publié  dans  le  Recueil  de  la  Société  d' Archéologie  de  Constan- 
tine  une  «  Excursion  archéologique  dans  la  Hodna  et  le 
Sahara  »  :  il  décrit  d'abord  la  citadelle  de  Tobna  (au  N.-O. 
de  Biskra)^  cité  berbère  devenue  depuis  une  ville  byzantine  ; 
puis  il  nous  fait  connaître,  à  120  kilomètres  au  sud  de  Biskra, 
sur  les  flancs  des  falaises  bordant  le  Chabat-Naïma,  des  grottes 
artificielles,  pourvues  de  très  basses  galeries  d'accès  et  n'ayant 
pu  servir  que  de  sépultures  ;  elles  sont  décorées,  comm.e  les 
falaises  dans  lesquelles  elles  sont  ouvertes,  de  gravures 
rupestres  fort  curieuses,  gravées  en  traits  continus  et  formant 
de  véritables  compositions  ;  la  faune  comprend  le  gnou  et  le 
bœuf,  l'âne  et  le  lion  ;  les  personnages  sont  vêtus  de  peaux  de 
bêtes  couvrant  les  épaules  et  la  poitrine,  et  armés  de  lances, 
de  sabres  et  de  boucliers  ;  les  bœufs  portent  des  housses  dont 
certaines  sont  marquées  de  caractères  lybiques.  Un  des 
tombeaux,  le  mieux  conservé,  garde  intacts  25  mètres  de 
sculptures  où  figurent  7  personnages  et  de  nombreux  animaux, 
et  dans  lesquelles  l'auteur  déchiffre  une  scène  d'adoration. 

Dans  le  même  recueil,  M.  Vars  a  publié  sa  nomenclature 
annuelle  d'Inscriptions  inédites  de  la  province  de  Constantinc, 
qui  tire  un  intérêt  très  réel  de  la  critique  savante  et  des  rensei- 


48  CHRONIQUE    ARCHÉOLOGIQUE 

gnements  onômastiques  et  historiques  qui  accompagnent  la 
description  de  chacune.  L'une  d'elles,  une  dédicace,  a  permis 
d'identifier  d'une  manière  cerlaine  l'emplacement  du  village 
de  Roullach  avec  le  Castelliim  Eleplianlum  romain.  Une  autre, 
de  Tobna,  est  une  épitaphe  en  ver^  hexamètres,  d'ailleurs 
assez  mal  sur  pieds.  Enfin,  incidemment  l'auteur  rend  compte 
des  fouilles  exécutées  à  Morsott,  probablement  Vazampus, 
par  M.  l'administrateur  Barry,  et  qui  ont  mis  au  jour  une 
grande  et  belle  basilique  de  1,080  mètres  carrés,  d'une 
richesse  ornementale  peu  commune  et  une  autre  jolie  basi- 
lique d'environ  250  mètres  carrés,  et  enfin  des  thermes  dont 
l'exploration  n'est  pas  terminée. 

M.  Gagnât  a  traduit  {Recueil  de  la  Société  de  Ccnstantine, 
page  432)  et  commenté  une  épitaphe  d'El  Kantara  qui  est  celle 
d'un  Palmijrénien,  centurion  de  la  cohorte  111=*  Thracum, 
puis  de  la  cohorte  1°  Chalcidenorum,  et  qui  fut  ensuite  curateur 
du  numerus  Palmyrenorum  sagittariormn,  ses  compatriotes. 
Mentionnons  encore,  toujours  dans  le  même  recueil,  une  note 
par  laquelle  M.  Hinglais  rectifie  les  erreurs  des  descriptions 
publiées  du  remarquable  cippe  de  T.  Claudius  Cilius,  eques 
lusitanicus,  conservé  dans  le  square  du  musée  de  Constantine, 
et  dans  lequel  l'auteur  voit  un  cavalier  armé  d'une  lance, 
foulant  aax  pieds  un  adversaire  renversé,  et  se  défendant  de 
sa  lance  et  de  son  bouclier.  La  phototypie  du  bas  relief  nous 
semble  en  effet  reproduire,  sans  qu'une  hésitation  nous 
paraisse  possible,  un  type  classique  dont  les  monnaies  du 
milieu  du  IIP  siècle  offrent  de  très  fréquents  exemples,  avec 
quelques  variantes,  sous  la  légende  Félix  temporum  reparatio. 

Enfin  M  Louis  Charrier  a  donné  dans  le  même  recueil 
une  note  sur  la  Numismatique  africaine,  et  figuré  des  mon- 
naies numides  qu'il  attribue  à  Adherbal,  à  Hiempsal  et  à 
Jugurtha. 


IV.  -  DÉPARTEMENT  D'ALGER 

M.  le  lieutenant  Chardon  a  fouillé  au  cap  Matifou  (Rusgu- 
niœ)  les  ruines  d'une  basilique  chrétienne  de  35  mètres  de 
long  sur  20  de  large,  divisée  en  3  nefs  et  dont  le  sol  est 
entièrement  pavé  en  mosaïque  paraissant  dater  du  IV^  siècle 
ou  du  début  du  V*^.  La  mosaïque  de  la  nef  centrale,  bien  con- 
servée, figure  dans  un  dessin  naïf  et  assez  gauche,  deux 
pa.steurs  gardant  des  moutons,  des  béliers  et  des  chèvres;  la 
partie  la  plus  rapprochée  de  l'abside  portait  une  longue 


CHRONIQUE  ARCHÉOLOGIQUE  49 

inscription  métrique  dont  la  plus  grande  partie  a  malheureu- 
sement été  détruite. 

Cette  basilique,  reconstruite  sous  la  domination  byzantine 
par  les  soins  de  Maiiritius,  maghter  militum  (sans  doute 
commandant  du  corps  de  troupe  composant  la  garnison  de 
Rusguuicc)  comprit  alors  5  nefs,  et  l'abside  dut  être  elle-même 
partagée  en  plusieurs  absidioles.  M.  Chardon  signale  que  la 
partie  circulaire  centrale  de  l'abside  est  étayée  par  un  solide 
contrefort.  Il  serait  intéressant,  croyons-nous,  de  constater  si 
ce  contrefort  n'est  pas  postérieur  à  la  construction  de  l'abside 
primitive,  et  s'il  n'aurait  pas  été  édifié,  en  même  temps  que 
les  absidioles,  pour  concourir  à  la  consolidation  de  cette  abside 
en  l'empêchant  de  se  décoller  du  gros  mur  antérieur.  Le 
tracé  des  absidioles  est  de  nature  à  le  laisser  supposer. 
L'architecte  aurait,  dans  ce  cas,  eu  l'habileté  et  le  bonheur 
bien  rares  de  transformer  un  travail  de  consolidation  imposé 
par  l'état  de  l'édifice  en  une  modification  réellement  artistique 
et  élégante.  C'est  là  une  hypothèse  toute  personnelle  que  je 
me  permets  de  soumettre  à  l'examen  de  M.  Chardon  et  des 
archéologues  algérois,  la  question  ne  pouvant  être  éclaircie 
que  sur  place. 

Dans  les  collatéraux  ont  été  retrouvées  les  tombes  de 
Mauritius  et  de  ses  deux  filles,  et  leurs  épitaphes,  celles  de 
Mauritius  et  de  sa  fille  Patricia  tracées  sur  des  couvercles  en 
mosaïque,  celle  de  sa  fille  Constantina  gravée  sur  un  couvercle 
en  marbre  emprunté  à  un  sarcophage  d'une  époque  antérieure. 
Une  autre  mosaïque  funéraire,  d'exécution  fort  médiocre,  est 
l'épitaphe  de  l'évêque  Lucius,  qui  exerça  l'épiscopat  pendant 
vingt-deux  ans  et  cinq  mois. 

M.  Chardon  a  découvert  en  outre  des  thermes,  déjà  en 
partie  éboulés  dans  la  mer  avec  la  falaise  qui  les  portait. 

Ces  découvertes  ont  été  signalées  par  M.  Gsell  à  l'Académie 
des  Inscriptions  (Février  1900),  puis  décrites  par  M.  Chardon 
lui-même,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  Géographie  d'Alger 
(1900,  2*^  trimestre)  et  dans  le  Bulletin  archéologique  du  Comité 
(1900,  l""*^  livraison),  oîi  le  pavage  en  mosaïque  se  trouve 
figuré  en  entier  avec  les  diverses  et  intéressantes  sépultures 
que  nous  venons  de  mentionner. 

M.  Stéphane  Gsell  a  publié  dans  le  Bulletin  archéologique 
du  Comité  des  travaux  historiques  et  scientifiques  (1900, 
2^  livraison),  une  note  sur  des  tumulus  de  la  région  de  Boghar, 
touillés  par  M.  l'administrateur  Chambige  et  présentant  deux 
sortes  de  caveaux  ;  les  uns  consistant  en  une  fosse  creusée 
dans  le  sol  et  recouverte  de  dalles,  elles-mêmes  remblayées, 

6 


50  CHRONIQUE    ARCHÉOLOGIQUE 

puis  recouvertes  d'un  petit  tumulus  en  rocailles  —  les  autres 
en  forme  de  cliainbrettos,  revêtues,  sur  trois  et  quelquefois 
sur  deux  faces  seulement,  en  maçonnerie  de  pierres  sèches, 
émergeant  légèrement  du  sol,  et  recouvertes  comme  les  autres 
d'un  tumiiluK  de  débris  rocheux. 


V.  -  DEPARTEMENT    D'OR  AN 

Il  est  assurément  superflu  de  rappeler  les  travaux  publiés 
dans  le  Bulletin  de  notre  Société,  et  que  nos  lecteurs  ont  entre 
les  mains. 

Les  fouilles  de  Bénian  dont  nous  avions  rendu  un  compte 
sommaire  dans  notre  chronique  de  mars  1900,  ont  fait  l'objet 
d'une  étude  très  complète  de  M.  Gsell,  publiée  par  V Associa- 
tion historique  de  rAfrique  du  Nord  (Paris,  Ern.  Leroux, 
éditeur)  ;  l'interprétation  de  l'épi taphe  de  la  martyre  Robba  a 
déjà  soulevé  une  contreverse  (dont  notre  Bulletin  a  d'ailleurs 
eu  les  honneurs)  qui  témoigne  suffisamment  de  l'intérêt  que 
présente  cette  inscription. 

La  Semaine  Religieuse  du  diocèse  d'Oran  a  inséré  (mai  à 
juin  1900)  une  étude  sur  les  origi^ies  clirétiennes  de  VOranie 
due  à  M,  l'abbé  Fabre,  et  plus  spécialement  sur  Ad  Dracones, 
aujourd'hui  Hammam-bou-Hadjar,  et  sur  deux  de  ses  évêques. 
Le  premier,  Auxilius,  ligure  dans  la  liste  des  évêques  réunis 
au  concile  de  Garthage  en  juin  411,  et  dans  la  lettre  250«  de 
St- Augustin.  Le  second  est  Maddan,  qui  ligure  avec  ce  titre 
dans  la  notice  de  484  conservée  à  la  bibliothèque  de  Laon  ;  il 
y  est  placé  le  102"^  parmi  les  évêques  de  la  Maurétanie  Césa- 
rienne et  fut  exilé  par  ordre  d'Hunéric.  M.  Fabre  se  demande 
si  le  nom  d'cc  Ad  Dracones  »  ne  serait  pas  dû  aux  draconarii 
qui  formaient  la  garde  particulière  du  iaî^arw m  sous  Constantin. 

M.  l'abbé  Brevet  (Semaine  religieuse  d'Oran,  Septembre 
1900)_a  émis  des  doutes  sur  l'identité  de  l'évêque  Auxilius  du 
Concile  de  Caithage  avec  celui  auquel  S'-Augustin  écrivait  sa 
250°  lettre. 

M.  Marçais,  directeur  de  la  Medersa  de  Tlemcen  a  publié 
dans  le  Bulletin  archéologique  du  Comité  (1900,  l^c  livraison) 
une  no;.e  sur  trois  inscriptions  arabes  du  musée  de  Tlemcen, 
épitaphes  de  trois  victimes  de  la  peste  qui,  en  1234  de  l'Hégire 
(1819j  fut  apportée  de  la  Mecque  dans  le  Maghreb  et  s'étendit 
jusque  dans  le  Beylick  d'Oran  et  à  Tlemcen  ;  ces  épitaphes 


CHRONIQUE   ARCHÉOLOGIQUE  51 

portent  une  formule  pieuse  qui  paraît  jusqu'ici  spéciale  aux 
pestiférés  : 

«  Comment  seraient-ils  frustrés,  ceux  que  le  miséricordieux 
«  a  reçu  en  son  enclos  !  » 

Cette  formule  paraît  assimiler  les  pestiférés  aux  martyrs  de 
la  guerre  sainte  dans  la  répartition  des  récompenses  de  la  vie 
future. 

M.  René  Bassi£T  ayant  été,  en  avril  1900,  chargé  par  le 
Gouvernement  Général  d'une  mission  dans  la  province  d'Oran 
et  notamment  à  Nedrnma,  les  premiers  résultats  de  sa  mission 
ont  été  annoncés  le  8  juin  1900  à  l'Académie  et  doivent  faire 
l'objet  d'un  rapport  délaillé,  que  nous  nous  proposons  d'ana- 
lyser en  ce  qui  aura  trait  à  l'archéologie. 

E.  FLAHAULT. 


Lettre*  d'un  Membre  de  la  Mission  Foureau-Lamy 


Un  de  nos  correspondants  a  bien  voulu  nous  communiquer  la 
copie  de  la  très  intéressante  lettre  qui  suit,  émanant  du  maréchal- 
des-logis  Ségalas,  du  3°  Spahis,  et  rapportée  par  M.  Foureau,  à 
M.  Ségalas  père. 


«  Koucheri,  2  avril  1900. 


«  Mon  cher  papa, 


«  Depuis  ma  dernière  lettre  du  6  janvier,  nous  avons  parcouru 
tout  le  Bornou,  contourné  le  lac  Tchad  par  le  nord  et  nous 
sommes  installés  depuis  un  mois  à  Koucheri,  qui  se  trouve  au 
confluent  du  Chari  et  du  Logone.  Malgré  notre  désir  à  tous  de 
rentrer,  nous  ne  isavons  pas  encore  quand  cela  arrivera;  pour  cela, 
il  faut  que  nous  détruisions  l'empire  de  Rabah,  le  maître  du  pays. 
Ce  Rabah  a  envahi,  il  y  a  une  dizaine  d'années,  tout  le  Bornou  et 
est  installé  aujourd'hui  à  Dikoa.  Nouveau  Samory,  il  tient  les 
populations  par  la  terreur.  Nous  avons  parcouru  une  plaine  dans 
laquelle  il  y  a  six  ans,  il  avait  décapité  4.000  individus  des  deux 
sexes.  Les  crânes  sont  encore  tous  présents.  Vous  avez  dû 
apprendre  par  les  journaux,  ({u'en  octobre  dernier,  la  mission 
Bretonnet  avait  été  entièrement  massacrée  par  lui.  Notre  présence 
dans  ces  parages,  nous  fait  un  devoir  de  venger  les  Français  et 
nous  avons,  depuis  un  mois  et  demi,  engagé  les  hostilités  ;  cela  a 
été  d'abord  par  la  prise  de  Koucheri,  que  nous  avons  occupé  le 
3  mars,  après  être  montés  à  l'assaut. 

«  Puis,  le  9,  nous  avons  mis  en  fuite  avec  160  fusils  une  armée 
de  1,500  hommes,  presque  tous  aussi  bien  armés  que  nous,  car 
ils  possèdent  beaucoup  de  fusils  1874  et  pas  mal  de  fusils  1886, 
c'est  vous  dire  que  l'ennemi  est  sérieux.  Aussi,  nous  avons  eu 
dans  deux  combats  sept  morts  et  une  trentaine  de  blessés 
entr'autres  un  lieutenant  atteint  d'une  balle  au  pied.  A  Koucheri, 
au  moment  où  nous  exécutions  un  mouvement  tournant  pour 
couper  la  route  aux  fuyards,  deux  spahis  ont  eu  leurs  chevaux 
tués  sous  eux  et  un  à  mes  côtés  a  été  atteint  à  l'épaule.  C'était  la 
première  fois  que  j'assistais  au  spectacle  d'une  ville  prise  d'assaut. 
J'avoue  qu'à  ce  moment  là  on  n'est  plus  le  même  et  que  la  bête 
domine  l'homme.  La  seconde  affaire  a  été  li-ès  sérieuse  et  nos 
160  fusils  ont  été  obligés  de  se  faire  jour  à  la  baïonnette  pour  ne 
pas  être  cernés.  En  ce  moment,  nous  vivons  continuellement  sur 
le  qui  vive,  nous  attendons  tous  les  jours  d'être  attaqués,  car  nous 


LETTRE  d'un  iMEMBRE  DE  LA  MISSION  FOUREAU-LAMY       53 

savons  que  ces  deux  échecs  ont  fortement  atteint  le  moral  des 
troupes  de  Rabah  et  qu'il  voit  le  moment  où  tout  va  lui  échapper. 
Tous  les  jours  les  populations  viennent  se  mettre  sous  notre 
protection  et  quoique  en  territoire  allemand,  nous  les  acceptons. 

«  Nous  sommes  ici  à  attendre  M.  Gentil,  le  commissaire  du 
Gouvernement  dans  le  Haut-Congo  et  l'Oubangui  ;  il  arrive  avec 
des  troupes  pour  occuper  la  rive  droite  du  Chari  qui  est  notre 
limite  ouest  de  zone  d'occupation,  mais  auparavant  nous  devons 
de  concert  avec  ces  troupes  qui  seront  ici  dans  une  quinzaine  de 
jours,  détruire  le  royaume  de  Rabah,  avec  l'autorisation  de 
l'Allemagne.  Nous  avons  donc  encore  deux  places  fortes  à 
renverser  :  Kernac-Logone  et  Dikoa  la  capitale.  Celte  dernière 
ville  va  être  fort  curieuse  à  visiter  ;  car,  habitée  par  plus  de  cent 
mille  âmes,  elle  renferme  toutes  les  richesses  de  l'empire  du 
Bornou.  Nous  avons  visité  le  25  janvier  l'ancienne  capitale  du 
Bornou,  Kouka,  située  à  25  kilomètres  à  l'ouest  du  lac  Tchad. 
Kouka,  ville  de  5  kdomètres  de  long  sur  3  de  large,  a  été 
entièrement  détruite,  en  1894,  par  Rabah  ;  ce  n'est  plus  aujourd'hui 
que  des  ruines,  encore  fort  belles,  car  elle  a  été  la  plus  grande 
ville  du  Centre  africain. 

«  Ma  dernière  lettre,  mon  cher  papa,  ne  vous  a  pas  donné 
beaucoup  de  détails  sur  tout  ce  qui  nous  est  arrivé  depuis  le 
commencement  de  février  1899.  J'ai  en  effet  tant  de  choses  à  vous 
dire,  que  cette  fois  je  vais  essayer  de  les  tracer  en  quelques  traits 
rapides. 

«  Arrivés  à  Erezzhar,  premier  village  de  l'Air,  nous  avons  été 
prisonniers  faute  de  moyens  de  transport.  Tous  nos  chameaux 
étaient  morts  et  nous  n'avons  pu  nous  en  procurer  d'autres. 
Perpétuellement  leurrés  par  les  promesses  des  Keloui  qui  ne" 
voulaient  qu'une  chose,  nous  massacrer,  il  a  fallu  brûler  toutes 
nos  marchandises  et  jusqu'à  nos  effets,  nous  n'avions  que  ce  que 
nous  portions  sur  nous,  des  cartouches  et  des  vivres  pour 
quelques  jours.  Ramassant  alors  tout  ce  qu'on  pouvait,  bœufs, 
bourriquots,  chameaux,  nous  sommes  arrivés  à  traverser  l'Air  et 
nous  avons  mis  depuis  le  l'ô  mai  jusqu'au  28  juillet  pour 
parvenir  à  Agadez,  capitale  de  l'Aïr  et  distante  d'Erezzhar 
de  200  kilomètres.  Pendant  ces  mois,  nous  avons  vécu 
comme  nous  avons  pu,  tantôt  sans  viande,  d'autrefois  sans 
grain,  réduits  la  plupart  du  temps  à  manger  une  sorte  de 
bouillie  faite  avec  de  l'eau  et  du  sorgho  et  encore  des  portions 
restreintes,  cela  a  été  ti^ès  dur.  Nos  chevaux  transportaient  des 
caisses  de  cartouches  et  les  pauvres  bêtes  ne  se  nourrissaient  que- 
d'herbes  ;  nous  avons  été  cinq  à  six  fois  attaqués  par  les  Keloui. 
A  Agadez,  pas  moyen  d'avoir  de  chameaux  et  pas  moyen  de 
communiquer  avec  nos  camarades  du  Soudan.  Enfin  le  10  août. 


54       LETTRE  d'un  MEMBRE  DE  LA  MISSION  FOUREAU-LAMY 

nous  nous  lançons  vers  le  sud.  Une  fois  arrivés  à  70  kilomètres 
d'Agadez,  le  guide  nous  perd  et  nous  voilà  après  une  marche 
de  40  kilomètres  sous  un  soleil  de  feu  sans  une  goutte  d'eau. 
Ma  foi  j'ai  cru  que  cette  fois-là  ça  y  était,  déjà  nous  avions  une 
cinquantaine  d'hommes  atteints  du  délire  de  la  soif.  Les  uns 
pleuraient,  les  autres  chantaient,  beaucoup  se  couchaient  refusant 
d'aller  plus  loin,  c'était  horrible.  Pour  moi,  je  n'avais  pas  encore 
trop  soif,  car  je  n'avais  rien  mangé  depuis  la  veille,  mais  j'étais 
exténué.  Mon  pauvre  Crésus  (1)  n'en  pouvait  plus  sous  le  poids  de 
2  caisses  de  cartouches,  il  était  tombé  cinq  à  six  fois  pendant  la 
route  ;  et  comme  j'étais  obligé  de  le  recharger  chaque  fois,  cela 
n'avait  fait  qu'accroître  la  fatigue  de  la  marche;  de  plus,  j'avais  les 
pieds  dans  un  bien  triste  état,  car  inutile  de  vous  dire  que  depuis 
longtemps  nous  n'avions  (et  n'avions  depuis)  que  les  chaussures 
que  nous  fabriquions  avec  les  peaux  de  moutons  et  de  bœufs.  Nous 
étions  partis  à  11  heures  du  soir  et  à  3  heures  de  l'après-midi,  le 
lendemain,  nous  marchions  encore.  Tout  le  monde  s'était  arrêté, 
je  m'étais  couché  à  l'ombre  d'un  arbre  attendant  je  ne  savais  trop 

quoi quand  par  bonheur  on  entend  des  coups  de  feu  et  des 

cris  «  de  l'eau,  de  l'eau  ». 

«  Tout  le  monde  se  lève  et  court  dans  la  direction  ;  on  trouve 
une  mare,  on  était  sauvé. 

«  Il  nous  a  fallu  rentrer  de  nouveau  à  Agadez  et  nous  n'en 
sommes  repartis  que  le  19  octobre  pour  Zinder  où  nous  sommes 
arrivés  le  2  novembre  et  où  nous  avons  appris  l'assassinat  du 
colonel  Klobb  et  le  massacre  des  capitaines  Voulet  et  Chanoine. 
A  Zinder,  nous  étions  très  bien,  car  on  y  trouve  de  tout;  cela  a  été 
le  paradis  après  tout  ce  que  nous  avions  souffert.  Pendant  un 
mois,  nous  avons  fait  colonne  dans  la  région  de  Tasaoua  qui 
s'était  révoltée.  Nous  nous  sommes  emparés  de  l'ancien  sultan 
qui  avait  fait  assassiner  en  mai  1898  le  capitaine  Cazemajou,  on  lui 
a  coupé  la  tête  et  nous  l'avons  plantée  sur  les  ruines  de  la  maison 
où  le  capitaine  avait  été  tué  ;  nous  avons  quitté  Zinder 
le  26  décembre. 

«  Quant  à  ma  santé,  elle  a  été  jusqu'à  ce  moment  excellente  et 
je  prie  Dieu  de  me  la  conserver  toujours  ainsi.  J'ai  beaucoup 
maigri,  mais  je  ne  m'en  porte  que  mieux.  Ce  que  je  désirerais  c'est 
d'avoir  de  vos  nouvelles,  les  plus  récentes  datent  de  décembre  1898, 
c'est  long,  je  vous  l'assure  ;  j'espère  toutefois  que  vous  êtes  tous 
en  bonne  santé  et  je  ne  vous  oublie  pas  dans  ma  prière.  J'espère 


(1)  C'est  le  cheval  de  Ségalas  que  Foureau  lui  avait  donné  à  son  départ  et  qui  est 
un  animal  merveilleux.  En  prenant  la  voie  fluviale  pour  rentrer,  Ségalas  l'adonné  en 
présent  au  Sultan  de  Koucheri. 


LETTRE  d'un  MEMBRE  DE  LA  MISSION  FOUREAU-LAMY       55 

bien   qu'au    mois   d'août  nous   débarquerons   à  Bordeaux  ou   à 
Oran. 

«  Adieu,  mes  chers  parents,  etc.  etc.  » 


Notre  correspondant  fait  suivre  sa  communication  de  la  note  ci- 
après  : 

«  Une  précédente  lettre  du  maréchal-des-logis  Ségalas  dépeignait 
dans  des  termes  pompeux  la  richesse  des  pays  parcourus  à  l'est 
du  Tchad  au  milieu  des  plaines  fertiles  où  les  parties  non  cultivées 
sont  envoyées  par  des  hautes  herbes  au  milieu  desquelles  paissent 
d'innombrables  troupeaux  d'antilopes  et  autres  animaux  sauvages 
qui  donnaient  à  la  petite  troupe  du  commandant  Lamy  de  la 
viande  en  abondance. 

«  La  plaine  était  coupée  de  petits  bois  peu  étendus,  mais  formés 
d'arbres  magnifiques. 

«  Le  maréchal-des-logis  Ségalas  est  rentré  à  Batna.  Il  avait  été 
donné  a  Foureau  avec  un  détachement  choisi  de  12  spahis.  Il  a 
servi  admirablement  et  a  reçu  comme  récompense  la  médaille 
militaire  et  le  grade  d'adjudant.  C'est  une  belle  page  ajoutée  à 
l'historique  du  3*  Spahis.  » 


Les  Ireinbleoieiits  de  terre  au  Venezuela 

EN  1900 


Caracas  existe  toujours  —  en  grande  partie  du  moins  ;  —  je  vis, 
je  respire  encore  ;  c'est  un  miracle.  —  La  Providence  en  soit  louée  I 
Je  dormais  profondément. 
Un  bruit  sourd  m'arrache  au  sommeil. 

Qu'était-ce  ? je  n'avais  pas  eu  le  temps  de  me  poser  cette 

interrogation  que,  dans  l'obscurité  de  ma  chambre  à  coucher  où 
je  savais  pertinemment  me  trouver,  j'éprouvais  la  sensation  d'être 
à  bord  d'un  grand  paquebot  qui,  par  gros  temps,  s'enfoncerait 
pesamment  dans  le  sillon  énorme  de  deux  vagues  gigantesques  ? 
C'était  le  sol  qui  tremblait. 

Ma  maison  oscillait,  le  toit  geignait,  les  cloches  des  églises 
sonnaient  et,  du  plus  profond  de  la  terre,  un  grondement  montait, 
sinistre  ! 

Etait-ce  pour  moi  l'écrasement  sous  les  décombres,  la  mort 
irrémédiable,  la  fin  de  tout  ce  qui  m'entourait  ? 

Je  le  crus  d'abord  et  ma  pensée,  d'un  bon  prodigieux,  embrassa 
ce  que  j'avais  aimé,  ce  que  j'avais  été  et,  résignée,  dit  à  tout  un 

adieu  fataliste 

Mais  plus  rapide  encore,  elle  songea  au  salut  possible  :  —  Je 
me  souvins  que,  dans  les  mines,  les  parties  de  constructions 
formant  embrasures  ou  voûtes  demeurent  les  dernières  debout. 

Pour  attendre  la  fin  du  cataclysme,  je  me  plaçai  sous  le  cadre 
d'une  porte. 

Dans  des  instants  pareils,  le  travail  cérébral  chez  qui  conserve 
le  sentiment  des  choses  ambiantes,  dépasse  tout  ce  qu'on  peut 

imaginer  ;  immense  est  le  champ  d'action  de  la  réflexion 

Savez-vous  quelle  image  frappa  alors  mon  imagination?  — J'avais 
devant  moi  une  gravure  qui,  jadis,  m'avait  intéressé  dans  une 
édition  illustrée  des  voyages  de  Gulliver  ;  gravure  que  j'avais  certes 
oubliée,  bien  oubliée. 

C'est  pendant  le  séjour  au  pays  des  colosses  :  sur  un  homme  qui 
a  des  dimensions  de  fourmi,  se  pose  une  main  géante.  —  J'étais 
le  chétif  insecte  ;  une  poigne  colossale  m'étreignait,  me  secouait, 
m'étouffait  ! 


LES  TREMBLEMENTS  DE  TERRE  AU  VENEZUELA      57 

Combien  de  temps  la  terre  gronda- t-elle  ? 

Je  ne  m'en  rendis  pas  compte  alors. 

Trente  secondes,  affirma-ton  généralement  ;  et  ce  chiffre  me 
semble  exact  car  j'ai,  depuis,  refait  en  vingt-cinq  secondes,  à  peu 
près  tout  ce  que  j'ai  accompli  sur  le  moment. 

Ces  trente  secondes,  O  1  combien  longues  elles  furent,  combien 
tristes,  combien  douloureuses  ! 

Mes  parents  aimés,  devrais-je  vivre  des  siècles,  je  n'oublierai 
jamais  ce  réveil  horrible,  cette  sensation  atroce  du  sol  qui  parait 
se  dérober  sous  les  pieds,  pour  vous  reprendre  aussitôt  et  vous 
lancer  dans  le  vide  encore 

Quand  je  crus  la  stabilité  de  ma  pauvre  maison  à  peu  près 
rétablie,  j  allai  aussitôt,  sain  et  sauf,  dans  le  simple  appareil  que 
vous  devez  supposer,  me  rendre  compte  de  ce  qu'il  était  advenu 
de  mon  secrétaire  qui  loge  avec  moi  :  Les  quatre  murs  de  sa 
chambre  s'étaient  séparés  ;  des  plâtras  étaient  tombés  et  l'avaient 
contusionné  à  la  tète  ;  mais  il  était  valide.  —  Sains  et  saufs  aussi 
deux  hommes  de  service  qui,  hurlant,  gesticulant,  eurent  bientôt 
disparu  dans  la  rue  avec  leurs  vètenients  ? 

Au  grondement  souterrain,  au  craquement  des  maisons  avait 
succédé  un  silence  désolant 

On  aurait  pu  croire  Caracas  anéantie  ;  elle  n'était  que  gravement 
mutilée  et  ne  pouvait  sortir  de  la  torpeur  où  le  cataclysme  l'avait 
plongée. 

Queljues  secondes  se  passèrent  ainsi  ;  ce  fut  bientôt  une 
explosion  de  gémissements,  de  pleurs,  d'invocations  bruyantes  au 
Dieu  de  Miséricorde. 

Perdon  !  Senor!  Perdon  !  criaient  des  milliers  de  bouches . 

et  les  lamentations  et  les  prières  à  haute  voix  qui  épandaient  sur 
la  ville  un  murmure  troublant,  durèrent  jusqu'à  ce  que  le  jour  vint? 

On  put  alors  connaître  les  conséquences  du  mouvement  sis  mal. 

Si  l'on  tient  compte  de  son  étendue  —  toute  la  République  (trois 
fois  le  territoire  de  la  France)  l'a  ressenti  —  de  sa  force  et  de  sa 
durée,  on  doit  reconnaître  que  le  nombre  des  accidents  de 
personnes  est  relativement  restreint  :  on  compte  au  total  une 
soixantaine  de  morts  et  cinq  cents  blessés  environ. 

En  revanche,  les  dégâts  matériels  sont  considérables.  Cela  tient 
à  ce  que  la  secousse  a  été  faite  de  larges  balancements  et  non  de 
bruscjucs  trépidations. 

De  très  nombreux  immeubles  menacent  ruine  un  peu  partout, 
mais  les  murs  traversés  de  longues  et  larges  crevasses  et  les  toits 
déplaces  ont  pu  garder  un  équilibre  relatif  ;  beaucoup  de  gens 
doivent  à  cette  particularité  d'avoir  échappé  à  l'ensevelissement 
sous  les  décombres. 


58     LES  TREMBLEMENTS  DE  TERRE  AU  VENEZUELA 

La  région  de  la  République  le  plus  éprouvée  peut  être  représentée 
par  un  pentagone  irrégulier  dont  les  côtés  seraient  formés  par  des 
lignes  reliant  les  centres  suivants:  Iliguerote  et  Macuio  sur  la 
côte,  Guarenar,  Gnatire  et  Caracas  dans  l'intérieur. 

Les  quatre  premiers  de  ces  villages  n'existent  plus  pour  ainsi 
dire.  —  Quant  à  Caracas,  elle  a  souffert  matériellement  beaucoup  : 
on  compte  100  maisons  détruites,  400  près  de  s'écrouler  et  1,000  à 
démolir  en  partie.  —  Ses  églises  et  quelques-uns  de  ses  monu- 
ments publics  sont  fort  endommagés 

Mais  Caracas  a  souffert  moralement  davantage  ;  je  puis  même 
dire  que  ses  peines  provenant  du  tremblement  de  terre  même,  ne 
sont  que  peu  de  chose  à  côté  de  la  torture  morale  qu'on  lui  a  fait 
subir  depuis  ce  jour 

Dans  la  journée  du  29,  la  population  inquiète  avait  abandonné 
les  maisons  et  s'était  transportée  sur  les  places  publiques  ou  dans 
les  environs  de  la  ville,  en  rase  campagne.  —  Deux  autres  secousses 
ayant  été  ressenties  à  la  tombée  de  la  nuit,  augmentèrent  les 
appréhensions. 

Dans  la  nait,  deux  secousses  nouvelles,  mais  de  plus  en  plus 
légères,  laissèrent  croire  que  le  phénomène  sismique  était 
terminé. 

Dans  la  motinée  du  30,  les  Ministères,  les  Administrations 
publi(jues,  les  Bancjues,  les  Etablissements  de  commerce  qui,  la 
veille,  avaient  tenu  leurs  portes  closes,  commencèrent  à  les 
ouvrir. 

Mais  voilà  qu'une  nouvelle  des  plus  alarmantes  est  criminelle- 
ment lancée.  Par  qui  ?  nul  ne  peut  le  dire.  —  On  assure  que 
l'observatoire  national  a  arboré  un  drapeau  rouge  pour  annoncer 
un  épouvantable  cyclone  ;  On  a  reçu  des  télégrammes,  La  Marti- 
nique est  ravagée,  l'île  de  Trinidad  est  détruite  ;  les  côtes  du 
Venezuela  sont  déjà  envahies  par  la  mer  en  furie  I 

On  sait  que  le  capitaine  d'un  vapeur  américain  ancré  dans  le 
port  de  la  Guayra  avait  prévu  le  sinistre  ;  son  baromètre  ayant 
subitement  baissé,  il  a  pris  le  large.  -  Et  chacun  de  broder  sui"  ce 
thème  effrayant  ! Caracas,  en  un  mot,  doit  périr  ! 

Toute  la  ville  est  sur  les  places  et  dans  les  champs. 

Je  me  rends  au  bureau  de  la  C"  Fram^-aise  des  câbles  télégraphi- 
ques ;  je"  demande  des  renseignements  ;  tous  les  colportages  sont 

faux,  mensongers,  enfants  de  la  peur —  Je  vais  à  la  recherche 

de  nos  compatriotes  ;  je   tente  de  les  rassurer,  comme  je  le  fais 
depuis  la  matinée  du  29  ;  je  les  exhorte  au  calme,  au  sang-froid. 

Sur  la  place,  on  me  rabroue  presque  parce  que  je  démontre  que. 
si  un  cyclone  était  à  prévoir,  il  vaudrait  mieux  l'attendre  à 
l'abri,  dans  les  maisons  encore  habitables,  que  sur  les  places 
publiques. 


LES    TREMBLEMENTS   DE   TERRE   AU   VENEZUELA  59 

Les  raisonnements  les  plus  sages,  les  théories  scientifiques 
les  plus  savamment  échafaudées  sont  impuissantes  contre  la 
panique. 

La  peur  n'admet  rien. 

Le  cataclysme  prédit  (?)  ne  s'est  naturellement  pas  accompli.  — 
Mais  le  sol  étant  toujours  peu  ou  prou  en  mouvement  et  les 
fausses  nouvelles  continuant  de  circuler 

la  panique  règne  encore  en  maîtresse  ici. 

Les  maisons  habitables  sont  même  abandonnées. 

Tout  le  monde  vit,  mange,  dort,  etc.,  sur  les  places,  dans  la 
campagne,  dans  des  campements  improvisés. 

La  politique,  le  commerce,  les  finances,  sont  oubliés.  —  On  ne 
parle  que  de  phénomènes  météorologiques  ou  souterrains.  —  On 
pourrait  croire  que  la  ville  est  aux  mains  d'une  immigration  de 
Bohémiens. 

C'est  pittoresque  et  navrant  tout  à  la  fois,  mais  surtout  déplo- 
rable au  point 'de  vue  hygiénique. 

Pour  ma  part,  je  n'ai  pas  cessé,  ainsi  que  mon  secrétaire, 
d'habiter  le  Vice-Consulat.  —  Les  exhortations  de  l'abandonner 
ne  nous  ont  pas  fait  défaut. 

De  quelqu'un  à  qui  j'avais  dit  :  Je  couche  dans  ma  maison,  dans 
ma  f^-hambre  et  dans  mon  lit,  j'ai  reçu  cette  réponse  :  «  Mieux 
vaudrait  aller  de  suite  au  cimetière  !  » 

Deux  des  principaux  murs  de  ma  maison  sont  bien  endommagés, 
il  est  vrai.  —  Dans  mon  bureau,  deux  madriers  ont  crevé  le  plafond 
et  provoqué  son  écroulement  partiel.  —  Mais  un  effondrement  est 
improbable  ;  quelques  étayages  et  des  modifications  intérieures 
m'ont  paru,  en  même  temps  que  de  suffisantes  mesures  de 
précautions,  une  preuve  de  grande  tranquillité  à  donner  aux 
timorés. 

J'avais  préalablement  raconté  à  ces  derniers,  l'histoire  de  la 
mort  d'Eschyle  -  fait  qui  tendrait  au  moins  à  établir  l'utilité  de 
l'enseignement  classique  (?)  —  mais  sans  grand  succès. 

Dans  notre  colonie  nous  avons  eu  deux  morts  à  déplorer  :  la 
femme  et  la  fille  d'un  honorable  commerçant  ont  été  écrasées  par 
un  mur  du  palais  de  justice,  renversé  sur  le  toit  de  leur  chambre 
à  coucher.  —  Un  pauvre  bébé  qui  dormait  dans  un  berceau,  à  côté 
de  la  pauvre  femme  ainsi  tuée,  a  été  épargné. 

Aussitôt  après  le  tremblement  de  terre  j'ai  naturellement 
parcouru  tous  les  quartiers,  toutes  les  maisons  où  nous  avons  des 
compatriotes. 

Je  suis  notamment  allé  visiter  les  étabhssements  de  nos  coura- 


60      LES  TREMBLEMENTS  DE  TERRE  AU  VENEZUELA 

geuses  religieuses.  —  A  l'Internat,  j'ai  interrogé  les  enfants.  — 
J'y  ai  reçu  des  réponses  extraordinaires.  —  Une  petite  m'a  dit  : 
«  J'avais  mis  mon  drap  sur  la  figure,  je  croyais  sautera  la  corde  ». 

Une  autre,  la  cloche  du  couvent  sonnait  ;  il  était  encore  nuit  ; 
(f  J'ai  déclaré  à  la  sœur  qui  me  faisait  lever  qu'elle  se  trompait 
certainement  d'heure  I  » 


6  novembre  1900. 

QUIÉVREUX. 

(Reproduction  interdite.) 


\}(^Ç^  il 

f  OTl 

n  T 

N\4 

\ 

] 

JUUll. 

[  OL 

Il  L 

A  fMi,  EmiOG 


DE  L'ORANIE 

AVEC  DES  TABLEAUX  ANALYTIOUES  ET  DES  NOTIONS 

POUR  LA  DÉTERMINATION  DE  TOUS  LES  REPTILES  &  BATRACIENS 

du  Maroc,  de  ïAlgérie  et  de  la  Tunisie 

(SUITE) 


Genre  PSAMMOPHIS 

Caractères  du  ge?;re.  —  Dents  de  chaque  i^axillaire 
supérieur  au  nombre  de  10  à  13,  en  trois  séries  séparées  joar 
deux  intervalles  assez  larges.  La  série  médiane  est  formée  de 
dents  bien  plus  longues  que  les  voisines,  lesquelles  sont  à  peu' 
près  de  même  longueur.  Deux  dents  postérieures  du  double 
plus  longues  que  celles  qui  précèdent,  cannelées.  Tête  longue  et 
étroite,  plate  .en  arrière.  Chez  les  adultes  il  y  a  souvent  un 
sillon  profond  en  avant  entre  les  préfrontales  et  les  interna-- 
sales.  Museau  rétréci,  obtus  ;  rostrale  peu  saillante,  i-2  préocu- 
laires ;  2  3  postoculaires. 

Une  seule  espèce  en  Algérie  et  en  Tunisie. 

45 .  Psammophis  schokari  Forsk.  (Pi.  xxi,  fig.  13,  a) 

Fig.  Description  de  V Egypte.  Rept.,  pi.  8,  fig.  -4  (d'après  Blg.), 

Le  PsaniniopliLs  schokari. 

Arabe:  Zeurig  (Ern.  Oliv.) 

Coluber  schokari  Forsk.  Descript.  anim.  p.  14(1775);  Blg. 
in  Cal.  of  the  Snak.  vol.  III,  p.  157. 

Psammophis  sibilans  Strauch,  Lall.,  Blg.,  Ern.  Oliv.  nonL. 
Psammophis  punctatusZ).etB.,Geri'ais,  Strauch , Lallemant. 
Psammophis  sibilans  Doumergae  (Assoc.  fr.  Congrès  de  Tunis 
1896,  p.  478;  non  L. 

C'est  sur  l'indication  de  M.  Boulenger  que  j'applique  le  nom- 
de  Psammophis  scJiokari  Forsk.  à  l'espèce  jusqu'ici  rapportée 
à  Psammophis  sibilans  par  tous  les  auteurs  qui  ont  écrit  sur 
la  faune  algérienne. 
Voici  la  description  d'un  individu  du  Sud-Oranais  : 
Corps  très  long  et  très  grêle,  dépassant  rarement  un  centi*. 
mètre  de  diamètre.  Tête  longue  et  étroite  ;  ligne  des  plaques 
de  la  tête  16  mill.,  ligne  interorbitale  7  mill.,  distance  entre  les 


62  ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIË 

tempes 9  milI.Musoau  obtus.  Cou  long,  étroit,  5  mill.Rostrale  très 
peu  saillante  (0,5"M,  concave  en  dessous,  convexe  sur  le  reste 
de  la  surface  ;  les  extrémités  de  sa  ligne  de  contour  ne  corres- 
pondent qu'imparfaitement  avec  celles  de  la  mentonnière  ; 
angle  postérieur  arrondi,  peu  rabattu  en  arrière.  Deux  inter- 
nasales séparées  par  une  suture  à  peu  près  aussi  longue 
qu'elles,  égalant  en  longueur  les  deux  tiers  environ  des  deux 
préfrontales  (suture  des  internasalcs  1,5  ;  suture  des  préfron- 
tales 2,5  ;  longueur  des  plaques  2  et  3'")-  Gbez  les  jeunes,  les 
internasales  n'ont  que  la  moitié  de  la  longueur  des  préfron- 
tales ou  même  pas.  Sur  la  ligne  des  sutures  se  trouve  une 
dépression  qui  aboutit  à  la  base  de  la  frontale  qui  est  elle- 
même  rentrante. 

Frontale  longue  et  étroite  à  côtés  concaves  (G'"  sur  1,1  au 
milieu,  près  de  3  entre  les  pointes  de  la  Ijase),  un  peu  plus 
longue  que  sa  dislance  au  bout  du  museau  (4,5"';. 

Chez  une  femelle,  la  frontale  est  un  peu  plus  courte  et  a 
ses  bords  presque  droits. 

Sus-oculaires  assez  saillantes  sur  les  orbites,  plus  courtes  que 
la  frontale  et  bien  plus  larges  (longueur  près  de  5'",  largeur  3), 
séparées  des  préfrontales  par  la  préoculaire  qui  rejoint  l'angle 
de  la  frontale. 

Pariétales  grandes  et  longues,  triangulaires  (long.  6  '", 
suture  5)  ;  angles  aiitéro-extérieurs  repliés  jusqu'au  milieu  de 
la  ligne  des  yeux  et  bordant  entièrement  la  postoculaire  supé- 
rieure. Narines  enli'edeu.x  plaques  ;  la  nasorostraleet  la  naso- 
frénale  ;  la  premièi'e  à  peine  plus  longue  que  la  seconde. 
Frênaie  oblongue,  deux  fois  et  demie,  aussi  longue  que  haute. 
Une  préoculaire,  deux  postoculaires.  Œil  reposant  sur  les  b« 
et  6"  labiales,  la  G"-'  deux  fois  aussi  larges  que  la  5".  J'ai  trouvé 
ce  detliiei-  caractère  constant.  Lataste  l'avait  déjà  signalé 
(ex  BIg.) 

Notre  espèce  représenterait  la  variélé punctalus  {Ps.  D.  et  B.) 

Temporales:-^ — \-  3.  Labiales:  -j^  Six  labiales  inférieures 
touchent  les  inframaxillaires  ;  les  premières,  très  longues,  se 
rejoignent  sur  la  ligne  médiane  et  leur  pointe  est  distante  de 
2  mill.  de  l'angle  postérieur  de  la  mentonnière.  Cette  dernière 
est  petite,  équilatérale. 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE  63 

Écailles  dorsales  oblongues,  lisses,  très  légèrement  convexes; 
celles  des  flancs  plus  grandes  ;  17  rangées  autour  du  milieu 
du  corps.  Vers  la  base  le  nombre  descend  à  15-13. 

Ventrales  à  bord  curviligne,  relativement  grandes  (leur 
hauteur  égale  le  quart  de  la  largeur  transversale;,  au  nombre 
de  177.  Anale  double.  110  paires  de  sous-caudales  Pénis  grêles. 
Queue  très  longue  et  fine. 

Variations.  —  1-2  préoculaires  ;  2  ou  3  postoculaires  ; 
8  ou  9  sus-labiales  ;  œil  reposant  sur  les  4"  et  5*^  ou  5^  et  6'-  sus- 
labiales  ;  temporales  2  -|-  2  ou  2  +  3,  rarement  i  -\-  2  ; 
quelquefois  19  rangées  de  dorsales.  Ventrales  162-195;  sous- 
caudales  93-149  (BIg.) 

J'ai  observé  174  à  183  gastrostèges  et  104  à  125  paires 
d'urostèges.  - 

Coloration.  —  Variable,  mais  à  motif  le  plus  souvent 
formé  de  bandes  étroites  bicolores  ou  multicolores  qui 
parcourent  tout  le  dessus  du  corps.  Ces  bandes  manquent 
parfois  ;  elles  sont  alors  remplacées  par  des  lignes  de  paints 
disposés  sur  un  fond  uni. 

Voici  les  diverses  colorations  que  j'ai  observées  : 

;/i(3  forme.  —  Individu  ci-dessus  décrit:  Tète  d'un  brun 
rougeàtre  linéolé  de  noirâtre;  suture  et  sillon  clairs;  sus- 
labiales  tachées  de  fauve.  Dessus  du  dos  couvert  par  une 
bande  de7  millimètresd'unbrundesable,  plusclaireau  milieu, 
bordée  des  deux  côtés  par  un  trait  d'un  brun  foncé  presque 
noir.  La  partie  médiane  claire  devient  de  plus  en  plus 
apparente  et  forme  une  bande  distincte  en  arrière  du  milieu  du 
corps.  De  chaque  côté  de  la  bande  dorsale  s'en  trouve  une 
seconde  de  2  mill.  d'un  rouge  de  sable  très  clair.  Une  3*^  bande 
de  près  de  3  mill.  parcourt  la  partie  supérieure  des  flancs. 
Cette  bande,  de  couleur  brunâtre,  est  maculée  de  points 
noirâtres  placés  à  la  base  de  chaque  écaille  centrale;  elle  coupe 
l'œil  et  atteint  la  région  frênaie. 

Ventre  blanc  sale,  parcouru  de  chaque  côté  par  une  ligne  de 
traits  d'un  noir  bleuâtre.  Chaque  ventrale  porte  un  trait 
souvent  un   peu   oblique,   ce   qui   tait  que   les  extrémités 


64  .        ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'oRANIE 

ne  s'ajustent  pas  toujours.  Vers  l'extrémité  antérieure  du  corps 
il  existe,  en  d(?ssous,  une  ligue  médiane  de  traits  semblables, 
qui  rejoint  les  deux  latérales  sous  la  gorge.  Les  trois  lignes 
atteignent  la  mentonnière  où  elles  se  réduisent  à  trois  points. 
Les  2^',  3',  4*^  et  5'"  sous-labiales  poi'lent  chacune  un  point. 

La  coloration  du  corps  se  continue  sur  la  queue,  mais  elle  y 
est  plus  claire. 

!?e  Forme.  —  La  bande  dorsale  (la  l""*^)  est  plus  toncée,  d'un 
brun  légèrement  olivâtre,  clair  au  milieu  ;  ses  bords  sont 
noirs.  La  2'-'  bantle  reste  rouge  de  sable.  L  i  3''  est  de  même 
couleui'  que  la  1"^,  et  de  même  largeur  que  la  2'"  ,  son  bord 
supérieur  est  marqué  de  forte?  dépressions  noirâtres  qui 
totipent  une  ligne  de  points  allongés,  distants  entre  eux  de 
la  moitié  de  la  longueur  d'une  écaille  ;  vers  le  bas  ces 
points  disparaissent  et  la  bande  devient  unie.  Le  bord  inférieur 
de  la  3'-  bande  est  loiiné  de  traits  noirs  se  touchant  par  leurs 
extrémités.  Pas  de  ligne  centrale  de  taches  sous  le  ventre. 
Plaques  de  la  gorge  pointillées.  Sus-labiales  bordées  de  points 
bleuâtres. 

En  résumé,  variation  peu  dilïerente  de  la  précédente. 

3'-  Forme.  —  bien  voisine  de  la  précédente.  La  bande  dor- 
sale est  parcourue  en  son  milieu  et  dans  toute  sa  longueur  par 
un  large  trait  blanc. 

4':  Forme.  —  C'est  celle  signalée  i  ar  D.  et  B.  et  Strauch  à 
2  bandes  blanches  de  chaque  côté.  Il  y  a  alors  5  bandes 
blanches  en  comptant  la  dorsale  médiane. 

5c  Forme.  —  Une  femelle.  —  Lignes  longitudinales  bien 
moins  apparentes,  le  fond  devenant  de  couleur  rouge  brun  de 
sable  plus  uniforme.  La  1"'  bande  n'est  pas  parcourue  dans  son 
milieu  par  une  bande  supplémentaii-e  ;  les  traits  postérieurs 
qur  la  bordent  sont  plus  foncés,  bruns.  La  2-  bande  est  moins 
apparente  et  se  confond  avec  la  3'-'  qui  est  un  peu  brune  et 
unie.  Les  lignes  du  ventre  sont  peu  visibles  et  formées  de 
traits  ou  de  points  sales. 

6"''  Forme.  —  Dos  d'un  gris  de  sable  rougeàtre  uni,  à  bande 
dorsale  un  peu  plus  sombre.  Cette  bande  est  bordée  de  chaque 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'ORANIE  6o 

côté  par  une  ligne  de  points  encore  plus  foncés;  la  base  de 
chaque  écaille  en  porte  un. 

Quelques  taches  presque  imperceptibles  existent  sur  les 
écailles  dss  flancs.  Ventre  sans  points,  ni  traits. 

V^  Forme.  —  Voisine  de  la  précédente.  Fond  d'un  gris  clair 
à  reflets  fauves.  Bande  centrale  très  peu  apparente,  marquée 
seulement  par  les  deux  lignes  de  peints  qui  la  limitent.  Ces 
points  sont  d'un  fauve  clair.  La  2"-'  bande  réapparaît  légèrement; 
elle  est  lavée  de  fauve  rosé.  Ventre  nu. 

Toutes  ces  colorations  peuvent  se  rencontrer  dans  une  même 
localité. 

Taille. -0,8:30+0,380=l"i210(Blg.).  Mon  plus  grand 0"'80. 

Distribution  géggrai'Hique.  —  (Ai.,  Ti.  :  H. -PL,  S.)  — 
C'est  probablement  Psammophis  scJwkari  que  Gervais  a  reçu 
d'Aïn-Sefissifa,  près  d'Aïn-Sefra  (Paul  Mares)  et  qu'il  a  signalé 
sous  le  nom  de  Psawrnophis  punctatus  D.  et  B. 

Le  zeurig  est  une  espèce  saharienne  commune  dans  le  Sud- 
.  Oranais.  J'en  ai  reçu  plusieurs  exemplaires  d'Aïn-Sefra  (Hiroux). 
M.  Peuplier  m'a  envoyé  de  nombreux  échantillons  d'El-Abiod- 
Sidi-Cheikh.  Il  l'a  vue  à  Arba-Tahtani. 

Je  tiens  comme  très  douteuse  la  localité  de  Méchéria  (Musée  : 
coll.  Moisson).  Toutefois,  il  n'y  a  rien  d'impossible  à  ce  que 
cette  espèce  pénètre  dans  les  régions  sablonneuses  des  Hauts- 
Plateaux,  mais  plutôt  du  côté  de  Géryville  que  du  côté  de 
Méchéria. 

Éthologie.  —  Le  zeurig  est  une  espèce  des  sables  déser- 
tiques. Je  l'ai  reçu  en  mars,  en  mai,  en  juin  et  en  automne. 
En  été,  il  est  très  rare.  Il  se  retire  alors  dans  les  oasis  où  il 
trouve  de  la  fraîcheur.  Quoique  opistoglyphe,  ce  serpent  est 
tout  à  faitinoiïensif.  II  fuit  avec  une  extrême  rapidité.  Il  habite 
les  dunes  herbeuses.  On  le  prend  aussi  sous  les  pierres. 

Observation.  —  Psarnynophis  fiibilans  (Fig.  Expédition 
d'Egijpic.  Suppl.  PI.  IV,  lig.  5.)  est  une  espèce  bien  plus 
grosse  que  ï^mmmoplds  çcJwkari,  Son  dianiètre  g,tteint  plus  d§ 


66  ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE 

2  centimètres.  Ce  sont  les  jeunes  individus  de  cette  espèce 
qui  l'ont  fait  confondre  avec  Psammophis  schokari. 

Le  Psammophifi  sibilans  a  9  labiales.  Ses,  préfrontales,  très 
grandes,  sont  3  fois  aussi  longues  que  les  internasales.  La  tète 
est  aiguë.  La  taille  est  bien  plus  courte  que  celle  du  zeurig.  La 
coloration  en  dilTère  aussi  notablement.  Cette  espèce  est  égyp- 
tienne. 


Genre  CŒLOPELTIS 

Caractères  du  genre.  —  Dents  postérieures  du  maxillaire 
supérieur  sillo7inées,  les  antérieures  toutes  à  égale  distance  ou 
à  peu  près  les  unes  des  autres.  Écailles  doisales  canaliculées 
ou  déprimées  sur  la  ligne  médiane. 

Ces  caractères  sont  à  peu  près  les  seuls  communs  aux  deux 
espèces  algériennes.  Les  écailles  sont  peu  sillonnées  chez 
C.  producta.  Il  se  produit  dans  ce  genre  le  contraire  de  ce  qui 
a  lieu  dans  le  genre  Macroprotodon.  Tandis  que  les  dents 
sillonnées  séparent  ce  dernier  genre  du  genre  Coronella, 
auquel  il  ressemble  par  les  caractères  extérieurs,  chez  nos 
cœlopellis,  au  contraire,  les  dents  rapprochent  génériquement 
les  deux  espèces  qui  diffèrent  totalement  par  leurs  caractères 
extérieurs.  Le  C.  producta  devrait  constituer  un  genre  à  part. 

Voici  le  tableau  de  nos  deux  espèces  : 

G.  CœJopeltis.  —  TABLEAU  DES  ESPÈCES 

Tête  assez  longue  ;  museau  fortement  creusé 
en  dessus,  à  côtés  très  relevés  en  carène. 

C.  MoDspessulaous. 

Tête  courte,  plane  sur  le  crâne,  convexe  sur  le 

museau  ;  pas  de  carènes  latérales.    Cou 

dilatable. 

C.  producta. 


•Il 


ESSAt  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'oRANIE  67 

46.  Oœlopelfis  Monspessu/anns  Rozet.(P\.X.\l],  f.  l,a) 

Fig.  Bonaparte  (Fauna  italira) 
Description  de  VEgtjpte   Suppl.  (PI.  V,  fîg.  2  et  3) 

La  couleuvre  de  Montpellier. 

Cœlopeltis  lacertina  Wagl.,  Strauch,  Lall.,  Ern.  Olivier. 
Cœlopeltis  monspessulanus  Rozet,  Boulenger. 
Cœlopeltis  insignitus  Geojf.,  D.  et  B. 

Dentition  forte  10  dents  à  la  mâchoire  supérieure,  les 
8  antérieures  à  peu  près  d'égale  longueur  (2  mill.  environ), 
recourbées  en  arrière,  coniques,  fines,  aiguës,  à  peu  près 
toutes  à  égale  distance  l'une  de  l'autre  ;  les  deux  postérieures 
deux  fois  plus  fortes  (4  mill.  de  long  sur  1,2  à  la  base),  rabat- 
tues en  arrière  ;  face  postérieure  arrondie  et  présentant  une 
concavité  par  suite  de  l'élargissement  de  la  base.  Maxillaires 
inférieurs  portant  chacun  11  dents,  les  3  antérieures  très 
rapprochées,  la  4<'  bien  plus  forte  et  distante  de  3  mill.  ;  la  5^ 
aussi  forte  que  la  4^  et  distante  de  2  mill.  de  la  4°  et  de  la  6*^. 
Les  six  dents  postérieures  sont  sur  la  moitié  postérieure  du 
maxillaire  ;  elles  sont  à  égale  distance  l'une  de  l'autre  et  vont 
en  décroissant  de  1  mill.  5  à  un  demi-millimètre.  Enfin  il 
existe  10  dents  ptérygoïdiennas  et  10  dents  palatines  de 
chaque  côté.  Os  articulaire  très  élargi  flong.  '27  mill.,  haut.  6). 

Tête  assez  longue,  relativement  petite  :  ligne  des  plaques 
23  mill.  ;  ligne  interorbilale  11  ;  distance  entre  les  tempes  17, 
Rostrale  arrondie,  à  peine  saillante,  un  peu  plus  large  que 
haute,  5  sur  4,  parfois  4  sur  5,  pénétrant  peu  ou  pas  entre  les 
internasales.  Deux  internasales  dont  la  suture  égale  le 
— -,  le  -[-  ou  la  —de  celle  des  prétrontales.  Frontale  très 
longue  et  étroite  (11  sur  5  à  la  base  et  3  au  milieu).  Sus- 
oculaires  très  saillantes  sur  les  orbites,  plus  courtes  et  plus 
larges  que  la  frontale  (7  sur  5)  ;  leurs  bases,  en  ligne  droite, 
sont  dépassées  par  la  pointe  équilatérale  de  la  frontale. 
Pariétales  grandes  (8  sur  (ij  réunies  par  une  suture  de  5  mill. 
Bords  latéraux  irréguliers,  courbes.  Entre  la  frontale  et  les 
deux  préfrontales  existe  une  forte  dépression  transversale;  cette 
dépression  s'ouvre  au  milieu  du  bord  antérieur  pour  se  conti- 


6S  ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE 

nuer  entre  les  relèvements  en  carène  de  chacun  des  côtés  du 
museau.  C'est  là  le  caractère  le  plus  saillant  de  cette  espèce. 

Narines  grandes,  obliquo-verticales  ;  ouverture  située  dans 
une  grande  plaque  nasale  fendue  à  la  base  du  côté  postérieur, 
paraissant  même  parfois  entre  deux  plaques.  Plaque  nasale 
presque  aussi  longue  que  l'internasale,  atteignant  ou  dépas- 
sant assez  la  suture  postérieure  de  la  première  labiale  infé- 
rieure. Deux  frênaies  :  l'antérieure,  égalant  en  longueur  plus 
de  la  -^  de  celle  de  la  postérieure  ;  le  plus  souvent  les -^  et 
même  les  g-  Les  deux  frênaies  ensemble  sont  à  peine  plus 
longues  que  la  nasale.  Une  grande  préoculaire  pliée  sur  la 
carène,  atteignant  la  frontale  et  bien  visible  en  dessus.  Deux 
postoculaires  :  l'inférieure  de  moitié  plus  grande  que  la 
supérieure  ;  cette  dernière  est  à  peine  visible  en  dessus.  Œil 
grand,  plus  large  que  haut,  reposant  en  partie  sur  les  4*  et 
5e  labiales.  Temporales  2  +  3.  l'inférieure  bordant  deux 
labiales.  Labiales  -j^-  -^.  Six  labiales  inférieures  touchent  les 
inframaxillaires.  Mentonnière  courte,  subéquilatérale.  Écailles 
dorsales  relativement  grandes,  oblongues,  parcourues  par  un 
sillon  longitudinal  très  distinct.  Écailles  des  flancs  grandes, 
planes.  19  rangées  d'écaillés  autour  du  corps.  Écailles  sus- 
caudales  planes. 

173  gastrostèges  ;  anale  double  ;  80  paires  d'urostèges. 

Variations.  —   Parfois  3  postoculaires  :  17  19  rangées  de 

dorsales.  168-210  ventrales  ;  69-97  sous-caudales  (Blg.) 
J'ai  observé  : 

Oran  :  10  rangées,  173  gastrosièges,  80  urosli'g' s. 

Oued-SeKioun  :      19     —     173       —         86     — 

Kreider  :  Femelle  17     —     164       —         88     — 

Méchérii  :  Hàle    19     _      164      —        87     — 

18     —     104      —        81     — 

17     —     166      —         70     —     (Queue  coupée). 

Femelle  19     —     101       —         82     — 

Tanger:  19     -  -    171       —         84     — 

Tunisie:  19     —     176      —        83     — 

Coloration.  —  Variable.  Chez  les  jeunes  sujets  et  chez  les 
adultes,  le  fond  est  très  foncé  et  souvent  uni  Avec  l'ùge  et  selon 


ESSAI  SUR  LA.  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE  69 

l'habitat,  et  probablement  aussi  suivant  le  sexe,  les  écailles 
sont  plus  ou  moins  maculées  de  jaune  ou  de  blanc  jaunâtre. 
Les  individus  des  terr'ains  broussailleux  sont  de  couleur 
sombre  ;  ceux  des  terrains  sablonneux,  maculés  ;  enfin 
ceux  des  sables  sahariens,  très  colorés.  Voici  les  diverses 
colorations  que  j'ai  observées  à  Oran  : 

1°  Jeunes.  —  Tète  brune,  maculée  de  brun  foncé.  Sur  la 
nuque,  une  grande  tache  noire  assez  longue.  Dos  à  fond  brun 
parcouru  par  quatre  lignes  de  points  noirs  allongés.  Les 
deux  lignes  internes  sont  distantes  de  3  mill.  Les  autres  lignes 
sont  plus  rapprochées  des  premières.  Les  taches  noires  sont 
bordées  de  petites  taches  fauves  qui  se  fondent  et  forment,  en 
travers  de  la  première  bande  dorsale,  des  taches  allongées. 

Les  taches  noires  de  la  2"^  rangée  sont  plus  longues  et  peu 
bordées  de  jaunâtre.  Sur  le  haut  des  lianes  il  y  a  une  ligne  de 
points  ronds  séparés  par  la  longueur  de  2  ou  3  écailles.  Ventre 
d'un  jaune  noirâtre.  Gorge  toute  maculée  de  brun  dans  le 
sens  longitudinal. 

(Cette  coloration  se  retrouve  au  Maroc.  Un  individu  de 
Tunisie  présente  en  outre  une  ligne  dorsale  médiane  de 
grandes  taches  brunes.; 

2°  Moyens.  —  Les  taches  noires  et  fauves  s'accentuent  ; 
suivant  les  terrains,  les  écailles  fauves  ou  grises  sont  plus  ou 
moins  nombreuses.  Gorge  maculée. 

3"  Vieux  adultes.  —  Corps  d'un  brun  plus  ou  moins  foncé, 
uni.  Lignes  de  taches  noires  nulles  ou  très  peu  apparentes. 
Ventre  blanc  jaunâtre,  uni. 

Ces  diverses  variations  sont  celles  du  type(C.3/onspessMiaHus.) 

Taille.  —0^" 820  +  0"' 260=  l'nQS.. Jusqu'à  2  mètres  environ. 

Distribution  géographique.  —  (B.  :  T.,  H. -PL,  S.)  —  La 
couleuvre  de  Montpellier  est  répandue  partout  dans  le  Tell. 
Elle  est  plus  rare  sur  les  Hauts-Plateaux.  Je  ne  la  connais  pas 
du  Sahara  oranais.  Les  points  extrêmes  où  j'ai  constaté  sa 
présence  sont  :  El-Aricha,  djebel  Beguirat,  Mozbah  ;  le  Kreider, 
Mécheria  (Iliroux)  ;  Géryville.  Je  l'ai  reçue  de  Frendah 
(Brunelj,  de  Saïda  (P.  Pallary),  de  rOned-Seffioun  (Lafosse). 


70  ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'ORANIE 

Variété  NEUMAYERI  (PI.  XXII,  fig.  1  b) 

Cœlopeltis  Neumayeri  Filz. 

• 

Je  rapporte  à  celte  variété  une  couleuvre  de  la  vallée  de 
l'Oued- SelTioun  qui  m'a  été  envoyée  par  M.  Lafosse.  Elle  se 
distingue  par  les  caractères  suivants  : 

Frênaie  antérieure  égalant  en  largeur  le  -^  seulement  de 
la  postérieure  qui  a  3  mill.  ;  fente  de  la  nasale  descendant,  par 
l'angle  intëropostérieur,  sur  la  labiale.  Trois  postoculaires;  la 
médiane,  très  petite  (—j- de  mill.j,  parait  être  une  division 
de  l'inférieure  ou  le  prolongement  de  la  temporale  supérieure. 
Une  plaque  triangulaire,  qui  semble  continuer  la  postoculaire 
inférieure,  repose  sur  la  suture  des  tempora'es  ou  en  dessous 
de  la  supérieure.  17  rangées  d'écaillés,  173  gastrostèges, 
86  paires  d'urostèges. 

Dos  d'un  brun  olivâtre,  uniforme  en  dessus.  Flancs  d'un 
brun  grisâtre  ;  base  des  écailles  tachée  et  bordée  de  noir. 
Ventrales  aussi  bordées  de  noir  vers  le  bout.  Ventre  et  gorge 
d'un  beau  blanc  jaunâtre.  Tète  brune,  unie. 

Taille.  —  0'"820  +  0"'260  =:  1-C80.  Don  Lafosse. 

Observation.  —  Celte  variété  se  rapporte  par  sa  coloration 
à  la  variété  Neumayeri  (C.  Fiiz.)  ;  mais  les  caractères  que  je 
donne  peuvent  très  bien  l'en  séparer.  Je  manque  de  matériau.x. 
pour  me  prononcer. 

Vaiiété  INSIGNITUS 
Fig.  Expédition  d'Egypte.  Suppl.  (PI.  V,  fig.   2) 

Cœlopeltis  insignitus  Geoffroy. 
La  couleuvre  maillée 

Cette  variété  se  trouve  partout  dans  les  lieu.K  sablonneux  et 
surtout  dans  le  tsud.  Elle  se  distingue  par  sa  vive  coloration 
dont  voici  la  description  : 

Dessus  d'un  fauve  de  sable  avec  4-(i  lignes  de  taches  d'un 
brun  noir,  chaque  tache  s'étendant  sur  12  écailles.  Bords  des 
écailles  tachées  presque  blancs.  Flancs  plus  clairs,  blancs  à  la 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE  71 

base  et  barrés  de  traits  irréguliers  noirâtres  et  jaunâtres. 
Ventre  gris  sale  avec  quatre  lignes  régulières  de  points  irrégu- 
liers Sur  la  queue  les  points  se  touclient  et  forment  trois 
lignes  noires  :  la  médiane  mal  définie,  les  deux  autres,  latérales, 
d'un  beau  noir,  bien  distinctes  et  très  régulières.  La  base  des 
flancs  est  parcourue  par  une  ligne  de  points  allongés  presque 
en  contact  ;  vers  la  base  ils  sont  au  centre  des  écailles.  Gorge 
parcourue,  au  milieu,  par  un  gros  trait  d'un  beau  noir  et, 
parallèlement  à  ce  dernier,  par  des  lignes  de  taches  allongées 
de  même  couleur.  Ces  bandes  se  prolongent  au-delà  du  cou 
et  sur  le  ventre  où  elles  se  sectionnent  en  taches  irrégulières 
sur  chaque  ventrale. 

Ligne  des  lèvres  noire,  bordée  de  blanc  jaunâtre  en  dessus 
et  en  dessous. 

Les  écailles  dorsales  colorées  dominent  et  l'animal,  vu  de 
loin,  parait  doré,  à  retlets  multicolores. 

Chez  les  vieux  individus,  le  fond  tend  à  devenir  uniforme. 
Il  est  brun  avec  des  reliefs  d'un  fauve  éclatant.  Les  bandes  de  la 
gorge  seules  persistent,  mais  elles  sont  noirâtres  et  doivent  finir 
par  disparaître. 

Observation.  —  Les  échantillons  de  Méchéria  et  du 
Kreider  offrent  une  variation  importante  dans  le  nombre 
de  rangées  dorsales,  17  au  heu  de  19. 

La  variété  maillée  se  rencontre  partout  oi^i  il  y  a  des  sables  ; 
mais  nulle  part  dans  le  Tell,  elle  n'a  l'éclat  des  individus 
jeunes  du  sud  des  Hauts- Plateaux.  A.  Oran  elle  existe  à 
à  la  Batterie  espagnole. 

Éthologie.  —  La  couleuvre  de  Montpellier  est  certainement 
la  plus  commune  de  nos  couleuvres.  Elle  est  répandue  partout. 
On  la  rencontre  même  pendant  les  belles  journées  de  la  saison 
fraîche.  Elle  habite  une  galerie  dont  l'entrée  est  cachée  par 
une  grosse  pierre  isolée.  Elle  ne  s'éloigne  guère  de  son  trou, 
se  roule  sur  elle-même  et,  la  tète  dressée,  attend  qu'une  proie 
se  présente.  Lorsqu'on  la  rencontre  sous  une  pierre,  il  faut  la 
saisir  immédiatement;  une  seconde  après  il  n'est  plus  temps, 
l'animal  fuit  avec  une  extrême  rapidité  en  poussant  un  siftle- 
ment  aigu  qui  impressionne. 


72  ESSAI  SUR  L\  FAUNE  KRPCTOLOGIQUE  DE  L  ORANIE 

Lorsque  la  couleuvre  maillée  circule  lentement  elle  appuie 
presque  entièrement  son  corps  sur  le  sol;  seule  la  tète  tendue 
est  portée  haute. 

Ce  serpent  est  encore  un  de  ceux  auxquels  on  attribue  une 
grande  taille.  Le  plus  grand,  mesuré  vivant  par  M.  Michaud 
d'Oran  avait  1"'96. 

Est-ce  aussi  à  cette  espèce  qu'il  faut  rapporter  certains 
serpents  gigantesques  signalés  en  Algérie?  Je  le  crois.  Comme 
le  Zamenis  hippucreji'is,  le  Cn'lopcltis  Monspessulanus  doit 
dépasser  2  mètres. 

La  couleuvre  de  Montpellier  est  un  opistoglyphe.  Ses  dents 
cannelées  sont  certainement  venimeuses,  mais  comme  elles 
sont  placées  tout  au  fond  de  la  bouche,  le  venm  ne  peut  être 
injecté  qu'à  un  corps  qui  pénètre  dans  la  gorge.  La  morsure 
de  ce  serpent  peut  occasionner  des  accidents  graves  mais  non 
mortels.  Elle  tue  facilement  un  lapin. 

Si  à  la  suite  d'une  piqûre  une  enllure  se  produisait,  il  fauc!rait 
ligaturer  et  traiter  au  permanganate  de  potasse. 

47.      Cœlopeltis  prodiida  Gervais  (Pi.  XXII,  fig.  2,  a) 
Fifj.  Jan  Icon.  géa.  oph.  (liv.  3i.  Pi.  2,  lig.  2) 

Cgelopeltis  producta  Gerv.,Strai(c}i,  LalL,  BIg.,  Ern.  Olivier 

Voici  la  description  d'un  bel  exemplaire  du  Sud-Oranais  : 

Tète  courte:  ligne  médiane  des  plaques,  17  mill.,  ligne  inter 
orbitale,  7,b,  distance  entre  les  tempes,  14.  Région  pariétale 
plane  ;  sus-oculaires  légèrement  relevées  des  bords  de  la  fron- 
tale à  l'extérieur  ;  museau  plan,  à  sutures  longitudinales,  à 
sillonj*ssez  marqué  ;  base  de  la  frontale  abaissée.  (Chez  deux 
individus  moins  âgés  le  museau  ne  présente  pas  de  sillon.) 
Rostrale  proéminente,  en  pointe  arrondie,  convexe  sur  toute 
sa  surface  supérieure,  creusée  en  dessous  en  triangle  curviligne 
relevé,  entièrement  saillante  sur  la  mentonnière;  angle 
postérieur  un  peu  obtus,  pénétrant  presque  jusqu'au  milieu 
de  la  suture  des  internasales;  longueur  de  la  rostrale,  vue  en 
dessus,  2  mill.,  largeur,  près  de  3  mill.  Deux  internasales 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'ORANIE  73 

assez  grandes  (longueur  latérale,  3  mill.,  grande  largeur,  2,3, 
suture,  1,3)  de  fonue  trapézoïde,  la  grande  base  bordant  la 
nasale  et  longue  de  3  mill.,  atiénnée  en  poinle  aiguë  à 
l'angle  inféro-postérieur.  Nasale  un  pçvi  plus  longue  que 
la  grande  base  de  l'internasale  conliguë.  Préfrontales  un 
peu  plus  grandes  que  les  internasales  njais  guère  plus  longues. 
Chaque  plaque  a  son  bord  postérieur  anguleux  et  les  deux 
côtés  internes  forment  un  angle  très  obtus  sur  la  suture.  Celle- 
ci  égale  en  longueur  le  double  de  celle  des  internasales.  Le 
repli  de  chaque  préfrontale  atteint  la  frênaie  et  la  borde  entière- 
ment. Angle  de  la  préoculaire  visible  en  dessus  (I  rnill.).  Fron- 
taie  à  bords  parallèles  ou  à  peu  p:-ôs  dans  les  g  postérieurs 
('2  mill.),  peu  élargie  à  la  base  (3  mill.)  longue  de  6,5  ;  l'extré- 
mité postérieure  anguleuse  dépasse  les  sutures  latérales  de 
1  mill.  Sus-oculaires  presque  aussi  longues  que  la  frontale, 
mais  plus  larges,  2,5,  assez  saillantes  sur  les  yeux.  (Chez  les 
individus  plus  jeunes  elles  sont  de  même  longueur).  Posto- 
culaire supérieure  apparaissant  derrière  la  sus-oculaire.  Parié- 
tales longues  de  6,  larges  do  5,  suture,  -4,5  ;  extrémités 
intéro-postérieures  séparées  par  un  angle  peu  obtus. 

Narine  percée  dans  une  grande  plaque  en  forme  de  graine 
de  melon,  convexe,  parfois  saillante  et  composée  de  deux 
nasales  enchevêtrées  et  difficiles  à  distinguer:  longueur,  4  mill., 
hauteur,  1,5.  Les  plaques  nasales  bordent  deux  sus-labiales. 
Une  seule  frênaie,  carrée  (1  mill.)  ou  irrégulièrement  trapé- 
zoïde Une  préoculaire,  parfois  2  (Gafsa)  haute  de  3  mill., 
repliée  d'un  millimètre  en  dessus.  Deux  ou  trois  postoculaires 
(ordinairement  2).  De  mes  deux  exemplaires  d'El-Abiod,  l'un 
en  présente  3  de  chaque  côté,  l'autre,  2  et  3.  (Celui  de  Gafsa, 
le  plus  jeune,  en  a  2  et  2).  Œil  reposant  sur  les  4«.  et  5''  labiales, 
parfois  sur  les  5'-  et  6".  Tempoi'ales  au  nombre  de  deux  au 
l'^^'"  rang,  de  surface  inégale  ;  généralement  l'inférieure  est  deux 
fois  plus  grande,  mais  de  même  longueur  (2  à  2,5)  que  la  supé- 
rieure; le  deuxième  rang,  mal  défini  et  irrégulier,  est  composé 
de  deux  ou  trois  écailles  aussi  longues  que  celles  du  premier 

8  9 

rang,  mais  plus  petites.  Labiales -yp  ou -jj-;  six  inférieures 
touchant  les  inlra-maxilîaires  qui  dépassent  la  6"  de  1  à  2  mill. 
Écailles  dorsales  petites,  planes,  très  légèrement  convexes, 


74  ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'ORANIE 

oblongues,  un  peu  obtuses,  disposées  sur  18  rangées.  Ventrales 
hautes  de  3  mill.  et  larges  de  près  de  '20  au  milieu  ;  au  nouibre 
de  153.  Anale  double,  anguleuse,  obtuse.  54  paires  d'urostèges. 

Variations  : 
El-Abiod-Sidi-Clicikh  .    .   19  rangées;  153  gaslr,  .'il  paires d'urost. Taille:  HIj-)- il'» 

M.         .  .  11»   —    161  —   ;i(i     —       —   115  +  11;; 

Tunisie:  Duiral(Aiiderson).  101  —     (12        —  —     .'112-1-121 

id.       id.       .  i;i9  —    î8     —      —  ;i;ic-^l1;) 

Id.    Cafsa  (E.  Olivier).  1!)     —      Ifia  —    lu       —         —     283-1-  C3 

Coloration.  —  Dos  à  fond  rouge  de  sable  avec  six  lignes 
de  petites  taches  brunes  de  1  cà  2  mill.,  assez  rapprochées.  Ces 
taches,  très  apparentes  chez  les  jeunes  individus,  disparaissent 
chez  les  adultes.  Les  deux  plus  grandes,  situées  un  peu  en 
arrière,  persistent  davantage.  Ces  taches  sont  séparées  de 
chaque  côté  par  un  rentlement  oblique.  Ventre  blanc,  légère- 
ment tacheté  par  places  de  fauve  clair. 

Taille.  —  0'"556  + 0^"  115  =  0'"G7I  (Anderson).  Diamètre 
0"'014. 

Distribution  géographique.  —  (Ai.,  T.  :  S.)  —  Entre  Bou- 
Alem  et  les  Arba  (Paul  Mares).  Ce  sont  les  échantillons  de 
cette  région  qui  ont  été  déci'its  par  Gervais.  Depuis  18.57,  cette 
espèce  n'avait  plus  été  signalée  dans  notre  province.  Elle 
n'était  pas  connue  du  reste  de  l'Algérie.  Depuis  quelques 
années,  le  CœlopeUis  producta  a  été  rencontré  à  Bou  Saàda 
(province  d'Alger)  par  M.  A.  Martin  (ex  Ern.  Olivier),  à  Biskra 
et  en  Tunisie,  .l'ai  eu  la  bonne  fortune  d'en  recevoir  deux 
exemplaires  recueillis  par  M.  Pouplierà  El-Abiod-Sidi-Cheikh, 
localité  au  sud  de  celle  signalée  par  Paul  Mares.  Celte  espèce 
existe  certainement  sur  toute  la  limite  septentrionale  du  Sahara 
algérien  et  tunisien. 

Éthologie.  —  Le  CœlopeUis  producla  habite  les  terrains 
rocailleux  sablonneux. 

Mes  échantillons  ont  été  recueillis  à  la  lin  du  mois  de  mai  et 
en  juin. 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'oRANIE  75 

D'après  M.  Ern.  Olivier,  cette  espèce  jouit,  de  la  propriété 
de  gonfler  son  cou  sur  une  longueur  de  3  à  4  centimètres 
lorsqu'elle  est  irritée.  Ce  caractère  la  rapproche  du  Naja. 


SOIS-ORDRE  DES  PROÏEROGLYPllËS 


Caractères  —  Dents  antérieures  de  la  màdioire  supérieure 
sillonnées. 

Ce  sous-ordre  est  représenté  en  Berbérie  par  une  seule 
espèce. 

15">«  Famille.  —  CONOGERQUES 

Caractères  de  la  famille.  —  Dents  fixes;  hs  antérieures 
de  la  mâcJioire  supérieure  cannelées,  très  venimeuses,  bien 
plus  grandes  que  celles  qui  les  suivent.  Cou  très  dilatable  en 
un  large  disque.  De  grandes  plaques  syoïélriques  sur  la  tête, 
comme  chez  les  couleuvres.  (Jueue  ronde,  conique. 


Genre  NAIA 

Caractères.  —  Voir  ceux  de  la  famille. 

Une  seule  espèce  existe  au  Maroc  et  dans  le  Sahara  constan- 
tinois.  Elle  est  inconnue  dans  la  province  d'Oran.  On  la 
trouvera  probablement  un  jour  dans  l'Extrême-Sud  oranais. 
En  voici  la  description  : 

Naia  haie  L.  (PI.  XXII,  fig.  3,  a,  b) 

Fig.  Expédition  d'Egypte.,  suppl.,  PI.  3  (var.  annulifera) 
Le  Naja.  Arabe:  Bouftera. 

Naia  haie  Z,.,  Blg.,  Ern.  Olivier. 

Cette  espèce  a  tout  l'aspect  d'iiiu?  couleuvre.  L'individu  que  je 
vais  déci-ire  provient  d'Egypte.  Je  le  dois  à  re.\trème  générosité 
de  M.  Boulenser. 


76  ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTÛLOGIQUE  DE  L  ORANIE 

Tête  grosso,  entièrement    recouverte    de  grandes    plaques    en 
dessus,  les  temporales  étant  de  même  facture  i|ue  celles  du  crâne. 
Roslrale  arrondie,   peu   saillante,   à   angle  postérieur  pénétrant  ;i 
angle  aigu  jusqu'au   milieu   des  internasales.  Deux   inlernasales  ; 
deux   prêtVontales   pentagonales  aussi  longues  les   unes  que  les 
autres.  Frontale  bien  plus  courte  que  les  sus-orbitales  et  légère- 
ment plus   large.   Sus-orbitales  atteignant  presque  le  milieu  des 
préfrontales  et  non  séparées  de  celles-ci  par  l'angle  de  la  préocu- 
laire. Pariétales  aussi  langues  que  la  frontale  et  les   préfrontales 
réunies,  non  repliées  sur  les  cotés  ou  très  peu  ;  angle  postérieur 
peu  obtus,   rempli  et  dépassé   par  une  occipitale  penlagonale  et 
allongée.  Narine  entre  deux  plaques  :  l'antérieure,  presque  carrée, 
grande,  bien  conslitué-e  ;  la  postérieure  à  peu  près  de  même  sur- 
face, parfois  redressée.  Pas  de   frênaie.    Une  grande  préoculaire  , 
rectangulaire    s'étend  entre   la  nasale  postérieure  et   l'œil.   Œil 
bordé    par   2    ou    3    sous-oculaires    et    deux    postoculaires    qui 
forment   avec    la    préoculaire    un    entourage    complet    (variété 
annuli/era  Peters.)   (Chez   le  type  qui    est   inconnu   en    Berbé- 
rie,    le  cercle    est  interrompu    par    une   labiale.)    Labiales      g- 
parfois  -^.  Il  existe  toujours  une  labiale  supplémentaire  entre  les , 
4"=  et  5'  inférieures,  ce  qui  poite  leur  nombre  à  9.  L'avant-dernière 
sus-labiale  est  très  grande  et  atteint  la   hauteur   du   milieu  de 
l'œil.   La  3*=  sus-labiale,  assez   étroite,   est  aussi  très  liante,  son 
bord  est  sur  la  même  ligne  que  celui  de  l'avant-dernière  ;  elle 
borde  en   dessous  toute  la  préoculaire  et  son    angle  touche  la 
nasale.  Mentonnière  petite,  deux  fois  plus  large  que   haute.  Cin(j 
labiales    inférieures   touchant  les  inframaxillaires.   Temporales  : 
une  est  enclavée  entre  l'avant-dernière  et  la  dernière  labiales  ; 
une  autre  fait  suite.   Les  bords  supérieurs   de  l'avant-dernière 
labiale  et  des  deux  temporales  sont  sur  une  même  ligne  légère^- 
ment  brisée.  Entre  cette  ligne  et  la  pariétale  se  trouvent  deux 
longues  plaques  subrectangulaires  suivies  d'une  troisième  bordant 
aussi  l'occipitale. 

Écailles  dorsales  longues  et  étroites,  oblongues,  légèrement 
convexes,  larges  et  presque  carrées  sur  les  flancs,  diminuant  de 
largeur  jusqu'à  la  ligne  dorsale  ;  sur  le  dos  elles  sont  disposées 
par  ranges  obliques  formant  des  chevrons  dont  la  pointe  est  infé- 
rieure. (PI.  XXil,  fig.  3  b.)  Les  pointes  des  chevrons  se  trouvent 
sur  une  dépi-ession  dorsale  médiane  assez  apparente.  Cette  dispo- 
sition des  dorsales  distingue  nettement  le  naja  des  couleuvres.  21 
rangées  d'écaillés  autour  du  corps  ou  19.  Ventrales  assez  hautes 
au  nombre  de  206.  Anale  simple.  58  pnires  de  sous-caudales. 

Coloration.  —  D'un  gris  do  sable  uni  en  dessus,  ou  d'un  biun 
fauve.  Çà  et  la  des  écailles  de  couleur  brune  disposées  sans  ordre. 
Dessous   du   corps  d'un  blanc  très  sale  ;   mais,  chose  bizarre^ 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  KRPKTOLOGIQUE  DE  L  ORANIE  7/ 

eiiliéreiiioiil    lnim    sur    l;i    ici^iuii    pccldi-.ile    sur    une    loii^uetip 
truii  déiiini'lie  «Miviroii.  Queue  assez  couiie. 

Taille.  -  AUeiiil  2  mètres  (Blg.)  Tunisie:  l'°3S  -f  0,28  =  l-ôS. 
Un  petit  exemplaii-e  mesure  0"GOO  + 0,110  =  0,710. 

Distribution  géographique.  —  (B.  :  S.)  —  Sud  algérois, 
constanlinois  et  tunisien.  Maroc. 

Éthologie.  —  Le  naja  habite  les  lieux  bas  et  humides  de 
la  région  désertique.  Ce  serpent  jouit  de  la  propriété  de  dilater 
largement  son  cou  lorsqu'il  est  irrité.  C'est  un  animal  redou- 
table dont  la  blessure  est  rapidement  mortelle. 

Dans  le  Sahara,  le  chasseur  devra  être  prudent  pour  ne  pas 
prendre  de  jeunes  najas  pour  des  couleuvres. 

On  voit  souvent  le  naja  entre  les  mains  des  Aïssaouas  dans  les 
provinces  occidentales.  Dans  la  province  d'Oran,  les  charmeurs 
de  serpents  le  possèdent  rarement.  Le  Naig,  haie  parait  être 
l'aspic  des  Egyptiens.  C'est  sans  doute  par  cet  animal  que 
Gléopâtre  se  fit  donner  la  mort. 

On  sait  que  les  charmeurs  savent  rendre  leurs  sujets  raides 
comme  des  bâtons.  Pour  cela  ils  pressent  avec  leurs  doigts 
un  point  spécial  de  la  tète  et  l'animal  tombe  aussitôt  en  cata- 
lepsie. Les  prétendus  (changements  de  verges  en  serpents 
n'ont  probablement  pas  d'autre  origine. 


SOLSOUDRE  DES  SOLE^^OGLYPHES 


Caractères.  —  Un  crochet  mobile,  venimeux,  placé  en  avant 
de  chaque  maxil'aire  supérieur. 

Ce  sous-ordre  est  représenté    en    Berbéric    par    plusieurs 
espèces  de  la  même  famille. 


le'"^  Famille.  -  VIPÉRIENS 

Caractères  de  la  fa.mille.  —  Un  crochet  venimeux  per^ 
foré,  à  l'avant  de  chaque  maxillaire  supérieur.  Os  inaxillaire 
très  court  ne  portant  que  le  ciochet.  Denis  palatines  et  ptëi^y- 

9 


78  ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉ:TOLOGIQUE  DE  l'oRANIE 

goïdiennes  non  venimeuses.  Tête  triangulaire,  élargie  en 
arrière,  recouverte  d'écaillés  semblables  à  celles  du  dos,  mais 
plus  petites  (PI.  XXII,  fig.  "j,  a,  b),  rarement  pourv^(c  de 
3  plaques  symétriques  (Vipera  berus  d'Europe).  Pupille 
verticale.    Queue  courte.  Ovovivipares. 

Généralités.  —  La  lête  dépourvue  de  plaques  symétriques 
fera  reconnaître  à  première  vue  nos  vipères.  Les  crochets 
venimeux  placés  en  avant  permettront  de  confirmer  la  détermi- 
nation. On  a  dit  souvent  que  les  crochets  étaient  mobiles.  Ce 
n'est  pas  tout  à  fait  exact.  Chaque  crochet  est  fixe  sur  le 
maxillaire  très  court  ;  c'est  celui-ci  qui  bascule  ;  il  se  redresse 
ou  s'abaisse  suivant  les  circonstances.  Le  crochet  communique 
directement  avec  la  glande  à  venin.  Il  est  entouré  par  une 
membrane,  expansion  de  la  gencive,  qui  lui  sert  de  fourreau. 
Le  crochet  enlevé  par  une  cause  quelconque  est  remplacé 
par  un  autre.  Il  y  a  sur  le  maxillaire  supérieur  un  groupe  de 
germes  destinés  à  remplacer  le  crochet  venimeux.  La  glande 
à  venin  est  placée  au-dessous  de  l'œil  sur  la  mâchoire 
supérieure.  Elle  communique  par  un  canal  avec  la  dent 
tubulaire.  Lorsque  l'animal  ouvre  sa  gueule  et  pique  la  tension 
des  muscles  chasse  le  venin. 

L'étude  de  l'action  du  venin  a  donné  lieu  à  des  travaux  très 
intéressants  que  j'ai  déjà  signalés. O  Je  n'en  retiendrai  ici  que 
les  résultats  essentiels.  Le  venin  de  nos  vipères  est  très  actif 
et  son  effet  doit  être  combattu  énergiquement  et  rapidement. 
Lorsque  le  venin  ne  tue  pas  il  laisse  des  traces  de  para 
lysie  dans  le  membre  atteint.  Le  vipereau  est  venimeux  dès  la 
sortie  de  l'œuf.  Le  venin  desséché  conserve  son  action.  Une 
piqûre  faite  par  la  dent  d'un  animal  conservé  depuis  longtemps 
en  alcool  est  dangereuse.  Il  est  dope  utile  d'être  prudent 
lorsqu'on  étudie  les  vipères  des  collections 

Les  vipériens  sont  généralement  nocturnes.  Dans  le  jour  on 
les  voit  rarement.  Aussi  est-il  imprudent  de  traverser  les 
broussailles  pendant  la  nuit  sans  être  guêtre  haut. 


(1)  Voir  page  38. 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPETOLOGIQUE  DE  l'ORANÎE  70 

Les    vipères    doivent    être    impiloyablement    détruites. 

Les  oiseaux  de  proie  et  les  cigognes  en  font  disparaître  un 
certain  nombre.  Le  hérisson  ne  les  craint  pas.  Mais  c'est  le 
cochon  qui  est  le  plus  grand  destructeur  de  cette  maudite  en- 
geance. C'est  grâce  à  cet  animal  que  la  région  d'Arzew  a  été 
débarrassée  en  grande  partie  des  vipères  lébétines  qui  y  pullu- 
laient. 

Il  paraît  que  dans  le  Sud  le  varan  mange  la  vipère  à  cornes. 
Il  serait  utile  de  contrôler  ce  fait  et,  s'il  est  exact,  de  proléger 
le  varan. 

Les  vipères  de  la  Berbérie  peuvent  être  réparties  dans  trois 
genres  dont  voici  le  tableau  : 

Vipéridées.  —  TABLEAU  DES  GENRES 

Urostèges  simples.  Régions  sus-orbi- 
tales nullement  saillantes  sur 'les 
yeux.  Œil  bien  visible.  11-13 
lignes  parallèles  d'écailles  caré- 
nées sur  la  région  moyenne  du 
dos.  En  dessous,  sur  le  milieu 
supérieur  des  flancs,  les  arêtes 
forment  des  lignes  obliques  ;  les 
deux  dernières  rangées  d'écailles 
sont  longitudinales  et  très  peu 
carénées.  Les  arêtes,  tuberculeu- 
ses au  tiers  postérieur,  atteignent 
finement  l'extrémité  de  l'écaillé. 
Écailles  de  la  dernière  rangée  des 
flancs  en  torme  de  triangle  à  côtés 
légèrement  curvilignes,  à  pointe 
arrondie. 

Genre  Ecbis. 

Urostèges  généralement  doubles  (au 
moins  en  partie).  Régions  sus-or- 
bitales s'avançant  sur  les  yeux. 
Œil  en  partie  caché.  2 


80 


ESSAI  SUR  LA  I-AUNE  ERPETOLOGIQUE  DE  L  ORANIE 


2. 


Flcailles  dorsales  fortement  carénées  ; 
carène  saillante,  souvent  très  rele- 
vée en  forme  de  tubercule  à  son 
extrémité,  laquelle  n'atteint  pas  le 
bord  de  l'écaillé.  Une  forte  dé- 
pression sur  la  région  frontale  par 
suite  de  la  proéminence  des  ré- 
gions sus-orbitales. 


Genre  Cérastes. 


Écailles  dorsales  carénées  ;  carène  fine, 
non  saillante,  atteignant  l'extré- 
mité de  l'écuille.  Tète  peu  ou  pas 
déprimée  sur  la  région  frontale. 
Toutes  les  rangées  d'écaillés  du 
dos  et  des  flancs  parallèles. 


Goire  Vipera. 


Genre  VIPERA 

Caractères  du  genre.  —  Tète  dépourvue  de  grandes  plaques 
symétriques,  recouverte  de  j/ctitcs  plaques  écailleuscs  j)as  jAus 
gra'ides  que  celles  du  cou.  Ecailles  touics  disposées  en  lignes 
longiludinale$  régulières.  Dorsales  finement  carénées  sur  toute 
leur  longueur.  Urosléjes  généralement  doubles.  Queue  très 
courte,  bien  distincte  du  corps. 

Trois  espèces  de  ce  genre  ont  été  s'gnalées  en  Berbérie. 
En  voici  le  tableau  : 


1. 


G.  Vipera.  —  TABLEAU  DES  ESPÈCES 

Museau  prolongé  on  une  pointe  courte 
et  molle.  21  rangées  d'écaillés  dor- 
sales. 


V.  Lalastel. 


Museau  ter-miné  par  une  rostrale  de 
torme  normale,  non  saillante. 


ESSAI  SUR  LA.  FAUNE  ERPÉTÛLOGIQUE  DE  L'ORANIE  81 


Narines  sur   les   côtés   du    museau. 
23-27  rangées  de  dorsales. 


Narines  supérieures,  placées  sur  la  crête 
qui  borde  le  museau.  29-31  rangées 
de  dorsales. 


V.  lebetiua. 


V.  arietans. 


Vipera  Latastei  Boscà  (PI.  XXII,  fig.  4,  a; 
Fig.  Bull.   Soc.  Zool.  de  France,   1878  (PI.   IV) 

l.a  vipère  de  Lalaste. 

Vipora  a.spis  Strauch  non  auct. 

V.  Latastei  Boscà,  Boulenger. 

V.  Ammodytes  Latr.  var.  Latastei  Boscà,  Ern.  Olivier. 

Cette  vipère  est  de  petite  taille.  Elle  m'est  inconnue  de  la  Ber- 
bérie.  Je  ne  puis  donc  en  donner  la  description.  MM.  Boulanger 
et  de  Bedriaga  la  maintiennent  comme  espèce  tandis  que  d'autres 
persistent  à  n'y  voir  qu'une  variété  de  la  V.  ammodytes. 

Voici  les  diagnoses  que  donne  M.  de  Bedriaga  (Vipères  euro- 
péennes et  circumméditerranéennes). 

ce  La  proéminence  ou  corne  charnue  est  for- 
mée par  la  roslrale,  les  prénasales  et  3  à  6 

petites  écailles.  » 

V.  Latastei  Boscà. 

«  La  corne  charnue  et  sa  hase  au-dessus  des 

prénasales  et  de  la  rostrale  sont  formées 

par  15  ou  20  petites  écailles.  La  rostrale  et 

les  prénasales  ne  dépassent  pas  la  partie 

basale  de  la  corne  charnue.  )> 

V.  amraodvtesT. 


M.  Boulenger  (Caf.  of  Barh.)  distingue  V.  Latastei  comme 
il  suit  : 

«  Le  museau  est  relevé  et  se  l(Mniine  par  un  appendice  court  et 
droit;  rostrale  deux  fois  aussi  profonde  que  large  ;  grand  bouclier 


82  ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE 

superoculaire  séparé  de  l'autre  par  b  h  S  séries  d'écaillés  égales  , 
2  ou  3  séries  entre  l'œil  et  les  sus-labiales.  17  rangées  de  dorsales. 
Cette  ;espèce  forme  le  passage  coniplet  entre  V.  ammodytes  et 
V.  aspis.  » 

La  vipère  de  Lataste  a  été  signalée  à  Bône,  à  Guyotville  et  au 
Maroc.  Elle  pourrait  donc  être  rencontrée  dans  la  province  d'Oran, 
La  figure  que  j'en  donne  d'après  celle  de  Boscà  la  ferait  aisément 
reconnaître.  Certaine  vipère  tuée  dans  les  environs  de  Béni- Saf, 
et,  dont  on  m'a  parlé,  appartenait  peut-être  à  celte  espèce. 

Taille.  —  0,470  -f  0,060  =  0,530  (Blg.) 

48.    Vipera  lebeiina  l.  et  var.  (Pi.  XXII,  fig.  5,  a,  h) 

Fig.  Guichenot.  Expl.  se.  de  l'Algérie.  (PI.  III) 
Variété  deserti  Anderson  (loc.  cit.  P.  Z.  S.,  1892)  PI.  1 ,  fig.  6  et  7. 

Vipère  lébétine. 

Vipère  minute  ;  Vipère  d'Arzew.  Arabe  :  Lefaâ. 

Vipera  lebetina  Forsk.,  Strauch. 

Echidna  mauritanica  Gerv.,  D.  et  B.,  Guichenot. 

Vipera  mauritanica  D.  et  B.,  Lallemant. 

Vipera  brachyura  Schlegcl. 

Vipera  lebetina  L.,  Blg.,  Ern.  Olivier. 

Vipera  lebetina  L.,  variété  deserti  Anderson. 

Voici  la  descriptioiâ  d'un  individu  de  taille  moyenne  : 

Crochets  implantés  à  la  hauteur  des  préoculaires.  Deux 
rangées  de  9  dents  au  palais  ;  la  3"  dent  distante  de  la  4«,  la 
5«  la  plus  longue.  A  la  mâchoire  inférieure  une  dizaine  de 
dents  de  chaque  côté  ;  les  antérieures,  très  distantes  les  unes 
des  autres,  sont  les  plus  grandes. 
^  Tête  triangulaire,  presque  aussi  large  en  arrière  que  longue  ; 
moitié  antérieure  bien  rétrécie.  Rostrale  verticale,  très  mince, 
couvrant  le  bout  du  museau,  à  peine  plus  haute  que 
large,  non  repliée  en  dessus.  Sur  la  région  apicale  se  trouvent 
deux  rangées  de  trois  petites  plaques  comprises  en  deux 
plaques  relativement  grandes.  Dessus  de  la  tête  couvert  de 
petites  écajUes,  irrégulièrement  disposées,  lisses  ou  très  peu 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE  83 

carénées.  Au  milieu,  sur  la  ligne  interorbitale  il  y  a,  le  plus 
souvent,  une  plaque  hexagonale  égalant  en  surface  celle  de 
quatre  écailles  contiguës.  Chaque  région  sus-orbitale  est 
recouverte  par  5-7  plaques  de  grandeur  variable  égalant  1  à  3 
fois  celle  des  plaques  de  la  région  frontale;  deux  ou  trois,  plus 
grandes,  bordent  l'arcade  sourcilière.  Occiput  couvert  d'écail- 
lés semblables  à  celles  du  dos  mais  bien  plus  petites. 

Narines  très  grandes  s'ouvrant  en  éventail  entre  deux  ou 
trois  plaques  difficiles  à  distinguer  même  chez  les  jeunes  sujets. 
Avec  l'âge  les  sutures  s'anostomosent  et  les  nasales  forment  un 
cornet  à  large  ouverture  qui  est  placé  entre  la  !''<'  sus-labiale, 
la  nasorostmle,  la  canthale  et  3  ou  4  petites  plaques  situées  à 
l'arrière.  Œil  entouré  par  une  série  complète  de  13  petites 
plaques  (I7  avec  celles  de  l'arcade  sourcilière)  imbriquées 
par  les  côtés  ;  contour  oblong,  presque  deux  fois  aussi 
long  que  haut,  séparé  des  labiales  par  deux  lignes  d'écaillés 
de  même  grandeur.  Temporales  semblables  aux  écailles  des 
flancs.  Labiales  :  -jg-  ;  les  4°^  bien  plus  grandes  que  les  autres. 
Une  seule  paire  de  plaques  inframaxillaires  simples,  grandes, 
presque  aussi  larges  que  la  longueur  de  la  suture  en  contact 
avec  quatre  sous-labiales.  Deux  petites  plaques  parallèles 
semblables  entre  elles  font    suite  aux  inframaxillaires. 

Écailles  dorsales  deux  fois  aussi  longues  que  larges, 
subarrondies  obtuses  à  l'extrémité,  finement  carénées  sur 
toute  leur  longueur,  disposées  sur  27  rangées.  Corps 
obtusément  triangulaire  dans  le  tiers  inférieur.  167  gastros- 
tèges  ;  anale  simple  ;  49  rangées  d'urostèges  (8  doubles 
-f  6  simples  -f  20  doubles  -f  2  simples  -f-  2  doubles  -|-  1  simple 
-f  3  doubles  -f-  1  simple  +  6  doubles).  Mâle  du  Santa-Cruz 
d'Oran  :  25  janvier  1891. 

Variations.  —  Chez  un  grand  exemplaire  (Musée  d'Oran) 
la  plaque  nasorostrale  est  très  grande  ;  sa  partie  la  plus  large  se 
trouve  dans  l'angle  formé  par  la  rostrale  et  la  i'^^  sus-labiale. 
La  nasoroslralequadrangulaire  a  environ  1  centimètre  de  plus 
grande  largeur  sur  7  mill.  de  hauteur  ;  la  moitié  antérieure  de 
la  plaque  est  unie,  la  partie  postérieure  est  fortement  échancrée 
par  l'ouverture  nasale  qui  est  revêtue  d'un  cornet  tr^  mince  ; 


84  ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE 

la  base  de  l'ouverture  nasale  est  arrondie  et  distante  de  1,5  à 
2  mill.  de  la  l'*^  sus-labiale  ;  en  haut  elle  se  termine  en  une 
fente  oblique  qui  pénètre  entre  la  canthale  et  la  nasorosirale. 
On  peut  donc  dire  que  la  narine  est  comprise  entre  la  naso- 
rostrale,  la  canthale  et  la  nasofrénnle. 

Le  nombre  des  écailles  est  aussi  variable.  On  peut  compter 
23  à  27  rangées  de  dorsales  ;  156-171  gastrostèges  (en  Berbérie)  ; 
38-51  sous-caudales,  toutes  ou  le  plus  grand  nombre  doubles. 

J'ai  constaté  moi-même  les  variations  suivantes  : 

Rangées  Gastrostèges  Uroslèges                   Taille 

Oran  (màle) 27  167  4'.J  rangées  5 15  +  85  =  0,600 

Ain -Tcmoucliciil  (femelle).     '27  166  50 paires  845  +  55  =i 0,4tX) 

Oued  Sellioun  (femelle) ..  .27  166  52  paires  626  -f  94  =  0,720 

Mécheria 27  171  52  paires  465  +  75  =:  0,540 

Le  nombre  et  la  forme  des  écailles  des  régions  sus-orbitales 
sont  très  variables.  L'échantillon  de  Mécheria  présente  sous 
ce  rapport  des  diflérences  sensibles  mais  bien  subtiles.  Le 
nombre  de  171  gastrostèges  est  plus  intéressant. 

Coloration.  —  Variable  dans  le  fond  mais  non  dans  la 
disposition  des  taches.  Fond  gris  ou  roussàire  à  taches  noires 
ou  brun  clair.  ïête  unie  en  dessus,  contournée  par  une  large 
bande  qui  passe  par  les  tempes,  la  région  frênaie  et  la  rostrale  ; 
cette  bande  qui,  à  la  hauteur  de  l'œil,  descend  derrière  l'angle 
de  la  bouche,  s'étend  sur  le  côté  du  cou  et  se  continue  par  une 
ligne  de  grandes  et  longues  taches  qui  parcourt  le  haut  des 
flancs.  Lèvre  supérieure  blanche  avec  quelques  taches  sur 
les  labiales  antérieures.  Lèvre  inférieure  et  gorge  blanches 
et  tachées.  Sur  le  dos  de  grandes  tac;hes  alternantes  qui  se 
réunisârent  par  leurs  pointes  internes  ;  elles  forment  ainsi  une 
grosse  ligue  sinueuse  assez  régulière.  Cette  bande  a  au  moins 
1  centimètre  d'épai.sseur  ;  ses  bords  sont  plus  foncés  que 
l'intérieur.  Parfois  la  bande  dorsale  est  interrompue  par  des 
^taches  de  grandeur  double  et  entières.  Sur  le  haut  des  flancs 
se  trouve  une  ligne  de  taches  3  à  4  fois  plus  longues  que 
hautes,  peu  distantes  ;  ces  taclM,'s  deviennent  plus  hautes  vers 
le  milieu  du  corps  et  se  prolongent  même,  en  dessous,  en 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'ORANIE  85 

bandes  qui  atteignent  les  ventrales  ;  elles  alternent  avec  les 
sinuosités  rentrantes  du  dos.  Une  autre  ligne  de  petites  taches 
irrégulières  borde  le  ventre,  lequel  est  ou  tout  sali  de  noir 
ou  d'un  blanc  jaunâtre  très  sale. 

Si  le  fond  de  la  coloration  est  grisâtre  le  système  de  taches 
du  corps  est  noir  ou  noirâtre  ;  si  le  fond  est  roussàtre  les 
taches  sont  d'un  brun  roussàtre. 

Les  jeunes  ont  la  queue  jaune  serin. 

Chez  le  mâle  la  (jueue  continue  bien  le  corps.  Chez  la 
femelle  la  région  anale  se  rétrécit  brusquement;  elle  est  bien 
plus  épaisse  que  la  base  de  la  queue. 

Taille.  —  Jusqu'à  r"ôO  (Mon  plus  grand  exemplaire 
0,735 +  0,11 1^0,740.) 

Distribution  GÉOGRAniinuE.  —  (B:  T ,  H.  PL,  S.)  —  La 
V.  lebelina  est  commune  dans  la  province  d'Oran.  Elle  a  été 
signalée  à  Oran  par  Strauch  (Coll.  Gaston)  et  à  Nemours 
(Ern. Olivier).  Jel'aivue  oueued'Oran:  Planteurs,  Santa-Cruz 
(plateau),  Polygone,  ialaises  de  Gambetta;  de  la  Montagne  des 
Lions  où  elle  abonde  ;  du  djebel  Kristel(deLariolle);  du  djebel 
Orousse,  de  Saint- Leu,  de  Misserghin;  de  Rio-Salado  (P.  Pal- 
lary);  d'Aïn-Temouchent  (Michaud);  de  Sidi  Douma  (Lafosse); 
de  Beni-Saf,  de  Sebdou,  de  Bedeau  ;  de  Méchéria  (Hiroux 
et  coll.  Moisson,  Musée.) 

Le  Musée  d'Oran  possède  léchantillon  gigantesque  de  la 
collection  Gaston,  cité  par  Strauch.  Voici  un  aperçu  des  dimen- 
sions de  la  peau  de  ce  monstre.  La  tète,  bourrée  de  plâtre  et 
aplatie,  est  large  en  arrière  de  0,iO  ;  elle  est  bien  distincte  du 
cou  ;  la  hauteur  du  triangle  qu'elle  forme  est  de  0,060  seule- 
ment, en  prenant  la  plus  grande  largeur  pour  base.  Yeux  dis- 
tants entre  eux  de  15  mill.  ;  la  ligne  qui  les  joint  n'e^t  qu'à 
14  mill.  de  la  rostr.ile.  En  arrière  du  triangle  formé  par  la 
rostrale  et  les  yeux  la  tête  s'élargit  d'une  façon  anormale.  Les 
écailles  de  la  tête,  disposées  en  lignes  droites,  sont  contiguës 
mais  non  imbriquées  sur  le  front;  vers  l'occiput  les  lignes 
s'écartent  en  éventail  ;  en  arrière  de  la  ligne  des  angles  de  la 
bouche  elles  sont  distantes  ;  sur  le  cou  elles  sont  parallèles 
tout  en  restant  éloignées  les  unes  des  autres.  Sur  le  corps  les 


86  ESSAI  SUR  LA  FAUNE  EftPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE 

écailles  sont  grandes  et  imbriquées.  Les  rangées  sont  au 
nombre  de  27,  les  ventrales  de  166  et  les  sous-caudales  de  50 
environ. 

La  longueur  totale  de  la  dépouille  est  del™50,  la  largeur  de 
0,12  soit  à  peu  près  0,25  de  tour.  La  queue  mesure  0,15 
à  0,16  de  longueur.  Arzew  (1848). 

Le  Musée  d'Oran  possède  un  autre  magnifique  échantillon, 
en  alcool,  provenant  aussi  des  environs  d'Arzew.  Il  est  peut- 
être  aussi  long  que  celui  de  Gaston,  mais  il  est  bien  moins 
gros.  La  plus  grande  épaisseur  du  corps  est  de  5  centimètres. 
L'animal  étant  très  bien  enroulé  dans  son  bocal  je  ne  l'ai 
pas  mesuré. 

Variété  DESERTI  Anderson  (Pi.  XXII,  fig.  5  6) 
Fig.  Anderson  (loc.  cit.) 

M.  Anderson  (loc.  cit.)  a  if.éparé  sous  ce  nom  deux  exemplaires 
qu'il  a  rapportés  de  Duirat  (Tunisiej.  D'après  la  description  et  la 
figure  qu'il  en  donne,  il  m'est  bien  difficile  de  les  distinguer  de 
l'animal  d'Oran.  II  leur  attribue  167  gastrostèges,  5t  paires  d'uros- 
téges  et  27  rangées  d'écaillés  autour  du  corps.  Ces  caractères  sont 
absolument  ceux  des  vipères  oranaises. 

Les  plaques  de  la  tête  de  la  variété  deserti  offrent  bien  quelques 
légères  différences,  mais  elles  sont  difficiles  à  fixer. 

Éthologie.  —  La  vipère  lébétine  habite  les  lieux  rocheux 
et  broussailleux.  Les  endroits  bien  secs  semblent  lui  déplaire. 
Elle  voyage  surtout  la  nuit.  Le  jour,  en  été,  lorsqu'il 
fait  très  chaud,  on  peut  la  prendre  engourdie  sous  les  grosses 
pierres.  Il  est  plus  prudent  de  la  rechercher  de  bon  matin  au 
lever  du  soleil.  Elle  sort  dès  le  premier  printemps,  mais  c'est 
en  avprl-mai  qu'elle  est  le  plus  commune.  Les  petits  naissent  en 
mai  ou  juin.  Une  femelle  prise  à  Aïn-Temouchent  le  24  avril 
avait  un  chapelet  de  13  œufs  (8  mill.  sur  3).  Cet  exemplaire 
qui  n'avait  que  0,95  de  long  mesurait  45  millimètres  de  dia- 
mètres. Il  était  à  fond  gris  et  à  taches  noires.  J'avais  cru  long- 
temps que  le  tond  fauve  distinguait  les  femelles.  Il  n'en  est 
rien. 

La  morsure  de  cet  animal  est  très  dangereuse.  On  ne  la 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'orANIE  87 

combat  presque  jamais  efficacement.  Le  membre  piqué  reste 
longtemps  enflé  et  paralysé  si  le  traitement  n'a  pas  été  rapide. 

La  chasse  de  cette  vipère  demande  beaucoup  de  précautions. 
Une  baguette  flexible,  solide  et  de  fortes  guêtres  montantes 
sont  indispensables.  La  meilleure  arme  à  employer  est  un 
trident  en  fer  emmanché  au  bout  d'un  long  bâton. 

La  région  d'Arzew  a  été  longtemps  infestée  par  les  vipères 
et  on  en  trouve  encore  assez  souvent  dans  les  vignes  de  Saint- 
Leu,  Damesmes.  Sainte-Léonie,  etc.  C'est  dans  le  djebel 
Orousse  et  la  Montagne  des  Lions  que  cette  maudite  engeance 
pullule  encore.  Il  n'est  pas  rare  de  voir  dans  ces  parages 
des  vipères  d'un  mètre.  J'ai  déjà  dit  que  les  cochons  les 
dévoraient  sans  craindre  leurs  piqûres.  Aussi  fait-on  pacager 
ces  animaux  dans  les  terrains  broussailleux  que  l'on  veut 
défricher. 

Vipera  arietans  Merr.  (PI.  XXIII,  fig.  1,  a) 
Fig.  Wagl.  Icon.  Amph.  (PL  XI) 

Vipera  arietans  Merr.,  Boulengc  , 

La  vipère  heurtaule. 

Cette  espèce  du  grand  Sahara  a'a  été  signalée  que  dans  le 
sud-ouest  du  Maroc. 


Genre  CERASTES 


Caractères  du  genre.  —  Tête  recouverle  d'écaillés  petites, 
irrégulières,  presque  toutes  carénées  ou  tuberculeuses.  Ecailles 
latérales  des  flancs  disposées  obliquement  ;  dorsales  fortement 
carénées,  à  caréné  n'atteignant  pas  l'extrémité  de  Vécaille. 
Urostèges  doubles. 

Ce  genre  se  sépare  nettement  du  précédent.  Le  faciès 
générique  des  espèces  qu'il  renferme  est  caractéristique.  En 
revanche,  il  n'est  pas  toujours  facile  de  distinguer  les  espèces 
entre  elles.  Deux  se  trouvent  en  Berbérie.  En  voici  le  tableau  ; 


88 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE 


G.  Cérastes. 


TABLEAU  DES  ESPÈCES 


Arcades  sourcilières  surmontées  cha- 
cune d'une  corne  dressée  bien 
distincte,  aiguë,  longue  de  6  mill. 
environ  (Pi.  XX III,  lig.  3.) 

\     Pas  de  cornes  saillantes. 


C  corniitus. 


Régions  sus-orbitales  très  relevées  et 
recouvertes  d'éciiiles  tubercu- 
leuses dont  une,  pyramidale  et 
légèrement  proéminente,  domine 
au  mi'ieu  et  au-dessus  le  bord  de 
l'arcade  sonrcilière.  Écaillure 
t'ro  taie  aussi  tuberculeuse,  bien 
dilTérenle  de  celle  du  cou.  Tête 
épaisse  ;  museau  bien  plus  étroit 
que  le  crâne.  Au  moins  29  rangées 
d'écaillés  autour  du  corps. 
Écailles  de  la  deiMiière  rangée 
des  lianes  en  forme  de  triangle  cur- 
viligne terminé  en  pointe  aiguë. 

G.  corniitus.  Variété  mutila. 


2.  \  Régions  sus  orbitales  peu  relevées, 
recouvertes  par  des  écailles  min- 
ces, absolument  plates,  imbri- 
quées, carénées  (saut  les  2  ou 
3  sourcilières);  carènes  larges, 
bien  nettes  ;  bords  pel lucides. 
Écaillure  frontale  à  éléments  plus 
petits,  du  même  type  que  ceux 
du  cou.  Tète  assez  plate,  peu 
épaisse,  à  côtés  parallèles  réguliè- 
rement raccordés  avec  le  contour 
du  museau.  2-2  rangées  d'écaillés, 
25  au  plus.  Écailles  de  la  dernière 
ligne  des  flancs  à  bords  latcrau.x 
presque  parallèles,  tronquées  ar- 
rondies à  l'extrémité, 


C.  Viper  a. 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  LORANIE  89 

49 .         Carasies  vipera  L.  (Pi.  x  XIII,  fig.  2,  a,  h) 

Fig.  Blg.  Cat.  rept.  Darb.  (PI.  XVIII,  fig.  2.  a,  b,  c.) 

Le  céraste  vipère. 

Vipera  Avicennœ  Alp.,  Slrauch,  Lallonant. 
Cérastes  vipera  A.,  Blg.,  Ern.  Olivier. 
Echidna  atricauda  D.  et  B. 

Ne  possédant  pas  d'exemplaire  algérien  de  cette  espèce,  je 
me  vois  obligé  de  donner  la  description  d'un  sujet  d'Egypte  : 

Tête  petite,  peu  épaisse,  brusquement  rétrécie  en  arrière  : 
longueur  19  mill.,  largeur  14,  épaisseur  7  à  8  ;  côtés  du  crâne 
parallèles  jusque  vers  le  milieu  de  la  tête,  devenant  ensuite 
obliques  vers  le  museau  dont  le  bout  a  4-5  '"/■"  de  largeur. 
Arcade  sourcilière  retirée  en  arrière,  laissant  voir  presque  tout 
le  globe  de  l'œil.  Piégions  sus-orbilales  peu  relevées,  absolu- 
ment dépourvues  de  toute  protubérance  pyramidale  ;  écailles 
minces,  pellucides,  celles  du  bord  lisses,  les  suivantes  carénées. 
Toutes  les  écailles  du  dessus  petites,  mais  du  même  type  que 
celles  du  cou.  Œil  entouré  par  9-11  écailles  redressées,  ne 
présentant  que  leur  bord.  3  rangées  d'écailles£ntre  la  ligne  des 
sous-oculaires  et  les  labiales.  Vue  petite  cavité  sur  le  museau 
à  égale  distance  des  yeux  et  de  la  rostrale  ;  deux  écailles 
carénées,  plus  grandes  que  les  voisines,  la  bordent.  Narines 
mal  définies  comprises  dans  une  seule  plaque  ou  entre  deux. 

Rostrale  petite,  presque  sans  épaisseur,  en  anse  de  panier. 

11     1' 
Labiales  :  -^  -jf-.  petites,   subégales.    Mentonnière  allongée, 

aiguë  postérieurement  ;  l'*^^^  sous-labiales  presque  aussi  larges 
qu'elle  ;  les  trois  plaques  ne  s'avançant  que  très  peu  ou  pas 
du  tout  entre  les  2  inframaxillaires.  Museau  vu  de  face  presque 
plan  en  dessus  ;  régions  nasales  peu  carénées. 

Écailles  dorsales  relativement  grandes,  très  obtuses,  à  carène 
bien  visible,  peu  tuberculeuse  à  l'extrémité  laquelle  est  nette- 
ment distante  du  bord  de  l'écaillé.  Sur  le  dos  les  arêtes  et 
les  écailles  forment  9  lignes  parallèles;  sur  les  flancs^  les 
écailles  sur  3  ou  4  rangées  forment  des  lignes  obliques  ; 


90  ESSAI  SLtR  LA.  FAUNE  EftPÉTOLOCIQUE  DE  l'oRANÎE 

enlin  sur  la  base  des  flancs  il  y  a  2  ou  3  lignes  parallèles 
d'écaillés  ;  ces  écailles,  Ironqiiées  arrondies,  distinguent  l'espèce. 
H  y  a  donc  en  tout  23  séries  d'écaillés  autour  du  corps. 
1  Ii-H7  gastrostèges  ;  anale  simple  ;  10  à  22  rangées  d'uros- 
tèges  doubles  et  simples. 

Cou  très  étroit.  Dos  nettement  caréné.  Un  tort  pli  de  chaque 
côté  des  ventrales.  Queue  très  courte  portant  en  dessous  des 
écailles  doubles  et  simples  imbriquées  comme  chez  les 
lézai'ds.  Dans  la  partie  postérieure,  les  écailles  sont  sur  une 
seule  rangée.  Un  ergot  aigu  de  2  à  3  mill.  termine  la  queue. 

Mes  exemplaires  présentent  : 

rangées    gasir.    urost.  ■  Taille 

Mâle . .     22     113     22    (7  doubles  +  15  simples).  238  +  32  z=  0,270 

—         22     111     22   18 \-    ^    —       205  +  36=0,301 

Femelle.  i9     117     19     8 h  H    —       268  +  24=0,292 

Coloration.  —  Fond  gris  ou  rouge  de  sable  avec  des  lignes 
de  taches  de  grandeur  moyenne  plus  foncées.  Parfois  les 
taches  se  réunissent  pour  former  des  bandes  transversales 
irrégulières  et  incomplètes.  Lignes  d'écailles  parallèles  de  la 
base  des  flancs  et  ventre  d'un  blanc  sale.  Bout  de  la  queue 
souvent  noir.  {Echidna  alricauda  D.  et  B.) 

Sexes.  —  Mâle.  —  Queue  large. 

Femelle.  —  Queue  fine  bien  plus  étroite  que  le  corps. 

Taille.  —  0,265  +  0,036  —  0,301. 

Distribution  géographique.  —  (A.i.,  Ti  :  S.)  —  Désert 
de  l'ouest  (Schousboë). 

Observation.  —  Après  bien  des  hésitations,  j'ai  signalé 
cette  espèce  comme  existant  à  Méchéria  (Association  Fran- 
çaise, Congrès  de  Tunis,  1896),  d'après  un  échantillon  de  la 
collection  Moisson,  aujourd'hui  au  Musée  d'Oran.  Maintenant 
je  crois,  sans  encore  oser  l'affirmer,  que  l'individu  de  Méchéria 
n'est  qu'un  jeune  cérastes  cornutus  de  la  variété  mutila. 
Ces    incertitudes   démontrent  que  la  distinction   entre   les 


ESSAI  SUR  r  A  FAtJNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'oRANIE  91 

jeunes  vipères  à  cornes  de  la  variété  muVda  et  les  cérastes 
vipères  n'est  pas  toujours  facile.  L'exemplaire  en  litige,  un  mâle, 
présente  de  23  à  25  ou  26  rangées  de  dorsales  au  milieu  du 
corps,  104  gastrosteges,  et  19  rangées  d'urostèges  toutes 
doubles.  Les  caractères  des  écailles  de  la  tète  sont  du  cerasles 
cornuins  variété  mutila.  En  résumé,  l'échantillon  otïre  des 
caractères  communs  aux  deux  espèces. 

Éthologie.  —  Je  ne  sais  rien  de  cette  espèce  désertique. 


50.      Cérastes  coniufiis  L.  (Pi.  ixxiil,  fig.  3,  c) 

La  vipère  à  cornes.  Arabe:  Lefaâ. 

Vipera  cérastes  L.,  Slrauch,  Lallemant. 
Cérastes  cornutus  Forsfc.,  Blg.,  Ern.  Olivier. 
Cérastes  cornutus  L.,  variété  mutila  Nob. 

La  vipère  à  cornes  est  bien  recunnaissable  quand  les  cornes 
existent.  Ces  cornes  sont  de  véritables  pointes,  subarrondies, 
aiguës,  assez  molles  et  portant  3  ou  4  sillons  longitudinaux. 
Elles  sont  implantées  sur  la  peau  et  peuvent  se  plier  sur  leur 
base.  Leur  longueur  atteint  5  à  6  millimètres.  Assez  souvent  les 
cornes  manquent  même  chez  les  vieux  individus.  Elles  sont 
remplacées  par  un  petit  tubercule  pyramidal  peu  proéminent. 
Je  distingue  cette  variation  sous  le  nom  de  mutila.  Voici  la 
description  d'un  sujet  sans  cornes  adulte  : 

Variété  MUTILA  Nob.  (PL  XXIII,  fig.  3  a,  b) 

Tête  très  large  en  arrière,  étroite  et  concave  en  avant, 
brusquement  rétrécie  sur  le  cou.  Longueur:  25  millimètres, 
largeur  entre  les  tempes  20,  en  arrière  des  tempes  17,  distance 
entre  les  faces  concaves  du  museau  14.  Les  tempes  sont  donc 
saillantes  par  rapport  au  museau  très  obtus.  Ce  dernier  a  ses 
côtés  subparallèles,  son  contour  en  anse  de  panier.  Tête  aplatie, 
mais  relativement  épaisse  et  dominée  par  les  régions  sus- 
orbitales  très  proéminentes  qui  sont  couvertes  de  tubercules 
rendus  subpyramidaux  par  l'épaisseur  de  la  carène.  Les  tuber- 
cules formant  l'arcade  sourcilière  sont  en  dos  d'âne.  En  arrière, 


92  ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  E'ORANIE 

sur  la  deuxième  rangéi'  el  au  milieu,  ï^e  tiouvc  uu  germe  de 
corne  en  foruie  de  tubercule  pyramidal  d'uu  millimètre. 

La  forme  subpyramidale  des  écailles  sus-oibi laies,  sourci- 
lières  et  frontales  me  seml)le  distinguer  nettement  la  C.  cornu- 
tus  de  la  C.  vipera. 

Arcades  sourcilières  s'avanrant  sur  Toîil  qui  est  peu  visible 
vu  en  dessus  ;  elles  sont  séparées  par  une  distance  de  11  mill. 
Sur  le  museau  il  existe  une  petite  cavité  à  égale  distance  des 
narines  et  des  yeux  ;  deux  écailles  de  près  d'un  millimètre  la 
bordent.  Deux  ou  trois  écailles  pyramidales  se  voient  aussi  sur 
la  région  pariétale. 

Narines  entre  deux  plaques  ;  un  cornet  sépare  la  nasale  de 
la  postnasale.  Rostrale  en  forme  d'anse  de  panier  large  de  3  et 
haute  de  1  millimètre.  Museau,  vu  de  foco,  très  concave  en 
dessus  par  suite  de  l'élévation  de  la  région  nasale  en  forte  et 
large  carène.  Une  protubérance  dans  la  région  frênaie. 

Œil  bien  plus  long  que  large,  écrasé,  bordé  pur  des  écailles 
carénées  tuberculeuses  présentant  leur  grande  surface,  au 
nombre  de  13  sur  le  pourtour  de  l'œil  en  comptant  celles  de 
l'arcade  sourcilière  dont  les  deux  médianes  se  distinguent  par 
leur  plus  grande  dimension.  Quatre  rangées  d'écaillés  entre  la 
bordure  de  sous-oculaires  et  les  sus  labiales.  Labiales-^;  les 
inférieures  assez  inégales.  Mentonnière  aiguë,  dépassée  par 
les  premières  sous-labiales  qui  pénètrentjusqu'au-^  des  deux 
inframaxillaires.  Trois  sous-labiales  touchant  ces  dernières. 

Ecailles  dorsales  sur  29  à  31  rangées;  celles  de  la  région 
médiane,  grandes,  obtuses,  très  carénées,  à  carènes  fortement 
tuberculeuses,  distantes  du  bord  des  écailles  et  formant 
9  lignes  longitudinales  et  parallèles.  Sur  le  milieu  des  flancs 
il  y  a  8  rangées  d'écaillés  disposées  en  lignes  transversales, 
obliques.  Enfin  la  base  des  flancs  est  parcourue  par  3  rangées 
d'écaillés  planes,  cordiformes,  à  pointe  aiguë.  135  ventrales 
sans  plis  saillants.  Anale  simple.  31  urostèges  doubles. 

Dos  très  peu  caréné.  Queue  courte  portant  en  dessous  une 
double  série  d'écaillés  imbriquées.  Un  ergot  assez  gros  de 
2  mill.  la  termine.  Les  sous-caudales  sont  larges,  à  bord  libre 
curviligne.  Celles  du  dessus  de  la  queue  portent  des  carènes 
très  saillantes  qui  forment  des  lignes  parallèles  bien  visibles. 

{A  suivre).  F.  DOUMERGUE. 


T3 

o 

m 

u 

6 

œ 

'TS 

c 

Q- 

y: 

x> 

c3 

>î 

^, 

fcn 

1 

■o 

"S 

*? 

c 

u; 

»^ 

~ 

■< 

5 

00 

« 

co 

eo 

S 

Ih 
es 

o 

o 

Ih 

a. 

73 

cd 

OJ 

o, 

rt 

03 

rt     JS 


.« 
« 


ce     t-     ce     os 


«  T  >'.  T 


1$ 

-  s 

■^"■-^ 

M    S 

.2,  « 

S-  o 
MU 


yj 


ç  te 
Q  S 

0) 

rt  ■73 

O  a 
'O  -S 

c 
o  w- 

»-«  :z 
o  r 

C  -r 
>.- 

-9 -y. 


s  cf  s  e 


Avl    fe 


-  T. 

•    C      I 


o 

J3 
Cl. 
O 

s 

in. 

rostrale. 
internasii.les. 

so-l. 

Mis-labiales. 
sous-labiales. 

postocuhiires 
temporales. 

o 

S 

b 

08 

/'/■• 

prét'rontales. 

nr. 

nasorostralc. 

III. 

mentonnière. 

fro 

frontale. 

nj. 

nasofrénale. 

r  If- 

l' inframaxillaires. 

t    ,• 

ï 

s-o. 

sus-oculaires. 

frc. 

frênaie  ou  loréale. 

2  [(. 

2'  inframaxillaires. 

'^■^  ^1 

^ 

t. 

pariétales. 

/"■• 

préocula'res. 

i            "• 

n:asirostcg:es , 

ç    y;    r 


iz;  > 


-      ^      T. 


a     -•     è 


NOUVELLE  GEOGRAPHIQUE 


LA  TRAVERSÉE  DU  RIF 


Un  événement  géographique  de  la  plus  haute  importance 
vient  d'avoir  lieu  au  Maroc.  Notre  compatriote,  M.  de  Segonzac, 
a  traversé  le  Rif.  Parti  de  Fez,  il  est  arrivé  à  Mliliya  après 
avoir  parcouru  la  région  septentrionale  de  la  province  de  Fez, 
les  Djebala  méridionaux  et  enfin  le  Rif  dans  toute  sa  largeur. 

Voici  d'ailleurs,  à  titre  documentaire,  la  lettre  que  m'écrit  à 
ce  sujet  le  vaillant  explorateur  : 


Sélouan,  27  mars  1901. 


Cher  Monsieur, 


Comme  je  vous  le  disais,  j'ai  pris  la  route  de  Mliliya  par 
Tafersit.  Je  campe  aujourd'hui  à  quelques  heures  à  l'Ouest  de 
Mliliya,  au  bord  de  la  mer,  près  de  la  Kasba  de  Sélouan. 

J'ai  fait  un  bon  voyage,  facile,  encore  qu'un  peu  dur,  à  cause  du 
temps  affreux  et  de  la  misère  qu'il  faut  subir.  Je  n'ai  pas  le  temps 
de  vous  donner  des  détails;  je  réserve  tout  cela  pour  nos  cause- 
ries du  retour,  car  je  compte  bien  revenir  par  Oran,  mais  dans 
beaucoup  de  temps,   le  plus  possible  ;  j'ai  tant  de  choses  à  voir  ! 

J'envoie  en  France  mes  notes  de  route,  mon  itinéraire  levé 
au  ,,,r,-7y,7.  appuyé  par  :}uelques  observations  astronomiques,  et  une 
soixantaine  de  vues  panoramiques.  J'espère  que  tout  cela  formera 
un  tout  exact  et  intéressant.  Demain  je  pars  pour  El-Ksar-el-Kebir 
de  façon  à  traverser  le  Rif  par  son  milieu  en  suivant  à  peu  près 
l'itinéraire  Tafersit-Ouazzan 

Il  est  donc  probable  qu'à  l'heure  actuelle  M.  de  Segonzac  a 
retraversé  le  Ptif  par  une  route  dilTérente  de  la  première.  Sa 
prochaine  lettre,  que  j'attends  avec  impatience,  me  fixera  à  cet 
égard.  Dans  tous  les  cas,  la  Société  de  Géographie  d'Oran,  dont 
M.  de  Segonzac  est  membre,  adresse  d'ores  et  déjà  à  cet 
intrépide  voyageur  l'expression  de  ses  plus  vives  félicitations. 

A.    MOULIÉRAS. 

10 


BIBLIOGRAPHIE 


Le   Transsaharien    et  la  pénétration   française   en   Afrique,   par 

M,  Maurice  Honoré  (Paris,  Pcdûiic  éditeur,  rue  SoufBût,  13.  —    1901) 


Cette  brochure  est  le  sujet  d'une  thèse  de  doctorat,  soutenue 
l'année  dernière,  devant  la  Faculté  de  Droit  de  Paris,  par  son 
auteur,  M.  Maurice  Honoré.  Elle  est  accompagnée  d'une  carie 
périmélritjue,  très  sommaire,  do  la  partie  septentrionale  du 
continent  africain,  avec  quelques  légères  indications  déterminant 
les  limites  du  pays  soumis    à  notre  influence. 

Au  point  de  vue  littéraire,  ce  travail  est  parfaitement  correct  ;  il 
i^enferme  des  indications  historiques  très  nombreuses  et  très 
intéressantes,  fruit  de  l'étude  analytique  d'une  quantité  d'ouvrages, 
dont  les  litres  et  les  noms  des  auteurs  sont  reproduits  à  la  tin  de 
la  brochure  et  comprennent  plus  de  cent  cmquante  éléments  ; 
c'est  une  œuvre  de  bénédictin^  qu'un  peu  de  technologie,  en 
matière  de  chemin  de  fer,  aurait  rendu  complète. 

L'ouvrage,  précédé  d'une  introduction  intitulée  :  La  France 
Africaine,  estdiviséen  quatre  chapitres.  Le  l"a  pour  titre;  L'Idée 
transsaharienne  ;  le  2°  a  pour  objet  :  Vétude  politique  du  Sahara  ; 
le  3*  traite  ànV  étude  économique  ûe  ce.  même  Sahara.*  le  4' examine, 
très  sommairement,  les  divers  tracés  du  transsaharien  essayés  p&v 
divers  auteurs.  Une  conclusion  termine  celte  énuméralion  de 
chapitres. 

L'introduction  est  fort  intéressante;  elle  résume  les  différents 
événements  qui  se  sont  accomplis  dans  le  Nord  de  l'Afrique, 
depuis  les  premiers  temps  jusqu'à  nos  jours.  Elle  établit  que  la 
France  a  une  large  part  dans  ces  événements,  qui  ont  pour  résul- 
tats politique  et  économique,  la  conquête  méthodique  de  l'Algérie 
et  d'une  grande  partie  du  Soudan  occidental.  M.  Honoré  donne 
les  noms  des  principaux  explorateurs  qui,  dans  ces  derniers 
temps,  ont  contribué  à  l'achèvement  de  cette  conquête. 

Nous  regrettons  que  des  conditions  de  brièveté  nous  oblige  de 
suivre  au  galop  les  diirérentes  étapes  que  la  civilisation  a  parcou- 
rues, et  nous  prive,  ainsi,  de  mettre  en  relief  les  noms  des  valeu- 
reux et  glorieux  explorateurs  qui  ont  doté  la  Patrie  française  de 
vastes  possessions  constituant  noti-e  fortune  coloniale  africaine,  et 
que  nous  avons  pour  devoir  d'élever  à  notre  cote  de  civilisation. 

Parmi  ces  explorateurs,  il  faut  mettre  en  tète  de  ligne»  René 
Caillé,  dont  la  grande  majorité  de  nos  compatriotes,  hélas,  ignore 


BIBLIOGRAPHIE 


#î 


l 


le  nom.  C'est  le  premier  français  qui  ait  traversé  l'Afrique,  depuis 
le  crolfe  de  Guinée  jus(]u'au  Maro(\  imi  passant  par  Tomboucloii, 
sans  aide  et  sans  appui.   Nos  grands   administrateurs  algérieris"' 
ont  donné  le    nom   de    cerlains    personnages,  remarquables    pàt'' 
rinutil:té    de   leurs   travaux,    à    divers    centres    de  colonisatiori"^'^' 
personne  n'a  songé  a  Reni'î  Caillé.  Ce  cas  n'est  malheureusemëfft^ 
pas  seul.  Il  est  du  devoir  de  la  Société  de  Géographie  et  d'Arckéh- 
logie  d'Oran,  de  pi'ovoquer   la  r.qjai'alion  de  ces  erreurs,  et '^el) 
mettre  bien  en   lumière  ces  hnidis  pionniers  par  qui.  d'étape  enii 
étape,  le  drapeau  de  la  France  a  été  porté  jusqu'au  bassin  du  HaulV[ 
Nil,  selon  l'expression  de  M.  Honoré.  ' 

Le  chapitre  I"  de  la  ])rochui-e,  traite,  avons-nous  dit,  de  l'idée 
dti  Transsaharien,  depuis  René  Caillé  à  Duponchel  ;  c'est  le  résumé 
indicatif  des  travaux  des  divers  voyageurs,  français  et  étrangers, 
qui  ont  eu  l'idée  de  chercher  les  rapports  qui  pouvaient  unir,  à 
travers  le  Sahara,  la  population  du  Nord  de  l'Afrique  à  celle  de 
l'intérieur,  à  pariir  du  commencement  du  dix-neuvième  siècle.  Les 
renseignements  fournis  par  l'auteur  de  la  brochure  témoignent 
en  iaveur  de  ses  recherches  bibliographiques,  recherches  qui  ne 
peuvent  être  accomplies  utilement  qu'à  Paris,  où  les  éléments 
d'étude  ne  font  pas  défaut.  Nous  aurions  été  heureux  de  repro- 
duire, ici,  les  noms  de  tous  ces  courageux  voyageurs  et  explora- 
teurs; mais,  à  cet  égard  nous  recommandons  spécialement  le  travail 
de  ^L  Honoré.  Nous  ne  pouvons  pas  résister  cependant  d'en  citer 
quelques  uns,  quoi(iue  di'jà  bien  connus,  tels  que  Duveyrier, 
Mizotj,  Galiéni,  Binger,  Doodds,  Crampel,  les  Pères  blancs, 
Dourneau- Duperré ,  Dybowski,  Maitre,  Marchand,  Gentil, 
Foureau- l.amy.  et  plus  récemment.  Flamand;  tous  français,  dont 
nous  avons  pour  devoir  de  conserver  précieusement  les  noms. 

En  ce  qui  concerne  les  travaux  sur  le  transsaharien,  M.  Honoré 
cite  ceux  de  Duponchel,  à  qui  reviendrait,  selon  lui,  la  paternité 
de  cette  magistrale  voie  de  communication  ;  ti'avaux,  cependant, 
plus  théoriques  que  démonstratifs,  par  suite  du  défaut  de  docu- 
ments géographiques  et  statistiques  suffisamment  exacts;  puisque 
les  projets  formulés  ont  été  reconnus,  plus  tard,  irréalisables.  Il 
cite,  ensuite  le  résultat  des  missions  officielles  de  Choisy, 
Pouyanne  et  Flalters  ;  mais  il  est  muet,  on  ne  sait  pas  pourquoi,  sur 
1  intervention  de  la  Société  de  Géographie  et  d'Archéologie  d'Oran, 
qui  poursuit  la  résolution  du  même  problème  depuis  plus  de  2;"!  ans, 
lequel  a  été  résolu  légalement  en  noti-e  faveur,  malgré  de  hautes 
interventions,  telles  que  celles  de  MM.  Leroy  Beaulieu.  Rolland, 
Fock,  Philebert,  Broussais,  d'Alger,  Bonnard,  de  Tunis,  etc.  Cet 
oui)  i  paraît  bien  singulier.  A  peine  l'auteur  du  :  Le  Transsaharien 
cile-t-il  l'inauguration  officielle  de  la  première  section  du 
Transsaharien    d'A'in-Sefra    à    Djenien-hou-Resgh ,     faite    le 


96  .  BIBLIOGRAPHIE 

1"  février  1900,  sous  la  présidence  de  M.  le  Gouverneur  Général 
Laferrière,  et  dont  l'effet  eut  un  certain  retentissement.  Il  parle 
cependant  du  résultat,  que  nous  avons  déjà  applaudi,  de  la  mission 
Flamand  dans  le  Touat  el  le  Tidikell,  rorili-ée  qi)(>  le  ti'anssaharien 
occidental  atteindra  bientôt  et  dont  le  t.  rminus  obligatoire  est 
Tombouctou,  quoi  qu'en  disent  les  détracteurs. 

Le  chapitre  II,  répétons  nous,  est  consacré  à  une  étude  politique 
du  Sahara,  dont  l'auteur  lait  une  description  bien  sommaire  ;  elle 
ne  présente,  pour  nous,  qu'un  intérêt  biea  affaibli.  Du  reste, 
M.  Honoré  dit  que  le  Sahara  n'est  qu'une  expression  géogra- 
phique, car  on  y  trouve  les  races  du  Nord  de  l'Afrique,  sans 
domination  commune  et  dont  l'histoire  est  peu  connue. 

II  ne  nous  a  pas  paru  bien  nécessaire  de  consacrer  à  ce  chapitre 
un  long  développement  ;  et  nous  arrivons  au  chapitre  III,  ayant 
pour  objet  :  l'étude  économique  du  Sahara. 

Les  données  que  ce  chapitre  renferme,  sur  le  commerce  trans- 
saharien, remonteraient  aux  époques  biblique  et  phénicienne. 
C'est,  peut-èlre,  d'un  intérêt  historique  incontestable,  mais  nous 
sommes  obligé  de  nous  limiter.  On  doit  signaler,  cependant, 
l'indication  des  différentes  roules  qui  sillonnent  le  pays  saharien, 
du  Soudan  au  Maro;",  en  traversant  le  Touat,  et  de  l'Atlantique  à 
la  Tripolitaine.  Elles  donneraient  lieu,  selon  l'auteur,  à  un  mouve- 
ment commercial  de  caravanes  de  dix  à  onze  millions  de  francs. 
Toutes  les  données  fournies,  à  cetéganl,  sont  bien  hypothétiques  ; 
elles  sont  le  résultat  des  appréciations  do  divers  auteurs,  sans 
démonstration  positive,  ou,  tout  au  moins,  probable.  On  se  souvient 
de  l'importance  considérable,  au  point  de  vue;  commercial,  qu'on 
attribuait,  autrefois,  à  la  grande  métropole  soudanienne  de 
Timbouktou  ;  on  sait  ce  qu'il  a  fallu  en  rabattre.  Il  eut  été  plus  à 
propos,  plus  intéressant,  de  signaler  le  mouvement  commercial 
auquel  donnent  lieu,  annuellement,  les  caravanes  qui  partent  du 
Sud  de  la  province  d'Oran  et  vont  opérer  des  échanges  jas(ja'uu 
Gourara  et  au  Touat.  Les  nombreuses  opérations  commerciales 
que  ces  caravanes  ont  fait  naître,  s'accomplissent  depuis  longtemps 
dans  la  plus  encourageante  sécurité.  L'effectif  comprend  plus  de 
3,000  hommes,  fertimes  et  enfants,  8,0U0  chameaux  et  3,000  mou- 
tons. La"  présence  des  femmes  et  des  enfants  est  l'indice  de  la 
tranquillité  qui  régne  généralement  dans  ces  régions.  Cependant, 
M.  Honoré  signale  le  marché  aux  esclaves  du  Touat  et  du  Tidikelt, 
dont  il  donne  les  prix.  Ce  détnil  nous  a  paru  suns  intérêt;  ce 
marché  sera  certainement  interdit. 

En  ce  qui  regarde  le  chui)itrc  IV,  ayant  pour  objet  l'étude 
économique  du  Sahara,  il  est  subdivisé  en  deux  paragraphes: 
§  1",  Le  commerce  transsaharien  ;  §  2%  Hypothèse  sur  le  commerce 
futur, 


BIBLIOGRAPHIE  97 

La  dissertation,  à  laquelle  donne  lieu  ce  chapitre,  est  un  peu 
longue.  M.  Honoré  remonte  aux  époques  biblique  et  phénicienne, 
il  est  question  de  la  domination  romaine,  de  la  période  Lybique, 
de  l'occupation  islamique.  Tout  ce'a  est  fort  intéressant,  au  point 
de  vue  historique,  mais  ces  considérations  sont  à  peu  près  étran- 
gères au  point  de  vue  du  transsaharien  et  ne  fournissent  aucun 
élément  positif  en  matière  économique  et  commerciale  Ces 
éléments  sont  essentiels,  indispensables,  cependant,  lorqu'il  s'agit 
d'établissement  de  voie  ferrée.  Aussi  bien,  nous  sommes  à  cet  égard, 
absolumentde  l'avis  de  M.  Honoré,  lorsqu'il  dit  :  «  Avant  de  décider 
«  la  construction  d'un  chemin  de  fer  à  travers  le  Sahara,  il  faut 
«  savoir,  d'une  manière  cei-taine,  si  les  dépenses  seront  couvertes.  » 
Or,  on  est  absolument  dépourvu  d'éléments  positifs  à  ce  sujet. 

Passons  au  chapitre  V,  il  a  pour  litre  :  les  tracés  du  Trxns- 
saharien.  Ces  tracés  sont  au  nombre  de  cinq  et  semblent  établir 
une  sorte  de  confusion  avec  les  données  de  la  carte  qui  nous 
montrent  cinq  lignes  ou  tracés  principaux  sillonnant  toute  l'étendue 
du  Grand  ISahara. 

Le  1"'  tracé  est  relatif  au  Transsaharien  par  Oran  ;  le  2°  concerne 
celui  partant  d'Alger  pour  aboutir  à  Laghouat;  le  3"  vise  la  ligne 
Constantine,  Biskra,  Ouargla  pour  atteindre  les  rivages  du  Tchad; 
le  quatiième,  est  un  tracé  nouveau,  partant  de  Bou-Grara,  dans 
le  golfe  de  Gabès,  pour  aboutir,  lui  aussi,  au  Tchad.  Enfin,  un 
cinquième  tracé,  traversant  la  partie  orientale  de  la  Tripoli taine, 
passant  par  Moursouck,  aboutissant  aux  régions  ci-dessus 
signalées. 

L'ensemble  de  ces  tracés  constitue,  sur  la  cai  te  de  M.  HonorJ,  un 
véritable  réseau  de  voies  ferrées,  ayant  pour  objectifs  :  Saint-Louis- 
du-Sénégal,  Tombouktou,  Zinder,  le  Tchid  et  de  ce  dernier  point 
à  Luango,  dans  le  Congo  français. 

A  l'exception  du  tracé  occidental  oranais,  dont  le  principe  est 
légalement  résolu,  ces  diverses  lignes  ne  sont  l'objet,  de  la  part 
de  l'auteur,  que  de  ({uelques  explications  très  sommaires,  qui  ne 
détruisent  en  rien  l'opinion  que  nous  avons  émise  plusieurs  fois, 
sur  le  caractère  irréalisable  de  leur  construction,  et  surtout,  de 
leur  exploitation  technique.  Les  principales  raisons  ont  été  mises 
en  évidence,  dans  nos  conférences  faites  au  Congrès  national  des 
Sociétés  françaises  de  Géographie,  qui  s'est  réuni  à  Paris  en  1889 
et  à  Alger  en  t.8'.)'J.  (Voir,  à  cet  égard,  le  volume  publié  parla  Société 
de  Géographie  d'Alger,  sur  les  travaux  de  ce  dernier  Congrès.) 
Ces  raisons  sont  basées:  1°  Sur  l'absence  absolue  des  conditions 
hydiologiques  indispensables  pour  l'exploitation  normale  et  régu- 
lière d'une  voie  fei'rée  ;  2°  Le  caractère  absolument  désertique 
des  régfons  ti-aversées,  mis  brillamment  en  lumière,  par  M.  Camille 
Sabatier  ;  3"  Populations  rares,  instables  et  à  demi-sauvages.  Sur 


98  BIBLIOGRAPHIE 

ce  chef,  les  conclusions  de  l'auteur  de  )a  thèse  :  le  Transsnharien, 
s'appuient  sur  les  a|)piécialions  de  Gérard  Rholf,  du  docteur  Lenz, 
de  Duveyriei-,  de  Foiireau  et  d'Augustin  Bernard.  Cependant,  son 
opinion  est  favorable  aux  seules  lignes  de  pénétration  d'Alger  ù 
Laghouat  et  de  Philippeville  à  Ouai-gla,  malgi-é  Leroy- Beaulieu 
et  les  propriétaires  des  Palmeraies  de  l'oued  R'hir. 

D'ailleurs  dans  l'esprit  de  M.  Honoré  «  le  transsaharien  serait- 
il  décidé,  qu'il  aurait  deux  obstacles  à  surmonter:  le  premier, 
matériel  ;  le  second,  financier  »,  obstacles  qu'il  développe  très 
logiquement. 

Nous  partageons  son  sentiment. 

Ceci  n'empêche  pas  que  le  travail  qui  nous  occupe  en  ce  moment, 
est  fort  intéressant  et  très  instructif,  par  ses  aperçus  historiques 
et  ethnographiques  ;  il  sera  consulté  très  uiilement  par  toutes  les 
personnes  qui  s'intéressent  aux  choses  louchant  la  partie  occiden- 
tale du  nord   de  l'Afrique  et  de  nos   possessions  sahariennes  et 

soudaniennes. 

J.  BOUTY. 


Cinq  textes  berbères  en  d'alecte  Chaouia,  par  M.  Gustave  MERCIER 


Nous  avons  à  signaler  une  nouvelle  contribution  de  M.  G.  Mercier 
à  l'étude  des  langues  de  souche  berbère 

Les  cinq  textes  en  dialecte  chaouia  que  cet  auteur  a  fait  paraître 
dernièrement  dans  le  Journal  Asiatique  (I)  sont  accompagnés  de 
notes  contenant  de  nombreux  renseignements  linguistiques  qui  en 
accentuent  la  valeur  mais  que  les  spécialistes  seuls  sont  à  même 
d'apprécier. 

Pour  nous,  lu  partie  la  plus  intéressante  de  cette  étude  est  dans 
les  considérations  de  portée  générale  auxquelles  conduisent  tout 
natui'ellement  les  remai-ques  et  partiijularités  exposées  dans  les 
préliminaires  et  par  lesquelles  l'auteur  montre  rex(;ellent  parti 
que  l'on  geut  tirer  de  ces  sortes  de  ma'ériaux  lorsqu'on  sait  les 
mettre  en  œuvre. 

Le  travail  de  M.  G.  Mercier  éclaire  en  effet  d'ini  nouveau  reflet 
les  caractères  principaux  et  notamment  l'unité  d'une  langue  parnis- 
sant  avoir  été  la  langue  propre  à  la  race  homogène  (}ni,  aux  temps 
préhistoriques,  fut,  semble-t-il,  l'uniijue  éléint-nt  de  population 
dans  le  Nord  de  l'Afrique. 

A.  GOYT. 


{}'/  Numéro  de  geptembrc-oclobre  1900. 


VOLCAN  ETEINT  DE  TIGRAOU 

ENTRE    NESViOURS    &    L'OUED    KISS 


On  sait  que,  pendant  la  période  tertiaire,  des  éruptions 
basaltiques  et  trachytiques  se  sont  fait  jour  le  long  du  littoral 
occidental  de  notre  département,  dans  une  zone  qui  s'étend 
de  la  Mersa  Madrague  jusqu'à  peu  de  distance  de  l'Oued  Kiss  ; 
c'est-à-dire  sur  près  de  130  kilomètres  de  longueur  et  une 
largeur  de  20  kilomètres  environ.  Or,  une  action  plutonique 
q'ii  s'est  ainsi  manifestée  sur  une  étendue  de  près  •  de 
2600  kilomètres  carrés,  n'a  pas  pu  se  produire  sans  laisser  des 
témoins  autres  que  les  coulées  de  laves  et  les  dépôts  de  scories 
et  de  cendres  ;  on  devrait  donc  s'attendre  à  trouver  les  évents, 
c'est-à-dire  les  cratères  d'où  se  sont  échappées  les  matières  en 
fusion. 

Déjà  en  4896,  dans  une  très  intéressante  brochure  de 
quelques  pages  (1),  M.  Louis  Gentil  a  décrit  trois  volcans 
éteints  dans  les  environs  d'Aïn-Temouchent.  D'autres  cratères 
existent  certainement  près  de  la  Tafna,  mais,  je  crois,  n'ont 
pas  encore  été  l'objet  d'une  étude  ni  même  d'une  simple 
reconnaissance  topographique. 

Ayant  eu  l'occasion,  dans  le  courant  du  mois  d'avril  de  cette 
année,  de  faire  une  excursion  dans  le  massif  m.ontagneux  situé 
entre  Nemours  et  le  Kiss,  et  dont  le  point  culminant  est  le 
Djebel  Zendal,  j'ai  pu  constater  l'existence  d'un  cratère 
parfaitement  caractérisé. 

Ce  cratère  est  situé  à  environ  10  kilomètres  au  S.-O.  de 
Nemours,  sur  la  route  (ou  plutôt  ancienne  piste)  qui  part  de 
Nemours  pour  s'arrêter  sur  les  bords  de  l'Oued  Kouarda.  Il 
est  signalé  par  une  dépression,  ayant  700  mètres  environ  de 
longueur  sur  500  mètres  de  largeur,  dont  les  bords  irréguliers 
se  trouvent  à  la  cote  de  330  mètres,  et  qui  est  très  bien  indiqué 
sur  la  carte  au  l/50.000e  de  l'Etat  Major  (feuille  n^  237,  cap 
Milonia;.  Cette  dépression  n'étant  pas  désignée  sur  la  carte 
par  un  nom  spécial,  je  l'appellerai  Tigraou  du  nom  de  quel- 
ques maisons  qui  se  trouvent  au  S.-E.  dans  son  voisinage 
immédiat. 


(I)  Sur  \e^  volcans  éteints  des  environs  d'Aïn-Temouclisnl.  —  Oran, 
imprimerie  Fouque,  1806. 

13 


400  VOLCAN   ÉTEINT  DE  TIGRAOU 

La  profondeur  de  cette  dépression  doit  être  de  quelques 
mètres  seulement  en  dessous  de  la  cote  330.  Au  moment 
de  mon  passage,  un  étang,  ayant  à  peu  près  le  quart  de  la 
surface  totale,  en  occupait  le  centre.  Cet  étang  qui  se  forme 
au  moment  des  pluies  d'automne  ne  disparait  que  vers  le 
milieu  de  mai.  Dans  les  années  exceptionnellement  pluvieuses, 
il  arrive,  paraît-il,  jusqu'à  la  route. 

Les  hauteurs  basaltiques  qui  l'environnent  et  qui,  en  réalité, 
constituent  les  bords  du  cratère,  atteignent,  dans  leur  point 
le  plus  élevé,  la  cote  402  ;  la  profondeur  serait  donc  d'au  moins 
soixante-dix  mètres.  Toutefois  cette  crête  élevée  n'existe 
qu'au  S.-O.,  sur  une  longueur  d'environ  douze  cents  mètres  ; 
tout  le  reste  dépasse  à  peine  la  cote  350  et  en  deux  points 
situés,  l'un  au  Nord-Est,  et  l'autre  au  Nord-Ouest,  descend 
à  moins  de  240  mètres. 

Le  cratère  de  Tigraou  serait  donc  un  cratère  ébréché  ou 
égiieulé  surtout  au  Nord  ;  c'est  par  cette  brèche  que  probable- 
ment s'est  épanchée  la  coulée  qui  est  si  bien  dessinée  sur  la 
carte  entie  ie  Ch.  el  Gaamès  et  l'Oued  Zitouna. 

Les  coupes  qui  accompagnent  la  pelite  carte,  copiée  sur  la 
carte  de  l'Élat-Major,  donnent  une  idée  exacte  de  l'état  actuel  du 
cratère.  Les  hauteurs  y  sont  à  la  même  échelle  que  les 
longueurs  ;  c'est  donc  le  profil  réel  qu'elles  donnent.  Je  n'ai 
fait,  en  cela,  que  suivre  l'exemple  de  M.  Gentil  (Ij. 

N'ayant  pu,  en  raison  du  peu  de  temps  dont  je  disposais  et 
plus  encore  en  raison  des  conditions  atmosphériques  qui  étaient 
des  plus  défavorables,  pousser  plus  loin  l'étude  de  ce  cratère 
et  celle  de  ses  environs  ;  je  me  contente  de  le  signaler  à 
l'attention  des  géologues,  persuadé  que  ceux  que  la  visite  de  ce 
cratère  pourrait  tenter,  non  seulement  ne  regretteront  point 
leur  fatigue,  mais  encore  voudront  explorer  à  fond  les  roches 
éruptives  du  Zendal  que  je  n'ai  fait  qu'entrevoir  en  passant. 


Orarn,  le  12  mai  190L 


Ad.  KOGK. 


(I)  "  L  inciirvalion  de  ce  profil  ne  donne  qu'une  assez  faible  idée  de  la 
dépression  du  s"l  au  centre  du  cratère,  mais  j'ni  tenu  esseniiellement  à 
indique'-  la  realité,  plutôt  que  d'employer  le  procédé  général  qui  consiste 
à  amplifier  les  hauteurs.  »  (loc.  cit.,  p.  6.) 


VOLCAN    ÉTEINT    DE    TIGRAOU 


COUPE  N-H.   S-0. 


Plan  passant  à  2^0"^  au-dessus  du  niveau  de  la  mer 


COUPi-:  N-S. 


N 


:;] 


Plan  passant  à  2^0"'  nu-dessus  du  niveou  de  la  me>' 
Echelle  du  plan  ^  Echelle  des  coupes  -^ 


CHAPITEAUX   ROMAINS 

trouvés  dans  les  environs  de  RENAULT  (Dahra) 


Nous  devons  encore  à  l'obligeance  de  M.  Gauchet,  instituteur 
à  La  Stidia,  la  coinmunication  de  la  photographie  de  deux 
chapiteaux  trouvés  dans  les  environs  de  Renault  et  déposés 
actuellement  chez  le  Maire  de  cette  localité. 

Celte  photographie,  dont  la  reproduction  est  ci -après,  a  été 
tirée  par  M.  Lorrain  fils,  auquel  nous  devons  déjà  la  photo- 
graphie de  deux  pierres  funéraires  dédiées  à  la  mémoire  de 
cavaliers  de  VAla  Getulonim  et  qui  figurent  dons  le  4«  Bulletin 
de  1900,  page  341. 


'f^è^^P^ 


L'-Colonel  DERRIEN 


Al  Si  a  FAH  wmim 


DE  L.'OI=lA]\riE 

AVEC  DES  TABLEAUX  ANALVTIOL'ES   ET  DES  NOTIONS 
POUR  LA  DÉTERMINATION  DE  TOUS  LES  REPTILES  &  BATRACIENS 

du  Marcc,  de  l'Algérie  et  de  la  Tunisie 
(SUITE) 


Coloration.  —  Fond  d'un  rouge  de  sable  éclatant.  Des 
taches  d'un  brun  rougeàtre  assez  grandes  forment  deux  lignes 
parallèles  sur  le  dos.  Une  autre  ligne  de  taches  moins  foncées 
se  trouve  sur  le  haut  de  chaque  flanc.  Parfois  les  taches  se 
rejoignent  et  forment  des  bandes  transversales  irrégulières. 

Ventre  gris  sale.  Bout  de  la  queue  portant  3  ou  4  larges 
anneaux  noirs. 

Sexes.  —  Chez  le  mâle  la  queue  est  forte  ;  elle  continue  le 
corps.  Chez  la  femelle  elle  est  étroite  et  assez  fine. 

Taille.  —  0,555  +  0,075  =  0'"630  (Blg.). 

Distribution  géographique.  —  (B  :  H. -PL,  S.).  —  La 
vipère  à  cornes  abonde  dans  la  région  désertique.  Elle  s'avance 
même  sur  les  Hauts-Plateaax  sans  pourtant  s'éloigner  du  cli- 
mat saharien.  Elle  se  trouve  dans  des  bas-fonds  humides  à 
une  vingtaine  de  kilomètres  au  sud-est  de  Méchéria. 

Dans  le  Sahara  oranais  elle  est  commune  à  Aïn-Sefra  (Hiroux)  ; 
à  Tyout  ;  elle  pullule  à  El-Abiod-Sidi-Cheikh,  aux  Arbaouats,  etc. 

Strauch  a  indiqué  cette  espèce  à  Saïda  oi^i  il  ne  l'a  pas  prise 
lui-même.  Je  n'admets  pas  cette  localité  car  on  ne  m'a  jamais 
signalé  de  vipères  à  cornes  dans  toute  la  région  de  l'alfa.  Elles 
manquent  même  dans  les  dunes  du  Chott-el-Chergui  au 
Kreider  et  à  Sfissifa-les-Saules. 

M.  Boulenger  cite  cette  espèce  à  Géryville  d'après  Bôttger. 
J'ai  séjourné  un  mois  dans  cette  localité  et  la  vipère  à  cornes 
ne  peut  s'y  trouver  car  les  sables  du  versant  saharien  ne 
commencent  qu'à  50  kilomètres  de  Géryville. 

On  m'a  encore  signalé  cette  vipère  dans  le  Tell  et  même  sur  le 
littoral.  Son  existence  ne  peut  être  admise  dans  ces  deux  zones. 

Éthologie.  —  La  vipère  à  cornes  est  la  plaie  des  ksours  et 
des  campements  dans  le  Sahara.  C'est  un  animal  nocturne  qui 
circule  toute  la  nuit.  Il  s'introduit  partout  ;  il  n'est  pas  rare  de  le 
trouver  le  matin,  sous  les  tapis,  dans  les  tentes  et  même  dans 
les  maisons.  Aussi,  dans  le  Sud,  est-il  toujours  prudent  de 

14 


104        ESSAI  SUR  LA  FAUNE  E«PÉTOLOGIQUE  DE  l/ORANIE 

visilcr  l'inlérieur  du  campement  et  de  soulever  les  tapis 
plusieurs  fois  par  jour,  surtout  le  soir.  Le  matin  on  doit 
redoubler  de  prudence  en  se  levant  et  bien  regarder  où  l'on 
pose  les  pieds.  Il  n'est  pas  inutile  de  visiter  ses  chaussures, 

La  vipère  à  cornes  habite  les  dunes  herbeuses  et,  de 
préférence,  les  toulTes  d'herbes  des  parties  à  la  fois  pierreuses 
et  sablonneuses  du  Sahara.  Elle  s'enroule  dans  un  pied  d'alfa, 
de  sparte,  etc.  Gare  au  naturaliste  imprudent  qui  fouille  les 
plantes  sans  se  tenir  sur  ses  gardes.  C'est  pourtant  dans  les 
touffes  qu'on  peut  la  prendre  facilement.  Il  suflit  pour  cela  de 
se  munir  d'un  bâton  fourchu  avec  lequel  on  immobilise 
l'animal  sur  le  sol.  Il  ne  reste  plus  qu'à  le  saisir  avec  précaution. 

Il  est  préférable  de  rechercher  la  vipère  de  bon  matin.  On  la 
trouve  engourdie  sous  les  grosses  pierres  ;  il  est  alors  facile 
de  s'en  emparer  sans  danger. 

La  morsure  de  la  vipère  à  cornes  produit  des  effets  mortels 
si  elle  n'est  pas  soignée  immédiatement.  L'ablation  immédiate 
de  la  partie  charnue  atteinte  peut  seule  préserver  de  la  mort  si 
on  est  dépourvu  des  remèdes  indispensables  (1). 

Cet  animal  devrait  être  impitoyablement  détruit  surtout  dans 
les  zones  qui,  plus  tard,  sont  appelées  à  être  livrées  à  la  colonisa- 
tion. Une  prime  devrait  être  attribuée  pour  chaque  tête  de  vipère. 


Echis  carinata  Merr.  (PI.  XXII,  lig.  7,  a) 
Fig.  Expédition  d'Egypte,  Suppl.,  (PI.  IV,  fig.  1) 

L'échide  carénée. 

Vipera  carinata  Merr.,  Strauch,  Lalleinant. 
Echis  carinata  Merr.,  Blg.,  Ern.  Olivier. 

Cette  espèce  n'a  été  signalée  que  du  Sahara  oriental  de  la  Bcrbôrie. 
Peut-être  se  rencontrera- t-elle  dans  l'Extrême-Sud  Oranais.  Les 
caractères  du  tableau  suOironl  ù  la  faire  reconnailie. 

Taille  :  0,535  +  U,0G5  =  0"'  600. 


(1)  Le  traitement  au  permanganate  de  potassium  a  fort  bien    réussi 
lors  de  1  expédition  d'Igii  (D'  Romary). 


SOUS-CLASSE  DES  AMPHIBIENS 


Caractères.  —  Animanx  à  sang  froid,  à  peau  nue,  respi- 
rant par  des  ouvertures  branchiales  ou  par  des  brancJiies  pen- 
dant le  jeune  âge,  à  respiration  pulmonaire  à  l'âge  adulte. 
Développement  soumis  à  des  métamorphoses.  Ovipares,  mais  à 
embryon  dépourvu  d'amnios  et  d'allantoïde.  Quatre  membres. 
Doigts  non  onguiculés.  Aquatiques,  au  moins  au  moment  des 
amours. 

Cette  soLis-classe  est  représentée  en  Berbérie  pxr  deux 
ordres  : 

Amphibiens.  —  TABLEAU  DES  ORDRES 
1"  Animaux  adultes  : 

Corps  ramassé.  Membres  postérieurs  bien  plus 
longs  que  les  antérieurs,  disposés  pour  le 
saut.  Pas  de  queue.  (Type  :  grenouille.) 

Ordre  des  Batraciens. 

Corps  lacertiforme.  Membres  peu  inégaux, 
disposés  pour  la  marche.  (Type  :  sala- 
mandre.) (PL  XXVIL) 

Ordre  des  Urodèles. 

2°  Têtards: 
Corps  en  massue,  formée  d'une  masse  ova- 
laire,  brusquement  contractée  en  arrière 
et  terminée  par  une  queue  très  étroite. 
Des  trous  branchiaux  le  plus  souvent. 
Tête  non  distincte.  (PL  XXIV  et  XXV.) 

Ordre  des  Batraciens. 

Corps  pisciforme  atténué  de  la  tête  à  la  queue. 
Des  branchies  externes  bien  développées 
pendant  le  jeune  âge.  Tête  distincte  du 
tronc,  aplatie.  Ordre  des  Urodèles, 


Ordre  des  Batraciens 


Caractkhms  de  l'ordre.  —  Corps  ramasse,  large  et  court, 
tronqué  à  l'arrière,  dépourvu  de  (jucue  à  l'âge  adulte.  Peau 
non  éeailleuse,  nue  ou  verruqueuse.  Tête  plate  et  large,  sans 
trace  de  plaques.  Quatre  pattes;  les  postérieures  bien  plus 
longups  que  les-  antérieures  et  généralement  disposées  pour  le 
saut.  Yeux  garnis  de  pau}ncres,  l'inférieure  en  partie  t)ès 
transparente.  Bouche  très  gronde.  Dents  plus  ou  moins  nom- 
breuses, manquant  toujours  sur  la  mâchoire  inférieure.  Orifice 
d)t  tijmpan  caché  ou  visible.  Cloaque  à  ouverture  ronde,  élas- 
tique. Animaux  ovipares. 

Pendant  le  Jeune  âge,  les  batraciens  rcsp'irevt  par  des 
ouvertures  branch'ialcs  ;  à  Vôge  adulte,  par  des  poumons  ;  ils 
subissent  des  métamorphoses. 

Caractères  de  classification  des  BaJraciens.  —  Les  caractères 
de  classification  sont  tirés:  1»  De  la  présence  ou  de  l'absence 
de  dents  ;  2"  du  nombre  de  séries  de  ces  organes  et  de  leur 
position  lorsqu'ils  existent;  3"  de  la  présence  ou  de  l'absence 
de  la  membrane  du  tympan  ;  4"  des  glandes  parotides  présentes 
ou  non  et  de  leur  foi"me  ;  5"  des  ortci  s  palmés  ou  non  et  de 
leur  forme  ;  6"  des  tubercules  des  orteils,  etc. 

Généralités.  —  Le  corps  des  batraciens  adultes  est  ramassé. 
Il  est  pourvu  de  quatre  pattes,  les  postérieures  plus  longues 
que  les  antérieures.  Les  doigts  et  les  orteils  sont  plus  ou  mcùns 
réunis  par  des  palmures.  La  queue  manque.  La  bouche  est 
grande  et  ne  porte  des  dents,  lorsqu'il  en  existe,  qu'à  la 
màcboireu-supérieure  et  sur  le  vomer.  La  langue  est  large 
et  épaisse,  généralement  fixe  en  avant.  L'animal  la  rabat 
d'arrière  en  avant  [tour  saisir  sa  proie.  Les  narines  s'ouvrent 
à  l'intérieur  île  la  bouche  de  chaque  cO  é  du  vomer.  La 
res;  iration  est  pulmonaire  ;  mais  les  poumons  sont  remplacés 
par  deux  grandes  poches  ou  sacs  pulmonaires.  Le  cœur  est 
formé  d'un  ventricule  et  de  deux  oreillettes  ;  il  y  a  donc 
m-jlange  du  sang  rouge  et  du  sang  noir. 


I 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'oRANIE         107 

Le  squclelte  est  pourvu  des  os  de  l'épaule  et  du  bassin  où 
s'articulent  les  membres.  Le  sternum  est  cartilagineux.  Les 
côtes  manquent. 

La  peau  est  nue  ou  verruqueuse.  Elle  recouvre  souvent  de 
nombreuses  glandes  éparses.  Cbez  certaines  espèces  ces 
glandes  sont  surtout  accumulées  au-Jessus  et  de  cliaque  côté 
du  cou  ;  elles  forment  deux  saillies  allongées  qui  portent  le  nom 
de  parotides.  Toutes  ces  glandes  sécrètent  un  liquide  laiteux, 
visqueux,  jouissant  de  propriétés  venimeuses,  ou  tout  au 
moins  caustiques. 

Sexes  et  reproducliov.  —  Les  batraciens  sont  ovipares. 
Les  mâles  sent  dépourvus  d'organes  copulateurs  externes.  Ils 
se  séparent  difficilement  des  femelles  par  leurs  caractères 
extérieurs.  Pour  bien  les  distinguer  il  faut  les  examiner  pen- 
dant la  période  des  amours..  A  ce  moment  les  doigts  des 
mâles  présentent  des  excroissances  lichéniforraes  très  colo- 
rées, brunes  ou  noires  qui  ne  tardent  pas  à  disparaître. 

Les  mâles  ont  l'ouverture  du  cloaque  placée  plus  bas  que 
chez  la  femelle  ;  mais  ce  caractère  est  diflicile  à  saisir  si  on 
n'a  pas  des  échantillons  des  deux  sexes. 

Le  caractère  le  plus  sûr  est  celui  de  l'existence,  chez  le 
mâle  de  certaines  espèces,  d'un  ou  de  deux  sacs  vocaux  placés 
sous  la  langue  ;  ces  sacs  sont  très  apparents  à  l'état  de  vie. 
En  alcool  on  ne  les  Aoit  pas  toujours.  Ils  communiquent  avec 
l'extérieur  par  une  ouverture  placée  sous  la  langue  ou  percée 
à  travers  la  lèvre  inférieure. 

Sauf  la  grenouille  qui  est  à  peu  près  essentiellement 
aquatique,  nos  batraciens  algériens  ne  vont  à  l'eau  qu'au 
moment  des  amours. 

Les  individus  des  deux  sexes  se  recherchent  de  bonne 
heure.  La  grenouille  seule  est  tardive. 

Les  œufs  se  développent  chez  les  femelles  sans  l'interven- 
tion du  mâle.  Loi'sijue  la  gestation  est  avancée,  les  femelles 
partent  à  la  recherche  des  mares,  des  bassins  ou  des  sources; 
les  mâles  les  suivent  et  le  p  us  souvent  les  y  précèdent. 
Parfois  les  femelles  transportent  les  mâles  jusqu'à  l'eau. 
Les  mâles  manifestent  leur  présence  par  un  chant  puissant 


108        ESSAI  SUR  L\  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUË  DE  L'ORANIE 

qui  va  en  diminuant  d'intensité  et  cesse  même  chez  la  plupart 
après  la  période  des  amours. 

La  femelle  répond  par  un  léger  cri  à  l'appel  du  mâle. 

Pour  l'accouplement,  le  mâle  se  cramponne  sur  le  dos  de  la 
femelle  en  lui  implantant  ses  doigts  au-dessous  des  aisselles.  Le 
couple  reste  ainsi  pendant  dix  à  vingt  jours.  Lorsque  la  ponte 
commence  le  mâle  projette  la  liqueur  séminale  sur  les  œufs 
et  les  féconde  au  fur  et  à  mesure  qu'ils  sont  expulsés.  La  ponte 
achevée,  le  père  et  la  mère  quittent  l'eau  et  ne  se  soucient 
nullement  de  leur  progéniture.  Ils  s'empressent  de  réparer 
par  de  copieux  repas  le  jeûne  prolongé  qu'ils  viennent  de 
supporter.  Si  quelques  jours  après  ils  trouvent  leurs  petits 
ils  s'empressent  de  les  dévorer. 

Les  batraciens  ne  peuvent  s'accoupler  dans  de  bonnes 
conditions  que  s'ils  ont  de  l'eau  en  quantité  suffisante. 
Toutefois  Taccouplement  peut  avoir  lieu  dans  les  prairies  ou 
les  bas-fonds  humides.  Rarement  il  se  fait  en  terrain  sec. 
Dans  ces  deux  derniers  cas,  les  œufs  ne  peuvent  guère 
éclore. 

En  Algérie,  la  période  des  amours  est  très  variable  surtout 
loin  des  points  d'eau.  En  général,  elle  suit  une  série  pluvieuse. 
Le  discoglosse  et  la  rainette  pondent  après  les  pluies  de  l'hiver, 
le  crapaud  vert  après  celles  du  printemps  et  le  crapaud  de 
Maurétanie  après  la  saison  normale  de  la  fin  mars.  Sur  les 
Hauts-Plateaux,  où  la  sécheresse  persiste  pendant  toute  la 
belle  saison,  l'accouplement  est  encore  plus  irrégulier  ; 
il  ne  peut  avoir  lieu  que  dans  les  trous  d'eau  formés  par 
les  pluies.  Dans  ce  cas  les  jeunes  têtards  meurent  le  plus 
souvent  avant  d'avoir  acquis  leur  développement,  car  le  soleil 
ne  tarde  pas  à  dessécher  les  flaquesd'eau.  C'est  ce  qui  explique 
la  rarcté'des  crapauds  sur  les  Hauts-Plateaux.  Si  le  soleil  ne 
tuait  pas  les  têtards  et  les  jeunes,  les  localités  qui  possèdent  de 
l'eau  seraient  inhabitables.  C'est  ainsi  qu'au  Kreider  lorsque 
l'année  est  pluvieuse,  comme  en  1898,  les  têtards  sont  en 
si  grande  abondance  qu'ils  noircissont  l'étang  ;  au  bout  de 
leurs  métamorplios'îs  ils  se  répandent  autour  du  chott  en 
quantité  tellement  gi-aiide  (|ue  leur  marche  ressemble  à  une 
véritable  invasion  de  criquets.  Le  soleil  ne  tarde  pas  à  en  faire 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE         109 

des  hécatombes.  Les  oiseaux  aquatiques  en   font  aussi  dispa- 
raître de  grandes  quantités. 

Les  batraciens  parcourent  de  grands  espaces  pour  rechercher 
Toau  nécessaire  au  développement  des  œufs.  C'est  ce  qui 
exphque  les  pontes  tardives  que  l'on  rencontre  en  été. 

Développement  des  têtards.  —  Les  œufs  pondus  sont 
agglutinés  entre  eux  par  une  masse  gélatineuse  incolore  ou 
sale,  en  cordons  ou  en  gâteaux,  suivant  les  espèces.  Ils  sont 
déposés  dans  un  endroit  généralement  peu  profond  et  bien 
exposé  au  soleil.  Ils  ne  tardent  pas  à  éclore.  Lorsque  les 
têtards  naissent,  ils  ont  un  aspect  pisciforme,  mais,  au  bout 
de  peu  de  jours,  ils  prennent  la  forme  en  massue.  Leur 
queue  se  détache  nettement.  Ils  respirent  par  une  ou  deux 
ouvertures  branchiales  diversement  situées.  Ils  peuvent  avoir 
des  rudiments  de  branchies  pendant  les  premiers  jours.  Leur 
développement  est  assez  lent.  Les  membres  postérieurs  sortent 
les  premiers  ;  les  antérieurs  ne  sont  mis  en  liberté  que  plus 
tard.  Aussitôt  que  les  membres  sont  libres,  la  queue  se  réduit 
et  disparaît.  Dès  lors,  l'animal  est  à  l'état  parfait.  Sa 
respiration  est  devenue  pulmonaire.  Il  quitte  l'eau,  sans 
pourtant  s'en  éloigner,  car  l'humidité  est  indispensable  à  son 
développement  ;  s'il  en  manque,  il  meurt.  Certaiis  batra- 
ciens, comme  les  crapauds,  ne  reviennent  à  l'eau  .qu'au 
bout  de  deux  ou  trois  ans  pour  leurs  premières  amours. 

J'ai  dit  que  les  têtards  avaient  besoin  de  soleil  pour  se 
développer.  L'expérience  suivante  le  démontre  suffisamment. 

Des  têtards  de  crapauds  ayant  déjà  leurs  membres  postérieurs 
ont  vécu  chez  moi,  dans  un  bocal,  à  l'ombre,  du  mois  d'avril 
au  mois  de  septembre,  sans  montrer  leurs  membres  antérieurs 
et  sans  grossir. 

Ceci  m'explique  pourquoi  des  têtards  trouvés  dans  une 
grotte  profonde  à  l'embouchure  de  l'oued  Krémis  et  de  laTafna, 
à  lafm  de  septembre,  étaient  encore  tout  petits.  J'avais  d'abord 
cru  à  une  ponte  tardive. 

Citant.  —  Tous  les  mâles  des  batraciens  ont  un  chant 
particulier  et  peu  agréable.  Ce  chant  est  réduit  à  un  cri  chez 
ceux  qui  n'ont  pas  de  sac  vocal  ;  chez  ceux  qui  possèdent  cet 


110        ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE 

organe,  la  voix  est  très  forte  et  modulée.  C'est  surtout  au 
moment  des  amours,  que  les  mâles,  réunis  ensemble,  font 
entendre  un  concert  étourdissant.  Certains  chantent  aussi  en 
dehors  delà  saison  des  amours  suivant,  pour  cela,  certaines 
fluctuations  atmosphériques.  11  serait  intéressant  de  faire  des 
études  sur  les  périodes  et  les  variations  du  chant  de  toutes 
les  espèces.  Cette  étude  n'est  pas  facile,  car  le  plus  souvent 
plusieurs  espèces  vivent  dans  le  même  lieu  Toutefois  on  peut 
trouver  dans  certaines  localités  des  espèces  absolument  isolées. 

Venin.  —  Les  glandes  parotides  des  batraciens,  surtout 
celles  des  crapauds,  sécrètent  une  humeur  venimeuse.  Lataste 
a  cité  le  cas  d'un  lézard  vert  qui  mourut  au  bout  de  neuf 
minutes  après  avoir  mordu  les  parotides  d'un  crapaud.  Il  est 
donc  toujours  prudent  de  se  laver  les  ma-ns  lorsqu'on  a  manié 
des  crapauds.  Il  faut  surtout  éviter  de  se  frotter  les  yeux  avec 
les  doigts.  L'œil  est  de  tous  les  organes  externes  celui  qui,  par 
sa  délicatesse,  a  le  plus  à  craindre  l'action  pernicieuse  du  venin. 

Pluies  de  crapauds.  —  Tel  que  le  vulgaire  les  comprend 
on  peut  les  nier.  On  a  désigné  sous  le  nom  de  pluies  de 
crapauds  de  subites  apparitions  de  grandes  quantités  de  jeunes 
batraciens  qui,  au  moment  de  la  pluie,  après  une  chaude  jour- 
née, sortent  de  leur  retraite.  Ce  phénomène  a  été  constaté  en 
Algérie.  L'invasion  du  Kreider  dont  j'ai  parlé  plus  haut  en  est 
un  exemple.  Là,  la  métamorphosé  terminée,  les  jeunes  crapauds 
se  sont  avancés  dans  les  terres  partout  où  le  sol  se  trouvait 
humecté  par  la  pluie.  En  1000  le  môme  phénomène  s'est 
produit  à  la  Macta.  Il  doit  d'ailleurs  se  renouveler  souvent  dans 
ces  deux  localités  et  dans  d'autres  analogues  (1). 

De  véritables  pluies  de  crapauds  peuvent  néanmoins  se 
produire:*  A  la  suite  de  phénomènes  atmosphériques  aspirant 
l'eau  des  étangs,  les  petits  animaux  arpialiques  peu\ent  être 
transportés  au  loin  par  une  trombe.  Ce  phénomène  est  très 
rare.  Je  ne  l'ai  jamais  constaté. 


(1)  J'ai  ohsorvé  uno  invasion  semblable  à  Vcnrlôine  (Loir-et-Cher). 
Par  une  pluie  line,  la  roule  que  je  suivais  était  couverte  de  petits  batra- 
ciens. De  fiuelle  espèce  ?  .le  l'ignore.  Je  ne  m'occupais  ['as  alors  de  reptiles. 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'ORANIE         111 

Mue.  —  Les  batraciens  muent  plusieurs  fois  dans  l'année. 
Ils  enlèvent  leur  vieil  épiderme  comme  une  chemise  et 
l'avalent. 

Faculté  de  régénération.  —  Seule  la  queue  amputée  des 
têtards  peut  repousser. 

Hibernation.  —  En  Algérie,  l'hibernation  est  relativement 
courte.  Ce  n'est  que  dans  les  régions  élevées  et  froides  que 
l'engourdissement  peut  être  de  longue  durée.  La  grenouille 
hiberne  le  plus  longtemps.  Le  Bufo  viridis  au  contraire  se 
trouve  toute  l'année  sur  le  littoral. 

Nourriture.  —  Les  batraciens  se  nourrissent  d'insectes,  de 
vers,  de  larves,  de  têtardsj  de  poissons,  etc.  Ils  avalent  les 
aliments.  Certains  sont  végétariens  pendant  le  jeune  âge. 
Leurs  dents  ne  servent  qu'à  retenir  la  proie  introduite  dans  la 
bouche.  Ils  dévorent  souvent  leurs  petits  et  leurs  congénères. 
Ils  ne  boivent  pas  et  l'eau  qu'ils  ont  toujours  dans  leur  abdomen 
y  pénètre  à  travers  la  peau. 

Chasse.  —  Sauf  pour  la  rainette  qui  est  rare  et  se  cache 
dans  les  hautes  herbes  ou  dans  les  broussailles  ombragées,  la 
chasse  des  batraciens  est  facile.  On  les  prend  à  la  main  ou  à 
à  la  ligne.  C'est  surtout  au  moment  des  amours  qu'il  faut  les 
rechercher.  Il  sera  très  intéressant  d'observer  la  date  et  la 
durée  de  l'accouplement,  la  durée  de  l'incubation  et  celle  de 
chaque  métamorphose. 

Élevage.  —  Le  mieux  pour  étudier  les  métamorphoses,  est 
d'élever  les  têtards.  Pour  cela,  au  moment  propice,  on  met 
dans  un  bassin  un  couple  d'adultes  de  l'espèce  à  étudier  ; 
il  est  ainsi  facile  de  suivre  toutes  hs  phases  de  la  gestation, 
de  l'accouplement,  etc.  On  peut  aussi  se  borner  à  recueillir 
du  frai  ou  mieux  des  œufs  prêts  à  éclore.  On  place  le  tout  dans 
un  réservoir  peu  profond  ou  même  dans  un  bocal.  Le  dévelop- 
pement se  fait  à  peu  près  normalement.  Le  .dIus  diflicile  estde 
nourrir  les  têtards.  Le  mieux  est  do  no  mettre  d'abord  (pie 
dans  l'eau  des  confcrves  d'eau  douce  (\). 


(1)  (3q  appelle  ainsi  ces  masses  verles,  fi'amenteus.s,  qui  couvrent  les 
eaux  tranquilles. 


112        ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE 

Les  têtards  sont  en  général  végétariens  jusqu'à  la  fin  des 
métamorphoses.  Certaines  espèces  deviennent  carnivores  dès 
qu'elles  ont  leurs  membres.  Il  est  imprudent  de  leur  donner 
des  aliments  animaux.  Presque  toujours  les  têtards  meurent 
alors  d'indigestion.  Il  est  préférable  de  déposer  au  fond  du 
bocal,  sans  trop  troubler  l'eau,  du  sable  un  peu  vaseux. 

Les  instincts  carnivores  se  développent  rapidement  chez 
les  têtards  adultes  ;  ils  dévorent  ceux  d'entre  eux  qui 
succombent.  Aussi,  quand  les  têtards  sortent  leurs  pattes,  on 
peut  sans  crainte  leur  donner  quelques  têtards  fraîchement 
tués. 

Bien  entendu  tous  les  deux  ou  trois  jours,  ou  même  tous  les 
jours,  on  fait  les  observations  nécessaires  sur  le  développe- 
ment des  jeunes  élèves  et  on  prend  des  notes. 

Il  est  indispensable  de  séparer  les  espèces,  car  les  plus  fortes 
mangent  les  plus  faibles. 

Utililc  des  batraciens.  —  Les  batraciens  sont  les  plus  utiles 
de  tous  les  reptiles  ;  ils  sont  les  plus  précieux  auxiliaires  de 
l'agriculture.  Les  crapauds  surtout,  qui  ont  une  vie  terrestre, 
rendent  des  services  inappréciables.  Aussi  devraient-ils  être 
répandus  dans  toutes  les  cultures  délicates,  dans  les  jardins 
principalement.  Leur  élevage  devrait  être  très  encouragé  et 
des  crapauds  adultes  pourraient  être  distribués  dans  les  régions 
où  le  manque  d'humidité  empêche  le  développement  des 
jeunes  générations.  Sur  le  littoral  et  dans  le  Tell  le  discoglosse 
peut  rendre  les  mêmes  services  que  les  crapauds.  II  a  sur 
ces  derniers  le  grand  avantage  d'être  plus  élégant  et  bien 
moins  répugnant.  La  gentille  rainette  est  tout  aussi  utile,  mais 
comme  le  discoglosse  elle  a  besoin  de  se  baigner.  Un  réservoir, 
un  baquet  ou  même  un  refuge  humide  suffit  pour  retenir  ces 
deux  batraciens.  La  grenouille  est  aussi  un  précieux  auxiliaire; 
mais  sa  vie  essentiellement  aquatique  ne  rend  pas  son 
utilisation  pratique.  La  grenouille  oITre  un  avantage  sur  les 
autres  batraciens  :  on  peut  la  consommer  et,  dans  ce  but,  en 
faire  l'élevage  dans  les  régions  marécageuses. 

L'ordre  des  batraciens  est  représenté  en  Berbérie  par  quatre 
familles  dont  voici  le  tableau  :  « 


3. 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ûRANIE        113 

Batraciens.  —  TABLEAU  DES  FAMILLES 

Maxillaires  supérieurs  et  palais  dé- 
pourvus de  dents.    Des  glandes 
parotides.  Membrane  du  tympan 
visible,     irrégulièrement    circu- 
i.   j  laire. 

Famille  des  Bufoiildées. 


Maxillaires  supérieurs  et  palais  pour- 
vus de  dents.  Pas  de  glandes 
parotides. 


Extrémité  de  chaque  doigt  terminée 

par  une  pelote  globuleuse,  àdhé- 

2.  /  sive. 

Famille  des  Hylidées. 

Doigts  non  terminés  par  une  pelote.  3 

Cinq-doigts  inégaux,  le  pouce  réduit  à 
un  gros  tubercule,  les  deux  sui- 
vants gros  et  courts. 


Famille  des  DiscOfjlossidés. 

Quatre  doigts  bien  développés,  nor- 
maux :  le  pouce  plus  long  et  plus 

fort  que  le  2«  doigt. 

Famille  des  Railidées. 


l?'»^  Famille.  —  RANIDÉES 

Caractères  de  la  famille.  —  Maxillaires  supérieurs 
armés  de  dents  ;  deux  ynamelons  dentés  un  piu  en  arrière  de  la 
ligne  des  arrière-narines  et  au  milieu.  Tympan  circulaire 
distinct.  Pas  de  glandes  parotides.  Pattes  antérieures  à  quatre 
doigts  bien  développés,  tous  de  forme  normale  ;  pattes  posté- 
rieures trois  fois  aussi  longues  que  les  antérieures,  ci  5  orteils 


114        ESSAI  Sl'R  LA  FAUNE  F  RPÉTOLOGIQUE  DE  L'oRANIE 

largement  palmés.  Mâles  avec  deux  sacs  vocaux  dont  les 
ouvertures  se  trouvent  une  âe  chaque  côté,  près  de  l'angle 
de  la  bouclie. 

Cette  famille  est  représentée  en  Berbérie  par  un  seul  genre: 

Genre  RANA 

Caractères  du  genre.  —  Les  mêmes  que  ceux  de  ht  famille. 
Une  seule  espèce  en  Berbérie  : 

51 .  Rûïia  esculenia  L. 

Vaiiélé  RIDIBUNDA  Pallas  {V\   XXIV,  ii^-.  1,  a) 

La  grenouille  verte.  Arabe  (Oran)  :  Djeranaf. 

Rana  esculenta  /..,  Straucli,  LaUcmant. 

R.  viridis  Bœsel,  Guichenot. 

R.  esculenia  L.  var.  Lalastei  Gain,  non  R.  Latastei  Boulcnger. 

B.  esculenta  /,.,  var.  ridibunda  Pallas.^  T^^ih,  Ern.  Olivier, 

Caractères  principaux  de  l'espèce,  du  type  et  de  la 
variété.  —  L'espèce  se  distingue  par  les  caractères  suivants  : 

Essentiellement  aquatique.  Dents  vomériennes  réunies  sur 
deux  mamelons  oblongs  un  peu  en  arrière  de  la  ligne  des 
arrière-narines.  Langue  large,  longue,  épaisse  et  i'ourcluie  en 
arrière,  lixe  en  avant.  Museau  assez  pointu.  Pas  de  tache 
foncée  apparente  entre  l'œil  et  l'épaule.  Un  gros  tubercule 
déprimé  placé  à  la  base  du  l"'  orteil  (interne).  Pieds  très 
palmés,"  Doigts  longs,  tronqués  ;  le  pouce,  gros  et  conique, 
est  sépai-é  du  2^'  doigt  par  un  pli  marqué. 

Chez  le  type,  le  tubercule  placé  à  la  ha^c  du  h-^'  orteil 
interne  (métatarsien)  est  gros  et  déprimé.  11  n'a  pas  été  signalé 
en  Algérie. 

Chez  la  variété  barbarcsque,  ^?  luhecule  du  métatarsien 
interne  est  idus  petit  ipie  chez  le  tgpe,  non  déprimé,  sid)ova- 
laire,  trl;s  saillant,  ressemblant  à  un  orteil  atrophié. 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'oRANIE        115 

Voici  la  description  d'une  belle  femelle  des  environs  d'Oran  : 
Tète  forte,  à  côtés  se  rapprochant  obliquement  vers  le  bout  du 
museau  et  offrant  les  dimensions  suivantes  :  largeur  entre  les 
angles  de  la  bouche,  ?>(j  millimètres,  longueur  de  la  flèche  de 
l'arc  de  la  mâchoire  inférieure,  23  mill.  Narines  obliques,  à 
pourtour  clair,  distantes  entre  leurs  bords  de  5  mill.,  et  du 
bord  de  la  lèvre,  de  7  mill.  Museau  arrondi  à  peu  près 
sur  toute  la  partie  comprise  entre  les  narines.  Mâchoire 
inférieure  bien  plus  arrondie  à  l'extrémité  que  le  bout  du 
museau.  Bouche  très  grande.  Langue  papilleuse  en  dessus, 
fixée  en  avant,  p'us  large  en  arrière,  longue,  épaisse,  divisée 
postérieurement  en  deux  longues  et  larges  pointes  bien 
séparées.  Dents  maxillaires  aiguës.  Ouverture  des  arrière- 
narines  très  grandes,  obliques,  séparées  .par  deux  mamelons 
distincts  de  dents  vomériennes.  Ces  mamelons  sont  oblongs, 
très  saillants,  épineux  et  ne  touchent  pas  le  bord  des 
ouvertures  ;  ils  mesurent  2  mill.  de  longueur,  1,5  mill.  de 
largeur  et  autant  de  hauteur  ;  ils  sont  un  peu  plus  étroits  que 
les  ouvertures  et  forment  avec  celles-ci  un  angle  obtus  très 
court,  ouvert  en  avant. 

Dessus  de  la  tète  lisse.  Régions  sus-oculaires  saillantes,  à 
peine  bordées  par  un  fdct  clair.  Yeux  gi-ands  plus  longs  que 
hauts  (9  mill.  sur  7,5),  distants  de  7'"/"'5  des  narines  et  de 
3'"/"'5  du  lympan.  Ce  dernier,  grand  de  6'"/'" 5,  circulaire,  très 
visible,  foncé  au  centre.  Un  pli  et  un  repli  de  la  peau  partant 
de  l'angle  postérieur  de  l'œil  bordent  le  tympan  en  dessus 
et  descendent  en  se  courbant  vers  l'épaule.  Un  fort  pli  et  un 
sillon  courts  et  obliques  se  trouvent  en  avant  de  l'épaule. 
Entre  ce  sillon  et  l'angle  de  la  bouche  existe  un  renflement 
courbe  et  assez  large  qui  est  sectionné  par  un  court  sillon 
transversal. 

Dos  sillonné,  surtout  dans  la  partie  antérieure,  par  une  forte 
dépression  médiane.  De  chaque  coté,  le  haut  des  flancs  montre 
un  assez  gros  pli  de  la  peau,  bien  saillant. 

Peau  du  dos  présentant  d'assez  nombreuses  boursouflures 
tuberculeuses  bien  plus  nettes  sur  la  partie  antérieure 
des  flancs.  Poitrine  et  gorge  lisses.  Cuisses,  dans  la  région 


lifi       ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'oRANIE 

anale,  et  abdomen  rendus  finement  tuberculeux  par  un  réseau 
très  serré  de  plis  peu  profonds. 

Les  membres,  gros  et  forts,  olTrent  d'importants  caractères. 

1°  Membres  antérieurs.  —  Bras  assez  longs  ;  lorsqu'ils  sont 
tendus,  les  poignets  dépassent  le  museau.  Doigts  longs, 
atténués  mais  tronqués  à  l'extrémité.  Pouce  à  phalange 
inférieure  plus  longue  que  les  deux  autres,  grosse,  conique  et 
séparée  de  la  main  par  un  sillon  profond  (long,  extérieure  1 7""/"'). 
Deuxième  doigt  un  peu  plus  court  que  le  pouce  ;  le  A*^  un 
peu  plus  long  ;  le  3^  très  long.  Un  tubercule  saillant  à  la 
dernière  articulation  inférieure  de  chaque  doigt.  Les  autres 
articulations  sont  peu  tuberculeuses  ou  pas  du  tout.  Doigts  à 
peine  membraneux  latéralement. 

2°  Membres  postérieurs.  —  Jambes  très  longues  et  très 
fortes.  Région  métatarsienne  très  développée  ;  longueur  du 
grand  orteil,  45  mill.  l'"",  2c,  3"  et  4«  orteils  croissant 
régulièrement  en  longueur,  chacun  d'eux  dépassant,  de  1  cent, 
environ,  celui  qui  le  précède.  5«  orteil  un  peu  plus  court 
que  le  3^.  Palmure  atteignant  presque  l'extrémité  des  1",  2^,  3^ 
et  5^  orteils.  Un  tubercule  saillant,  ressemblant  à  un  orteil 
tuberculeux,  se  trouve  à  la  base  du  l*-''  orteil.  Vu  de  côté,  ce 
tubercule  mesure  3  à  4  mill.  de  longueur  et  1,3  de  hauteur. 
Son  épaisseur  dépasse  1  mill.  Son  extrémité  antérieure  est 
nettement  saillante.  Un  autre  tubercule  petit  (l  mill.)  plat  ou 
peu  convexe,  blanc,  se  trouve  à  la  base  du  grand  orteil.  Les 
articulations  des  phalanges,  sauf  la  supérieure,  portent  un 
tubercule  subaigu. 

Coloration.  —  Très  variable.  L'échantillon  que  je  viens  de 
décrire  (une  femelle)  est  d'un  brun  noir  foncé  en  dessus. 
La  gorge  et  la  poitrine  sont  noirâtres  et  maculées  de  blanc 
jaunâtre.  Le  ventre  est  blanc  jaunâtre  pointillé  de  noir. 
Les  cuisses,  de  même  couleur,  sont  parsemées  de  taches  noires 
assez  grandes.  Sur  les  flancs  on  voit  des  bandes  noires  bien 
apparentes.  Sur  les  cuisses  se  trouvent  des  bandes  semblables 
mais  peu  marquées.  Les  lèvres  inférieures  sont  maculées  de 
noir  et  de  blanc  jaunâtre. 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'oRANIE        117 

Go  mode  de  coloration  n'est  pas  le  plus  commun.  C'est  celui 
des  eaux  croupissantes  et  non  exposées  au  soleil. 

Il  serait  trop  long  de  décrire  toutes  les  variations.  Le  fond 
est  tantôt  d'aspect  uni  variant  du  gris  brun  au  brun  noir  ; 
tantôt^  et  c'est  le  plus  souvent,  il  est  vert  ou  d'un  vert  jaunâtre 
avec  des  bandes  longitudinales  de  diverses  couleurs,  La 
coloration  la  plus  commune  est  celle-ci  : 

Femelle.  —  Dos  d'un  brun  verdàtre  coupé  sur  la  ligne 
médiane  du  dos  par  un  large  sillon  d'un  beau  vert  doré  qui  va 
jusqu'au  bout  du  museau.  Le  dos  est  ainsi  divisé  en  trois 
bandes,  les  latérales  étant  trois  fois  plus  larges  que  la  médiane» 
Extérieurement  les  latérales  sont  bordées  par  un  large  filet 
irrégulier,  souvent  sectionné,  qui,  à  travers  l'œil,  aboutit  au 
bout  du  museau  en  bordant  la  narine  en  dessous.  Un  filet 
plus  étroit  et  plus  sectionné  parcourt  le  bord  intérieur  des 
bandes  latérales.  Celles-ci  sont  tachées  ainsi  que  les  flancs  de 
taches  brunes,  petites,  irrégulières.  La  région  tympanique 
est  d'un  brun  clair  à  reflets  gris  doré  ;  le  tympan  est  très 
visible.  En  dessous,  les  replis  de  la  peau  forment  des 
bourrelets  dorés.  Du  haut  du  tympan  un  filet  noir  descend 
derrière  l'angle  de  la  bouche  qu'il  contourne  ;  il  est  continué 
par  une  suite  de  taches  plus  ou  moins  confluentes  qui  bordent 
la  lèvre  supérieure.  Le  ventre  est  d'un  blanc  pur.  Les  pattes 
postérieures  sont  barrées  de  larges  taches  brunes.  Dessous 
des  pieds  d'un  gris  brun. 

Chez  de  nombreux  individus  le  dessous  du  corps  est  marbré 
de  noir  et  d'un  bel  effet.  Les  marbrures  se  sectionnent 
avec  l'âge. 

Sexes.  —  Mâle.  —  Deux  sacs  vocaux.  De  chaque  côté,  vers 
l'angle  de  la  bouche,  une  fente  horizontale  qui  est  l'ouverture 
d'un  sac  vocal. 

Femelle.  —  Pas  de  sac  vocal.  Il  n'y  a  donc  pas  de  fente 
horizontale  de  chaque  côté  de  la  bouche. 

Au  moment  des  amours  le  mâle  présente  à  la  base  du  pouce 
une  expansion  lichéniforme  brune. 


118        ESSAI  SUR  LA  FAUNE  LRPÉTOLOGIQUE  DE  l'orANIE 

Taille  et  dimensions  :  Femelle  (La  Sénia) 

Longueur  du  tronc. ...    0,0!)'2 

—  totale 0,220 

—  du  membre  antérieur  (de  l'épaule) 0,052 

Plus  grande  longueur  du  coude  plié  au  b'Ut  des  doigls 0,041 

—  de  Tavant-bras  replié 0,021 

—  du  poignet  plié  au  bout  des  doigts 0,025 

Longueur  des  trois  dernières  phalanges  du  grand  doigl 0,013 

Longueur  du  membre  postérieur  tendu  depuis  l'anus..  0,152 

Distance  entre  les  genoux,  les  cuisses  sur  une  même  ligne 0^089 

Plus  grande  longueur  de  la  jambe  repliée 0,047 

—  —        du  tarse  replié 0,026 

Longueur  du  ixiétatarse  et  des  doigts 0,049 

—  du  grand  orteil 0,045 

Distribution  géoc.raithque.  —  (B  :  T.,  II. -PL,  S.)  — 
La  grenouille  se  trouve  partout,  depuis  le  littoral  jusqu'au 
Sahara.  Sur  les  Hauts-Plateaux  elle  est  rare  ;  mais  elle  s'y 
développe  si  les  conditions  hydrologiques  lui  conviennent. 
Les  points  extrêmes  où  j'ai  constaté  sa  présence  sont  : 
Sjbdou,  Bedeau,  Sidi-Chadj  au  sud  de  Daya,  le  Kreider, 
Géryville,  le  dj.  Ksel,  Stitlen.  Elle  existe  à  Igli  (D'Romary). 

ÉTHOLOGiE.  —  La  grenouille  est  commune  pendant  la  belle 
saison.  Elle  hiberne  longuement  enfoncée  dans  la  vase.  Elle  ne 
s'éloigne  jamais  des  lieux  inondés.  L'eau  est  son  élément. 
Pourtant  la  grenouille  ne  craint  pas  la  chaleur  ;  elle  aime  à 
recevoir  les  rayons  du  soleil  el,  toute  la  journée,  on  la  voit 
accroupie  et  immobile  sur  les  bords  des  oueds,  canaux  ou 
mares.  Elle  ne  se  déplace  que  lorsque  l'ombre  l'atteint.  S'il  l'ait 
trop  chaud  elle  monte  sur  la  berge  et  se  cache  dans  les  herbes. 
Au  moindre  bruit  suspect  elle  plonge  en  poussant  un  léger  cri  : 
cuic.  Elle  s'enfonce  dans  la  vase,  et,  à  la  faveur  de  l'eau 
troublée,  échappe  à  son  ennemi. 

La  nuit,  surtout  lorsque  la  température  est  douce,  les 
grenouilles  sortent  en  grand  nombre.  Elles  font  alors  entendre 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÊTOLOGIQUE  DE  L'oRANIE        119 

leur  chant  étourdissant  et  désagréable.  Ce  chant  est  dur  et 
criard.  Il  fait  l'effet  d'une  scie  en  bois  qu'on  frotterait  sur  la 
tranche  d'une  planche  :  rrra...  rrra...  Parfois  il  offre  une 
importante  variante  que  M.  Lataste  a  traduit  par  bvé-ké-ké.  Il  se 
réduit  aussi  à  un  cri  bref:  oiiék  ! 

Les  grenouilles  s'aventurent  loin  de  l'eau  et  vont  chercher 
leur  nourriture  dans  les  prairies,  les  champs  cultivés,  etc. 

Les  jeunes  grenouilles  apparaissent  dès  le  mois  de  février, 
les  adultes  en  avril.  Elles  deviennent  communes  en  mai. 
Les  mâles  et  les  femelles  ss  recherchent  très  tard.  L'accou- 
plement n'a  pas  lieu  avant  le  mois  de  juin.  J'ai  vu  des  têtards 
presque  parfaits  en  juillet  à  La  Sénia  et  le  20  septembre 
à  Sebdou.  Les  têtards  de  grenouilles  sont  les  plus  gros  de 
tous  ceux  de  nos  batraciens  ;  ils  atteignent  1  décimètre  de 
longueur.  (PI.  XXIV,  fig.  1  a.) 

La  grenouille  se  nourrit  principalement  de  gros  insectes  et 
de  diptères  des  régions  humides  ;  elle  mange  aussi  les  têtards, 
le  frai  de  poisson  et  les  jeunes  poissons  eux-mêmes.  Lataste 
en  a  pris  une  qui  avait  une  rainette  dans  la  bouche.  Quels  que 
soient  ses  défauts  la  grenouille  est  une  grande  mangeuse 
d'insectes  ;  il  est  donc  utile  de  la  protéger.  On  ne  doit  la 
détruire  qu'autour  des  viviers. 

La  grenoui  le  est  comestible  ;  on  mange  surtout  les  pattes 
de  derrière.  C'est  un  mets  délicat  dont  il  ne  faut  pas  abuser. 
Les  grenouilles  provenant  d'eaux  fétides  doivent  être  rejetées. 
La  chasse  en  est  facile.  J'ai  déjà  donné  à  ce  sujet  quelques 
indications  générales  (1).  Les  grenouilles  destinées  à  la 
consommation  peuvent  être  prises  au  moyen  d'une  lancette 
qu'on  fixe  au  bout  d'un  long  et  solide  roseau.  Ce  procédé  est 
excellent  lorsqu'il  fait  du  vent  et  que  les  animaux  sont  cachés 
dans  les  herbes. 


(I)  Voir  pages  -Ul  et  222.  -  Fascicule  LXXX  (1899). 

15 


120        ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'oRANIE 

IS"»*  Famille.  —  BUFONIDÉES 

Caractères  de  la  famille.  —  Pas  de  dents.  Langue 
épaisse,  ovale,  fixe  en  avant,  libre  et  arrondie  en  arrière. 
Membrane  du  tympan  asse"  visible,  irrégulièrement  circulaire. 
Des  glandes  parotides  très  grandes  s'étendant  de  Vœil  à 
V arrière  des  épaules.  Quatre  doigts,  fortement  tubercules  en 
dessous  ;  cinq  orteils  palmés  pourvus  de  petits  tubercules. 
Membres  postérieurs  deux  fois  plus  longs  que  les  antérieurs. 
Mâles  pourvus  ou  non  de  sac  vocal.  Peau  très  rugueuse, 
2')uslulcus€. 

Animaux  terrestres  7i'allant  à  l'eau  que  pour  l'accouplement 
et  la  ponte. 

Cette  famille  est  représentée  en  Berbérie  par  un  seul  genre 
et  trois  espèces. 


Genre   BUFO 
Caractères  du  gknre.  —  Voir  ceux  de  la  famille. 

Bufonidées.  —  TABLEAU  DES  ESPÈCES 


Un  pli  de  la  peau  saillant  sur  presque 
toute  la  longueur  du  côté  interne 
du  tarse  (pli  tarsien).  (PI.  XXV  :  T.) 

Pas  de  pli  tarsien.  Pouce  rapproché  du 
2'-  doigt,  le  dépassant  à  peine. 
Régions  sus-oculaires  tubercu- 
leuses, bordées  par  un  bourrelet 
formant  l'arcade  sourcilière. 


B.  vulgaris. 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE         121 


Régions  sus-oculaires  à  peu  près  lisses 
non  bordées  par  un  bourrelet. 
Pouce  et  2^  doigt  rapprochés, 
égaux  ou  à  peu  près.  Tubercules 
du  grand  orteil  tous  simples. 
Animal  ne  devenant  pas  très  gros. 
Coloration  bicolore,  verte  dans 
son  ensemble. 

B.  viridis. 

Régions  sus-oculaires  tuberculeuses, 
bordées  par  un  bourrelet  très 
distinct.  Pouce  dépassant  le  2" 
doigt  de  2  mill.  environ.  Grand 
orteil  avec  des  tubercules  doubles. 
Animal  de  très  grosse  taille.  Robe 
bicolore,  brunâtre  dans  son 
ensemble. 

B.  mauritanicus. 


52 


Bufo   viridis   Laur.  (Pi.  XXIV,  fig.  %  a,  h) 


Le  crapaud  vert. 


Arabe  (Oran)  :  Own  gueurgueur. 


Bufo  viridis  Laur.,  Strauch.,  Lall.,  Blg.,  Ern.  Olivier. 
Bufo  variabilis  Gervais. 
Bufo  boulengeri  Latasle. 

Caractères  principaux.  —  Taille  petite.  Un  pli  tarsien. 
Tuherculee  du  grand  orteil  tous  simples. 

Cette  espèce  que  divers  auteurs  ont  justement  nommée 
variabilis  est  en  effet  très  variable.  Cela  tient  à  son  immense 
aire  de  dispersion.  Il  est  évident  que  si  l'on  compare  un 
individu  algérien  à  un  exemplaire  du  nord  de  l'Europe, 
d'Allemagne  par  exemple,  des  différences  sensibles  sautent 
aux  ^'eux.  Lataste  en  créant  son  B.  Boulengeri,  qu'il  aban- 


122        ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE 

donna  ensuite,  avait  essayé  d'établir  une  ligne  de  démarcation. 
Il  n'y  réussit  pas. 

Voici  la  description  d'un  individu  d'Oran  : 

INLuseau  peu  obtus  ;  distance  entre  les  deux  angles  de  la 
bouche  27  millimètres,  flèche  de  la  mâchoire  10  millimètres. 
Le  contour  de  la  mandibule  est  un  arc  assez  régulier.  Le  bout 
du  museau  est  visiblement  déprimé  dans  le  sens  vertical  ;  les 
narines  en  sont  très  rapprochées.  Les  ouvertures  nasales  sont 
distantes  de  la  lèvre  supérieure  de  5  millimètres  en  hauteur 
et  en  largeur. 

Régions  sus-oculaires  très  bombées  en  dessus  quand  l'œil 
est  ouvert,  subglobuleuses.  Arcade  sourcilière  lisse,  très  peu 
distincte  ;  seule  sa  partie  postérieure  apparaît  bien,  relevée 
qu'elle  est  en  bourrelet. 

Yeux  grands,  très  saillants,  mais  non  en  dehors  du  plan 
vertical  passant  contre  le  bord  de  l'arcade  sourcilière.  Leur 
largeur  égale  au  moins  une  fois  et  demie  la  distance  de  l'angle 
antérieur  à  la  narine. 

Parotides  grandes,  ovales,  oblongues,  plus  larges  en  avant 
qu'en  arrière  (15  à  20  millimètres  sur  8-9);  guère  plus  longues 
que  leur  distance  au  bout  du  museau. 

Tympan  bien  visible,  arrondi  ovalaire  ;  sa  grande  courbe 
est  située  en  bas  ;  la  petite,  sous  l'extrémité  antérieure  de 
la  parotide. 

Corps  trapu,  deux  fois  aussi  long  que  large.  Peau  plus 
ou  moins  verru'pieuse  sur  le  dos,  lisse  ou  finement  réticulée 
en  dessous.  De  chaque  côté,  et  en  arrière  de  l'angle  de  la 
bouche,  se  trouvent  4-5  tubercules  de  grandeur  régulièrement 
croissante.  D'autres  tubercules  plus  petits,  très  saillants, 
se  voient  aussi  sur  le  bord  de  l'abdomen  et  sur  les  cuisses. 

Les  membres,  relativement  longs,  offrent  des  caractères  assez 
saillants, 

1°  Membres  antérieurs.  —  Le  pouce  de  la  main  dépasse  très 
peu  le  2"  doigt  lequel  égale  le  4o.  Le  3«  doigt,  le  plus  long,  fait 
saillie  de  2  à  3  millimètres.  A  la  base  interne  du  pouce  il  y  a 
un  tubercule  oblong  peu  saillant  ou  plat,  long  de  3  mill. 
et  large  au  plus  de  1,5.  A  la  base  de  la  main  se  trouve  un  très 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'orANIE        123 

gros  tubercule  subtiièdre,  large  de  2,5,  long  de  4  et  haut  de 
1,5.  Ses  angles  sont  arrondis  mais  non  usés.  La  paume  est 
parsemée  de  nombreux  petits  tubercules.  Le  pouce  porte 
au-  dessous  de  la  2'^  phalange  un  fort  tubercule  double  ;  il  y  en  a 
un  autre  simple,  plus  petit,  sous  l'extrémité.  Les2e  etS^  doigts 
portent  aussi  un  tubercule  double  à  la- base,  mais  il  est  moins 
saillant.  Celui  du  ¥  doigt  est  simple.  Sous  le  2"  doigt  il  n'y  a 
pas  de  tubercule  intermédiaire,  mais  il  y  en  a  un  bien  visible 
sous  le  3«  ;  sous  le  4*^  il  est  peu  apparent.  Tous  les  doigts  ont 
leur  extrémité  renflée  par  un  tubercule. 

2"  Membres  postérieurs.  —  Un  caractère  important  est 
donné  par  le  pli  tarsien  que  l'on  voit  le  long  du  tarse  du  côté 
interne.  (PI.  XXIV,  fig.  2  6.) 

Tubercule  de  la  base  de  l'orteil  interne  très  saillant,  haut  de 
l'"/'"5,  long  de  3  et  large  de  2.  Tubercule  de  la  base  de  l'orteil 
externe,  plat,  usé,  peu  saillant,  arrondi  subtriangulaire,  long 
de  3  mill.  sur  2  de  largeur.  Les  autres  orteils  ne  portent  pas 
de  tubercule  à  la  base,  mais  ils  en  ont  un  petit,  simple, 
sous  chaque  articulation  des  phalanges. 

Orteils  palmés  mais  à  membrane  assez  échancrée.  Mains  et 
pieds  très  lisses  en  dessus. 

Coloration.  —  La  coloration  n'est  pas  la  même  chez 
les  deux  sexes. 

lo  McVe.  —  Fond  d'un  gris  parsemé,  sur  tout  le  dessus  du 
corps,  de  taches  et  de  bandes  larges  d'un  vert  clair  qui  occupent 
plus  de  surface  que  le  gris  du  fond.  Chaque  région  sus-oculaire 
est  coupée  transversalement  par  une  bande  verte  dont  la 
largeur  est  égale  au  tiers  de  la  longueur  du  mamelon  sus- 
oculaire.  Les  deux  bandes  sont  symétriques.  Les  taches  des 
parotides  sont  irrégulièrement  placées.  Le  dos  porte  un  grand 
nombre  de  petits  tubercules  qui  sont  plus  ou  moins  rouges 
suivant  l'âge  de  l'épiderme.  La  lèvre  supérieure  est  d'un  gris 
ardoisé  et  tachée  en  dessus.  Les  membres  sont  barrés  par  de 
grandes  taches  vertes  légèrement  bordées  de  noir.  Le  ventre 
est  blanc. 


124        ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE 

2o  Femelle.  —  Chez  la  femelle  le  fond  est  très  clair.  Les 
taches  et  les  bandes  sont  plus  petites  ;  elles  sont  d'un  beau 
vert  foncé  et  tranchent  vivement  sur  le  fond  clair  qui  occupe 
plus  de  surface  que  chez  le  mâle. 

Sexes.  —  Mâle.  —  Des  expansions  lichéniformes,  rugueuses, 
aux  pouces  et  sur  les  2c  et  3*^  doigts  au  moment  des  amours. 
Un  sac  vocal  interne.  Parotides  petites.  Coloration  verte  dans 
son  ensemble. 

Femelle.  —  Pas  d'expansions  lichéniformes  aux  doigts. 
Pas  de  sac  vocal.  Parotides  grandes.  Coloration  vive,  nettement 
bicolore. 

Taille  et  dimensions  : 

Longueur  de  la  tête . . 

Largeur  de  la  tête 

—  des  épaules 

—  du  bassin 

, ,      ,         i     bras  

Membre     \ 

l    avant-bras 

antérieur    J 

f     mains 

i  cuisse  
jambe 
tarse 
pied 

Longueur  du  museau  à  l'anus. 
Longueur  totale 

Distribution  géographique.  —  (B  :  T.,  H.-Pl.,  S.)  — 
Le  Bupi  viridis  se  rencontre  depuis  le  littoral  jusqu'au 
Sahara  (Blg.)  Dans  la  province  d'Oran  il  n'a  été  signalé  qu'à 
Oran  (Strauch,  Latasle,  Boulenger).  Il  y  est  très  commun. 
Il  abonde  dans  le  Tell.  Mais  au  fur  et  à  mesure  qu'on  s'éloigne 
de  la  mer,  il  est  remplacé  par  le  Bufo  7nauritanicus.  ^ 

Le  crapaud  vert  est  rare  sur  les  Ilauts-Plateaux.  Je  l'ai  reçu  â" 

de  Méchéria  et  du  Kreider  (Uiroux). 

Je  ne  le  connais  pas  du  Sahara  oranais, 

l 

i 


Mâle  (La  Sènia) 

Femelle  (Mèchèria) 

0,021 

0,021 

0,026 

0,030 

0,025 

0,030 

0,02G 

0,035 

0,019 

0,022 

0,021 

0,023 

0,019 

0,023 

0,030 

0.03G 

0,029 

0,032 

0,020 

0,020 

0,029 

0,035 

0.07(5 

0,095 

0,160 

0,186 

ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE        125 

Éthologie.  —  Le  crapaud  vert  se  rencontre  toute  l'année. 
Il  se  réfugie  sous  une  pierre  isolée  ou  dans  une  courte  galerie 
qu'il  se  ménage  dans  le  sable  ou  la  terre  meuble.  Le  long  des 
rivières  son  refuge  est  situé  dans  les  berges.  Il  est  peu  agile  et 
progresse  par  petits  sauts.  Ce  n'est  qu'au  printemps,  au  moment 
des  amours,  qu'il  sort  dans  la  journée.  Pendant  les  mois  d'avril 
et  mai  il  est  commun  dans  les  mares  et  les  flaques  d'eau  ;  aussitôt 
la  ponte  terminée  il  disparaît.  Il  ne  sort  plus  que  la  nuit. 

Le  chant  du  crapaud  vert  est  tout  à  fait  monotone  ;  il 
ressemble  à  un  roulement  de  tambour  électrique  :  rrrou. . .  rrrou . 

L'accouplement  a  lieu  dès  la  fin  de  l'hiver  ;  il  précède 
ordinairement  de  plusieurs  semaines  celui  du  crapaud  de 
Maurétanie.  Au  mois  de  février  les  excroissances  lichéni- 
formes  commencent  à  apparaître  aux  doigts  des  mâles.  Dans 
la  deuxième  quinzaine  il  n'est  pas  rare  de  voir  les  deux  sexes 
à  l'eau.  Dans  le  courant  de  mars  l'accouplement  est  général. 
Les  œufs  sont  pondus  dans  le  jour  en  grand  nombre  et  en  deux 
cordons.  Ils  éclosent  au  bout  de  peu  de  jours.  Le  développement 
des  larves  est  relativement  lent.  Les  têtards  sont  noirs  et  gros  ; 
leur  contour  est  nettement  polygonal  ;  ils  ressemblent  assez  à 
ceux  du  discoglosse  dont  il  est  difficile  de  les  distinguer  isolément. 
Ils  sont  très  carnassiers.  Le  tronc  du  jeune  animal  parfait 
mesure  20  millimètres  ;  la  taille,  62  millimètres. 

Le  crapaud  vert  est  un  animal  très  utile.  Plus  petit  et  plus 
élégant  que  le  crapaud  de  Maurétanie  il  inspire  beaucoup 
moins  de  répulsion.  Il  se  nourrit  d'insectes  nocturnes  et  avale 
de  gros  carabides  et  curculionides  :  Scarites,  Asida,  etc. 

53.        Bufo  maurUanicus  Schlegei  (Pi.  XXV) 

Le  crapaud  de  Maurétanie. 

Le  crapaud  panthère.    Arabe  (Oran)  :  Oum  gueurgueur. 

Bufo  pantherinus  Boje,  GuicJi.,  Strauch,  Lallemant. 
Bufo  mauritanicus  Schl.,  Blg.,  Ern.  Olivier. 

Caractères  trincipaux.  —  Crosse  taille.  Pouce  cl  /''  doigt 
très  inégaux.  Des  tubercules  doubles  sous  le  grand  orteil. 
Un  pli  tarsien. 


12fi       ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'ORANIE 

Voici  la  description  d'une  belle  femelle  vivante  : 

Museau  obtus,  semblable  à  celui  du  B.  viridis.  Mandibule 
inférieure  large  à  contour  appartenant  à  un  trapèze  plutôt 
qu'à  une  figure  courbe  :  largeur  entre  les  angles  de  la 
bouche  45  millimètres,  flèche  20  mil).  Les  côtés  sont  à  peu 
près  droits  ;  l'extrémité  est  très  obtuse.  Mâchoire  supérieure  à 
bords  tranchants,  séparés  au  milieu  par  une  petite  échan- 
crure  où  vient  se  loger  un  double  petit  pli  de  la  mâchoire 
inférieure.  Bouche  très  grande  ;  langue  spatulée,  arrondie  à 
l'extrémité,  très  libre  postérieurement.  Face  du  bout  du 
museau  verticale  ou  à  peu  près.  Trous  des  narines  distants 
entre  eux  de  5  millimètres  et,  du  bord  de  la  mâchoire,  de  8  mill. 
Régions  sus-oculaires  peu  saillantes,  couvertes  de  petits 
tubercules,  les  postérieurs  plus  grands.  Arcade  sourcilière 
formée  d'un  fort  bourrelet  peu  rugueux,  saillant,  presque 
droit,  séparé  de  la  surface  sus-oculaire  par  un  sillon  assez  net. 
Extrémité  postérieure  de  l'arcade  obtuse  et  limitée  par  un  pli. 
L'arcade  sourcilière  est  très  surbaissée.  Une  forte  et  large 
dépression,  à  fond  lisse,  se  trouve  sur  le  dessus  de  la  tête 
entre  les  régions  sus-oculaires;  elle  s'étend  un  peu  en  arrière  ; 
en  avant  elle  se  termine  en  gouttière  étroite  et  anguleuse  sur 
le  bout  du  museau.  Œil  nullement  saillant,  guère  plus  large 
que  haut;  sa  largeur  dépasse  à  peine, sa  distance  à  la  narine. 

Parotides  grandes  ayant  la  forme  d'un  haricot,  longues 
de  33  mill.,  larges  de  15  ;  extrémités  d'égale  largeur  mais  un 
peu  plus  étroites  que  le  milieu.  La  longueur  des  parotides 
est  égale  à  leur  dislance  au  bout  du  nmseau. 

Tympan  un  peu  oblong,  relativement  petit  (7  sur  4,5)  placé 
sur  l'extrémité  antérieure  de  la  parotide. 

Corps  trapu,  long  de  135  mill.,  large  de  80  mill.,  très  rende 
sur  les  côtés.  Dessus  très  verruqueux.  Verrues  très  fortes, 
convexes,  subpyramidales,  muriquées,  de  forme  régulière  sur 
le  haut  des  flancs  ;  les  plus  grandes  atteignent  7  mill.  de 
diamètre  et  2  mill.  de  hauteur.  Le  dos  est  relativement  peu 
verruqueux. 

Lu  arrière  de  l'angle  de  la  bouche,  à  5  mill.,  se  trouve  un 
gros  tubercule  isolé  séparé  de  l'angle  par  deux  ou  trois  autres 
bien  plus  petits. 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE        127 

Peau  du  ventre,  de  la  poitrine  et  de  la  gorge  entièrement 
tuberculeuse,  mais  à  tubercules  très  petits,  lisses,  peu 
saillants  occupant  les  mailles  d'un  réseau  très  fin  ;  ceux  de  la 
gorge  sont  réduits  à  des  points  assez  aigus  ;  ceux  de  la 
poitrine  sont  de  même  forme  mais  plus  développés  ;  ceux  du 
ventre  sont  déprimés,  convexes  et  deviennent  verruqueux 
sur  les  cuisses. 

Membres  très  gros,  bien  développés. 

!«  Membres  antérieurs.  —  Le  pouce  dépasse  le  2^  doigt  de 
la  longueur  d'une  phalange  ;  le  3«  doigt  dépasse  le  2»^  de  deux 
phalanges;  le  4o  est  un  peu  plus  long  que  le  2''.  Les  doigts 
aplatis  et  élargis  sont  bordés  par  un  bourrelet  parfois 
bien  distinct.  A  la  base  de  la  main  se  trouve  un  large  tubercule, 
plus  ou  moins  ovale,  assez  peu  saillant  (de  9  mill.  sur  7), 
Un  autre  tubercule  moitié  plus  petit  se  trouve  à  la  base 
du  pouce.  La  paume  et  les  doigts  sont  fortement  tuberculeux 
en  dessous.  Les  tubercules  de  la  paume  sont  simples,  inégaux, 
arrondis  ou  allongés,  bien  nets  et  bien  saillants.  Ceux  des 
doigts  sont  très  gros;  les  inférieurs  sont  tronqués  en  avant,  et 
le  plus  grand  nombre,  divisés  en  deux  par  un  sillon  longitu- 
dinal. Le  pouce  et  le  2'^  doigt  portent  un  tubercule  double  sur 
la  3«  phalange  ;  la  2*^  phalange  est  couverte  par  un  autre 
tubercule  double,  allongé  et  peu  saillant;  la  l'*^  est  boursouflée, 
épaisse,  obtuse  arrondie.  Le  3'^  doigt  porte  sur  la  4**  phalange 
un  tubercule  double,  mal  défini  ;  un  autre  double,  assez  petit, 
se  trouve  à  l'extrémité  de  la  3^;  les  intervalles  sont  occupés 
par  un  tubercule  simple,  long  et  saillant.  Le  4''  doigt  porte  un 
gros  tubercule  simple  sur  la  4^  phalange  ;  le  reste  du  doigt  offre 
deux  tubercules  parallèles  longs  et  étroits.  Dessus  de  la  main 
assez  lisse. 

2°  Membres  fostérieurs.  —  Un  fort  pli  saillant,  de  même 
nature  que  la  bordure  des  orteils,  s'étend  sur  le  côté  interne 
du  tarse.  Ce  pli  tarsien  est  attaché  au  gros  tubercule  de  l'orteil 
interne.  Sa  longueur  est  égale  aux  deux  tiers  environ  de  celle 
du  tarse. 

Tubercule  de  la  base  de  l'orteil  interne  (le  plus  court) 
bien  détaché,  saillant,  ovalaire,  long  de  8  millimètres,  large 


128        ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'oRAXIE 

de  4  ;  vu  de  côté,  il  présente  une  hauteur  de  4  à  5  mill,  ; 
son  extrémité  antérieure  est  libre  sur  une  longueur  de 
1,5  mill.  Un  autre  tubercule  se  trouve  à  la  base  du  pied, 
sur  la  ligne  du  grand  orteil  ;  ce  tubercule  est  plat,  usé,  peu 
saillant;  son  contour  est  oblong  ou  ogival  (5  mill.  sur  4). 
Plante  des  pieds  couverte  de  tubercules  simples,  peu  saillants  et 
de  deux  grandeurs:  ceux  qui  continuent  irrégulièrement  la 
ligne  des  doigts  sont  plus  gros  que  les  intermédiaires.  Les 
tubercules  des  orteils  sont  moins  forts  que  ceux  des  doigts  ; 
les  deux  plus  gros  du  grand  orteil  sont  à  peu  près  les  seuls 
doubles  ;  encore  se  soudent-ils  parfois  avec  l'âge.  Tous  ceux  de 
la  base  des  orteils  sont  simples,  arrondis  et  non  tronqués  en 
avant.  En  résumé,  les  pieds  sont  moins  tuberculeux  que  les 
mains.  Le  dessus  est  à  peu  près  lisse. 

Coloration.  —  Femelle.  -  Fond  d'un  roux  olivâtre  avec  de 
grandes  taches  chocolat  très  apparentes  et  assez  symétriques  sur 
la  tête  ;  ces  taches  sont  séparées  par  des  bandes  du  fond  plus 
ou  moins  larges.  De  chaque  côté  du  museau,  entre  l'œil  et  la 
narine,  se  trouve  une  tache  très  apparente;  les  deux  taches  se 
rapprochent  l'une  de  l'autre  vers  le  sillon  médian  du  museau, 
mais  sans  l'atteindre.  Une  grande  bande,  concave  en  avant, 
joint  les  régions  sus-oculaires.  En  arrière  se  trouvent 
deux  grandes  taches  ;  plusieurs  autres  entourent  ou  couvrent 
en  partie  les  parotides.  Sur  le  dos  les  taches  sont  nombreuses, 
subarrondies  ou  irrégulièrement  allongées.  Les  lèvres  supé- 
rieures et  les  membres  portent  aussi  des  taches  de  même 
couleur  mais  moins  foncées.  Ventre  d'un  blanc  jaunâtre  sale. 

Mâle.  —  Les  taches  de  la  tète  sont  disposées  à  peu  près  de 
même,  mais  leur  coloration  est  bien  moins  vive.  Sur  le  dos  elles 
sont  peurnombreuses,  moins  grandes  et  d'un  brun  verdâtre. 

Sexes.  —  Mâle.  —  Un  sac  vocal.  Coloration  à  fond  non 
nettement  bicolore.  Des  expansions  lichéniformes  sur  le  pouce 
et  les  doigts  pendant  la  période  des  amours. 

Femelle.  —  Pas  de  sac  vocal.  Coloration  nctleiiient  bicolore, 
à  grandes  taches  marron  se  détachant  sur  un  fond  clair.  C'est 
cette  robe  qui  a  valu  à  l'espèce  le  nom  de  crapaud  panthère 


fi 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUË  DE  L'ORANIE        129 

Taille  et  dimensions  : 

Maie 

Longueur  du  tronc 0,123 

—  totale 0,277 

—  du  membre  intérieur  (de  lép-^^ule) 0,082 

Plus  gr?nde  lo  gueur  du  coude  plié  au  bout  des  doigls.  .  .  0,056 

—  de  l'avant-bras  replié 0,033 

—  du  poignet  plié  au  bout  d(s  doigts. .  0,032 
Longueur  des  3  phalanges  du  grand  doigt . .  0,014 

—  du  membie  posifrieir  tiûdu,  depuis  I'.dus.  0,152 
Distance  entre  les  geno  x,  les  cuisses  sur  une  même  igné.  0,100 
Plus  grandi  longupur  de  la  jambe  repliée 0,052 

—  eu  tarse  replié 0,035 

Longueur  du  métatarse  et  des  orteils 0,054 

Longueur  du  grand  orteil  (4  phalanges) 0,029 

DiSTRIDUTION  GÉOGRAPHIQUE.  —  (B  :  T.,  H. -PI.)  —  Le 
crapaud  de  Maurétanie  est  répandu  dans  tout  le  Tell.  Rare 
dans  la  région  de  l'alfa,  il  devient  assez  commun  dans  la 
région  montagneuse  des  Hauts-Plateaux.  J'ignore  s'il  se 
trouve  dans  le  Sahara  oran.iis. 

Il  est  rare  à  Oran  où  on  le  trouve  pourtant  dans  les  jardins 
maraîchers.  Dans  les  environs  il  est  assez  commun  partout  où 
il  y  a  de  l'eau.  Il  n'est  pas  rare  à  La  Sénia.  Il  abonde  dans  les 
plaines  du  Sig,  de  Perrégaux,  de  La  Macta,  etc.  Je  l'ai  vu 
à  Terny,  à  Saïda  et  à  Géryville, 

Éthologie.  —  Le  crapaud  de  Maurétanie  a  à  peu  près 
les  même  mœurs  que  le  crapaud  vert.  Il  ne  circule  que  la  nuit 
pour  quêter  sa  nourriture.  Dans  le  jour,  il  reste  caché  dans 
les  Irous  humides,  sous  les  grosses  pierres,  dans  les  tuyaux, 
etc.  S'il  fait  trop  sec  ou  trop  froid,  il  ne  sort  pas.  Le  long 
des  cours  d'eau  fortement  encaissés,  il  habite  des  galeries 
dans  les  berges  alluvionnaires.  Là,  lorsqu'il  fait  sec,  il  est 
souvent  retenu  prisonnier  dans  sa  retraite  ;  la  pluie  et 
le  soleil  ayant  rétréci  l'ouverture  de  son  trou,  il  est  obligé 
d'attendre  qu'une  nouvelle  ondée  vienne  ramollir  rentrée  de 
son  logis. 

Même  pendant  la  période  des  amours,  le  crapaud  panthère 


130        ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE 

circule  rarement  dans  le  jour  ;  il  se  tient  au  fond  de  l'eau 
toujours  cramponné  sur  sa  femelle  ;  le  soir  le  couple  vient 
sur  le  bord  de  l'eau  recevoir  les  rayons  du  soleil  couchant  ; 
il  passe  la  nuit  à  moitié  immergé. 

Le  chant  ordinaire  du  crjpaud  de  Maurétanie  est  très  grave  ; 
il  peut  se  traduire  par  un  roulement  de  la  voix  crrrr. .  . .  crrr  ; 
au  moment  des  amours,  par  rr^\  .  . .  rrra. ,  . .  ratoès. 

L'accouplement  a  lieu  à  des  périodes  variables  qui  ont  les 
plus  grandes  relations  avec  les  saisons  de  pluies.  C'est  ainsi 
que  les  pontes  peuvent  commencer  le  l'^'"  avril,  si  la  saison 
est  favorable,  tandis  qu'elles  peuvent  être  retardées  jusqu'au 
15  mai,  ainsi  que  j'ai  pu  le  constater,  si  les  pluies  sont  trop 
précoces  ou  trop  tardives.  Je  ne  parle  pas  des  pontes  isolées 
qui  ont  lieu  durant  tout  l'été,  mais  de  la  ponte  générale 
dans  une  région. 

Les  œufs',  très  nombreux,  sont  pondus  en  quatre  cordons.  Ils 
sont  assez  gros  :  leur  diamètre  est  de  l^n/^S  ;  une  moitié  est 
d'un  gris  sale,  l'autre,  noirâtre.  Le  volume  des  œufs  pondue  est 
de  150  à  200  centimètres  cubes. 

La  ponte  a  lieu  le  plus  souvent  la  nuit  et  presque  toujours 
au  bord  de  l'eau.  Les  œufs  éclosent  très  vite.  Les  têtards  sont 
les  plus  petits  de  ceux  de  nos  batraciens  ;  leur  longueur  totale 
ne  dépasse  pas  3  centimètres.  Ils  se  reconnaissent  à  leur  corps 
tout  parsemé  de  points  dorés.  Au  bout  des  métamorphoses 
l'animal  parf^iit  n'a  que  10  à  11  mill,  de  long.  Les  jeunes  Bufo 
viridis  sont  bien  plus  forts,  20  millimètres. 

Les  têtards  sont  herbivores  ;  dans  les  marais  salés  ils 
rongent  les  salicornes.  La  durée  des  métamorphoses  est 
d'environ  45  jours. 

Le  crapaud  de  Maurétanie  est  un  animal  très  utile.  Ayant 
besoin -'d'une  abondante  nourriture,  il  dévore  de  grandes 
quantités  d'insectes.  Aussi  serait-il  avantageux  de  le  répandre 
dans  les  jardins  potagers,  les  cultures  arrosées,  les  vignes,  etc. 
Il  faudrait  surtout  l'importer  sur  les  Hauts-Plateaux.  On  le 
conserverait  en  lui  ménageant  dans  les  jardins  des  refuges 
sous  les  bassins  ou  dans  des  tuyaux  enterrés.  Il  est  mieux 
constitué  que  le  crapaud  vert  pour  résister  au  climat 
du  Sud. 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE      131 

54.         Bufo  vulgaris  Laur.  (Pi.  XXIV,  fig.  3) 

Fi(j.  Albert  Granger,  Hist.  nat.  de  la  France,  p.  154 

Le  crapaud  vulgaire. 

Bufo  vulgaris  Laur.,  Strauch.,  LalL,  Blg.,  Ern.  Olivier. 

Caractères  principaux.  —  Grosse  taille.  Pas  de  pli 
tarsien.  Pouce  et  i'''  doigt  rapprochés  presque  égaux.  Tuber- 
cules doubles  sous  le  grand  orteil. 

Ne  possédant  pas  cette  espèce  d'Algérie,  je  me  borne  à 
en  donner  les  principaux  caractères  d'après  un  petit  exemplaire 
d'Europe. 

Aspect  du  Bufo  mauritanicus.  Langue  elliptique,  assez  étroite, 
un  peu  en  pointe.  Régions  sus-oculaires  à  tubercules  obtus, 
mal  définis.  Arcade  sourcilière  formant  un  bourrelet  arrondi, 
lisse,  mais  non  bordé  par  un  sillon.  Parotides  assez  petites,  en 
forme  de  haricot,  très  saillantes.  Doitgs  à  côtés  non  parallèles, 
atténués.  Le  pouce  rapproché  du  2^  doigt  l'égale  ou  à  peu  près. 
Tubercules  inférieurs  des  doigts  doubles  mais  peu  saillants. 
Orteils  peu  tuberculeux,  sauf  le  grand  dont  les  tubercules  sont 
doubles.  Peau  portant  plutôt  des  renflements  que  des  tubercu- 
les, mais  bien  moins  nombreux  que  chez  Bufo  mauritanicus . 

Les  tubercules  sont  épineux  sur  les  pattes.  De  là  le  nom 
de  crapaud  épineux  qui  a  été  donné  à  cette  espèce. 

Coloration.  —  D'après  Lataste  {Faune  de  la  Gironde)  : 
((  Le  mâle  a  les  faces  supérieures  d'un  roux  olivâtre,  pouvant 
passer  au  brun,  au  verdàtre,  au  rougeàtre,  toujours  uniformes, 
à  peine  marquées  de  quelques  taches  peu  claires  parfaitement 
fondues. 

«  La  femelle  a  les  faces  supérieures  toutes  marbrées  de 
taches  brunes,  jaunes  et  blanc  sale,  l'ensemble  paraissant  plus 
ou  moins  clair  ou  plus  ou  moins  foncé  suivant  les  circonstances. 

«  Les  faces  inférieures  sont  d'un  blanc  jaunâtre  sale, 
uniforme  chez  le  mâle,  très  légèrement  marbrées  de  taches 
d'un  gris  très  pâle  chez  la  femelle. 

»  Tubercules  métatarsiens  ou  métarcarpiens  rougeâtres.  » 


132       ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'oRANIE 

Sexes.  —  Des  plaques  lichéniformes  sur  les  doigts  du 
mâle  pendant  la  période  des  amours. 

Taille.  —  Museau  à  anus  O'^IS  (Blg.) 

D'après  la  description  ci-dessus  on  voit  que  le  Bufo  vulgaris, 
surtout  par  sa  taille,  a  l'aspect  du  Bufo  mauritanicus.  Rien 
d'impossible  à  ce  qu'on  ait  confondu  les  deux  espèces  en 
Algérie.  L'absence  du  pli  tarsien  ne  permet  pourtant  aucune 
confusion. 

Distribution  géographique.  —  (M.,  Ai  :  Haut-Tell.)  —  N'a 
été  signalé  qu'à  Tlemcen  par  Bottger.  Je  ne  l'ai  pas  rencontré 
de  Tlemcen  à  Sebdou  où  je  n'ai  vu  que  son  congénère.  A  été 
signalé  à  Dône  et  au  Maroc. 

Éthologie.  —  Le  crapaud  vulgaire  est,  d'après  Lataste, 
«  solitaire  ».  C'est  là  ce  qui  expliquerait  sa  rareté.  En  France, 
d'après  le  même  auteur,  il  s'accouple  dès  la  fin  du  mois 
de  février.  Il  doit  donc  être  encore  plus  précoce  en  Algérie. 


19««  Famille.  —  IIYLIDÉES 

Caractères  de  la  famille.  —  Des  dents  vomériennes  sur 
deux  petits  mamelons  siib globuleux.  Langue  molle,  à  peu  près 
entièrement  fixe.  Bouts  des  doigts  élargis  en  un  disque  portant 
en  dessous  une  pelote  adhésive. 

Un  seul  genre  en  Berbérie  : 

Genre  HYLA 

Caractères  du  genre.  —  Orteils  palmés.  Des  dents 
m.axillaires  et  voinériemies.  Langue  un  peu  libre  en  arrière  et 
légèrement  échancrée.  Membrane  du  tympan  bien  distincte, 
circulaire.  Mâle  avec  un  grand  sac  vocal  externe  placé 
sous  la  gorge. 

Une  seule  espèce  en  Berbérie  : 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'ORANIE       133 

55.      Hyla  arborea  L.  var.  (Pi.  XXVI,  %.  i,  a) 

Fig.  Albert  Granger  {loc.  cit.),  p.  130 

La  var.  Boscàin/l>ni.  Soc.  Esp.  1881,  pi.  ii,  f"  7-10  (d'après  Blg.) 
Héron-Royer,  Bull.  Soc.  Zool.  France.  1884,  pi.  IX 

La  rainette. 

Hyla  arborea  L.,  Strauch,  Lall.,  Blg.,  Ern.  Olivier. 

Hyla  viridis  Guichenot. 

Hyla  Perezi  Boscà,  in  Ann.  Soc.  Esp.  Hist.  nat.  IX,  p.  181 

et  X,  t.  II,  fo  7-10. 
Hyla  arborea  L.  variété  meridionalis  B'ottger. 
Hyla  barytonus  Héron-Royer,  in  Bull.  Soc.  Zool.  France, 
IX,  p.  220,  pi.  9. 

La  rainette  de  Berbérie  a  été  rapportée  à  la  variété  meri- 
dionalis par  Bottger  lui-même.  Voici,  d'après  M.  de  Bedriaga 
qui  a  fait  une  étude  spéciale  des  diverses  variétés  de  la 
rainette,  les  caractères  distinctifs  de  notre  variété  : 

((  La  hande  foncée  liserée  de  blanc  des  côtés  de  la  tête  ne 
se  prolonge  pas  le  long  du  haut  des  ftcuics  et  des  jambes; 
elle  ne  dépasse  pas  l'épaule.  Pied  plus  court  que  le  mollet 
lequel  est  plus  court  que  la  cuisse. 

a  Chez  le  type  la  bande  colorée  liserée  de  blanc  fait  pour 
aijisi  dire  le  tour  du  corps.  Elle  s'élargit  de  chaque  côté  du 
bassin  en  une  belle  tache.  Le  pied  est  souvent  aussi  long  que  le 
mollet  lequel  est  un  peu  plus  court  que  la  cuisse.  » 

Ces  caractères  sont  loin  d'être  stables  et  certains  échantillons 
sont  intermédiaires  aux  deux  formes  extrêmes. 

Voici  maintenant  la  description  d'une  femelle  vivante  d'Oran  ; 

Tête  petite  non  séparée  du  tronc.  Museau  à  contour 
anguleux  obtus.  Mandibule  inférieure  assez  ogivale  :  largeur 
17  millimètres,  flèche  13. 


134       ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'ORANIE 

Lèvres  supérieures  à  bord  assez  émoussé,  non  échancrées 
à  leur  jonction.  Bouciie  grande.  Langue  presque  arrondie,  un 
peu  tronquée  en  arrière,  fixe  sur  la  majeure  partie,  libre  sur 
une  étendue  à  peu  près  égale  au  3  de  la  largeur.  Arrière- 
narines  petites,  séparées  par  deux  petits  mamelons  de  dents 
vomériennes  placées  sur  la  même  ligne.  Aussi  des  dents  sus- 
maxillaires. 

Face  du  bout  du  museau  verticale,  un  peu  convexe  avec  une 
légère  pointeau  milieu.  Trous  des  narines  distants  entre  eux 
et  de  la  lèvre  de  3  millimètres.  Régions  sus-oculaires  lisses, 
assez  proéminentes,  dépourvues  de  bourrelet. 

Œil  très  saillant,  aussi  large  que  haut,  distant  de  4  mill.  de 
la  narine.  Tympan  petit  (2,5)  subcirculaire  mais  un  peu  plus 
long  ({ue  haut,  distant  de  l'œil  de  1"'/"^!  et  de  la  lèvre  de  1  mill. 
Pas  de  parotides.  Dessus  de  la  tète  présentant  entre  les  régions 
sus-oculaires  une  large  dépression  plane. 

Corps  relativement  long  (45  millimètres)  et  étroit  (25  milli- 
mètres au  plus  dans  la  région  abdominale)  ;  absolument  lisse 
en  dessus  ;  rugueux,  tuberculeux  sur  le  ventre  et  sous, 
les  cuisses.  Gorge  lisse  ou  à  peu  près.  (Chez  le  mâle  el^e  est 
recouverte  par  un  grand  sac  vocal  externe,  jaunâtre  et 
pellucide).   Membres  grêles,   les  postérieurs   très  longs. 

1°  Membres  antérieurs.  —  4  doigts  inégaux  ;  le  pouce  qui  est  le 
plus  court  (7  mill.),  est  conique  dans  la  moitié  inférieure  ;  il  est 
limité,  à  la  base,  par  un  léger  sillon  ;  le  2*^^  doigt  dépasse 
le  pouce  de  3  mill.  ;  le  3^,  le  plus  grand,  dépasse  le  2«  de  3,5  ; 
le  4'^  dépasse  le  2^  de  1  mill.  Articulations  portant  chacune  en 
dessous  un  tubercule  simple  un  peu  en  pointe  arrondie.  Tous 
les  doigts,  comme  les  orteils,  sont  pourvus  à  leur  extrémité 
d'une  pelote  adhésive  jouant  le  rôle  de  ventouse.  Un  assez 
gros  tubercule  se  trouve  sur  la  base  du  pouce. 

2°  Membres  postérieurs.  —  Orteils  croissant  régulièrement 
du  l'^^'"  au  4<-'  ;  le  5«  un  peu  plus  court  que  le  3^.  Un  tubercule 
simple  sous  chaque  articulation.  Un  tubercule  oblong,  saillant 
(2  mill.)  au-des.sous  du  1«'  orteil. 

Les  jambes  très  longues  et  grêles  permettent  à  l'animal  de 
faire  des  sauts  énormes. 


ESSAI  i^UR  LA  FAUNE  EHPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE       135 

Coloration.  —  Mâle.  —  D'un  vert  d'herbe  très  clair, 
parfois  un  peu  terne  sur  le  dos,  sur  les  avant-bras,  sur  les 
cuisses  et  sur  les  jambes.  Une  large  bande  brunâtre  de  la 
largeur  du  tympan  s'étend  de  l'œil  à  l'épaule.  Cette  bande 
se  bifurque  obscurément  en  arrière  ;  parfois  la  branche 
supérieure  parcourt  le  haut  des  flancs  en  bordant  le  vert  du 
dos.  La  branche  inférieure  s'arrête  vers  l'épaule.  La  bande 
brune  se  fond  sur  le  ventre.  Des  yeux  à  la  narine  une  étroite 
bande  brune  va,  en  diminuant  de  largeur,  de  l'arrière  à 
l'avant.  Museau  argenté  au  bout  ;  parties  latérales  vertes 
jusqu'à  l'épaule.  Aisselles,  bras,  dessous  des  avant-bras, 
dessus  des  mains  et  des  pieds  d'un  gris  doré  argenté.  Ventre, 
dessous  des  mains,  des  cuisses,  des  jambes  et  des  tarses  couleur 
chair.  Des  traits  argentés  à  reflets  dorés  bordent  les  parties 
vertes  de  tout  le  corps.  Les  parties  vertes  des  jambes  sont 
bordées  extérieurement  par  un  filet  blanc  qui  est  lui-même 
parallèle  et  contigu  à  une  bande  étroite,  fondue,  d'un  brun 
noirâtre  comme  sous  le  tarse  et  le  pied.  Sac  vocal  d'un  jaune 
safran  couvrant  la  gorge  et  y  formant  plusieurs  plis. 

Cette  coloration  a  été  prise  le  17  mars  après  l'éclosion 
des  a^ufs. 

Femelle  décrite  ci-dessus.  —  Coloralion  générale  du  dessus 
identique  à  celle  du  mâle  :  du  vert  sur  les  mains,  des  taches 
sur  les  doigts  ;  tarses  et  pieds  verts  comme  la  jambe.  Dessous 
du  ventre  blanc,  légèrement  jaunâtre  ;  gorge  lisse,  plus  blanche 
que  le  ventre,  portant,  entre  les  aisselles,  un  pli  qui  est  bien 
net  lorsque  la  tête  est  relevée.  Membres  gris  en  dessous. 
Parties  des  aines  et  des  jambes  en  contact  à  vifs  reflets  d'un 
jaune  d'or.  Dans  l'eau  le  vert  du  dos  devient  olive  très  sombre 
et  même  d'un  brun  noirâtre. 

Une  autre  variation  oiïre  une  robe  à  fond  gris  brun  pointillé 
de  noir.  Les  grandes  bandes  persistent. 

Sexes.  —  Mdle.  —  Un  sac  vocal  e.xterne,  jaunâtre,  très 
visible  sous  la  gorge. 

Femelle.  —  Gorge  unie,  blanche.  Corpulence  plus  forte. 
Plus  rare  que  le  mâle. 

16 


136       ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE 

Taille  et  dimensions  : 

Mâle  (Oran) 

Longueur  du  tronc 0,035">/'» 

—  totale 0,103 

—  du  membre  antérieur 0,026 

Plus  grande  longueur  du  eoudeplic  au  bout  des  doigts. .    . .  0,021 

—  du  loude  au  pli  do  poignet 0,010 

—  du  pli  du  poignet  an  boni  des  doigts  .  .  0,0115 

Longueur  du  membre  postérieur  tendu,  dopnis  l'anus 0,068 

Distance  entre  les  genoux,  les  fuisses  snr  une  même  ligne. . .  0,040 

Plus  grande  longueur  de  la  cuisse  repliée.  0,0225 

—  de  la  jambe  repliée.     0,021 

—  du  tarse  replié 0,013 

Longueur  du  métatarse  et  des  orteils 0,018 

Distribution  géographique.  —  (B:  T.)  —  La  rainette  doit 
être  répandue  dans  tout  le  Tell.  Elle  ne  paraît  pas  monter  sur 
les  Hauts-Plateaux.  Je  l'ai  prise  à  Oran,  La  Sénia,  Bou-Sfer. 
M.  Anderson  l'a  signalée  à  Tlemcen. 

Éthologie.  —  La  rainette  est  le  plus  élégant  de  nos 
batraciens.  Aussi  n'inspire-t-elle  pas  le  dégoût  que  l'on  a  pour 
le  crapaud.  Elle  est  très  agile  et  fait  des  sauts  énormes.  Si  on 
la  prend  entre  les  doigts  elle  glisse  comme  une  anguille. 

La  rainette  n'est  pas  commune  en  Algérie.  Hors  la  période 
des  amours,  on  ne  la  rencontre  que  très  rarement.  Elle  habite 
les  lieux  frais,  mais  de  préférence  les  marais  où  elle 
trouve  un  refuge  dans  les  racines  ou  sur  les  branches  des 
tamarins.  Du  mois  de  février  à  la  fin  d'avril  on  la  voit  dans 
la  journée  accroupie  sur  les  branches  des  arbustes  ou  sur  les 
joncs  ;. aussi  est-il  toujours  difficile  de  l'atteindre. 

Dès  la  fin  d'avril  les  rainettes  deviennent  très  rares.  Elles 
réapparaissent  en  automne  si  la  saison  est  pluvieuse.  Les 
jeunes  seules  restent  en  famille  autour  du  point  humide  où 
elles  sont  nées. 

Le  chant  de  la  rainette  n'est  guère  agréable.  Il  peut  se 
traduire  par  came. . .  carac.  Au  moment  des  amours,  lorsque 
quelques  mâles  sont  réunis  autour  d'un  point  d'eau,  ils  font, 
surtout  la  nuit,  un  vacarme  assourdissant.  Par  un  effet  de 


ESSAÎ  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'oRANIE        137 

ventriloquie  la  voix  est  multipliée  et  l'on  croirait  entendre  des 
centaines  de  rainettes  lorsqu'il  n'y  en  a  que  quelques-unes. 

Les  rainettes  apparaissent  en  février.  L'accouplement  a  lieu 
presque  aussitôt  si  elles  trouvent  de  l'eau.  En  général  il  a 
lieu  vers  la  lin  de  mars. 

Les  œufs  sont  pondus  par  petits  groupes  et  déposés  sur  les 
lits  de  conferves  ou  suspendus  aux  plantes  aquatiques.  Leur 
diamètre  est  de  1,25  raill.  de  diamètre  ;  un  tiers  de  la  surface 
est  noir  ;  les  deux  autres  tiers  sont  blancs.  L'éclosion  est 
très  rapide,  mais  l'évolution  est  très  lente  et  dure  environ 
2  mois  et  demi  (Roësel).  A  Oran,  des  têtards  nés  en  mars 
ne  sont  devenus  adultes  que  vers  le  milieu  de  mai. 

Le  têtard  de  rainette  est  le  plus  facile  à  reconnaître  ; 
sa  membrane  dorsale  monte  bien  avant  sur  le  dos  et  s'étale 
entre  les  yeux.  Le  museau  largement  obtus  arrondi  permet 
aussi  de  le  distinguer  aisément. 

La  rainette  se  nourrit  d'insectes  et  principalement  des 
diptères,  névroptères,  lépidoptères  qui  habitent  les  lieux 
marécageux.  C'est  un  précieux  auxiliaire  dans  les  jardins.  Elle 
rend  surtout  des  services  dans  les  vergers,  car  elle  cherche  sa 
nourriture  jusqu'au  sommet  des  arbres  fruitiers. 

Depuis  longtemps  on  a  attribué  à  la  rainette  des  propriétés 
hygrométriques.  Emprisonnée  dans  un  bocal  contenant  de 
l'eau  et  dans  lequel  se  trouve  une  petite  échelle,  elle  plonge  si 
le  temps  est  à  la  pluie  et  elle  monte  lorsque  l'air  devient  sec. 
Aux  approches  de  la  pluie  elle  chante. 

Quoique  le  père  Bugeaud  ait  fortement  contribué  à  donner 
quelque  notoriété  à  la  rainette,  les  indications  de  cet  hygro- 
mètre vivant  sont  loin  d'être  d'une  grande  valeur  scientifique. 

La  rainette  se  laisse  prendre  facilement  à  la  main  ;  mais  on 
ne  la  voit  pas  souvent  car  elle  sait  se  dissimuler.  Grâce  à  ses 
pelotes  adhésives  qui  lui  permettent  de  se  maintenir  sur  les 
surfaces  les  plus  lisses  elle  se  fixe  sur  une  large  feuille 
verte  ou  sur  une  branche.  Sa  peau  subit  des  effets  de  mimé- 
tisme. Gomme  le  caméléon,  la  rainette  fait  varier  la  coloration 
de  sa  robe  et  passe  inaperçue. 


138       ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGiQUE  DE  l'oRANIË 

20'««  Famille.  —  DISGOGLOSSIDÉES 

Garactèhes  de  la  famille.  —  Dents  vomcriennes  formant 
deux  peignes  occupant  presque  toute  la  largeur  de  la  bouche 
en  arrière  des  narines.  Langue  circulaire,  libre  sur  son 
]Jourtour.  Pupille  anguleuse  à  la  base,  ayant  presque  la  forme 
d'un  triangle  curviligne.  Mâle  dépourvu  de  sac  vocal. 

Cette  famille  ne  comprend  qu'un  seul  i.ïenre  et  qu'une  seule 
espèce  : 

Genre  DISGOGLOSSUS 

Caractères.  —  (Voir  ceux  de  la  famille.) 

56-   Discoglossus  piciiis  Otth.  (Pi.  XXVI,  fig.  2,  a,  b,  c,  d) 

Fig.   Lataste.    —   Sur  le   discoglosse.    Bordeaux   1879 
Héron-Royer,  Bull.  Soc.  nat.  d'acclim.  de  France  idOl-l'^'^  sem. 

Le  (liscofjlosse  peint. 

Rana  temporaria  Rozet  non  Linné. 

Discoglossus pictus  OlUi.,  Strauch,  Lall.,  Blg.,  Ern.  Olivier. 

D.  sardus  Tsclnidi. 

D.  aurilus7/.-iîoi/c>'(Bull.Soc.zool.deFr.,  1880,  XIII,  p.  220). 

D.  Scowazzi  Camerano. 

Caractjîre  principal.  -  Pouce  réduit  à  un  tubercule. 

Espèce  très  variable.  Elle  a  été  subdivisée  en  espèces  ou 
variétés  qui  se  rapportent  toutes  à  une  seule  et  unique  espèce 
(D.  picius  Ottli.)  Deux  formes  se  trouvent  à  Oran  :  l'une  élancée 
(D.  aurilus  Héron-Royer)  ;  l'autre  trapue,  à  membres  épais, 
(D.  sardus  Tsch.)  Cette  dernière  est  rare. 

Voici  la  description  d'un  beau  mâle  de  Vauritus  d'Oran  : 
ïète  assez  forte,  museau  anguleu.x,  subaigu,  peu  épais.  Bout 
du  museau,  vu  de  profil,  arrondi  ;  très  saillant  en  dessous 
sur  la  mandibule  inférieure,  (3  à  4  "7"')-  Celle-ci  épaisse, 
allongée,  mais  arrondie  antérieurement  ;  largeur  24  mill,, 
flèche  14  ;  débordée  dans  la  moitié  antérieure  par  la  lèvre 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'ORANIE        139 

supérieure  et  par  le  museau.  Bouche  grande  moins  extensible 
que  celle  des  crapauds,  et  surtout  que  celle  de  la  grenouille. 
Arrière-narines  petites.  Dents  vomériennes  en  forme  de  deux 
peignes,  presque  contigus,  disposés  sur  une  même  ligne  laquelle 
traverse  le  palais  dans  toute  sa  largeur  à  l™/n'5  en  arrière  de  la 
ligne  des  narines.  Langue  circulaire  (10  mill.),  peu  libre  posté- 
rieurement et  sur  les  côtés,  fixe  au  milieu  et  en  avant.  Régions 
siis-oculaires  très  proéminentes,  s'avancant  peu  sur  les  yeux. 
Tas  d'arcade  sourcilière  marquée.  Région  frontale  et  dessus 
du  museau  plans  ;  la  première  à  peu  près  de  même  largeur 
qu'une  région  sus-oculaire.  Narines  distantes  entre  elles  de  5,5, 
du  bout  du  museau  de  4,5,  de  l'œil  de  5,5  et  hautes  de  4,2. 
Région  occipitale  plane.  Un  sillon  assez  distinct  va  de  l'œil 
au-dessous  de  la  narine.  Œil  circulaire  (4,5  de  diamètre) 
bien  visible  en  dessus  ;  pupille  échancrée  en  bas  ;  iris  d'un 
brun  doré,  à  partie  inférieure  traversée  par  une  large  bande 
transversale  d'un  blanc  grisâtre  doré. 

Membrane  du  tympan  circulaire  ou  oblongue,  alors  oblique, 
plus  ou  moins  visible.  (Ce  caractère  sur  lequel  on  a  basé  les 
diverses  variétés  est  de  peu  de  valeur  car  il  est  très  variable.) 
Distance  de  l'angle  de  l'œil  à  l'angle  de  la  bouche  égale  à  celle 
de  l'œil  à  la  narine.  En  arrière  de  l'angle  de  la  bouche  se 
trouvent  plusieurs  tubercules  de  5  à  G  mill.  qui  paraissent 
n'en  former  qu'un  seul  linéaire.  Dos  parcouru  par  des  lignes 
assez  saillantes  de  tubercules  linéaires  non  contigus.  Haut  des 
flancs  portant  un  fort  pli  de  la  peau  qui  va  de  l'œil  jusqu'à  la 
ceinture.  Quelques  rugosités  sur  les  reins  et  sur  les  cuisses. 
Gorge  et  ventre  lisses  mais  avec  quelques  points  blancs 
saillants,  épars,  bien  plus  nombreux  et  plus  forts  sur  les 
cuisses  de  chaque  côté  de  l'anus. 

Au  bas  de  la  gorge  existe  la  trace  d'un  collier  curviligne 
parfois  bien  marqué  sur  les  côtés  du  cou  ;  le  pli  n'est  pas 
saillant  au  miheu,  mais  on  peut  le  reconnaître. 

Membres  forts,  assez  courts,  plus  robustes  chez  le  mâle  que 
chez  la  femelle.  Épaisseur  de  l'avant-bras  chez  le  mâle 
décrit  9  millimètres. 

1"  Membres  antérieurs.  —  Doigts  très  légèrement  réunis  par 
une  membrane  ;  le  pouce  réduit  à  un  gros  tubercule  ovalaire 


140       ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE 

(3  à  4  mill.)  ;  2'=  doigt  aussi  large  que  le  pouce,  triangulaire, 
épais,  court  (4  mill.  sur  3,5)  ;  3'^  doigt  un  peu  plus  long,  plus 
étroit  (5  sur  2)  ;  le  4«  le  plus  long  (8  mill.  sur  1,5)  ; 
le  5«  égale  le  S*'.  Un  fort  tubercule  à  la  base  du  5«  doigt  et 
un  autre  moindre,  plus  haut  placé,  à  la  base  du  4«.  Bout 
des  doigts  légèrement  renflé.  Des  tubercules  simples,  peu 
saillants  sous  les  articulations. 

2»  Membres  postérieurs.  —  Orteils  très  palmés,  augmentant 
régulièrement  de  longueur  du  1"  au  4^  ;  le  5«  atteignant 
le  milieu  de  la  distance  entre  le  2*^  et  le  S*".  Un  tubercule 
saillant,  oblong  (2,5  sur  1)  à  la  base  du  l^'"  orteil.  Des  tubercules 
simples,  peu  saillants  sous  les  articulations.  Pas  de  pli  tarsien. 

Taille  et  dimensions  : 

mâle  femelle 

Longueur  du  tronc 0,067  0,066 

—  totale 0,174  0,147 

—  du  membre  antérieur  (de  l'épaule)  0,039  0,031 
Plus  grande  longueur  du  coude  plié  au  boul  des  doigls 0.030  0,025 

—  de  l'avanl-bras  replié 0,015  0,013 

—  du  poignet  plié  au  bout  des  doigls. . .  0,010  0,014 

Épaisseur  de  l 'avant-bras 0,009  0,0055 

Longueur  des  3  phalanges  du  grand  doigt . .  0,008  0,007 

—  du  membre  postérieur  tendu,  depuis  l'anus. . .  0,110  0,097 
Distance  entre  les  genoui,  les  cuisses  sur  une  même  ligne.  0,064  0,058 
Plus  grande  longueur  de  la  jambe  repliée. .  0,036  0,033 

—  du  tarse  replié 0,023  0,020 

Longueur  du  métatarse  et  des  orteils 0,032         0,028 

—        du  grand  orteil  (4  phalanges)...  0,018  0,016 

Coloration.  —  Voici  la  plus  commune,  celle  d'un  mâle  : 

Fond  à  couleur  de  grès  clair,  devenant  d'un  gris  olivâtre  à 
l'ombre,  de  teinte  uniforme  en  dessus  ;  Dos  orné  de  petites 
taches  noirâtres,  très  distantes,  régulièrement  disposées. 
Chaque  tubercule  dorsal  porte  une  tache  allongée  coupée  au 
centre  par  le  sommet  roux  doré  du  tuber-culc.  L'ensemble  des 
taches  forme  comme  les  tubercules  quatre  rangées.  Les  deux 
rangées  médianes  sont  plus  longues  :    elles   comptent  8  à 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE        141 

10  taches  (les  latérales  n'en  ont  que  six)  ;  parallèles  sur  la 
majeure  partie  de  leur  longueur,  elles  s'écartent  sur  la  tête  et 
leur  ensemble  forme  une  espèce  de  trapèze  dont  la  base  curvi- 
ligne passe  par  le  milieu  des  mamelons  sus-oculaires.  Le 
dessus  du  museau  est  clair.  En  arrière,  les  deux  rangées 
se  rejoignent  en  une  seule  tache  placée  sur  l'extrémité 
coccygienne. 

De  chaque  côté  du  museau  une  bande  noirâtre  va  de  l'œil  au 
bout  du  museau  en  passant  par  la  narine.  Lèvre  supérieure 
bordée  de  noir. 

Tympan  taché  dans  la  région  supérieure  et  bordé  par  un 
large  trait  d'un  beau  noir  (8  n  ill.)  compris  entre  le  coude  du 
pli  longitudinal  et  l'oîil.  Plus  en  arrière,  au-dessus  de  l'épaulo 
et  contre  le  pli  longitudinal,  se  trouve  une  tache  oblongue 
(6  mill.  sur  2)  d'un  beau  noir  ;  cette  tache  est  bordée  par  un 
trait  doré  qui  ressort  vivement. 

Les  flancs  sont  parsemés  de  taches  plus  ou  moins  obscures. 
Le  pli  saillant,  qui  de  chaque  côté  sépare  les  flancs  du  dos 
et  va  de  l'œil  à  l'aine,  est  d'un  roux  doré. 

Les  membres  sont  coupés  sur  toute  leur  longueur  par  de 
larges  taches  d'un  brun  noirâtre  qui  vont  en  se  rétrécissant 
vers  les  extrémités. 

Dessus  du  corps  d'un  beau  blanc,  lavé  de  jaune  aux  plis  des 
bras  et  des  jambes.  Dessous  des  mains  et  des  pieds  d'un  gris 
gélatineux. 

Variations.  —  La  coloration  précédente  oflre  quelques 
légères  variations  : 

1°  Le  plus  souvent  le  fond  devient  d'un  roux  olivâtre  et  les 
taches  dorsales  s'élargissent  en  devenant  obscures. 

Une  variation  plus  importante  est  la  suivante  : 

Les  taches  oblongues  ont  5  à  6  mill.  de  long  sur  3  mill.  de 

large,  elles  sont  d'un  noir  mat  tranchant  nettement  sur  le  fond. 

Le  pli  latéral  est  d'un  jaune  orangé  très  vif.  De  larges  taches 

de  même  couleur  se  voient  sur  les  membres;  elles  semblent 

former  le  fond  de  la  coloration. 
2°  Parfois  un  filet  blanc  borde  en  avant  la  tache  pariétale  et 

un  autre  la  tache  tympanique. 


142        ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE 

3"  La  variation  la  plus  intéressante  est  la  suivante  : 

Le  fond  du  dos  est  coupé  par  trois  larges  bandes  jaunâtres, 
claires,  parfois  presque  blanches,  qui  se  détachent  très 
vivement  sur  le  fond  olivâtre. 

La  bande  médiane  va  du  bout  du  museau  jusqu'au  bas  du 
dos  ;  large  de  67  ir.ill.  au  milieu,  elle  se  rétrécit  en  arrière  et 
n'a  plus  que  1,5  mill.  sur  le  coccyx  ;  ses  bords,  quoique 
symétriques,  ne  sont  ni  droits  ni  parallèles  ;  ils  sont  formés 
par  une  ligne  brisée  à  éléments  plutôt  courbes,  La  partie  qui 
se  trouve  sur  la  tête  est  un  peu  sombre  ;  celle  qui  parcourt 
le  dos  est  d'un  blanc  jaunâtre  ou  orangé,  bordé  de  chaque 
côté  par  un  filet  d'un  beau  blanc. 

La  tache  occipitale  est  coupée  par  la  bande  longitudinale  ; 
celle  de  chaque  mamelon  se  continue  sur  le  dos  par  une 
large  bande  noirâtre  qui  passe  au  brun  olivâtre  en  arrière; 
la  partie  noirâtre  se  sectionne  en  deux  lignes  de  taches, 
chaque  tache  étant  placée  sur  un  tubercule. 

A  l'extérieur  de  la  grande  bande  noirâtre  s'en  trouve  une 
autre  de  la  couleur  de  la  bande  médiane,  mais  qui  disparaît 
vers  le  milieu  des  flancs.  Cette  bande  claire  est  suivie 
en  dessous  d'une  bande  noire  formée  par  deux  ou  trois 
longues  taches  dont  la  première  va  de  l'œil  à  l'épaule  en 
s'élargissant  sur  le  tympan  qu'elle  couvre  presque  entièrement; 
la  S"-'  est  celle  de  l'épaule.  Les  membres  présentent  des  taches 
irrégulièi'es  noires  bordées  de  clair. 

Cette  variation  se  rencontre  souvent  à  la  fin  des  métamor- 
phoses; mais  les  sujets  adultes  qui  la  présentent  sont  rares. 

4"  Enfin  une  variation  tout  aussi  importante  et  plus  rare 
est  la  suivante  : 

Le  fond  est  d'un  rouge  de  brique  uniforme,  sans  taches  en 
dessus.  Il  n'y  a  des  taches  noires  que  sur  le  pourtour  du 
corps. 

La  tache  du  tympan  et  celle  de  l'épaule  sont  très  nettes, 
de  même  que  la  bande  qui  va  de  l'feil  au  bout  du  museau. 
Les  taches  de  la  lèvre  supérieure  sont  rnnihientcs  et  forment 
une  large  bande  à  bord  supérieur  irrégulier  qui  s'étend  presque 
jusqu'au  dessous  du  coude.  Les  lianes  sont  d'un  gris  taché 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE        143 

de  noirâtre.  Les  taches  des  membres  sont  plutôt  placées  sur 
les  côtés  des  bras  et  des  jambes  ;  les  tarses  les  présentent  en 
dessous.  Ventre  blanc. 

Sexes.  —  Mâle.  —  Un  gros  tubercule  représentant  le 
pouce  aussi  large  ou  [lus  large  que  le  doigt  suivant  qui 
est  lui-même  2  à  3  fois  plus  large  que  les  autres.  Tuber- 
cule du  5e  doigt  moitié  plus  petit  que  le  gros  tubercule 
du  pouce. 

Au  moment  des  amours  le  pouce,  le  2*-'  et  le  3«  doigts  portent 
chacun,  du  côté  interne  et  en  dessus,  une  large  plaque  lichéni- 
forme  d'un  brun  noir.  Les  palmures  des  orteils  sont  aussi 
bordées  d'excroissances  de  même  nature.  Enfin  une  large 
bordure  de  points  noirs  très  fins  et  très  serrés  contourne  la 
mandibule  inférieure.  Des  points  semblables  forment  une  large 
bande  qui  coupe  la  base  de  la  gorge.  On  en  trouve  aussi  d'autres 
épars  sur  la  poitrine. 

Femelle.  —  Gros  tubercule  représentant  le  pouce  pas  plus 
large  que  les  autres  doigts  et  guère  plus  grand  que  les  autres 
tubercules.  Pas  d'excroissances  lichéniformes  au  moment 
des  amours. 

Observations.  —  Les  variations  du  Discoglossiis  piclus  ont 
été  séparées  par  divers  auteurs  et  élevées  au  rang  de  sous- 
espèces  et  même  d'espèces.  On  trouve  en  Algérie  deux 
formes  principales  : 

L'une  à  corps  élancé,  à  membres  relativement  grêles  ; 
c'est  le  D.  pictus  dont  M.  Héron-Royer  a  fait  D.  auritus.  Cette 
forme  est  commune  à  Oran  et  dans  les  environs. 

L'autre  à  corps  trapu,  à  membres  très  robustes,  se  rencontre 
rarement  sur  le  littoral.  Je  ne  l'ai  vue  qu'une  ou  deux  fois  à 
Oran.  M.  Boulenger  (in  lilt.)  rapporte  cette  forme  au  D.  sardus 
Tschudi.  Avec  MM.  de  Rcdriaga  et  Boulenger  je  réunis  toutes 
ces  tormes  (D.  Scowazzi  Cam.  compris)  en  une  seule  espèce 
D.  pictus  Otth.  J'ai  d'ailleurs  de  la  peine  à  fixer  la  variété 
auritus  (D.  Iléron-Iloyer)  créée  pour  la  forme  algérienne. 

Pour   faciliter  l'étude   de   cette   question,   voici    un   court 


■144        ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE 


extrait  du  travail  de  M. 'Héron-Royer  (Bull.  Soc.  nat.  d'accli- 
matation de  France,  1891.  le""  semestre,  p.  509)  (1)  : 

a  D.  pictus  et  D.  auritus  sont  difîérenciés  par  la  forme 
de  la  tache  temporale  :  étroite  chez  pictus,  large  chez 
auritus.  Le  premier  a  l'oreille  dissimulée  sous  la  peau  ; 
chez  le  second  elle  est  apparente  et  le  tympan  se  montre 
circulaire  comme  chez  les  grenouilles.  (A  Oran,  le  tympan  est 
plus  ou  moins  apparent,  parfois  très  net,  d'autrefois  il  dispa- 
raît presque  entièrement  sous  la  tache.)  Le  pictus  a  le  corps 
court  et  trapu  et  ses  membres  postérieurs  sont  plus  épais 
et  plus  courts  que  chez  ïaurilus.  Ce  dernier  atteint  une  plus 
grande  taille  et  ses  formes  sont  plus  élancées  ;  son  aspect 
est  celui  de  la  grenouille  agile,  mais  sa  coloration  est  beaucoup 
plus  variée  :  elle  présente  un  ensemble  de  nuances  et  de 
dessins  le  plus  souvent  symétriques  et  très  agréables  à  la  vue.  » 

M.  Héron-Royer  cite  son  D.  auritus  d'Algérie,  du  Maroc,  de 
Tunisie.  Le  D.  pictus  se  trouverait,  d'après  le  même  savant, 
en  Espagne,  en  Portugal,  en  Corse  et  en  Sardaigne.  Que 
devient  alors  la  variété  sardus  de  Tschudi  ? 

M.  de  Redriaga  a  donné  un  tableau  comparatif  intéressant 
des  dimensions  de  D.  pictus  et  D.  sardus(2)  que  je  reproduis 
ci-dessous.  J'y  joins  les  dimensions  de  D.  auritiis  d'Oran  : 


Longueur  totale  du  tronc 

Largeur  de  la  lêle  au-dessous  des  yeui 

Plus  grande  largeur  de  la  t(Me 

Distance  entre  les  paupières 

—  de  l'œil  à  la  racine  du  bras 

—  de  l'anus  au  genou 

Longueur  de  la  cuisse 

—  delaracinedutarscaulnlicrculedulalon. 

—  des  lulicrcules  du  ialon  à  reiirémiic  du 

grand  orteil 


Pictus  (femelle)    Sa-dus  (femelle) 
Coïmbra 

5(3'"/ "'5 

13 


11 

3. 
10 
24 
20 
14 

23 


Corse 
5  5.111 /m 

16 
19.5 
4 
12 
27 
28 
15 

25 


Femelle 
Oran 

08'"/'" 
20 
25 
5 
14 
34 
31 
20 

28 


(1)    Voir  la  doscriplioii    orifjin.'ile.   Bulletin    Société    zoologique  de 
France.  XIII,  p.  20.  1888.  —  Aussi  Bull.  Soc.  Angers,  1880,  p.   117. 
(2)  in  Die  Lurchfauna  Europa's.  I.  Anura,  p.  300.  1891. 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE       145 

Ce  tableau  présente  quelques  différences  saillantes.  Chez 
D.  pictus  la  tête  est  plus  petite  que  chez  D.  sardus 
tandis  que  le  corps  est  plus  long.  Les  autres  dimensions 
restent  relativement  plus  grandes  chez  D.  sardus  que 
chez  D.  pictus. 

Mais  si  on  rapproche  les  chiffres  donnés  par  M.  deBedriaga 
des  dimensions  de  la  femelle  d'Oran,  on  voit  que  les  propor- 
tions vont  en  augmentant  très  sensiblement  et  que  la  variété 
algérienne  se  distingue  surtout  par  ses  plus  grandes 
dimensions. 

Distribution  géographique.—  (B.  :  T.,  H. -P.)  — Quoique 
rare,  le  discoglosse  se  rencontre  dans  le  Tell,  partout  où 
il  y  a  de  l'eau.  Il  monte  même  par  les  cours  d'eau  sur  les 
Hauts-Plateaux.  On  le  trouve  à  Oran  et  dans  les  environs. 
Je  l'ai  pris  à  Kristel,  Saint-Cloud,  Saint-Lucien,  Le  Tlélat, 
Misserghin,  Bou-Sfer,  le  Sig,  Aïn-Témouchent,  Arlal,  dans  la 
vallée  de  la  Tafna  près  de  Sebdou,  à  Daya  et  à  Saïda.  Je  l'ai 
de  Marnia,  de  Tlemcen  (P.  Pallary.  M.  Anderson  le  cite 
aussi  de  cette  dernière  localité. 

Éthologie.    —    Après  la  rainette,    le  discoglosse  est  le 
plus  rare  de  nos  batraciens.  On  ne  le  rencontre  presque  jamais 
en  dehors  de  la  période  des  amours,  du  moins  sur  le  littoral 
Il  ne  quitte  pas  les  lieux  humides  ou  arrosés.  11  se  plaît  dans 
les  ruisselets  et  les  petits  canaux  à  bords  herbeux. 

Les  jeunes  discoglosses  apparaissent  les  premiers  dès  le 
mois  de  septembre.  Les  moyens  les  suivent.  Les  adultes 
sortent  en  automne  et,  dès  le  mois  de  décembre,  on  peut 
les  trouver  dans  les  canalisations  et  les  bassins  des  jardins. 
C'est  de  février  à  avril  qu'ils  sont  le  plus  fréquents,  mais  on  ne 
les  rencontre  presque  jamais  en  nombre  supérieur  à  deux  ou  à 
trois.  Je  les  ai  pourtant  rencontrés  une  fois  par  centaines,  en 
septembre,  le  long  d'un  cours  d'eau  dans  le  Haut-Tell. 

En  été,  le  discoglosse  se  réfugie  dans  les  fentes  profondes, 
sous  les  grosses  pierres,  non  loin  des  lieux  arrosés  ;  s'il  est 
resté  prisonnier  dans  un  trou  d'eau,  il  se  tient  continuellement 
au  fond,  du  moins  dans  le  jour. 

A  Oran  il  est  difficile  de  se  procurer  des   discoglosses. 


146       ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'ORANIE 

Ce  n'est  qu'en  février-mars  qu'on  [)eut  arriver  à  découvrir 
quelques  individus  dans  les  bassins,  puits  et  citernes  d'Oran. 
On  peut  en  rencontrer  un  plus  grand  nombre  en  suivant  les 
ruissclets.  Le  discoglosse  se  laisse  prendre  facilement  à  la  main  ; 
mais  il  glisse  entre  les  doigts  comme  une  anguille. 

Ce  batracien  n'a  pasune  voix  puissante commeses  congénères. 
Il  ne  possède  que  des  rudiments  de  sacs  vocaux.  On  a  cru 
pendant  longtemps  qu'il  était  muet.  Il  pousse  de  légers  cris 
lorsqu'on  le  saisit.  M.  Héron-Iloyer  a  surpris  le  chant  du  mâle 
au  moment  des  amours  ; 

oc  Ce  chant,  que  l'on  peut  exprimer  ainsi  :  ra-a,  ra-a,  ra-a, 
par  une  note  haute  alternativement  suivie  d'une  note  un  peu 
plus  basse,  est  répété  sept  ou  huit  fois  assez  vite  sans 
interruption  ;  puis,  après  une  pause,  le  chant  recommence 
plus  ou  moins  élevé,  suivant  l'impression  du  moment. 

«  Ce  cliant  d'amour  n'est  point  bruyant,  cependant  dans  la 
nuit  on  peut  l'entendre  d'assez  loin  (1).  » 

Les  individus  des  deux  sexes  se  recherchent  dès  l'hiver  et 
l'accouplement  a  lieu  de  très  bonne  heure.  Les  mâles  vont 
à  l'eau  les  premiers.  On  en  trouve  souvent  plusieurs  réunis 
attendant  l'arrivée  d'une  femelle.  Dans  le  jour  ils  restent 
immergés.  S'il  y  a  des  herbes  aquatiques  ils  se  cachent  en 
dessous  ne  laissant  sortir  que  le  bout  de  leur  museau. 
Les  discoglosses  ne  se  plaisent  que  dans  les  eaux  claires. 
On  ne  les  trouve  dans  les  eaux  croupissantes  que  lorsqu'ils  y 
sont  retenus  prùsonniers. 

La  ponte  la  plus  précoce  que  j'ai  observée  a  eu  lieu  dans  la 
première  quinzaine  de  février  ;  la  plus  tardive  fin  juin.  La 
ponte  générale  se  fait  dans  la  première  quinzaine  de  mars. 
L'accouplement  a  lieu  la  nuit.  La  ponte  est  abondante  ;  elle 
est  de  plus  de  500  œufs  qui  tombent  isolément  au  fond  de  l'eau. 
Le  diamètre  de  chaque  œuf  est  de  près  de  2  mill.  ;  le  tiers 
inférieur  est  blanc,  le  reste  est  noir  à  sommet  aplati.  L'éclosion 
a  lieu  au  bout  de  trois  jours  (lier.  Hoycr)  et  l'embryon  se 
développe  très  vite. 


(1)  Héron-Royer  (loc  cit.) 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'oRANIE       147 

Certains  caractères  des  jeunes  têtards  sont  assez  saillants  : 
le  museau  est  d'abord  un  peu  allongé  ;  plus  tard  il  devient  large 
et  nettement  arrondi  ;  le  corps  est  oblong  ;  la  membrane 
supérieure  caudale  n'atteint  pas  le  milieu  du  dos  ;  l'anus 
s'ouvre  en  dessous. 

Les  têtards  du  discoglosse  sont  difficiles  à  distinguer  de  ceux 
du  Bufo  vh'idis  si  on  n'a  pas  ces  derniers  sous  la  main  : 
les  premiers  ont  le  tronc  oblong  de  couleur  assez  claire, 
tandis  que  les  seconds  ont  le  tronc  nettement  polygonal  de 
couleur  noire. 

La  durée  des  métamorphoses  est  de  deux  mois  environ. 

Suivant  la  richesse  alimentaire  des  eaux  les  têtards  sont 
plus  ou  moins  gros  ;  ils  peuvent  atteindre  au  moment  où  les 
pattes  postérieures  sortent  16  -j-  25  =  41  mill. 

Les  métamorphoses  terminées  l'animal  quitte  l'eau,  sinon 
il  se  noie.  Sa  taille  est  à  peu  près  de  10  millimètres  du  museau 
à  l'anus  ;  sa  longueur  totale  de  22.  Les  jeunes  discoglosses 
grossissent  assez  vite.  En  septembre  ils  atteignent  36  milli- 
mètres et  une  longueur  totale  de  91. 

Malgré  l'abondance  de  la  pont^,  peu  de  têtards  réussissent. 
D'abord  les  parents  les  dévorent  le  plus  souvent  ;  ensuite 
comme  les  pontes  ont  lieu  dans  des  bassins,  des  mares  ou  des 
flaques  où  l'eau  n'est  pas  à  l'état  permanent,  les  jeunes 
discoglosses  ne  trouvant  pas  l'humidité  qui  leur  est  nécessaire 
sont  desséchés  par  le  soleil. 

Dans  une  ponte,  lorsque  les  métamorphoses  sont  terminées, 
on  trouve  les  diverses  variations  de  coloration.  Les  individus  à 
bandes  dorsales  claires  sont  alors  très  nombreux.  Leur  nombre 
diminue  très  vite.  La  coloration  rouge  brique  est  bien 
plus  rare. 

Le  discoglosse  est  un  insectivore  dont  l'utilité  est  incon- 
testable. Sous  ce  rapport  c'est  le  plus  intéressant  de  nos 
batraciens.  Il  n'a  pas  l'aspect  repoussant  des  crapauds  et  il  a 
sur  la  grenouille  l'avantage  d'être  aussi  élégant  et  moins 
sauvage.  Il  a  encore  sur  sa  congénère  une  autre  qualité:  sa  vie 
est  moins  aquatique.  Le  discoglosse  devrait  devenir  un  véritable 


148        ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'oRANIE 

batracien  domestique.  En  France,  où  les  crapauds  disparais- 
sent, on  a  tenté  de  l'acclimater.  Les  essais  ont  réussi  (1). 

En  Algérie  il  devrait  être  multiplié  et  les  jardins  potagers 
devraient  en  être  abondamment  pourvus.  L'élevage  des  têtards 
est  aisé.  L'essentiel  est  de  les  mettre  à  l'abri  de  la  gloutonnerie 
des  adultes  ou  de  la  rapacité  des  oiseaux.  Pour  cela  il  suffit  de 
recouvrir  le  bassin  d'une  toile  métallique.  Les  galeries  humi- 
des ménagées  sous  les  bassins  réservoirs  seraient  les  meilleurs 
abris  pour  faciliter  la  conservation  des  adultes. 

Les  discoglosses  sont  une  proie  facile  pour  les  couleuvres 
vipérines.  N'ayant  pas  l'agilité  de  la  grenouille,  ils  nagent 
difficilement.  J'ai  pu  constater,  au  moment  des  amours,  que 
les  discoglosses  étaient  lestement  capturés  par  des  vipérines. 
On  en  trouve  souvent  avec  les  membres  amputés  par  la  dent 
des  couleuvres. 


(1)  On  attribue  la  disparition  des  crapauds  à  l'extension  qu'ont  prise  les 
voies  ferrées.  On  suppose  que  les  crapauds  arrêtés  par  les  rails  sont 
souvent  écrasés  par  les  trains.  Le  drainai^e  des  terres  en  desséchant  les 
lieux  marécageux  contribue  aussi  à  faire  disparaître  ces  précieux 
auxiliaires  du  cultivateur. 


Ordre  des  Urodèles 


Caractères  de  l'ordre.  —  Corps  le  plus  souvent  lacerii- 
forme,  pourvu  d'une  longue  queue  à  tous  les  âges.  Peau  non 
écailleuse,  nue  ou  verruqueuse.  Pas  de  plaques  sur  la  tête. 
Bouche  pourvue  de  dents  aux  deux  mâchoires  et  au  palais. 
Pas  de  tympan.  Quatre  membres  disposés  pour  la  marche, 
mais  à  doigts  et  orteils  élargis  pour  piermettre  la  natation. 
Des  branch  ies  très  visibles  pendant  la  durée  des  métamorphoses  ; 
généralement  des  poumons  à  l'âge  adulte.  Ovipares  ou 
vivipares.  Larves  pisciformes. 

Caractères  de  classification  des  Urod'elcs.  —  Les  caractères 
de  classification  des  urodèles  sont  tirés  :  1»  de  l'organisation 
de  l'appareil  respiratoire  à  l'âge  adulte  ;  2°  de  la  disposition 
des  dents  palatines  ;  3°  de  la  présence  ou  de  l'absence  d'amas 
de  glandes  représentant  les  parotides. 

Généralités.  —  Les  urodèles  adultes  ont  le  corps  lacerli- 
forme  ce  qui,  dans  l'eau,  leur  donne  l'aspect  de  lézards 
aquatiques.  Leur  bouche  est  grande  et  pourvue  de  dents  sur 
les  deux  mâchoires  et  au  palais.  Les  dents  palatines  sont 
disposées  sur  deux  rangées  parallèles  ou  obliques  entre  elles, 
droites  ou  courbes.  La  membrane  du  tympan  manque.  Les 
narines  sont  placées  au  bout  du  museau  et  non  en  dessus.  La 
langue  n'est  libre  que  sur  son  pourtour  postérieur.  L'organi- 
sation interne  ne  diffère  guère  de  celle  des  batraciens  adultes. 
Presque  tous  les  urodèles  respirent  par  des  poumons.  Tous  ont 
des  branchies  bien  développées  pendant  les  métamorphoses. 
Le  squelette  est  pourvu  de  côtes.  La  peau  est  nue  et  finement 
verruqueuse  ;  elle  secrète  une  viscosité  parfois  abondante. 
Elle  peut  porter  des  piquants  comme  chez  Molge  Valtlii. 
La  mue  est  très  fréquente  et  a  lieu  comme  cliez  les  batra- 
ciens. Les  urodèles  ne  chantent  pas  mais  font  entendre  de 
légers  cris.  Presque  tous  sont  soumis  à  des  métamorphoses 
complètes. 


150        ESSAI  SL'R  LA  FAUNE  ERPÈTOLOGlQUE  DK  l'oRANIE 

Sexes  et  reproduction.  —  Les  urodèlcs  s'accouplent  par 
rapprochement  des  organes  génitaux  comme  les  lézards;  mais 
l'organe  copulateur  du  mâle  est  de  forme  spéciale  et  peu 
apparent.  Il  a  la  forme  d'un  renflement  que  recouvrent  les 
lèvres  du  cloaque  relevées  en  mamelon  saillant.  Ce  mamelon 
dislingue  les  mâles. 

Les  femelles  pondent  en  général  des  œufs  fécondés  ;  mais  la 
salamandre  met  au  monde  des  petits  à  peu  près  parfaits 
pourvus  de  leurs  quatre  pattes. 

Les  larves  ont  la  forme  de  petits  poissons;  elles  respirent  par 
des  branchies  bien  développées  qui  les  font  aisément  recon- 
naître. Leurs  formes  se  dessinent  rapidement  et,  peu  de  jours 
après  leur  naissance,  les  jeunes  larves  ne  sont  qu'une 
réduction  de  l'animal  adulte.  Les  branchies  persistent 
assez  longtemps. 

Les  urodèles  algériens  sont  à  peu  près  inconnus  ;  mais 
comme  ils  sont  bien  voisins  de  ceux  d'Europe  on  peut  en 
conclure  qu'ils  n'en  diffèrent  pas  par  leur  organisation 
générale. 

Si  on  a  trouvé  les  adultes,  on  ne  connaît  guère  les  larves.  Jl 
serait  précieux  de  les  récolter  et  de  suivre  les  phases  de  leurs 
métamorphoses.  On  devra  les  rechercher  après  les  pluies 
d'automne  et  pendant  l'hiver  dans  les  puits,  les  citernes, 
les  trous  d'eau  des  carrières  abandonnées,  les  flaques  des 
ravins  frais,  etc. 

Reproduction  des  membres  amputés.  —  Les  urodèles  jouis- 
sent de  l'étonnante  faculté  de  voir  se  régénérer  les  membres 
coupés.  Un  œil  même,  enlevé  en  partie,  se  reconstitue. 
Pour  qu'une  patte  se  reforme,  il  faut  que  la  base  du  membre 
existe.  Ce  phénomène  est  certainement  l'un  des  plus  curieux 
de  la  vie  animale. 

Mœurs,  luihital.  —  Nos  urodèles  sont  terrestres.  Ils  ne 
vont  à  l'eau  qu'à  l'approche  de  la  période  des  amours.  En 
dehors  de  cette  période,  ils  sont  essentiellement  nocturnes  ; 
aussi  on  n'a  des  cliances  de  les  voir  que  pendant  la  saison  où  ils 
vivent  dans  l'eau.  Ou  devra  les  rechercher  dans  les  sources  et 
les  ruisseaux  des  forêts  de  chênes  ;  aussi,  dans  les  marécages 
d'eau  douce  que  forment  les  oueds  dans  les  plaines. 

{A  suivre).  F.  DOUMERGUE. 


E 

— '  ^-^ 

^ 

A  "^ 

•^ 

C3  -O» 

<ll 

© 

— ) 

=3  « 

0 

E 
.0 

es 

0 

"-' 

0 

s» 

bC' 

3 

c 

e 

<i: 

■-J 

03 

•3 

Im 
es 

t35 

11 

s 

> 

> 

0 

0 

si 

^ 

n 

M 

o^ 


o<i 


c 
s 


OH 


-4 


S   I 


(3      •» 
ce      M 


^   (f*  (M 


CHRONIQUE  GEOGRAPHIQUE 


EXJK.OFE 


Ii^  canal  de  Kiel  en  1899-1900.  —  Le  canal  de  Kiel,  joignant 
la  mer  Baltique  à  la  mer  du  Nord,  a  vu,  durant  l'exercice  1899- 
1900,  une  nouvelle  augmentation  du  nombre  et  du  tonnage 
des  bâtiments  qui  le  fréquentent.  Pendant  cette  période  les 
droits  de  passage  ont  été  acquittés  par  26.279  navires 
de  3.488.765  tonnes-registre  nettes,  soit  4v)3  navires  et 
370.927  tonnes  de  plus  que  l'exercice  précédent.  Sur  ce 
nombre,  15.793  navires,  jaugeant  3  137.505  tonnes,  ont 
traversé  le  canal  entier  ;  les  autres  ne  sont  évidemment  que 
de  toutes  petites  embarcations. 

En  ce  qui  concerne  la  proportion  des  divers  pavillons  dans 
le  tonnage  total,  l'Allemagne  figure  pour  65,1  p.  100  ; 
la  Grande-Bretagne  pour  10,3  p.  100;  le  Danemarck,  7,9  p.  100; 
la  Suède,  6,7  p.  100  ;  la  Russie,  3,1  p.  100  ;  la  Norvège,  2,9  p.  100  ; 
la  Hollande.  2,9  p.  100  ;  la  Belgique,  0,40  p.  100  ; 
la  France,  0,07.  p.  100. 

L'industrie  du  soufre.  —  Cette  question  de  géographie 
économique  intéresse  tout  particulièrement  notre  contrée, 
puisque  bientôt  va  s'élever  à  Oran  la  première  raftinerie 
algérienne  de  soufre. 

En  Sicile,  le  soufre  appartient  au  propriétaire  du  terrain. 
Aussi  existe-t-il  une  foule  de  petites  exploitations  ne  possédant 
pas  les  capitaux  nécessaires  pour  améliorer  le  procédé 
d'extraction.  Il  y  a  actuellement  500  mines  de  soufre  exploitées. 

La  production  est^  en  moyenne,  de  400.000  tonnes  par  an. 
De  1881  à  1885  il  a  été  extrait  800.000  tonnes,  et  de  1885  à  1892 
2.400.000  tonnes.  La  réserve  en  soufre  peut  être  évaluée 
à  65.000.000  de  tonnes. 

Les  minerais  sont  plus  ou  moins  riches  :  il  en  est  qui 
contiennent  jusqu'à  70  p.  100  de  soufre.  On  considère  comme 
très  riches  des  minerais  à  30  ou  40  p.  100,  comme  riches 
ceux  de  25  à  30  p.  100,  et  comme  moyens  ceux  de  20  à  25 
p.  100.  Les  premiers  donnent  de  20  à  25  p.  100  de  soufre 
commercial  ;  les  deuxièmes  15  à  20  p.  100  ;  et  les  moyens 
10  à  15  p.  100. 

Pour  extraire  le  soufre  on  n'emploie  plus  le  procédé  des 
calcaroni  que  dans  quelques  endroits  ;  le  procédé  à  la  vapeur 
d'eau  est  généralement   usité.    Pour   utiliser   les   minerais 

17 


i52  CHRONIQUE  GÉOGRAPHIQUE 

pauvres  en  soufre  et  les  déchets,   on   a   crue   des  fabriques 
d'acide  sulfurique. 

Les  autres  pays  producteurs  de  soufre  sont  :  la  Roumanie, 
où  Ton  procède  par  disUllaliun  el  non  par  fusion  ;  la  Grèce, 
dont  la  production  est  insignili;inle  ;  le  Mexique,  production 
peu  importante  ;  les  Klats-Unis,  pays  de  faible  pi'oduction 
également  ;  le  .l.ipon,  qui  possède  un  minerai  très  riche,  50  à  90 
p.  10^  de  soufre,  et  dont  la  production  a  été  de  20.000  tonnes 
en  1890. 

Un  canal  de  la  Baltique  à  la  mer  Blanche.  —  Le  gouver- 
nement russe  vient  de  décider  la  construction  d'un  grand 
canal  maritime  allant  de  la  mer  Baltique  à  la  mer  Blanche. 
Les  travaux  devront  être  terminés  avant  la  fin  de  1903. 

Ce  canal,  partant  du  golfe  de  Finlande,  empruntera  d'abord 
la  Neva,  puis  la  rivière  Svir,  entre  le  lac  Ladoga  et  le  lac  Onega. 
Il  ulilisera  ensuite  les  lacs  Seg-Ozero  et  Vig-Ozcro,  et 
débouchera  sur  la  mer  Blanche  au  port  de  SorozUaya  qui  est 
libre  de  glaces  en  toute  saison. 

Le  développeuient  du  canal  sera  d'une  longueur  de 
903  kilomètres. 

L'heure  de  Greenwich  en  Espagne.  —  Depuis  le  commen- 
cement de  ce  siècle,  c"esl-à-dii-c  depuis  le  31  décembre 
dernier  à  minuit,  le  méridien  de  Greenwich  est  devenu  ofliciel 
en  Espagne.  11  donnera  l'heuie  juste  dans  une  seule  ville 
notable,  le  petit  poste  de  Gastillon,  au-dessus  de  Valence,  sur 
la  côte  de  la  Méditerranée.  11  ne  se  rapprochera  de  l'heure 
vraie  que  pour  la  partie  tout  à  fait  orientale  du  royaume. 
Pour  toutes  les  autres  provinces  l'écart  sera  considérable. 
Amsi,  Séville  sera  en  ictai'd  de  24  minutes,  Valladolid 
de  20  minutes,  Gordoue  de  19  minutes,  etc..  . 

Explorations  souterraines  en  Catalogne.  —  Marchant  sur  les 
ti-aces  de  M.  Martel,  le  savant  spéléologue  français,  M.  l'abbé 
Font  y  Sagné,  de  Barcelone,  a  entrepris  en  Catalogne, 
depuis  1897,  des  recherches  souterraines  qui  ont  révélé 
l'existence,  dans  cette  province,  de  grands  abîmes  et  de 
rivières  intérieures  analogues  à  ceux  du  Karst,  des  Gausses, 
du  Jura,  etc.,  et  jusqu'ici  tout  à  lait  insoupçonnés.  M.  Font 
y  Sagné  a  exi)loré  notamment  Vaocuch  del  Bruch  (massif  du 
Garrat,  a  l'ouest  de  l'emboucluu-c  du  LIobrégat,  entre 
Barcelone  et  Villanueva  y  Geltru,  sur  le  littoral  même  de  la 
Méditerranée),  qui  descend  à  plus  de  100  mètres  sous  terre. 
L'avench  de  la  Ferla,  sondé  à  100  mètres  piès  d'Olseta  de 
Bonnesvalles,  n'est  pas  moms  beau  que  le  précédent. 
Ces  abîmes  alimentent  les  sources  de  la  Falconera 


CHRONIQUE   GÉOGRAPHIQUE  153 

Rectification  de  la  frontière  franco-suisse.  —  Il  a  été  procédé 
à  la  rectification  de  la  frontière  comprise  entre  le  mont  Dolent 
et  le  lac  Léman  par  une  convention  i-atifiée  le  20  juin  1900. 
Les  changements  apportés  à  la  frontière  primitive  existent 
sur  les  communes  de  Chàtel  (France)  et  de  Collombey-Muraz 
(Suisse)  où  l'on  a  échangé  trois  hectares  environ  pour 
attribuer  à  la  France  un  terrain  formant  saillie  sur  le  versant 
de  la  Savoie,  et  à  la  Suisse,  en  compensation,  une  surface 
équivalente  sur  les  sommets. 


^SIE 


Les  progrès  du  Japon. —  Voici,  d'après  Scienlific  American, 
quelques  chilî'res  qui  permettront  de  se  rendre  compte  des 
progrès  accomplis  par  le  Japon  depuis  .1890  : 

1890  1898 

Population 40 .  500 .  000  liabilaiils.       45 .  200 .  QOO  babilanls. 

Importations 227 .  000 .  000  de  fraucs.     414 .  000 .  000  de  francs. 

Exportations 178.000.000     —        692.000.000     — 

Total 405.000.000  de  francs.  1 .106 . 000 . 000  de  iraucs. 

Production  de  soie.  5.000  lonnes.  9.000  lounes. 

Production  de  thé.  26.274   —  34.328    — 

Dépenses  figurant  au  liugdel .     21 1 .  OC  0 .  000  de  francs.      625 .  000 .  000  de  francs. 

"Voyage  de  M.  de  Cholnocky  en  Chine  et  en  Mandchourie, 
1896-1898.  —  Partant  de  Changhaï,  M.  de  Cholnocky  a  visité 
le  Delta  du  Yang-tsé-kiang,  qui,  selon  la  tradition,  se  jette  par 
trois  bras  dans  la  mer.  Il  a  d'abord  recherché  la  ramification 
ancienne  du  fleuve,  à  l'ouest  du  lac  Taï-hou  ;  à  sa  place,  il 
trouve  des  plateaux  de  latérite  s'élevant  à  une  grande  hauteur 
au-dessus  du  fleuve.  Après  une  excursion  au  nord  de  Pékin, 
le  voyageur  revient  étudier  les  déplacements  du  Yang-tsé. 
Il  se  rend  par  eau  de  Woii  hoii  à  Ning-ko-où-foù,  afin  de 
rechercher  l'ancien  lit  du  fleuve  au  sud  des  collines  de  Nan- 
king  :  ce  ccurs  était  signalé  par  M.  de  lUchihofen,  d'après  les 
anciens  auteurs  chinois.  Mais  M.  de  Cholnocky  n'en  trouva 
point  trace  :  rien  n'indique  que  le  Fleuve-Blea  ou  l'un  de  ses 
bras  ait  coulé  dans  cette  région. 

Pendant  l'été  1897,  l'explorateur  traversa  la  Mandchourie, 
de  Vladivostok  à  Pékin,  par  Chirin,  Moukden,Chan-kai-kouan. 
Au  sud-est  de  Vladivoskbk  s'élèvent  des  montagnes  couvertes 


154  CHRONIQUE  GÉOGRAPHIQUE 

de  forêts.  Les  schistes  qui  constituent  le  relief  deTien-pao- 
tchang  renferment  des  gisements  d'or  et  d'argent  qui  sont  en 
exploitation.  Les  gites  métallilères  ont  été  étudiés  par  M.  de 
Cliolnocky  et  par  un  ingénieur  de  mines  français  pour  un 
syndicat  français. 

Le  thé  au  Tonkin.  —  Le  llic  se  trouve  au  Tonkin  dans  les 
collines  du  Dong  tsicn  et  dans  la  région  du  Loc-ham.  On  le 
rencontre  aussi  dans  la  province  de  Thai  Nguyèn.  D'après  le 
ra[)port  de  r.Vd'nini^tratiMU'-flésideiit  d;  lliing-hoa,  dans  le 
Huyen  de  Uau  khé  (sur  la  rive  droite  ù\\  Fleuve-Ilouge,  un 
peu  en  amont  de  llung-hoa),  les  plantations  de  thé  très  impor- 
tantes donnent  lieu  à  d'incessantes  transactions  avec  le  Delta, 
principalement  avec  Nam  dinh.  Dos  indigènes  viennent  de  ce 
ccnire  et  se  rendent  au  marché  de  Cat-tru,  acheter  les  feuilles 
et  lleurs  de  thé  que  les  hahitants  y  ai)portent  ;  il  est  vendu 
sur  ce  marché  A'\000  piastres  de  thé  par  année.  Cette  culture 
va  sans  cesse  se  développant  ;  toutes  les  montagnes  de  llung- 
gia,  au  sud  de  Cam-khc,  ont  été  dcfrichées  et  plantées  en  thé. 

Le  Dé  Kiea  a  été  l'instigateur  de  ce  mouvement,  et  c'est 
grâce  à  ses  encouragements  et  aussi  à  l'aide  pécuniaire  accordée 
aux  vill.igcs,  que  cette  culture  est  aujourd'hui  si  prospère. 
Les  mamelons  et  les  rr.onlagnes  de  la  province  de  Ilimg- 
hoa  se  prêtent  merveilleusement  à  ce  genre  de  plantation  ; 
l'indigène  y  trouve  avantage  et  semhie  vouloir  s'y  adonner  tout 
particulièrement.  Il  y  aura  là,  dans  un  avenir  prochain,  une 
ressource  précieuse  pour  la  province.  ijO'M  coolies  seraient, 
au  cours  de  l'année,  venues  du  Delta  aider  les  habitants  de 
cette  région  dans  leurs  travaux  de  défrichement.  Le  prix  de 
la  main-d'oîuvre  est  de  6  liens  (10  centimes  environ)  et  trois 
repas  par  jour.  Ces  coolies  ne  séjournent  pas  dans  les  villnges  ; 
il-j  moulent  du  Delta  lors(pie  les  ti'avaux  des  rizières  sont 
terminés  et  retournent  dans  leurs  communes  au  moment  de  la 
récolte.  L'Annamite  du  Delta  n'a  donc  pas  une  répugnance 
invincible  à  venir  travailler  dans  la  haute  région  ;  mais  il  se 
refuse,  seirdole  t  il,  aux  engagements  à  longs  termes. 

Cochinchine  et  Chinois.  —  L'aupmen talion  sans  cesse 
croissante  du  nond)re  des  Chinois  vn  Cochinchine  sendjie 
devoir  être  de  nature  à  nous  piéoccupci'.  D'après  le  dernier 
recensement  du  1""  janvier  iiKW,  notre  colonie  nuifcrmait 
95.0:J0  Chinois,  dont  0!).5(J0  hommes  de  19  à  55  ans.  Un  grand 
nombre  de  ces  Chinois  s'établissent  commerçants,  et  il  n'en 
manque  pas  parmi  eux  qui  disjiaraissent  à  la  veille  du 
paiement  de  leurs  échéances.  Ils  vont  ensuite  s'étab!ir  en 
Chine  avec  l'argent  de  leurs  victimes  et  en  ayant  soin  de 


CriRONIQUE   GÉOGRAPHIQUE  155 

changer  d'état-civil.  Dans  ces  conditions,  il  est  bien  difficile 
de  les  atteindre  ;  aussi  convient-il  de  rechercher  au  plus  tôt 
le  moyen  d'empêcher  le  départ  de  notre  colonie  de  ces 
commerçants  peu  scrupuleux. 

Mission  Bouin  en  Asie  Centrale.  --  M.  Ch.Bouin,  vice-résident 
de  France  m  Indo-Chine,  a  accompli  de  1898  à  "1900,  une 
mission  oflicielle  d'exploi'ation  en  Asie  Centrale,  grâce  à 
l'appui  de  ditYérenls  Ministères.  Dans  un  précédent  voyage, 
M.  Bouin  avait  traversé  l'empire  chinois  du  Sud  au  Nord,  du 
Tonkin  en  Sibérie  ;  son  projet,  celte  Ibis,  était  de  la  traverser 
de  l'Est  à  l'Ouest.  Les  récents  événements  d'Extrême-Orient 
l'ont  obligé  à  étendre  cet  itinéraire  et  lui  ont  permis  de 
retraverser  trois  fois  la  Chine  dans  toute  sa  largeur,  et  toute 
l'Asie,  de  la  mer  de  Chine  à  la  mer  Noire. 

Parti  de  France  en  janvier  1898,  il  passe  au  Tonkin  pour 
prendre  une  escorte  de  quinze  soldats  annamites  et  elTectucr 
son  départ  de  Changhaï  pour  remonter  le  fieuve  Bleu  en 
jonque,  pendant  deux  mois,  jusqu'au  point  terminus  de  la 
navigation.  Il  visite  ensuite  le  mont  Omei,  la  montagne  sainte 
où  l'on  voit  «  l'ombre  de  Dieu  »,  descend  par  le  Yun-nam 
jusqu'à  la  frontière  du  pays  des  sauvages  Lolos  ou  Man-Tsé, 
inexploré  jusqu'ici,  traverse  leurs  montagnes  pour  la  première 
fois  et  arrive  à  Ta-Tsien-lon,  capitale  du  royaume  thibétain 
de  Kiala. 

Après  avoir  opéré  la  descenle  de  Ta-Tsien-lon  vers  le  lleuve 
Bleu,  ù  travers  la  province  de  Sé-Tchouen,  M.  Bouin  arrive  à 
Pékin  au  printemps  de  1899. 

Bientôt  après,  il  retraverse  l'empire  pour  la  4*=  fois,  de  l'Est 
à  rOueet,  en  gagnant  le  fleuve  Jaune  et  la  terre  mongole  des 
Sept  Hordes  commandées  par  le27'' descendant  deGenghiskhan, 
le  roi  de  Dzoungar. 

Il  remonte  le  fleuve  en  jonque  pendant  quarante  jours, 
traverse  a  dos  de  chameau  les  sables  du  désert  d'Alashan  par 
des  cols  de  5.000  mètres  d'altitude  qui  forment  les  assises  du 
plateau  central  de  l'Asie. 

Il  visite  la  grande  Lamaserie  thibétainede  Konnboun,  séjour 
de  3.000  lamas  jaunes  ;  de  là  il  se  rend  au  grand  lac 
Koukounor,  et,  après  une  traversée  en  plein  hiver  par  une 
série  de  cols  atteignant  près  de  4.000  mètres,  il  se  dirige  vers 
la  frontière  russe. 

Au  retour,  M.  Bouin  visita  Tachkend,  Samarrande,  la 
Caspienne,  Bakou,  Tiflis,  l'Arméniejusqu'àl'Araratpar  Erivan. 

Il  arrive  par  Batoum  et  la  mer  Noire  à  Constantinople 
deux  ans  et  demi  après  son  départ  de  Paris. 


156  CHRONIQUE  GÉOGRAPHIQUE 

AFRIQXJE 

Le  café  au  Congo  français.  —  C'est  surtout  le  café  de  Libéria 
que  l'on  cullive  dans  notre  colonie.  La  culluie  du  café  de 
San  Thomé  {coffca  arabica)  est  à  peu  près  abandonnée. 
Le  café  de  Kouilou  (cnffca  canci:)horu)  et  celui  d  Oubanghi 
(coffea  chalotti)  poussent  à  Télat  sauvage  ;  ce  dernier  commence 
à  être  cultivé. 

Les  quantités  expédiées  du  Congo  français  pendant  ces 
dernières  années  sont  : 

1806 4.471  kilogr. 

1897 30.094     — 

1898 57.060     — 

1809 41.281      — 

En  janvier  1900,  30.473  kilogr.  valant  environ  33.500  francs, 
ont  été  exportés. 

On  expédie  le  café  en  sacs  de  50  à  70  kilogs.  Le  fret  pour 
le  café  décortiqué  est  de  06  francs  par  tonne  de  1,000  kilogs 
de  Libreville  au  Havre.  Les  emballages  sont  importés.  Les 
planteurs  exportent  eux-mêmes  sans  intermédiaires.  Le  prix 
de  détail  est  à  Libreville  de  2  fr.  50  le  kilog. 

Il  existe  actuellement  100  hectares  de  plantations  en  rapport  ; 
150  autres  hectares  ont  été  plantés,  mais  ne  commenceront  à 
produire  qu'en  1905. 

La  flotille  à  vapeur  du  Haut-Congo.  —  On  compte  actuelle- 
ment sur  le  Haut  Congo  103  vapeurs  en  circulation  ou  sur  les 
chantiers  de  remontage.  L'Etat  indépendant  possède  29  stea- 
mers, les  Sociétés  commerciales  belges  et  congolaises  18,  la 
ISieuice  afrikaansche  Handels-Venyiootschap  10,  la  Société 
allemande  du  Sud  Kamrun  2,  les  Compagnies  françaises  34, 
les  missions  catholiques  3,  les  missions  protestantes 2. 
Ces  103  vapeurs  se  répartissent  ainsi  par  pavillon  : 
Français  39,  congolais  31,  belges  17,  hollandais  10,  anglais  3, 
allemands  2,  américain  1. 

L'origine  de  l'or  à  Madagascar. —  Lor  est  extrait  en  presque 
totahté  des  alluvions  abandonnées  par  les  rivières,  et  les 
alluvions  aurifères  se  rencontrent  dans  les  régions  les  plus 
diverses,  en  rapport  avec  les  terrains  les  plus  variables.  En 
dehors  des  filons  de  quartz  souvent  aurifères,  les  découvertes 
de  gisements  d'or  natif  étaient  fort  rares.  M.  Lacroix  vient  de 
signaler  la  présence  de  l'or  dans  les  gneiss  de  Madagascar  et, 
notamment,  dans  ceux  du  Mandraly,  affluent  de  l'ikopa,  où  il 
se  rencontre  en  petites  masses  visibles  à  l'œil  nu  et  en  innom- 


CHRONIQUE  GÉOGRAPHIQUE  157 

brables  particules  disséminées,  microscopiques.  Étant  donné 
la  présence  de  l'or  dans  certaines  roches  granitiques,  dont  les 
liens  avec  le  gneiss  sont  si  nombreux,  M.  Lacroix  en  conclut 
que  l'or  est  un  élément  constituant  du  magma  granitique. 
En  conséquence,  le  métal  précieux  se  retrouvera  dans  les 
alluvions  produites  aux  dépens  des  massifs  granitiques. 
M.  Lacroix  signale  aussi  la  présence  de  l'or  dans  la  latérite, 
cette  terre  rouge,  si  développée  dans  les  régions  tropicales,  et 
qui  provient  de  la  désagrégation  sur  place  par  les  agents 
athmosphériques,  d(^s  roches  granitiques  et  gneissiques. 

La  vallée  du  Nil.  —  M.  Hugh  Beadnell  a  communiqué  au 
Congi'ès  géologique  international  de  Paris  les  résultats  do 
quatre  années  de  recherches  dans  la  vallée  du  Nil  et  le  désert 
de  Libye.  En  ce  qui  concerne  le  Nil,  ce  fleuve  coulerait  dans 
une  immense  vallée  a'eiïondrement,  caraclérisée  par  sa 
direction  linéaire,  ses  flancs  escarpés  ressemblant  à  des 
falaises,  l'absence  de  collines  ou  de  résidus  des  plateaux 
voisins  à  son  intérieur,  la  présence  de  failles  bien  constatées 
sur  une  grande  partie  de  sa  longueur,  l'absence  d'alluvions 
sur  ses  flancs. 


^  3V^  É  K,  I  Q  XJ  E 

La  découverte  de  l'Amérique  par  Ps  Chinois.  -  Nous 
pensions  que  l'Amérique  avait  été  découverte  en  1492  par 
Christophe  Colomb.  Or,  il  paraîtrait  que  onze  cents  ans  avant 
Lilluslre  génois,  les  Chinois  ont  mis,  les  premiers,  le  pied  sur 
cette  terre  ignorée. 

En  etïet,  on  a  trouvé  récemment  dans  l'Etat  de  la  Sonora, 
au  Mexique,  le  long  de  la  côte  du  Pacifique,  plusieurs  pagodes 
chinoises  à  moitié  enterrées  dans  le  sol.  Dans  l'une  d'eHes 
existe  une  inscription  dont  les  caractères  et  le  texte  indiquent 
qu'elle  a  été  érigée  vers  Tan  500  de  notre  ère.  D'autres 
inscriiilions  assignent  même  à  la  plus  grande  des  pagodes 
découvertes  une  date  sensiblement  antérieure. 

Ces  trouvailles  auraient  reçu  confirmation  de  deux  offi- 
ciers améiicains  qui,  à  la  suite  du  siège  de  Pékin,  auraient 
trouvé  dans  les  archives  de  la  cité  interdite  une  relation  des 
premiers  voyages  effectués  par  les  Chinois  au-delàdu  Pacifique, 
vers  le  nouveau  Continent,  il  y  a  plus  de  quinze  siècles. 

Une  mission  américaine,  des  États-Unis,  étudie  en  ce 
moment  ce  problème. 


158  CHRONIQUE    GÉOGRAPHIQUE 

ooiÊ  AisriE 

Constitution  de  la  République  australienne.  —  Le  l"^""  jan- 
vier l!)Oi,  un  nouvel  État  s'est  créé  :  la  République  australienne. 
Elle  aura  son  Parlement,  composé  d'un  Sénat  de  36  membres 
et  d'une  Chambre  des  représentants.  Elle  aura  son  gouverne- 
ment propre,  librement  choisi  dans  sa  majorité  parlementaire  ; 
elle  pourvoira  comme  elle  l'entendra  à  la  défense  de  son 
territoire  ;  elle  réglementera  ses  tarifs  douaniers,  etc. 
Sa  constitution  a  été  étroitement  calquée  sur  celle  des  Etats-Unis. 

Annexion  de  l'île  Rurutu  à  la  France.  —  Le  25  août  1900 
M.  Gallet,  gouverneur  des  Etablissements  français  de  TOcéanie, 
a  présidé  la  cérémonie  d'annexion  àla  France  de  l'île  Rurutu  (près 
de  l'ile  de  Tahiti,  océan  Pacilique),  en  présence  des  ofllcierset 
delà  compagnie  de  débarquement  de  l'aviso-transport  VAnhe. 
L'ile  était  déjà  sous  le  protectorat  de  la  France,  mais  alin  d'obtenir 
de  plus  grandes  facilités  au  point  de  vue  du  commerce  extérieur, 
le  roi  et  les  principaux  chefssoUicitèrent  eux-mêmes  l'annexion. 
Les  habitants  de  Rurutu  ont  eu  le  goût  des  affaires  commer- 
ciales et  de  la  navigation,  et,  grâce  à  leur  intelligence  pratique, 
ils  sont  arrivés  à  une  prospérité  absolument  inconnue  dans  les 
îles  voisines.  

FOLES 

Une  expédition  franco-belge  à  Kerguelen.  —  Au  commence- 
ment de  décembre  dernier,  M.  de  Gerlache,  ancien  chef  de 
l'expédition  de  laBelgica  au  Pôle-Sud,  est  parti  pour  Kerguelen 
afin  d'y  faire  une  tentative  de  colonisation  pour  le  compte  d'une 
Société  française.  La  mission  d'exploration  s'est  embarquée  sur 
le  yacht  à  vapeur  Selika;  un  voilier  français,  Fnnny,  estégale- 
ment  à  sa  disposition.  Ce  dernier  bâtiment  est  allé  prendre 
aux  îles  iMalouines,  dont  le  climat  présente  de  grandes  analo- 
gies avec  celui  de  Kerguelen,  1,500  moulons  dont  l'acclima- 
tation sera  tentée  dans  notre  possession  australe. 

Au  Pôle  en  hiver.  —  Le  gouvernement  norvégien  a  fait 
construire  un  navire  spécialement  destiné  aux  explorations 
océanogi'âphiques  et  zoologiques,  le  Michel  Sars. 

Afin  d'étudier  la  température  et  le  degré  de  salure  de 
l'océan,  par  conséquent  le  régime  des  courants  d'hiver,  le 
MicJiel  Sars  a  pris  la  mer  en  janvier  pour  la  côte  orientale 
d'Islande.  De  là  il  ira  à  Jan  Mayen  pour  rallier  ensuite  la  côte 
de  la  Norvège  septentrionale.  L'expédition  poussera  ensuite 
vers  le  Nord  jusqu'à  la  limite  de  la  banquise,  entre  la  Scan- 
dinavie et  le  Spilzberg.  Au  coiu-s  du  voyage,  on  étudiera  les 
nngrations  de  la  morue  qui,  en  hiver,  se  dirige  par  bancs 
considérables  sur  la  côte  de  Norvège. 

D--  J.  G. 


BIBLIOGRAPHIE 


NOTE   SUR    LA    CARTE    GEOLOGIQUE   DE   BENI   SAF, 

par  M.   Louis  Gentil. 


Le  Service  géologique  de  l'Algérie  vient  de  terminer  le  tirage  de 
la  carte  géologique  de  Béni  Saf,  dont  les  relevés  ont  été  faits  en 
1895-96  et  en  1808. 

Cette  carte  au  l/5i).00i>  est  accompagnée  —  comme  toutes  les 
caries  détaillées  du  Service  —  d'une  notice  qui  peut  intéresser,  par 
ses  côtés  géographique,  géologique,  industriel  et  agricole,  les 
nombreux  membres  de  la  Société  de  Géographie  d'Oran. 

Nous  nous  faisons  donc  un  devoir  de  soumettre  cette  notice 
aux  lecteurs  du  bulletin. 

Elle  comprend  plusieurs  chapitres  : 

Une  introduction,  un  aperçu  géographique  et  orogénique,  une 
description  des  terrains  sédimentaires,  des  terrains  éruptifs, 
enfin  quelques  mots  sur  les  gites  minéraux  (minerai  de  fer  et  sel 
gemme),  sur  le  régime  des  eavx,  la  végétation  et  les  cultures. 

1°    INTRODUCTION 

Cette  carte  géologique  représente  la  partie  du  bassin  de  la  Tafna 
comprise  entre  l'extrémité  occidentale  de  la  chaîne  du  Tessnla  et 
la  mer. 

Elle  a  été  relevée  sur  la  feuille  topographique  de  Béni  Saf  (208), 
de  laquelle  a  été  retranchée,  au  Nord,  une  bande  de  87  millimètres, 
et  qui  a  été  allongée,  au  Sud,  d'une  bande  d'égale  longueur 
empruntée  à  la  feuille  de  Pont  de  l'Isser  (239J. 

Ainsi  composée,  cette  cai-te  a  permis  de  figurer,  sur  une  même 
feuille,  la  géologie  de  la  presque  totalité  d'une  petite  région 
naturelle  :  la  Basse  Tafna. 

Cette  région  a  pour  limites  : 

Au  Nord,  la  mer  et  le  piton  du  Sidi  Kacem. 

Au  Sud,  la  partie  occidentale  de  la  chaîne  du  Tessala,  formée 
par  le  chaînon  crétacé-éocène  des  Sebaa  Chioukh,  dont  la  crête 
se  trouve  en  dehors  des  limites  de  cette  carte  et  atteint  des 
altitudes  de  600  mètres. 

A  l'Ouest,  les  contreforts  crétacés  du  massif  des  Traras  occupés 
par  la  tribu  des  Béni  Khelad. 


460  BlBLIOrRAPHIE 

Enfin,  la  «  Basse  Tafna  »  est  moins  bien  dôlimitcc  dans  l'Est,  et 
la  méridienne  la  plus  orientale  de  cette  carte  divise  en  doux  la  région 
volcanique  d'Aïn  Temouchent  .^ui  forme  la  séparation  entre  cette 
vallée  et  la  dépression  de  la  Sebkha  ou  grand  lac  salé  d'Oran. 

2°   APERÇU    GÉOGRAPHIQUE   ET    OROGÉNIQUE 

Au  point  de  vue  orographique,  on  peut  distinguer  principalement, 
dans  la  «  Basse  Tafna  »,  trois  sortes  de  reliefs  :  des  reliefs  anciens, 
des  plateaux  et  vallées  tertiaires,  des  reliefs  volcaniques. 

1°  Les  reliefs  anciens  sont  marqués  par  les  lambeaux  d'une 
chaîne  démantelée  dont  l'axe  est  formé  par  des  schistes  primaires  : 
la  chaîne  du  Skouna.  Des  calcaires  massifs,  jurassiques  et  des 
schistes  crétacés  prennent  également  part  à  ce  relief. 

La  chaîne  du  Skouna  longe  la  côte  depuis  la  rive  droite  de  la 
Tafna  jusques  et  au  delà  du  Djebel  Sidi  Kacem,  à  l'extrémité 
nord-est  du  bassin.  La  partie  la  plus  importante  est  formée  par 
le  petit  massif  du  Djebel  Skouna  (409)  mètres  qui  domine  la  côte 
au-dessus  de  Béni  Saf.  Cette  montagne  est  creusée  de  ravins 
profonds;  elle  montre  des  crêtes  calcaires  saillantes  et  rappelle 
identiquement  le  noyau  du  massif  des  Traras  situé  sur  la  bordure 
ouest  du  bassin  de  la  Tafna. 

La  petite  vallée  de  l'Oued  Ahmed,  qui  débouche  à  la  mer, 
entaille  profondément  la  chaîne  et  met  à  nu  son  ossature  ancienne 
dans  une  gorge  pittoresque  que  longe  la  route  d'Aïn  Temouchent 
à  Béni  Saf.  A  l'est  de  cette  vallée,  la  chaîne  du  Skouna  est 
représentée,  d'abord  par  le  petit  lambeau  méridional  d'Aïn  ol 
Merdja,  puis  par  l'afTleurement  continu  des  schistes  anciens  et  des 
calcaires  jurassiques  (jui  forment  la  falaise  depuis  Béni  Saf 
jusqu'aux  abords  do  Kamerata.  Cette  falaise,  taillée  à  pic,  atteint 
sa  plus  grande  hauteur  au  Djibel  Aouaria  (cap  Oulhassa,  273  mè- 
tres). Pour  suivre  les  derniers  ttMiioins  de  la  chaîne,  il  faut  sortir 
des  limites  de  cette  carte,  atteindre  les  Djebel  Sjdi  Kacem, 
Dj.  Touïla,  etc. 

2"  Les  plateaux  et  les  vallées  tertiaires  sont  principalement 
formés  par  les  sédiments  miocènes  auxciucls  on  peut  joindre  des 
argiles-*et  conglomérats  oligocènes  (?)  et  (jucliiues  landjeaux 
d'argiles  crétacées. 

Ce  relief  forme  la  plus  grande  partie  de  la  «  Basse  Tafna  »  et 
contraste,  par  son  modelé,  avec  les  crêtes  rigides  de  la  chaîne  du 
Skouna. 

L"s  vallées  argileuses  sont  sillonnées  par  la  Tafna  —  depuis  la 
coupure  de  la  chaîne  du  Tessala  (gorges  de  Taliouaret)  justiu'à  la 
mer  -  et  par  ses  allluents,  l'O.  l'jelloud,  sur  la  rive  gauche  ;  VO. 
Lemba  et  le  Feïd  el  Ateuch,  sur  la  rive  droite.  Ces  deux  dernières 
vallées  lorment  une  dépression,  comprise  entre  les  collines  des 


BIBLIOGRAPHIE  161 

Sebaa  Chioukh  et  la  chaîne  du  Skouna,  remarquables  par  les 
affleurements  de  gypses  triasiques  qui  s'y  rencontrent. 

Les  plateaux  calcaires  séten  !ent  entre  le  Dj.  Skouna  et  le  Dj. 
Sidi-Kacem.  Ce  sont  le  plateau  de  Sidi  Safi  et  le  plateau  des 
Oulad  ben  Adda.  Ils  sont  séparés  par  la  vallée  argilo  gréseuse, 
peu  profonde,  de  ÏO.  Sidi  Djelloul  qui  se  jette  à  la  mer  à  l'est  du 
cap  Oulhassa. 

3°  Les  reliefs  volcaniques  donnent,  à  la  «  Basse  Tafna  »,un  cachet 
particulier.  Ils  forment  une  partie  importante  de  cette  région  et 
comprennent  les  volcans  basaltiques  des  Oulhassa  et  les  volcans 
leucitiques  des  Oulad  Khalfa. 

Malgré  les  lavages  de  l'érosion,  ces  volcans  impriment  au  sol 
un  relief  caractéristique.  L'emplacement  des  cratères  est  généra- 
lement marqué  par  des  pitons  de  scories  et  plus  rarement  — 
comme  au  Djebel  Tzioua  —  par  une  cuvette  assez  profonde  ;  les 
coulées  forment  quelquefois  des  plateaux  {Plateau  du  Tadmaya, 
etc.),  et  il  n'est  pas  rare  de  rencontrer  de  belles  colonnades 
rappelant  les  plus  célèbres  «jeux  d'orgues  «  du  paysage  volcanique 
de  l'Auvergne. 

3°   DESCRIPTION  SOMMAIRE  DES  TERRAINS    SÉDIMENTAIRES 

A  Alluvions  actuelles.  Graviers,  limons  argileux  ou  sableux 
déposés  par  la  Tafna  au  moment  des  grandes  crues.  Les  surfaces 
ainsi  recouvertes  se  réduisent  en  approchant  de  l'embouchure  parce 
que  le  lit  du  fleuve  est  de  plus  en  plus  encaissé  ; 

A  Dunes  littorales  peu  étendues,  formées  au  débouché  des 
cours  d'eau  (Tafna,  O.  Sidi  Djelloull,  O.  el-IIallouf)  et  sur  certaines 
plages  (Béni  Saf)  ; 

q''  Dunes  anciennes  consolidées,  renfermant  une  faune  de 
mollusques  terrestres  et  échelonnées  le  long  de  la  cote  ;  notamment 
de  part  et  d'autre  de  l'embouchure  de  la  Tafna.  Elles  forment  là 
les  plateaux  sablonneux  d'El  Gueddim  et  de  Gadet  er  Ghezllan 
et  atteignent  des  altitudes  de  130  mètres.  Elles  se  rencontrent 
encore  dans  l'Ile  Rachgoun,  à  l'embouchure  des  O.  Sidi  Djelloul 
et  O.  el  Hallouf. 

a'''  Alluvions  récentes.  Dépots  alluvionnaires  du  fond  des 
vallées.  Ces  alluvions  sont  surtout  développées  dans  la  vallée  de 
l'O.  Tafna  où  elles  forment  une  plaine  de  3  kilomètres  de  largeur 
au  maximum  et  dans  laquelle  le  fleuve  a  creusé  son  lit.  Le  cours 
d'eau  s'est  tracé  un  chemin  tortueux  entie  des  berges  taillées  à 
pic.  On  peut  relever,  entre  la  PlAtrière  et  Rachgoun,  les  vestiges 
d'un  ancien  lit  de  ce  fleuve  (pii  est  encore  bien  marqué  à 
l'embouchure  par  le  marais  qui  longe  la  Tafna  sur  sa  rive  gauche. 
Ce  lit  ancien  était  beaucoup  moins  tortueux. 


462  BIBLIOGRAPHIE 

Les  O.  Sitli  Djelloul  et  cl  Ilallouf  ont  également  déposé,  à  leur 
embouchui'c,  des  alluvions  a-. 

q'  Alluvions  anciennes  des  vallées  actuelles.  Peu  développées, 
forment  des  terrasses  élevées  en  deux  points  de  la  plaine  do 
la  Tafna. 

p'  Sables  rouges,  quelquefois  argileux,  dunes  ou  alluvions 
anciennes  avec  faune  de  mollusques  terrestres,  le  plus  souvent  à 
l'état  de  moules  indéterminables. 

Ces  sables  forment  une  bande  discontinue  le  long  de  la  falaise, 
aune  altitude  d'une  centaine  de  mètres;  ils  paraissent  se  rapporter 
au  Pliocène  récent. 

iiic  Calcaire  blanc,  crayeux,  à  XuUipores  et  Bryozoaires  avec 
Polypiers  et  Pèlécypodes  :  Pecten  sarmentlrius  Goldf.,  P.Besseri 
Andr.,  P.  Diinkcri  May.,  P.  Piiymoriae  May.,  P.  scabriuseulus 
Math,  var.,  gibbulosa  Sacco.,  P.praejacoheus  Br.,  P.  siibbenedictus 
Font.,  P.  pesfelisL\n.  vai'.,  Arca  turonica  Du}..  Lutraria  oblonga 
Chenm.,  Panopea  Menardi  Desh.,  Ostrea  lamellosa  Broce.,  etc. 

Ce  calcaire  forme  une  assise  d'une  r'paisseur  dépassant  souvent 
50  mètres.  Il  forme  principalement  les  plateaux  de  Sidi  Safi  et 
des  Oulad  ben  Adda.  Quelques  lambeaux  démantelés  se  montrent 
encore  sur  la  colline  des  Sebaa  Chioukh  et  dans  la  vallée  de  l'O. 
Djelloul  (r.  g.  Tafna).  Ils  représentent  le  Miocène  supérieur  et 
font  partie  du  Sahélien  de  M.  Pomel. 

ni^  Marnes  argileuses  et  grès  argilo-sableux  représentant  le 
Miocène  moyen  (2'  étage  méditerranéen). 

La  partie  inférieure  de  cet  étage  est  formée  de  marnes  très 
argileuses,  jaunâtres  (in^ },  intercalées  de  lits  de  grès  argilo- 
sableux.  Le  fossile  le  plus  abondant  de  ce  niveau  est  VOstrca 
crassissima  Lmk.,  avec  ses  nombreuses  variétés,  qui  abonde 
en  certains  points.  Ces  marnes  forment  le  fond  des  vallées  et 
recouvrent  de  larges  étendufs  dans  la  partie  méridionale  de  la 
feuille.  Elles  représentent  l'IIelvétien,  caractérisé  par  sa  faune 
typique  en  dehors  de  cette  région. 

Auprès  de  la  Plàtiière  se  montre  un  passage  latéral  de  celte 
assise  Constitué  par  un  calcaire  ù  Bryozoaires,  Lithothamnium, 
Polypiers.  Clypéaslres,  avec  Pecten  subf:triatus  Roc,  P.  Fuchsi 
Font.,  Ostrea  Darroisi  Kil.,  etc. 

La  partie  supérieure  de  l'étage  est  gréseuse.  Elle  forme  les 
folaises  tout  le  long  de  la  côte. 

A  Béni  Saf,  cette  assise  débute  par  un  grès  grossier,  de  laquelle 
a  été  extraite  toute  une   faune  de  Clypéastres  (Clypeaster  doma 

Pom.,  Cl.  altus  Pom.,  elc )  ;   associée  h  des  Pecten  du  groupe 

de  Pecten  Gentoni  Font.  Pecten  vintilabruni  Dollf.  olP.  Dessert 
And.,  avec  Hétérostégines,  etc. 


6IBLI0GRAPHIÊ  163 

Au-dessus,  l'assise  se  continue  par  des  grès  sableux  dans 
lesquels  on  rencontre  :  Ostrea  digitalina  Dub.,  Pecten  costisul- 
satiis  Alm.,  P.  fîexuosus  Poli,  Pyrula  cornuta  Ag.,  Cytherea 
Pedcmontana  Ag.,  Cardium  cf  (uronicum  May,,  Turritella 
rermictilaris  Broc,  etc. 

Celte  assise  parait  représenter  le  Tortonien. 

Enfin,  dans  la  Messat-Zouanif,  on  observe,  sous  le  marabout  de 
Sidi  Samegram,  un  équivalent  gréso-calcaire  où  se  trouvent 
associés,  au  Cerithium  pietum,  des  formes  franchement  marines  : 
Peeten  Gentoni  Font.,  Lucina  columhella  Lmk  Polypiers.  Echi- 
nides,  etc.  C'est  un  dépôt  d'estuaire  qui  représente  le  plissage  du 
faciès  marin  au  faciès  sarmatique.  Ce  dépôt  n'a  pas  été  marqué 
sur  la  carte  à  cause  de  rexiguïté  de  son  étendue. 

nii  Poudingues,  grès  sableux  et  argiles  rouges,  sans  fossiles, 
paraissant  représenter  les  dépôts  rouges  oligocènes  de  la  région 
de  Médéa,  de  la  Kabylie  (Alger). 

e-  Grés  quartzeux  d'Aïn-Kibal,  en  bancs  épais  intercalés  de 
marnes  argileuses  présentant  le  faciès  des  assises  de  rEocène 
supérieur  du  Djuijura. 

fc"  Grés  silicieux  alternant  avec  des  marnes  verdàtres  et  formant 
la  crête  et  le  flanc  méridional  de  la  colline  des  Sebaa  Chioukh.  Un 
autre  lambeau  important  de  ces  grès  affleure  sur  la  rive  gauche  de 
la  Tafna,  au  Rok'^a  Sirane. 

e"'  Argiles  avec  intercalations  de  petits  bancs'de  calcaire  renfer- 
mant des  silex  noirs  et  de  petites  Nummulites.  Affleurent  au 
Rokbet  el  Hiara. 

c* ''  Marnes  schisteuses  avec  gros  rognons  de  calcaire  jaunâtre 
et  intercalations  de  lits  calcaires,  marneux,  sans  fossiles,  repré- 
sentant le  faciès  du  Sénonien  du  Tell  algérien. 

c''"''  Marno-calcaires  à  strates  bien  marquées  avec  fossiles  rares  : 
Schloenbachia,  Dt-lemnitcs  ;  se  rapporlant  au  Cénomanien. 

V  Calcaires  en  banrs  avec  des  lits  un  peu  marneux,  représen- 
tant les  calcaires  en  dalles  du  massif  des  T raras,  caractérisés  par 
une  riche  faun  ^  toarcienne  (Hildoecras  bifrons  Brug  ;  //.  Levi- 
sioni  Simps.,  Harpoceras,  Lillia,  Cœloeeras,  Phylîoceras,  etc.) 

F"^  Calcaire  massif  un  pou  magnésien,  sans  fossiles,  également 
développé  dans  les  Traras  et  marquant  ici  la  chaîne  du  Skouna. 

t  Trias  composé  des  marnes  bariolées,  de  gypse  (gy  )  salifères  et, 
plus  rarement  de  calcaire  magnésien,  en  bancs  fossiles,  à  faciès 
do  muschelkalk  (le).  Ce  Trias  gypseux,  analogue  à  celui  de  S'.uk- 
Ahras  et  du  Dj .  Chettaba  (Constanline)  et  de  tout  le  bassin 
méditerranéen,   affleure   en   divers  points,  notamment   dans   la 


164  BIBLIOGRAPHIE 

dépression  du  Feîd  el  Ateuch  :  au  Kef  cl  Goléa  il  est  directement 
recouvert  par  le  Lias. 

p  Poudingue  très  dur  à  galots  de  quartz,  do  quartzites,  etc.,  avec 
ciment  siliceux  représentant  le  Poudingue  des  Béni  Menir  d'âge 
primaire  (Permien  f).  Il  alîleure  en  un  seul  point,  au  nord-ouest 
du  Kef  cl  Qoléa,  où  il  est  recouvert  par  le  Trias. 

s  Schistes  argileux,  satinés,  intercalés  de  grés  quartziteux  blancs, 
rosés  ou  brun  et  formant  le  noyau  de  la  chaîne  du  Skouna.  C'est 
l'équivalent  des  schistes  des  Traras.  Ils  n'ont  pas  encore  présenté 
de  fossiles.  Ils  sont  recouverts  par  le  Trias  ou  le  Lias. 

4°    TERRAINS    ERUPTIFS 

ïu  Volcans  leucitiques  des  Oulad  Khalfa.  Des  laves  fL)  formées 
de  leucotéphrites  et  de  leucitites  s'étendent  sur  la  partie  occidentale 
de  cette  carte  et  sur  la  feuille  adjacente  d'Aïn  Témouchent.  Elles 
sont  accompagnées  de  tufs  (  Lt  )  et  de  scories  (l.s  )•  Toutes  ces 
déjections  volcaniques  sont  sorties  par  des  cratères  actuellement 
démantelés  représentés  par  des  dômes  de  scories  et  rarement, 
comme  à  Djebel  Tzioua,  aux  Trois  Marabouts,  par  une  cavité.  On 
distingue  amsi  les  volcans  de  Guiard,  du  Djebel  Dokma,  du  Djebel 
Hafsa,  du  Mekla  et  du  Gueriane.  L'âge  de  ces  volcans  n'est 
pas  bien  précisé.  Une  faune  de  moUusiues  terrestres,  recueillie 
dans  les  tufs  du  volcan  des  Trois  Marabouts,  se  rapproche  beau- 
coup de  la  faune  actuelle.  Ces  volcans  sont  d  âge  très  récent, 
au  plus  pliocène  supérieur. 

P'  Volcans  basaltiques  de  la  «  Basse  Tafna  ».  Différents  des 
volcans  des  Oulad  Khalfa  par  la  nature  basaltique  de  leurs  déjec- 
tions. Les  traces  de  bouches  de  sortie  sont  nombreuses.  On  dis- 
tingue les  volcans  de  Bon  Keltsoum,  du  Koudiat  Ycoud,  de  Sidi 
Aïssa,  du  Djebel  Amara,  de  Fardjoun,  du  Glib  sur  la  rive  gauche  de 
la  Tafna  ;  de  Rachgoun,  du  Rokbct  el  Ilaci,  du  Djebel  Skouna, 
de  Bou  Ilamedi,  de  Bou  Diar,  du  Nedjaria,  de  l'Haouaria,  sur  la  rive 
droite  ;  l'ile  Rachgoun  est  également  formée  des  vestiges 
d'un  cratère  basaltique. 

L'àge-'de  ces  volcans  ne  peut  différer  beaucoup  de  celui  des 
volcans  leucitiques.  Ils  paraissent  un  peu  plus  anciens  que  ces 
derniers  à  cause  de  leur  état  d'érosion  plus  avancé.  En  plusieurs 
points  de  la  falaise  marine  les  coulées  sont  intercalées  entre 
les  sables  à  hélices  p'  et  les  dunes  anciennes  q"*. 

[ïin^  Coulées  basaltiques  intercalées  dans  les  sédiments  gréso- 
sableux  de  la  partie  supérieure  du  Miocène  moyen.  Elle  se 
montrent  dans  1î  Mersat  Zouanif  et  le  long  de  la  falaise  à  l'ouest 
de  l'embouchure  de  la  Tafna.  ç 


BIBLIOGRAPHIE  iOS 

w  Filons  et  dykes  d'ophite  généralement  altérée,  ouralilisée  en 
perçant  à  travers  les  schistes  s  ou  le  Trias  gypseux  t. 

5°   GÎTES   DE   FEU 

Au  point  de  vue  industriel,  la  «  Basse  Tafna  »  est  remanjuable 
parles  gites  de  Ter  qu'elle  renferme.  Le  minerai,  constitué  par  de 
V hématite  rouge  manganèses,  est  très  riche  ;  il  forme  le  remplissage 
de  poches  situées  au  contact  des  schistes  s  et  des  calcaires  F"^; 
il  a  été  remanié  dans  les  conglomérats  nij 

Des  recherches  ont  été  faites  en  beaucoup  de  points.  Plusieurs 
gites  ont  été  l'objet  d"exploitations  :  dans  l'Haouaria  (mine  de 
Kamerata),  à  Charaïf,  ù  Tinikrent,  à  Sidi  Safi,  etc.  Actuellement, 
le  principal  gite  exploité  par  la  Compagnie  de  Mokta-el-Hadid  (qui 
possède  toute  la  région  ferrifère)  est  celui  de  Ghar-Baroud,  qui 
fournit  annuellement  jusqu'à  300,000  tonnes  de  minerai  transporté 
par  voies  terrées  jusqu'au  petit  port  de  Béni  Saf,  construit  à  cet 
eiîet  ;  un  tunnel  de  plusieurs  kilomètres  est  en  construction,  qui 
doit  relier  entre  eux  les  gîtes  de  Dar  Rih,  do  Tinikrent  et  de 
l'Haouaria. 

C°    SEL   GEMME 

Un  gite  de  sel  gemme,  très  imparfaitement  exploité  par  les 
indigènes,  se  trouve  dans  le  Trias  de  l'O.  Malah,  dans  les  Oulad 
Khalfa,  à  A  kilomètres  à  l'Ouest  d'Aïn  Kihal. 

7°   RÉGIME  DES  EAUX 

Il  existe  dans  la  «  Basse  Tafna  »  deux  niveaux  d'eau  remar- 
quables. L'un  d'eux  se  trouve  au  contact  des  calcaires  poreux  m* 
et  des  argiles  iii'^  qui  forment,  généralement,  leur  substratum. 
C'est  ainsi  que  des  sources  assez  nombreuses,  mais  peu  abon- 
dantes à  cause  de  l'exiguïté  des  surfaces  d'absorption,  sont 
échelonnées  sur  la  crête  de  Sebaa  Chioukh  (Ain  Kebira.  A.  Fen- 
dacia,  A.  Saf  Saf,  etc.)  ;  d'autres  se  montrent  sur  le  pouitour  du 
plateau  calcaire  de  Sidi  Sati  (Ain  Djoudj,  A.  Sidi  Messaoud, 
Ain  el  Arba,  etc.) 

Un  autre   niveau   d'eau   se  trouve  au   contact   des    manteaux 
volcaniques  [i'^  et  L  chaque  fois  que  leur  substratum  est  argileux. 
Ainsi  s'expliquent  les  sources  d'Ain  Kraled,  A.    Metbarka,  etc. 
dans    b'S    Oulhassa,     d'Aïn  Zitoun,    A.  Tolba,     etc.,     dans    les 
Oulad  Khalfa. 

Des  sources  salues  se  montrent  au  contact  des  affleurements 
triasiques.  La  présence  de  ces  affleurements  entraîne,  en  outre,  la 
salure  des  oueds  qui  les  traverse.  C'est  ainsi  que  les  0.  Malah, 
O.  Lemba,  Feïd  el  Ateuch  roulent  des  eaux  saumàtres  et  ont  fait 
donner  à  cette  région,  par  les  indigènes,  le  nom  de  «  pays  de  la  soif.  » 


166  BIBLIOGRAPHIE 

8'    VÉGÉTATIONS   ET    CULTURES 

Les  zones  de  végétation  de  culture  de  la  «  Basse  Tafna  »  sont 
en  rapport  étroit  avec  la  nature  des  reliefs. 

La  chaîne  du  Skouna  est  aride  :  schistes  s  montrent  une 
végétation  rare  de  cistes,  palmiers  nains,  etc.,  les  calcaires  t  sont 
dénudés.  Cette  chahie  est  presque  impropre  à  toute  culture. 

Les  plateaux  tertiaires  donnent  à  leur  surface,  par  décalcification, 
une  terre  rougeàtrc  assez  fertile  dans  laquelle  poussent  le  romarin, 
la  lentisque,  etc.  La  vigne  y  réussit  très  bien. 

Los  vallées  argileuses  ont  un  sol  presque  totalement  dépourvu 
de  végétation  spontanée  mais  éminemment  propre  à  la  culture  des 
céréales.  La  dépression  du  Féïd  el  Ateuch  et  de  l'O.  Lemba  offre, 
à  ce  point  de  vue,  beaucoup  d'avenir. 

Enfin  les  reliefs  volcaniques  forment  un  sol  excellent  par  sa 
richesse  alcaline.  La  partie  superficielle  décomposée  des  coulées 
de  laves,  et  surtout  les  scoi'ies  et  les  tufs,  fournissent  une  très  bonne 
terre  où  peuvent  se  créer  de  riches  vignobles,  des  vergers,  etc. 
Les  parties  de  ce  sol  qui  sont  pourvues  d'eau  sont  remarquables 
de  fertilité  et  rappellent,  par  suite  de  l'équivalence  du  climat,  la 
riche  Campagne  napolitaine,  si  appréciée  des  agriculteurs  italiens. 


EXCURSION  AU  SOUS,  avec  quelques  considérations  préliminaires  sur  h 
Question  marocaine,  par  le  Comte  R.  de  Bordon  de  Segonzac. 

Préface  de  M.  A.  Mouuéras,  chargé  d'une  mission  scientifique  au  Maroc  par  le 
Ministre  de  l'Instruction  publique. 

Ouvrage  orni  de  lo  photogravures  et  de  2.}  dessins,  d'après  le  croquis  de  l'auteur. 
(Paris,  A.  Challamel,  éditeur,  ic^oi.) 


Ce  document  dont  la  Bibliographie  marocaine  vient  de  s'enrichir 
a,  dans  les  circonstances  actuelles,  une  importance  incontestable; 
il  complète  nos  renseignements  sur  une  des  régions  très  peu 
connues  encore  et  difficilement  abordables,  au  Sud-Ouest  de 
l'Empire  des  Chérifs. 

Sous  !e  titre  qui  précode,  M.  de  Segonzac,  lieutenant  démis- 
sionnaire du  2'  régiment  de  Chasseurs  à  cheval,  membre  de  la 
Société  de  Géographie  d'Oran  et  actuellement  en  exploration  dans 
les  régions  inconnues  des  Braber,  vient  de  publier  ses  notes  de 
voyage,  nous  faisant  ainsi  bénéficier  de  ses  investigations  et  de 
ses  observations  scientifiqu(^s  et  politi(iues  et  cela,  sur  les  vives 
instances  de  notre  savant  arabisant  M.  Mouliéras,  comme  celui-ci 
l'explique  dans  une  courte  préface  des  plus  patriotiques  et  des 
plus  élogieuses  pour  notre  collègue. 

L'Atlas  forme  au  Sud  du  Maroc  une  barrière  au-delà  de  laquelle 
les  étrangers  ne  pénètrent  pas.  On  en  concluait  que  le  Sud 
Marocain  est  un  pays  stérile,  peuplé  d'habitants  féroces. 


I 


BIBLIOGRAPHIE  167 

Le  voyage  que  M.  de  Scgonzac  fit  seul,  sans  armes  et  sans 
oscorte,  avec  un  muletier  algérien,  dans  le  pays  de  Sous  et  le 
Tazeroualt  donne  un  démenti  à  cette  double  légende.  Mais  il  faut 
dire  que  notre  intrépide  explorateur  avait  revêtu  le  costume  arabe 
et  se  faisait  passer  pour  marchand  tripolitain  sous  le  nom  de 
Ahmed  bon  Mejaad. 

Le  Sous  n'avait  été  jusqu'à  ce  jour,  croyons-nous,  que  visité 
partiellement  par  Joachim  Gattel  en  1869,  Lenz  en  1880,  de 
Foucault  en  1884  et  de  la  Martinière  en  1891. 

Rappelons  d'abord  que  le  Sous  est  la  vallée  de  l'oued  de  ce 
nom,  délimitée  par  le  grand  Atlas  au  Nord  et  par  le  petit  Atlas  au 
Sud.  Les  deux  chaînes  forment  un  angle  dont  le  sommet  est  au 
Djebel  Siroua. 

La  vallée  de  l'oued  Sous,  large  d'une  cinquantaine  de  kilomètres, 
est  fertile,  boisée  et  peuplée.  Des  dernières  pentes  de  l'Atlas,  elle 
a  l'aspect  d'une  foret  d'où  émergerait  une  quantité  innombrable 
de  maisons,  de  villages  et  de  villes... 

C'est  dans  le  couraiit  de  novembre  1899  que  M.  de  Segonzac 
entreprit  son  voyage.  De  Casablanca,  où  il  était  venu  de  Tanger 
par  mer,  il  gagna  en  cinq  étapes  Merrakech  (Maroc)  où  il  séjourna 
huit  jours  avant  de  se  diriger  vers  le  Sud. 

Parti  de  Merrakech  le  31  octobre,  il  atteignit  le  12  novembre 
Taroudant,  la  capitale  du  Sous,  et  le  19,  Tiznit,  la  2°  ville 
importante  de  la  province.  De  Tiznit  il  remonta  au  Nord  pour 
atteindre  le  23  novembre  Agadir  le  port  du  Sous  et  huit  jours  après 
Mogador,  terme  de  son  voyage  (Total  24  étapes  de  Merrakech 
à  Mogador). 

Chacune  des  étapes  parcourues  par  M.  de  Segonzac,  de 
Merrakech  à  Agadir,  est  décrite  avec  une  simplicité  attrayante, 
sans  détails  inutiles  sur  les  incidents  personnels  du  voyage. 
L'explorateur  a  porté  de  préférence  son  attention  sur  tout  ce  qui 
pouvait  intéresser  la  géographie,  l'ethnographie  et  la  sociologie  ; 
aussi  ses  notes  sont-elles  émaillées  d'observations  des  plus 
judicieuses  formant  autant  d'instantanés,  reproduction  fidèle  des 
sentiments,  tendances,  aspirations,  de  l'état  d'àme,  en  un  mot, 
des  hauts  fonctionnaires,  caïds  ou  cheicks  qui  l'ont  reçu  aussi 
bien  que  de  leurs  vassaux,  guides,  muletiers  et  autres  avec 
lesquels  il  s'est  trouvé  en  contact. 

UExcursion  aie  Sous  constitue  ainsi  un  récit  d'un  cachet 
d'originalité  des  plus  séduisants  et  une  contribution  du  plus  haut 
intérêt  à  la  géographie  du  Maroc. 

Vingt-quatre  croquis  d'itinéraire  ou  des  plans  de  villes,  très 
clairs  et  très  nets  qui  dénotent  un  topographe  habile,  dix 
photogravures  et  des  tableaux  d'observations  météorologiques  jour- 
nalières, complètent  heureusement  la  brochure  de  'SI.  de  Segonzac 
<lont  nous  croyons  intéressant  de  reproduire  ici  le  récit  de  son 


18 


168  BIBLIOGRAPHIE 

séjour  à  Taroutlanl  et  de  sa  visite  au  Gouverneur  Ha  IlanioUy 
l'un  des  trois  grands  chefs  du  Sous  : 

«  La  richesse  de  Taroudant,  la  beauté  de  ses  jardins,  ses 
«  orangers,  ses  citronniei-s,  ses  oliviers,  sont  renommés  dans 
«  toute  l'Afrique  du  Nord. 

«  Nous  y  pénétrons  par  la  porte  des  Aïl-bou-Nouna,  la  plus 
«  septentrionale  de  ses  cinq  portes  ;  tout  à  côté  s'élève  la  kouba 
6  de  Sidi-Moljammed  ben  Abd-Allah,  qui  disparait  presque 
c  entièrement  dans  la  verdure. 

«  Nous  traversons  paisiblement  la  ville  dans  toute  sa  longueur; 
«  on  nous  regarde  à  peine  et  nous  entrons  dans  la  cour 
0  de  la  Kasba,  citadelle  où  demeure  le  bâcha.  Je  lui  fais 
«  porter  par  un  de  ses  soldats  la  lettie  du  Sultan  en  demandant 
t  une  audience,  et  nous  nous  accroupissons  à  la  porte  au  milieu 
«  des  moghzani  et  des  quémandeurs.  Quebiues  minutes  après  le 
«  soldat  revint  accompagné  d'une  soi-te  d'intendant.  Il  nous 
«  apporte  les  compliments  du  bâcha,  nous  annonce  que  nous 
«  serons  reçus  le  lendemain  et  qu'une  maison  et  des  honneurs  de 
«  garde  sont  mis  à  notre  disposition  » 

Le  lendemain  à  9  heures,  notre  voyageur  est  conduit  à  la  Kasba. 

«  La  porte  de  la  Kasba  est  percée  au  fond  d'un  enfoncement 
€  de  rempart  de  façon  que  l'assaillant  n'y  puisse  accéder  qu'on 
«  défdant  sous  les  feux  croisés  à  bout  portant  des  défenseurs. 
«  La  porte  débouche  sur  une  pctle  place  assez  pittoresque  ; 
«  l'entrée  de  la  Kasba  est  à  droite.  On  pénètre  d'abord  dans  une 
«  grande  cour  où  des  soldats  oisifs  se  chauffent  au  soleil.  Le  long 
«  d'un  mur,  à  gauche  en  entrant,  trois  petits  mortiers  et  deux  vieux 
«  canons  à  roues  de  bois  braquent  vers  le  ciel  leurs  gueules 
«  rouillées. 

«  Un  grand  vieillard  en  caftan  vert  olive,  nous  introduit  auprès 
«  du  batha. 

«  Le  prétoire  est  un  hangar  ouvert  sur  la  cour  et  porté  par 
a  deux  colonnes. 

«  Le  hacha  est  accroupi  contre  le  mur  du  fond  ;  c'est  un  petit 
«  vieillard  très  noir  avec,  tout  au  bas  du  menton,  une  petite  barbe 
«  blanche  crépue.  Il  a  l'air  malin  et  bienveillant  ;  il  parle  tout  bas, 
«  en  bredouillant  un  jk'u,  comme  si  ses  grosses  lèvres  étaient 
€  lourdes  à  remuer. 

«  La  conversation  s'engage  avec  la  courtoisie  complimenteuse 
«  en  usage  dans  tout  l'Orient.  Le  bâcha  me  regarde  de  coté  avec 
«  un  petit  sourire  d'incrédulité,  quand  je  lui  conte  que  nous 
«  nous  sommes  perdus  dans  la  montagne  et  que,  voulant  aller  à 
«  Mogador,  nous  arrivons  à  Taroudant...  Je  n'insiste  pas  et  je 
«  me  n'qjands  en  éloges  sur  la  pros|)érité  du  pays,  sur  sa  sécurité 
«  surtout,  car  enfin,  dans  ce  terrible  pays  du  Sous,  nous  avons 
«  circulé  sans  escorte,  sans  armes,  trouvant  partout  bon  accueil 
«  et  hospitaliti;.  J'ai  touché  une  corde  sensible.  A  voix  très  basse, 
a  le  vieux  hacha  nous  conte  l'insécurité  passée,  la  ville  assiégée 
«  par  les  montagnards,  allamée,  ranronnéo.  Depuis  cinq  années 
«  qu'il  gouverne,  il  a  dû  faire  couper  plus  de  mille  tètes. . . 


BIBLIOGRAPHE  109 

«  Le  lendemain,  journée  de  lepos,  délicieusement  oisive.  Les 
«  visiteurs  affluent  ;  ({uelques-uns,  pour  se  donner  une  contenance, 
«  nous  apportent  de  menus  présents,  des  noix  des  dattes,  des 
«  sraandes,  des  olives  nageant  dans  une  sauce  au  piment,  des- 
«  pommes  minuscules,  grosses  comme  des  nèfles  et  très 
«  parfumées,  de  la  menthe,  du  jasmin,  des  géraniums,  des- 
«  poivrons,  des  keflas,  boulettes  de  hachis  de  \iande  cuile  dans 
«  le  beurre...  rance,  naturellement,  car  les  Arabesn'en  connaissent 
«  pas  d'autres.  En  échange,  nous  offrons  d'innombrables  petites 
B  tasses  de  thé  et  on  cause  interminablement.  En  pays  musulman, 
«  les  conversations  générales  sont  plus  productives  que  les  ;'i-parte  ; 
«  les  gens  sont  moins  méfiants  et  plus  sincères  ;  il  est  facile  de 
«  contrôler  les  renscgnements,  les  interlocuteurs  se  n  pronnent, 
«  se  corrigent,  se  complètent  et  cette  soirée  nous  fournit  d'intéres- 
«  sants  aperçus  sur  le  pays.  On  sent  bien,  à  la  haine  qui  sépare 
«  le  Chleuh,  le  Maure,  l'Arabe  maroc-ain,  le  Hartani,  le  Draaoui  et 
a  le  Soudanais,  que  l'agrégation  de  ces  éléments  si  disparates  ne 
«  peut  être  que  momentanée. 

«  L'unité  nationale  ne  découle  pas  nécessairement  de  la  commu- 
«  nauté  de  religion  ;  cette  unification,  œuvre  laborieuse  des 
«  derniers  sultans,  n'a  été  réalisée  que  par  la  force  et  ne  survivra 
«  pas  à  leur  fortune. 

«  Un  bataillon  de  l'armée  chérifienne  tient  garnison  à  Taroudant. 
«  Tous  les  soirs,  vers  cinq  heures,  les  hommes  manœuvrent,  les 
«  tambours  battent,  les  clairons  sonnent  ;  manœuvres,  batteries 
«  et  sonneries  anglaises,  d'une  lenteur  et  d'une  tristesse  déso- 
«  lantes,  et  pour  nous,  bien  en  harmonie  avec  les  réflexions 
«  qu'elles  évoquent. 

«  La  grande  mosquée  dresse  tout  contre  nous  son  gi'acieux 
«  minaret  rose,  treillage  de  vert  ;  de  notre  terrasse,  on  plonge 
«  discrètement  dans  l'intérieur  de  la  djema  de  Sidi-ou  Sidi,  auquel 
«  son  toit  singulièrement  gondolé  donne  un  aspect  de  pagode. 

«  La  journée  est  finie,  nos  bagages  sont  prêts,  nos  mules  ferrées 
«  de  neuf,  nos  bats  réparés.  Nous  partirons  demain  a\ec  le  jour. 
«  Un  peuple  de  hérons  s'installe  pour  la  nuit  dans  les  arbres  de 
«  notre   jardin    avec   un    assourdissant    vacarme  de   crécelles.  » 

Non  moins  intéressantes  et  captivantes  sont  les  pages  où  défilent 
devant  nos  yeux  les  sites  pittoresques  des  défilés  du  grand  Atlas,  et 
les  silhouettes  deTiznit  et  d'Agadir  ;  nous  y  renvoyons  le  lecteur. 

Il  ressort  des  observations  de  M.  de  Segonz.ic,  et  c'est  là, 
la  caractéristique  du  Maroc  en  général,  que  son  sol  est  fertile, 
mais  que  les  vallées  de  Tensift,  de  Oum-er  Rebaa,  de  l'oued  Sous 
sont  bien  «  déchues  de  leur  légendaire  renom  de  fécondité.  Les 
0  guerres,  l'insécurité  et  par  dessus  tout  l'àpre  cupidité  des 
«  fonctionnair(..s  impériaux,  ont  ruiné  le  pays.  L'habitant  ne 
«  laboure  et  n'ensemence  que  l'espace  nécessaire  pour  subvenir  à 
0  ses  besoins  ;  soucieux  de  ne  pas  tenter  la  rapacité  des  grands, 
«  il  redoute  la  richesse  et  préfère  rester  pauvre.  » 

Citons  enfin,  en  terminant,  cette   esquisse  typique  que  notre 


170  BIBLIOGRAPHIE 

voyageur  lait  des  habitants  du  pays,  les  Berbères  :  «  Accueil 
f  effrayant,  aspect  peu  rassurant,  instinct  pillard,  avec  un  fond  de 
«  droiture  chevaleresque  et  beaucoup  d'enfantillage.  » 

M.  de  Segonzac  a  donc  fait  modestement  une  œuvre  scientifique 
autant  que  patrioli(iue  en  nous  faisant  mieux  connaître  et  convoiter 
ce  joyau  de  l'Africiue  Mineure  ;  la  Société  de  Géographie  d'Oran 
lui  en  adresse  toutes  ses  félicitations. 

•  Nous  devons  aussi  un  large  tribut  de  reconnaissance  à 
M  Mouliéras,  notre  dévoué  vice-président,  que  passionne  tout  ce 
qui  tourbe  au  Maroc  et  auquel  nous  devons  l'exhumation  par  notre 
(•ollègue  du  précieux  itinéraire  qu'il  ne  destinait  pas  à  la  publicité 
et  qui  dormait  depuis  plus  d'un  an  dans  les  archives  du  Service 
géographique  de  l'Armée. 

Les  considérations  sur  la  Question  marocaine,  dont  M.  de 
Segonzac  fait  précéder  son  étude,  nous  paraissent  des  plus 
judicieuses  ;  elles  peuver.t  se  résumer  ainsi  : 

Le  Maroc,  état  musulman,  ennemi  de  la  civilisation,  réfractaire 
à  tout  progrès,  volontairement  maintenu  dans  l'anarchie,  obstiné- 
ment fermé  à  toutes  ralations,  au  commerce,  à  l'industrie,  devra, 
tôt  ou  tard,  se  transformer  ou  disparaître  ;  sa  présence  dans  le 
bassin  do  la  Méditerranée  est  une  honte  et  un  danger;  sa 
suppression  est  d'utilité  publique. 

Comment  le  supprimer  ? 

Par  partage,  conquête  ou  proteclorat. 

L'examen  des  prétentions,  certaines  ou  supposées,  des  différents 
compétiteurs  conduit  à  cette  conclusion  que  tous  revendiiiueront 
le  même  lot  :  l'entente  sera  impossible  entre  les  copartageants. 
Pour  nous,  le  partage  serait  un  leui're  :  cette  hypothèse  est  à 
écarter.  Inadmissible  aussi  le  statu  qun,  si  rassurant  pour  nos 
•diplomates,  si  néfaste  pour  nos  intérêts. 

La  conquête  serait  une  formidable  aventure,  la  France  seule 
pouri-ait  la  tenter,  niais  cette  solution  a  le  tort  d'être  trop  brutale 
et  de  mal  préparer  le  pays  à  une  colonisation  pacifique  et  féconde  : 
mieux  vaut  protectorat  que  concjuête  ;  protectorat  analogue  à  celui 
établi  en  Tunisie. 

Ce  protectorat  ne  saurait  être  sollicité  par  le  Maroc  ;  la  seule 
solution  convenable  serait  l'établissement  du  protectorat  de  la 
France  à  main  armée. 

Sans  aucun  doute,  la  soumission  du  pays  serait  très  laborieuse, 
mais  nous  l'accomplirions  en  aidant  Sa  Majesté  chérilienne,  notre 
protégé,  à  faire  rentrer  les  rebelles  dans  le  devoir. 

Nous  partageons  pleinement  la  manière  de  voir  de  M.  de  Segonzac 
et  nous  estimons,  comme  le  dit  hautement  M.  Mouliéras  dans  sa 
préface,  que  la  possession  du  Maroc  est  pour  nous.  Français,  plus 
que  désirable  :  elle  est  nécessaire.  Elle  est  indispensable,  cette 
possession,  au  maintien  di'  notre  domination  en  Algérie. 

L'-Colonel  DERRIEX. 


LE]    IPX^J^ÏJ^. 


Un  journal  oranais  vient  do  publier  quelques  articles  sur 
un  arbre  importé  depuis  quelques  années  dans  le  Tell, 
le  Tlala  (1). 

Je  n'ai  pas  la  prétention  de  donner,  dès  mainlenant,  la- 
solution  du  problème  qui  s'est  posé,  do  taire  produire  à  notre 
nouvelle  importation,  les  galles  riches  en  tanin  que  les 
indigènes  du  Sud  emploient  pour  préparer  le  filali.  Jeté  par 
les  hasards  militaires  dans  les  régions  sahariennes  que  nous 
venons  de  conquérir,  et  connaissant  déjà  le  tlala  pour  en 
avoir  bouturé  moi-même  dans  le  Tell,  ma  curiosité  s'était 
bornée,  dès  le  début,  à  une  simple  étude  d'amateur. 

M.  le  Commandant  Graulle,  auquel  me  rattachent  des 
relations  amicales  déjà  anciennes,  m'a  tait  connaître  combien 
il  serait  intéressant  au  point  de  vue  économique,  de  pousser 
plus  loin  les  observations  en  étudiant  l'insecte  producteur 
des  galles,  au  point  de  vue  de  son  importation  et  de  son 
acclimatation  dans  le  Tell. 

M.  le  Coloiiel  Derrien  a  bien  voulu,  lui-même,  me 
demander  pour  la  Sociilé  géogmpliiqae,  une  étude  sur  la 
question  ;  c'est  celle-ci  que  je  vais  tenter  d'exposer  ;  mes 
connaissances  spéciales  ne  sont  pas  assez  étendue?  pour  me 
permettre  de  lui  donner  l'allure  scientifique  proprement  dite  ; 
ce  sera  une  simple  causerie  dans  .laquelle  je  résumerai  ce  que 
j'ai  vu,  et  je  serai  heureux  si,  en  mettant  à  profit  ces  quelques 
observations,  les  chercheurs  spécialistes  peuvent,  ou  bien 
avancer  la  question,  ou  même  seulement  préparer  le  tlala  du 
Tell  à  recevoir  la  fécondation  de  la  galle,  en  lui  donnant  dès 
maintenant  un  habitat  se  rapprochant  autant  que  possible  de 
celui  qu'il  a  dans  le  Sahara. 

Il  m'a  semblé  en  etïet  qu'il  faut  pour  cet  arbre,  comme  pour 
toutes  les  importations  que  l'on  veut  rendre  productives, 
observer  tout  d'abord  celte  condition  ;  c'est  d'autant  plus 
important  pour  le  tlaïa,  qu'il  lui  faut  déjà  une  certaine  taille, 
et,  par  suite,  de  l'âge,  pour  fournir  la  galle  désirée.  Voilà  peut- 
être  la  pierre  d'achoppement  qui  s'est  opposée  jusqu'ici  à  la 
fécondation  ;  à  mon  humble  avis,  il  ne  faut  pas  chercher  à 
expliquer  autrement  les  insuccès  antérieurs;  c'est  exactement 


(1)  Arbre  de  la  famille  d<  s  Tamaricicccs  {Tamarix  articulata).  — 
N.  D.  L   R. 

21 


17*2  LE   TLAÏA 

comme  si  l'on  voulait  demander  I;i  reproduction  à  des 
animaux  non  adultes.  J'ai  trouvé  souvent  des  galles  sur  des 
jeunes  branches,  mais  celles-ci  portaient  toujours  de  vieilles 
et  fortes  souches. 

Tout  d'abord  je  crois  devoir,  ainsi  que  la  fait  M.  le  Com- 
mandant Graulle,  relever  une  erreur  dans  la  dénomination 
arabe,  de  l'arbre  qui  nous  intéresse.  Les  indigènes  du  pays 
emploient  couramment  l'expression  tlaïa  (ï —  iL)  pour 
désigner  l'arbre,  et  celle  adzha  (a.<  jx)  ou  l'arement  tkaout 
(d.'_;LN-V)  pour  désigner  la  galle  ;  encore,  ne  se  sert-on  qu'au 
Tafilalet  du  mot  tkaout,  car  les  indigènes  de  la  Saoura,  auxquels 
j'en  ai  parlé,  m'ont  affirmé  qu'ils  l'entendaient  prononcer  pour 
la  première  fois  ;  ceux  de  la  Zousfana,  plus  rapprochés  du 
Tafilalet  et  plus  en  relation  avec  lui,  connaissent  un  peu  ce 
mot,  mais  ne  l'emploient  jamais.  En  Irançais,  dans  la  région, 
nous  appelons  couramment  le  tlaïa  «  étel  »  ;  d'où  vient  ce  nom? 
Je  l'ignore. 

En  descendant  la  Zousfana,  on  voit  déjà  du  tlaia  jusqu'à 
Tagliit  ;  à  Taghit,  et  tout  le  long  de  l'oasis  des  Béni  Goumi,  qui 
a  17  à  18  kilomètres  de  longueur,  on  peut  le  trouver  dans  les 
jardins  entretenus  ou  dans  ceux  qui  ont  dû  être  abandonnés 
par  suite  de  l'envahissenicnt  du  sable.  Dès  qu'on  dépasse 
Zaouïa-Tahtania,  Ksar  qui  marque  la  limite  Sud  de  l'oasis 
des  Béni  Goumi,  le  tlaïa  apparaît  alors  très  nombreux  dans  tout 
le  lit,  de  la  Zousfana  jusqu'à  Igli,  et  dans  le  fond  de  quelques 
dépressions  secondaires  tributaires  de  l'oued  principal. 
En  dehors  de  là,  on  n'en  voit  plus  du  tout,  ni  dans  l'Erg 
sablonneux  ni  dans  la  hamada  rocheuse  qui  bordent  la 
Zousfana,  l'une  à  l'Est  et  l'autre  à  l'Ouest.  Dans  la  Saoura  et 
dans  le  Guir,  le  tlaïa  continue  à  se  présenter,  mais  en 
quantités  moindies. 

Ceci  nous  prouve  en  premier  lieu,  qu'il  faut  au  tlaïa  de  la 
terre,  de  l'humidité  et  des  lieux  bas. 

D'après  les  renseignements  que  m'ont  donnés  des  indigènes 
originaires  du  Tafilalet,  ou  y  étant  allés  en  voyage,  le  tlaïa  y 
pousse  naturellement  et  en  très  grande  quantité  dans  les 
fonds  bas  des  vallées  sablonneuses  où  il  y  a  forcément  toujours 
une  couche  de  terre  végétale. 

Le  sable  est-il  indispensable  ou  seulement  utile  à  la 
croissance  de  l'arbre  ?  Jusqu'à  maintenant,  je  le  crois 
seulement  utile  pour  ameublir  le  sol  et  permettre  à  l'eau  de  la 


LE  TLAÏA.  173 

nappe  souterraine  de  donner  aux  racines,  par  capillarité, 
l'humidité  qu'il  leur  faut. 

Par  suite,  quand  on  pratique  Tirrii^ation  dans  le  Tell,  surtout 
où  l'action  desséchante  de  la  chaleur  est  beaucoup  moins 
active  que  dans  le  Sahara,  je  pense  que  la  terre  n'a  pas  besoin 
d'être  sablonneuse  pour  donner  au  tla'ia  l'habitat  nécessaire. 
Toutefois,  il  est  certain  qu'une  terre  trop  forte  ne  saurait 
convenir  sans  irrigations. 

Or,  ce  qu'il  faut  rechercher  si  l'on  veut  cultiver  le  tlaïa  pour 
en  recueillir  les  galles,  c'est  tout  d'abord  la  suppression  de  la 
main  d'œuvre,  et  par  suite,  les  irrigations  ;  donc,  choisir  les 
terres  légères,  sinon  sablonneuses  proprement  dites. 

Il  me  serait  difficile  de  tirer  d'ici  des  preuves  fermes  de  ces 
appréciations,  car  partout  où  j'ai  vu  le  tlaïa,  la  terre  est  plus 
ou  moins  sablonneuse,  mais  j'ai  cru  remarquer  cependant, 
dans  des  jardins  abandonnés,  que  quelques  rares  sujets,  dont 
le  pied  est  recouvert  de  boues  calcaires,  dures,  sont  moins 
vigoureux  que  les  autres.  Au  sud  de  Béni  Abbés,  j'ai  constaté 
le  même  fait  à  Merhouma,  sur  la  Saoura  ;  un  fond  de  daya, 
anciennement  parsemé  de  dunes  où  se  trouvaient  de  nombreux 
thaïa,  a  été  débarrassé  de  son  sable,  par  des  eaux  courantes 
fortuites  ;  les  tlaïas  sont  restés  sur  des  monticules  terreux 
isolés  et  y  végètent  maintenant,  tandis  que  leurs  voisins  dans 
les  dunes  sont  superbes. 

Continuons  à  envisager  les  divers  éléments  qui,  dans  le 
Sahara,  sont  favorables  ou  non  au  tlaïa  : 

Degré  d'humidité.  —  Chose  remarquable,  le  tlaïa  est  rare 
au  bord  de  l'eau  courante  ou  stagnante  à  la  surface  du  sol  ; 
s'il  s'y  rencontre,  il  est  rabougri.  Il  en  est  à  peu  près  de  même 
là  où  la  nappe  souterraine  est  à  faible  profondeur  (0  à  1™ 
environ),  donc  il  ne  se  plaît  pas  les  p  eds  dans  l'eau. 

Au  contraire,  là  où  la  nappe  est  jusqu'à  5  à  6  mètres,  on 
voit  des  bouquets  magnifiques. 

Cependant,  là  encore,  il  convient  de  bien  remarquer  com- 
ment il  se  présente  : 

Le  tlaïa  est  rarement  un  arbre  isolé  ;  c'est  une  réunion  de 
troncs  plus  ou  moins  gros,  plus  ou  moins  espacés  à  l'origine, 
et  s'enchevétrant  dans  toutes  les  positions,  depuis  l'horizontale 
jusqu'à  la  verticale  ;  le  tout  sort  d'un  monticule,  à  pentes  1/1, 
ayant  quelquefois  50  à  60  mètres  de  diamètre  à  la  base  et  4  à 
5  mètres  de  hauteur. 


m 


LE  TLAÏA 


.l'ai  eu  là  cnriosilé  de  voir  les  dessous  de  l'un  de  ces  monti- 
cules et  voici  ce  que  j'ai  trouvé  en  faisant  déblayer  le  sable 
d'un  côté  d'une  coupe  verticale  passant  par  le  centre. 


n 


LE   TLAÏA  175 

Pour  diminuer  le  travail,  je  me  suis  contenté  d'opérer  sur 
un  monticule  de  8  mètres  d3  diamètre  à  la  base  sur  2  mètres 
de  hauteur  ;  on  voit  néanmoins  quelle  quantité  de  grosses 
souches  il  renferme  et  qui,  à  l'origine,  ont  dû  être  branches. 
J'ai  trouvé  le  sable  humide  et  mélangé  d'humus,  autour  du 
tronc  principal  et  au  point  de  jonction  des  souches  secondaires 
avec  lui.  Les  racines  très  aqueuses,  grosses  comme  le  bras  à 
leur  naissance,  s'enfoncent  verticalement  dans  la  terre  en 
s'amincissant,  après  avoir  suivi  une  direction  oblique,  pendant 
4  ou  5  mètres.  Le  soue-sol  du  monticule  était  de  la  marne 
bleuâtre. 

Il  est,  il  est  vrai,  des  monticules  beaucoup  plus  restreints 
que  ceux  des  dimensions  maxima  que  j'ai  indiquées  plus 
haut,  mais  les  plus  beaux  arbres  sont  sur  les  monticules  les 
plus  élevés. 

Le  sol  du  monticule  se  compose  de  couches  successives  de 
sable  et  de  détritus  végétaux  provenant  du  tkVia  qui  l'habite. 
Le  fait  semble  facile  à  expliquer  :  au  début,  le  tia'ia  s'est 
composé  de  plusieurs  rejetons  qui  ont  commencé  à  grandir 
côte  à  côte  formant  une  petite  touffe  ;  le  sable,  charrié  par  le 
vent,  a  rencontré  cet  obstacle  et  a  formé  à  son  pied  une  butte 
minuscule  ;  à  la  fin  de  l'été,  des  aiguilles  et  des  bouts  de 
brindille  desséchés  sont  tombés  là-dessus  et  y  ont  été  maintenus 
par  une  nouvelle  couche  légère  de  sable,  de  sorte  qu'au  fur  et 
à  mesure  que  l'arbre  a  grandi,  la  butte  agrandi  aussi  ;  des 
branches  se  sont  trouvées  enterrées  horizontalement,  ont  pris 
racine,  et  d'elles,  sont  parties  "de  nouvelles  pousses  qui  ont 
successivement  étendu  en  largeur  la  toufle  et  le  monticule, 
sous  l'action  des  mêmes  agents.  11  est  certain  que  ce  monticule 
sablonneux  constitue,  sinon  une  fumure  dont  les  troncs 
racines  successivement  se  nourrissent,  mais  du  moins  une 
protection  des  plus  efficaces:  1°  contre  le  séchage  du  rayon 
du  sol  nourricieir  ;  2»  contre  l'action  brisante  du  vent  qui, 
dans  ces  régions,  atteint  une  intensité  considérable 

Tout  ce  que  j'3  viens  de  dire  se  rapporte  au  tlaïa  sauvage, 
et  c'est  sous  cette  forme  que  celui-ci  se  présente  d'une  façon 
presque  générale  dans  la  Zousfana  d'abord,  puis  dans  la 
Saoura  jusqu'au  sud  de  Kerzaz. 

Il  en  est  autrement  du  tlaïa  cultivé,  car  celui-ci  existe  aussi. 
Qu'on  ne  suppose  pas  cependant  que  cette  culture  ait  pour 
objet   de  faire  rapporter  plus  de  galles  par  l'arbre  ;   non,  son 


17fi 


LE   TLAIA 


but  est  tout  difTérent.  Le  Ksourien  a  quelques  tlaïas  dans  ses 
jardins  pour  en  retirer  les  perches  qui  lui  serviront  à  étayer 
les  terrasses  de  ses  constructions  et  à  fabriquer  les  «  khettara  o 
de  ses  puits  à  bascule. 

Le  tlaïa  est  en  efî'et  le  seul  arbre  de  la  région  capable  de 
fournir  des  perches  assez  longues  et  assez  droites  pour  ces 
usages.  Pour  cela,  le  Ksourien  taille  court  de  temps  en  temps, 
les  grosses  branches,  en  y  laissant  seulement  quelques  jeunes 
pousses,  qui  croîtront  droit  en  l'air.  Alors,  il  n'y  a  plus  de 
monticule,  et  l'arbre  est  le  plus  souvent  isolé,  car  il  finirait 
par  prendre  trop  de  place  dans  les  jardins;  l'irrigation  donnée 
aux  palmiers  et  aux  carrés  de  culture  voisins,  lui  suffit, 
sans  qu'il  soit  besoin  de  lui  donner  une  irrigation  particu- 
lière. 

L'arbre  ainsi  aménagé,  a  un  feuillage  touffu  et  d'un  beau 
vert,  mais  il  ne  pj-oduit  que  très  peu  de  galles  toutes  petites  et 
que  les  indigènes  ne  récoltent  même  pas.  J'en  ai  mesuré  dont 
les  troncs  arrivent  à  2  mètres  de  diamètre  sur  S^^SO  à  3  mètres 
de  hauteur  ;  de  grosses  branches  partent  en  rayonnant  de  ce 
tronc,  s'étendent  jusqu'à  3  ou  4  mètres  et  servent  de  base  à 
des  perches  verticales  de  5  à  6  mètres  de  hauteur. 


m^M^éMÊÉé 


Tlaïa  taillé 


LE   TLAÏA  177 

Faut-il  imputer  à  l'isolement  relatif  des  sujets,  au  milieu 
d'arlires  d'autres  essences  ou  aux  modifications  produites  par 
la  taille,  cette  pauvreté  de  production  de  galles?  Je  l'ignore, 
mais  le  fait  est  réel  et  d'autant  plus  à  remarquer,  que  des  tlaïas 
non  cultivés,  poussant  à  peu  de  distance  en  dehors  des 
jardins,  donnent  des  galles  grosses  et  nombreuses. 

La  conclusion  profitable  pour  le  Tell  que  je  crois  pouvoir 
retirer  de  cela,  est  la  suivante  :  une  fois  la  plantation  du  tlaïa 
faite  dans  l'habilat  voulu,  n'essayer  aucune  culture  sur  lui  et 
ne  pas  le  mêler  à  d'autres  essences  d'arbres  afm  de  se  ménager 
toutes  chances  de  lui  communiquer  les  germes  de  la  galle 
quand  on  tentera  cette  opération.  Plus  tard,  après  succès 
certain,  rien  n'empêchera  de  faire  tous  les  essais  de  culture 
que  l'on  voudra,  car  il  est  très  [lossible  que  l'insecte  générateur, 
une  fois  acclimaté  au  Tell,  consente  petit  à  petit  à  subir 
encore  les  progrès  qu'une  culture  raisonnée  introduirait  dans 
ses  conditions  d'existence. 

Le  ver  à  soie  s'est  bien  trouvé  de  la  taille  et  des  soins 
donnés  aux  mûriers,  il  peut  en  devenir  de  même  du  tlaïa  pour 
son  insecte  particulier.  Le  monticule  me  semble  devoir  aussi 
être  aménagé  artificiellement,  de  façon  à  obtenir  autant  que 
possible  des  toufïes  semblables  à  celles  de  l'état  sauvage. 

Influence  de  l'eau  et  du  terrain  salés.  —  Là  oi^i  l'eau  ou 
seulement  le  terrain  sont  salés,  on  ne  voit  pas  le  tlaïa  ; 
c'est  un  fait  que  les  indigènes  eux  mêmes  ont  remarqué. 
Cependant,  quand  la  nappe  souterraine  n'est  que  légèrement 
saumâtre  comme  je  l'ai  vu  dans  le  lit  même  de  l'oued  Saoura, 
le  tlaïa  ne  semble  pas  en  souffrir,  à  la  condition,  toutefois,  de 
se  trouver  sur  les  bords  de  l'oued,  un  peu  au  dessus  du 
thalweg  ;  dans  l'oued  Guir,dont  l'eau  est  fortement  salée,  il  n'y 
a  que  quelques  tlaïas  rabougris  (du  moins  dans  la  partie 
voisine  de  son  continent  avec  la  Zousfana),  la  seule  que  j'ai  eu 
1  occasion  de  voir,  alors  que  dans  la  Zousfana  toute  proche,  on 
voit  des  touffes  magnifiques. 

Conclusion  utile  :  Eviter  au  début  au  moins  l'eau  et  les 
terrains  sales  et  même  peut-être  les  vents  marins,  dans  les 
plantations  expérimentales  qu'on  pourra  faire  pour  obtenir  les 
galles,  car,  en  admettant  même  que  le  tlaïa  puisse  y  poui^ci- 
en  raison  des  conditions  climatériques  différentes,  il  est  à 
craindre  rpie  cet  habitat  déplaise  à  l'insecte  générateur  qui  n'y 
sera  [>as  habitué. 


178 


LE   TLÂIA 


Exposition.  —  Il  me  serait  difficile  d'affirmer  que  telle 
exposition  est  plus  favorable  que  telle  autre  ;  cependant,  j'ai 
remarqué  que  le  llaïa  est  plus  beau  dans  la  Zousfana,  entre 
El  Aoued  et  Igli,  qu'ailleurs,  et  là,  le  couloir  de  l'oued  est 
orienté  presque  Est-Ouest,  légèrement  Sud.  Ceci  me  semble 
d'ailleurs  trop  compliqué  pour  qu'on  puisse,  dès  maintenant, 
poser  des  conclusions  fermes  au  point  de  vue  du  but  cherché, 
car  il  faudrait  alors  s'incjuiéler  aussi  de  la  direction  générale 
des  vents,  de  la  température,  etc..  ,  toutes  choses  qui  seront 
toujours  bien  différentes  dans  le  Tell  et  dans  le  Sahara, 

Il  suffit  de  savoir  que  le  tlaïa  supporte  dans  le  Sahara  des 
basses  températures  jusqu'à  8  degrés  (constatées  en  janvier  à 
Taghit  pendant  plusieurs  jours)  pour  laisser  espérer  que  tous 
les  points  du  Tell  Oranais  sont  accessibles  à  la  production  des 
galles  quant  à  la  température  minima.  La  température  sèche 
et  élevée  du  Sahara  est-elle  indispensable  ?  Ceci  est  un  secret 
de  l'avenir  ;  toutefois,  on  peut  déjà  observer  que  le  Tafilalet  est 
la  contrée  de  production  par  excellence  et  que  son  climat  est 
déjà  beaucoup  plus  tempéré  que  celui  du  Sahara. 

Époque  de  cueillette  des  galles,  grosseur,  rendeme'nt,  valeur 
au  Tafilalet,  procédé  de  tannage.  —  C'est  au  mois  de  décembi-e, 
m'a-t-on  dit,  qu'au  Tafilalet  on  tait  la  récolte  des  galles,  en  les 
cueillant  à  môme  sur  l'arbre  oùellestiennentassez  solidement. 
Les  galles  ont  l'apparence  d'une  praline  irrégulière  dont  la 
teinte  varie  entre  le  brun  vert  clair  et  le  brun  ocre  jaune  foncé 
ou  violacé,  selon  l'état  de  maturité. 


LE  TLAÏA  .  179 

Le  diamètre  de  la  boule  varie  de  0"i004n'/'"  à  0'"02c/"',  la 
moyenne  étant  généralement  de  0'"005.  Les  unes  s'écrasent 
facilement  entre  les  doigts,  d'autres,  au  contraire,  sont  très 
dures  et  sont,  je  crois,  les  meilleures,  car  dans  les  premières 
on  ne  trouve  souvent  qu'un  peu  de  poussière  couleur  ocre 
jaune  et  des  œufs  desséchés. 

EUes  tiennent  à  l'arbre  soit  sui"  ie  bois  même  des  branchettes, 
soit  sur  les  aiguilles,  mais  le  plus  souvent  à  l'aisselle  de  ces 
deux  parties  Elles  ne  sont  plus  réparties  régulièrement  sur 
toutes  les  branches,  les  unes  en  ont  beaucoup,  les  autres  pas 
du  tout,  ce  qui  me  ferait  supposer  que  l'insecte  générateur  se 
transporte  quelque  peu  en  essaim  ou  ne  travaille  que  sur  les 
branches  abritées  du  vent  du  moment. 

N'ayant  pas  été  à  même  de  calculer  moi-mêmiC  le  rendement, 
j'ai  dû  prendre  ce  renseignement  auprès  des  indigènes  du 
Tafilalet.  Voici  ce  qu'ils  m'ont  dit  :  Un  tlaïa  de  bon.  rendement 
donne  environ  par  an  une  demi  (jhevara,  ce  qui  correspondrait 
à25kilogs.  Seulement,  il  reste  là  un  gros  point  d'interrogation, 
car  je  ii'ai  jamais  pu  faire  préciser  si  ce  rendement  est  celui 
d'un  seul  arbre  ou  cVun  houqnct  de  //aïa ;  il  est  diffici'e,  en 
effet,  de  faire  comprendre  à  ces  arabes  peu  curieux  des  choses 
de  la  nature  que  dans  un  bouqiiet  il  y  a  plusieurs  arbres 
enchevêtras,  aussi  suis-je  tenté  de  croire  que  le  rendement  de 
25  kilogs  se  rapporte  plutôt  au  bouquet  qui  aurait  alors  un 
monticule  de  6  à  7  mètres  de  diamèlre  à  !a  base  et  contiendrait 
2  ou  3  souches  génératrices.  En  tablant  là  dessus,  on  peut 
compter  qu'en  laissant  des  sentiers  de  1  mètre  entre  les 
monticules,  on  aurait  dans  un  hectare  144  pieds  et,  par  suite, 
une  production  de  144  x  25  =:  3,600  kilogs. 

Au  Tafdalet,  le  prix  courant  des  galles  est  de  8  oudjouh, 
la  mesure  de  5  kilogs  environ,  soit  0  fr.  20,  ce  qui  met  le  kilog 
à  0  fr.  04.  M.  le  Commandant  Graulle  nous  dit  que  le  kilog 
vaut  à  Tlemcen  0  fr.  50,  donc  l'hect&re  rapporterait  à  peu 
près  3,600  x  0,50  =  1,800  fr.  00.  Ce  chiffre  est  sensiblement 
inférieur  à  celui  donné  par  M.  le  Commandant  Graulle, 
mais  il  semble  qu'il  est  encore  suffisant  pour  tenter  des 
producteurs. 

Si  l'on  veut  d'ailleurs  discuter  l'économie  d'une  expérience, 
ou  reconnaîtra,  je  crois,  qu'il  y  a  peu  de  risques  à  courir, 
même  si  on  ne  réussit  pas 'plus  tard  à  obtenuMa  gaUe,  car 
sans  être  très  versé  sur  li  uialièro,  il  me  semble  que  l'hectare 


180  LE   TLAÏA 

de  tlaïa  ainsi  planté  donnera  toujours  du  bois  de  chauffage  ou 
des  perches  utiUsables  comme  telles  en  quantité  suffisante 
pour  couvrir  les  frais  d'exploitation,  qui  se  réduiraient  à  peu 
de  chose  ;  on  se  plaint  en  Algérie  que  le  bois  manque,  voilà 
un  moyen  d'en  faire. 

Voici  maintenant  le  procédé  de  tannage  employé  au Tafilalet, 
tel  que  me  l'ont  indiqué  les  indigènes  : 

On  pulvérise  Vadzba  et  on  jette  la  poudre  obtenue  dans  de 
l'eau  bouillante.  On  verse  ensuite  cette  eau  avec  le  résidu  de 
la  poudre  sur  les  peaux  qu'on  a  au  préalable  dépouillées  de 
laine  ou  de  poil  et  mises  au  sel  doux  dans  une  cuve  en  bois.  On 
laisse  baigner  les  peaux  dans  Vadzba  pendant  une  dizaine  de 
jours,  puis  on  les  met  à  sécher. 

Pour  obtenir  la  teinte  rouge,  on  met  alors  les  peaux  dans  un 
bain  de  foiia  (  s*  3  )  ou  garance  pendant  10  autres  jours  et  un 
dernier  séchage  termine  l'opération. 

Depuis  quelques  années,  nos  produits  chimiques  ont  réussi 
à  pénétrer  au  Tafilalet,  car  un  indigène  m'a  présenté  une 
poudre  qui  n'est  autre  que  l'aniline  et  qui  a  pris  là-bas  le  nom 
de  hamimer.  On  l'utilise,  m'a-t-on  dit,  pour  teindre  les  peaux 
en  rouge  violacé,  en  frottant  à  sec  la  peau  colorée  déjà  à  la 
garance,  au  moyen  d'un  petit  sachet  en  toile  renfermant  la 
poudre.  Pour  tout  dire,  je  crois  plutôt  que  l'aniline  sert 
surtout  à  colorer  des  peaux  de  qualité  médiocre,  qui  donnent 
un  faux  filali  avec  lequel  nos  ouvriers  indigènes  d'Algérie 
fabriquent  les  nombreux  objets,  dont  le  bon  marché  nous 
étonne  quelquefois. 

Insecte  producteur  des  galles.  —  J'ai  réservé  cette  question 
pour  la  fin,  quoiqu'elle  soit  la  plus  intéressante,  parce  qu'à 
vrai  dire,  je  dois  encore  la  réserver.  Je  ne  veux  en  effet 
avancer  que  les  choses  dont  je  suis  sûr  et  que  j'ai  reconnues 
exactes  après  une  observation  de  durée  suffisante.  Voici 
où  j'en  suis. 

Du  commencement  de  janvier  jusqu'à  la  date  actuelle  (avril), 
je  n'ai  pas  cessé  de  trouver  des  galles  mûres  ou  non  mûres 
renfermant  :  les  unes,  des  larves  dans  une  coque  brune, 
d'autres  des  vers  blanc-verdàtre  ;  d'autres  encore,  des  œufs 
d'insecte,  mais  je  n'ai  vu  encore  aucun  insecte  formé  assez 
nombreux  pour  me  faire  supposer  qu'il  serait  le  générateur. 


LE   TLAÏA  181 

La  gent  insecte  ailé,  à  part  les  mouches  vulgaires  et  les 
moustiques,  est  rare  au  Sahara  ;  je  crois  donc  pouvoir  espérer 
que  si  l'insecte  cherché  est  un  papillon,  comme  cela  a  été  dit, 
et  si  je  continue  à  résider  dans  les  parages  où  le  tlaia  est 
nombreux,  je  ne  manquerai  pas  de  voir  ce  qu'il  en  est,  car, 
étant  donné  le  nombre  de  larves  que  renferment  les  galles, 
j'estime  qu'il  doit  y  avoir  une  nombreuse  éclosion  ;  j'ai  pu 
compter  jusqu'à  15  vers  dans  une  seule  galle. 

Ces  larves  sont-elles  de  simples  parasites  ?  Je  serais  bien  en 
peine  de  contredire  l'affirmation  qui  en  a  été  faite  ;  mais  je 
dois  cependant  faire  remarquer  que  toutes,  sans  exception, 
donnent  le  même  petit  ver  blanc-verdâtre  ayant  une  petite 
tache  brune  en  tête  et  en  queue  ;  cela  ressemble  exactement, 
si  je  ne  me  trompe,  au  ver  qu'on  trouve  dans  la  noise'te,  mais 
en  demi  grosseur  seulement. 

Il  y  a  quelques  jours,  ayant  mis  dans  une  boîte  percée  de 
trous  une  branchette  de  tlaïa  portant  une  superbe  galle 
de  0'"02  de  diamètre,  j'ai  trouvé  le  lendemain  sur  les  brindilles, 
une  chenille  ayant  la  forme  et  les  dimensions  suivantes  : 


Grandaup  ^latuceiie  au  repos , er.  mouvoment 


Cet  insecte  avait  4  excroissances  formant  pattes,  un  peu  en 
arrière  de  la  tête,  et  4  autres  semblables  au  tiers  de  la  longueur 
prise  du  côté  de  la  queue  (2  de  chaque  groupe  de  chaque  côté  du 
corps).  Pour  avancer,  il  ramenait  les  pattes  de  derrière  contre 
celles  de  devant,  en  élevant  en  circonférence  verticale  la  partie 
intermédiaire  du  corps,  puis  se  détendait  en  avant.  Je  crois 
qu'il  était  sorti  de  la  galle,  mais  je  ne  pourrais  l'affirmer,  car 
sa  couleur  brun-vert  foncé  se  confondait  si  bien  avec  celle  de 
la  branchette,  que  j'ai  pu  ne  pas  le  voir  plus  tôt  sur  elles. 
Il  a  déposé  sur  les  aiguilles  vertes  quelques  œufs  et  une  trame, 
et  au  bout  du  cinquième  jour,  je  l'ai  trouvé  mort  et 
déjà  desséché. 

Je  ne  raconte  ce  fait  qu'incidemment,  car  il  ne  constitue 
même  pas  un  indice  dont  je   puisse   personnellement  tenir 


182  LE   TLAÏA 

compte,  faute  de  compétence  suffisante  en  la  matière,  mais  il 
est  possible  qu'il  par-aisse  plus  sérieux  à  des  spécialistes,  même 
indépendamment  de  la  question  du  tlaia. 

Aujourd'hui,  ouvrant  ma  boite  d'observations,  j'y  trouve 
trois  petits  insectes  ailés  vivants,  et  je  suis  bien  certain  qu'ils 
sont  sortis  des  galles  ;  ils  ressemblent  assez  à  un  papillon  de 
nuit  de  la  grosseur  d'une  petite  mouche  (1). 

Si  c'est  là  l'insecte  générateur,  il  est  évidemment  possible 
de  l'avoir  vivant  dans  le  Tell,  car  mes  galles  sont  enfermées 
depuis  40  jours  et  ont  été,  dès  le  premier  jour,  complètement 
détachées  des  brindilles  sur  lesquelles  je  les  avais  cueillies  : 
le  transport  par  la  poste  d'Igli  à  Oran  ne  demande  que  7  jours; 
lorsque  le  chemin  de  fer  sera  construit,  on  pourra  {et  cela 
vaudra  encore  mieux),  transporter  dans  le  Tell  en  moins  de 
temps  encore,  non  plus  des  galles  isolées,  mais  des  branchettes 
porte-galles. 

Je  me  propose  de  continuer  ces  observations  pendant  tout 
mon  séjour  dans  le  Sahara,  et,  avec  les  consei's  éclairés  que 
je  recevrai  volontiers  de  la  Suciété  de  Géographie,  pour  guider 
mes  recherches,  j'espère  bien  arriver  à  une  solution  ferme  de 
la  question.  ,Ic  me  ferai  d'ailieurs  un  plaisir,  dès  que  j'aurai 
une  installation  plus  stable,  de  faire  à  la  Soci-Hé  tous  envois 
possibles  avec  ks  moyens  de  correspondance  actuels,  pour 
permettre  aux  chercheurs  que  cela  intéresserait,  déjuger  les 
choses  de  visu,  avec  plus  de  compétence  que  moi. 

Quant  à  s'adresser  aux  indigènes  pour  savoir  quoi  que  ce 
soit  là  dessus,  il  est  inutile  de  l'essayer  ;  pour  eux,  la  galle  est 
un  fruit  de  l'arbre;  j'ai  tenté  de  leur  faire  comprendre  que 
faute  de  fleurs  préalables  on  ne  pouvait  l'attribuer  qu'à  la 
piqûre  d'un  insecte  ;  ils  ont  pris  aloi-s  l'attitude  de  gens  qui 
entendent  dire  des  absurdités  par  un  homme  que  jusque  là  ils 
avaient  jugé  sensé. 

En  ovt^e  de  la  galle,  il  est  une  autre  partie  du  tlaïa  qu'il 
sera  bon  d'examiner  de  près  ;  je  veux  parler  de  certaines 
endures  ovoïdes  qu'on  trouve  fréquemment  sur  le  corps  môme 


(I)  M.  DecaMx,  membre  du  la  Société  entomolof/ique  de  Fran<e  a 
Iroiivc  que  cet  insecte  es'  T)n  pripilloii  côpusciilaire,  amblipalins  oli- 
cierella.  —  (X.  I).  1-.  il) 


LK    TLAÏA 


183 


des  petites  branches  et  qui  sont  dues  aussi  à  la  piqûre   d'un 
insecte. 


J'en  ai  ouvert  déjà  un  grand  nombre  et  j'avoue  cependant 
n'y  avoir  trouvé  aucune  larve.  Le  tamarix  ordinaire  en  porte 
de  semblables.  Je  dois  dire  toutefois  que  j'ai  recueilli  des  galles 
sur  des  tlaïas  ne  présentant  pas  cette  particularité. 

En  terminant  ce  modeste  travail,  qu'il  me  soit  permis 
d'émettre  une  idée  :  de  Zaouïa-Tahtania  à  Jgli,  c'est-à-dire  sur 
un  parcours  de  50  kilomètres  environ  de  la  Zousfana,  le  tlaïa 
est  en  quantité  considérable  et  il  serait  làcile  de  l'y  étendre 
encore.  A  une  époque  relativement  prochaine,  le  rail  sillonnera 
toute  cette  région  et  en  rendra  l'exploitation  facile.  Quelques 
capitaux,  jetés  dans  une  semblable  entreprise,  ne  feraient  peut 
être  pas  regretter  aux  actionnaires  qui  la  tenteraient  d'avoir 
placé  là  leur  argent.  Si  je  me  trompe,  ce  sera  d'ailleurs  facile 
à  vérifier  par  ceux  qui  voudraient  se  renseigner  sur  place, 
quand  la  sécurité  sera  suffisamment  assurée  dans  la  contrée. 

Il  y  aura  cependant  une  difficulté  à  résoudre,  celle  de  la 
main  d'œuvre  du  ramassage  des  galles  ;  ce  parcours  est 
entièrement  désert  et,  en  décembre,  les  khammès  d'Igli  et 
des  Béni  Goumi,  seuls  habitants  les  plus  proches,  sont  préci- 
sément occupés  aux  travaux  de  leurs  jardins. 

Je  ne  livre  donc  l'idée  que  pour  ce  qu'elle  peut  valoir. 


184  LE  TLAÏA 

Il  y  aura  lieu,  en  outre,  de  vérifier  si  le  tlaia  de  la  Zousfana 
donne  une  production  aussi  abondante  que  celui  du  Tafilalet, 
fait  que  les  circonstances  ne  m'ont  pas  permis  encore  d'exa- 
miner. 


ISrOTE     ^A^DIDITIOnSTlSTELLE 


Cette  notice  a  été  écrite  en  mars  dernier.  Depuis  cette 
époque,  j'ai  continué  à  observer  le  régime  du  tlaïa  :  j'ai  trouvé 
seulement  quelques  galles  fraîches  en  aviil,  mais  en  nombre 
insignifiant. 

Dans  les  galles  de  l'an  dernier,  j'ai  constaté  la  présence  du 
même  ver,  donnant  le  même  papillon  grisâtre.  L'arbre  soulTre 
d'ailleurs  pendant  la  période  estivale,  où  la  température  à 
l'ombre  monte  jusqu'à  50  degrés  ;  les  aiguilles  prennent  une 
teinte  gris-verdàtre  qui  tranche  singulièrement  avec  celle  bien 
verte  des  jeunes  pousses  que  l'on  voit  sortir  des  troncs  et 
grandir  malgré  la  sécheresse  ;  en  août,  il  fleurit.  A  l'époque 
actuelle  (août),  je  n'ai  encore  rien  remarqué  de  nouveau, 
quant  à  la  production  des  galles.  Un  fait  est  cependant  à 
signaler  :  c'est  la  complaisance  inouïe  du  tlaia,  à  repousser 
malgré  toutes  les  mutilations  qu'on  peut  faire  subir  à  ses 
branches,  à  la  condition  toutefois  de  ne  pas  ouvrir  le  tertre 
qui  abrite  ses  souches  racinées. 

Cette  qualité  est  d'ailleurs  commune  à  la  plupart  des  plantes 
ligneuses  et  sauvages  de  la  région  qui,  sans  cesse  rongées  par 
des  troupeaux,  repoussent  sans  se  lasser. 


Capitaine  DUVAUX. 
du  2°  Régiment  de  Tirailleurs  algériens. 


NOUVELLE  GÉOGRAPHIQUE 


EXPLORATION    DES    BRABER 


Après  ses  deux  heureuses  traversées  du  Rif,  M.  de  Segonzac 
a  osé  pénétrer  dans  les  régions  les  moins  accessibles  du 
Maroc,  celles  où,  en  maîtres  indépendants  et  incontestés, 
régnent  les  Braber,  dont  les  tribus  orientales  confinent  à  nos 
territoires  du  Sud  oranais.  Et  le  vaillant  explorateur  français 
nous  revient,  cette  fois-ci  encore,  avec  une  ample  moisson 
scientifique  et  des  documents  de  la  plus  haute  valeur.  Très 
décidé,  ayant  fait  le  sacrifice  de  sa  vie  avec  une  modestie  aussi 
grande  que  sa  détermination,  il  est  resté  dans  ce  pays 
sauvage  et  inconnu  près  de  six  mois,  c'est-à-dire  la  moitié 
d'une  année  pendant  laquelle  il  a  été  constamment  en  butte 
aux  fatigues  les  plus  excessives,  aux  privations  et  aux  dangers 
que  le  Blad-es-Siba  réserve  à  ceux  des  nôtres  qui,  téméraires 
apôtres  de  la  science,  veulent  tenter  de  lui  arracher  ses  secrets. 

Depuis  le  mois  d'avril  dernier,  M.  de  Segonzac,  plongé 
dans  le  mystérieux  Empire,  n'avait  plus  donné  de  ses  nou- 
velles, et  voici  qu'aujourd'hui,  7  septembre,  je  reçois  de  lui  la 
lettre  suivante  qui  dissipe  les  craintes  que  j'avais  sur  son  sort 
et  nous  fournit  en  même  temps  de  précieuses  indications 
sur  l'itinéraire  parcouru  par  ce  courageux  français  qui  peut 
être  classé,  dès  maintenant,  parmi  les  plus  intrépides  et  les 
plus  utiles  explorateurs  dont  notre  pays  peut  s'enorgueillir. 

Lettre  de  M.  de  Segonzac  : 


Aïn-Tebouda,  27  août  1901. 


Cher  Monsieur, 


Me  voici  de  retour  â  Fez.  Je  rentrerai  demain  malin  dans 
la  ville  de  Moulaye  Idris.  J'ai  tenu  à  vous  donner  de  suite  de  mes 
nouvelles.  Les  détails  de  mon  voyage  feront  l'objet  de  conversa- 
tions à  venir,  car  j'ai  toujours  l'intention  d'aller  à  Oran  en 
rentrant. 


186  NOUVELLE    GÉOC.r.APIIIQL'E 

Je  n'ai  pas  vu  lous  les  Brabet'  ;  il  raiulrnit  une  année  entière 
pour  ce'a.  Jai  vu  tout  le  pays  compi'is  enlri':  ■  la  roule  Meknés- 
Oujda,  au  Nord  ;  la  Melouya,  de  celle  roule  au  Djebel-Aïaclii, 
Est  et  Sud  ;  la  ligne  Djebel  Aïaclii-Mekncs.  Les  tribus  que  j'ai 
visitées  sont  :  Béni  Mtir,  Béni  Mgild,  Ait  Aïach,  Ait  Izdeg,  Ait 
Ouafella,  Ait  Hadiddou,  Ait  Cherroucben,  Ouled  El-Hadj,  Béni 
Ouaraïu,  Riata,  Hiaïna,  Béni  Sadden,  Béni  lazra. 

Celles  dont  j'ai  seulement  pu  voir,  photographier  et  lopogra- 
phier  les  territoires  sont:  Zaïan,  Aït  loussi,  Ait  Melrad,  Marniou- 
cha,  Béni  Alaam,  Béni  Tslini,  Ilaouara. 

Il  esl  temps  que  je  rentre,  je  commence  à  avoir  le  fâcheux 
accès  de  fièvre  quotidien. 

Je  rapporte  environ  500  photographies  ;  ce  sont  des  pellicules, 
et  elles  ont  subi  de  gross"S  températures  ! 

J'ai  aussi  un  herbier,  l?5  échantillons  gtjologiques,  des  insectes 
et  une  trentaine  d'observalions  astronomiques.  Je  vous  quitte  en 
hâte  pour  terminer  une  dernière  observation. 

A  bientôt,  etc. 

Votre  bien  dévoué, 

SEGONZAC. 


A  leur  retour  du  Hif,  deux  témoins  oculaii'es,  deux  mai'O- 
cains,  que  j'avais  désignés  à  M.  de  Segonzac  et  qui  l'ont 
accompagné  de  Fez  à  Mliliya  et  de  ce  point  à  El-Ksar  el  Kcbir, 
traversant  donc  deux  fois  le  Rif  avec  lui,  m'ont  déclaré  que 
comme  vigueur  physique,  sobriété,  endurance,  courage  et 
patience,  notre  compatriote  ne  le  cédait  point  aux  Marocains 
eux-mêmes.  Ces  deux  indigènes  sont  à  Oran,  l'un,  débardeur 
à  la  marine,  l'autre  devenu  possesseur  d'un  petit  magasin  de 
charbon  à  la  suite  des  économies  réalisées  au'  service  de 
M.  de  Segonzac.  L'un  et  l'autre  pourraient  au  besoin  convain- 
cre ceux  qui,  de  parti  pris,  sont  toujours  disposés  à  nier 
l'évidence  même. 

•■-  A.  MOULIÉRAS. 


P.  S.  —  Le  14  septembre,  M.  de  Segonzac,  venant  de 
Tanger,  a  lait  une  courte  escale  à  Oian,  d'où  il  est  reparti 
pour  France  quelques  heures  après. 


ISSi!  m  U  fABIE  imîflMIW 

IDE  L'OÎ=lA]SriE 

AVEC  DES  TABLEAUX  ANALYTIQUES  ET  DES  NOTIONS 
POUR  LA  DÉTERMINATION  DE  TOUS  LES  REPTILES  &  BATRACIENS 

du  Maroc,  de  ÏAlgérie  et  de  la  Tunisie 

(SUITE   ET  FIN) 

L'ordre   des  iirodèles  est  représenté  en  Berbérie  par  une 
seule  famille  : 


21°^^  Famille. 


SALAMÂNDRIDES 


Caractères  de  la  famille.  —  Pas  de  trou  branchial  sur 
les  côtés  du  cou  à  Vétat  adulte.  Paupières  horizontales.  Quatre 
membres  disposés  pour  la  marche. 

Les  espèces  barbaresques  peuvent  être  réparties  dans 
deux  genres  dont  \oici  le  tableau  : 

Salamandrides.  —  TABLEAU  DES  GENRES 

1°  Adultes. 

Des  parotides  très  développées.  Colo- 
ration à  fond  d'un  beau  noir  avec 
quelques  grandes  taches  d'un 
jaune  orangé,  assez  souvent 
mêlées  d'autres  taches  d'un  rouge 
de  sang. 

Genre  Salamandra. 

Pas  de  parotides.  Coloration  à  fond 
roussàljre  bariolé  de  diverses  cou- 
leurs. 

Genre  Molge. 

2°  Larves. 

Branchies  courtes  atteignant  au  plus 
le  milieu  du  bras  rabattu  le  long 
l  du  corps. 

I  Genre  Salamandra. 

I     Branchies  très  longues  dépassant  le 

1  bras. 

\  Genre  Molge. 


22 


188        ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'ORANIE 

Genre  SALAMANDRA 

Caractères  du  gknri:. —  Des  lunicurs  glanduleuses  réunies 
en  forme  de  jjarolides.  Langue  discoïde,  fixe  en  avant,  libre 
sur  son  pourtour.  Dents  palatines  sur  deux  rangées  sinueuses, 
symctriijucs.  Corps  lacertiforme ;  (jueue  longue.  Quatre  doigts, 
quatre  orteils. 

Une  seule  espèce  en  Berbérie  : 
57.  Salamandra  maculosa  Laur. 

Variole    ALGIRA    de    Bedriaga    (PI.    XXVII,    fig.    2) 
Fig.  Blg.  Cat.  ofBarbarg.  (PI.  XYIIT,  fig.  3) 

La  salamandre  terrestre. 

Salamandra  maculosa  Laur.,  Guich.,  Straucli,  Lallemant. 
S.  maculosa  variété  algira  de  Bedriaga,  Blg.,  Ern.  Olivier. 

Caractère  prixcipal.  —  Corps  grand,  noir,  à  grandes 
taches  jaunes. 

La  salamandre  terrestre  se  reconnaît  facilement  à  sa 
coloration.  La  variété  algira  spéciale  à  l'Algérie  et  au  Maroc 
se  distingue  du  type  par  ses  dimensions  plus  svcltes,  par 
ses  taches  moins  nombreuses  et  plus  petites. 
.  Grâce  au  dévouement  de  M.  de  Lariolle,  j'ai  eu  en  mains 
sept  exemplaires  de  la  forme  algérienne.  Voici  la  description 
d'un  beau  mâle  vivant  : 

Corps  lacertiforme  à  membres  bien  constitués.  Tète  aplatie, 
plus  longue  que  large;  plus  grande  largeur  20  mill.  un  peu  en 
avant  de  l'angle  de  la  bouche  ;  distance  entre  les  angles  de  la 
bouciie~10  mill.  ;  flèche  15  mill.  ;  longueur  du  pli  collaire  au 
bout  du  museau  28  mill.  La  tète  se  rétrécit  sensiblement 
jusqu'au  pli  du  cou.  Museau  et  mandibule  inférieure  à  contour 
ogival  arrondi  au  bout.  Extrémité  du  museau  vu  de  profil 
convexe.  Narines  sur  les  côtés  du  museau,  peu  visibles,  distantes, 
entre  elle.>,  de  8  mill.,  du  bord  de  la  lèvre,  de  2  mill.,  de  l'œil, 
deC  mill.  Lèvre  supérieure  débordant  peu  l'inférieure.  Régions 
sus-oculaires  assez  proéminentes,  séparées  par  la  région  fron- 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'ORANIE        189 

taie  bien  plus  large  que  l'une  d'elles.  Arcades  sourcilières  non 
en  bourrelet.  Distance  entre  les  arcades  17  mill.  ;  entre  les 
bords  internes  des  régions  sus-oculaires  7,5.  Parotides  grandes, 
oblongues,  longues  de  14  niiil.,  larges  de  7,  séparées  de  l'œil 
par  un  pli.  Arrière -narines  circulaires  avec  un  pli  oblique, 
distantes  entre  elles  do  8  mill.  Dents  palatines  sur  deux 
rangées  très  longues.  La  partie  visible  forme  un  grand  point 
d'exclamation  ;  les  portions  parallèles  ne  se  touchent  pas  ; 
au  fond  de  la  gorge  elles  s'écartent  de  dedans  en  dehors. 
Les  extrémités  antérieures  sont  distantes  de  1,2  mill.  et  dépas- 
sent la  ligne  du  milieu  des  arrière-narines  de  1,5  mill. 
La  longueur  totale  est  de  12  mill.  ;  le  plus  grand  écartement 
antérieur,  de  1,5  ;  celui  des  branches  postérieures,  de  4  à  5  mill. 

Yeux  assez  petits  ;  paupière  inférieure  épaisse. 

Un  pli,  plus  ou  moins  marqué,  se  montre  de  chaque  côté 
du  cou  ;  il  se  continue  en  dessous  en  ligne  droite. 

Corps  cylindrique,  à  flancs  un  peu  renflés,  assez  plat 
en  dessous. 

Membres  bien  développés.  Dessous  des  cuisses  plissé  en 
réseau.  Queue  presque  aussi  longue  et  même  plus  longue 
que  le  reste  du  corps,  arrondie  en  dessus,  un  peu  sillonnée 
vers  le  bout,  assez  comprimée  par  les  cô'és  (1),  peu  convexe 
en  dessous.  Chez  la  femelle  il  y  a  deux  sillons,  l'un  supérieur, 
l'autre  inférieur,  assez  bien  marqués. 

Flancs  parcourus  par  une  dizaine  de  sillons  parallèles,  peu 
obliques,  distants  de  4  mill.  ;  les  bandes  qu'ils  limitent  portent 
de  petites  alvéoles  pustuleuses,  qui,  à  la  partie  supérieure, 
forment  des  groupes  de  2  ou  3  ayant  1  mill.  de  diamètre  ;  ces 
bandes  correspondent  aux  côtes  et  sont  saillantes  arrondies  ; 
parfois  les  alvéoles  y  sont  remplacées  par  de  fortes  rugosités 
boursouflées.  Le  milieu  du  dos  est  parcouru  par  deux  lignes 
rapprochées  de  tubercules  allongés  bordant  un  sillon.  (Ce 
caractère  semble  plus  apparent  chez  les  femelles.) 

Région  cloacale  relevée  en  un  fort  et  large  mamelon.  Dans 
mon  exemplaire  les  lèvres  sont  écartées  et  forment  un  cercle 
ouvert  à  la  base  ;  le  diamètre  transversal  est  de  G  mill.  ;  la  lon- 


(1)  Les  auteurs  donnent  à  la  falamandre  d'Europe  comme  caractère 
générique  «  queue  ronde  ». 


190        ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÊTOLOGIQUE  DE  L'oRANIE 

gueur  jusqu'au  bout  de  la  fente  est  de  9  mill.  A  l'intérieur  se 
trouve  un  anneau,  fendu  en  bas.  Cet  anneau  a  5  mill  de  grand 
diamètre  et  2  mill,  de  petit  ;  il  est  divisé  en  de  nombreux 
petits  rectangles  d'un  demi-millimètre  au  plus.  Cet  organe 
doit  remplir  le  rôle  de  ventouse  pendant  l'accouplement.  Si  on 
tire  sur  la  queue  il  s'allonge  et  prend  la  forme  d'un  fer  à 
cheval  ;  de  même,  le  contour  des  lèvres. 

lo  Membres  aiitérieurs.  —  Mains  courtes,  à  peine  plus  larges 
que  les  bras,  concaves  en  dessous,  l*^'"  doigt  (interne)  court 
(4  mill.  en  dehors,  2  en  dedans)  ;  2^  doigt  (7  mill.  jusqu'à 
l'angle)  ;  grand  doigi  8  mill.  ;  A'^  doigt  (4  mill.  intérieurement). 
Doigts  aplatis  en  dessous,  larges  de  1,5  à  2  mill.  en  moyenne 
au  milieu.  E.xtrémité  tuberculeuse.  Une  légère  tubérosité  à  la 
base  des  l^r  et  4«  doigts. 

2°  Membres  postérieurs.  —  Pieds  bien  plus  larges  que  les 
mains  et  que  les  jambes,  plats  et  plissés  en  dessous,  un  peu 
concaves  même,  l^""  orteil  très  court  (3  mill.  en  dehors  et  2  en 
dedans)  ;  2^  orteil  (1  et  5  mill.)  ;  3^  orteil  (9  mill.);  le  4e  le 
plus  long  (9,5  mill.)  Orteils  moins  aplatis  en  dessous  que 
les  doigts,  à  bords  à  peu  près  parallèles  ;  extrémités  presque 
en  boule.  (Chez  une  femelle  d'Autriche  les  orteils  sont  sensi- 
blement atténués  ;  le  le""  est  conique.) 

Coloration.  —  Mâle  vivant  (colonne  n"  1).  —  Fond  d'un 
noir  foncé  un  peu  mat.  Corps  présentant  en  dessus  plusieurs 
taches  jaunes  et  rouges  sans  symétrie  dont  voici  la  distribution  : 

Régions  sus-oculaires  jaunes  en  dessus  et  d'un  rouge  sang 
en  avant  et  en  arrière.  Arcades  sourcilières  d'un  noir  ro:igeâtre. 
Parotides  jaunes  en  dessus  et  aussi  en  dessous  postérieurement, 
entourées  de  noir  en  avant  ;  extérieurement  elles  sont  bordées, 
depuis  l'oêil  jusque  sur  le  cou,  d'une  longue  et  large  tache 
rouge.  Seules  les  taches  des  régions  sus-oculaires  et  celles  des 
parotides  présentent  quelque  symétrie. 

Sur  le  cou  se  trouve  une  grande  tache  transver;  aie  échan- 
crée  en  avant,  à  laquelle  font  suite,  sur  le  dos,  quatre  taches 
irrégulières  (de  7  mill.  sur  3  en  moyenne).  Ces  taches  alternent 
entre  elles  et  touchent  la  double  ligne  dorsale  de  tubercules  ; 
elles  sont  à  peu  près  à  égale  distance  l'une  de  l'autre.  Près  de 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE        191 

l'aisselle,  sur  le  bras,  il  y  a  une  petite  tache  jaune  bordée  de 
rouge  ;  une  ou  deux  très  petites,  jaunes  et  rouges,  se  voient 
sur  l'avant-bras,  et  une  seule,  sur  les  mains  et  les  pieds. 
Le  fond  noir  des  flancs  est  parsemé  de  quelques  points  rouges. 

Membres  postérieurs  tachés  comme  les  antérieurs.  En 
arrière  delà  ligne  des  cuisses,  en  dessus,  commence  une  tache 
jaune,  longue  et  étroite  qui  s'étend  en  arrière  ;  elle  a  10  mill. 
sur  2  à  3.  Sur  la  queue  on  voit  cinq  séries  de  taches  doubles, 
rondes,  qui  se  rapprochent  l'une  de  Fautive  sur  la  ligne 
médiane  supérieure  ;  elles  sont  jaunes  et  visiblement  bien 
bordées  de  rouge,  surtout  celles  placées  vers  le  bout  de  la 
queue.  Mamelon  du  cloaque  taché  de  jaune  de  chaque  côté. 

Dessous  du  corps  d'un  violet  noirâtre.  Pourtour  inférieur  de 
la  bouche  bordé  de  taches  rouges  qui  s'étendent  sur  la  gorge. 

Autre  mâle  en  alcool  (colonne  n»  3).  —  La  tache  jaune  du 
cou  existe,  elle  est  ronde  ;  celle  de  chaque  membre  existe  aussi  ; 
celle  de  la  croupe  est  transversale.  Les  taches  du  dos  sont  au 
nombre  de  sept  et  disposées  sans  aucune  symétrie,  la  première, 
en  avant,  est  branchueettrès  longue.  Cet  échantillon  présente 
en  outre  des  bandes  roussàtres  de  chaque  coté  du  cou  et  sur 
chaque  bande  costale. 

Femelle  vivante  (colonne  n"  2).  —  Jeune.  —  Coloration  plus 
vive.  Sept  lâches  jaunes  sur  le  dos,  trois  à  droite,  quatre 
à  gauche-  Taches  isolées  du  cou  et  de  la  croupe  présentes,  ce 
qui  porte  à  neuf  le  nombre  de  taches.  Ces  taches  mesurent  en 
moyenne  3,5  mill.  sur  2  et  3.  La  plus  longue  a  9  mill.  sur  2. 
Taches  de  la  queue  éparses. 

Femelle  pleine  en  alcool  (colonne  no  6).  —  Tiers  et  même 
moitié  des  parotides  de  couleur  noire  du  côté  externe.  Deux 
taches  jaunes  sur  le  cou,  distantes  ;  deux  taches  en  arrière  ; 
une  autre,  très  longue,  oblique,  irrégulière  au-dessous  du 
milieu  du  dos,  coupe  la  ligne  dorsale  ;  enfin  une  dernière  tache 
existe  sur  la  croupe.  Sur  la  queue  les  taches  sont  éparses. 

En  résumé,  le  nombre  de  taches  dorsales  parait  moindre 
chez  la  femelle  que  chez  le  mâle.  Ses  parotides  sont  aussi 
moins  jaunes.  Ces  caractères  ont  peu  de  valeur.  Peut-être  les 
taches  rouges  à  l'état  vivant  présentent-elles  quelque  intérêt. 


192        ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE 


Sexes.  —  Mâle.  —  Région  cloacale  formant  un  fort  mamelon. 
Lèvre  s'écartant  naturellement  en  cercle  et  laissant  voir 
la  couronne  de  l'organe  copulateur. 

Femelle.  —  Fenle  cloacale  longitudinale,  simple  et  fermée. 


Taille  et  dlmensions  : 


Lougiieur  lolalc . . 
Épaisseur  du  corps. 


Longueur  du  mi.seau  à  resirémilé  anlérieurc 
de  l'ouverlurc  du  cloaque 

Longueur  de  la  queue 

—  du  museau  au  pli  collaire 

Largeur  maxima  de  la  lèle 

Ilauleur  au  niveau  des  parolidcs 

Longueur  du  membre  antérieur  depuis  l'épaule 

—  du  bras  (coude  plié) 

—  de  l'avanl-bras  (poignel  el  coude  piit's) 

—  de  la  main 

—  du  l'^'"  doigl,  1  phalange. . . . 

—  du  2'"   doigt,  2  phalanges  (1). 

—  du  ."{'■  doigl,   ;î      —       .  .  . 

—  du   V"   doigt,  2      — 
Distance  entre  l'aisselle  et,  la  ceinture.. 
Longueur  du  membre  postérieur 

—  de  la  cuisse 

—  de  la  jambe 

—  du  Tarse  et  du  pied 

—  du  I''""  orteil 

—  du  2*=  orteil,  2   phalanges. .  .  . 

—  du  3''  orteil,  3      —      . . . . 

—  du  i"  orteil,  3      —  . . . . 

—  du  5>-"  orteil,  2      —  . . . . 


mâle 


2 


(em. 


3 
mâle 


205 
18 

107 

98 

Î9 

20 

8 

36 
14 
13 
14 

2 

5 

7,5 
4,5 
56 
40 
13 
12 
18 

2 

5,5 
8,5 

9 


120 
11 

68 

52 

17 

13,5 

8 
22 

8 

7 
8,5 

1 

3 

4 

2,3 

35 

23 

7 

7 

10 

1,2 

3,2 

5 

5 


220 
23 

109 
111 

28 

20 
9 

40 

IG 

12 

17 
2 

6 
8,5 

5 
50 
43 
14 
14 
18 

2 

0,2 
9,F, 
10 


fem. 


208 
24 

110 
9S 
30 
21 
10 
36 
14 
12 
14 
2 

5 

7 

4,5 
57 
35 
11 
11 
18 

2 

5,5 

8,5 

9 

4,5 


lem. 


6 


lem. 


192 
24 

103 
89 
26 
19 

8 

31 

13,5 

11 

12 

2 

5 
6,5 

4 

57 
35 
11 
11 
18 

2 

4 


4.2 


226 

28 

115 
111 

31 

21 

9 

38 
16 
12 

o 

5,5 
7,5 

5 
62 
40 
12 
12 
19 

2 

6 

9,5 
9,5 
5 


7 
mule 

152 
19 

82 
70 
22 
15 

7 
25 
11 

9 

10 
1,5 
3,5 

5 

4 
42 


(!)  Entre  doux  doigLs  il  y  a,  en  outre,  iia  aiig'c  membraneux 
MioUis  un  millimètre  de  profondeur. 


li 

2 

3,5 
6 
6 
3 

d'au 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE        193 

Distribution  géographique.  —  (M.,  Ai  :  T.)  —  La  sala- 
mandre n'a  été  signalée  que  dans  les  environs  d'Oran  par 
Guichenot.  Depuis,  elle  n'y  a  plus  été  retrouvée.  Je  l'ai 
cherchée  vainement.  Je  désespérais  de  la  connaître  lorsque 
le  21  novemhre  1897  M.  de  Lariolle  m'apporta  deux  individus 
vivants  qu'il  avait  recueillis  aux  mines  de  Rar-el-Maden  près 
de  Montagnac.  Au  mois  de  mai  1898  il  m"en  apporta  cinq 
autres  en  alcool.  Je  ne  saurais  trop  remercier  ce  chercheur 
infatigable  auquel  la  science  oranaise  doit  plus  d'une 
découverte.  En  simple  amoureux  de  la  Nature,  M.  de  Lariolle 
emploie  ses  loisirs  à  recueillir  des  matériaux  qu'il  distribue 
généreusement  aux  naturalistes  oranais. 

Éthologie.  —  Je  ne  sais  que  peu  de  chose  sur  la  salamandre 
algérienne.  Les  échantillons  vivants  que  j'ai  reçus  de  Rar-el- 
Maden,  le  21  novembre  1897,  avaient  été  trouvés  en  déracinant 
des  arbres.  Les  autres  ont  été  pris  au  printemps  suivant  dans 
les  puits  de  la  localité.  Le  plus  curieux  c'est  que  le  point  où 
sont  établies  les  habitations  du  personnel  de  la  mine  est 
dépourvu  de  sources  et  de  rivière.  Les  puits  y  font  plutôt 
l'office  de  citernes.  La  région  est  donc  sèche  et  les  salamandres 
n'ont  de  l'eau  que  lorsqu'il  pleut.  En  revanche  l'altitude  est 
élevée  et  le  terrain  boisé. 

La  salamandre  est  nocturne.  Voilà  pourquoi  elle  échappe 
aux  recherches.  La  meilleure  époque  pour  la  trouver 
est  celle  de  la  ponte.  C'est  donc  de  mars  à  mai  qu'il  faudra 
surveiller  les  puits,  les  mares,  les  flaques  d'eau,  etc.,  princi 
paiement  dans  les  régions  montagneuses  du  Tell.  On  pourra 
y  trouver  au  moins  les  larves  si  on  n'y  rencontre  pas  les 
parents.  En  été  la  salamandre  se  terre  et  recherche  l'humidité 
qui  lui  est  nécessaire  en  s'enfonçant  entre  les  racines  des 
arbres,  soit  le  longdes  cours  d'eau,  soit  dans  les  forêts  humides. 

La  salamandre  est  vivipare.  Elle  met  au  monde  des  petits 
vivants.  Je  n'ai  pu  observer  sa  ponte  en  Algérie  mais  j'ai  reçu 
une  femelle  (no  6;  qui  a  été  pi'obablement  mise  en  alcool  au 
moment  do  la  parturition  dans  le  courant  de  mai.  Il  ne  restait 
que  16  larves  entièrement  développées  ;  une  était  même 
engagée  fort  avant  dans  l'utérus.  L'expulsion  semble  donc 


194       ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE 

avoir  été  interrompue  (En  Europe  la  salamandre  pond  au  moins 
40  larves.)  Chaque  larve  était  pliée  en  trois  ;  le  premier 
pli  se  trouvait  à  la  ceinture  ;  le  2*^  vers  le  milieu  de  la  queue. 
Le  corps  était  logé  dans  une  enveloppe  grise,  transparente 
et  peu  résistante.  Voici  la  description  de  la  plus  grande  : 

Tète  oblongue,  très  obtuse,  presque  tronquée,  plane  en 
dessus,  lisse,  portant  de  grands  yeux  situés  sur  les  côtés  ;  ces 
yeux  sont  oblongs  (1,5  de  long  sur  1,2  de  hauteur).  Au  centre 
ils  présentent  un  point  blanc  ;  tout  le  reste  est  noir.  Les 
bords  internes  des  paupières  sont  distants  entre  eux  de  2"7'"5 
et  l'angle  antérieur  est  à  2,3  du  bout  du  museau.  Branchies 
molles  atteignant  le  milieu  du  bras  rabattu  le  long  du  corps. 
Membres  bien  développés  ;  2^=  et  3^  doigts  bien  visibles 
mesurant  1,3  et  1,5  ;  orteils  aussi  bien  distincts,  le  3''  et  le  4« 
longs  de  i'^/'^ô.  Queue  haute  (2  mill.  au  milieu),  aiguë,  bordée 
par  une  large  membrane  (1  mill.)  qui  part  de  l'anus,  contourne 
le  bout  de  la  queue,  parcourt  tout  le  dessus  et  va  se  terminer 
en  filet  sur  les  reins. 

La  main  étant  ramenée  en  avant  le  grand  doigt  atteint  la 
moitié  de  la  distance  de  l'œil  au  bout  du  museau. 

Corps  roussâtre,  maculé  de  noirâtre.  La  taille  (39  mill.)  est  à 
peu  près  celle  des  larves  d'Europe  (40  mill.).  Avec  les  larves 
j'ai  trouvé  dans  le  ventre  deux  chapelets  d'œufs.  Chacun  d'eux 
était  composé  de  10-11  œufs  globuleux  de  2  millimètres  de 
diamètre,  d'une  dizaine  de  1  mill.  et  d'un  grand  nombre  de 
très  petits  ovules  réduits  à  des  points. 

Dimensions  : 

Longueur  totale 39'"/'" 

Museau  à  anus 23 

Queue 16 

Largeur  du  ventre  3 

Hauteur  du  corps 4,5 

Distance  du  museau  à  la  ligne  des  épaules. .       8 

Plus  grande  largeur  de  la  tète 0 

Distance  ciilrc  la  lipe  des  épaules  el  la  ccinlurc 12 

Membre  antérieur 7 

—      postérieur 7 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'oRANIE        195 

Une  autre  femelle  (11°  4)  avait  17  œufs  de  5'"/"^^  ;  une  autre 
(n"  5)  en  avait  23de  4  mill.  et  un  très  petit  nombre  de  l^V^^^. 
La  parturition  devait  avoir  eu  lieu.  Y  aurait-il  deux  portées 
dans  l'année  ?  (l). 

La  salanimdi'e  est  très  utile  car  elle  consomme  des  insectes 
et  des  escargots.  J'ai  retiré  de  l'estomac  de  la  femelle  décrite  : 
trois  larves  de  coléoptères,  un  staphylin,  un  jeune  bulimus 
decollatus  de  12  mill.  et  deux  jeunes  hélix  de  10  mill. 
avec  leur  coquille,  un  cloporte,  une  pierre  de  6  à  7  mill.  cubes. 
Une  autre  avait  un  petit  coléoptère  et  une  petite  scolopendre. 
On  voit  par  cette  observation  que  la  nourriture  de  la  salaman- 
dre est  variée.  Cet  animal  est  donc  à  protéger. 

Venin.  —  Les  parotides  et  les  pores  de  la  salamandre  sécrè- 
tent un  liquide  visqueux  qui  est  un  poison  assez  violent. 
Il  peut  tuer  très  vite  de  petits  animaux,  souris,  oiseaux, 
lézards,  grenouilles,  etc.,  si  on  le  place  sur  leur  langue. 
D'après  M.  Phisalix,  une  injection  sous  cutanée  produit 
des  effets  encore  plus  rapides.  Sur  un  chien  le  poison  agit 
aussi  très  activement.  La  salamandre  elle-même  n'est  pas 
réfractaire  à  son  propre  venin.  Le  poison  frais  dialyse  assez 
rapidement  ;  les  larves  peuvent  l'absorber  par  les  branchies. 
Le  venin  de  l'animal  vivant  ne  peut  se  difTuser  dans  Feau  ;  mais 


(1)  J'ai  eu  l'occasion  d'observer  chez  moi  la  partnrilion  d'une  sala- 
mandre provenant  de  Vienne  (Autriche).  Comme  cet  acte  a  été  rarement 
observé  en  Europe  je  crois  bon  de  pubUer  les  quelques  notes  que  j'ai 
prises.  Elles  ne  seront  pas  inutiles  si  on  arrive  un  jour  à  faire  des 
obseiv.ations  sur  la  variété  algira. 

Le  27  juin  je  recevais  de  M.  de  Bedriaga  un^î  belle  salamandre.  Je  la 
plaçai  dans  un  grand  bocal  plein  d'eau.  Quel  ne  fut  pas  mon  étonnement 
lorsque  le  lendemain  matin,  à  9  heures,  je  la  vis  expulser  une  larve 
mort-née.  A  II  heures  8  larvps  étaient  expulsées;  plusieurs  étaient 
mortes.  A  midi  j'en  comptai  38  dont  6  mortes.  A  1  heure  48  avaient 
été  expulsées.  Les  nouveau-nées  sortaient  la  queue  la  première.  Beaucoup 
na'-?eaient  immédiatement  ;  les  autres  pour  se  débarrasser  de  leur 
enveloppe  gé  atineuse  mettaient  2-3-4  minutes  avant  de  pouvoir  nager. 
Les  larves  q'd  étaient  trop  fortement  enveloppées  risquaient  fort  de 
mourir  sans  pouvoir  se  dégager.  Deux'  et  trois  larvrs  sortaient  sans 
interrupnon.  Les  morts-nées  sortaient  pliées  en  deux  ;  elles  étaient  donc 
mortes  par  S'iite  de  l'expulsion  défectueuse. 

La  parturition  avait  duré  (juatre  heures.  Les  larves  mesuraient  lô  mill. 
de  longueur.  Le  29  elles  atteignaient  27  mill.  Malheureusement  je  ne 
pus  continuer  mes  observations,  un  accident  ayant  causé  la  mort  de 
toute  la  famille. 


196       ESSAI  SUR  LA  FaUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE 

après  la  mort,  il  passe  dans  Fcau  qui  devient  toxique  (1). 
Aussi  cAt-'û  prudent  de  ne  pas  laisser  des  salamandres  mortes 
dans  Icî-  puits. 

Lorsqu'on  manie  une  salamandre  vivante  il  est  prudent  de 
la  tenir  loin  des  yeux  car,  en  se  débattant,  elle  lance  l'humeur 
venimeuse  à  distance. 

Inconibustibililé.  —  On  a  cru  pendant  longtemps  que  les 
salamandres  étaient  incombustibles.  Ce  qui  a  donné  naissance 
à  ce  préjugé  c'est  que,  jetées  dans  un  brasier,  les  salamandres 
résistent  pendant  un  certain  temps  à  l'atteinte  de  la  flamme  et 
cherchent  à  en  sortir.  Ce  phénomène  s'explique  facilement. 
On  sait  que  si  l'on  frotte  la  main  avec  un  corps  gras,  de  l'huile 
principalement,  on  peut  l'exposer  pendant  quelques  instants 
sur  un  foyer  ;  la  chaleur  n'atteint  la  main  que  loi'sque  l'huile 
s'est  échauffée.  C'est  le  même  effet  qui  se  produit  chez  la 
salamandre.  Le  liquide  visqueux  que  secrète  sa  peau  la 
garantit  momentanément  et  peut  lui  permettre  de  se  sauver  si 
le  foyer  n'est  pas  intense  ;  unis  aussitôt  que  le  liquide  est 
chaud  et  évaporé  la  salamandre  est  grillée  comme  le  serait 
toute  matière  animale  placée  dans  les  mêmes  conditions. 


Genre   MOLGE 

CARACTf:RES  DU  GENRE.  —  Qiieuo  Comprimée  snrloiit  vers 
Vextrémité.  Dos  parcouru  par  une  croie  saillante  plus  ou 
moins  développée  rnais  toujours  représentée  au  moins  par  une 
ligne  saillante.  (C'est  le  cas  de  nos  espèces.)  Dents  palatines  en 
deux  séries  parallèles  ou  obliques.  Chaque  série  est  d-oiie  sur 
presque  fjiute  sa  long  unir  ^  elle  ne  se  recourbe  que  vers  V  extrémité 
antérieure  pour  rejoindre  sa  voisine  ou  s'en  rapproclicr.  Pas 
de  parotides  définies.  Lanrjue  plus  ou  moins  libre  sur  son 
pourtour,  fixe  en  avant.  Corps  grêle,  élancé.  Coloration  ci  fond 
jamais  noir,  jamais  uni.  Animaux  amphibies  restant  longtemps 
à  Veau  à  la  saison  des  amours.  Ovipares. 


([)  G.  Phisalix.   —  Sur  le  venin  de  la  sril.im.nulr.^  terrestre.  —  Bull. 
Ass,  fr.  pour  l'av.  des  Se.  —  Congrès  de  Paris  1889.   1"'  vol.,  p.  311. 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE        197 

Les  animaux  de  ce  genre  sont  connus  vulgairement  sous  le 
nom  de  triions. 

M.  Boulanger  a  réuni  dans  le  genre  Molge  toutes  les  espèces 
barbaresques.  Il  a  fondu  en  un  seul  les  genres  Euproctus, 
Glossoliga,  Triton,  Molge  des  auteurs  algériens.  A  mon  avis, 
il  serait  préférable  de  maintenir  deux  divisions.  Toutefois 
je  me  rallie  à  la  manière  de  voir  M.  de  Boulenger  qui  simplifie 
la  classification  des  triions.  D'ailleurs  M.  de  Bedriaga,  dont  la 
compétence  en  la  matière  ne  fait  de  doute  pour  personne, 
n'admet  aussi  que  le  genre  Molge  pour  les  véritables  tritons 
d'Europe. 

Le  genre  Molge  paraît  être  représenté  en  Berbérie  par  trois 
espèces.  En  voici  le  tableau  : 

G.  Molge.  —  TABLEAU  DES  ESPÈCES 


Animal  atteignant  une  grande  taille 
(0^20),  à  queue  très  comprimée 
latéralement  et  très  haute.  Chez  le 
mâle  une  large  membrane  nata- 
toire borde  la  queue  en  dessus  et 
un  bourrelet  plus  ou  moins  sail- 
lant la  parcourt  en  dessous  ;  chez 
la  femelle  ces  expansions  existent 
mais  elles  sont  moins  développées. 
Sous  la  gorge  un  fort  pli  de  la 
peau  forme  un  collier  droit.  Dents 
palatines  à  branches  plus  ou  moins 
rapprochées,  s'avançant,  chez  le 
mâle,  en  avant  de  la  ligne  des 
arrière-narines. 


Animaux  plus  petits.  Pas  de  plicollaire 
parfait;  tout  au  plus  un  sillon  plus 
ou  moins  défini.  Dents  palatines 
ne  dépassant  pas  nettement  les 
arrière-narines. 


M.  A\  altlii. 


198       ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'ORANIE 


2. 


Dents  palatines  formant  un  A  à  pointe 
obtuse,  à  branches  bien  rappro- 
chées, s'écartant  un  peu  en  dehors 
postérieurement.  Généralement 
un  sillon  plus  ou  moins  apparent, 
non  recouvert  par  un  pli  de  la 
peau,  remplace  le  collier.  Mandi- 
bule à  contour  semi  elliptique  en 
avant. 


M.  Hagenmullerii. 


Dents  palatines  formant  un  n  à  branches 
distantes,  parallèles,  ne  se  tou- 
chant pas  en  avant,  droites  à  leur 
extrémité  postérieure.  Pas  de 
sillon  collaire  en  dessous  du  cou. 
Mandibule  inférieure  à  contour 
semi  circulaire  en  avant. 


M.  Poireli. 


Observations.  —  Cette  classification,  aujourd'hui  admise, 
pourrait  bien  être  modifiée  le  jour  où  l'on  aura  des  matériaux 
suffisants.  Si  .1/.  Walllii  est  indiscutable,  les  deux  autres 
espèces  en  compi'ennent  trois:  Euproclus  Rusconi  Guicti.  non 
Gêné,  Triton  nebulosus  Guich.,et  Glossoliga Hagenmiïlleri  Lat. 
Le  caractère  distinctif  principal  sur  lequel  est  basée  la  séparation 
est  la  disposition  des  dents  palatines.  Or  ce  caractère  est  loin 
d'offrir  une  grande  rigueur  scientifique.  La  disposition  dts 
palatines  varie  avec  les  sexes.  La  forme  de  la  queue  diffère 
aussi  chez  les  mâles  et  les  femelles,  surtout  pendant  la  période 
des  amours. 

Tout  ceci,  non  pas  pour  discuter  la  classification  adoptée, 
mais  pour  mettre  en  garde  ceux  qui  auraient  la  chance  de 
découvrir  des  tritons  en  Oranie.  Ils  ne  devront  pas  les 
déterminer  précipitamment;  ils  n'oublieront  pas  que  Guichenot 
a  signalé  dans  le  département  d'Oran  Euproctus  Rusconi  et 
qu'il  l'a  distingué  de  son  Triton  nebulosus  d'Alger. 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÈTOLOGIQUE  DE  L*OR.\NIE        199 

58  .     Molge  Poireii  Gervais  (PI .  XXVI,  fig.  3,  a,  h,  c,  d,  e) 
Fig.  Guichenot.  Expl.  scient,  de  l'Algérie.  PI.  4,  fig.  1  et  2 

Le  triton  de  Poiret. 

Lacerta  palustris  Poiret. 

Euproctus    Rusconi    Giiich.    non   Gêné   (Expl.    scient,    de 

l'Algérie.  PI.  4,  fig.  2.)  Straiich.,  LaUemant. 
Triton  nebulosus  Guich.  (loc.  cit.)  PI.  4,  fig.  1. 
Triton  Poireti  Gervais. 

Euproctus  Poireti  Gerv.,  Slrauch.,  LaUemant. 
Molge  Poireti  Gev.,  Dlg.,  Ern.  Olivier. 

Tous  les  auteurs  depuis  Gervais  ont  réuni  en  une  seule 
espèce  les  Euproctus  Rusconi  et  Triton  nebulosus  de  Guichenot. 
Le  dernier  n'est  connu  que  par  l'individu  décrit  et  figuré  dans 
V Exploration  scientifique. 

Voici  la  description  d'une  femelle  de  Molge  Poireti  en  alcool 
qui  provient  d'Alger  : 

Tête  plus  longue  que  large  ;  distance  entre  les  tempes,  près 
des  plis  des  côtés  du  cou,  12  mill,  ;  distance  de  la  ligne  des 
plis  du  cou  au  bout  du  museau  15  millimètres  ;  largeur 
sur  la  ligne  postérieure  des  yeux  vue  en  dessus,  12  mill.  ; 
largeur  entre  les  angles  de  la  bouche  11  mill.  ;  flèche  jusqu'au 
bout  du  museau,  8,5.  Museau,  en  avant  des  yeux,  à  contour 
appartenant  à  un  trapèze.  La  face  a  4,5  de  largeur  et  porte 
de  chaque  côté  les  narines.  Des  yeux  au  cou  les  côtés  de  la 
tète  sont  à  peu  près  parallèles.  Le  dessus  de  la  tête  est  plan, 
lisse  avec  une  petite  dépression  longitudinale  sur  le  milieu  du 
museau.  En  arrière  des  yeux  et  de  la  région  frontale  la  peau 
est  granuleuse.  Sur  chaque  côté  postérieur,  à  la  place  des 
parotides,  il  y  a  un  renflement  allongé  qui,  en  arrière,  forme 
le  pli  du  cou  ;  ce  pli  se  voit  encore  en  dessous  sur  une  longueur 
de  l'n/'nô.  Les  deux  plis  ne  se  rejoignent  pas  et  sont  distants 
de  6  mill.  En  arrière  des  plis,  sur  les  épaules,  se  trouve  de 
chaque  côté  un  court  renflement.  Yeux  peu  visibles  en  dessus, 
placés  sur  les  côtés  de  la  tête,  obliques  d'arrière  en  avant  ; 


200        ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'oRANIE 

régions  sus-oculaires  étroites,  non  saillantes,  granuleuses, 
bordées  de  blanchâtre  ainsi  que  la  paupière  inférieure  ; 
les  arcades  sourcilières  sont  distantes  de  8'"/'"5  ;  l'œil  est 
oblong;  son  orbite  mesure  3  mill.  de  long  sur  2  de  hauteur  ; 
sa  distance  à  la  narine  est  de  3  mill.  ;  celle  de  la  base  à  la 
lèvre  de  l™/'n2. 

Mandibule  inférieure  ogivale  sur  les  côtés,  très  arrondie  en 
avant  ;  la  lèvre  supérieure  la  déborde  entièrement  en  avant  et 
légèrement  près  des  angles  de  la  bouche  ;  relevée,  la  mandibule 
présente  les  dimensions  suivantes  :  largeur  11  mill . ,  flèche  8  mill . 

Dents  palatines  sur  deux  rangées  presque  parallèles  mais  se 
rapprochant  visiblement  d'arrière  en  avant  ;  extrémités 
postérieures  droites  et  distantes  de  2  mill.  ;  largeur  de  chaque 
série  -i^/'^o  ;  dislance  entre  les  courbes  antérieures  1,5  ; 
entre  les  pointes  0'"/'"7  ;  pointe  dépassant  la  ligne  des  arrière- 
narines  d'un  demi-millimètre.  Langue  petite,  presque  ovale  ; 
largeur  dans  le  -3-  postérieur  4  mill.,  base  2,5,  longueur  4; 
distante  de  1,3  du  bord  de  la  mandibule.  Ouvertures  des 
arrière-narines  petites,  distantes  entre  elles  de  4,5  et  de  la 
ligne  du  museau  de  4  mill.,  placées  presque  contre  les 
maxillaires  verticaux. 

Corps  arrondi,  allant  en  s'épaississant  depuis  le  cou  jusqu'au 
tiers  postérieur  du  tronc,  pour  s'abaisser  rapidement  sur  la 
queue.  Le  milieu  du  dos  est  parcouru  par  une  ligne  de 
tubercules  lisses,  allongés,  peu  saillants,  séparés  par  un  sillon 
linéaire  peu  marqué  qui  les  coupe  en  deux  ;  la  dislance  entre 
les  tubercules  égale  au  plus  la  moitié  de  leur  longueur.  Ventre 
aplati,  un  peu  plus  bas  que  le  plan  de  la  gorge.  Côtés  du  dos  et 
flancs  chagrinés.  Ventre  à  grains  plus  fins  mais  visibles. 

Extrémité  antérieure  de  la  fente  cloacale  à  1  millimètre  en 
arrière  de  la  ligne  des  aines.  Fente  3'^l"^5.  Largeur  de  la  base 
de  la  queue  en  travers  du  n)ilieu  de  la  fente  5,5  ;  hauteur  4,5. 

Queue  plus  longue  que  le  corps,  d'abord  presque  arrondie, 
puis  s'aplatissant  de  plus  en  plus  sur  les  côtés  dans  les  deux 
tiers  postérieurs;  l'extrémité  est  très  aplatie;  les  côtés  restent 
convexes.  En  dessus  il  n'y  a  aucune  trace  de  membrane  ; 
seule  une  ligne  claire  en  marque  la  racine.  Le  dessous  est 
parcouru  par  un  imperceptible  sillon.  Côtés  chagrinés. 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'orANIE        201 

Membres  assez  bien  conformés.  Bras  moins  forts  que  les 
jambes. 

Mains.  —  Mains  étroiles.  Qua'.re  doigts  à  bords  parallèles, 
1res  aplatis,  larges  de  3/4  de  millimètre. 

Pieds  —  Pieds  moitié  plus  larges  que  les  mains.  Cinq  orteils 
à  peine  plus  grands  que  les  doigts. 

Taille  et  dlmensions  :  temeiie 

Longueur  totale 124  "V™ 

Épaisseur  du  corps 13 

Longueur  du  museau  à  l'exlrcmilé  antérieure  du  doaque. . .  58 

—  de  la  queue 66 

—  du  museau  à  la  ligne  collaire 15 

Largeur  maxima  de  la  tête '. 12 

Hauteur  au  niveau  des  parotides 5 

Lougu.'ur  du  membre  autérieur  depuis  l'épaule 17 

—  du  bras  (coude  plié) 7 

—  de  l'avant-bras  (plié) 4,5 

—  de  la  main  (pliée) 6 

—  du  l*^'' doigt  (2   phalanges) 1,8 

—  du  2'^   doigt  (2  —        ) 2 

—  du  3'-'   doigt  (3  —        ) 3 

—  du  4«   doigt  (2         —       ) 1,7 

Distance  entre  l'aine  et  la  ceinture 34 

Longueur  du  membre  postérieur 19 

—  de  la  cuisse 6 

—  de  la  jambe 4,5 

—  du  tarse  et  du  pied 10,5 

—  du  l*^""  orteil  (2  phalanges) ...  1,5 

—  du  2-^   orteil  (2        —        )  . .  .  2,5 

—  du  3«   orteil  (3        —        )  . .  .  4,5 

—  du  4e   orteil  (3        —        )  .    .  4 
du  5«  orteil   (2        —        )  ...  1,8 

Coloration.  —  En  alcool,  d'un  gris  noirâtre  mêlé  de 
roiissàtre,  pommelé  de  taches  éparses  plus  foncées.  Ventre 
couleur  de  vieux  parchemin.  Quelques  taches  sur  les  côtés. 
Mandibule  inférieure  bordée  d'une  ligne  de  larges  points. 


202        ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE 

Voici  la  coloration  qu'indique  Guiclicnot  pour  les  individus 
de  la  même  localité,  Alger  : 

«  Triton  nehulosus.  —  Dessus  du  corps,  de  la  queue  et  des 
membres  d'un  vert  bouteille,  semé  de  tacbes  brunes,  foncées 
et  irrégulières  qui  se  confondent  en  nuages  ;  des  points  jaunes 
très  petits  se  montrent  en  dilïérents  endroits  de  la  tête,  du  dos 
et  de  la  queue.  On  voit  une  teinte  jaunâtre  sur  les  flancs. 
Les  carènes  de  la  queue,  le  dessous  des  membres  et  même  les 
doigts  sont  colorés  en  minium  pâle.  Cette  couleur,  qui  parait 
dominer  sur  le  ventre  et  la  gorge,  est  relevée  de  taches  brunes 
et  rondes  qui  demeurent  toujours  isolées.  » 

Sexes.  —  Le  mâle  se  distingue  par  les  protubérances 
saillantes  qui  bordent  la  fente  cloacale. 

Au  moment  des  amours  il  doit  présenter  sous  les  bras 
des  brosses  copulatrices. 

DlSTRIBUT[ON  GÉOGRAPinQUE.  —  (AL,  T  :  T.,  H. -PI.  9)  — 
Dans  la  province  d'Oran  l'écliantillon  d'Euproctus  Rusconi  cité 
par  Guichenot  provient  «  d'Oran,  intérieur  des  terres.  » 
Cette  espèce  n'a  plus  été  retrouvée.  Le  Molge  Poircti  n'est 
bien  connu  que  d'Alger. 

Observations. —  Quoique,  jusqu'à  plus  ample  démonstration, 
j'admette  la  réunion  des  deux  espèces  de  Guichenot,  je  crois 
qu'il  n'est  pas  inutile  de  faire  ressortir  les  différences  que 
montrent  les  figures.  (On  ne  peut  malheureusement  se  servir 
des  textes  car,  pour  Eupr.  Rusconi,  Guichenot  a  eu  le  tort  de 
copier  la  description  de  Gêné  qui  se  rapporte  à  une  autre  espèce  ) 

Si  on  examine  les  deux  figures  de  l'Atlas  de  l'Exploration 
scientifuiue  on  s'aperçoit  facilement  des  différences  suivantes  : 

La  fig.  1  c  du  Trilon  nehulosus  présente  un  pli  bien  marqué 
sur  tout  le  dessous  du  cou  ;  les  dents  palatines  forment  un 
triangle  à  sommet  arrondi  au-dessous  de  la  ligne  des  arrière- 
narines.  La  langue  est  rectangulaire  à  angles  arrondis  ;  elle 
touche  la  base  des  palatines  probablement  à  l'état  frais,  lorsque 
la  mandibule  est  rabattue. 

Taille  sur  la  figure  :  0.090  -f  0,115  rr  0™  205. 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'oRANIE       203 

Tous  ces  caractères  sont  bien  voisins  de  ceux  correspondants 
du  Molge  Hagenmïdleri.  Mais  la  disposition  des  palatines,  le 
pli  collaire  complet  et  surtout  la  taille  semblent  autoriser  la 
séparation. 

La  figure  2  qui  représente  Euproctus  Rusconi  ne  porte 
aucune  trace  de  collier  sur  le  milieu  du  cou  ;  sur  les  côtés 
seulement  le  pli  est  assez  bien  marqué.  Les  dents  palatines 
sont  obliques  et  se  recourbent  au  sommet  sans  se  rejoindre  ; 
les  extrémités  paraissent  atteindre  la  ligne  des  arrière-narines. 
(La  figure  est  un  peu  confuse).  La  langue  est  en  as  de  trèfle  ; 
elle  est  bien  distante  de  la  base  des  palatines  lorsque  la 
mandibule  est  abaissée  (probablement  en  alcool).  La  queue  est 
plus  longue  que  chez  le  Tr.  jichulosus.  Elle  porte  un  bourrelet 
membraneux,  peu  développé.  Ce  caractère  a  peu  de  valeur. 

Taille  sur  la  figure  :  0,090  +  0,095  =  0"i  185. 

11  est  évident  que  les  caractères  du  collier  et  des  dents 
palatines  ont  les  plus  grands  rapports  avec  ceux  correspondants 
de  la  femelle  de  M.  Poiretl  dont  j'ai  donné  la  description. 

Tout  ceci  démontre  qu'il  n'est  pas  facile  de  séparer  sur  des 
bases  solides  les  Triton  nebulosus  Guich.,  Eapr,  Rusconi  Guich. 
et  Triton  Poircti  Gervais.  Les  liens  de  parenté  du  Tr.  nebulosus 
avec  Molge  HagenmïiUerii  semblent  d'ailleurs  démontrer  que 
la  distinction  spécifique  est  loin  d'être  faite.  Je  donnerai  à  ce 
sujet  une  preuve  de  plus.  M.  Boulenger  ne  cite  en  Tunisie 
que  M.  Poiretl.  Or  je  possède  de  ce  pays  un  triton  que  j'ai 
toutes  les  peines  du  monde  à  classer  ;  c'est  probablement  un 
M.  Hagenmûllerii.  Pour  faciliter  les  recherches,  je  le  décrirai 
plus  loin  avec  un  autre  de  Bône. 

Molge  Hagenmûllerii  Lataste  (PI.  XXVI,  fîg.  4,  a) 
Fig.  BIg.,  Cat.  of.  Barh.  (PI.  XVIII,  fig.  4) 

Le  triton  (rHageuiiiiiller. 

Glossoliga  Ilagcnniullei'ii  Lataste  in  Naturaliste  Vi%\,  p.  371. 
Molge  Hagenmûllerii  Lat.,  BIg.,  Ern.  Olioier. 

Cette  espèce  de  la  province  de  Constantine  n'a  pas  été  signalée 
en  Oranie.  Latastd  qui  l'a  décrite  a  trouvé  chez  certains 
individus  un  lien  de  parenté  avec  le  triton  de  Poiret.  Néanmoins, 

23 


204        ESSAI  SUR  LA  FAUXË  ERPÊTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE 

M.  ITagcnmiïllerii   présente   des   caractères  d'ensemble  qui   le 
distinguent  suffisamment. 

Voici  la  desiMMplion  d'une  femelle  de  Bône,  de  taille  moyenne, 
que  je  dois  à  l'obligeance  de  M.  Boulcnger  : 

T("'te  plus  longue  que  large  ;  distance  de  la  ligne  des  plis  du 
cou  au  bout  du  museau  11  mill.  ;  plus  grande  largeur  sur  la  ligne 
postérieure  des  yeux  8,5  ;  largeur  entre  les  angles  de  la  bouche  8  ; 
tîèebe  jusqu'au  bout  du  museau  Ci,h  ;  largeur  près  des  plis  des  côtés 
du  cou  7,5.  Museau,  en  avant  des  yeux,  à  contour  formant  un  trapèze 
curviligne  ;  distance  entre  les  narines  3  mill.  Les  côtés  de  la  tète 
depuis  les  yeux  jusqu'au  cou  sont  un  peu  obliques.  Le  dessus  est 
lisse,  luisant,  jusque  sur  les  régions  pariétales  ;  les  tempes  sont 
chagrinées  ;  les  régions  parotidiennes,  non  marquées,  le  sont  aussi  ; 
de  même  la  partie  supérieure  du  cou  qui  les  joint.  Pli  de  chaque  côté 
du  cou  1res  peu  marqué  mais  s'avançant  en  un  léger  sillon  presque 
sur  toute  la  moitié  du  dessous  du  cou.  (Ce  sillon  doit  être  plus 
marqué  chez  les  individus  plus  jeunes).  Renflement  en  avant  des 
épaules  très  peu  marqué.  Yeux  peu  visibles  en  dessus  lorsqu'ils 
sont  fermés,  placés  sur  les  côtés  de  la  tète,  obliques  d'arrière  en 
avant;  régions  sus  oculaires  ti-ès  peu  saillantes,  presque  lisses, 
blanchâtres  sur  la  moitié  interne;  paupière  inférieure  entièrement 
de  même  couleur  ;  dislance  entre  les  plis  internes  3  millimètres  , 
les  arcades  sourcilièressont  distantes  de  6,5.  Œil  plus  long  (3  mill.) 
que  haut  (2  mill.',  dans  l'orbite  ;  sa  dislance  à  la  narine  est  de  2,2, 
celle  ù  la  base  de  la  lèvre,  de  1  mill. 

Mandibule  inférieure  ogivale,  arrondie,  subobluse  à  l'exlrémité  ; 
largeur  entre  les  extrémités  des  branches,  la  bouche  ouverte, 
8  mill.,  flèche  6  mill.  La  lèvre  supérieure  déborde  l'inférieure 
sur  son  pourtour,  surtout  en  avant  (1  mill.) 

Dents  palatines  sur  deux  lignes,  peu  obliques,  très  rapprochées, 
non  recourbées  près  de  la  pointe,  se  touchant  en  avant  et  se 
terminant  juste  sur  la  ligne  des  arrière-narines,  longues  de  4,5, 
distantes  de  l^/^S  à  la  base,  de  1  mill.  au  milieu  ;  les  branches 
s'infléchissent  très  légèrement  vers  l'intérieur,  dans  la  région 
moyenne,  ce  qui  produit  un  écartement  du  1/3  inférieur  des 
brandies,  mais  les  extrémités  restent  droites. 

Langue  petite,  ovale  (3  sur  2,5)  fixe  dans  la  région  moyenne  et 
en  avant,  distante  du  bord  de  la  mandibule  de  1  mill.  Ouvertures 
des  arrière-narines  distantes  entre  elles  de  3,5,  du  bord  des 
mâchoires  de  1,5,  de  la  ligne  du  museau  de  3"'/'"5. 

Corps  peu  épais,  assez  lisse  sur  la  ligne  médiane  du  dos, 
granuleux  sur  les  côtés  et  sur  les  flancs.  Ventre  sillonné  en  réseau. 

Queue  aussi  large  que  haute  vers  la  base,  très  aplatie  vers  le 
bout  ,  très  finement  bordée  dans  la  moitié  postérieure. 

Membres  grêles.  Mains  et  pieds  à  extrémités  fines. 


ESSAI  SUR  LA.  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE        205 


Taille  et  dimensions  : 


Longueur  totale 

Épaisseur  du  corps 

Longueur  du  museau  à  l'exlrémitc  antérieure  du  cloaque . . 

—  de  la  queue 

—  du  museau  à  la  ligne  collaire 

Largeur  de  la  tête  sur  la  ligne  des  yeux. . . . 

—  —  en  avant  des  plis  du  cou. 

Hauteur  au  niveau  des  parotides 

Longueur  du  membre  antérieur 

—  du  bras 

—  de  l'avant-bras 

—  de  la  main 

—  du  1"  doigt  (2  phalanges) 

—  du  2«     —     (2        —         ) 

—  du  3=     —     (3         -         ) 

—  du  4'=    —    (2        —         ) 

Distance  entre  l'aine  et  la  ceinture 

Longueur  du  membre  postérieur 

—  de  la  cuisse 

—  de  la  jambe 

—  du  tarse  et  du  pied 

—  du  1"  orteil  (2  phalanges) 

—  du  2>=     —     (2         —        ) 


(lu  3" 
du  4= 
du  5" 


-  ) 

-  ) 


-     (2         -        ) 


Femelle 

Mâle 

B6ne 

TunisI 

92™/"' 

106-/" 

6,5 

12 

42 

51 

50 

55 

11 

11,5 

8,5 

9 

7,5 

12 

3,5 

5 

13 

15 

5,5 

5,5 

4 

4 

5 

6 

1,5 

2 

2,8 

2,5 

3 

3 

2 

2,5 

23 

30 

15 

19 

5 

5 

4 

4 

8 

9 

1,5 

2 

o 

3 

4 

5,2 

3,8 

5 

2 

'^5 

Coloration.  —  Sur  le  vif,  d'après  Lataste  {loc.  cit.)  :  «  Faces 
supérieures  brun  lavé  de  jaunâtre  et  de  verdàlre,  semées  de  points 
brun  foncé,  plus  uniformes  chez  les  femelles  ;  faces  inférieures  gris 
clair,  également  semées  de  points  bruns,  ceux-ci  gros  et  nets 
surtout  chez  les  mâles,  presque  nuls  chez  les  femelles  ;  il  y  a 
cependant  des  mâles  à  ventre  concolore.  En  dessus  la  tranche  de 
la  queue  et  les  extrémités  des  membres  sont  jaunes  ou  orangées. 
la  teinte  se  poursuivant  plus  ou  moins  loin  sur  l'abdomen  ; 
chez  deux  sujets  mâles  elle  atteint  la  gorge.  L'iris  est  doré.  » 

Sexes.  —  Le  mâle  a  la  région  cloacale  très  renflée.  Il  porte  des 
brosses  copulatrices  sous  les  membres  antérieurs  pendant  la 
période  des  amours  (Lataste).  La  femelle  ne  présente  aucun 
renflement  autour  de  la  fente  cloacale.  Pas  de  brosses. 


Voici    maintenant    la    description   d'un    mâle   adulte  que 
j'attribue  au  Molge  Hagenmûllerii.   Il  provient  de  Tunisie. 


206       ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'ORANIE 

Je  l'ai  obtenu  par  l'intermédiaire  de  M.  Pallary  qui  l'avait 
acquis  du  Muséum  de  Marseille  : 

Tôle  guère  plus  longue  que  large:  (Uslance  de  la  ligne  du  sillon 
eollaire  au  bout  du  museau  11,5;  largeur  entre  les  angles  de 
la  bouche  10  ;  flèche  jusqu'au  bout  du  museau  7,")  ;  plus  grande 
largeur  entre  les  régions  parotidiennes  très  renflées  lî  ;  le  bord 
antérieur  des  renflements  est  distant  de  l'œil  de  2  mill.  ;  la  ligne 
des  boi'ds  postérieurs  est  distante  du  bout  du  museau  de  14,")  ; 
chaque  bord  postérieur  est  fortement  plié  et  distant  de  l'épaule 
de  2  mill.;  l'inlerespace  est  légèrement  renflé. 

Museau,  en  avant  des  yeux,  formant  un  trapèze  à  bout 
légèrement  arrondi.  Narines  placées  sur  les  côtés,  distantes  entre 
elles  de  3  millimètres.  Le  contour  de  toute  la  mâchoire  supérieure 
est  ogival,  à  bout  arrondi  et  à  côtés  sensiblement  curvilignes. 
En  arrière,  les  renflements  parotidiens  sont  saillants  sur  les  côtés 
de  près  de  1  millimètre. 

Des  trois  triions  que  j'ai  décrits,  celui-ci  est  le  seul  chez 
lequel  la  plus  grande  largeur  de  la  tète  se  trouve  en  arrière. 
Ce  caractère  est  offert  par  la  fig.  2  b  (PI.  4;  de  V Explorât  ion 
scientifique. 

Dessus  de  la  tète  luisant  mais  non  nettement  lisse,  mémo  assez 
rugueux  sur  la  région  pariétale.  Le  reste  de  la  tête,  en  arrière  des 
yeux  et  sur  le  cou,  est  chagriné.  Pli  de  chaque  côté  du  cou  très 
marqué  et  se  continuant  sur  toute  la  largeur  par  un  sillon 
bien  net.  Yeux  assez  grands,  à  peine  plus  longs  que  hauts  dans 
l'orbite  (3  sur  2,-5),  bien  visibles  en  dessus  ;  distance  à  la  narine?,?, 
distance  à  la  lèvre  1  mill.  Régions  sus-oculaires  assez  grandes, 
largement  bordées  de  clair  de  même  que  les  paupières  inférieures; 
distance  entre  les  arcades  sourcilières,  sur  la  ligne  moyenne, 
7  mill.,  entre  les  lignes  internes  des  régions  sus-oculaires  5,5. 
Mandibule  inférieure  nettement  ogivale,  à  pointe  arrondie  ; 
largeur  entre  les  extrémités  des  branches  9  mill.,  flèche  7,5. 
La  lèvre  supérieure  déborde  légèrement  l'inférieure  en  arrière 
des  yeux  ;  elle  fait  saillie  en  avant,  de  l'épaisseur  du  museau, 
7  milliii>ètres. 

Dents  palatines  formant  un  angle  à  branches  très  rapprochées, 
presque  parallèles  dans  la  moitié  moyenne  où  elles  sont  distantes 
de  1  mill.  ;  les  extrémités  se  rejoignent  en  pointe  en  avant  et 
forment  une  courbe  presque  droite  ;  en  arrière  les  branches 
s'écartent  d'abord  légèrement,  puis  se  recourbent  brusquement 
vers  l'inttirieur.  Les  extrémités  sont  alors  entre  elles  à  une 
distance  de    2,5.  Ligne  médiane  des  palatines,  5  millimètres. 

La  pointe  est  sur  la  ligne  des  arrière-narines  ;  celles-ci  sont 
distantes  entre  elles  de  3,5,  de  la  lèvre  de  1,8,  de  la  ligne  du  bout 


ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  l'oRANIE        207 

du  museau  de  3,3.  Les  arrière-narines  sont  très  visibles,  l'espace 
entre  chacune  d'elles  et  la  lèvre  étant  courbe.  (Ce  caractère 
pri'senle  une  réelle  valeur). 

Langue  petite  (ratatinée  en  alcool)  3.5  en  moyenne,  à  extrémité 
distante  du  bout  de  la  mandibule  de  1  mill. 

Corps  assez  épais,  large  de  12  mill.,  haut  de  10.  Dos  s'ôlevant 
au-dessus  du  niveau  de  la  tète  ;  ventre  s'abaissant  au-dessous 
de  celui  de  la  gorge,  la  lète  n'ayant  que  5  mill.  au  plus 
d'épaisseur.  Arrière  du  dus  descendant  insensil)lement  vers 
la  queue  en  décrivant  une  ligne  concave. 

Queue  plus  haute  que  large,  forte  ;  épaisseur  4  mill.,  hauteur  6 
en  arrière  de  la  fente  cloacale.  La  hauteur  de  6  mill.  se  maintient 
jusqu'au  —^  inférieur,  bordure  comprise  ;  le  tiers  inférieur 
s'amincit  en  glaive  jusqu'à  la  pointe  ;  l'épaisseur  de  tout  l'organe 
diminue  de  la  base  à  l'extrémité.  Le  dessus  de  la  queue  est  par- 
couru, dans  la  moitié  postérieure,  par  une  membrane  qui  se  réduit 
à  un  filet  sur  la  moitié  antérieure  ;  le  dessous  porte  un  fort  bourrelet 
saillant  d'un  demi-millimètre  environ,  arrondi  antérieurement;  sur 
la  partie  postérieure  le  bourrelet  devient  membraneux  et  atteint  au 
plus  J  mill.  à  l'extrémité.  Le  filet  supérieur  et  le  bourrelet  inférieur 
atteignent  le  cercle  qui  passe  par  l'extrémité  postérieure  du  cloaque. 

Membres  postérieurs  nettement  plus  forts  que  les  antérieurs. 

Mains.  —  Les  mains  sont  à  peme  plus  larges  que  les  avant- 
bras;  les  doigts  relativement  longs  et  étroits,  ont  0,.5  de  largeur. 

Pieds.  —  Les  pieds  sont  plus  larges  que  les  jambes  ;  les  orteils 
sont  longs  et  étroits  ;  largeur  0,07. 

Taille  et  dimensions.  —  Voir  page  192. 

Distribution  GÉOGUAPHiQUE.  — (C.,  T.:  P.,  H.-PL,  S.)—  Le 
Molge  Hagenmïdlerii  a  été  découvert  à  Bône  par  M.  Hagenmûller. 
Il  a  été  signalé  a  Constantine  et  à  Biskra.  Aussi  en  Tunisie. 

Molge  Waltlii  Michahelles  (PI.  XXVII,  fig.  1,  a) 
Fig.  Bonaparte  (Fauna  italica) 

Le  triton  de  WallL 

Pleurodeles  Waltlii  Michahelles. 
Molge  Waltlii  Mich.,  Blg.,  Ern.  Olivier. 

Cette  espèce  qui  se  trouve  au  Maroc  entre  Tanger,  Ceufa  et 
Tetuan  pourrait  se  rencontrer  sur  le  littoral  de  l'ouest  de  'a 
province  d'Oran.  Elle  est  presque  d'aussi  grande  taille  que  la 
salamandre,  0,22.  On  la  reconnaîtra  au  fort  i)li  qui  recouvre  le 
sillon  colaire  et  forme  un  véritable  collier  droit,  parfois  rentrant 
vers  la  gorge  au  milieu.  Queue  en  glaive.  Doigts  et  orteils  épaissis. 


208        ESSAI  SUR  LA  FAUNE  ERPÉTOLOGIQUE  DE  L'ORANIE 

Observatio-^.  —  Le  mâle  présente  de  gramies  différences  si  on 
le  compare  à  la  femelle.  Sa  tète  est  plus  courte.  La  disposition 
des  palatines  n'est  pas  la  même  et  peut  conduire  à  des  erreurs 
dans  la  ddermination.  M.  Boulenger  dit  que  les  dents  palatines 
dépassent  la  ligne  des  arriére-narines.  Je  trouve  ce  caractère  très 
net  chez  un  mâle  de  Séville  (don  Boulenger).  Chez  une  femelle  de 
Mertola  (don  de  Bedriaga),  l'extrémité  antérieure  des  palatines  ne 
dépasse  pas  la  ligne  supérieure  des   arrière-narines. 

Chez  le  mâle  les  branches  des  palatines  sont  très  rapprochées 
(1  mill.)  ;  elles  s'écartent  dans  le  j  inférieur  et  se  rejoignent 
presque  au  sommet  sans  former  de  courbe.  Les  extrémités  posté- 
rieures sont  distantes  de  2  mill.  au  plus.  La  longueur  médiane  est 
de  6  mill.  En  résumé,  les  palatines  forment  plutôt  un  A  qu'un  f\ 

Chez  la  femelle  Vf]  est  très  net,  les  branches,  parallèles,  sont 
distantes  de  2,5  mill.,  la  ligne  médiane  mesure  6  mill.  En  avant  les 
branches  se  recourbent  pour  se  rejoindre  un  peu  en  ogive. 

Éthologie  DES  TRITONS.  —  N'ayant  jamais  capturé  des 
tritons  en  Algérie  je  ne  puis  en  dire  grand  chose.  Leurs  mœurs 
doivent  se  rapprocher  de  celles  des  tritons  d'Europe.  La 
femelle  dépose  ses  œufs  sur  des  feuilles  nageantes  sans 
l'intervention  du  mâle.  En  Algérie  il  serait  intéressant 
de  voir  si,  dans  certaines  stations,  les  tritons  ne  se  main- 
tiennent pas  toute  l'année  dans  l'eau. 

C'est  en  hiver,  même  après  les  pluies  d'autoiîme,  qu'il  faudra 
rechercher  les  tritons  dans  les  trous  d'eau  situés  non  loin  de 
grands  amas  de  pierres  ou  de  rochers  humides.  Les  rivières 
paisibles  ne  devront  pas  être  négligées.  C'est  en  janvier 
qu'on  prenait  jadis  à  Alger  le  Molge  Poircti. 

Je  n'ai  pu  faire  trouver,  ni  récolter  moi-même  des  tritons 
en  Oranie.  C'est  là  le  seul  genre  duquel  il  m'a  été  impossible 
de  retrouver  le  moindre  exemplaire  dans  notre  province. 
J'espérais  y  réussir  avant  de  clore  mon  travail  ;  mais, 
aujourd'hui,  je  me  vois  obligé  de  laisser  ce  soin  à  d'autres 
plus  heiu'eux. 

Je  dois  toutefois  dire  que,  d'après  certains  renseignements, 
il  y  aurait  des  tritons  dans  la  Mina  à  Tiaret  et  à  Relizane, 
surtout  dans  les  marais  que  forme  la  rivière.  Les  indigènes 
d'El-Abiod-Sidi-Cheikh  uut  dit  à  M.  Pouplier  qu'il  y  avait  un 
lézard  d'eau  dans  les  puits. 


CONCLUSIONS 


Mon  travail  étant  terminé,  je  puis  dresser  le  bilan  du 
résultat  de  mes  études. 
A  la  faune  de  la  Berbérie  j'ai  ajouté  : 

Acanthodactylus  Savignyi  Aud.  var.  oranensis  Nob. 

—  Blanci  Noh. 

Eremias  guttulata  Licht.  non  Auct. 
Lygosoma  chalcides  L. 
Rhinechis  scalaris  Schinz. 

Ce  qui  porte  à  86  le  nombre  des  espèces  admises. 

A  la  faune  de  la  province  d'Oran  j'ai  ajouté  : 

Sphargis  coriacea  Gray. 

Varanus  griseus  Daud. 

Agama  inermis  Reiiss 

Acanthodactylus  Savignyi  Aud.  var  oranensis  JN^o?>. 

Lygosoma  chalcides  L. 

Ophiops  occidentalis  Blg. 

Coronella  amalioe  Bôttg. 

Zamenis  algirus  Jan. 

Psammophis  Schokari  Fovsk. 

Ce  qui  porte  à  58  le  noml^re  des  espèces  crâniennes. 

J'ai   décrit,    en    outre,    une    quinzaine    de    bonnes 
variétés. 


210 


CONCLUSIONS 


J'ai  retrouvé  ou  olitenu  des  espèces  très  rares  dont 
la  présence,  dans  la  province  d'Oran,  était  douteuse 
pour  la  i)lupart.  J'ai  ainsi  fixé  ou  élargi  l'aire  géogra- 
phique de  : 

Saurodactylus  mauritanicus  D.  et  B. 

Ptyodactylus  Oudrii  Lat. 

Lacerta  ocellata  Daud.  vaiiété  tangitana  Blg. 

Lithorynchus  diadema  D.  ot  B.  vaiiétt"  Hirouxii  A^ob. 

Psammophis  Schokari  Forsk.  (Ps.  sibilans  Aitct.  alg  ) 

Cœlopeltis  producta  Gerv. 

Salamandra  maculosa  Laur.  variété  algira  de  Bedriaga. 


Enfin,  j'ai  étendu  le  cadre  de  la  dispersion  géogra- 
phique de  presque  toutes  les  espèces  de  l'Oranie. 
Mais  cette  partie  de  mon  travail  est  encore  bien 
incomplète  car  je  n'ai  pu  parcourir  toute  la  province. 
Le  taiileau  suivant  résume  les  résultats  de  mes 
recherches  : 


TABLEAU  DES  REPTILES  DE  LA  BERBÉRIE 


ABRÉVI.VTIONS  : 

B.  fBerbéric),  M.  (Maroc),  A.  fAlgcric),  T.  (Tunisie) 

L.  (littoral),  T.  {Tell),  !I.-T.  (Hau!-Tell),  il.-?.  (Hauts-Plateaux),  P.m.  (région 
montagneuse  des  Ilauts-Plateaux),  S.  (Sahara.) 


NOTA.   —   La  distribution  géograpliique  détailiée  n'est  indiquée  que  pour  les  espèces 
de  l'Oranie.  Ces  dernières  sont  précédées  du  numéro  qu'elles  ont  dans  le  texte. 


NOMS  DES  ESPÈCES 


CHELONIËNS 

TESTUDO  ibera  Pallas 

EMYS  leprosa  Shaw  

CISTUDO  europœa  Guich 

CHELONIA  caouanna  Schic 

SPHARGIS  coriacea  Gray 

SÂURiENS 

CHAMŒLEO  vulgaris  Daud 

TARENTOLA  mauritanica  L 

—  —  var.  facetana 

—  —  var.  deserti  Lat 

—  —  var.  saharœ  xVo6 

—  —  var.  mauritanica 

—  —  s. -var.  gracilis  Xob. . 

—  —  s. -var.  atlantica  Nob. 

—  —  var.  licsoïde  Xob 

—  neglecta  Blg 


l. 

T. 

II. -P. 

Rm. 

S. 

B. 

* 

« 

• 

i 
1 

B. 

* 

* 

* 

* 

A.  T. 

Mer 

mer 

Mer 

mer 

B. 

* 

« 

♦ 

* 

• 

B. 

» 

ll.-T. 

• 

• 

• 

A. 

OJO 


TABLEAU  DES  REPTILES  DE  LA  BERBERIE 


NOMS  DES  ESPÈCES 


10 


11 
12 

13 

14 
15 

16 
17 

18 
19 


HEMIDACTYLUS  turcicus  L 

PTYODACTYLUS  oudrii  Lat 

PHYLLODACTYLUS  earopœus  Gêné 

GYMNODACTYLUS  trachyblepharus  B'ôltg 

SAURODACTYLUS  mauritanicus  D.  et  B 

TROPIOCOLOTES  tripolitanus  Peters 

STENODACTYLUS  guttatus  Cuv . . . 

—  —        vai\  mauritanicus 

—  —        var.  Hirouxii  Nob.... 

—  —        var.  Wilkinsonnii 

VARANUS  griseus  Daud 

AGAMA  Bibronii  .1 .  Dam 

—  Tournevillei  Lat 

—  inermis  Reuss 

—  —       var.  inermis 

—  —        var.  agilis 

UROMASTIX  acanthinurus  Bell 

—  spinipes  Daud 

LACERTA  ocellata  Z)a«<rf 

—  —        var.  pater  La^ 

—  —        var.  tangitana  B/^   

—  muralis  Lattr 

—  —      var.  brunnea  Xob 

—  perspicillata  D.  el  B 

—  —  var.  Guichenotii  Xob 

PSAMMODROMUS  algirus  FiU 

—  -       vai'.  nollii  ./.  Fischer.. 

—  Blanci  Lat 

microdactylus  i3o^^^ 


L. 


T. 


U.-P.    Rm. 


B. 
A. 
T. 
M. 
M.A. 
T. 
B. 


B. 
MA 

A. 
A.  T 


6. 

A. 
B. 


A.  T. 
M. 


Il.-T. 


TABLEAU    DES    REPTILES    DE   LA   BERBÉRIE 


213 


21 


22 


23 


24 


25 
26 

27 


28 


NOMS  DES  ESPÈCES 


A.T.I 


A.T 


ACANTHODACTYLUS  Boskianus  Daud A.  T. 

—  —        var.  boskianus  Lai!. 

—  —        var.  asper  ^î<c/.  .. 

—  scutellatas  A  ud 

—  —     var.  scutellatus  Z,ai. . 

—  —     var.  exiguus  Lat 

—  pardalis  Licht 

—  —  var.  pardalis 

—  —      s.-v.  Bedriagai 

• —  —      s.-v.intermediusi\*o&. 

—  —  vai'.  spinicauda  iVo6.. . 

—  Savignyi  Aud 

—  —      var.  oranensis A'o6.. . 

—  Blanci  Nob 

—  vulgaris  D.  ei  B 

—  —  V.  lineo-maculatus.-lr/eï;.. 

—  —     S.-V.  tingitanus  iVoft.. . 

—  —     s.-v.mauretanicusA^o6. 

—  —     S.-V.  ksourensis Xo&.. . 

—  — Y.  vulgaris  A î<e(! 

EREMIAS  guttulata  Litch 

—        Guichenotii  Nob B. 

OPHIOPS  occidentalis  BU/ A.T. 

M. 
A.T. 

T. 
M. A 


M.A, 

T. 

M.A 


A.T 


OPHISAURUS  Koellikeri  Gfmth 

MABUIA  vittata  Oliv 

EUMECES  Schneideri  Daud 

—  algeriensis  Peters 

—  —  var.  algeriensis 

—  —  var.  meridionalis  Nob. 


T. 


U.-P. 


Rm. 


choit. 


II. -T. 


TABLEAU    DES   REPTILES    DE    LA   BERBERIE 


NOMS  DES  ESPÈCES 

1 

L. 

T.     1 

.-P. 

Rm. 

j 

29 
30 

QPTNrnPTT^  f;ï<;riatii<î   Poters i 

\   T 

, 

SCINCUS  officinalis  Laur j 

1 
\.  T 

. 

SPHENOPS  sepsoïdes  And   

k.l. 

T 

31 

nnNnVT  TT^  nrf»llaîn<î   Gm                    

R 

1 

_               —          \M\  typica  Bhj 

A.  T. 

* 

' 

vnr   tilicruau  Dhi 

* 

« 

« 

« 

i 

_               _          vai*.  parallelus  Noh 

^ 

_               _           vai-.  vittatus  Bhj 

\  ar    polvpdis  Bh]        

32 

T  vnn^nMA  rhalc  des  L     ...          

A 

? 

i 
■ 

M 

33 

A   T 

« 

« 

* 

V 

» 

A. M. 

34 

nPTPROlvrFT  F^  manritanicus  I).  ot  B 

A. 

4k 

ANfîTTTS  franilis   L     .           

A 

35 

36 

■RT  ANTTS  rinereus  VctJifJ 

M  A. 

« 

TROGONOPHIS  V/iegmanni  Kauj:> 

B. 

■* 

« 

» 

' 

OPHIDIENS 

37 

ERYX  jaculus  L.. 

A.  T. 

* 

• 

• 

38 

CORONELLA  amaliœ  Botty 

M. A 

* 

» 

* 

39 

40 

MA 

« 

7 

T  TTWnRTTVNrFTTS  diadema  D  ei  D 

A   T 

• 

—                   —        var.  Hirouxii  IS/ob . 

* 

41 
42 

7AMPNT<î  'fllmrii<î  ïr/n                     

A   T 

• 

. 

B. 

1       , 

- 

* 

• 

—        diadema  5' /i/ 

A.T 

RHINECHIS  scalaris  St'Afnj 

.     A 

43 

TROPTrinNOTTIR  vinerinus  Lcit   . .         

B. 

» 

On 

w 


Xi 

o 

a 
o 


C        •- 
-2        s-       -.o 


P^3 


o 
'o 


i^"  Si 


.4  O 

o  ce  P4 
w  «  2 

09  o  g 
2  s  s 

O  5  ® 
u2  o» 

MHS 

ÎO  ?o  «  -f  -^ 


^n-        <^    X 


r/1 

-a 

C3 

<v 

-s 

Cï 

(U 

"*i.» 

r! 

O 

ni 

«3 

t» 

za 

0) 

T-l 

et 

C8 

i) 

S 

-n 

O 

O 

M 

O  -S- 


■?.       .2 
PQ         Q 


■^  S-i  <><   oi 


TABLEAU    DES   REPTILES   DE   LA   BERBERlE 


215 


NOMS  DES  ESPÈCES 


T. 


il. -P.    Ru 


4:-t 
'l5 

46 


47 


'iS 


49 
50 


51 
52 
53 
54 
55 
56 


0/ 

58 


TROPIDONOTUS  viperinus  var.  aurolineatus  Gers. .     B. 

i 
—  natrix  L A. 

MACROPROTODON  cucullatus  Geojfr B. 

PSAMMOPHIS  Schokari  Forsk 'a.  T. 


CffiLOPELTIS  Monspessulanus  Rozet 

—  —  vor.  Neumayeri. . 

—  —  vor.  insignitus  .. 

—  producta  Géra 

NAIA  haio  L ' 

VIPSRA  Latastei  Boscà 

—  lebetina  L 

—  —         var.  deserti  And 

—  arietans  Merp 

CERASTES  vipera  L 

—  cornutus  L. 

—  —        var.  mutila  Xob 


RANA  esculenta  L.  var.  ridibunda  Pallas. 
BUFO  viridis  Laur 

—  mauritanicus  Sch 

—  vulgaris  Laur 

HYLA  arborea  L.  var.  raeridionalis  Bottg. 
DISGOGLOSSUS  pictus  Otth 


URODÈLES 

SALAMANDRA  maculosa  Laur.  var.  algira  de  Bedr. 
MOLGE  Poireti  Gcre 

—  Hagenmùllerii  Lat 

—  V/altlii  Mieh 


B. 
A.  T. 

A.  T. 
B. 

M. A. 
B. 

M. 
A.  T. 
A.  T. 


B. 
B. 
B. 
A. M. 
B. 
B. 

M. A. 

A. 
A.  T 

M 


i!.-T. 


F.  DOUMERGUE. 


UNE  DÉCOUVERTE  MÉGALITHIQUE  EN  FRANCE 


LES  STATUES-MEXHIRS 


Les  archéologues  de  la  province  d'Oran  qui  s'intéressent 
aux  découvertes  anthropologiques  liront  sans  doute  ces  quel- 
ques lignes.  Elles  sont  écrites  dans  le  but  de  faire  connaître 
de  récentes  découvertes.  Il  s'agit  des  sta<Mfs-7??cn/a/'s  trouvées 
il  y  a  peu  de  temps  dans  les  départements  de  l'Aveyron  et  du 
Tarn.  C'est  M.  l'abbé  llermet,  correspondant  de  l'Institut,  qui 
rend  compte,  dans  une  étude,  des  découvertes  qu'il  vient  de 
faire. 

Quant  à  nous,  il  ne  nous  parait  pas  inutile  de  faire  connaître 
dans  ce  bulletin,  ces  n  uvelless^culptures  préhistoriques.  Peut- 
être,  après  avoir  lu  cette  description,  un  lecteur  découvrira-t  il 
lui-même,  quelqu'une  de  ces  statues  menhirs?  Notre  Algérie 
n'est-elle  pas,  en  effet,  très  riche  en  monuments  mégalithiques, 
dolmens,  pierres  levées,  cromhecks,  etc.?  Et  près  d'Oran,  à 
Eckmiild,  aux  alentours  de  Mascara,  aux  Trembles  et  ailleurs, 
n'y  existe-t-il  pas  des  stations  préhistoriques,  où  l'on  rencontre 
en  quantité  étonnant  î  des  silex  tailh-s  et  des  ha';hes  de  pierre 
polie  ? 

La  même  race  qui  a  peuplé,  dans  les  temps  préhistoriques, 
l'Europe  occidentale,  est  venue  certainement  dans  le  Nord  de 
l'Afrique.  Il  ne  serait  donc  pas  étrange,  qu'à  coté  des  dolmens 
et  desjîrombecks,  elle  eût  aussi  laissé  ces  énormes  pierres- 
sculptéis  qui  appartiennent  à  la  môme  civi  isation  [esstatues- 
rnenliirs,  découvertes  tout  récemment. 

Ces  statues-menhirs,  qui  sont  l'objet  de  discussions  passion- 
nées entre  savants  européens,  ont  été  trouvées  dans  le  départe- 
ment de  l'Aveyron,  C'est  l'arrondissement  de  Saint-Affrique 
qui  en  a  fourni  les  premières  et  le  plus  grand  nombre.  Dres- 
sées autour  des  aires,  jetées  dins  le  lit  des  ruisseaux  pour  y 
servir  de  passage  aux  piétons,  ou  bien  délaissées  au  bord  des 


LES    STATUES-MENHtRS  2 17 

chemins  creux,  ces  grandes  pierres  grossièrement  sculptées, 
n'avaient  encore  attiré  l'attention  d'aucun  savant.  Il  Ifjur  fallait 
un  historien  !  Elles  l'ont  trouve  dans  M  l'abbé  Hermet. 

C'est  grâce  à  lui  que  seize  de  ces  statues-menhirs  ont  été 
découvertes  et  décrites;  la  plupart  appartiennent  au  départe- 
ment de  l'Aveyron,  cinq  au  Tarn. 

Ce  qui  paraît  extraordinaire,  c'est  que  ces  sculptures  appar- 
tiennent toutes  à  une  même  contrée,  dont  le  rayon  d'extension 
est  inférieur  à  50  kilomètres.  Nulle  part  ailleurs,  ni  en  Europe, 
ni  en  France,  ni  même  encore  dans  le  nord  de  l'Afrique  où 
cependant  les  monuments  mégalithiques  sont  nombreux  on  a 
découvert  rien  de  pareil.  Ces  menhirs  seraient-ils  les  ouvrages 
d'une  race  autochtone  peu  répendue?  Auraient-ils  été  jetés 
dans  ces  solitudes  qui  les  cachaient,  sur  les  montagnes  escar- 
pées qui  séparent  l'Aveyron  du  Tarn,  par  des  chrétiens  des 
premiers  siècles?  Ceux-ci,  en  effet,  pour  obéir  à  quelques 
conciles,  cachaient  dans  les  escarpements  déserts  des  mon 
tagnes,  ces  statues  adorées  comme  idoles.  Ou  bien  encore,  ces 
sculptures  décoraient-elles  quelques  tombeaux  ?  C'est,  si  nous 
ne  nous  trompons  pas,  cette  dernière  liypothèse  qui  serait  la 
plus  vraisemblable  et  nous  en  donnerons  plus  loin  la  raison. 

Ces  statues-menhirs,  que  les  vi^iiteurs  de  la  dernière  exposi- 
tion de  Paris  ont  pu  voir  au  Trocadéro,  appartiennent  toutes 
à  un  seul  et  même  type.  Distinctes  de  toutes  les  autres  sculp- 
tures anthropoïdes,  découvertes  en  Europe,  elles  forment  un 
groupe  à  part,  un  groupe  indigène  pourrait  on  dire.  Aussi, 
n'ont-elles  que  de  lointaines  ressemblances  avec  les  sculptures 
primitives  des  grottes  de  la  Mar  e,  de  l'île  de  Guernescy  et  de 
Chypre.  Il  suffit  d'avoir  vu  la  photographie  de  Tune  d'elles 
pour  en  reconnaître  les  différences  essentielles  et  profondes 
avec  les  précédentes.  Par  contre,  malg'é  quelques  différences 
de  détail,  elles  présentent  entr'elles  une  grande  parité  de  forme 
et  de  dessin. 

Ces  statues-menhirs  se  distinguent  en  masculines  et  fémi- 
nines. La  présenci  de  seins  sculptés  suffit  à  indiquer  la  diffé- 
rence du  sexe.  La  sculpture  est  des  plus  grossières  et  cela 
n'étonnera  personne,  lorsqu'on  saura  que  l'artis'.e  s'est  servi 
pour  tailler  ce  granit  de  haches  en  pierre  polie  ou  du  moins 
d'instruments  tout-à-fait  imparfaits  de  métal. 

L'apparence  du  visage  est  caractérisée  par  deux  trous  ronds 
signifiant  les  yeux.  Deux  autres  cavités,  situées  au  dessous, 


218  LES    STATUES-MENHIRS 

marquent  la  place  du  nez  et  de  la  bouche.  Autour  de  ce  gros- 
sier visage  sont  sculptés,  trois  ou  cinq  bourrelets  semi-circu- 
laires qui  sont  les  plis  d'un  mauleau  ou  encore  un  collier  à 
plusieurs  rangs.  Les  bras  sont  terminés  par  des  mains  dont 
les  doigts  sont  en  dents  de  peigne.  Au  dessous  des  mains  une 
ceinture,  la  plupart  du  temps  sculptée  en  feuilles  de  fougèi'e, 
entoure  le  corps.  Les  pieds  sont  représentés  par  deux  lignes 
verticales  parlant  de  la  ceinture  et  se  terminent,  comme  les 
bras,  par  des  orteils  en  dents  de  peigne.  La  face  postérieure 
de  ces  statues  présente  ordinairement  deux  omoplates  bien 
tranchées  et  quelquefois  coirme  une  chevelure  tombant  sur  la 
ceinture.  D'autres  fois  on  semble  distinguer  les  [)lis  raides  d'un 
manteau.  Ajoutons,  pour  terniiner  cette  trop  courte  descrip- 
tion que  la  partie  iniérieure  de  la  statue,  destinée  à  être  enter- 
rée dans  la  terre,  ne  présente  aucune  sculpture  :  elle  est  restée 
à  l'état  absolument  brut. 

Outre  ces  caractères  généraux,  quelques-unes  de  ces  statues- 
menhirs  présentent  des  particularités  :  un  carquois,  un  bau- 
drier, une  languette,  un  fermoir  sur  la  ceinture.  Ces  divers 
objets  ont  été  discutés  par  les  savants.  Ceux  ci  ont  cru  y  i-e- 
connaître  des  objets  de  l'âge  de  bronze,  ceux-là  n'ont  voulu  y 
voir  que  les  objets  appa:tenant  à  l'âge  nc'olithique. 

Quoiqu'il  en  soit,  on  peut  en  toute  vraisscmblance  alTiriner 
ceci:  1°  Ces  statues-menhirs  présentent  un  type  aniJiropoide 
à  part  et  sont  absolument  distinctes  dc^s  autres  sculptures  de 
l'âge  néolithique  et  de  l'âge  de  bronze. 

2"  Si  on  recherche  quelques  lointaines  l'csscmblances  avec 
d'autres  sculptures  préhistori  jues,  connues  en  Europe,  on 
pourrait  reconnaître  une  certaine  similitude  avec  les  sculp- 
tures de  CoUorgues  du  Gard,  les  pierres  de  Ba)nherg  et  de 
Rosemherg,  la  stèle  de  San  GiovcDini  de  Bologne  et  enfin  la 
terre  cuite  de  Chypre. 

3"  On  ignore  leur  âge.  ^L  de  Mortillot  f  lit  remonter  la  date 
des  statues-menhirs  à  l'époque  néolilhiquo  ou  âge  de  jiierrc  ou 
bien  au  plus  tard  à  l'aurore  du  bronze.  Son  opinion  s'appuie 
sur  ce  que  les  statues  du  Gard  faisaient  partie  d'un  dolmen  dont 
le  mobilier  était  complètement  mégalUliique.  Or,  nous  avons 
fait  remarquer  la  lointaine  analogie  qui  existe  entre  les  statues 
du  Gard  et  celles  de  l'Aveyron. 

^L  Salomon  Reinaeh,  qui  croit  reconnaître  dans  les  statues- 
menhirs  du  Gard  et  de  l'Aveyron,  un  anneau  métallique,  qui 


LES    STATUES-MENHIRS  219 

attache,  dit-il,  une  fibule  et  non  un  arc,  M.  Reinach,  pense 
que  ces  statues  appartiennent  à  l'âge  de  bronze.  L'oi-iginal  de 
ces  objets,  pense-t-il,  ne  pouvait  être  que  du  bronze. 

Nous  pencherions  nous-mêmes  pour  cette  dernière  opinion, 
bien  que  les  lieux  qui  recelaient  les  statues-menhirs  fussent 
des  stations  néolithiques,  comme  le  font  croire  les  haches  en 
pierre  polie  qu'on  y  rencontre  fréquemment. 

Nous  pensons,  en  effet,  que  ces  statues-menhirs,  dont  quel- 
ques unes  sont  de  roche  très  dure,  n'auraient  pu  être  travaillées 
avec  de  simples  haches  de  pierre.  Il  a  fallu,  sans  doute,  pour 
exécuter  ces  grossières  sculptures,  des  instruments  de  métal. 
Nous  croyons  donc  que  ces  statues-menhirs  n'appartiennent 
pas  à  l'âge  de  pierre  :  elles  forment  la  transition  entre  l'âge 
néolithique  et  l'âge  de  bronze.  On  peut  croire  aussi  que  ces 
sculptures  appartiennent  à  des  peuples  antérieurs  aux  Gaulois. 

4°  Quelle  fut  la  destination  de  ces  statues-menhirs?  Etaient- 
t-elles  comme  des  dolmens,  des  autels  druidiques  et  dans 
cette  hypothèse  étaient-elles  placées  à  plat?  Ou  bien,  comme  on 
le  croirait  plutôt,  étaient-elles  posées  droites  et  servaient-elles 
de  signe  de  ralliment  dans  les  forêts?  Seraient-elles  des  idoles 
vénérées  de  ces  peuples  grossiers?  On  n'ignore  pas,  en  effet, 
que  la  litholatrie  ou  culte  des  pierres  se  retrouve  dans  le  cen- 
tre de  l'Afrique,  dans  les  lies  de  la  Polynésie  et  en  Asie 
même. 

Ne  sait-on  pas,  de  plus,  que  jusqu'au  ix^  siècle,  des  chré- 
tiens ignorants  vénéraient  des  pierres  taillées?  Les  conciles  de 
Nantes,  de  Tours  et  d'Arles  au  v^  et  vp  siècles,  prescrivent 
l'abolition  du  culte  des  pierres  etdes  fontaines.  Celui  de  Nantes 
ordonnait  de  jeter  ces  statues  dans  des  lieux  sauvages  et 
déserts  et  même  de  les  enfouir  pour  les  soustraire  au  culte 
idolâtre  des  chrétiens  peu  éclairés  de  ce  temps. 

Il  semblerait,  cependant,  d'après  une  dernière  découverte, 
que  ces  statues-menhirs  avaient  été  édifiées  sur  des  tombeaux. 
On  avait  déjà  découvert  des  briques  autour  d'une  de  ces  statues, 
mais  c'était  insuffisant  pour  indiquer  la  présence  d'une  sépul- 
ture. Mais  voici  une  nouvelle  découverte  qui  lève  tous  les 
doutes.  Près  de  Montlaur,  dans  l'Aveyron,  une  statue-menhir 
a  été  trouvée,  non  pas  couchée,  mais  debout  sur  un  tombeau. 
Le  cercueil  se  trouvait  à  un  mètre  cinquante  du  sol.  Formé  de 
quatre  dalles,  ce  tombeau  renfermait  quelques  ossements  qui 
tombèrent  en  poussière.  Pas  de  mobilier  funéraire,  mais  le 

24 


220  LES   STATUES-MENHIRS 

fait  de  l'existence  du  tombeau  suffit  pour  indiquer  que  ces 
statues  se  dressaient  sur  des  sépultures. 

La  plupart  des  savants,  d'ailleurs,  ne  croient-ils  pas  que  les 
monuments  mégalithiques  étaient  ou  des  autels  ou  des  tom- 
beaux? Ces  statues-menhirs  feraient-elles  exception  à  la  règle? 

Espérons  que  d'autres  découvertes  permettront  une  certi- 
tude absolue  sur  cette  question  si  intéressante  Espérons  aussi 
que  les  érudits  oranais  se  mettront  en  campagne  pour  reclier- 
cher  quelques-unes  de  ces  statues-menhirs,  s'il  en  existait  en 
Algérie.  Malgré  la  destruction  systématique  par  les  Arabes 
des  statues  et  des  sépultures  romaines,  peut-être  une  partie 
aura-t-elle  échappée.  Nous  pourrons  alcrs  ajouter  une  page  de 
plus  à  la  nomenclature  des  monuments  des  peuples  préhisto- 
riques qui  ont  habité  ce  pays.  C'est  dans  ce  but,  pour  donner 
quelques  idées  aux  anthropologistes  algériens,  qu'ont  été 
écrites  ces  modestes  lignes. 


Abbé  FABRE, 
Curé  de  Kléber. 


mmmm  mmmm^ 


I    —  GENERALITES 

La  Revue  archéologique  a  commencé,  au  cours  de  l'année 
1900,  sous  le  titre  «  Topolog'e  et  Toponymie  anliques  »,  la 
publication  d'une  série  d'études  considérables  et  des  plus  inté- 
ressantes de  M.  BÉRARD  ;  l'une  d'elles,  intitulée  «  Les  Phéni- 
ciejis  et  l'Odyssée  »  intéresse  plus  spécialement  les  Algériens, 
car  elle  tend  à  faire  admettre  l'opinion  de  Strabon,  que  des 
récits  ou  des  documents  phéniciens  ont  été  la  première  source 
d'Homère,  c'est-à-dire  que  l'Odyssée  aurait  été  écrite  d'après 
le  péripte  phénicien  d'Himi'con,  décrivant  les  côtes  de  la 
Méditerranée.  De  considérations  étymologiques  et  topony- 
miques  très  ingénieuses,  l'auteur  déduit  que  l'île  de  Caîypso 
serait  l'Espagne,  l'Atlas  serait  l'Abila  des  Phéniciens,  le  Mont 
des  Singes  actuel.  Il  est  permis  cependant  de  se  demander  si 
l'intervention  des  Phéniciens  était  bien  indispensable  pour 
guider  l'auteur  de  l'Odyssée  et  si,  dès  cette  époque,  des  navi- 
gateurs grecs  n'ont  pas  été  aussi  bien,  sinon  mieux  qualifiés 
pour  ce  rôle. 

Dans  la  deuxième  de  nos  chroniques,  nous  avons  mentionné 
les  travaux  de  MM.  Toutain,  Schulten  et  Guq  au  sujet  de  la 
célèbre  inscription  d'Henchir  Mettich,  règlement  privé  ou  loi 
sur  l'exploitation  agricole.  Les  Mélanges  de  l'Ecole  française 
de  Rome  (1901,  l"""  livraison)  contiennent  les  premières  pages 
d'un  travail  dans  lequel  M.  Maurice  Pernot  s'est  proposé 
d'examiner  et  d'interpréter  certains  points  obscurs  ou  dou- 
teux ;  nous  rendrons  compte  de  cette  étude  dès  qu'elle  sera 
terminée. 

Enfin,  nous  recommandons  à  tous  les  archéologues  une 
brochure  de  quelques  pages  émanant  du  Gouvernement 
général  de  l'Algérie  (Service  des  monuments  historiques), 
dont  le  titre:  Instruction  pour  la  conduite  des  fouilles  archéo- 
logiques en  Algérie,  indique  suffisamment  le  but  et  l'utilité. 
(Alger,  Jourdan.) 


222  CHRONIQUE  ARCHÉOLOGIQUE 


II    -  TUNISIE 


Epoque  punique.  —  Les  nécropoles  puniques  de  Carthage 
continuent  à  être  l'objet  des  explorations  méthodiques  du  R.  P. 
Delattre  et  de  M.  Gauckler.  Les  principales  sont: 

1»  Celle  de  Dermech,  fouillée  par  le  P.  Delattre  dans  les 
terrains  de  l'Archevêché  de  Carthage,  sur  le  flanc  de  la  colline 
de  Bordj  Djedid,  et  qui  remonte  aux  F""  et  ii^  siècles  avant  l'ère 
chrétienne; 

2e  <^elle  ouverte  postérieurement,  sur  des  terrains  au  Sud 
du  premier  et  qui  lui  sont  contigus,  par  M.  P.  Gauckler,  et 
qui  remonte  aux  vf  et  vu^  siècles  avant  notre  ère. 

Ces  deux  fouilles,  nous  l'avons  déjà  exposé,  vont  en  se  rap- 
procha t  et  tendent  à  se  rejoindre;  les  sépultures  descendent 
le  cours  des  âges  à  mesure  qu'elles  remontent  la  colline  de 
Bordj  Djedid  dans  la  direction  du  Nord.  L'espoir  qu'en  se 
rejoignant  les  deux  champs  de  recherches  fourniront  la  suc- 
cession, sans  lacune,  des  siècles  intermédiaires,  se  confirme 
journellement.  Une  monnaie  syracusaine,  découverte  dans  la 
zone  intermédiaire  non  fouillée,  a  été  reconnue  par  M.  Babelon 
{Comm"^  de  l'Afrique  du  Nord,  juin  1900)  comme  datant  des 
années  344  à  317,  et  M.  Gauckler  vient  de  signaler  (compte- 
rendu  du  Service  tunisien  des  antiquités,  pour  1900)  des  sépul- 
tures, les  plus  récemment  mises  à  jour,  du  iv®  et  du  v^  siècles. 
Dans  ces  tombeaux  le  mobilier  funéraire  se  transforme  ;  il 
reste  abondant  et  riche,  notamment  en  bijoux  dor  et  de  pierres 
précieuses;  la  monnaie  y  fait  son  apparition;  l'influence  grecque 
parait  se  substituer  nettement  à  l'influence  égyptienne  dans  les 
poteries.  L'inhumation  est  le  mode  unique  de  sépulture,  mais 
le  sarcophage  devient  assez  fréquent. 

3"  La  nécropole  dite  de  Sainte  Monique,  au  N.-E.  de  la 
Batterie  de  Bordj-Djedid,  explorée  par  le  B.  P.  Delattre;  celui- 
ci  y  poursuit  ses  recherches  avec  un  zèle  infatigable  ;  citons 
parmi  le  mobilier  funéraire  recueilli  par  lui,  d'élégants  brijle- 
parfums-en  terre  cuite  de  style  grec,  des  vases  en  bronze,  et 
surtout  une  admirable  série  de  hachettes  en  bronze  avec  gra- 
vures et  inscriptions  (Comptes-rendus  de  l'académie  des  ins- 
criptions. 1900). 

4°  Une  4''  nécropole  est  située  au  sommet  de  la  colline  de 
rOdéon  ;  dans  cette  nécropole  récemment  fouillé  par  M.  Gauc- 
kler, et  qui  paraît  avoir  servi  depuis  les  derniers  temps  de  la 
domination  punique  jusqu'à  la  conquête  romaine,  l'incinéra- 
tion s'est  substituée  presque  généralement  à  l'inhumation  ;  les 


CHRONIQUE   ARCHÉOLOGIQUE  223 

restes  calcinés  sont  déposés  dans  des  coffrets  ou  des  amphores, 
ou  même  sont  simplement  déposés  en  tas  sur  le  sol.  Le  culte 
des  morts  se  perd,  ainsi  que  les  rites  funéraires,  en  même 
temps  que,  par  voie  de  conséquence,  le  mobilier  funéraire 
s'avilit;  des  monnaies  usées,  des  lampes  que  l'on  a  pas  même 
allumées,  quelques  poteries  communes  et  quelquefois  ébré- 
chées,  ont  remplacé  les  bijoux,  les  intailles,  les  vases  précieux, 
les  ivoires,  etc.  de  style  égyptien. 

Sur  cette  colline,  sur  la  nécropole  même,  fut  élevé  l'Odéon 
romain  dont  nous  aurons  à  nous  occuper  plus  loin. 

Le  Bulletin  archéologique  du  Comité  (1901,  l""*^  livraison)  a 
publié  une  note  de  M.  Molins,  capitaine  au  2"  Zouaves,  sur  la 
nécropole  punique  et  romaine  de  Maxula,  aujourd  hui  Rades; 
les  fouilles  y  ont  fait  découvrir  une  «  série  de  stèles  de  forme 
triangulaire  »  (sans  coûte  à  fronton  triangulaire),  représentant 
un  personnage  debout,  la  main  gauche  sur  la  poitrine,  la 
main  droite  levée  la  paume  en  avant;  le  personnage  est  enca- 
dré dans  un  rectangle.  Ces  stèles,  qui  paraissent  de  même 
genre  que  celles  no^  45  à  57  du  musée  d'Oran,  gisaient  pêle- 
mêle  dans  un  fossé  destiné  à  les  recevoir,  et  oi^i  les  Romains 
les  avaient  sans  doute  déposées  avant  de  s'approprier  la  nécro- 
pole ;  celle-ci  n'a  donné  en  ce  qui  concerne  l'époque  romaine, 
que  quelques  tombes  et  des  débris  de  poteries  peu  intéres- 
sants. 

Le  même  bulletin  contient  une  note  de  M.  Louis  Bertrand 
sur  la  Nécropole  phénicienne  de  Stora,  dans  laquelle  les  cer- 
cueils se  composaient  de  deux  jarres  en  poterie  emboîtées 
l'une  dans  l'autre.  Cette  nécropole  occupait  une  bande  de 
1000  mètres  de  longueur  sur  150  mètres  de  largeur  moyenne, 
parallèle  à  la  côte,  sur  le  flanc  du  coteau  qui  domine  le  village 
et  le  golfe  de  Stora.  Non  seulement  les  Romains  l'ont  recou- 
verte presque  totalement  de  leurs  propres  sépultures,  mais 
elle  a  encore  été  boulev^ersée  par  les  mouvements  du  terrain, 
fortement  déclive.  Les  tombes  romaines  sont  recouvertes  de 
grandes  tuiles  plates  à  grands  rebords.  Le  mobilier  funéraire, 
tant  phénicien  que  romain,  a  été  assez  insignifiant. 

M.  le  Colonel  Goetschy  a  rendu  compte,  dans  le  Bulletin 
archéologique  du  Comité,  des  fouilles  exécutées  devant  la  porte 
Ouest  de  la  Cashah  de  Sousse,  et  qui  ont  mis  à  jour  de  nom- 
breuses sépultures  phéniciennes  creusées  dans  le  tuf  et  ran- 
gées autour  d'une  grande  crypte  de  8  mètres  de  longueur  sur 
6  mètres  de  large.  Le  mobilier  de  ces  sépultures,  grossier  et 
pauvre,  est  nettement  phénicien.  Quanta  la  crypte,  sa  voûte 


224  CHRONIQUE  ARCHÉOLOGIQUE 

est  soutenue  par  trois  forts  piliers  en  maçonnerie  ;  ceux-ci, 
comme  les  parois  de  la  crypte,  ont  reçu  un  fort  enduit  en 
ciment,  et  la  plupart  des  couloirs  qui  mettaient  la  crypte  en 
communication  avec  les  tombes  avaient  été  murés  ;  enfin  la 
crypte  a  fourni  des  urnes  et  lampes  funéraires  romaines. 
On  se  trouve  donc  en  présence  d'une  nécropole  phénicienne 
très  ancienne,  dont  les  Romains  se  sont  plus  tard  approprié 
la  crypte  centrale,  après  l'avoir  consolidée  par  des  piliers,  par 
un  revêtement  en  ciment,  et  après  avoir  condamné  une 
partie  des  couloirs  et  chambres  de  la  périphérie. 

Enfin  nous  ne  pouvons  passer  sous  silence  la  savante  discus- 
sion à  laquelle  donne  lieu  l'inscription  magique  etincontatoire 
relevée  sur  un  rouleau  de  plomb  (Carlhage);  elle  a  fait  l'objet 
de  traductions  et  d'interprétations  de  la  part  de  MM.  Berger 
et  Clermont-Ganneau  (Mélanges,  XX.  p.  93),  Lidzbarski  (Ephe- 
nieris  fur  scmitische  epigraphik),  et  de  nouvelles  notes  de 
M.  Clermont-Gonneau  (Recueil  d'archéologie  orientale,  IV). 

L'inscription  d'Astarté  et  Tanif,  de  Bardj-Djedid,  a  été  elle 
aussi  l'objet  de  notes  que  l'on  trouvera  dans  les  mêmes  recueils 
et  dont  l'analyse  exigerait  trop  d'espace. 

Epoque  romaine.  —  M.  Gauckler  a  signalé,  dans  le  compte 
rendu  de  la  marche  du  Service  des  Antiquités  de  Tunisie  en 
4900,  les  résultats  des  fouilles  pratiquées  dans  les  ruines  de 
rOdéon  de  Carthage,  construit  au  début  du  iii«  siècle  par  le 
proconsul  Vigellius  Saturninus,  incendié  en  430  par  les  Van- 
dales, puis  rasé  sans  doute  par  les  Byzantins.  Il  comprenait 
une  plateforme  en  hémicycle  de  50  mètres  de  rayon  ;  sous  la 
scène  proprement  dite  existaient  de  vastes  citernes,  qui  ont 
été  comblées  par  les  débris  de  la  scène.  On  y  a  retrouvé  les 
éléments  de  la  décoration  du  monument,  entre  autres  de  nom- 
breuses statues  ou  débris  de  statues  de  divinités,  d'empereurs 
ou  d'mipératrices,  des  bases,  fûts,  chapiteaux  de  colonnes  en 
marbres  précieux  ou  en  granit,  et  une  quantité  de  fragments 
architestiiradx  dénotant  le  luxe  extraordinaire  du  décor  de  la 
scène  de  l'Odéon. 

Le  R.  P.  Delattre  a  signalé  à  l'institut  de  Carthage  (juillet 
1901)  la  découverte  à  Saint-Louis  de  Carthage,  d'une  colon- 
nade du  fameux  U'mple  d'Esculape,  signalé  par  Appien,  Sti'a- 
bon  et  Appulée.  Un  égoût  important  a  aussi  été  découvert. 
Enfin  la  même  note  contient  l'énumération  de  vingt-sept  ins- 
criptions romaines  recueillies  à  la  colline  Saint-Louis  et  dont 
certaines  présentent  un  réel  intérêt. 


CHRONIQUE  ARCHÉOLOGIQUE  225 

M.  Homo  a  exécuté  h  Dougga,  en  mai  et  juin  1900,  pour  la 
Direction  des  antiquités,  des  fouilles  intéressantes;  le  temple 
Capitolin  a  été  dégagé  des  habitations  arabes  qui  masquaient 
sa  foce  sud,  ainsi  que  l'escalier  de  11  marches  qui  règne  sur 
tout  le  devant  du  temple,  le  mur  postérieur  et  la  plus  grande 
partie  du  front  Ouest.  Un  ensemble  de  places  ou  plateformes 
dallées,  reliant  par  des  plans  inclinés  ou  des  escaliers,  entou- 
raient le  temple;  l'une,  flanquée  d'une  colonnade,  porte  un 
édifice  à  exèdre  symétrique  au  Capitole.  Les  fouilles  ont  mis 
à  nu  des  inscriptions  importantes,  l'une  mentionnant  le  macel- 
lum  de  Thugga,  une  autre  relative  aux  rostres  du  Forum, 
deux  fragments  de  dédicace,  et  des  fragments  de  frise  figurant 
un  cortège  de  sacrifice  ;  des  épitaphes,  une  statue  de  marbre, 
une  jolie  anse  d'œnochoé  en  bronze  ont  été  recueillies  dans 
It  s  mêmes  fouilles,  dont  M.  Homo  a  rendu  compte  dans  les 
Mélanges  de  l'Ecole  française  de  Rome  (janvier-mars  1901). 

Les  voies  stratégiques  de  la  frontière  saharienne  del'Empire 
romain  sont  toujours  le  sujet  d'intéressantes  études.  Le  Bul- 
letin archéologique  du  Comité  (1901,  P-  livraison)  contient  à 
ce  sujet  : 

1°  Une  note  de  M.  le  capitaine  Hilaire  sur  la  voie  straté- 
g>cp(e  qui  longeait  la  frontière  militaire  de  la  Tripolitaine 
entre  Tacape  (Gabès)  et  Leptis  Magna,  avec  essai  d'identifica- 
tion des  gîtes  d'étape  d'une  partie  de  cette  voie. 

2"  Une  description,  avec  plan  de  construction,  des  Fouilles 
du  Castellum  d' El  i7a5rne«/(Ksar  Ghelane)par  M.  le  lieutenant 
GoMBEAUD  ;  c'est  le  poste  de  Tisavar  dont  nous  avons  mentionné 
succintement  la  découverte  dans  notre  précédente  chronique, 
d'après  le  compte-rendu  de  ^L  Gauckler  à  l'académie  des 
inscriptions. 

M.  René  Gagnât  a  publié  dans  le  Bulletin  du  Comité  (1901, 
1'"'=  livraison)  une  note  sur  des  découvertes  cpigraphiques 
récentes  en  Afrique,  dues  aux  officiers  des  brigades  topogra- 
phiques. L'une  d'elles,  dédiée  à  Caracalla,  et  de  l'an  108  ou 
199,  identifié  Henchir  Aïn  Hammam,  à  10  kilomètres  S.-E.  de 
Tabarka,  avec  le  Pagus  Trisipensis,  siège  d'un  des  évéchés  de 
la  liste  de  411.  D'autres  inscriptions  sont  des  dédicaces  à 
Septime  Sévère,  à  Alexandre  sévère,  —  l'épitaphe  d'une  prê- 
tresse —  celle  d'un  jeune  homme  «  erudito  et  plissimo  y> 
auxquels  ses  parents  ont  consacré  une  longue  et  pompc!a.5e 
inscription;  d'autres  épigraphes  sont  des  bornes  miliaires  et 
aussi  des  bornes  limitatives  du  terrtitoire  de  Sufetula,  présen- 
tant la  formule  uniforme  encore  intraduite  P. M. S  M.  Enfin, 


226  CHRONIQUE  ARCHÉOLOGIQUE 

l'une  d'elles  porte,  avec  la  croix,  l'alpha  et  l'oméga,  la  formule 
«  CristHs  régnât  »  qui  n'aurait  pas  encore  été  rencontrée  en 
Afrique. 

M.  Gauckler,  dans  le  même  bulletin,  a  publié  sous  le  titre 
de  Notes  d'épigraphic  latine,  plus  de  cent  inscriptions.  Deu.v 
d'entre  elles,  de  Maktar,  portent  à  la  fois  le  chrisme,  l'alpha 
et  l'oméga  avec  les  formules  chrétiennes  «  fulelis  in  j)ace  »  et 
«  innocentes  in  pace  »,  et*  la  formule  païenne  D.M.S.  —  Des 
exemples  de  ce  genre,  rares  en  Tunisie,  sont  fréquents  dans 
la  Maurétanie. 

Citons  encore  deux  inscriptions  de  Thola,  l'une,  dédicace 
d'un  temple  de  Saturne,  l'autre,  dédicace  du  temple  chrétien 
élevé  sur  les  ruines  du  premier;  une  dédicace  à  Gallien  et 
Salonine,  mentionnant  les  déesses  Cei  ères  ;  enfin  deux  frag- 
ments retrouvés  à  Dougga  et  qui  complètent  la  dédicace  du 
temple  de  Cœleslis  de  celte  ville. 

Le  Bulletin  du  Comité  archéologique  (année  1900)  a  publié 
une  note  du  D""  Carton  sur  quclqu's  inscriptions  inédites  de 
Tunisie  ;  l'une  est  lybique,  les  autres  sont  des  épitaphes, 
romaines,  sauf  une  en  caractères  grecs. 

Au  point  de  vue  des  publications,  nous  devons  signaler 
l'apparition  du  4^  fascicule  de  l'Enquête  sur  Ici  installations 
Jiijdrauliquefi  des  Romains  en  Tunisie  (Tunis,  Nicolas);  des 
6*^  et  7e  livraisons  de  VAtlas  archéologique  de  la  Tunisie,  rela- 
tives surtout  au  Cap  Bon  (Leroux,  Paris);  du  3«  fascicule  du 
Musée  Lavigerie  de  St-Louis  de  Cartliage,  consacré  aux  monu- 
ments chrétiens,  rédigé  par  le  R.  P.  Delattre  et  accompagné 
de  13  planches  (Leroux,  Paris). 

Au  point  de  vue  bibliographique,  une  brochure  des  Pères 
Blancs  de  Carthage,  intitulée  elle  aussi  «  Musée  Lavigerie  de 
Saint-Louis  de  Carthage  »  donne  l'indication  de  105  brochures 
ou  articles  publiées  par  le  R.  P.  Delattre  et  ses  collaborateurs  ; 
c'est  un  index  précieux  au  point  de  vue  de  l'épigraphie  de 
Carthage  et  de  la  Tunisie. 


m    -  DEPARTEMENT  DE  CONS'ÏANTINE 

Nous  n'avons  pas  encore  reçu  le  Bulletin  de  la  Société 
archéologique  de  Constantine  pour  1900  ;  cette  revue  renferme 
en  général  des  travaux  intéressants  ;  force  nous  est  d'en 
ajourner  le  compte-rendu. 


CHRONIQUE  ARCHEOLOGIQUE 

M.  GsEF.L  a  publié  dans  le  Bulletin  du  Comité  archéologique 
(1900,  Iro  livraison)  une  note  sur  quatre  consoles  chrétiennes 
recueillies  à  Morsott  (Vasampus?)  au  Nord  de  Tebessa  ;  ces 
consoles  recueillies  au  pied  du  mur  de  l'abside  de  la  grande 
basilique,  sont  décorées  de  figures  symboliques. 

M.  HÉRON  DE  ViLLEFOSSE  a  publié  dans  le  même  bulletin 
quelques  inscriptions  d'Algérie  recueillies  en  1874  près  du  col 
des  Oliviers,  entre  Constantine  et  Philippeville  ;  quatre  d'entre 
elles  ont  été  publiées  depuis  au  Corpus,  mais  avec  des  diffé- 
rences de  lecture. 

\J Académie  d'Hippone  a  publié  en  quatre  grandes  planches 
coloriées  dus  à  M.  Bariteau,  les  tnosdiques  de  la  propriété 
Chevillât,  que  nous  avons  déjà  décrites. 

La  Presse  non  spéciale  vient  de  signaler  de  nouvelles  décou- 
vertes dans  la  même  propriété,  mais  il  convient  pour  en 
rendre  compte  d'être  fixé  sur  leur  valeur  et  leur  intérêt. 

M.  Robert  Arnaud  a  publié  dans  le  bulletin  du  Comité 
(1901,  1'"'^  livraison),  une  note  sur  les  mmmments  mégalithiques 
d'Es  Snan.  Le  Coudiat  Es-Snan  (Commune  mixte  de  M'Sila) 
est  un  mamelon  portant  plus  de  cinquante  tombeaux  formés 
d'enceintes  circulaires  et  concentriques  composées  de  roches 
brutes  et  rectangulaires  allongées  bout  à  bout  ;  le  centre  est 
occupé  par  un  dolmen  ou  un  menhir,  et  des  allées  allant  de  la 
périphérie  au  centre  partagent  en  secteurs  ces  enceintes  qui 
ont  quatre  ou  cinq  mètres  de  diamètre.  Les  sépultures  sont 
multiples  dans  chaque  tombeau,  et  groupées  autour  d'une 
tombe  centrale.  Toute  hypothèse  d'une  ville  existant  au 
voisinage  devant  être  écartée,  l'auteur  voit  dans  cet  ensemble 
de  monuments  le  lieu  sacré  de  sépulture  de  quelque  tribu 
nomade. 

MM.  B.\LT,u  et  Gagnât  ont  publié  la  sixième  livraison 
de  leur  grand  ouvrage  sur  Timgad;  nous  avons  annoncé  en 
leur  temps  les  découvertes  des  édifices  principaux  qui  y  sont 
décrits. 


IV   —  DEPARTEMENT     D'ALGER 

Nous  avons  signalé  dans  notre  dernière  chronique  la  Basi- 
lique chrétienne  de  Rusgunke  (cap  Matifou)  découverte  et 
touillée  par  M.  le  lieutenant  Chardon.  Nous  sommes  heureux 
de  constater  que  dans  sa  séance  de  clôture  le  Congrès  national 


228  CHRONIQUE  ARCHÉOLOGIQUE 

des  sociétés  françaises  de  géographie  a  émis  le  vœu  que  les 
pouvoirs  publics  encouragent  par  une  subvention  la  continua- 
tion de  ces  fouilles. 

Dans  le  bulletin  archéologique  du  Comité  (année  1000)  MM. 
Lacour  et  Tl'rcaï  ont  signalé  l'existence  de  deux  ateliers  de 
pierre  taillée  au  voisinage  de  DcllySy  l'un  au  village  de  Tag- 
dempt,  l'autre  entre  la  route  de  Dellys  à  Tigzirt  et  la  mer. 


V    -  DEPARTEMENT  D'ORAN 

Nous  n'avons  malheureusement  aucune  découverte  sai'lante 
à  signalei"  ;  nous  rappelons  d'ailleurs  que  nous  nous  abstenons 
de  rendre  compte  des  travaux  parus  dans  le  bulletin  de  notre 
Société. 

M.  Héron  de  Yillefosse,  dans  le  bulletin  des  antiquaires  de 
France  de  1900  (p.  114  à  115)  a  proposé  une  variante  à  la 
lecture  d'une  des  épitaphes  de  Benian  (Alamiliaria).  M.  Gsell 
avait  lu: 

(requie)vit  in  fide  e(t)  un(ilate) 

M.  Héron  de  Villefosse  lit  : 

(requie)vit  in  fide  evan(g)e(lii) 

M.  Gsell  accepte  cette  interprétation  ;  l'épitaphe  serait  donc 
d'un  évoque  donatiste,  et  non  catholique.  J 


E.  FLÂHAULT. 


BIBLIOGRAPHIE 


Une   Question    d' Actualité  :    LE    CHEMIN  DE   FER  D'ORAN  AU 
MAROC.  —  Une  Question  de  Demain  :   LES  CHEMINS  DE  FER 

MAROCAINS,    par   M.   G.   Milsom,    Ingénieur    civil    des    Mines,    Oran.  — 
P,  Perrieb,  1901. 

M.  Milsom,  un  des  principaux  propriétaires  de  la  vallée  inférieure 
de  la  Tafna,  vient  de  publier,  sous  ce  titre,  une  brochure  d'un 
à-propos  indiscutable.  La  première  question  d'actualité  est  relative 
à  l'installation,  aussi  prompte  que  possible,  d'une  ligne  ferrée 
prolongeant  la  voie  qui  va  actuellement  d'Oran  à  Tlemcen,  jusques 
en  plein  Maroc.  La  seconde,  de  demain,  traite  de  l'étude  d'un 
réseau  général  de  chemin  de  fer  embrassant  tout  le  Maroc. 

La  solution  de  la  première  question  est  d'une  importance 
capitale  ;  elle  intéresse  particulièrement  l'Algérie,  et  surtout  notre 
département.  Sa  réalisation  économique,  et  surtout  politique, 
s'impose,  étant  donné  notre  situation  dans  l'empire  schériffien  ; 
elle  devra  être  l'œuvre  d'une  diplomatie  avisée,  qui  assurera 
paisiblement,  mieux  qu'une  guerre,  notre  influence  dans  ce  pays, 
dont  une  pai'tie  de  la  population  nous  est  sympathique,  notamment 
celle  voisine  de  nos  frontières,  laquelle  est  parfaitement  au  courant 
de  nos  grands  travaux  publics  et  des  entrepi^ises  agricoles.  C'est 
par  milliers  que  les  Marocains  viennent  annuellement  nous  prêter 
leur  concours. 

La  brochure  de  M.  Milsom  vise  particulièrement  la  voie  ferrée 
de  Tlemcen  à  Fez  (Fas),  voie  qui,  par  suite  des  conditions  topogra- 
phiques signalées  par  l'Explorateur  de  Flotte,  formera  un  tracé 
absolument  droit,  de  Marnia  à  Fez,  suivant  des  vallées  bien 
pourvues  d'eau,  et  ayant  400  kilom.  au  moins  de  développement. 

Mais  à  l'égard   de  cette  ligne,  absolument    d'actualité,  deux 


230  BIBLIOGRAPHIE 

solutions  sont  en  présence,  au  sujet  de  la  section  transversale  à 
donner  à  la  voie,  et  ont  leurs  partisans  :  Les  uns,  le  plus  petit 
nombre,  seraient  pour  la  grande  section,  de  1"45  de  largeur;  cette 
voie  suivrait,  à  partir  de  Tlemcen,  les  crêtes  des  reliefs  qui 
encaissent  la  grande  vallée  de  la  haute  Tafna,  mais  laissant  de 
côté  les  territoires  de  colonisation  ;  elle  a  un  caractère  particulière- 
ment stratégique  ;  c'est  là  toute  sa  qualité  ;  elle  sera  très  coûteuse 
d'établissement  et  d'exploitation  technique,  mais  absolument  impro- 
ductive ;  elle  constituera,  enfin,  une  lourde  charge  pour  le  budget. 
Voilà,  certes,  des  conditions  peu  recommandablcs. 

Les  autres,  et  c'est  la  grande  majorité,  sont  partisantsde  la  voie 
étroite,  de  1™05  de  largeur;  elle  partirait  d'Aïn-Temouchont, 
traverserait  la  partie  inférieure  de  la  vallée  de  la  Tafna  qui  peut 
offrir  à  la  colonisation  de  vastes  espaces  susceptibles  d'être 
irrigués,  et  aboutirait  à  Fez  (Fas)  en  passant  par  Ouchda.  On 
compte,  parmi  ses  partisans  :  le  Conseil  général  du  département 
d'Oran,  les  Délégations  financières  et  le  Conseil  supérieur  de 
l'Algérie  ;  ces  grands  corps  électifs  ont  émis  des  vœux  unanimes 
en  faveur  de  ce  tracé,  sur  lequel  viendrait  se  sonder  la  ligne  de 
Tlemcen  à  la  Tafna. 

On  peut  se  demander  à  quoi  bon  une  voie  stratégique  coûteuse 
et  inutile,  qui,  dit-on,  sans  le  démontrer,  permettrait,  le  cas 
échéant,  le  transport  rapide  des  troupes,  depuis  Tunis  jusques  au 
Maroc,  sans  descendre  du  train.  Cela  dans  la  pratique  en  inadmis- 
sible. 

Tout  d'abord,  c'est  une  grosse  erreur  de  prétendre  que  la  voie 
ferrée  suivant  le  contournement  de  crête  du  massif  montagneux 
tlemcennien,  mettrait  moins  de  temps  pour  atteindre  Marnia,  que 
la  voie  biffurquant  à  Aïn-Temouchent.  En  pays  accidenté,  coupé 
de  grandes  courbes  et  de  grands  travaux  de  terrassement,  la  vitesse 
est  forcément  réduite.  D'autre  part,  le  transbordement  de  la 
grande  section  sur  la  section  de  l^Oô  prendrait  à  peine  quelques 
minute^.  On  ne  voit  guère  les  avantages  que  produirait  la  grande 
voie. 

Malgré  les  démonstrations  judicieuses  de  M.  Milsom,  appuyées 
de  chiffres  positifs,  les  partisans  de  la  grande  section  maintiendraient 
parait-il  leur  opinion  ;  il  serait  bon  de  savoir  exactement 
pourquoi  ? 

Cette  opposition  rappelle,  avec  à-propos,  une  anecdote  qui 
trouvera  ici  sa  place. 

Il  y  a  longtemps  de  cela,  un  jour,  le  Colonel  du  Génie  d'Oran, 


BIBLIOGRAPHIE  231 

accompagné  de  quelques  officiers,  —  étudiaient  le  tracé  de  la  route 
nationale  d'Oran-Tlemcen,  dans  la  partie  située  entre  Missergliin 
et  Brédéah.  Le  tracé  préconisé  passait  dans  le  voisinage  du  bord 
septentrional  du  grand  lac.  Un  gros  colon  des  environs,  connaissant 
ces  messieurs,  fit  cette  observation  :  le  sol  sur  lequel  vous  allez 
installer  la  route  est  mauvais  ;  il  est  envahi  par  les  eaux  de  Thiver, 
la  route  n'aura  pas  de  tenue  ;  elle  sera  impraticable.  Vous  devriez 
reporter  le  tracé  vers  le  pied  de  la  montagne,  où  le  terrain  est 
bien  plus  résistant. 

On  voit  bien,  monsieur,  répondit  le  Colonel,  que  les  questions 
stratégiques  vous  sont  absolument  étrangères.  La  route  passant 
près  du  pied  de  la  montagne  serait  susceptible  d'être  attaquée  par 
les  Arabes  qui  se  défileront  dans  les  ravins,  et  arrêteront  et  les 
voyageurs  et  le  roulage. 

Mon  Colonel,  répondit  le  colon,  si  j'avais  su  qu'en  venan^ 
coloniser  ici,  il  faudrait  se  défiler  perpétuellement  des  Arabes,  je 
serais  resté  en  France  avec  mes  capitaux. 

Cependant,  les  Ponts  et  Chaussées  qui  prirent  peu  de  temps 
après  la  direction  des  travaux,  reportèrent  la  route  au  pied  de  la 
montagne  ;  aucune  attaque  ne  s'est  produite  depuis. 

C'est  absolument  le  cas  de  la  voie  stratégique  par  les  crêtes. 

Les  limites  d'un  compte  rendu  sommaire  ne  permettent  pas  de 
de  longs  développements  au  sujet  de  la  première  question, 
judicieusement  étudiée  par  M.  Milsom.  Il  est  partisan,  et  nous  le 
sommes  avec  lui,  de  la  voie  étroite,  soudée  à  Ain-Témouchent,  et 
se  poursuivant  jusqu'à  Fez  (Fas).  Il  a  démontré  que  cette  voie  sera 
la  plus  courte,  la  plus  économique  et  la  plus  productive. 
Toute  autre  combinaison  qui  ne  présenterait  pas  ces  qualités  serait 
détestable,  dictée,  peut-être,  par  un  intérêt  particulier. 

En  ce  qui  concerne  «  la  question  du  Maroc  »,  c'est-à-dire  les 
chemins  de  fer  marocains,  il  s'agit,  dans  l'étude  de  M.  Milsom, 
d'un  réseau  complet  qui  comprendrait  les  lignes  de  Fez  à  Tanger  : 
350  kilomètres  ;  puis,  de  Fez  à  Meknas  et  à  R'bat  :  280  kilomètres  ; 
de  Marakech  à  Mazagan  :  270  kilomètres.  Total,  900  kilomètres, 
dont  le  coût  serait,  à  voie  large,  de  200  millions  environ,  et  à 
voie  étroite,  de  100  millions  ;  soit  une  différence  de  cent  pour  cent. 

Mais  nous  estimons  que  cette  étude  est  tout  à  fait  prématurée. 
Cela  est  si  vrai,  que  d'après  certains  voyageurs,  la  population 
marocaine  serait  de  6  à  8  millions  d'habitants  ,  tandis  que  d'autres 
la  portent  à  25  millions.  La  question  présente  donc  d'inconnues 
une  grande  importance  :  La  géographie  et  l'orographie  du  Maroc 


232 


BIBLIOGRAPHIE 


central  n'offrent  aucune  donnée  :  on  connaît  peu  de  chose  sur  cet 
énorme  massif,  dont  les  crêtes  dépassent,  paraît-il,  en  altitude, 
les  pics  les  plus  élevés  des  Pyrénées  ;  on  ne  sait  rien  sur  le  chiffre 
des  populations  intéressées  à  cette  oeuvre  grandiose,  ni  sur  leur 
caractère  administratif,  ni  sur  leur  indépendance  politique  ;  pas 
de  documents  sur  les  cultures  ni  sur  l'industrie  de  ces  habitants. 
La  solution  du  problème  comporte  donc  des  formules  dans 
lesquelles  figureront  beaucoup  de  coefficiens  techniques  et  écono- 
miques ;  sans  parler  des  questions  diplomatiques  qui  peuvent 
revêtir  un  caractère  insoluble,  ou  à  peu  près. 

Cependant,  nous  félicitons  M.  Milsom  d'avoir  planté  quelques 
jaUons  sur  ces  voies  pour  signaler  leur  importance  future.  Il  faut 
d'ailleurs  un  commencement  à  tout. 


BOUTY. 


SOCIÉTÉ  DE  GÉOfiKAPHIE  ET  D'ARCHÉOLOGIE  DORAN 


Séance  du  Comité  du  14  octobre  1901 


DEiMISSIOX    DU    SECRÉTAIRE    GÉNÉRAL 


M.  Bouty,  invoquant  l'état  précaire  de  sa  santé  qui,  depuis 
quelque  temps  le  met  dans  l'impossibilité  de  remplir  conve- 
nablement son  mandat,  précisément  au  moment  où  la 
prochaine  réunion  du  Congrès  exige  la  plus  grande  activité,  a 
adressé  au  Comité  sa  démission  de  secrétaire  général  de  la 
Société. 

Le  Président  expose  que  M.  Bouty  remplissait  ces  fonctions 
depuis  le  11  décembre  1885  avec  un  zèle  exemplaire  et  un 
dévouement  sans  borne  aux  intérêts  de  l'Oranie  ;  il  demande 
que  le  Comité,  tout  en  s'inclinant  devant  les  motifs  sérieux 
qui  ont  dicté  sa  détermination^  lui  en  exprime  ses  vifs  regrets 
et  le  prie  d'accepter  le  titre  de  secrétaire  général  honoraire, 
qui  permettra  à  ses  collègues  de  rester  en  communication 
avec  lui  et  de  recourir  à  l'expérience  et  à  l'érudition  .de  celui 
qui  fut  et  reste  encore  l'apôtre  du  Transsaharien  de  l'Ouest. 

Cette  proposition  est  adoptée  par  le  Comité  à  l'unanimité 
des  membres  présents. 

M.  Flahault,  ingénieur-architecte,  secrétaire  de  la  Section 
archéologique,  est  désigné  pour  remplacer  M.  Bouty  dans  ses 
fonctions  de  secrétaire  général  de  la  Société. 


A-ViQ-TJ-Stin    BERIMA-RID 


4 


^  M.  Eug.  ETIENNE. 


Permettez-moi,  Monsieur,  de  vous  dédier  ces  quelques 
pages,  où  il  est  question  d'un  pays  qui  vous  est  cher.  Vous 
avei  dit  un  jour  de  vous-même  que  vous  étie^  simplement 
un  homme  de  bonne  volonté  :  vous  êtes  aussi  un  homme 
d'action,  et,  comme  Gamhetta,  dont  vous  conserve^  si 
fidèlement  le  souvenir,  un  homme  de  cœur.  Aussi,  dans 
cette  Algérie  déchirée  par  les  luttes  politiques,  vous  êtes  le 
seul  homme  politique  qui  naît  presque  pas  d'adversaires 
et  pas  un  ennemi. 

On  peut  dire  de  l' Algérie  en  particidier  ce  que  le  grand 
géographe  Reclus  a  dit  de  la  Terre  en  général  :  qu'il  y  ferait 
bon  vivre  en  frères.  Ce  beau  rêve  deviendrait  ime  réalité  si  la 
colonie  comptait  beaucoup  dljommes  comme  vous.  Si  éloignés 
que  nous  soyons,  hélas  !  de  cet  idéal,  ne  nous  lassons  pas  de  le 
poursuivre,  et  élevons  dans  nos  cœurs  un  autel  à  Athêna, 
déesse  de  la  sagesse  et  de  la  paix. 


EN  ORANIE 


((  Le  monde  est  grand,  a  dit  Loti,  et  le  voyageur  en  est  le 
vrai  roi  ».  J'ai  voulu  me  donner  quelques  semaines  de  cette 
royauté  dont  les  explorateurs  sont  les  vrais  titulaires,  mais 
à  laquelle  les  simples  touristes  peuvent  aussi  participer 
dans  une  plus  faible  mesure,  et,  au  printemps  dernier,  je  me 
suis  rendu  en  Algérie. 

J'ai  choisi  la  province  d'Oran.  C'est,  des  trois  provinces 
algériennes,  celle  pour  laquelle  j'ai  toujours  eu  une  secrète 
préférence.  Est-ce  le  climat  plus  vif,  l'air  plus  tonique  d'Oran? 
Est-ce  Tlemcen,  la  plus  délicieuse  ville  indigène  de  l'Algérie, 
qui  m'attire,  avec  ses  vergers,  ses  cascades  et  ses  mosquées? 
Est-ce  le  Sud  et  ses  étendues  immenses  ?  Est-ce  le  voisinage 
du  Maroc,  qui  donne  tant  d'intérêt  à  tout  ce  qui  se  passe  en 
Oranie?  N'est-ce  pas  plutôt  le  réconfortant  spectacle  du  succès 
de  la  colonisation  dans  cette  province  où  l'on  fait  moins  de 
politique  et  plus  d'affaires  qu'ailleurs,  où  l'on  a,  à  Oran,  à  Bel- 
Abbès,  rimpression  d'une  activité  bien  ordonnée,  d'une  société 
qui  commence  à  trouver  son  assiette,  qui  vit  et  qui  prospère  ? 
Je  ne  sais.  Du  reste,  qui  pourrait  dire  pourquoi  l'on  s'attache 
en  général  si  fortement  à  l'Algérie,  pays  poussiéreux,  pelé, 
tour  à  tour  brûlant  et  glacé,  et  pourquoi  l'on  aime  cette  Afrique 
française  «  jusques  à  ses  verrues  et  à  ses  tâches?» 

La  Société  de  Géographie  d'Oran  m'ayant  fait  l'honneur  de 
me  demander  mes  impressions  de  voyage,  j'ai  saisi  avec 
empressement  cette  occasion  de  m'acquitter  envers  mes 
confrères  d'une  dette  de  reconnaissance.  Mais  je  dois  les 
avertir  que  mes  impressions  n'ont  rien  de  bien  neuf;  les  villes 
et  les  pays  que  j'ai  traversés  ont  été  maintes  fois  vus  et  décrits. 
Ma  seule  excuse  est  que  je  me  suis  efforcé  de  les  voir  avec  des 
yeux  de  géographe,  et  que  j'ai  porté  toute  mon  attention  sur 
l'étude  des  formes  du  relief,  des  aspects  de  la  végétation  et  de 
leurs  rapports  avec  les  groupements  humains.  Nul  pays  ne  se 
prête  mieux  que  l'Afrique  du  Nord  à  des  observations  de  ce 
genre  :  le  squelette  de  la  terre  s'y  montre  à  nu,  la  végétation 

27 


238  EN  ORANIE 

spontanée  est  semblable  à  elle-même  sur  de  vastes  espaces,  La 
culture  n'a  adouci  les  pentes  et  transformé  le  sol  que  sur 
de  faibles  parcelles  ;  de  sorte  que  l'œil  le  moins  averti  est 
sensible  aux  changements  dans  la  nature  du  terrain  et  dans  la 
flore. 

Pour  me  rendre  dans  l'Oranie,  j'ai  pris  par  l'Espagne  et  le 
Maroc:  c'est  le  plus  long,  mais  peut-être  aussi  le  plus  court 
pour  la  bien  connaître.  Ne  retrouve-t-on  pas,  dans  l'Algérie 
occidentale,  des  populations  d'origine  espagnole,  la  préoccu- 
pation des  questions  marocaines,  et  les  paysages  eux-mêmes 
ne  prêtent-ils  pas  à  plus  d'un  rapprochement? 


L'ESPAGNE 

Parti  de  Paris  par  le  Sud-Express,  au  milieu  d'une  pluie 
glacée,  je  m'éveille  le  lendemain  aux  environs  de  Palencia.  Le 
jour  parait,  clair  et  froid;  la  gelée  blanche  couvre  le  sol,  mais 
bientôt  le  soleil  se  montre  radieux  dans  un  ciel  pur,  et  illumine 
les  plaines  sans  fin  de  laVieille-Caslille.  Ces  plaines  miocènes, 
absolument  dénudées,  offrent  la  plus  grande  analogie  d'aspect 
avec  les  plaines  de  Sétif.  Ce  sont  comme  ces  dernières  des 
terres  à  blé,  peu  et  mal  cultivées,  où  la  végétation  n'a  qu'une 
très  courte  période,  interrompue  en  hiver  par  le  froid,  en 
été  par  la  sécheresse.  Pas  plus  que  dans  les  steppes  algériennes, 
l'irrigation  n'est  possible  dans  les  Castilles,  avec  les  cours 
d'eau  profondément  encaissés,  les  barrancos,  qui  se  sont  creusé 
un  lit  entre  des  parois  alluvionnaires  verticales  très  élevées, 
et  qui  ressemblent  à  nos  oueds  africains. 

Dans  les  gares,  des  indigènes,  l'air  pauvre  et  farouche, 
regardent  passer  le  train  ;  ils  me  rappellent  les  Kabyles, 
sauvages  et  liers  eux  aussi,  qu'on  voit  groupés  de  même  sur 
la  lignQ.-de  Tizi-Ouzou.  Ce  sont  les  mêmes  attitudes,  les  mêmes 
regards,  probablement  la  même  race.  Les  villages  qu'on  ren- 
contre à  de  rares  intervalles  sont  dominés  par  de  grandes 
églises  massives,  forteresses  plutôt  que  maisons  de  prière. 
Quelquefois  on  aperçoit  des  despoblados,  dont  il  ne  reste  plus 
qu'une  église  ou  un  couvent,  qui  se  dresse  énorme  dans  la 
sohtude,  au  milieu  des  champs. 

Et  c'est  ensuite  la  Sierra  de  Guadarrama,  qui  est  un  Iwrst 


EN  ORANIE  239 

et  non  une  chaîne,  tout  à  fait  caractéristique  de  ces  massifs  de 
l'Espagne  intérieure  qui  apparaissent  seulement  par  dénudation 
et  par  mise  en  saillie  des  parties  dures,  et  qui  constituent  un 
obstacle  formidable  aux  communications.  La  Sierra  de  Gua- 
darrama  laisse  voir  principalement  du  granit  décomposé,  avec 
des  blocs  perchés  ou  branlants,  arrondis  par  les  agents 
atmosphériques  et,  au  pied  de  ces  blocs,  les  sables  siliceux  qui 
sont  le  résultat  final  de  leur  destruction.  Ce  chaos  de  pierre 
imprime  au  paysage  un  caractère  étrange  et  triste,  qui  à  certains 
égards  rappelle  la  Bretagne.  La  région  est  d'ailleurs  inhabitée 
ou  à  peu  près.  Le  long  de  la  voie,  des  plaques  de  neige  témoi- 
gnent de  l'àpreté  du  climat  et  de  l'altitude  déjà  considérable. 

Avila  en  effet  est  à  1.100  mètres  d'altitude.  Au  milieu  d'un 
amphithéâtre  de  montagnes  neigeuses,  elle  dresse  ses  belles 
murailles  mauresques,  parfaitement  conservées,  flanquées  de 
tours  rondes,  ses  vieux  murs,  ses  habitations  sombres,  sa 
grande  cathédrale  qui  domine  et  écrase  la  petite  ville.  Toutes 
ces  constructions  sont  en  granit,  ce  qui  donne  à  ce  Quimper 
espagnol  la  môme  teinte  grise,  le  même  aspect  sévère  qu'à  la 
capitale  de  la  Gornouailles.  L'ensemble,  demeuré  tel  qu'au 
Moyen-Age,  a  un  aspect  à  la  fois  militaire  et  religieux,  guerrier 
et  conventuel,  qui  n'est  pas  sans  grandeur. 

La  Sierra  de  Guadarrama  est  assez  bien  boisée  en  plusieurs 
endroits,  sauf  la  partie  supérieure  qui  est  rocheuse  et  nue. 
Les  boisements  sont  des  pins  et  des  chênes-verts,  qui 
croissent  au  milieu  des  blocs  de  granit.  Le  pin  est,  comme 
dans  les  Landes,  exploité  pour  sa  résine,  qu'un  petit  pot  placé 
le  long  de  chaque  arbre  a  pour  office  de  recueillir.  Le  gland 
doux  s'appelle  en  Espagne  Bellota,  où  l'on  retrouve  le  bellout 
des  indigènes  algériens.  D'ailleurs,  l'olive  en  Espagne  s'appelle 
ze'itouna^  et  ainsi,  à  chaque  pas,  dans  les  noms  des  lieux  et 
des  plantes,  dans  les  monuments  et  les  habitudes,  se  retrou- 
vent les  traces  ineffaçables  de  la  vieille  domination  musulmane, 
qui  fut,  dans  ce  pays,  si  longue  et  si  brillante. 

Au-delà  d'Avila,  la  voie  ferrée,  dont  l'établissement  a 
nécessité  de  nombreux  travaux  d'art,  viaducs  et  souterrains, 
continue  à  s'élever  sur  les  pentes  de  la  Sierra.  On  a  des  vues 
étendues  sur  les  montagnes  neigeuses,  pendant  qu'en  bas 
l'œil  plonge  sur  des  vallées  profondes,  incultes  et  désolées, 
qui  présentent  un  spectacle  réellement  solennel. 

Après  s'être  élevée  ainsi  à  1.360  mètres  d'altitude,  la  voie 


240  EN   ORANIE 

redescend  par  des  pentes  rapides  vers  la  Nouvelle-Gastille, 
"iont  les  tristes  plaines  ne  dilTerent  guère  de  celles  de  la  Vieille- 
Gastille.  Au  sortir  de  la  chaîne,  on  passe  à  l'Escorial,  étrange 
et  lugubre  édifice,  auprès  duquel  notre  Versailles,  malgré  sa 
majesté,  semblerait  tout  guilleret.  On  y  montre  la  chambre  de 
Philippe  II,  avec  ses  murs  nus  et  blanchis  à  la  chaux,  le  pliant 
sur  lequel  il  allongeait  sa  jambe  lorsqu'il  avait  la  goutte,  le 
petit  harmonium  de  Charles-Quint  au  monastère  de  Juste.  Et 
l'on  comprend,  mieux  que  par  de  longues  lectures,  la  manière 
d'être  et  la  tournure  d'esprit  de  ces  funèbres  souverains 
espagnols,  moines  couronnés  qui  avaient  choisi  comme 
villégiature  ce  site  sauvage.  Quel  contraste  avec  les 
gracieuses  campagnes  des  environs  de  Paris,  où  vont,  comme 
dit  Théophile  Gautier,  «  en  déshabillé  blanc  les  jeunes 
demoiselles  »  ! 


MADRID 

Madrid  n'a  pas  de  banlieue,  pas  d'environs,  et  c'est  bien  la 
capitale  la  plus  artificielle  qu'il  soit  possible  de  voir.  Je  n'ai 
pas  séjourné  à  Madrid.  Malgré  un  clair  soleil,  il  y  soufflait  une 
bise  glaciale  qui  faisait  penser  au  proverbe  que  «  le  vent  de 
Madrid  n'éteint  pas  une  chandelle  mais  tue  bien  un  homme  », 
et  à  cet  autre  proverbe  encore  «  qu'il  y  a  à  Madrid  neuf  mois 
d'hiver  et  trois  mois  d'enfer  ».  Gomme  les  barbares  nos 
ancêtres,  et  comme  aujourd'hui  encore  les  hommes  du  Nord, 
je  me  sentais  invinciblementatliré  vers  le  Midi  tiède  et  joyeux. 
J'ai  pris  le  temps  cependant  de  voir  le  musée  du  Prado,  que 
j'ai  eu  la  chance  de  visiter  avec  un  guide  des  plus  aimables  et 
des  plus  compétents,  M.  MouUe,  ingénieur  français  qui  a 
longtemps  et  à  maintes  reprises  séjourné  en  Espagne.  C'est 
un  des  charmes  de  la  vie  de  voyage  que  ces  relations  rapide- 
ment nouées  avec  des  compagnons  qu'on  ne  reverra  sans 
doute  jamais,  mais  qui  nous  donnent  en  quelque  sorte  le 
meilleur  d'eux-njêmes  et  dont  on  garde  un  souvenir  excellent. 
Je  me  souviens  d'une  après-midi  passée  ainsi  à  Quimper,  en 
compagnie  de  Luzel  le  folkloriste  et  d'Anatole  Le  Eraz  le  poète, 
où  j'en  appris  sur  la  Bretagne  et  les  Bretons  plus  que  je 
n'aurais  pu  le  faire  en  parcourant  le  pays  pendant  plusieurs 
années. 


EN  ORANIE  241 

Au  Prado,  on  complète  la  leçon  déjà  reçue  à  l'Escorial  ;  on 
comprend  mieux  l'histoire  d'Espagne  et  on  pénètre  davantage 
le  caractère  espagnol.  Non  seulement  les  tableaux  des  peintres 
espagnols,  mais  ceux  achetés  à  l'étranger  par  ou  pour  les 
souverains  sont  à  cet  égard  significatifs  :  partout  l'idée  de  la 
mort  et  la  représentation  de  la  mort.  On  connaît  le  Christ  de 
Burgos,  «  cadavre  aux  chairs  livides  et  déjà  décomposées,  tout 
couvert  de  caillots  de  sang,  ayant  au  genou  une  écorchure 
d'oi!i  suinte  un  pus  verdàtre.  )>  (l)  A  la  Charité  de  Séville,  un 
tableau  saisissant  montre  un  archevêque  mort  et  décomposé 
dans  son  cercueil.  Et  cette  donnée  funèbre  est  vraiment  le 
leitmotiv  de  l'art  comme  du  sombre  catholicisme  de  l'Espagne. 
La  mort,  l'amour  frère  de  la  mort,  la  cruauté,  l'orgueil  et  la 
vanité,  tels  sont  les  sentiments  castillans  dont  on  retrouve 
l'expression  sous  des  formes  diverses  dans  cet  admirable 
musée  de  Madrid.  On  y  voit  de  beaux  primitifs,  notamment 
d'admirables  Bosch  (Le  Triomphe  de  la  Mort),  et  un  certain 
Patinir  (XYI^  siècle),  inconnu  je  crois  ailleurs  qu'à  Madrid, 
dont  les  œuvres  m'ont  vivement  frappé  :  dans  sa  «  Barque  de 
Caron  »,  le  sinistre  passeur,  dont  le  canot  apparaît  au  loin 
s'avance  à  travers  un  paysage  nocturne  de  montagnes  et 
d'arbres  d'une  incroyable  profondeur,  où  seul  le  sillage  argenté 
de  la  barque  dans  l'eau  du  fleuve  met  une  lueur. 

Mais  c'est  Velasquez,  comme  chacun  sait,  qui  règne  en 
souverain  au  musée  de  Madrid,  et  Velasquez  est  un  grand 
maître.  Ses  infantes,  avec  leur  air  déjà  ennuyé  et  solennel,  ont 
conscience  d'être  au  dessus  de  l'humanité.  Ses  boutions  de 
cour,  le  «  Primo  »  surtout,  dont  l'expression  est  si  hautement 
méditative,  sont  vraiment  tragiques  A  noter  aussi  les  Titiens, 
en  particulier  l'inoubliable  Charles-Quint  à  cheval  :  c'est  cer- 
tainement à  ce  portrait  que  pensait  Michelet  lorsqu'il  définissait 
Charles-Quint  «  un  procureur  ».  Et  en  regardant  cet  homme 
triste  et  maigre,  à  la  barbe  rare,  on  croit  voir  plutôt,  malgré 
l'armure,  un  notaire  accablé  d'affaires  que  le  souverain  dans 
les  États  duquel  le  soleil  ne  se  couchait  jamais. 

En  somme,  bien  que  la  a.  couleur  locale  »  de  nos  écrivains 
romantiques  soit,  on  l'a  souvent  dit,  généralement  fausse,  il  faut 
convenir  que  Victor  Hugo,  soit  parce  qu'il  connaissait  l'Espagne, 
soit  atavisme  de  Franc  Comtois,  a  très  exactement  compris  et 


(1)  L.  BerU-and. 


2^  EN  ORANIE 

rendu  plusieurs  des  côtés  saillants  du  caractère  espagnol.  Les 
personnages  d'Hernani  et  de  Ruy  Blas,  comme  le  Cid  de 
Corneille,  sont  réellement  castillans.  Mon  compagnon  l'ingé- 
nieur des  mines  m'a  conté  plus  d'un  trait  de  noblesse  du 
caractère  espagnol,  et  aussi  de  Don-Quichottisme,  dont  il  a  été 
le  témoin.  Le  sentiment  de  la  liberté  individuelle  est  également 
très  développé  chez  ce  peuple.  En  me  promenant  à  la  Puerta 
del  Sol,  je  vis  la  foule  prendre  énergiquement  fait  et  cause 
pour  un  vieux  et  horrible  mendiant  qui  semblait  un  Goya 
descendu  de  son  cadre,  contre  un  agent  de  police  auquel  elle 
faillit  faire  un  mauvais  parti. 


L'ANDALOUSIE 

Après  avoir  traversé  pendant  la  nuit  les  steppes  de  la 
Manche  et  la  Sierra  Morena,  je  me  réveille  dans  la  riche  Anda- 
lousie, huerta  d'oliviers  au  milieu  desquels  le  blé  est  déjà  haut. 
Et  l'opposition  se  marque  bien,  comme  dans  notre  Algérie, 
entre  les  hautes  steppes  de  l'intérieur  et  les  plaines  basses  de 
la  périphérie.  En  somme,  le  plateau  des  Gastilles  est  plus 
africain,  au  vrai  sens  du  mot,  c'est-à-dire  dénudé,  sans  arbres, 
et  à  climat  extrême,  tour  à  tour  très  chaud  et  très  froid  ;  il 
ressemble  à  notre  Afrique  intérieure,  à  la  région  de  Boghari 
par  exemple,  ou  mieux  encore  à  la  plaine  de  Sétit.  L'Anda- 
lousie est  plus  méditerranéenne,  elle  rappelle  le  Sahel  d'Alger 
ou  la  Riviera.  La  végétation  déjà  exotique,  les  agaves,  les 
figuiers  de  Barbarie  complètent  la  ressemblance.  C'est  d'ail- 
leurs une  riche  plaine  alluviale,  très  bien  arrosée  et  dans  des 
conditions  climatériques  exceptionnelles,  garantie  des  vents 
du  Noi'd,  ouverte  aux  vents  humides  du  Sud-Ouest,  et  rece- 
vant en  outre  l'eau  descendue  des  sommets  de  la  Sierra 
Nevada^v 

Je  me  suis  arrêté  à  Cordoue,  dont  la  grande  mosquée  est 
une  pure  merveille.  Avec  sa  forêt  de  colonnes,  elle  donne  une 
remarquable  impression  de  grandeur,  de  richesse  et  de  goût. 
Il  faut  admirer  surtout  le  mihrab,  et  la  chapelle  qu'on  appelle, 
sans  doute  avec  raison,  l'ancien  mihrab  (la  mosquée  a  été 
agrandie  à  deux  reprises  dilférentes),  bien  qu'il  ne  m'ait  pas 
paru  orienté.  On  restaure  cette  chapelle  et  l'on  refait  aussi  le 
magnifique  plafond  de  cèdre.  Pour  rendre  à  la  mosquée  son 


EN  ORANIE  243 

aspect  primitif,  il  faudrait  surtout  faire  disparaître  lacathédrale 
que  les  chrétiens  ont  bâtie  à  l'intérieur  et  comme  encastrée 
dans  l'édifice  musulman,  véritablement  déshonoré  au  point  de 
vue  artistique.  Et  cela  n'est-il  pas  vraiment  symbolique?  Les 
Espagnols  n'ont-ils  pas  de  même  approprié  à  leur  usage,  en 
les  dégradant,  les  institutions,  les  travaux  hydrauliques,  les 
œuvres  de  tout  genre  que  leur  avaient  léguées  les  Maures  ? 
L'époque  arabe  est  la  seule  époque  de  véritable  prospérité 
qu'ait  connue  l'Espagne.  Il  y  a  vraiment  eu  là,  aussi  bien  au 
point  de  vue  matériel  qu'au  point  de  vue  artistique  et  scienti- 
fique, une  floraison  inouïe.  Il  me  semble  que  ce  remarquable 
phénomène  n'a  jamais  été  étudié  d'assez  près.  Ni  les  envahis- 
seurs, Arabes  mêlés  de  Berbères,  ni  les  peuples  conquis  ne 
semblaient  susceptibles  d'arriver  aussi  vite  au  haut  degré  de 
civilisation  que  dénote  le  kalifat  de  Cordoue. 

La  population  de  Cordoue  semble  moins  africaine  d'aspect 
que  les  paysans  des  Gastilles.  Sans  doute  l'élément  urbain 
s'est  perpétué,  mieux  que  l'élément  rural,  à  travers  les  révo- 
lutions, et  est  en  partie  antérieur  à  la  conquête  musulmane. 
En  tout  cas,  les  habitants  de  la  vieille  capitale  des  émirs  ne 
paraissent  pas  avoir  conservé  de  traces  d'éléments  sémitiques. 
Les  maisons  de  Cordoue,  il  est  vrai,  comme  celles  de  toute 
l'Andalousie,  ont  la  disposition  de  la  maison  arabe  :  mais 
n'est-ce  pas  celle  aussi  de  la  maison  romaine  ?  La  cour 
intérieure,  le  patio,  n'est-il  pas  tout  simplement  une  dispo- 
sition imposée  par  le  climat,  et  à  laquelle  nous  avons  eu  grand 
tort  de  substituer  en  Algérie  nos  laides  bâtisses  à  cinq 
étages  ? 

En  me  rendant  à  la  gare,  je  rencontre  des  mendiants 
magnifiques,  comme  on  n'en  voit  qu'en  Espagne,  et  qui  ont 
vraiment  l'air  de  grands  seigneurs  dans  l'embarras  ;  ils  me 
remercient  avec  des  gestes  si  nobles  que  je  me  demande  si  ce 
n'est  pas  moi  qui  suis  leur  obligé,  et  que  j'ai  presque  honte  de 
ne  leur  donner  qu'un  perro  ch'ico  (1). 

l>e  Cordoue  à  Séville,  on  suit  la  belle  vallée  fertile  du 
Guadalquivir  qui  roule  ses  eaux  rougeâtres  le  long  de  la  voie. 


(1)  On  sait  qu'en  Espagne  le  petit  sou  s'appelle  un  -perro  chico,  un  petit 
chien,  et  le  gros  son,  un  perro  grande,  un  grand  chien,  le  peuple  prenant 
pour  un  chien  le  lion  dont  l'efligie.  figure  sur  cette  monnaie,  de  même  que 
les  indigènes  algériens  appellent  Bou-Meclfa  lesdouros  espagnols,  prenant 
pour  des  canons  les  Colonnes  d'Hercule  qui  y  sont  représentées. 


244  EN   ORANIE 

On  côtoie  à  droite  la  Sierra-Morena,  et  l'œil  le  moins  averti 

peut  reconnaître  que  ce  n'est  pas  là  une  chaîne  de  montagnes 

ordinaire,    mais  un    rebord  de  plateau  brusquement   coupé 

par  des  effondrements.  A  mesure  qu'on  descend  vers  le  Sud, 

la  végétation  est  de  plus  en  plus  avancée  ;  les  palmiers-nains 

et  les  asphodèles  dominent  dans  la  flore  spontanée  ;  les  saules 

et  les  autres  arbres  à  feuilles  caduques  montrent  leur  jeune  et 

tendre  verdure  de  printemps  ;  la  principale  culture  consiste 

dans  des  olivettes  plantées  en  quinconces  et  soigneusement 

labourées.  Sans  doute,  avec  des  irrigrdions,  la  vallée  du  Chélif 

pourrait  avoir  un  jour  cet  aspect-là.  Sur  un  éperon  de  gneiss 

apparaît  la  superbe  ruine  du  château   d'Almodovar  del-Rio, 

que  les  détours  de  la  voie  font  plusieurs  fois  réapparaître  ;  à 

ses  pieds  s'étend  un  petit  village  aux  murs  blancs  et  aux  toits 

rouges,  en  tout  semblable  à  nos  villages  kabyles.  Dans  les 

gares,  des  vendeurs  sollicitent  le  voyageur  ;  ce  qu'ils  vendent 

est  assez  caractéristique:  ce  ne  sont  pas  d'épaisses  nourritures, 

des  bières  ou  des  alcools  comme  dans  les  pays  du  nord  ;  ils 

vendent  de  Vaqua  fresca  et  des  bouquets  de  violettes,  des 

fleurs  et  de  l'eau  pure,  que  produit  la  plaine  Andalouse  et  que 

consomme  son  peuple  sobre  et  amoureux. 

* 
*  * 

S  É  V I  L  L  E 

A  l'hôtel  où  je  descends  à  Séville,  il  y  a  beaucoup  d'Allemands, 
passablement  de  Français,  peu  d'Anglais.  Les  Anglais,  à  ce 
qu'il  m'a  semblé,  voyagent  peu  cette  année,  soit  que  la  guerre 
du  Transvaal  mette  bien  des  familles  en  deuil,  soit  qu'ils 
craignent  d'entendre  sur  le  continent  trop  de  réflexions  qui 
leur  seraient  pénibles.  Un  Allemand,  mon  voisin  de  table, 
voyage  en  Espagne  pour  ie  compte  d'une  maison  anglaise  : 
cela  est  pour  renverser  un  peu  les  idées  et  les  théories  de  nos 
nationalistes  intransigeants,  qui  s'indignent  parce  que  des 
capitaux  belges  se  rencontrent  avec  des  capitaux  français 
dans  quelque  entreprise  financière.  De  plus  en  plus,  avec  la 
facilité  croissante  des  communications  et  des  échanges,  il 
deviendra  difflcile  de  distmguer  l'origine  réelle  des  capitaux  et 
des  marchandises. 

Vue  du  haut  de  la  tour  de  la  Giralda,  la  plaine  d'Andalousie, 
couverte  de  moissons  et  de  vergers,  semble  très-large  ;  il  est 
vrai  qu'à  cette   hauteur  les  reliefs  s'efîacent  et  s'aplatissent. 


EN   ORANIE  245 

Le  regard  s'étend  d'une  part  jusqu'à  la  Sierra-Morena,  de 
l'autre  jusqu'à  la  Sierra-Nevada,  dont  on  aperçoit  les  hautes 
cimes  dans  le  lointain. 

L'art  arabe  de  Séville  ne  m'a  pas  produit  une  aussi  vive 
impression  que  la  mosquée  de  Cordoue.  Malgré  de  fort  belles 
choses,  c'est  un  peu  de  l'art  arabe  de  café  concert.  L'Alcazar, 
avec  son  patio,  sa  salle  des  Ambassadeurs,  sa  chambre  à 
coucher  des  rois  matu*es,  est  trop  orné,  trop  doré,  trop  restauré 
aussi  peut-être.  Un  des  souvenirs  qu'évoque  l'Alcazar  est  celui 
de  Maria  de  Padilla,  favorite  de  Pierre  le  Cruel  ;  on  y  montre 
les  bassins  oi^i  se  baignait  la  dame;  la  chronique  rappoi-te  qu'il 
était  d'usage  que  le  roi  et  les  courtisans  vinssent  lui  tenir 
con;pagnie:  la  galanterie  suprême  voulait  alors  que  les  cavaliers 
bussent  de  l'eau  du  bain. 

Deux  Marocains,  qui  d'après  leur  tenue  me  paraissent  être 
des  personnages  importants,  visitent  l'Alcazar  en  même  temps 
que  moi.  Il  serait  curieux  de  connaître  leurs  impressions  ; 
mais  il  n'est  pas  facile  de  connaitre  les  impressions  des 
indigènes  devant  un  édifice  ou  un  spectacle  quelconque.  Le 
nil  admirari  est  leur  devise,  et,  lorsqu'ils  sont  émus,  ils  n'en 
laissent  rien  paraître.  D'ailleurs,  sont-ils  émus  ?  Ceux-ci  se 
doutent-ils  de  la  profonde  décadence  que  dénote  chez  eux  la 
comparaison  du  Maroc  actuel  avec  l'Andalousie  de  jadis  ?  N'en 
prennent-ils  pas  plutôt  prétexte  pour  penser  que  tout  ce  qu'il 
y  a  de  beau  et  de  bien  dans  le  monde  est  dû  aux  musulmans, 
et  qu'ils  pourront,  s'il  plaît  à  Allah,  reconquérir  le  pays  jadis 
occupé  par  eux  ? 

Il  y  aurait  beaucoup  à  dire  de  la  cathédrale  de  Séville,  qui 
est  tout  un  monde.  Mais  je  suis  venu  voir  le  pays  et  les 
habitants  plutôt  que  les  monuments  du  passé  ;  n'ayant  aucune 
compétence  au  point  de  vue  archéologique,  je  m'intéresse  à 
ces  derniers  seulement  en  tant  qu'ils  sont  représentatifs  d'une 
population  ou  d'un  milieu. 

Séville  est  un  dédale  de  rues  étroites  où  l'on  trouve  quelques 
belles  maisons.  Certains  patios  sont  tout  à  fait  remarquables, 
mais  peut  être  les  modestes  patios  de  Cordoue,  blanchis  à  la 
chaux  et  tleuris  de  géraniums,  produisent-ils  une  impression 
plus  agréable  :  il  y  a  des  grisettes  qui  sont  plus  jolies  que  des 
duchesses. 

Il  ne  faut  pas,  sur  la  foi  de  Théophile  Ga.utier  et  des  autres 
romantiques,  s'exagérer  outre  mesure  le  pittoresque  de  Séville. 


246  EN  ORANIE 

C'est  dans  la  calle  de  las  Sierpes,  interdite  aux  voitures,  que 
l'on  voit  détiler  tout  Séville;  comme  il  pleut  à  torrents,  chacun 
s'est  armé  d'un  immense  parapluie  rose.  On  voit  passer,  avec 
ce  même  parapluie,  des  prêtres  qui  flânent  en  fumant  leur 
cigare,  des  employés  des  postes  qui  flânent  aussi.  Les 
facteurs  n'ont  pas  de  boîtes,  l'activité  de  la  correspondance  en 
Espagne  rendant  cette  complication  inutile  ;  avec  leurs  costu- 
mes d'offlciers  de  marine,  ils  ont  l'air  de  gens  pas  pressés  qui 
vont  porter  quelques  lettres  d'introduction.  Les  femmes  de 
Séville,  quoiqu'elles  aient  en  général  de  fort  beaux  yeux,  ne 
m'ont  pas  paru  d'une  beauté  ni  d'une  élégance  particulière. 
Aucune  ne  porte  de  chapeau  ;  tilles  du  peuple  ou  bourgeoises, 
jeunes  ou  vieilles,  depuis  six  ans  jusqu'à  quatre-vingts,  toutes 
ont,  avec  la  mantille,  des  fleurs  naturelles  dans  les  cheveux. 
Des  Françaises  qui  sont  affublées  de  chapeaux  semblent  de 
véritables  caricatures,  tellement  l'œil  se  déshabitue  vite  de 
l'édifice  qui  chez  nous  surmonte  les  têtes  féminines. 

Dans  cette  même  calle  Sierpes  sont  les  principaux  cercles 
de  Séville  ;  ils  ont  ceci  de  particulier  qu'ils  sont  situés  au 
rez-de-chaussée  et  ont  vue  sur  la  rue  ;  on  y  est  assis  côte  à 
côte,  comme  en  tramway,  ou  encore  comme  dans  ces  fauteuils 
élevés  sur  lesquels  on  prend  place  pour  se  faire  cirer  ses 
chaussures.  Les  membres  du  cercle  se  contentent  de  regarder 
la  rue,  qui  les  regarde.  Personne  ne  boit  «  l'apéritif  »,  ni 
aucun  des  alcools  plus  ou  moins  falsifiés  dont  les  parfums,  à 
Paris  ou  à  Alger,  empestent  l'air  vers  cinq  heures  à  la  terrasse 
des  cafés.  On  boit  Je  l'eau,  rien  que  de  l'eau  ;  la  seule  diflerence 
est  qu'il  y  a  des  cercles  où  on  la  boit  dans  de  grands  verres, 
d'autres  où  on  la  déguste  dans  des  flûtes  à  Champagne.  Déci- 
dément, ce  peuple  est  sobre:  c'est  une  force.  En  outre,  comme 
je  l'ai  déjà  noté  à  Madrid,  il  parait  y  avoir  beaucoup  de 
simplicité  et  de  véritable  égalité  dans  ks  relations  sociales.  Le 
Midi  e§t  égalitaire,  parce  qu'on  n'y  a  pas  de  besoins,  que  le 
riche  et  le  pauvre  s'y  nourrissent  pour  quelques  sous,  avec 
des  pastèques  ou  des  coquillages,  et  que  le  soleil  luit  pour  tout 
le  monde.  La  steppe  et  le  désert,  où  l'on  mène  la  vie  pastorale, 
sont  plus  égalilaires  encore  ;  chez  les  Arabes  nomades,  tout  le 
monde  est  noble,  mais  tout  le  monde  est  peuple.  Et  il  y  a  bien 
peu  de  difTérence  entre  le  plus  grand  chef  et  le  dernier  des 
pasteurs  ;  tous  deux  ont  la  même  habitation,  une  tente  ;  le 
même  vêtement,  un  buî-nous  ;  la  même  nourriture,  la  viande 


EN  ORANIE  247 

et  le  lait  de  leurs  troupeaux.  Au  contraire,  il  est  intéressant 
de  remarquer  combien,  dans  les  pays  de  civilisation  indus- 
trielle de  l'Europe  occidentale,  et,  je  crois,  de  l'Amérique, 
dans  les  villes-raonstœs  comme  Paris  et  Londres,  le  mouvement 
des  mœurs  va  en  sers  inverse  du  mouvement  politique  qui 
porte  vers  la  démocratie.  Jamais  sans  doute,  en  aucun  temps 
et  en  aucun  pays,  il  n'y  eut  autant  de  difïérence  entre  les 
hommes  qu'il  y  en  a  entre  un  grand  manufacturier  et  les 
prolétaires  qu'il  emploie,  entre  un  habitant  de  l'avenue  des 
Champs-Elysées  et  un  habitant  de  Pantin.  On  raconte  qu'un 
satrape  perse,  étant  venu  àMédiiie,  demanda  à  être  introduit 
en  présence  du  khalife  Omar  ;  on  lui  montra  un  homme  qui 
dormait  contre  un  mur,  enveloppé  dans  un  burnous  rapiécé, 
et  on  lui  dit  que  c'était  là  le  khalife.  La  République  française 
a  connu  des  présidents  qui  avaient  moins  de  simplicité  ;  il  n'y 
a  pas  jusqu'à  nos  ministres  d'un  jour  qui,  avec  leur  insolence 
de  parvenus,  ne  se  considèrent  parfois  comme  d'une  essence 
supérieure  à  celle  du  commun  des  mortels.  La  véritable 
démocratie,  la  fraternité  des  croyants,  n'a  jamais  été  aussi  bien 
comprise  et  pratiquée  que  chez  les  peuples  musulmans. 

Mais  revenons  à  Séville.  J'ai  visité  la  manufacture  de  tabacs, 
qui  emploie  des  miliiers  d'ouvrières.  Le  spectacle  qu'offrent 
ses  immenses  galeries  voûtées  est  intéressant,  bien  que  les 
Carmen  de  l'endroit  sont  en  général  laides  et  vieilles.  Ici 
encore,  il  iaut  oublier  Mérimée  et  les  souvenirs  du  roman- 
tisme. Deux  détails  m'ont  frappé  :  les  travailleuses  qui  ont 
des  enfants  à  la  mamelle  placent  à  côté  d'elles  de  petits 
berceaux,  et,  au  fond  de  chaque  salle,  des  bougies  brillent 
devant  une  chapelle  de  la  Vierge. 

Les  danses  andalouses  ne  sont  pas  moins  décevantes,  au 
point  de  vue  pittoresque,  que  la  manufacture  de  tabacs.  Une 
affiche  d'un  goût  assez  singulier,  annonçant  les  fêtes  de  la 
Semaine-sainte,  représente  un  prêtre  et  une  danseuse  :  c'est  en 
effet  tout  Séville,  et  cette  idée  d'avoir  mis  sur  la  même  affiche 
ces  ((  attractions  »,  donne  comme  un  avant-goût  du  caractère 
passablement  carnavalesque  qu'afïectent  ici,  paraît-il,  les 
processions  de  la  Semaine-sainte.  L'époque  de  mon  séjour 
n'étant  pas  celui  de  ces  cérémonies,  je  me  suis  contenté  de 
voir  des  danses,  ou,  comme  on  dit,  une  Escuela  de  Balle.  Le 
spectacle  m'a  paru  médiocre,  monotone  et  sans  grand  intérêt. 
Comme  tous  les  spectacles  organisés  spécialement  à  l'intention 


248  EN   ORANIE 

des  étrangers,  celui  ci  était  sans  couleur  et  sans  vie.  Combien 
plus  intéressant  le  combat  de  coqs  auquel  j'assistai  le 
lendemain  ! 

Qu'on  imagine  un  petit  cirque,  contenant  une  centaine  de 
places  environ,  au  milieu  duquel  est  une  corbeille,  semblable  à 
celle  des  agents  de  change  à  la  Bourse,  et  qui  va  être  le  théâtre 
du  combat.  Tout  autour,  des  Espagnols  sont  entasses,  les 
aficionados  ayant  des  places  spéciales  et  réservées  plus  près 
de  la  corbeille.  On  apporte  deux  coqs  à  demi  déplumés  ;  un 
arbitre  les  pèse  et  s'assure  que  les  deux  adversaires  sont  de 
poids  à  peu  près  égal  ;  puis  il  leur  passe  du  citron  sur  les 
ergots,  pour  éviter  une  fraude  qui  consiste  à  les  enduire  de 
quelque  narcotique.  On  introduit  les  deux  coqs  dans  la  corbeille, 
et  alors  commence  une  lutte  acharnée  et  féroce,  pendant  que, 
tout  autour,  des  paris  s'engagent  au  milieu  des  cris  et  des 
vociférations.  La  principale  péripétie  de  la  lutte  est  le  moment 
où  l'un  des  coqs  a  réussi  à  crever  un  œil  à  son  adversaire, 
parce  que  celui-ci,  aveuglé  par  le  sang,  se  trouve  alors  dans 
des  conditions  d'infériorité  manifestes.  C'est  à  qui,  parmi  les 
parieurs,  s'apercevra  le  premier  de  cet  accident  ;  les  vociféra- 
tions redoublent  alors.  Lorsqu'un  des  deux  coqs  semble  vaincu, 
l'arbitre  prend  un  sablier,  et  le  combat  est  terminé  si  l'animal 
reste  étendu  à  terre  sans  faire  un  mouvement  pendant  le  temps 
que  le  sable  s'écoule.  Mais  souvent  il  se  relève,  et  la  lutte 
recommence,  à  coups  de  bec  et  d'ergots.  Ce  spectacle  des  coqs 
couverts  de  sang,  s'acharnant  sans  trêve,  est  extrêmement 
féroce,  plus  encore  peut-être  que  les  combats  de  taureaux.  Il  y 
a  surtout  un  moment  oii  le  coq  vainqueur  se  met  à  becqueter 
le  sang  et  la  cervelle  qui  coulent  de  la  tête  de  son  rival,  qui 
fait  vraiment  passer  un  petit  frisson.  Et,  comme  à  Madrid  j'ai 
compris  la  royauté  espagnole,  ici  j'ai  compris  1  Inquisition. 

De  Séville  à  Cadix,  j'ai  traversé  l'Andalousie  sous  une  pluie 
diluvienue,  et  telle  que  j'en  ai  rarement  vu,  quelque  habitué 
queje  sois  aux  pluies  du  Midi.  La  plaine  basse  du  Guadalquivir, 
où  la  pente  est  très  faible,  est  entièrement  noyée.  Et,  lorsque  le 
train  s'engage  sur  la  flèche  de  sable  qui  relie  Cadix  au 
continent  (à  peu  près  comme  à  Quiberon),  dans  le  soir  qui 
tombe,  au  milieu  de  la  tempête  qui  se  déchaîne  et  soulève  les 
flots  de  la  mer,  pendant  que  l'eau  du  ciel  et  celle  de  la  terre  se 
confondent,  il  semble  que  le  train  lui-même  va  disparaître 
dans  toute  cette  eau. 


EN   ORANIE  249 

Cadix,  enfermée  dans  ses  murailles,  rattachée  seulement  à 
la  terre  par  un  isthme  étroit,  a  une  physionomie  très  spéciale 
avec  ses  hautes  maisons  aux  toits  plats.  Cette  vieille  Gadès  est 
un  remarquable  type  de  ville  phénicienne,  à  laquelle  s'applique 
admirablement  la  description  de  Carthage  par  Flaubert  : 
«  Carthage  était  défendue  sur  toute  la  largeur  de  l'isthme. . . 
Par  derrière,  la  ville  étageait  en  amphithéâtre  ses  hautes 
maisons  de  forme  cubique. . .  d'innombrables  ruelles,  s'entre- 
croisant,  la  coupaient  du  haut  en  bas.  » 

Le  lendemain  au  matin,  je  m'embarquais  pour  Tanger  par 
une  abominable  tempête,  sur  l'excellent  vapeur  JoaguinPeiat/o, 
de  la  Compania  Transatlantica  Espanola.  11  est  propre  et 
soigné  comme  un  yacht  et  tient  très  bien  la  mer  malgré  le  gros 
temps.  La  comparaison  n'est  pas  à  l'avantage  des  tristes  navires 
sur  lesquels  on  fait  parfois  les  traversées  de  Marseille  en 
Algérie.  Pauvre  marine  marchande  française  !  Faut-il  qu'elle 
soit  déchue,  pour  qu'on  en  arrive  à  lui  préférer  la  marine 
espagnole  ! 


TANGER 

La  position  de  Tanger,  adossée  à  un  promontoire  qui  la 
garantit  des  vents  d'Ouest,  est  celle  de  plusieurs  villes  côtières 
de  la  Berbérie,  d'Alger  et  de  Bône  notamment.  Le  golfe,  qui, 
entre  Tanger  et  la  pointe  Malabata,  décrit  une  courbe  gracieuse, 
a  environ  six  kilomètres  de  circonférence  et  deux  kilomètres 
de  largeur.  Comme  dans  les  baies  analogues  d'Algérie,  des 
dunes  de  sable  se  sont  formées  dans  la  partie  Est  de  ce  golfe  ; 
la  plage,  où  sont  des  jardins  et  des  villas,  des  guinguettes  et 
des  cafés,  est  un  lieu  de  promenade  à  pied  et  à  cheval  ;  c'est  là 
qu'en  été  on  vient  se  baigner.  Au  fond  de  la  baie  est  une 
maison  blanche  isolée:  c'est  la  propriété  de  M.  WalterB.  Harris, 
l'explorateur  bien  connu. 

Les  difficultés  du  débarquement  sont  assez  grandes  à  Tanger, 
bien  qu'un  wharf  y  ait  été  construit.  Souvent  les  opérations 
avec  la  terre  sont  interrompues  pendant  des  jours  entiers. 
Les  Anglais,  qui  occupèrent  Tanger  en  1662,  avaient  cons- 
truit une  jetée  dont  il  reste  des  traces,  mais  ils  la  détruisirent 
en  évacuant  la  ville  en  1684.  Tanger  pourrait  facilement,  avec 
quelques  travaux,  être  transformée  en  un  bon  port.  «  C'est, 


250  EN   ORANIE 

dit  M.  Th.  Fischer  (1),  le  port  d'importation  et  d'exportation 
de  tout  le  Maroc  septentrional,  la  principale  porte  d'entrée  de 
l'Europe  au  Maroc,  et  l'emporium  du  détroit,  beaucoup  plus 
que  Gibraltar,  qui  n'a  pas  dlivitcrland.  On  pourrait  y  cons- 
truire une  forteresse  commandant  le  détroit  de  Gibraltar.  » 
Peut-être  l'éminent  géographe  exagère-t-il  un  peu  l'avenir 
de  Tanger  ;  il  nous  semble  que  ce  point  doit  une  partie  de  son 
importance  actuelle  à  ce  que  c'est  le  seul  qui  soit  déjà 
«  européanisé  »  :  l'entrée  du  Maroc  dans  la  colonisation  lui 
ferait  perdre  cette  prééminence.  Au  point  de  vue  stratégique, 
nous  nous  sommes  laissé  dire  par  des  gens  compétents  que  la 
véritable  a  clef  du  détroit  »  est  non  pas  Tanger,  mais  Ceuta  et 
le  Djebel-Mouça. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Tanger,  portugaise  au  XV^  siècle, 
espagnole  au  XVI^,  anglaise  au  XVII^',  bombardée  par  le 
prince  de  Joinville  en  1844,  est  présentement  marocaine. 
Le  débarquement  s'y  fait,  comme  au  temps  d'Alexandre 
Dumas,  avec  une  certaine  confusion,  au  milieu  des  cris  des 
matelots  indigènes  qui  réclament  des  sommes  fantastiques 
pour  vous  mener  à  terre  lorsque  le  temps  est  mauvais. 
Le  Raïs-el-Marsa  (capitaine  du  port)  est  un  vénérable 
musulman  aux  burnous  immaculés  et  à  la  barbe  blanche, 
dernier  descendant  de  ces  hommes  de  mer  qui  ont  fait  trembler 
toute  la  Méditerranée.  Un  petit  vapeur  du  sultan,  le  BecJnr, 
est  mouillé  dans  la  rade,  mais  il  est,  je  crois,  commandé  par 
un  équipage  allemand. 

Au  nord  de  la  jetée,  Tanger  tombe  à  pic  sur  la  mer,  dont 
l'érosion  paraît  avoir  été  très  intense  de  ce  côté  :  c'est  l'aspect 
que,  d'après  les  gravures  anciennes,  présentait  Alger  avant  la 
conquête,  mais  ici  ce  sont  des  couches  tendres  que  forment  le 
rivage,  au  lieu  des  gneiss  d'Alger. 

Vue  de  la  mer,  la  ville  ressemble  aux  autres  cités  du  littoral 
de  l'Afrique  du  Nord.  Ses  cubes  de  pierre  blanche  s'étagent  en 
amphitiiéàtre  sur  la  colline  que  couronne  la  Kasba.  Elle 
produit,  paraît-il,  une  certaine  impression  sur  les  Roumis  qui 
n'ont  jamais  vu  nos  villes  algériennes;  pour  moi,  qui  suis 
familiarisé  avec  ce  spectacle,  j'avoue  qu'elle  ne  m'a  pas  paru 
olfrir  un  intérêt  exceptionnel.   La  vie  indigène  est  peut-être 


(l)  Th.  Fischer  ;  Wissenscha/ftic/ie  Ergehnisse  einer  Reise  im 
Atlas-Vorlande  von  Marokko  (Peterm.  Erg'dm.  xx"  133,  Golha,  Justus 
Pertbes,  1900). 


EN  ORANIE  251 

plus  intéressante  à  Tlemcen  ou  à  Tunis.  La  couleur  locale  de 
Tanger  s'en  va  de  jour  en  jour.  De  nombreuses  maisons 
européennes  se  sont  élevées  dans  ces  dernières  années  ;  le  petit 
Zocco  (Soiik-es-Srir),  véritable  centre  de  la  ville,  sur  lequel 
les  Postes  françaises,  allemandes,  anglaises  et  espagnoles  se 
font  face,  est  défiguré  par  ces  constructions.  Tanger  n'est  pas 
le  Maroc,  et  les  musuhiians  l'appellent  avec  mépris  «  la  ville 
des  cbiens  »  :  ils  l'ont  en  quelque  sorte  abandonnée  aux 
chrétiens,  qui  s'y  sentent  chez  eux.  Les  hiverneurs  et  les 
touristes,  les  Anglais  principalement,  y  sont  très  nombreux. 
Si  je  ne  craignais  d'être  taxé  de  paradoxe,  je  dirais  que 
Tanger,  incessamment  traversé  par  des  caravanes  de  touristes, 

à  cheval  et  à  mulet,  m'a  rappelé Zermatt.  Mais  on 

ne  me  croirait  pas. 

La  population  de  Tanger,  assez  diversement  évaluée  (1), 
paraît  atteindre  environ  25.000  habitants;  dont  12.000  Juifs, 
7.000  Musulmans,  6.000  Européens,  parmi  lesquels  5,000  Espa- 
gnols. Les  Juifs,  très  influents,  soumis  à  l'autorité  d'un  grand 
rabbin,  ne  sont  pas,  comme  dans  les  autres  villes  du  Maroc, 
parqués  dans  un  ghetto.  Les  Français  ou  protégés  français 
sont  au  nombre  de  300  environ. 

Tanger  est  la  seule  ville  du  Maroc  où  les  habitants  aient  osé 
sortir  des  murailles  de  l'enceinte  et  se  bâtir  des  maisons  de 
campagne  dans  la  banlieue,  oîi  ils  trouvent  l'air,  la  lumière  et 
la  verdure.  Ce  sont  les  ministres  et  les  consuls  des  puissances 
étrangères  qui  ont  commencé  ;  le  ministre  d'Allemagne 
notamment  occupe,  près  de  la  porte  de  Fez,  une  maison 
mauresque  entourée  de  jardins  qui  sont  parmi  les  plus  beaux 
de  Tanger  ;  la  «  maison  de  France  »  était  jusqu'ici  demeu- 
rée à  l'intérieur  des  murs  ;  mais  elle  aura  bientôt  sur  le 
plateau,  grâce  à  M.  Revoil,  une  situation  digne  d'elle. 

C'est  sur  le  plateau  du  Marchan  qu'en  1437  les  Portugais, 
qui  avaient  essayé  de  prendre  Tanger,  furent  assiégés  par 
70.000  indigènes  et  obligés  de  capituler.  Ce  plateau,  qui  servait 
autrefois  de  champ  de  manœuvres  aux  troupes,  connue  la 
campagne  de  l'Agha  à  Alger,  et  de  lieu  de  campement  pour  les 
grandes  caravanes,  est  maintenant  couverte  de  villas  et  de 
jardins  ;  les  Européens  y  ont  même  fait  faire  une  route  pavée 


(1)  Budgett-Meakin  :   The  Land  of  the  Moors,  p.  90.  —  Tli.  Fisclier 
Atlas-Vorland,  p.  19.  —  Paul  Pelet  :  Tanger  (C.  R.  Soc.  Géogr.  Paria, 
1896,  p.  182). 


252  EN   ORANIE 

carrossable,  la  seule  qui  existe  dans  tout  le  Maroc.  Enfin  de 
belles  propriétés  s'étendent  sur  la  route  du  cap  Spartel  :  la  plus 
éloignée  et  une  des  plus  remarquables  est  la  villa  Pcrticaris. 
Les  environs  de  Tanger  sont  habités  par  des  Berbères 
sédentaires  plus  ou  moins  arabisés.  Comme  tous  leurs 
pareils,  ils  sont  surtout  jardiniers  et  cultivateurs  de  vergers. 
Leurs  maisons  sont  entourées  d'ngaves  et  de  figuiers  de 
Barbarie  ;  çà  et  là  un  palmier  isolé  balance  au  vent  son  maigre 
panache  ;  ils  cultivent  l'olivier,  la  vigne,  le  figuier,  le 
grenadier.  On  peut  très  bien  voir  ces  Berbères,  et  aussi  des 
Rifains,  sur  le  Zocco  (Souk)  ou  marché  de  Tanger,  qui  olTre  un 
très  intéressant  spectacle.  Non  seulement  les  hommes,  mais 
les  femmes  (non  voilées)  et  les  enfants  y  viennent  en  grand 
nombre.  Les  hommes  sont  en  général  grands  et  forts,  la 
poitrine  large,  la  tête  ronde,  la  physionomie  intelligente  ; 
certains  ont  les  cheveux  longs  et  la  barbe  tressée. 

* 

LE    DJEBEL 

On  appelle  Djehel  ou  Djebel  Kébir  la  région  de  collines  qui 
s'étend  à  l'W.  de  Tanger  jusqu'au  cap  Spartel,  VAmpelusium 
des  Romains.  J'ai  fait  cette  excursion  classique.  «  C'est,  dit 
Th.  Fischer,  un  plateau,  articulé  seulement  par  l'érosion  et  la 
dénudation,  où  dominent  les  grès  argileux  et  les  argiles.  » 
Il  n'y  a  d'ailleurs  pas  de  plissements  (1)  dans  tout  le  Maroc 
septentrional  à  l'W.  du  méridien  de  Tanger,  jusqu'à  l'Oued- 
Loukkos  et  à  Ksar-el-Kebir.  C'est  seulement  par  des  failles 
qu'est  articulée  la  région,  où  se  succèdent,  d'W.  en  E.,  des 
terrains  pliocènes,  miocènes  et  éocènes.  Les  argiles,  comme  l'a 
remarqué  Coquand  (2),  se  laissent  délayer  par  les  eaux  et 
contrastent  par  leurs  profils  émoussés  avec  les  lignes  saillantes 
dessinées  par  les  grès  ;  en  hiver,  ces  argiles,  converties 
par  les  pluies  en  fondrières,  sont  impossibles  à  traverser, 
même  à  cheval . 

Les  argiles  portent  des  moissons,  les  grès  sont  couverts  par 
le  maquis.    La  brousse  est  composée  d'arbustes  à  feuilles 


(1)  Th.  Fischer,  p.  22. 

(2)  Coquand  (Bull.  Soc.  Géol.  Fr  ,  18i7.  p.  12;}l)et  Bleicher  (C.  R.  A. 
Se,  1874,  p.  1712^  altribuent  ces  couches  à  réocùue:  on  peut  se  demander 
si  elles  ne  seraient  pas,  en  partie  au  moins,  miocènes. 


F.N  ORANIE  253 

persistantes,  hauts  de  1  à  4  mètres,  et  deviendrait  sans  doute 
une  forêt  si  elle  était  garantie  do  la  dent  des  chèvres  et 
des  ravages  des  fabricants  de  charbon.  Le  maquis  est  épais  ; 
le  chêne-liège  et  le  chêne-vert  y  dominent,  avec  les  cistes  et 
les  bruyères  blanches,  qui  atteignent  3  mètres  de  hauteur, 
les  genêts,  les  myrtes,  les  sauges,  les  romarins,  les  lentisques, 
le  palmier-nain,  les  asphodèles,  les  scilles  ;  il  donne  sans 
doute  une  idée  assez  exacte  de  ce  que  devait  être  le  Sahel 
d'Alger  avant  la  conquête  ;  arrosé  par  des  pluies  abondantes, 
renfermant  des  sources  nombreuses,  le  Djebel  pourrait  devenir 
un  vaste  jardin  comme  il  y  en  a  autour  des  grandes  villes 
d'Espagne  (1). 

Bien  que  je  n'aie  traversé  qu'une  seule  rivière  au  Maroc,  j'ai 
pu  me  rendre  compte  du  genre  d'agrément  que  cela  présente, 
car  je  suis  tombé  dans  l'Oued-el-Youd  (2),  mon  mulet  ayant 
maladroitement  enfoncé  dans  l'argile  détrempée  au  passage  du 
gué.  Il  y  avait  en  ce  point  un  pont,  qui  avait  été  établi  par  la 
Commi-'-sion  internationale  chargée  de  l'éclairage  du  phare  du 
cap  Spartel.  Il  a  été  emporté  par  la  rivière  pendant  l'hiver  de 
1886-87  et  n'a  pas  été  rétabli  depuis. 

* 
*  * 

DE  TANGER  A  GIBRALTAR 

Il  m'avait  été  impossible,  pendant  la  traversée  de  Cadix  à 
Tanger,  d'apercevoir  quoi  que  ce  soit  du  détroit,  au  milieu  de 
la  tempête  et  des  vagues  qui  couvraient  le  navire.  Il  en  fut 
autrement,  fort  heureusement,  de  Tanger  à  Gibraltar.  En 
sortant  de  Tanger,  on  prend  la  direction  du  N.-E.  :  on  passe 
successivement  devant  la  maison  blanche  de  M.  Walter 
B.  Harris  et  devant  la  tour  de  Malabata  ;  puis  on  perd  de  vue 
Tanger,  on  double  la  pointe  d'Alcazar  (Ksar-es-Srir),  et  on 
commence  à  apercevoir  le  Djebel  Mouça,  ainsi  que  l'ensemble 
du  rnassit  montagneux  qui  domine  Geuta.  A  voir  de  loin  cette 


(1)  Th.  Fischer,  p.  25-26. 

(2)  AiQsi  nommé,  parait-il,  parce  qu'un  gi'and  nombre  de  Juifs  exilés 
d'Espagne  furent  forcés  d'y  débirquer;  les  Américains  voulaient  établir 
un  emporium  à  son  embouchure,  mais  la  permission  leur  en  fut  refusée 
(Budgett  Meakin,  The  Land  of  the  Moors,  p.  89), 

28 


254  EN  ORANIE 

masse  imposante  de  calcaires  grisâtres,  on  croii'ait  volon- 
tiers être  en  présence  d'un  îlot  de  lias,  comme  celui  qui 
compose  le  rocher  de  Gibraltar,  et  comme  ceux  qu'on  rencontre 
en  tant  de  points  de  l'Algérie.  Cependant  la  carte  géologique 
internationale  indique  ici  seulement  des  terrains  paléozoïques, 
qu'elle  attribue  au  Silurien.  Mais,  d'après  les  observations  de 
Ramsay  et  Geikie  (1),  il  pai^aît  bien  évident  que  c'est  la  carte 
qui  se  trompe.  Quoi  qu'il  en  soit,  ce  Djebel  Mouça  est  extrême- 
ment majestueux  :  c'est  l'autre  «  colonne  d'Hercule  »,  le 
pendant  du  rocher  de  Gibraltar, 

De  l'autre  côté  du  détroit,  on  aperçoit  successivement 
la  ville  et  la  pointe  de  Tarifa,  derrière  laquelle  brillent  les 
dunes  de  sable  qui  s'étendent  jusqu'au  cap  Trafalgar  ;  la  baie 
d'Algésiras,  également  sableuse  à  l'W.,  dans  laquelle  on 
pénètre,  enfin  Gibraltar.  Le  détroit,  qui  avait  45  kilomètres  de 
largeur  entre  le  cap  Spartel  et  le  cap  Trafalgar,  n'a  plus 
que  20  kilomètres  entre  Gibraltar  et  Geuta.  La  vieille  montagne 
à  laciuelle  le  Berbère  Tarik  a  laissé  son  nom,  percée  de  galeries 
dans  lesquelles  s'ouvrent  à  intervalles  réguliers  des  embrasures 
pour  les  canons,  est  véritablement  imposante.  Semblable  par 
sa  forme  à  un  lion  accroupi,  elle  symbolise  la  puissance 
britannique.  A  son  ombre  dorment  de  vieilles  frégates,  qui 
datent  du  temps  de  la  marine  à  voiles,  transformées  en  pontons 
et  en  soutes  à  charbon. 

Je  me  suis  trouvé  à  Gibraltar  le  jour  du  passage  du  duc  et 
de  la  duchesse  de  Gornwall  et  d'York.  Ces  futurs  héritiers 
du  trône  de  Grande-Bretagne  se  rendent  en  Australie,  et  vont 
visiter  l'empire  britannique,  épars  sur  toute  la  surface  des 
mers.  Et  c'est  là  certainement  une  belle  «  éducation  de  prince  ». 
Toute  une  escadre  anglaise  est  réunie  pour  saluer  et  escorter 
les  futurs  .souverains.  Sur  le  rocher,  les  lumières  s'allument 
une  à  une  et  piquent  l'ombre  ;  accrochées  si  haut,  sur  cet 
étroit-- rocher  à  pic  qu'on  ne  voit  pas,  elles  semblent  des 
étoiles.  Puis  toute  l'escadre  s'illumine,  et  le  coup  d'œil  est 
féerique.  C'est  l'Angleterre  se  donnant  à  elle-même  le  spec- 
tacle de  sa  puissance  navale  ;  et,  tout  autour  du  globe,  partout 
où  le  duc  d'York  va  passer,  il  retrouvera  ainsi  de  la  terre 
anglaise,  des  villes  anglaises,  des  hurrahs,  des  escadres  et  des 
soldats  rouges. 


(1)  E.  Suess,  La  Face  de  la  Terre,  trad.  fr.,  t.  I,  p.  299. 


EN  ORA.NIE  255 

Les  derniers  rayons  du  soleil  couchant  sont  les  plus  beaux 
et  les  plus  éclatants  :  la  grandeur  britannique  va-t-elle  se 
coucher  à  l'horizon  de  l'histoire  ?  L'impérialisme,  le  milita- 
risme, le  protectionnisme,  le  fédéralisme,  nés  du  sang  des 
Boers,  vont-ils  lui  infuser  un  sang  nouveau,  ou  au  contraire 
sonner  son  glas  ?  Qui  pourrait  le  dire  ? 

* 
*  * 

DE    GIBRALTAR    A    MELILA 

La  côte  du  Rifne  m'a  pas  présenté  tout- à-fait  l'aspect  auquel 
je  m'attendais.  D'après   le  peu  que  j'en  ai  vu  (une  partie 
de  la  traversée  s'étant  faite  de  nuit),  les  hautes  montagnes  ne 
se  dressent  pas  aussi  près  du  littoral  et  n'ont  pas,  tant  s'en  faut, 
un  aspect  aussi  pittoresque  que  lorsqu'on  longe   la   Grande 
Kabylie  et  le  golfe  de  Bougie.  Cela  tient  sans  doute  en  partie 
à  ce  que  les  schistes,  qui  dominent,  donnent  des  formes  plus 
arrondies,  tandis  que  les  calcaires  se  présentent  en  pics  aigus. 
Entre  le  cap  Très-  Forças  et  Melila,  le  littoral,  quoique  élevé, 
ne  semble  porter  qu'une  végétation  assez   maigre.  La  carte 
géologique  internationale  indique  ici  des  schistes  cristallins, 
suivis  vers  l'intérieur  de  terrains  siluriens  :  n'y  aurait-il  pas, 
sur  le  bord  même  de  la  mer,  une  bande  de  terrains  récents 
(miocène  ou  pliocène  argilo-sableux,  surmonté  de  grès)?  Il  est 
impossible  d'en  décider.  A  quel  point  est  inconnu  ce  Rif,  dont 
on  ne  sait  rien   que   par   renseignements  indirects  au  delà 
de    ce    qu'on    aperçoit  du  pont  des  navires,    c'est   ce   qu'a 
montré   Duveyrier  (1)  ;  il    se    proposait,  vers  la  fm    de    sa 
vie,  d'en  tenter  l'exploration,  et  réussit  effectivement  à  aller 
de  Tlemcen  à  Melila.  Jusqu'à  ces  dernières  années,  avec  le 
Français  Roland  Fréjus,  qui,  en  1667,  par  ordre  de  Louis  XIV, 
alla  d'El-Mezemma,  ville  marocaine,  vis-à-vis  d'Alhucemas, 
jusqu'à  Taza,  Duveyrier  était  le  seul  Européen  libre  qui  eût 
traversé  une  partie  du  Rif.  Les  belles  explorations  que  vient 
d'accomplir   M.  de  Segonzac,    jointes   aux    renseignements 
rapportés  par  M.  Forrest,  vont  heureusement  combler  beau- 
coup de  lacunes. 


(l)  Duveyrier  :   Le  Rif:  la  dernière  partie  inconnue  du  littoral 
méditerranéen,  8",  Paris,  1888. 


256  EN  ORANIE 

M  E  L  I  L  A 

lelila  (1),  que  les  Espagnols  appellent  Melilla,  située  à 
la  racine  de  la  péninsule  montueuse  qui  se  termine  par 
les  hautes  terres  du  cap  des  Trois-Fourches,  est  le  plus 
important  des  presidios  espagnols.  Le  mouillage  est  bien 
garanti  contre  les  vents  d'ouest.  La  forteresse,  dont  les  blan- 
ches murailles  s'aperçoivent  de  fort  loin  lorsque  le  soleil 
les  éclaire,  est  bâtie  sur  une  terrasse,  à  la  base  d'un  rocher 
escarpé  qui  porte  le  fort  du  Piosario.  Le  rocher  sur  lequel  est 
bâtie  la  ville  n'a  pas  plus  de  500  mètres  dans  sa  plus  grande 
dimension  :  il  est  limité  par  des  falaises  inaccessibles  au  nord, 
coupées  de  quelques  antractuosités  au  sud. 

Des  pêcheurs  Rifains,  nu-tête  et  sans  chéchia,  avec  un 
indigène  au  gouvernail,  conduisent  à  terre.  Ce  sont  de  beaux 
marins,  dont  les  qualités  nautiques  trouveront  sans  doute 
plus  tard  un  autre  emploi  que  celui  de  naufrageurs,  auquel  la 
plupart  des  tribus  de  ce  littoral  se  livrent  encore  actuelle- 
ment :  voilà  bien  les  Bahariat  de  M.  Albin  Rozet. 

Melila  est  un  énorme  amas  de  fortifications  entassées 
les  unes  sur  les  autres,  qui,  comme  l'a  très  judicieusement 
remarqué  NL  Canal  (2)^  ressemblent  à  Mers-el-Kebir  ou  à  ce 
que  devait  être  l'ancien  Oran  espagnol.  Lorsqu'on  pénètre 
dans  la  ville,  après  avoir  gravi  les  escaliers  de  pierre  qui 
y  donnent  accès,  on  se  trouve  dans  une  petite  ville  espagnole, 
dont  les  principaux  édifices  sont  le  cercle  militaire,  un  petit 
théâtre  et  une  petite  église.  Sur  la  place  de  la  Commandancia 
gênerai  qui  en  est  le  centre,  j'ai  assisté  à  la  musique  militaire  : 
les  soldats  jouaient  sans  doute  pour  eux-mêmes,  car  j'étais 
le  seul  et  unique  spectateur.  Duveyrier  se  plaint  d'avoir 
été  assez  jalousement  surveillé  par  les  autorités  espagnoles  ; 
les  ordres  ou  les  habitudes  ont  sans  doute  changé,  car  on  nous 
a  laissés  nous  promener  partout,  regarder  les  fortifications  et 
les  canons,  sans  s'inquiéter  de  nous  le  moins  du  monde. 


(I)  Bibliographie:  J.  de  Sugoy  :  Instructions  nautiques,  p.  54. — 
Duveyrier:  La  dernière  partie  inconnue  du  littoral  méditerranéen  ; 
Duveyrier  ;  De  Tlemsân  à  Melila  en  1886  (Bull.  Soc.  Gcogr.  Paris,  1893, 
p.  185).  —  J.  Canal:  Les  Colonnes  d'Hercule  (Bull.  d'Oran,  1895, 
p.  231;.  —  De  la  Marlinière  et  Lacroix;  Documents  sur  le  Nord- Ouest 
africain,  l,  p.  28i  et  3%.  —  A.  Mouliéras  ;  Le  Maroc  inconnu.  — 
Budgett  Meakin  :  The  Land  of  the  Moors,  II,  p.  369. 

(2;  Bull.  d'Oran,  1895,  p.  231. 


EN  ORANIE  257 

Du  haut  de  la  citadelle,  l'œil  plonge  sur  la   mer  que   l'on 
a  à  ses  pieds  et  découvre  toute  la  baie. 

Melila  est  une  ville  fort  ancienne  (1)  ;  il  est  probable  en 
effet  que  le  préside  espagnol  occupe  l'emplacement  même  de 
l'antique  comptoir  phénicien  auquel  avait  succédé  Rusaddir. 
Les  ports  sont  rares  sur  cette  côte  et  les  anciens  n'avaient  pas 
manqué  de  profiter  de  celui-là.  Une  ville  musulmane,  mention- 
née par  El-Bekri,  par  Edrisi  (2)  el  par  le  Kartas  (3).  s'élevait 
sur  l'emplacement  de  la  ville  espagnole.  Elle  tomba  aux  mains 
du  duc  de  Médina-Sidonia  en  1497  et  fit  retour  à  la  couronne 
d'Espagne  en  1506.  Rlle  lui  a  toujours  appartenu  depuis, 
quoiqu'il  ait  été  plusieurs  fois  question  de  l'abandonner,  mais 
son  histoire  n'est  qu'une  longue  suite  de  famines  et  de  sièges, 
dont  le  plus  fameux  est  celui  du  XYII^  siècle  et  le  plus 
récent  celui  de  1893. 

Ce  dernier  eut  pour  origine  la  construction  d'un  blockhaus 
à  l'emplacement  du  marabout  de  Sidi-Ouriach.  La  garnison, 
commandée  par  le  général  Margallo,  comprenait  au  début 
1.600  hommes,  qui  se  trouvèrent  bientôt  dans  une  situation 
assez  critique.  Les  Guelaya  étaient  armés  de  fusils  Pvcmington, 
de  provenance  espagnole  ;  la  supériorité  de  leur  armement, 
leur  tir  assuré  et  la  portée  de  leurs  armes  les  rendaient 
redoutables.  On  envoya  bientôt  des  renforts,  mais,  le  27  octo- 
bre, le  général  Margallo  fut  tué  dans  une  reconnaissance  (4), 
Il  fallut  des  opérations  sérieuses  et  des  négociations,^  conduites 
par  le  général  Macias  et  le  maréchal  Martinez  Campos,  pour 
venir  à  bout  des  Kabyles.  On  finit  même  par  envoyer  26  géné- 
raux, 22.000  officiers  et  soldats,  48  pièces  de  canon  et 
500  chevaux.  On  crut  que  les  Espagnols  allaient  conquérir  le 
Rif  et  que  la  question  du  Maroc  allait  s'ouvrir.  Il  n'en  fut 
rien,  et  le  traité  du  5  mars  1894  mit  tin  à  l'incident.  La  version 
qui  m'a  été  donnée  sur  place  de  la  mort  du  général  Margallo, 
version  dont  bien  entendu  je  ne  me  porte  pas  garant,  est  qu'il 
se  serait  fait  tuer  volontairement,  parce  qu'il  se  trouvait 
compromis  dans  le  trafic  des  armes  avec  les  Rifains.  Ce 
trafic,  quelque  temps  interrompu  après  la  guerre,  aurait, 
dit-on,  depuis  lors  repris  de  plus  belle. 


(1)  De  la  Martinière  et  N.  Lacroix,  t.  I,  p.  396. 

(2)  Trad.  Dozy,  p.  65. 

(3)  P.  388. 

(4)  Voir  le  récit  de  sa  mort  dans  La  Marliuière  et  Lacroix,  I,  p.  287. 


258  EN  ORANIE 

Melila  a  subi  depuis  une  vingtaine  d'années,  et  surtout 
depuis  laguerrede  1894,  un  certain  nombre  de  transformations. 
D'abord,  les  Espagnols  ont  détourné  l'Oued-Farkhana,  qu'ils 
appellent  Rio-de-Ouro  ;  il  passait  jadis  sous  les  murs  de 
la  ville,  où  il  formait,  avant  de  se  jeter  dans  la  mer,  un  marais 
à  émanations  malsaines  ;  une  digue  en  terre  a  rejeté  l'oued, 
fait  disparaître  le  marécage,  et  le  climat  du  préside  a  gagné  en 
salubrité  (4). 

Dans  la  vallée  même  de  l'oued,  j'ai  pu  admirer  de  fort  belles 
cultures  irriguées,  céréales  et  cultures  maraîchères  ;  les 
alluvions  sont  fertiles,  l'eau  abondante,  et  l'on  s'est  décidé 
à  en  tirer  parti.  Au  sud  de  l'ancienne  forteresse,  une  ville 
ouverte  s'est  élevée  depuis  la  guerre.  Des  blockhaus  nou- 
veaux, reliés  entre  eux  par  une  bonne  route,  ont  été  construits. 
Celui  de  Sidi-Ouriach,  cause  de  la  guerre,  a  été  achevé. 
La  garnison  paraît  être  demeurée  très  considérable.  Enfin, 
Melila,  contrairement  à  ce  qu'on  répète,  n'est  plus  un  bagne  ; 
le  bagne  est  aux  Zafïarines,  et  on  fait  seulement  venir  à  Melila 
les  condamnés  nécessaires  pour  les  travaux  de  route  et  les 
constructions  militaires. 

Les  Espagnols  se  sont  donc  donné  un  peu  d'air  et  sont 
moins  étroitement  bloqués  que  par  le  passé.  Melila  fait  avec  le 
Rif,  en  outre  de  la  contrebande  des  armes,  un  commerce 
assez  considérable.  Les  Guelaya  viennent  nombreux  sur  le 
marché  et  dans  la  ville  ouverte  ;  mais  les  hommes  seuls 
viennent  :  pas  une  femme,  pas  un  entant,  comme  ceux  qu'on 
voit  grouiller  dans  nos  rues  algériennes.  Les  importations 
consistent  surtout  en  cotonnades,  sucres  et  farines  ;  les  expor- 
tations en  peaux  de  chèvre,  cire  jaune,  amandes.  Ce  commerce 
est  fait  principalement  par  des  Juifs.  Est-ce  grâce  à  l'Espagne 
ou  plutôt  en  dépit  d'elle  que  ce  mouvement  commercial  s'est 
créé  ?  Toujours  est-il  qu'il  existe. 

En  somme,  l'impression  qui  m'est  restée  de  Melila  est  beau- 
coup plus  favorable  que  celle  des  écrivains  qui  l'ont  décrite 
avant  moi.  C'est  peut-être  que  dans  ces  dernières  années  la 
situation  s'est  améliorée  et  transformée. 

J'ai  parcouru  en  tous  sens  ce  qu'on  peut  parcourir  des 
environs,  en  allant  d'un  blockhaus  à  l'autre,  et  je  suis  monté 


(1)  Huveyrier,    Bvll.    Soc.    Géogr.   Paris,    1893,   p.   117.    —    De    la 
Martinière  et  Lacroix,  I,  p.  399. 


EN  ORANIE  259 

à  Sidi-Ouriach,  d'où  l'on  a  une  bonne  vue  d'ensemble  de  la 
contrée. 

Voici  comment  les  choses  m'ont  paru  se  présenter  dans  la 
direction  du  S.  et  de  l'E.,  car  la  vue  est  bornée  du  côté  de  TW. 
Au  premier  plan,  on  a  devant  soi  la  grande  baie  évasée 
qui  commence  au  cap  des  Trois-Fourches  et  se  termine  au  cap 
Del  Agua,  et  dont  la  courbe  mesure  à  peu  près  77  kilomètres. 
Sur  ses  bords  s'étend  la  plaine  alluviale  de  l'Oued-Farkhana, 
avec  quelques  fortins  sur  la  rive  droite,  puis  un  vaste  lac,  le 
lac  de  Puerto-Nuevo  des  cartes  marines,  la  sebkha  El-Dzira  et 
la  sebkha  Bou-Areg  de  Duveyrier  ;  une  mince  flèche  de  sable 
sépare  le  lac  de  la  mer.  La  pointe  Kiviana  des  cartes  marines 
fait  saillie  sur  la  mer  en  une  longue  et  étroite  pointe. 
Le  lac  renferme,  paraît-il,  de  très  grosses  huîtres  ;  on  me  dit 
qu'il  a  de  très  grands  fonds,  et  qu'on  pourrait  y  faire,  comme 
à  Bizerte,  un  remarquable  port  intérieur  en  draguant  la  barre 
sableuse.  Il  est  peu  à  peu  comblé  par  les  apports  des  rivières  ; 
on  a  là,  semble-t-il,  une  Mitidja  en  formation  ;  la  pointe 
Kiviana  joue  le  rôle  du  Matifou,  et  fournit  le  point  d'appui  ; 
la  flèche  sableuse  correspond  à  la  dune  de  Maison-Carrée  et 
en  arrière  le  lac,  ancien  golfe  marin,  se  colmate  peu  à  peu. 
11  ne  me  paraît  pas  du  tout  nécessaire  d'invoqer,  comme  l'a 
fait  Duveyrier,  un  soulèvement  de  la  côte  pour  expliquer  la 
formation  de  la  sebkha,  d'autant  plus  que,  comme  il  le  dit  lui- 
même,  elle  communique  avec  la  mer.  Au  second  plan  sont  les 
monts  des  Guelaya  et  des  Lemtalsa,  dont  fait  partie  le  mont 
Melila  des  cartes  marines  (Djebel  El-QauUa  des  Beni-Chikeur 
de  Duveyrier),  où  les  formes  semblent  indiquer  des  schistes 
anciens  ;  il  se  relie  à  la  chaîne  des  Kebdana,  qui  va  se  terminer 
au  cap  d'El  Agua,  en  face  des  Zaffarines.  Enfin  un  troisième 
plan  est  formé  par  la  chaîne  des  Beni-Snassen,  qui  se 
continue  en  Algérie  dans  le  massif  des  Traras. 

Ces  quelques  notes  d'un  passant  n'ont  d'intérêt  qu'à  cause 
de  l'ignorance  où  l'on  est  encore  de  cette  région  de  Melila  ; 
mais  bientôt  M.  de  Segonzac  nous  renseignera  sur  cette  contrée 
beaucoup  mieux  que  je  ne  pourrais  le  faire.  La  carte  géologique 
internationale  laisse  en  blanc  toute  la  partie  du  littoral 
comprise  entre  Melila  et  l'Oued-Kiss  :  il  semble  pourtant 
qu'il  eût  été  facile  de  se  procurer  quelques  renseignements  et 
quelques  échantillons,  tant  pour  le  territoire  même  du  presidio 
que  pour  la  région  la  plus  voisine  de  la  frontière  algérienne. 


260  EN  ORANIE 

Les  terrains  qui  environnent  Melila  sont  constitués  par  un 
calcaire  tendre,  très  coquillier,  qui  rappelle  la  molasse  pliocène 
des  environs  d'Alger  ou  certaines  parties  du  Sahel  d'Oran. 
Dans  le  lit  même  de  l'Oued-Farkhana,  j'ai  recueilli  des 
échantillons  dans  lesquels  mon  ami  M.  Ficheur  a  reconnu 
des  mélaphyres  et  des  rhyolites  (roche  des  Habibas).  On  sait 
en  efTet  que  ce  sont  des  roches  éruptives  récentes  qui  constituent 
les  montagnes  des  Guelaya  (1).  La  pointe  Kiviana  paraît  égale- 
ment d'origine  éruptive, 

La  nuit  vient,  superbe  et  étoilée;  la  soirée  est  délicieuse  sur 
le  pont  du  navire.  Mais  vers  le  matin  le  vent  fraîchit,  la  mer 
se  fait  houleuse,  et,  en  arrivant  devant  Nemours,  il  est  impos- 
sible de  communiquer  avec  la  terre.  Les  naturels  du  pays 
viennent  sur  la  plage  ;  on  les  aperçoit  au  bout  de  la  lorgnette, 
s'agitant  comme  des  mouches  et  faisant  de  grands  gestes  ;  ils 
semblent  se  consulter  sur  le  sens  des  signaux  du  capitaine. 
Puis,  au  bout  de  deux  heures  d'attente,  ils  se  décident  à  nous 
signaler  à  leur  tour  que  la  rade  est  consignée.  M^^^  ^e  M.  et 
ses  filles,  descendantes  d'un  des  héros  de  Sidi  Brahim,  en 
l'aimable  société  desquelles  j'ai  eu  le  plaisir  de  voyager  depuis 
Tanger,  sont  contraintes  de  renoncer  au  pèlerinage  qu'elles 
voulaient  faire  à  Nemours  et  obligées  de  continuer  jusqu'à 
Oran.  Ce  n'est  d'ailleurs  qu'exceptionnellement  qu'on  peut 
à  Nemours  communiquer  avec  la  terre  :  je  me  suis  laissé 
raconter  que  les  officiers  en  garnison  à  Oran  et  désireux  d'aller 
faire  un  tour  en  Espagne  demandaient  une  permission  de 
48  heures  pour  Nemours:  ils  s'embarquaient,  et  le  navire,  qui 
ne  pouvait  s'y  arrêter,  les  promenait  successivement  à  Malaga 
et  à  Melila,  à  Gibraltar  et  à  Tanger,  pour  les  ramener  enfin 
à  Oran  quinze  jours  après. 


DE  LA  FRONTIERE  MAROCAINE  A  MOSTAGANEM 
LES  CÔTES  ORANAISES 

J'ai  parcouru  à  diverses  reprises,  soit  sur  mer,  soit  sur  terre, 
la  plus  grande  partie  des  côtes  de  la  province  d'Oran.  Ces 
côtes  sont  formées  en  majeure  partie  de  terrains  récents, 
tertiaires  ou  quaternaires;  le  miocène  et  le  pliocène  constituent 


(1)  Uiiveyrier  :  La  dernière  partie,  etc.,  p.  13. 


EN  ORANIE  261 

des  falaises  argileuses  ou  gréseuses,  pendant  que  les  baies  sont 
occupées  par  des  plages  de  sables.  Ces  sables,  résultant  prin- 
cipalement de  la  désagrégation  des  grès  helvétiens  et  pliocènes, 
sont  assez  abondants  en  certains  points  pour  former  des 
dunes.  Il  en  est  ainsi  notamment  sur  le  plateau  de  Mostaganem  ; 
l'ameublissement  du  sol  est  favorisé  par  la  culture  de  la  vigne, 
et  il  y  a  là  un  danger  dont  il  convient  de  se  préoccuper.  Quant 
aux  parties  saillantes  de  la  côte,  elles  montrent  en  divers 
points  soit  des  schistes  anciens  et  des  calcaires  jurassiques, 
soit  des  roches  éruptives.  Les  calcaires  compacts  du  lias 
forment,  comme  partout  en  Algérie,  des  pics  et  des  escarpe- 
ments rocheux  :  tel  est  notamment  le  cap  Noé,  qui  ressemble 
beaucoup  au  cap  Ténès,  de  structure  identique.  Les  roches 
éruptives  récentes  affleurent  notamment  au  cap  Milonia,  dans 
la  région  de  la  Basse-Tafna,  au  djebel  Mzaïta,  et  constituent 
des  îles  en  avant  du  littoral  (Rachgoun,  îles  Habibas). 

Le  littoral  de  la  province  d'Oran  peut  se  diviser  en  quatre 
sections  :  de  la  frontière  marocaine  au  cap  Noé,  il  est  rocheux, 
constitué  par  le  massif  des  Traras  ;  entre  le  cap  Noé  et  le  cap 
Figalo,  la  côte  correspond  aux  effondrements  et  aux  éruptions 
volcaniques  de  la  Tafna  et  d'Aïn-Temouchent,  qui  ont  bâti  sur 
les  ruines  du  massif  ancien,  dont  il  reste  des  traces  notables 
entre  Beni-Saf  et  Camerata  ;  du  cap  Figalo  à  Arzeu,  c'est  le 
rebord,  accore  en  général,  du  massif  d'Oran  ;  d'Arzeu  à 
l'embouchure  du  Chéliff,  la  côte  est  bordée  par  des  alluvions 
basses  jusque  vers  Mazagran,  puis  par  une  falaise  de 
miocène  supérieur. 

Si  variée  que  soit  cette  constitution,  toutes  les  côtes  de 
rOranie  présentent  des  caractères  communs;  les  chaînes  étant 
parallèles  au  littoral,  les  rivages  sont  à  la  fois  escarpés  et  peu 
découpés.  Sur  ce  littus  importuoswn  de  l'Algérie,  c'est  l'Oranie 
qui  est  la  plus  dépourvue,  la  moins  favorisée  de  la  nature. 
Rien  ici  qui  rappelle  les  beaux  abris  naturels  de  Bougie  et  de 
Gollo,  sauf  peut-être  Arzeu. 

Des  efTorts  ont  été  faits  pour  remédier  dans  la  mesure  du 
possible  à  cette  imperfection  du  littoral.  Ces  elîorts  n'ont  pas 
toujours  été  heureux  ;  de  toutes  les  folies  qui  ont  été  faites  en 
Algérie  en  matière  de  travaux  publics  —  et  on  en  a  fait 
beaucoup  —  la  plus  folle  entreprise  est  certainement  le  port 
de  Mostaganem.  Comment  on  a  pu  songer  à  établir  un  port  en 
ce  point,  c'est  ce  qu'on  se  demande.  La  côte,  ébouleuse  et  friable, 


262  EN  ORANIE 

ne  présente  aucun  abri  ;  la  pointe  de  la  Salamandre  à  l'W.  est 
basse  et  n'arrête  pas  les  vents  ;  du  côté  de  l'E.,  un  mauvais  bout  de 
jetée  n'offre  qu'une  protection  insuffisante.  Malgré  les  sommes 
considérables  englouties  dans  ce  port,  il  n'y  a  rien,  les  ouvrages 
étant  continuellement  démolis  par  la  mer.  Mostaganem,  en 
outre,  n'a  que  le  choix  de  se  demander  par  quelles  alluvions 
son  port  sera  ensablé  ;  le  courant  côtier  et  les  vents  dominants 
d'W.  lui  amènent  les  alluvions  de  la  Macta  ;  les  vents  de  N.-E. 
doivent  lui  apporter  les  alluvions  du  Chélif  et,  pour  comble  de 
malheur,  un  méchant  ruisseau,  l'Aïn-Sefra,  qu'on  a  essayé  de 
détourner  vers  l'E.  en  dehors  du  port,  est  sujet  à  des  déborde- 
ments subits.  Lorsque  je  visitai  Mostaganem,  on  apercevait 
partout  les  traces  laissées  par  une  crue  terrible  du  torrent,  en 
novembre  1900  ;  se  rouvrant  un  chemin  vers  le  port,  il  avait 
emporté  la  plage  et  les  constructions  qui  s'y  trouvaient,  en 
partie  comblé  le  bassin.  Non  loin  de  là,  la  carcasse  du  navire 
le  Jupiter,  achevant  de  se  désagréger,  témoignait  que  les  dan- 
gers de  la  mer  ne  sont  pas  moindres  sur  cette  côte  que  ceux 
qui  viennent  des  inondations.  Certes,  aucune  population  ne  m'a 
paru  plus  sympathique  que  la  population  mostaganémoise,  et 
l'énergie  qu'elle  met  à  vaincre  la  nature  est  certainement 
très  intéressante.  Je  souhaite  qu'elle  réussisse  à  se  donner 
un  port,  ou,  si  elle  n'y  parvient  point,  qu'elle  se  résigne  à 
s'en  passer  et  à  trouver  d'autres  sources  de  prospérité. 

Je  n'ai  pas  l'intention  de  prendre  parti  sur  le  point  de  savoir 
s'il  convient  de  créer  un  port  dans  la  partie  occidentale  de  la 
province  d'Oran,  de  quelle  importance  doit  être  ce  port  et  où 
il  convient  de  le  placer.  De  même  qu'il  faut  admirer  la  persé- 
vérance des  habitants  de  Mostaganem,  il  faut  rendre  hom- 
mage aux  efforts  de  M.  Milsom  en  faveur  de  Rachgoun. 
Plusieurs  localités,  on  le  sait,  se  disputent  l'honneur  d'être  le 
port  de  l'Oranie  occidentale,  ou,  comme  on  dit,  «  le  port  du  ' 
Maroc  ».  Les  principales  sont  le  Gap-de-l'Eau,  l'Oued-Kiss, 
Nemours,  Honeïn,  Rachgoun,  Beni-Saf,  Oran.  Pour  en  décider, 
il  faudrait  une  compétence  technique  qui  me  fait  complètement 
défaut.  Je  me  permettrai  seulement  de  présenter  à  ce  sujet 
quelques  considérations  d'un  caractère  très  général. 

Celle-ci  d'abord,  que  l'avenir  est  à  la  concentration  du 
commerce  maritime  dans  un  petit  nombre  de  grands  ports  ; 
les  économistes  l'ont  maintes  fois  répété,  mais  on  ne  saurait 
assez  y  insister.   C'est  que   les  grands  ports  seuls  peuvent 


EN  ORANIE  263 

fournir  aux  navires,  d'un  tonnage  déplus  en  plus  considérable, 
que  l'on  construit  actuellement,  les  installations  complètes  et 
l'outillage  perfectionné  qu'ils  réclament,  leur  donner  toutes  les 
facilités  d'entrée,  de  sortie,  de  chargement,  de  déchargement, 
de  radoub  dont  ils  ont  besoin  (1).  Chaque  pays  est  ainsi  amené, 
par  la  force  des  choses,  à  développer  deux  ou  trois  points 
principaux,  à  l'exclusion  des  autres.  Il  faut,  avec  le  budget 
spécial,  prendre  garde  que  l'Algérie  ne  recommence,  en 
l'aggravant,  l'erreur  commise  en  France  lors  de  l'adoption  du 
plan  Freycinet  ;  il  est  à  craindre  qu'on  ne  soit  amené  à  donner 
satisfaction  à  trop  d'amlii lions  locales  ;  il  faudrait  au  contraire 
concentrer  l'effort  financier  sur  un  petit  nombre  de  points, 
sous  peine  d'en  affaiblir  l'effet  en  le  dispersant. 

Une  seconde  considération,  qui  découle  de  la  précédente, 
c'est  qu'on  ne  peut,  en  matière  de  ports,  facere  ex  nihilo, 
comme  on  y  est  trop  porté  en  France.  Lorsqu'il  s'agit  de  vanter 
la  supériorité  de  tel  ou  tel  point,  on  raisonne  toujours  dans 
l'hypothèse  de  la  table  rase:  nulle  méthode  n'est  plus  funeste. 
Un  port  n'est  pas  seulement  un  ensemble  de  bassins  et  de 
quais  plus  ou  moins  bien  aménagés  :  c'est  un  lieu  de  passage 
pour  les  marchandises  et  les  voyageurs,  un  nœud  de  voies  de 
communication  dont  l'importance  dépend  de  celle  même  de  la 
région  qu'il  est  appelé  à  desservir.  Lorsque  le  dernier  congrès 
international  de  géographie  visita  le  port  de  Hambourg,  on 
nous  montra  d'abord  la  Bourse,  qui  est  comme  le  cerveau 
commandant  à  ce  grand  corps  :  c'est  là  que  viennent  aboutir 
les  nouvelles  commerciales,  de  là  que  repartent  les  ordres 
pour  le  monde  entier.  Pour  en  revenir  à  l'Algérie,  et  bien 
qu'Oran  n'ait  pas  la  prétention  de  se  comparer  à  Hambourg, 
c'est  tout  de  même  le  deuxième  port  de  la  colonie,  un  centre 
commercial  très  actif  et  très  prospère.  Que  le  port  présente 
de  réels  inconvénients,  qu'il  soit  imparfaitement  abrité,  que 
la  falaise  abrupte  qui  la  sépare  de  la  ville  et  de  la  gare  de 
Karguentali  soient  d'assez  fâcheuses  conditions,  nul  ne  le  nie. 
Si  nous  étions  en  1830,  il  eût  peut-être  mieux  valu  choisir, 
comme  ports  de  l'Oranie,  Rachgoun  et  Arzeu,  mais  nous  ne 
sommes  plus  en  1830. 

Indiquons  encore   que  les   ports    de    l'Algérie,  et    de    la 
Méditerranée  toute  entière  d'ailleurs,  se  sont  toujours  tenus 


(1)  V.  Raphaël-Georges  Lévy  (Revue  des  Deux  Mondes,  1"  juillet  1901, 
p.  130), 


264  EN  ORANIE 

et  se  tiendront  toujours  le  plus  loin  possible  des  rivières,  qui, 
n'étant  pas  navigables,  n'offrent  aucun  avantage  pour  les 
communications  et  présentent  un  danger  d'ensablement;  mais 
c'est  là  une  règle  qui  comporte  des  exceptions.  Remarquons 
enfin,  —  et  ceci  vise  le  port  de  Nemours  au  cas  où,  par 
impossible,  on  voudrait  faire  quelque  chose  en  ce  point  si  mal 
choisi  —  qu'il  ne  faut  pas  tenir  compte  seulement  de  la  distance 
en  plan  entre  un  port  et  la  région  à  desservir,  quand  on 
calcule  le  prix  de  revient.  Qu'il  s'agisse  de  routes  ou  de  voies 
ferrées,  les  frais,  les  retards,  les  difficultés  de  toutes  sortes 
résultant  d'une  montée  comme  celle  de  Bab-Taza  doivent 
entrer  en  ligne  de  compte. 

Pour  conclure,  nous  dirons  qu'à  notre  avis  c'est  sur  le  port 
d"Oran  qu'il  faut  concentrer  la  plus  grande  somme  d'efforts  et 
d'argent.  Si  par  exemple  on  dispose  de  10  millions  pour  les 
travaux  de  ports  dans  la  province  de  l'Ouest,  on  devra  en 
consacrer  8  au  moins  au  port  d'Oran,  le  reste  étant  employé  à 
doter  les  petits  ports  d'aménagements  très-simples  et  peu 
coûteux.  Si  le  port  de  Beni-Saf,  qui  doit  revenir  à  l'Etat  et  qui 
suffit  actuellementà  un  tonnage  effectif  de  plus  de  300,000  tonnes, 
ne  remplit  pas  le  but  qu'on  se  propose,  et  que  Rachgoun,  par 
suite  de  circonstances  spéciales  qu'indique  M.  Milsom,  ne 
risque  pas  d'être  envasé,  soit  par  les  alluvions  de  laTafna,  soit 
par  d'autres  sables  de  quelque  provenance  qu'ils  soient, 
Rachgoun  serait  évidemment  beaucoup  mieux  choisi  que 
Nemours  pour  desservir  la  partie  occidentale  de  la  province. 
Sans  entreprendre  les  travaux  considérables  que  préconise 
M.  Milsom,  on  va  sans  doute,  en  reliant  l'ilot  Siga  à  la  terre, 
y  créer  à  peu  de  frais  un  petit  abri. 

On  sait  que,  sur  les  instantes  démarches  de  M.  Louis  Say, 
dont  on  se  rappelle  l'intervention  lors  du  meurtre  de 
M.  Pouzet  (1),  le  Kiss  vient  d'être  ouvert  au  commerce  avec  le 
Maroc  ;  la  circulaire  de  1887  qui  n'autorisait  le  trafic  avec  le 
pays  voisin  que  par  Nemours  a  été  rapportée.  Les  négociants 
de  Nemours  ont  d'abord  protesté,  invoquant  d'assez  mauvaises 
raisons,  notamment  l'insécurité  de  la  région,  les  facilités 
qu'elle  ofi're  à  la  contrebande,  et  surtout...  la  concurrence 
faite  à  Nemours  ;  puis,  comme  on  a,  très  justement,  passé 


(1)  M.  Louis  Say  a  donné  un  très  intéressaût  récit  de  cet  événement 
dans  l'Echo  d'Oran  du  9  avril  1901. 


EN  ORANIE  265 

outre,  ils  ont  fait  contre  mauvaise  fortune  bon  cœur  et  se 
sont  transportés  au  Kiss.  Il  s'y  est  produit  aussitôt  un  sérieux 
mouvement  d'affaires  sur  les  céréales,  mouvement  des  plus 
intéressants  pour  le  rayonnement  de  notre  influence  et  de 
notre  action  économique  dans  la  région  marocaine  voisine  (1). 
En  outre  de  la  compétition  entre  Béni  Saf,  Rachgoun  et 
Nemours,  il  faudra  donc  désormais  tenir  compte  du  Kiss. 


ORAN 

Oran  est  une  ville  étrange  et  d'aspect  singulier.  Les  Espa- 
gnols, qui  l'ont  si  longtemps  occupée,  avaient  la  maladie  de  la 
pierre  :  ils  ont  entassé  les  forts  les  uns  sur  les  autres,  dans 
Oran,  autour  d'Oran,  au-dessus  d'Oran  ;  la  teinte  fauve  de 
ces  forts  se  confond  avec  celle  des  rochers  pelés  qui  les 
supportent  et  donne  au  paysage  sa  note  dominante. 

Les  habitants  d'Oran  ont  pour  le  passé  de  leur  ville  une 
piété  touchante,  qu'on  ne  voit  guère  ailleurs  en  Algérie. 
Pendant  qu'Alger,  après  avoir  détruit  la  ville  indigène, 
s'enlaidit  tous  les  jours  et  forme  le  monstrueux  projet  de 
détruire  la  jolie  mosquée  de  la  Pêcherie,  les  Oranais,  moins 
riches  en  souvenirs  et  en  monuments,  s'en  montrent  plus 
soigneux.  C'est  ainsi  que  les  amis  du  «  Vieil  Oran  »  ont  fait 
restaurer,  dans  la  rue  Philippe,  l'ancienne  demeure  d'Hassan, 
marchand  de  tabac  indigène,  devenu  bey  d'Oran,  en  1812.  Et 
ce  souci  archéologique  pourrait  bien  se  trouver  en  même 
temps  une  heureuse  spéculation  financière  ;  car  que  viendront 
voir  les  touristes  dans  les  villes  algériennes  lorsqu'on  leur 
aura  enlevé  tout  ce  qui  en  fait  l'intérêt?  Si  les  Oranais  créaient 
quelques  squares  de  plus,  s'ils  mettaient  par  exemple  quelque 
verdure  sur  l'emplacement  réservé  à  la  future  cathédrale,  ils 
se  distingueraient  d'une  manière  très  heureuse  de  leurs  voisins 
de  l'Est  et  ajouteraient  beaucoup  au  charme  de  leur  ville. 

C'est  une  opinion  assez  répandue  qu'Oran  n'a  pas  d'environs  : 
cette  manière  de  voir  ne  me  paraît  pas  tout-à-fait  exacte,  ou, 
si  elle  l'était,  elle  ne  l'est  plus.  Certes,  les  environs  d'Oran  sont 
assez  nus,  d'une  beauté  un  peu  sévère  et  moins  gracieux  que 


(1)  Bull.  Afr.  fr.,  190],  p.  308. 


266  EN   ORANIE 

les  environs  d'Alger  ;  mais  ils  ont  peut-être  en  revanche  un 
caractère  plus  africain.  Sans  parler  de  Mers-el-Kebir,  la 
création  toute  récente  de  voies  ferrées  et  de  routes  nouvelles 
a  rendu  faciles  des  excursions  autrefois  moins  accessibles, 
comme  celles  du  Mourdjadjo,  du  cap  Falcon,  de  Krichtel. 
L'ascension  du  Santa-Cruz  n'est  pas  non  plus  aussi  pénible 
qu'on  pourrait  le  croire  d'Oran.  La  montagne  tourne  vers  la 
ville  son  versant  le  plus  dénudé  et  le  plus  abrupt  ;  mais  si  on 
ne  l'aborde  pas  de  front,  et  qu'on  y  monte  par  le  ravin  des 
Planteurs,  comme  me  l'avait  conseillé  notre  excellent  prési- 
dent, le  colonel  Derrien,  qui  s'occupe  avec  tant  de  zèle  de 
l'observatoire  de  Santa-Graz,  on  chemine  constamment  à 
l'ombre  des  pins,  qui  ont  beaucoup  grandi,  et  on  profite  du 
col  de  la  Moune  ;  la  vue  dont  on  jouit  sur  la  ville  et  le  port 
d'Oran,  les  caps  qui  encadrent  la  baie,  le  Djebel  Orouze,  la 
plaine  de  la  Sebkha,  la  chaîne  du  Tessala,  récom.pense  ample- 
ment de  la  peine  qu'on  a  prise. 

Quant  à  Krichtel,  il  est  maintenant  facile  d'y  accéder 
par  la  récente  ligne  d'Oran  à  Arzeu.  J'ai  fait  cette  promenade 
avec  notre  confrère  M.  Doumergue,  et,  grâce  à  cet  aimable 
compagnon,  j'ai  conservé  de  cette  journée  le  meilleur  souvenir. 
Après  avoir  traversé  les  cultures  maraîchères  et  les  vignes, 
puis  la  brousse,  on  se  rapproche  du  Djebel  Orouze.  Toute  la 
région  est  pliocène,  avec  les  marnes  argileuses  du  Sahélien 
dans  les  ravins  et  sur  les  collines.  A  Flourus,  on  rencontre 
des  carrières  de  gypse  dans  le  Sahélien  ;  d'autres  carrières  se 
montrent  dans  les  collines  qui  dominent  le  lac  de  Télamine. 
Ça  et  là  surgissent  des  pointements  vaisemblablement  triasi- 
ques,  surtout  dans  la  région  qui  avoisine  le  lac  d' Arzeu.  Quant 
au  Djebel  Orouze,  il  est  constitué  par  des  calcaires  liasiques 
et  des  schistes  anciens  et  néocomiens,  accompagnés  de  pou- 
dingues  probablement  permiens. 

On_quitte  le  chemin  de  fer  au  joli  village  de  Saint-Gloud,  qui 
paraît  très  prospère.  La  Société  de  Géographie  d'Oran  a 
couronné  la  monographie  consacrée  à  cette  localité  par  un 
instituteur,  M.  Fontanilles.  Saint-Gloud  fut,  comme  on  sait, 
la  première  des  colonies  Parisiennes  fondée  dans  la  région 
d'Oran  en  1848.  Il  compte  aujourd'hui  environ  3,000  hectares 
de  vignes  et  1.800  hectares  de  céréales. 

De  Saint-Gloud  à  Krichtel,  il  y  a  8  kilomètres  environ.  On 
suit  un  joli  ravin  qui  remonte  les  premières  pentes  du  Djebel 


EN   ORANIE  267 

Orouze  ;  on  contourne  la  Montagne  des  Lions,  et  on  traverse 
un  maquis  extrêmement  fleuri  au  printemps,  où  dominent  les 
chênes-verts,  les  lentisques,  les  genêts  épineux  [guendoul),  les 
cistes,  le  diss,  et,  sur  les  terrains  sableux  exclusivement 
VHalimium  halimifoUum.  Les  ophrys,  la  charmante  et  odorante 
Tulipa  fragrans,  une  belle  Malvacée  (Lavatera  maritima) 
parsèment  la  brousse.  Et  c'est  vraiment  exquis,  cette  poussée 
printanière  qui  transforme  en  un  champ  de  fleurs  toute  cette 
campagne,  semblant  se  hâter  de  jouir  de  ce  court  moment  de 
vie,  entre  le  sommeil  de  l'hiver  et  le  sommeil  plus  triste  et 
plus  complet  de  l'été. 

Après  avoir  passé  au  pied  d'un  donjon,  signalant  une  mine 
de  fer  dont  on  voit  les  entailles  rougeàtres  au  flanc  de  la 
montagne,  on  arrive  brusquement  sur  la  falaise  au  pied  de 
laquelle  se  blottit  le  village  indigène  de  Krichtel,  qu'on  aperçoit 
à  ses  pieds.  Par  un  sentier  de  chèvres  presque  à  pic,  on 
dégringole  à  la  mer,  d'abord  à  travers  des  schistes  et  des 
quartzites,  puis  sur  la  falaise  de  calcaires  basiques,  accompa- 
gnée d'une  traînée  d'argiles  probablement  triasiques,  et  que 
surmontent,  en  complète  discordance,  des  formations  pliocènes. 
Visiblement,  la  falaise  pliocène,  comme  partout  aux  environs 
d'Oran,  représente  l'ancien  rivage,  dont  l'émersion  paraît  due 
à  un  abaissement  général  du  niveau  marin,  car  les  formations 
sont  horizontales. 

Le  blanc  village  de  Krichtel  est  seulement  déparé  par  une 
abominable  maison  d'école  à  deux  étages,  honte  de  l'Université 
ou  tout  au  moins  de  ses  architectes.  Nous  déjeunons  à  l'ombre 
d'un  abricotier  gros  comme  un  chêne,  mais  qui  ne  donne  plus 
de  fruits  par  suite  de  son  grand  âge  ;  à  la  fontaine,  des  fillettes 
jolies  viennent  puiser  l'eau  ;  elles  portent  leur  haïk  à  peu  près 
comme  le  capuchon  pyrénéen  des  Béarnaises.  Les  indigènes  de 
Krichtel  cultivent  des  arbres  à  fruits  :  figuiers,  abricotiers, 
grenadiers,  quelques  légumes,  le  henné  (1)  ;  malheureusement, 
leurs  120  hectares  de  jardins  sont  hypothéqués,  et,  sauf 
quelques  rares  exceptions,  n'appartiennent  plus  à  ceux  qui  les 
cultivent.  Lorsqu'on  est  arrivé  sur  la  plage,  en  se  retournant, 
on  voit  s'étager  derrière  soi  l'oasis,  puis  le  village,  ensuite  la 
falaise  rouge,  et  tout  en  haut  le  donjon  de    la  mine.   Nous 


(l)   Sur  Krichtel,   voir  d'intéressantes  notes  de  M.  de   la  Sauvagère, 
dans  Vklgérie  nouvelle,  1897,  p.  77  et  100. 


268  EN  ORANIE 

regagnons  ensuite  Saint-Cloud,  non  sans  que  M.  Doumergue 
ait  cueilli  dans  le  ruisseau  trois  superbes  discoglosses 
(lisez  :  crapauds),  qu'il  enferme  précieusement  dans  un  petit 
sac  en  toile  ;  la  vertu  de  mon  compagnon  a  donc  été 
récompensée,  et  il  n'a  pas  perdu  sa  journée. 

J'espère  que  mes  confrères  me  pardonneront  l'audace  que 
j'ai  eue  de  parler  à  des  Oranais  des  environs  d'Oran  ;  mais 
n'y  a-t-il  pas,  dans  les  endroits  les  plus  connus,  des  découvertes 
à  faire  ?  «  Il  y  a  dans  tout  de  l'inexploré,  disait  Maupassant  ; 
il  s'agit  de  regarder  tout  ce  qu'on  veut  exprimer  assez 
longtemps  et  avec  assez  d'attention  pour  en  découvrir  un 
aspect  qui  n'ait  été  vu  et  dit  par  personne  ».  C'est  ce  que  je 
me  suis  efforcé  de  faire  dans  ces  quelques  pages,  bien  que  je 
n'y  aie  que  très  imparfaitement  réussi. 


D'ORAN    A    TLEMCEX 

Les  aspects  géographiques  et  les  zones  de  végétation  sont, 
dans  la  province  d'Oran,  très  différents  de  ce  qu'ils  sont  dans 
la  province  d'Alger.  Cette  dernière  montre  sur  le  littoral  ce 
qu'elle  a  de  plus  beau  :  les  superbes  cultures  de  son  Sahel  et 
de  sa  Mitidja,  les  orangeries  et  les  eaux  courantes  de  Blida  ; 
lorsqu'on  a  dépassé  Médéa,  on  ne  rencontre  plus  que  de 
maigres  boisements,  et  à  Boghari,  on  atteint  la  steppe,  belle 
aussi  si  l'on  veut,  mais  d'une  beauté  qui  n'est  pas  précisément 
celle  que  recherchent  les  agriculteurs  et  les  économistes. 
Il  en  est  tout  autrement  dans  la  province  d'Oran  ;  je  me  suis 
élevé  contre  la  trop  mauvaise  réputation  des  environs  dOran  : 
on  ne  peut  nier  cependant  que  les  terrains  salés  et  nus  qui 
entourent  la  capitale  de  l'Ouest  sont  le  vestibule  un  peu  triste 
de  cette  belle  province,  et  ne  laissent  guère  soupçonner  la 
fertilité-de  la  plaine  de  Bel-Abbès,  la  richesse  en  eaux  courantes 
et  en  forêts  du  massif  de  Tlemcen.  Les  raisons  de  cette  différence 
sont  faciles  à  saisir  :  c'est  que,  dans  la  province  d'Oran,  les 
chaînes  littorales,  moins  hautes,  retiennent  une  moins  grande 
part  des  pluies,  et  leur  permettent  en  revanche  d'arriver 
jusqu'aux  massifs  montagneux  de  l'intérieur,  qui  regardent  la 
mer  en  quelque  sorte  par  dessus  leur  tète.  Si  l'on  ajoute  que 
la  côte  de  l'Oranie  forme  un  angle  rentrant  très  prononcé,  de 
telle  sorte  qu'Oran  est  au  S.   du  36^  parallèle  et  déjà  à  la 


EN  ORANIE  269 

latitude  de  Boghari,  et  qu'elle  est  en  outre  garantie  des  vents 
humides  par  les  chaînes  et  les  caps  du  Rif  marocain,  on 
comprendra  sans  peine  pourquoi  les  précipitations  sont  loin 
d'y  être  aussi  abondantes  que  sur  le  littoral  des  provinces 
d'Alger  et  de  Gonstantine,  plus  directement  atteint  par  les 
vents  d'Ouest.  La  nature  du  sol  et  la  composition  géologique 
jouent  en  outre  un  rôle  notable  et  agissent  dans  le  même  sens. 

On  se  rend  bien  compte  de  tout  cela  en  allant  d'Oran  à 
Tlemcen.  Si  l'on  monte  par  Aïn-Temouchent,  on  suit  d'abord  la 
Sebkha,  occupée,  lorsqu'il  a  plu,  par  une  mince  couche  d'eau, 
jaunâtre  au  bord,  couleur  de  plomb  fondu  au  centre,  plus 
souvent  recouverte  d'une  croûte  blanche  gypso-saline.  Les 
collines  qu'on  longe  à  droite  de  la  voie  ferrée  sont  formées  de 
calcaire  blanc  à  liihothamnium,  récif  corallien  du  miocène 
supérieur  qui  s'appuie  contre  le  massif  ancien  du  Mourdjadjo. 
D'Aïn-Temouchent  à  Tlemcen,  c'est  d'abord  le  paysage  éruptif, 
qu'a  très  bien  décrit  ici  même  M.  Gentil  (1)  ;  les  volcans, 
d'âge  très  récent,  ont  laissé  des  coulées  basaltiques  qui 
forment  des  plateaux  d'altitude  presque  uniforme  ;  aux  envi- 
rons d'Aïn-Kial,  les  coulées  prismées  recouvrent  des  boues 
volcaniques,  elles-mêmes  supportées  par  des  scories  mélan- 
gées de  terres  alluvionnaires.  La  région,  qui  rappelle  les 
plateaux  basaltiques  du  Velay  et  du  Devès,  est  extrêmement 
fertile  ;  la  terre  noire  résultant  de  la  décomposition  de  ces 
roches  éruptives  est  tout  à  fait  fiivorable  à  l'agriculture. 

A  partir  d'Aïn-Kial,  on  traverse  des  marnes  éocènes,  puis 
on  entre  dans  la  région  helvétienne,  grès  et  marnes  très 
monotones  et  très  dénudés,  et  on  ne  la  quitte  guère  jusqu'au 
Safsaf,  c'est-à  dire  jusqu'au  pied  de  Tlemcen.  Pas  un  arbre, 
presque  pas  de  cultures  européennes.  Après  avoir  passé  à  la 
carrière  d'onyx  d'Aïn-Tekbalet,  on  redescend  vers  Pont-de- 
risser.  Dans  le  fond,  le  massif  jurassique  apparaît  de  plus 
en  plus  net.  Au  Safsaf,  un  changement  absolu  se  produit  :  ce 
sont  de  belles  eaux  courantes,  dans  lesquelles  se  baignent 
des  vaches  comme  en  Normandie  ;  les  brouillards  du  soir 
traînent  sur  les  pentes,  on  se  croirait  en  France.  On  n'a  pas 
vu  un  seul  arbre  depuis  Oran  :  ici  on  entre  dans  un  merveilleux 
verger,  où  les  oliviers,  les  figuiers,  les  amandiers  se  mêlent 
aux  ormes  et  aux  peupliers. 


(I)  L.  Gentil  :   Sur   les  volcans  éteints  ci' A'in-Temouchent  (Bull, 
d'Oran,  1896,  p.  364). 

29 


270  eî;  oranie 

C'est  par  cette  route  qu'il  faut  arriver  à  TIemcen  pour  juger 
de  ce  superbe  décor.  Si  l'on  va  par  Bel-Abbôs,  comme  on  le 
fait  d'ordinaire,  peu  après  la  station  de  Sainl-Lucien,  on  sort 
de  la  plaine  littorale,  La  voie  s'élève  alors  jusqu'au  col  des 
Ouled-Ali  pour  franchir  la  deuxième  chaîne  Tellienne,  et 
pénétrer  dans  la  plaine  de  Bel-Abbès,  d'une  altitude  moyenne 
de  400  à  500  mètres.  On  traverse  les  marnes  blanchâtres  du 
Suessonien,  couronnées  de  surfaces  rocheuses  dénudées.  Ce 
sont  ces  mêmes  marnes  très  délitescences,  d'une  couleur 
gris-olivâtre,  plus  ou  moins  teintées  de  blanc,  qui,  recou- 
vertes d'alterrissements  dans  les  dépressions,  constituent  les 
terres  de  labour  par  excellence  de  la  grande  banlieue  de 
Bel-Abbès.  Le  phosphate  de  chaux  y  existe  sous  forme  de 
coprolilhes,  et  les  analyses  montreraient  qu'il  est  également 
incorporé  dans  le  sol  arable  que  donnent  les  marnes,  qui 
lui  doivent  sans  doute  en  partie  leur  fertilité  exceptionnelle  (1). 
Le  Tessala  et  toute  la  chaîne  du  Nord  est  une  région  de  terres 
fortes,  argilo-calcaires  ;  au  contraire,  dans  la  plaine  proprement 
dite,  la  terre  est  légère,  poudreuse,  et  la  récolte  d'autant 
meilleure  qu'il  a  plu  davantage.  La  quantité  moyenne  des 
pluies  est  d'ailleurs,  comme  on  sait,  très  faible  (33  centim.) 

La  colonisation  a  singulièrement  gagné  du  terrain  dans  la 
province  d'Oran,  Le  long  du  chemin  de  fer,  depuis  trois  ans 
que  je  n'étais  passé  par  là,  la  brousse  a  presque  entièrement 
disparu.  La  «  tache  »  d'Oran  et  la  oc  tache  »  de  Bel-Abbès, 
autrefois  séparées,  se  sont  rejointes.  La  culture  monte  en 
quelque  sorte  ù  l'assaut  de  la  chaîne  du  Tessala,  de  même  que 
je  la  verrai,  sur  la  ligne  d'Ain  Sefra,  monter  â  l'assaut  du 
massif  de  Saïda.  D'ailleurs,  à  Bel-Abbès,  les  indigènes  eux- 
mêmes  cultivent  à  l'européenne.  La  contrée  paraît  heureuse 
et  prospère  ;  elle  témoigne  de  la  vitalité  et  de  l'énergie  des 
colons.  Quels  sont  les  «  dessous  »  de  cette  prospérité  ?  L'Algérie 
ne  va-t  elle  pas  traverser  une  crise  économique  grave,  résultat 
de  la  surproduction  et  de  la  mévente  des  vins?  C'est  une  autre 
question.  Il  est  clair  que  tant  que  l'Algérie  s'obstinera  à 
pratiquer  la  monoculture  de  la  vigne  et  n'aura  pas  trouvé 
d'autres  cultures  rémunératrices,  elle  sera  exposée  à  de  grands 
mécomptes. 

Bel-Abbès  d'ailleurs  souffrira  moins  que  toute  autre  de  la 


(l)  A.  Pomel,  Explication  de  la  carte  géologique  (1889). 


EN   ORANIE  271 

crise  viticole.  Bien  qu'elle  ail  beaucoup  étendu  les  cultures  de 
vigne  (il  y  en  a  plus  de  9.000  hectares  dans  l'arrondissement), 
elle  plante  des  oliviers,  fait  un  peu  d'élevage,  et  demeure 
essentiellement  une  terre  à  blé.  On  sait  comment  elle  pratique 
cette  culture  ;  après  un  an  de  culture,  on  laisse  les  terres  un  an 
en  jachère,  en  les  ameublissant  par  des  labours  de  printemps. 
Cette  agriculture  barbare,  qui  emprunte  au  sol  sans  lui  rien 
restituer,  parait  malheureusement  la  seule  possible  pour  le 
moment,  parce  que  c'est  la  seule  qui  donne  des  bénéfices. 
On  peut  lire  là  dessus  un  excellent  article  de  M.  Roger 
Mares  (1),  qui  n'a  pas  été  sans  indigner  plus  d'un  agronome. 
Jusqu'à  présent,  ces  façons  culturales  ont  suffi.  Mais  les  colons 
do  Bel-Abbès  estiment  qu'un  jour  viendra  où  il  faudra  recourir 
aux  engrais.  Encore  faudrait-il  savoir  quels  engrais,  et  pour 
cela  dresser  une  carte  agronomique  ;  il  faudrait  en  outre 
savoir  dans  quelles  conditions  il  faudrait  les  employer,  par 
suite  du  régime  pluvial,  pour  éviter  qu'ils  ne  soient  entraînés 
sans  bénéfice  pour  la  terre.  Quelques  colons  ont  essayé  des 
cultures  dérobées,  mais  ils  y  ont  renoncé,  parce  que  le  procédé 
leur  a  paru  trop  coûteux. 

A  Bel-Abbès,  tout  le  monde  est  cultivateur  ;  horloger, 
pharmacien,  médecin  sont  des  professions  accessoires  :  c'est 
la  terre,  la  bonne  terre  nourricière,  qui  fait  vivre  tout  le  monde. 
C'est  comme  dans  la  Légion  étrangère,  où  toutes  les  professions 
sont  représentées,  et  où  il  y  a  jusqu'à  d'anciens  évêques. 
Malheureusement,  il  y  a  un  bon  nombre  de  ces  agriculteurs 
qui  ne  vont  guère  au  soleil  et  se  contentent  d'être  prêteurs 
d'argent.  On  me  cite  un  modeste  fonctionnaire  qui  a  gagné 
3  millions  en  prêtant  à  un  taux  élevé  de  l'argent  qu'il 
empruntait  lui  même  en  France  à  un  taux  plus  bas. 
Quelques  propriétaires  non  résidents,  habitant  Paris,  ont  loué 
avec  promesse  de  vente  à  des  colons  ;  ils  font  beaucoup  de 
bien,  car  ils  apportent  des  capitaux,  c'est-à-dire  ce  qui  manque 
le  plus  à  l'Algérie.  Il  est  fâcheux  tout  de  même  que  ce  soit  le 
métier  de  prêteur  d'argent  plutôt  que  celui  de  cultivateur  qui 
enrichisse.  Il  est  triste  aussi  de  constater  que  celui  qui  fonde 
une  propriété  s'y  ruine  généralement  ;  c'est  son  successeur  qui 
réussit,  parce  qu'il  profite  de  la  plus-value  que  le  premier  coloa 
a  donnée  à  la  terre,  de  tout  ce  qu'il  a  enfoui  dans  le  fonds. 


(1)  Bull.  Agr.  de  l'Algérie  et  de  la  Tunisie,  1898,  p.  53i. 


272  EN  ORANIE 

Il  y  a  à  Bel-Àbbès  un  certain  nombre  de  très  grandes 
propriétés  ;  une  vingtaine  de  propriétés  ont  chacune  plus 
de  1.000  hectares  ;  beaucoup  ont  200  hectares,  la  majorité 
de  40  à  50  hectares,  c'est-à-dire  plus  que  le  petit  colon  officiel. 
Bel-Abbès  est  l'œuvre  de  la  colonisation  individuelle,  et  c'est 
aussi,  pour  une  part,  l'œuvre  des  Espagnols.  Ils  forment  dans 
l'arrondissement  les  2/3  de  la  population  et  possèdent  environ 
1/5  des  terres.  Voici  quelques  renseignements  que  j'ai  recueillis 
sur  leur  situation. 

Il  faut  distinguer  parmi  eux  les  propriétaires  et  les  journaliers. 
Une  dizaine  de  propriétaires  espagnols  ont  plus  de  200  liectares; 
150  environ  ont  de  40  à  50  hectares,  200  ont  de  20  à 30  hectares. 
La  plupart  des  propriétaires  Espagnols  sont  à  Bel-Abbès  depuis 
longtemps  ;  ils  sont  venus  comme  ouvriers  dans  la  période 
18451850.  Avec  leur  extraordinaire  sobriétéet  leur  merveilleuse 
endurance,  ils  ont  peu  à  peu  fait  fortune  ;  on  me  parle  de 
familles  qui,  à  leur  arrivée,  couchaient  non  pas  même  dans  un 
gourbi,  mais  sous  un  parapluie,  et  qui  sont  aujourd'hui  parmi 
les  plus  .riches  de  la  contrée.  Il  y  a  bien  entendu  aussi  de 
petits  colons  espagnols,  ainsi  que  des  fermiers  espagnols  ; 
on  me  cite  un  propriétaire  français  qui  a  20  fermes  :  16  fermiers 
sont  Espagnols  ;  c'est  à  peu  près  la  proportion  ordinaire. 

Les  travailleurs  et  journaliers  espagnols  rendent  les  plus 
grands  services.  Les  défricheurs  viennent  surtout  de  la  pro- 
vince d'Almeria  (Cuevas,  Vera),  les  moissonneurs  de  la 
province  d'AHcanle  (Novelda,  Aspe;,  Ils  moissonnent  depuis 
3  heures  du  matin  jusqu'à  la  nuit,  par  50"  de  chaleur  au 
soleil,  se  nourrissant  à  leur  guise,  ne  mangeant  presque 
rien. 

Je  n'ai  pas  l'intention  de  m'étendre  dans  ces  notes  sur  ce  qu'on 
a  appelé  «la  question  espagnole».  On  ne  peut  nier  que  l'élément 
espagnol  ait  fait  beaucoup  pour  la  prospérité  de  la  province 
d'Oran.  A  Bel-Abbès,  on  est  unanime  à  s'en  louer.  Il  n'est  pas 
douteuNL-  qu'ils  se  francisent  graduellement,  par  les  liens 
d'alTeclion  et  d'intérêt.  Les  mariages  mixtes  sont  très  nom- 
breux, surtout  entre  les  Français  et  les  femmes  espagnoles, 
réputées  pour  la  beauté  ;  elles  épousent  même  souvent  des 
officiers  de  la  Légion.  Les  habitudes  aussi  se  transforment.  Il 
y  a  quinze  ans,  un  riche  Espagnol  de  Bel-Abbès  vendit  ses 
propriétés  pour  aller  vivre  en  Espagne  :  il  revint  au  bout  de 
peu  de  temps,  parce  qu'il  se  trouvait  trop  mal  ;  le  manque  de 


EN  ORANIE  273 

confortable,  l'étroitesse  de  la  vie  et  des  idées  ne  pouvait  plus 
convenir  à  cet  Algérien.  M.  Bertrand,  dans  son  beau  roman 
Le  Sang  des  Races,  raconte  de  son  héros  une  anecdote  toute 
semblable,  évidemment  puisée  dans  la  réalité.  Il  y  a  à  coup 
sur  des  mesures  à  prendre  pour  favoriser  l'élément  français  ; 
pour  empêcher  le  débarquement  en  Algérie  de  mendiants  qui 
viennent  d'Espagne  uniquement  pour  se  faire  assister  par  nos 
bureaux  de  bienfaisance  ;  à  coup  sûr  aussi  la  naturalisation 
automatique  de  la  loi  de  d889  ofTre  des  dangers,  par  suite  de 
nos  institutions  politiques.  Mais  il  serait  insensé  de  vouloir  se 
priver  du  concours  de  l'élément  espagnol  dans  la  province 
d'Oran.  Personne  n'y  songe  d'ailleurs,  croyons-nous. 

De  Sidi-bel-Abbès  à  TIemcen,  la  voie  ferrée  continue  d'abord 
à  traverser  la  plaine,  puis  elle  se  rapproche  peu  à  peu  du 
massif  jurassique,  dans  lequel  la  plaine  deTaltaman  et  celle  de 
Lamoricière  s'avancent  comme  des  golfes.  Lamoricière,  avec 
ses  rues  plantées  de  beaux  arbres,  est  déjà  un  gros  village,  qui 
paraît  appelé  à  un  bel  avenir.  Comme  à  TIemcen,  comme 
partout  à  la  lisière  du  massif  jurassique,  les  eaux  courantes, 
les  cascades  sont  belles  et  nombreuses.  La  cascade  du  Moulin 
notamment,  au  milieu  d'une  oasis  de  \erdure,  betoum,  saules, 
peupliers,  dominée  par  la  tour  en  ruine  d'une  kasba,  donne 
comme  un  avant-goût  de  TIemcen. 


TLEMCEN 

Que  dire  de  TIemcen  qui  n'ait  déjà  été  dit  ?  La  belle  capitale 
des  Béni  Zeiyan  a  été  tant  de  fois  décrite  que  je  m'excuse 
d'être  assez  audacieux  pour  en  parler  encore.  Je  voudrais 
cependant  rappeler  à  son  sujet  quelques  observations  géogra- 
phiques, et  lui  payer  en  même  temps  le  tribut  de  mon 
admiration. 

TIemcen  est  au  pied  de  la  chaîne  du  Terni,  chez  les  Beni- 
Ournid,  adossée  au  Sud  à  des  falaises  rougeâtres  de  calcaires 
dolomitiqaes.  Le  Lella-Setti,  qui  domine  directement  TIemcen, 
n'est  pas  un  pic  ;  c'est  une  partie  de  la  muraille  rocheuse, 
que  couronnent  un  marabout  et  un  fortin.  Les  falaises  pro- 
jettent deux  promontoires  rocheux,  l'un  vers  Aïn-el-Hout 
et  Ouzidan,  l'autre,  plus  élevé  et  plus  considérable,  constituant 
le  Djebel  Roumelia  :  entre  les  deux,  la  mer  miocène  a  creusé 


274  EN   ORANIE 

un  golfe  dont  Tlemcen  occupe  précisément  le  fond.  Ce  golfe 
se  confond  au  Nord  avec  la  plaine  d'Hennaya,  que  continue  à 
l'Ouest  la  plaine  de  Marnia,  à  l'Est  la  plaine  de  Bel-Abbès. 
Plus  au  Nord  encore,  l'horizon  est  fermé  par  le  massif  des 
Traras,  où  la  table  de  Noé  (Djebel  Tadjera,  c'est-à-dire  l'assiette, 
en  berbère)  montre  son  profil  caractéristique.  A  l'Est  de  la 
coupure  de  la  Tafna,  au-delà  de  laquelle  on  aperçoit  la  mer, 
c'est  la  chaîne  plus  basse  des  Seba-Cliioukh  et  du  Tessala. 
Ainsi  Tlemcen,  abritée  des  vents  du  Sud,  reçoit  au  contraire 
les  vents  marins.  Mais  ce  ne  sont  pas  là  les  seuls  avantages  de 
sa  situation. 

Le  massif  jurassique  de  la  province  d'Oran  est  une  région 
très  spéciale,  sans  analogue  en  Algérie,  ce  qui  donne,  dit 
Reclus,  le  spectacle,  rare  à  l'orient  de  l'Atlas  marocain,  des 
eaux  courantes  et  des  cascades.  »  C'est  à  la  lisière  du  massif 
jurassique  et  des  terrains  tertiaires  que  jaillissent  les  magni- 
fiques sources  qui  font  la  beauté  et  la  richesse  de  Tlemcen. 
Le  massif  jurassique,  en  effet,  se  compose  de  calcaires  fissurés, 
reposant  sur  des  grès  poreux,  lesquels  sont  eux-mêmes 
supportés  par  des  argiles  :  disposition  éminemment  favorable 
à  la  formation  de  sources  vauclusiennes.  On  voit  très  bien, 
soit  à  rw.  de  Tlemcen,  soit  à  l'E..  à  Bou-Médine,  ou  encore 
aux  cascades  d'El-Ourit,  les  calcaires  et  dolomies  du  jurassique 
supérieur  reposant  sur  les  grès  dits  de  Bou-Médine. 

Les  falaises  dolomitiques  rappellent  absolument  celles  des 
Causses  du  Tarn.  On  peut  les  admirer  en  particulier  au 
magnifique  cirque  d'El-Ourit,  formé  par  le  djebel  Chouka  et 
le  djebel  Hanif,  entre  Tlemcen  et  Ain-Eezza.  Le  paysage  est 
splend'ide  ;  les  cascades  encadrées  de  verdure,  aux  eaux  vertes 
et  très  claires,  sont  un  des  beaux  spectacles  de  l'Algérie. 
A  Lamoricière,  et  plus  à  l'E.  sur  la  route  de  Tlemcen  à  Marnia, 
de  nombreux  cirques  analogues,  que  contournent  les  voies  de 
communication,  se  montrent  sur  toute  la  lisière  du  massif 
secondaire. 

Ce  massif  présente  aussi  les  phénomènes  ordinaires  des  pays 
de  calcaires  fissurés  ;  comme  dans  les  Causses,  les  grottes, 
les  avens,  les  galeries  souterraines  y  abondent.  Les  grottes  des 
Ahl-el-Oued,  où  l'on  se  rend  d'Aïn-Fezza,  sont  incomplète- 
ment explorées  ;  elles  auraient,  d'après  les  dires  des  indigènes, 
dont  il  convient  probablement  de  rabattre  quelque  peu,  des 
dimensions  fantastiques.    Mon  ami   M,    Brunache,   lorsqu'il 


EN  ORANIE  275 

était  administrateur  d'Aïn-Fezza,  m'avait  proposé  de  les 
explorer  avec  lui  ;  je  me  propose  de  revenir  en  détail  sur  ces 
grottes,  dont  une  première  visite  sommaire  m'a  montré  tout 
l'intérêt,  et  qui  paraissent  mériter  un  examen  approfondi. 

J'ai  visité  Tlemcen  avec  des  guides  aimables,  éclairés,  et 
amoureux  de  leur  cité  :  M.  Gaudefroy-Demombynes,  actuelle- 
ment secrétaire  de  l'École  des  Lajigues  orientales  ;  MM.  Mar- 
çais  et  Bel,  le  premier  directeur,  le  second  professeur  à  la 
médersa  de  Tlemcen.  Et,  si  j'ai  quelque  peu  pénétré  le  charme 
de  Tlemcen,  c'est  à  ces  Messieurs  que  je  le  dois. 

Tlemcen  comprend  quatre  groupes  de  constructions  : 
1°  Agadir,  au  N.-E.  de  la  Tlemcen  actuelle,  fondée  au 
VIII*-'  siècle  par  Idris  P''  sur  remplacement  de  la  ville  romaine 
de  Pomarium  ;  elle  fut  la  capitale  des  Beni-Ifren  (Zenata), 
puis  devint  un  quartier  de  la  Tlemcen  des  Almoi'avides. 
La  vie  s'en  est  retirée  ;  il  n'en  reste  plus  qu'un  minaret, 
entouré  de  jardins  et  de  vergers,  au  milieu  desquels  habitent 
quelques  tanneurs  ;  2°  La  Tlemcen  actuelle  a  été  fondée  au 
XP  siècle  par  Youcef  ben  Tachfm  l'Almoravide  sous  le  nom  de 
Tagrart,  puis  réunie  à  Agadir  qu'elle  a  ensuite  remplacée  ; 
30  Sidi  bou  Médine,  à  deux  kilomètres  S.-E.  de  Tlemcen, 
comprend  le  tombeau,  la  mosquée  et  la  médersa  du  saint; 
40  Mansoura,  à  trois  kilomètres  W.,  montre  les  restes  de  la 
ville  élevée  au  XIV'  siècle  par  Abou-Yakoub  le  Mérinide  sur 
l'emplacement  de  son  camp,  alors  qu'il  assiégeait  Tlemcen. 

Tlemcen,  capitale  du  Maghreb  central,  fut  glorieuse  sous 
les  Almoravides,  les  Almohades  et  surtout  sous  les  Beni- 
Zeiyan,  aux  XlIJe-XIVc  siècles.  C'est  la  seule  ville  de  l'Algérie 
qui  ait  de  vrais  monuments  arabes  d'un  réel  intérêt  architec- 
tural, car  Alger,  même  avant  qu'elle  eût  été  détruite  par  le 
vandalisme  de  ses  habitants,  était  une  ville  turque.  Seuls  les 
monuments  de  Tlemcen  sont  parfois  comparables  aux  beaux 
édifices  de  l'Espagne  et  du  Caire.  Mais  ce  sont  surtout  les 
souvenirs  historiques  qui  s'y  rattachent  et  leur  situation 
pittoresque  qui  en  font  le  prix  aux  yeux  du  visiteur.  Dans  la 
médersa  d'El-Eubbad  ont  enseigné  Senoussi  et  Ibn-Khaldoun, 
ce  Thucydide  berbère,  dont  les  Prolégomènes  sont  parmi  les 
plus  beaux  chapitres  de  philosophie  historique  qui  aient  jamais 
été  écrits,  bien  supérieurs,  à  mon  avis,  à  ceux  de  Bossuet  et 
de  Voltaire.  Au  point  de  vue  pittoresque,  Mansoura,  avec  son 
minaret  et  son  enceinte  vide  où  poussent  le  blé  et  les  oliviers, 


276  EN  ORANIE 

est,  au  coucher  du  soleil,  un  des  plus  beaux  cadavres  de  ville 
qui  se  puissent  voir.  Encore  faudrait-il  éviter  que  des  restau- 
rations maladroites  viennent  rompre  le  charme,  car  il  semble 
que  nous  ne  connaissions,  pour  les  monuments,  d'autre  alter- 
native que  la  destruction  ou  la  l'econstruction.  Et  quelle  recons- 
truction !  On  a  fait  au  minaret  de  Mansoura  des  pans  coupés 
en  ciment  d'un  effet  déplorable.  Surtout,  on  a  entouré  la  jolie 
mosquée  d'Abou-el-Ilassen,  dite  de  la  Médersa,  d'un  muret 
d'une  grille  qui  sont  ceux  d'un  chenil  ou  d'une  porcherie,  et 
qui  constituent  une  abominable  faute  de  goût. 

La  population  a  mieux  conservé  son  organisation  et  ses 
cadres  à  Tlemcen  que  dans  les  autres  villes  de  l'Algérie,  et, 
quoique  restée  profondément  musulmane,  elle  paraît  entrer 
assez  volontiers  en  contact  avec  les  Français,  pour  peu  que 
ceux-ci  y  mettent  quelque  bonne  volonté.  A  certains  indices 
difficiles  à  préciser,  on  sent  qu'il  y  a  ici  entre  les  deux 
éléments  moins  d'hostilité  qu'ailleurs,  et  que  parmi  les 
Tlemceniens  survivent  les  descendants  de  ces  Koulouglis  qui 
s'allièrent  aux  Français  contre  Abd-el-Kader  et  se  défendirent 
dans  le  Méchouar,  en  183G,  avec  tant  d'héroïsme. 

Et,  comme  certaines  traditions  de  culture  intellectuel'e 
se  sont  conservées  à  Tlemcen,  la  question  de  l'enseignement 
supérieur  indigène  se  pose  ici  dans  des  conditions  particuliè- 
rement favorables.  L'intérêt  en  est  accru  par  le  voisinage  du 
Maroc.  Quel  est  le  présent,  quel  est  l'avenir  de  cet  enseignement 
des  médersas  ?  Ce  sont  des  problèmes  très  complexes,  que  je 
ne  saurais  indiquer  en  quelques  lignes.  L'idée  très  juste  qui 
a  inspiré  M.  Jules  Cambon  dans  la  réorganisation  des  médersas 
est  qu'en  Algérie  c'est  sur  l'élite  musulmane  qu'il  faut  agir 
si  nous  voulons  obtenir  des  résultats  Mais  cette  élite  musul- 
mane existe-t-elle  encore,  et,  si  elle  existe,  la  trouvons-nous 
sur  les  bancs  de  nos  médersas?  Ne  peut-on  dire  des  indigènes 
qui  les  fréquentent  ce  qu'on  disait  jadis  des  interprètes  : 
les  uns  ne  savent  pas  le  français,  les  autres  ne  savent  pas 
l'arabe,  et  les  plus  nombreux  ne  savent  ni  le  français  ni  l'arabe? 
Les  fonctions  réservées  aux  élèves  des  médersas  sont-elles 
assez  nombreuses  etassez  imi)ûrlantes?  Obtiendrons-nous  des 
professeurs  musulmans  cette  évolution  rationnelle  et  critique 
de  la  théologie  et  de  la  science  juridique  que  M.  Goldziher 
indiquait  récemment  comme  la  tâche  de  l'Islam  au  XX**  siècle  ? 
Le  directeur  actuel  de  la  médersa  de  Tlemcen,  M.  Marçais,  est 


EN  ORANIE  277 

un  arabisant  de  grand  mérite,  appelé  sans  doute  au  plus  bel 
avenir  ;  il  a  des  idées  générales  ;  il  aime  sa  tâche  et  en 
comprend  la  grandeur  ;  il  est  mieux  préparé  que  quiconque 
à  entreprendre  cette  œuvre  de  renaissance  et  à  la  mener  à  bien. 

Tout  autour  de  Tlemcen  s'étend  le  beau  verger  qui  lui  valut 
son  nom  de  Pomarium.  Aux  oliviers  centenaires  et  aux  figuiers 
vénérables  se  mêlent  les  caroubiers,les  térébinthes.  Les  chemins 
creux  et  ombragés,  véritables  cavées  normandes,  invitent  à  la 
rêverie.  La  Makbara,  véritable  C4a)npo-Santo,  qui  s'étend  entre 
Tlemcen  et  El-Eubbad,  est  un  endroit  délicieux  entre  tous  : 
((  Combien  ce  lieu  est  propice  pour  y  dormir  en  paix  l'éternel 
sommeil  »,  s'écria  Sidi-Bou-Medine.  Il  disait  vrai  ;  si  j'étais 
musulman,  je  voudrais  reposer  dans  ce  champ  des  morts,  à 
côté  des  saints  et  des  savants  de  Tlemcen,  dont  les  koubbas 
élégantes  ou  frustes,  gracieuses  ou  modestes,  parsèment  la 
campagne.  Car  les  morts  sont  à  Tlemcen  plus  nombreux  que 
les  vivants,  et  parmi  ces  morts,  les  savants  sont  en  grand 
nombre.  Tlemcen  d'ailleurs  produit  encore  des  saints  ; 
à  Aïn-el-Hout,  sur  une  tombe  fraîchement  décorée,  une  femme 
est  qualifiée  de  Oualia,  sainte.  M.  Doutté  a  raconté  la  légende 
de  quelques-uns  des  saints  de  Tlemcen,  étudié  les  traditions 
et  les  rites  qui  s'y  rattachent.  Les  légendes,  souvent  très 
gracieuses,  fleurissent  sur  le  sol  de  Tlemcen  comme  sur  celui 
de  la  Bretagne,  et  le  grand  saint  Bou-Mcdine  tient,  dans  la  vie 
des  habitants  de  Tlemcen,  la  même  place  que  sainte  Anne  ou 
saint  Yves  chez  les  indigènes  de  l'Armorique.  Son  nom,  ou 
quelqu'un  de  ses  surnoms,  sont  portés  par  les  petits  enfants  ; 
c'est  lui  que  l'on  prend  à  témoin  de  la  vérité  de  ce 
que  l'on  dit,  lui  que  l'on  va  trouver  lorsqu'on  a  une 
grâce  à  demander,  une  guérison  à  obtenii-,  un  voyage  à 
entreprendre.  A  Tlemcen  comme  en  Bretagne,  le  culte  des 
saints  se  confond  avec  le  culte  des  arbres  et  des  fontaines. 
Ici  et  là,  c'est  le  même  paganisme  naturaliste,  que  les 
jeunes  religions  monothéistes  n'ont  pas  complètement  réussi 
à  effacer. 

Il  faut  voir  Tlemcen  un  jour  de  fête  musulmane,  l'Aïd-el- 
Kcbir  pir  exemple.  Dans  les  jours  qui  précèdent  la  fête,  chacun 
a  acheté  un  mouton,  pour  le  tuer  et  le  manger  selon  les  rites 
antiques.  Le  jour  de  la  fête,  c'est  dans  les  rues  une  animation 
folle  de  gens  achetant  des  haloiiat,  du  nougat,  des  gâteaux 
anisés,  toutes  sortes  de  nourritures  bizarres.  Les  femmes  de 


278  EN  ORANIE 

Tlnmcen,  qui,  d'après  un  proverbe  très  justifié,  ne  se  voilent 
qu'à  demi,  parce  qu'elles  se  savent  jolies,  montrent  dans 
l'entrebâillement  des  portes  leurs  fines  silhouettes  d'idoles 
aux  sourcils  arqués,  aux  ongles  fraîchement  teints  de  henné. 
Et  les  fillettes  innombrables,  coilTées  de  la  hentka  crânement 
campée  sur  l'oreille,  étalent  dans  les  rues  les  tons  éclatants 
de  leurs  robes  roses,  jaunes,  bleues.  Elles  jouent  à  dos  jeux 
d'enfants,  souvent  des  jeux  français  (la  semaine,  cache-cache, 
etc.).  Les  tout  petits,  portés  sur  les  bras  de  leurs  pères,  sont 
exquis  avec  leurs  petits  burnous  verts  et  leur  chéchia  brodée. 
Les  montagnards  du  Rit,  pauvres  gens  demi-nus,  à  la  barbe  et 
aux  cheveux  nattés  et  frisés,  se  réjouissent  avec  les  autres, 
car  eux  aussi  sont  musulmans.  Les  nègres,  dansant  et  chan- 
tant, montrent  leurs  belles  dents  blanches  et  rient  comme  des 
enfants  à  toute  la  foule  qui  les  suit.  Pendant  ce  temps,  le 
soleil  se  couche  splendide  derrière  le  Fillaoucen,  et  disparaît 
derrière  les  montagnes  de  ce  Maroc  qui  sera  nôtre  un  jour,  si 
nous  savons  avoir  en  Algérie  une  bonne  politique  indigène. 

Le  lendemain,  les  nègres,  les  Aïssaoua,  les  corporations  de 
toutes  sortes  vont  en  procession  à  El-Eubbad,  boire  l'eau  du 
puits  sacré,  vénérer  l'ami  de  Dieu,  le  pôle  de  l'Islam,  et  surtout 
le  genius  loci,  le  protecteur  particulier  de  Tlemcen  et  des 
Tlemceniens.  Ils  vont  aussià  Aïn-el-Hout,  oii  sont  les  poissons 
sacrés,  parmi  lesquels  la  vierge  qui,  poursuivie  par  Djafar,  fils 
d'un  roi  de  Tlemcen,  se  changea  en  poisson  pour  échapper  à 
son  étreinte. 

Ces  fêtes  musulmanes  sont  certainement  d'une  qualité  par- 
ticulière, qui  tient,  je  crois,  à  ce  que  l'ivresse  de  l'alcool  n'y 
joue  aucun  rôle,  et  à  ce  qu'elles  ont  un  caractère  religieux, 
a  Qui  donnera  des  fêtes,  disait  Lamennais,  au  pauvre  peuple 
de  ce  monde?  Car  le  peuple  est  simple  et  sans  art.  Mais  le 
peuple  et  Dieu  se  mettront  ensemble,  et  ce  sera  la  fête  de 
l'humanité.  »  Seules  les  fêtes  religieuses  donnent  cette  commu- 
nion fraternelle  de  tout  un  peuple  dans  une  même  joie.  Tolstoï, 
dans  une  des  plus  belles  pages  de  Résurrection,  a  décrit  les 
émotions  d'une  nuit  de  Noël  en  pays  russe  :  sous  un  autre 
climat  et  dans  un  autre  milieu,  c'est  VAid-el-Kebir  deT\emcen. 
La  Révolution  française  avait  très  bien  reconnu  le  besoin  de 
ces  fêtes  et  elle  y  avait  en  partie  donné  satisfaction. 

Je  quitte  Tlemcen  à  regret,  me  répétant  la  parole  du  poète 
Ibu-Khefadja  :  «  Le  paradis  de  l'éternité,  ô  Tlemceniens,  ne  se 


EN  ORANIE  279 

trouve  que  dans  votre  patrie  ;  et  s'il  m'était  donné  de  choisir, 
je  n'en  voudrais  pas  d'autre  que  Tlemcen.  »  Et  dans  ma 
mémoire  chante  la  phrase  de  Flaubert  :  cl  II  y  a  des  endroits 
de  la  terre  si  beaux,  qu'on  a  envie  de  la  serrer  contre  son  cœur.» 


DE    TLEMCEN    A    XEMOURS 

Je  ne  connais  pas  de  sensation  plus  exquise  que  celle  du 
départ  de  grand  matin.  En  Algérie,  où  les  étapes  sont  longues 
et  les  heures  du  milieu  du  jour  souvent  chaudes,  on  part 
souvent  avant  la  fin  de  la  nuit.  Une  douche  d'air  frais  vous 
frappe  au  visage,  et  Ton  se  met  en  route  à  travers  la  campagne 
endormie,  pleine  d'ombre  et  de  mystère.  Peu  à  peu,  l'œil 
s'habitue  à  l'obscurité,  et,  le  jour  venant,  les  formes  se  pré- 
cisent. Les  étoiles  pâlissent  une  à  une,  la  nature  est  ccmme 
prise  d'un  frisson  dans  l'attente  d'un  grand  événement.  Et 
l'événement  se  produit:  c'est  le  lever  du  soleil,  l'apparition 
de  Baal-Echmoun,  le  Dieu  cruel  et  dévorateur,  qui  illumine, 
puis  incendie  l'espace. 

La  route  de  Tlemcen  à  Marnia  suit  d'abord  la  lisière  du 
massif  jurassique.  Elle  arrive  bientôt  au  col  du  Juif  (Akahat- 
ey-Youdi),  nom  qui,  d'après  une  légende  tlemcenienne,  se 
rattache  au  Juif  qui  fut  un  des  architectes  du  minaret  de 
Mansoùra  ;  ne  pouvant  descendre  de  la  tour  qu'il  avait  cons- 
truite, il  se  fabriqua  des  ailes,  et,  nouvel  Icare,  vint  tomber 
au  col  qui  porte  son  nom.  Il  y  a  d'ailleurs  à  Tlemcen  tout  un 
cycle  de  personnages  ailés  à  rendre  jaloux  les  modernes 
aéronautes,  et  un  des  saints  dont  la  coupole  se  voit  sur  la 
route  de  Bou-Medine  s'appelle  Et-Thiour,  le  marabout  volant. 
Le  Col  du  Juif  est  un  des  points  culminants  de  la  route.  En  se 
retournant,  on  aperçoit  une  dernière  fois  les  vergers  de 
Tlemcen  et  de  Mansoùra.  Devant  soi,  on  a  la  plaine  de  Marnia, 
Marnia  même  qui  fait  une  tache  blanche  à  l'horizon,  la  trouée 
d'Oudjda,  le  massif  des  Traras  et  les  monts  des  Beni-Snassen. 
A  gauche,  au  premier  plan,  se  voit  un  village  berbère  perché 
comme  un  nid  d'aigle,  celui  de  Beni-Mestcr. 

Après  avoir  contourné  des  cirques  analogues  à  celui  d'Aïn- 
Fezza,  notamment  le  beau  ravin  de  l'Oued-Zitoun,  on  arrive  à 
Aïn-Sabra,  oii  un  village  de  colonisation,  nommé  Turenne,  a 


280  EN   ORANIE 

été  fondé  en  1898.  Ce  village,  déjà  prospère,  parait  appelé  à  un 
certain  avenir.  Il  est  dominé  par  une  gendarmerie  fortifiée,  ce 
qui  n'est  pas  inutile  dans  cette  zone  frontière  et  peut  être 
partout  une  précaution  nécessaire,  comme  les  événements  de 
Margueritte  l'ont  récemment  montré.  Placé  à  la  lisière  du 
massif  jurassique,  qui  lui  envoie  des  eaux  abondantes,  il  a  ses 
terres  de  culture  sur  des  alluvions  pliocènes.  De  magnifiques 
caroubiers,  que  les  colons  ont  eu  le  bon  esprit  de  respecter, 
parsèment  et  égaient  la  campagne,  oi^i  les  champs  et  les  vignes 
commencent  à  remplacer  la  brousse. 

Ce  n'est  pas  mon  dessein  de  traiter  ici  la  question  si  contre 
versée  de  la  colonisation  officielle.  Il  est  inutile  d'insister  sur 
la  manie  dont  elle  est  atteinte,  et  qui  consiste  à  imposer 
systématiquement  aux  localités  où  elle  établit  ses  colons  une 
nomenclature  nouvelle.  Cette  débaptisation,  condamnée  par 
tous  les  géographes  et  qui  est  la  marque  d'une  singulière 
tournure  d'esprit,  prépare  des  tortures  aux  philologues 
de  l'avenir,  à  cause  des  déformations  que  subissent  assez 
vite  les  noms  des  grands  hommes  choisis  comme  parrains. 
C'est  ainsi  qu'on  dit  dans  la  région  Turin  au  lieu  de  Turenne, 
le  nom  de  l'illustre  général  n'éveillant  que  des  souvenirs  assez 
vagues  parmi  les  indigènes,  les  Espagnols  et  peut-être  même 
les  colons  ;  de  même  Marbot  devient  Marabout,  Masqueray 
Mascara,  Pélissier  Iblicl  (diabolique),  Trumelet  Trois-Miilets 
(i),  et  ainsi  des  autres. 

Quant  au  fond  même  de  la  question,  les  deux  opinions  en 
présence  sont,  d'une  part,  celle  des  thuriféraires  patentés  qui 
trouvent  excellente  la  colonisation  officielle  parce  qu'ils  en 
vivent,  et  qui,  comme  Dieu  quand  il  eut  créé  le  monde, 
estiment  que  leur  œuvre  est  bonne  D'autre  part,  les  écono- 
mistes de  l'école  libérale  jettent  les  hauts  cris  lorsqu'on  leur 
parle  de  colonisation  officielle;  sans  doute,  ce  qu'il  y  a  d'artifi- 
ciel dans  cette  manière  de  procéder  répugne  à  ces  apôtres  du 
laissez-faire.  Comme  si  toute  colonisation,  c'est-à-dire  l'implan- 
tation de  populations  immigrées  sur  une  terre  nouvelle  n'était 
pas  forcément  artificielle,  surtout  s'il  y  a  d'anciens  occupants! 
En  somnje,  la  colonisation  officielle  ne  mérite  ni  d'être  approu- 
vée sans  réserve  ni  d'être  condamnée  sans  appel.  On  lui 
reproche  de  coûter  foil  cher  ;  mais  il   faut  bien   remarquer 

ri)  G'  Hinu. 


EN  ORANIE  281 

qu'elle  fait  la  tache  d'huile  et  trace  les  cadres  que  l'initiative 
privée  vient  ensuite  remplir.  Et  quant  au  résultat  final,  il 
dépend  avant  tout  du  choix  de  la  région,  de  la  localité  et  des 
éléments  de  peuplement.  C'est  assez  dire  qu'elle  devrait  pro- 
céder d'une  façon  nioins  administrative  et  plus  géographique. 

A  partir  d'Aïn-Sabra,  la  route  s'éloigne  du  massif  jurassique, 
et,  descendant  vers  la  Tafna,  pénètre  dans  la  plaine  tertiaire. 
On  traverse  d'abord  la  forêt  de  Tameksalet,  composée  de  thuyas 
{Callitris  quadrivalvis)  et  de  genévriers  oxycèdres,  assez 
maigres  les  uns  et  les  autres.  Puis  toute  végétation  cesse 
brusquement  au  moment  précis  où  on  passe  des  alluvions  sur  les 
marnes,  pour  ne  reparaître  qu'au  voisinage  du  pont  de  la 
Tafna,  où  une  allée  de  beaux  peupliers  annonce  Marnia  (1). 
D'après  des  renseignements  que  m'a  aimablement  fournis 
M.  Getten,  ingénieur  en  chef  des  Ponts  et  Chaussées  à  Oran, 
il  serait  possible  d'irriguer  dans  cette  région  cinq  à  six  mille 
hectares.  Les  jaugeages  entrepris  sur  la  Tafna  donnent  pour 
ce  fleuve  500  litres  à  l'étiage  dans  les  années  sèches,  4500  litres 
en  moyenne.  Il  y  aurait  là  une  œuvre  du  plus  haut  intérêt.  Le 
seul  obstacle  à  son  accomplissement  est,  parait-il,  que  la 
terre  qu'il  s'agit  d'irriguer  appartient  aux  indigènes,  comme  si 
la  prospérité  des  indigènes  et  celle  des  colons  n'étaient  pas 
intimement  liées  !  D'ailleurs,  un  hectare  irrigué  vaut  le  cen- 
tuple d'un  hectare  non  irrigué  ;  il  serait  donc  possible  d'attri- 
buer à  la  colonisation  une  partie  des  terres  ainsi  fertilisées. 

Au  sortir  de  Marnia,  la  route  monte  ;  on  aperçoit  bientôt  à 
l'E.,  au  milieu  de  la  plaine  des  Angad,  le  café  maure  de  Zoudj- 
el-Beral,  qui,  à  mi-chemin  d'Oudjda,  marque  la  frontière 
marocaine. 

Après  une  courte  descente,  on  parvient  à  la  Mouïla,  dans 
laquelle  tombent  deux  sources  thermales,  l'une  captée  et  utilisée 
pour  des  bains  indigènes,  l'autre  assez  abondante  pour  faire 
tourner  un  moulin.  Ces  eaux  sont  celles  d'Hammam  Chighel  (2). 
Le  site  du  moulin  est  très  pittoresque  ;  les  eaux  minérales,  en 
retombant  dans  la  rivière,  ont  formé  des  stalagmites,  et  la 
falaise  de  l'oued  est  toute  couverte  d'une  végétation  d'algues 
et  de  mousses  spéciale  aux  sources  chaudes. 


CI)  V.  J.  Canal,  Marnia.  ("Les  Villes  de  l'Algérie,  Paris,  1887.) 

(2)  Et  non  Hammam  Sidi  Chighr,  comme  on  le  dit  d'ordinaire;  Chighel 

est  un  diminutif  de  Achger,  roux  ;  je  dois  ce  renseignement  à  M.  Moham- 

med-ben-Rahal,  de  Nédroma. 


282  EN   ORA.NIE 

Ensuite  commence  une  interminable  côte,  par  laquelle  on 
s'élève  sur  les  pentes  des  Traras,  au  milieu  d'assez  belles  cul- 
tures indigènes  de  blé  et  d'orge,  entremêlées  d'oliviers  et  de 
jujubiers.  Après  Sidi-Abdallah  et  Aïn-ben-Ghazal,  on  parvient 
à  une  mine  de  calamine,  dite  mine  de  Ghristo,  dont  l'exploitation 
a  été  reprise  depuis  deux  ans.  Elle  est  ouverte  dans  les  flancs  du 
Djebel  Mahasser  ;  les  calcaires  du  lias  alternant  avec  des  pou- 
dingues  rouges,  paraissent  former  ici  deux  chaînes  distinctes. 

A  mesure  qu'on  monte,  la  vue  devient  plus  étendue  en 
arrière  sur  la  plaine  tertiaire  et  le  massif  de  Tlemcen,  où  l'on 
distingue  les  Beni-Moster,  Turenne,  Sidi-Medjahed.  On  par- 
vient enfin  au  col,  Bab-Taza,  où  l'on  franchit  par  812  mètres 
d'altitude  la  chaîne  du  Fillaoucen.  Notons  ici  que  le  nom  de 
Fillaoucen  s'applique  dans  le  pays  à  toute  la  chaîne  liasique 
plutôt  qu'à  un  sommet;  le  point  qui  porte  ce  nom  sur  nos 
cartes  fà  l'extrémité  E.  de  la  chaîne)  n'est  d'ailleurs  pas  beau- 
coup plus  élevé  que  le  reste  de  l'arête  et  ne  s'en  détache  guère. 
La  chaîne  littorale  est  beaucoup  plus  complexe  et  plus  acci- 
dentée. Dans  l'ensemble,  la  région  est  d'ailleurs  assez  peu 
boisée,  et  couverte  de  maquis  plutôt  que  de  forêts  véritables. 
J'ai  dit  et  enseigné  que  le  massif  des  Traras  était  la  dernière 
des  Kabylies  du  Rif  :  d'après  le  peu  que  je  puis  savoir  aujour- 
d'hui de  ces  régions,  je  né  crois  pas  que  cette  formule  soit 
exacte.  La  région  des  Traras,  et  probablement  aussi  le  Rif, 
du  moins  le  Rif  oriental,  ne  sont  en  rien  comparables  à  la 
Grande-Kabylie  pour  la  densité  de  la  population,  l'abondance 
des  sources,  la  belle  venue  des  arbres,  le  caractère  alpestre. 

Après  Bab-Taza,  on  change  de  versant,  et  on  aperçoit  la  mer. 
Puis,  à  un  détour  du  chemin,  on  voit  à  ses  pieds  la  petite  ville 
berbère  de  Nédroma,  diminutif  de  Tlemcen,  enclose  dans  ses 
murailles,  entourée  de  ses  jardins,  et  déparée  seulement  par  une 
ou  deux  maisons  françaises,  1  école  et  la  gendarmerie,  je  crois. 

Après  un  éperon  de  granit,  qui  semble  assez  jeune,  on 
descend  dans  le  bassin  tertiaire  où  se  trouvent  Nédroma  et  ses 
cultures,  puis  on  s'engage  dans  la  chaîne  littorale  de  schistes, 
de  poudingues  rouges  et  de  dolomies  jurassiques  au-delà  de 
laquelle  on  atteint  Nemours,  par  la  coupure  de  l'Oued-Marsa. 
Sur  la  rive  gauche  de  la  rivière  sont  des  villages  indigènes, 
notamment  celui  de  Tient  et  celui  des  Ouled-Ziri,  en  face  duquel 
est  situé  le  Tombeau  des  Braves. 

Dans  mon  excursion  à  Nemours,  j'ai  eu  occasion  de  voir 


EN   ORANIE  283 

deux  notables  musulmans,  fort  distingués  l'un  et  l'autre,  et  qui 
font  l'un  avec  l'autre  le  plus  curieux  contraste.  Il  est  inutile 
que  je  les  nomme  :  tous  ceux  qui  les  ont  rencontrés  les 
reconnaîtront  ;  ils  m'ont  paru  parfaitement  représentatifs  de 
deux  catégories  d'indigènes  algériens.  L'un,  «  le  roi  des  blés  », 
est  un  grand  négociant,  gros  et  gras,  bon  vivant,  et  qui  a  pris 
des  usages  européens  exactement  ce  qui  pouvait  profiter  à 
son  commerce,  à  ses  affaires  et  à  ses  plaisirs.  L'autre  indigène 
est  un  croyant,  et,  aux  yeux  des  incroyants,  un  fanatique  : 
c'est  la  vie  religieuse  qui  est  tout  pour  lui.  La  connaissance 
qu'il  a  de  notre  langue  et  de  notre  histoire  lui  fournit  des 
arguments  en  faveur  de  la  supériorité  de  l'islam.  Il  ne  se 
contente  pas  de  se  défendre  :  il  attaque,  et  il  s'efforça  de  me 
démontrer  que  le  sultan  de  Stamboul  avait  eu  parfaitement 
raison  de  massacrer  les  Arméniens,  qui  conspiraient  contre  lui. 
Ce  théologien  musulman,  remarquable  par  l'àpreté  et  la 
rigueur  logique  de  sa  conversation,  est  d'ailleurs  profondément 
respectable  par  sa  sincérité  et  sa  franchise.  Les  hommes  de 
cette  trempe  —  il  y  en  a  quelques-uns  en  Algérie  —  pourraient 
être,  avec  un  peu  de  tact,  utilisés  pour  notre  cause  ; 
mais  l'administration  ne  rencontrerait  pas  chez  eux  la 
souplesse,  la  passivité  qu'elle  a  coutume  de  demander  à  ceux 
qu'elle  emploie  et  préfère  se  passer  de  leurs  services. 

Dans  la  région  de  Nemours,  l'épisode  de  la  conquête  de 
l'Algérie  qu'on  appelle  l'affaire  de  Sidi-Brahim  est  encore 
présent  à  toutes  les  mémoires.  Il  a  été  souvent  raconté,  et  je 
n'y  reviendrais  pas  si  notre  confrère  M.  le  lieutenant  Azan, 
avec  lequel  j'ai  eu  le  plaisir  de  visiter  Nemours  et  ses  environs, 
ne  m'avait  fourni  à  ce  sujet  quelques  indications  intéressantes. 

L'affaire  se  passa  en  trois  phases  distinctes,  qu'on  ne 
distingue  pas  toujours  suffisamment  d'ordinaire  :  1°  Sur  les 
pentes  N.-E.  du  djebel  Kerkour,  à  15  kilomètres  de  Nemours, 
moururent  le  colonel  de  Montagnac,  Froment-Goste,  Gentil  de 
Saint-Alphonse,  etc.  ;  c'est  là  que  Courby  de  Cognord  fut  blessé 
et  fait  prisonnier.  Une  colonne,  dite  colonne  de  Montagnac, 
s'élève  sur  le  Kerkour,  un  peu  au  S.  de  l'endroit  du  combat  ; 
c'est  là  que  reposent  les  ossements  du  colonel  et  de  ses 
compagnons.  De  Géraux  était  resté  à  Sidi-Tahar  avec  les 
bagages.  Après  la  défaite  par  petits  paquets,  les  survivants  se 
retirèrent  sur  Sidi-Brahim  ;  2°  Au  marabout  de  Sidi-Brahim 
(12  kil.  de  Nemours)  eut  lieu  la  défense  du  capitaine  de  Géraux 


284  EN   ORANIE 

et  l'incident  Dutertre  :  «  Camarades,  défendez-vous  jusqu'à  la 
mort.  »  Une  plaque  commémorative  y  a  été  apposée  en  1898  ; 
3<»  Pendant  la  retraite  sur  Nemours  par  le  plateau  de  Tient,  en 
descendant  dans  la  vallée  aux  Ouled-Ziri,  les  restes  de  la' 
compagnie  de  Géraux  et  le  lieutenant  de  Chappedelaine  furent 
massacrés  dans  l'Oued-Marsa,  où  ils  s'étaient  arrêtés  pour 
boire.  C'est  le  lieu  dit  le  Tombeau  des  Braves  (2  kil.  de 
Nemours),  où  reposent  depuis  1899  quelques  ossements  autre- 
fois déposés  au-dessous  du  blockhaus,  dans  un  petit  monu- 
ment qu'on  appelait  le  monument  Montagnac.  M.  Azan  est 
mieux  renseigné  que  quiconque  sur  cet  épisode  des  guerres 
d'Afrique,  autant  par  la  lecture  d'un  manuscrit  arabe  de 
l'époque,  retrouvé  par  M.  Fourié,  que  par  l'étude  des 
localités  et  des  textes.  Cet  officier  distingué,  qui  occupe  d'une 
façon  si  littéraire  les  rares  loisirs  que  laisse  le  métier  militaire 
sur  la  frontière,  se  propose  d'entreprendre  des  fouilles  à 
la  vieille  Taount,  sur  la  colline  à  l'Est  de  Nemours,  où  il  m'a 
montré,  avec  des  ruines  berbères,  de  curieuses  allées 
couvertes  au  sommet  de  la  colline.  Il  faut  espérer  qu'il 
donnera  suite  à  ce  projet,  et  fera  connaître  les  résultats  de  ses 
recherches  à  ses  confrères  de  la  Société  d'Oran. 


LE  COMMERCE  AVEC  LE  MAROC 

Plus  que  les  souvenirs  du  passé,  c'est  la  question  du  com- 
merce actuel  et  futur  avec  le  Maroc  qui  préoccupe,  et  très 
légitimement,  les  habitants  de  TOranie  occidentale.  Me  rendre 
compte  par  moi-même  de  quelques-uns  des  éléments  du 
problème  ;  voir  comment  la  question  marocaine  se  présente  au 
point  de  vue  commercial  sur  notre  frontière  de  l'ouest,  après 
l'avoir  vue  de  Tanger  et  de  Melila  ;  recueillir  des  indications 
et  me  faire  une  opinion  sur  les  conditions  et  les  possibilités 
du  commerce  marocain  par  la  frontière  algérienne,  c'était 
aussi  le  principal  but  de  mon  voyage  (1). 


(i;  Jexprime  ici  tous  mes  remerciements  à  MM.  le  commandant  Bou- 
vi«r,  de  -Marnia,  l'admiaistrat'^îur  Cliimbigeet  Moliammed  ben  Rahal.de 
Nédroma,  la  lieuteDant  Azan  et  Si  El-IIadj,  de  Nemours,  qui  m'ont  très 
obligeamment  fourni  nombre  de  renseignements  intéressants  sur  cette 

Îuestion.  Le  Bulletin  d'Oran  a  publié,  suiis  la  signature  du  command'«at 
lemaught,  un  Voyage  d'études  commerciales  à  la  frontière  marocaine, 
auquel  j'aurai  plusiturs  fois  occasion  de  renvoyer  et  que  je  me  bornerai 
à  compléter  sur  quelques  points  (^Bull.  d'Oran,  \6d6,  p.  22, 167;  1697,  p.  30). 


EN   ORANIE  285 

La  question  se  présente  sous  un  triple  aspect  :  celui  des 
communications,  ports  et  voies  ferrées,  celui  du  régime 
douanier,  celui  de  la  pénétration  commerciale  au  Maroc  même. 
J'ai  dit  plus  haut  ce  que  je  pensais  des  ports  de  l'Oranie 
Quant  aux  voies  ferrées,  il  est  évidemment  tout-à-fait  urgent 
de  construire  les  60  kilomètres  qui  séparent  Tlemcen  de  Marnia. 
On  a  quelque  peine  à  persuader  aux  profanes  qu'il  y  a  tout 
avantage  à  se  tenir  sur  la  falaise  jurassique  au  lieu  de  suivre 
la  plaine  ;  mais  ceux  qui  savent  quel  déplorable  terrain  pour 
l'établissement  des  travaux  publics  sont  les  marnes  délitescen- 
tes  du  miocène  moyen,  ceux  qui  ont  vu  quelles  incessantes 
réparations  elles  nécessitent  là  où  la  voie  ferrée  s'y  engage, 
comme  sur  la  ligne  de  Médéa  et  du  côté  de  Souk-Ahras, 
comprendront  sans  peine  que  ce  n'est  pas  pour  le  plaisir  de 
faire  des  travaux  d'art  que  les  ingénieurs  ont  préféré  tailler 
dans  le  roc  vif,  et  asseoir  le  rail  sur  un  terrain  solide.  D'ailleurs, 
la  question  n'est  plus  entière,  puisque  la  ligne  atteint  déjà 
Tlemcen  ;  le  plus  fort  est  fait,  et  de  Tlemcen  à  Marnia,  il  ne 
reste  pas,  croyons-nous,  de  grosses  difticultés. 

Ce  n'est  pas  à  dire  que  la  ligne  d'Oran  à  la  frontière  maro- 
caine par  le  littoral  ne  doive  également  être  construite  ;  il  n'y 
a  pas  de  doute  sur  ce  point  (1).  Il  va  de  soi  que  les  habitants 
de  cette  région  et  ceux  qui  y  ont  des  intérêts  insistent  sur  la 
nécessité  de  cette  ligne  ;  on  comprend  aussi  qu'ils  soient  portés 
à  exagérer  les  avantages  de  la  voie  étroite  et  à  atténuer  les 
inconvénients  des  argiles  tertiaires.  Ce  qui  tient  du  prodige 
par  exemple,  c'est  qu'on  ait  réussi  à  persuader  aux  habitants 
de  Tlemcen  qu'ils  avaient  avantage  à  ce  que  la  ligne  de  la  fron- 
tière marocaine  ne  passe  pas  par  chez  eux. 

Dans  le  même  ordre  d'idées,  le  Voyage  d'études  commer- 
ciales publié  par  le  très  regretté  commandant  Demaeght  signa- 
lait la  nécessité  d'abaisser  les  tarifs  de  chemin  de  fer  et  de 
faire  du  marché  de  Marnia,  que  l'on  agrandirait,  un  immense 
fondouk  entouré  de  magasins  qui  seraient  loués  à  certaines 
catégories  de  marchands  et  de  hangars  où  pourraient  passer 
la  nuit  les  étrangers  venus  pour  le  marché  et  arrivés  la 
veille  (2). 


(1)  V.  G.  Milsom.  Le  cliemin  de  fer  d'Oran  au  Maroc  (Oran,  1901). 
Gomme  le  dit  l'aufeur,  mon  opinion  n'est  pas  diamétralement  opposée  à 
la  sienne,  mais  elle  en  diffère  sur  un  certain  nombre  de  points, 

(2)  Bull.  d'Oran,  1890,  p.  22. 

30 


286  EN   ORANIE 

Mais  ces  mesures  et  d'autres  du  même  genre  ne  serviraient 
de  rien  si  la  législation  douanière  constituait  un  obstacle  invin- 
cible aux  transactions  avec  le  Maroc.  Au  point  de  vue  de  l'im- 
portation, la  situation  est  bonne,  et,  malgré  les  entraves  mises 
de  temps  à  autre  par  l'amel  d'Oudjda,  Si  Abbès  Mohammed  ben 
Ech  Chergui,  le  commerce  du  bétail,  des  moulons  surtout,  par 
la  frontière  algérienne,  n'a  pas  cessé  de  progresser.  Malgré  nos 
relations  quelque  peu  tendues  avec  le  Maroc  en  1900,  par 
suite  de  l'abondance  des  pluies  et  du  bon  état  du  pâturage,  par 
suite  aussi  du  rétablissement  de  la  paix  entre  les  Sedjaà  et  les 
Mehaïa  opéré  par  le  chérif  Si  Abdesselam-el  Merani,  il  y  a  eu 
une  augmentation  de  trallc  considérable.  Dans  le  seul  qua- 
trième trimestre  de  1900,  il  a  été  transporté  par  Marnia  78.000 
moutons,  contre  16.000  en  1899.  Le  trafic  est  assez  sérieux 
pour  que  les  documents  consulaires  anglais,  d'ordinaire  bien 
renseignés,  se  préoccupent  de  l'atteinte  sérieuse  que  ce  com- 
merce de  la  frontière  peut  porter  au  marché  de  bétail  de 
Tanger,  et  par  suite  au  commerce  britannique  (1). 

Au  point  de  vue  de  l'exportation  au  contraire,  la  situation 
était  jusqu'à  ces  dernières  années  tout  à  fait  déplorable,  sur- 
tout depuis  la  création  du  port  franc  de  Melila  en  1881.  Les 
commerçants  d'Oudjda  et  de  Sebdou,  sans  cesser  complète- 
ment leu^^s  relations  avec  l'Algérie,  tiraient  la  plus  grande 
partie  de  leurs  approvisionnements  de  Melila  et  de  Fez;  les 
caravanes  qui  allaient  autrefois  de  Fez  à  Tlemcen  venaient 
encore  un  peu,  mais  reparlaient  à  vide  et  faisaient  leurs  achats 
à  Melila  (2j.  Pareille  cho.se  ne  se  serait  pas  produite  si,  comme 
le  proposait  dès  1879  le  commandant  Demaeght  (3),  on  avait 
créé  à  Tlemcen  une  f  jire  annuelle  et  un  entrepôt  franc. 

On  sait  que  la  loi  de  finances  du  16  avril  1895,  instituant 
en  Algérie  un  régime  de  transit  pour  les  marchandises  à  des- 
tination du  Maroc,  et  le  décret  du  16  décembre  1896,  intervenu 
en  exécution  de  cette  loi  et  énumérant  les  marchandises 
admises  à  la  détaxe  des  droits  de  douane  et  d'octroi  de  mer, 
ont  en  partie  remédié  à  cette  situation.  Quels  ont  été  les 
résultats  de  cette  législation  nouvelle  ?  On  n'est  pas  d'accord 


(1)  Consular  Reports,  1901,  ii°2'31,  p,  Il  II  convient  d'ajouter  que  les 
mesures  récemment  prises  par  le  Ministère  de  l'Agriculture  au  sujet  de 
ia  clavelisalion  risquent  fort,  si  l'on  n'y  prend  garde,  d'anéantir  ce  trafic. 

(2)  De  la  Martinière  et  N.  Lacroix,  Documents,  I,  p.  86. 
«)  Bull.  d'Oran,  1879,  p.  198. 


EN   ORANIE  287 

sur  ce  point  (I),  et  peut-être  est-il  encore  trop  tôt  pour  en 
juger.  Il  ne  faut  pas  se  montrer  trop  impatient,  car  les 
courants  commerciaux  ne  se  dessinent  qu'avec  lenteur. 
Il  n'a  pas  été  publié  de  documents  sur  ce  sujet  ;  les 
Procès-verbaux  du  Conseil  supérieur  de  1898  indiquaient  les 
chiffres  de  sortie  du  sucre  raffiné  par  Marnia  ;  ils  ne  les 
donnent  plus  en  1899  ni  en  1900,  D'après  des  renseignements 
personnels  que  j'ai  recueillis  sur  place,  l'exportation  des 
sucres  tend  à  diminuer  par  Melila,  à  s'accroître  par  Marnia, 
surtout  depuis  qu'on  s'est  décidé  à  accorder  aux  sucres  expor- 
tés par  Marnia  la  prime  d'exportation  de  2  fr.  86  par  100  kilos 
qui  jusqu'ici  leur  était  refusée,  Marnia  exporte  actuellement 
plus  de  1.000  quintaux  de  sucre  par  mois.  Le  café,  le  poivre,  la 
cannelle  donnent  également  des  chiffres  sans  cesse  croissants, 
et  il  ne  serait  pas  impossible  de  développer  le  commerce  de  la 
bougie  et  du  savon.  D'après  les  chiffres  qui  m'ont  été  aima- 
blement communiqués  par  un  correspondant  particulier, 
l'exportation,  pendant  le  l*^''  trimestre  de  1901,  a  été,  à  Marnia, 
de  343.000  kilos  de  sucre,  4.149  kilos  de  café,  2,550  kilos  de 
poivre,  253  kilos  de  girofle,  723  kilos  de  cannelle,  chiffres  de 
beaucoup  supérieurs  à  ceux  Je  1900. 

On  demande  cependant  de  divers  côtés  que  la  législation 
actuelle  soit  améliorée.  Tout  d'abord,  il  y  aurait  peut-être  lieu 
d'augmenter  la  liste  des  produits  détaxés,  sous  cette  réserve, 
bien  entendu,  que,  comme  l'a  demandé  la  Chambre  de  Com- 
merce d'Alger,  on  ne  devra  détaxer,  parmi  les  objets  manu- 
facturés étrangers,  que  ceux  dont  l'industrie  française  ne 
produirait  pas  les  similaires  ;  sinon,  «  l'industrie  étrangère  se 
substituerait  peu  à  peu  à  l'industrie  française  et  se  rendrait 
maîtresse  du  marché  africain  »  (2),  ce  qui  n'est  pas  précisé- 
ment le  but  que  l'on  recherche.  D'autre  part,  le  système 
actuel,  comme  l'écrivait  le  commandant  Demaëght,  n'est  pas 
celui  des  marchés  francs,  mais  celui  des  entrepôts  fictifs 
spéciaux.  Le  premier  aurait  eu  le  grand  avantage  d'amener 
l'établissement  d'un  plus  grand  nombre  de  commerçants, 
tandis  qu'avec  le  système  adopté,  le  trafic  est  forcément 
monopolisé  entre  les  mains  de  quelques  gros  négociants,  qui 


(1)  Bull.  Soc.  Géogr.  comm.,  1900. 

(2)  Bull.  cl'Oran,  1896,  p.  203. 


288  EN   ORANIE 

sont  seuls  à  bénéficier  en  Algérie  de  l'application  du  nouveau 
régime.  Avec  la  législation  en  vigueur,  on  se  plaint  des 
exigences  de  la  douane  en  ce  qui  concerne  le  double  emballage 
et  le  plombage  ;  de  l'immobilisation  des  capitaux  résultant  de 
ce  que  les  droits  sont  consignés  en  espèces  et  remboursés 
seulement  après  exportation,  de  sorte  que,  pour  faire  un 
commerce  de  50.000  fr.,  il  faut  pouvoir  disposer  de  lOO.COO  fr.  ; 
de  l'obligation  de  payer  une  escorte  pour  accompagner  les 
marchandises  et  en  prévenir  le  retour  frauduleux.  On  demande 
que  ces  formalités  soient  simplifiées.  On  voudrait  surtout  que 
la  vente  au  détail  des  marchandises  détaxées  fût  autorisée 
dans  les  postes  de  sortie,  alin  de  permettre  aux  indigènes 
d'abord  de  toucher  et  de  voir  ce  qu'ils  achètent,  puis  de 
s'approvisionner  en  petites  quantités  et  proportionnellement 
à  leurs  besoins.  Quelques-uns  vont  plus  loin  et  réclament  la 
création  d'une  zone  franche  ;  le  système  actuel,  disent-ils, 
empêche  le  commerce,  mais  n'empêche  pas  la  contrebande. 
Le  sucre,  qui  sort  en  gros,  rentre  en  détail  ;  on  le  consomme 
ouvertement,  sous  les  yeux  de  la  douane,  dans  les  cafés  maures 
de  Nemours.  On  a  renoncé  à  la  répression  lorsqu'on  saisit 
seulement  50  kilos,  la  charge  d'un  âne,  et  on  se  borne  à 
confisquer  la  marchandise  ;  un  douanier  disait  même,  paraît- 
il,  que  la  répression  de  la  contrebande  du  sucre,  de  la 
poudre,  etc.  serait  impossible  tant  qu'on  tolérerait  aux  musul- 
mans le  port  du  capuchon.  Avec  une  zone  franche,  la  sur- 
veillance, loin  d'être  plus  compliquée,  serait  au  contraire  plus 
facile,  surtout  si  on  étendait  cette  zone  jusqu'à  la  Tafna,  qui 
n'est  guéable  que  sur  un  petit  nombre  de  points.  La 
contrebande  se  trouverait  en  somme  déplacée  à  notre  profit, 
et  c'est  au  détriment  du  Maroc  qu'elle  s'exercerait. 

La  constitution  d'une  zone  franche  ne  devrait  d'ailleurs 
nullement  nous  empêcher  de  prendre  vigoureusement  l'ofTen- 
sive  vis-à-vis  du  Maroc,  —  l'oiïensive  commerciale,  bien 
entendu.  On  comprend  qu'à  cet  égard  une  certaine  discrétion 
soit  nécessaire,  bien  qu'il  ne  faille  pas  abuser  du  mystère  et 
du  ((  confidentiel  »,  comme  on  a  trop  de  tendance  à  le  faire 
chez  nous.  Le  meilleur  procédé  consisterait  sans  doute  à 
organiser  des  caravanes  armées  entre  Tlemcen  et  Fez,  comme 
y  avait,  croyons-nous,  songé  M.  Jules  Cambon.  On  objecte 
que  le  trajet  est  sensiblement  plus  long  de  Marnia  à  Fez  que  de 
Larache  à  cette  ville  :  mais  d'autres  considérations  entrent  en 


EN   ORANIE  289 

ligne  de  compte.  II  ne  s'agit  d'ailleurs  pas  seulement  de  Fez 
même,  qui  n'est  que  le  terminus,  mais  des  régions  à  desservir 
sur  le  parcours  et  notamment  de  la  vallée  de  la  Moulouïa.  On 
se  heurterait,  bien  entendu,  à  la  mauvaise  volonté  des  intérêts 
qu'on  léserait,  mais  en  revanche  les  indigènes  algériens 
pourraient  nous  être  d'un  bien  précieux  secours.  Nos  sujets 
musulmans  pourraient  nous  y  aider,  en  même  temps  que  les 
Juifs  deTlemcen,  qui,  comme  on  sait,  ont  tous  des  «  cousins  » 
à  Oudjda,  à  Debdou  et  à  Fez.  Les  négociants  indigènes  qui 
engageraient  leurs  capitaux  ou  leurs  personnes  dans  une 
pareille  entreprise  le  feraient  à  leurs  risques  et  périls.  Ces 
risques  et  périls  seraient  grands,  au  moins  au  début  ;  il  est 
évident  que  le  commerce  entre  Tlemcen  et  Fez  ne  se  fait  pas 
tout  à  fait  comme  entre  Paris  et  Rouen.  Mais  on  trouverait 
certainement  des  indigènes  qui  s'y  exposeraient  volontiers,  et 
ne  craindraient  pas  de  faire  «  parler  la  poudre  »  avec  les 
Ghiata.  Ceux-ci,  au  bout  de  fort  peu  de  temps,  s'apercevraient 
qu'il  est  de  leur  intérêt  de  convoyer  les  caravanes  plutôt  que 
de  les  piller.  D'ailleurs,  les  mêmes  influences  religieuses  qui 
s'emploient  à  faciliter  l'importation  du  bétail  marocain  par 
notre  frontière  pourraient  agir  pour  faciliter  l'exportation  par 
la  même  voie,  à  condition  que  les  Roumis  n'interviennent  pas 
personnellement  dans  ce  trafic  et  se  bornent  à  le  favoriser 
indirectement,  par  des  procédés  que  je  n'ai  pas  à  indiquer  ici. 
Ainsi  s'effectuerait  la  pénétration  du  Maroc  par  le  commerce 
français,  pénétration  qui,  comme  l'a  montré  M.  Mohammed 
ben  Rahal,  a  un  intérêt  politique  de  premier  ordre.  La  multi- 
plicité des  relations  et  l'importance  des  liens  noués  amènerait 
à  la  meilleure  des  conquêtes  et  la  plus  profitable,  celle  qui 
repose  sur  les  intérêts  réciproques.  Si  l'on  veut  tenter  quelque 
chose  de  sérieux,  il  faut  rendre  la  vie  à  cette  grande  artère 
algéro-marocaine  entre  Tlemcen  et  Fez,  par  Taza  et  la  vallée 
de  l'Innaouen,  que  suivit  le  commerce  pendant  tout  le  Moyen- 
Age,  et  dont  il  n'est  pas  impossible,  croyons-nous,  de  lui 
rapprendre  le  chemin.  Ce  qu'on  peut  tenter  du  côté  du  Sud 
n'aura  jama's,  au  point  de  vue  économique,  qu'une  importance 
tout  à  fait  secondaire.  On  peut  s'en  rendre  compte  en  visitant 
ces  contrées. 


290  EN  ORANIE 

D'OR\N  A   DLVEYRIER 

Le  voyage  d'Oran  à  Duveyrier,  terminus  actuel  du  chemin 
de  fer  du  Sud-Ouest,  permet  d'atteindre  le  point  le  plus 
méridional  où  parvienne  le  rail  en  Algérie,  et  fournit  une 
excellente  coupe  transversale  de  la  province  d'Oran, 

On  longe  d'abord  la  Sebkba  d'Oran,  et  on  suit  la  zone  des 
plaines  basses  du  liltoral.  Puis,  entre  Perrégaux  et  Tizi,  on 
traverse  la  deuxième  chaîne  Teliienne  :  c'est  le  massif  des  Beni- 
Chougran,  composé  de  terrains  stériles  et  monotones,  oii 
dominent  les  marnes  argileuses  et  qui  se  montrent  partout 
dénudés,  sauf  aux  environs  du  barrage  de  l'Habra,  oij  on  a 
reboisé  les  croupes  qui  avoisinent  ce  beau  lac  artificiel.  (1). 
Le  barrage,  qui  a  été,  comme  on  sait,  détruit  deux  fois,  en  1872 
et  en  1881,  a  failJi  l'être  encore  en  novembre  1900,  lors  de  la 
grande  crue  qui  a  emporté  le  pont  du  chemin  de  fer  de  l'Habra. 
Avec  les  pluies  torrentielles  et  subites  de  l'Afrique  du  Nord, 
les  grands  ouvrages  hydrauliques  de  ce  genre  sont  singuliè- 
rement dangereux,  et  voués  tôt  ou  tard  à  la  rupture.  Aussi 
semble-t-il  qu'on  doive,  sauf  dans  des  cas  assez  rares,  renoncer 
à  en  construire  de  nouveaux,  et  substituer  aux  barrages- 
réservoirs  les  barrages  -  déversoirs  et  les  multiples  petits 
ouvrages. 

Après  Tizi  (454  m.),  on  pénètre  dans  la  plaine  d'Eghris. 
On  aperçoit  longtemps  Mascara  à  gauche,  sur  le  versant  Sud 
de  la  chaîne.  On  se  rapproche  peu  à  peu  du  massif  jurassique, 
dont  on  voit  à  gauche  les  éperons  rocheux  ;  la  plaine  monte 
insensiblement,  de  sorte  qu'elle  finit  par  se  trouver  presque  à 
l'altitude  des  sommets  des  Beni-Chougran,  qu'on  aperçoit 
émergeant  légèrement.  Après  avoir  traversé  quelques  brous- 
sailles de  thuyas,  de  lentisques  et  de  chênes-verts,  parsemées 
de  diss,  et,  au  voisinage  des  villages,  quelques  vergers,  on 
parvient  à  Saida  (807  m.).  On  passe  près  des  ruines  de  l'ancienne 
Saïda  d'Abd-el-Kader,  entourée  du  côté  du  S.  par  un  beau  ravin 
aux  hautes  falaises  de  dolomies,  représentant  le  Dogger,  sous 
lesquelles  sont  les  calcaires  rouges  marneux  du  Lias  supé- 
rieur (2).  On  s'élève   rapidement  en  lacets  sur  la  deuxième 


'  i 


(1)  Cf.    Trabut,     D'Oran    à    Méchéria,    notes     botaniques.    Alger, 
Jourdan,  1887. 

(2)  Flamand,  dans  Rapp.  duSero.  géolofj.  1897  iAnn,  des  Mines,  4899) 


^f. 


EN   ORANIE  291 

crête  du  massif  jurassique,  et  on  se  trouve  alors  sur  un  vaste 
plateau  ondulé  de  marnes  oxfordiennes,  où  la  couche  de  terre 
végétale  a  une  grande  épaisseur  et  sur  lequel  la  culture,  vignes 
et  céréales,  gagne  de  plus  en  plus.  Cette  région,  située  entre 
Saïda  et  Tafaroua,  est  certainement  le  district  le  plus  fertile 
et  le  plus  colonisable  que  l'on  rencontre  sur  tout  le  trajet 
depuis  Oran. 

A  partir  de  Khalfallah,  on  entre  dans  la  steppe.  L'alfa, 
mélangé  au  Lygée  sparte  et  au  chih  ou  armoise  (Artemesia 
herha-alba),  se  montre,  d'abord  en  touffes  isolées,  puis  en 
peuplements  un  peu  plus  denses.  Mais  nulle  part,  au  voisinage 
du  chemin  de  fer,  on  ne  peut  plus  parler  de  «  mer  d'alfa  ». 
Une  exploitation  abusive  a  beaucoup  réduit  la  surface  et  la 
densité  de  cette  graminée,  qui  s'avançait  autrefois,  au  dire 
de  M.  Trabut  (1),  jusqu'à  Mascara  et  à  Bel-Abbés.  Les  belles 
études  de  M.  Trabut  ont  fait  voir  l'intérêt  qu'il  y  aurait  à  assurer 
la  conservation  de  l'alfa,  tant  comme  obstacle  à  l'érosion  et  à  la 
dénudation  que  comme  ressource  économique  pour  un  pays 
qui  en  présente  si  peu  ;  le  même  auteur  a  indiqué  les  mesures 
à  prendre  pour  parvenir  à  ce  résultat,  et  dont  la  principale 
consiste  à  empêcher  la  cueillette  pendant  la  période  de  grande 
végétation,  au  printemps.  Il  faut  absolument  empêcher  la 
destruction  de  l'alfa,  si  l'on  ne  veut  voir  le  désert  s'avancer 
peu  à  peu  jusqu'à  la  Méditerranée.  Actuellement,  d'ailleurs, 
l'exploitation  de  l'alfa  s'est  fort  ralentie,  et  on  ne  voit  plus 
guère  aux  abords  des  gares  les  immenses  dépôts  qui  s'y 
trouvaient  autrefois  ;  les  causes  de  ce  ralentissement  sont  la 
baisse  des  prix  des  alfas,  la  rareté  de  la  matière  exploitable  à 
une  distance  utile  du  chemin  de  fer,  enfin  les  mesures 
prises  en  vue  d'assurer  la  reconstitution. 

Le  wagon  roule  à  travers  la  steppe  désolée,  qui  présente  ici 
les  ordinaires  mirages,  faisant  surgir  çà  et  là  des  visions  imagi- 
naires, nappes  d'eau  miroitantes,  forêts,  trouperux  au  pâturage. 
On  rencontre  çàet  là  quelques  chameaux,  un  vol  de  sauterelles, 
des  gazelles  qui  s'enfuient  ;  ce  sont  les  rares  incidents  de  la 
route.  Près  du  Kreider,  on  entre  dans  la  cuvette  du  Chott-ech- 
Chergui,  étrange  paysage  de  sable,  de  sel  et  de  sulfate  de 
chaux  qui  luit  au  soleil.  Seuls  les  saulers  et  les  peupliers  du 


(1)  L.  Trabut  :  Etude  sur  l'alfa,  Alger,  1889.—  Battandier  et  Trabut, 
Les  Hauts-Plateaux  oranais,  rapport  de  mission.  Alger,  1891. 


292  EN  ORANIE 

Kreider  interrompent  l'illusion  de  ce  paysage  lunaire;  leur 
tendre  et  jeune  verdure  met  une  note  de  vie  au  milieu  de 
toute  cette  mort.  A  partir  de  Bir-Senia,  une  chaîne  isolée 
surgit  subitement  à  l'Ouest  ;  elle  se  rattache  au  Djebel  Antar, 
îlot  jurassique  préserve  des  érosions  par  sa  dureté  et  au  pied 
duquel  se  blottit  Méchéria  ;  après  Méchéria,  le  chaînon  s'éva- 
nouit subitement,  comme  il  était  apparu.  A  diverses  reprises, 
dans  la  traversée  des  steppes,  des  îlots  semblables  se  montrent: 
tel  est,  après  Naâma,  le  curieux  Djebel  Melha  (la  montagne 
de  sel),  aux  flancs  duquel  on  aperçoit  des  taches  d'un  rouge 
éclatant,  du  trias  et  des  ophites. 

A  Mekalis  (1314  m.),  on  atteint  le  point  culminant  de  toute  la 
ligne  et  on  passe  sur  le  versant  Saharien.  La  rive  s'engage 
dans  le  couloir  dit  Féidjel-el-Beloum  (le  défilé  des  Betoums), 
où  l'on  voit  en  effet  un  certain  nombre  de  ces  beaux  arbres, 
au  milieu  du  drinn  et  de  l'alfa.  Le  couloir  est  une  assez  large 
plaine  comprise  entre  le  djebel  Morghad  àl'W.  (213(5  m.  au 
Ras  Touil)  et  le  djebel  Aïssa  à  l'E.  (2256  m.  au  point  culmi- 
nant). Cette  plaine  aboutit  à  Aïn-Sefra. 

M.G.-B.-M.  Flamand  a  très  bien  défini  le  type  orographique 
général  de  l'Atlas  Saharien,  qui  consiste  en  une  série  de 
grandes  plaines  parallèles  séparées  par  de  longs  et  étroits 
reliefs,  des  crêtes  arides  d'une  constitution  simple.  Il  y  a  ainsi 
transition  lente  entre  les  plaines  d'alluvions  du  bassin  des 
Chotts  et  la  chaîne  Saharienne  proprement  dite.  Un  autre 
caractère  de  cette  dernière  est  qu'elle  est  en  général  composée 
de  couches  très  peu  plissées  et  presque  horizontales.  J'ajou- 
terai que  ces  montagnes  de  la  bordure  saharienne  me  semblent 
devoir  leur  aspect  général  à  un  triple  caractère  :  la  grande 
altitude  absolue,  la  faible  saillie  réelle,  la  grande  saillie  appa- 
rente à  cause  de  la  lumière  qui  les  baigne.  Atteignant  2.000 
mètres,  elles  ont  la  végétation  et  le  climat  des  régions  élevées, 
bien  qu'elles  ne  dépassent  que  de  quelques  centaines  de  mètres 
les  hautes  plaines  qui  s'étendent  à  leur  pied,  et  la  lumière 
saharienne  met  si  bien  en  valeur  leurs  moindres  détails,  qu'elles 
paraissent  en  général  plus  hautes  qu'elles  ne  le  sont  réellement. 

Aïn-Sefra  (1  j  n'a  pas  la  morne  tristesse  des  postes  de  la  steppe 
comme  Méchéria  et  le  Kreider.  On  a  le  sentiment  d'être  arrivé 


^  (I)  A  Aïn-Sefra,  nous  rrçùmes,  mon  compag'non  M.  Rfné  Pinon  et  moi, 
l'accueil  le  plus  aimable  de  M.  le  grut^ral  Hertrand,  commandant  la  subdi- 
vision, et  des  ofticiers  du  Bureau  arabe,  M.  le  capitaine  Uessigny  et  M.  le 


EN  ORANIE  293 

quelque  part,  d'avoir  atteint  un  but.  La  plaine  où  on  a  cons- 
truit ce  poste  est  encadrée  parle  djebel  Morghad  et  le  djebel 
El-Haïrech  au  N.-W.,  le  djebel  Aïssa  au  N.-E.,  le  djebel  Mek- 
ter,  qui  culmine  au  Ras  Chergui  (^2061  m.),  au  Sud.  Ces  mon- 
tagnes, souvent  couvertes  de  neige  en  hiver,  portent  quelques 
genévriers  oxycèdres  et  des  thuyas.  Les  casernes  d'Aïn-Sefra, 
de  style  mauresque,  ont  des  vérandas  bien  appropriées  au 
climat.  Tout  est  d'ailleurs  militaire  ici,  depuis  la  poste  et  le 
télégraphe,  tenus  par  des  soldats,  jusqu'à  la  chapelle,  dédiée 
à  Notre-Dame  des-Armées,  et  où  se  voient  des  fresques  dues 
à  quelque  légionnaire,  représentant  saint  Georges  et  Jeanne 
d'Arc,  et  auxquelles,  faute  de  mieux,  il  faut  savoir  gré  de  leurs 
bonnes  intentions.  Dans  le  Sud  Oranais,  les  postes  que  nous 
occupons  sont  artificiels,  créés  par  notre  seule  volonté.  C'est, 
avec  la  grande  altitude  qui  rend  le  climat  très  froid,  la  carac- 
téristique de  ces  centres. 

En  avant  du  djebel  Mekter  s'étendent  les  dunes,  longues  de 
15  à  20  kilomètres,  auxquelles  la  redoute  est  adossée.  Ces 
dunes,  semblables  à  celles  que  l'on  voit  à  Bou-Saàda  et  sur 
toute  la  lisière  nord  de  l'Atlas  Saharien,  résultent  de  la  désagré- 
gation sur  place  des  grès.  Elles  sont  d'une  magnifique  couleur 
d'or  rouge,  et  mettent  dans  le  paysage  une  note  imprévue  et 
éclatante  qu'on  n'oublie  pas  lorsqu'on  l'a  une  fois  vue.  Elles 
semblent  se  lancer  à  l'assaut  de  la  redoute  et  menacer  de 
l'engloutir,  et  elles  la  menacent  en  effet.  Lorsque  le  vent 
souffle  du  Sud,  il  apporte  le  sable  en  grandes  quantités  dans 
les  rues  et  sur  les  places  d'Aïn-Sefra,  où  on  y  enfonce  jusqu'à 
la  cheville.  On  a  entrepris  de  lutter,  et  de  fixer  le  sable  par  des 
plantations. 

Avec  quel  amour,  quels  soins  maternels  les  officiers  du 
bureau  arabe  soignent  ces  plantations,  c'est  ce  qu'on  s'ima- 
ginerait difficilement  si  l'on  ne  connaissait  la  passion  que, 
depuis  Dioctétien,  tous  les  guerriers  ont  pour  le  jardinage.  Cette 
lutte  incessante  de  l'homme  contre  la  nature  implacable  est 
d'ailleurs  une  œuvre  intéressante  entre  toutes.  En  dehors  de 
l'intérêt  supérieur  qu'il  y  a  à  préserver  Aïn-Sefra  de  l'englou- 
tissement,  l'ombre  et  la  fraîcheur  sont  dans  ces  régions  un 


lieutenant  Berriau.  Ces  Messieurs,  ainsi  que  M.  le  Conducteur  des  Ponts 
et  Chaussées  i)elagrange.  nous  ont  facilite  notre  voyage  avec  une  bonne 
grâce  dont  nous  ne  saurions  »ssez  les  remercier.  L'Iiospitalité  toujours 
cordiale  dans  ces  postes  du  Sud,  l'a  été  particulièrement  à  Aïn-Sefra. 


294  EN  ORANIE 

inappréciable  bienfait.  Aussi  est-il  défendu,  sous  des  peines 
sévères,  de  cueillir  quoi  que  ce  soit,  fût-ce  un  brin  d'herbe, 
dans  les  plantations  et  sur  la  dune.  C'est  seulement  sous  cette 
réserve  que  les  bourgeois  d'Aïn-Sefra  peuvent  aller,  le  diman- 
che, se  promener  en  famille  sous  ces  ombrages.  Tandis  que 
nous  étions  au  bureau  arabe,  on  vint  annoncer  aux  officiers 
un  vol  de  sauterelles  ;  ils  firent  aussitôt  appeler  le  «  caïd  des 
nègres  »,  ou  du  moins  le  personnage  que,  par  plaisanterie,  on 
décore  de  ce  nom,  et  celui-ci  à  son  tour  convoqua  un  orchestre 
de  casseroles  et  de  vieux  bidons  ;  durant  toute  la  chaude 
après-midi,  ces  grands  enfants,  heureux  de  faire  du  bruit,  se 
promenèrent  à  travers  les  plantations,  chantant,  criant  et 
battant  du  tambour,  pendant  que  les  sauterelles  épouvantées  ' 
(on  le  serait  à  moins),  se  détournaient,  respectant  les  jeunes 
et  précieuses  verdures. 

On  sait  comment  on  procède  pour  fixer  les  sables  :  on  répand 
d'abord  une  épaisse  couche  de  fumier,  puis  on  fait  des  semis 
d'orge,  et,  lorsque  le  sol  est  un  peu  moins  meuble,  on  plante 
des  arbres.  Les  résultats  obtenus  par  les  officiers  sont  fort 
beaux,  et  leurs  plantations  de  pleupliers,  de  saules,  d'arbres  de 
toutes  sortes,  dont  ils  sont  justement  fiers,  leur  font  le  plus 
grand  honneur.  Mais,  ainsi  qu'ils  le  constatent  eux-mêmes, 
ces  plantations  consomment  une  quantité  d'eau  sans  cesse 
croissante,  et  les  ressources  dont  on  dispose  à  cet  égard  sont 
limitées.  Cependant  le  sable  progresse,  et  on  voit  des  peupliers 
dont  la  tète  seule  émerge  de  la  dune,  ce  qui,  entre  parenthèses, 
produit  un  effet  assez  singulier.  Bien  qu'il  ne  soit  pas  permis  à 
un  simple  passant  d'émettre  à  ce  sujet  une  opinion  motivée,  il 
nous  semble  que,  pour  réussir  et  triompher  de  la  dune,  i^ 
faudrait  l'empêcher  de  s'alimenter,  de  se  ravitailler  pour  ainsi 
dire.  Or,  son  point  d'origine  est  vers  le  sud-ouest,  et  ce  sont 
les  vents  d'ouest  qui  la  font  progresser  dans  la  direction 
d'Aïn-Sefra.  Maintenant  qu'on  a  couru  au  plus  pressé  en  éta- 
blissî^nt  de  la  végétation  au  voisinage  môme  du  poste,  il  faudrait 
prendre  la  dune  par  l'autre  bout  et  tâcher  d'y  faire  pousser 
quelques  graminées,  sans  arrosage  bien  entendu. 

Ces  questions  sont  d'ailleurs  insuffisamment  étudiées,  et 
mériteraient  pourtant  de  l'être  davantage.  On  va  un  peu  à 
l'aventure.  MM.  Mathieu  et  Trabut  signalaient  en  1888  la 
nécessité  de  guider  l'évidente  et  souvent  touchante  bonne 
volonté  des  ofliciers  des  postes,  et  indiquaient  diverses  brochu- 


EN  ORANIE  295 

res  dont  il  conviendrait  de  les  munir  (1).  Depuis  lors,  M.  le 
commandant  Godron  a  fait  paraître  une  note  intéressante  sur 
Les  dunes  sahariennes  et  leur  immobilisation  (2).  Peut-être 
pourrait-on  aussi  retirer  d'utiles  renseignements  de  ce  qui  se 
fait  pour  la  fixation  des  dunes  dans  le  Turkestan  russe  ; 
signalons  notamment  le  saxaoul  {Haloxylon  ammodendron}, 
qui  rend,  parait-il,  de  précieux  services  dans  les  sables  du 
pays  Transcaspien.  Le  gouvernement  général  devrait  encou- 
rager des  recherches  dans  cet  ordre  d'idées. 

Nous  sommes  montés  sur  la  dune,  d'où  l'on  jouit  d'une  très 
belle  vue,  et  où  l'on  saisit  très  bien  sur  place  la  décomposition 
du  grès  rouge.  Au  soleil  coucliant,  les  sables  prennent  un 
magnifique  éclat  ;  des  ombres  d'un  bleu  intense  s'y  détachent 
avec  une  netteté  surprenante,  pendant  que  les  montagnes 
environnantes  prennent  d'admirables  colorations  roses  et 
violettes.  Nous  étions  assis  depuis  un  instant  au  sommet  de 
la  dune,  contemplant  ce  spectacle,  lorsqu'un  léger  bruit 
nous  fit  retourner  :  c'était  une  vipère  à  cornes,  sur  laquelle 
nous  avions  failli  nous  asseoir  et  qui  rentrait  en  sifflant  dans  un 
trou  des  grès.  Mes  lecteurs  croiront  sans  peine  que  cette 
rencontre  nous  fit  passer  un  petit  frisson. 

La  nuit  est  plus  belle  que  les  jours  sous  ces  latitudes.  La 
voûte  céleste,  d'un  bleu  noir,  semble  arrondie  comme  une 
coupole  ;  au  firmament,  les  étoiles  brillent  d'un  éclat  que  nos 
cieux  du  Nord  ne  connaissent  pas  : 


La  Nuit  tire  du  fond  de  gouffres  inconnus 
Son  filet  où  luit  Mars,  où  rayonne  Vénus, 
Et,  tandis  que  les  heures  sonnent. 
Ce  filet  grandit,  monte,  emplit  le  ciel  des  soirs, 
Et  dans  ses  mailles  sombres  et  dans  ses  réseaux  noirs 
Les  constellations  frissonnent. 


Nous  nous  étions  éloignés  dans  la  campagne  pour  jouir  en 
paix  de  ce  spectacle.  En  rentrant  dans  Aïn-Sefra,  où  toute  la 
garnison  est  en  liesse  ce  soir  du  dimanche  de  Pâques,  nous 
entendons  sortir  d'un  cabaret  une  chanson  douce  et  mélan- 


M.,     (1)  Mathieu  et  Trabut,  Rapjj.  de  mission,  p.  48, 
m     (2)  8%  Alger,  1892. 


296  EN   ORANIE 

colique  ;  c'est  un  lied  allemand  que  chantent  à  la  tierce  des 
légionnaires,  sans  doute  des  Alsaciens  : 

Ilerz,  meiii  Herz,  warum  so  traurig? 
Herz,  mein  Herz,  was  fehlt  demi  dir  ? 
S'isl  so  schôn  im  freniden  Lande  1(1) 

Oh  !  la  chanson  des  légionnaires  d'Aïn-Setra  !  C'est  à  coup 
sûr  l'impression  la  plus  inoubliable  de  mon  voyage  que  celle 
de  ces  petits  soldats  dépaysés  chantant  aux  confins  du 
désert  le  vieil  air  germanique  appris  là-bas,  sur  les  bords 
du  Rhin. 

Le  lendemain,  nous  faisons  l'excursion  classique  à  Tiout. 
Nous  partons  de  grand  matin,  dans  la  plaine  encore  fraîche, 
toute  fleurie  de  genêts  blancs  (reiem),  encadrés  de  nos  spahis 
qui  font  s'ébrouer  leur  chevaux.  On  se  grise  vraiment  d'espace 
et  d'air  pur  à  travers  ces  solitudes.  On  sent  tout  ce  qu'il  y  a 
d'artificiel  dans  notre  vie  de  citadins,  et  l'on  se  prend  à 
approuver  les  malédictions  du  Prophète  contre  les  sédentaires, 
leurs  maisons  et  leurs  charrues.  Cette  séduction  du  grand  Sud 
s'est  exercée  sur  tous  ceux  qui  l'ont  vu.  «  Il  y  a  des  jours,  dit 
Masqueray,  où  l'on  n'imagme  pas  de  plus  belle  vie  que  celle 
du  nomade,  se  déplaçant  au  gré  des  saisons  avec  sa  tente  et 
ses  troupeaux.  » 

En  deux  endroits,  au  Djebel  Mahisserat  (rocher  Carmillé),  à 
8  kilomètres  environ  d'Aïn-^efra,  et  dans  l'oasis  même  de 
Tiout,  nous  avons  pu  voir  des  sculptures  rupestres  fort  inté- 
ressantes. Les  sculptures  de  Tiout  ont  été  signalées  dès  1847 
par  le  docteur  Jacquot,  celles  du  djebel  Mahisserat  en  1889  par 
le  docteur  Bonnet.  Ces  dernières  sont  les  plus  intéressantes  ; 
elles  ont  été  entourées  d'une  grille  par  les  soins  de  M.  Jules 
Cambon,  pour  les  préserver  des  dégradations  ultérieures  :  on 
nous  conte  que,  par  une  singulière  ironie,  un  Espagnol  avait 
trouver' bon  de  venir  se  loger  à  l'intérieur  de  cette  grille, 
jugeant  qu'elle  l'abritait  avantageusement  des  rôdeurs  et  des 
animaux;  on  le  lit  déguerpir,  à  son  grand  étonnement.  Sur  le 
rocher  Carmillé  sont  sculptés  des  éléphants  et  un  lion,  sur  le 


(1)  Mon  cœur,  ô  imn  cœur,  pouri[uoi  es-tu  si  triste?  Mon  cœur,  ô 
mon  cœur,  que  le  manque-t  il  ?  Elle  est  si  belle,  la  terre  étrangère. 
Oui,  mais  ce  n'est  i»as  la  patrie. 


EN   ORANIE  297 

rocher  de  Tiout  une  scène  de  chasse.  Les  dessins  préhisto- 
riques, tant  par  la  patine  et  le  caractère  du  dessin  que  par  la 
nature  des  scènes  représentées,  ne  peuvent  en  aucune  façon 
être  confondues  avec  les  autres  inscriptions,  visiblement  très 
postérieures,  même  les  libyco  -  berbères .  Les  sculptures 
anciennes  ont  un  véritable  caractère  artistique  ;  celles  du 
rocher  Carmillé  sont  à  cet  égard  supérieures  à  celles  de  Tiout. 
M.  G.  B.  M.  Flamand,  dont  on  connaît  la  grande  compétence 
pour  toutes  les  choses  du  Sud,  a  commencé  l'étude  de  ces 
sculptures  rupestres(l),  étude  qu'il  est  plus  apte  que  personne 
à  mener  à  bonne  fin.  Il  a  exécuté  au  Mahisserat  des  fouilles 
qui  lui  ont  fait  découvrir  divers  objets  de  l'industrie  néoli- 
thique. Il  nous  donnera  sans  doute  un  jour  un  Corpus  des 
«  pierres  écrites  »  (2). 

A  Tiout,  nous  sommes  reçus  par  l'agha  Si  Moulay.  Avec  ce 
sentiment  de  la  nature  et  de  la  mise  en  scène  qu'ont  les 
indigènes  algériens,  Si  Moulay,  venu  au  devant  de  nous  à 
cheval,  nous  mène  directement  vers  le  barrage  ;  là,  sur  les 
bords  de  l'eau  verte,  au  milieu  des  jardins,  une  superbe 
tente  à  bandes  bleues,  vertes  et  rouges  a  été  dressée  par  ses 
serviteurs.  Les  palmiers  élèvent  autour  de  nous  leurs  panaches 
grêles  ;  à  leur  ombre  poussent  des  vignes,  des  amandiers, 
des  figuiers.  Le  bassin  que  forme  le  barrage  jeté  sur  le  ruisseau 
disparait  sous  les  roseaux  et  les  herbes  aquatiques.  Le  cadre 
e.st  superbe.  Une  somptueuse  difta  nous  attend  et  l'on  nous 
sert  successivement  le  méchoui  qu'on  déchire  avec  les  mains, 
puis  la  cherba,  les  boulettes  de  viande,  le  couscouss,  enfin 
le  café  et  le  thé. 

La  famille  de  Si  Moulay  est  originaire  de  Miliana  (il  descend 
du  célèbre  Sidi  Ahmed  ben  YoussefJ  et  a  des  attaches  à 
Tlemcen.  Il  n'a  rien  d'un  Arabe  ;  gros,  un  peu  asthmatique, 
on  dirait  un  négociant.  Très  fidèle  et  fort  habile,  il  a  rendu  à  la 
France  de  grands  services,  dont  ou  vient  de  le  récompenser 


(1)  G.  B.  M.  Flamand,  Les  premiers  habitants  des  Hauts-Plateaux 
et  du  Sahara  Algérien,  d'après  les  monuments  rupestres.  (Congr.  de 
Géographie  d'Alger,  1899,  p.  207.) 

(2)  Quoique  nous  n'ayons  pas  qualité  pour  nous  prononcer  sur  ce 
point,  après  un  examen  nécessairement  très  rapide,  et  ne  nous  a  pas 
paru,  à  mon  compagnon  et  à  moi,  que  la  femme  qui  lève  les  mains  au 
ciel  dans  la  scène  de  chasse  de  Tiout  manifestât  un  sentiment  quelconque 
d'adoration,  comme  le  prétend  M.  Flamand,  mais  plus  simplement  son 
étonnement  ou  sa  joie  de  voir  le  chasseur  tuer  des  animaux t 


298  EN  ORANIE 

par  la  croix  de  la  Légion  d'honneur.  Il  est  bon  qu'on  sache 
dans  le  Sud  qu'il  y  a  plus  de  profit  à  nous  être  dévoué  et  à 
nous  servir  qu'à  nous  combattre  et  à  nous  haïr, 

Tiout  a  80  habitants  et  5  à  600  palmiers.  C'est  un  assez 
pauvre  ksar,  mais,  comme  nous  le  fait  remarquer  Si  Moulay, 
il  est  d'une  propreté  remarquable,  ce  qui  est  fort  exceptionnel. 
Les  indigènes  parlent  encore  berbère,  en  partie  du  moins. 
Je  retrouve  chez  eux  le  type,  qui  m'est  familier,  des  indigènes 
des  Ziban  et  de  Tolga,  soit  qu'une  même  race  ait  peuplé  ces 
oasis,  soit  plutôt  qu'un  type  identique  résulte  d'un  léger 
mélange  de  sang  noir,  de  la  vie  à  l'ombre,  de  la  fièvre. 
Tous  ces  ksouriens  en  effet  ont  le  teint  terreux,  et  la  plupart 
souffrent  de  la  malaria  ;  dans  le  Sud,  le  voisinage  des  arbres 
et  de  l'eau,  s'il  réjouit  la  vue,  est,  comme  on  sait,  une  cause 
d'insalubrité. 

D'Aïn-Sefra  à  Duveyrier,  terminus  actuel  du  chemin  de  fer, 
la  voie  se  détourne  d'abord  dans  la  direction  de  l'E.,  pour 
contourner  le  Djebel  Mekter.  Au  milieu  de  la  plaine  se  dressent 
des  terrains  de  grès  rouges,  sous  forme  de  gours  allongés 
(delaaj  (1)  :  ce  sont  ceux-là  même  sur  lesquels  sont  gravées 
les  sculptures  rupestres.  Ces  grès  rouges  constituent  en  partie 
les  montagnes  qui  encadrent  la  voie  ;  ils  ont  tous  à  la  surface, 
par  suite  de  l'oxydation  par  les  agents  atmosphériques,  une 
patine  noirâtre  qu'on  ne  saurait  mieux  comparer  qu'à  une 
couche  de  cirage.  Et  l'on  songe  au  mot  d'Hérodote  :  «  Le  soleil 
brûle  les  hommes  et  le  fond  même  de  la  contrée  ».  Au  flanc 
du  Djebel  Mekter  se  montre  un  pointement  gypso-salin 
triasique  La  voie  passe  entre  les  deux  éperons  jurassiques 
du  djebel  Mekter  et  du  djebel  Djara,  et,  après  Aïn-el-IIadjadj, 
les  grès  font  place  aux  calcaires  et  aux  dolomies.  On  pénètre 
ensuite  dans  la  large  et  belle  vallée  de  l'oued  Rouïba,  branche 
supérieure  de  l'oued  Namous  ;  il  y  a  de  l'eau,  de  la  végétation, 
de  beaux  betoums  ;  bien  que  nous  voyions  cette  plaine  au  plus 
beau  -moment  et  que  ce  moment  soit  assez  fugitif,  celte  région, 
grâce  aux  pluies  et  aux  neiges  qui  se  déversent  sur  l'Atlas 
Saharien,  est  certainement  moins  désolée  que  la  steppe  des 
Chotts  et  renferme  de  beaux  pâturages.  La  plaine  est  un  tapis 
de  fleurs  ;  près  de  la  station  de  Rouïba  notamment,  nous 
cueillons  d'admirables  fleurs  roses  appelées  guiz  {Scorzonera 


U)  Flamand,  p.  211. 


EN  ORANIE  299 

Alexandrina).  On  rencontre  toujours  les  mêmes  grès  noirs  et 
cirés,  qui  se  découpent  souvent  en  rochers  ruiniformes,  et  qui, 
jusqu'à  Duveyrier,  dominent,  alternant  seulement  çà  et  là  avec 
des  calcaires  jurassiques,  d'aspect  tout  différent.  Après  avoi 
laissé  dans  l'E.  le  djebel  Bou-Leghfàd,  on  s'engage  dans  les 
gorges  de  Moghrar,  la  partie  la  plus  pittoresque  du  trajet,  par 
lesquelles  on  descend  vers  un  nouveau  couloir  allongé,  appelé 
El-Feidja,  comme  celui  qui  aboutit  à  Aïn-Sefra  ;  on  passe  par 
ce  couloir  de  la  vallée  de  l'oued  Namous  dans  le  bassin  de  la 
Zousfana  ;  à  l'W.  se  dressent  le  Mir-el-Djebel  et  le  djebel  Mzi, 
entre  lesquels  passe  la  route  directe  d' Aïn-Sefra  par  le  col 
de  Founassa. 

Djenien-bou-Rezg,  qu'on  a  parfois  présenté  comme  un 
objectif  à  atteindre  et  qui  fut  quelque  temps  le  terminus  de  la 
ligne,  est  une  bien  misérable  localité.  Le  bureau  arabe,  la 
redoute,  deux  ou  trois  mercantis,  quelques  palmiers  souffreteux, 
tout  cela  d'une  pauvreté  dont  on  ne  peut  se  faire  une  idée  avant 
de  l'avoir  vu,  c'est  tout  Djenien.  Toutes  ces  oasis  de  montagne 
du  Sud  Oranais  sont  d'ailleurs  peu  brillantes,  car  la  végétation 
y  est  entravée  à  la  fois  par  le  froid  de  l'hiver  et  par  la  sécheresse 
de  l'été.  On  rencontre,  après  Djenien,  d'assez  curieux  talus 
d'argiles  verdàtres.  Le  lit  de  TOued-Dermel,  que  suit  la  voie, 
montre  une  assez  belle  végétation,  une  rctbah.  Puis  les  grès 
font  de  nouveau  place  aux  calcaires.  Dans  l'W.,  on  voit  une 
superbe  chaîne,  celle  des  Beni-Smir,  dont  l'altitude  dépasse 
2.000  m.,  et  dont  le  profil  dentelé  à  l'horizon  rappelle  le 
Djurdjura  ;  c'est,  paraît-il,  une  belle  région,  avec  des  forêts  de 
cèdres  et  des  eaux  abondantes.  Et  l'on  atteint  enfin,  non  sans 
avoir  quelque  peu  déraillé,  le  terminus  provisoire  du  chemin 
de  fer,  le  lieu  dit  Ez-Zoubia,  le  fumier,  auquel  on  a  donné  le 
nom  de  Duveyrier. 

Duveyrier  est  à  572  kil.  d'Arzeu,  à  118  kil.  d' Aïn-Sefra,  à 
18  kil.  de  Figuig,  à  environ  250  kil.  d'Igli,  à  une  altitude  de 
864  mètres.  C'est  un  camp  occupé  par  des  tirailleurs.  Il  n'y 
a  rien  à  Duveyrier,  absolument  rien,  pas  même  un  pauvre 
bouquet  de  palmiers  comme  à  Djenien  bou-Rezg.  J'ai  lu  quel- 
que part,  si  grandes  sont  les  illusions  des  coloniaux  en  chambre, 
que  ce  nom  de  Zoubia  était  d'un  bon  augure  pour  l'agriculture  : 
je  ne  souhaite  à  personne  daller  faire  de  l'agriculture  à 
Duveyrier. 

Nous  montons  sur  le  Ras-ed-Dib,  petit  mamelon  situé  à 


300  EN   ORANIE 

1  kil.  à  rw.  du  camp.  Un  tirailleur  nous  accompagne  ;  il  a, 
ainsi  que  tous  ses  camarades,  des  lunettes  noires,  indispensa- 
bles pour  protéger  la  vue  contre  la  lumière  aveuglante.  Nous  y 
ramassons  des  plaquettes  de  calcaire  toutes  pétries  de  polypiers 
jurassiques.  Du  haut  de  cette  petite  éminence,  on  aperçoit  très 
bien  les  palmiers  de  la  première  des  oasis  de  Figuig,  Hammam- 
Foukani,  dominée  par  le  Djebel-Grouz  et  le  Djebel-Maïz  ;  avec 
une  lorgnette,  nous  distinguons  parfaitement  les  tentes  de 
Bou-Amama  :  200  environ,  qui  forment  une  ligne  grise  en 
avant  des  palmiers  de  l'oasis. 

* 
*  * 

LA  QUESTION  DU  TOU AT  &  LE  COMMERCE  DU  SUD 

Je  ne  saurais  me  dispenser,  en  terminant,  de  dire  quelques 
mots  de  la  question  du  Touat  et  du  commerce  du  Sud.  Cepen- 
dant on  a  déjà  tant  écrit  sur  celte  question,  qu'on  ne  voit 
pas  la  nécessité  d'ajouter  un  «  numéro  »  à  cette  littérature 
surabondante.  On  s'efforcera  donc  d'être  très  bref. 

Il  me  parait  évident  que  l'occupation  des  oasis  du  Touat 
s'imposait  ;  il  me  parait  évident  aussi  qu'elle  aurait  pu  être 
efTectuée  à  moins  de  frais,  et  que,  ainsi  que  me  le  disait  un 
indigène  «  les  Français  dépensent  au  Touat  en  un  jour  plus 
que  les  oasis  ne  rapportent  en  un  an  ».  Un  article  bien  informé, 
signé  Sartay  (1),  signale  à  juste  titre  «  les  folies  que  nous  ont 
fait  dépenser  des  millions  sans  compter,  pour  faire  promener 
des  troupes  dans  le  Sahara,  et  arriver  à  ce  piètre  résultat  de 
ne  pas  savoir  encore,  deux  ans  après  la  conquête  d'Insalah, 
quelle  organisation  on  donnera  à  ces  oasis  sahariennes  dont 
cependant  l'occupation  était  décidée  en  principe  depuis  plus  de 
dix  ans  ».  Il  n'y  a  pas  là  de  quoi  être  bien  fiers  :  on  le!sera'de 
moins  en  moins  à  mesure  qu'on  connaîtra  mieux  le  détail  de 
ces  événements,  encore  enveloppés  d'un  certain  mystère,  et 
surtout  le  montant  de  la  carte  à  payer. 

Le  but  à  atteindre,  en  ce  qui  concerne  les  oasis  sahariennes, 
est  la  suppression  des  troupes  européennes,  à  l'exception  de 
quelques  officiers  résidents,  et  la  diminution  aussi  complète 


([)Bull.  Réun.  Et.  algér.,  1901. 


EN  ORANIE  301 

que  possible  des  ravitaillements.  Pour  cela,  il  faut  constituer 
une  troupe  spéciale  d'occupation,  destinée  à  vivre  unique- 
ment sur  les  ressources  du  pays.  Pour  éviter  le  retour  des 
rivalités  entre  les  trois  provinces,  il  conviendrait  aussi  de 
constituer  un  territoire  militaire  saharien,  obéissant  à  une 
impulsion  unique,  analogue  à  ceux  qu'on  a  constitués  dans  le 
Soudan  français  et  dans  la  région  du  Tchad.  Cette  situation 
aura  en  outre  l'avantage  de  nous  permettre  de  nous  rendre  un 
compte  exact  de  ce  que  nous  coûte  le  Sahara  et  de  faire  d'une 
manière  plus  fructueuse  la  balance  des  profits  et  des  pertes  (1). 

Enfin,  pour  que  l'occupation  des  oasis  du  Sud-Ouest  porte 
ses  fruits,  il  est  indispensable  qu'elle  soit  étendue  jusqu'à 
rOued-Guir.  MM.  de  la  Martinièreet  Lacroix  avaient  pressenti 
qu'il  serait  impossible  de  prendre  le  fossé,  c'est-à-dire  l'Oued 
Zousfana-Saoura,  sans  se  rendre  maître  en  même  temps  du 
talus  qui  le  domine,  c'est-à-dire  le  pays  des  Ouled-Djerir  et 
des  Douï-Menia.  Ces  dernières  tribus  seules  peuvent  consti- 
tuer pour  nous  un  rideau  et  un  moyen  de  défense  contre  les 
Beraber  et  les  Rehamna,  qui,  à  un  certain  moment,  ont  si 
dangereusement  menacé  nos  postes.  D'après  ce  qu'on  peut 
savoir  des  récentes  conventions  avec  le  Maroc,  ce  résultat, 
grâce  au  bonheur  et  à  l'habileté  de  M.  Delcassé  et  de  M.  Revoit, 
peut  être  considéré  comme  acquis. 

Quant  au  point  de  vue  commercial,  dont  on  a  cru  bon  de 
colorer  une  occupation  purement  militaire  et  politique,  la 
première  impression,  qui  est  quelquefois  la  bonne,  est  qu'il 
n'y  a  rien  à  faire  dans  ces  régions  désolées.  Les  distances  sont 
trop  grandes,  les  populations  trop  clairsemées  et  trop  misé- 
rables. La  question  de  détaxe  douanière,  si  intéressante  dans 
le  Tell,  a  beaucoup  moins  d'intérêt  dans  le  Sud,  par  suite  de 
la  faible  capacité  de  consommation  du  pays.  Les  entrepôts 
francs  n'ont  pas  grande  chance  de  succès  dans  ces  régions  ; 
on  a  supprimé,  je  crois,  celui  d'El-Aricha  :  ceux  de  Djenien- 
bou-Rezg  et  d'El-Abiod-Sidi-Gheikh  ne  vont  guère  mieux.  Les 
Délégations  financières  (2)  proposaient  de  reporter  vers  le 
Nord  la  ligne  de  douane  et  de  la  placer  à  Aïn-Sefra  au  lieu  de 
Djenien  :  on  ne  voit  pas  bien  ce  qu'on  y  gagnerait. 


CD  J'ai  examiné  cet  aspect  de  la  question  dans  L'Année  Coloniale 
de  1900. 
(2)  Proc.  Verb.,  1899,  p.  720. 

31 


302  EN   ORANIE 

Quant  au  chemin  de  fer,  il  ne  fait  pas  des  affaires  bien  bril- 
lantes, et  la  plus  grande  partie  du  trafic  qu'il  a  est  purement 
artificiel,  dû  au  transport  de  matériaux  pour  la  continuation 
de  la  ligne  et  au  ravitaillement  des  troupes  de  l'Extrême-Sud. 
Comme  le  faisait  remarquer  dansVEdio  d'Oran  (1)  le  corres- 
pondant qui  signe  «  Jean  de  Saïda  »,  les  dépenses  de  cons- 
truction et  les  frais  d'exploitation  seront  de  plus  en  plus 
élevés  à  mesure  qu'on  s'avancera  vers  le  Sud,  puisqu'il  faudra 
transporter  de  plus  en  plus  loin  les  matériaux,  et  qu'on  verra 
croître  les  difficultés  d'alimentation  en  charbon  et  en  eau.  La 
question  changerait  évidemment  de  face  si  l'on  rencontrait 
dans  la  région  de  l'Oued  Saoura  de  la  houille  exploitable  ;  cela 
n'est  pas  impossible,  mais  nullement  certain  non  plus,  puis- 
qu'on n'y  a  trouvé  jusqu'ici  que  le  carboniférien  marin. 

Cependant  les  prévisions  de  Jean  de  Saïda  paraissent  un 
peu  pessimistes  en  ce  qui  concerne  l'évaluation  des  recettes. 
Sans  descendre  au-dessous  d'un  chiffre  raisonnable,  ni  vouloir 
transporter  gratuitement  voyageurs  et  marchandises,  comme 
on  le  voudrait  parfois  en  Algérie,  il  semble  qu'en  appliquant 
des  tarifs  de  8  à  10  centimes  la  tonne  kilométrique  on  puisse 
espérer  voir  le  commerce  des  oasis,  importation  de  grains, 
sucre,  thé,  café,  quincaillerie,  objets  manufacturés  divers, 
exportation  de  dattes  et  de  sel,  passer  par  le  chemin  de  fer. 
Le  transport  d'Oran  aux  oasis  par  voie  ferrée  pourrait  revenir 
à  environ  100  francs  la  tonne,  alors  que  les  transports  par 
chameaux  coûtent  environ  '200  francs  la  tonne.  Les  habitants 
de  Figuig  renonceraient  dès  lors  à  acheter  à  Oudjda  ou  à 
faire  venir  à  dos  d'animaux,  avec  un  parcours  de  plusieurs 
semaines  dans  une  région  peu  sûre,  des  marchandises  anglaises 
débarquées  à  Melila,  plutôt  que  d'acheter  celles  que  le  chemin 
de  fer  du  SudOranais  apporte  à  quelques  kilomètres  d'eux. 
Bien  plus,  on  peut  espérer  ravitailler  également  le  Tafilelt  et 
faire  une  concurrence  fructueuse  à  la  voie  de  Fez-Ksabi  ech 
Cheurfa.  Les  distances  sont  grandes,  dira-t-on,  et  les  frais 
considérables  ;  assurément,  mais  les  distances  et  les  frais  sont 
également  très  élevés  par  les  voies  concurrentes.  Remarquons 
en  outre  que  les  bénéfices  du  commerce  avec  les  oasis  peuvent 
être  très  élevés,  80  à  85  o/o,  à  ce  qu'il  parait. 


(1)  1"  Avril  190J; 


EN   ORANIE  303 

Il  y  a  donc  quelque  chose  à  tenter  et  à  espérer.  Mais  il  ne 
faut  pas  se  faire  trop  d'illusions  sur  l'importance  du  commerce 
du  Touat,  même  si  l'on  y  joint  celui  du  Tafilelt.  Quant  au 
commerce  transsaharien,  poudre  d'or  ou  plumes  d'autruche, 
c'est  un  leurre,  un  pur  mirage,  qui  reculera  devant  nous 
indéfiniment.  Ce  mirage,  nous  l'avons  poursuivi  de  Biskra  à 
Laghouat,  puis  à  Ouargla,  enfin  à  Insalah  ;  il  s'éloignera  de 
nouveau  aussitôt  que  nous  voudrons  le  saisir.  Les  marchan- 
dises du  Soudan  qui  arrivent  jusqu'au  Touat  et  représentent 
l'ancien  commerce  de  transit  sont  en  quantité  insignifiante. 
La  seule  qui  puisse  supporter  les  frais  d'un  pareil  voyage 
ne  trouve  pas  acheteur  chez  nous  :  c'est  le  bois  d'ébène, 
l'esclave. 

Après  mon  excursion  dans  le  Sud,  je  reste  plus  convaincu 
que  jamais  que  le  Sahara  n'est  pas  la  route  du  Soudan,  pas 
plus  dans  l'Oranais  qu'ailleurs,  bien  que  la  paroisse  d'Aïn- 
Sefra,  par  suite  d'une  plaisanterie  de  cet  ironiste  supérieur 
qu'était  le  cardinal  Lavigerie,  ait  dépendu  pendant  quelques 
années  du  «  diocèse  de  Tombouctou  ».  Oran,  Tlemcen  et 
Marnia,  au  lieu  de  se  jalouser  réciproquement,  doivent  com- 
biner leurs  efforts  pour  nous  ouvrir  le  Maroc  ;  elles  ont 
chacun  leur  rôle  bien  défini  :  Oran  est  le  port  d'importation, 
Tlemcen  le  grand  centre  indigène  et  le  marché  de  l'intérieur, 
Marnia  le  point  de  sortie.  Du  haut  du  magnifique  belvédère  que 
forment  les  remparts  de  Tlemcen,  si  l'on  regarde  vers  l'Ouest, 
on  a  devant  soi  une  vaste  plaine  qui  se  continue  jusqu'aux 
lointains  bleuâtres  de  l'horizon  ;  cette  plaine,  qui  va  jusqu'à 
Fez  et  jusqu'à  l'Atlantique,  est  la  véritable  porte  du  Maroc  du 
côté  de  l'Algérie  :  il  n'y  en  a  pas  d'autre. 


AUGUSTIN  BERiNARD. 


SOCIÉTÉ  BEGÉocRAPmE         CONGRÈS  NATIONAL 

&  D'ARCHÉOLOGIE  jjj,g  gociÉTÉS  FRANÇAISES  DE  GÉOGRAPHIE 

d'oran  XXIII"  SKSSION.   —  ORAN 


DU  1"  AU  5  AVRIL  1902 

CiRCOLAiRB  N»  4  Sous  la  ppèsidencB  de  Kl.  HANOTAUX,  Membre  de  l'Académie  Française 

QUESTIONNAIRE  PROVISOIRE'' 

A.  —  GÉOGRAPHIE   GÉNÉRALE 

I.  —  QUESTIONS  PROPOSÉES  A  LA  DISCUSSION 

1.  —  Proposition  et  vœux   relatifs  à  l'heure  légale  et  aux 

mesures  du  temps  et  des  angles. 

Société  de  Géographie  de  Lille  :  M.  Ernest  Nicolle, 
président  de  la  Société. 

2.  —  De  l'emploi  des  projections  lumineuses  dans  l'ensei- 

gnement de  la  géographie  et  des  moyens  de  le  propager 
efficacement. 

Société   de    Géographie    d'Oran  :    M.    Henry    Gillot, 
pi'ofesseur  agrégé  au  Lycée  d'Oran, 

IL  —  COMMUNICATIONS 

1.  —  Le  cimetière  préhistorique  de  Chamblandes,  près  Lau- 
sanne. 

Société  de  Géographie  de  Neufchâtel  (Suisse)  : 
M.  le  Docteur  Gross,  de  Neuveville  (canton  de 
Neufchâtel). 

B.    -    GÉOGRAPHIE    RÉGIONALE    ET    COLONIALE 

I.  —  QUESTIONS  PROPOSÉES  A  LA  DISCUSSION 

1.  —  L'assimilation  des  Arabes  est-elle  possible  ? 

Société    de    Géographie     d'Oran  :    M.    Paul    Azan, 
lieutiniaiit  au  2'"''  Zouaves. 

2.  —  Les  ports  de  l'Oranie. 

Société  de  Géographie  d'Oran  :  M.  Augustin  Bernard, 
professeur  ù  l'Ecole  Supérieure  des  Lettres  d'Alger. 

3.  —  La  pénétration    commerciale  et  pacifique  dans    l'Est 

marocain. 
a.)  Zone  franche  de  la  frontière  marocaine. 
J>.)  Le  chemin    de    fer    direct    d'Oran  au   Maroc  par 

Aïn-Temouchent,  à  voie  étroite. 
c.)  Le  port  de  commerce  de  Rachgoun. 

Société  de  Géographie  d'Oran  :  M.  Milsom,  ingénieur 
civil  des  Mines,  à  Jieni-Saf. 

4.  —  Qu'est  devenue  la  tentative  de  colonisation  par  les  enfants 

abandonnés  du  département  de  la  Seine  ?  —  De  telles 
entreprises  doivent-elles  être  encouragées  ?  Les  sacri- 


(1)  Il  sera  établi,  s'il  y  a  lieu,  un  supplément  à  ce  questionnaire. 


CONGRÈS  DE  1902.  —  QUESTIONNAIRE  PROVISOIRE        305 

fices  sont-ils  hors  de  proportion  avec  les  résultats  ou, 
au  contraire,  la  colonisation  y  gagne-t-elle  ? 
France  Colonisatriee  de  Rouen:  M 

II.  —  COMMUNICATIONS 

i.  —  Pourquoi  et  comment  nous  irons  au  Maroc. 

Société    de    Géographie    d'Oran  :    M.    Paul    Azan, 
lieutenant  au  2°"'  Zouaves. 

2.  —  De  la  formation  et  de  la  classification  des  choit  algéro- 

tunisiens. 

Société  de  Géographie  d'Oran  :  M.  Bel,  professeur  à 
la  Médersa  de  Tlemcen . 

3.  —  L'Oranie  et  ses  régions  naturelles. 

Société  de  Géographie  d'Oi^an:  M.  Augustin  Bernard, 
professeur  à TEcole  Supérieure  des  Lettres  d'Alger. 

4.  —  La  voie  romaine  de  Tanger  à  Carthage. 

Société  Royale  de  Géographie  de  Madrid:  M.  Blarquès. 

5.  —  Démographie  indigène. 

Société  de  Géographie  d'Alger  :  M.  Démontés,  pro- 
fesseur au  Lycée  d'Alger. 

6.  —.Essai  d'un  atlas  algérien. 

Société  de.  Géographie  d'Alger  :  M.  Démontés,  pro- 
fesseur au  Lycée  d'Alger. 

7.  —  Le  Maroc  et  les  puissances  étrangères. 

Société  de  Géographie  d'Alger  :  M.  Mesplé,  professeur 
à  l'Ecole  Supérieure  des  Lettres  d'Alger. 

8.  —  Considérations  sur  les  indigènes,   les  étrangers  et  la 

colonisation. 

Société  de  Géographie  d'Alger  :  M.  Périé,  archiviste 
du  département  d'Alger. 

9.  —  L'œuvre  de  la  Société  civile,  nationale  et  philanthropique 

La  Colonisation  Française  dans  le  département  d'Oran. 
Société   de    Géographie   d'Oran  :    M.    Henry   Gillot, 
professeur  au  Lycée  d'Oi-an. 

10.—  Une   controverse   historique  résolue  avec  l'aide  de  la 

géographie. 
11  s'agit  de  savoir  si  les  martyrs  de  Numidie,  sous  les 

empereurs  Valérien  et  Gallien,  ont  été  envoyés  en  exil 

dans  les  mines  de  Sigus  (Constantine),  ou   de  Siga 

fOran). 
L'étude  de  la  géographie  de  là  Maurétanie  nous  prouvera 

qu'il   faut  placer    les    Metalle  Siguenses   dont  parle 

Saint-Cyprien  dans  notre  Maurétanie. 

M.  l'abbé  Fabre,  aumônier  de  inopital  civil  d'Oran. 

11.—  Nouvelle  reconstitution  de  la  Table  de  Peutinger  pour 
la  Maurétanie  Césarienne. 
Routes  et  villes  que  Peutinger  a  du  citer  dans  des  Tables 
dont    la    partie    relative    à    notre    province    d'Oran 
est  perdue. 

M.  l'abbé  Fabre,  aumônier  de  l'Hôpital  civil  d'Oran. 


ivotioe: 

SUR  DES 

II\$CR1PTI0INS  RËCIEILLIËS  A  YAGIIIT  (Sad  Oranais) 


Taghit  (prononcez  Târite)  est  un  des  nouveaux  postes 
militaires  crées  l'an  dernier  dans  l'extrême  sud  oranais  sur 
l'Oued  Zousfana;  ce  nom  est  celui  de  l'un  des  cinq  Ksour  qui 
composent  l'oasis  dite  des  «Beni-Goumi».  Celle-ci  s'étend  de 
Zaouïa-Foukania  à  Zaouïa-Tahlania  sur  une  longueur  de 
17  kilomètres  sans  interruption,  en  suivant  le  fond  de  la 
Zousfana  qui  forme  fossé  entre  l'erg  à  l'Est  et  la  hammada  à 
l'Ouest.  Le  bord  escarpé  de  la  hammada  domine  la  rive  droite 
de  l'oued  de  50  à  60  mètres  en  dessinant  des  dentelures  de 
roches  noires,  nues  et  chaotiques.  C'est  au  pied  de  ces  roches 
dans  des  parties  lisses  et  verticales  qu'on  trouve  les  inscrip- 
tions dont  il  va  être  question,  principalement  entre  Taghit  et 
Bakhti. 


««^^  1  0  Q     W} !x<3 'Vit  (. J^^<--'  à  >■  Je  .a^) 


INSCRIPTIONS   RECUEILLIES   A   TAGHIT  307 

Des  dessins  de  facture  plutôt  grossière  reproduisent  des 
formes  d'hommes  et  d'animaux,  des  oriflammes,  des  circonfé- 
rences des  palanquins  et  peut-être  d'autres  objets  qu'on  peut 
y  voir  avec  un  peu  d'imagination  (ou  y  découvrir  par  érudi- 
tion}, mais  qui  ne  sont  qu'imparfaitement  indiqués.  Par  ci, 
par  Icà,  en  lignes  horizontales,  verticales  ou  même  inclinées  on 
remarque  des  caractères  qui  semblent  être  des  signes  de 
langue  berbère. 

Enfin,  quelques  inscriptions  plus  nettes  et  plus  récentes 
d'ailleurs,  sont  en  caractères  arabes  et  certaines  se  lisent  très 
facilement;  ce  sont  en  général  des  noms  d'hommes,  des  invo- 
cations ou  des  formules  coraniques  d'usage  commun.  Malheu- 
reusement ces  caractères  d'écriture  de  l'une  ou  l'autre  langue 
sont  en  tout  petit  nombre  et  ne  peuvent  guère  sans  doute 
nous  instruire  sur  l'histoire  du  pays. 

J'ai  entendu  dire  que  des  devanciers  dans  ces  parages 
avaient  parlé  d'inscriptions  romaines  ;  c'est  une  grave 
erreur  qu'il  est  temps  de  relever,  rien  dans  les  dessins  ne 
peut  faire  supposer  l'occupation  romaine  et  depuis  10  mois 
que  je  parcours  la  région  je  n'ai  encore  trouvé  et  je  ne 
connais  personne  qui  ait  relevé  le  moindre  indice  de  la  dite 
occupation. 

A  vrai  dire,  je  crois  que  les  Romains  n'ont  jamais  senti  le 
besoin  de  venir  s'installer  dans  une  contrée  aussi  dénuée  de 
ressources;  qu'ils  aient  tenu  les  hauts-plateaux  pour  garantir 
le  Tell  contre  les  incursions  des  tribus  du  sud,  rien  de  mieux! 
mais  il  est  probable  qu'ils  n'ont  même  pas  tenté  la  moindre 
pointe  dans  la  Zousfana  où  ils  n'avaient  rien  à  faire  ni  surtout 
à  gagner.  Y  avait-il  même  des  habitants  dans  la  région  à  cette 
époque? 

Les  nombreuses  pierres  taillées  (haches,  pioches,  pointes  de 
flèche)  déjà  trouvées  le  long  de  la  Zousfana  et  de  la  Saoura 
sont  des  indices  certains  d'une  habitation  très  ancienne  mais 
rien  ne  prouve  que  celle-ci  a  été  continue  tout  au  moins  aux 
Beni-Goumi.  Les  ruines  de  Ksour  sont  fréquentes  depuis 
Taghit  jusqu'au  delà  de  Kerzaz  le  long  de  cette  remarquable 
ligne  d'eau  qui  nous  conduira  au  Niger,  mais  il  faut  remar- 
quer combien  les  agents  atmosphériques  sont  puissants  dans 
le  Sahara  et  donnent  en  peu  de  temps  à  un  heu  abandonné 
l'aspect  de  l'antiquité.  En  tout  cas,  les  vestiges  encore  visibles 
à    la    surface    du    sol    sont    arabes    et    seulement    arabes. 


308  INSCRIPTIONS  RECUEILLIES  A  TAGHIT 

J'expliquerai  d'ailleurs  plus  loin  l'origine  des  ruines  des 
Beni-Goumi. 

Passons  maintenant  à  l'examen  des  inscriptions. 

Leur  disposition  générale  est  tantôt  sous  forme  de 
«  tableaux  »  présentant  un  grand  nombre  de  dessins  sur  une 
surface  de  3  mètres  de  liauteur  environ  sur  une  largeur  qui 
va  quelquefois  jusqu'à  7  mètres,  tantôt  par  dessins  isolés  ou 
groupés  seulement  en  petit  nombre  soit  sur  la  muraille  fixe 
soit  sur  des  faces  de  blocs  tombés.  Les  planches  L  IL  IIL 
sont  des  reproductions  aussi  exactes  que  possibles  de  ce  que 
j'appelle  des  «tableaux  »  à  l'échelle  approximative  de  l/lOQc  ; 
ce  sont  les  premières  inscriptions  qu'on  trouve  en  descendant 
de  Taghit  sur  Barrebi  le  long  de  la  hammada  (  environ  2  k.  de 
Taghit).  La  planche  IV  contient  des  dessins  que  j'ai  choisis 
parmi  ceux  m'ayant  paru  les  plus  intéressants  et  les  plus  nets 
dans  des  tableaux  situés  en  face  de  Barrebi.  Il  existe  là  aussi 
quelques  traces  de  caractères  écrits,  mais  si  mal  conservés, 
que  j'ai  jugé  inutile,  pour  l'instant  du  moins,  de  les  relever. 

Voici  quelques  détails  sur  le  trait.  Celui-ci  a  en  moyenne 
1  centimètre  1/2  de  largeur,  cependant  il  s'élargit  souvent  et 
devient  une  surface  travaillée  lorsqu'il  y  a  lieu  de  représenter 
un  élargissement  de  l'objet. 

Il  ressort  plus  ou  moins  en  gris  jaunâtre  sur  le  fond  noir  de 
la  roche  ;  par  l'action  des  agents  atmosphériques  celle-ci,  en 
grés  dur  a  été  recouverte  antérieurement  aux  inscriptions, 
d'une  couche  de  5à6  millimètres  de  grés  relativement  tendre 
due  à  l'application  et  au  durcissement  de  sable  jaunâtre  et 
extrêmement  fin,  puis  cette  couche  a  noirci  ensuite  ;  c'est  là- 
dedans  que  le  dessinateur  a  creusé  ou  plutôt  taillé  les  ins- 
criptions. 

On  voit  très  bien  qu'un  premier  trait  mince  obtenu  en 
éraillant  simplement  la  roche  a  du  d'abord  esquisser  le  dessin 
projeté,  puis  qu'à  laide  de  deux  outils  durs,  l'un  coupant, 
l'autre  frappant,  faisant  office  de  ciseau  et  de  marteau  on  a 
élargi  ce  trait  par  des  coups  inclinés  de  droite  à  gauche  ou 
inversement.  Avec  deux  pierres  ramassées  au  pied  de  la  roche 
on  peut  encore  obtenir  aujourd'hui  les  mêmes  résultats,  j'en 
ai  fait  l'expérience.  Le  trait  subit  à  son  tour  la  patine  du 
temps  ;  il  noircit  peu  à  peu  et  on  peut  prévoir  qu'à  une  époque 
ultérieure  assez  rapprochée  sa  teinte  sera  uniformisée  avec 
celle  du  fond. 


INSCRIPTIONS  RECUEILLIES  A  TAGHIT  309 


Ccit-yJ  de  iixUie  j 


On  remarquera  combien  ce  trait  diffère  de  celui  des  inscrip- 
tions de  Tiout  qu'on  dirait  tracé  par  le  bout  d'un  doigt  appuyé 
sur  une  pâte  molle.  Nous  relèverons  plus  loin  une  autre 
différence  quant  au  caractère  même  des  inscriptions. 

Voyons  le  détail  des  objets  dessinés. 

Les  personnages  sont  rares,  mais  ils  sont  particulièrement 
intéressants  en  ce  qu'ils  semblent  avoir  en  main  une  arme 
d'attaque  ou  de  défense  (arbalète,  sabre,  bouclier  ou  simple- 
ment matraque).  Il  est  regrettable  que  le  détail  en  soit  aussi 
informe  car  il  aurait  peut-être  donné  une  indication  matérielle 
de  l'époque. 

Deux  de  ces  personnages  se  trouvent  au  bas  et  à  gauche 
dans  la  planche  III,  ils  sont  à  pied;  cinq  autres  sont  à  cheval 
sur  la  planche  IV,  n»  7  et  l'un  d'eux  tient  à  la  fois  une  palme 
et  une  arme. 

Parmi  les  animaux  nous  voyons:  l**  des  chevaux,  dont  le 
dos  est  généralement  surmonté  d'une  croix,  or  on  sait  que  le 
pommeau  de  selle  des  Touaregs,  berbères  ex-chrétiens  comme 
l'ont  été  d'anciens  habitants  des  Beni-Gonmi,  est  encore 
surmonté  d'une  croix  dont  les  branches  servent  à  maintenir 
les  jambes  du  cavalier  pour  diriger  sa  monture  par  des  mou- 
vements du  pied  sur  le  cou  de  l'animal.  Il  est  à  remarquer 
toutefois  que  la  croix  des  inscriptions  se  présente  dans  le  plan 
longitudinal  du  cheval  alors  qu'en  réalité  elle  devrait  être 
perpendiculaire  à  ce  plan  mais  c'est  là  une  erreur  de  pers- 
pective bien  pardonnable  à  l'artiste.  Quelques-uns  des  chevaux 
dessinent  assez  clairement  le  mouvement  du  galop;  2°  des 
chameaux,  la  plupart  ont  une  silhouette  invariable  rappelant 
celle  des  dessins  de  ces  animaux  tissés  dans  les  frach 
arabes  et  il  y  en  a  des  quantités,  c'est  l'animal  reproduit  le 


340  INSCRIPTIONS  RECUEILLIES  A  TAGHIT 

plus  fréquemment  sinon  sur  les  tableaux  (où  il  est  rare  au 
contraire)  du  moins  sur  les  pierres  éparses.(i)  Il  en  est  un 
cependant  au  bas  de  la  planche  II  dont  le  dessin  est  presque 
élégant  et  qui  est  surmonté  d'une  longue  pointe  voulant  je 
suppose  figurer  un  «  atatich  »  ou  palanquin  arabe  (->  ;  3"  des 
autruches  non  terminées  sur  la  planche  I  ;  4"  des  oiseaux 
pouvant  ressembler  à  des  outardes  (planche  III)  dont  l'un 
sans  tête  semble  voleter.  La  planche  IV  n°  1  en  reproduit  deux 
autres;  5"  quatre  silhouettes  représentant  des  bœufs  ou  des 
vaches  (planche  IV  no  6);  G^  de  nombreux  lézards  de  palmier 
dont  les  pieds  ressemblent  à  des  mains  humaines;  7»  un  escar- 
got (planche  III);  8"  un  lion  peut-être  (planche  III)  mais  bien 
informe;  9"  des  panthères  une  sans  doute  (planche  III)  près 
des  outardes  et  une  autre  (planche  IV);  10"  des  ânes  (planche 
IV,  n"  5;  11°  un  serpent  (planche  IV,  no  9);  enfin  12»  des 
animaux  auxquels  il  est  difficile  d'appliquer  un  nom  exact  ;  à 
remarquer,  en  particulier,  celui  de  la  planche  IV,  n°  8,  qui 
rappelle  vaguement  une  girafe  et  est  accompagné  de  caractè- 
res écrits  au  dessus  du  dos. 

Chose  remarquable  dans  le  dessin  des  quadrupèdes  c'est  le 
soin  qu'a  mis  l'auteur  à  indiquer  les  oreilles,  puisque  tous,  à 
peu  d'exception  près,  ont  la  tête  à  gauche. 

En  somme,  tous  ces  animaux  existent  encore  dans  la  contrée 
sauf  le  lion,  mais  le  voisinage  des  hautes  montagnes  qui  en- 
serrent l'Oued  Draa  du  Maroc  où  cet  animal  existe  peut-être 
encore  permet  d'expliquer  sa  figuration  dans  les  inscriptions. 

A  Tiout,  au  contraire,  on  voit  représentés  des  animaux 
disparus  depuis  longtemps  de  la  région,  lions,  girafes,  rhino- 
céros, etc. 

Parmi  les  objets  nous  trouvons  :  des  oriflammes  semblables 
à  ceux  que  nous  voyons  encore  surmonter  la  hampe  des 
drapeaux  Touaregs,  des  circonférences,  un  palanquin,  une 
croix  à  deux  branches  horizontales,  et  c'est  à  peu  près  tout,(^) 

En  résumé,  la  note  dominante  c'est  la  silhouette  d'animal 
sauvage  ou  domestique  existant  encore  dans  le  pays. 


(1)  Le  type  (ténéral  est  celui  indiqué  planche  IV,  n*  4. 

(2)  Planche  IV,  n-  0,  on  remarquera  un  autre  spécimen  où  Vataticb  est  clairement 
représenté;  sur  la  roche  le  dessin  en  est  fait  linement  car  il  n'a  pas  plus  de  0  m  30 
sur  0  m  20. 

'3)  J'appelle  cependant  l'attention  sur  cette  croix,  laquelle  fait  l'objet  avec  le  serpent 
qui  l'accûiiip;n;ne  d'un  petit  tableau  séparé  et  cela  doit  avoir  une  signification  que  je 
déclare  ne  pas  deviner. 


INSCRIPTIONS   RECUEILLIES  A   TAGHIT  311 

Tous  les  dessins  sont-ils  de  la  même  main  V  (Je  ne  pose  pas 
la  question  pour  les  caractères  d'écriture  arabe  qui,  avons- 
nous  dit,  sont  récents).  Il  est  probable  que  plusieurs  mains  y 
ont  travaillé,  mais  un  tait  certain  c'est  qu'un  seul  les  a 
inspirées.  La  facture  du  trait  n'indique  rien  à  ce  sujet,  mais 
il  y  a  un  si  grand  nombre  de  dessins  (chameaux  surtout) 
presque  tous  de  forme  grossière,  et  sur  une  si  longue 
étendue  qu'il  sera  raisonnable  d'admettre  plusieurs  travailleurs 
s'étant  contentés  de  reproduire  sans  relâche  une  silhouette 
facile  à  tracer. 

De  simples  petits  bergers  ont  pu  très  bien  occuper  leurs 
loisirs  en  copiant  ce  qui  existait  déjà  ou  qu'ils  voyaient  faire 
par  un  initiateur  plus  habile.  Ce  que  je  crois  pouvoir  affirmer, 
cependant,  c'est  que  tous  les  «tableaux  »  sont  de  la  même  main 
(sauf  toujours  les  caractères  d'écriture  arabe)  et  que  les 
dessins  épars  ne  sont  que  des  copies  plus  ou  moins  fidèles  de 
détails  figurés  sur  ces  tableaux  ou  épars  eux-mêmes. 

Si  les  caractères  que  je  suppose  être  des  signes  de  la  langue 
berbère  le  sont  réellement,  il  faut  encore  admettre  une 
certaine  culture  intellectuelle  chez  l'artiste  ;  peut-être  obtien- 
dra-t-on  en  les  déchiffrant  des  indices  sur  la  signification 
générale  des  tableaux. 

Je  dois  dire  dès  maintenant  que  les  caractères  arabes  n'ont 
aucune  valeur,  leur  inscription  ne  date  que  de  quelques 
années  et  a  été  faite  par  un  membre  d'une  famille  de  Douï- 
Ménia  (arabes)  qui  habite  encore  sur  les  lieux.  L'écrivain  est 
un  nommé  Larbi  ben  Sliman,  mort  il  y  a  trois  ans  auTafilalet, 
et  c'est  peu  avant  son  départ  pour  cette  région  qu'il  a  écrit 
sur  les  pierres,  en  particulier  la  grande  ligne  de  la  planche  I 
qu'il  a  d'ailleurs  signée  en  appelant  la  bénédiction  divine  sur 
lui-même.  Il  ne  faut  donc  chercher  aucune  corrélation  entre 
ces  caractères  et  les  autres  beaucoup  plus  anciens. 

Que  disent  de  ces  inscriptions  les  gens  qui  habitent  encore 
ou  ont  habité  anciennement  le  pays  ? 

Aux  Beni-Goumi,  on  raconte  la  légende  suivante  :  «  Il  y  a 
longtemps,  des  hommes  sont  devenus  impies  et  ont  mérité  la 
vengeance  du  ciel  ;  Dieu  a  pris  leurs  âmes  et  les  a  transfor- 
mées en  ces  animaux  écrits  sur  les  pierres,  les  condamnant  à 
demeurer  telles  jusqu'à  l'heure  de  la  déhvrance  ». 

Ils  n'en  savent  pas  plus  long.  Y  a-t-il  là  un  souvenir  de 
l'abandon  de  la  religion  chrétienne  par  les  Berbères  sous  la 


312  INSCRIPTIONS  RECUILLIES  A  TAGHIT 

pression  des  arabes  vainqueurs  et  musulmans  ?  Rien  ne  per- 
met ni  n'empêche  de  le  supposer. 

Chez  les  Ghenanema,  ex-habitants  du  pays,  la  plupart  même 
de  ceux  qui  étant  déjà  hommes  faits  ont  assisté  aux  dernières 
luttes  avec  les  Douï-Ménia  et  qui  ont  du  ainsi  passer  15  ou  20 
ans  de  leur  jeunesse  à  Mezaourou,  tout  près  des  inscriptions, 
ne  se  rappellent  pas  l'existence  de  celles-ci. 

Voilà  bien  l'insouciance  et  l'ignorance  arabes  dans  toute 
leur  beauté  ;  ici  comme  chez  les  indigènes  illettrés  du  Tell,  la 
tradition  s'arrête  à  leur  âge  viril  et  encore  !... 

On  prétend  qu'un  livre  a  été  écrit  par  un  taleb  sur  l'histoire 
du  pays  ;  il  serait  à  souhaiter  que  d'autres  chercheurs  fussent 
plus  heureux  que  moi,  car  je  n'en  ai  pas  trouvé  la  moindre 
trace. 

Toutefois  en  interrogeant  des  vieillards,  tant  des  Beni- 
Goumi  que  des  Ghenanema,  j'ai  pu  souder  entre  elles  les 
bribes  historiques  suivantes,  où  apparaît  l'intervention  des 
Beraber  ou  Berbères  : 

«  Les  Ghenanema,  à  une  époque  très  ancienne,  ont  été 
chassés  du  Sahel  (ils  désignent  ainsi  les  côtes  ouest  et  maro- 
caines de  l'Atlantique)  et  se  sont  réfugiées  au  Tafilalet,  aux 
Beni-Goumi  et  dans  le  Saoura  où  ils  avaient  déjà  des  parents 
établis. 

Il  y  a  environ  150  ans  ils  habitaient  encore  le  territoire  des 
Beni-Goumi  où  ils  occupaient  des  Ksour  dont  les  principaux 
s'appelaient  Mezaourou  et  Tiazit  sur  la  rive  droite  de  la  Zous- 
fana,  et  Bizane  sur  la  rive  gauche. (^) 

Quelques  fractions  continuaient  à  habiter  des  oasis  de  l'Oued 
Saoura. 

Des  luttes  s'engageaient  fréquemment  entre  les  Ghenanema 
des  Beni-Goumi  et  les  Douï-Menia  de  l'Oued  Guir  qui  convoi- 
taient les  possessions  des  premiers.  Un  jour,  les  Douï-Menia 
se  réunirent  en  très  grand  nombre,  mirent  une  partie  de  leurs 
forces  en  travers  de  la  Zousfana  au  sud  de  Mezaourou  pour 
empêcher  les  Ghenanema  de  la  Saoura  d'accourir,  et  atta- 
quèrent vigoureusement  Mezaourou.  Après  un  combat  achar- 
né, ils  s'en  emparèrent  ainsi  que  des  autres  Ksour  des  Ghena- 


(I)  Les  ruines  de  ces  Ksoiirs  sont  encore  IW'S  visibles  actuellement.  Bizane  sur  le  bord 
du  plateau  Est,  entre  TeRhit  et  Barrebi;  Mezaourou  et  Tiazit  en  face  ZHOuIa-Tahtania, 
sur  la  pente  raide  de  la  liainmada.  La  carie  au  1/2.000.000*  du  dépôt  de  la  guerre  indique 
encore  Mezaourou  dont  la  destruction  délinitivc  ne  date  d'ailleurs  que  de  25  à  30  ans. 


INSCRIPTIONS   RECUEILLIES  A  TAGHIT  313 

nema.  Ces  derniers,  expulsés,  durent  passer  par  l'Erg  pour 
aller  se  réfugier  dans  l'Oued  Saoura  en  évitant  les  guerriers 
qui  les  attendaient  sur  la  Zousfana. 

Dix  ou  quinze  ans  plus  tard  (il  y  a  par  suite  environ  135  ou 
140  ans)  les  Beraber  du  Tafilala  vinrent  à  leur  tour  chasser  les 
Douï-Ménia  des  Beni-Goumi  et  occupèrent  la  contrée  pendant 
une  cinquantaine  d'années. 

A  la  suite  de  pourparlers  engagés  avec  les  Ghenanema  sur 
l'initiative  d'un  personnage  influent  de  la  El  Ouata  (Groupe 
de  Ksour  des  Ghenanema  situé  sur  la  Saoura  entre  Beni- 
Abbès  et  Guerzim)  les  Beraber  cédèrent  les  Beni-Goumi  à  ces 
derniers  moyennant  une  somme  d'argent  recueillie  par  cotisa- 
tions. Les  Douï-Ménia  ne  tardèrent  pas  à  entrer  de  nouveau 
en  lutte  avec  les  Ghenanema  mais  ils  ne  frappèrent  un  coup 
décisif  qu'il  y  a  20  ou  25  ans. 

Ils  s'emparèrent  d'abord  de  Zaouïa-Tahtania  et  de  là  pendant 
7  à  8  mois  livrèrent  des  escarmouches  continuelles  aux  gens 
de  Mezaourou,  leur  volant  leurs  animaux  et  les  récoltes  de 
leurs  jardins,  puis  ils  les  chassèrent  définitivement  et  détrui- 
sirent de  fond  en  comble  Mezaourou,  Bizane  et  Tiazit.<') 

Pendant  toutes  ces  luttes,  les  Beni-Goumi  proprement  dits 
sédentaires  des  autres  Ksour  passaient  succesivement  comme 
serviteurs  sous  la  domination  du  vainqueur  car  ce  sont  en 
général  des  «baratines  »,  gens  de  couleur,  pacifiques,  simples 
travailleurs  de  la  terre.  La  France  est  venue  enfin  l'an  dernier 
en  installant  des  postes  frontières  sur  la  Zousfana  émanciper 
cette  population  asservie  de  tout  temps  et  lui  donner  l'espoir 
d'une  hberté  dont  elle  n'a  jamais  joui. 

Telle  est  à  peu  près  l'histoire  contemporaine  de  ce  petit 
coin  de  la  Zousfana,  le  seul  qui  soit  habité  par  des  sédentaires. 
Je  n'en  veux  tirer  que  ce  qui  intéresse  les  inscriptions  de 
Taghit.  On  a  remarqué  que  des  Beraber  ont  occupé  les  Beni- 
Goumi  pendant  un  demi-siècle,  approximativement  de  1760  à 
1810;  c'est  là  peut-être  (ou  dans  une  occupation  antérieure 
par  un  groupe  de  ces  mêmes  peuplades)  qu'il  faut  chercher 
l'origine  des  j  pierres  écrites  ».  Les  Beraber  (pluriel  de  Brabri 
que  nous  écrivons  Berbères)  ayant  été  chrétiens  avant  l'inva- 


(1)  Je  crois  que  les  Ghenanema  de  qui  je  tiens  surtout  ces  récits,  se  vantent  beaucoup 
en  affirmant  avoir  été  si  longtemps  et  si  souvent  possesseurs  du  territoire  des  Beni- 
Goumi.  Les  Doui-Mênia  prétendent  au  contraire  avoir  toujours  été  les  propriétaires  et 
les  Ghenanema  ne  seraient  venus  chez  eux  qu'en  maraudeurs.  Ceci  importe  pea  d'ailleurs 
i  Dotre  élude. 


314  INSCRIPTIONS  RECUEILLIES  A  TAGHIT 

sion  arabe,  ce  fait  pourrait  avoir  une  corrélation  avec  la 
légende  des  âmes  impies  qui  a  dû  être  forgée  par  les  succes- 
seurs des  Beraber  ou  mênie  par  les  Beni-Gourai  à  l'usage  de 
leur  progéniture.  En  effet  les  inscriptions  sont  actuellement 
utilisées  par  les  parents  comme  «  croquemitaine»  quand  un 
enfant  n'est  pas  sage  on  le  menace  de  le  conduire  aux  pierres 
écrites  et  d'y  changer  son  âme  en  animal  qui  irait  rejoindre 
ceux  qui  y  sont  dessinés. 

Jusqu'à  présent  aucun  indice  ne  me  permet  d'attribuer  à  ces 
inscriptions  une  importance  quelconque  au  point  de  vue 
archéologique.  Elle  sont,  à  mon  avis,  le  produit  d'un  Berbère 
un  peu  moins  ignorant  que  les  autres,  qui  se  sera  amusé  à  les 
faire  sur  les  rochers  sans  vouloir  constituer  des  traces  desti- 
nées à  la  tradition  Seuls  les  caractères  représentant  peut-être 
des  signes  de  langue  berbère  pourraient  avoir  une  certaine 
valeur,  c'est  donc  la  seule  réserve  que  je  fais  à  ce  sujet. 

Je  n'ai  d'ailleurs  pas  relevé  toutes  les  inscriptions  en  face  de 
Barrebi  faute  de  temps  nécessaire;  il  est  possible  qu'on  trouve 
encore  là  (juelques  nouveaux  documents. 

Si  le  décliillVage  des  caractères  dont  il  a  été  question  semble 
assez  intéressant  pour  qu'on  croie  devoir  pousser  plus  loin  les 
recherches,  il  y  aura  donc  lieu  de  relever  aussi  les  autres 
dessins  qui  contiendraient  alors  peut-être  des  indications 
utiles.  Je  ne  serai  plus  dans  la  région  mais  on  y  trouvera 
toujours  un  officier  qui  se  chargera  avec  plaisir  de  faire  le 
travail. 


Capitaine  DUVAUX. 


Igli,  15  août  1901. 


-,' 


J 


N/     -'-' 


\ 


«CN 


5 


--*> 

.->■> 

'> 


i 


^ 


/ 


\>-y„. 


V 


l 


<n' 


>f 


■^vl-? 


Y 


'"^ 


^-^ 


.^^ 


D* 


1 


■Ite. 


j:f 


CHRONIQUE  GÉOGRAPHIQUE 


ETJK.OFE 


L'industrie  allemande.  —  Les  Allemands  se  préoccupent 
beaucoup,  maintenant  surtout,  de  trouver  de  nouveaux 
débouchés  pour  leurs  produits  industriels  ;  on  sait  quels 
développements  considérables  a  pris  leur  industrie,  dont 
l'exportation  menace  celle  des  usines  et  des  manufactures 
anglaises  ;  leur  métallurgie,  surtout,  est  en  progrès  constants, 
grâce,  en  partie,  au  bon  marché  des  matières  premières  et  de 
la  main  d'œuvre. 

Le  souci  douvrir  de  nouveaux  marchés  a  donné  naissance 
à  la  politique  coloniale,  et  notamment  aux  vues  manifestées  à 
propos  de  la  Chine  ;  mais  la  France,  et  plus  encore  l'Angle- 
terre, ont  tellement  pris  les  devants  que  la.place  est  désormais 
restreinte;  d'autre  part,  la  Russie  est  à  peu  près  fermée 
depuis  qu'elle  a  créé  et  que  son  gouvernement  encourage  et 
subventionne  les  industries  nationales.  L'Autriche  fournit, 
elle  aussi,  une  clientèle  insuffisante  et  qui  se  restreint  chaque 
jour  ;  enfin,  les  grandes  usines  qui  fournissaient  des  canons  et 
d'autres  matériels  de  guerre  à  tous  les  Etats  secondaires  du 
monde,  sont  au  bout,  ou  peu  s'en  faut,  des  fournitures  que 
peuvent  demander  des  clients  qui  n'ont  plus  besoin  de  rien. 

Les  Allemands  cherchent  donc  à  se  rabattre  vers  l'Occident 
Européen,  mais  l'Espagne  et  l'Italie  sont  loin  ;  ils  ont  donc 
imaginé  de  transporter  leurs  bureaux  techniques  à  Paris. 
C'est  dans  ces  bureaux  que  seront  faites  les  commandes,  que 
seront  élaborés  les  plans  des  usines  de  toutes  sortes,  des 
moulins  à  huile,  etc.,  que  l'on  se  propose  de  créer  dans  le 
pays  ;  il  est  même  vraisemblable  que  l'on  fera  appel  à  des 
ingénieurs  français  pour  les  travaux  techniques  et  les  opéra- 
tions préliminaires. 

Le  matériel,  en  revanche,  sera  fourni  par  les  usines 
allemandes  ;  c'est  tout  un  plan  commercial  et  industriel  qui 
n'est  déjà  plus  dans  la  phase  de  la  préparation,  qui  entre  dans 
la  phase  de  l'exécution  et  qu'il  n'est  pas  inutile  de  signaler. 
Et  nous  n'en  continuerons  pas  moins,  au  lieu  de  chercher  à 
devancer  nos  rivaux,  de  les  traiter  de  cerveaux  lourds,  épais 
et  grossiers,  alors  qu'ils  font  montre  d'une  telle  ingéniosité. 
[Bullet.  de  la  Soc.  de  Géogr.  de  Lille). 

Le  Canal  de  la  mer  Caspienne.  —  On  sait  que  le  niveau  de 
la  mer  Caspienne  est  inférieur,  de  26  mètres,  à  celui  de  la 


316  CHRONIQUE  GÉOGRAPHIQUE 

mer  Noire.  Dans  l'histoire  si  mouvementée  du  continent 
égéen,  la  séparation  des  deux  mers  est  un  t'ait  extrêmement 
récent.  Nul  obstacle  ne  les  sépare.  Au  contraire,  une  plaine 
basse  et  alluviale  les  réunit  ;  au  sud  comme  au  nord  du 
Caucase,  les  sources  des  lleuves  qui  alimentent  l'une  et  l'autre 
s'enchevêtrent  ;  une  dépression  marécageuse  ou  desséchée,  la 
vallée  du  Manytch,  forme  entre  les  deux  bassins,  une  sorte  de 
trait  d'union.  Dans  ces  conditions,  le  percement  d'un  canal  de 
la  mer  Noire  à  la  Caspienne,  est  une  œuvre  relativement 
facile,  et  qui  ne  présente  guère  d'autres  obstacles  que  ses 
dimensions  :  550  verstes  de  longueur.  Le  prix  de  revient  serait 
de  300  millions  de  roubles  environ.  En  pré.sence  des  avantages, 
tant  économiques  que  stratégiques,  évidents  du  projet,  l'exé- 
cution du  canal  a  été  décidée. 

A  cette  question  se  rattache  celle  étudiée  par  le  général 
Venukof  dans  la  Rouskaia  Mysl,  de  novembre  1899  (article 
traduit  par  M.  Chirol  dans  les  Questions  diplomatiques  et 
coloniales  du  l'^'"  février  1900)  ;  il  ne  s'agit  pas  seulement 
d'établir  une  communication  entre  les  deux  mers,  mais  bien 
de  déverser  la  plus  haute  dans  la  plus  basse,  li  mer  Noire 
dans  la  Caspienne,  de  relever  par  conséquent  le  niveau  de 
cette  dernière,  et  naturellement,  d'élargir  sa  nappe.  La 
superficie  gagnée  par  les  eaux  serait  de  3.000  milles  carrés,  et 
porterait  sans  dommage  sur  d'arides  steppes  salins. 

La  création  d'un  pareil  bassin  d'évaporation  fertiliserait  ce 
pays  inculte,  et  l'on  pourrait  espérer  de  voir  cesser  les 
famines  qui  ravagent  la  Russie  du  Sud-Est. 

On  parerait,  en  même  temps,  à  un  danger.  Le  dessèchement 
de  l'Asie  centrale  fait  des  progrès  rapides.  Les  lacs  disparais- 
sent ou  diminuent.  Dans  le  steppe  de  Baraba,  l'étendue  des 
nappes  d'eau,  de  1820  à  1880,  a  décru  de  59  0/0.  Le  lac 
Baîkach  et  les  lacs  Dzoungariens,  diminuent  progressivement. 
En  un  siècle,  l'extrémité  N.-O.  de  la  mer  d'Aral,  a  reculé  de 
70  kilomètres,  laissant  derrière  elle  un  désert  sablonneux  de 
2.230  kil.  carrés.  Entin,  dans  le  steppe  d'Astrakhan,  le  lac 
d'Atchikoul,  qui  figure  sur  une  carte  de  1859,  a  été  parcouru 
à  pied  .sec  par  les  troupes  du  colonel  Lomakine,  en  1873.  Ce 
lac  (3^20  kil.  q.)  s'était  desséché  en  13  ans.  Le  même  phéno- 
mène de  dessèchement  s'achève  en  Perse.  Il  est  terminé  ea 
Arabie.  Ainsi  un  immense  désert  tend  à  s'établir  entre  la  mer 
Rouge,  la  Méditerranée,  le  Chinghan,  l'Altaï  et  le  Kouenloun, 
sur  10  millions  de  kilomètres  carrés.  Ajoutez  que  l'influence 
est  désastreuse  dans  les  pays  voisins,  Turquie,  Russie,  Sibérie, 
Mandchourie  et  Chine,  oii  les  vents  arrivent  de  plus  en  plug 
secs  et  nuisibles  à  la  végétation.  Les  tentatives  de  reboisement 


CHRONIQUE   GÉOGRAPHIQUE  317 

ont  échoué.  Un  apport  nouveau  d'humidité  peut  seul  enrayer  le 
fléau.  Il  s'agit  moins  de  troubler  la  Caspienne  que  de  la  sauver. 
[Bull,  du  Comité  de  VAsie  Française). 

Récentes  modifications  sur  la  Côte  méridionale  de  Sicile.  — 

Th.  Fischer,  en  1877,  a  fourni  quelques  preuves  du  mouve- 
ment ascendant  des  côtes  orientales  et  septentrionales  de  la 
Sicile.  Elisée  Reclus  et  Holm  admettent  même  un  soulève- 
ment lent  et  général  de  toutes  les  côtes  de  la  Sicile. 

M.  Sinatra  estime  que  cette  opinion,  trop  formelle,  n'est 
pas  encore  établie  sur  un  assez  grand  nombre  de  faits  ;  il 
pense  que  pour  la  vérifier,  il  faudrait  établir,  comme  on  l'a 
fait  en  Scandinavie,  un  réseau  de  stations  maréographiques. 
Cependant,  il  expose  et  discute  trois  séries  d'observations 
faites  récemment  sur  la  côte  méridionale  de  l'île,  à  Porto- 
Empedocle  (port  d'Agrigente),  à  la  plage  de  San  Leone,  et  à 
Licata,  et  qui  sembleraient  indiquer  réellement  un  sensible 
mouvement  ascensionnel  de  ce  littoral.  Parmi  ces  observa- 
tions, citons  seulement  qu'à  Licata  trois  points,  distants  de  la 
mer  de  3  m.,  32  m.,  et  74  m.,  en  1847,  s'en  trouveraient 
respectivement  éloignés  de  5  m.,  52  m.,  et  81  m.,  en  1872,  et 
de  30  m.,  80  m.,  et  160  m.,  en  1898.  M.  Sinatra  indique  les 
dispositions  à  prendre  pour  multiplier  les  documents  de  ce 
genre,  et  en  tirer  des  conclusions  scientifiques  précises. 

{La  Géographie). 


A.FK.IQXJE 

Influence  de  la  région  du  Bahr-el-Ghazal  par  les  crues  du 
Nil.  —  Le  commandant  Boulet  qui  a  été  chargé,  de  1898  à 
1900,  d'une  mission  du  H^iut-Oubangui  au  Nil,  a  fait,  le 
8  février  dernier,  une  très-intéressante  communication  à  la 
Société  de  Géographie  de  Paris,  dont  voici  un  extrait  : 

La  fertilité  de  la  basse  Egypte  est  due  aux  crues  régulières 
annuelles  du  Nil  qui,  par  infiltration  et  non  par  submersion, 
fécondent  le  sol.  L'étiage  du  fleuve  au^^mente  pendant  les  mois 
de  juin,  juillet,  août  et  septembre  ;  il  diminue  en  octobre, 
novembre  et  décembre.  Si  la  crue  n'atteint  pas  6  mètres,  elle 
est  insuffisante,  et  la  récolte  manque  par  sécheresse  ;  les 
crues  de6  à  8  mètres  sont  moyennes  et  apportent  l'abondance, 
les  terres  donnent  alors  le  maximum  de  rendement  ;  au  delà 
de  8  mètres,  il  y  a  inondation,  submersion  des  terrains  et 
mauvaises  récoltes.  Les  eaux  du  Nil,  à  Kharthoum,  provien- 
nent de  trois  régions  différentes  :  des  Grands  lacs,  de 
l'Abyssinie,  et  du  Bahr-el-Ghazal.  Dans  la  première,  la  saison 

32 


318  CHRONIQUE  GÉOGRAPHIQUE 

des  pluies  a  lieu  en  février,  mars,  avril.  Mais,  d'une  part,  les 
différents  lacs  servant  de  modérateurs,  d'autre  part,  les  2.000 
kilomètres  à  franchir  relardant  de  plusieurs  mois  et  régulari- 
sant l'arrivée  de  la  crue,  elle  se  produit  insensiblement. 

Dans  la  seconde  région,  au  contraire,  où  l'altitude  est  très 
grande  et  la  distance  à  franchir  très  courte,  les  ruisseaux 
prennent  des  allures  torrentueuses,  et,  comme  tous  les 
afluents  du  Nil  bleu  s'étendent  en  éventail  dans  des  régions 
ayant  la  même  latitude,  où  la  saison  des  pluies  se  produit  aux 
mêmes  époques,  les  crues  sont  subites  et  pourraient  amener 
des  débordements  du  Nil,  si  le  troisième  aflluent  n'existait  pas. 
Etudions  donc  le  régime  hydrographique  de  ce  troisième 
élément.  Les  régions  du  Bahr-el-Ghazal,  du  Bahr  el-Hourr, 
du  Balir-el-Arab  sont  presque  absolument  plates  ;  la  ligne  de 
partage  des  eaux  avec  l'Atlantique  dépasse  à  peine  600  mètres, 
la  hauteur  relative  moyenne  est  d'environ  500  mètres  ;  comme 
Khartoum  est  à  400  mètres  au  dessus  du  niveau  de  la  mer,  et 
à  une  distance  de  plus  de  1.000  kilomètres,  la  pente  est 
insensible.  Aux  saisons  de  pluies,  qui  se  produisent  aux 
mêmes  époques  qu'en  Abyssinie,  les  eaux,  par  suite  du  manque 
de  pente,  stationnent  dans  chacun  des  affluents  secondaires  ; 
puis,  quand  la  crue  se  produit,  le  lit  du  Bahr-el  Ghazal  forme, 
dans  les  environs  du  lac  Nô,  un  vaste  marécage  de  plus  de 
100  kilomètres  de  largeur,  qui  arrête  l'écoulement  des  eaux. 
La  crue  produite  par  les  pluies  de  juin,  juillet  et  août  se  fait  donc 
sentir  à  Khartoum  en  juillet,  avril  et  septembre, si  elle  provient 
de  i'Abyssinie,  en  août,  septembre,  octobre,  novembre  et 
décembre,  si  elle  provient  de  la  région  de  Bahr-elGhazal.  Grâce 
à  cette  heureuse  conformation  des  terrains,  les  inondations  sont 
rares  dans  la  basse  Egypte  ;  elles  seraient  régulières  au  contraire, 
par  suite,  le  terrain  marécageux  et  infertile  si  la  région  du 
Bahr-el-Ghazal  était  aussi  montagneuse  que  I'Abyssinie. 

D'autre  part,  toute  la  région  du  Bahr-el-Ghazal  est  formée 
par  ce  que  l'on  appelle  le  pays  aux  herbes  ;  chaque  année,  à 
la  fin  de  la  saison  sèche,  de  vastes  incendies  réduisent  cette 
végétation  en  cendres,  et,  comme  sur  l'argile  ferrugineux  qui 
compose  le  sol  aucun  humus  ne  peut  retenir  cet  engrais 
naturel,  les  eaux  de  pluie  dissolvent  les  matières  fertilisantes, 
notamment  la  potasse  ;  ainsi,  la  crue  arrivant  dans  la  basse 
Egypte  dépose  avec  les  matières  tenues  en  suspension, 
provenant  de  l'érosion  des  terrains,  un  excellent  limon. 

On  peut  donc  dire,  sans  exagération,  que  l'Egypte  doit  une 
partie  de  sa  fertilité  à  la  situation  particulière  de  l'orographie 
et  de  la  flore  de  la  région  du  Bahr-el  Ghazal. 

{BuU.  de  la  iSociété  de  Géographie  de  Paris). 


I 


CHRONIQUE  GÉOGRAPHIQUE  319 

Les  Anglais  dans  le  Bahr-el-Ghazal,  —  La  Belgique 
militaire  du  l*^""  juillet  1901,  reçoit  d'Afrique  une  nouvelle 
assez  inattendue.  Les  Anglais  viennent  de  s'installer  solide- 
ment dans  le  Bahr-el-Ghazal  qu'ils  avaient  donné  à  bail  à  la 
Belgique  par  la  convention  de  1894. 

Ce  journal  explique  que  les  Allemands  ayant  refusé  de  voir 
occuper  par  les  Anglais  la  bande  de  territoire  d'entre  les  lacs, 
en  échange  de  laquelle  ces  derniers  avaient  cédé  à  la  Belgique 
le  Bahr-el-Ghazal,  la  concession  a  été  enlevée  à  la  Belgique. 

Par  contre,  les  Anglais,  faisant  droit  aux  observations  de 
l'Etat  indépendant,  ont  relevé  de  Kolo,  pour  le  transporter  sur 
la  rive  droite,  les  postes  d'occupations  qu'ils  y  avaient  établi. 

La  valeur  agricole  des  terres  de  Madagascar. —  Les  Comptes- 
rendus  de  C Académie  des  Sciences  nous  donnent  le  résultat  des 
analyses  auxquelles  ont  procédé,  à  la  demande  du  général 
Gallieni,  MM.  Muntz  et  Rousseaux,  sur  plus  de  500  échantillons 
de  terre  prélevés  dans  les  diverses  régions  de  Madagascar. 

Le  massif  central,  fourni  par  des  terrains  granitiques  ou 
gneissiques,  est  la  région  la  moins  favorisée.  Là  se  trouve  une 
terre  rouge,  compacte,  imperméable,  très  riche  en  fer,  à  peu 
près  totalement  dépourvue  de  chaux,  et  ne  renfermant  que 
des  quantités  minimes  de  potasse,  d'acide  phosphorique  et 
d'azote.  La  composition  du  sol,  en  dehors  d'une  bande  côtière 
assez  étroite,  est  à  peu  près  la  même  dans  la  province  de 
Vohémar.  La  teneur  en  azote,  phosphore  et  potasse,  bien  que 
très-faibie  encore,  est  légèrement  plus  élevée  dans  le  sol  des 
provinces  de  ïamatave,  d'Andiwrante,  de  Farapangana  et  de 
Manaujary.  La  côte  occidentale,  formée  par  des  terrains 
sédimentaires  riches  en  chaux,  est  beaucoup  mieux  partagée. 
Les  terres  les  plus  riches  sont  installées  sur  l'emplacement 
des  lacs  anciens  dans  les  cercles  de  Moramanga  etd'Ambaton- 
drazaka,  ou  dans  les  régions  volcaniques  de  Diégo-Suarez  et 
de  Fort- Dauphin. 

En  somme,  Madagascar  renferme  des  terrains  généralement 
pauvres  en  azote,  en  phosphore,  en  potasse  et  en  chaux.  Et  ce 
sont  surtout  les  parties  comprises  sur  le  littoral  qui  seront  à 
exploiter  par  l'agriculteur. 


ASIE 

Les  résultats  actuels  du  Transsibérien.  —  Quand  la  cons- 
truction du  chemin  de  fer  Transsibérien  a  commencé,  on  a  pu 
se  poser  im  certain  nombre  de  questions  qui  ne  sont  pas 
toutes     résolues.     C'est    ainsi    qu'il     serait     très  prématuré 


320  CHRONIQUE   GÉOGRAPHIQUE 

d'affirmer  que  ce  chemin  de  fer  jouera  un  rôle  sérieux  dans  le 
commerce  international,  et  qu'il  deviendra  le  véhicule  d'un 
commerce  important  entre  l'Europe  et  la  Chine.  Il  en  est 
autrement,  si  l'on  considère  le  Transsibérien  comme  une 
artère  destinée  à  vivifier  la  Sibérie.  Réduite  à  ce  but, 
l'entreprise  réussit  au  delà  de  toute  espérance.  Voici  quelques 
chiffres,  récemment  publiés,  et  qui  en  font  foi  de  la  manière 
la  plus  manifeste. 

Voyageurs  et  marchandises  transportés  sur  le  Transsibérien 
depuis  1896,  jusqu'à  la  fin  de  -1899  : 

1896 417.000  voyageurs.  184.000  tonnes. 

1897 600.000         —  443.000     — 

1898 1.049.000         —  700.000     — 

1899 1075.000         —  657.000     - 

Si  cette  progression  est  extrêmement  remarquable,  celle  du 
nombre  des  émigrants  ne  l'est  pas  moins.  En  1885,  année 
moyenne  et  antérieure  à  la  construction  du  Transsibérien,  il 
est  passé  à  Tiumen  environ  28.000  émigrants.  En  septembre 
1894,  on  ouvre  à  la  circulation  les  premiers  tronçons  du 
Transsibérien.  Et  le  l'''"  janvier  1896,  en  1  an  et  4  mois,  sur 
ces  tronçons  qui  n'allaient  encore  que  jusqu'à  Omsk,  il  était 
déjà  passé  74.885  émigrants  adultes,  et  34.612  émigrants  non 
adultes,  soit  un  total  de  109.597  personnes.  Autre  chiffre, 
singulièrement  caractéristique  de  cette  émigration  :  les  109.597 
émigrants  emportaient  en  tout  130.963  pouds  de  bagages,  ce 
qui  ne  fait  guère  plus  d'un  poud  —  16  kilog.  !  —  de  bagages 
par  personne.  Voici  les  chiffres  depuis  1893. 

1893 65.000  émigrants 

1894 76.000  — 

1895 109.000  — 

1896 203.000  — 

1897 87.000  — 

1898 206.000  — 

1899 225.000  — 

Soit  au  total  971.000  individus,  auxquels  il  faudrait  joindre 
25.000  colons,  transportés  dans  les  provinces- extrême- 
orientales  par  la  Hotte  volontaire,  et  un  nombre  inconnu,  mais 
probablement  assez  considérable,  d'individus  qui  partent  sans 
se  soumettre  aux  formalités  légales, 

(Bull,  du  Comité  d'Asie). 

Câble  français  d'Amoy.  —  Un  Ccâble  français  vient  d'être 
posé  entre  rindo-Cliiuo  cL  le  port  chinois  d'Amoy,  par  le 
Diolibah,  et  fait  cesser  désormais  le  monopole  britannique 


CHRONIQUE   GÉOGRAPHIQUE  321 

des  communications  sous-marines  de  rExtrème-Orient.  A 
Amoy,  le  câble  français  se  soude  au  réseau  de  la  Compagnie 
des  Télégraphes  du  Nord,  danoise  de  nom,  mais  russe  pour 
une  bonne  partie,  et  qui  communique  avec  l'Europe  par  les 
lignes  russo-sibériennes. 

Auparavant,  les  dépêches  allant  de  France  en  Indo-Chine, 
devaient  passer,  d'un  côté,  par  les  lignes  anglaises  de  l'Océan 
Indien,  ou  de  l'autre,  par  le  câble  anglais  du  cap  Saint- 
Jacques  à  Hong-Kong,  et  les  câbles  danois  de  ce  point  à 
Vladivostok.  Désormais  on  continuera  à  suivre  cette  dernière 
voie,  mais  complétée  par  le  câble  français  d'Amoy  à  l'Indo- 
Chine.  La  Compagnie  des  Télégraphes  du  Nord,  qui  transmet 
les  dépêches  d'Amoy  à  la  frontière  sino- russe,  les  reprend  à 
Saint  Petersbourg,  pour  les  envoyer  au  Danemarck,  puis  à 
Calais  par  le  câble. 

(Bull  de  la  Société  de  Géograplne  de  Dunkerque). 


FOLES 


Vers  le  Pôle  Sud.  —  La  Discovery,  portant  l'expédition 
antarctique  anglaise,  a  quitté  le  30  juillet  1901  la  Tamise, 
faisant  voile  vers  le  Pôle  Sud.  Selon  le  programme  à  suivre, 
elle  à  dû  quitter  le  l^i"  décembre  le  port  de  Lyltelton 
(Nouvelle-Zélande),  pour  se  trouver  vers  le  milieu  de  Janvier 
sur  le  champ  des  opérations  ;  le  chef  de  l'expédition  est  le 
commandant  Robert  F.  Scott. 

Les  principaux  problèmes  que  la  Discovenj  devra  élucider 
sont  :  l'existence  du  continent  antarctique  et  la  position  exacte 
du  pôle  magnétique  austral.  Parmi  les  appareils  qu'elle 
emporte,  se  trouve  tout  ce  qui  est  nécessaire  pour  équiper  un 
ballon  captif,  afin  de  préparer  l'exploration  par  terre  et 
d'observer,  de  loin,  les  points  inaccessibles.  La  durée  de  la 
mission  sera  de  trois  ans. 

A  la  date  du  11  août  dernier,  une  expédition  allemande  a 
quitté  Kiel,  pour  agir  de  concert  avec  la  Discovery  ;  elle 
explorera  le  côté  opposé  à  celui  qu'attaquera  l'expédition 
anglaise.  Un  édit  impérial,  paru  dans  le  Monileur  de  V Empire^ 
ordonne  que  l'expédition  au  Pôle  Sud,  dirigée  par  le 
professeur  Erich  von  Drygalsky,  se  rende  à  Kerquelem,  où 
elle  établira  une  station  magnéto-orologique,  puis  continue 
son  voyage  dans  la  région  boréale  atlantique.  Au  cas  où  elle 
découvrirait  une  terre,  elle  devra  y  établir  une  station 
scientifique  et  l'entretenir  pendant  un  an,  et  repartir  en  1903, 
ou  au  plus  tard,  en  1904. 

J.  G. 


BIBLIOGRAPHIE 


Nedromab  et  les  Traras,  par  M.  René  BASSET  (i) 


Le  nom  de  rauteur  indique  assez  le  mérite  de  cette  l'écenle  pu- 
blication, qui  vient  d'enrichir  la  collection  du  «Bulletin  de  cor- 
respondance africaine  ».  Les  missions  dont  il  a  été  si  souvent 
chargé,  dans  les  divers  pays  musulmans,  ses  nombreuses  et 
savantes  publications  sur  les  sujets  les  plus  variés  intéressant 
rislam.  ont  fait  depuis  li»ngtemps  apprécier  de  tous,  1  érudit 
directeur  de  l'Ecole  supérieure  des  Lettres  d'Alger. 

C'est  —  ainsi  qu'il  nous  l'apprend  lui-même  dans  son  avant- 
propos  —  à  la  suite  d'une  mission  chez  les  Traras,  en  avril  1900, 
que  M.  R.  Basset,  a  fait  paraître  cette  étude  scientifique  sur 
Nédromah  et  la  région. 

L'ouvrage  est  non  seulement  le  résultat  de  recherches  archéolo- 
giques et  épigraphiques  faites  sur  place  par  l'auteur  ;  mais,  c'est 
aussi  le  fruit  de  l'information  orale  recueillie  de  la  bouche  même 
des  indigènes  du  pays.  En  outre,  M.  B  a  complété  les  renseigne- 
ments ainsi  obtenus  par  ceux  que  lui  ont  fournis  les  écrivains 
arabes,  estimant  avec  raison  «  qu  il  est  impossible  de  séparer, 
dans  le  nord  de  l'Afrique,  1  étude  du  présent  de  celle  du  passé  qui 
y  tient  par  tant  de  liens,  surtout  quand  il  s'agit  de  la  société  mu- 
sulmane 3)  (•).  L'auteur  a  retracé  à  vrai  dire  1  liistoire  politique  et 
religieuse  des  populations  indigènes  du  pays. 

On  ne  sait  que  trop  combien  !  histoire  politique  de  lAlgérie  est 
encore  enveloppée  de  ténèbres,  surtout  si  1  on  s'avise  de  la  com- 
parer à  celle  de  la  Métropole!  L'époque  de  la  domination  musul- 
mane dans  le  Maghrib  est  spécialement  la  plus  mal  connue, 
malgré  l'ouvrage  de  Fournel,  qui  s'arrête  en  973  de  J.  C  (3)  et  le 
travail  de  E.  Mercier  ('>)  qui  est  plutôt  un  manuel  qu'une  histoire. 
Aussi  ne  saurait-on  douter  que  des  monographies  historitiues  du 
genre  de  celle  des  Traras,  où  toutes  les  sources  ont  été  mises  à 
contribuiion  et  savamment  épurées,  ne  soient  appelées  à  rendre 
les  plus  grands  services. 


(1)  René  l'asset,  Nédromah  et  les  Traras,  avec  une  planche,  Paris, 
Leroux,  lOdl. 
(?)  Ch.  ibid,  Avant-propos. 

(3)  Fournel.  Les  Berbers,  Paris  imp.  nat.  2  voi.  in  4°  (1875-1881). 

(4)  E.  Mercier,  Histoire  de  l'Afrique  Septentrionale,  dflpuis  les 
temps  les  plus  reculés  jusqu'à  la  côcquète  h'ançaise,  3  vol.  Paris- 
Leroux  (1888). 


BIBLIOGRAPHIE  323 

M  B  ,  ilaiis  sou  ouvrage,  a  réservé,  à  juste  titre,  une  place 
prépondérante  à  l'hagio^-'raphie.  Cette  science  est  de  fait^  d'une 
importance  capitale  dans  la  sociologie  musulmane.  Ne  suffit  il  pas 
en  efïet  d'avoir  traversé  l'Algérie  pour  juger  combien  le  culte  des 
Saints  y  est  dévoloppé  et  quelle  grande  place  il  occupe  dans  la 
société  indigène.  0)  Or,  1  étude  des  qobha,  maqâm,  h'aouît'a, 
h'aoùch,  et  autres  monuments  consacrés,  dans  ce  pays,  au  culte 
des  marabouts,  n'intéresse  pas  seulement  l'Islam,  ce  qui  suffirait 
déjà  amplement  à  la  justifier;  elle  touche,  ùien  certainement  aussi, 
dans  le  Maghrib  qui  a  subi  tant  de  religions  et  tant  de  schismes,  à 
la  science  générale  de  1  histoire  des  religions  et  particulièrement 
des  superstitions  africaines.  Il  est  à  supposer,  bien  qu'on  n  ait  pu 
encore  l'établir  par  des  preuves  certaines,  que  les  l'eligions  qui 
ont  précédé  l'Islam  sur  cette  terre  d'Afrique,  ont  laissé  leur  em- 
preinte dans  les  croyances  populaires  et  l'on  ne  saurait  s'étonner 
qu'en  Jfaghrib,  un  saint  musulman  ait  pris  parfois  la  place  d'un 
saint  chrétien  représentant  lui  même  déjà  une  divinité  pa'ienne.  (2) 

Les  nombreux  mots  berbères  encore  usités  dans  la  toponymie 
de  la  région  de  Traras,  ont  été  1  occasion  de  la  part  de  M.  B. 
d'observations  philologiques  et  de  comparaisons  du  dialecte 
autrefois  parlé  par  les  gens  du  pays  avec  les  dialectes  employés 
dans  les  différentes  parties  de  1  Afrique  du  Nord.  Ces  remarques 
ont  fait  1  objet,  dans  1  ouvrage  de  M.  B.,  de  notes  nombreuses  et 
pleines  d  intérêt  et  d'un  appendice  dont  il  sera  rendu  compte  plus 
loin  ;  elles  ont  permis  en  outre  à  1  auteur  de  rétablir  la  ^éritable 
prononciation,  et  partant  Tortographe,  de  certains  noms  propres 
de  lieux,  comme  par  exemple  celle  du  mont  «  Fellouson  »  que 
nos  cartes  appellent  fautivement  «  Filbaousen  »,  etc. 

Au  reste,  un  rapide  exposé  donnera  une  idée  plus  exacte  du 
plan  suivi  par  Teuteur  et  de  l'intérêt  que  présente  cet  important 
travail  (3) 


(1)  Voir  là-dessus  l'étude  pleine  d'érudition  et  de  talent  qu'a  publié 
M.  Edmond  Doutté,  Les  Marabouts,  1  vol.  Paris-Leroux.  lOUO  (ext.  de  la 
Rev.  de  l'tiis.  des  relig.  t.  XL  et  XLI).  Au  reste  le  culte  des  saints  dacs 
l'Islam  n'est  pas  particulier  aux  indigènes  de  l'Afrique  septentrionale,  il 
existe  dacs  tous  les  pays  musulmans.  Cf.  Goidziber,  Die  Heiligentereh- 
rung  im  Islam  [in  Mohammedanische  Studien.  2  Th.,  Halle  (1890)]. 

(2i  Le  fait  est  établi  pour  l'Orient.  Voy.:  E.  Doutté.  Les  Marabouts, 
p.  15.  cit.  Goidziber,  Moham.  Stud.  lï,  336  et  suiv.  J'ai  eu  personnelle- 
ment l'occasion,  lors  d'un  récent  séjour  dans  les  montagnes  dfs  B. 
Chougràn,  de  constater  dacs  certaines  pratiques  des  indigènes,  la  trace 
d'usages  assurément  antérieurs  à  l'Islam  et  sur  lesquels  je  reviendrai 
ailleurs. 

(3)  M.  B.  a  publié  déjà  en  189.5  dans  le  bull.  de  corr.  afric.  uPe  €  Etude 
sur  la  Zenatia  de  l'Ouareenis  et  du  Maghreb  central  v  (Pans- 
Leroux)  et  en  1896  au  journ.  asiatique  (nov.-déc  )  un  travail  sur  «  Le 
Chaouia  de  la  province  de  Constantine  d  ;  mais  ces  publications  ont 
surtout  pour  objet  l'étude  du  dialecte  berbère  et  l'auteur  n'y  a  réservé 
qu'une  place  secondaire  à  l'histoire  politique  et  à  l'hagiographie. 


324  BIBLIOGRAPHIE 

L'ouvrage  est  divisé  en  deux  parties  :  la  première  traite  des 
Koumia  et  tribus  non  Traras  de  la  commune  de  Nédromah  ;  la 
seconde,  des  tribus  Traras  ;  il  est  précédé  d'une  introduction  et 
suivi  de  cin([  appendices. 

La  première  partie  de  «  Nàdromah  et  les  Traras  »  débute  par 
l'historique  de  la  grande  tribu  des  Koumia,  qui  au  temps  de  l'em- 
pire almohade  (XIP-XIIP  siècles)  a  joué  un  si  grand  rôle  dans 
l'histoire  de  l'Afrique  du  nord,  et  dont  il  ne  reste  que  de  maigres 
débris  dans  la  région  de  Nédromah  [1-4]. 

M.  B.  passant  ensuite  à  la  fondation  de  Nédromah,  relève  les 
erreurs  de  Léon  l'Africain,  de  Marmol  et  de  Mac  Carlhy  qui  en 
font  à  tort  un  établissement  romain  [4-5].  Il  croit  pouvoir  identi- 
fier Nédromah  à  la  ville  de  «  Fallousen  »  du  Kitab  el  Boldàn  et 
Sabra  (Turenne)  à  la  a  Madinet  el'Alyin  »  des  auteurs  arabes. 
[7  8].  L'histoire  de  Nédromah,  étayée  de  nombreuses  référ-  nces 
aux  auteurs  musulmans,  occupe  les  pages  suivantes.  Puis,  l'auteur 
énumère  les  différentes  mosquées  de  la  ville  et  les  édifices  consa- 
crés au  culte  des  saints  ;  il  donne  le  texte  et  la  traduction  d'un 
certain  nombre  d'inscriptions  arabes  qui  s'y  trouvent  et  grâce 
auxquelles  il  arrive  à  fixer  la  date  de  ces  fondations  pieuses. 
L'inscription  de  Yousof  ben  Tàchefin  la  plus  ancienne  inscription 
arabe  d'Algérie,  découverte  par  M.  B.  dans  la  grande  mosquée  ^t 
transportée  par  ses  soins  au  musée  d'Alger,  est  représentée  en 
photogravure  à  la  page  23. 

A  propos  de  la  légende  attribuant  ù  Abd  el-Moumen  la  fondation 
de  Nédromah,  l'auteur  établit  nettement  qu'il  s'agit  d'El  Batha  sur 
le  bas  Chélif  et  non  de  Nédromah,  déjà  citée  par  des  auteurs  mu- 
sulmans, comme  El  Bekri  (-|-  487  H  =1094  J.  C),  antérieurs  à 
Abdel  Mou  men  [30  32]. 

La  mention  d'une  h'aouit'a consacrée  à  Sidi  Djaber  b.  Abd  Allah, 
un  des  prédécesseurs  de  Yagh'morasen,  le  fondateur  de  la  dynastie 
des  rois  de  Tlemcen,  est  acompagnée  de  renseignements  historiques 
sur  la  région  à  l'époque  où  vivait  ce  chef  abdelouadite  [36-7]. 

Sur  le  territoire  des  Souah'lia,  la  mosquée  de  Sidi  Abd  el  Qàder 
el  Djilani,  consacrée  au  saint, le  plus  vénéré  des  indigènes  algé- 
riens, nous  vaut  une  note  érudite  contenant  une  bibliographie  très 
complète  des  sources  qui  donnent  des  renseignements  sur  ce 
personnage,  ainsi  qu'une  liste  des  ouvrages  dont  il  passe  pourêtre 
rauteur]39  et  n"  1] 

Dans  la  tribu  des  Djeba'a,  à  propos  de  la  mosquée  de  Ternàna, 
M.  B.  nous  fait  cennaitre  cette  ancienne  cité  de  Ternànà  dont 
parlent  déjà  Ibn  H'aouqal  (X"  s.)  et  El  Bekri  (XI'  s.)  [51]  ;  à  l'oc- 
casion de  la  zaouyat  el  Y'aqoubi,  mentionnée  à  la  page  56,  on  lit 
de  curieux  détails  généalogitjues  et  biographiques  sur  le  person- 
nage dont  elle  porte  le  nom  et  sur  le  rôle  politique  qu'il  joua  au 
XVI°  s.  contre  l'envahisseur  espagnol 


BIBLIOGRAPHIE  325 

La  seconde  partie  de  l'ouvrage  est  consacrée  aux  Traras,  tribu  dont 
le  nom  n'apparaît  chez  les  auteurs  qu'au  XVP  s.  lis  sont  formés 
par  débris  des  Koumia  et  des  Oulhàsa  affaiblis  par  les  guerres  [65-7]. 

Ici  comme  dans  la  région  étudiée  au  cours  de  la  première  partie, 
les  monuments  consacrés  au  culte  des  saints  sont  nombreux  et 
d'inégale  importance,  selon  que  les  personnages  dont  ils  renfer- 
ment les  restes  ou  à  la  mémoire  desquels  i's  sont  voués,  sont  |  lus 
ou  moins  dignes  de  la  vénération  des  fidèles. 

Chez  les  B.  Menîrs,  une  qobba  renferme  au  dire  des  indigènes 
e  tombeau  de  Sidi  Youchà  (Josuéj  et  une  mosquée  honore  la  mé- 
moire de  ce  personnage  biblique.  A  cette  occasion,  M.  B.  expose 
les  différentes  versions  ayant  cours  et  la  confusion  qui  règne  à 
propos  du  tombeau  de  Josué,  il  y  joint  les  légendes  répandues  dans 
le  pays  et  raconte  les  miracles  qu'y  a  opéré  Sidi  Youchà  dont  le 
pseud  tombeau  est  à  la  fois  vénéré  par  les  musulmans  et  par  les 
juifs  de  la  région  [74-77]. 

Le  respectueux  souvenir  de  Sidi  Moh'ammed  el  Haoùari,  mort 
à  Oran,  le  12  septembre  1439  est  perpétué  dans  la  fraction  des  B. 
Mishel  par  une  modeste  h'aouïta  et  M.  B.  nous  fait  connaître  ce 
savant  et  pieux  musulman,  par  une  notice  biographique  que  vient 
complétei  une  note  où  l'auteur  énumère  les  ouvrages  fournissant 
des  détails  sur  le  saint  [85  et  n"  3]. 

Le  V' chapitre  de  ce' te  deuxième  partie  contient  l'historique  des 
B.'Abed,  famille  qui  donna  le  jour  à  'Abd  el  Mouraen,  le  fondateur 
de  l'empire  almohade,  le  conquérant  de  la  Berbérie  et  de  l'Espagne 
[92-5]. 

C'est  sur  le  territoire  de  cette  tribu  que  l'on  trouve  les  ruines 
d'Honein,  dont  M.  B.  retrace  l'histoire  détaillée  et  puisée  chez  les 
écrivains  musulmans  [95-104].  On  lira  encore  avec  intérêt,  les 
pages  consa'  rées  à  Sidi  Sofyan  eth-Thaouri  [112  113],  aux 
Oulhàsa  Gheraba  [114-6],  à  Sidi  Moh'ammed  Dah'oui  [120  1-21],  à 
Sidi  Ah'med  et  Tidjini  [124]  et  à  Sidi  Moh'ammed  el  Ouardini, 
dont  le  h'aouch  se  trouve  sur  le  port  d'Ouardànya,  peut-être 
l'ancien  Portus  Cœcilii  de  l'itinéraire  d'Antonin  [126]. 

A  cet  important  travail,  l'auteur  a  ajouté  cinq  appendices. 

L'appendice  I  [131-157]  est  une  courte  étude  du  dialecte  berbère 
autrefois  parlé  dans  les  Traras.  M.  B.  y  a  joint  des  notes  gramma- 
ticales et  un  court  vocabulaire  du  dialecte  berbère  des  B.  Bou  S'aîd 
Ccercle  de  Maghnia).  (i)  Pour  connaître  1  intérêt  de  ce  chapitre  il 
suffit  de  nommer  l'auteur,  dont  les  nombreux  travaux  sur  la 
lanorue  berbère  en  font  un  maître  incontesté. 


(1)  Ce  dialecte  encore  parlé  aujourd'hui  n'a  fait  jusqu'ici  l'objet  d'au- 
cune étude  spéciale.  Il  serait  très  voisin  de  celui  des  B.  Snous  et  des  B. 
Izcacen.  selon  M.  B.  qui  a  publié  déjà  en  1898  uue  t  Notice  sur  le 
dialecte  berbère  des  Béni  Isnacen  ». 


326  BIBLIOGRAPHIE 

Dans  l'appendice  II  [158-195],  M.  B.  établit  que  la  vénération  du 
tombeau  de  Josué  (  Sidi  Youchà)  chez  les  Traras,  a  pour  point  de 
départ  une  pratique  juive  A  l'appui  de  cette  assertion,  l'auteur  nous 
montre  que  les  tombeaux  bienfaisants  des  principaux  personnages 
de  la  Bible,  sont  encore  vénérés  en  différents  endroits  par  les  juifs, 
les  chrétiens  et  les  musulmans,  sans  que  la  pluralité  des  sépultures 
ait  jamais  été  un  obstacle  à  la  dévotion  des  fidèles.  Ce  chapitre  est 
plein  d'une  vaste  érudition,  et  l'auteur  grâce  à  sa  connaissance  des 
langues  européennes  et  sémitiques  a  pu  puiser  des  renseignements 
aux  sources  chrétiennes  et  musulmanes. 

L'appendice  III  [196-211]  contient  depuis  la  domination  musul- 
mane jusqu'à  nos  jours  l'histoire  d'Arechgoul  fRachgoun)  qui 
servait  de  port  à  Siga,  la  capitale  de  Siphax.  Les  auteurs  musulmans 
du  moyen  âge,  ont  été  largement  mis  à  contribution  pai  M.  B. 
dans  cette  intéressante  monographie. 

L'appendice  IV  [204-212]  est  consacré  à  la  légende  populaire  du 
sultan  el  Akh'al  ou  sultan  noir,  que  M.  B.  pense  être  le  souverain 
mérinide  Abou  Yaqoub  Yousof,  le  fondateur  de  Mansoura.  (0  resté 
non  moins  légendaire  dans  la  région  de  Tlemcen  que  le  mémorable 
siège  qu'il  entreprit  contre  l'ancienne  capitale  des  Béni  Abd  el  Ouâd. 

M.  B.  pour  montrer  les  déformations  que  subit  l'histoire  dans 
la  tradition  populaire,  donne  le  texte  arabe  et  la  traduction  de  la 
légende  ayant  cours  aujourd'hui  à  Nédromah,  et  la  compare  aux 
versions  de  la  même  légende  rapportées  par  Stumme  dans  ses 
contes  berbères  du  dialecte  de  Tazeroualt  etpar  Walsin  Esterhazy. 

L'appendice  V  [212-222]  renferme  :  1°  le  texte  inédit  d'un  acte 
d'union  des  musulmans  de  la  partie  nord-occidentale  de  l'actuel 
département  d'Oran,  contre  l'invasion  espagnole  (XVI*  s.).  Cette 
pièce  rédigée  par  Moh'ammed  el'Oqbani  en  955  de  l'hégire  (1548- 
1549  de  J.  C).  est  signée  des  personnages  les  plus  influents  du 
pays.  C'est  d'après  une  copie  ancienne  (de  1111  de  rH.=l699  de 
J.  C.  )  que  M.  B.  a  publié  le  texte  de  ce  curieux  document  histo- 
rique. 2'  la  fin  de  cet  appendice  est  occupée  par  le  texte  arabe  d'une 
autre  pièce  historique,  un  fragment  inédit  d'un  ouvrage  intitulé  : 

^-_;Jl./C5Ji    ^_x_ir-!  j  ^_^ii.sr-^t  v 'L^-i    et   dans  lequel  sont 

mentionnés  un  certain  nombre  ds  personnages  nédroméens.  (2)  A 
l'occasion  du  nom  de  Sidi  Bou  Médian  mentionné  dans  ce  frag- 
ment [219],  M  B.  a  donné  la  bibliographie  du  patron  de  Tlemcen 
et  la  liste  des  ouvrages  qui  lui  sont  attribués. 

Un  index  des  noms  propres  termine  l'ouvnige. 

Tlemcen,  Novembre  1901.  Alfred  BEL. 


(I)  Celte  opinion  est  confirmée  par  la  légende  tlemcennienDe,  ainsi  que 
j'ai  pu  personneilement  le  constater 

(?)  M.  B.  a  extrait  ce  passage  du  manuscrit  n"  4608  ([«•  136-139)  de  la 
Bibliothèque  nationale  de  Paris. 


^ 


BINDING  SECT.   JUL  7    1967 


i^'ritUi»^ 


DT  Société  de  géographie  et 

298  d» archéologie  de  la  province 

08S622         d'Oran 

■t.21  ^  Bulletin  trimestriel  de 

géographie  et  d'archéologie 


PLEASE  DO  NOT  REMOVE 
CARDS  OR  SLIPS  FROM  THIS  POCKET 

UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY