HANDBOUND
AT THE
UNIVERSITY OF
TORONTO PRESS
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in 2010 witii funding from
University of Ottawa
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SOCIÉTÉ
(Il
D'ARCHÉOLOGIE
L-A. FROVinsrOE ZD'OR^lSr
FONDÉE EN 1 S78
TO]VIE XIXII . — 1901
ORAN
Imprimerie Typographique et Lithographique L. FOUQUE
Rue ThuiUier, 4 {Place Kléhcr)
1 9 O 1
DT
t. 2-1
621876
SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE & D'ARCHÉOLOGIE
PROVINCE D'ORAN
TOiMEXXK— 1901
TABLE DES MATIÈRES
Liste générale des Membres de la Société
Ouvrages offerts à la Société en 1900 et 1901 IX, XXXVI,
Sociétés correspondantes
L'-Colonel Derrien. - Pluie tombée à Oran en 1900 '. .
Congrès de 1902. — Circulaires n"' 1, 2 et 3 aux Membres de la
Société XIII, XXXVII,
Assemblée générale du ô mai 1901
— Rapport du Secrétaire général
— Rapport du Trésorier
— Rapport du Bibliothécaire
— Allocution du Président
— Résultat sur le Concours de 1900...
— Renouvellement annuel du tiers des
Membres du Comité et Élection
du Bureau
Programme du Concours ouvert en 1901 par la Société de Géographie
et d'Archéologie d'Oran
A. Guillaume. — Observations météorologiques de la station de
Santa-Cruz XXXIII,
— Station météorologique de Santa-Cruz.. . XXXIV,
40' Congrès des Sociétés savantes de Paris et des Départements (avis
ministériel)
René Basset. — Rapport sur le XXlI' Congrès national des Sociétés
françaises de Géographie, tenu à Nancy du
1" au 5 août 1901
Vœux émis par le XXII* Congrès
L'-Colonel Deriuen. — Nécrologie
Mouvement des entrées et sorties, par pavillons, dans le port d'Oran
en 1900
Mouvement de la Navigation dans les ports du département d'Oran
en 1900
Pages
1
LXXV
XI
XII
XL1X
XIV
XV
XXII
XXVI
XXVII
XXVIII
XXX
XXXI
LXXII
LXXIII
XXXVIII
XXXIX
XLVI
XLVIII
L
LUI
TAHL1<: DES MATIKRES
Pages
Relevé total du mouvctncnt dos ports du département dOran en 1000. LVIII
Statistique du mouvement commercial des ports du département
dOran en lOJ) l-I-^
Relevé du trafic de la gare de Karguentah (C- P.L.-M.) en 1000 LXIV
Relevé du trafic de la gare d'Oran-Marine (('.'• P.-L -M.) en IDOO lAV
Produits agricoles 18 ni-lOOO LXV'I
Recensement de la populal on du déiiartemenl d'Oran en 1901 LXX
Mouvement des français et des étrangers dans le port d'Oran en lilOl LXXI
F. DoUMEHGUE. — Essai sur la Faune crpétologique de l'Oranie
(Errata) LXXVII
— Essai sur la Faune crpétologiriue de l'Oranie
(Appendice) LXX Vlll
A. MouLiÉRAS. — Couféi^ence sur la ville de Fas (Fez) 1
E. Flahault. — Fouilles ai^chéologiques à Aïn-Temouchent
fAlbulœJ, avec planche 32
— Chroniques ai-chéologiques 30, 221
Ségalas. - Lettfe sur la Mission Foureau-Laniy 52
QuiÉVREUx. — Lettre sur les tremblements de terre au
Venezuela en 1900 56
F. DouMERGUE. — Essai sur la Faune crpétologique de l'Oranie,
avec planches (suite et fin) 61, 103, 187
A. MouLiÉRAS. — Nouvelles gcogi^aphiques (La travci^séc du
Rif. — Exploration des Brabor) .... 93, 185
KocK. — Volcan éteint de Tigi^aou (avec carte) 99
L'-Coloncl Deurien. — Deux chapiteaux romains trouvés
à Renault 102
D' J. Gasser. — Chroniques géographiques 151, 315
Capitaine Duv.iux. — Le Tlaïa, avec planches 171
Abbé Fabue. — Une découverte mégalithique en France
(Les Statues-Menhirs) 216
Société de Géographie et d'Archéologie d'Oran. — Séance
du Comité du 14 octobre 1901. — Démission du
Seeiétaire général 233
Augustin Bernaud, — En Oraiiie 235
Congrès CUb 1902. — C^irculaire n" 4. — Questionnaire
provisoire 304
Capitaine DuvAux. — Notice stu' les Inscriptions recueillies
à Tagliit (Sud Oranais), avec
planches 306
TABLE DES MATIERES
BIBLIOGRAPHIE
Pages
BouTY. — Le Transsaharien et la pénétration française en
Afrique, par M. Maurice Honoré 94
A. GoYT. — Cinq textes berbères en dialecte chaouia, par
M . Gustave Mercier 98
L. Gentil. — Note sur la carte géologique do Beni-Saf 159
L'-Colonel Derrien. — Une excursion au Sous, par
M. de Segonzac 1G6
BouTY. — Une question d'actualité: Le chemin de fer d'Oran
au Maroc. — Une question de demain : Les
chemins de fer marocains, par M. G. Milsom,
ingénieur civil des Mines, Beni-Saf 229
Alfred Bel. — Nédromah et les Traras par René Basset. . . . 322
LISTE GENEKALE des MEMBRES de la SOCIÉTÉ
MM.
au 1" Janvier 1901
PRÉSIDENT HONORAIRE
M. MoNBRUN, Avocat à Oran.
MEMBRES D'HONNEUR
Le Gouverneur Général de l'Algérie.
Le Général Commandant la Division d'Or an.
Le Préfet d'Oran.
De Brazza, ancien Gouverneur du Congo.
A. Héron de Villefosse, Membre de l'Institut.
René Cagnat, Membre de l'Institut.
Le Conseil Général du Département d'Or.a.n.
Le L'-Colonel Marchand, Explorateur.
MEMBRES HONORAIRES
Mm. Elisée Reclus, Géographe
à Bruxelles.
Jules Verne, à Amiens.
BiNGER, Explorateur.
Caron, id.
FOUREAU, id.
MONTEIL, id.
MM. MousTiER, Explorateur.
Nordenskiold, Explora-
teur.
Nanssen, Explorateur,
Trivier, id.
Verminck, id.
ZWEIFEL, id.
MEMBRES HONORAIRES CORRESPONDANTS
MM. René Basset, Directeur de l'École supérieure des Lettres
d'Alger.
Augustin Bernard, Directeur des Questions Diplomatiques
et Coloniales, à Paris.
Carton, Médecin-Major au 19'' Régiment de Chasseurs.
A.-L. Delattre (des Pères Blancs), Correspondant de l'Ins-
titut de Carthage.
II LISTE GÉNÉRALE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ
MM. Paul Gauckleu, Directeur du Service des Antiquités et
Beaux-Arts de la Tunisie.
Gentil, chargé de conférences de Pétrographie à la chaire
de Géologie du Collège de France.
Lacroix, Chef de Bataillon, Chef du Service des Affaires
indigènes au Gouvernement Général à Alger.
RuFF, Professeur au Lycée de Cherbourg.
COMPOSITION DU BUREAU
MM. Derrien, Président.
MouLiÉRAS, i" Vice-Président fGéographie).
GiLLOT, 2' Vice-Président (Archéologie).
BouTY, Secrétaire Général.
PocK, Trésorier.
BoissiN, Bibliothécaire-Archiviste.
Gasser, Secrétaire de la Commission de Géographie.
Bel, Edgar, Adjoint de la Commission de Géographie,
Flahault, Secrétaire de la Commission d'Archéologie.
KocH, Adjoint de la Commission d'Archéologie.
MEMBRES DU COMITÉ ADMINISTRATIF
MM. Barthélémy.
Doumergue.
Frette.
Getten.
GOYT.
Had.'-Hassak.
Jullian, Charles,
MM.
Pousseur,
Renard.
Renucci.
Rocchisani.
Tartavez.
Thiébault,
Tridon.
1
MEMBRES TITULAIRES
MM. Ali Ghoumeri, Rentier, à Oran.
Ali Mustapha Mahi-Eddin, Interprète judiciaire, à Oran.
Allard, Ingénieur, à Oran.
Alliot, Directeur de l'Hôpital Civil d'Oran,
Amillac, Médecin-Dentiste, à Oran.
Amoros, Négociant, à Oran.
Ancey, Administrateur, à Port-Gueydon,
Antona, Joseph, Géomètre, à Roseville (Oran),
Aron, Avocat, à Oran.
LISTE GÉNÉRALE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ III
MM. Ayasse, Médecin, à Aïn-Tcmouchent.
Aymé, Conducteur des Ponts et Chaussées, à Saïda.
AzAN, Lieutenant au 2" Régiment de Zouaves.
Banton (Abbé), Aumônier du Lycée d'Oran.
Barber, Consul d'Angleterre, à Oran.
Barthélémy, Pharmacien, à Oran.
Bartholomé, Directeur des Tramways, à Oran.
Bassompierre, Médecin-Major de, 1" classe à l'Hôpital
MiH taire d'Oran,
Bastide, Maire de Bel-Abbès,
Bel, Edgar, Professeur au Lycée d'Oran.
Bel, Professeur à la Médersa de Tlemcen.
Ben Daoud, Colonel en retraite, à Oran.
Ben Saad, Etudiant en Pharmacie, à Oran.
Bernauer Médecin, à Oran.
Beyna, Directeur de la Compagnie Algérienne, à Oran.
Bister, Interprète judiciaire, à Saint-Denis-du-Sig.
Blan'chet, Avocat, a Tanger.
Bloch, Banquier, à Mostaganem.
Blondelle, Prosper, Négociant, au Sig.
BoissiN, Directeur de l'École Sédiman, à Oran.
Bossi, Curé, à Saint-Lucien.
BoucHARn, Pharmacien, à Oran.
BouÉ, Entrepreneur de peinture, à Oran.
Bougnol. Notaire, à Tlemcen.
Bouty, Contrôleur principal des Mines en retraite, a Oran.
Brcxel, Géomètre principal, à Mustapha.
Burgart, Constructeur-Mécanicien, à Oran.
Cabanel, Chef de Gare, à Oran.
Cabanel, Huissier, à Mostaganem.
Cabrol, Négociant, à Oran.
Cairol, Photographe à Oran,
Canal, Agent-Voyer principal en retraite, à Oran.
Cardona, Chancelier du Consulat d'Espagne, à Oran.
Carrafang, Conseiller Général, à Saïda.
Carli. Repi'ésentant de Commerce, à Oran,
Castanié, Ingénieur en Chef des Mines de Beni-Saf, à Oran.
Castanié, fils, Armateur, à Oran.
Cayla, Emile, Ingénieur, à Oran.
Cau, Directeur de l'Agence Wails, ù Oran.
Cercle de la Mosquée, à Oran.
Chabaud, Camille, Propriétaire, à Aïn-Temouchent.
Champion, Victor, Administrateur-Adjoint, à Montagnac.
Chancogne, Directeur du Comptoir d'Escompte, à Mascara.
Chandelier, Marins, Propriétaire du Cafi Riche, à Oran.
IV LISTE GENERALE DES MEMBRES DE LA SOCIETE
MM. CiiATROUssE, Administrateur des Affaires indigènes à la
Préfecture d'Oran.
Cheyi.ard, Com' en retraite, à Mustapha {Membre perpétuel).
Cholet, Directeur de la O' l'Ouest-Algérien, à Oran.
CoHEN-SoLAL, Profcsscur d'Arabe au Lycée d'Oran.
Conseil Municipal de Bel-Abbès.
Conseil Municipal de Perrégaux.
Conseil Municipal de Relizane.
Conseil Municipal de Saint-Denis-du-Sig.
CoRRiÉRAS, Instituteur, à Eckmuhl (Oran).
CouRREcii, Instituteur, à Eckmûhl (Oran).
Courserant, Notaire honoraire, à Mostaganem.
CouRïiNAT, Avocat-défenseur, à Oran.
Couture, Chef d'Escadron d'Artillerie en retraite, à Oran.
Dagne, Architecte, à Oran {Membre perpétuel).
Daniel, Paul, Négociant, à Oran.
Delinon, Directeur du Gaz, à Barcelone [Membre perpétuel) ^
Delrieu, Pilote en retraite, à Oran.
Derhien, Lieutenant-Colonel en retraite, à Oran {Membre
perpétuel). Correspondant du Ministre de l'Instruction
publique.
Dessirier, Général Commandant le VIP Corps d'Armée,
à Besançon.
Didière, Géomètre, à Oran.
Douine, Propriétaire, à Frendah.
DouMERGUE, Professeur au Lycée d'Oran.
Du Jonchay, Capitaine, Chef du Bureau Arabe, à Méchéria.
DuPORT, Employé à la Mairie d'Oran.
Dupuy, Liquoriste, à Oran.
DuREL, Propriétaire, à Oran.
DuzAN, Maire de Saint-Leu.
Ê.MARD, Conservateur des Eaux et Forêts, a Oran.
Emerat, Conseiller Général, à Oran.
Engel, Ingénieur Civil, à Oran, rue d'Arzew, 72.
EscLAVY, Représentant de Commerce, à Oran.
Etienne, Député d'Oran, à Paris.
Fabre, Receveur des Contributions diverses, à Tiaret.
Fabre, Curé, à Kléber.
Fabriès, Médecin, à Bel-Abbès.
Faure, Firmin, Député d'Oran, à Paris.
Faure, Pharmacien, à Aïn-Temouchent.
Faure, Entrepreneur, à Oran.
Féraud, Ingénieur Civil, à Mustapha.
LISTE GÉNÉRALE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ V
MM. Fauconxet, Sous-Intendant Militaire de 1'" classe, Directeur
du Service de l'Intendance, à Oran.
Flahault, Ingénieur-Architecte, à Oran.
Flamand, Professeur à l'École supérieure des Sciences, à
Alger.
FouLD, Alfred Israël, Propriétaire, à Oran.
FouQUE, Laurent, Président du Conseil Général, à Oran.
FouREAU, Explorateur, à Bussière-Poitevine (H''-Vienne).
Frette, Négociant, à Oran.
Cachet, Paul, Négociant, à Oran.
Gardié, Instituteur, à Nédroma.
Garoby, Secrétaire Général de la Préfecture, à Oran.
Garouste, Conseiller général, à Bel-Abbès.
Gasser, Médecin, à Oran.
GaupefroyDemombyxes, Secrétaire des Langues Orientales,
ù Paris.
Gautsch, Agent de la Compagnie Touache, à Tanger.
Getten, Ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées, à
Oran [Membre perpétuel).
GiBBAL, Architecte, à Oran.
Gibou, Emile, Propriétaire, à Saïda.
GiLLOT, Professeur au Lycée d'Oran.
G1R.4.UD Hippolyte, Avoué, à Oran.
GiRAUD Jules, Négociant, à Oran.
GiRAUD, Edmond, Avocat, à Alger.
Gobert, Maire d'Oran.
Goisbault, Vicaire général de l'EvôcRé, à Oran
Gourlier, Administrateur-adjoint, à Nédroma.
GoYT, Géomètre principal, à Oran (Membre perpétuel).
Grandjeax, Instituteur, à Aïn-Temouchent.
GsELL, Professeur à l'Ecole supérieure des Lettres, à Alger.
GuENOUN Darmon (de). Moïse, Mercier, à Oran.
GuÉRiDO, Conseiller de Préfecture, à Oran.-
GuEYDON (Comte de). Commissaire de l'Inscription Mari-
time à Oran.
Guillaume, Préparateur au Lycée d'Oran.
. GuioL, Propriétaire à Bou-Henni.
Hadj-Hassan, Conseiller Général, à Oran.
Hassan, Léon, Négociant, à Oran.
Heintz, Imprimeur, à Oran.
Hertogh, Propriétaire, à El-Ançor.
HuERTAS, Emile, Curé, à Aïn-el-Turck.
HuERTAs, Rapliaël, Aumônier des S. S. Trinitaires, à Oran.
Izambert, Médecin principal de 2° classe, Chef de l'Hôpital
militaire, à Oran.
VI LISTE GÉNÉRALE DES MEMBRES DE LA SOCIETE
MM. Jacques, père, ancien Sénateur.
Jacques, fils, Avocat-défenseur, à Oran.
Jarsaillon, Propriétaire, à Oran.
JouAXB, Ingénieur Civil, à Oran.
JuLLiAN, Charles, Vice-Consul de Russie, à Oran.
Karm, Ancien Notaire, à Oran.
Kermina, Entrepreneur, à Mostaganem.
KiÉNER, Juge suppléant au Tribunal Civil, à Oran.
KocH, Ingénieur Civil, à Oran.
Krumb, Commis de Préfecture, à Oran.
Lapaine, Sous-Préfet de Béthune.
Laurent, Maire de Perrégaux.
Lauret, Pharmacien, à Oran.
Léchelle, Maurice, Représentant de Commerce, à Oran.
Lemoine, Conducteur des Travaux du P.-L.-M.,à Perrégaux.
Leruste, Directeur du Crédit Foncier, à Oran.
Levé, Chef d'Escadron, à Paris.
Lévy, Salomon, Consul du Venezuela, à Oran.
Loge Maçonnique de l'Union Africaine, à Oran.
LoRENZo, Engel, Greffier Notaire, au Télagh.
Mantoz, Inspecteur des Contributions diverses, à Oran.
Marchand, Chef d'Escadron en retraite, à Tunis {Membre
perpétuel).
Marchant, Xavier, Propriétaire, à Oran.
Marégiano, Notaire, à Oran.
Mayaudon, Notaire, à Oran.
Merle, Géomètre principal, à Oran.
Mhammed ben Rahhal, Propriétaire, à Nedroma.
Millière, Administrateur, à Saïda.
MiLSOM, Propriétaire, à Beni-Saf.
MiRAMONT, Léon, Négociant, à Oran.
MoNBRUN, Avocat, à Oran.
MoNDOT, Médecin, à Oran.
MoNTFiL, Instituteur à l'École Karguentah, à Oran.
MoTELEY, Albert, Propriétaire, à El-Ançor.
MouLiÉRAs, Professeur à la Chaire d'Arabe, à Oran.
Moulin, Gustave, Caissier de la Société Générale des Eaux,
_ à Oran.
MuGNiER, Arbitre de Commerce, à Oran.
Nessler, Vice-Consul d'Autriche-Hongrie, à Oran.
NicoLAï, Capitaine du Port, à Oran.
Oliva, Instituteur, à Dublineau.
Ollivier, Propriéaire, à Moudzouch (Bou-Tlélis).
Ondedieu, Chef d'Escadron d'Artillerie en retraite, à Oran.
LISTE GÉNÉRALE DES MEMBRES DE LA. SOCIÉTÉ VU
MM. OuDBi, Général, Commandant la 9' Division d'Infanterie,
à Orléans.
Pjlllu de Lessert, Avocat, à Paris
Pastre, Architecte, à Bel-Abbès.
Pellet, Conseiller Général, à Oran.
Pequignot, Directeur des Salines d'Arzew.
Pérès, Directeur des Mine s d'Or de Madagascar, à Tananarive.
Perrier, Paul, Directeur de VEcho d'Oran, à Oran.
Peyret DoRTAiL, Médccio de colonisation, à Montagnac.
PiLLOT, Chef de Bataillon au 2° Etranger, à Ain-Sefra.
PiNCEMAiLLE, Ingénieur des Ponts et Chaussées, à Mascara.
PiTOLLET, Notaire, à Oran.
Plat, Directeur des Eaux, à Oran.
Platel, Conducteur des Ponts et Chaussées, à Oran.
PocK, Caissier de la Caisse Nationale d'Epargne, à Oran.
Poindrelle, Chef de Bataillon au 87"= Régiment d'Infanterie.
PoiNSSOT, à Paris (Membre perpétuel).
Pointeau, Notaire, à Tlemcen.
PoiREY, Alfred, Juge au Tribunal civil, à Oran.
PoTTiER, Notaire, à Oran.
Pousseur, Directeur du Gaz, à Oran.
PouYANNE, Ingénieur des Ponts et Chaussées, à Mosta-
ganem.
PouYER, Entrepreneur, à Oran.
Prades, Benjamin, Répartiteur des Contributions directes,
à Nemours.
Prailly, Notaire, à Aïn-Temouchent.
Prestat, Président du Conseil d'Administration de la
Société Générale des Eaux, à Oran.
Prunier, Charles, Administrateur-adjoint de la Commune
mixte de Mascara.
Quiévreux, Fils, Propriétaire, au Télagh.
Renard, Directeur de l'École Karguentah, à Oran.
Renoux, Receveur principal des Postes, à Oran.
Renucci, Inspecteur des Postes et Télégraphes, à Oran.
Réunion des Officiers, à Oran.
Réunion des Officiers, à Bel-Abbès.
RicuoMME, Lieutenant au 144° Régiment d'Infanterie, à Bor-
deaux.
Robert, Interprète militaire en retraite, à Oran.
Robert, Administrateur à Bordj-bou-Aréridj (Constantine).
RoGHEFORT (de). Agent principal de la Compagnie Transa-
tlantique, à Oran.
Rocchisani, Directeur des Postes et Télégraphes, à Oran.
Roman, Inspecteur des Postes et Télégraphes, à Orao.
Roque, Pharmacien, à Oran.
VIII LISTE GKNERALE DES MEMBRES DE LA. SOCIETE
MM. Roussel, Sous-Inspecteur des Télégraphes, à Oran.
Roux-Freissixeng, Avocat, à Oran.
RouziÈs, Instituteur, à Tizi.
Sabatier, Avocat-défenseur, à Tlemcen.
Saget, Franijois, Négociant, à Oran.
Saint- Amans, Aristide, Propriétaire, à Tlemcen.
Saint-Cyr, Propriétaire, à Oran.
Saint-Germain, Sénateur d'Oran, à Paris.
Saintpierre, Charles, Négociant, à Oran.
Sajous, Géomètre, à Oran.
Sandras, Médecin, à Oran.
Sarrocchi, Géomètre, à Oran.
Sartin, Greffier au Tribunal civil d'Oran.
Secrétariat de l'Évèché, à Oran.
Sépulcre (Abbéj, Aumônier de l'Hôpital Civil d'Oran.
Simon, Propriétaire aux Hamyan, Saint-Leu. . .
Soipteur, Conseiller général, à Tlemcen.
SouiN, Auguste, Propriétaire, à Marnia.
Stéph-a-nopoli, Conseiller de Préfecture, à Oran.
Tabary, Inspecteur des Douanes, à Phiiippeville.
Tartavez, Officier principal d'Administration en retraite,
à Oran.
Terrade, Entrepreneur, à Oran.
Thib.\udat, Receveur des Postes à Karguentah, Oran.
Thiebault, Conservateur des Hypothèques, à Oran.
TouRNiER, Alfred, Agent de la Société des Auteurs, Compo-
siteurs et Editeurs de Musique, à Oran.
Tridon, Chef d'Escadron de Gendarmerie, Commissaire de
Gouvernement près le 2" Conseil de Guerre, à Oran.
Turot, Conseiller général de Saint-Denis-du-Sig.
Vallois, Capitaine en retraite, à Arzew.
Vauvilliers, Inspecteur des Contributions directes, à Nice.
Varnier, Secrétaire Général du Gouvernement Général de
l'Algérie.
Venisse, Administrateur-adjoint à la Sous-Préfecture de
Tlemcen.
ViALA, Eugène, Instituteur à l'Ecole Karguentah, à Oran.
Viénot, Propriétaire, à Oran.
Wolters, Chef de Dépôt de l'Ouest-Algérien, à Bel-Abbès.
ZiMMERMANN, Administrateur de la Commune mixte du
Télagh.
ZuANi, Capitaine du Port d'Ajaccio.
I OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ
en 1900
Auguste MouLiÉRAS. — Le Maroc inconnu. — Exploration des
Djebala (Tome II).
Auguste MouLiÉRAS. — Les Beni-Isguen (M'zab).
D' Carton. — Les Ruines de Ksar Djema el Djir (Tunisie).
Vaughan Cornish. — Formation des Dunes de sable.
Elisée Reclus. — La Phénicie et les Phéniciens.
Guillaume Grandidier. — Voyage dans le Sud-Ouest de Mada-
gascar.
Ernest Fallût. — La Situation économique de la Tunisie.
Achille Robert. — L'Arabe tel qu'il est.
Société Languedocienne de Géographie. — Géographie générale
du Département de l'Hérault (Tome III, 1" fasc).
J. Corcelle. — Les Boers et le Transvaal.
Thorvald Kornerup. — Aperçu des Meddelelser om Grônland
(communications sur le Grônland) 1876-1899.
Vidal Cuinet. — Syrie, Liban et Palestine.
G.-B.-M. Flamand, — Mission au Tidikelt. — Une Mission d'ex-
ploration scientifique au Tidikelt.
Paul Gauckler. — Enquête sur les Installations hydrauliques
romaines en Tunisie (4* fascicule).
M. -A. Papier. — Lettres sur Hippone, avec album.
Adrien Leclerc. — De l'application de l'act Torrens dans la
régence de Tunis et des modifications à apporter à la loi foncière.
A. de Peyre. — Sociétés indigènes de prévoyance de secours et
de prêts mutuels des communes de l'Algérie.
Gouverneur Général de l'Algérie. — Rapport sur les opérations
des Sociétés indigènes de prévoyance de secours et de prêts
mutuels des communes de l'Algérie pendant l'exercice 1898-99.
R. Gautier. — Observations météorologiques faites aux fortifica-
tions de Saint-Maurice pendant l'année 1898.
Henry Benest. — Fleuves sous-marins.
R.-P. Delattre. — Carthage. — Nécropole punique voisine do
S''-Monique.
E. Zeys. — Esclavage et Guerre sainte.
X OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIETE
L. I1E MiLLOUÉ. — Petit Guide illustré du Musée Guimet.
M.-L. Jacquot. — Traditions et superstitions algériennes.
M.-G.-B. Flamand. — L'Occupation d'In-Salah et l'Action fran-
çaise dans le Sahara.
M. -G. MiLsoN. — Rachgoun port de guerre et port de commerce.
M.-G... — Rapport sur la nécessité de la création d'un port de
guerre et de comni-^rce à Rachgoun et de la construction d'un
chemin de fer de Tlemcen à Rachgoun.
François Drouet. — Au Nord de l'Afrique.
J. RuFER. — Histoire de Mostaganem et de Mazagran.
M. MoRENO Y Anda y Antonio Gomez. — El clima de la Repiiblica
mexicana en el aùo de 189G.
CARTES
Gouverneur Général de l'Algérie. — Sphère céleste en arabe-
et en français.
SOCIETES CORRESPONDAiNTES
SOCIÉTÉS DE GÉOGRAPHIE
Paris. — Société de Géographie. — Société de Géographie
commerciale.
Alger, Bordeaux, Douai. Dunkerque, Le Havre, Lille, Lyon, Lorient,
Montpellier, Nancy, Nantes, Rochefort, Rouen, Saint-Nazaire,
Toulouse, Tours.
Amsterdam, Anvers, Berne, Bruxelles, Buda-Pesth, Buencs-Ayres,
Edimbourg, Genève, Helsingfors, Le Caire, Lisbonne. Madrid,
Manchester, Munich, Neufchàtel, New-York, Rio-de-Janeiro,
Saint-Pétersbourg, Saint-Gall.
SOCIÉTÉS DIVERSES
Paris. — Association philotechnique. — Comité des Travaux
historiques et scientifiques. — Questions diplomatiques et
coloniales. — Revue coloniale. Société des Études maritimes
et coloniales. — Société nationale des Antiquités de France.
Alger. — École supérieure des Lettres. — Société historique
algérienne.
Autun. — Société Eduenne.
Bône. — Académie d'Hippone.
Constantine. — Société archéologique.
Dax. — Société de Borda.
Gap. — Société des Études des Hautes-Alpes.
Rouen. — Association des anciens Élèves des Écoles supérieures
de Commerce.
Saint-Dié. — Société philomathique Vosgienne.
Saïgon. — Société des Études Indo-chinoises.
Toulouse. — Revue archéologique du Midi de la France.
Tunis. — Institut de Cai'thage.
Vienne (Isère). — Revue épigraphique.
Cordoba. — Academia nacional de Ciencias.
Guatemala. — Sociedad Guatemalteca de Ciencias.
Madrid — Real Academia de la Historia.
Mexico. — Sociedad cientifica « Antonio Alzate. »
Rome. — Istituto archeologica Germanico.
Saint-Pétersbourg. — Section impériale d'Archéologie.
Stockholm. — Académie des Belles- Lettres, d'Histoire et des
Antiquités.
Toronto. — The Canadian Institute.
XII
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES
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que 300 millimè
'est eu 1800 qu
(230 millimètres)
tombé le plus (
annuelle est 700,
CT
r.
o
ce
c:
c
(I) En 1000, les observa
avec deux pluviomètres di
l'un au fort de Sanla-Cru/
mètres, l'autre à lliùpital mi
.00 mètres et à 000 mètre
projection horizontale.
(2) La pluie tombée à C
peu de la moyenne annuell
pendant les quatre demie
moyenne de 35 millimètres
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SOCIETE DE fiEOGRAI'IIIE
s D'ARCHÉOLOGIE
CONGRÈS NATIONAL
DES SOCIÉTÉS FRANÇAISES DE GÉOGRAPHIE
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CmCULAIRb: N° 1
XXIir SESSION. - ORAN
I MM. les Membres de la Société
d3 Géographie d Oran
Oran, le 15 juin 1901.
Monsieur lt cher Collègue,
Le XXII [«^ Congrès des Sociétés de Géographie se
réunira, vous le savez, à Oran, du 1^' au 5 avril 1902,
sous la présidence de M. Hanotaux, ancien Ministre
et membre de l'Académie française.
Nous espérons que vous nous ferez l'honneur
d'assister à cette solennilé scientifique qui doit
coïncider avec la célébration du millénaire d'Oran,
et nous faisons appel à votre concours pour vous
prier de nous faire connaître si vous avez quelque
communication à faire ou quelque question à faire
inscrire au programme de cette session.
Veuillez agréer. Monsieur et cher Collègue,
l'assurance de nos sentiments les plus dévoués.
Le Secrétaire général,
BOUTY.
Le Président,
L'-Colonel DERRIElN.
11
SOtllTÉ M GÉOGKAPIIIE & D'aUCHÉOLOOIE D'ORAN
Assemblée Générale du 5 Mai 1901
Après avoir ouvert la séance, le Président, M. le L'-Colonel
DiiHRiEN, lit un télégramme de M. Etienne par lequel le
Député d'Oran, membre de la Société, s'excuse de ne pouvoir
assister à la réunion, comme il l'avait promis et en exprime
tous ses regrets.
Sur la proposition du Piésident, l'adi-osse suiviinle, à
M ETIENNE, est votée à l'unanimité :
La Soci»,H(j de Géographie d'Oran, tout en regrettant qu'une
circonstance imprévue ail empêché M. le Député Etienne d'assister
à sou assendjlée générale, le remercie vivomcnt du haut intérêt
qu'il n'a cessé de lui porter et lui exprime ses rélicitations et toute
son admiration pour l'œuvre coloniale (ju'il a enti'eprise depuis
plus de vingt ans avec une activité des plus ellicaces, quoique
silencieuse, puisqu'elle nous a donné une Afrique occidentale
fi-anraiso s'ôtcndant du Maroc au Congo, œuvre coloniale qui, en
Ci qui nous concerne, assure notre expansion vers le Soudan et
au-delà de la Moulouïa.
La Société de Géograiihic; d'Oran émet le vœu ({ue AL Etienne,
au Congi'és de 1902, soit l'intei'prète et l'avocat do ses aspirations,
qui soBf celles de l'Oranie, à laijuelle notre Dé[juté a voué toute
son énergie et toute son éloquence.
Il est passé ensuite à l'ordre du Jour et M. Bouty, Secrétaire
générai, a la parole pour rendre compte des travaux de
la Société.
COMPTE RENDU DES TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ
PENDANT L'ANNÉE 1900-1901
Permettez-moi, Mesdames et Messieurs, de venir, selon l'usage,
vous rendre compte, rapidement, des travaux accomplis par notre
Société, pendant l'année administrative qui s'achève aujourd'hui.
Deux conditions m'ohligent d'être bref: la nécessité de ne pas
fatiguer votre attention ; ensuite, l'attrait littéraire que je suis
incapable de faire naître dans cette circonstance, le sujet d'ailleurs
s'y prêtant médiocrement. ■
Je diviserai mon travail en plusieurs paragraphes :
§ 1".— Effectif des Membres do notre Société ;
§ 2. — Résumé des délibérations du Comité administratif ;
§ 3. — Conférences ; Bulletin de la Société ;
§ 4. — Appréciations diverses.
§ 1". — Effectif des Membres de noire Société
La première questior. ([ui s'impose à mon esprit, est celle
de retracer le mouvement de l'effectif de notre Société; il se
décompose ainsi :
L'année dernière, à pareille époque, le total des Membres
actifs et honoraires était do 289
Les nouvelles adhésions sont de 31
Total 3-20
Les radiations pour cause de décès, départs, etc 7
Reste 313
Tel est le chiffre du mouvement additif subi pendant l'année.
Ce résultTl est un peu faible, eu égard au chiffre de notre
population provinciale et aux intérêts importants que nous
représentons, au double point de vue politique et colonial; nous
devrions être mieux encouragés. Aussi bien, j'émets, avec
insistance, le vœu, que nous devons i^edoubler d'efforts pour
recruter un plus grand nombre d'adhérents. Notre force morale et
nos ressources financières en ressentiraient les heureux effets.
De nombreuses sociétés sportives existent parmi nos popula-
tions ; nous les approuvons. Mais aucune d'elles, étant donné le
but que nous visons, n'a l'utilité objective de la nôtre ; aucune
ne peut revêtir ce caractère d'utilité publique qui nous distingue.
La Société de Géographie d'Alger, bien plus jeune que la nôtre,
compte environ COO membres; (luel bel exemple à suivre !
N.VI COMPTE RENDU DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL
^2. — Rcitnions du Comité administratif
SÉANCE DU 2 JUILLET l'JOO
C'est sur un V(L'u de l'Assemblée que ce § a été ajouté.
Ces réunions, eu égard à la période inactive des vacances, ont
été de 11 ; le nombre des membres présents, a été toujours assez
considérable pour pouvoir délibérer utilement, nous devons louer
leur empressement, je dcvi-ais dire leur dévouement.
Dans cette revue sommaire de nos délibérations, j'éliminerai
tous les sujets ne présentant par un intérèl immédiat et ayant,
tout simplement, le caractère d'administration intérieure.
SÉANCE DU ÎO JUILLET 1900
M. Gentil, membre de notre Société, chargé de conférences à
la Sorbonne, nous a adressé son rapport sur les travaux du
Congrès des Sociétés savantes, où il avait bien voulu accepter le
mandat de nous représenter, circonstance particulièrement avan-
tageuse pour nous On lui a voté de vives félicitations.
M. Augustin Bernard, également noire collègue, professeur de
Géographie à l'École supérieure des Lettres d'Alger, actuellement
directeur de la Revue des questions diplomatiques et coloniah's,
à Paris, a fait don, à la Société, de deux nouvelles brochures :
1° suv Vllistoire de la pénétration saharienne; 2° sur la Revue
bibliographique des travaux intéressant la géographie de
l'Afrique septentrionale. M. Bernard était Secrétaire général du
Congrès national de Géographie, qui a siégé à Alger en IS'J'J ;
il était, donc, parfaitement en situation d'apprécier sérieusement les
travaux de ce Congrès. Le Comité l'a remercié très-cordialement
de son précieux concours dans cette circonstance.
La discussion s'ouvre ensuite sur l'étal de délabrement de la
petite mosquée, dédiée à Mohamed el Kebir, et située à l'intérieur
du quartier de cavalerie de Karguentah. Cette mosquée est
classée dans la catégorie des monuments historiques du départe-
ment. Notre dévoué Président, M. le L'-Colonel Dehrien, fera,
auprès d(; (jui de droit, les démarches voulues en vue de répara-
tions à effectuer.
Notre Société ayant manifesté le vœu que le nom de M. Pomel,
ancien Sénateur d'Oran, Directeur de la Carte Géologique de
l'Algéiie, Président d'honneur et un des fondateurs de notre
Société, fut donné ù un des villages en création dans notre
département, ce vœu a été transmis à M. le Préfet, avec une
notice produite, sur sa demande, concernant les travaux scientifiques
de M. Po.MEL intéi-essant l'Algérie. Notre Société, selon mon
humble avis, devrait préparer un travail général dont le but essentiel
COMPTE RENDU DU SECRETAIRE GENERAL XVII
serait : d'appli([ut'i-, à tels centres de colonisation pourvus d'un
nom indigène vulgaire, à consonnalion barocjue et insigniliant,
des dénominations rappelant les hauts faits et les services rendus
à la colonisation et à l'histoire algérienne. N'est-il pas singulier de
voir, par exemple, que le nom du premier explorateur du Soudan
occidental, j'ai nommé René Caillé, soit ignoré de toutes nos
populations algériennes ? Nous devrions être plus soucieux de
perpétuer le souvenir de nos gloires nationales, et des bienfaits
de riiumanitô.
Notre Président, M. leL'-Colonel Derrien, annonce son prochain
départ pour Paris, où il a mandat officiel de représenter notre
Société, au Congrès des Sociétés françaises de Géographie, qui
doit se réunir dans la deuxième quinzaine du mois d'août, et
d'obtenir, si possible, que ce même Congrès de Géographie
choisisse Oran pour siège de sa réunion en 1902. Son dévouement
absolu à notre Société, nous assure d'avance le succès de sa
mission.
SÉANCE DU 8 OCTOBRE 1900
Reprise des travaux après les vacances.
M. le Président annonce au Comité qu'il a fait, à Paris, à la
réunion du Congrès, un rapport sur les travaux de notre
Société, dont il a su mettre habilement en relief les qualités ; il a
été vivement applaudi et c'était justice. Aussi, le Congrès à
la fin de ses séances, a-t-il volé a l'unanimité que la réunion du
Congrès de 1902 aurait lieu, ainsi que nous en avions manifesté le
désir, à Oran. Cette fêle scientifique coïncidera avec la célébration
du millénaire de la fondation d'Oran, dont la création remonte
à l'an 902.
Délibérant sur ce dernier point, le Comité décide que la
Municipalité oranaise sera avisée de cette double circonstance,
afin qu'ell»3 prenne les dispositions qu'elle croira convenables pour
donner le plus d'éclat possible à cette partie de la fête absolument
municipale.
SÉANCE DU 5 NOVEMBRE 1900
M. le L'-Colonel Derrien, Président, communique au Comité la
lettre de félicitations qu'il a adressée à M. l'Explorateur Foureau
et à ses courageux compagnons, de retour de la grande et pénible
mais glorieuse excursion à travers le grand Sahara central et
aboutissant aux rives encore indéterminées du Tchad. M. Foureau
étant d'ailleurs membre de notre Sociél(', M. Bouty a proposé de
lui conféier le diplôme de membre honoraire. Approuvé ;
M. Bouty fera le nécessaire.
XVIII COMPTE RENDU DU SECRETAIRE GENERAL
M. Derrien, Président, est autorisé i\ sijfiier, au nom de
la Société, le nouveau traité convenu avec M. Fouque, imprimeur,
pour la publication de notre Bulletin.
SÉANCE DU 12 NOVEMBRE
Réunion spéciale pour l'organisation des Commi-sions officielles,
relatives au Congrès national de 1902.
SÉANCE DU 3 DÉCEMBRE lOliO
Règlement nouveau concernant le prêt des ouvrages de notre
Bibliothèipie, et décision l'elative à un alioiinemenf aux Annales de
Géographie, de Vidal Lablache.
SÉANCE DU 7 JANVIER 19 U
M. le Secrétaire général rend compte de la visite qu'il a faite,
officiellement, à M. le Gouverneur général de l'Algérie, Jonxard, et
de la remise du diplôme d'honneur accordé à celte occasion. M. le
Gouverneur général accueillit, avec la plus vive; sympathie, ce
témoignage de l'intérêt que noire Société lui a voué.
M. BouiY communi(iue une lettre de M. Ficheuu, professeur de
Géologie à l'École supérieure des Sciences, à Alger, au sujet
de la découverte du terrain carbonifère maiin, aux environs
d'Igli.
M. le Président rend compte de la visite faite à M. le Maire
d'Oran, accompagné des Membres du Bureau du Comité admi-
nistratif, alîn de lui communi(}uer, officiellement, le choix de la
ville d'Oran, pour la réunion du Congrès national des Sociétés
françaises de Géographie, en avril 1902. M. le L'-Colonel Derrien
fait remarquer que cette époque correspond au millénaire de la
fondation d'Oran ; il fait ressortir qu'il conviendrait, à raison de
cette circonstance commémorative, que la Municipalité de notre
laborieuse et impoi-tante cité, la dernière venue dans l'histoire du
Nord de l'Afrique, mais la plus importante, la première peut-on
dre, au4)oint de vue politique, commercial, et de la colonisation,
il conviendrait que la Municipalit(i prit les mesures nécessaires
pour célébrer cette fête où assistei-ont grand nombre d'étrangers,
avec le plus d'éclat possible.
M. le Maii'c remercia viveniiMil la Commission do cette commu-
nicalion, et promet d'en informer le Conseil Municipal, qui sera
désireux, autant- que lui, de répondre avec empiesseinent à la
communication de M. le L'-Colonel Deuhien.
COMPTE RENDU DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL XIX
SÉANCE DU 4 FÉVRIER 1901
Avis, que le Congrès des Sociétés françaises de Géographie se
réunira, celte année, à Nancy. M. Basset, directeur de l'École
supérieure des Lettres d'Alger, sera prié, le cas échéant, de
représenter officiellement notre Société à cette réunion scienti-
fique. M. Bel, profcsseur au Lycée d'Oran. voudra bien assister
M. Basset.
^L le Président fait connaitre ({u'une subvention de 300 francs
a été accordée à notre Société par >L le Gouverneur Général. De
vifs remerciements seront adressés à M. Jonnart par M. le
L'-Color.el Derrien.
M. le Président annonce que M. Hanotaux, ancien Ministie
des Affaires étrangères, Membre de l'Académie française, a bien
voulu accepter la Présidence du Congrès dOran, en 1902.
SÉANCE DU COMITÉ DU -'i MARS
Des mesures sei^ont prises pour mettre en vente les exemplaires
de nos Bulletins trimestriels en excès, encombrant notre
bibliothèque.
SÉANCE DU COMITÉ DU 1- AVRIL
M. Augustin Bernard, le meml>re très dévoué de notre Société,
assiste à la réunion ; il est présenté par M. le L'-Colonel Derrien,
qui fait son éloge en quelques mots. M. Bernard se dit très flatté
de cet accueil cordial ; il assure que la Société peut compter sur
son concours le plus dévoué.
M. le Président donne lecture des résultats du concours ouvert
l'année dernière, selon l'usage, et relatif aux monographies
concernant diverses communes mixtes ou de plein exercice.
Il est peut-être utile de rappeler (}ue ces concours ont pour objet
la réunion d'éléments historiques et géographiques locaux, qui
seront autant de jalons plantés pour guider les historiens futurs
de notre province. (Voir ci-après le Rapport du Président sur
le concours).
M. le Président tait connaître (jui- l'Asseniblée générale de
lolre Société est fixée au Dimanche, 5 mai, à 0 heures du inatin.
M. Boutv fera le nécessaire.
XX COMPTE RENDU DU SECRETAIRE GENERAL
§ 3. — Conférences
Une entente confratornello s't^st établie entre notre Société et
celle de V Enseignement par l'Aspect, piésidé'C et dirigée si habi-
lement par M. GiLLOT, qui est en même temps notre 2« Vice-
Président. C'est en vertu de cet arrangement que M. Mouliéiias,
notre 1" Vice-Président, a pu donner avec un succès des plus
atti-ayanls, une conférence sur son voyage à Fez (ville marocaine,
célèbre par son université). Les applaudissements chaleureux et
unaninKS qui ont accuedli le discours de M. Moultéras témoi-
gnent de l'intérêt que porte notre Société à tout ce qui touche ù
nos voisins do l'Ouest. Nous espérons que l'aimée prochaine un
plus grand essor sera donné au mode de conférences qu'illustrent,
pour ainsi dire, les procédés iconographiques de la Société
de VEnsignement par V Aspect, ci (\\\q M. Mouméras trouvera des
imitateurs.
Bulletin
L'intérêt que iiotre Bulletin inspire ne fait que croître et
embellir, selon l'expression comparative vulgaire. C'est à lui,
principalement, que notre Société doit sa flatteuse réputation
d'être littéraire et scientifique ; et nous pouvons dire, sans crainte
d'être taxé de vanité, que, sans noire Bulletin, d'excellents travaux
n'auraient pas vu le jour et seraient restés, toujours ignorés,
au détriment de la science et de l'humanité.
Indépenilammeut des questions d'administration purement
intérieure, h,' tome XXI de notre puljlicatiou a eu l'heureuse chance
de donner asile à une vingtaine d'auteurs tous membres de la
Société, dont les noms de la plupart vous sont familiers.
Leurs œuvres intéressent l'histoire, la géographie, l'archéologie,
l'histoire naturelle, l'hvdrologie, la météorologie, etc.
55 4. — Appréciations diverses
Tous ces Bulletins, Messieurs, ont défile suus vos yeux ;
vous les avez lus et judiciinisemcul appi^éciês ; et mon maigre
compte-rendu serait impuissant à mettre en idief b-s ipialilés
littéraires et scienliliipics qui la cararh'riscnt ; c'I <à cet égard,
permettez-moi de comptci- sui- votre indulgence.
Mais cependant, il est de mon devoir de mettre deux faits en
lumière.
COMPTE RENDU DU SECRETAIRE GENERAL XXI
Premièrement, le choix de la ville d'Oran pour siège du Congrès
national des Sociétés françaises de Géographie en IDO?. Ce choix,
décidé à l'unanimité des membres assistant au Congrès de Paris,
a été la conséquence des intéressantes communications faites par
notre dévoué et vaillant Président, M. le L'-Colonel Derrien, sur
les travaux de notre Société qu'il a su mettre si habilement en
lumière et les résultats obtenus depuis sa fondation, en 1878.
Ce fait sera remarquable dans les annales de la Société ; il ne
dépend que de vous, de nous, de lui donner encore une importance
significative plus consiilérablc. par l'accueil franc et cordial que
nous réserverons aux Congressistes. Nous avons l'intime conviction
que les Commissions qui ont été nommées à cet effet, rempliront
leur programme avec tout le zèle et le dévouement dont elles
sont capables.
Le 2° fait dont j'ai à vous parler, c'est le vote, par le Parlement
français, approuvant définitivement le tracé du Transsaharien
occidental, qui est l'objectif que nous poursuivons de[,uis plus
de vingt ans, avec une persévérance et' un dévouement' qui ne
se sont jamais démentis. A cette occasion, nous devons nos plus
sincères remerciements aux Membres de la Chambre des Députés
et au Sénateur de notre département, pour leur bienveillant et utile
concours, dans cette circonstance mémorable pour notre pays.
L'Algérie, et pirticulièrement notre département, tireront un
parti politique et commercial énorme de cette décision légale.
Espérons (juc nos concitoyens nous en seront quelque peu
reconnaissants ; je n'ajouterai pas un mot de plus et je laissse la
parole à notre trésorier, après le compte rendu duquel, notre
Bibliothécaire vous met ra au courant de la situation de nos
archives et de notre Bibliothèque.
Le Secré taire général,
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RAPPORT DU TRÉSORIER
Messieurs,
Je viens vous exposer la situation financière de notre Société
pour l'exercice IDOO-lOOl.
Nous avons péniblement clôturé celui de 189'J-1900, qui s'est
soldé par un excédent de recettes de 9 fr. 47 seulement.
Avec une encaisse aussi minime, la prudence nous commandait
de marcher à l'économie et de faire en sorte de ne pas dépasser
les crédits votés par le Comité.
Il n'a pas été possible d'éviter les dépassements pour deux
articles, vous pouvez vous en rendre compte par les deux tableaux
détaillés des recettes et des dépenses que j'ai établis, mais, cet
excédent de dépenses est tout à l'honneur de la Société puisqu'il
marque par la correspondance échangée, la vitalité toujours
croissante de notre compagnie et sa sollicitude pour les travailleurs
puisque nous avons donné un prix de cinq cents IVancs pour
l'ouvrage mis au concours en 1900, La Géographie du Maroc.
C'est grâce au concours annuel du Conseil général, qui nous a
toujours subventionné depuis la ciéation delà Société, et à l'appui
financier du Gouvernement général de l'Algérie, lequel nous a
alloué cette année une subvention de trois cents francs, renouve-
lable tous les ans, nous l'espérons, que nous avons pu clore notre
exercice par un excédent de l'ecettes de 171 fr. 55.
Les recettes, en ce qui concerne les cotisations, n'ont pas
atteint le chiffre prévu, mais tout porte à croire que pour le
prochain exercice ce chiffre sera dépassé car nous constatons avec
plaisir que le nombre des Membres de notre Société, resté
stalionnaire un moment, tend à s'accroître de jour en jour.
RÉSUMÉ
Recettes 3.634'97
Dépenses 3.463 42
Différence ITK.jJ
Le budget de 19U0-1901, a été discuté et adopté dans la séance
du Comité du 4 février dernier, je donne dans mon troisième
tableau le dcitail de ce budget en receltes et en dépenses.
Je vous prie. Messieurs, de vouloii- bien approuver, ap'ès
examen, le compte financier 1900-101(1,
Oran, le 5 mai 1901. Le trésorier,
E. POCK.
RAPPORT DU TRESORIER
XXIII
RECETTES
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RAPPORT DU TRESORIER
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BUDGET DE L'EXERCICE 1901-1902
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RAPPORT DU BIBLIOTHÉCAIRE
Loin du centre de la ville, dans un tout petit local dépendant du
Musée, les ouvrages composant la Bibliothèque de notre Société
dorment en paix sur leurs rayons, et, sans les soins de
M. Decloux, gardien du Musée et chargé du service de la
Bibliothèque, ils disparaîtraient sous la noble poussière qui
pénètre d'autant plus aisément dans la salle (jue la porte n'a aucun
moyen de fermeture extérieure.
Cependant, Messieurs, un pareil état de choses ne saurait
étonner outre mesure. Avouez qu'il faut avoir vraiment le goût de
la lecture pour affronter le calvaire, car c'est un vrai calvaire, qui
conduit à notre Bibliothèque. Si encore on était récompensé
de sa peine et qu'une salle vaste et bien aménagée, permît
de consulter commodément les ouvrag(>s ! Mais l'espace est si
restreint que deux personnes ont de la peine à s'y mouvoir et
qu'il est presque impossible au lecteur de déployer une caite.
Toutes ces raisons ont si bien influé sur les Membres de la
Société que quinze d'entre eux seulement ont fréquenté la
Bibliothèque pendant l'année écoulée empruntant '201 volumes,
bi'ochures ou fascicules. Quant aux lecteurs sur place, ils ont été
au nombre de deux.
Et cependant, elle possède quantité d'ouvrages de réelle valeur
qui pourraient rendre de grands services s'ils étaient plus faciles
à consulter.
J'ai été, pour mon compte, très agréablement surpris d'y trouver
\c Maroc inconnu de nolve collègue, M. Mouliéras. Après avoir
« coupé » l'ouvrage, je me suis empressé de le passer à un
sociétaire arabisant qui m'a vivement remercié de lui avoir procuré
pareille aubaine.
L'exiguïté du local ne permet pas d'insLallcr de nouveaux rayons
et comme ceux qui existent déjà débordent d'ouvrages, il faudra
bien"que le Comité de la Société se décide, sans tarder, à trouver
une salle plus spacieuse et surtout plus centrale.
La Bibliolhè(jue possède actuclierncnl :
1° 1089 ouvrages divers comprenant 1549 volumes, brocliures ou
fascicules ;
2° 190 revues ou bulletins périodi(iues qui, reliés, formeraient
environ un millier de volumes ;
3" 374 cartes ou plans.
ALLOCUTION DU PRESIDENT .^XVli
Le crédit annuel affecté à la reliure n'est que de 100 fr. ;
il conviendrait d'augmenter sensiblement ce crédit, afin de pouvoir
iaire relier un grand nombre d'ouvrages qui méritent de l'être.
La Bibliothèque ne j^ossède pas une collection de gravures et de
vues photographiques relatives à notre province : ne pourrait-on
pas combler cette lacune en créant un album de l'Oranie, album
qui, vu la multiplicité des photographes amateurs, s'enrichirait
rapidement de nombreux dons ?
Les bulletins de la Société s'accumulent démesurément : il y en
a 5844 en dépôt. Pour remédier à cet encombrement, deux
mesures me paraissent urgentes : 1" Réduire de 450 à 400 le
nombre d'exemplaires à tirer ; 2° Faire connaître que les
bulletins des années antérieures sont en vente à un prix minime,
0 fr. 50 ou 1 fr., par exemple. Il est certain que bon nombre de
sociétaires se procureraient dans ces conditions les numéros qui
leur manquent ou même la collection des années qui ont précédé,
celle de leur entrée dans la Société.
Certains Bulletins de Sociétés étrangères, en outre, qu'ils
deviennent encombrants, ne sont jamais lus. Tels sont ceux qui
nous arrivent de la Suède, de la Russie, de la Hollande, de la
Hongrie, de la Roumanie, etc. Le Comité administratif pourrait
décider d'en cesser l'échange, ce qui permettrait de faire des
échanges plus utiles av.-c d'autres Sociétés françaises.
En terminant, Messieurs, qu'il me soit permis de vous signaler
la façon irréprochable dont M. Decloux, gardien du Musée,
remplit son service de bibliothécaire effectif et de vous proposer
de porter sa rétribution mensuelle de 10 à 12 francs.
Oran, le 5 mai 1901. L'arehimste-hibllothècaire,
B. BOISSIN.
Le Président prononce ensuite l'alloculion suivante
ALLOCUTION DU PRÉSIDENT
Messieurs et chers Collègues,
Dussé-je encourir le reproche de pratiquer l'admiration
mutuelle, je ne peux m'empêcher de remercier, en votre nom, les
auteurs des rapports que vous venez d'entendre pour le zèle et le
dévouement qu'ils ne cessent de montrer dans l'accomplissement
de leurs fonctions.
XXVIII RAPPORT SUR LE CONCOURS DE 1900
Jo suis heureux, en outre, de i-enouveler à M. Pock, noti-e
sympathùiue trcsoi-ier, mes sincères IV'licitalions pour les palmes
académiques qm viennent de lui être décernées, en récompense
des services rendus par lui à la Société de Géographie et à la
Société des Anciens Elêoes du Lycée.
Nous devons aussi rendre hommage à la mémoire des regrettés
collègues que la mort nous a enlevés depuis la dernière assemblée
gént'rale, et ([ui sont: MM. Ravier, ingi'nieur des Mines, Guimet,
commis de Trésorerie, Hlondelle, contrôleur des Conli'ibutions
directes, et Giraud, banquier.
Vous avez vu, par le rapport de votre Secrétaire général, que
notre Société consciente des obligations que lui impose sa
situation à l'ouest de l'Algérie, sur les contins du Maroc, soutenue
par la générosité du Conseil général et, disons-le aussi, par votre
bonne volonté et votre vigilance éclairée, notre Société, dis-je,
poursuit avec activité et succès son œuvre de vulgarisation des
connaissances géographiques de notre région comme vous le
montrera mon rapport sur les concours de lUOO.
Aussi est-ce avec confiance que nous voyons approcher le
Grand Congrès géographiqut; (jui doit se réunir à Oran, en
avril 1902, et où doit se manifester noti-e vitalité, en vue de justifier
la confiance dont on a bien voulu nous honorer.
RAPPORT
SUR LES TRAVAUX PRÉSENTÉS AU CONCOURS OUVERT EN 1900
PAR LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE & D'AIlCilÉOLOGIE D'ORAN
I. Concours extraordinaire — Géographie du Maroc
Au concours normal portant sur des monographies de commune
mixte du dil'partement, votre Comité avait jugé d'urgente actualité
d'adjoindre un Concours extraordinaire en vue de la rédaction
d'une Géographie du Maroc, à l'usage du pulilic lran(;ais. Cette
géographie n'a pas encore été laite ; il appartenait à la Société de
Géographie d'Oran, placée en avant garde sur les confins
des mystérieux Moghreb, et faire appel aux bonnes volontés pour
comblei- cette lacune regrettable.
Un seul travail a été présenté ; son auteur, M. Canal, agent
voyer principal en retraite, membre de la Société, est proclamé
lauréat, avec attribution de la prime de 5'''0 fr.
RAPPORT SUR LE CONCOURS DE 1900 XklX
Faire connoître lo Maroc, vulgariser les découvor-tos (jui y ont
été faites, tel était le but de la mise au concours d'une Géographie
du Maroc.
De l'examen minutieux du travail présenté, il résulte que notre
vœu se trouve heureusement réalisé.
L'auteur a consulté les récits, notes et mémoires de tous ceux
qui ont exploré le Maroc ; il a fait une sélection des appréciations
qui lui ont paru les plus intéressantes et les plus judicieuses
et il nous en a présenté une mosaïque admirablement coordonnée,
de telle sorte que l'Empii'e des Chérifs, sur lequel on n'avait que
des données éparses et confuses, se trouve sortir de la pénombre
qui le rendait si mystérieux.
La Géographie du Maroc de M. Canal est remarquable par sa
clarté, par la méthode employée, par l'érudition qui y a présidé et
surtout par la netteté et le fini des cartes et plans insérés dans le
texte.
La Société de Géographie d'Oran doit être, à bon droit, fière de
ce résultat dû à son initiative et il lui appartient de faciliter, par son
patronage, la publication la plus rapide de cette Géographie du
Maroc.
2. Concours normal
Trois monographies de communes mixtes ont été présentées :
celle de la Mina par M. René Leclerc, maître répétiteur au collège
communal de Mostaganem ; celle de Cassaigne par M. Mairin,
instituteur à Lapasset, el celle de Renault par M. Métrât,
instituteur à Mazouna.
1° L'étude de M. Leclerc est des plus consciencieuses; elle dénote
un labeur considérable, une connaissance parfaite de pays décrit
et beaucoup d'érudition et de discernement dans le choix des
citations. La division est claire et judicieuse ; le texte est précis,
mais un peu long ; il gagnerait à être ramené à de plus justes
proportions par l'élagage de généralités historiques et géologiques
par trop développées et qui ne sont pas particulières à l'objet du
récit.
Quant aux cartes on peut leur reprocher de ne pas répondre à
la valeur du texte ; elles sont en effet confuses et peu nettes.
A part ces quelques critiques, nous devons reconnaître que
M. Leclerc s'est révélé écrivain géographe et historiographe de
tslent et nous est mons que, répondant dans une large mesure
aux conditions du progran:ime, le travail de M. Leclerc mérite
d'être récompensé par une médaille de vermeil.
12
XXX RENOUVELLEMENT DU TIERS DES MEMBRES DU COMITE
2° La commune mixte de Cassaigne est décrite avec beaucoup
d" méthode par M. Mairin ; la partie géographique y est traitée
avec so'n ; riiydrolo^iio s'y trouve amplement détaillée, mais une
cane à l'appui aurait permis d'en mieux saisir la physionomie.
De nombreux tableaux stalistiques mettent en évidence la richesse
et la fertilité de cette partie du Dahra. Un dciionnaire des cen'res
européens et des douais-communes complète heureusement
l'élude de M. Mairin qui a p;iru è la Commission mériter une
médaille d'urgent.
3° M. Métrât déjà réc<.)mpensé en 1898 et en 1S99 pour ses
monographies de Mazouna et de l'arrondissement de Mostaganem,
a jugé utile do continuer ses études sur cette région, en nous
soumettant une monographie nette et précise de la commune
mixte de Renault. Son essai est louable et bien que l'exposé en
soit quelque peu sommaire, la Commission n'en a pas moins cru
devoir encourager le zèle et la bonne volonté de M. Métrât en lui
décernant une médaille de bronse.
Pour la Commission :
Le président,
Lt-Colonel DERRIEN.
RenouvellcincHt annuel dn tiers des Membres du Comité
ET ÉLECTIOSSI DU BUREAU
Los huit membres à renouveler étaient :
MM. BoissiN, Goyt, Hauj Hassan, Kock, Renard, Tartavez,
TuiEUAUl-T et TuiOON.
Les six premiers sont réélus par acclamation.
MM. Canal et Niîs.'^leix sont élus au scrutin secret en rem-
placement de MM. TiiiÉBAULT et Tkioon qui se désistent de
leur niîlndat.
Dans sa réunion du lundi 13 mai 19J0, le Comité a réélu par
acclamation les membres de son Bureau, tels qu'ils figurent
à la page II du précédent Bulletin.
CONCOURS OUVERT EN 1901
PAR LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE ET D'ARCHÉOLOGIE D'ORAN
Les questions mises au concours sont les suivantes :
1' Description géograpiiique, tiistorique et économique de l'une des
communes mixtes de Saint-Lucien, Ain-Temouciient, Mascara,
Frenda, Saida, Cacfierou ;
De i'une des communes mixtes militaires de Géry ville et Méchéria,
ou de l'une des communes mdigènes de Tiaret-Aflou ou de la
Yacoubia ;
2° Monographie de l'ur.e des con.munes de plein exercice de Mascara,
Frenda, Saida, Ain-Temouchent ;
3° Étude sur la colonisation des Hauts-Plaiesux de l'Oranie (Historique
— Situation actuelle — Son avenir) ;
4" Étude sur la création d'un port franc à Oran ;
5° Pénétration économique et mouvement commercial vers le Maroc. —
Moyens de l'activer.
Pourront jjii-nJre part au concours toutes les personnes
membres ou non de la Société.
Les manuscrits devront être adressés au Président avant
le I" mars 'J902. — Les monographies des § 1 et 2 devront être
établies d'après les indications des programmes ci-après.
Des médailles de vermeil, d'argent ou de bronze seront décernés
aux auteurs des travaux qui en auront été jugés dignes par le
jury. La distribution des récompenses aura lieu à l'Assemblée
générale de mai 1902.
PROGRAMME
d'une Monographie de Commune mixte, civile ou militaire
ou de Commune indigène :
I. — Description physillue (nom, formation, situation, limites,
superfi(;ie). — Physionomie générale, Orographie. — Géologie. —
Hydrographie. — Climatologie. — Curiosité naturelle.
XXXir CONCOURS OUVERT EN 1901
II. — Histoire. — Temps préhistorique. — Périodes romaine,
arabe, espagnole, turque. (Ruines). — Occupation française. —
Création et développement de la commune.
III. — Population. — Culte. — Confréries religieuses, instructaon
publique.
IV . — Divisions administratives. — Tribus.
V. — Colonisation. — Agriculture. — Productions.
VI. — Industrie. — Mines. — Sources minérales.
VII. — Commerce. — Voies de communication.
Carte d'ensemble à l'échelle de -îoôôôô"-
Ce travail ne devra pas comprendre plus de 60 pages du
Bulletin .
PROGRAMME
d'une Monographie de Commune de plein exercice :
I. — Situation, Aspect général. — Eaux. — Géologie. —
Superficie. — Climat. — Curiosités de la ville et des environs.
II. — Etymologie. — Origine. — Notice historique (dominations
romaine, arabe, espagnole, turque). - Occupation française.
III. — Création et développement de la Commune. — Services
publics. — Population. — Cultes. — Instruction publique. —
Commerce. — Industrie.
Carte d'ensemble à l'échelle de^Q^p^-.
Ce travail ne devra pas comprendre plus de 40 pages du
Bulletin .
Pour le Comité :
Le Secrétaire généra
BOUTY.
OBSERVATIONS METEOROLOGIQUES
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STATIO\ MÉTÉOROLOGIOIE DE SAMI-CRIZ
Altitude 374 mètren
EXPOSÉ SOMMAIRE DES RÉSULTATS OBTENUS
du 1" Décembre 1900 au 1" juin 1901
Les résultats consignés au tablenu ci-joint ont besoin d'êtr e
complétés par quelques renseignements particuliers.
En Algérie, la pression barométrique moyenne mensuelle
décroît d'une façon régulière de janvier à mai. Ce résultat
d'observations n'a pas été confirmé cette année. Le mois
d'avril a donné une pression barométrique moyenne men-
suelle supérieure à celle du mois de mars. C'est le mois
d'avril qui a la pression la plus faible. Cette constatation est
importante dans la prévision du temps. Pour arriver à cette
prévision, il faut suivre les variations barométriques au moyen
d'un baromètre sensible ou mieux avec un enregistreur et
surveiller les tendances du vent à cbanger de direc'ion.
Ces données connues, il faut voir si le baromètre est plus
haut ou plus has, ce qui signifie en langage météorologique
s'il est notablement supérieur ou inférieur à la nioijcnne
du 71101 s.
Pour s'occuper sérieusement de la prévision du temps dans
une contrée, il faut enregistrer les tendances du vent à changer
de direction, et étudier les variations barométi'iques par
rapport à la moyenne du mois de la contrée ou l'on se trouve.
Les personnes désireuses d'avoir ces moyennes n'auront qu'à
s'adresser k M. le Président en indiquant l'altitude du
baromètre. Avec ces données, on peut avoir des indications
sérieuses sur le temps à venir.
Pendant ces 6 mois la pression barométrique a oscillé enti'e
720""/'" G en mars et 730 ""/'"G en décembre. C'est pendant
le mois de mars que les fluctuations ont été les plus
irrégulières: 703"'/"'5 le 19 à 7 heures du matin, et 734"7'"5
le 4 à 7 heures du soir.
Pendant le mois de février les Oranais ont pu con.stater
une chute de grêle le Ifi, suivie d'une chute de neige dans la
nuit du 10 au 17. Cette neige atteignait une hauteur de
10 centimètres sur la terrasse de notre observatoire. Le mois
de mars donne, pour la température, une variation diurne
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SEMESTRE MÉTÉOROLOGIQUE XXXV
moyenne de 1204 Ce résultat est une exception, et les
liiverneurs doivent se rassurer car la moyenne de ce mois
est de 705 pour vingt années d'observations.
La température de février a été supérieure de l"! à la
moyenne du mois d'avril et de 1 04 à la moyenne de mai.
La température la plus basse a été de 0° dans la nuit
du i(i au 17 février (nuit de la chute de neige) et la plus
élevée, de 29o0 dans la journée du U avril.
Pendant ce semestre, la moyenne de la tension de la vapeur
d'eau a été de 8 '"/'"S au lieu de 9'"/'".
Quant à l'humidité relative, elle a été inférieure à la moyenne
de 2"/o pendant le mois de décembre, à peu près égale pendant
le mois de janvier, février et mars, mais supérieure de 2 "jo
en avril, de 8 "/o en mai en variant du minimum 78,8 en avril,
au maximum 76,6 en mai.
L'évaporatioji totale a été de 1256 m/'" 1 inférieure à nos
résultats pendant le même semestre des années précédentes.
La moyenne par 24 heures est de 6'n/m8 de beaucoup supé-
rieure à la moyenne au cap Falcon, où il règne une intensité
moins grande des vents dominants.
La plaie est tombée d'une façon anormale et la quantité en
est de beaucoup inférieure à la moyenne de ce semestre qui
est 257ii/ni9, tandis que 42 journées de pluie n'ont donné à
Sanla-Gruz que 193 m/m 7. H faut faire remarquer que le
résultat de 257""/'" 9 est la moyenne des observations de ces
six mois à l'hôpital d'Oran.
L'état ozonométrique reste toujours élevé. Il a varié entre
13,4 et 15,6, indiquant ainsi un état sanitaire satisfaisant sur
les hauteurs du Murdjadjo.
Le nombre de jours de brouillards à Oran a été très élevé
pendant les mois d'avril et de mai.
Dans un prochain article, j'essaierai d'expliquer les causes
de la formation des brouillards sur les hauteurs du Murdjadjo,
ainsi que celles de leur résultante, la grande humidité à Oran,
sous l'influence du relief du sol et des vents du Nord et du
Nord-Ouest.
A. GUILLAUME,
Préparateur de physique au Lycée cV ran.
OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIETE
PENDANT LE !«• SEMESTRE lOOl
[ Bullolins II" 49 à 56 (aniirc 1801), de la Société
Alliance \ d'Ethnographie.
Seiontiliqne ) Léon de Ro3n\. — La Morale du Bouddhisme.
\ Le n° 74 18 du journal La Pata?, du 22 septembre 1899.
République Orientale d'Uruguay. — Comision N. dcl Censo,
cl 1" marzo 19jO.
A. Clément Fallu de Lessert. — Fastes des Provinces africaines
sous la domination romaine. (Tome IL) Bas empire.
E. Bise, — Rapport sur l'année académique 1899-1900. {Unieersité
de Friboiirg, Suisse.)
Maurice Honoré. — Le Transsaharien et la Pénétration française
en Afrique.
Nathan Soderblom. — La Vie future, d'après le Mazdéisme
(Annales du Musée Guimet).
Valère Maes. — Projection sphérique comparée aux autres
projections.
Paul Gauckler. — Enquête sur les installations hydrauliques
romaines en Tunisie (5'= fascicule).
Régence de Tunis. — Compte-Rendu de la marche du Service
en 1900.
M. L. Gentil. — Résumé stratigraphicjue sur le bassin de la Tafna.
— Le Volcan andésitique do Tifarouïne.
Le Comte R. de Bordon de Segonzac. — Excurs'on au Sous.
CARTE
République Argentine. — Piano topografico de la région Norte
Ai'genlina.
SOCIETE DE GEOGRAPHIE
& D'ARCHÉOLOGIE
d'oran
CONGRÈS NATIONAL
DES SOCIÉTÉS FRANÇAISES DE GÉOGRAPHIE
ClRCULAIRK N" 2 19 0 2
à MM. les Membres de la Société
de Géographie dOran XXIII= SESSION. - ORAN
Oran, le 1" octobre 1901.
Mon cher Collsgue,
Comme suite à ma circulaire du 15 juii: dernier, insérée
en tète du précédent Bulletin., j'ai l'honneur de vous
prier de vouloir bien nous faire connaître si, comme
nous l'espérons, vous assisterez au Congrès national
des Sociétés françaises de Géographie, qui se réunira à
Oran, du l""' au 5 avril 190:2, et coïncidera, vous le savez,
avec la célébration du millénaire de la fondati m d'Oran
et si vous vous inscrivez pour une communication dont
nous vous serons reconnaissants de nous indiquer le
titre, lequel serait inscrit au questionnaire.
Les Compagnies de chemins de fer de l'Algérie accor-
dent une réduction de 50 % sur le prix des tarifs généraux
aux membres des Sociétés qui prendront part au Congrès
d'Oran, sous la réserve que cette faveur sera limitée
aux membres faisant partie des dites Sociétés avant le
1" janvier 1902.
Si vous avez l'intention de bénéficier de cette réduction,
vous voudriez bien nous la faire connaître en spécifiant
par quelles lignes vous comptez vous rendre à Oran,
des BONS individuels devant être distribués aux inté-
ressés.
Veuillez agréer. Monsieur et cher Collègue, l'assu-
rance de nos sentiments les plus dévoués.
Le Président,
Le Secrétaire général, L'-Colonel DERRIEN,
BOUTY.
19
40^ CONGRÈS
des Sociétés Savantes de Paris el des Départemenls
Paris, le 8 Jui lel 1901.
Monsieur le Président,
Vous trouverez ci-joint, en deux exemplaires, le programme
du 4l> Congrès des Sociétés Savantes qui s'ouvrira à la Sor-
bonne, le l^'' avril 1902.
Je vous serai obligé de porter sans retard ce document à 1;<,
connaissance des metnbres de votre Société et de leur notifier
que tout mémoire sera, comme les années précédentes, soumis
à l'approbation du Comité des travaux historiques et scienti-
fiques.
Les manuscrits devront être entièrement terminés, lisible-
ment écrits ?ur le recto et accompagnés des dessins, cartes,
croquis, etc. . ., nécessaires, de manière à ne pas en retarder
l'impression, si elle est décidée.
J'appelle toute voire attention sur ces prescriptions. Elles
sont indispensables à la marche régulière du Congrès, .sans
restreindre le droit pour chacun de demander la parole sur
les questions du programme.
J'insiste tout particulièrement, afin que les mémoires par-
viennent avant le 30 janvier procJiain, au 5" bureau de la
Direction de l'Enseigiiernen' supérieur. Il ne sera, en effet, tnu
aucun compte des cnvns adrcs-iés postérieure r,cnt à cette date.
Ivoccvez, Monsieur, l'assurance de ma considération la plus
distinguée.
Le Ministre de l'Instruction publique et des Beaux Arts,
Signé: G. l.EYGUES.
Le Directeur de l'Enseignement supérieur. Conseiller d'Etat,
L. LIARD.
Le programme du Congrès des Sociél<!'S Savantes est déposé
au secrétariat de la Société, où on peut en prendre counaissance.
RAPPORT
SUR LE
X\lh Congrès National des Sociétés Françaises de Géographie
TENU A NANCY, DU l^r AU 5 AOUT 1901
Le XXIP Congrès national des Sociétés françaises de Géogra-
phie s'est ouvert le i^'' août à Nancy, ville désignée dans
l'avant-dernier Congrès, suivant l'usage.
Les Sociétés suivantes s'étaient fait représenter par des
délégués : Alger, Bordeaux, Bourges, Bre-^t, Douai, Le Havre,
Lille, Lorient, Lyon, Marseille, Montpellier, Oran, Paris
(Société de Géographie commerciale), Paris (Club alpin),
Paris (Alliance française), Rochefort,- Rouen, Saint-Naziire,
Toulouse.
Il faut y joindre les délégations des Ministères de l'Instruction
publique, des Colonies, de la Guerre, du Commerce et de
l'Agriculture, et celle de la Sociélé de Topographie.
JEUDI 1er AOUT
Dans une séance préparatoire de la matinée, les délégués
des Sociétés ont constitué les bureaux des diverses séances
dont l'ordre du jour avait élé préparé par le Comité d'or-
ganisation. Le délégué d'Oran a été désigné comme vice-
pré>ident de la séance de vendredi soir. Chaque délégué
a ensuite donné lecture du rapport sur la Société qu'il
représentait. J'ai lu la note que m'avait adressée M le Secré-
taire général de la Sociélé de Géographie d'Oran ; elle a été
accueillie par des applaudissements ainsi que l'invitation
adi-essée pour le Congrès de 1002. Ces rapports seront publiés
dans les actes du Congrès, ainsi que ceux relatifs aux Sociétés
de Géographie d'Alger et de Paris, dont les représentants
n'assistg-ient pas à cette réunion.
La séance solennelle d'ouverture s'est tenue l'après midi à
rilùtel de Ville, sous la présidence d"honneur du vice-amiral
FouRNiER, aux côtés de qui avaient pris place sur l'estrade
le préfet de Meurthe et Moselle, le cardinal Mathieu,
XL RAPPORT SUR LE XXIl' CONGRÈS NA.TIONAL
le recteur de l'A-cadémie, le i'^^ adjoint au maire de Nancy,
le général commandant le XX« Corps, le président de la
Société de Géographie de VEs', etc.
Le discours d'ouverture a été prono icé par M. Pfistër,
professeur à l'Université de Nancy, et président de la Société
de Géographie de V Est. Après avoir remercié les Congressistes
d'avoir fixé leur choix sur Nancy, il a énum^ré les titres
qu'avait la Lorraine à cette laveur, rappelant la longue liste de
voyageurs qu'elle a proluits — et dont plusieurs comme
Crevaux, Grampel et Krick périrent à i'œavre — et celle de
ses géographes, dont l'un d'eux, Waltzmuller (Hylacomylus)
de Saint-Dié, donna à l'Amérique le nom qu'elle porte encore
aujourd'hui. Un souvenir est consacré à deux hommes qui
firent beaucoup pour la Société de Geo jraphie de VEst ;
son premier secrétaire général, J.-V. Barbier et un de ses
vice-présidents, le D"" Bleicher, récemment assassiné.
En répondant à M. Pi<'ister, le vice-amiral Fournier se
félicite de présider le XXII^ Congrès dans une ville aussi
patriote que savante et fait ressortir les liens qui unissent les
explorateurs aux marins et la solidarité qui existe entre eux.
La séance solennelle d'ouverture a été suivie immédiatement
de la première séance du Congrès.
M. LoRiN, professeur à l'Université de Bordeaux, et délégué
du Ministre de l'Instruction publique, a traité de l'enseignement
colonial. Il en montre l'importance aujourd'hui que la France
est entrée résolument dans la voie de la colonisation et de
l'acquisition des territoires indispensables à l'extension de son
commerce, de son influence et de sa puissance. Il constate
que fréquemment celui qui demande « à partir pour les
colonies » ignore absolument les connaissances indispensables
à qui veut s'y établir pour faire soit de la culture, soit du
comiTierce. Nombre d'émigrants croient posséder toutes les
aptitudes, c'est-à-dire qu'ils n'en ont aucune. Aussi, est il
nécessaire de remédier à cette ignorance, causes de mécomptes
dont on rend à tort les colonies responsables. On peut parler
aux yeux et aux oreilles ; aux yeux, par des Musées, comme
celui qui- est projeté à Bordeaux ; aux oreilles, par des
conférences dont l'initiative peut être prise par les Sociétés de
Géographie et par les fondations d'instituts coloniaux où les
colons eux-mêmestrouveraientdes notions pratiques d'hygiène,
de géographie et des langues du pays. Dans ce qui précède,
M. LoRiN n'a eu en vue que les colons ; pour les fonctionnaires,
il demande qu'ils aient une connaissance approfondie de la
colonie oii ils exercent leurs fonctions et qu'ils ne soient
RAPPORT SUR LE SX!!"^ CONGRES NATIONAL XLI
plus transplantés, comme cela a encore lieu dans certains
services (la justice par exemple) dans les pays les plus divers,
passant de l'Océanie à Madagascar, de l'Inde au Sénégal ou à
CayennCj au grand dommage du Trésor que grèvent ces
déplacements, et des intérêts d'une région qu'ils ne peuvent
bien connaître, n'y étant que do passage. Les desiderata
signalés dans celte coriférence sont résumés en un vœu
présenté par M. Lobin appuyé par les délégués dOran et
d'Alger et voté dans la dernière séance.
I^r. GoETT, délégué de la Société Académique de Brest,
parle des modifications dont le littoral de la Bretagne a été
l'objet par suite des oscillations du sol, et dont il est possible
de retrouver des indices dans l'orientation des menhirs et des
monuments mégalithiques. Ces modifications ont laissé des
souvenirs dans les légendes comme celle de la ville d'Is, et il
est curieux de constater que certaines traditions populaires
reposent sur des faits réels.
Le soir, une réception a lieu à l'Hôtel de Ville où la
municipalité de Nancy, représentée par le premier adjoint,
souhaite la bienvenue au vice-amiral Fournier ; celui-ci
répond en affirmant à nouveau la vitalité coloniale de la France,
même vis à vis de l'Angleterre, et en rendant hommage à
l'homme d'Etat à qui l'on doit l'Indo-Chine et la Tunisie,
Jules Ferry.
VENDREDI 2 AOUT. — Séance du matin
M. Faiivel, délégué de la Société dnToyiographic de Franco,
traite de l'unification <ies signes conventionnels pour les
travaux de cartographie ; il insiste aussi sur l'unification des
échelles graphiques, au moins pour les pays où est adopté le
système métrique ; enfin, il parle de l'utilité de conserveries
anciennes dénominations des accidents géographiques et des
noms de lieux. (Il y aurait à tenir compte de ces observations
au profit de l'Algérie, où la toponymie peut seule permettre
de reconstituer la carte de l'Algérie berbère, là où l'arabe a
prévalu).
M. Port, délégué de la Société de Géo</raphie de Saint-
Nazaire, présente l'état actuel de la navigdjilité de la Loire et
expose les moyens de l'améliorer : ce serait de creuser le
fleuve même entre Nantes et Angers, et de lui donner une pro-
XLII RAPPORT SUR LE XXII' CONGRES NATIONAL
fondeur uniforme d'un mètre vingt. Cette opinion est combattue
par les partisans d'un canal latéral, mais le Congres donne
raison à M. Fort en étendant à deux mètres la profondeur
de la Loire creusée.
M. GuKNOT, délégué de la Société de Grorjrapliic de Toulousi',
reprend une question déjà longuement traitée dans d'autres
Congrès, celle du reboisement des Pyrénées.
SÉANCE DE L'APRlbs-MIDI
M. Raillant, délégué de ]3. Société d'Émulation c/cs Vosgrs,
fait ressortir l'importance de l'élude des nctms de lieux, en
particulier dans les Vosges, pour la connaissance de l'histoire
de la région et aussi de la philologie. Il établit ensuite le plan
d'une bibliographie géographique ayant les Vosges pour
objet.
M. AuERBACH, professeur à l'université de Nancy, parle du
canal du Nord-Est, destiné à mettre en rapports plus directs
et plus étroits la région minière de Lorranie, comprenant les
bassins de Longwy, Briey et Nancy avec les districts houillers
du Nord. La Lorraine produit du fer, en telle abondance que
sa production a pris en France une place prépondérante, mais
elle manque de houille, du moins sur le sol français ; la
nécessité d'un canal direct qui lui en apportera par une voie
moins coûteuse que les che:nins de fer, s'impose. L'idée de ce
canal qui ferait communiquer la Chiers, la Meuse et l'Escaul,
fut d'abord conçue par Vaubin; puis, ressuscitée pir M. de
Freycinet. elle retomba de nouveau dans l'oubli, jusqu'à ce
que le 25 avril 1901, ce canal fut classé, comme le premier,
par ordre d urgence, parmi les travaux à exécuter.
M. Lemire fait hommage de plusieurs de ses publications
sur rindo-Chine.
La soirée du vendredi devait être remplie par une conté
rence de M. Gentil, gouverneur des colonies, sur la France
au Tchad. Malheureusement, le conférencier étant souffrant,
elle n'a pu avoir lieu.
RAPPORT SUR LE XXII" CONGRES NATIONAL XLlII
SAMEDI 3 AOUT. — Séance du matin
M. Imbault traite des eaux d'alimentation de Nancy. Les
eaux des puits et celles des sources de Villers et de Boudonville
(sans parler de celles de la Moselle) sont de mauvaise qualité,
fréquemment contaminées et causent des épidémies de fièvre
typhoïde. On songe à les remplacer en utilisant la nappe
souterraine du plateau de Haye dont les conditions géologiques
(falaise de calcaire bajocien, reposant sur un soubassement de
marne supraliasique dont elle est sépaiée par une courbe de
terrains ferrugineux) présentent des garanties.
M. DE Rey-Palhade, délégué de la Société de Géographie
de Toulouse, expose l'utilité de l'usage, dans la marine, du
système décimal appliqué aux mesures angulaires, comme on
l'emploie déjà dans l'armée de terre.
M. Beaupré parle des établissements humains dans le bassin
de Meurthe et Moselle, aux temps préhistoriques, gallo-
romains et mérovingiens. Il établit que les populations préhis-
toriques s'établirent sur les hauteurs qui bordent les cours
des rivières ; dans son opinion, l'influence romaine fut peu
considérable à l'époque mérovingienne; les cimetières four-
nissent d'assez nombreux renseignements.
M. GuÉ::^OT appelle l'attention du Congrès sur la nécessité
de joindre la Méditerranée à l'Océan par un grand canal de
cabotage qui diminuerait, pour la France, l'influence du
détroit de Gibraltar.
Séance de l'après-midi
M. Rossignol fait connaître qu'il s'est formé à Bordeaux
une Société qui a pour but le développement de la navigation
fluviale dans le Sud-Est, et en particulier sur la Garonne. Les
principaux articles de son programme sont le reboisement
des montagnes, la création d'un nouveau canal et l'agrandisse-
ment des écluses.
Il traite ensuite de la situation faite en France par le dépeu-
plement qui la met dans un état d'infériorité vis-à-vis de
l'Allemagne.
M. Paul Hazard, délégué de la Société de Géographie de
Bourges, signale l'importance de la création d'un réseau
télégraphique purement français, pour relier la Métropole aux
ÏLIV RAPPORT SUR LE XXll" CONGRÈS NATIONAL
colonies. M. Lemire rappelle que le Parlement a voté la
création de ce réseau.
Le rapport de M. Devoir, délégué de la Société de Géogra-
phie de Brest, sur les monuments mégalithiques en Bretagne,
est déposé sur le bureau ; il sera inséré dans les actes du
Congrès.
M. TuRQUAN expose le plan d'un atlas statistique de la
France et de l'Europe. (Un travail semblable pour l'Algérie
est projeté par la Société de Géographie d'Alger.)
M. Lemire communique des renseignements sur la civilisa-
tion des Khmers et des Annamites, d'après leurs lois, leur
culte et leur théâtre.
M. Mesplé, délégué de la Société de Géographie d'Alger,
fait connaître qu'une Exposition coloniale doit avoir lieu dans
cette ville en 1904 ou 1905 ; elle doit faire suite à celle qui est
projetée à Saigon en 1902.
Le soir, les congressistes se réunissent dans un banquet à
à l'Hôtel de l'Europe. En l'absence du Président de la Société
de Géographie de l'Est, retenu à Paris comme membre du jury
d'agrégation d'histoire, le Vice-Présid.mt souhaite la bienvenue
aux membres du Congrès.
La journée du dimanche 4 août est consacrée à une excur-
sion à Domremy, avec visite à la maison et à l'église de
Jeanne d'Arc.
LUNDI 5 AOUT. — Séance du matin
M. des Roberts étudie la répartition des anciennes circons-
criptions administratives en Lorraine, et montre l'enchevêtre-
ment _des domaines des ducs, des seigneurs féodaux, des
évêques des Trois Evêchés, des Abbayes ; il insiste sur l'utilité
de dresser un atlas historique de Lorraine.
M. AuERBACH propose comme sujet de discussion la décen-
tralisation au point de vue géographique, comme un travail
de fond, que les diverses Sociétés de Géographie peuvent
seules mener à bien. Existe-t il des unités géographiques
naturelles ? Peuvent-elles servir de bases à de nouvelles
RAPPORT SUR LE XXll' CONGRES NATIONAL XLV
divisions administratives? Quel compte doit-on tenir aussi des
groupements économiques du sol, des voies de communi-
cation ?
M, Blondel traite de la marine marchande ; il constate
que malgré l'accroissement de notre domaine colonial, la
France est descendue, de 1887 à 1890, du second au cinquième
rang des puissances qui possèdent une marine marchande.
En outre, si quelque effort est fait, il se porte sur la marine à
voiles et non sur la marine à vapeur, grâce à la loi de 1893.
SÉANCE DU SOIR
M. Haumant fait une communication sur l'utilité de l'éta-
blissement entre les Sociétés de Géographie de province d'un
office central chargé de réunir des renseignements sur les
conférences proposées aux Sociétés. Certaines de ces proposi-
tions, comme, par exemple, la communication de notes
confidentielles sur tel ou tel conférencier, sont d'une exécution
difficile. Quant aux recommandations que les membres des
bureaux des Sociétés pourraient donner aux Français allant
s'établir aux colonies ou à l'étranger, el les ne doivent procéder,
pour avoir de l'efficacité, que des relations individuelles.
A l'issue de cette séance, une réunion des délégués arrête
la rédaction définitive des vœux qui sont votés et doivent
être transmis aux diverses Sociétés parles soins du Secrétaire
général de la Société de Géographie de VEst.
La ville de Rouen est désignée provisoirement pour le siège
du XXIV" Congrès, qui doit avoir lieu en 1903.
Le XXIJc Congrès est clos par une séance solennelle à
l'Hôtel de Ville, sous la présidence de M. Flicme, vice-président
de la Société de Géograplne. Après que lecture des vœux a été
donnée, il est rappelé que la prochaine session se tiendra à
Oran, en avril 1902, et, après une courte allocution du
président, la session est déclarée close.
Le Délégué de la Société de Géographie et d'Archéologie d'Orait,
René BASSET,
Correspondant de l'Institut,
Directeur de l'École supérieure des Lettres d'Alger.
20
•VCEXJ2C
émis par le XXIP Congrès des Sociétés françaises de Géographie
(Nancy, l"-5 Août 1901)
1° Qu'une exposition coloniale, aussi large que possible soit
organisée à Alger pour 1904 ou 1905.
2° Que tous les géographes et topographes s'entendent pour
l'adoption d'une série unique de signes conventionnels tant pour
les cartes en noir que pour les cartes en couleur ;
Que toutes les cartes soient désormais construites à des échelles
simples dont les dénominations soient exclusivement les facteurs
1, 2, 5 et leurs multiples et sous-multiples.
3° Que les sociétés de géographie soient admises à soumettre
leurs desiderata au Comité central consultatif relevant du Ministère
de la guerre, chargé de la direction géjiérale à donner à tous les
travaux de cartographie.
4" Que la question de la décentralisation au point de vue géogra-
phique fasse l'objet des travaux des sociétés de géographie et d'un
rapport d'ensemble au Congrès de 1903.
5° Que le système métrique soit introduit dans celles de nos
colonies où il n'existe pas encore ; que, vu les habitudes acquises,
cette introduction soit progressive et que l'application en soit peu
à peu étendue, notamment au commerce des tissus et aux mon-
naies.
6° Qu'un enseignement colonial pratique soit institué dans les
principales villes de France et des colonies à l'eftet de préparer à
la vie coloniale les jeunes gens capables ou désireux de s'occuper
dans notre domaine d'outre-mer.
Cet enseignement sera distribué par des conférences portant es-
sentiellement sur: Géographie, Hygiène, Notions sur les produits
coloniaux et 1 Agriculture coloniale, la Construction et la Topo-
graphie élémentaire et les diverses œuvres post- scolaires.
7" Le Congrès appelle l'attention des pouvoiis publics sur la
nécessité d imposer aux fonctionnaires en rapport avec les indi-
gènes, de recommander et de faciliter aux colons la connaissance
et la pratique usuelle des langues indigènes parlées dans les colo-
nies de leur résidence.
8° Le Congrès, reconnaissant les grands avantages que les
diverses branches de la science, et tout particulièrement la Marine,
VŒCX ÉMIS PAR LE XXIl' CONc.RÈS NATIONAL XLVIf
iH^tiroraient (1(^ r(Mii[iloi do la divisioii (léciniale du (|uai-t di' cercle.
division déjà olHciclle pour rarméc de teiTC, émet le vn-u qu'il soit
publié annuellement des épliéméi-ides du soleil et d(^s principaux
astres calculés d'après la division décimale du quart de cercle.
9° Que les diverses Sociétés de géographie fassent une place
aussi large que possible dans leurs travaux aux questions relatives
à la marine marchande et s efforcent de montrer l'importance de
ces questions pour le dévelopj)enu'nt de noti-e empire colonial et
potn- notre essor éconoiniqmv
10" Le Congrès, partisan du développement général des voies
navigables en France exprime le vœu que dans le cas où les tra-
vaux d'approfondissement et d'amélioration de la Loire seraient
exécutés entre Angers et Nantes, un approfoiulissement constant
de deux mètres soit assuré.
11" Qu il soit procédé le plus tôt possible à rexécntioii du canal
(le la Chiers et d'un canal unissant l'Escaut à la Meuse, sur le
territoire français.
12" Vu l'état d infériorité de la région du Sud-Ouest, en ce qui
concerne les voies navigables et 1 intérêt particulier qui s'attache
aux canaux du Midi, le Congrès émet le \œu que l'exécution des
travaux de réfection du canal du Midi et du canal latéral à la
Garonne aient lieu le plus tôt possible.
13" Que le reboisement des terrains dégradés en montagnes, en
raison dos dangers de toute nature que ladéuudation des versants
fait courir à l'intérêt public, soit activé le plus possible et qu'en
même temps des mesures soient prises pour arrêter la disparition
des forêts existantes au moyen d'une réglementation plus étroite
de la dépaissance.
14" Le Congrès émet le vœu, déjà émis par le 16° Congrès do
Géographie, que les pouvoirs publics s'efforcent partons les moyens
de relever la natalité en France.
15° Le Congrès, considérant la nécessité de reviser la convention
des câbles signée à Paris en 1881 par 26 états, émet le vœu que les
pouvoirs publics réunissent de nouveau à Paris les signataires de
cette convention et procèdent à bref délai à sa révision dans le
sens de la neutralité des câbles
16° Que dans les négociations en cours avec la Chine soit com-
prise l'application effective de la clause rituelle de la convention en
1898 avec la Corée et qu'un service régulier postal soit organisé
«lans le Céleste Empire sous notre direction.
(Extrait du Bulletin de la Société de Géographie eommerciale
de Bordeaux.)
NÉCROLOGIE
Pendant le trimestre écoulé, la Société a eu à
déplorer la perle de deux de ses membres honoraires,
le Baron Nordenskiold, décédé à Stockholm, à l'âge de
69 ans, et M. Paul Ruff, professeur d'histoire au
Lycée de Cherbourg, décédé dans sa famille, à Reims,
à l'âge de 39 ans.
Le Baron Nordenskiold, le savant éminent, le grand
voyageur, figurait depuis "20 ans sur les contrôles de
la Société. C'est en 1879 qu'il entreprit son neuvième
voyage rendu célèbre parla découverte du passage du
Xord-Est, dans les régions polaires. Il avait prévu que
les grands fleuves sibériens apportent à l'Océan
glacial un fort tribut d'eaux chaudes dont les courants,
dirigés d"abord vers le Nord, sont rejetés vers l'Est
par la rotation de la terre et qu'en août et septembre,
la mer étant dégagée jusqu'à une grande distance des
côtes, cette large bordure d'eau libre devait offrir un
chemin libre aux navires.
L'expédition de la Véga dura deux ans et fut bloquée
pendant 9 mois dans la baie de Koliventchine ; déga-
gée enfin, elle doubla le cap oriental, le 20 juillet 1879,
puis explora les deux rives du détroit de Behring,
arhevant ensuite dans les mers connues le périple de
l'ancien monde.
M. Paul Ruff, professeur d'histoire au Lycée
d'Oran et membre du Comité de 1893 à 1899 fut un des
collaborateurs les plus actifs et les plus dévoués de
la Société. Sa conférence sur l'Empire Ottoman, ses
chroniques géographi([ues, ses articles bibliographi-
ques furent des plus appréciés.
Son départ d'Oran, où il n'avait que des amis, fut
universellement regretté. Le Comité, reconaissant de
ses services rendus ù la Société de Géographie, l'avait
nommé membre honoraire correspondant.
A sa jeune veuve, si cruellement frappée, le Comité
adresse ses plus sincères condoléances et l'expres-
sion de ses plus vifs regrets.
SOCIETE DE GEOGRAPHIE
& D'ARCHÉOLOGIE
d'oran
CiRCULAIRK N" 3
CONGRÈS NATIONAL
DES SOCIÉTÉS FRANÇAISES DE GÉOGRAPHIE
DU 1 AU 5 AVRIL 1902
XXIII'= SESSION. — ORAN
Oran, le 2 janmer 1902.
A M^C. les Membres de la Société de Géographie
et d'archéologie d'Or an.
Monsieur et cher Collègue,
La confection du questionnaire, des cartes de
Congressistes, des inaprimés et documents que
comporte l'organisation d'un Congrès, nous oblige
encore à faire appel à votre concours, en vous priant de
vouloir bien nous faire savoir, avant le 15 février 1902, si
vous comptez assister au Congrès, et si vous vous
proposez d'y faire une communication.
Les Compagnies des chemins de fer de France,
d'Algérie et de Tunisie, accordent aux Congressistes,
une réduction de 50 % sur les tarifs généraux, avec
validité de cette faveur du 20 mars, au 21 avril.
Les Compagnies de navigation, accordent la même
réduction, avec faculté de retour en France par Oran,
Alger, Philippeville, Bône ou Tunis.
Aux sociétaires qui auront fait connaître leur adhésion
et le parcours qu'ils suivront, il sera envoyé, en temps
opportun, la carte de Congressiste et, en plus, des bons
de 1/2 place pour ceux venant de France.
En outre des attractions des fêtes du millénaii'e de la
fondation d'Oran, des excursions seront organisées
permettant aux Congressistes de visiter, d'une part, la
ville et les environs d'Oran, pendant la session du
Congrès, et, d'autre part, du 6 au 10 avril, à leur choix,
la région de l'Ouest ou celle du Sud. Le programme
détaillé de ces excursions, sera envoyé ultérieurement,
avec l'évaluation de la dépense pour chacune d'elles.
Veuillez agréer. Monsieur et cher Collègue, l'assu-
rance de nos sentiments les plus dévoués.
Le Secrétaire général, Le Président,
FLAIIAULT. L'-Colonel DERRIEN.
25
L MOUVEMENT DE LA NAVIGATION
Mouvement des Entrées du port d'ORAN, par pavillon, pendant l'année 1900
PAVILLONS
ENTRÉES
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MOUVEMENT DE LA NAVIGATION LI
Mouvement des Sorties du port d'ORAN, par pavillon, pendant l'année 1900
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Mouvement des Entrées et Sorties du port d'ORAN, par pavillon, pendant l'année 1900
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Mouvement de la Navigation dans le port de MERS-EL-KEBIR, pendant l'année 1900
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STATISTIQUE DU MOUVEMENT COMMERCIAL DES PORTS
du déparlemenl d'Oran, pendant l'année 1000
comparé au mouvement de l'année 1899, et par nature de marchandises
EXPORTATIONS
(Nous devons les renseignements, publiés dans les tableaux ci-après, à l'obligeance de M. Tlnspcctcur principal des
Douanes du département d'Oran
Ensemble
PORT D'ORAS
Ensemble
PORT D'ORAN
DÊSIGN.4T10N des MARCHANDISE?
UNITÉS
des ports eu 1900
seul
des ports en 1899
seul
Animaux bêtes de somme.
Tètes
933
842
1.171
1.148
vivants bestiaux..
»
361.126
( 1.634.139
1 352.664
328.220
253.271
Gi\'îisses, suif brut et
Kilog.
63.287
53.493
107.004
107.004
saindoux
»
1.275.256
932.231
1.141 165
1.125.845
Peaux bfutes
»
1 996.070
1.892.953
2.013.687
1.999.979
Laines en masse
»
274
274
327
327
So es
»
18.898
14.602
6.265
6 090
Cires brutes
»
342.062
305.522
326.700
322.182
Poissons de mer ....
»
220
220
2.462
2.462
Corail brut
»
705.745
521.315
867.108
845.788
Os, sabots et cornes
de bétail
Quintal
496.416
331.293
361.649
311.918
j Froment.
l
»
13 700
4.060
304
300
\ Maïs ....
Céréales s ^
))
6i2.632
389.829
448.863
270.. 571
i Orge
»
502.282
399.039
291.139
251.683
1 Avoine . .
»
3.392
1.295
3.585
2.349
Farines
Kilog.
2.208.738
2.202.078
2.296.727
2.294.567
( verts ....
Légumes j secs et leurs
' farines. . .
»
1.759.825
1.452.997
2.111.255
1.791.472
»
1.059.890
1.031.800
1.435.837
831.362
Pommes do terre . . .
»
20.100
20.100
27.900
25.200
Alpistes
LX
MOUVEMENT COMMERCIAL
EXPORTATIONS (suite)
DÉSIGNATION des MARCHANDISES
UNITÉS
Ensemble
(les ports eu 1000
PORT D'ORAN
seiil
Ensemble
des ports en 1800
PORT D'ORAN
seul
f frais
Kilog
1.0G7.943
415.745
98G.915
783.514
Fruits< secs ou tapés
»
105.48?
65.253
179.240
90.229
\ oléagineux..
»
»
»
2.190
2.190
( en feui les . .
Tabacs]
(. fabriqués . .
»
»
2.165
29G 168
1.069
234.645
4.400
383.370
4.400 !
331.347 '
j ;' d'olives
Huiles ; jg graines
( grasses. . .
»
413.127
410.410
104.814
10 '4. 184
))
»
»
7.175
6.G55
/ en graines
»
191.518
95.618
51.190
47.2Û0 :
- ) en tiges brutes.
Lin s
»
»
»
»
» !
/ teille, peigné et
\ en étoupes.. .
»
»
»
»
!
» i
1
Joncs et roseaux bruts
»
»
»
»
» '
Alfa
»
»
8 5.553.590
»
61.845.472
80. 93 '1.830
»
G 1.630.180
»
1 Feuilles de palmiers nains . .
Crin végétal
»
20.179.235
14.583.376
16.237.707
15.5G0.527
Liège
»
178. 439
133.938
170.268
170. 2G8
Écorces à tan
»
6.591.177
5. 074. 066
5.184.837
5.184.837
Fourrages et son
»
4.096.25G
3.241.875
3.493.917
2.736.451 ;
Drilles.
»
843.874
592.988
820. 0G8
783.782
Plomb (métal brut). .
Quintal
»
»
»
»
/ de fer . . .
»
461.367.375
3.411.902
4.932.481
»
y de cuivre
»
»
»
»
»
Minerais \
j do plomb.
_• »
29.650
296
307
))
y de zinc . .
»
548.500
»
6.360
»
; Vins de toute sorte. .
Litre
98.219.485
6G. 393. 075
155.412.770
114.370.963
, Eaux-do-vie et alcools
Liire d'alconl
1.G08.067
827. Gl G
1.485.617
1.075 571
Peaux prt^parées ot
ouvrées en peau . . .
Kilog.
8.965
7.585
17.054
16.743
MOUVEMENT COMMERCIAL
LXl
IMPORTATIONS
DESIGNATION des MARCHANDISES
UNITÉS
Eosenible
des ports en iDOO
PORT D'ORAN
seul
Ensemble
ports en 1899
PORT D'ORAN
seul
Aciinaux j bêtes de somme . . .
Tète
1.570
1.208
2.073
2.073
vi?aDts 1 bestiaux
»
290.129
459
85.665
»
Viandes salées
Kilog.
376.996
359.306
313.222
303.589
Fromages
»
7G6.770
762.455
741.990
688.3-35
(Beurre
»
»
133.906
431.433
137.217
133.906
431.433
59.348
134.512
434.512
240.936
130.689
432.558
117.925
iGraisses
Peaux brutes
Soies
»
»
f.
993.744
992.669
»
878.176
»
846.425
' Poissons de mer ....
! , Froment.
Quintal
1.221
1.221
1.555
1.555
\ Maïs ....
CÉRÉALES ^
i ) Orge ....
»
»
25.646
14
24.854
14
27.920
2.458
21 MO !
2.458
' f A ■
\ Avoine . .
»
35
35
7
7
i Farines
))
Kilog.
»
42.340
2.580.267
5.6G5.216
39.775
2.568.267
5.123.234
40.950
2.136.578
5.872.524
39.722
2.023.966 \
5.285.809
Riz
j Pommes de terre . . .
Légumes secs
»
2.748.364
2.237.850
2.420.623
2.047.122 i
: secs ou tapé.
»
1.433.919
1.415.884
1.382.602
1.314.389 '
Fruits] ,
[ oléagineux..
»
828.464
828.464
a 07. 082
805.077
Glucose
»
»
64.498
591.021
62.697
575.553
160.408
353.354
154.248
321.986
( brut
( raffiné
»
6.910.085
5.699.760
7.067.632
5.841.376
Café
»
1.998.250
1.592.135
2.046.135
1.708.478 '
Chicorée
»
308.077
301.235
271.655
250.524
LXII
MOUVEMENT COMMERCIAL
IMPORTATIONS (suite)
1
DESIGNATION des MARCHANDISES
UNITÉS
Ensemble
des poits en 1900
PORT D'ORAN
seul
Ensemble
des ports en 1899
PORT D'ORAN
seul
1
Thé
Kilog.
s
54 418
7.606
37.301
5.800
37.507
5.811
36.83 i
5.307
Poivre
Marrons, chàiaignes
et leurs farines . . .
X
321.984
280.934
331.776
317.705
Cannelles et cassia
lignea
»
5.378
4.980
5.032
5.012
Muscade, macis et
vanille
»
704
600
853
830
Clous et griffes de
girofle
»
70
. 9-28.805
26.917
51
803.500
15.900
91
793.356
18.945
89 j
757.122 ;
18.837 :
Tabacs
( fabriqués . .
i d'olives
»
337.392
296.900
417.010
381.092 '
Huiles l d'aulres graines
, grasses
»
4.611.889
3.508.000
5.236.852
4.817.373
/ buts ou
Bois \
} equarns..
1 à coDstruire
\ sciés
1.000 kil.
»
10.891
7.458
5.600
3.900
9.940
15 116
8.545
7.293
Mater, de toute sorte.
Kilog.
32.978 500
24.525.001
31.827.266
21.397.387
Houille
Quintal
Kilog.
532.493
362 333
421.610
356.000
545.641
507.462
404.435
490.976
Huiles et (brutes
pétroles raffinés ....
Hectol.
22.954
19.000
23.669
20.355
Boissons j vins ordin..
Litre
1.829.773
1.100.500
1.373.090
1.353.845
lermentées ( vinsdeliq,.
»
542.072
506.000
398.665
366.165
Eaux-de-vie, alcools
^.
et liqueurs
Litre d'alcool
Litre
547.738
320.137
500.180
280.000
437.181
707.425
279.530
675.978
Bière
Poteries
Kilog.
3.195.975
1.930.912
2.956.700
1.750 000
3.432.813
1.532.568
2.977.116
1.384.730
Verres et cristaux.. .
MOUVEMENT COMMERCIAL
IMPORTATIONS (suite)
LXIII
DESIGNATION des MARCHANDISES
UNITÉS
Ensemble
des ports en 1900
PORT D'ORAN
seul
Eû^crable
desportunlH9'J
160.522
1.810 052
2.879.194
203.326
4.512
»
2.197.369
579 550
1.866.803
5.386.509
171.457
PORT D'ORAN
seul
de lin et
chanvre .
1 de iute . . .
eju
.le
Kilog.
0
»
»
»
»
»
»
»
»
216.474
1.810.658
2 120.272
262.811
6.G84
»
2 271.242
543.449
1.458.470
4.035.052
161.215
180.900
1.051.000
1.975.000
180.700
5.900
0
1.950.600
430.000
1.000.050
3.875.600
151. 2C0
153.736
1.582.623
2.834.531
158.725
4.315
»
1.955.851
457.842
1.727.813
4.496.103
165.843
Tissus '^^^°ton..
de laine . . .
de soie. . . .
\ autres ....
Papiers et carton .
Peaux préparées
ouvrages en peau
Machines et mécan
(lues . ...
et
Ouvages et métau;
Ouvrages de spart
rie, de vannerie
de corderie
e-
et
» * ^ > «
RELEVÉ du Tralic de la Gare de kargueBlah, de la C " P.-L.-M.. pendant l'année 1900
DÉSIGNATION DRS MARCUANDISES
Céréales
Son et farine
Minerai de zinc
Houille et coke
Tuiles et briques
Bois à brûler et charbon de bois.
Crin végétal
Alfa . . ,
Chaux, ciment et plâtre . . .
Liège et écorces
Caillasse
Engrais, phosphate et soufre . .
Vin
Alcool
Oranges, citrons et mandarines .
Huile
Tabac ,• . .
Foin et paille
Fûts vides
Laines
Arbres vivants
/ Pierre . . . .
Matériaux . . . ) Bois
( Fer
Divers ,
Légumes et fruits frais
Denrées
Guerre et télégraphes
Totaux
EXPEDITIONS
Importations
1.1
864 1"
.152
»
293
,1G4
135
76
493
OS
101
327
.245
.137
9
3-20
151
63
.704
305
2
57
,326
204
.990
166
245
,297
ARRIVAGES
Exportations
33.G98f"
2.71G
10.112
2.017
17.019
11
471
»
54
49.115
12
166
103
2
2.911
714
327
39
872
371
161
3.279
3.394
5i9
122
29.934 1""| 123. 260 1"-'
OBSERVATIONS
VOYAGEURS
Partis de Karguentah 10 i. 317 j [ Arrivés à Karguentah 104.475
RELEVÉ du Trafic de la Gare d'Oran-Marine, de la C» P.-L.-M., pendant l'année 1900
DESIGNATION DES MARCHANDISES
Céréales
Son et farines
Minerai de zinc
Houille et coke
Tuiles et briques
Bois à brûler et charbon de bois.
Crin végétal
Alfa
Chaux, ciment et plâtre
Liège et écorc-îs
Caillasse
Engrais, phosphate et soufre . .
Vin
Alcool
Oranges, citrons et mandarines .
Huiles
Tabac
Foin et paille
Fûts vides
Laines
Arbres vivants
/ Pierres. . . .
Matériaux . . . ' Bois
( Fers ....
Divers
Légumes et fruits frais
Denrées
Guerre et télégraphes
Totaux.
EXPEDITIONS
897 1"«
742
14.895
4.033
23
4.178
2.361
945
226
567
u
578
36
9
715
10
1
»
2.359
864
12.878
>
ARRIV.UES
46.302t°"
86.381 t"
2.379
.".30
2.766
33.566
»
4.309
»
35
6.372
35
290
352
»
46
120
1.515
84
238
2.890
OBSERVATIONS
141. 908 f"
BESTIAUX
Nombre de wagons expédiés . . . 281 1 1 Nombre de wagons arrivés
. 499
26
PRODUITS AGRICOLES 1899-1900
TERRITOIRE CIVIL (Européens)
Oi 00
o o
— o
Oi ~ —
GO CO v}<
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RECENSEMENT
de la Population du Département d'Oraa en i901
TERRITOIRE CIVIL
Mascara (ville) : 20.922 hab., dont 9.045 indigènes.
Total de l'arrondissement de Mascara: 173.061, dont 145.502
indigènes.
MosTAGANEM (ville) : 18.090 hab., dont 9.134 indigènes.
Total de l'arrondissement de Mostaganem : 287.658, dont
260.081 indigènes.
Oran (ville): 89.253 hab., dont 12.417 indigènes.
Total de l'arrondissement dOran : 265.140, dont 113.297
indigènes.
Bel-Abbès (ville) : 25 901 hab., dont 5.947 indigènes.
Total de l'arrondissement de Bel-Abbès: 90.544, dont 50.785
indigènes.
Tlemcen (ville) : 35.468 hab., dont 24.234 indigènes.
Total de l'arrondissement de Tlemcen : 143.577, dont
116.779 indigènes.
TOTAL DU DÉPARTEMENT
Population civile: 959.980 habitants, dont 686.444 indigènes.
Nota. — Dans ces chiffres, ne sont pas comprises les
troupes en territoire civil, ni les populations indigènes en
territoire militaire.
TERRITOIRE MILITAIRE
Européens
Indigènes
Subdivision de Mascara. . .
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MOUVEMENT
DES FRANÇAIS âc DES ÉTRANGERS
dans le port d'Oran, en 1902
FRANÇAIS (civils et militaires), arrivés à Oran, par
voie de mer, du l*""" janvier, au 31 décembre 1900 : 27.628.
FRANÇAIS (civils et militaires), partis d'Oran, par
voie de mer, du 1*^'" janvier, au 31 décembre 1900 : 24:. Ml.
ÉTRANGERS de toute nationalité, arrivés à Oran, par
voie de mer, du l'''' janvier, au 31 décembre 1900 : 24.104
ÉTRANGERS de toute nationalité, partis d'Oran, par
voie de mer, du l^"" janvier, au 31 décembre 1900 : 23.950.
BOUTY,
Secrétaire Général honoraire.
LXXII
OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES
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Altitude 374 mètres
EXPOSÉ SOMMAIRE DES RÉSULTATS OBTENUS
du 1'' Juin 1901 au 30 Novembre 1901
Afin de donner quelques résultats qui puissent être comparés
aux moyennes barométriques obtenues à Oran depuis 1875, il est
bon de réduire le baromèti'e à zéro et au niveau de la mer. Les
résultais annexés au tableau ci-contre deviennent respectivement:
754,3, 753,5, 754,6, 755,7, 758,2 et 758,6. A Oran la pression
barométrique moyenne mensuelle décroit de Février au mois
d'Août pour croître d'Août au mois de Février. Ce résultat à été
confirmé depuis l'installation de l'observatoire.
C'est pendant le mois d'octobre que l'oscillation barométrique a
été la plus forte s'élevant à 16"/"" 6, tandis que la plus faible
différence entre le maximum et le mininum a été de 8""/™ 1
pendant le mois de Juillet. Durant cette période étudiée l'enregis
Ireur a permis de constater que la plus faible pression barométri-
que a été de 717"/'" 1, le 13 Juin, à cinq heures du matin, et la
plus forte de 734'"/"', à 10 heures du soir, le 30 Novembre, à
l'altitude de cet instrument.
Pendant ces six mois, il a été constaté que d'après l'ordre des
mois le mininum des minimas a été respectivement : 16°, 16°,
12°, 14°, 9° et 5° et que le maximum des minimas a été : 19°2, 24°,
22''4, 24°6, 18° et 15°6.
Le minimum des maximas a été : 15°8, 24°6, 26"2, 21°8, 15°2 et
12°4, et le maximum des maximas 33"^, 37°8, 35°2, 41°, 28*6
et 26°8.
L'enregistreur montre que la température la plus élevée a été de
4l°5, le 2 septembre, à 2 heures du soir, et que la température
ja plus basse, de 4°8, le 30 novembre, à 4 heures du matin.
La moyenne mensuelle des mois de Juin, Juillet et Septembre a
été supérieure à la moyenne, celle des mois d'Août, Octobre et
Novembre lui a été inférieure. Pendant ces mois, la variation
diurne a été respectivement de : 9°9, 10°4, 'I0°9, 11°7, 7°5 et 7"!
résultats supérieurs aux moyennes mensuelles. La plus forte
variation diurne a été de 19°4, le 4 Septembre, et la plus faible de
1°8, le 2 Novembre.
LXXIV STATION MÉTÉOROLOGIQUE DE SANTA-CRUZ
La tension de la vapeur d'eau a été supérieure à la moyenne
pendant les mois de Juin et Juillet et inférieure pendant les quatre
autres mois. La plus faible a été de 4"/'" 4, le 24 Octobre, à 7 heures
du matin, et la plus forte de '26"/"' 1, le 26 Août, à 1 heure du soir.
L'humidité relative qui est utile à connaître au point de vue
climatologique, a subi la même progression que la tension de la
vapeur d'eau. Elle a été supérieure à la moyenne pendant les mois
de Juin et de Juillet, d'une façon très sensible et fortement
inférieure pendant les quatre autres mois. Le maximum a été de
94 0/0, le 14 Septembre, à une heure du soir, et le minimum
de 34 0,0, le 27 Août, à 1 heure du soir, et le 14 Septembre, à
7 heures du matin.
Ne connaissant pas l'évaporation moyenne à Oran, il faut
comparer les résultats avec ceux qui sont connus au Cap Falcon.
Par ?4 heures l'évaporation est presque le double à Santa Cruz
qu'à ce dernier endroit. Conformément à des lois bien connues en
ptiysique ce résultat n'a rien de bien surprenant, étant donné la
fréquence et l'intensité des vents qui régnent à l'observatoire et
qui favorisent ce phénomène d'évaporation.
Les observations de l'état ozonométrique de l'air, ne font que
confirmer des résultats acquis depuis la création de la station.
Ces résultats dépassant toujours 10 sur ?0 indiquent une grande
pureté de l'air, par rapport aux résultats ne dépassant 5 que l'on
observe à l'hôpital militaire.
Quant à la pluie, les instruments ont donné pendant les trois
premiers mois une quantité inappréciable. Les mois d Octobre et
de Novembre dépassent de beaucoup la moyenne mensuelle qui
s'y rapporte. Le mois de Novi mbre donne à lui seul 62"/°' de pluie
de plus que la moyenne correspondante à ce mois.
Pendant cette période le nombre de jours où 1 on a entendu le
tonnerre accompagné d'éclairs a été respectivement: 1, 3,
1, 3, 7et0.
A. GUILLAUME,
Préparateur de physique et de chimie au Lycée,
Calculateur à l'Observatoire de Santa-Crui.
OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ
PENDANT LE 2^ SEMESTRE 1901
I
Elisée Reclus. — L'enseignement de la Géographie. Réunion
d'Etudes Algériennes. Quelques notes sur le pétrole dans le
département d'Oran.
M. Varnier. — Rapport sur les opérations des Sociétésindigènes
de prévoyance de secours et prêts mutuels des communes de
l'Algérie pendant l'exercice 18^9 -'900 (Gouvernement général
de l'Algérie ).
MiNiSTERio DA ISIarinha e Ultramar. — Album de estatistica
graphica dos Caminhos de ferro portuguezes dos provincias
ultramarinas, 1898.
L. Gallois. — Les Andes de Patagonie,
Gustave Milsom. — Le chemin de fer d'Oran au Maroc. Les
Chemins de fer marocains.
"Willi Ule. — Der Wiirmsee (Slarnbergersee) in Oberbayern. —
(Atlas).
M.-G.-B.-M. Flamand. — Sur la présence du dévonien à Calceola
sandalina dans le Sahara occidental (Gourara, Archipel
touatien).
G*^ Derrécagaix. — Des cartes d'Europe en 19C0.
Gustavo Niederlein. — Catalogue des collections des produits
du sol des Colonies françaises d'Amérique à l'Exposition Pan-
Américaine de Buffalo (1901).
Augustin Bernard. - Revue bibliographique des travaux sur la
géographie de l'Afrique septentrionale (4° année).
H. Kern. — Histoire du Bouddhisme dans l'Inde, Tome premier
(Annales du Musée Guimet).
E. Chancogne. — Barrages sur la Tafna.
Augustin Bernard. — L'Afrique du Nord et l'Empire colonial
français.
f P Les Entretiens économiques et financiers,
) journal paraissant le 5 et le 20 de chaque mois.
Journaux { r^ % r-, ■ i , i. ^ j i d .
] 2° La Garonne navigable, supplément de la necue
{ Commerciale et Coloniale ( n° 3 ).
R. Gautier. — Résumé météorologique de l'année 1899 pour
Genève et le Grand Saint-Bernard.
LXXVI OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ
CARTE
I
R. Gautier. — Obsei-vations météorologiques faites aux fortifica-
tions de Saint-Maurice pendant l'année 1899.
M -J. de Rey-Pailhade. — Unification des mesures angulaires
pour les cartes de l'Armée de terre et pour les Cartes de la
Marine.
G. Marinelli. — L'Accroissement du Delta du Po au XIX' siècle.
Ministère des Colonies. — Statistiques Coloniales pour l'année
1899 (Commerce).
F. Foureau. — D'Alger au Congo par le Tchad. Relation de la _
Mission Saharienne avec 170 figures. Masson, 1902. ■
Gouvernement g"' de l'Algérie. — Carte géographique arabe
indiquant les territoires occupés par la France, en Afrique.
ERRATA
TOME XIX
Page 525, 5^ ligne : supprimer von den Herren et von Fritsch,
mettre : Drs. G. von Fritsch et J. .T. Rein.
TOME XX
Pages 104 et suivantes : au lieu de 9% lO^, lie famille,
lire 8% 9% 10° famille.
Page 110, 2e alinéa : mettre occipital, interpariétal et frontal
au féminin.
Page 117 : remplacer variété fusca par variété brunnea.
Page 349 : supprimer le l^'' alinéa (9 lignes). Les corps en
forme de graines de melon étaient des parasites.
Page 369: Il faut écrire Lythorynchus au lieu deLithorynchus
(Blg., in litt.)
Dans le tableau mettre variété Hirouxii à la place
de L. diadema et réciproquement.
Page 390, avant-dernière ligne : au lieu de ventrales, mettre
rangées dorsales.
TOME XXI
Planches XXVI et XXVII : les figures 3 h, c, d, e, sont
grossies — ; toutes les autres sont de grandeur naturelle.
APPENDICE
Il y a des Colubridées vivipares, même en Algérie,
Coronella par exemple {B\g. in liti.) ,
En 1899, j'ai mis plusieurs Agama Bïbron'i dans le
ravin situé au sud du Polygone d'Oran.
J'ai pris Saurodactylus mauritanicus au Coudiat el
Abada, à Sidi-Yahia, à 14 kilomètres sud-ouest de
Sebdou.
A Sebdou, le discoglosse est désigné sous le nom
de grenouille de prairie et consommé.
Bibliographie. — MM. Anderson et Werner
ont puljlié, vers 1898, sur les Stenodactyles du nord de
l'Afrique un travail que je ne connais pas.
M. Ernest Olivier a publié, en 1899, Les Serpents du
nord de l'Afrique (in Manuel pratique de lAgriculture
algérienne, par MM. Rivière et Lecq).
LA VILLE DE PAS
(FEZ)
Conférence faite sous les auspices de la Société de Géographie et de la Société Oranaise
de l'Enseignement par l'Aspect
au Théâtre municipal d'Oran, le 27 février 1901
PAR M. Auguste MOULIÉRAS
chargé d'une Mission officielle au Maroc en içoo
M. le lieutenant-colonel Derrien, président de la Société de
Géographie d'Oran, présente le conférencier en ces termes :
Mesdames, Messieurs,
J'ai l'honneur de vous présenter M. Mouliéras, pour la forme
bien entendu, car vous connaissez tous le savant professeur à la
Chaire publique de langue et de littérature arabe d'Oran, le
sympathique \" vice-président de la Société de Géographie.
Vous savez tous que, né à Tlemcen, à deux pas du Maroc, il s'est
intéressé toute sa vie à ce mystérieux empire des chéri fs.
Le sphynx marocain l'a toujours attiré et non content des
renseignements puisés sans relâche aux sources les plus auto-
risées, auprès des nombreux personnages de ce pays qui viennent
visiter l'Oranie et surtout auprès d'un derviche merveilleux qui
depuis 22 ans parcourt le Maroc en tous sens et nous fait profiter
de ses découvertes et de ses observations ; non content, dis-je, de
ces renseignements qui nous ont valu la publication de deux
volumes remarquables sur le Maroc inconnu, M. Mouliéras
a voulu voir, entendre et juger sur place, par lui-même.
Son rêve s'est enfin réalisé et, l'an dernier, il obtenait du
Ministre de l'Instruction publique la direction d'une Mission
scientifique à Fez, mission que la Société de Géographie et
la Chambre de Commerce d Oran s'empressèrent de favoriser par
des subventions.
En prenant contact avec les étudiants et les fekyrs du Maroc,
M. Mouliéras, qu'ils ont surnommé le « cadi des Chrétiens », n'a
eu qu'un seul but : celui de faire aimer et apprécier la Franco,
notre patrie qui est déjà au fond de leurs pensées à tous, autant
par l'effet de notre voisinage que par l'intuition de la force.
M. Mouliéras, en pénétrant ainsi au cœur du Maroc, a accompli
une œuvre de prévoyance essentiellement patriotique et de défense
nationale, car il y a planté un jalon destiné à devenir un jour
la hampe du drapeau protecteur de la France au Maroc.
La parole est au conférencier. (Applaudissements.)
LA VILLK DE FAS
(FEZ)
« Mesdames, Messieurs,
a Dans ma dernière conférence à la Sociale de Géographie
d'Alger, je me suis arrêté aux portes de la ville de Fas parce
que je réservais à mes concitoyens oranais la surpi'ise de les
inviter à pénétrer avec moi dans la grande cité marocaine qui
est considérée, d'un bout à l'autre de l'Afrique Mineure,
comme le boulevard indestructible de la foi islamique, comme
le sanctuaire oi^i s'épanouissent, de nos jours encore, les vertus
des saints de l'Islam ainsi que les Sciences arabes qui rendirent
célèbre autrefois le siècle de Haroun-er-Rachid ; — et je disais
à nos chers voisins les Algérois :
— « Les mille impressions qui m'assaillirent quand je vis
pour la première fois cette capitale du Maroc au détour d'un
monticule, quand ses minarets, hauts comme des tours,
m'apparurent llambants sous les rayons d'or du soleil levant,
non. Messieurs, ce n'est ici ni le moment ni l'occasion d'es-
sayer de vous les décrire. *
En parlant ainsi, je pensais à vous, mes chers auditeurs, et
je n'avais garde d'oublier non plus que j'avais contracté une
dette d'honneur envers la Société de Géographie d'Oran et
qu'il me faudrait bien tôt ou tard lui offrir publiquement le
juste tribut de ma reconnaissance.
Or, non seulement les dévouements et les bonnes volontés
sont venus à moi du sein de cette Société, mais j'ai trouvé
encore chez sa sœur cadette, la Société de l'Enseignement par
V Aspect, le plus louable empressement à mettre à ma disposi-
tion la totalité de ses ressources, ses projections, son matériel,
cette salle enfin où son dévoué président et ses principaux
collaborateurs prodiguent aux intelligences avides de s'ins-
truire leur temps, leur patience et aussi les trésors d'une
haute culture i;itellectuelle que vous vous plairez sans doute à
saluer avec moi de vos acclamations.
LA VILT^E DE FAS (fEz) 3'
Il nous faut reprendre maintenant notre récit au point où
je l'ai laissé à Alger, c'est-à-dire au jour même de mon entrée
à Fas le !«■• Mars 1900.
Nous avions campé la veille près de la grosse bourgade de
Douiyèt dont les gourbis couverts de chaume se dressent à
une faible distance d'une belle nappe d'eau qui pourra
devenir, au jour lointain d'une domination européenne,
le rendez-vous du monde élégant et sportif de Fas, quelque
chose d'analogue à nos étangs du Bois de Boulogne ou de
Vincennes.
La nuit, une nuit chargée de ténèbres et d'orage, s'était
passée pour moi dans l'attente fiévreuse du lendemain, jour
tant désiré où mes yeux pourraient voir surgir enfin devant
eux la ville féerique aux cent minarets, la sainte cité qui
compte parmi les agglomérations humaines les moins connues
et les plus mystérieuses du Continent noir tout entier. Et les
réflexions me venaient, abondantes et graves, me posant leurs
points d'interrogation lancinants, très troublants je vous
l'assure. — Était-il possible, en effet, à un simple serviteur de
la science comme celui qui a l'honneur de parler devant vous,
de se lancer sur l'océan des mille questions sociales, religieu-
ses, administratives, universitaires et scientifiques dont le
vaste champ n'a pour ainsi dire été exploré par personne, pas
plus du reste par les polygraphes magribins eux-mêmes que
par les écrivains de la Vieille Europe ? N'avait-on pas en
France des savants d'une autre envergure que la mienne,
infiniment mieux qualifiés que moi pour l'énorme et encyclo-
pédique labeur à entreprendre ?
Fausse modestie qui nous tues, m.odestie qui n'est en
somme que la peur exagérée du ridicule, combien de Français
des plus heureusement doués ne sont-ils pas tes quotidiennes
victimes ? Voyez l'Anglais par exemple, voyez les autres
cosmopolites errant à travers les peuples et les races,
éprouvent-ils au même degré que nous, connaissent-ils seule-
ment cet extrait alambiqué de la pudeur aiguë qui s'appelle la
crainte du ridicule ? Hélas ! ce sentiment, qui déprime chez
nous les plus puissantes intelligences, leur est inconnu, et
c'est ce qui fait leur force.
Vouloir, c'est pouvoir. Telle est la formule que les difficultés
et les nécessités de plus en plus croissantes de la vie moderne
imposent aux nations comme aux individus qui persistent à
fr LA VILLE DE TAS (FEZ)
tendre des mains éperdues vers le ciel en disant à je ne sais
quelle divinité sourde :
— Ya Rebbi, ma nk'edrouch !
— Domine, non possumus !
— Seigneur, nous ne pouvons !
Vouloir, c'est pouvoir, jusqu'à une certaine limite toutefois,
et c'est ce que j'allais expérimenter dans la fourmilière maro-
caine que ma bonne étoile m'appelait à visiter.
Ce fut par une pluie aussi fine que désap:réable et sous les
bourrasques violentes venues de l'Atlantique que notre petite
caravane se mit en route, le cap sur la ville de Fas. Des
nuages galopaient sur nos têtes et paraissaient courir à un
unique rendez-vous, attirés qu'ils étaient par l'énormité du
massif des Beni-Ouarain dont la croupe neigeuse nous mas-
quait l'horizon à plus de quarante kilomètres de distance.
Montagne superbe, dont les crêtes dépassent 3,500 mètres
d'altitude, le Djebel Beni-Ouaraïn disparaissait complètement
sous la neige, du sommet à la base, et mes Marocains me
disaient que dans ses forêts et dans ses retranchements natu-
rels vivait un peuple fier et indomptable, les Braber, qu'aucune
dynastie marocaine n'a jamais pu soumettre. C'est alors
seulement, c'est en présence de cette nature majestueuse et
tourmentée qui forme la région si accidentée des Braber que
je compris l'impuissance des Sultans à gravir ces hautes
murailles avec les éléments hétéroclites de plus en plus
lamentables qui composent leurs armées, — et, me souvenant
subitement des paroles d'un de leurs historiens <^\ je demandai
au vieux soldat chérifien qui m'accompagnait s'il était vrai
que les Braber, et, par extension, la race entière des Berbères
magribins, étaient bien les arbitres des destinées du Maroc.
A cette question, mkhazni, muletiers, guide et jusqu'au
cuisinier répondirent à l'unisson :
a — Rien n'est plus exact, ôfk'ih. Et nous jurons par le Coran
qui est dans ta poitrine que si les Braber et les autres Chelouh'
du Rif et du Sous faisaient cause commune et se mettaient
en tête de conquérir le Maroc, le sultan actuel, Moulaye
(l) Voyez Maroc Inconnu, tome II page 461.
LA VILLE DE FAS (FEZ) 5
Abd-el-Aziz, ne resterait pas une minute de plus sur son
trône. » (•)
Tandis que nous faisions ainsi la causette, parlant des évé-
nements politiques passés et à venir et que la route s'abré-
geait lentement sous les pas de nos montures, nous vîmes
tout à coup le soldat chérifien prendre le triple galop et s'ar-
rêter soudain au milieu du chemin, à une cinquantaine de
mètres devant nous. Dressé sur ses étriers, les burnous rejetés
en arrière, les mains ouvertes à la hauteur du visage, le vieux
burgrave adressait à haute voix une ardente invocation à
Moulaye Idris, le grand saint marocain qui est, comme vous
le savez, le patron de la ville de Fas.
Alors il y eut une bousculade, puis un brusque arrêt de
toute la caravane qui s'était empressée d'arriver aux côtés de
l'homme en prière, et nos yeux émerveillés ne se détachèrent
plus d'une ville énorme, qui s'entassait, s'écrasait au fond
d'une vallée trop étroite pour elle, rejetant sur les deux bords
du vallon Tèxcédant de ses habitations dont l'amoncellement
confus ne rappelle en rien les quartiers tirés au cordeau et les
très larges avenues de nos cités européennes..
A ce moment là précisément, un long faisceau de flamme
partant du soleil vint illuminer la ville sainte et faire flamber
les tuiles vernies dR ses monuments sacrés et les croissants
d'or de ses innombrables minarets. Sous le ciel vaste et bleu,
un ciel frais et lavé par les dernières averses de la matinée,
l'informe carrière de pierres que nous avions sous les yeux
s'étirait, s'allongeait, sans une solution de continuité, dans son
chenal étranglé, couvrant en longueur une surface supérieure
à 5,000 mètres. Mais ce qui me ravissait surtout, c'étaient les
grandes tours carrées qui émergeaient du fouillis des mai-
sons, les dominant toutes de leur jet continu vers les cieux,
minarets-colosses qui semblaient d'autant plus hauts qu'on
sentait que leurs fondations reposaient pour la plupart dans
le creux de la dépression au fond de laquelle Fas est bâtie.
(1) Au moment où j'écris ces lignes, le télégraphe m'apporte la
douloureuse nouvelle de l'attaque de Timimoun par les Braber
(18 février 1901). Saluons, Messieurs, ceux des nôtres qui sont tombés
au champ d'honneur et insistons auprès des Pouvoirs publics pour que
l'annexion pure et simple du Maroc, qui est absolument indispensable
au maintien de notre domination en A'gcrie, soit sous peu un fait
accompli.
6 LA VILLE DE FA S (FEZ)
Pendant que ma pensée, emportée sur les ailes de l'Histoire,
revoyait, à travers les projections rapides de la mémoire, la
naissance, l'apogée et le déclin de la capitale magribine qu'un
demi-dieu, issu de la lignée de Mahomet, était venu fonder
dans ce coin ignoré de l'Occident-Extrôme, pendant que, l'es-
prit perdu dans le labyrinthe des hypothèses futures, je me
demandais quel sort serait réservé demain à cette métropole
d'un monde fermé, que faisaient, que disaient, que pensaient
mes compagnons mahométans?
Ils priaient, ils s'extasiaient devant la Viile-Sainte, et pour-
tant leurs prières n'allaient pas directement à Dieu ; elles
étaient adressées à une véritable divinité humaine, à l'idole
d'un culte tel que je n'en ai jamais vu de pareil depuis les
frontières de la Tripolitaine juscju'à l'Océan Atlantique. En
réalité, c'est un Dieu nouveau qui apparaît ici au premier
plan, avant Allah, avant le Prophète lui-même. En succédant
dans l'ordre des temps à ces deux types successifs de la
monolàtrie sémitique, Idris II les a purement et simplement
remplacés dans l'adoration des foules ignorantes, et il a eu cet
inconcevable bonheur de devenir pour ses aveugles coreli-
gionnaires du Maroc ce qu'est pour les Espagnols, de l'autre
côté du détroit de Gibraltar, son illustre confrère en sainteté,
Saint-Jacques-de-Compostelle.
Mais, Messieurs, il est inutile et dangereux d'aller'plus loin
dans nos comparaisons ; bornons-nous donc à examiner
curieusement la poutre qui est dans l'œil de nos voisins en
attendant qu'on arrache le madrier qui est dans le nôtre. La
superstition possède encore un empire assez vaste en Europe
pour que nous ne la traitions pas à la légère quand nous en
faisons l'objet de nos études. Nos lois, nos usages, nos mœurs,
nos coutumes enfoncent pour la plupart leurs racines dans les
idées superstitieuses qui nous furent léguées par nos lointains
ancêtres, et, ce n'est pas trop m'avancer que de prétendre,
d'accord, en cela avec les plus éminents sociologues, que la
superstition fut la mère des Religions.
Au Maroc, j'en fus imprégné de ces superstitions ; je ne
jurerais môme pas que je n'aie point fait cliorus plus d'une
fois avec mes dévots compagnons quand ils criaient par
exemple à tout propos :
— Ya Moulayc Mris, Monseigneur Idris par-ci ! Monseigneur
Idris par-là !
LA VILLE DE FAS (FEZ) 7
Un jour, ma mule s'abattit dans l'horrible plaine marécageuse
d'El-Khellat, sur le territoire dos Beni-Ah'sen. Un même cri
s'échappa de toutes les bouches musulmanes :
— Ya Moulaye Idris ! Ya Moulaye Idris !
Moi-même alors, décrivant une courbe dans l'espace, par-
dessus la tête de ma pauvre monture, je me surpris à répéter
avec les autres :
— Ya Moulaye Idris el-ezhar ! (0 Monseigneur Idris le
très-brillant !)
Cet aimable fondateur de Fas fut apparemment la cause que
je ne me fis aucun mal ; c'est du moins ce que me déclarèrent
mes compagnons qui profitèrent de cet heureux accident pour
accabler de bénédictions touchantes et de vits remerciements
leur saint favori.
Dans un semblable milieu saturé à ce point de religiosité,
milieu qui était le mien par le fait, puisque, parlant leur langue
et adorant leur fréquentation, je m'étais plongé résolument
dans la société des congréganistes et des hommes pieux de
l'Islam, dans ce milieu qui évoquait pour moi celui de nos
chapelles et de nos diverses églises chrétiennes, il m'eût été
impossible de montrer le bout de l'oreille en faisant l'esprit
fort, l'esprit critique. Une si peu clairvoyante imprudence,
outre qu'elle eût pu me coûter cher, n'aurait pas manqué de
me faire arriver au but opposé à celui que je voulais atteindre.
Concevez -vous bien un philosophe tombant à l'improviste
dans un cloître, s'annonçant comme tel, et demandant ensuite
aux moines effarés la permission de se livrer sur eux à des
expériences de haute psychologie sentimentale ?
Non, je le dis hautement, mon rôle a été et devait être ce
qu'il a toujours été depuis le premier jour, il y a bien
longtemps de cela, où je fus pris de la passion d'étudier, de
connaître et de révéler à mes concitoyens l'étrange Société
mahométane qui nous presse, qui nous étoutîe, qui nous
submerge presque dans cette belle colonie de l'Afrique
septentrionale que nos soldats arrosèrent tant de fois de leur
sang dans le but d'appeler nos frères de l'Islam à prendre
place, eux aussi, au grand banquet de la vie spirituelle et
matérielle auquel les convie si généreusement Celle que nous
ne pouvons nommer sans que les fibres de notre cœur ne
8 LA VILLE DE FA S (FEZ)
tressaillent d'intense émotion, Celle que les peuples libérés
appellent leur seconde patrie, Celle que nous appelons notre
mère, la grande, la fraternelle France de la Révolution
française !
C'est en plongeant au fond de la mer que l'Indien rapporte
du sein de l'Océan les perles qui brilleront un jour sur le front
des sultanes ; c'est en se mêlant modestement aux diverses
coucbes du peuple, sans être ni gâté ni flatté par personne»
que l'observateur digne de ce nom voit peu, si vous voulez,
mais voit bien le peu qu'il voit. Aussi n'annoncé je à aucun
de mes futurs sujets d'observation ma qualité d'envoyé du
Gouvernement français. J'étais un simple taleb, un étudiant
chrétien quelconque qui venait s'instruire et se désaltérer
à cette source des sciences qui s'appelle la ville de Fas.
Mon costume européen était pour les indigènes une curiosité
de plus ajoutée à celle, peu banale en vérité, d'entendre sortir
de la bouche d'un noçrani (chrétien) des formules élogieuses
à l'adresse du Prophète et des principaux grands hommes
de l'Islam.
Ainsi, ces mots magiques, ces formules toutes faites que
l'on trouve dans les livres arabes, m'ont ouvert les cœurs et
délié les langues ; ainsi, il m'a été donné de constater encore
une fois, jusque dans ce camp retranché du fanatisme et de la
foi irréductible, l'admirable, la merveilleuse puissance du
langage. Tout le secret de ma réussite est là ; et je livre bien
volontiers ce secret aux voyageurs qui voudront enfin se
décider à aborder et à approfondir sérieusement la belle mais
difficile langue de l'Apôtre de La Mecque.
Un instant ralantie par l'accès d'extase mystique dont nous
venons _de parler, notre marche fut reprise au milieu des
conversations et des congratulations réciproques et générales
que nous nous adressions les uns aux antres sur l'ineffable
bonheur qui nous attendait à proximité du mausolée de
Moulaye Idris, lequel ne manquerait certainement pas de
combler de faveurs des voisins tels que vos serviteurs, à
commencer par ce bon Cadi des Chrétiens (c'était moi), dont
la destinée avait fait un chef de caravane musulmane.
I
I
LA VILLE DE FAS (FEZ) 9
Deux heures après, nous nous arrêtions devant une des
portes de Fas, Bah-Ségma, où j'avais donné rendez-vous par
lettre à M. Gaillard, gérant intérimaire du Vice-Consulat de
France. Ma montre marquant 9 heures, et notre représentant
ne devant être là que dans une heure, je mis pied à terre
autant pour me dégourdir les jambes que pour mieux examiner
à mon aise les hautes murailles crénelées qui protègent Fas
sur tout son pourtour. Ma première impression fut que ces
remparts en mauvais pisé, déjà décrépits et croulants sur
plusieurs points, peuvent sans doute opposer à des hordes
barbares sans artillerie un obstacle presque infranchissable,
mais qu'ils ne tiendraient pas une demi-heure devant les engins
formidables de destruction que possèdent les nations modernes.
Mes promenades des jours suivants autour de la ville corro-
borèrent cette opinion, et je me rappelle un certain endroit,
où, sur une longueur d'une centaine de mètres, on ne passe
qu'en courant, tant ces pauvres remparts, plus penchés encore
que la Tour de Pise, menacent d'ensevelir sous leurs ruines
les imprudents qui s'attarderaient à admirer ou à calculer à
leur base leur angle d'inclinaison.
Cependant des Marocains, hommes, femmes et enfants,
entraient et sortaient par le Bab-Ségma en jetant sur mes
vêtements européens des regards que je sentais chargés
d'autant de curiosité inquiète que de sincère aversion. Des
gamins, hauts comme des bottes, ne sachant pas que leur
langage m'était familier, s'appelaient, se formaient en bandes,
criant pour se donner du courage :
— (( Ya Llah, ntferrjou âl en-noçrani. (Allons voir le
chrétien, c'est-à-dire le Nazaréen.)
En voyant mon cavalier chérifien, l'œil torve, la matraque
frémissante, menacer les bambins, les célèbres paroles du
glorieux Nazaréen, dont la piété humaine a fait un Dieu, rne
vinrent je ne sais pourquoi à l'esprit et je ne sais pourquoi
aussi je les traduisis en arabe littéralement, presque mot pour
mot, disant au farouche mkhazni :
— Khalli l-icliachra iâjiou l-ândi. (Laisse venir à moi les
petits enfants.)
Alors le vieux reître, aussi surpris de ma bonhomie que les
enfants l'étaient de m'entendre parler leur langue, revint vers
10 LA VILLE DE FA S (KEZ)
moi, secouant la tête, mâchant sous ses dents branlantes des
mots étoutTés, comme pour me faire comprendre que cette
bonté de ma part était de la sottise. Faire entrer dans la
cervelle d'un employé du Makhzen chérifien que la clémence
et la douceur sont les moyens les plus sûrs de captiver le
cœur des hommes est une entreprise au-dessus des forces du
plus grand génie de la terre. J'avais usé du reste à cette
expérience le peu de lumières et d'arguments persuasifs que je
possède durant la longue route que nous venions de faire
ensemble, et ce bouillant guerrier, très brave quand il n'y
avait pas de danger, excessivement couard au contraire dès
qu'un mousqueton se montrait à l'horizon, tenait en réserve au
bout de chacune de nos conversations à ce sujet cette conclusion
charitable :
— Ech-chafak'a maâ l-âdou, dhoôf. (Avoir pitié de son
ennemi est un signe de faiblesse.)
Parole significative, parole cruelle sous laquelle la psycho-
logie du Marocain se révèle à découvert malgré le voile à peine
transparent d'une rhétorique arabe avec laquelle nous essayons
de nous familiariser depuis bientôt un tiers de siècle.
Il eût fallu d'ailleurs être aussi naïf que l'enfant qui vient de
naître pour ne pas déchilîrer la pensée entière de notre
belliqueux compagnon, et cette pensée se résumait dans les
deux postulatum politiques que voici :
1° Les Marocains ne sont pas les plus forts, sans quoi il y a
beau temps qu'ils auraient eu l'extrême plaisir de jeter à la
mer les Européens qui souillent le pays ;
2° La France ne s'empare pas du Maroc parce qu'elle craint
l'Angleterre. De son côté, la Grande-Bretagne a peur de la
France et c'est pour cela qu'elle ne prend pas possession du
littoral de Tanger à Ceuta pour lequel elle brûle cependant
d'une passion sans pareille.
Mon bonhomme eut la parole coupée au beau milieu de son
raisonnement par l'arrivée soudaine de deux superbes cavaliers :
un mkhazni à calotte rouge, au visage énergique et basané,
magnifique en ses burnous multicolores et flottants, et un
jeune européen dont la mise élégante et boulevardière de
cycliste me frappa vivement dans ce pays où le noçrani est
chose si rare, si peu commune.
LA VILLE DE FA S (FEZ) il
— C'est ma faute si j'ai attendu, dis-je à notre vice-consul,
qui avait mis pied à terre et s'excusait d'être venu si tard. Ma
lettre portait que je serais à 10 heures à Bab Ségma. II est
dix heures ; vous êtes l'exactitude même. Tant pis pour moi
si je suis arrivé au rendez-vous une heure trop tôt.
Puis, les présentations faites, chacun étant remonté à cheval,
la petite cavalcade franchit rapidement la porte de la ville.
Elle s'engouffre aussitôt à la queue leu leu dans les boyaux
étranglés delà capitale du Magrib, et nous voilà zigzagant dans
des couloirs à ciel ouvert, entre deux murs sans fenêtres,
de 10 à 15 mètres de hauteur et tellement rapprochés que je
m'imagine cheminer au fond d'un tortueux canal desséché.
Desséché ? Pas tout à fait. Propre ? Pas précisément. Conce-
vez par l'imagination, si vous pouvez, des flaques d'eau, des
ornières de boue dans lesquels surnagent les animaux les ^lus
divers, principalement des poules et des rats morts depuis
longtemps. Franchissons en nous bouchant le nez les carcasses
de moutons, de chiens, de chameaux crevés, qui ont l'agaçant
privilège d'effrayer nos montures ; tâchons de ne pas nous
perdre surtout à travers le labyrinthe inextricable des ruelles
chérifiennes où nous croisons assez souvent des passants qui
sont obligés de se blottir contre les murailles ou de se réfugier
sur le seuil des portes pour éviter d'être meurtris par la cava-
lerie qui passe.
A travers la complication infinie des impasses, des ruelles,
des culs de-sac, des sentiers, des tunnels, des chemins de
traverse qui croisent et enchevêtrent leurs capricieux méandres
dans une cité de cent mille âmes au bas mot, nulle place,
nulle grande artère, nul boulevard aux larges trottoirs n'offre
au voyageur nouvellement arrivé la possibilité de s'orienter,
de se retrouver dans ce nid de termites qu'est la ville de Fas.
Sans vouloir médire le moins du monde de la ville d'Oran,
que j'aime beaucoup, dont j'adore le climat et que je ne quit-
terais pas volontiers pour n'importe quel autre centre algérien,
car je suis un admirateur passionné de ses falaises sauvages,
de son ciel transparent et de sa délicieuse, de son incompa-
rable montagne de Santa-Cruz où nous allons si souvent avec
ma famille et plusieurs de nos bons amis qui m'écoutent en ce
moment, sans chercher à projeter en quoi que ce soit la plus
petite ombre dans les sentiments afïectifs que mon auditoire
ressent j'en suis sûr pour notre chère cité, il me sera bien
12 LA VILLE DE FAS (FEZ)
permis de dire, je pense, qu'avant d'avoir vu Fas je considé-
rais Oran comme la reine des villes ratées au point de vue de
la grande et de la petite voirie. J'ai dû en rabattre depuis mon
séjour là-bas et je reconnais de bonne grâce qu'Oran est une
ville supérieurement tracée, aérée, aux voies larges et im-
menses en comparaison du dédale fassien dans lequel nous
nous enfoncions pour aller au vice-consulat de France où était
préparé un succulent déjeuner.
Une surprise un peu forte m'attendait à la porte de notre hôte :
Un vigoureux marcassin, un vrai, aux soies hérissées, nous
regardant d'un œil pétillant de malice et de curiosité, s'était
planté résolument entre les jambes du cuisinier indigène du
vice-consul. Là. se sentant inattaquable, il observait cet
envahissement inusité de bêtes et de gens dont les allées, les
venues et les cris lui faisaient dresser les oreilles. Puis, nous
ayant renifles, devinant que nous étions décidément des
intrus, il se mit à battre en retraite, le groin en l'air, à demi
tourné vers nous, avec de sourds grognements de colère,
histoire de protester à sa manière contre cette prise de
possession de son domicile. Rentré dans le jardin, il vit que
nous l'y suivions. Résister plus longtemps eût été de la folie.
Alors il prit éperdument le galop pour filer comme une
flèche à l'écurie, à sa place habituelle, sous la mangeoire de
ses camarades, les chevaux et les mulets, avec lesquels il
faisait, paraît-il, très bon ménage.
Voir un sanglier se promener dans les rues sacro-saintes de
Fas, constater qu'une douce intimité régnait coram populo
entre lui et un indigène musulman, étaient déjà deux faits qui
m'avaient fortement impressionné. Mais que dire de ma
stupéfaction quand j'entendis mes compagnons de route, mes
propres domestiques mahométans affirmer que ce marcassin
n'était pas seulement gras et beau, mais qu'il méritait les
honneurs de la casserole?
II n'Qsi pas une seule personne dans cette enceinte qui ne
sache que Dieu lui-même s'est donné la peine d'interdire dans
son saint Livre aux sectateurs de son cher Prophète la viande
mille fois abhorrée de l'immonde khoizir, c'est-à-dire du porc.
Bien entendu, l'interdiction divine frappe également le frère
sauvage de celui-ci, le rude sanglier de nos montagnes, dont
la chair nous paraît, à nous autres Intidèles, si savoureuse.
Eh ! bien, je le déclare ici, la vérité m'y pousse : Il ne m'est
LA VILLE DE FAS (FEZ) 13
jamais arrivé, ni en France, ni en Espagne, ni en Suisse, ni
en Tunisie, ni en Algérie, de manger pendant tout le cours de
mon existence autant de sanglier que j'en mangeai à Fas en
un peu moins de deux mois seulement. J'eus même un
éblouissement d'étonnement et de joie quand notre cuisinier,
le rifain Ah'med, m'annonça, dès le premier jour de notre
installation, qu'il se proposait de varier le menu quotidien,
composé généralement de l'éternel mouton magribin, au
moyen de petits plats exquis de h'allouf el-r'aha (cochon de la
forêt), qu'il excellait à préparer comme il me le prouva par la
suite.
D'où provient donc, me demanderez-vous, cette surabon-
dance d'animaux maudits du Seigneur dans un centre aussi
orthodoxe, aussi farouchement rigide et pieux que Fas?
En voici l'explication telle qu'elle me fut donnée par les
Fassiens eux-mêmes un jour que je rn'amusais à regarder
courir dans les rues de jeunes marcassins qui suivaient comme
des chiens leurs petits maîtres mahométans :
Persuadé que la présence d'un sanglier dans une écurie
suffit pour préserver les bestiaux des atteintes d'une épizootie
quelconque, les habitants de Fas achètent, moyennant quel-
ques sous, les petits marcassins que leurs coreligionnaires
campagnards de la montagne de Zerhoun principalement leur
apportent vivants et bien portants après les avoir pris au piège
ou à la course ; de sorte que nous nous trouvons en présence
d'un commerce extrêmement curieux de cochons sauvages
domestiqués que nos économistes étaient à cent lieues de soup-
çonner et dont, bon gré mal gré, ils devront dorénavant tenir
compte dans leurs statistiques commerciales relatives à
l'Empire des Chérif.
Dérober des sangliers dans les rues et dans les écuries pour
les revendre ensuite comme porte-bonheur constitue égale-
ment une industrie lucrative à laquelle se livrent certains
croyants peu scrupuleux et bien élevés au-dessus des préjugés
de leur doctrine religieuse. Voilà pourquoi, je le sus plus tard,
mes domestiques achetèrent, quelques jours avant mon départ,
pour un prix dérisoire, 5 pesetas seulement, un sanglier vivant,
pesant plus de cinquante kilos, dont le cadavre dépouillé de
sa peau se balança dans notre cour aux branches d'un oranger
pendant deux fois vingt-quatre heures à côté d'un mouton
orthodoxe qui avait été tué à l'occasion de la grande Fête des
l-i LA VILLE DE KAS (fEZ)
Sacrifices. Devant les savants et autres étrangers de la ville
qui venaient me voir, quelle que fût leur condition sociale, il
était convenu entre nous que l'habillé de soie, que l'on avait
préalablement décapité, était un r'ozal, une gazelle, et c'est à
ce dernier titre que trois de mes marocains s'en régalèrent
avec nous, en riant aux larmes, jusqu'à ce qu'il n'en resta
plus une côtelette.
L'arrivée à Fas d'un européen se complique d'une foule de
difficultés matérielles auxquelles on ne s'attend guère quand
on sort des vastes fourmilières civilisées où l'existence est
entourée de tant de confort et de charmes pour ceux qui ont
la bourse pleine.
A Tanger, ainsi que dans les autres villes de la côte, à
Tétouan même, il est facile à un chrétien de trouver à s'abriter
sous le toit hospitalier d'un hôtel ou d'une auberge tenus
généralement par des Anglais, des Juifs ou des Espagnols.
Entre parenthèses, l'Hôtel Cécil, à Tanger, est un modèle de
propreté, de luxe, de bien-être. Admirablement situé sur la
plage, les dernières ondulations des vagues du détroit viennent
mourir au pied de la terrasse de ce charmant séjour, où,
moyerxuant dix francs par jour, on est aussi bien que dans les
établissements similaires de premier ordre que nous pouvons
avoir en Algérie.
Donc, sur la côle, rien à craindre au sujet du logement. A
Fas et à Merrakech, l'européen aura le choix suivant : — ou
continuer à coucher sous la tente — ou aller se terrer dans
un fondouk arabe si le tenancier du fondouk veut bien l'y
accepter.
Ce n'est pas devant une assemblée d'Africanistes expéri-
mentés comme vous que je perdrai mon temps à décrire un
fondouk marocain, c'est-à-dire le très peu ragoûtant dortoir
public dans lequel hommes et bestiaux grouillent dans une
promiscuité absolument fraternelle.
S'il désire se loger d'une manière moins primitive, le
voyageur chrétien devra donc, un mois avant son arrivée à
Fas ou à Merrakech, prier le Ministre de sa Légation à Tanger
d'agir auprès des autorités marocaines de l'endroit afin qu'une
maison arabe soit mise à sa disposition, les conditions de la |j
LA VILLE DE FAS (FEZ) 15
location étant réglées et imposées d'avance par le propriétaire
musulman selon l'importance de l'immeuble.
Quant à moi, connaissant depuis longtemps et les agréments
de la tente et les délices des caravansérails indigènes, j'avais
pris à Tanger mes précautions en vue d'éviter les uns et de
me dérober aux autres. A ce propos, qu'il me soit permis de
payer une dette de gratitude à notre Chargé d'Afïaires au
Maroc, M. de La Martinière, qui voulut bien s'occuper de
me faire chercher une maisonnette convenable, donnant sur
l'une des milles petites ruelles de la capitale chérifienne, et
dont j'ai rapporté une photographie assez bonne.
Que de peines avait eues notre jeune vice-consul de Fas
pour me dénicher ce logis à peu près passable ! Rebuté par les
refus successifs de plusieurs propriétaires qui avaient fait la
moue en apprenant qu'il s'agissait de loger un roumi, notre
représentant s'était adressé en désespoir de cause à un de nos
riches protégés français, le chérif Moulaye Ali-l-Kthiri, l'homme
le plus aimable, le plus fin, le plus intelligent et le moins
fanatique que j'aie rencontré au Maroc. Ce gentleman distingué
poussa l'obligeance jusqu'à donner congé à d'anciens locataires
de sa religion pour me laisser la place nette, ce qui était, on le
comprendra, une grave infraction aux usages locaux, infraction
d'autant plus grave qu'elle avait pour unique objectif de
favoriser un infidèle.
Ce modeste bâtiment, dont le loyer était de 50 pesetas par
mois, n'était pas d'une architecture compliquée :
En bas, une cour rectangulaire de quelques mètres carrés,
pavée de carreaux vernis blancs et bleus, avec trois ou quatre
orangers malades qui s'étiolaient au fond de leur morne
prison ; — à gauche, et au fond de la cour, une cuisine d'une
longueur démesurée, et si étroite, que notre cuisinier, tout
maigre qu'il fût, avait de la peine à s'y retourner ; — contigu
à la cuisine, un double W. G., dans lequel une rivière gron-
dante s'engouftrait avec fureur, fait qui se reproduit d'une
façon identique dans toutes les autres habitations de la capitale
et qui a donné naissance à cette injure intraduisible que les
Bédouins de l'extérieur lancent à la figure des citadins de Fas :
— Ya l-kherra'in f-el-ma ! ! (1)
(1) Ceux qui font caca dans l'eau,
Il) LA VILLE DE FAS (FEZ)
Enlin, deux autres pièces, l'une pour les domestiques, l'autre
servant de salle à manger, compléteront, si j'y joins le bassin
avec jet d'eau du milieu de la cour, la description du
rez-de-chaussée.
Au premier étage, deux chambres, très basses de plafond,
séparées par la longueur de la cour, se faisaient vis-à-vis.
Au deuxième étage, une seule pièce assez grande, ayant
trois fenêtres sans vitres cela va sans dire, se trouvait presque
à la hauteur des terrasses voisines. On y accédait par un
escalier biscornu, étranglé, aux marches d'une élévation peu
ordinaire. Des rafales envahissaient cette pièce par les trois
croisées, par la porte fermant à peine et par la lucarne en bois
qui donnait sur la rue. On y gelait en hiver, on y grillait
en été, on y était aussi mal que possible dans cette chambre.
C'est celle que je choisis néanmoins parce que, seule de la
maison, elle me procurait la vue d'une bande de ciel bleu que
tranchait brutalement à l'horizon l'arête rocheuse et désolée
du fameux Djebel Zalar'.
Une table pour écrire, un lit de camp, et un tapis des Braber
sur lequel s'assoieront les Marocains, savants et ignorants,
dont je me propose de sonder la cervelle, voilà tout le mobilier
du missionnaire de la France. Mes livres, je n'aurai guère
l'occasion de les consulter car l'enquête sociologique que
je suis venu faire au sein de la collectivité humaine la plus
fermée qui existe absorbera la majeure partie de mon temps et
de mes forces. Il est un livre pourtant que j'ouvrirai fréquem-
ment quand je serai seul : c'est celui qui me réconfortera
lorsque la solitude et l'exil pèseront d'un poids trop lourd sur
mon âme attristée, c'est le livre où je dissimule aux regards
des indifïérents et des indiscrets les têtes chéries des êtres
bien-aimées qui m'attendent à Oran, ;ma femme, mes chers
enfants, auxquelles j'envoie chaque jour, à la fin comme
au commencement de la journée, le souvenir ému de ma
tendresse.
Un dernier détail topographique : Ma maisonnette était
située dans un sous-quartier appelé Ras-el-djoun (la tête des
sources), près de la mosquée dite Es-Siaj, et si rapprochée de
ce temple qu'un de nos murs était mitoyen avec cette mosquée.
Nous habitions donc le Vieux-Fas {Fas el-Bali), dans une
des dépendances de l'immense quartier des Andalous {El-
Andalous.)
LA VILLE DE FAS (FEZ) 17
Voulez-vous que nous aillions nous promener ensemble dans
la ville et faire plus ample connaissance avec elle ? Avant
de sortir cependant, je vous propose de jeter avec moi un
rapide coup d'œil sur son histoire. Le passé nous fera mieux
comprendre le présent ; puis, quand nous aurons vu s'envoler
devant nous la poussière des siècles écoulés, quand, à larges
traits, comme en une fresque, nous aurons mis en relief les
grandes étapes chronologiques de cette sombre capitale, alors
je vous prendrai par la main et nous nous jetterons, si vous le
voulez, à travers la cohue de ses habitants. Nous les verrons
marcher, agir, parler, s'agiter autour de nous. Nous essayerons
de les comprendre, de pénétrer les secrets de leur cœur, les
mobiles de leurs actions. Nous ne passerons pas un monument
sans l'admirer, pas un jardin sans en saluer les fleurs, pas une
mosquée sans lui lancer une œillade impie et sacrilège.
Étudier les races et les types, les dialectes et les langues
diverses, les usages, les mœurs, les idées, les croyances, —
analyser les institutions civiles et politiques, l'organisation
sociale, le développement économique, la vie politique et
privée, les industries, le commerce, l'agriculture, et, au-dessus
de ce tableau, couronnant le tout, montrer sous son vrai jour
le prétendu mouvement intellectuel d'une Université à moitié
morte, les Arts, les Lettres et les Sciences, à peu près inconnus,
faisant entendre les derniers râles de l'agonie, — voilà, mes
chers concitoyens, l'ennuyeux programme que j'ai la cruauté
de vous proposer d'adopter en vous suppliant de résister au
sommeil si Morphée, pendant notre excursion imaginaire,
s'avisait de répandre sur vos paupières ses pavots enivrants.
Un homme, un grand saint, que les Marocains appellent
Moulaye Idris el-enouar (le très brillant), ou bien el-ezhar
(le très étincelant), alors que dans l'histoire il est connu sous
le nom d'Idris el-esr'ar, c'est-à-dire le jeune, domine du haut
de sa légende dorée le cycle authentique des grands hommes
dont la ville de Fas croit devoir s'enorgueillir. Ce mot, el-esr'ar
(le plus petit, le plus jeune), raisonnant mal aux oreilles des
fidèles, a été changé en ezhar par le peuple et en enouar par
les savants, uniquement pour distinguer Idris II de son père,
Moulaye Idris el-ekbar, ou Moulaye Idris !«■■, qui, chassé de
18 LA VILLE DE FAS (FEZ)
l'Orient, était venu fonder au Maroc la l'anieuse dynastie des
Idrissites dans la seconde moitié du Vlll« siècle de Jésus-Christ.
Son fils et successeur, le très brillant Idris II, trouvant que la
ville de Oualili, l'antique Volut)ilis, était trop petite pour
contenir sa nombreuse armée et les populations arabes et
berbères qui s'y étaient concentrées à la suite du succès de
ses armes, conçut l'idée de bâtir une nouvelle ville pour lui,
sa famille, sa suite et les principaux de ses sujets, et il jeta
les premiers fondements de la nouvelle cité le 3 février 808
de J.-C. (i>, sur un affluent du Sbou, à deux jours de marche
à l'Est de la capitale de son père, par 34° 6' 3" de latitude
Nord et 7" 8' 30" de longitude Ouest du méridien de Paris,
à environ 3'iO kilomètres Ouest de la frontière algérienne
actuelle. Telle fut l'origine de la ville de Fas.
Vous n'ignorez pas que les Européens, notamment les
Espagnols, ont estropié la plupart des noms propres arabes et
berbères. Fas n'a pas échappé à la règle commune et il faut
nous résigner à l'appeler Fez, avec un Z final, au lieu de
prononcer et d'écrire, comme le font les Arabes et les Berbères,
Fas ou Fès, avec un S.
Le substantif Fas qui, en arabe, signifie pioche, pourquoi
a-t-il été donné à la ville naissante ?
Les historiens musulmans ne sont pas d'accord surl'étymo-
logie de ce mot et ils ont imnginé à ce sujet plusieurs légendes,
excessivement séduisantes les unes et les autres, mais égale-
ment dépourvues d'authenticité. En voici quelques-unes que
je cueille au hasard dans les livres arabes :
« — On raconte que lors de la fondation de Fas, l'imam
Idris, par humilité et pour mériter les récompenses de Dieu,
se mit lui-même à l'ouvrage avec les maçons et les artisans,
et que ceux-ci, voyant cela, lui offrirent un fas, c'est-à-dire
une j3ioc7ie qui était d'or et d'argent. Idris l'accepta et s'en
servit pour creuser les fondements ; de là, le mot Fas fut
souveiit prononcé ; les travailleurs disaient à tout instant :
— Donne le fas, creuse avec le fas ; et c'est ainsi que le
nom de Fas est resté à la ville.
(1) La Grande Encyclopédie à l'article Fez, commet une erreur de
date relative à la fondntion de cette ville. Fournel, les Berbers, t. L, p. 462,
«t le K'art'as, p 44 de la traduction, donn'-nt la vra^e date que j'indique
plus haut.
ï
LA VILLE DE FAS (fEZ) 19
« Un autre auteur rapporte qu'en creusant les premiers
fondements du côté du midi, on trouva une grande pioche
(/as) pesant 60 livres et ayant quatre palmes de long sur une
palme de large et que c'est là ce qui lit donner à la ville le nom
de Fas.
« Selon un autre récit, on commençait déjà à construire,
lorsque le secrétaire d'Idris demanda quel serait le nom de la
nouvelle ville.
— Celui du premier homme qui se présentera, lui répondit
l'imam.
« Un individu vint à passer et répondit à la question qui lui
fut faite :
— Je me nomme Farès.
« Mais comme il blésait, il prononça Fas, pour Farès, et
Idris dit :
— Que la ville soit appelée Fas.
« On raconte encore qu'une troupe de gens du Fers (Persans)
qui accompagnaient Idris tandis qu'il traçait les murs d'enceinte,
furent presque tous ensevelis par un éboulement et qu'en
leur mémoire on donna au lieu de l'accident le nom de Fers,
dont plus tard on fit Fès.
« Enfin on rapporte que lorsque les constructions furent
achevées, l'imam Idris dit :
— Il faut donner à cette ville le nom de l'ancienne cité qui
exista ici pendant dix-huit cents ans et qui lut détruite avant
que l'Islam se répandît sur la terre.
« Or cette ville se nommait Séf et en renversant le mot on
en fit Fès (i). »
Il m'est difficile de passer sous silence la prétendue ville
qui, après 1800 ans d'existence, aurait été détruite bien avant
le siècle de Mahomet. Voici à ce sujet la légende que l'on peut
lire dans le Kartas :
« Abou-R'aleb raconte dans son histoire qu'un jour l'imam
Idris, se trouvant sur l'emplacement de la ville qu'il voulait
bâtir, était occupé à en tracer les contours, lorsque arriva
vers lui un vieux solitaire chrétien qui paraissait bien avoir
(I) Roudh el-Kartas, passim.
20 LA VlLLl^ DE FAS (FEz)
150 ans et qui passait sa vie en prières dans un ermitage situé
non loin de cet endroit.
— Que le salut soit sur toi, dit le solitaire au prince en
s'arrêtant. llépoiids, émir. Que viens-tu faii'c entre ces deux
montagnes ?
— Je viens, répondit Idris, élever une ville où je demeurerai
et où demeureront mes enfants après moi ; une ville où le
Dieu Très-Haut sera adoré, où son Livre sera lu et où l'on
suivra ses lois et sa religion.
— Si cela est, j'ai une bonne nouvelle à l'apprendre, fit
le vieillard.
— Parle, ermite, dit l'imam.
— Écoute. Le vieil anachorète chrétien, qui priait avant
moi en ces lieux et qui est mort depuis cent ans, m'a dit qu'il
exista ici une ville nommée Sèfqui fut détruite il y a 1700 ans,
mais qu'un jour il viendrait un homme appartenant à la
famille des Prophètes, qui rebâtirait cette ville, relèverait ses
établissements et y ferait revivre une population nombreuse ;
que cet homme se nommerait Idris ; que ses actions seraient
grandes et son pouvoir célèbre, et qu'il apporterait en ce lieu
l'Islam qui y demeurerait jusqu'au dernier jour.
— Loué soit Dieu ! Je suis cet Idris ! s'écria l'imam, et il
commença à creuser les fondations.
A l'appui de cette version, le Kartas cite le passage d'El-
Bernousi où il est dit « qu'un juif, creusant les fondations
d'une maison près du pont de Ghzila, à un endroit qui était
encore, con:îme la plus grande partie de la viUe, couvert de
buissons, de chênes, de tamarins et autres arbres, trouva une
idole en marbre représentant une jeune fille sur la poitrine de
laquelle étaient gravés ces mots en caractères antiques :
— En ce lieu, consacré aujourd'hui à la prière, étaient jadis
des thermes llorissants, qui furent détruits après mille ans
d'existence. » <^>
Faut-il attribuer à ce conte une valeur quelconque et
pouvons-nous raisonnablement espérer que des fouilles
archéologiques mettront à découvert un jour les thermes
florissa7its dont parle l'auteur arabe ? Contre toute attente, les
(I) Kartas, passiin.
LA VILLK DE FA S (FEZ) 21
ruines de l'antique Ilion ont bien surgi du sol qui avait été
témoin des grandes batailles homériques. Pourquoi désespe-
rerions-nous de voir reparaître sous la pioche de nos savants
am^iteurs d'antiquités la ville de Sèf, qui me fait l'eflet, si elle
a jamais existé, d'être la contemporaine de la patrie d'Hector
et de Priam ?
Pour ne pas faire ici un facile étalage d'érudition, j'arrête
le torrent de mes citations étymologiques, et je vous demande
l'autorisation de vous donner moi aussi, après tant d'autres,
ma petite étymologie du mot Fas. Elle seule a le mérite, si
mérite il y a, de prendre sa source dans la langue berbère,
dans le dialecte que parle depuis un temps immémorial le
groupe authoctone le plus important du Maroc au double
point de vue ethnique et géographique ; j'ai nommé les
Braber.
Nul n'osera nous contester, l'histoire en main, que le terri-
toire sur lequel est bâtie Fas n'appartenait pas anciennement
à des tribus ou fractions de tribus berbères. Ces tribus faisaient
sans doute partie de la confédération des Braber attendu que
ceux-ci ont toujours été, bien avant l'invasion arabe, et sont
encore aujourd'hui les maîtres du sol aux environs de la
capitale chérifienne. Les documents que j'ai reçus de Fas et
que j'ai publiés dans VEcho d'Oran du 27 janvier dernier en
sont une preuve péremptoire. Bevenons à mon étymologie.
Pendant les longs pourparlers qu'engagea Idris II en vue de
se faire cédsr le terrain nécessaire à la future ville et à sa
banlieue, on peut admettre que la phrase suivante a dû être
répétée très souvent au chef indigène qui commandait les
Braber de cette région :
— F-ès ihamazirlh-in, ce qui veut dire en berbri : — Donne-
lui ce terrain.
Ces mots F-ès, — ou F-a.s, — signifiant donne-lui, rabâchés
à satiété, soit comme menace, soit comme prière, ne furent
pas sans happer vivement l'attention de l'imam arabe et de ses
principaux officiers ; et c'est peut-être à une cause aussi
simple, aussi vulgaire, qu'il convient d'attribuer la dénomi-
nation de Fès, ou Fas, qui fut donnée alors à la nouvelle
capitale de l'Empire Idrissite.
22 LA VILLE DE FAS (FEZ)
Et maintenant. Messieurs, que les chercheurs d'étymologies
s'escriment tant qu'ils voudront sur mon hypothèse. J'estime
qu'elle en vaut bien une autre ; j'estime en outre qu'elle est
d'autant plus plausible, d'autant plus difficile à réfuter, qu'elle
se rattache à un dialecte berbère qu'aucun linguiste arabe ou
chrétien n'a étudié jusqu'ici, dialecte qui m'a donné la clef de
certaines étymologies géographiques que je publierai, si j'en
ai le temps, avec les autres matériaux que j'ai recueillis sur
l'idiome et le pays des Braber.
Laissons Idris II poursuivre ses conquêtes, voler de triomphe
en triomphe, du Sous jusqu'à Tlemcen, plus loin même,
jusqu'au Ghélif, et voyons comment se peuple sa capitale.
Remplie de troupes guerrières qui ramènent constamment
de leurs victorieuses expéditions des quantités d'esclaves et de
butin, regorgeant déjà de recrues berbères qui se sont enflam-
mées pour la cause idrissite, recrues à la tête desquelles il faut
placer la célèbre tribu des Aurabah, la nouvelle cité devient
rapidement le centre de ralliement des partisans du vainqueur
arabe.
Elle a d'ailleurs, dès ses débuts, des chances inespérées :
Vers 815, une émigration en masse, due aux cruautés du
calife oméyade d'Espagne, el-H'akem, fait venir à Fas huit
mille musulmans qui ont échappé à la répression sanguinaire
de la révolte du faubourg de Cordoue. Notez que ces fugitifs
sont d'origine celto-romaine, que leurs pères ont embrassé
l'Islamisme depuis moins de cent ans seulement, c'est-à-dire
après la conquête de la Péninsule Ibérique par les milices de
l'Islam. Ouvriers, artisans, lettres, artistes, savants, c'est la
fine fleur de l'Espague arabe qui vient apporter ses bras, son
intelligence, son activité à la jeune métropole. Le grand
quartier que fondèrent à Fas ces exilés porte encore aujour-
d'hui le nom de Quartier des Andalous, H'ouma-t-el-Endalous.
En 825, une seconde émigration Importante, due également
aux persé'3utions, amène à Fas trois cents familles arabes de
Cairouan, dont le nom et le souvenir sont restés altaclKÎs
jusqu'ici à la plus vaste mosquée du Maroc, au temple qui fait
la gloire de nos voisins de l'Ouest: l'immonse mosquée
(TEl-Kcroiàyin, c'est-à-dire des Cairouanais.
LA VILLE DE FAS (FEz) 23
Enfin, ce fut peu après la naissance de Fas qu'une foule de
Juifs s'y réfugièrent et il leur fut permis de s'établir depuis
Aghlen jusqu'à la porte de Hisn Saâdoun moyennant un tribut
annuel qu'Idris fixa à trente mille dinars, chiffre qui indique
surabondamment que la colonie Israélite de Fas devait être
dès ce temps-là d'une certaine importance numérique.
Munie à son berceau de ces divers éléments ethniques dans
lesquels se trouvaient réunis les biens et les maux de l'avenir,
éléments qui se coudoieront sans fusionner et qui subsistent
là-bas à l'heure où je vous parle, la ville de Fas ne se traîna
pas longtemps dans les langes de l'enfance. Devenue subite-
ment majeure, elle fit rayonner au loin son influence politique
et littéraire, son goût passionné des arts, toutes choses
excellentes en elle-mèmes, mais qui n'allèrent pas sans le
développement parallèle d'un libertinage excessif, et, jeune
reine que chacun voulait voir, la cité de Moulaye Idris ne
tarda pas à attirer à elle des centaines, des milliers d'individus
qui venaient y chercher la fortune, les plaisirs, la science ou
l'oubli.
Tandis que la ville grandit de jour en jour, des événements
de la plus haute gravité se passent dans ses murs. Venue des
quatre coins de l'horizon, sa population frondeuse, bigote,
intransigeante secoue les trônes et les couronnes pour les
offrir ensuite à ceux qui savent la séduire ou se faire craindre
d'elle. Le petit-fils d'Idris II, poursuivi par les citadins écœurés
de ses débauches, perd en une seule nuit le pouvoir et la vie.
Les Idrissites passent emportés par les dynasties suivantes
qui se dévorent les unes les autres, toujours affamées d'hon-
neurs et d'ignobles jouissances : Idrissites, Zénètes, Omeyades,
Almoravides, Almohades, Mérinides, Saâdiens, Filaliyins
prennent, perdent, reprennent et reperdent Fas, se la disputent
comme une proie, sachant que c'est elle qui sacre et détrône
les rois.
Ah ! Messieurs, quelle abominable histoire que celle du
Maroc ! Je ne connais point d'annales aussi écœurantes que
celles des diverses dynasties de monstres couronnés qui se
sont succédé sur le trône du Magrib. Ces misérables princes,
dont les écrivains mahométans, toujours fbigorneurs, n'ont
pu cependant cacher tous les crimes, ont poussé la cruauté et
la tyrannie aux plus horribles excès où la démence humaine
24 LA VILLE DE FAS (FEZ)
•
puisse parvenir ; et le peuple, le pauvre peuple lui-même,
avili par le despotisme, fanatisé par sesclercs, a vécu et vit à
cette heure-ci dans la plus crapuleuse fàiige morale et physique
qu'il soit possible d'imaginer. t
Alors, qu'allons-nous voir dans les fastes de la ville de Fas?
De la boue, du sang, du sang partout, même aux époques les
moins troublées de son histoire; et les révolutions, les guerres
civiles, les massacres, les turpitudes génésiques, les boulever-
sements politiques, dont a toujours souflert le lamentable
troupeau humain, ne nous quitteront plus. Ouvrons un livre
et lisons les lignes suivantes d'un auteur musulman, lignes
remplies de partialité et d'enphémismes, où la vérité et l'indi-
gnation semblent se bannir réciproquement.
« En 1067-68 de J.-C, dit l'historien du Kartas, Yousef ben
Tachfm s'empare de Fas pour la première fois ; il en part
bientôt pour le Djehel R'mara, en laissant le commandement
de la ville à un de ses lieutenants, avec une garnison de
400 cavaliers Lemtouna ; mais, sitôt après son départ, Tmim
ben Moênnser arriva à la tête d'une armée formidable de
Zénètes et se fit livrer la capitale en promettant l'aman aux
Lemtouna qui s'y trouvaient ; cependant, à peine fut-il entré,
qu'il commença à les faire mourir dans le feu ou sur la croix,
et il était encore occupé à ces sanglantes exécutions quand
l'émir Yousef, arrivant en toute hâte, assiéga Fas à son tour et
la prit d'assaut après quelques combats acharnés. Ce fut là la
seconde et grande entrée des Lemtouna ; cette fois, ils firent
périr tous les Maghraoua et les Beni-Ifren, qui furent impi-
toyablement massacrés dans les mosquées et dans les rues au
nombre de plus de vingt mille.
« Ce massacre des Zénètes Maghraoui etifrani eut lieu dans
le courant de l'an 462 (1069 de J.-C.) et leur domination dura
donc environ cent ans, de 362 à 462 (972 à 1069 de J. C.) Le
commencement de leur règne fut prospère et leur puissance
fut grande ; ils entourèrent de murs les faubourgs de Fas, ils
embellirent les portes, agrandu-ent les mosquées El-K'erouiyin
et El-Endalous, et, à leur exemple, les habitants bâtirent un
grand nombre de maisons. Cette prospérité dura environ
jusqu'à l'apparition des Ahnoravides dans le Magrib ; déjà
même, à cette époque, la puissance des Meghraoua commen-
çait à s'ébranler, et leurs possessions s'étaient amoindries, car
la corruption les gagnait ; les princes dépouillaient leurs
LA VILLE DE FAS (FEZ) 25
sujets^ faisaient couler leur sang et violaient toutes les lois
sacrées; aussi le pays cessa de payer les impôts et resta plongé
dans la terreur. Les vivres devinrent fort rares, la cherté
succéda à l'abondance, la crainte à l'aman, l'injustice à la
justice. La fin de leur règne fut entièrement obscurcie par le
nuage de l'iniquité, des guerres civiles et d'une famine sans
exemple dans l'histoire des temps. Fas et ses dépendances
furent réduites aux dernières extrémités de la faim sous le
règne d'El-Fetouh' ben D'ou-Nas et sous celui de son cousin
El-Moênnser. La farine, seul aliment qui restât à l'homme, se
vendait à un dirhem l'once, non-seulement en ville, mais aussi
dans tous les pays circonvoisins. Toutes les autres denrées
avaient disparu. Les chefs Maghraoua et Beni-Ifren envahis-
saient les maisons des particuliers et pillaient leurs biens,
sans que nul osât se plaindre, car au moindre mot, ils les
faisaient massacrer par leurs gens ; ils envoyaient leurs
esclaves sur le mont El-Ardh, qui domine la ville, pour
découvrir les maisons d'où il sortait de la fumée, et, sur les
indications qui leur étaient données, ils les envahissaient
et prenaient de force les aliments que l'on y faisait
cuire.
« Sous la terreur des dernières années de leur règne, la
faim arriva à une telle extrémité, que les habitants creusèrent
de petites caves dans leurs maisons pour faire leur pain sans
être entendus, ou pour cacher ce qu'ils pouvaient avoir à
manger; ils construisirent des espèces de galetas sans escalier,
dans lesquels, à l'heure des repas, le maître de la maison
montait avec sa famille au moyen d'une échelle qui se retirait
ensuite afin de ne laisser accès à aucun étranger durant le
repas. » ('>
Prenons un autre historien plus moderne, franchissons près
de six cents ans et voyons si les progrès moraux des habitants
de ce doux pays ont avancé d'un pouce depuis l'époque loin-
taine des émirs Zenètes. Nous sommes à présent au commen-
cement du xvip siècle, sous le règne des empereurs Saâdiens
qui faisaient remonter leur noble origine jusqu'à Mahomet,
(1) El-K'art'as, p. 154 et suiv de la traduction Beaumier.
26 LA VILLE DE FA S (FEZ)
raison de plus peut-être pour écraser davantage leurs malheu-
reux sujets.
« Le sultan Abdallah ben Ech-Cheikh, dit l'auteur de la
Nozhet-el-H'adi, s'appuyait surtout sur les gens de la
tribu des Cheraga et leur avait distribué des jardins et des
maisons qu'il avait enlevés au peuple. Il arrivait parfois qu'un
propriélaire, se rendant à son jardin, trouvait installé au
milieu de sa propriété un arabe qui y avait dressé sa tente et
disait : — « Le Sultan m'a donné ce jardin. )^ Ces Cheraga ne
craignaient pas de s'emparer des femmes, de piller les marché?
et de commettre ouvertement leurs brigandages ; ils se
montraient en état d'ivresse dans les rues et s'introduisaient
de force dans les maisons.
« Un jour qu'une femme était occupée à faire cuire de la
viande salée, ayant auprès d'elle son enfant encore à la
mamelle, un Cheraga entra de vive force dans la maison. La
femme s'enfuit sur un balcon et s'y enferma à clef. Voyant
qu'il ne pouvait l'atteindre, l'Arabe l'engagea à descendre, et
comme celle-ci s'y refusait, il lui dit : — « Si tu ne descends
pas vers moi, je jette ton enfant dans le chaudron. » La
femme persistant à ne pas vouloir descendre, le soldat
accomplit sa menace. A cette vue, la femme poussa un grand
cri, puis, se précipitant du haut du balcon, elle se brisa les
reins et mourut.
« Cet événement causa un vif mécontentement parmi la
population. Un homme du nom de Sliman ben Moh'ammed se
mit alors à la tète d'un mouvement contre les Cheraga. Il
réunit autour de lui une foule de gens du peuple qui prirent
parti pour lui et on tua tous les Cheraga et tous les
Tlemcéniens qu'on trouva à Fas ; ils furent tous passés au
fil de l'épée ou violemment expulsés de la ville qui fut
ainsi débarrassée de leurs violences et purifiée de leurs
souillures.
« Durant cette période, ajoute un peu plus loin notre auteur,
Fas fut divisée en un grand nombre de partis et de factions.
Aucun commerçant n'était en sécurité s'il ne se plaçait point
sous la protection d'un des chefs de ces clans. Enfin, il y eut
tant de troubles que l'athmosphère de Fas en fut obscurcie et
que ses émanations parfumées en furent empuanties. La
plus grande partie de la ville devint déserte, se couvrit de
LA VILLE DE FAS (FEZ) 27
ruines et les hostilités persistantes entre les habitants des deux
Quartiers, les Andalous et les K'erouiyin, faillirent amener la
destruction complète de la cité. » o
Louis Chénier, le grand-père de notre illustre poète André
Chénier, a confié au papier lui aussi quelques-unes de ses
impressions sur la ville de Fas qu'il visita dans la seconde
moitié du siècle dernier en qualité de consul de France. Son
livre, assez instructif, et bien documenté pour l'époque, nous
prouve que l'auteur avait étudié les institutions et les hommes
de l'Empire chérifien avec une conscience et une persévérance
qui ont dû lui coûter une somme de travail considérable. Quel
dommage qu'il n'ait pas su l'arabe ! Le premier, il eût déchiré
d'une main sûre le linceul qui nous cache depuis tant de
siècles le sépulcre magribin. Quoi qu'il en soit, ses Recherches
historiques sur les Maures seront consultées longtemps encore
avec fruit, et je me plais à saluer en Louis Chénier l'un de ces
nombreux Français dont l'initiative, le talent et les efforts sont
restés sans écho dans le beau royaume de France. Laissons-lui
la parole maintenant. Écoutons-le parler de Fas dont il a fort
bien saisi le côté immoral.
« Après que les Arabes se furent étendus dans l'Asie, dans
l'Afrique et dans l'Europe, dit-il, ils portèrent à Fas le peu de
connaissances qu'ils avaient acquises des sciences et des arts,
et cette capitale réunit aux écoles de religion des académies
où l'on recevait des leçons de philosophie, de médecine et
d'astronomie ; cette dernière dégénéra insensiblement et
l'ignorance accrédita l'astrologie, campagne fidèle de la
superstition qui enfanta à son tour l'art de la magie et de la
divination.
« Fas, où l'on accourait de presque toute l'Afrique, et où les
Mahométans allaient par dévotion, fut bientôt le rendez-vous
des provinces voisines ; l'affluence des étrangers y introduisit
le goût du plaisir, qui est un attrait de plus pour le voyageur.
Le libertinage suivit de près, et, comme ses progrès sont plus
rapides dans les pays chauds, Fas, qui était l'école des
sciences et des mœurs, fut bientôt l'asile de tous les vices. Les
bains publics, que la santé, la propreté et l'usage rendaient
nécessaires, respectés partout comme des lieux sacrés, étaient
(1) Nozltet-el-Hadi, Iraduclion Hondas.
28 LA VILLE DE FAS (FEZ)
devenus des rendez-vous, où les hommes s'introduisaient
habillés en femmes. Les jeunes gens, sous le même dégui-
sement, la quenouille à la main, couraient les rues après le
soleil couché, pour attirer les étrangers dans leurs hôtelleries,
qui étaient moins des lieux de repos que des maisons de
prostitution
({ Les usurpateurs qui se disputèrent le royaume de Fas
après le X<' siècle dissimulèrent ces abus ; ils se contentèrent
d'assujettir les maîtres des hôtelleries à fournir un nombre de
cuisiniers pour leurs armées. C'est à cette tolérance que la
ville de Fas doit son premier éclat et une partie de ses
richesses. Comme le sang y était beau et que les habitants y
étaient attrayants, les Africains y couraient en foule, et, par le
renversement des lois et des mœurs, le vice lui-même y était
devenu une ressource poUtique. »(!)
Chers et patients auditeurs, vous ne tenez pas plus que moi,
j'imagine, à ce que je poursuive ces annales atroces d'une
cité corrompue jusqu'aux moelles. Jetons rapidement un voile
sur les horreurs et les flots de sang qui ont souillé cette
capitale tant vantée. Arrivons aux jours moins horribles de
son histoire contemporaine et tâchons de bien distinguer ce
qu'est aujourd'hui la grande ruche mahométane où, l'an
dernier, un mois après mon départ, des Fassiens pieux, et
fort doux peut-être en temps ordinaire, ont cru gagner le ciel
en assommant à coups de marteau d'abord et en plaçant ensuite
sur un bûcher enflammé l'infortuné juif américain Marcos,
qui, dit-on, n'avait pas cessé complètement de vivre quand on
lui fit subir ce dernier supplice.
Ma première visite, le 2 Mars, fut pour le tombeau de
Moulaye-Idris. Je tenais à voir d'aussi près que possible ce
sanctuaire ^vénéré dont j'avais les oreilles rebattues depuis
mon enfance. Tout en pataugeant dans les épouvantables
cloaques de la capitale, mes lectures arabes me revenaient à
la mémoire et je comparais la triste réalité que j'avais devant
les yeux aux poèmes menteurs dans lesquels les bardes maro-
cains, toujours débordants de lyrisme et d'hyberbole, ont
I
(1) Louis Chénier, Recherches historiques sur les Maures, tome IIL
LA VILLE DE FAS (FEZ) 29
chanté les merveilles de Fas en s'accompagnant sur les cordes
vibrantes de leur imagination déréglée. A les en croire, nulle
cité au monde ne réunit la millième partie des beautés et des
agréments de leur ville de prédilection. Paris lui-même, le
prodigieux Paris de l'an de grâce 1900, n'est qu'une sentine
impure à côté de Fas; nos monuments les plus grandioses
sont à peine des ébauches de manœuvres en comparaison du
mausolée trois fois saint où reposent les restes mortels de
Notre-Seigneur Idris. Et ce mausolée si beau, si éclatant de
lumière mystique, de cette lumière divine que ne peut aper-
cevoir l'œil du profane, n'a-t-il pas, outre son immense
supériorité architecturale, une autre supériorité miraculeuse
qui le place à cent coudées au-dessus des monuments du
même genre ? — Devinez laquelle, excellents Infidèles qui
m'écoutez ? — Eh ! bien, ce mausolée a l'incroyable privilège
de conserver, non la cendre plus ou moins mêlée de terre du
bienheureux qui dort sous son dôme depuis plus de mille ans,
mais il garde, incorruptible et tel qu'il était pendant sa vie (^),
le corps de celui à propos duquel Sidi Ah'med-et-Tidjani a
osé dire :
— « Si les habitants de Fas se faisaient une idée exacte des
mérites de N.-S. Idris, ils égorgeraient sur son tombeau leurs
propres enfants ! » (->
Acheminons-nous donc vers cette merveille des merveilles
et écoutons ce que nous dit, chemin faisant, notre fidèle
domestique Djilali. C'est un fin limier, un habile homme qui
connaît Fas comme sa poche pour y être venu souvent et y avoir
séjourné de longs mois en compagnie de visiteurs européens
dont il était le guide et l'interprète ; et quel interprète !
Possédant un vocabulaire de 150 à 200 mots français relatifs
aux besoins matériels de l'existence quotidienne en pays
musulman, Djilali en était réduit, quand il voulait faire de la
science ou de l'histoire dans notre langue, à des métaphores
risquées, stupéfiantes, véritables tours de force de rhéteur-
prestidigitateur dont il était le premier à se moquer avec moi
en arabe, car, se défiant de ses barbarismes, il ne m'adressait
(1) Séloua t-el-Enfas, tome T, page 82.
(2) Séloua-î-el Enfas, tome I, page «l.
30 LA VILLE DE FAS (FEZ)
la parole que dans l'idiome de son cher Prophète. C'est lui
qui, voulant expHquer à un touriste allemand la vénération
dont le patron de Fas est l'objet de la part de ses coreligion-
naires, lui aurait dit textuellement ceci :
— « Vous outr, el-Brous, ti lim I' coucho blis qui toun bire ;
ti lim r chouk'rout blis qui toun mir ; kif-kif li Marrouk i lim
Moulaye Idris blis qui l' kouskous, blis qui F moto. »(i)
Par bonheur, nous aurons d'autres ciceroni moins roublards
mais plus instruits que Djilali. Plus nous prolongerons notre
séjour dans la capitale du Maroc et plus nous aurons de gens
respectables, étudiants, commerçants, savants même qui se
mettront à notre disposition pour nous guider et nous instruire.
Ils ne sauront pas un mot de français, c'est vrai ; leurs
renseignements n'en seront que moins frelatés et plus purs de
tout alliage étranger. Jamais voix européenne, jamais visage
de mécréant n'aura encore impressionné ces âmes concentrées
que nous pourrions comparer aux eaux stagnantes et calmes
en apparence des uarais, où il suffit de jeter une pierre pour
réveiller des milliers d'existences insoupçonnées. Nous aurons
aussi, pendant quelques jours seulement, un nouveau cicérone
en djellaba bleue-marine, habillé de pied en cap à la marocaine,
un vrai type bronzé et basané de bédouin magribin énergique,
brave, capable de se dévouer corps et âme pour qui saura
comprendre et taire agir cette nature de feu et de flamme
saharienne que l'incompréhensible destinée fit naître à
Merrakech d'une femme arabe et d'un ancien officier français
réfugié au Maroc, converti à l'Islamisme, devenu ensuite,
grâce à ses connaissances techniques d'ex-capitaine du génie,
une sorte d'ingénieur en chef ou plutôt de ministre des
travaux publics de Sa Majesté Chérifienne.
Je vous présenterai plus tard le fils unique du comte de
Saulty, celui que l'on ne connaît d'un bout à l'autre du Magrib
que sous le nom de Si Mouh'ammed el-Merrakchi.
(1) « Vous autres, Prussiens, vous aimez le cochon plus que votre père;
vous aimez la choucroute plus que votre mère. De môme les Marocains
aiment Moulaye Idris plus que le couscous, plus que le mouton. *
LA VILLE DE FAS (FEZ) 3l
Pour aujourd'hui, absolument confus de voire bienveillance,
profondément touché par l'inaltérable patience que vous
m'avez montrée en prenant la peine de gravir avec moi l'aride
Golgotha au sommet duquel nous voici maintenant parvenus,
je vous présente, mes chers compatriotes, l'hommage de ma
très sincère gratitude, en vous disant, non pas adieu, mais
au revoir.
La péroraison de M. Mouliéras ainsi que divers passages de
sa relation ont été couverts d'applaudissements.
Ensuite M. Gillot, président de la Société de l'Enseignement
par l'Aspect, est venu remercier chaleureusement l'orateur, le
félicitant de sa persévérance et surtout prenant acte de sa
promesse de réserver à ses auditeurs une nouvelle et prochaine
causerie sur les choses du Magrib qui ont le don de passionner
le public français et surtout les Algériens.
FOUILLES A AIN-TEMOUCHENT
( A L B U L/E)
Des déblais exécutés il y a quelques mois à Aïn-Temouchent,
en vue de la construction d'un marché couvert au voisinage
des rues Baudin et IJugeaud et du boulevard Gambetta, ont
mis à jour quelques vestiges intéressants :
1° Une colonne en calcaire dur, de 2™ 12 de hauteur. (PI. 1,
fig. 1.)
Le travail en est assez primitif et grossier : le socle, le
chapiteau et le fût en sont légèrement plus larges que longs.
Le socle mesure 0™ 48 sur O"" 43 de base et 0^18 de hauteur ;
il est absolument lisse et profdé en doucine ou talon renversé
qui se raccorde avec le lût lui-même.
Celui-ci, dépourvu de tout galbe, est lisse et mal réglé en
section comme aussi dans ses génératrices.
Le chapiteau se borne à un tailloir dont les faces sont
décorées de ciselures, les unes verticales, les autres en forme
de chevrons, grossières et tracées à la pointe.
La hauteur totale est de 2"" 12, le diamètre moyen de 0'"20.
L'exécution de cette colonne dénote un outillage très rudi-
mentaire et l'absence de panneaux et de gabarits, mais en
raison même de la simplicité des procédés, elle accuse un réel
savoir faire de la part de l'artisan.
Nous avons relevé à la hâte le croquis de cette colonne lors
d'un passage à Aïn-Temouchent au printemps dernier, et n'en
avons plus trouvé trace lors d'une visite moins précipitée en
juillet 1900 ; il nous a paru intéressant d'en publier le croquis
en raison de sa contemporanéité probable avec les épigraphes
rencontrées dans son voisinage immédiat, et dont la date est
déterminée.
2° Un boisseau de forme cylindrique, en calcaire dur.
(PI. 1, fig. 2.)
Ce récipient porte dans le fond une cavité de 0'"025 de
profondeur, en forme d'hexagone oblong, d'une régularité de
FOUILLES A AÏN-TEMOUCHENT (aIBVLJE) 33
taille si parHxite qu'elUî paraît avoir rté destinée à l'encastre-
ment d'une pièce en métal. Dans les parois du cylindre sont
percés symétriquement deux trous carrés de 0'"06 de côté
qui paraissent destinés à l'emmanchement de leviers ou
manches en bois.
Nous ne pouvons nous expliquer l'usage de ce récipient;
la régularité de la cavité du fond, celle des deux trous percés
dans les parois, indiquent l'adaptation exacte de pièces de
dimensions précises. La forme hexagonale de la cavité du fond
exclut la supposition d'un puisard destiné à recueillir des lies
ou des boues; celle des deux trous carrés latéraux exclut la
supposition de tuyaux (généralement cylindriques) s'encastrant
dans un regard ou bassin de décantation. Il semble plus
probable que nous nous trouvons en présence d'une pièce
isolée d'un outillage dont les parties plus altérables (fer ou
bois) ont succombé aux ravages du temps, et dont la destina-
tion reste à rechercher.
3° Une stèle en calcaire blanc grossier : largeur 0'"50,
hauteur O'"70, épaisseur 0™16, avec inscription gravée dans
un cadre carré à filets ; cette stèle présente à la partie supé-
rieure une cavité rectangulaire de 0™15 sur 0"'ll, et de 0'"05
de profondeur.
A M S
M E M 0 R I A E
IVLIE ECVSIE
QUI VIXIT ANNIS
PLS M// XCII ET
AI C E S S I T IN
PAGE AN 1 NOS
TRI KL AECEM
BRES ANNVM
P R 0 V I N C I /E
CCCC// Il
Il faut remarquer à la 4«^ ligne le qui, s'accordant avec un
nom féminin ; à la 5*^ ligne il manque deux lettres dégradées,
il faut sans doute lire MNS (minus), et :
34 FOUILLES A AÏN-TEMOUCIIENT (ALBUL^)
D(iis) M(anibufi) S(acnim) Juli(a)e Ecusi{a)e qui vixitannis
pl(u)s m(ina.s) XCII et di(s)cessit in pace D{omi)ni noslri
K{a)l{endas) décembres annwn provbiciœ CCCC. .Il
— Consacré aac Dieu>: Mânes de .lulia Ecusia qui vécut
92 ans plus ou moins et niourut dans la paix de Notre Seigneur
(le jour des) calendes de Décembre (l"^'' Décembre; Tannée de
la province 4-2.
4" Autre stèle de calcaire grossier : largeur 0'"50, hauteur
On'58, épaisseur 0'" 16 ; inscription gravée dans un cadre avec
fdets ; cavité rectangulaire à la partie supérieure.
///EN S A/ R EL
MATRONA VIX
IT ANN PLVS MN
XCI A I s C E SS I T
IN PACE ANI AIE
XI KL SERIE
MBR///// ANNO
PROVINCIA CCCCXV
Les trois premières lettres de l'inscription sont dégradées et
illisibles, la 3'^ est peut-être un A.
eii 8 Aurel malrona vixit ann{is) plus w(i)n(us) XCI,
disces^ in pace D{omi)ni die XI K{a)l(endas) sep tembr{es)
anno 2irovincia(e) CCCCXV.
L'épitaphe s'applique soit à une chrétienne de qualité
(matrona), soit à une femme portant le nom de Matrona,
décédée à l'âge de 91 ans, dans la paix du Seigneur, le 11 des
calendes de Septembre de l'année 415 de la province (45i de
J.-C).
FOUILLES A AÏN-TEMOUCHENT (ALBUL.E) 35
5° Une autre stèle de même genre, en calcaire grossier :
largeur O^n^S, hauteur 0'n45, épaisseur 0'" 18 :
MEMORI/E IVLI
A MONICVR //////
V I C S I T A/ N N
I S /////////////////
////////////////////
AEC///////////////
NOVEMBRES A/
NVM PROVINCIAE
////////////////////
Cette épigraphe est très altérée.
Les trois stèles ci-dessus décrites, par la forme du A, par
leur facture grossière et la similitude des cadres paraissent
remonter à une même époque, et, d'après la seconde d'entre
elles, au 5^ siècle de l'ère chrétienne.
6° Un cippe en calcaire grossier de bonne qualité, mesurant
0'"40 de largeur et 0^38 d'épaisseur, et l'"68 de hauteur dont
l°i20 seulement destinés à émerger du sol. Ce cippe est repré-
senté PI. 1, fig. 3.
L'inscription a été gravée en caractères très réguliers, les
mots séparés par des points triangulaires ; quelques lettres
sont altérées.
D ff M
VLPI * QVETI
MIL ^ N . EX E *
GERMr'STIPi
VI 4 VIXIT . A N
XXVII '^ C V I
PL * V IGTORI
N V S . S EG- ÎE à
SEPVL. F-G
Lettres douteuses : les deux dernières de la 2^ ligne, le T et
ri de la 4e et la 2° de la 5'^ ligne ; l'avant-dernière a disparu à
laQMigne.
36 FOUILLES A AÏN-TEMOUCHENT (ALBUL.e)
Diisinanibua Ulpi{i) Queti niil(itis) N Exer(cUus)Germa(nivp)
stip{endiarum) VI, vixit an{nis) XXVIf. Cai FI. Victorinus
sec(undus) he(res) sepHl{turam) f[aciendam) c{uravit).
— Aux Dieux Mânes d'Ulpius(?) Quetus(?) soldat de l'armée
de Germanie, ayant servi 6 ans. Il a vécu 27 ans. Flavius
Victorinus, héritier en second, lui a fait élever cette sépulture.
Cette inscription rappelle l'épitaphe d'un autre soldat de
l'Armée de Germanie, Romanus Victorinus, conservée au
Musée d'Oran, sons le n°88; dans celle-ci l'héritier érecteur
du monument est Priseus Sec(undus) He(res) ; nous croyons
que dans chacune de ces épitaphes de soldats, où nous
trouvons un « recundus hères », cette expression doit être
traduite non par « Secundus, héritier », mais par « héritier
en second, substitué au premier. »
En effet Secundus (pris comme nom) serait un cognomen
ou un agnomen, et ce n'est qu'exceptionnellement que ceux-
ci sont abrégés dans les inscriptions ; sur 16 épigraphes où
figure le nom de Secundus, mentionnées dans le Bulletin de
notre Société, deux ou trois seulement portent l'abréviation
Secand ; quant à Tabréviation « Sec », elle ne tigure soit dans
le Bulletin, soit au Musée d'Oran, que devant le mot Hères.
Quoiqu'il en soit, si l'on admet que Secundus est employé ici à
titre de surnom, c'est pour la quatrième fois qu'il se retrouverait
à Aïn-Temouchent dans les quelques inscriptions décrites dans
notre Bulletin ou conservées au Musée d'Oran ; le surnom de
«( Victorinus » y figure pour la 3^ fois (n^* 88 et 101 du Musée.)
7" Une pierre funéraire (calcaire blanc jaunâtre) en forme
de caisson (PI. 1, lîg. 4), portant à la partie antérieure un
bas-relief représentant deux personnages, homme et femme,
vus de face, et au-dessous l'inscription :
DMS
BOMO M SISSOI Vie
BIT AN L RVFINA F-
A ElIVS VICSIT AN
////////// A GENER F-
Une lettre piraît effacée par les dégradations de la pierre à
la fin de la 3« ligne, une ou deux autres tant au commencement
f
'ii
FOUILLES A AÏN-TEMOUCHENT (ALBUL.e) 37
qu'à la fin de la 4' ; la o^ ligne est dégradée à ses deux extré-
mités. Cette inscription nous paraît pouvoir être lue :
D(ns) M(anibus) S(ac)'um). Bomo Ma(rito) Siasoi vicsit
ann{is) L. Bufina t(ili)a) ejus vicsit an{nis) a Gêner fecit)
et traduite comme il suit :
t
— Aux Dieux Mânes. Au bon mari Sisso ; il vécut L ans.
Rufina, sa fille, a vécu ans Son gendre a fait
(ce monument.)
La lecture de M à la 2° ligne est douteuse, et peut-être faut-il
lire BOMONA au lieu de BOMO MA ; le nom de BomonD nous
est d'ailleurs inconnu.
Une autre particularité appelle l'attention, c'est la ressem-
blance de cette épitaphe avec une autre, également d'Aïn-
Temouchent, figurée dans noire Bulletin (1892, p. 135, n" 1164.)
Par leur disposition, leur facture, leur ortographe, ces
monuments paraissent contemporains et peut-être dus à un
même artisan ; le nom de Rufina se retrouve dans les deux,
et peut-être s'applique-t-il à un même personnage.
La dernière des deux inscriptions (n" 1164) est encastrée
dans le mur de l'école des filles d'Aïn-Temouchent, exposée
au vandalisme des enfants comme à celui des crépisseurs.
Si le bord de droite et celui du bas, que M. Demaëght a lus
en 1892, sont aujourd'hui couverts de crépis et de badigeon et
illisibles, certaines parties cachées en 1892, sont découvertes
aujourd hui.
Il en résulte que la lecture publiée dans le Bulletin de 1892
doit être rectifiée ; à la 4« ligne en effet on lit très distinctement :
EIIVS VICSIT AN NI S....
au lieu de k Annius vicsit annis. . . IIII. » Admettons que la
5^ et la 6« ligne, aujourd'hui enduites de crépi, soient
conformes à la lecture de feu M. Demaëght (1892) l'épilaphe
deviendra :
Diis Manibiis Sacrum. Liiciosa Properlii vixit annis LX. . .
et diebus V. Rufina nepos ejus vixit annis. .. Messor et
Caninius instantiâ sud fecerunt.
38 FOUILLES A AÏN-TEMOUCHENT (ALBUL.T:)
Le monument aurait été dédié par Messor et Caninius à
Luciosa et à Rufina ; cette lecture est très rationnelle, tandis
que celle de 1802, au contraire, oblige à admettre que le
monument aurait été dédié deux fois, d'abord par Rufina et
Nepos, puis après le décès d'Annius, une seconde fois par
Messor et Caninius. Celte double dédicace me paraît inexpli-
cable ; en outre, rien ne semble justifier la supposition d'un
« et » sous entendu entre les mots a Rufina » et « Nepos » de
l'inscription.
Il importerait que ce petit monument (le n" 1164 de notre
Bulletin), réellement intéressant et aujourd'hui en grand péril
dans la cour de l'école d'Aïn-Temouchent, tût mis en lieu sûr;
la dépense et le travail se réduiraient à démolir, puis à refaire
un ou deux mètres cubes de maçonnerie du mur de clôture de
la dite école. La lecture et la traduction de l'inscription seraient
alors faciles.
Nous souhaitons que ces différents documents, les uns mis
à l'abri dans la cour de l'ancien abattoir d'Ain-Temouchen^
les autres abandonnés au lieu de leur découverte, voient leur
conservation assurée par leur transfert au Musée d'Oran.
£. FLAHAULT.
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CliRO^IOllË ARCHÉOLOGIOUE
I. — GENERALITES
Parmi les brochures publiées par le Gouvernement Général
de l'Algérie à l'occasion de l'Exposition Universelle de 1900,
nous devons citer L'Algérie dans VAnliquité par M. Stéphane
GsEi-L ; dans ce travail de vulgarisation est résumée succincte-
ment l'histoire de l'Algérie ju'^qu'à l'établissement des Arabes;
l'auteur y expose lumineusement la suite des transformations
politiques, religieuses et surtout morales et sociales, et le
développement des institutions, des usages et des mœurs à
travers les luttes des diverses civilisations qui se sont disputé
le sol algérien ; en un mot, il a dressé, dans ce tableau très
net, la philosophie de l'histoire de l'Afrique du Nord jusqu'à
l'invasion arabe (Giralt, éditeur, Alger-Mustapha).
La Revue Tunisienne de l'Institut de Carthage (année 1900)
contient une étude de M. Gabriel Médina sur Vâge du bronze
en Lybie et dans le bassin occidental de la Méditerranée ;
cette étude est un résumé critique des discussions savantes
auxquelles ont donné lieu l'origine de la métallurgie dans le
bassin delà Méditerranée, l'importation du bronze en Egypte, en
Sardaigne et sur d'autres parties du littoral par les immigrants
Lybiens, et enfin la provenance de i'étain employé à la fabri-
cation des produits de l'âge de bronze. L'auteur ne hasarde
d'ailleurs qu'avec une extrême modération quelques conjec-
tures personnelles, et nous croyons comme lui qu'il serait
prématuré de vouloir conclure sur des sujets encore aussi peu
étudiés et aussi difficiles.
II. — TUNISIE
La Tunisie a donné lieu, comme toujours, à un grand
nombre de recherches des plus intéressantes.
Époque Punique. — Carthage est un champ inépuisable de
découvertes.
Le R. P. Delattre a publié dans les comptes rendus de
l'Académie les résultats de ses fouilles dans la nécropole
40 CHRONIQUE ARCHÉOLOGIQUE
voisine de Sainte Monique pendant le deuxième semestre de
1899 et le premier de 1900. Les sépultures visitées sont des
chambres souterraines avec puits d'accès; ces chambres rece-
vaient directement dos cadavres ; mais beaucoup d'entre elles
contenaient en outre, disposés dans des cavités spéciales
ouvertes dans leurs parois, des coffrets en pierre avec
couvercles à dos d'âne, contenant les ossements calcinés et
brisés d'autres morts, et souvent avec ces coffrets, des
amphores contenant les cendres, qui paraissent avoir été
triées par tamisage. Les coffrets renferment très peu de mobi-
lier funéraire ; il n'en est pas de même des caveaux, dans
lesquels les cadavres étaient accompagnés d'objets nombreux
et variés : Vases de formes diverses, dont l'un paraît être un
encrier carthaginois inversable, figurines en terre cuite,
amulettes de façon égyptienne en faïence et pâte de verre
émaillée, vases et objets en bronze, en plomb ou en fer, en os
et en ivoire, anneaux et bagues en or, gravures sur cornaline;
ces sépultures ont fourni en outre quelques inscriptions
puniques, dont l'une tracée sur une cruche de terre rouge,
est une assez longue épitaphe.
Une de ces chambres, ouverte au fond d'un puits de dix
mètres de profondeur, était fermée par une dalle portant en
punique l'épitaphe d'une prêtresse de Tanit; le mobilier
funéraire comprenait, outre une figurine de Tanit, une
centaine d'objets, vases à queue, vases noirs, lampes de
forme punique ou grecque, amulettes, et cinquante mon-
naies. »
Dans d'autres ont été trouvés : de jolies terres cuites,
statuette de femme debout, brûle-parfums en forme de têtes de
déesses ; un cachet en matière brune et malléable, peut être
de la cire, ayant reçu l'empreinte d'un sceau figurant un
guerrier avec son bouclier ; un grand nombre d'amulettes, de
lampes, d'objets en ivoire ; enfin de très curieux rasoirs
puniques en profil de hachettes, avec manches affectant régu-
lièrement la forme d'un cou et d'une tête de cygne; ces
rasoirs puniques en bronze portent des ciselures représentant
des personnages, des oiseaux et des palmiers ; l'un d'eux porte
en outre une inscription punique.
M. Ph. Berger (Comptes-rendus de l'Académie des Inscrip-
tions, avrillOOO) a donné la traduction de l'épitaphe punique
trouvée en place par le P. Delatthe, et mentionnée plus haut :
« Tombeau de Gératasloret, 'prêtresse de Notre-Dame », c'est-
à-dire de Coilestis ou de Tanit. En présentant à l'Académie une
des hachettes ou rasoii's en bronze dont nous venons de
parler, il a insisté sur le caractère religieux de l'acte auquel
CHRONIQUE ARCHÉOLOGIQUE 41
étaient destinés ces instruments, caractère attesté par les
figures symboliques qui les couvrent ainsi que par certaines
inscriptions sur lesquelles se lit le litre de a barbier sacré ».
M. Gauckler de son côté a poursuivi ses fouilles dans la
nécropole des Vl^ et Vll^ siècles à Carlhage ; sans énumérer le
mobilier funéraire des tombeaux bâtis et des sarcophages qu'il
a fouillés, et dont nos confrères trouveront l'inventaire
détaillé dans les comptes-rendus de l'Académie (30 mars 1900),
il nous faut citer la découverte, dans des tombes et sarco-
phages, de sept petits étuis en or, en argent ou en bronze.
Ces étuis sont fermés hermétiquement dans le bas par un
disque mobile; dans le haut ils sont munis d'un anneau de
suspension et se terminent par une tête de lionne ou de chatte
surmontée de l'urœus dressé devant le disque solaire. Chacun
de ces étuis renferme une bande très mince de métal précieux
enroulée sur elle-même et couverte de figures mythologiques
gravées au trait et ressortant en relief au revers de la lame.
Ces figures, très nombreuses (au nombre de 250 sur l'une
des lames) se succèdent dans un ordre immuable qui devait
être fixé par un rituel funéraire strictement observé ; une des
lames découvertes porte deux inscriptions en caractères
phéniciens microscopiques, que M. Ph. Berger a déchiffrées
et traduites, la première par : Protège et garde Hilleçbaal, fils
d'Arisathaal et la deuxième par : Garde et protège Hilleçhaal,
fils d'Aï. (Peut être par abréviation.)
Ces étuis sont donc des porte-bonheurs, à la fois bijoux et
amulettes. Et comme il en a été découvert déjà dans la nécro-
pole phénicienne de Cadix, et surtout en Sardaigne, c'est, fait
observer M. Berger, « toute une nouvelle catégorie de monu-
« ments épigraphiques qui étaient jusqu'à présent lettre close
« pour nous et qui nous deviennent intelligibles » ; ils feront
suite à la tabella devotionis que nous avions déjà mentionnée
dans une chronique précédente (Bulleiin 1900, page 223).
Dans le Bulletin archéologique du Comité des Travaux
historiques (1900, 1'''' livraison) nous citerons :
1° Une courte note par laquelle M. Saladin décrit deux
mausolées puniques en pierre situées à Kasr'Chenann et à
Kasr'Rouhaha et découverts par la 2^ brigade topographique
de Tunisie ;
2" Une note de MM. Epinat et Novak qui ont décrit la
nécropole punique de Ras Ed Dimas, l'antique Thapsus célèbre
par la victoire de César sur les Pompéiens ; les tombeaux sont
des chambres avec puits d'accès, fermées par des dalles ; les
dispositions des caveaux et le mode de sépulture étaient
42 CHRONIQUE ARCHÉOLOGIQUE
variables ; quoique les tombes eussent été violées, il y a été
recueilli un grand nombre de lampes,- de vases divers, des
amphores, des figurines en terre cuite et quelques monnaies
très frustes et menus objets divers.
Époque Romaine. — I o P. DeLATTREa publié dans la Revue
Tunisienne de Vlniitiiiit de Cnrlhage (1900, pages 279 à 293, et
1901, pages 20 à 41) doux cent trente deux inscriptions sur
terres cuites ou menus objets trouvés à Cnrthage en 1899-1900 :
marques d'amphores rhodiennes portant le nom d'un magistrat
ou quelquefois d'un prêtre, avec ou sans indication du mois
de la fabrication ; — marques de briques en langue latins ; —
marques sur grands vases, lampes, poteries rouges, menus
objets en os, agates gravées. Ces marques sont généralement
postérieures aux nécropoles puniques, et un grand nombre
d'entre elles proviennent des décombres qui ont recouvert
la nécropole dite de Sainte-Monique et comblé les puits
d'accès des chambres funéraires.
Ces mêmes couches supérieures à la nécropole punique ont
fourni aussi au P. Del.\ttre (Comptes-rendus de V Académie,
i900, i^" livraison) un certain nombre de vases portatifs en
poterie munis d'une anse de panier permettant de les porter,
et percés de trous latéraux pour accès de l'air, et qui paraissent
au P. Delattre avoir pu servir il'encensoirs; peut-être sont-ce
de simples pots à feu, réchauds ou chaufferettes. Le même
savant a décrit dans la même Revue Tunisienne (1900, pages
411 a 426) quatre-vingt poids romains en bronze, de la collec-
tion du Musée Saint-Louis de Carthage ; parmi eux figurent
quelques exagia, poids réglementaires employés par les
zygostrates, institués par Julien II pour juger les nombreux
procès auxquels donnaient lieu la diversité et la mauvaise
qualité des monnaies courantes, et tenus en outre de procéder
au pesage officiel de matières ou monnaies d'or quand ils en
étaient requis par les intéressés.
M. Gaucklrr a communiqué à VAcadcmie des Inscripdons
(comptes-rendus du 19 Octobre 1900) le résultat de fouilles
qu'il a fait exécuter dans le Sahara TunÏMcn, à Ksar Ghelane,
à 90 kilomètres au Sud Est de Douz, sous la direction de
M. le lieutenant Gombeaud ; elles ont mis à jour un fortin de
30 mètres sur 40 mètres, aux angles arrondis, s'ouvrant au
Nord-Est par une porte cintrée monumentale portant une
dédicace à l'empereur Commode ; le fortin se composait d'une
trentaine de pièces dont quekjues unes par^aissent des schoUc,
avec niches et piédestaux ; l'un d'eux porle une dédicace au
genius loci : « (Jenio Tisavar Auguslo Sacrum )> par Clpius
Paulinus, centurion de la 3»^ légion Augusta et ses lieutenants
CHRONIQUE ARCHÉOLOGIQUE 43
(optiones) Yibianus et Myron. Tisavar, non de l'endroit où fut
édifié le fortin, a été retrouvé sur une autre inscription sur
stuc. Enfin une 3« épigraphe couronnait la porte de la chapelle
située au centre du fortin, dédiée : « Jovi optimo Maxlmo
Viclori ». Une marque de brique légionnaire trouvée dans les
ruines porte l'estampille de la 2" légion Flavienne, qui a dû
succéder à la III« légion Augusta dans la garnison du fortin.
M, Gauckler a publié dans le Bulletin Archéologique du
Comilé {i9i)iJ, l"''- livraison), soixante-quatre inscriptions latines
découvertes en Tunisie; douze sont des épitaphes trouvées à
Haidi'a ( Ammœdara) par M. Drapier, et Tune d'elles est celle
d'un esclave d'un proconsul, Ser(gius) Cornélius Cethegus,
encore inconnu à ce titre, et qui est peut-être le Ser. Cornélius
Cethegus qui fut consul dès l'an 24 avec L. Vitellius Yarron.
D'autres épitaphes concernent des soldats de la XV"^' cohorte
et de la Ille légion Augusta.
Le même bulletin contient une note de MM. Hannezo et
FÉMÉLIAUX sur la nécropole chréiienne de Sfax, qui comprend
quatre classes de sépultures :
i" Tombes en maçonnerie recouvertes de mosaïques enca-
drées de bordures ;
1° Tombes en solide maçonnerie très épaisse, mais sans
mosaïque à la partie supérieure ;
3° Mêmes tombes recouvrant des corps enfermés dans des
jarres ;
4° Sépultures en jarres.
Dans le Bulletin Archéologique du Comité des Travaux
Historiques (1900, l'"^ livraison) nous trouvons le compte-rendu
des fouilles exécutées sur l'emplacement de la ville de Tacape
par M. le Capitaine Hilaire en vue de déterminer l'emplace-
ment de i'emjjorium et du port de cette ville; elles ont abouti
à la découverte de citernes, de monnaies et de poteries funé-
raires romaines, de fragments de lampes à réprésentations
figurées, de pans de murs et de tronçons de canalisation qui
tendraient à comprendre dans l'emplacement de la Tacape
romaine les villages arabes de Boul-Baba, de Menzel et de
Djara et la petite bourgade européenne de Gabès. Au point de
vue du port, et plus spécialement d'un goulet mettant en
communication la lagune de Tacape avec la mer, les fouilles
ont donné un résultat contraire à l'opinion exprimée en 1885
par M. le Colonel Monlezun ; elles cnt prouvé en elTet que les
deux grandes dunes isolées situées sur le rivage de Gabès ne
recouvrent ni les musoirs d'un goulet, ni des ouvrages
44 CHRONIQUE ARCHÉOLOGIQUE
défensifs. L'une a révélé une grande citerne à deux comparti-
ments dont l'un de décantation, ce qui semble contredire
l'hypothèse d'un port en eau douce dans la lagune ; l'autre
dune a donné un chapiteau de travail rudimentaire, des
lampes et des vases grossiers, et d'autres vestiges qui ne
paraissent avoir rien de commun avec des ouvrages défensifs
ou des môles. Le rappel de M. le Capitaine Hilaire en France
a malheureusement fait ahandonner ces recherches.
Le même auteur avait antérieurement publié dans le même
Bulletin (1899, 3*^ livraison) une reconnaissance de la route de
Tacaspe à Théveste (Gabès à Tébessa) depuis Tacape jusqu'à
Thasarte, et relevé un certain nombre de bornes militaires de
cette route, datant de Caracalla, de Maximin et de Dioclétien
et Maximien.
Les ruines de Dougga (Thugga) ont été l'objet de nouvelles
fouilles dues à M. Homo ; nous attendrons pour en rendre
compte, le rapport complet qui est annoncé à dfe sujet.
Non loin de Dougga s'élevait l'antique Numluli ou munici-
pium Numlulitanum ; M. le Docteur Carton en a fait l'objet
d'une étude d'ensemble publiée dans la Revue Tunisienne de
l'Institut de Carthage. Celte ville, à l'encontre de la région qui
l'environne, est dépourvue de traces des civilisations anté-
rieures à l'occupation romaine, mégalithes, inscriptions
lybiques ou puniques ; son inscription la plus ancienne date
de 124 ; le Capilole fut inauguré en 170 sous Marc-Aurèle ;
d'autres édifices datent de Commode, Alexandre Sévère,
Valérien et Gallien. Le Capitole, dédié à « Jupiter très grand,
à Junon reine, à Minerve Auguste » avait été élevé aux frais
d'un riche habitant Caïus Memmius Pécuarius Marcellinus,
qui n'exerçait aucune fonction honorifique, mais paraît avoir
par cette maniOcence, les fêtes et les libéralités qui accompa-
gnèrent l'inauguration, poussé aux honneurs sa femme,
élevée au sacerdoce, et son fils qui devint décurion et flamine.
Numluli possédait en outre un aqueduc alimenté par un
barrage sur l'Oued Matria et desservant à la fois les thermes,
un bassin émettant plusieurs conduites d'irrigation et dû à
Comraode, et des citernes. Les tombeaux sont essentiellement
romains, tant par le style que par les formules des inscrip-
tions et l'onomastique. Les environs de Numluli possédaient
de nombreuses exploitations rurales, avec aqueducs, citernes,
etc. Numluli (aujourd'hui Henchir Matria) était donc une ville
de création romaine, et essentiellement de colonisation agricole.
L'étude de M. Cauton est complétée par une série de
soixante-onze épigraphes recueillies à Numluli ou dans ses
environs immédiats
CHRONIQUE ARCHÉOLOGIQUE 45
Mentionnons encore dans la Revue archéologique (année 1900)
une étude de M. le Colonel Monlezun sur la Topographie,
d' Hadrumètc (Sousse) à travers les siècles — et une note de
M. Paul Monceaux sur les Martyrs d'Utique et la légende de
la Massa Candida, relative à l'exécution en masse, en 25S et
par les ordres du proconsul Galerius Maximus, de trois cents
chrétiens, exécution qui précéda de quelques semaines celle
de l'évêque Saint Cyprien.
Enfin, parmi les grandes publications en cours relatives à la
Tunisie, signalons l'apparition :
Du !'='■ volume des Monuments historiques de la Tunisie,
2^ partie, les Monuments arabes. Ce volume contient une étude
très savante de la fameuse mosquée de Kairoan, par M. Saladin,
architecte, illustrée de 27 planches en héliogravure d'après les
photographies de M. Sadoux et additionnée de notes histo-
riques de M. Roy,
Du 7*^ fascicule de V Atlas archéologique de la Tunisie publié
sous les auspices du Ministre de l'Instruction publique par
MM. Babelon, Gagnât et Reinagh.
Et du 3^ fascicule du Catalogue illustré du Musée Lavigerie,
de St-Louis de Carthage consacré aux antiquités chrétiennes,
rédigé par le R. P. Delattre et comprenant 13 planches.
III. - DEPARTEMENT DE CONSTANTINE
M. HÉRON de ViLLEFOSSE a publié dans le Bulletin archéo-
logique du Comité (1900, l""» livraison) une note sur un
huste de marbre blanc découvert à Philippeville (Russicada)
et présentant une véritable parenté avec le type du Triptolème
d'Eleusis.
Le même Bu,lMin (1900, 2^ livraison), contient des notes de
M. Stéphane Gsell sur diverses antiquités d'Algérie :
La première est relative à une stèle d'Hipponc, de facture
romaine, représentant un jeune homme nu, debout sur un
socle OU un rocher, et tenant d'une main une palme, de
l'autre une grappe de raisin que mord un serpent; une rosace
surmonte la tête du jeune homme et sur le socle est sculpté
un petit taureau. L'auteur se demande si le serpent ne sym-
bolise pas le dieu punique Eshmoun, dont il était devenu un
des attributs, et auquel aurait été dédiée la stèle en question ;
la grappe a été rencontrée associée au serpent sur d'autres
monuments, et d'après les interprétations antérieures de
Lenormand et de La Blanchère, elle paraîtrait être, elle
46 CHRONIQUE ARCHEOLOGIQUE
aussi, un des attributs d'Eschmoun. Cependant M. Stépliane
GsELL incline à voir dans le bas-relief la représentation du
dédicant lui-même.
La deuxième est relative à trois chapiteaux puniques décou-
verts à Hammam-Meskoutine (Aquœ Thibilitanœ), à Guelaat-
bou-Attan et à Tipasa (de Numidie) et caractérisés par deux
volutes en forme de crosses, isolées et indépendantes et
séparées par une palmette formant l'angle du chapiteau, type
d'origine asiatique et que l'on retrouve dans la Phénicie
propre.
Une troisième note décrit et figure quelques curieuses
terres cuites recueillies à Ain-Chabrou, à 10 kilomètres de
Theveste (Tebessa), modelées à la main et enduites de stuc
réhaussé de dorures ou de couleurs variées ; plusieurs d'entre
elles semblent figurer des divinités.
Enfin une quatrième note se rapporte à une inscription de
Constantine déjà publiée, et dans laquelle sont associés deux
dieux Mercurii, de même que Ton disait Castores pour Castor
et Pollux, et Cereres pour Cérès et Proserpine. L'auteur se
demande s'il n'y aurait pas ici association du Mercure Gréco-
Romain et d'une divinité punique, Sakon ou Taaut, qui aurait
été appelée aussi Mercurius par les P^omains, — de même
que l'on trouve en Afrique une Cereô Grœca et une Ceres
Africana, et un Saturnus Achaiœ distinct de Saturne- Baal-
Hammon.
M. l'Abbé MoNTAGNON a découvert à TMmhëse un neuvième
règlement de schola militaris ; tous ces règlements datent du
III'' siècle, époque à laquelle ces associations se constituèrent
dans le camp pendant les règnes des Sévère, et ils ont
été tous découverts dans un même groupe de bâtiments,
le quartier des Scholae ; dans une chronique antérieure
(Bulletin 1900, page 'P2.^), nous avons mentionné le tabu-
lariu7n legionis, document de même ordre et de même
provenance.
Le Recueil de la Société Archéologique de Constantiiie (de
1899, publié en 1900) contient un travail de M. A. Robert sur
les raines romaines de la commune mixte de Sedrata ; il en
énumère plus de cent, la plupart byzantines ; cinq d'entre
elles seulement sont identifiées, ce sont celles de Tubursicum
Numidarutn, Vatari, Fonte Potamiano, Madaurus et Tipasa
(de l'Est). Ce travail est surtout une compilation descriptive,
et l'auteur ne dit pas si les quelques épigraphes qu'il cite sont
inédites ; l'une d'elles, une dédicace à l'empereur Gratien,
établit l'identification des ruines de Madaurus.
CHRONIQUE ARCHÉOLOGIQUE 47
Dans le môme recueil, M. Jacquot a publié :
1" Une étude sur les Tombeaux de Mons, ville située à
18 milles de Sétif sur la voie de Sitifis à Cirta. Cette nécropole
avait été signalée en 1839 par le duc d'Orléans ; M. le Com-
mandant De La Mare, en 1850, en avait dessiné les quatre
tombeaux les plus importants, de trois desquels M. Jacquot a
pu encore relever les mensurations exactes. Les sépultures
appartiennent à trois types distincts : 1° Monumental avec ou
sans niensa, paraissant être des columharia ; 2° Sous tuiles
avec mcnsa et cippe ; 3^ Sarcophages avec tegumentum.
2° Une note sur le souterrain du Klierhet-Ahderrahim
rappelant celui de Biar Haddada que nous avons mentionné
d'après lui dans notre précédente chronique (Bulletin 1900,
page 224) ; il pense que ces souterrains pourraient être les
restes de sanctuaires du culte de Mithra.
3° Une note sur trois citadelles romaines de la région de
Sétif, ou plutôt trois fortins, Kherbet-El Goulea, Meguebel et
Aïn-Regada, tous situés à l'origine de cours d'eau, mais dont
les ruines n'ont fourni aucune inscription qui permette de les
identifier avec des stations romaines connues.
Comme suite aux travaux que nous avons déjà mentionnés
dans nos chroniques antérieures, et poursuivant ses recherches
sur la frontière Saharienne de l'Empire Romain M. M. Blanchet
a publié dans le Recueil de la Société d' Archéologie de Constan-
tine une « Excursion archéologique dans la Hodna et le
Sahara » : il décrit d'abord la citadelle de Tobna (au N.-O.
de Biskra)^ cité berbère devenue depuis une ville byzantine ;
puis il nous fait connaître, à 120 kilomètres au sud de Biskra,
sur les flancs des falaises bordant le Chabat-Naïma, des grottes
artificielles, pourvues de très basses galeries d'accès et n'ayant
pu servir que de sépultures ; elles sont décorées, comm.e les
falaises dans lesquelles elles sont ouvertes, de gravures
rupestres fort curieuses, gravées en traits continus et formant
de véritables compositions ; la faune comprend le gnou et le
bœuf, l'âne et le lion ; les personnages sont vêtus de peaux de
bêtes couvrant les épaules et la poitrine, et armés de lances,
de sabres et de boucliers ; les bœufs portent des housses dont
certaines sont marquées de caractères lybiques. Un des
tombeaux, le mieux conservé, garde intacts 25 mètres de
sculptures où figurent 7 personnages et de nombreux animaux,
et dans lesquelles l'auteur déchiffre une scène d'adoration.
Dans le même recueil, M. Vars a publié sa nomenclature
annuelle d'Inscriptions inédites de la province de Constantinc,
qui tire un intérêt très réel de la critique savante et des rensei-
48 CHRONIQUE ARCHÉOLOGIQUE
gnements onômastiques et historiques qui accompagnent la
description de chacune. L'une d'elles, une dédicace, a permis
d'identifier d'une manière cerlaine l'emplacement du village
de Roullach avec le Castelliim Eleplianlum romain. Une autre,
de Tobna, est une épitaphe en ver^ hexamètres, d'ailleurs
assez mal sur pieds. Enfin, incidemment l'auteur rend compte
des fouilles exécutées à Morsott, probablement Vazampus,
par M. l'administrateur Barry, et qui ont mis au jour une
grande et belle basilique de 1,080 mètres carrés, d'une
richesse ornementale peu commune et une autre jolie basi-
lique d'environ 250 mètres carrés, et enfin des thermes dont
l'exploration n'est pas terminée.
M. Gagnât a traduit {Recueil de la Société de Ccnstantine,
page 432) et commenté une épitaphe d'El Kantara qui est celle
d'un Palmijrénien, centurion de la cohorte 111=* Thracum,
puis de la cohorte 1° Chalcidenorum, et qui fut ensuite curateur
du numerus Palmyrenorum sagittariormn, ses compatriotes.
Mentionnons encore, toujours dans le même recueil, une note
par laquelle M. Hinglais rectifie les erreurs des descriptions
publiées du remarquable cippe de T. Claudius Cilius, eques
lusitanicus, conservé dans le square du musée de Constantine,
et dans lequel l'auteur voit un cavalier armé d'une lance,
foulant aax pieds un adversaire renversé, et se défendant de
sa lance et de son bouclier. La phototypie du bas relief nous
semble en effet reproduire, sans qu'une hésitation nous
paraisse possible, un type classique dont les monnaies du
milieu du IIP siècle offrent de très fréquents exemples, avec
quelques variantes, sous la légende Félix temporum reparatio.
Enfin M Louis Charrier a donné dans le même recueil
une note sur la Numismatique africaine, et figuré des mon-
naies numides qu'il attribue à Adherbal, à Hiempsal et à
Jugurtha.
IV. - DÉPARTEMENT D'ALGER
M. le lieutenant Chardon a fouillé au cap Matifou (Rusgu-
niœ) les ruines d'une basilique chrétienne de 35 mètres de
long sur 20 de large, divisée en 3 nefs et dont le sol est
entièrement pavé en mosaïque paraissant dater du IV^ siècle
ou du début du V*^. La mosaïque de la nef centrale, bien con-
servée, figure dans un dessin naïf et assez gauche, deux
pa.steurs gardant des moutons, des béliers et des chèvres; la
partie la plus rapprochée de l'abside portait une longue
CHRONIQUE ARCHÉOLOGIQUE 49
inscription métrique dont la plus grande partie a malheureu-
sement été détruite.
Cette basilique, reconstruite sous la domination byzantine
par les soins de Maiiritius, maghter militum (sans doute
commandant du corps de troupe composant la garnison de
Rusguuicc) comprit alors 5 nefs, et l'abside dut être elle-même
partagée en plusieurs absidioles. M. Chardon signale que la
partie circulaire centrale de l'abside est étayée par un solide
contrefort. Il serait intéressant, croyons-nous, de constater si
ce contrefort n'est pas postérieur à la construction de l'abside
primitive, et s'il n'aurait pas été édifié, en même temps que
les absidioles, pour concourir à la consolidation de cette abside
en l'empêchant de se décoller du gros mur antérieur. Le
tracé des absidioles est de nature à le laisser supposer.
L'architecte aurait, dans ce cas, eu l'habileté et le bonheur
bien rares de transformer un travail de consolidation imposé
par l'état de l'édifice en une modification réellement artistique
et élégante. C'est là une hypothèse toute personnelle que je
me permets de soumettre à l'examen de M. Chardon et des
archéologues algérois, la question ne pouvant être éclaircie
que sur place.
Dans les collatéraux ont été retrouvées les tombes de
Mauritius et de ses deux filles, et leurs épitaphes, celles de
Mauritius et de sa fille Patricia tracées sur des couvercles en
mosaïque, celle de sa fille Constantina gravée sur un couvercle
en marbre emprunté à un sarcophage d'une époque antérieure.
Une autre mosaïque funéraire, d'exécution fort médiocre, est
l'épitaphe de l'évêque Lucius, qui exerça l'épiscopat pendant
vingt-deux ans et cinq mois.
M. Chardon a découvert en outre des thermes, déjà en
partie éboulés dans la mer avec la falaise qui les portait.
Ces découvertes ont été signalées par M. Gsell à l'Académie
des Inscriptions (Février 1900), puis décrites par M. Chardon
lui-même, dans le Bulletin de la Société de Géographie d'Alger
(1900, 2*^ trimestre) et dans le Bulletin archéologique du Comité
(1900, l""*^ livraison), oîi le pavage en mosaïque se trouve
figuré en entier avec les diverses et intéressantes sépultures
que nous venons de mentionner.
M. Stéphane Gsell a publié dans le Bulletin archéologique
du Comité des travaux historiques et scientifiques (1900,
2^ livraison), une note sur des tumulus de la région de Boghar,
touillés par M. l'administrateur Chambige et présentant deux
sortes de caveaux ; les uns consistant en une fosse creusée
dans le sol et recouverte de dalles, elles-mêmes remblayées,
6
50 CHRONIQUE ARCHÉOLOGIQUE
puis recouvertes d'un petit tumulus en rocailles — les autres
en forme de cliainbrettos, revêtues, sur trois et quelquefois
sur deux faces seulement, en maçonnerie de pierres sèches,
émergeant légèrement du sol, et recouvertes comme les autres
d'un tumiiluK de débris rocheux.
V. - DEPARTEMENT D'OR AN
Il est assurément superflu de rappeler les travaux publiés
dans le Bulletin de notre Société, et que nos lecteurs ont entre
les mains.
Les fouilles de Bénian dont nous avions rendu un compte
sommaire dans notre chronique de mars 1900, ont fait l'objet
d'une étude très complète de M. Gsell, publiée par V Associa-
tion historique de rAfrique du Nord (Paris, Ern. Leroux,
éditeur) ; l'interprétation de l'épi taphe de la martyre Robba a
déjà soulevé une contreverse (dont notre Bulletin a d'ailleurs
eu les honneurs) qui témoigne suffisamment de l'intérêt que
présente cette inscription.
La Semaine Religieuse du diocèse d'Oran a inséré (mai à
juin 1900) une étude sur les origi^ies clirétiennes de VOranie
due à M, l'abbé Fabre, et plus spécialement sur Ad Dracones,
aujourd'hui Hammam-bou-Hadjar, et sur deux de ses évêques.
Le premier, Auxilius, ligure dans la liste des évêques réunis
au concile de Garthage en juin 411, et dans la lettre 250« de
St- Augustin. Le second est Maddan, qui ligure avec ce titre
dans la notice de 484 conservée à la bibliothèque de Laon ; il
y est placé le 102"^ parmi les évêques de la Maurétanie Césa-
rienne et fut exilé par ordre d'Hunéric. M. Fabre se demande
si le nom d'cc Ad Dracones » ne serait pas dû aux draconarii
qui formaient la garde particulière du iaî^arw m sous Constantin.
M. l'abbé Brevet (Semaine religieuse d'Oran, Septembre
1900)_a émis des doutes sur l'identité de l'évêque Auxilius du
Concile de Caithage avec celui auquel S'-Augustin écrivait sa
250° lettre.
M. Marçais, directeur de la Medersa de Tlemcen a publié
dans le Bulletin archéologique du Comité (1900, l^c livraison)
une no;.e sur trois inscriptions arabes du musée de Tlemcen,
épitaphes de trois victimes de la peste qui, en 1234 de l'Hégire
(1819j fut apportée de la Mecque dans le Maghreb et s'étendit
jusque dans le Beylick d'Oran et à Tlemcen ; ces épitaphes
CHRONIQUE ARCHÉOLOGIQUE 51
portent une formule pieuse qui paraît jusqu'ici spéciale aux
pestiférés :
« Comment seraient-ils frustrés, ceux que le miséricordieux
« a reçu en son enclos ! »
Cette formule paraît assimiler les pestiférés aux martyrs de
la guerre sainte dans la répartition des récompenses de la vie
future.
M. René Bassi£T ayant été, en avril 1900, chargé par le
Gouvernement Général d'une mission dans la province d'Oran
et notamment à Nedrnma, les premiers résultats de sa mission
ont été annoncés le 8 juin 1900 à l'Académie et doivent faire
l'objet d'un rapport délaillé, que nous nous proposons d'ana-
lyser en ce qui aura trait à l'archéologie.
E. FLAHAULT.
Lettre* d'un Membre de la Mission Foureau-Lamy
Un de nos correspondants a bien voulu nous communiquer la
copie de la très intéressante lettre qui suit, émanant du maréchal-
des-logis Ségalas, du 3° Spahis, et rapportée par M. Foureau, à
M. Ségalas père.
« Koucheri, 2 avril 1900.
« Mon cher papa,
« Depuis ma dernière lettre du 6 janvier, nous avons parcouru
tout le Bornou, contourné le lac Tchad par le nord et nous
sommes installés depuis un mois à Koucheri, qui se trouve au
confluent du Chari et du Logone. Malgré notre désir à tous de
rentrer, nous ne isavons pas encore quand cela arrivera; pour cela,
il faut que nous détruisions l'empire de Rabah, le maître du pays.
Ce Rabah a envahi, il y a une dizaine d'années, tout le Bornou et
est installé aujourd'hui à Dikoa. Nouveau Samory, il tient les
populations par la terreur. Nous avons parcouru une plaine dans
laquelle il y a six ans, il avait décapité 4.000 individus des deux
sexes. Les crânes sont encore tous présents. Vous avez dû
apprendre par les journaux, ({u'en octobre dernier, la mission
Bretonnet avait été entièrement massacrée par lui. Notre présence
dans ces parages, nous fait un devoir de venger les Français et
nous avons, depuis un mois et demi, engagé les hostilités ; cela a
été d'abord par la prise de Koucheri, que nous avons occupé le
3 mars, après être montés à l'assaut.
« Puis, le 9, nous avons mis en fuite avec 160 fusils une armée
de 1,500 hommes, presque tous aussi bien armés que nous, car
ils possèdent beaucoup de fusils 1874 et pas mal de fusils 1886,
c'est vous dire que l'ennemi est sérieux. Aussi, nous avons eu
dans deux combats sept morts et une trentaine de blessés
entr'autres un lieutenant atteint d'une balle au pied. A Koucheri,
au moment où nous exécutions un mouvement tournant pour
couper la route aux fuyards, deux spahis ont eu leurs chevaux
tués sous eux et un à mes côtés a été atteint à l'épaule. C'était la
première fois que j'assistais au spectacle d'une ville prise d'assaut.
J'avoue qu'à ce moment là on n'est plus le même et que la bête
domine l'homme. La seconde affaire a été li-ès sérieuse et nos
160 fusils ont été obligés de se faire jour à la baïonnette pour ne
pas être cernés. En ce moment, nous vivons continuellement sur
le qui vive, nous attendons tous les jours d'être attaqués, car nous
LETTRE d'un iMEMBRE DE LA MISSION FOUREAU-LAMY 53
savons que ces deux échecs ont fortement atteint le moral des
troupes de Rabah et qu'il voit le moment où tout va lui échapper.
Tous les jours les populations viennent se mettre sous notre
protection et quoique en territoire allemand, nous les acceptons.
« Nous sommes ici à attendre M. Gentil, le commissaire du
Gouvernement dans le Haut-Congo et l'Oubangui ; il arrive avec
des troupes pour occuper la rive droite du Chari qui est notre
limite ouest de zone d'occupation, mais auparavant nous devons
de concert avec ces troupes qui seront ici dans une quinzaine de
jours, détruire le royaume de Rabah, avec l'autorisation de
l'Allemagne. Nous avons donc encore deux places fortes à
renverser : Kernac-Logone et Dikoa la capitale. Celte dernière
ville va être fort curieuse à visiter ; car, habitée par plus de cent
mille âmes, elle renferme toutes les richesses de l'empire du
Bornou. Nous avons visité le 25 janvier l'ancienne capitale du
Bornou, Kouka, située à 25 kilomètres à l'ouest du lac Tchad.
Kouka, ville de 5 kdomètres de long sur 3 de large, a été
entièrement détruite, en 1894, par Rabah ; ce n'est plus aujourd'hui
que des ruines, encore fort belles, car elle a été la plus grande
ville du Centre africain.
« Ma dernière lettre, mon cher papa, ne vous a pas donné
beaucoup de détails sur tout ce qui nous est arrivé depuis le
commencement de février 1899. J'ai en effet tant de choses à vous
dire, que cette fois je vais essayer de les tracer en quelques traits
rapides.
« Arrivés à Erezzhar, premier village de l'Air, nous avons été
prisonniers faute de moyens de transport. Tous nos chameaux
étaient morts et nous n'avons pu nous en procurer d'autres.
Perpétuellement leurrés par les promesses des Keloui qui ne"
voulaient qu'une chose, nous massacrer, il a fallu brûler toutes
nos marchandises et jusqu'à nos effets, nous n'avions que ce que
nous portions sur nous, des cartouches et des vivres pour
quelques jours. Ramassant alors tout ce qu'on pouvait, bœufs,
bourriquots, chameaux, nous sommes arrivés à traverser l'Air et
nous avons mis depuis le l'ô mai jusqu'au 28 juillet pour
parvenir à Agadez, capitale de l'Aïr et distante d'Erezzhar
de 200 kilomètres. Pendant ces mois, nous avons vécu
comme nous avons pu, tantôt sans viande, d'autrefois sans
grain, réduits la plupart du temps à manger une sorte de
bouillie faite avec de l'eau et du sorgho et encore des portions
restreintes, cela a été ti^ès dur. Nos chevaux transportaient des
caisses de cartouches et les pauvres bêtes ne se nourrissaient que-
d'herbes ; nous avons été cinq à six fois attaqués par les Keloui.
A Agadez, pas moyen d'avoir de chameaux et pas moyen de
communiquer avec nos camarades du Soudan. Enfin le 10 août.
54 LETTRE d'un MEMBRE DE LA MISSION FOUREAU-LAMY
nous nous lançons vers le sud. Une fois arrivés à 70 kilomètres
d'Agadez, le guide nous perd et nous voilà après une marche
de 40 kilomètres sous un soleil de feu sans une goutte d'eau.
Ma foi j'ai cru que cette fois-là ça y était, déjà nous avions une
cinquantaine d'hommes atteints du délire de la soif. Les uns
pleuraient, les autres chantaient, beaucoup se couchaient refusant
d'aller plus loin, c'était horrible. Pour moi, je n'avais pas encore
trop soif, car je n'avais rien mangé depuis la veille, mais j'étais
exténué. Mon pauvre Crésus (1) n'en pouvait plus sous le poids de
2 caisses de cartouches, il était tombé cinq à six fois pendant la
route ; et comme j'étais obligé de le recharger chaque fois, cela
n'avait fait qu'accroître la fatigue de la marche; de plus, j'avais les
pieds dans un bien triste état, car inutile de vous dire que depuis
longtemps nous n'avions (et n'avions depuis) que les chaussures
que nous fabriquions avec les peaux de moutons et de bœufs. Nous
étions partis à 11 heures du soir et à 3 heures de l'après-midi, le
lendemain, nous marchions encore. Tout le monde s'était arrêté,
je m'étais couché à l'ombre d'un arbre attendant je ne savais trop
quoi quand par bonheur on entend des coups de feu et des
cris « de l'eau, de l'eau ».
« Tout le monde se lève et court dans la direction ; on trouve
une mare, on était sauvé.
« Il nous a fallu rentrer de nouveau à Agadez et nous n'en
sommes repartis que le 19 octobre pour Zinder où nous sommes
arrivés le 2 novembre et où nous avons appris l'assassinat du
colonel Klobb et le massacre des capitaines Voulet et Chanoine.
A Zinder, nous étions très bien, car on y trouve de tout; cela a été
le paradis après tout ce que nous avions souffert. Pendant un
mois, nous avons fait colonne dans la région de Tasaoua qui
s'était révoltée. Nous nous sommes emparés de l'ancien sultan
qui avait fait assassiner en mai 1898 le capitaine Cazemajou, on lui
a coupé la tête et nous l'avons plantée sur les ruines de la maison
où le capitaine avait été tué ; nous avons quitté Zinder
le 26 décembre.
« Quant à ma santé, elle a été jusqu'à ce moment excellente et
je prie Dieu de me la conserver toujours ainsi. J'ai beaucoup
maigri, mais je ne m'en porte que mieux. Ce que je désirerais c'est
d'avoir de vos nouvelles, les plus récentes datent de décembre 1898,
c'est long, je vous l'assure ; j'espère toutefois que vous êtes tous
en bonne santé et je ne vous oublie pas dans ma prière. J'espère
(1) C'est le cheval de Ségalas que Foureau lui avait donné à son départ et qui est
un animal merveilleux. En prenant la voie fluviale pour rentrer, Ségalas l'adonné en
présent au Sultan de Koucheri.
LETTRE d'un MEMBRE DE LA MISSION FOUREAU-LAMY 55
bien qu'au mois d'août nous débarquerons à Bordeaux ou à
Oran.
« Adieu, mes chers parents, etc. etc. »
Notre correspondant fait suivre sa communication de la note ci-
après :
« Une précédente lettre du maréchal-des-logis Ségalas dépeignait
dans des termes pompeux la richesse des pays parcourus à l'est
du Tchad au milieu des plaines fertiles où les parties non cultivées
sont envoyées par des hautes herbes au milieu desquelles paissent
d'innombrables troupeaux d'antilopes et autres animaux sauvages
qui donnaient à la petite troupe du commandant Lamy de la
viande en abondance.
« La plaine était coupée de petits bois peu étendus, mais formés
d'arbres magnifiques.
« Le maréchal-des-logis Ségalas est rentré à Batna. Il avait été
donné a Foureau avec un détachement choisi de 12 spahis. Il a
servi admirablement et a reçu comme récompense la médaille
militaire et le grade d'adjudant. C'est une belle page ajoutée à
l'historique du 3* Spahis. »
Les Ireinbleoieiits de terre au Venezuela
EN 1900
Caracas existe toujours — en grande partie du moins ; — je vis,
je respire encore ; c'est un miracle. — La Providence en soit louée I
Je dormais profondément.
Un bruit sourd m'arrache au sommeil.
Qu'était-ce ? je n'avais pas eu le temps de me poser cette
interrogation que, dans l'obscurité de ma chambre à coucher où
je savais pertinemment me trouver, j'éprouvais la sensation d'être
à bord d'un grand paquebot qui, par gros temps, s'enfoncerait
pesamment dans le sillon énorme de deux vagues gigantesques ?
C'était le sol qui tremblait.
Ma maison oscillait, le toit geignait, les cloches des églises
sonnaient et, du plus profond de la terre, un grondement montait,
sinistre !
Etait-ce pour moi l'écrasement sous les décombres, la mort
irrémédiable, la fin de tout ce qui m'entourait ?
Je le crus d'abord et ma pensée, d'un bon prodigieux, embrassa
ce que j'avais aimé, ce que j'avais été et, résignée, dit à tout un
adieu fataliste
Mais plus rapide encore, elle songea au salut possible : — Je
me souvins que, dans les mines, les parties de constructions
formant embrasures ou voûtes demeurent les dernières debout.
Pour attendre la fin du cataclysme, je me plaçai sous le cadre
d'une porte.
Dans des instants pareils, le travail cérébral chez qui conserve
le sentiment des choses ambiantes, dépasse tout ce qu'on peut
imaginer ; immense est le champ d'action de la réflexion
Savez-vous quelle image frappa alors mon imagination? — J'avais
devant moi une gravure qui, jadis, m'avait intéressé dans une
édition illustrée des voyages de Gulliver ; gravure que j'avais certes
oubliée, bien oubliée.
C'est pendant le séjour au pays des colosses : sur un homme qui
a des dimensions de fourmi, se pose une main géante. — J'étais
le chétif insecte ; une poigne colossale m'étreignait, me secouait,
m'étouffait !
LES TREMBLEMENTS DE TERRE AU VENEZUELA 57
Combien de temps la terre gronda- t-elle ?
Je ne m'en rendis pas compte alors.
Trente secondes, affirma-ton généralement ; et ce chiffre me
semble exact car j'ai, depuis, refait en vingt-cinq secondes, à peu
près tout ce que j'ai accompli sur le moment.
Ces trente secondes, O 1 combien longues elles furent, combien
tristes, combien douloureuses !
Mes parents aimés, devrais-je vivre des siècles, je n'oublierai
jamais ce réveil horrible, cette sensation atroce du sol qui parait
se dérober sous les pieds, pour vous reprendre aussitôt et vous
lancer dans le vide encore
Quand je crus la stabilité de ma pauvre maison à peu près
rétablie, j allai aussitôt, sain et sauf, dans le simple appareil que
vous devez supposer, me rendre compte de ce qu'il était advenu
de mon secrétaire qui loge avec moi : Les quatre murs de sa
chambre s'étaient séparés ; des plâtras étaient tombés et l'avaient
contusionné à la tète ; mais il était valide. — Sains et saufs aussi
deux hommes de service qui, hurlant, gesticulant, eurent bientôt
disparu dans la rue avec leurs vètenients ?
Au grondement souterrain, au craquement des maisons avait
succédé un silence désolant
On aurait pu croire Caracas anéantie ; elle n'était que gravement
mutilée et ne pouvait sortir de la torpeur où le cataclysme l'avait
plongée.
Queljues secondes se passèrent ainsi ; ce fut bientôt une
explosion de gémissements, de pleurs, d'invocations bruyantes au
Dieu de Miséricorde.
Perdon ! Senor! Perdon ! criaient des milliers de bouches .
et les lamentations et les prières à haute voix qui épandaient sur
la ville un murmure troublant, durèrent jusqu'à ce que le jour vint?
On put alors connaître les conséquences du mouvement sis mal.
Si l'on tient compte de son étendue — toute la République (trois
fois le territoire de la France) l'a ressenti — de sa force et de sa
durée, on doit reconnaître que le nombre des accidents de
personnes est relativement restreint : on compte au total une
soixantaine de morts et cinq cents blessés environ.
En revanche, les dégâts matériels sont considérables. Cela tient
à ce que la secousse a été faite de larges balancements et non de
bruscjucs trépidations.
De très nombreux immeubles menacent ruine un peu partout,
mais les murs traversés de longues et larges crevasses et les toits
déplaces ont pu garder un équilibre relatif ; beaucoup de gens
doivent à cette particularité d'avoir échappé à l'ensevelissement
sous les décombres.
58 LES TREMBLEMENTS DE TERRE AU VENEZUELA
La région de la République le plus éprouvée peut être représentée
par un pentagone irrégulier dont les côtés seraient formés par des
lignes reliant les centres suivants: Iliguerote et Macuio sur la
côte, Guarenar, Gnatire et Caracas dans l'intérieur.
Les quatre premiers de ces villages n'existent plus pour ainsi
dire. — Quant à Caracas, elle a souffert matériellement beaucoup :
on compte 100 maisons détruites, 400 près de s'écrouler et 1,000 à
démolir en partie. — Ses églises et quelques-uns de ses monu-
ments publics sont fort endommagés
Mais Caracas a souffert moralement davantage ; je puis même
dire que ses peines provenant du tremblement de terre même, ne
sont que peu de chose à côté de la torture morale qu'on lui a fait
subir depuis ce jour
Dans la journée du 29, la population inquiète avait abandonné
les maisons et s'était transportée sur les places publiques ou dans
les environs de la ville, en rase campagne. — Deux autres secousses
ayant été ressenties à la tombée de la nuit, augmentèrent les
appréhensions.
Dans la nait, deux secousses nouvelles, mais de plus en plus
légères, laissèrent croire que le phénomène sismique était
terminé.
Dans la motinée du 30, les Ministères, les Administrations
publi(jues, les Bancjues, les Etablissements de commerce qui, la
veille, avaient tenu leurs portes closes, commencèrent à les
ouvrir.
Mais voilà qu'une nouvelle des plus alarmantes est criminelle-
ment lancée. Par qui ? nul ne peut le dire. — On assure que
l'observatoire national a arboré un drapeau rouge pour annoncer
un épouvantable cyclone ; On a reçu des télégrammes, La Marti-
nique est ravagée, l'île de Trinidad est détruite ; les côtes du
Venezuela sont déjà envahies par la mer en furie I
On sait que le capitaine d'un vapeur américain ancré dans le
port de la Guayra avait prévu le sinistre ; son baromètre ayant
subitement baissé, il a pris le large. - Et chacun de broder sui" ce
thème effrayant ! Caracas, en un mot, doit périr !
Toute la ville est sur les places et dans les champs.
Je me rends au bureau de la C" Fram^-aise des câbles télégraphi-
ques ; je" demande des renseignements ; tous les colportages sont
faux, mensongers, enfants de la peur — Je vais à la recherche
de nos compatriotes ; je tente de les rassurer, comme je le fais
depuis la matinée du 29 ; je les exhorte au calme, au sang-froid.
Sur la place, on me rabroue presque parce que je démontre que.
si un cyclone était à prévoir, il vaudrait mieux l'attendre à
l'abri, dans les maisons encore habitables, que sur les places
publiques.
LES TREMBLEMENTS DE TERRE AU VENEZUELA 59
Les raisonnements les plus sages, les théories scientifiques
les plus savamment échafaudées sont impuissantes contre la
panique.
La peur n'admet rien.
Le cataclysme prédit (?) ne s'est naturellement pas accompli. —
Mais le sol étant toujours peu ou prou en mouvement et les
fausses nouvelles continuant de circuler
la panique règne encore en maîtresse ici.
Les maisons habitables sont même abandonnées.
Tout le monde vit, mange, dort, etc., sur les places, dans la
campagne, dans des campements improvisés.
La politique, le commerce, les finances, sont oubliés. — On ne
parle que de phénomènes météorologiques ou souterrains. — On
pourrait croire que la ville est aux mains d'une immigration de
Bohémiens.
C'est pittoresque et navrant tout à la fois, mais surtout déplo-
rable au point 'de vue hygiénique.
Pour ma part, je n'ai pas cessé, ainsi que mon secrétaire,
d'habiter le Vice-Consulat. — Les exhortations de l'abandonner
ne nous ont pas fait défaut.
De quelqu'un à qui j'avais dit : Je couche dans ma maison, dans
ma f^-hambre et dans mon lit, j'ai reçu cette réponse : « Mieux
vaudrait aller de suite au cimetière ! »
Deux des principaux murs de ma maison sont bien endommagés,
il est vrai. — Dans mon bureau, deux madriers ont crevé le plafond
et provoqué son écroulement partiel. — Mais un effondrement est
improbable ; quelques étayages et des modifications intérieures
m'ont paru, en même temps que de suffisantes mesures de
précautions, une preuve de grande tranquillité à donner aux
timorés.
J'avais préalablement raconté à ces derniers, l'histoire de la
mort d'Eschyle - fait qui tendrait au moins à établir l'utilité de
l'enseignement classique (?) — mais sans grand succès.
Dans notre colonie nous avons eu deux morts à déplorer : la
femme et la fille d'un honorable commerçant ont été écrasées par
un mur du palais de justice, renversé sur le toit de leur chambre
à coucher. — Un pauvre bébé qui dormait dans un berceau, à côté
de la pauvre femme ainsi tuée, a été épargné.
Aussitôt après le tremblement de terre j'ai naturellement
parcouru tous les quartiers, toutes les maisons où nous avons des
compatriotes.
Je suis notamment allé visiter les étabhssements de nos coura-
60 LES TREMBLEMENTS DE TERRE AU VENEZUELA
geuses religieuses. — A l'Internat, j'ai interrogé les enfants. —
J'y ai reçu des réponses extraordinaires. — Une petite m'a dit :
« J'avais mis mon drap sur la figure, je croyais sautera la corde ».
Une autre, la cloche du couvent sonnait ; il était encore nuit ;
(f J'ai déclaré à la sœur qui me faisait lever qu'elle se trompait
certainement d'heure I »
6 novembre 1900.
QUIÉVREUX.
(Reproduction interdite.)
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DE L'ORANIE
AVEC DES TABLEAUX ANALYTIOUES ET DES NOTIONS
POUR LA DÉTERMINATION DE TOUS LES REPTILES & BATRACIENS
du Maroc, de ïAlgérie et de la Tunisie
(SUITE)
Genre PSAMMOPHIS
Caractères du ge?;re. — Dents de chaque i^axillaire
supérieur au nombre de 10 à 13, en trois séries séparées joar
deux intervalles assez larges. La série médiane est formée de
dents bien plus longues que les voisines, lesquelles sont à peu'
près de même longueur. Deux dents postérieures du double
plus longues que celles qui précèdent, cannelées. Tête longue et
étroite, plate .en arrière. Chez les adultes il y a souvent un
sillon profond en avant entre les préfrontales et les interna--
sales. Museau rétréci, obtus ; rostrale peu saillante, i-2 préocu-
laires ; 2 3 postoculaires.
Une seule espèce en Algérie et en Tunisie.
45 . Psammophis schokari Forsk. (Pi. xxi, fig. 13, a)
Fig. Description de V Egypte. Rept., pi. 8, fig. -4 (d'après Blg.),
Le PsaniniopliLs schokari.
Arabe: Zeurig (Ern. Oliv.)
Coluber schokari Forsk. Descript. anim. p. 14(1775); Blg.
in Cal. of the Snak. vol. III, p. 157.
Psammophis sibilans Strauch, Lall., Blg., Ern. Oliv. nonL.
Psammophis punctatusZ).etB.,Geri'ais, Strauch , Lallemant.
Psammophis sibilans Doumergae (Assoc. fr. Congrès de Tunis
1896, p. 478; non L.
C'est sur l'indication de M. Boulenger que j'applique le nom-
de Psammophis scJiokari Forsk. à l'espèce jusqu'ici rapportée
à Psammophis sibilans par tous les auteurs qui ont écrit sur
la faune algérienne.
Voici la description d'un individu du Sud-Oranais :
Corps très long et très grêle, dépassant rarement un centi*.
mètre de diamètre. Tête longue et étroite ; ligne des plaques
de la tête 16 mill., ligne interorbitale 7 mill., distance entre les
62 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIË
tempes 9 milI.Musoau obtus. Cou long, étroit, 5 mill.Rostrale très
peu saillante (0,5"M, concave en dessous, convexe sur le reste
de la surface ; les extrémités de sa ligne de contour ne corres-
pondent qu'imparfaitement avec celles de la mentonnière ;
angle postérieur arrondi, peu rabattu en arrière. Deux inter-
nasales séparées par une suture à peu près aussi longue
qu'elles, égalant en longueur les deux tiers environ des deux
préfrontales (suture des internasalcs 1,5 ; suture des préfron-
tales 2,5 ; longueur des plaques 2 et 3'")- Gbez les jeunes, les
internasales n'ont que la moitié de la longueur des préfron-
tales ou même pas. Sur la ligne des sutures se trouve une
dépression qui aboutit à la base de la frontale qui est elle-
même rentrante.
Frontale longue et étroite à côtés concaves (G'" sur 1,1 au
milieu, près de 3 entre les pointes de la Ijase), un peu plus
longue que sa dislance au bout du museau (4,5"';.
Chez une femelle, la frontale est un peu plus courte et a
ses bords presque droits.
Sus-oculaires assez saillantes sur les orbites, plus courtes que
la frontale et bien plus larges (longueur près de 5'", largeur 3),
séparées des préfrontales par la préoculaire qui rejoint l'angle
de la frontale.
Pariétales grandes et longues, triangulaires (long. 6 '",
suture 5) ; angles aiitéro-extérieurs repliés jusqu'au milieu de
la ligne des yeux et bordant entièrement la postoculaire supé-
rieure. Narines enli'edeu.x plaques ; la nasorostraleet la naso-
frénale ; la premièi'e à peine plus longue que la seconde.
Frênaie oblongue, deux fois et demie, aussi longue que haute.
Une préoculaire, deux postoculaires. Œil reposant sur les b«
et 6" labiales, la G"-' deux fois aussi larges que la 5". J'ai trouvé
ce detliiei- caractère constant. Lataste l'avait déjà signalé
(ex BIg.)
Notre espèce représenterait la variélé punctalus {Ps. D. et B.)
Temporales:-^ — \- 3. Labiales: -j^ Six labiales inférieures
touchent les inframaxillaires ; les premières, très longues, se
rejoignent sur la ligne médiane et leur pointe est distante de
2 mill. de l'angle postérieur de la mentonnière. Cette dernière
est petite, équilatérale.
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE 63
Écailles dorsales oblongues, lisses, très légèrement convexes;
celles des flancs plus grandes ; 17 rangées autour du milieu
du corps. Vers la base le nombre descend à 15-13.
Ventrales à bord curviligne, relativement grandes (leur
hauteur égale le quart de la largeur transversale;, au nombre
de 177. Anale double. 110 paires de sous-caudales Pénis grêles.
Queue très longue et fine.
Variations. — 1-2 préoculaires ; 2 ou 3 postoculaires ;
8 ou 9 sus-labiales ; œil reposant sur les 4" et 5*^ ou 5^ et 6'- sus-
labiales ; temporales 2 -|- 2 ou 2 + 3, rarement i -\- 2 ;
quelquefois 19 rangées de dorsales. Ventrales 162-195; sous-
caudales 93-149 (BIg.)
J'ai observé 174 à 183 gastrostèges et 104 à 125 paires
d'urostèges. -
Coloration. — Variable, mais à motif le plus souvent
formé de bandes étroites bicolores ou multicolores qui
parcourent tout le dessus du corps. Ces bandes manquent
parfois ; elles sont alors remplacées par des lignes de paints
disposés sur un fond uni.
Voici les diverses colorations que j'ai observées :
;/i(3 forme. — Individu ci-dessus décrit: Tète d'un brun
rougeàtre linéolé de noirâtre; suture et sillon clairs; sus-
labiales tachées de fauve. Dessus du dos couvert par une
bande de7 millimètresd'unbrundesable, plusclaireau milieu,
bordée des deux côtés par un trait d'un brun foncé presque
noir. La partie médiane claire devient de plus en plus
apparente et forme une bande distincte en arrière du milieu du
corps. De chaque côté de la bande dorsale s'en trouve une
seconde de 2 mill. d'un rouge de sable très clair. Une 3*^ bande
de près de 3 mill. parcourt la partie supérieure des flancs.
Cette bande, de couleur brunâtre, est maculée de points
noirâtres placés à la base de chaque écaille centrale; elle coupe
l'œil et atteint la région frênaie.
Ventre blanc sale, parcouru de chaque côté par une ligne de
traits d'un noir bleuâtre. Chaque ventrale porte un trait
souvent un peu oblique, ce qui tait que les extrémités
64 . ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'oRANIE
ne s'ajustent pas toujours. Vers l'extrémité antérieure du corps
il existe, en d(?ssous, une ligue médiane de traits semblables,
qui rejoint les deux latérales sous la gorge. Les trois lignes
atteignent la mentonnière où elles se réduisent à trois points.
Les 2^', 3', 4*^ et 5'" sous-labiales poi'lent chacune un point.
La coloration du corps se continue sur la queue, mais elle y
est plus claire.
!?e Forme. — La bande dorsale (la l""*^) est plus toncée, d'un
brun légèrement olivâtre, clair au milieu ; ses bords sont
noirs. La 2'-' bantle reste rouge de sable. L i 3'' est de même
couleui' que la 1"^, et de même largeur que la 2'" , son bord
supérieur est marqué de forte? dépressions noirâtres qui
totipent une ligne de points allongés, distants entre eux de
la moitié de la longueur d'une écaille ; vers le bas ces
points disparaissent et la bande devient unie. Le bord inférieur
de la 3'- bande est loiiné de traits noirs se touchant par leurs
extrémités. Pas de ligne centrale de taches sous le ventre.
Plaques de la gorge pointillées. Sus-labiales bordées de points
bleuâtres.
En résumé, variation peu dilïerente de la précédente.
3'- Forme. — bien voisine de la précédente. La bande dor-
sale est parcourue en son milieu et dans toute sa longueur par
un large trait blanc.
4': Forme. — C'est celle signalée i ar D. et B. et Strauch à
2 bandes blanches de chaque côté. Il y a alors 5 bandes
blanches en comptant la dorsale médiane.
5c Forme. — Une femelle. — Lignes longitudinales bien
moins apparentes, le fond devenant de couleur rouge brun de
sable plus uniforme. La 1"' bande n'est pas parcourue dans son
milieu par une bande supplémentaii-e ; les traits postérieurs
qur la bordent sont plus foncés, bruns. La 2- bande est moins
apparente et se confond avec la 3'-' qui est un peu brune et
unie. Les lignes du ventre sont peu visibles et formées de
traits ou de points sales.
6"'' Forme. — Dos d'un gris de sable rougeàtre uni, à bande
dorsale un peu plus sombre. Cette bande est bordée de chaque
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'ORANIE 6o
côté par une ligne de points encore plus foncés; la base de
chaque écaille en porte un.
Quelques taches presque imperceptibles existent sur les
écailles dss flancs. Ventre sans points, ni traits.
V^ Forme. — Voisine de la précédente. Fond d'un gris clair
à reflets fauves. Bande centrale très peu apparente, marquée
seulement par les deux lignes de peints qui la limitent. Ces
points sont d'un fauve clair. La 2"-' bande réapparaît légèrement;
elle est lavée de fauve rosé. Ventre nu.
Toutes ces colorations peuvent se rencontrer dans une même
localité.
Taille. -0,8:30+0,380=l"i210(Blg.). Mon plus grand 0"'80.
Distribution géggrai'Hique. — (Ai., Ti. : H. -PL, S.) —
C'est probablement Psammophis scJwkari que Gervais a reçu
d'Aïn-Sefissifa, près d'Aïn-Sefra (Paul Mares) et qu'il a signalé
sous le nom de Psawrnophis punctatus D. et B.
Le zeurig est une espèce saharienne commune dans le Sud-
. Oranais. J'en ai reçu plusieurs exemplaires d'Aïn-Sefra (Hiroux).
M. Peuplier m'a envoyé de nombreux échantillons d'El-Abiod-
Sidi-Cheikh. Il l'a vue à Arba-Tahtani.
Je tiens comme très douteuse la localité de Méchéria (Musée :
coll. Moisson). Toutefois, il n'y a rien d'impossible à ce que
cette espèce pénètre dans les régions sablonneuses des Hauts-
Plateaux, mais plutôt du côté de Géryville que du côté de
Méchéria.
Éthologie. — Le zeurig est une espèce des sables déser-
tiques. Je l'ai reçu en mars, en mai, en juin et en automne.
En été, il est très rare. Il se retire alors dans les oasis où il
trouve de la fraîcheur. Quoique opistoglyphe, ce serpent est
tout à faitinoiïensif. II fuit avec une extrême rapidité. Il habite
les dunes herbeuses. On le prend aussi sous les pierres.
Observation. — Psarnynophis fiibilans (Fig. Expédition
d'Egijpic. Suppl. PI. IV, lig. 5.) est une espèce bien plus
grosse que ï^mmmoplds çcJwkari, Son dianiètre g,tteint plus d§
66 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE
2 centimètres. Ce sont les jeunes individus de cette espèce
qui l'ont fait confondre avec Psammophis schokari.
Le Psammophifi sibilans a 9 labiales. Ses, préfrontales, très
grandes, sont 3 fois aussi longues que les internasales. La tète
est aiguë. La taille est bien plus courte que celle du zeurig. La
coloration en dilTère aussi notablement. Cette espèce est égyp-
tienne.
Genre CŒLOPELTIS
Caractères du genre. — Dents postérieures du maxillaire
supérieur sillo7inées, les antérieures toutes à égale distance ou
à peu près les unes des autres. Écailles doisales canaliculées
ou déprimées sur la ligne médiane.
Ces caractères sont à peu près les seuls communs aux deux
espèces algériennes. Les écailles sont peu sillonnées chez
C. producta. Il se produit dans ce genre le contraire de ce qui
a lieu dans le genre Macroprotodon. Tandis que les dents
sillonnées séparent ce dernier genre du genre Coronella,
auquel il ressemble par les caractères extérieurs, chez nos
cœlopellis, au contraire, les dents rapprochent génériquement
les deux espèces qui diffèrent totalement par leurs caractères
extérieurs. Le C. producta devrait constituer un genre à part.
Voici le tableau de nos deux espèces :
G. CœJopeltis. — TABLEAU DES ESPÈCES
Tête assez longue ; museau fortement creusé
en dessus, à côtés très relevés en carène.
C. MoDspessulaous.
Tête courte, plane sur le crâne, convexe sur le
museau ; pas de carènes latérales. Cou
dilatable.
C. producta.
•Il
ESSAt SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'oRANIE 67
46. Oœlopelfis Monspessu/anns Rozet.(P\.X.\l], f. l,a)
Fig. Bonaparte (Fauna italira)
Description de VEgtjpte Suppl. (PI. V, fîg. 2 et 3)
La couleuvre de Montpellier.
Cœlopeltis lacertina Wagl., Strauch, Lall., Ern. Olivier.
Cœlopeltis monspessulanus Rozet, Boulenger.
Cœlopeltis insignitus Geojf., D. et B.
Dentition forte 10 dents à la mâchoire supérieure, les
8 antérieures à peu près d'égale longueur (2 mill. environ),
recourbées en arrière, coniques, fines, aiguës, à peu près
toutes à égale distance l'une de l'autre ; les deux postérieures
deux fois plus fortes (4 mill. de long sur 1,2 à la base), rabat-
tues en arrière ; face postérieure arrondie et présentant une
concavité par suite de l'élargissement de la base. Maxillaires
inférieurs portant chacun 11 dents, les 3 antérieures très
rapprochées, la 4<' bien plus forte et distante de 3 mill. ; la 5^
aussi forte que la 4^ et distante de 2 mill. de la 4° et de la 6*^.
Les six dents postérieures sont sur la moitié postérieure du
maxillaire ; elles sont à égale distance l'une de l'autre et vont
en décroissant de 1 mill. 5 à un demi-millimètre. Enfin il
existe 10 dents ptérygoïdiennas et 10 dents palatines de
chaque côté. Os articulaire très élargi flong. '27 mill., haut. 6).
Tête assez longue, relativement petite : ligne des plaques
23 mill. ; ligne interorbilale 11 ; distance entre les tempes 17,
Rostrale arrondie, à peine saillante, un peu plus large que
haute, 5 sur 4, parfois 4 sur 5, pénétrant peu ou pas entre les
internasales. Deux internasales dont la suture égale le
— -, le -[- ou la —de celle des prétrontales. Frontale très
longue et étroite (11 sur 5 à la base et 3 au milieu). Sus-
oculaires très saillantes sur les orbites, plus courtes et plus
larges que la frontale (7 sur 5) ; leurs bases, en ligne droite,
sont dépassées par la pointe équilatérale de la frontale.
Pariétales grandes (8 sur (ij réunies par une suture de 5 mill.
Bords latéraux irréguliers, courbes. Entre la frontale et les
deux préfrontales existe une forte dépression transversale; cette
dépression s'ouvre au milieu du bord antérieur pour se conti-
6S ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE
nuer entre les relèvements en carène de chacun des côtés du
museau. C'est là le caractère le plus saillant de cette espèce.
Narines grandes, obliquo-verticales ; ouverture située dans
une grande plaque nasale fendue à la base du côté postérieur,
paraissant même parfois entre deux plaques. Plaque nasale
presque aussi longue que l'internasale, atteignant ou dépas-
sant assez la suture postérieure de la première labiale infé-
rieure. Deux frênaies : l'antérieure, égalant en longueur plus
de la -^ de celle de la postérieure ; le plus souvent les -^ et
même les g- Les deux frênaies ensemble sont à peine plus
longues que la nasale. Une grande préoculaire pliée sur la
carène, atteignant la frontale et bien visible en dessus. Deux
postoculaires : l'inférieure de moitié plus grande que la
supérieure ; cette dernière est à peine visible en dessus. Œil
grand, plus large que haut, reposant en partie sur les 4* et
5e labiales. Temporales 2 + 3. l'inférieure bordant deux
labiales. Labiales -j^- -^. Six labiales inférieures touchent les
inframaxillaires. Mentonnière courte, subéquilatérale. Écailles
dorsales relativement grandes, oblongues, parcourues par un
sillon longitudinal très distinct. Écailles des flancs grandes,
planes. 19 rangées d'écaillés autour du corps. Écailles sus-
caudales planes.
173 gastrostèges ; anale double ; 80 paires d'urostèges.
Variations. — Parfois 3 postoculaires : 17 19 rangées de
dorsales. 168-210 ventrales ; 69-97 sous-caudales (Blg.)
J'ai observé :
Oran : 10 rangées, 173 gastrosièges, 80 urosli'g' s.
Oued-SeKioun : 19 — 173 — 86 —
Kreider : Femelle 17 — 164 — 88 —
Méchérii : Hàle 19 _ 164 — 87 —
18 — 104 — 81 —
17 — 166 — 70 — (Queue coupée).
Femelle 19 — 101 — 82 —
Tanger: 19 - - 171 — 84 —
Tunisie: 19 — 176 — 83 —
Coloration. — Variable. Chez les jeunes sujets et chez les
adultes, le fond est très foncé et souvent uni Avec l'ùge et selon
ESSAI SUR LA. FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE 69
l'habitat, et probablement aussi suivant le sexe, les écailles
sont plus ou moins maculées de jaune ou de blanc jaunâtre.
Les individus des terr'ains broussailleux sont de couleur
sombre ; ceux des terrains sablonneux, maculés ; enfin
ceux des sables sahariens, très colorés. Voici les diverses
colorations que j'ai observées à Oran :
1° Jeunes. — Tète brune, maculée de brun foncé. Sur la
nuque, une grande tache noire assez longue. Dos à fond brun
parcouru par quatre lignes de points noirs allongés. Les
deux lignes internes sont distantes de 3 mill. Les autres lignes
sont plus rapprochées des premières. Les taches noires sont
bordées de petites taches fauves qui se fondent et forment, en
travers de la première bande dorsale, des taches allongées.
Les taches noires de la 2"^ rangée sont plus longues et peu
bordées de jaunâtre. Sur le haut des lianes il y a une ligne de
points ronds séparés par la longueur de 2 ou 3 écailles. Ventre
d'un jaune noirâtre. Gorge toute maculée de brun dans le
sens longitudinal.
(Cette coloration se retrouve au Maroc. Un individu de
Tunisie présente en outre une ligne dorsale médiane de
grandes taches brunes.;
2° Moyens. — Les taches noires et fauves s'accentuent ;
suivant les terrains, les écailles fauves ou grises sont plus ou
moins nombreuses. Gorge maculée.
3" Vieux adultes. — Corps d'un brun plus ou moins foncé,
uni. Lignes de taches noires nulles ou très peu apparentes.
Ventre blanc jaunâtre, uni.
Ces diverses variations sont celles du type(C.3/onspessMiaHus.)
Taille. —0^" 820 + 0"' 260= l'nQS.. Jusqu'à 2 mètres environ.
Distribution géographique. — (B. : T., H. -PL, S.) — La
couleuvre de Montpellier est répandue partout dans le Tell.
Elle est plus rare sur les Hauts-Plateaux. Je ne la connais pas
du Sahara oranais. Les points extrêmes où j'ai constaté sa
présence sont : El-Aricha, djebel Beguirat, Mozbah ; le Kreider,
Mécheria (Iliroux) ; Géryville. Je l'ai reçue de Frendah
(Brunelj, de Saïda (P. Pallary), de rOned-Seffioun (Lafosse).
70 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'ORANIE
Variété NEUMAYERI (PI. XXII, fig. 1 b)
Cœlopeltis Neumayeri Filz.
•
Je rapporte à celte variété une couleuvre de la vallée de
l'Oued- SelTioun qui m'a été envoyée par M. Lafosse. Elle se
distingue par les caractères suivants :
Frênaie antérieure égalant en largeur le -^ seulement de
la postérieure qui a 3 mill. ; fente de la nasale descendant, par
l'angle intëropostérieur, sur la labiale. Trois postoculaires; la
médiane, très petite (—j- de mill.j, parait être une division
de l'inférieure ou le prolongement de la temporale supérieure.
Une plaque triangulaire, qui semble continuer la postoculaire
inférieure, repose sur la suture des tempora'es ou en dessous
de la supérieure. 17 rangées d'écaillés, 173 gastrostèges,
86 paires d'urostèges.
Dos d'un brun olivâtre, uniforme en dessus. Flancs d'un
brun grisâtre ; base des écailles tachée et bordée de noir.
Ventrales aussi bordées de noir vers le bout. Ventre et gorge
d'un beau blanc jaunâtre. Tète brune, unie.
Taille. — 0'"820 + 0"'260 =: 1-C80. Don Lafosse.
Observation. — Celte variété se rapporte par sa coloration
à la variété Neumayeri (C. Fiiz.) ; mais les caractères que je
donne peuvent très bien l'en séparer. Je manque de matériau.x.
pour me prononcer.
Vaiiété INSIGNITUS
Fig. Expédition d'Egypte. Suppl. (PI. V, fig. 2)
Cœlopeltis insignitus Geoffroy.
La couleuvre maillée
Cette variété se trouve partout dans les lieu.K sablonneux et
surtout dans le tsud. Elle se distingue par sa vive coloration
dont voici la description :
Dessus d'un fauve de sable avec 4-(i lignes de taches d'un
brun noir, chaque tache s'étendant sur 12 écailles. Bords des
écailles tachées presque blancs. Flancs plus clairs, blancs à la
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE 71
base et barrés de traits irréguliers noirâtres et jaunâtres.
Ventre gris sale avec quatre lignes régulières de points irrégu-
liers Sur la queue les points se touclient et forment trois
lignes noires : la médiane mal définie, les deux autres, latérales,
d'un beau noir, bien distinctes et très régulières. La base des
flancs est parcourue par une ligne de points allongés presque
en contact ; vers la base ils sont au centre des écailles. Gorge
parcourue, au milieu, par un gros trait d'un beau noir et,
parallèlement à ce dernier, par des lignes de taches allongées
de même couleur. Ces bandes se prolongent au-delà du cou
et sur le ventre où elles se sectionnent en taches irrégulières
sur chaque ventrale.
Ligne des lèvres noire, bordée de blanc jaunâtre en dessus
et en dessous.
Les écailles dorsales colorées dominent et l'animal, vu de
loin, parait doré, à retlets multicolores.
Chez les vieux individus, le fond tend à devenir uniforme.
Il est brun avec des reliefs d'un fauve éclatant. Les bandes de la
gorge seules persistent, mais elles sont noirâtres et doivent finir
par disparaître.
Observation. — Les échantillons de Méchéria et du
Kreider offrent une variation importante dans le nombre
de rangées dorsales, 17 au heu de 19.
La variété maillée se rencontre partout oi^i il y a des sables ;
mais nulle part dans le Tell, elle n'a l'éclat des individus
jeunes du sud des Hauts- Plateaux. A. Oran elle existe à
à la Batterie espagnole.
Éthologie. — La couleuvre de Montpellier est certainement
la plus commune de nos couleuvres. Elle est répandue partout.
On la rencontre même pendant les belles journées de la saison
fraîche. Elle habite une galerie dont l'entrée est cachée par
une grosse pierre isolée. Elle ne s'éloigne guère de son trou,
se roule sur elle-même et, la tète dressée, attend qu'une proie
se présente. Lorsqu'on la rencontre sous une pierre, il faut la
saisir immédiatement; une seconde après il n'est plus temps,
l'animal fuit avec une extrême rapidité en poussant un siftle-
ment aigu qui impressionne.
72 ESSAI SUR L\ FAUNE KRPCTOLOGIQUE DE L ORANIE
Lorsque la couleuvre maillée circule lentement elle appuie
presque entièrement son corps sur le sol; seule la tète tendue
est portée haute.
Ce serpent est encore un de ceux auxquels on attribue une
grande taille. Le plus grand, mesuré vivant par M. Michaud
d'Oran avait 1"'96.
Est-ce aussi à cette espèce qu'il faut rapporter certains
serpents gigantesques signalés en Algérie? Je le crois. Comme
le Zamenis hippucreji'is, le Cn'lopcltis Monspessulanus doit
dépasser 2 mètres.
La couleuvre de Montpellier est un opistoglyphe. Ses dents
cannelées sont certainement venimeuses, mais comme elles
sont placées tout au fond de la bouche, le venm ne peut être
injecté qu'à un corps qui pénètre dans la gorge. La morsure
de ce serpent peut occasionner des accidents graves mais non
mortels. Elle tue facilement un lapin.
Si à la suite d'une piqûre une enllure se produisait, il fauc!rait
ligaturer et traiter au permanganate de potasse.
47. Cœlopeltis prodiida Gervais (Pi. XXII, fig. 2, a)
Fifj. Jan Icon. géa. oph. (liv. 3i. Pi. 2, lig. 2)
Cgelopeltis producta Gerv.,Strai(c}i, LalL, BIg., Ern. Olivier
Voici la description d'un bel exemplaire du Sud-Oranais :
Tète courte: ligne médiane des plaques, 17 mill., ligne inter
orbitale, 7,b, distance entre les tempes, 14. Région pariétale
plane ; sus-oculaires légèrement relevées des bords de la fron-
tale à l'extérieur ; museau plan, à sutures longitudinales, à
sillonj*ssez marqué ; base de la frontale abaissée. (Chez deux
individus moins âgés le museau ne présente pas de sillon.)
Rostrale proéminente, en pointe arrondie, convexe sur toute
sa surface supérieure, creusée en dessous en triangle curviligne
relevé, entièrement saillante sur la mentonnière; angle
postérieur un peu obtus, pénétrant presque jusqu'au milieu
de la suture des internasales; longueur de la rostrale, vue en
dessus, 2 mill., largeur, près de 3 mill. Deux internasales
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'ORANIE 73
assez grandes (longueur latérale, 3 mill., grande largeur, 2,3,
suture, 1,3) de fonue trapézoïde, la grande base bordant la
nasale et longue de 3 mill., atiénnée en poinle aiguë à
l'angle inféro-postérieur. Nasale un pçvi plus longue que
la grande base de l'internasale conliguë. Préfrontales un
peu plus grandes que les internasales njais guère plus longues.
Chaque plaque a son bord postérieur anguleux et les deux
côtés internes forment un angle très obtus sur la suture. Celle-
ci égale en longueur le double de celle des internasales. Le
repli de chaque préfrontale atteint la frênaie et la borde entière-
ment. Angle de la préoculaire visible en dessus (I rnill.). Fron-
taie à bords parallèles ou à peu p:-ôs dans les g postérieurs
('2 mill.), peu élargie à la base (3 mill.) longue de 6,5 ; l'extré-
mité postérieure anguleuse dépasse les sutures latérales de
1 mill. Sus-oculaires presque aussi longues que la frontale,
mais plus larges, 2,5, assez saillantes sur les yeux. (Chez les
individus plus jeunes elles sont de même longueur). Posto-
culaire supérieure apparaissant derrière la sus-oculaire. Parié-
tales longues de 6, larges do 5, suture, -4,5 ; extrémités
intéro-postérieures séparées par un angle peu obtus.
Narine percée dans une grande plaque en forme de graine
de melon, convexe, parfois saillante et composée de deux
nasales enchevêtrées et difficiles à distinguer: longueur, 4 mill.,
hauteur, 1,5. Les plaques nasales bordent deux sus-labiales.
Une seule frênaie, carrée (1 mill.) ou irrégulièrement trapé-
zoïde Une préoculaire, parfois 2 (Gafsa) haute de 3 mill.,
repliée d'un millimètre en dessus. Deux ou trois postoculaires
(ordinairement 2). De mes deux exemplaires d'El-Abiod, l'un
en présente 3 de chaque côté, l'autre, 2 et 3. (Celui de Gafsa,
le plus jeune, en a 2 et 2). Œil reposant sur les 4«. et 5'' labiales,
parfois sur les 5'- et 6". Tempoi'ales au nombre de deux au
l'^^'" rang, de surface inégale ; généralement l'inférieure est deux
fois plus grande, mais de même longueur (2 à 2,5) que la supé-
rieure; le deuxième rang, mal défini et irrégulier, est composé
de deux ou trois écailles aussi longues que celles du premier
8 9
rang, mais plus petites. Labiales -yp ou -jj-; six inférieures
touchant les inlra-maxilîaires qui dépassent la 6" de 1 à 2 mill.
Écailles dorsales petites, planes, très légèrement convexes,
74 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'ORANIE
oblongues, un peu obtuses, disposées sur 18 rangées. Ventrales
hautes de 3 mill. et larges de près de '20 au milieu ; au nouibre
de 153. Anale double, anguleuse, obtuse. 54 paires d'urostèges.
Variations :
El-Abiod-Sidi-Clicikh . . 19 rangées; 153 gaslr, .'il paires d'urost. Taille: HIj-)- il'»
M. . . 11» — 161 — ;i(i — — 115 + 11;;
Tunisie: Duiral(Aiiderson). 101 — (12 — — .'112-1-121
id. id. . i;i9 — î8 — — ;i;ic-^l1;)
Id. Cafsa (E. Olivier). 1!) — Ifia — lu — — 283-1- C3
Coloration. — Dos à fond rouge de sable avec six lignes
de petites taches brunes de 1 cà 2 mill., assez rapprochées. Ces
taches, très apparentes chez les jeunes individus, disparaissent
chez les adultes. Les deux plus grandes, situées un peu en
arrière, persistent davantage. Ces taches sont séparées de
chaque côté par un rentlement oblique. Ventre blanc, légère-
ment tacheté par places de fauve clair.
Taille. — 0'"556 + 0^" 115 = 0'"G7I (Anderson). Diamètre
0"'014.
Distribution géographique. — (Ai., T. : S.) — Entre Bou-
Alem et les Arba (Paul Mares). Ce sont les échantillons de
cette région qui ont été déci'its par Gervais. Depuis 18.57, cette
espèce n'avait plus été signalée dans notre province. Elle
n'était pas connue du reste de l'Algérie. Depuis quelques
années, le CœlopeUis producta a été rencontré à Bou Saàda
(province d'Alger) par M. A. Martin (ex Ern. Olivier), à Biskra
et en Tunisie, .l'ai eu la bonne fortune d'en recevoir deux
exemplaires recueillis par M. Pouplierà El-Abiod-Sidi-Cheikh,
localité au sud de celle signalée par Paul Mares. Celte espèce
existe certainement sur toute la limite septentrionale du Sahara
algérien et tunisien.
Éthologie. — Le CœlopeUis producla habite les terrains
rocailleux sablonneux.
Mes échantillons ont été recueillis à la lin du mois de mai et
en juin.
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'oRANIE 75
D'après M. Ern. Olivier, cette espèce jouit, de la propriété
de gonfler son cou sur une longueur de 3 à 4 centimètres
lorsqu'elle est irritée. Ce caractère la rapproche du Naja.
SOIS-ORDRE DES PROÏEROGLYPllËS
Caractères — Dents antérieures de la màdioire supérieure
sillonnées.
Ce sous-ordre est représenté en Berbérie par une seule
espèce.
15">« Famille. — CONOGERQUES
Caractères de la famille. — Dents fixes; hs antérieures
de la mâcJioire supérieure cannelées, très venimeuses, bien
plus grandes que celles qui les suivent. Cou très dilatable en
un large disque. De grandes plaques syoïélriques sur la tête,
comme chez les couleuvres. (Jueue ronde, conique.
Genre NAIA
Caractères. — Voir ceux de la famille.
Une seule espèce existe au Maroc et dans le Sahara constan-
tinois. Elle est inconnue dans la province d'Oran. On la
trouvera probablement un jour dans l'Extrême-Sud oranais.
En voici la description :
Naia haie L. (PI. XXII, fig. 3, a, b)
Fig. Expédition d'Egypte., suppl., PI. 3 (var. annulifera)
Le Naja. Arabe: Bouftera.
Naia haie Z,., Blg., Ern. Olivier.
Cette espèce a tout l'aspect d'iiiu? couleuvre. L'individu que je
vais déci-ire provient d'Egypte. Je le dois à re.\trème générosité
de M. Boulenser.
76 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTÛLOGIQUE DE L ORANIE
Tête grosso, entièrement recouverte de grandes plaques en
dessus, les temporales étant de même facture i|ue celles du crâne.
Roslrale arrondie, peu saillante, à angle postérieur pénétrant ;i
angle aigu jusqu'au milieu des internasales. Deux inlernasales ;
deux prêtVontales pentagonales aussi longues les unes que les
autres. Frontale bien plus courte que les sus-orbitales et légère-
ment plus large. Sus-orbitales atteignant presque le milieu des
préfrontales et non séparées de celles-ci par l'angle de la préocu-
laire. Pariétales aussi langues que la frontale et les préfrontales
réunies, non repliées sur les cotés ou très peu ; angle postérieur
peu obtus, rempli et dépassé par une occipitale penlagonale et
allongée. Narine entre deux plaques : l'antérieure, presque carrée,
grande, bien conslitué-e ; la postérieure à peu près de même sur-
face, parfois redressée. Pas de frênaie. Une grande préoculaire ,
rectangulaire s'étend entre la nasale postérieure et l'œil. Œil
bordé par 2 ou 3 sous-oculaires et deux postoculaires qui
forment avec la préoculaire un entourage complet (variété
annuli/era Peters.) (Chez le type qui est inconnu en Berbé-
rie, le cercle est interrompu par une labiale.) Labiales g-
parfois -^. Il existe toujours une labiale supplémentaire entre les ,
4"= et 5' inférieures, ce qui poite leur nombre à 9. L'avant-dernière
sus-labiale est très grande et atteint la hauteur du milieu de
l'œil. La 3*= sus-labiale, assez étroite, est aussi très liante, son
bord est sur la même ligne que celui de l'avant-dernière ; elle
borde en dessous toute la préoculaire et son angle touche la
nasale. Mentonnière petite, deux fois plus large que haute. Cin(j
labiales inférieures touchant les inframaxillaires. Temporales :
une est enclavée entre l'avant-dernière et la dernière labiales ;
une autre fait suite. Les bords supérieurs de l'avant-dernière
labiale et des deux temporales sont sur une même ligne légère^-
ment brisée. Entre cette ligne et la pariétale se trouvent deux
longues plaques subrectangulaires suivies d'une troisième bordant
aussi l'occipitale.
Écailles dorsales longues et étroites, oblongues, légèrement
convexes, larges et presque carrées sur les flancs, diminuant de
largeur jusqu'à la ligne dorsale ; sur le dos elles sont disposées
par ranges obliques formant des chevrons dont la pointe est infé-
rieure. (PI. XXil, fig. 3 b.) Les pointes des chevrons se trouvent
sur une dépi-ession dorsale médiane assez apparente. Cette dispo-
sition des dorsales distingue nettement le naja des couleuvres. 21
rangées d'écaillés autour du corps ou 19. Ventrales assez hautes
au nombre de 206. Anale simple. 58 pnires de sous-caudales.
Coloration. — D'un gris do sable uni en dessus, ou d'un biun
fauve. Çà et la des écailles de couleur brune disposées sans ordre.
Dessous du corps d'un blanc très sale ; mais, chose bizarre^
ESSAI SUR LA FAUNE KRPKTOLOGIQUE DE L ORANIE 7/
eiiliéreiiioiil lnim sur l;i ici^iuii pccldi-.ile sur une loii^uetip
truii déiiini'lie «Miviroii. Queue assez couiie.
Taille. - AUeiiil 2 mètres (Blg.) Tunisie: l'°3S -f 0,28 = l-ôS.
Un petit exemplaii-e mesure 0"GOO + 0,110 = 0,710.
Distribution géographique. — (B. : S.) — Sud algérois,
constanlinois et tunisien. Maroc.
Éthologie. — Le naja habite les lieux bas et humides de
la région désertique. Ce serpent jouit de la propriété de dilater
largement son cou lorsqu'il est irrité. C'est un animal redou-
table dont la blessure est rapidement mortelle.
Dans le Sahara, le chasseur devra être prudent pour ne pas
prendre de jeunes najas pour des couleuvres.
On voit souvent le naja entre les mains des Aïssaouas dans les
provinces occidentales. Dans la province d'Oran, les charmeurs
de serpents le possèdent rarement. Le Naig, haie parait être
l'aspic des Egyptiens. C'est sans doute par cet animal que
Gléopâtre se fit donner la mort.
On sait que les charmeurs savent rendre leurs sujets raides
comme des bâtons. Pour cela ils pressent avec leurs doigts
un point spécial de la tète et l'animal tombe aussitôt en cata-
lepsie. Les prétendus (changements de verges en serpents
n'ont probablement pas d'autre origine.
SOLSOUDRE DES SOLE^^OGLYPHES
Caractères. — Un crochet mobile, venimeux, placé en avant
de chaque maxil'aire supérieur.
Ce sous-ordre est représenté en Berbéric par plusieurs
espèces de la même famille.
le'"^ Famille. - VIPÉRIENS
Caractères de la fa.mille. — Un crochet venimeux per^
foré, à l'avant de chaque maxillaire supérieur. Os inaxillaire
très court ne portant que le ciochet. Denis palatines et ptëi^y-
9
78 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉ:TOLOGIQUE DE l'oRANIE
goïdiennes non venimeuses. Tête triangulaire, élargie en
arrière, recouverte d'écaillés semblables à celles du dos, mais
plus petites (PI. XXII, fig. "j, a, b), rarement pourv^(c de
3 plaques symétriques (Vipera berus d'Europe). Pupille
verticale. Queue courte. Ovovivipares.
Généralités. — La lête dépourvue de plaques symétriques
fera reconnaître à première vue nos vipères. Les crochets
venimeux placés en avant permettront de confirmer la détermi-
nation. On a dit souvent que les crochets étaient mobiles. Ce
n'est pas tout à fait exact. Chaque crochet est fixe sur le
maxillaire très court ; c'est celui-ci qui bascule ; il se redresse
ou s'abaisse suivant les circonstances. Le crochet communique
directement avec la glande à venin. Il est entouré par une
membrane, expansion de la gencive, qui lui sert de fourreau.
Le crochet enlevé par une cause quelconque est remplacé
par un autre. Il y a sur le maxillaire supérieur un groupe de
germes destinés à remplacer le crochet venimeux. La glande
à venin est placée au-dessous de l'œil sur la mâchoire
supérieure. Elle communique par un canal avec la dent
tubulaire. Lorsque l'animal ouvre sa gueule et pique la tension
des muscles chasse le venin.
L'étude de l'action du venin a donné lieu à des travaux très
intéressants que j'ai déjà signalés. O Je n'en retiendrai ici que
les résultats essentiels. Le venin de nos vipères est très actif
et son effet doit être combattu énergiquement et rapidement.
Lorsque le venin ne tue pas il laisse des traces de para
lysie dans le membre atteint. Le vipereau est venimeux dès la
sortie de l'œuf. Le venin desséché conserve son action. Une
piqûre faite par la dent d'un animal conservé depuis longtemps
en alcool est dangereuse. Il est dope utile d'être prudent
lorsqu'on étudie les vipères des collections
Les vipériens sont généralement nocturnes. Dans le jour on
les voit rarement. Aussi est-il imprudent de traverser les
broussailles pendant la nuit sans être guêtre haut.
(1) Voir page 38.
ESSAI SUR LA FAUNE ERPETOLOGIQUE DE l'ORANÎE 70
Les vipères doivent être impiloyablement détruites.
Les oiseaux de proie et les cigognes en font disparaître un
certain nombre. Le hérisson ne les craint pas. Mais c'est le
cochon qui est le plus grand destructeur de cette maudite en-
geance. C'est grâce à cet animal que la région d'Arzew a été
débarrassée en grande partie des vipères lébétines qui y pullu-
laient.
Il paraît que dans le Sud le varan mange la vipère à cornes.
Il serait utile de contrôler ce fait et, s'il est exact, de proléger
le varan.
Les vipères de la Berbérie peuvent être réparties dans trois
genres dont voici le tableau :
Vipéridées. — TABLEAU DES GENRES
Urostèges simples. Régions sus-orbi-
tales nullement saillantes sur 'les
yeux. Œil bien visible. 11-13
lignes parallèles d'écailles caré-
nées sur la région moyenne du
dos. En dessous, sur le milieu
supérieur des flancs, les arêtes
forment des lignes obliques ; les
deux dernières rangées d'écailles
sont longitudinales et très peu
carénées. Les arêtes, tuberculeu-
ses au tiers postérieur, atteignent
finement l'extrémité de l'écaillé.
Écailles de la dernière rangée des
flancs en torme de triangle à côtés
légèrement curvilignes, à pointe
arrondie.
Genre Ecbis.
Urostèges généralement doubles (au
moins en partie). Régions sus-or-
bitales s'avançant sur les yeux.
Œil en partie caché. 2
80
ESSAI SUR LA I-AUNE ERPETOLOGIQUE DE L ORANIE
2.
Flcailles dorsales fortement carénées ;
carène saillante, souvent très rele-
vée en forme de tubercule à son
extrémité, laquelle n'atteint pas le
bord de l'écaillé. Une forte dé-
pression sur la région frontale par
suite de la proéminence des ré-
gions sus-orbitales.
Genre Cérastes.
Écailles dorsales carénées ; carène fine,
non saillante, atteignant l'extré-
mité de l'écuille. Tète peu ou pas
déprimée sur la région frontale.
Toutes les rangées d'écaillés du
dos et des flancs parallèles.
Goire Vipera.
Genre VIPERA
Caractères du genre. — Tète dépourvue de grandes plaques
symétriques, recouverte de j/ctitcs plaques écailleuscs j)as jAus
gra'ides que celles du cou. Ecailles touics disposées en lignes
longiludinale$ régulières. Dorsales finement carénées sur toute
leur longueur. Urosléjes généralement doubles. Queue très
courte, bien distincte du corps.
Trois espèces de ce genre ont été s'gnalées en Berbérie.
En voici le tableau :
1.
G. Vipera. — TABLEAU DES ESPÈCES
Museau prolongé on une pointe courte
et molle. 21 rangées d'écaillés dor-
sales.
V. Lalastel.
Museau ter-miné par une rostrale de
torme normale, non saillante.
ESSAI SUR LA. FAUNE ERPÉTÛLOGIQUE DE L'ORANIE 81
Narines sur les côtés du museau.
23-27 rangées de dorsales.
Narines supérieures, placées sur la crête
qui borde le museau. 29-31 rangées
de dorsales.
V. lebetiua.
V. arietans.
Vipera Latastei Boscà (PI. XXII, fig. 4, a;
Fig. Bull. Soc. Zool. de France, 1878 (PI. IV)
l.a vipère de Lalaste.
Vipora a.spis Strauch non auct.
V. Latastei Boscà, Boulenger.
V. Ammodytes Latr. var. Latastei Boscà, Ern. Olivier.
Cette vipère est de petite taille. Elle m'est inconnue de la Ber-
bérie. Je ne puis donc en donner la description. MM. Boulanger
et de Bedriaga la maintiennent comme espèce tandis que d'autres
persistent à n'y voir qu'une variété de la V. ammodytes.
Voici les diagnoses que donne M. de Bedriaga (Vipères euro-
péennes et circumméditerranéennes).
ce La proéminence ou corne charnue est for-
mée par la roslrale, les prénasales et 3 à 6
petites écailles. »
V. Latastei Boscà.
« La corne charnue et sa hase au-dessus des
prénasales et de la rostrale sont formées
par 15 ou 20 petites écailles. La rostrale et
les prénasales ne dépassent pas la partie
basale de la corne charnue. )>
V. amraodvtesT.
M. Boulenger (Caf. of Barh.) distingue V. Latastei comme
il suit :
« Le museau est relevé et se l(Mniine par un appendice court et
droit; rostrale deux fois aussi profonde que large ; grand bouclier
82 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE
superoculaire séparé de l'autre par b h S séries d'écaillés égales ,
2 ou 3 séries entre l'œil et les sus-labiales. 17 rangées de dorsales.
Cette ;espèce forme le passage coniplet entre V. ammodytes et
V. aspis. »
La vipère de Lataste a été signalée à Bône, à Guyotville et au
Maroc. Elle pourrait donc être rencontrée dans la province d'Oran,
La figure que j'en donne d'après celle de Boscà la ferait aisément
reconnaître. Certaine vipère tuée dans les environs de Béni- Saf,
et, dont on m'a parlé, appartenait peut-être à celte espèce.
Taille. — 0,470 -f 0,060 = 0,530 (Blg.)
48. Vipera lebeiina l. et var. (Pi. XXII, fig. 5, a, h)
Fig. Guichenot. Expl. se. de l'Algérie. (PI. III)
Variété deserti Anderson (loc. cit. P. Z. S., 1892) PI. 1 , fig. 6 et 7.
Vipère lébétine.
Vipère minute ; Vipère d'Arzew. Arabe : Lefaâ.
Vipera lebetina Forsk., Strauch.
Echidna mauritanica Gerv., D. et B., Guichenot.
Vipera mauritanica D. et B., Lallemant.
Vipera brachyura Schlegcl.
Vipera lebetina L., Blg., Ern. Olivier.
Vipera lebetina L., variété deserti Anderson.
Voici la descriptioiâ d'un individu de taille moyenne :
Crochets implantés à la hauteur des préoculaires. Deux
rangées de 9 dents au palais ; la 3" dent distante de la 4«, la
5« la plus longue. A la mâchoire inférieure une dizaine de
dents de chaque côté ; les antérieures, très distantes les unes
des autres, sont les plus grandes.
^ Tête triangulaire, presque aussi large en arrière que longue ;
moitié antérieure bien rétrécie. Rostrale verticale, très mince,
couvrant le bout du museau, à peine plus haute que
large, non repliée en dessus. Sur la région apicale se trouvent
deux rangées de trois petites plaques comprises en deux
plaques relativement grandes. Dessus de la tête couvert de
petites écajUes, irrégulièrement disposées, lisses ou très peu
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE 83
carénées. Au milieu, sur la ligne interorbitale il y a, le plus
souvent, une plaque hexagonale égalant en surface celle de
quatre écailles contiguës. Chaque région sus-orbitale est
recouverte par 5-7 plaques de grandeur variable égalant 1 à 3
fois celle des plaques de la région frontale; deux ou trois, plus
grandes, bordent l'arcade sourcilière. Occiput couvert d'écail-
lés semblables à celles du dos mais bien plus petites.
Narines très grandes s'ouvrant en éventail entre deux ou
trois plaques difficiles à distinguer même chez les jeunes sujets.
Avec l'âge les sutures s'anostomosent et les nasales forment un
cornet à large ouverture qui est placé entre la !''<' sus-labiale,
la nasorostmle, la canthale et 3 ou 4 petites plaques situées à
l'arrière. Œil entouré par une série complète de 13 petites
plaques (I7 avec celles de l'arcade sourcilière) imbriquées
par les côtés ; contour oblong, presque deux fois aussi
long que haut, séparé des labiales par deux lignes d'écaillés
de même grandeur. Temporales semblables aux écailles des
flancs. Labiales : -jg- ; les 4°^ bien plus grandes que les autres.
Une seule paire de plaques inframaxillaires simples, grandes,
presque aussi larges que la longueur de la suture en contact
avec quatre sous-labiales. Deux petites plaques parallèles
semblables entre elles font suite aux inframaxillaires.
Écailles dorsales deux fois aussi longues que larges,
subarrondies obtuses à l'extrémité, finement carénées sur
toute leur longueur, disposées sur 27 rangées. Corps
obtusément triangulaire dans le tiers inférieur. 167 gastros-
tèges ; anale simple ; 49 rangées d'urostèges (8 doubles
-f 6 simples -f 20 doubles -f 2 simples -f- 2 doubles -|- 1 simple
-f 3 doubles -f- 1 simple + 6 doubles). Mâle du Santa-Cruz
d'Oran : 25 janvier 1891.
Variations. — Chez un grand exemplaire (Musée d'Oran)
la plaque nasorostrale est très grande ; sa partie la plus large se
trouve dans l'angle formé par la rostrale et la i'^^ sus-labiale.
La nasoroslralequadrangulaire a environ 1 centimètre de plus
grande largeur sur 7 mill. de hauteur ; la moitié antérieure de
la plaque est unie, la partie postérieure est fortement échancrée
par l'ouverture nasale qui est revêtue d'un cornet tr^ mince ;
84 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE
la base de l'ouverture nasale est arrondie et distante de 1,5 à
2 mill. de la l'*^ sus-labiale ; en haut elle se termine en une
fente oblique qui pénètre entre la canthale et la nasorosirale.
On peut donc dire que la narine est comprise entre la naso-
rostrale, la canthale et la nasofrénnle.
Le nombre des écailles est aussi variable. On peut compter
23 à 27 rangées de dorsales ; 156-171 gastrostèges (en Berbérie) ;
38-51 sous-caudales, toutes ou le plus grand nombre doubles.
J'ai constaté moi-même les variations suivantes :
Rangées Gastrostèges Uroslèges Taille
Oran (màle) 27 167 4'.J rangées 5 15 + 85 = 0,600
Ain -Tcmoucliciil (femelle). '27 166 50 paires 845 + 55 =i 0,4tX)
Oued Sellioun (femelle) .. .27 166 52 paires 626 -f 94 = 0,720
Mécheria 27 171 52 paires 465 + 75 =: 0,540
Le nombre et la forme des écailles des régions sus-orbitales
sont très variables. L'échantillon de Mécheria présente sous
ce rapport des diflérences sensibles mais bien subtiles. Le
nombre de 171 gastrostèges est plus intéressant.
Coloration. — Variable dans le fond mais non dans la
disposition des taches. Fond gris ou roussàire à taches noires
ou brun clair. ïête unie en dessus, contournée par une large
bande qui passe par les tempes, la région frênaie et la rostrale ;
cette bande qui, à la hauteur de l'œil, descend derrière l'angle
de la bouche, s'étend sur le côté du cou et se continue par une
ligne de grandes et longues taches qui parcourt le haut des
flancs. Lèvre supérieure blanche avec quelques taches sur
les labiales antérieures. Lèvre inférieure et gorge blanches
et tachées. Sur le dos de grandes tac;hes alternantes qui se
réunisârent par leurs pointes internes ; elles forment ainsi une
grosse ligue sinueuse assez régulière. Cette bande a au moins
1 centimètre d'épai.sseur ; ses bords sont plus foncés que
l'intérieur. Parfois la bande dorsale est interrompue par des
^taches de grandeur double et entières. Sur le haut des flancs
se trouve une ligne de taches 3 à 4 fois plus longues que
hautes, peu distantes ; ces taclM,'s deviennent plus hautes vers
le milieu du corps et se prolongent même, en dessous, en
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'ORANIE 85
bandes qui atteignent les ventrales ; elles alternent avec les
sinuosités rentrantes du dos. Une autre ligne de petites taches
irrégulières borde le ventre, lequel est ou tout sali de noir
ou d'un blanc jaunâtre très sale.
Si le fond de la coloration est grisâtre le système de taches
du corps est noir ou noirâtre ; si le fond est roussàtre les
taches sont d'un brun roussàtre.
Les jeunes ont la queue jaune serin.
Chez le mâle la (jueue continue bien le corps. Chez la
femelle la région anale se rétrécit brusquement; elle est bien
plus épaisse que la base de la queue.
Taille. — Jusqu'à r"ôO (Mon plus grand exemplaire
0,735 + 0,11 1^0,740.)
Distribution GÉOGRAniinuE. — (B: T , H. PL, S.) — La
V. lebelina est commune dans la province d'Oran. Elle a été
signalée à Oran par Strauch (Coll. Gaston) et à Nemours
(Ern. Olivier). Jel'aivue oueued'Oran: Planteurs, Santa-Cruz
(plateau), Polygone, ialaises de Gambetta; de la Montagne des
Lions où elle abonde ; du djebel Kristel(deLariolle); du djebel
Orousse, de Saint- Leu, de Misserghin; de Rio-Salado (P. Pal-
lary); d'Aïn-Temouchent (Michaud); de Sidi Douma (Lafosse);
de Beni-Saf, de Sebdou, de Bedeau ; de Méchéria (Hiroux
et coll. Moisson, Musée.)
Le Musée d'Oran possède léchantillon gigantesque de la
collection Gaston, cité par Strauch. Voici un aperçu des dimen-
sions de la peau de ce monstre. La tète, bourrée de plâtre et
aplatie, est large en arrière de 0,iO ; elle est bien distincte du
cou ; la hauteur du triangle qu'elle forme est de 0,060 seule-
ment, en prenant la plus grande largeur pour base. Yeux dis-
tants entre eux de 15 mill. ; la ligne qui les joint n'e^t qu'à
14 mill. de la rostr.ile. En arrière du triangle formé par la
rostrale et les yeux la tête s'élargit d'une façon anormale. Les
écailles de la tête, disposées en lignes droites, sont contiguës
mais non imbriquées sur le front; vers l'occiput les lignes
s'écartent en éventail ; en arrière de la ligne des angles de la
bouche elles sont distantes ; sur le cou elles sont parallèles
tout en restant éloignées les unes des autres. Sur le corps les
86 ESSAI SUR LA FAUNE EftPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE
écailles sont grandes et imbriquées. Les rangées sont au
nombre de 27, les ventrales de 166 et les sous-caudales de 50
environ.
La longueur totale de la dépouille est del™50, la largeur de
0,12 soit à peu près 0,25 de tour. La queue mesure 0,15
à 0,16 de longueur. Arzew (1848).
Le Musée d'Oran possède un autre magnifique échantillon,
en alcool, provenant aussi des environs d'Arzew. Il est peut-
être aussi long que celui de Gaston, mais il est bien moins
gros. La plus grande épaisseur du corps est de 5 centimètres.
L'animal étant très bien enroulé dans son bocal je ne l'ai
pas mesuré.
Variété DESERTI Anderson (Pi. XXII, fig. 5 6)
Fig. Anderson (loc. cit.)
M. Anderson (loc. cit.) a if.éparé sous ce nom deux exemplaires
qu'il a rapportés de Duirat (Tunisiej. D'après la description et la
figure qu'il en donne, il m'est bien difficile de les distinguer de
l'animal d'Oran. II leur attribue 167 gastrostèges, 5t paires d'uros-
téges et 27 rangées d'écaillés autour du corps. Ces caractères sont
absolument ceux des vipères oranaises.
Les plaques de la tête de la variété deserti offrent bien quelques
légères différences, mais elles sont difficiles à fixer.
Éthologie. — La vipère lébétine habite les lieux rocheux
et broussailleux. Les endroits bien secs semblent lui déplaire.
Elle voyage surtout la nuit. Le jour, en été, lorsqu'il
fait très chaud, on peut la prendre engourdie sous les grosses
pierres. Il est plus prudent de la rechercher de bon matin au
lever du soleil. Elle sort dès le premier printemps, mais c'est
en avprl-mai qu'elle est le plus commune. Les petits naissent en
mai ou juin. Une femelle prise à Aïn-Temouchent le 24 avril
avait un chapelet de 13 œufs (8 mill. sur 3). Cet exemplaire
qui n'avait que 0,95 de long mesurait 45 millimètres de dia-
mètres. Il était à fond gris et à taches noires. J'avais cru long-
temps que le tond fauve distinguait les femelles. Il n'en est
rien.
La morsure de cet animal est très dangereuse. On ne la
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'orANIE 87
combat presque jamais efficacement. Le membre piqué reste
longtemps enflé et paralysé si le traitement n'a pas été rapide.
La chasse de cette vipère demande beaucoup de précautions.
Une baguette flexible, solide et de fortes guêtres montantes
sont indispensables. La meilleure arme à employer est un
trident en fer emmanché au bout d'un long bâton.
La région d'Arzew a été longtemps infestée par les vipères
et on en trouve encore assez souvent dans les vignes de Saint-
Leu, Damesmes. Sainte-Léonie, etc. C'est dans le djebel
Orousse et la Montagne des Lions que cette maudite engeance
pullule encore. Il n'est pas rare de voir dans ces parages
des vipères d'un mètre. J'ai déjà dit que les cochons les
dévoraient sans craindre leurs piqûres. Aussi fait-on pacager
ces animaux dans les terrains broussailleux que l'on veut
défricher.
Vipera arietans Merr. (PI. XXIII, fig. 1, a)
Fig. Wagl. Icon. Amph. (PL XI)
Vipera arietans Merr., Boulengc ,
La vipère heurtaule.
Cette espèce du grand Sahara a'a été signalée que dans le
sud-ouest du Maroc.
Genre CERASTES
Caractères du genre. — Tête recouverle d'écaillés petites,
irrégulières, presque toutes carénées ou tuberculeuses. Ecailles
latérales des flancs disposées obliquement ; dorsales fortement
carénées, à caréné n'atteignant pas l'extrémité de Vécaille.
Urostèges doubles.
Ce genre se sépare nettement du précédent. Le faciès
générique des espèces qu'il renferme est caractéristique. En
revanche, il n'est pas toujours facile de distinguer les espèces
entre elles. Deux se trouvent en Berbérie. En voici le tableau ;
88
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE
G. Cérastes.
TABLEAU DES ESPÈCES
Arcades sourcilières surmontées cha-
cune d'une corne dressée bien
distincte, aiguë, longue de 6 mill.
environ (Pi. XX III, lig. 3.)
\ Pas de cornes saillantes.
C corniitus.
Régions sus-orbitales très relevées et
recouvertes d'éciiiles tubercu-
leuses dont une, pyramidale et
légèrement proéminente, domine
au mi'ieu et au-dessus le bord de
l'arcade sonrcilière. Écaillure
t'ro taie aussi tuberculeuse, bien
dilTérenle de celle du cou. Tête
épaisse ; museau bien plus étroit
que le crâne. Au moins 29 rangées
d'écaillés autour du corps.
Écailles de la deiMiière rangée
des lianes en forme de triangle cur-
viligne terminé en pointe aiguë.
G. corniitus. Variété mutila.
2. \ Régions sus orbitales peu relevées,
recouvertes par des écailles min-
ces, absolument plates, imbri-
quées, carénées (saut les 2 ou
3 sourcilières); carènes larges,
bien nettes ; bords pel lucides.
Écaillure frontale à éléments plus
petits, du même type que ceux
du cou. Tète assez plate, peu
épaisse, à côtés parallèles réguliè-
rement raccordés avec le contour
du museau. 2-2 rangées d'écaillés,
25 au plus. Écailles de la dernière
ligne des flancs à bords latcrau.x
presque parallèles, tronquées ar-
rondies à l'extrémité,
C. Viper a.
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE LORANIE 89
49 . Carasies vipera L. (Pi. x XIII, fig. 2, a, h)
Fig. Blg. Cat. rept. Darb. (PI. XVIII, fig. 2. a, b, c.)
Le céraste vipère.
Vipera Avicennœ Alp., Slrauch, Lallonant.
Cérastes vipera A., Blg., Ern. Olivier.
Echidna atricauda D. et B.
Ne possédant pas d'exemplaire algérien de cette espèce, je
me vois obligé de donner la description d'un sujet d'Egypte :
Tête petite, peu épaisse, brusquement rétrécie en arrière :
longueur 19 mill., largeur 14, épaisseur 7 à 8 ; côtés du crâne
parallèles jusque vers le milieu de la tête, devenant ensuite
obliques vers le museau dont le bout a 4-5 '"/■" de largeur.
Arcade sourcilière retirée en arrière, laissant voir presque tout
le globe de l'œil. Piégions sus-orbilales peu relevées, absolu-
ment dépourvues de toute protubérance pyramidale ; écailles
minces, pellucides, celles du bord lisses, les suivantes carénées.
Toutes les écailles du dessus petites, mais du même type que
celles du cou. Œil entouré par 9-11 écailles redressées, ne
présentant que leur bord. 3 rangées d'écailles£ntre la ligne des
sous-oculaires et les labiales. Vue petite cavité sur le museau
à égale distance des yeux et de la rostrale ; deux écailles
carénées, plus grandes que les voisines, la bordent. Narines
mal définies comprises dans une seule plaque ou entre deux.
Rostrale petite, presque sans épaisseur, en anse de panier.
11 1'
Labiales : -^ -jf-. petites, subégales. Mentonnière allongée,
aiguë postérieurement ; l'*^^^ sous-labiales presque aussi larges
qu'elle ; les trois plaques ne s'avançant que très peu ou pas
du tout entre les 2 inframaxillaires. Museau vu de face presque
plan en dessus ; régions nasales peu carénées.
Écailles dorsales relativement grandes, très obtuses, à carène
bien visible, peu tuberculeuse à l'extrémité laquelle est nette-
ment distante du bord de l'écaillé. Sur le dos les arêtes et
les écailles forment 9 lignes parallèles; sur les flancs^ les
écailles sur 3 ou 4 rangées forment des lignes obliques ;
90 ESSAI SLtR LA. FAUNE EftPÉTOLOCIQUE DE l'oRANÎE
enlin sur la base des flancs il y a 2 ou 3 lignes parallèles
d'écaillés ; ces écailles, Ironqiiées arrondies, distinguent l'espèce.
H y a donc en tout 23 séries d'écaillés autour du corps.
1 Ii-H7 gastrostèges ; anale simple ; 10 à 22 rangées d'uros-
tèges doubles et simples.
Cou très étroit. Dos nettement caréné. Un tort pli de chaque
côté des ventrales. Queue très courte portant en dessous des
écailles doubles et simples imbriquées comme chez les
lézai'ds. Dans la partie postérieure, les écailles sont sur une
seule rangée. Un ergot aigu de 2 à 3 mill. termine la queue.
Mes exemplaires présentent :
rangées gasir. urost. ■ Taille
Mâle . . 22 113 22 (7 doubles + 15 simples). 238 + 32 z= 0,270
— 22 111 22 18 \- ^ — 205 + 36=0,301
Femelle. i9 117 19 8 h H — 268 + 24=0,292
Coloration. — Fond gris ou rouge de sable avec des lignes
de taches de grandeur moyenne plus foncées. Parfois les
taches se réunissent pour former des bandes transversales
irrégulières et incomplètes. Lignes d'écailles parallèles de la
base des flancs et ventre d'un blanc sale. Bout de la queue
souvent noir. {Echidna alricauda D. et B.)
Sexes. — Mâle. — Queue large.
Femelle. — Queue fine bien plus étroite que le corps.
Taille. — 0,265 + 0,036 — 0,301.
Distribution géographique. — (A.i., Ti : S.) — Désert
de l'ouest (Schousboë).
Observation. — Après bien des hésitations, j'ai signalé
cette espèce comme existant à Méchéria (Association Fran-
çaise, Congrès de Tunis, 1896), d'après un échantillon de la
collection Moisson, aujourd'hui au Musée d'Oran. Maintenant
je crois, sans encore oser l'affirmer, que l'individu de Méchéria
n'est qu'un jeune cérastes cornutus de la variété mutila.
Ces incertitudes démontrent que la distinction entre les
ESSAI SUR r A FAtJNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'oRANIE 91
jeunes vipères à cornes de la variété muVda et les cérastes
vipères n'est pas toujours facile. L'exemplaire en litige, un mâle,
présente de 23 à 25 ou 26 rangées de dorsales au milieu du
corps, 104 gastrosteges, et 19 rangées d'urostèges toutes
doubles. Les caractères des écailles de la tète sont du cerasles
cornuins variété mutila. En résumé, l'échantillon otïre des
caractères communs aux deux espèces.
Éthologie. — Je ne sais rien de cette espèce désertique.
50. Cérastes coniufiis L. (Pi. ixxiil, fig. 3, c)
La vipère à cornes. Arabe: Lefaâ.
Vipera cérastes L., Slrauch, Lallemant.
Cérastes cornutus Forsfc., Blg., Ern. Olivier.
Cérastes cornutus L., variété mutila Nob.
La vipère à cornes est bien recunnaissable quand les cornes
existent. Ces cornes sont de véritables pointes, subarrondies,
aiguës, assez molles et portant 3 ou 4 sillons longitudinaux.
Elles sont implantées sur la peau et peuvent se plier sur leur
base. Leur longueur atteint 5 à 6 millimètres. Assez souvent les
cornes manquent même chez les vieux individus. Elles sont
remplacées par un petit tubercule pyramidal peu proéminent.
Je distingue cette variation sous le nom de mutila. Voici la
description d'un sujet sans cornes adulte :
Variété MUTILA Nob. (PL XXIII, fig. 3 a, b)
Tête très large en arrière, étroite et concave en avant,
brusquement rétrécie sur le cou. Longueur: 25 millimètres,
largeur entre les tempes 20, en arrière des tempes 17, distance
entre les faces concaves du museau 14. Les tempes sont donc
saillantes par rapport au museau très obtus. Ce dernier a ses
côtés subparallèles, son contour en anse de panier. Tête aplatie,
mais relativement épaisse et dominée par les régions sus-
orbitales très proéminentes qui sont couvertes de tubercules
rendus subpyramidaux par l'épaisseur de la carène. Les tuber-
cules formant l'arcade sourcilière sont en dos d'âne. En arrière,
92 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE E'ORANIE
sur la deuxième rangéi' el au milieu, ï^e tiouvc uu germe de
corne en foruie de tubercule pyramidal d'uu millimètre.
La forme subpyramidale des écailles sus-oibi laies, sourci-
lières et frontales me seml)le distinguer nettement la C. cornu-
tus de la C. vipera.
Arcades sourcilières s'avanrant sur Toîil qui est peu visible
vu en dessus ; elles sont séparées par une distance de 11 mill.
Sur le museau il existe une petite cavité à égale distance des
narines et des yeux ; deux écailles de près d'un millimètre la
bordent. Deux ou trois écailles pyramidales se voient aussi sur
la région pariétale.
Narines entre deux plaques ; un cornet sépare la nasale de
la postnasale. Rostrale en forme d'anse de panier large de 3 et
haute de 1 millimètre. Museau, vu de foco, très concave en
dessus par suite de l'élévation de la région nasale en forte et
large carène. Une protubérance dans la région frênaie.
Œil bien plus long que large, écrasé, bordé pur des écailles
carénées tuberculeuses présentant leur grande surface, au
nombre de 13 sur le pourtour de l'œil en comptant celles de
l'arcade sourcilière dont les deux médianes se distinguent par
leur plus grande dimension. Quatre rangées d'écaillés entre la
bordure de sous-oculaires et les sus labiales. Labiales-^; les
inférieures assez inégales. Mentonnière aiguë, dépassée par
les premières sous-labiales qui pénètrentjusqu'au-^ des deux
inframaxillaires. Trois sous-labiales touchant ces dernières.
Ecailles dorsales sur 29 à 31 rangées; celles de la région
médiane, grandes, obtuses, très carénées, à carènes fortement
tuberculeuses, distantes du bord des écailles et formant
9 lignes longitudinales et parallèles. Sur le milieu des flancs
il y a 8 rangées d'écaillés disposées en lignes transversales,
obliques. Enfin la base des flancs est parcourue par 3 rangées
d'écaillés planes, cordiformes, à pointe aiguë. 135 ventrales
sans plis saillants. Anale simple. 31 urostèges doubles.
Dos très peu caréné. Queue courte portant en dessous une
double série d'écaillés imbriquées. Un ergot assez gros de
2 mill. la termine. Les sous-caudales sont larges, à bord libre
curviligne. Celles du dessus de la queue portent des carènes
très saillantes qui forment des lignes parallèles bien visibles.
{A suivre). F. DOUMERGUE.
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préocula'res.
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n:asirostcg:es ,
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NOUVELLE GEOGRAPHIQUE
LA TRAVERSÉE DU RIF
Un événement géographique de la plus haute importance
vient d'avoir lieu au Maroc. Notre compatriote, M. de Segonzac,
a traversé le Rif. Parti de Fez, il est arrivé à Mliliya après
avoir parcouru la région septentrionale de la province de Fez,
les Djebala méridionaux et enfin le Rif dans toute sa largeur.
Voici d'ailleurs, à titre documentaire, la lettre que m'écrit à
ce sujet le vaillant explorateur :
Sélouan, 27 mars 1901.
Cher Monsieur,
Comme je vous le disais, j'ai pris la route de Mliliya par
Tafersit. Je campe aujourd'hui à quelques heures à l'Ouest de
Mliliya, au bord de la mer, près de la Kasba de Sélouan.
J'ai fait un bon voyage, facile, encore qu'un peu dur, à cause du
temps affreux et de la misère qu'il faut subir. Je n'ai pas le temps
de vous donner des détails; je réserve tout cela pour nos cause-
ries du retour, car je compte bien revenir par Oran, mais dans
beaucoup de temps, le plus possible ; j'ai tant de choses à voir !
J'envoie en France mes notes de route, mon itinéraire levé
au ,,,r,-7y,7. appuyé par :}uelques observations astronomiques, et une
soixantaine de vues panoramiques. J'espère que tout cela formera
un tout exact et intéressant. Demain je pars pour El-Ksar-el-Kebir
de façon à traverser le Rif par son milieu en suivant à peu près
l'itinéraire Tafersit-Ouazzan
Il est donc probable qu'à l'heure actuelle M. de Segonzac a
retraversé le Ptif par une route dilTérente de la première. Sa
prochaine lettre, que j'attends avec impatience, me fixera à cet
égard. Dans tous les cas, la Société de Géographie d'Oran, dont
M. de Segonzac est membre, adresse d'ores et déjà à cet
intrépide voyageur l'expression de ses plus vives félicitations.
A. MOULIÉRAS.
10
BIBLIOGRAPHIE
Le Transsaharien et la pénétration française en Afrique, par
M, Maurice Honoré (Paris, Pcdûiic éditeur, rue SoufBût, 13. — 1901)
Cette brochure est le sujet d'une thèse de doctorat, soutenue
l'année dernière, devant la Faculté de Droit de Paris, par son
auteur, M. Maurice Honoré. Elle est accompagnée d'une carie
périmélritjue, très sommaire, do la partie septentrionale du
continent africain, avec quelques légères indications déterminant
les limites du pays soumis à notre influence.
Au point de vue littéraire, ce travail est parfaitement correct ; il
i^enferme des indications historiques très nombreuses et très
intéressantes, fruit de l'étude analytique d'une quantité d'ouvrages,
dont les litres et les noms des auteurs sont reproduits à la tin de
la brochure et comprennent plus de cent cmquante éléments ;
c'est une œuvre de bénédictin^ qu'un peu de technologie, en
matière de chemin de fer, aurait rendu complète.
L'ouvrage, précédé d'une introduction intitulée : La France
Africaine, estdiviséen quatre chapitres. Le l"a pour titre; L'Idée
transsaharienne ; le 2° a pour objet : Vétude politique du Sahara ;
le 3* traite ànV étude économique ûe ce. même Sahara.* le 4' examine,
très sommairement, les divers tracés du transsaharien essayés p&v
divers auteurs. Une conclusion termine celte énuméralion de
chapitres.
L'introduction est fort intéressante; elle résume les différents
événements qui se sont accomplis dans le Nord de l'Afrique,
depuis les premiers temps jusqu'à nos jours. Elle établit que la
France a une large part dans ces événements, qui ont pour résul-
tats politique et économique, la conquête méthodique de l'Algérie
et d'une grande partie du Soudan occidental. M. Honoré donne
les noms des principaux explorateurs qui, dans ces derniers
temps, ont contribué à l'achèvement de cette conquête.
Nous regrettons que des conditions de brièveté nous oblige de
suivre au galop les diirérentes étapes que la civilisation a parcou-
rues, et nous prive, ainsi, de mettre en relief les noms des valeu-
reux et glorieux explorateurs qui ont doté la Patrie française de
vastes possessions constituant noti-e fortune coloniale africaine, et
que nous avons pour devoir d'élever à notre cote de civilisation.
Parmi ces explorateurs, il faut mettre en tète de ligne» René
Caillé, dont la grande majorité de nos compatriotes, hélas, ignore
BIBLIOGRAPHIE
#î
l
le nom. C'est le premier français qui ait traversé l'Afrique, depuis
le crolfe de Guinée jus(]u'au Maro(\ imi passant par Tomboucloii,
sans aide et sans appui. Nos grands administrateurs algérieris"'
ont donné le nom de cerlains personnages, remarquables pàt''
rinutil:té de leurs travaux, à divers centres de colonisatiori"^'^'
personne n'a songé a Reni'î Caillé. Ce cas n'est malheureusemëfft^
pas seul. Il est du devoir de la Société de Géographie et d'Arckéh-
logie d'Oran, de pi'ovoquer la r.qjai'alion de ces erreurs, et '^el)
mettre bien en lumière ces hnidis pionniers par qui. d'étape enii
étape, le drapeau de la France a été porté jusqu'au bassin du HaulV[
Nil, selon l'expression de M. Honoré. '
Le chapitre I" de la ])rochui-e, traite, avons-nous dit, de l'idée
dti Transsaharien, depuis René Caillé à Duponchel ; c'est le résumé
indicatif des travaux des divers voyageurs, français et étrangers,
qui ont eu l'idée de chercher les rapports qui pouvaient unir, à
travers le Sahara, la population du Nord de l'Afrique à celle de
l'intérieur, à pariir du commencement du dix-neuvième siècle. Les
renseignements fournis par l'auteur de la brochure témoignent
en iaveur de ses recherches bibliographiques, recherches qui ne
peuvent être accomplies utilement qu'à Paris, où les éléments
d'étude ne font pas défaut. Nous aurions été heureux de repro-
duire, ici, les noms de tous ces courageux voyageurs et explora-
teurs; mais, à cet égard nous recommandons spécialement le travail
de ^L Honoré. Nous ne pouvons pas résister cependant d'en citer
quelques uns, quoi(iue di'jà bien connus, tels que Duveyrier,
Mizotj, Galiéni, Binger, Doodds, Crampel, les Pères blancs,
Dourneau- Duperré , Dybowski, Maitre, Marchand, Gentil,
Foureau- l.amy. et plus récemment. Flamand; tous français, dont
nous avons pour devoir de conserver précieusement les noms.
En ce qui concerne les travaux sur le transsaharien, M. Honoré
cite ceux de Duponchel, à qui reviendrait, selon lui, la paternité
de cette magistrale voie de communication ; ti'avaux, cependant,
plus théoriques que démonstratifs, par suite du défaut de docu-
ments géographiques et statistiques suffisamment exacts; puisque
les projets formulés ont été reconnus, plus tard, irréalisables. Il
cite, ensuite le résultat des missions officielles de Choisy,
Pouyanne et Flalters ; mais il est muet, on ne sait pas pourquoi, sur
1 intervention de la Société de Géographie et d'Archéologie d'Oran,
qui poursuit la résolution du même problème depuis plus de 2;"! ans,
lequel a été résolu légalement en noti-e faveur, malgré de hautes
interventions, telles que celles de MM. Leroy Beaulieu. Rolland,
Fock, Philebert, Broussais, d'Alger, Bonnard, de Tunis, etc. Cet
oui) i paraît bien singulier. A peine l'auteur du : Le Transsaharien
cile-t-il l'inauguration officielle de la première section du
Transsaharien d'A'in-Sefra à Djenien-hou-Resgh , faite le
96 . BIBLIOGRAPHIE
1" février 1900, sous la présidence de M. le Gouverneur Général
Laferrière, et dont l'effet eut un certain retentissement. Il parle
cependant du résultat, que nous avons déjà applaudi, de la mission
Flamand dans le Touat el le Tidikell, rorili-ée qi)(> le ti'anssaharien
occidental atteindra bientôt et dont le t. rminus obligatoire est
Tombouctou, quoi qu'en disent les détracteurs.
Le chapitre II, répétons nous, est consacré à une étude politique
du Sahara, dont l'auteur lait une description bien sommaire ; elle
ne présente, pour nous, qu'un intérêt biea affaibli. Du reste,
M. Honoré dit que le Sahara n'est qu'une expression géogra-
phique, car on y trouve les races du Nord de l'Afrique, sans
domination commune et dont l'histoire est peu connue.
II ne nous a pas paru bien nécessaire de consacrer à ce chapitre
un long développement ; et nous arrivons au chapitre III, ayant
pour objet : l'étude économique du Sahara.
Les données que ce chapitre renferme, sur le commerce trans-
saharien, remonteraient aux époques biblique et phénicienne.
C'est, peut-èlre, d'un intérêt historique incontestable, mais nous
sommes obligé de nous limiter. On doit signaler, cependant,
l'indication des différentes roules qui sillonnent le pays saharien,
du Soudan au Maro;", en traversant le Touat, et de l'Atlantique à
la Tripolitaine. Elles donneraient lieu, selon l'auteur, à un mouve-
ment commercial de caravanes de dix à onze millions de francs.
Toutes les données fournies, à cetéganl, sont bien hypothétiques ;
elles sont le résultat des appréciations do divers auteurs, sans
démonstration positive, ou, tout au moins, probable. On se souvient
de l'importance considérable, au point de vue; commercial, qu'on
attribuait, autrefois, à la grande métropole soudanienne de
Timbouktou ; on sait ce qu'il a fallu en rabattre. Il eut été plus à
propos, plus intéressant, de signaler le mouvement commercial
auquel donnent lieu, annuellement, les caravanes qui partent du
Sud de la province d'Oran et vont opérer des échanges jas(ja'uu
Gourara et au Touat. Les nombreuses opérations commerciales
que ces caravanes ont fait naître, s'accomplissent depuis longtemps
dans la plus encourageante sécurité. L'effectif comprend plus de
3,000 hommes, fertimes et enfants, 8,0U0 chameaux et 3,000 mou-
tons. La" présence des femmes et des enfants est l'indice de la
tranquillité qui régne généralement dans ces régions. Cependant,
M. Honoré signale le marché aux esclaves du Touat et du Tidikelt,
dont il donne les prix. Ce détnil nous a paru suns intérêt; ce
marché sera certainement interdit.
En ce qui regarde le chui)itrc IV, ayant pour objet l'étude
économique du Sahara, il est subdivisé en deux paragraphes:
§ 1", Le commerce transsaharien ; § 2% Hypothèse sur le commerce
futur,
BIBLIOGRAPHIE 97
La dissertation, à laquelle donne lieu ce chapitre, est un peu
longue. M. Honoré remonte aux époques biblique et phénicienne,
il est question de la domination romaine, de la période Lybique,
de l'occupation islamique. Tout ce'a est fort intéressant, au point
de vue historique, mais ces considérations sont à peu près étran-
gères au point de vue du transsaharien et ne fournissent aucun
élément positif en matière économique et commerciale Ces
éléments sont essentiels, indispensables, cependant, lorqu'il s'agit
d'établissement de voie ferrée. Aussi bien, nous sommes à cet égard,
absolumentde l'avis de M. Honoré, lorsqu'il dit : « Avant de décider
« la construction d'un chemin de fer à travers le Sahara, il faut
« savoir, d'une manière cei-taine, si les dépenses seront couvertes. »
Or, on est absolument dépourvu d'éléments positifs à ce sujet.
Passons au chapitre V, il a pour litre : les tracés du Trxns-
saharien. Ces tracés sont au nombre de cinq et semblent établir
une sorte de confusion avec les données de la carte qui nous
montrent cinq lignes ou tracés principaux sillonnant toute l'étendue
du Grand ISahara.
Le 1"' tracé est relatif au Transsaharien par Oran ; le 2° concerne
celui partant d'Alger pour aboutir à Laghouat; le 3" vise la ligne
Constantine, Biskra, Ouargla pour atteindre les rivages du Tchad;
le quatiième, est un tracé nouveau, partant de Bou-Grara, dans
le golfe de Gabès, pour aboutir, lui aussi, au Tchad. Enfin, un
cinquième tracé, traversant la partie orientale de la Tripoli taine,
passant par Moursouck, aboutissant aux régions ci-dessus
signalées.
L'ensemble de ces tracés constitue, sur la cai te de M. HonorJ, un
véritable réseau de voies ferrées, ayant pour objectifs : Saint-Louis-
du-Sénégal, Tombouktou, Zinder, le Tchid et de ce dernier point
à Luango, dans le Congo français.
A l'exception du tracé occidental oranais, dont le principe est
légalement résolu, ces diverses lignes ne sont l'objet, de la part
de l'auteur, que de ({uelques explications très sommaires, qui ne
détruisent en rien l'opinion que nous avons émise plusieurs fois,
sur le caractère irréalisable de leur construction, et surtout, de
leur exploitation technique. Les principales raisons ont été mises
en évidence, dans nos conférences faites au Congrès national des
Sociétés françaises de Géographie, qui s'est réuni à Paris en 1889
et à Alger en t.8'.)'J. (Voir, à cet égard, le volume publié parla Société
de Géographie d'Alger, sur les travaux de ce dernier Congrès.)
Ces raisons sont basées: 1° Sur l'absence absolue des conditions
hydiologiques indispensables pour l'exploitation normale et régu-
lière d'une voie fei'rée ; 2° Le caractère absolument désertique
des régfons ti-aversées, mis brillamment en lumière, par M. Camille
Sabatier ; 3" Populations rares, instables et à demi-sauvages. Sur
98 BIBLIOGRAPHIE
ce chef, les conclusions de l'auteur de )a thèse : le Transsnharien,
s'appuient sur les a|)piécialions de Gérard Rholf, du docteur Lenz,
de Duveyriei-, de Foiireau et d'Augustin Bernard. Cependant, son
opinion est favorable aux seules lignes de pénétration d'Alger ù
Laghouat et de Philippeville à Ouai-gla, malgi-é Leroy- Beaulieu
et les propriétaires des Palmeraies de l'oued R'hir.
D'ailleurs dans l'esprit de M. Honoré « le transsaharien serait-
il décidé, qu'il aurait deux obstacles à surmonter: le premier,
matériel ; le second, financier », obstacles qu'il développe très
logiquement.
Nous partageons son sentiment.
Ceci n'empêche pas que le travail qui nous occupe en ce moment,
est fort intéressant et très instructif, par ses aperçus historiques
et ethnographiques ; il sera consulté très uiilement par toutes les
personnes qui s'intéressent aux choses louchant la partie occiden-
tale du nord de l'Afrique et de nos possessions sahariennes et
soudaniennes.
J. BOUTY.
Cinq textes berbères en d'alecte Chaouia, par M. Gustave MERCIER
Nous avons à signaler une nouvelle contribution de M. G. Mercier
à l'étude des langues de souche berbère
Les cinq textes en dialecte chaouia que cet auteur a fait paraître
dernièrement dans le Journal Asiatique (I) sont accompagnés de
notes contenant de nombreux renseignements linguistiques qui en
accentuent la valeur mais que les spécialistes seuls sont à même
d'apprécier.
Pour nous, lu partie la plus intéressante de cette étude est dans
les considérations de portée générale auxquelles conduisent tout
natui'ellement les remai-ques et partiijularités exposées dans les
préliminaires et par lesquelles l'auteur montre rex(;ellent parti
que l'on geut tirer de ces sortes de ma'ériaux lorsqu'on sait les
mettre en œuvre.
Le travail de M. G. Mercier éclaire en effet d'ini nouveau reflet
les caractères principaux et notamment l'unité d'une langue parnis-
sant avoir été la langue propre à la race homogène (}ni, aux temps
préhistoriques, fut, semble-t-il, l'uniijue éléint-nt de population
dans le Nord de l'Afrique.
A. GOYT.
{}'/ Numéro de geptembrc-oclobre 1900.
VOLCAN ETEINT DE TIGRAOU
ENTRE NESViOURS & L'OUED KISS
On sait que, pendant la période tertiaire, des éruptions
basaltiques et trachytiques se sont fait jour le long du littoral
occidental de notre département, dans une zone qui s'étend
de la Mersa Madrague jusqu'à peu de distance de l'Oued Kiss ;
c'est-à-dire sur près de 130 kilomètres de longueur et une
largeur de 20 kilomètres environ. Or, une action plutonique
q'ii s'est ainsi manifestée sur une étendue de près • de
2600 kilomètres carrés, n'a pas pu se produire sans laisser des
témoins autres que les coulées de laves et les dépôts de scories
et de cendres ; on devrait donc s'attendre à trouver les évents,
c'est-à-dire les cratères d'où se sont échappées les matières en
fusion.
Déjà en 4896, dans une très intéressante brochure de
quelques pages (1), M. Louis Gentil a décrit trois volcans
éteints dans les environs d'Aïn-Temouchent. D'autres cratères
existent certainement près de la Tafna, mais, je crois, n'ont
pas encore été l'objet d'une étude ni même d'une simple
reconnaissance topographique.
Ayant eu l'occasion, dans le courant du mois d'avril de cette
année, de faire une excursion dans le massif m.ontagneux situé
entre Nemours et le Kiss, et dont le point culminant est le
Djebel Zendal, j'ai pu constater l'existence d'un cratère
parfaitement caractérisé.
Ce cratère est situé à environ 10 kilomètres au S.-O. de
Nemours, sur la route (ou plutôt ancienne piste) qui part de
Nemours pour s'arrêter sur les bords de l'Oued Kouarda. Il
est signalé par une dépression, ayant 700 mètres environ de
longueur sur 500 mètres de largeur, dont les bords irréguliers
se trouvent à la cote de 330 mètres, et qui est très bien indiqué
sur la carte au l/50.000e de l'Etat Major (feuille n^ 237, cap
Milonia;. Cette dépression n'étant pas désignée sur la carte
par un nom spécial, je l'appellerai Tigraou du nom de quel-
ques maisons qui se trouvent au S.-E. dans son voisinage
immédiat.
(I) Sur \e^ volcans éteints des environs d'Aïn-Temouclisnl. — Oran,
imprimerie Fouque, 1806.
13
400 VOLCAN ÉTEINT DE TIGRAOU
La profondeur de cette dépression doit être de quelques
mètres seulement en dessous de la cote 330. Au moment
de mon passage, un étang, ayant à peu près le quart de la
surface totale, en occupait le centre. Cet étang qui se forme
au moment des pluies d'automne ne disparait que vers le
milieu de mai. Dans les années exceptionnellement pluvieuses,
il arrive, paraît-il, jusqu'à la route.
Les hauteurs basaltiques qui l'environnent et qui, en réalité,
constituent les bords du cratère, atteignent, dans leur point
le plus élevé, la cote 402 ; la profondeur serait donc d'au moins
soixante-dix mètres. Toutefois cette crête élevée n'existe
qu'au S.-O., sur une longueur d'environ douze cents mètres ;
tout le reste dépasse à peine la cote 350 et en deux points
situés, l'un au Nord-Est, et l'autre au Nord-Ouest, descend
à moins de 240 mètres.
Le cratère de Tigraou serait donc un cratère ébréché ou
égiieulé surtout au Nord ; c'est par cette brèche que probable-
ment s'est épanchée la coulée qui est si bien dessinée sur la
carte entie ie Ch. el Gaamès et l'Oued Zitouna.
Les coupes qui accompagnent la pelite carte, copiée sur la
carte de l'Élat-Major, donnent une idée exacte de l'état actuel du
cratère. Les hauteurs y sont à la même échelle que les
longueurs ; c'est donc le profil réel qu'elles donnent. Je n'ai
fait, en cela, que suivre l'exemple de M. Gentil (Ij.
N'ayant pu, en raison du peu de temps dont je disposais et
plus encore en raison des conditions atmosphériques qui étaient
des plus défavorables, pousser plus loin l'étude de ce cratère
et celle de ses environs ; je me contente de le signaler à
l'attention des géologues, persuadé que ceux que la visite de ce
cratère pourrait tenter, non seulement ne regretteront point
leur fatigue, mais encore voudront explorer à fond les roches
éruptives du Zendal que je n'ai fait qu'entrevoir en passant.
Orarn, le 12 mai 190L
Ad. KOGK.
(I) " L inciirvalion de ce profil ne donne qu'une assez faible idée de la
dépression du s"l au centre du cratère, mais j'ni tenu esseniiellement à
indique'- la realité, plutôt que d'employer le procédé général qui consiste
à amplifier les hauteurs. » (loc. cit., p. 6.)
VOLCAN ÉTEINT DE TIGRAOU
COUPE N-H. S-0.
Plan passant à 2^0"^ au-dessus du niveau de la mer
COUPi-: N-S.
N
:;]
Plan passant à 2^0"' nu-dessus du niveou de la me>'
Echelle du plan ^ Echelle des coupes -^
CHAPITEAUX ROMAINS
trouvés dans les environs de RENAULT (Dahra)
Nous devons encore à l'obligeance de M. Gauchet, instituteur
à La Stidia, la coinmunication de la photographie de deux
chapiteaux trouvés dans les environs de Renault et déposés
actuellement chez le Maire de cette localité.
Celte photographie, dont la reproduction est ci -après, a été
tirée par M. Lorrain fils, auquel nous devons déjà la photo-
graphie de deux pierres funéraires dédiées à la mémoire de
cavaliers de VAla Getulonim et qui figurent dons le 4« Bulletin
de 1900, page 341.
'f^è^^P^
L'-Colonel DERRIEN
Al Si a FAH wmim
DE L.'OI=lA]\riE
AVEC DES TABLEAUX ANALVTIOL'ES ET DES NOTIONS
POUR LA DÉTERMINATION DE TOUS LES REPTILES & BATRACIENS
du Marcc, de l'Algérie et de la Tunisie
(SUITE)
Coloration. — Fond d'un rouge de sable éclatant. Des
taches d'un brun rougeàtre assez grandes forment deux lignes
parallèles sur le dos. Une autre ligne de taches moins foncées
se trouve sur le haut de chaque flanc. Parfois les taches se
rejoignent et forment des bandes transversales irrégulières.
Ventre gris sale. Bout de la queue portant 3 ou 4 larges
anneaux noirs.
Sexes. — Chez le mâle la queue est forte ; elle continue le
corps. Chez la femelle elle est étroite et assez fine.
Taille. — 0,555 + 0,075 = 0'"630 (Blg.).
Distribution géographique. — (B : H. -PL, S.). — La
vipère à cornes abonde dans la région désertique. Elle s'avance
même sur les Hauts-Plateaax sans pourtant s'éloigner du cli-
mat saharien. Elle se trouve dans des bas-fonds humides à
une vingtaine de kilomètres au sud-est de Méchéria.
Dans le Sahara oranais elle est commune à Aïn-Sefra (Hiroux) ;
à Tyout ; elle pullule à El-Abiod-Sidi-Cheikh, aux Arbaouats, etc.
Strauch a indiqué cette espèce à Saïda oi^i il ne l'a pas prise
lui-même. Je n'admets pas cette localité car on ne m'a jamais
signalé de vipères à cornes dans toute la région de l'alfa. Elles
manquent même dans les dunes du Chott-el-Chergui au
Kreider et à Sfissifa-les-Saules.
M. Boulenger cite cette espèce à Géryville d'après Bôttger.
J'ai séjourné un mois dans cette localité et la vipère à cornes
ne peut s'y trouver car les sables du versant saharien ne
commencent qu'à 50 kilomètres de Géryville.
On m'a encore signalé cette vipère dans le Tell et même sur le
littoral. Son existence ne peut être admise dans ces deux zones.
Éthologie. — La vipère à cornes est la plaie des ksours et
des campements dans le Sahara. C'est un animal nocturne qui
circule toute la nuit. Il s'introduit partout ; il n'est pas rare de le
trouver le matin, sous les tapis, dans les tentes et même dans
les maisons. Aussi, dans le Sud, est-il toujours prudent de
14
104 ESSAI SUR LA FAUNE E«PÉTOLOGIQUE DE l/ORANIE
visilcr l'inlérieur du campement et de soulever les tapis
plusieurs fois par jour, surtout le soir. Le matin on doit
redoubler de prudence en se levant et bien regarder où l'on
pose les pieds. Il n'est pas inutile de visiter ses chaussures,
La vipère à cornes habite les dunes herbeuses et, de
préférence, les toulTes d'herbes des parties à la fois pierreuses
et sablonneuses du Sahara. Elle s'enroule dans un pied d'alfa,
de sparte, etc. Gare au naturaliste imprudent qui fouille les
plantes sans se tenir sur ses gardes. C'est pourtant dans les
touffes qu'on peut la prendre facilement. Il suflit pour cela de
se munir d'un bâton fourchu avec lequel on immobilise
l'animal sur le sol. Il ne reste plus qu'à le saisir avec précaution.
Il est préférable de rechercher la vipère de bon matin. On la
trouve engourdie sous les grosses pierres ; il est alors facile
de s'en emparer sans danger.
La morsure de la vipère à cornes produit des effets mortels
si elle n'est pas soignée immédiatement. L'ablation immédiate
de la partie charnue atteinte peut seule préserver de la mort si
on est dépourvu des remèdes indispensables (1).
Cet animal devrait être impitoyablement détruit surtout dans
les zones qui, plus tard, sont appelées à être livrées à la colonisa-
tion. Une prime devrait être attribuée pour chaque tête de vipère.
Echis carinata Merr. (PI. XXII, lig. 7, a)
Fig. Expédition d'Egypte, Suppl., (PI. IV, fig. 1)
L'échide carénée.
Vipera carinata Merr., Strauch, Lalleinant.
Echis carinata Merr., Blg., Ern. Olivier.
Cette espèce n'a été signalée que du Sahara oriental de la Bcrbôrie.
Peut-être se rencontrera- t-elle dans l'Extrême-Sud Oranais. Les
caractères du tableau suOironl ù la faire reconnailie.
Taille : 0,535 + U,0G5 = 0"' 600.
(1) Le traitement au permanganate de potassium a fort bien réussi
lors de 1 expédition d'Igii (D' Romary).
SOUS-CLASSE DES AMPHIBIENS
Caractères. — Animanx à sang froid, à peau nue, respi-
rant par des ouvertures branchiales ou par des brancJiies pen-
dant le jeune âge, à respiration pulmonaire à l'âge adulte.
Développement soumis à des métamorphoses. Ovipares, mais à
embryon dépourvu d'amnios et d'allantoïde. Quatre membres.
Doigts non onguiculés. Aquatiques, au moins au moment des
amours.
Cette soLis-classe est représentée en Berbérie pxr deux
ordres :
Amphibiens. — TABLEAU DES ORDRES
1" Animaux adultes :
Corps ramassé. Membres postérieurs bien plus
longs que les antérieurs, disposés pour le
saut. Pas de queue. (Type : grenouille.)
Ordre des Batraciens.
Corps lacertiforme. Membres peu inégaux,
disposés pour la marche. (Type : sala-
mandre.) (PL XXVIL)
Ordre des Urodèles.
2° Têtards:
Corps en massue, formée d'une masse ova-
laire, brusquement contractée en arrière
et terminée par une queue très étroite.
Des trous branchiaux le plus souvent.
Tête non distincte. (PL XXIV et XXV.)
Ordre des Batraciens.
Corps pisciforme atténué de la tête à la queue.
Des branchies externes bien développées
pendant le jeune âge. Tête distincte du
tronc, aplatie. Ordre des Urodèles,
Ordre des Batraciens
Caractkhms de l'ordre. — Corps ramasse, large et court,
tronqué à l'arrière, dépourvu de (jucue à l'âge adulte. Peau
non éeailleuse, nue ou verruqueuse. Tête plate et large, sans
trace de plaques. Quatre pattes; les postérieures bien plus
longups que les- antérieures et généralement disposées pour le
saut. Yeux garnis de pau}ncres, l'inférieure en partie t)ès
transparente. Bouche très gronde. Dents plus ou moins nom-
breuses, manquant toujours sur la mâchoire inférieure. Orifice
d)t tijmpan caché ou visible. Cloaque à ouverture ronde, élas-
tique. Animaux ovipares.
Pendant le Jeune âge, les batraciens rcsp'irevt par des
ouvertures branch'ialcs ; à Vôge adulte, par des poumons ; ils
subissent des métamorphoses.
Caractères de classification des BaJraciens. — Les caractères
de classification sont tirés: 1» De la présence ou de l'absence
de dents ; 2" du nombre de séries de ces organes et de leur
position lorsqu'ils existent; 3" de la présence ou de l'absence
de la membrane du tympan ; 4" des glandes parotides présentes
ou non et de leur foi"me ; 5" des ortci s palmés ou non et de
leur forme ; 6" des tubercules des orteils, etc.
Généralités. — Le corps des batraciens adultes est ramassé.
Il est pourvu de quatre pattes, les postérieures plus longues
que les antérieures. Les doigts et les orteils sont plus ou mcùns
réunis par des palmures. La queue manque. La bouche est
grande et ne porte des dents, lorsqu'il en existe, qu'à la
màcboireu-supérieure et sur le vomer. La langue est large
et épaisse, généralement fixe en avant. L'animal la rabat
d'arrière en avant [tour saisir sa proie. Les narines s'ouvrent
à l'intérieur île la bouche de chaque cO é du vomer. La
res; iration est pulmonaire ; mais les poumons sont remplacés
par deux grandes poches ou sacs pulmonaires. Le cœur est
formé d'un ventricule et de deux oreillettes ; il y a donc
m-jlange du sang rouge et du sang noir.
I
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'oRANIE 107
Le squclelte est pourvu des os de l'épaule et du bassin où
s'articulent les membres. Le sternum est cartilagineux. Les
côtes manquent.
La peau est nue ou verruqueuse. Elle recouvre souvent de
nombreuses glandes éparses. Cbez certaines espèces ces
glandes sont surtout accumulées au-Jessus et de cliaque côté
du cou ; elles forment deux saillies allongées qui portent le nom
de parotides. Toutes ces glandes sécrètent un liquide laiteux,
visqueux, jouissant de propriétés venimeuses, ou tout au
moins caustiques.
Sexes et reproducliov. — Les batraciens sont ovipares.
Les mâles sent dépourvus d'organes copulateurs externes. Ils
se séparent difficilement des femelles par leurs caractères
extérieurs. Pour bien les distinguer il faut les examiner pen-
dant la période des amours.. A ce moment les doigts des
mâles présentent des excroissances lichéniforraes très colo-
rées, brunes ou noires qui ne tardent pas à disparaître.
Les mâles ont l'ouverture du cloaque placée plus bas que
chez la femelle ; mais ce caractère est diflicile à saisir si on
n'a pas des échantillons des deux sexes.
Le caractère le plus sûr est celui de l'existence, chez le
mâle de certaines espèces, d'un ou de deux sacs vocaux placés
sous la langue ; ces sacs sont très apparents à l'état de vie.
En alcool on ne les Aoit pas toujours. Ils communiquent avec
l'extérieur par une ouverture placée sous la langue ou percée
à travers la lèvre inférieure.
Sauf la grenouille qui est à peu près essentiellement
aquatique, nos batraciens algériens ne vont à l'eau qu'au
moment des amours.
Les individus des deux sexes se recherchent de bonne
heure. La grenouille seule est tardive.
Les œufs se développent chez les femelles sans l'interven-
tion du mâle. Loi'sijue la gestation est avancée, les femelles
partent à la recherche des mares, des bassins ou des sources;
les mâles les suivent et le p us souvent les y précèdent.
Parfois les femelles transportent les mâles jusqu'à l'eau.
Les mâles manifestent leur présence par un chant puissant
108 ESSAI SUR L\ FAUNE ERPÉTOLOGIQUË DE L'ORANIE
qui va en diminuant d'intensité et cesse même chez la plupart
après la période des amours.
La femelle répond par un léger cri à l'appel du mâle.
Pour l'accouplement, le mâle se cramponne sur le dos de la
femelle en lui implantant ses doigts au-dessous des aisselles. Le
couple reste ainsi pendant dix à vingt jours. Lorsque la ponte
commence le mâle projette la liqueur séminale sur les œufs
et les féconde au fur et à mesure qu'ils sont expulsés. La ponte
achevée, le père et la mère quittent l'eau et ne se soucient
nullement de leur progéniture. Ils s'empressent de réparer
par de copieux repas le jeûne prolongé qu'ils viennent de
supporter. Si quelques jours après ils trouvent leurs petits
ils s'empressent de les dévorer.
Les batraciens ne peuvent s'accoupler dans de bonnes
conditions que s'ils ont de l'eau en quantité suffisante.
Toutefois Taccouplement peut avoir lieu dans les prairies ou
les bas-fonds humides. Rarement il se fait en terrain sec.
Dans ces deux derniers cas, les œufs ne peuvent guère
éclore.
En Algérie, la période des amours est très variable surtout
loin des points d'eau. En général, elle suit une série pluvieuse.
Le discoglosse et la rainette pondent après les pluies de l'hiver,
le crapaud vert après celles du printemps et le crapaud de
Maurétanie après la saison normale de la fin mars. Sur les
Hauts-Plateaux, où la sécheresse persiste pendant toute la
belle saison, l'accouplement est encore plus irrégulier ;
il ne peut avoir lieu que dans les trous d'eau formés par
les pluies. Dans ce cas les jeunes têtards meurent le plus
souvent avant d'avoir acquis leur développement, car le soleil
ne tarde pas à dessécher les flaquesd'eau. C'est ce qui explique
la rarcté'des crapauds sur les Hauts-Plateaux. Si le soleil ne
tuait pas les têtards et les jeunes, les localités qui possèdent de
l'eau seraient inhabitables. C'est ainsi qu'au Kreider lorsque
l'année est pluvieuse, comme en 1898, les têtards sont en
si grande abondance qu'ils noircissont l'étang ; au bout de
leurs métamorplios'îs ils se répandent autour du chott en
quantité tellement gi-aiide (|ue leur marche ressemble à une
véritable invasion de criquets. Le soleil ne tarde pas à en faire
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE 109
des hécatombes. Les oiseaux aquatiques en font aussi dispa-
raître de grandes quantités.
Les batraciens parcourent de grands espaces pour rechercher
Toau nécessaire au développement des œufs. C'est ce qui
exphque les pontes tardives que l'on rencontre en été.
Développement des têtards. — Les œufs pondus sont
agglutinés entre eux par une masse gélatineuse incolore ou
sale, en cordons ou en gâteaux, suivant les espèces. Ils sont
déposés dans un endroit généralement peu profond et bien
exposé au soleil. Ils ne tardent pas à éclore. Lorsque les
têtards naissent, ils ont un aspect pisciforme, mais, au bout
de peu de jours, ils prennent la forme en massue. Leur
queue se détache nettement. Ils respirent par une ou deux
ouvertures branchiales diversement situées. Ils peuvent avoir
des rudiments de branchies pendant les premiers jours. Leur
développement est assez lent. Les membres postérieurs sortent
les premiers ; les antérieurs ne sont mis en liberté que plus
tard. Aussitôt que les membres sont libres, la queue se réduit
et disparaît. Dès lors, l'animal est à l'état parfait. Sa
respiration est devenue pulmonaire. Il quitte l'eau, sans
pourtant s'en éloigner, car l'humidité est indispensable à son
développement ; s'il en manque, il meurt. Certaiis batra-
ciens, comme les crapauds, ne reviennent à l'eau .qu'au
bout de deux ou trois ans pour leurs premières amours.
J'ai dit que les têtards avaient besoin de soleil pour se
développer. L'expérience suivante le démontre suffisamment.
Des têtards de crapauds ayant déjà leurs membres postérieurs
ont vécu chez moi, dans un bocal, à l'ombre, du mois d'avril
au mois de septembre, sans montrer leurs membres antérieurs
et sans grossir.
Ceci m'explique pourquoi des têtards trouvés dans une
grotte profonde à l'embouchure de l'oued Krémis et de laTafna,
à lafm de septembre, étaient encore tout petits. J'avais d'abord
cru à une ponte tardive.
Citant. — Tous les mâles des batraciens ont un chant
particulier et peu agréable. Ce chant est réduit à un cri chez
ceux qui n'ont pas de sac vocal ; chez ceux qui possèdent cet
110 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE
organe, la voix est très forte et modulée. C'est surtout au
moment des amours, que les mâles, réunis ensemble, font
entendre un concert étourdissant. Certains chantent aussi en
dehors delà saison des amours suivant, pour cela, certaines
fluctuations atmosphériques. 11 serait intéressant de faire des
études sur les périodes et les variations du chant de toutes
les espèces. Cette étude n'est pas facile, car le plus souvent
plusieurs espèces vivent dans le même lieu Toutefois on peut
trouver dans certaines localités des espèces absolument isolées.
Venin. — Les glandes parotides des batraciens, surtout
celles des crapauds, sécrètent une humeur venimeuse. Lataste
a cité le cas d'un lézard vert qui mourut au bout de neuf
minutes après avoir mordu les parotides d'un crapaud. Il est
donc toujours prudent de se laver les ma-ns lorsqu'on a manié
des crapauds. Il faut surtout éviter de se frotter les yeux avec
les doigts. L'œil est de tous les organes externes celui qui, par
sa délicatesse, a le plus à craindre l'action pernicieuse du venin.
Pluies de crapauds. — Tel que le vulgaire les comprend
on peut les nier. On a désigné sous le nom de pluies de
crapauds de subites apparitions de grandes quantités de jeunes
batraciens qui, au moment de la pluie, après une chaude jour-
née, sortent de leur retraite. Ce phénomène a été constaté en
Algérie. L'invasion du Kreider dont j'ai parlé plus haut en est
un exemple. Là, la métamorphosé terminée, les jeunes crapauds
se sont avancés dans les terres partout où le sol se trouvait
humecté par la pluie. En 1000 le môme phénomène s'est
produit à la Macta. Il doit d'ailleurs se renouveler souvent dans
ces deux localités et dans d'autres analogues (1).
De véritables pluies de crapauds peuvent néanmoins se
produire:* A la suite de phénomènes atmosphériques aspirant
l'eau des étangs, les petits animaux arpialiques peu\ent être
transportés au loin par une trombe. Ce phénomène est très
rare. Je ne l'ai jamais constaté.
(1) J'ai ohsorvé uno invasion semblable à Vcnrlôine (Loir-et-Cher).
Par une pluie line, la roule que je suivais était couverte de petits batra-
ciens. De fiuelle espèce ? .le l'ignore. Je ne m'occupais ['as alors de reptiles.
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'ORANIE 111
Mue. — Les batraciens muent plusieurs fois dans l'année.
Ils enlèvent leur vieil épiderme comme une chemise et
l'avalent.
Faculté de régénération. — Seule la queue amputée des
têtards peut repousser.
Hibernation. — En Algérie, l'hibernation est relativement
courte. Ce n'est que dans les régions élevées et froides que
l'engourdissement peut être de longue durée. La grenouille
hiberne le plus longtemps. Le Bufo viridis au contraire se
trouve toute l'année sur le littoral.
Nourriture. — Les batraciens se nourrissent d'insectes, de
vers, de larves, de têtardsj de poissons, etc. Ils avalent les
aliments. Certains sont végétariens pendant le jeune âge.
Leurs dents ne servent qu'à retenir la proie introduite dans la
bouche. Ils dévorent souvent leurs petits et leurs congénères.
Ils ne boivent pas et l'eau qu'ils ont toujours dans leur abdomen
y pénètre à travers la peau.
Chasse. — Sauf pour la rainette qui est rare et se cache
dans les hautes herbes ou dans les broussailles ombragées, la
chasse des batraciens est facile. On les prend à la main ou à
à la ligne. C'est surtout au moment des amours qu'il faut les
rechercher. Il sera très intéressant d'observer la date et la
durée de l'accouplement, la durée de l'incubation et celle de
chaque métamorphose.
Élevage. — Le mieux pour étudier les métamorphoses, est
d'élever les têtards. Pour cela, au moment propice, on met
dans un bassin un couple d'adultes de l'espèce à étudier ;
il est ainsi facile de suivre toutes hs phases de la gestation,
de l'accouplement, etc. On peut aussi se borner à recueillir
du frai ou mieux des œufs prêts à éclore. On place le tout dans
un réservoir peu profond ou même dans un bocal. Le dévelop-
pement se fait à peu près normalement. Le .dIus diflicile estde
nourrir les têtards. Le mieux est do no mettre d'abord (pie
dans l'eau des confcrves d'eau douce (\).
(1) (3q appelle ainsi ces masses verles, fi'amenteus.s, qui couvrent les
eaux tranquilles.
112 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE
Les têtards sont en général végétariens jusqu'à la fin des
métamorphoses. Certaines espèces deviennent carnivores dès
qu'elles ont leurs membres. Il est imprudent de leur donner
des aliments animaux. Presque toujours les têtards meurent
alors d'indigestion. Il est préférable de déposer au fond du
bocal, sans trop troubler l'eau, du sable un peu vaseux.
Les instincts carnivores se développent rapidement chez
les têtards adultes ; ils dévorent ceux d'entre eux qui
succombent. Aussi, quand les têtards sortent leurs pattes, on
peut sans crainte leur donner quelques têtards fraîchement
tués.
Bien entendu tous les deux ou trois jours, ou même tous les
jours, on fait les observations nécessaires sur le développe-
ment des jeunes élèves et on prend des notes.
Il est indispensable de séparer les espèces, car les plus fortes
mangent les plus faibles.
Utililc des batraciens. — Les batraciens sont les plus utiles
de tous les reptiles ; ils sont les plus précieux auxiliaires de
l'agriculture. Les crapauds surtout, qui ont une vie terrestre,
rendent des services inappréciables. Aussi devraient-ils être
répandus dans toutes les cultures délicates, dans les jardins
principalement. Leur élevage devrait être très encouragé et
des crapauds adultes pourraient être distribués dans les régions
où le manque d'humidité empêche le développement des
jeunes générations. Sur le littoral et dans le Tell le discoglosse
peut rendre les mêmes services que les crapauds. II a sur
ces derniers le grand avantage d'être plus élégant et bien
moins répugnant. La gentille rainette est tout aussi utile, mais
comme le discoglosse elle a besoin de se baigner. Un réservoir,
un baquet ou même un refuge humide suffit pour retenir ces
deux batraciens. La grenouille est aussi un précieux auxiliaire;
mais sa vie essentiellement aquatique ne rend pas son
utilisation pratique. La grenouille oITre un avantage sur les
autres batraciens : on peut la consommer et, dans ce but, en
faire l'élevage dans les régions marécageuses.
L'ordre des batraciens est représenté en Berbérie par quatre
familles dont voici le tableau : «
3.
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ûRANIE 113
Batraciens. — TABLEAU DES FAMILLES
Maxillaires supérieurs et palais dé-
pourvus de dents. Des glandes
parotides. Membrane du tympan
visible, irrégulièrement circu-
i. j laire.
Famille des Bufoiildées.
Maxillaires supérieurs et palais pour-
vus de dents. Pas de glandes
parotides.
Extrémité de chaque doigt terminée
par une pelote globuleuse, àdhé-
2. / sive.
Famille des Hylidées.
Doigts non terminés par une pelote. 3
Cinq-doigts inégaux, le pouce réduit à
un gros tubercule, les deux sui-
vants gros et courts.
Famille des DiscOfjlossidés.
Quatre doigts bien développés, nor-
maux : le pouce plus long et plus
fort que le 2« doigt.
Famille des Railidées.
l?'»^ Famille. — RANIDÉES
Caractères de la famille. — Maxillaires supérieurs
armés de dents ; deux ynamelons dentés un piu en arrière de la
ligne des arrière-narines et au milieu. Tympan circulaire
distinct. Pas de glandes parotides. Pattes antérieures à quatre
doigts bien développés, tous de forme normale ; pattes posté-
rieures trois fois aussi longues que les antérieures, ci 5 orteils
114 ESSAI Sl'R LA FAUNE F RPÉTOLOGIQUE DE L'oRANIE
largement palmés. Mâles avec deux sacs vocaux dont les
ouvertures se trouvent une âe chaque côté, près de l'angle
de la bouclie.
Cette famille est représentée en Berbérie par un seul genre:
Genre RANA
Caractères du genre. — Les mêmes que ceux de ht famille.
Une seule espèce en Berbérie :
51 . Rûïia esculenia L.
Vaiiélé RIDIBUNDA Pallas {V\ XXIV, ii^-. 1, a)
La grenouille verte. Arabe (Oran) : Djeranaf.
Rana esculenta /.., Straucli, LaUcmant.
R. viridis Bœsel, Guichenot.
R. esculenia L. var. Lalastei Gain, non R. Latastei Boulcnger.
B. esculenta /,., var. ridibunda Pallas.^ T^^ih, Ern. Olivier,
Caractères principaux de l'espèce, du type et de la
variété. — L'espèce se distingue par les caractères suivants :
Essentiellement aquatique. Dents vomériennes réunies sur
deux mamelons oblongs un peu en arrière de la ligne des
arrière-narines. Langue large, longue, épaisse et i'ourcluie en
arrière, lixe en avant. Museau assez pointu. Pas de tache
foncée apparente entre l'œil et l'épaule. Un gros tubercule
déprimé placé à la base du l"' orteil (interne). Pieds très
palmés," Doigts longs, tronqués ; le pouce, gros et conique,
est sépai-é du 2^' doigt par un pli marqué.
Chez le type, le tubercule placé à la ha^c du h-^' orteil
interne (métatarsien) est gros et déprimé. 11 n'a pas été signalé
en Algérie.
Chez la variété barbarcsque, ^? luhecule du métatarsien
interne est idus petit ipie chez le tgpe, non déprimé, sid)ova-
laire, trl;s saillant, ressemblant à un orteil atrophié.
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'oRANIE 115
Voici la description d'une belle femelle des environs d'Oran :
Tète forte, à côtés se rapprochant obliquement vers le bout du
museau et offrant les dimensions suivantes : largeur entre les
angles de la bouche, ?>(j millimètres, longueur de la flèche de
l'arc de la mâchoire inférieure, 23 mill. Narines obliques, à
pourtour clair, distantes entre leurs bords de 5 mill., et du
bord de la lèvre, de 7 mill. Museau arrondi à peu près
sur toute la partie comprise entre les narines. Mâchoire
inférieure bien plus arrondie à l'extrémité que le bout du
museau. Bouche très grande. Langue papilleuse en dessus,
fixée en avant, p'us large en arrière, longue, épaisse, divisée
postérieurement en deux longues et larges pointes bien
séparées. Dents maxillaires aiguës. Ouverture des arrière-
narines très grandes, obliques, séparées .par deux mamelons
distincts de dents vomériennes. Ces mamelons sont oblongs,
très saillants, épineux et ne touchent pas le bord des
ouvertures ; ils mesurent 2 mill. de longueur, 1,5 mill. de
largeur et autant de hauteur ; ils sont un peu plus étroits que
les ouvertures et forment avec celles-ci un angle obtus très
court, ouvert en avant.
Dessus de la tète lisse. Régions sus-oculaires saillantes, à
peine bordées par un fdct clair. Yeux gi-ands plus longs que
hauts (9 mill. sur 7,5), distants de 7'"/"'5 des narines et de
3'"/"'5 du lympan. Ce dernier, grand de 6'"/'" 5, circulaire, très
visible, foncé au centre. Un pli et un repli de la peau partant
de l'angle postérieur de l'œil bordent le tympan en dessus
et descendent en se courbant vers l'épaule. Un fort pli et un
sillon courts et obliques se trouvent en avant de l'épaule.
Entre ce sillon et l'angle de la bouche existe un renflement
courbe et assez large qui est sectionné par un court sillon
transversal.
Dos sillonné, surtout dans la partie antérieure, par une forte
dépression médiane. De chaque coté, le haut des flancs montre
un assez gros pli de la peau, bien saillant.
Peau du dos présentant d'assez nombreuses boursouflures
tuberculeuses bien plus nettes sur la partie antérieure
des flancs. Poitrine et gorge lisses. Cuisses, dans la région
lifi ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'oRANIE
anale, et abdomen rendus finement tuberculeux par un réseau
très serré de plis peu profonds.
Les membres, gros et forts, olTrent d'importants caractères.
1° Membres antérieurs. — Bras assez longs ; lorsqu'ils sont
tendus, les poignets dépassent le museau. Doigts longs,
atténués mais tronqués à l'extrémité. Pouce à phalange
inférieure plus longue que les deux autres, grosse, conique et
séparée de la main par un sillon profond (long, extérieure 1 7""/"').
Deuxième doigt un peu plus court que le pouce ; le A*^ un
peu plus long ; le 3^ très long. Un tubercule saillant à la
dernière articulation inférieure de chaque doigt. Les autres
articulations sont peu tuberculeuses ou pas du tout. Doigts à
peine membraneux latéralement.
2° Membres postérieurs. — Jambes très longues et très
fortes. Région métatarsienne très développée ; longueur du
grand orteil, 45 mill. l'"", 2c, 3" et 4« orteils croissant
régulièrement en longueur, chacun d'eux dépassant, de 1 cent,
environ, celui qui le précède. 5« orteil un peu plus court
que le 3^. Palmure atteignant presque l'extrémité des 1", 2^, 3^
et 5^ orteils. Un tubercule saillant, ressemblant à un orteil
tuberculeux, se trouve à la base du l*-'' orteil. Vu de côté, ce
tubercule mesure 3 à 4 mill. de longueur et 1,3 de hauteur.
Son épaisseur dépasse 1 mill. Son extrémité antérieure est
nettement saillante. Un autre tubercule petit (l mill.) plat ou
peu convexe, blanc, se trouve à la base du grand orteil. Les
articulations des phalanges, sauf la supérieure, portent un
tubercule subaigu.
Coloration. — Très variable. L'échantillon que je viens de
décrire (une femelle) est d'un brun noir foncé en dessus.
La gorge et la poitrine sont noirâtres et maculées de blanc
jaunâtre. Le ventre est blanc jaunâtre pointillé de noir.
Les cuisses, de même couleur, sont parsemées de taches noires
assez grandes. Sur les flancs on voit des bandes noires bien
apparentes. Sur les cuisses se trouvent des bandes semblables
mais peu marquées. Les lèvres inférieures sont maculées de
noir et de blanc jaunâtre.
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'oRANIE 117
Go mode de coloration n'est pas le plus commun. C'est celui
des eaux croupissantes et non exposées au soleil.
Il serait trop long de décrire toutes les variations. Le fond
est tantôt d'aspect uni variant du gris brun au brun noir ;
tantôt^ et c'est le plus souvent, il est vert ou d'un vert jaunâtre
avec des bandes longitudinales de diverses couleurs, La
coloration la plus commune est celle-ci :
Femelle. — Dos d'un brun verdàtre coupé sur la ligne
médiane du dos par un large sillon d'un beau vert doré qui va
jusqu'au bout du museau. Le dos est ainsi divisé en trois
bandes, les latérales étant trois fois plus larges que la médiane»
Extérieurement les latérales sont bordées par un large filet
irrégulier, souvent sectionné, qui, à travers l'œil, aboutit au
bout du museau en bordant la narine en dessous. Un filet
plus étroit et plus sectionné parcourt le bord intérieur des
bandes latérales. Celles-ci sont tachées ainsi que les flancs de
taches brunes, petites, irrégulières. La région tympanique
est d'un brun clair à reflets gris doré ; le tympan est très
visible. En dessous, les replis de la peau forment des
bourrelets dorés. Du haut du tympan un filet noir descend
derrière l'angle de la bouche qu'il contourne ; il est continué
par une suite de taches plus ou moins confluentes qui bordent
la lèvre supérieure. Le ventre est d'un blanc pur. Les pattes
postérieures sont barrées de larges taches brunes. Dessous
des pieds d'un gris brun.
Chez de nombreux individus le dessous du corps est marbré
de noir et d'un bel effet. Les marbrures se sectionnent
avec l'âge.
Sexes. — Mâle. — Deux sacs vocaux. De chaque côté, vers
l'angle de la bouche, une fente horizontale qui est l'ouverture
d'un sac vocal.
Femelle. — Pas de sac vocal. Il n'y a donc pas de fente
horizontale de chaque côté de la bouche.
Au moment des amours le mâle présente à la base du pouce
une expansion lichéniforme brune.
118 ESSAI SUR LA FAUNE LRPÉTOLOGIQUE DE l'orANIE
Taille et dimensions : Femelle (La Sénia)
Longueur du tronc. ... 0,0!)'2
— totale 0,220
— du membre antérieur (de l'épaule) 0,052
Plus grande longueur du coude plié au b'Ut des doigls 0,041
— de Tavant-bras replié 0,021
— du poignet plié au bout des doigts 0,025
Longueur des trois dernières phalanges du grand doigl 0,013
Longueur du membre postérieur tendu depuis l'anus.. 0,152
Distance entre les genoux, les cuisses sur une même ligne 0^089
Plus grande longueur de la jambe repliée 0,047
— — du tarse replié 0,026
Longueur du ixiétatarse et des doigts 0,049
— du grand orteil 0,045
Distribution géoc.raithque. — (B : T., II. -PL, S.) —
La grenouille se trouve partout, depuis le littoral jusqu'au
Sahara. Sur les Hauts-Plateaux elle est rare ; mais elle s'y
développe si les conditions hydrologiques lui conviennent.
Les points extrêmes où j'ai constaté sa présence sont :
Sjbdou, Bedeau, Sidi-Chadj au sud de Daya, le Kreider,
Géryville, le dj. Ksel, Stitlen. Elle existe à Igli (D'Romary).
ÉTHOLOGiE. — La grenouille est commune pendant la belle
saison. Elle hiberne longuement enfoncée dans la vase. Elle ne
s'éloigne jamais des lieux inondés. L'eau est son élément.
Pourtant la grenouille ne craint pas la chaleur ; elle aime à
recevoir les rayons du soleil el, toute la journée, on la voit
accroupie et immobile sur les bords des oueds, canaux ou
mares. Elle ne se déplace que lorsque l'ombre l'atteint. S'il l'ait
trop chaud elle monte sur la berge et se cache dans les herbes.
Au moindre bruit suspect elle plonge en poussant un léger cri :
cuic. Elle s'enfonce dans la vase, et, à la faveur de l'eau
troublée, échappe à son ennemi.
La nuit, surtout lorsque la température est douce, les
grenouilles sortent en grand nombre. Elles font alors entendre
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÊTOLOGIQUE DE L'oRANIE 119
leur chant étourdissant et désagréable. Ce chant est dur et
criard. Il fait l'effet d'une scie en bois qu'on frotterait sur la
tranche d'une planche : rrra... rrra... Parfois il offre une
importante variante que M. Lataste a traduit par bvé-ké-ké. Il se
réduit aussi à un cri bref: oiiék !
Les grenouilles s'aventurent loin de l'eau et vont chercher
leur nourriture dans les prairies, les champs cultivés, etc.
Les jeunes grenouilles apparaissent dès le mois de février,
les adultes en avril. Elles deviennent communes en mai.
Les mâles et les femelles ss recherchent très tard. L'accou-
plement n'a pas lieu avant le mois de juin. J'ai vu des têtards
presque parfaits en juillet à La Sénia et le 20 septembre
à Sebdou. Les têtards de grenouilles sont les plus gros de
tous ceux de nos batraciens ; ils atteignent 1 décimètre de
longueur. (PI. XXIV, fig. 1 a.)
La grenouille se nourrit principalement de gros insectes et
de diptères des régions humides ; elle mange aussi les têtards,
le frai de poisson et les jeunes poissons eux-mêmes. Lataste
en a pris une qui avait une rainette dans la bouche. Quels que
soient ses défauts la grenouille est une grande mangeuse
d'insectes ; il est donc utile de la protéger. On ne doit la
détruire qu'autour des viviers.
La grenoui le est comestible ; on mange surtout les pattes
de derrière. C'est un mets délicat dont il ne faut pas abuser.
Les grenouilles provenant d'eaux fétides doivent être rejetées.
La chasse en est facile. J'ai déjà donné à ce sujet quelques
indications générales (1). Les grenouilles destinées à la
consommation peuvent être prises au moyen d'une lancette
qu'on fixe au bout d'un long et solide roseau. Ce procédé est
excellent lorsqu'il fait du vent et que les animaux sont cachés
dans les herbes.
(I) Voir pages -Ul et 222. - Fascicule LXXX (1899).
15
120 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'oRANIE
IS"»* Famille. — BUFONIDÉES
Caractères de la famille. — Pas de dents. Langue
épaisse, ovale, fixe en avant, libre et arrondie en arrière.
Membrane du tympan asse" visible, irrégulièrement circulaire.
Des glandes parotides très grandes s'étendant de Vœil à
V arrière des épaules. Quatre doigts, fortement tubercules en
dessous ; cinq orteils palmés pourvus de petits tubercules.
Membres postérieurs deux fois plus longs que les antérieurs.
Mâles pourvus ou non de sac vocal. Peau très rugueuse,
2')uslulcus€.
Animaux terrestres 7i'allant à l'eau que pour l'accouplement
et la ponte.
Cette famille est représentée en Berbérie par un seul genre
et trois espèces.
Genre BUFO
Caractères du gknre. — Voir ceux de la famille.
Bufonidées. — TABLEAU DES ESPÈCES
Un pli de la peau saillant sur presque
toute la longueur du côté interne
du tarse (pli tarsien). (PI. XXV : T.)
Pas de pli tarsien. Pouce rapproché du
2'- doigt, le dépassant à peine.
Régions sus-oculaires tubercu-
leuses, bordées par un bourrelet
formant l'arcade sourcilière.
B. vulgaris.
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE 121
Régions sus-oculaires à peu près lisses
non bordées par un bourrelet.
Pouce et 2^ doigt rapprochés,
égaux ou à peu près. Tubercules
du grand orteil tous simples.
Animal ne devenant pas très gros.
Coloration bicolore, verte dans
son ensemble.
B. viridis.
Régions sus-oculaires tuberculeuses,
bordées par un bourrelet très
distinct. Pouce dépassant le 2"
doigt de 2 mill. environ. Grand
orteil avec des tubercules doubles.
Animal de très grosse taille. Robe
bicolore, brunâtre dans son
ensemble.
B. mauritanicus.
52
Bufo viridis Laur. (Pi. XXIV, fig. % a, h)
Le crapaud vert.
Arabe (Oran) : Own gueurgueur.
Bufo viridis Laur., Strauch., Lall., Blg., Ern. Olivier.
Bufo variabilis Gervais.
Bufo boulengeri Latasle.
Caractères principaux. — Taille petite. Un pli tarsien.
Tuherculee du grand orteil tous simples.
Cette espèce que divers auteurs ont justement nommée
variabilis est en effet très variable. Cela tient à son immense
aire de dispersion. Il est évident que si l'on compare un
individu algérien à un exemplaire du nord de l'Europe,
d'Allemagne par exemple, des différences sensibles sautent
aux ^'eux. Lataste en créant son B. Boulengeri, qu'il aban-
122 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE
donna ensuite, avait essayé d'établir une ligne de démarcation.
Il n'y réussit pas.
Voici la description d'un individu d'Oran :
INLuseau peu obtus ; distance entre les deux angles de la
bouche 27 millimètres, flèche de la mâchoire 10 millimètres.
Le contour de la mandibule est un arc assez régulier. Le bout
du museau est visiblement déprimé dans le sens vertical ; les
narines en sont très rapprochées. Les ouvertures nasales sont
distantes de la lèvre supérieure de 5 millimètres en hauteur
et en largeur.
Régions sus-oculaires très bombées en dessus quand l'œil
est ouvert, subglobuleuses. Arcade sourcilière lisse, très peu
distincte ; seule sa partie postérieure apparaît bien, relevée
qu'elle est en bourrelet.
Yeux grands, très saillants, mais non en dehors du plan
vertical passant contre le bord de l'arcade sourcilière. Leur
largeur égale au moins une fois et demie la distance de l'angle
antérieur à la narine.
Parotides grandes, ovales, oblongues, plus larges en avant
qu'en arrière (15 à 20 millimètres sur 8-9); guère plus longues
que leur distance au bout du museau.
Tympan bien visible, arrondi ovalaire ; sa grande courbe
est située en bas ; la petite, sous l'extrémité antérieure de
la parotide.
Corps trapu, deux fois aussi long que large. Peau plus
ou moins verru'pieuse sur le dos, lisse ou finement réticulée
en dessous. De chaque côté, et en arrière de l'angle de la
bouche, se trouvent 4-5 tubercules de grandeur régulièrement
croissante. D'autres tubercules plus petits, très saillants,
se voient aussi sur le bord de l'abdomen et sur les cuisses.
Les membres, relativement longs, offrent des caractères assez
saillants,
1° Membres antérieurs. — Le pouce de la main dépasse très
peu le 2" doigt lequel égale le 4o. Le 3« doigt, le plus long, fait
saillie de 2 à 3 millimètres. A la base interne du pouce il y a
un tubercule oblong peu saillant ou plat, long de 3 mill.
et large au plus de 1,5. A la base de la main se trouve un très
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'orANIE 123
gros tubercule subtiièdre, large de 2,5, long de 4 et haut de
1,5. Ses angles sont arrondis mais non usés. La paume est
parsemée de nombreux petits tubercules. Le pouce porte
au- dessous de la 2'^ phalange un fort tubercule double ; il y en a
un autre simple, plus petit, sous l'extrémité. Les2e etS^ doigts
portent aussi un tubercule double à la- base, mais il est moins
saillant. Celui du ¥ doigt est simple. Sous le 2" doigt il n'y a
pas de tubercule intermédiaire, mais il y en a un bien visible
sous le 3« ; sous le 4*^ il est peu apparent. Tous les doigts ont
leur extrémité renflée par un tubercule.
2" Membres postérieurs. — Un caractère important est
donné par le pli tarsien que l'on voit le long du tarse du côté
interne. (PI. XXIV, fig. 2 6.)
Tubercule de la base de l'orteil interne très saillant, haut de
l'"/'"5, long de 3 et large de 2. Tubercule de la base de l'orteil
externe, plat, usé, peu saillant, arrondi subtriangulaire, long
de 3 mill. sur 2 de largeur. Les autres orteils ne portent pas
de tubercule à la base, mais ils en ont un petit, simple,
sous chaque articulation des phalanges.
Orteils palmés mais à membrane assez échancrée. Mains et
pieds très lisses en dessus.
Coloration. — La coloration n'est pas la même chez
les deux sexes.
lo McVe. — Fond d'un gris parsemé, sur tout le dessus du
corps, de taches et de bandes larges d'un vert clair qui occupent
plus de surface que le gris du fond. Chaque région sus-oculaire
est coupée transversalement par une bande verte dont la
largeur est égale au tiers de la longueur du mamelon sus-
oculaire. Les deux bandes sont symétriques. Les taches des
parotides sont irrégulièrement placées. Le dos porte un grand
nombre de petits tubercules qui sont plus ou moins rouges
suivant l'âge de l'épiderme. La lèvre supérieure est d'un gris
ardoisé et tachée en dessus. Les membres sont barrés par de
grandes taches vertes légèrement bordées de noir. Le ventre
est blanc.
124 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE
2o Femelle. — Chez la femelle le fond est très clair. Les
taches et les bandes sont plus petites ; elles sont d'un beau
vert foncé et tranchent vivement sur le fond clair qui occupe
plus de surface que chez le mâle.
Sexes. — Mâle. — Des expansions lichéniformes, rugueuses,
aux pouces et sur les 2c et 3*^ doigts au moment des amours.
Un sac vocal interne. Parotides petites. Coloration verte dans
son ensemble.
Femelle. — Pas d'expansions lichéniformes aux doigts.
Pas de sac vocal. Parotides grandes. Coloration vive, nettement
bicolore.
Taille et dimensions :
Longueur de la tête . .
Largeur de la tête
— des épaules
— du bassin
, , , i bras
Membre \
l avant-bras
antérieur J
f mains
i cuisse
jambe
tarse
pied
Longueur du museau à l'anus.
Longueur totale
Distribution géographique. — (B : T., H.-Pl., S.) —
Le Bupi viridis se rencontre depuis le littoral jusqu'au
Sahara (Blg.) Dans la province d'Oran il n'a été signalé qu'à
Oran (Strauch, Latasle, Boulenger). Il y est très commun.
Il abonde dans le Tell. Mais au fur et à mesure qu'on s'éloigne
de la mer, il est remplacé par le Bufo 7nauritanicus. ^
Le crapaud vert est rare sur les Ilauts-Plateaux. Je l'ai reçu â"
de Méchéria et du Kreider (Uiroux).
Je ne le connais pas du Sahara oranais,
l
i
Mâle (La Sènia)
Femelle (Mèchèria)
0,021
0,021
0,026
0,030
0,025
0,030
0,02G
0,035
0,019
0,022
0,021
0,023
0,019
0,023
0,030
0.03G
0,029
0,032
0,020
0,020
0,029
0,035
0.07(5
0,095
0,160
0,186
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE 125
Éthologie. — Le crapaud vert se rencontre toute l'année.
Il se réfugie sous une pierre isolée ou dans une courte galerie
qu'il se ménage dans le sable ou la terre meuble. Le long des
rivières son refuge est situé dans les berges. Il est peu agile et
progresse par petits sauts. Ce n'est qu'au printemps, au moment
des amours, qu'il sort dans la journée. Pendant les mois d'avril
et mai il est commun dans les mares et les flaques d'eau ; aussitôt
la ponte terminée il disparaît. Il ne sort plus que la nuit.
Le chant du crapaud vert est tout à fait monotone ; il
ressemble à un roulement de tambour électrique : rrrou. . . rrrou .
L'accouplement a lieu dès la fin de l'hiver ; il précède
ordinairement de plusieurs semaines celui du crapaud de
Maurétanie. Au mois de février les excroissances lichéni-
formes commencent à apparaître aux doigts des mâles. Dans
la deuxième quinzaine il n'est pas rare de voir les deux sexes
à l'eau. Dans le courant de mars l'accouplement est général.
Les œufs sont pondus dans le jour en grand nombre et en deux
cordons. Ils éclosent au bout de peu de jours. Le développement
des larves est relativement lent. Les têtards sont noirs et gros ;
leur contour est nettement polygonal ; ils ressemblent assez à
ceux du discoglosse dont il est difficile de les distinguer isolément.
Ils sont très carnassiers. Le tronc du jeune animal parfait
mesure 20 millimètres ; la taille, 62 millimètres.
Le crapaud vert est un animal très utile. Plus petit et plus
élégant que le crapaud de Maurétanie il inspire beaucoup
moins de répulsion. Il se nourrit d'insectes nocturnes et avale
de gros carabides et curculionides : Scarites, Asida, etc.
53. Bufo maurUanicus Schlegei (Pi. XXV)
Le crapaud de Maurétanie.
Le crapaud panthère. Arabe (Oran) : Oum gueurgueur.
Bufo pantherinus Boje, GuicJi., Strauch, Lallemant.
Bufo mauritanicus Schl., Blg., Ern. Olivier.
Caractères trincipaux. — Crosse taille. Pouce cl /'' doigt
très inégaux. Des tubercules doubles sous le grand orteil.
Un pli tarsien.
12fi ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'ORANIE
Voici la description d'une belle femelle vivante :
Museau obtus, semblable à celui du B. viridis. Mandibule
inférieure large à contour appartenant à un trapèze plutôt
qu'à une figure courbe : largeur entre les angles de la
bouche 45 millimètres, flèche 20 mil). Les côtés sont à peu
près droits ; l'extrémité est très obtuse. Mâchoire supérieure à
bords tranchants, séparés au milieu par une petite échan-
crure où vient se loger un double petit pli de la mâchoire
inférieure. Bouche très grande ; langue spatulée, arrondie à
l'extrémité, très libre postérieurement. Face du bout du
museau verticale ou à peu près. Trous des narines distants
entre eux de 5 millimètres et, du bord de la mâchoire, de 8 mill.
Régions sus-oculaires peu saillantes, couvertes de petits
tubercules, les postérieurs plus grands. Arcade sourcilière
formée d'un fort bourrelet peu rugueux, saillant, presque
droit, séparé de la surface sus-oculaire par un sillon assez net.
Extrémité postérieure de l'arcade obtuse et limitée par un pli.
L'arcade sourcilière est très surbaissée. Une forte et large
dépression, à fond lisse, se trouve sur le dessus de la tête
entre les régions sus-oculaires; elle s'étend un peu en arrière ;
en avant elle se termine en gouttière étroite et anguleuse sur
le bout du museau. Œil nullement saillant, guère plus large
que haut; sa largeur dépasse à peine, sa distance à la narine.
Parotides grandes ayant la forme d'un haricot, longues
de 33 mill., larges de 15 ; extrémités d'égale largeur mais un
peu plus étroites que le milieu. La longueur des parotides
est égale à leur dislance au bout du nmseau.
Tympan un peu oblong, relativement petit (7 sur 4,5) placé
sur l'extrémité antérieure de la parotide.
Corps trapu, long de 135 mill., large de 80 mill., très rende
sur les côtés. Dessus très verruqueux. Verrues très fortes,
convexes, subpyramidales, muriquées, de forme régulière sur
le haut des flancs ; les plus grandes atteignent 7 mill. de
diamètre et 2 mill. de hauteur. Le dos est relativement peu
verruqueux.
Lu arrière de l'angle de la bouche, à 5 mill., se trouve un
gros tubercule isolé séparé de l'angle par deux ou trois autres
bien plus petits.
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE 127
Peau du ventre, de la poitrine et de la gorge entièrement
tuberculeuse, mais à tubercules très petits, lisses, peu
saillants occupant les mailles d'un réseau très fin ; ceux de la
gorge sont réduits à des points assez aigus ; ceux de la
poitrine sont de même forme mais plus développés ; ceux du
ventre sont déprimés, convexes et deviennent verruqueux
sur les cuisses.
Membres très gros, bien développés.
!« Membres antérieurs. — Le pouce dépasse le 2^ doigt de
la longueur d'une phalange ; le 3« doigt dépasse le 2»^ de deux
phalanges; le 4o est un peu plus long que le 2''. Les doigts
aplatis et élargis sont bordés par un bourrelet parfois
bien distinct. A la base de la main se trouve un large tubercule,
plus ou moins ovale, assez peu saillant (de 9 mill. sur 7),
Un autre tubercule moitié plus petit se trouve à la base
du pouce. La paume et les doigts sont fortement tuberculeux
en dessous. Les tubercules de la paume sont simples, inégaux,
arrondis ou allongés, bien nets et bien saillants. Ceux des
doigts sont très gros; les inférieurs sont tronqués en avant, et
le plus grand nombre, divisés en deux par un sillon longitu-
dinal. Le pouce et le 2'^ doigt portent un tubercule double sur
la 3« phalange ; la 2*^ phalange est couverte par un autre
tubercule double, allongé et peu saillant; la l'*^ est boursouflée,
épaisse, obtuse arrondie. Le 3'^ doigt porte sur la 4** phalange
un tubercule double, mal défini ; un autre double, assez petit,
se trouve à l'extrémité de la 3^; les intervalles sont occupés
par un tubercule simple, long et saillant. Le 4'' doigt porte un
gros tubercule simple sur la 4^ phalange ; le reste du doigt offre
deux tubercules parallèles longs et étroits. Dessus de la main
assez lisse.
2° Membres fostérieurs. — Un fort pli saillant, de même
nature que la bordure des orteils, s'étend sur le côté interne
du tarse. Ce pli tarsien est attaché au gros tubercule de l'orteil
interne. Sa longueur est égale aux deux tiers environ de celle
du tarse.
Tubercule de la base de l'orteil interne (le plus court)
bien détaché, saillant, ovalaire, long de 8 millimètres, large
128 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'oRAXIE
de 4 ; vu de côté, il présente une hauteur de 4 à 5 mill, ;
son extrémité antérieure est libre sur une longueur de
1,5 mill. Un autre tubercule se trouve à la base du pied,
sur la ligne du grand orteil ; ce tubercule est plat, usé, peu
saillant; son contour est oblong ou ogival (5 mill. sur 4).
Plante des pieds couverte de tubercules simples, peu saillants et
de deux grandeurs: ceux qui continuent irrégulièrement la
ligne des doigts sont plus gros que les intermédiaires. Les
tubercules des orteils sont moins forts que ceux des doigts ;
les deux plus gros du grand orteil sont à peu près les seuls
doubles ; encore se soudent-ils parfois avec l'âge. Tous ceux de
la base des orteils sont simples, arrondis et non tronqués en
avant. En résumé, les pieds sont moins tuberculeux que les
mains. Le dessus est à peu près lisse.
Coloration. — Femelle. - Fond d'un roux olivâtre avec de
grandes taches chocolat très apparentes et assez symétriques sur
la tête ; ces taches sont séparées par des bandes du fond plus
ou moins larges. De chaque côté du museau, entre l'œil et la
narine, se trouve une tache très apparente; les deux taches se
rapprochent l'une de l'autre vers le sillon médian du museau,
mais sans l'atteindre. Une grande bande, concave en avant,
joint les régions sus-oculaires. En arrière se trouvent
deux grandes taches ; plusieurs autres entourent ou couvrent
en partie les parotides. Sur le dos les taches sont nombreuses,
subarrondies ou irrégulièrement allongées. Les lèvres supé-
rieures et les membres portent aussi des taches de même
couleur mais moins foncées. Ventre d'un blanc jaunâtre sale.
Mâle. — Les taches de la tète sont disposées à peu près de
même, mais leur coloration est bien moins vive. Sur le dos elles
sont peurnombreuses, moins grandes et d'un brun verdâtre.
Sexes. — Mâle. — Un sac vocal. Coloration à fond non
nettement bicolore. Des expansions lichéniformes sur le pouce
et les doigts pendant la période des amours.
Femelle. — Pas de sac vocal. Coloration nctleiiient bicolore,
à grandes taches marron se détachant sur un fond clair. C'est
cette robe qui a valu à l'espèce le nom de crapaud panthère
fi
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUË DE L'ORANIE 129
Taille et dimensions :
Maie
Longueur du tronc 0,123
— totale 0,277
— du membre intérieur (de lép-^^ule) 0,082
Plus gr?nde lo gueur du coude plié au bout des doigls. . . 0,056
— de l'avant-bras replié 0,033
— du poignet plié au bout d(s doigts. . 0,032
Longueur des 3 phalanges du grand doigt . . 0,014
— du membie posifrieir tiûdu, depuis I'.dus. 0,152
Distance entre les geno x, les cuisses sur une même igné. 0,100
Plus grandi longupur de la jambe repliée 0,052
— eu tarse replié 0,035
Longueur du métatarse et des orteils 0,054
Longueur du grand orteil (4 phalanges) 0,029
DiSTRIDUTION GÉOGRAPHIQUE. — (B : T., H. -PI.) — Le
crapaud de Maurétanie est répandu dans tout le Tell. Rare
dans la région de l'alfa, il devient assez commun dans la
région montagneuse des Hauts-Plateaux. J'ignore s'il se
trouve dans le Sahara oran.iis.
Il est rare à Oran où on le trouve pourtant dans les jardins
maraîchers. Dans les environs il est assez commun partout où
il y a de l'eau. Il n'est pas rare à La Sénia. Il abonde dans les
plaines du Sig, de Perrégaux, de La Macta, etc. Je l'ai vu
à Terny, à Saïda et à Géryville,
Éthologie. — Le crapaud de Maurétanie a à peu près
les même mœurs que le crapaud vert. Il ne circule que la nuit
pour quêter sa nourriture. Dans le jour, il reste caché dans
les Irous humides, sous les grosses pierres, dans les tuyaux,
etc. S'il fait trop sec ou trop froid, il ne sort pas. Le long
des cours d'eau fortement encaissés, il habite des galeries
dans les berges alluvionnaires. Là, lorsqu'il fait sec, il est
souvent retenu prisonnier dans sa retraite ; la pluie et
le soleil ayant rétréci l'ouverture de son trou, il est obligé
d'attendre qu'une nouvelle ondée vienne ramollir rentrée de
son logis.
Même pendant la période des amours, le crapaud panthère
130 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE
circule rarement dans le jour ; il se tient au fond de l'eau
toujours cramponné sur sa femelle ; le soir le couple vient
sur le bord de l'eau recevoir les rayons du soleil couchant ;
il passe la nuit à moitié immergé.
Le chant ordinaire du crjpaud de Maurétanie est très grave ;
il peut se traduire par un roulement de la voix crrrr. . . . crrr ;
au moment des amours, par rr^\ . . . rrra. , . . ratoès.
L'accouplement a lieu à des périodes variables qui ont les
plus grandes relations avec les saisons de pluies. C'est ainsi
que les pontes peuvent commencer le l'^'" avril, si la saison
est favorable, tandis qu'elles peuvent être retardées jusqu'au
15 mai, ainsi que j'ai pu le constater, si les pluies sont trop
précoces ou trop tardives. Je ne parle pas des pontes isolées
qui ont lieu durant tout l'été, mais de la ponte générale
dans une région.
Les œufs', très nombreux, sont pondus en quatre cordons. Ils
sont assez gros : leur diamètre est de l^n/^S ; une moitié est
d'un gris sale, l'autre, noirâtre. Le volume des œufs pondue est
de 150 à 200 centimètres cubes.
La ponte a lieu le plus souvent la nuit et presque toujours
au bord de l'eau. Les œufs éclosent très vite. Les têtards sont
les plus petits de ceux de nos batraciens ; leur longueur totale
ne dépasse pas 3 centimètres. Ils se reconnaissent à leur corps
tout parsemé de points dorés. Au bout des métamorphoses
l'animal parf^iit n'a que 10 à 11 mill, de long. Les jeunes Bufo
viridis sont bien plus forts, 20 millimètres.
Les têtards sont herbivores ; dans les marais salés ils
rongent les salicornes. La durée des métamorphoses est
d'environ 45 jours.
Le crapaud de Maurétanie est un animal très utile. Ayant
besoin -'d'une abondante nourriture, il dévore de grandes
quantités d'insectes. Aussi serait-il avantageux de le répandre
dans les jardins potagers, les cultures arrosées, les vignes, etc.
Il faudrait surtout l'importer sur les Hauts-Plateaux. On le
conserverait en lui ménageant dans les jardins des refuges
sous les bassins ou dans des tuyaux enterrés. Il est mieux
constitué que le crapaud vert pour résister au climat
du Sud.
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE 131
54. Bufo vulgaris Laur. (Pi. XXIV, fig. 3)
Fi(j. Albert Granger, Hist. nat. de la France, p. 154
Le crapaud vulgaire.
Bufo vulgaris Laur., Strauch., LalL, Blg., Ern. Olivier.
Caractères principaux. — Grosse taille. Pas de pli
tarsien. Pouce et i''' doigt rapprochés presque égaux. Tuber-
cules doubles sous le grand orteil.
Ne possédant pas cette espèce d'Algérie, je me borne à
en donner les principaux caractères d'après un petit exemplaire
d'Europe.
Aspect du Bufo mauritanicus. Langue elliptique, assez étroite,
un peu en pointe. Régions sus-oculaires à tubercules obtus,
mal définis. Arcade sourcilière formant un bourrelet arrondi,
lisse, mais non bordé par un sillon. Parotides assez petites, en
forme de haricot, très saillantes. Doitgs à côtés non parallèles,
atténués. Le pouce rapproché du 2^ doigt l'égale ou à peu près.
Tubercules inférieurs des doigts doubles mais peu saillants.
Orteils peu tuberculeux, sauf le grand dont les tubercules sont
doubles. Peau portant plutôt des renflements que des tubercu-
les, mais bien moins nombreux que chez Bufo mauritanicus .
Les tubercules sont épineux sur les pattes. De là le nom
de crapaud épineux qui a été donné à cette espèce.
Coloration. — D'après Lataste {Faune de la Gironde) :
(( Le mâle a les faces supérieures d'un roux olivâtre, pouvant
passer au brun, au verdàtre, au rougeàtre, toujours uniformes,
à peine marquées de quelques taches peu claires parfaitement
fondues.
« La femelle a les faces supérieures toutes marbrées de
taches brunes, jaunes et blanc sale, l'ensemble paraissant plus
ou moins clair ou plus ou moins foncé suivant les circonstances.
« Les faces inférieures sont d'un blanc jaunâtre sale,
uniforme chez le mâle, très légèrement marbrées de taches
d'un gris très pâle chez la femelle.
» Tubercules métatarsiens ou métarcarpiens rougeâtres. »
132 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'oRANIE
Sexes. — Des plaques lichéniformes sur les doigts du
mâle pendant la période des amours.
Taille. — Museau à anus O'^IS (Blg.)
D'après la description ci-dessus on voit que le Bufo vulgaris,
surtout par sa taille, a l'aspect du Bufo mauritanicus. Rien
d'impossible à ce qu'on ait confondu les deux espèces en
Algérie. L'absence du pli tarsien ne permet pourtant aucune
confusion.
Distribution géographique. — (M., Ai : Haut-Tell.) — N'a
été signalé qu'à Tlemcen par Bottger. Je ne l'ai pas rencontré
de Tlemcen à Sebdou où je n'ai vu que son congénère. A été
signalé à Dône et au Maroc.
Éthologie. — Le crapaud vulgaire est, d'après Lataste,
« solitaire ». C'est là ce qui expliquerait sa rareté. En France,
d'après le même auteur, il s'accouple dès la fin du mois
de février. Il doit donc être encore plus précoce en Algérie.
19«« Famille. — IIYLIDÉES
Caractères de la famille. — Des dents vomériennes sur
deux petits mamelons siib globuleux. Langue molle, à peu près
entièrement fixe. Bouts des doigts élargis en un disque portant
en dessous une pelote adhésive.
Un seul genre en Berbérie :
Genre HYLA
Caractères du genre. — Orteils palmés. Des dents
m.axillaires et voinériemies. Langue un peu libre en arrière et
légèrement échancrée. Membrane du tympan bien distincte,
circulaire. Mâle avec un grand sac vocal externe placé
sous la gorge.
Une seule espèce en Berbérie :
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'ORANIE 133
55. Hyla arborea L. var. (Pi. XXVI, %. i, a)
Fig. Albert Granger {loc. cit.), p. 130
La var. Boscàin/l>ni. Soc. Esp. 1881, pi. ii, f" 7-10 (d'après Blg.)
Héron-Royer, Bull. Soc. Zool. France. 1884, pi. IX
La rainette.
Hyla arborea L., Strauch, Lall., Blg., Ern. Olivier.
Hyla viridis Guichenot.
Hyla Perezi Boscà, in Ann. Soc. Esp. Hist. nat. IX, p. 181
et X, t. II, fo 7-10.
Hyla arborea L. variété meridionalis B'ottger.
Hyla barytonus Héron-Royer, in Bull. Soc. Zool. France,
IX, p. 220, pi. 9.
La rainette de Berbérie a été rapportée à la variété meri-
dionalis par Bottger lui-même. Voici, d'après M. de Bedriaga
qui a fait une étude spéciale des diverses variétés de la
rainette, les caractères distinctifs de notre variété :
(( La hande foncée liserée de blanc des côtés de la tête ne
se prolonge pas le long du haut des ftcuics et des jambes;
elle ne dépasse pas l'épaule. Pied plus court que le mollet
lequel est plus court que la cuisse.
a Chez le type la bande colorée liserée de blanc fait pour
aijisi dire le tour du corps. Elle s'élargit de chaque côté du
bassin en une belle tache. Le pied est souvent aussi long que le
mollet lequel est un peu plus court que la cuisse. »
Ces caractères sont loin d'être stables et certains échantillons
sont intermédiaires aux deux formes extrêmes.
Voici maintenant la description d'une femelle vivante d'Oran ;
Tête petite non séparée du tronc. Museau à contour
anguleux obtus. Mandibule inférieure assez ogivale : largeur
17 millimètres, flèche 13.
134 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'ORANIE
Lèvres supérieures à bord assez émoussé, non échancrées
à leur jonction. Bouciie grande. Langue presque arrondie, un
peu tronquée en arrière, fixe sur la majeure partie, libre sur
une étendue à peu près égale au 3 de la largeur. Arrière-
narines petites, séparées par deux petits mamelons de dents
vomériennes placées sur la même ligne. Aussi des dents sus-
maxillaires.
Face du bout du museau verticale, un peu convexe avec une
légère pointeau milieu. Trous des narines distants entre eux
et de la lèvre de 3 millimètres. Régions sus-oculaires lisses,
assez proéminentes, dépourvues de bourrelet.
Œil très saillant, aussi large que haut, distant de 4 mill. de
la narine. Tympan petit (2,5) subcirculaire mais un peu plus
long ({ue haut, distant de l'œil de 1"'/"^! et de la lèvre de 1 mill.
Pas de parotides. Dessus de la tète présentant entre les régions
sus-oculaires une large dépression plane.
Corps relativement long (45 millimètres) et étroit (25 milli-
mètres au plus dans la région abdominale) ; absolument lisse
en dessus ; rugueux, tuberculeux sur le ventre et sous,
les cuisses. Gorge lisse ou à peu près. (Chez le mâle el^e est
recouverte par un grand sac vocal externe, jaunâtre et
pellucide). Membres grêles, les postérieurs très longs.
1° Membres antérieurs. — 4 doigts inégaux ; le pouce qui est le
plus court (7 mill.), est conique dans la moitié inférieure ; il est
limité, à la base, par un léger sillon ; le 2*^^ doigt dépasse
le pouce de 3 mill. ; le 3^, le plus grand, dépasse le 2« de 3,5 ;
le 4'^ dépasse le 2^ de 1 mill. Articulations portant chacune en
dessous un tubercule simple un peu en pointe arrondie. Tous
les doigts, comme les orteils, sont pourvus à leur extrémité
d'une pelote adhésive jouant le rôle de ventouse. Un assez
gros tubercule se trouve sur la base du pouce.
2° Membres postérieurs. — Orteils croissant régulièrement
du l'^^'" au 4<-' ; le 5« un peu plus court que le 3^. Un tubercule
simple sous chaque articulation. Un tubercule oblong, saillant
(2 mill.) au-des.sous du 1«' orteil.
Les jambes très longues et grêles permettent à l'animal de
faire des sauts énormes.
ESSAI i^UR LA FAUNE EHPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE 135
Coloration. — Mâle. — D'un vert d'herbe très clair,
parfois un peu terne sur le dos, sur les avant-bras, sur les
cuisses et sur les jambes. Une large bande brunâtre de la
largeur du tympan s'étend de l'œil à l'épaule. Cette bande
se bifurque obscurément en arrière ; parfois la branche
supérieure parcourt le haut des flancs en bordant le vert du
dos. La branche inférieure s'arrête vers l'épaule. La bande
brune se fond sur le ventre. Des yeux à la narine une étroite
bande brune va, en diminuant de largeur, de l'arrière à
l'avant. Museau argenté au bout ; parties latérales vertes
jusqu'à l'épaule. Aisselles, bras, dessous des avant-bras,
dessus des mains et des pieds d'un gris doré argenté. Ventre,
dessous des mains, des cuisses, des jambes et des tarses couleur
chair. Des traits argentés à reflets dorés bordent les parties
vertes de tout le corps. Les parties vertes des jambes sont
bordées extérieurement par un filet blanc qui est lui-même
parallèle et contigu à une bande étroite, fondue, d'un brun
noirâtre comme sous le tarse et le pied. Sac vocal d'un jaune
safran couvrant la gorge et y formant plusieurs plis.
Cette coloration a été prise le 17 mars après l'éclosion
des a^ufs.
Femelle décrite ci-dessus. — Coloralion générale du dessus
identique à celle du mâle : du vert sur les mains, des taches
sur les doigts ; tarses et pieds verts comme la jambe. Dessous
du ventre blanc, légèrement jaunâtre ; gorge lisse, plus blanche
que le ventre, portant, entre les aisselles, un pli qui est bien
net lorsque la tête est relevée. Membres gris en dessous.
Parties des aines et des jambes en contact à vifs reflets d'un
jaune d'or. Dans l'eau le vert du dos devient olive très sombre
et même d'un brun noirâtre.
Une autre variation oiïre une robe à fond gris brun pointillé
de noir. Les grandes bandes persistent.
Sexes. — Mdle. — Un sac vocal e.xterne, jaunâtre, très
visible sous la gorge.
Femelle. — Gorge unie, blanche. Corpulence plus forte.
Plus rare que le mâle.
16
136 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE
Taille et dimensions :
Mâle (Oran)
Longueur du tronc 0,035">/'»
— totale 0,103
— du membre antérieur 0,026
Plus grande longueur du eoudeplic au bout des doigts. . . . 0,021
— du loude au pli do poignet 0,010
— du pli du poignet an boni des doigts . . 0,0115
Longueur du membre postérieur tendu, dopnis l'anus 0,068
Distance entre les genoux, les fuisses snr une même ligne. . . 0,040
Plus grande longueur de la cuisse repliée. 0,0225
— de la jambe repliée. 0,021
— du tarse replié 0,013
Longueur du métatarse et des orteils 0,018
Distribution géographique. — (B: T.) — La rainette doit
être répandue dans tout le Tell. Elle ne paraît pas monter sur
les Hauts-Plateaux. Je l'ai prise à Oran, La Sénia, Bou-Sfer.
M. Anderson l'a signalée à Tlemcen.
Éthologie. — La rainette est le plus élégant de nos
batraciens. Aussi n'inspire-t-elle pas le dégoût que l'on a pour
le crapaud. Elle est très agile et fait des sauts énormes. Si on
la prend entre les doigts elle glisse comme une anguille.
La rainette n'est pas commune en Algérie. Hors la période
des amours, on ne la rencontre que très rarement. Elle habite
les lieux frais, mais de préférence les marais où elle
trouve un refuge dans les racines ou sur les branches des
tamarins. Du mois de février à la fin d'avril on la voit dans
la journée accroupie sur les branches des arbustes ou sur les
joncs ;. aussi est-il toujours difficile de l'atteindre.
Dès la fin d'avril les rainettes deviennent très rares. Elles
réapparaissent en automne si la saison est pluvieuse. Les
jeunes seules restent en famille autour du point humide où
elles sont nées.
Le chant de la rainette n'est guère agréable. Il peut se
traduire par came. . . carac. Au moment des amours, lorsque
quelques mâles sont réunis autour d'un point d'eau, ils font,
surtout la nuit, un vacarme assourdissant. Par un effet de
ESSAÎ SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'oRANIE 137
ventriloquie la voix est multipliée et l'on croirait entendre des
centaines de rainettes lorsqu'il n'y en a que quelques-unes.
Les rainettes apparaissent en février. L'accouplement a lieu
presque aussitôt si elles trouvent de l'eau. En général il a
lieu vers la lin de mars.
Les œufs sont pondus par petits groupes et déposés sur les
lits de conferves ou suspendus aux plantes aquatiques. Leur
diamètre est de 1,25 raill. de diamètre ; un tiers de la surface
est noir ; les deux autres tiers sont blancs. L'éclosion est
très rapide, mais l'évolution est très lente et dure environ
2 mois et demi (Roësel). A Oran, des têtards nés en mars
ne sont devenus adultes que vers le milieu de mai.
Le têtard de rainette est le plus facile à reconnaître ;
sa membrane dorsale monte bien avant sur le dos et s'étale
entre les yeux. Le museau largement obtus arrondi permet
aussi de le distinguer aisément.
La rainette se nourrit d'insectes et principalement des
diptères, névroptères, lépidoptères qui habitent les lieux
marécageux. C'est un précieux auxiliaire dans les jardins. Elle
rend surtout des services dans les vergers, car elle cherche sa
nourriture jusqu'au sommet des arbres fruitiers.
Depuis longtemps on a attribué à la rainette des propriétés
hygrométriques. Emprisonnée dans un bocal contenant de
l'eau et dans lequel se trouve une petite échelle, elle plonge si
le temps est à la pluie et elle monte lorsque l'air devient sec.
Aux approches de la pluie elle chante.
Quoique le père Bugeaud ait fortement contribué à donner
quelque notoriété à la rainette, les indications de cet hygro-
mètre vivant sont loin d'être d'une grande valeur scientifique.
La rainette se laisse prendre facilement à la main ; mais on
ne la voit pas souvent car elle sait se dissimuler. Grâce à ses
pelotes adhésives qui lui permettent de se maintenir sur les
surfaces les plus lisses elle se fixe sur une large feuille
verte ou sur une branche. Sa peau subit des effets de mimé-
tisme. Gomme le caméléon, la rainette fait varier la coloration
de sa robe et passe inaperçue.
138 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGiQUE DE l'oRANIË
20'«« Famille. — DISGOGLOSSIDÉES
Garactèhes de la famille. — Dents vomcriennes formant
deux peignes occupant presque toute la largeur de la bouche
en arrière des narines. Langue circulaire, libre sur son
]Jourtour. Pupille anguleuse à la base, ayant presque la forme
d'un triangle curviligne. Mâle dépourvu de sac vocal.
Cette famille ne comprend qu'un seul i.ïenre et qu'une seule
espèce :
Genre DISGOGLOSSUS
Caractères. — (Voir ceux de la famille.)
56- Discoglossus piciiis Otth. (Pi. XXVI, fig. 2, a, b, c, d)
Fig. Lataste. — Sur le discoglosse. Bordeaux 1879
Héron-Royer, Bull. Soc. nat. d'acclim. de France idOl-l'^'^ sem.
Le (liscofjlosse peint.
Rana temporaria Rozet non Linné.
Discoglossus pictus OlUi., Strauch, Lall., Blg., Ern. Olivier.
D. sardus Tsclnidi.
D. aurilus7/.-iîoi/c>'(Bull.Soc.zool.deFr., 1880, XIII, p. 220).
D. Scowazzi Camerano.
Caractjîre principal. - Pouce réduit à un tubercule.
Espèce très variable. Elle a été subdivisée en espèces ou
variétés qui se rapportent toutes à une seule et unique espèce
(D. picius Ottli.) Deux formes se trouvent à Oran : l'une élancée
(D. aurilus Héron-Royer) ; l'autre trapue, à membres épais,
(D. sardus Tsch.) Cette dernière est rare.
Voici la description d'un beau mâle de Vauritus d'Oran :
ïète assez forte, museau anguleu.x, subaigu, peu épais. Bout
du museau, vu de profil, arrondi ; très saillant en dessous
sur la mandibule inférieure, (3 à 4 "7"')- Celle-ci épaisse,
allongée, mais arrondie antérieurement ; largeur 24 mill,,
flèche 14 ; débordée dans la moitié antérieure par la lèvre
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'ORANIE 139
supérieure et par le museau. Bouche grande moins extensible
que celle des crapauds, et surtout que celle de la grenouille.
Arrière-narines petites. Dents vomériennes en forme de deux
peignes, presque contigus, disposés sur une même ligne laquelle
traverse le palais dans toute sa largeur à l™/n'5 en arrière de la
ligne des narines. Langue circulaire (10 mill.), peu libre posté-
rieurement et sur les côtés, fixe au milieu et en avant. Régions
siis-oculaires très proéminentes, s'avancant peu sur les yeux.
Tas d'arcade sourcilière marquée. Région frontale et dessus
du museau plans ; la première à peu près de même largeur
qu'une région sus-oculaire. Narines distantes entre elles de 5,5,
du bout du museau de 4,5, de l'œil de 5,5 et hautes de 4,2.
Région occipitale plane. Un sillon assez distinct va de l'œil
au-dessous de la narine. Œil circulaire (4,5 de diamètre)
bien visible en dessus ; pupille échancrée en bas ; iris d'un
brun doré, à partie inférieure traversée par une large bande
transversale d'un blanc grisâtre doré.
Membrane du tympan circulaire ou oblongue, alors oblique,
plus ou moins visible. (Ce caractère sur lequel on a basé les
diverses variétés est de peu de valeur car il est très variable.)
Distance de l'angle de l'œil à l'angle de la bouche égale à celle
de l'œil à la narine. En arrière de l'angle de la bouche se
trouvent plusieurs tubercules de 5 à G mill. qui paraissent
n'en former qu'un seul linéaire. Dos parcouru par des lignes
assez saillantes de tubercules linéaires non contigus. Haut des
flancs portant un fort pli de la peau qui va de l'œil jusqu'à la
ceinture. Quelques rugosités sur les reins et sur les cuisses.
Gorge et ventre lisses mais avec quelques points blancs
saillants, épars, bien plus nombreux et plus forts sur les
cuisses de chaque côté de l'anus.
Au bas de la gorge existe la trace d'un collier curviligne
parfois bien marqué sur les côtés du cou ; le pli n'est pas
saillant au miheu, mais on peut le reconnaître.
Membres forts, assez courts, plus robustes chez le mâle que
chez la femelle. Épaisseur de l'avant-bras chez le mâle
décrit 9 millimètres.
1" Membres antérieurs. — Doigts très légèrement réunis par
une membrane ; le pouce réduit à un gros tubercule ovalaire
140 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE
(3 à 4 mill.) ; 2'= doigt aussi large que le pouce, triangulaire,
épais, court (4 mill. sur 3,5) ; 3'^ doigt un peu plus long, plus
étroit (5 sur 2) ; le 4« le plus long (8 mill. sur 1,5) ;
le 5« égale le S*'. Un fort tubercule à la base du 5« doigt et
un autre moindre, plus haut placé, à la base du 4«. Bout
des doigts légèrement renflé. Des tubercules simples, peu
saillants sous les articulations.
2» Membres postérieurs. — Orteils très palmés, augmentant
régulièrement de longueur du 1" au 4^ ; le 5« atteignant
le milieu de la distance entre le 2*^ et le S*". Un tubercule
saillant, oblong (2,5 sur 1) à la base du l^'" orteil. Des tubercules
simples, peu saillants sous les articulations. Pas de pli tarsien.
Taille et dimensions :
mâle femelle
Longueur du tronc 0,067 0,066
— totale 0,174 0,147
— du membre antérieur (de l'épaule) 0,039 0,031
Plus grande longueur du coude plié au boul des doigls 0.030 0,025
— de l'avanl-bras replié 0,015 0,013
— du poignet plié au bout des doigls. . . 0,010 0,014
Épaisseur de l 'avant-bras 0,009 0,0055
Longueur des 3 phalanges du grand doigt . . 0,008 0,007
— du membre postérieur tendu, depuis l'anus. . . 0,110 0,097
Distance entre les genoui, les cuisses sur une même ligne. 0,064 0,058
Plus grande longueur de la jambe repliée. . 0,036 0,033
— du tarse replié 0,023 0,020
Longueur du métatarse et des orteils 0,032 0,028
— du grand orteil (4 phalanges)... 0,018 0,016
Coloration. — Voici la plus commune, celle d'un mâle :
Fond à couleur de grès clair, devenant d'un gris olivâtre à
l'ombre, de teinte uniforme en dessus ; Dos orné de petites
taches noirâtres, très distantes, régulièrement disposées.
Chaque tubercule dorsal porte une tache allongée coupée au
centre par le sommet roux doré du tuber-culc. L'ensemble des
taches forme comme les tubercules quatre rangées. Les deux
rangées médianes sont plus longues : elles comptent 8 à
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE 141
10 taches (les latérales n'en ont que six) ; parallèles sur la
majeure partie de leur longueur, elles s'écartent sur la tête et
leur ensemble forme une espèce de trapèze dont la base curvi-
ligne passe par le milieu des mamelons sus-oculaires. Le
dessus du museau est clair. En arrière, les deux rangées
se rejoignent en une seule tache placée sur l'extrémité
coccygienne.
De chaque côté du museau une bande noirâtre va de l'œil au
bout du museau en passant par la narine. Lèvre supérieure
bordée de noir.
Tympan taché dans la région supérieure et bordé par un
large trait d'un beau noir (8 n ill.) compris entre le coude du
pli longitudinal et l'oîil. Plus en arrière, au-dessus de l'épaulo
et contre le pli longitudinal, se trouve une tache oblongue
(6 mill. sur 2) d'un beau noir ; cette tache est bordée par un
trait doré qui ressort vivement.
Les flancs sont parsemés de taches plus ou moins obscures.
Le pli saillant, qui de chaque côté sépare les flancs du dos
et va de l'œil à l'aine, est d'un roux doré.
Les membres sont coupés sur toute leur longueur par de
larges taches d'un brun noirâtre qui vont en se rétrécissant
vers les extrémités.
Dessus du corps d'un beau blanc, lavé de jaune aux plis des
bras et des jambes. Dessous des mains et des pieds d'un gris
gélatineux.
Variations. — La coloration précédente oflre quelques
légères variations :
1° Le plus souvent le fond devient d'un roux olivâtre et les
taches dorsales s'élargissent en devenant obscures.
Une variation plus importante est la suivante :
Les taches oblongues ont 5 à 6 mill. de long sur 3 mill. de
large, elles sont d'un noir mat tranchant nettement sur le fond.
Le pli latéral est d'un jaune orangé très vif. De larges taches
de même couleur se voient sur les membres; elles semblent
former le fond de la coloration.
2° Parfois un filet blanc borde en avant la tache pariétale et
un autre la tache tympanique.
142 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE
3" La variation la plus intéressante est la suivante :
Le fond du dos est coupé par trois larges bandes jaunâtres,
claires, parfois presque blanches, qui se détachent très
vivement sur le fond olivâtre.
La bande médiane va du bout du museau jusqu'au bas du
dos ; large de 67 ir.ill. au milieu, elle se rétrécit en arrière et
n'a plus que 1,5 mill. sur le coccyx ; ses bords, quoique
symétriques, ne sont ni droits ni parallèles ; ils sont formés
par une ligne brisée à éléments plutôt courbes, La partie qui
se trouve sur la tête est un peu sombre ; celle qui parcourt
le dos est d'un blanc jaunâtre ou orangé, bordé de chaque
côté par un filet d'un beau blanc.
La tache occipitale est coupée par la bande longitudinale ;
celle de chaque mamelon se continue sur le dos par une
large bande noirâtre qui passe au brun olivâtre en arrière;
la partie noirâtre se sectionne en deux lignes de taches,
chaque tache étant placée sur un tubercule.
A l'extérieur de la grande bande noirâtre s'en trouve une
autre de la couleur de la bande médiane, mais qui disparaît
vers le milieu des flancs. Cette bande claire est suivie
en dessous d'une bande noire formée par deux ou trois
longues taches dont la première va de l'œil à l'épaule en
s'élargissant sur le tympan qu'elle couvre presque entièrement;
la S"-' est celle de l'épaule. Les membres présentent des taches
irrégulièi'es noires bordées de clair.
Cette variation se rencontre souvent à la fin des métamor-
phoses; mais les sujets adultes qui la présentent sont rares.
4" Enfin une variation tout aussi importante et plus rare
est la suivante :
Le fond est d'un rouge de brique uniforme, sans taches en
dessus. Il n'y a des taches noires que sur le pourtour du
corps.
La tache du tympan et celle de l'épaule sont très nettes,
de même que la bande qui va de l'feil au bout du museau.
Les taches de la lèvre supérieure sont rnnihientcs et forment
une large bande à bord supérieur irrégulier qui s'étend presque
jusqu'au dessous du coude. Les lianes sont d'un gris taché
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE 143
de noirâtre. Les taches des membres sont plutôt placées sur
les côtés des bras et des jambes ; les tarses les présentent en
dessous. Ventre blanc.
Sexes. — Mâle. — Un gros tubercule représentant le
pouce aussi large ou [lus large que le doigt suivant qui
est lui-même 2 à 3 fois plus large que les autres. Tuber-
cule du 5e doigt moitié plus petit que le gros tubercule
du pouce.
Au moment des amours le pouce, le 2*-' et le 3« doigts portent
chacun, du côté interne et en dessus, une large plaque lichéni-
forme d'un brun noir. Les palmures des orteils sont aussi
bordées d'excroissances de même nature. Enfin une large
bordure de points noirs très fins et très serrés contourne la
mandibule inférieure. Des points semblables forment une large
bande qui coupe la base de la gorge. On en trouve aussi d'autres
épars sur la poitrine.
Femelle. — Gros tubercule représentant le pouce pas plus
large que les autres doigts et guère plus grand que les autres
tubercules. Pas d'excroissances lichéniformes au moment
des amours.
Observations. — Les variations du Discoglossiis piclus ont
été séparées par divers auteurs et élevées au rang de sous-
espèces et même d'espèces. On trouve en Algérie deux
formes principales :
L'une à corps élancé, à membres relativement grêles ;
c'est le D. pictus dont M. Héron-Royer a fait D. auritus. Cette
forme est commune à Oran et dans les environs.
L'autre à corps trapu, à membres très robustes, se rencontre
rarement sur le littoral. Je ne l'ai vue qu'une ou deux fois à
Oran. M. Boulenger (in lilt.) rapporte cette forme au D. sardus
Tschudi. Avec MM. de Rcdriaga et Boulenger je réunis toutes
ces tormes (D. Scowazzi Cam. compris) en une seule espèce
D. pictus Otth. J'ai d'ailleurs de la peine à fixer la variété
auritus (D. Iléron-Iloyer) créée pour la forme algérienne.
Pour faciliter l'étude de cette question, voici un court
■144 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE
extrait du travail de M. 'Héron-Royer (Bull. Soc. nat. d'accli-
matation de France, 1891. le"" semestre, p. 509) (1) :
a D. pictus et D. auritus sont difîérenciés par la forme
de la tache temporale : étroite chez pictus, large chez
auritus. Le premier a l'oreille dissimulée sous la peau ;
chez le second elle est apparente et le tympan se montre
circulaire comme chez les grenouilles. (A Oran, le tympan est
plus ou moins apparent, parfois très net, d'autrefois il dispa-
raît presque entièrement sous la tache.) Le pictus a le corps
court et trapu et ses membres postérieurs sont plus épais
et plus courts que chez ïaurilus. Ce dernier atteint une plus
grande taille et ses formes sont plus élancées ; son aspect
est celui de la grenouille agile, mais sa coloration est beaucoup
plus variée : elle présente un ensemble de nuances et de
dessins le plus souvent symétriques et très agréables à la vue. »
M. Héron-Royer cite son D. auritus d'Algérie, du Maroc, de
Tunisie. Le D. pictus se trouverait, d'après le même savant,
en Espagne, en Portugal, en Corse et en Sardaigne. Que
devient alors la variété sardus de Tschudi ?
M. de Redriaga a donné un tableau comparatif intéressant
des dimensions de D. pictus et D. sardus(2) que je reproduis
ci-dessous. J'y joins les dimensions de D. auritiis d'Oran :
Longueur totale du tronc
Largeur de la lêle au-dessous des yeui
Plus grande largeur de la t(Me
Distance entre les paupières
— de l'œil à la racine du bras
— de l'anus au genou
Longueur de la cuisse
— delaracinedutarscaulnlicrculedulalon.
— des lulicrcules du ialon à reiirémiic du
grand orteil
Pictus (femelle) Sa-dus (femelle)
Coïmbra
5(3'"/ "'5
13
11
3.
10
24
20
14
23
Corse
5 5.111 /m
16
19.5
4
12
27
28
15
25
Femelle
Oran
08'"/'"
20
25
5
14
34
31
20
28
(1) Voir la doscriplioii orifjin.'ile. Bulletin Société zoologique de
France. XIII, p. 20. 1888. — Aussi Bull. Soc. Angers, 1880, p. 117.
(2) in Die Lurchfauna Europa's. I. Anura, p. 300. 1891.
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE 145
Ce tableau présente quelques différences saillantes. Chez
D. pictus la tête est plus petite que chez D. sardus
tandis que le corps est plus long. Les autres dimensions
restent relativement plus grandes chez D. sardus que
chez D. pictus.
Mais si on rapproche les chiffres donnés par M. deBedriaga
des dimensions de la femelle d'Oran, on voit que les propor-
tions vont en augmentant très sensiblement et que la variété
algérienne se distingue surtout par ses plus grandes
dimensions.
Distribution géographique.— (B. : T., H. -P.) — Quoique
rare, le discoglosse se rencontre dans le Tell, partout où
il y a de l'eau. Il monte même par les cours d'eau sur les
Hauts-Plateaux. On le trouve à Oran et dans les environs.
Je l'ai pris à Kristel, Saint-Cloud, Saint-Lucien, Le Tlélat,
Misserghin, Bou-Sfer, le Sig, Aïn-Témouchent, Arlal, dans la
vallée de la Tafna près de Sebdou, à Daya et à Saïda. Je l'ai
de Marnia, de Tlemcen (P. Pallary. M. Anderson le cite
aussi de cette dernière localité.
Éthologie. — Après la rainette, le discoglosse est le
plus rare de nos batraciens. On ne le rencontre presque jamais
en dehors de la période des amours, du moins sur le littoral
Il ne quitte pas les lieux humides ou arrosés. 11 se plaît dans
les ruisselets et les petits canaux à bords herbeux.
Les jeunes discoglosses apparaissent les premiers dès le
mois de septembre. Les moyens les suivent. Les adultes
sortent en automne et, dès le mois de décembre, on peut
les trouver dans les canalisations et les bassins des jardins.
C'est de février à avril qu'ils sont le plus fréquents, mais on ne
les rencontre presque jamais en nombre supérieur à deux ou à
trois. Je les ai pourtant rencontrés une fois par centaines, en
septembre, le long d'un cours d'eau dans le Haut-Tell.
En été, le discoglosse se réfugie dans les fentes profondes,
sous les grosses pierres, non loin des lieux arrosés ; s'il est
resté prisonnier dans un trou d'eau, il se tient continuellement
au fond, du moins dans le jour.
A Oran il est difficile de se procurer des discoglosses.
146 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'ORANIE
Ce n'est qu'en février-mars qu'on [)eut arriver à découvrir
quelques individus dans les bassins, puits et citernes d'Oran.
On peut en rencontrer un plus grand nombre en suivant les
ruissclets. Le discoglosse se laisse prendre facilement à la main ;
mais il glisse entre les doigts comme une anguille.
Ce batracien n'a pasune voix puissante commeses congénères.
Il ne possède que des rudiments de sacs vocaux. On a cru
pendant longtemps qu'il était muet. Il pousse de légers cris
lorsqu'on le saisit. M. Héron-Iloyer a surpris le chant du mâle
au moment des amours ;
oc Ce chant, que l'on peut exprimer ainsi : ra-a, ra-a, ra-a,
par une note haute alternativement suivie d'une note un peu
plus basse, est répété sept ou huit fois assez vite sans
interruption ; puis, après une pause, le chant recommence
plus ou moins élevé, suivant l'impression du moment.
« Ce cliant d'amour n'est point bruyant, cependant dans la
nuit on peut l'entendre d'assez loin (1). »
Les individus des deux sexes se recherchent dès l'hiver et
l'accouplement a lieu de très bonne heure. Les mâles vont
à l'eau les premiers. On en trouve souvent plusieurs réunis
attendant l'arrivée d'une femelle. Dans le jour ils restent
immergés. S'il y a des herbes aquatiques ils se cachent en
dessous ne laissant sortir que le bout de leur museau.
Les discoglosses ne se plaisent que dans les eaux claires.
On ne les trouve dans les eaux croupissantes que lorsqu'ils y
sont retenus prùsonniers.
La ponte la plus précoce que j'ai observée a eu lieu dans la
première quinzaine de février ; la plus tardive fin juin. La
ponte générale se fait dans la première quinzaine de mars.
L'accouplement a lieu la nuit. La ponte est abondante ; elle
est de plus de 500 œufs qui tombent isolément au fond de l'eau.
Le diamètre de chaque œuf est de près de 2 mill. ; le tiers
inférieur est blanc, le reste est noir à sommet aplati. L'éclosion
a lieu au bout de trois jours (lier. Hoycr) et l'embryon se
développe très vite.
(1) Héron-Royer (loc cit.)
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'oRANIE 147
Certains caractères des jeunes têtards sont assez saillants :
le museau est d'abord un peu allongé ; plus tard il devient large
et nettement arrondi ; le corps est oblong ; la membrane
supérieure caudale n'atteint pas le milieu du dos ; l'anus
s'ouvre en dessous.
Les têtards du discoglosse sont difficiles à distinguer de ceux
du Bufo vh'idis si on n'a pas ces derniers sous la main :
les premiers ont le tronc oblong de couleur assez claire,
tandis que les seconds ont le tronc nettement polygonal de
couleur noire.
La durée des métamorphoses est de deux mois environ.
Suivant la richesse alimentaire des eaux les têtards sont
plus ou moins gros ; ils peuvent atteindre au moment où les
pattes postérieures sortent 16 -j- 25 = 41 mill.
Les métamorphoses terminées l'animal quitte l'eau, sinon
il se noie. Sa taille est à peu près de 10 millimètres du museau
à l'anus ; sa longueur totale de 22. Les jeunes discoglosses
grossissent assez vite. En septembre ils atteignent 36 milli-
mètres et une longueur totale de 91.
Malgré l'abondance de la pont^, peu de têtards réussissent.
D'abord les parents les dévorent le plus souvent ; ensuite
comme les pontes ont lieu dans des bassins, des mares ou des
flaques où l'eau n'est pas à l'état permanent, les jeunes
discoglosses ne trouvant pas l'humidité qui leur est nécessaire
sont desséchés par le soleil.
Dans une ponte, lorsque les métamorphoses sont terminées,
on trouve les diverses variations de coloration. Les individus à
bandes dorsales claires sont alors très nombreux. Leur nombre
diminue très vite. La coloration rouge brique est bien
plus rare.
Le discoglosse est un insectivore dont l'utilité est incon-
testable. Sous ce rapport c'est le plus intéressant de nos
batraciens. Il n'a pas l'aspect repoussant des crapauds et il a
sur la grenouille l'avantage d'être aussi élégant et moins
sauvage. Il a encore sur sa congénère une autre qualité: sa vie
est moins aquatique. Le discoglosse devrait devenir un véritable
148 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'oRANIE
batracien domestique. En France, où les crapauds disparais-
sent, on a tenté de l'acclimater. Les essais ont réussi (1).
En Algérie il devrait être multiplié et les jardins potagers
devraient en être abondamment pourvus. L'élevage des têtards
est aisé. L'essentiel est de les mettre à l'abri de la gloutonnerie
des adultes ou de la rapacité des oiseaux. Pour cela il suffit de
recouvrir le bassin d'une toile métallique. Les galeries humi-
des ménagées sous les bassins réservoirs seraient les meilleurs
abris pour faciliter la conservation des adultes.
Les discoglosses sont une proie facile pour les couleuvres
vipérines. N'ayant pas l'agilité de la grenouille, ils nagent
difficilement. J'ai pu constater, au moment des amours, que
les discoglosses étaient lestement capturés par des vipérines.
On en trouve souvent avec les membres amputés par la dent
des couleuvres.
(1) On attribue la disparition des crapauds à l'extension qu'ont prise les
voies ferrées. On suppose que les crapauds arrêtés par les rails sont
souvent écrasés par les trains. Le drainai^e des terres en desséchant les
lieux marécageux contribue aussi à faire disparaître ces précieux
auxiliaires du cultivateur.
Ordre des Urodèles
Caractères de l'ordre. — Corps le plus souvent lacerii-
forme, pourvu d'une longue queue à tous les âges. Peau non
écailleuse, nue ou verruqueuse. Pas de plaques sur la tête.
Bouche pourvue de dents aux deux mâchoires et au palais.
Pas de tympan. Quatre membres disposés pour la marche,
mais à doigts et orteils élargis pour piermettre la natation.
Des branch ies très visibles pendant la durée des métamorphoses ;
généralement des poumons à l'âge adulte. Ovipares ou
vivipares. Larves pisciformes.
Caractères de classification des Urod'elcs. — Les caractères
de classification des urodèles sont tirés : 1» de l'organisation
de l'appareil respiratoire à l'âge adulte ; 2° de la disposition
des dents palatines ; 3° de la présence ou de l'absence d'amas
de glandes représentant les parotides.
Généralités. — Les urodèles adultes ont le corps lacerli-
forme ce qui, dans l'eau, leur donne l'aspect de lézards
aquatiques. Leur bouche est grande et pourvue de dents sur
les deux mâchoires et au palais. Les dents palatines sont
disposées sur deux rangées parallèles ou obliques entre elles,
droites ou courbes. La membrane du tympan manque. Les
narines sont placées au bout du museau et non en dessus. La
langue n'est libre que sur son pourtour postérieur. L'organi-
sation interne ne diffère guère de celle des batraciens adultes.
Presque tous les urodèles respirent par des poumons. Tous ont
des branchies bien développées pendant les métamorphoses.
Le squelette est pourvu de côtes. La peau est nue et finement
verruqueuse ; elle secrète une viscosité parfois abondante.
Elle peut porter des piquants comme chez Molge Valtlii.
La mue est très fréquente et a lieu comme cliez les batra-
ciens. Les urodèles ne chantent pas mais font entendre de
légers cris. Presque tous sont soumis à des métamorphoses
complètes.
150 ESSAI SL'R LA FAUNE ERPÈTOLOGlQUE DK l'oRANIE
Sexes et reproduction. — Les urodèlcs s'accouplent par
rapprochement des organes génitaux comme les lézards; mais
l'organe copulateur du mâle est de forme spéciale et peu
apparent. Il a la forme d'un renflement que recouvrent les
lèvres du cloaque relevées en mamelon saillant. Ce mamelon
dislingue les mâles.
Les femelles pondent en général des œufs fécondés ; mais la
salamandre met au monde des petits à peu près parfaits
pourvus de leurs quatre pattes.
Les larves ont la forme de petits poissons; elles respirent par
des branchies bien développées qui les font aisément recon-
naître. Leurs formes se dessinent rapidement et, peu de jours
après leur naissance, les jeunes larves ne sont qu'une
réduction de l'animal adulte. Les branchies persistent
assez longtemps.
Les urodèles algériens sont à peu près inconnus ; mais
comme ils sont bien voisins de ceux d'Europe on peut en
conclure qu'ils n'en diffèrent pas par leur organisation
générale.
Si on a trouvé les adultes, on ne connaît guère les larves. Jl
serait précieux de les récolter et de suivre les phases de leurs
métamorphoses. On devra les rechercher après les pluies
d'automne et pendant l'hiver dans les puits, les citernes,
les trous d'eau des carrières abandonnées, les flaques des
ravins frais, etc.
Reproduction des membres amputés. — Les urodèles jouis-
sent de l'étonnante faculté de voir se régénérer les membres
coupés. Un œil même, enlevé en partie, se reconstitue.
Pour qu'une patte se reforme, il faut que la base du membre
existe. Ce phénomène est certainement l'un des plus curieux
de la vie animale.
Mœurs, luihital. — Nos urodèles sont terrestres. Ils ne
vont à l'eau qu'à l'approche de la période des amours. En
dehors de cette période, ils sont essentiellement nocturnes ;
aussi on n'a des cliances de les voir que pendant la saison où ils
vivent dans l'eau. Ou devra les rechercher dans les sources et
les ruisseaux des forêts de chênes ; aussi, dans les marécages
d'eau douce que forment les oueds dans les plaines.
{A suivre). F. DOUMERGUE.
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CHRONIQUE GEOGRAPHIQUE
EXJK.OFE
Ii^ canal de Kiel en 1899-1900. — Le canal de Kiel, joignant
la mer Baltique à la mer du Nord, a vu, durant l'exercice 1899-
1900, une nouvelle augmentation du nombre et du tonnage
des bâtiments qui le fréquentent. Pendant cette période les
droits de passage ont été acquittés par 26.279 navires
de 3.488.765 tonnes-registre nettes, soit 4v)3 navires et
370.927 tonnes de plus que l'exercice précédent. Sur ce
nombre, 15.793 navires, jaugeant 3 137.505 tonnes, ont
traversé le canal entier ; les autres ne sont évidemment que
de toutes petites embarcations.
En ce qui concerne la proportion des divers pavillons dans
le tonnage total, l'Allemagne figure pour 65,1 p. 100 ;
la Grande-Bretagne pour 10,3 p. 100; le Danemarck, 7,9 p. 100;
la Suède, 6,7 p. 100 ; la Russie, 3,1 p. 100 ; la Norvège, 2,9 p. 100 ;
la Hollande. 2,9 p. 100 ; la Belgique, 0,40 p. 100 ;
la France, 0,07. p. 100.
L'industrie du soufre. — Cette question de géographie
économique intéresse tout particulièrement notre contrée,
puisque bientôt va s'élever à Oran la première raftinerie
algérienne de soufre.
En Sicile, le soufre appartient au propriétaire du terrain.
Aussi existe-t-il une foule de petites exploitations ne possédant
pas les capitaux nécessaires pour améliorer le procédé
d'extraction. Il y a actuellement 500 mines de soufre exploitées.
La production est^ en moyenne, de 400.000 tonnes par an.
De 1881 à 1885 il a été extrait 800.000 tonnes, et de 1885 à 1892
2.400.000 tonnes. La réserve en soufre peut être évaluée
à 65.000.000 de tonnes.
Les minerais sont plus ou moins riches : il en est qui
contiennent jusqu'à 70 p. 100 de soufre. On considère comme
très riches des minerais à 30 ou 40 p. 100, comme riches
ceux de 25 à 30 p. 100, et comme moyens ceux de 20 à 25
p. 100. Les premiers donnent de 20 à 25 p. 100 de soufre
commercial ; les deuxièmes 15 à 20 p. 100 ; et les moyens
10 à 15 p. 100.
Pour extraire le soufre on n'emploie plus le procédé des
calcaroni que dans quelques endroits ; le procédé à la vapeur
d'eau est généralement usité. Pour utiliser les minerais
17
i52 CHRONIQUE GÉOGRAPHIQUE
pauvres en soufre et les déchets, on a crue des fabriques
d'acide sulfurique.
Les autres pays producteurs de soufre sont : la Roumanie,
où Ton procède par disUllaliun el non par fusion ; la Grèce,
dont la production est insignili;inle ; le Mexique, production
peu importante ; les Klats-Unis, pays de faible pi'oduction
également ; le .l.ipon, qui possède un minerai très riche, 50 à 90
p. 10^ de soufre, et dont la production a été de 20.000 tonnes
en 1890.
Un canal de la Baltique à la mer Blanche. — Le gouver-
nement russe vient de décider la construction d'un grand
canal maritime allant de la mer Baltique à la mer Blanche.
Les travaux devront être terminés avant la fin de 1903.
Ce canal, partant du golfe de Finlande, empruntera d'abord
la Neva, puis la rivière Svir, entre le lac Ladoga et le lac Onega.
Il ulilisera ensuite les lacs Seg-Ozero et Vig-Ozcro, et
débouchera sur la mer Blanche au port de SorozUaya qui est
libre de glaces en toute saison.
Le développeuient du canal sera d'une longueur de
903 kilomètres.
L'heure de Greenwich en Espagne. — Depuis le commen-
cement de ce siècle, c"esl-à-dii-c depuis le 31 décembre
dernier à minuit, le méridien de Greenwich est devenu ofliciel
en Espagne. 11 donnera l'heuie juste dans une seule ville
notable, le petit poste de Gastillon, au-dessus de Valence, sur
la côte de la Méditerranée. 11 ne se rapprochera de l'heure
vraie que pour la partie tout à fait orientale du royaume.
Pour toutes les autres provinces l'écart sera considérable.
Amsi, Séville sera en ictai'd de 24 minutes, Valladolid
de 20 minutes, Gordoue de 19 minutes, etc.. .
Explorations souterraines en Catalogne. — Marchant sur les
ti-aces de M. Martel, le savant spéléologue français, M. l'abbé
Font y Sagné, de Barcelone, a entrepris en Catalogne,
depuis 1897, des recherches souterraines qui ont révélé
l'existence, dans cette province, de grands abîmes et de
rivières intérieures analogues à ceux du Karst, des Gausses,
du Jura, etc., et jusqu'ici tout à lait insoupçonnés. M. Font
y Sagné a exi)loré notamment Vaocuch del Bruch (massif du
Garrat, a l'ouest de l'emboucluu-c du LIobrégat, entre
Barcelone et Villanueva y Geltru, sur le littoral même de la
Méditerranée), qui descend à plus de 100 mètres sous terre.
L'avench de la Ferla, sondé à 100 mètres piès d'Olseta de
Bonnesvalles, n'est pas moms beau que le précédent.
Ces abîmes alimentent les sources de la Falconera
CHRONIQUE GÉOGRAPHIQUE 153
Rectification de la frontière franco-suisse. — Il a été procédé
à la rectification de la frontière comprise entre le mont Dolent
et le lac Léman par une convention i-atifiée le 20 juin 1900.
Les changements apportés à la frontière primitive existent
sur les communes de Chàtel (France) et de Collombey-Muraz
(Suisse) où l'on a échangé trois hectares environ pour
attribuer à la France un terrain formant saillie sur le versant
de la Savoie, et à la Suisse, en compensation, une surface
équivalente sur les sommets.
^SIE
Les progrès du Japon. — Voici, d'après Scienlific American,
quelques chilî'res qui permettront de se rendre compte des
progrès accomplis par le Japon depuis .1890 :
1890 1898
Population 40 . 500 . 000 liabilaiils. 45 . 200 . QOO babilanls.
Importations 227 . 000 . 000 de fraucs. 414 . 000 . 000 de francs.
Exportations 178.000.000 — 692.000.000 —
Total 405.000.000 de francs. 1 .106 . 000 . 000 de iraucs.
Production de soie. 5.000 lonnes. 9.000 lounes.
Production de thé. 26.274 — 34.328 —
Dépenses figurant au liugdel . 21 1 . OC 0 . 000 de francs. 625 . 000 . 000 de francs.
"Voyage de M. de Cholnocky en Chine et en Mandchourie,
1896-1898. — Partant de Changhaï, M. de Cholnocky a visité
le Delta du Yang-tsé-kiang, qui, selon la tradition, se jette par
trois bras dans la mer. Il a d'abord recherché la ramification
ancienne du fleuve, à l'ouest du lac Taï-hou ; à sa place, il
trouve des plateaux de latérite s'élevant à une grande hauteur
au-dessus du fleuve. Après une excursion au nord de Pékin,
le voyageur revient étudier les déplacements du Yang-tsé.
Il se rend par eau de Woii hoii à Ning-ko-où-foù, afin de
rechercher l'ancien lit du fleuve au sud des collines de Nan-
king : ce ccurs était signalé par M. de lUchihofen, d'après les
anciens auteurs chinois. Mais M. de Cholnocky n'en trouva
point trace : rien n'indique que le Fleuve-Blea ou l'un de ses
bras ait coulé dans cette région.
Pendant l'été 1897, l'explorateur traversa la Mandchourie,
de Vladivostok à Pékin, par Chirin, Moukden,Chan-kai-kouan.
Au sud-est de Vladivoskbk s'élèvent des montagnes couvertes
154 CHRONIQUE GÉOGRAPHIQUE
de forêts. Les schistes qui constituent le relief deTien-pao-
tchang renferment des gisements d'or et d'argent qui sont en
exploitation. Les gites métallilères ont été étudiés par M. de
Cliolnocky et par un ingénieur de mines français pour un
syndicat français.
Le thé au Tonkin. — Le llic se trouve au Tonkin dans les
collines du Dong tsicn et dans la région du Loc-ham. On le
rencontre aussi dans la province de Thai Nguyèn. D'après le
ra[)port de r.Vd'nini^tratiMU'-flésideiit d; lliing-hoa, dans le
Huyen de Uau khé (sur la rive droite ù\\ Fleuve-Ilouge, un
peu en amont de llung-hoa), les plantations de thé très impor-
tantes donnent lieu à d'incessantes transactions avec le Delta,
principalement avec Nam dinh. Dos indigènes viennent de ce
ccnire et se rendent au marché de Cat-tru, acheter les feuilles
et lleurs de thé que les hahitants y ai)portent ; il est vendu
sur ce marché A'\000 piastres de thé par année. Cette culture
va sans cesse se développant ; toutes les montagnes de llung-
gia, au sud de Cam-khc, ont été dcfrichées et plantées en thé.
Le Dé Kiea a été l'instigateur de ce mouvement, et c'est
grâce à ses encouragements et aussi à l'aide pécuniaire accordée
aux vill.igcs, que cette culture est aujourd'hui si prospère.
Les mamelons et les rr.onlagnes de la province de Ilimg-
hoa se prêtent merveilleusement à ce genre de plantation ;
l'indigène y trouve avantage et semhie vouloir s'y adonner tout
particulièrement. Il y aura là, dans un avenir prochain, une
ressource précieuse pour la province. ijO'M coolies seraient,
au cours de l'année, venues du Delta aider les habitants de
cette région dans leurs travaux de défrichement. Le prix de
la main-d'oîuvre est de 6 liens (10 centimes environ) et trois
repas par jour. Ces coolies ne séjournent pas dans les villnges ;
il-j moulent du Delta lors(pie les ti'avaux des rizières sont
terminés et retournent dans leurs communes au moment de la
récolte. L'Annamite du Delta n'a donc pas une répugnance
invincible à venir travailler dans la haute région ; mais il se
refuse, seirdole t il, aux engagements à longs termes.
Cochinchine et Chinois. — L'aupmen talion sans cesse
croissante du nond)re des Chinois vn Cochinchine sendjie
devoir être de nature à nous piéoccupci'. D'après le dernier
recensement du 1"" janvier iiKW, notre colonie nuifcrmait
95.0:J0 Chinois, dont 0!).5(J0 hommes de 19 à 55 ans. Un grand
nombre de ces Chinois s'établissent commerçants, et il n'en
manque pas parmi eux qui disjiaraissent à la veille du
paiement de leurs échéances. Ils vont ensuite s'étab!ir en
Chine avec l'argent de leurs victimes et en ayant soin de
CriRONIQUE GÉOGRAPHIQUE 155
changer d'état-civil. Dans ces conditions, il est bien difficile
de les atteindre ; aussi convient-il de rechercher au plus tôt
le moyen d'empêcher le départ de notre colonie de ces
commerçants peu scrupuleux.
Mission Bouin en Asie Centrale. -- M. Ch.Bouin, vice-résident
de France m Indo-Chine, a accompli de 1898 à "1900, une
mission oflicielle d'exploi'ation en Asie Centrale, grâce à
l'appui de ditYérenls Ministères. Dans un précédent voyage,
M. Bouin avait traversé l'empire chinois du Sud au Nord, du
Tonkin en Sibérie ; son projet, celte Ibis, était de la traverser
de l'Est à l'Ouest. Les récents événements d'Extrême-Orient
l'ont obligé à étendre cet itinéraire et lui ont permis de
retraverser trois fois la Chine dans toute sa largeur, et toute
l'Asie, de la mer de Chine à la mer Noire.
Parti de France en janvier 1898, il passe au Tonkin pour
prendre une escorte de quinze soldats annamites et elTectucr
son départ de Changhaï pour remonter le fieuve Bleu en
jonque, pendant deux mois, jusqu'au point terminus de la
navigation. Il visite ensuite le mont Omei, la montagne sainte
où l'on voit « l'ombre de Dieu », descend par le Yun-nam
jusqu'à la frontière du pays des sauvages Lolos ou Man-Tsé,
inexploré jusqu'ici, traverse leurs montagnes pour la première
fois et arrive à Ta-Tsien-lon, capitale du royaume thibétain
de Kiala.
Après avoir opéré la descenle de Ta-Tsien-lon vers le lleuve
Bleu, ù travers la province de Sé-Tchouen, M. Bouin arrive à
Pékin au printemps de 1899.
Bientôt après, il retraverse l'empire pour la 4*= fois, de l'Est
à rOueet, en gagnant le fleuve Jaune et la terre mongole des
Sept Hordes commandées par le27'' descendant deGenghiskhan,
le roi de Dzoungar.
Il remonte le fleuve en jonque pendant quarante jours,
traverse a dos de chameau les sables du désert d'Alashan par
des cols de 5.000 mètres d'altitude qui forment les assises du
plateau central de l'Asie.
Il visite la grande Lamaserie thibétainede Konnboun, séjour
de 3.000 lamas jaunes ; de là il se rend au grand lac
Koukounor, et, après une traversée en plein hiver par une
série de cols atteignant près de 4.000 mètres, il se dirige vers
la frontière russe.
Au retour, M. Bouin visita Tachkend, Samarrande, la
Caspienne, Bakou, Tiflis, l'Arméniejusqu'àl'Araratpar Erivan.
Il arrive par Batoum et la mer Noire à Constantinople
deux ans et demi après son départ de Paris.
156 CHRONIQUE GÉOGRAPHIQUE
AFRIQXJE
Le café au Congo français. — C'est surtout le café de Libéria
que l'on cullive dans notre colonie. La culluie du café de
San Thomé {coffca arabica) est à peu près abandonnée.
Le café de Kouilou (cnffca canci:)horu) et celui d Oubanghi
(coffea chalotti) poussent à Télat sauvage ; ce dernier commence
à être cultivé.
Les quantités expédiées du Congo français pendant ces
dernières années sont :
1806 4.471 kilogr.
1897 30.094 —
1898 57.060 —
1809 41.281 —
En janvier 1900, 30.473 kilogr. valant environ 33.500 francs,
ont été exportés.
On expédie le café en sacs de 50 à 70 kilogs. Le fret pour
le café décortiqué est de 06 francs par tonne de 1,000 kilogs
de Libreville au Havre. Les emballages sont importés. Les
planteurs exportent eux-mêmes sans intermédiaires. Le prix
de détail est à Libreville de 2 fr. 50 le kilog.
Il existe actuellement 100 hectares de plantations en rapport ;
150 autres hectares ont été plantés, mais ne commenceront à
produire qu'en 1905.
La flotille à vapeur du Haut-Congo. — On compte actuelle-
ment sur le Haut Congo 103 vapeurs en circulation ou sur les
chantiers de remontage. L'Etat indépendant possède 29 stea-
mers, les Sociétés commerciales belges et congolaises 18, la
ISieuice afrikaansche Handels-Venyiootschap 10, la Société
allemande du Sud Kamrun 2, les Compagnies françaises 34,
les missions catholiques 3, les missions protestantes 2.
Ces 103 vapeurs se répartissent ainsi par pavillon :
Français 39, congolais 31, belges 17, hollandais 10, anglais 3,
allemands 2, américain 1.
L'origine de l'or à Madagascar. — Lor est extrait en presque
totahté des alluvions abandonnées par les rivières, et les
alluvions aurifères se rencontrent dans les régions les plus
diverses, en rapport avec les terrains les plus variables. En
dehors des filons de quartz souvent aurifères, les découvertes
de gisements d'or natif étaient fort rares. M. Lacroix vient de
signaler la présence de l'or dans les gneiss de Madagascar et,
notamment, dans ceux du Mandraly, affluent de l'ikopa, où il
se rencontre en petites masses visibles à l'œil nu et en innom-
CHRONIQUE GÉOGRAPHIQUE 157
brables particules disséminées, microscopiques. Étant donné
la présence de l'or dans certaines roches granitiques, dont les
liens avec le gneiss sont si nombreux, M. Lacroix en conclut
que l'or est un élément constituant du magma granitique.
En conséquence, le métal précieux se retrouvera dans les
alluvions produites aux dépens des massifs granitiques.
M. Lacroix signale aussi la présence de l'or dans la latérite,
cette terre rouge, si développée dans les régions tropicales, et
qui provient de la désagrégation sur place par les agents
athmosphériques, d(^s roches granitiques et gneissiques.
La vallée du Nil. — M. Hugh Beadnell a communiqué au
Congi'ès géologique international de Paris les résultats do
quatre années de recherches dans la vallée du Nil et le désert
de Libye. En ce qui concerne le Nil, ce fleuve coulerait dans
une immense vallée a'eiïondrement, caraclérisée par sa
direction linéaire, ses flancs escarpés ressemblant à des
falaises, l'absence de collines ou de résidus des plateaux
voisins à son intérieur, la présence de failles bien constatées
sur une grande partie de sa longueur, l'absence d'alluvions
sur ses flancs.
^ 3V^ É K, I Q XJ E
La découverte de l'Amérique par Ps Chinois. - Nous
pensions que l'Amérique avait été découverte en 1492 par
Christophe Colomb. Or, il paraîtrait que onze cents ans avant
Lilluslre génois, les Chinois ont mis, les premiers, le pied sur
cette terre ignorée.
En etïet, on a trouvé récemment dans l'Etat de la Sonora,
au Mexique, le long de la côte du Pacifique, plusieurs pagodes
chinoises à moitié enterrées dans le sol. Dans l'une d'eHes
existe une inscription dont les caractères et le texte indiquent
qu'elle a été érigée vers Tan 500 de notre ère. D'autres
inscriiilions assignent même à la plus grande des pagodes
découvertes une date sensiblement antérieure.
Ces trouvailles auraient reçu confirmation de deux offi-
ciers améiicains qui, à la suite du siège de Pékin, auraient
trouvé dans les archives de la cité interdite une relation des
premiers voyages effectués par les Chinois au-delàdu Pacifique,
vers le nouveau Continent, il y a plus de quinze siècles.
Une mission américaine, des États-Unis, étudie en ce
moment ce problème.
158 CHRONIQUE GÉOGRAPHIQUE
ooiÊ AisriE
Constitution de la République australienne. — Le l"^"" jan-
vier l!)Oi, un nouvel État s'est créé : la République australienne.
Elle aura son Parlement, composé d'un Sénat de 36 membres
et d'une Chambre des représentants. Elle aura son gouverne-
ment propre, librement choisi dans sa majorité parlementaire ;
elle pourvoira comme elle l'entendra à la défense de son
territoire ; elle réglementera ses tarifs douaniers, etc.
Sa constitution a été étroitement calquée sur celle des Etats-Unis.
Annexion de l'île Rurutu à la France. — Le 25 août 1900
M. Gallet, gouverneur des Etablissements français de TOcéanie,
a présidé la cérémonie d'annexion àla France de l'île Rurutu (près
de l'ile de Tahiti, océan Pacilique), en présence des ofllcierset
delà compagnie de débarquement de l'aviso-transport VAnhe.
L'ile était déjà sous le protectorat de la France, mais alin d'obtenir
de plus grandes facilités au point de vue du commerce extérieur,
le roi et les principaux chefssoUicitèrent eux-mêmes l'annexion.
Les habitants de Rurutu ont eu le goût des affaires commer-
ciales et de la navigation, et, grâce à leur intelligence pratique,
ils sont arrivés à une prospérité absolument inconnue dans les
îles voisines.
FOLES
Une expédition franco-belge à Kerguelen. — Au commence-
ment de décembre dernier, M. de Gerlache, ancien chef de
l'expédition de laBelgica au Pôle-Sud, est parti pour Kerguelen
afin d'y faire une tentative de colonisation pour le compte d'une
Société française. La mission d'exploration s'est embarquée sur
le yacht à vapeur Selika; un voilier français, Fnnny, estégale-
ment à sa disposition. Ce dernier bâtiment est allé prendre
aux îles iMalouines, dont le climat présente de grandes analo-
gies avec celui de Kerguelen, 1,500 moulons dont l'acclima-
tation sera tentée dans notre possession australe.
Au Pôle en hiver. — Le gouvernement norvégien a fait
construire un navire spécialement destiné aux explorations
océanogi'âphiques et zoologiques, le Michel Sars.
Afin d'étudier la température et le degré de salure de
l'océan, par conséquent le régime des courants d'hiver, le
MicJiel Sars a pris la mer en janvier pour la côte orientale
d'Islande. De là il ira à Jan Mayen pour rallier ensuite la côte
de la Norvège septentrionale. L'expédition poussera ensuite
vers le Nord jusqu'à la limite de la banquise, entre la Scan-
dinavie et le Spilzberg. Au coiu-s du voyage, on étudiera les
nngrations de la morue qui, en hiver, se dirige par bancs
considérables sur la côte de Norvège.
D-- J. G.
BIBLIOGRAPHIE
NOTE SUR LA CARTE GEOLOGIQUE DE BENI SAF,
par M. Louis Gentil.
Le Service géologique de l'Algérie vient de terminer le tirage de
la carte géologique de Béni Saf, dont les relevés ont été faits en
1895-96 et en 1808.
Cette carte au l/5i).00i> est accompagnée — comme toutes les
caries détaillées du Service — d'une notice qui peut intéresser, par
ses côtés géographique, géologique, industriel et agricole, les
nombreux membres de la Société de Géographie d'Oran.
Nous nous faisons donc un devoir de soumettre cette notice
aux lecteurs du bulletin.
Elle comprend plusieurs chapitres :
Une introduction, un aperçu géographique et orogénique, une
description des terrains sédimentaires, des terrains éruptifs,
enfin quelques mots sur les gites minéraux (minerai de fer et sel
gemme), sur le régime des eavx, la végétation et les cultures.
1° INTRODUCTION
Cette carte géologique représente la partie du bassin de la Tafna
comprise entre l'extrémité occidentale de la chaîne du Tessnla et
la mer.
Elle a été relevée sur la feuille topographique de Béni Saf (208),
de laquelle a été retranchée, au Nord, une bande de 87 millimètres,
et qui a été allongée, au Sud, d'une bande d'égale longueur
empruntée à la feuille de Pont de l'Isser (239J.
Ainsi composée, cette cai-te a permis de figurer, sur une même
feuille, la géologie de la presque totalité d'une petite région
naturelle : la Basse Tafna.
Cette région a pour limites :
Au Nord, la mer et le piton du Sidi Kacem.
Au Sud, la partie occidentale de la chaîne du Tessala, formée
par le chaînon crétacé-éocène des Sebaa Chioukh, dont la crête
se trouve en dehors des limites de cette carte et atteint des
altitudes de 600 mètres.
A l'Ouest, les contreforts crétacés du massif des Traras occupés
par la tribu des Béni Khelad.
460 BlBLIOrRAPHIE
Enfin, la « Basse Tafna » est moins bien dôlimitcc dans l'Est, et
la méridienne la plus orientale de cette carte divise en doux la région
volcanique d'Aïn Temouchent .^ui forme la séparation entre cette
vallée et la dépression de la Sebkha ou grand lac salé d'Oran.
2° APERÇU GÉOGRAPHIQUE ET OROGÉNIQUE
Au point de vue orographique, on peut distinguer principalement,
dans la « Basse Tafna », trois sortes de reliefs : des reliefs anciens,
des plateaux et vallées tertiaires, des reliefs volcaniques.
1° Les reliefs anciens sont marqués par les lambeaux d'une
chaîne démantelée dont l'axe est formé par des schistes primaires :
la chaîne du Skouna. Des calcaires massifs, jurassiques et des
schistes crétacés prennent également part à ce relief.
La chaîne du Skouna longe la côte depuis la rive droite de la
Tafna jusques et au delà du Djebel Sidi Kacem, à l'extrémité
nord-est du bassin. La partie la plus importante est formée par
le petit massif du Djebel Skouna (409) mètres qui domine la côte
au-dessus de Béni Saf. Cette montagne est creusée de ravins
profonds; elle montre des crêtes calcaires saillantes et rappelle
identiquement le noyau du massif des Traras situé sur la bordure
ouest du bassin de la Tafna.
La petite vallée de l'Oued Ahmed, qui débouche à la mer,
entaille profondément la chaîne et met à nu son ossature ancienne
dans une gorge pittoresque que longe la route d'Aïn Temouchent
à Béni Saf. A l'est de cette vallée, la chaîne du Skouna est
représentée, d'abord par le petit lambeau méridional d'Aïn ol
Merdja, puis par l'afTleurement continu des schistes anciens et des
calcaires jurassiques (jui forment la falaise depuis Béni Saf
jusqu'aux abords do Kamerata. Cette falaise, taillée à pic, atteint
sa plus grande hauteur au Djibel Aouaria (cap Oulhassa, 273 mè-
tres). Pour suivre les derniers ttMiioins de la chaîne, il faut sortir
des limites de cette carte, atteindre les Djebel Sjdi Kacem,
Dj. Touïla, etc.
2" Les plateaux et les vallées tertiaires sont principalement
formés par les sédiments miocènes auxciucls on peut joindre des
argiles-*et conglomérats oligocènes (?) et (jucliiues landjeaux
d'argiles crétacées.
Ce relief forme la plus grande partie de la « Basse Tafna » et
contraste, par son modelé, avec les crêtes rigides de la chaîne du
Skouna.
L"s vallées argileuses sont sillonnées par la Tafna — depuis la
coupure de la chaîne du Tessala (gorges de Taliouaret) justiu'à la
mer - et par ses allluents, l'O. l'jelloud, sur la rive gauche ; VO.
Lemba et le Feïd el Ateuch, sur la rive droite. Ces deux dernières
vallées lorment une dépression, comprise entre les collines des
BIBLIOGRAPHIE 161
Sebaa Chioukh et la chaîne du Skouna, remarquables par les
affleurements de gypses triasiques qui s'y rencontrent.
Les plateaux calcaires séten !ent entre le Dj. Skouna et le Dj.
Sidi-Kacem. Ce sont le plateau de Sidi Safi et le plateau des
Oulad ben Adda. Ils sont séparés par la vallée argilo gréseuse,
peu profonde, de ÏO. Sidi Djelloul qui se jette à la mer à l'est du
cap Oulhassa.
3° Les reliefs volcaniques donnent, à la « Basse Tafna »,un cachet
particulier. Ils forment une partie importante de cette région et
comprennent les volcans basaltiques des Oulhassa et les volcans
leucitiques des Oulad Khalfa.
Malgré les lavages de l'érosion, ces volcans impriment au sol
un relief caractéristique. L'emplacement des cratères est généra-
lement marqué par des pitons de scories et plus rarement —
comme au Djebel Tzioua — par une cuvette assez profonde ; les
coulées forment quelquefois des plateaux {Plateau du Tadmaya,
etc.), et il n'est pas rare de rencontrer de belles colonnades
rappelant les plus célèbres «jeux d'orgues « du paysage volcanique
de l'Auvergne.
3° DESCRIPTION SOMMAIRE DES TERRAINS SÉDIMENTAIRES
A Alluvions actuelles. Graviers, limons argileux ou sableux
déposés par la Tafna au moment des grandes crues. Les surfaces
ainsi recouvertes se réduisent en approchant de l'embouchure parce
que le lit du fleuve est de plus en plus encaissé ;
A Dunes littorales peu étendues, formées au débouché des
cours d'eau (Tafna, O. Sidi Djelloull, O. el-IIallouf) et sur certaines
plages (Béni Saf) ;
q'' Dunes anciennes consolidées, renfermant une faune de
mollusques terrestres et échelonnées le long de la cote ; notamment
de part et d'autre de l'embouchure de la Tafna. Elles forment là
les plateaux sablonneux d'El Gueddim et de Gadet er Ghezllan
et atteignent des altitudes de 130 mètres. Elles se rencontrent
encore dans l'Ile Rachgoun, à l'embouchure des O. Sidi Djelloul
et O. el Hallouf.
a''' Alluvions récentes. Dépots alluvionnaires du fond des
vallées. Ces alluvions sont surtout développées dans la vallée de
l'O. Tafna où elles forment une plaine de 3 kilomètres de largeur
au maximum et dans laquelle le fleuve a creusé son lit. Le cours
d'eau s'est tracé un chemin tortueux entie des berges taillées à
pic. On peut relever, entre la PlAtrière et Rachgoun, les vestiges
d'un ancien lit de ce fleuve (pii est encore bien marqué à
l'embouchure par le marais qui longe la Tafna sur sa rive gauche.
Ce lit ancien était beaucoup moins tortueux.
462 BIBLIOGRAPHIE
Les O. Sitli Djelloul et cl Ilallouf ont également déposé, à leur
embouchui'c, des alluvions a-.
q' Alluvions anciennes des vallées actuelles. Peu développées,
forment des terrasses élevées en deux points de la plaine do
la Tafna.
p' Sables rouges, quelquefois argileux, dunes ou alluvions
anciennes avec faune de mollusques terrestres, le plus souvent à
l'état de moules indéterminables.
Ces sables forment une bande discontinue le long de la falaise,
aune altitude d'une centaine de mètres; ils paraissent se rapporter
au Pliocène récent.
iiic Calcaire blanc, crayeux, à XuUipores et Bryozoaires avec
Polypiers et Pèlécypodes : Pecten sarmentlrius Goldf., P.Besseri
Andr., P. Diinkcri May., P. Piiymoriae May., P. scabriuseulus
Math, var., gibbulosa Sacco., P.praejacoheus Br., P. siibbenedictus
Font., P. pesfelisL\n. vai'., Arca turonica Du}.. Lutraria oblonga
Chenm., Panopea Menardi Desh., Ostrea lamellosa Broce., etc.
Ce calcaire forme une assise d'une r'paisseur dépassant souvent
50 mètres. Il forme principalement les plateaux de Sidi Safi et
des Oulad ben Adda. Quelques lambeaux démantelés se montrent
encore sur la colline des Sebaa Chioukh et dans la vallée de l'O.
Djelloul (r. g. Tafna). Ils représentent le Miocène supérieur et
font partie du Sahélien de M. Pomel.
ni^ Marnes argileuses et grès argilo-sableux représentant le
Miocène moyen (2' étage méditerranéen).
La partie inférieure de cet étage est formée de marnes très
argileuses, jaunâtres (in^ }, intercalées de lits de grès argilo-
sableux. Le fossile le plus abondant de ce niveau est VOstrca
crassissima Lmk., avec ses nombreuses variétés, qui abonde
en certains points. Ces marnes forment le fond des vallées et
recouvrent de larges étendufs dans la partie méridionale de la
feuille. Elles représentent l'IIelvétien, caractérisé par sa faune
typique en dehors de cette région.
Auprès de la Plàtiière se montre un passage latéral de celte
assise Constitué par un calcaire ù Bryozoaires, Lithothamnium,
Polypiers. Clypéaslres, avec Pecten subf:triatus Roc, P. Fuchsi
Font., Ostrea Darroisi Kil., etc.
La partie supérieure de l'étage est gréseuse. Elle forme les
folaises tout le long de la côte.
A Béni Saf, cette assise débute par un grès grossier, de laquelle
a été extraite toute une faune de Clypéastres (Clypeaster doma
Pom., Cl. altus Pom., elc ) ; associée h des Pecten du groupe
de Pecten Gentoni Font. Pecten vintilabruni Dollf. olP. Dessert
And., avec Hétérostégines, etc.
6IBLI0GRAPHIÊ 163
Au-dessus, l'assise se continue par des grès sableux dans
lesquels on rencontre : Ostrea digitalina Dub., Pecten costisul-
satiis Alm., P. fîexuosus Poli, Pyrula cornuta Ag., Cytherea
Pedcmontana Ag., Cardium cf (uronicum May,, Turritella
rermictilaris Broc, etc.
Celte assise parait représenter le Tortonien.
Enfin, dans la Messat-Zouanif, on observe, sous le marabout de
Sidi Samegram, un équivalent gréso-calcaire où se trouvent
associés, au Cerithium pietum, des formes franchement marines :
Peeten Gentoni Font., Lucina columhella Lmk Polypiers. Echi-
nides, etc. C'est un dépôt d'estuaire qui représente le plissage du
faciès marin au faciès sarmatique. Ce dépôt n'a pas été marqué
sur la carte à cause de rexiguïté de son étendue.
nii Poudingues, grès sableux et argiles rouges, sans fossiles,
paraissant représenter les dépôts rouges oligocènes de la région
de Médéa, de la Kabylie (Alger).
e- Grés quartzeux d'Aïn-Kibal, en bancs épais intercalés de
marnes argileuses présentant le faciès des assises de rEocène
supérieur du Djuijura.
fc" Grés silicieux alternant avec des marnes verdàtres et formant
la crête et le flanc méridional de la colline des Sebaa Chioukh. Un
autre lambeau important de ces grès affleure sur la rive gauche de
la Tafna, au Rok'^a Sirane.
e"' Argiles avec intercalations de petits bancs'de calcaire renfer-
mant des silex noirs et de petites Nummulites. Affleurent au
Rokbet el Hiara.
c* '' Marnes schisteuses avec gros rognons de calcaire jaunâtre
et intercalations de lits calcaires, marneux, sans fossiles, repré-
sentant le faciès du Sénonien du Tell algérien.
c''"'' Marno-calcaires à strates bien marquées avec fossiles rares :
Schloenbachia, Dt-lemnitcs ; se rapporlant au Cénomanien.
V Calcaires en banrs avec des lits un peu marneux, représen-
tant les calcaires en dalles du massif des T raras, caractérisés par
une riche faun ^ toarcienne (Hildoecras bifrons Brug ; //. Levi-
sioni Simps., Harpoceras, Lillia, Cœloeeras, Phylîoceras, etc.)
F"^ Calcaire massif un pou magnésien, sans fossiles, également
développé dans les Traras et marquant ici la chaîne du Skouna.
t Trias composé des marnes bariolées, de gypse (gy ) salifères et,
plus rarement de calcaire magnésien, en bancs fossiles, à faciès
do muschelkalk (le). Ce Trias gypseux, analogue à celui de S'.uk-
Ahras et du Dj . Chettaba (Constanline) et de tout le bassin
méditerranéen, affleure en divers points, notamment dans la
164 BIBLIOGRAPHIE
dépression du Feîd el Ateuch : au Kef cl Goléa il est directement
recouvert par le Lias.
p Poudingue très dur à galots de quartz, do quartzites, etc., avec
ciment siliceux représentant le Poudingue des Béni Menir d'âge
primaire (Permien f). Il alîleure en un seul point, au nord-ouest
du Kef cl Qoléa, où il est recouvert par le Trias.
s Schistes argileux, satinés, intercalés de grés quartziteux blancs,
rosés ou brun et formant le noyau de la chaîne du Skouna. C'est
l'équivalent des schistes des Traras. Ils n'ont pas encore présenté
de fossiles. Ils sont recouverts par le Trias ou le Lias.
4° TERRAINS ERUPTIFS
ïu Volcans leucitiques des Oulad Khalfa. Des laves fL) formées
de leucotéphrites et de leucitites s'étendent sur la partie occidentale
de cette carte et sur la feuille adjacente d'Aïn Témouchent. Elles
sont accompagnées de tufs ( Lt ) et de scories (l.s )• Toutes ces
déjections volcaniques sont sorties par des cratères actuellement
démantelés représentés par des dômes de scories et rarement,
comme à Djebel Tzioua, aux Trois Marabouts, par une cavité. On
distingue amsi les volcans de Guiard, du Djebel Dokma, du Djebel
Hafsa, du Mekla et du Gueriane. L'âge de ces volcans n'est
pas bien précisé. Une faune de moUusiues terrestres, recueillie
dans les tufs du volcan des Trois Marabouts, se rapproche beau-
coup de la faune actuelle. Ces volcans sont d âge très récent,
au plus pliocène supérieur.
P' Volcans basaltiques de la « Basse Tafna ». Différents des
volcans des Oulad Khalfa par la nature basaltique de leurs déjec-
tions. Les traces de bouches de sortie sont nombreuses. On dis-
tingue les volcans de Bon Keltsoum, du Koudiat Ycoud, de Sidi
Aïssa, du Djebel Amara, de Fardjoun, du Glib sur la rive gauche de
la Tafna ; de Rachgoun, du Rokbct el Ilaci, du Djebel Skouna,
de Bou Ilamedi, de Bou Diar, du Nedjaria, de l'Haouaria, sur la rive
droite ; l'ile Rachgoun est également formée des vestiges
d'un cratère basaltique.
L'àge-'de ces volcans ne peut différer beaucoup de celui des
volcans leucitiques. Ils paraissent un peu plus anciens que ces
derniers à cause de leur état d'érosion plus avancé. En plusieurs
points de la falaise marine les coulées sont intercalées entre
les sables à hélices p' et les dunes anciennes q"*.
[ïin^ Coulées basaltiques intercalées dans les sédiments gréso-
sableux de la partie supérieure du Miocène moyen. Elle se
montrent dans 1î Mersat Zouanif et le long de la falaise à l'ouest
de l'embouchure de la Tafna. ç
BIBLIOGRAPHIE iOS
w Filons et dykes d'ophite généralement altérée, ouralilisée en
perçant à travers les schistes s ou le Trias gypseux t.
5° GÎTES DE FEU
Au point de vue industriel, la « Basse Tafna » est remanjuable
parles gites de Ter qu'elle renferme. Le minerai, constitué par de
V hématite rouge manganèses, est très riche ; il forme le remplissage
de poches situées au contact des schistes s et des calcaires F"^;
il a été remanié dans les conglomérats nij
Des recherches ont été faites en beaucoup de points. Plusieurs
gites ont été l'objet d"exploitations : dans l'Haouaria (mine de
Kamerata), à Charaïf, ù Tinikrent, à Sidi Safi, etc. Actuellement,
le principal gite exploité par la Compagnie de Mokta-el-Hadid (qui
possède toute la région ferrifère) est celui de Ghar-Baroud, qui
fournit annuellement jusqu'à 300,000 tonnes de minerai transporté
par voies terrées jusqu'au petit port de Béni Saf, construit à cet
eiîet ; un tunnel de plusieurs kilomètres est en construction, qui
doit relier entre eux les gîtes de Dar Rih, do Tinikrent et de
l'Haouaria.
C° SEL GEMME
Un gite de sel gemme, très imparfaitement exploité par les
indigènes, se trouve dans le Trias de l'O. Malah, dans les Oulad
Khalfa, à A kilomètres à l'Ouest d'Aïn Kihal.
7° RÉGIME DES EAUX
Il existe dans la « Basse Tafna » deux niveaux d'eau remar-
quables. L'un d'eux se trouve au contact des calcaires poreux m*
et des argiles iii'^ qui forment, généralement, leur substratum.
C'est ainsi que des sources assez nombreuses, mais peu abon-
dantes à cause de l'exiguïté des surfaces d'absorption, sont
échelonnées sur la crête de Sebaa Chioukh (Ain Kebira. A. Fen-
dacia, A. Saf Saf, etc.) ; d'autres se montrent sur le pouitour du
plateau calcaire de Sidi Sati (Ain Djoudj, A. Sidi Messaoud,
Ain el Arba, etc.)
Un autre niveau d'eau se trouve au contact des manteaux
volcaniques [i'^ et L chaque fois que leur substratum est argileux.
Ainsi s'expliquent les sources d'Ain Kraled, A. Metbarka, etc.
dans b'S Oulhassa, d'Aïn Zitoun, A. Tolba, etc., dans les
Oulad Khalfa.
Des sources salues se montrent au contact des affleurements
triasiques. La présence de ces affleurements entraîne, en outre, la
salure des oueds qui les traverse. C'est ainsi que les 0. Malah,
O. Lemba, Feïd el Ateuch roulent des eaux saumàtres et ont fait
donner à cette région, par les indigènes, le nom de « pays de la soif. »
166 BIBLIOGRAPHIE
8' VÉGÉTATIONS ET CULTURES
Les zones de végétation de culture de la « Basse Tafna » sont
en rapport étroit avec la nature des reliefs.
La chaîne du Skouna est aride : schistes s montrent une
végétation rare de cistes, palmiers nains, etc., les calcaires t sont
dénudés. Cette chahie est presque impropre à toute culture.
Les plateaux tertiaires donnent à leur surface, par décalcification,
une terre rougeàtrc assez fertile dans laquelle poussent le romarin,
la lentisque, etc. La vigne y réussit très bien.
Los vallées argileuses ont un sol presque totalement dépourvu
de végétation spontanée mais éminemment propre à la culture des
céréales. La dépression du Féïd el Ateuch et de l'O. Lemba offre,
à ce point de vue, beaucoup d'avenir.
Enfin les reliefs volcaniques forment un sol excellent par sa
richesse alcaline. La partie superficielle décomposée des coulées
de laves, et surtout les scoi'ies et les tufs, fournissent une très bonne
terre où peuvent se créer de riches vignobles, des vergers, etc.
Les parties de ce sol qui sont pourvues d'eau sont remarquables
de fertilité et rappellent, par suite de l'équivalence du climat, la
riche Campagne napolitaine, si appréciée des agriculteurs italiens.
EXCURSION AU SOUS, avec quelques considérations préliminaires sur h
Question marocaine, par le Comte R. de Bordon de Segonzac.
Préface de M. A. Mouuéras, chargé d'une mission scientifique au Maroc par le
Ministre de l'Instruction publique.
Ouvrage orni de lo photogravures et de 2.} dessins, d'après le croquis de l'auteur.
(Paris, A. Challamel, éditeur, ic^oi.)
Ce document dont la Bibliographie marocaine vient de s'enrichir
a, dans les circonstances actuelles, une importance incontestable;
il complète nos renseignements sur une des régions très peu
connues encore et difficilement abordables, au Sud-Ouest de
l'Empire des Chérifs.
Sous !e titre qui précode, M. de Segonzac, lieutenant démis-
sionnaire du 2' régiment de Chasseurs à cheval, membre de la
Société de Géographie d'Oran et actuellement en exploration dans
les régions inconnues des Braber, vient de publier ses notes de
voyage, nous faisant ainsi bénéficier de ses investigations et de
ses observations scientifiqu(^s et politi(iues et cela, sur les vives
instances de notre savant arabisant M. Mouliéras, comme celui-ci
l'explique dans une courte préface des plus patriotiques et des
plus élogieuses pour notre collègue.
L'Atlas forme au Sud du Maroc une barrière au-delà de laquelle
les étrangers ne pénètrent pas. On en concluait que le Sud
Marocain est un pays stérile, peuplé d'habitants féroces.
I
BIBLIOGRAPHIE 167
Le voyage que M. de Scgonzac fit seul, sans armes et sans
oscorte, avec un muletier algérien, dans le pays de Sous et le
Tazeroualt donne un démenti à cette double légende. Mais il faut
dire que notre intrépide explorateur avait revêtu le costume arabe
et se faisait passer pour marchand tripolitain sous le nom de
Ahmed bon Mejaad.
Le Sous n'avait été jusqu'à ce jour, croyons-nous, que visité
partiellement par Joachim Gattel en 1869, Lenz en 1880, de
Foucault en 1884 et de la Martinière en 1891.
Rappelons d'abord que le Sous est la vallée de l'oued de ce
nom, délimitée par le grand Atlas au Nord et par le petit Atlas au
Sud. Les deux chaînes forment un angle dont le sommet est au
Djebel Siroua.
La vallée de l'oued Sous, large d'une cinquantaine de kilomètres,
est fertile, boisée et peuplée. Des dernières pentes de l'Atlas, elle
a l'aspect d'une foret d'où émergerait une quantité innombrable
de maisons, de villages et de villes...
C'est dans le couraiit de novembre 1899 que M. de Segonzac
entreprit son voyage. De Casablanca, où il était venu de Tanger
par mer, il gagna en cinq étapes Merrakech (Maroc) où il séjourna
huit jours avant de se diriger vers le Sud.
Parti de Merrakech le 31 octobre, il atteignit le 12 novembre
Taroudant, la capitale du Sous, et le 19, Tiznit, la 2° ville
importante de la province. De Tiznit il remonta au Nord pour
atteindre le 23 novembre Agadir le port du Sous et huit jours après
Mogador, terme de son voyage (Total 24 étapes de Merrakech
à Mogador).
Chacune des étapes parcourues par M. de Segonzac, de
Merrakech à Agadir, est décrite avec une simplicité attrayante,
sans détails inutiles sur les incidents personnels du voyage.
L'explorateur a porté de préférence son attention sur tout ce qui
pouvait intéresser la géographie, l'ethnographie et la sociologie ;
aussi ses notes sont-elles émaillées d'observations des plus
judicieuses formant autant d'instantanés, reproduction fidèle des
sentiments, tendances, aspirations, de l'état d'àme, en un mot,
des hauts fonctionnaires, caïds ou cheicks qui l'ont reçu aussi
bien que de leurs vassaux, guides, muletiers et autres avec
lesquels il s'est trouvé en contact.
UExcursion aie Sous constitue ainsi un récit d'un cachet
d'originalité des plus séduisants et une contribution du plus haut
intérêt à la géographie du Maroc.
Vingt-quatre croquis d'itinéraire ou des plans de villes, très
clairs et très nets qui dénotent un topographe habile, dix
photogravures et des tableaux d'observations météorologiques jour-
nalières, complètent heureusement la brochure de 'SI. de Segonzac
<lont nous croyons intéressant de reproduire ici le récit de son
18
168 BIBLIOGRAPHIE
séjour à Taroutlanl et de sa visite au Gouverneur Ha IlanioUy
l'un des trois grands chefs du Sous :
« La richesse de Taroudant, la beauté de ses jardins, ses
« orangers, ses citronniei-s, ses oliviers, sont renommés dans
« toute l'Afrique du Nord.
« Nous y pénétrons par la porte des Aïl-bou-Nouna, la plus
« septentrionale de ses cinq portes ; tout à côté s'élève la kouba
6 de Sidi-Moljammed ben Abd-Allah, qui disparait presque
c entièrement dans la verdure.
« Nous traversons paisiblement la ville dans toute sa longueur;
« on nous regarde à peine et nous entrons dans la cour
0 de la Kasba, citadelle où demeure le bâcha. Je lui fais
« porter par un de ses soldats la lettie du Sultan en demandant
t une audience, et nous nous accroupissons à la porte au milieu
« des moghzani et des quémandeurs. Quebiues minutes après le
« soldat revint accompagné d'une soi-te d'intendant. Il nous
« apporte les compliments du bâcha, nous annonce que nous
« serons reçus le lendemain et qu'une maison et des honneurs de
« garde sont mis à notre disposition »
Le lendemain à 9 heures, notre voyageur est conduit à la Kasba.
« La porte de la Kasba est percée au fond d'un enfoncement
€ de rempart de façon que l'assaillant n'y puisse accéder qu'on
« défdant sous les feux croisés à bout portant des défenseurs.
« La porte débouche sur une pctle place assez pittoresque ;
« l'entrée de la Kasba est à droite. On pénètre d'abord dans une
« grande cour où des soldats oisifs se chauffent au soleil. Le long
« d'un mur, à gauche en entrant, trois petits mortiers et deux vieux
« canons à roues de bois braquent vers le ciel leurs gueules
« rouillées.
« Un grand vieillard en caftan vert olive, nous introduit auprès
« du batha.
« Le prétoire est un hangar ouvert sur la cour et porté par
a deux colonnes.
« Le hacha est accroupi contre le mur du fond ; c'est un petit
« vieillard très noir avec, tout au bas du menton, une petite barbe
« blanche crépue. Il a l'air malin et bienveillant ; il parle tout bas,
« en bredouillant un jk'u, comme si ses grosses lèvres étaient
€ lourdes à remuer.
« La conversation s'engage avec la courtoisie complimenteuse
« en usage dans tout l'Orient. Le bâcha me regarde de coté avec
« un petit sourire d'incrédulité, quand je lui conte que nous
« nous sommes perdus dans la montagne et que, voulant aller à
« Mogador, nous arrivons à Taroudant... Je n'insiste pas et je
« me n'qjands en éloges sur la pros|)érité du pays, sur sa sécurité
« surtout, car enfin, dans ce terrible pays du Sous, nous avons
« circulé sans escorte, sans armes, trouvant partout bon accueil
« et hospitaliti;. J'ai touché une corde sensible. A voix très basse,
a le vieux hacha nous conte l'insécurité passée, la ville assiégée
« par les montagnards, allamée, ranronnéo. Depuis cinq années
« qu'il gouverne, il a dû faire couper plus de mille tètes. . .
BIBLIOGRAPHE 109
« Le lendemain, journée de lepos, délicieusement oisive. Les
« visiteurs affluent ; ({uelques-uns, pour se donner une contenance,
« nous apportent de menus présents, des noix des dattes, des
« sraandes, des olives nageant dans une sauce au piment, des-
« pommes minuscules, grosses comme des nèfles et très
« parfumées, de la menthe, du jasmin, des géraniums, des-
« poivrons, des keflas, boulettes de hachis de \iande cuile dans
« le beurre... rance, naturellement, car les Arabesn'en connaissent
« pas d'autres. En échange, nous offrons d'innombrables petites
B tasses de thé et on cause interminablement. En pays musulman,
« les conversations générales sont plus productives que les ;'i-parte ;
« les gens sont moins méfiants et plus sincères ; il est facile de
« contrôler les renscgnements, les interlocuteurs se n pronnent,
« se corrigent, se complètent et cette soirée nous fournit d'intéres-
« sants aperçus sur le pays. On sent bien, à la haine qui sépare
« le Chleuh, le Maure, l'Arabe maroc-ain, le Hartani, le Draaoui et
a le Soudanais, que l'agrégation de ces éléments si disparates ne
« peut être que momentanée.
« L'unité nationale ne découle pas nécessairement de la commu-
« nauté de religion ; cette unification, œuvre laborieuse des
« derniers sultans, n'a été réalisée que par la force et ne survivra
« pas à leur fortune.
« Un bataillon de l'armée chérifienne tient garnison à Taroudant.
« Tous les soirs, vers cinq heures, les hommes manœuvrent, les
« tambours battent, les clairons sonnent ; manœuvres, batteries
« et sonneries anglaises, d'une lenteur et d'une tristesse déso-
« lantes, et pour nous, bien en harmonie avec les réflexions
« qu'elles évoquent.
« La grande mosquée dresse tout contre nous son gi'acieux
« minaret rose, treillage de vert ; de notre terrasse, on plonge
« discrètement dans l'intérieur de la djema de Sidi-ou Sidi, auquel
« son toit singulièrement gondolé donne un aspect de pagode.
« La journée est finie, nos bagages sont prêts, nos mules ferrées
« de neuf, nos bats réparés. Nous partirons demain a\ec le jour.
« Un peuple de hérons s'installe pour la nuit dans les arbres de
« notre jardin avec un assourdissant vacarme de crécelles. »
Non moins intéressantes et captivantes sont les pages où défilent
devant nos yeux les sites pittoresques des défilés du grand Atlas, et
les silhouettes deTiznit et d'Agadir ; nous y renvoyons le lecteur.
Il ressort des observations de M. de Segonz.ic, et c'est là,
la caractéristique du Maroc en général, que son sol est fertile,
mais que les vallées de Tensift, de Oum-er Rebaa, de l'oued Sous
sont bien « déchues de leur légendaire renom de fécondité. Les
0 guerres, l'insécurité et par dessus tout l'àpre cupidité des
« fonctionnair(..s impériaux, ont ruiné le pays. L'habitant ne
« laboure et n'ensemence que l'espace nécessaire pour subvenir à
0 ses besoins ; soucieux de ne pas tenter la rapacité des grands,
« il redoute la richesse et préfère rester pauvre. »
Citons enfin, en terminant, cette esquisse typique que notre
170 BIBLIOGRAPHIE
voyageur lait des habitants du pays, les Berbères : « Accueil
f effrayant, aspect peu rassurant, instinct pillard, avec un fond de
« droiture chevaleresque et beaucoup d'enfantillage. »
M. de Segonzac a donc fait modestement une œuvre scientifique
autant que patrioli(iue en nous faisant mieux connaître et convoiter
ce joyau de l'Africiue Mineure ; la Société de Géographie d'Oran
lui en adresse toutes ses félicitations.
• Nous devons aussi un large tribut de reconnaissance à
M Mouliéras, notre dévoué vice-président, que passionne tout ce
qui tourbe au Maroc et auquel nous devons l'exhumation par notre
(•ollègue du précieux itinéraire qu'il ne destinait pas à la publicité
et qui dormait depuis plus d'un an dans les archives du Service
géographique de l'Armée.
Les considérations sur la Question marocaine, dont M. de
Segonzac fait précéder son étude, nous paraissent des plus
judicieuses ; elles peuver.t se résumer ainsi :
Le Maroc, état musulman, ennemi de la civilisation, réfractaire
à tout progrès, volontairement maintenu dans l'anarchie, obstiné-
ment fermé à toutes ralations, au commerce, à l'industrie, devra,
tôt ou tard, se transformer ou disparaître ; sa présence dans le
bassin do la Méditerranée est une honte et un danger; sa
suppression est d'utilité publique.
Comment le supprimer ?
Par partage, conquête ou proteclorat.
L'examen des prétentions, certaines ou supposées, des différents
compétiteurs conduit à cette conclusion que tous revendiiiueront
le même lot : l'entente sera impossible entre les copartageants.
Pour nous, le partage serait un leui're : cette hypothèse est à
écarter. Inadmissible aussi le statu qun, si rassurant pour nos
•diplomates, si néfaste pour nos intérêts.
La conquête serait une formidable aventure, la France seule
pouri-ait la tenter, niais cette solution a le tort d'être trop brutale
et de mal préparer le pays à une colonisation pacifique et féconde :
mieux vaut protectorat que concjuête ; protectorat analogue à celui
établi en Tunisie.
Ce protectorat ne saurait être sollicité par le Maroc ; la seule
solution convenable serait l'établissement du protectorat de la
France à main armée.
Sans aucun doute, la soumission du pays serait très laborieuse,
mais nous l'accomplirions en aidant Sa Majesté chérilienne, notre
protégé, à faire rentrer les rebelles dans le devoir.
Nous partageons pleinement la manière de voir de M. de Segonzac
et nous estimons, comme le dit hautement M. Mouliéras dans sa
préface, que la possession du Maroc est pour nous. Français, plus
que désirable : elle est nécessaire. Elle est indispensable, cette
possession, au maintien di' notre domination en Algérie.
L'-Colonel DERRIEX.
LE] IPX^J^ÏJ^.
Un journal oranais vient do publier quelques articles sur
un arbre importé depuis quelques années dans le Tell,
le Tlala (1).
Je n'ai pas la prétention de donner, dès mainlenant, la-
solution du problème qui s'est posé, do taire produire à notre
nouvelle importation, les galles riches en tanin que les
indigènes du Sud emploient pour préparer le filali. Jeté par
les hasards militaires dans les régions sahariennes que nous
venons de conquérir, et connaissant déjà le tlala pour en
avoir bouturé moi-même dans le Tell, ma curiosité s'était
bornée, dès le début, à une simple étude d'amateur.
M. le Commandant Graulle, auquel me rattachent des
relations amicales déjà anciennes, m'a tait connaître combien
il serait intéressant au point de vue économique, de pousser
plus loin les observations en étudiant l'insecte producteur
des galles, au point de vue de son importation et de son
acclimatation dans le Tell.
M. le Coloiiel Derrien a bien voulu, lui-même, me
demander pour la Sociilé géogmpliiqae, une étude sur la
question ; c'est celle-ci que je vais tenter d'exposer ; mes
connaissances spéciales ne sont pas assez étendue? pour me
permettre de lui donner l'allure scientifique proprement dite ;
ce sera une simple causerie dans .laquelle je résumerai ce que
j'ai vu, et je serai heureux si, en mettant à profit ces quelques
observations, les chercheurs spécialistes peuvent, ou bien
avancer la question, ou même seulement préparer le tlala du
Tell à recevoir la fécondation de la galle, en lui donnant dès
maintenant un habitat se rapprochant autant que possible de
celui qu'il a dans le Sahara.
Il m'a semblé en etïet qu'il faut pour cet arbre, comme pour
toutes les importations que l'on veut rendre productives,
observer tout d'abord celte condition ; c'est d'autant plus
important pour le tlaïa, qu'il lui faut déjà une certaine taille,
et, par suite, de l'âge, pour fournir la galle désirée. Voilà peut-
être la pierre d'achoppement qui s'est opposée jusqu'ici à la
fécondation ; à mon humble avis, il ne faut pas chercher à
expliquer autrement les insuccès antérieurs; c'est exactement
(1) Arbre de la famille d< s Tamaricicccs {Tamarix articulata). —
N. D. L R.
21
17*2 LE TLAÏA
comme si l'on voulait demander I;i reproduction à des
animaux non adultes. J'ai trouvé souvent des galles sur des
jeunes branches, mais celles-ci portaient toujours de vieilles
et fortes souches.
Tout d'abord je crois devoir, ainsi que la fait M. le Com-
mandant Graulle, relever une erreur dans la dénomination
arabe, de l'arbre qui nous intéresse. Les indigènes du pays
emploient couramment l'expression tlaïa (ï — iL) pour
désigner l'arbre, et celle adzha (a.< jx) ou l'arement tkaout
(d.'_;LN-V) pour désigner la galle ; encore, ne se sert-on qu'au
Tafilalet du mot tkaout, car les indigènes de la Saoura, auxquels
j'en ai parlé, m'ont affirmé qu'ils l'entendaient prononcer pour
la première fois ; ceux de la Zousfana, plus rapprochés du
Tafilalet et plus en relation avec lui, connaissent un peu ce
mot, mais ne l'emploient jamais. En Irançais, dans la région,
nous appelons couramment le tlaïa « étel » ; d'où vient ce nom?
Je l'ignore.
En descendant la Zousfana, on voit déjà du tlaia jusqu'à
Tagliit ; à Taghit, et tout le long de l'oasis des Béni Goumi, qui
a 17 à 18 kilomètres de longueur, on peut le trouver dans les
jardins entretenus ou dans ceux qui ont dû être abandonnés
par suite de l'envahissenicnt du sable. Dès qu'on dépasse
Zaouïa-Tahtania, Ksar qui marque la limite Sud de l'oasis
des Béni Goumi, le tlaïa apparaît alors très nombreux dans tout
le lit, de la Zousfana jusqu'à Igli, et dans le fond de quelques
dépressions secondaires tributaires de l'oued principal.
En dehors de là, on n'en voit plus du tout, ni dans l'Erg
sablonneux ni dans la hamada rocheuse qui bordent la
Zousfana, l'une à l'Est et l'autre à l'Ouest. Dans la Saoura et
dans le Guir, le tlaïa continue à se présenter, mais en
quantités moindies.
Ceci nous prouve en premier lieu, qu'il faut au tlaïa de la
terre, de l'humidité et des lieux bas.
D'après les renseignements que m'ont donnés des indigènes
originaires du Tafilalet, ou y étant allés en voyage, le tlaïa y
pousse naturellement et en très grande quantité dans les
fonds bas des vallées sablonneuses où il y a forcément toujours
une couche de terre végétale.
Le sable est-il indispensable ou seulement utile à la
croissance de l'arbre ? Jusqu'à maintenant, je le crois
seulement utile pour ameublir le sol et permettre à l'eau de la
LE TLAÏA. 173
nappe souterraine de donner aux racines, par capillarité,
l'humidité qu'il leur faut.
Par suite, quand on pratique Tirrii^ation dans le Tell, surtout
où l'action desséchante de la chaleur est beaucoup moins
active que dans le Sahara, je pense que la terre n'a pas besoin
d'être sablonneuse pour donner au tla'ia l'habitat nécessaire.
Toutefois, il est certain qu'une terre trop forte ne saurait
convenir sans irrigations.
Or, ce qu'il faut rechercher si l'on veut cultiver le tlaïa pour
en recueillir les galles, c'est tout d'abord la suppression de la
main d'œuvre, et par suite, les irrigations ; donc, choisir les
terres légères, sinon sablonneuses proprement dites.
Il me serait difficile de tirer d'ici des preuves fermes de ces
appréciations, car partout où j'ai vu le tlaïa, la terre est plus
ou moins sablonneuse, mais j'ai cru remarquer cependant,
dans des jardins abandonnés, que quelques rares sujets, dont
le pied est recouvert de boues calcaires, dures, sont moins
vigoureux que les autres. Au sud de Béni Abbés, j'ai constaté
le même fait à Merhouma, sur la Saoura ; un fond de daya,
anciennement parsemé de dunes où se trouvaient de nombreux
thaïa, a été débarrassé de son sable, par des eaux courantes
fortuites ; les tlaïas sont restés sur des monticules terreux
isolés et y végètent maintenant, tandis que leurs voisins dans
les dunes sont superbes.
Continuons à envisager les divers éléments qui, dans le
Sahara, sont favorables ou non au tlaïa :
Degré d'humidité. — Chose remarquable, le tlaïa est rare
au bord de l'eau courante ou stagnante à la surface du sol ;
s'il s'y rencontre, il est rabougri. Il en est à peu près de même
là où la nappe souterraine est à faible profondeur (0 à 1™
environ), donc il ne se plaît pas les p eds dans l'eau.
Au contraire, là où la nappe est jusqu'à 5 à 6 mètres, on
voit des bouquets magnifiques.
Cependant, là encore, il convient de bien remarquer com-
ment il se présente :
Le tlaïa est rarement un arbre isolé ; c'est une réunion de
troncs plus ou moins gros, plus ou moins espacés à l'origine,
et s'enchevétrant dans toutes les positions, depuis l'horizontale
jusqu'à la verticale ; le tout sort d'un monticule, à pentes 1/1,
ayant quelquefois 50 à 60 mètres de diamètre à la base et 4 à
5 mètres de hauteur.
m
LE TLAÏA
.l'ai eu là cnriosilé de voir les dessous de l'un de ces monti-
cules et voici ce que j'ai trouvé en faisant déblayer le sable
d'un côté d'une coupe verticale passant par le centre.
n
LE TLAÏA 175
Pour diminuer le travail, je me suis contenté d'opérer sur
un monticule de 8 mètres d3 diamètre à la base sur 2 mètres
de hauteur ; on voit néanmoins quelle quantité de grosses
souches il renferme et qui, à l'origine, ont dû être branches.
J'ai trouvé le sable humide et mélangé d'humus, autour du
tronc principal et au point de jonction des souches secondaires
avec lui. Les racines très aqueuses, grosses comme le bras à
leur naissance, s'enfoncent verticalement dans la terre en
s'amincissant, après avoir suivi une direction oblique, pendant
4 ou 5 mètres. Le soue-sol du monticule était de la marne
bleuâtre.
Il est, il est vrai, des monticules beaucoup plus restreints
que ceux des dimensions maxima que j'ai indiquées plus
haut, mais les plus beaux arbres sont sur les monticules les
plus élevés.
Le sol du monticule se compose de couches successives de
sable et de détritus végétaux provenant du tkVia qui l'habite.
Le fait semble facile à expliquer : au début, le tia'ia s'est
composé de plusieurs rejetons qui ont commencé à grandir
côte à côte formant une petite touffe ; le sable, charrié par le
vent, a rencontré cet obstacle et a formé à son pied une butte
minuscule ; à la fin de l'été, des aiguilles et des bouts de
brindille desséchés sont tombés là-dessus et y ont été maintenus
par une nouvelle couche légère de sable, de sorte qu'au fur et
à mesure que l'arbre a grandi, la butte agrandi aussi ; des
branches se sont trouvées enterrées horizontalement, ont pris
racine, et d'elles, sont parties "de nouvelles pousses qui ont
successivement étendu en largeur la toufle et le monticule,
sous l'action des mêmes agents. 11 est certain que ce monticule
sablonneux constitue, sinon une fumure dont les troncs
racines successivement se nourrissent, mais du moins une
protection des plus efficaces: 1° contre le séchage du rayon
du sol nourricieir ; 2» contre l'action brisante du vent qui,
dans ces régions, atteint une intensité considérable
Tout ce que j'3 viens de dire se rapporte au tlaïa sauvage,
et c'est sous cette forme que celui-ci se présente d'une façon
presque générale dans la Zousfana d'abord, puis dans la
Saoura jusqu'au sud de Kerzaz.
Il en est autrement du tlaïa cultivé, car celui-ci existe aussi.
Qu'on ne suppose pas cependant que cette culture ait pour
objet de faire rapporter plus de galles par l'arbre ; non, son
17fi
LE TLAIA
but est tout difTérent. Le Ksourien a quelques tlaïas dans ses
jardins pour en retirer les perches qui lui serviront à étayer
les terrasses de ses constructions et à fabriquer les « khettara o
de ses puits à bascule.
Le tlaïa est en efî'et le seul arbre de la région capable de
fournir des perches assez longues et assez droites pour ces
usages. Pour cela, le Ksourien taille court de temps en temps,
les grosses branches, en y laissant seulement quelques jeunes
pousses, qui croîtront droit en l'air. Alors, il n'y a plus de
monticule, et l'arbre est le plus souvent isolé, car il finirait
par prendre trop de place dans les jardins; l'irrigation donnée
aux palmiers et aux carrés de culture voisins, lui suffit,
sans qu'il soit besoin de lui donner une irrigation particu-
lière.
L'arbre ainsi aménagé, a un feuillage touffu et d'un beau
vert, mais il ne pj-oduit que très peu de galles toutes petites et
que les indigènes ne récoltent même pas. J'en ai mesuré dont
les troncs arrivent à 2 mètres de diamètre sur S^^SO à 3 mètres
de hauteur ; de grosses branches partent en rayonnant de ce
tronc, s'étendent jusqu'à 3 ou 4 mètres et servent de base à
des perches verticales de 5 à 6 mètres de hauteur.
m^M^éMÊÉé
Tlaïa taillé
LE TLAÏA 177
Faut-il imputer à l'isolement relatif des sujets, au milieu
d'arlires d'autres essences ou aux modifications produites par
la taille, cette pauvreté de production de galles? Je l'ignore,
mais le fait est réel et d'autant plus à remarquer, que des tlaïas
non cultivés, poussant à peu de distance en dehors des
jardins, donnent des galles grosses et nombreuses.
La conclusion profitable pour le Tell que je crois pouvoir
retirer de cela, est la suivante : une fois la plantation du tlaïa
faite dans l'habilat voulu, n'essayer aucune culture sur lui et
ne pas le mêler à d'autres essences d'arbres afm de se ménager
toutes chances de lui communiquer les germes de la galle
quand on tentera cette opération. Plus tard, après succès
certain, rien n'empêchera de faire tous les essais de culture
que l'on voudra, car il est très [lossible que l'insecte générateur,
une fois acclimaté au Tell, consente petit à petit à subir
encore les progrès qu'une culture raisonnée introduirait dans
ses conditions d'existence.
Le ver à soie s'est bien trouvé de la taille et des soins
donnés aux mûriers, il peut en devenir de même du tlaïa pour
son insecte particulier. Le monticule me semble devoir aussi
être aménagé artificiellement, de façon à obtenir autant que
possible des toufïes semblables à celles de l'état sauvage.
Influence de l'eau et du terrain salés. — Là oi^i l'eau ou
seulement le terrain sont salés, on ne voit pas le tlaïa ;
c'est un fait que les indigènes eux mêmes ont remarqué.
Cependant, quand la nappe souterraine n'est que légèrement
saumâtre comme je l'ai vu dans le lit même de l'oued Saoura,
le tlaïa ne semble pas en souffrir, à la condition, toutefois, de
se trouver sur les bords de l'oued, un peu au dessus du
thalweg ; dans l'oued Guir,dont l'eau est fortement salée, il n'y
a que quelques tlaïas rabougris (du moins dans la partie
voisine de son continent avec la Zousfana), la seule que j'ai eu
1 occasion de voir, alors que dans la Zousfana toute proche, on
voit des touffes magnifiques.
Conclusion utile : Eviter au début au moins l'eau et les
terrains sales et même peut-être les vents marins, dans les
plantations expérimentales qu'on pourra faire pour obtenir les
galles, car, en admettant même que le tlaïa puisse y poui^ci-
en raison des conditions climatériques différentes, il est à
craindre rpie cet habitat déplaise à l'insecte générateur qui n'y
sera [>as habitué.
178
LE TLÂIA
Exposition. — Il me serait difficile d'affirmer que telle
exposition est plus favorable que telle autre ; cependant, j'ai
remarqué que le llaïa est plus beau dans la Zousfana, entre
El Aoued et Igli, qu'ailleurs, et là, le couloir de l'oued est
orienté presque Est-Ouest, légèrement Sud. Ceci me semble
d'ailleurs trop compliqué pour qu'on puisse, dès maintenant,
poser des conclusions fermes au point de vue du but cherché,
car il faudrait alors s'incjuiéler aussi de la direction générale
des vents, de la température, etc.. , toutes choses qui seront
toujours bien différentes dans le Tell et dans le Sahara,
Il suffit de savoir que le tlaïa supporte dans le Sahara des
basses températures jusqu'à 8 degrés (constatées en janvier à
Taghit pendant plusieurs jours) pour laisser espérer que tous
les points du Tell Oranais sont accessibles à la production des
galles quant à la température minima. La température sèche
et élevée du Sahara est-elle indispensable ? Ceci est un secret
de l'avenir ; toutefois, on peut déjà observer que le Tafilalet est
la contrée de production par excellence et que son climat est
déjà beaucoup plus tempéré que celui du Sahara.
Époque de cueillette des galles, grosseur, rendeme'nt, valeur
au Tafilalet, procédé de tannage. — C'est au mois de décembi-e,
m'a-t-on dit, qu'au Tafilalet on tait la récolte des galles, en les
cueillant à môme sur l'arbre oùellestiennentassez solidement.
Les galles ont l'apparence d'une praline irrégulière dont la
teinte varie entre le brun vert clair et le brun ocre jaune foncé
ou violacé, selon l'état de maturité.
LE TLAÏA . 179
Le diamètre de la boule varie de 0"i004n'/'" à 0'"02c/"', la
moyenne étant généralement de 0'"005. Les unes s'écrasent
facilement entre les doigts, d'autres, au contraire, sont très
dures et sont, je crois, les meilleures, car dans les premières
on ne trouve souvent qu'un peu de poussière couleur ocre
jaune et des œufs desséchés.
EUes tiennent à l'arbre soit sui" ie bois même des branchettes,
soit sur les aiguilles, mais le plus souvent à l'aisselle de ces
deux parties Elles ne sont plus réparties régulièrement sur
toutes les branches, les unes en ont beaucoup, les autres pas
du tout, ce qui me ferait supposer que l'insecte générateur se
transporte quelque peu en essaim ou ne travaille que sur les
branches abritées du vent du moment.
N'ayant pas été à même de calculer moi-mêmiC le rendement,
j'ai dû prendre ce renseignement auprès des indigènes du
Tafilalet. Voici ce qu'ils m'ont dit : Un tlaïa de bon. rendement
donne environ par an une demi (jhevara, ce qui correspondrait
à25kilogs. Seulement, il reste là un gros point d'interrogation,
car je ii'ai jamais pu faire préciser si ce rendement est celui
d'un seul arbre ou cVun houqnct de //aïa ; il est diffici'e, en
effet, de faire comprendre à ces arabes peu curieux des choses
de la nature que dans un bouqiiet il y a plusieurs arbres
enchevêtras, aussi suis-je tenté de croire que le rendement de
25 kilogs se rapporte plutôt au bouquet qui aurait alors un
monticule de 6 à 7 mètres de diamèlre à !a base et contiendrait
2 ou 3 souches génératrices. En tablant là dessus, on peut
compter qu'en laissant des sentiers de 1 mètre entre les
monticules, on aurait dans un hectare 144 pieds et, par suite,
une production de 144 x 25 =: 3,600 kilogs.
Au Tafdalet, le prix courant des galles est de 8 oudjouh,
la mesure de 5 kilogs environ, soit 0 fr. 20, ce qui met le kilog
à 0 fr. 04. M. le Commandant Graulle nous dit que le kilog
vaut à Tlemcen 0 fr. 50, donc l'hect&re rapporterait à peu
près 3,600 x 0,50 = 1,800 fr. 00. Ce chiffre est sensiblement
inférieur à celui donné par M. le Commandant Graulle,
mais il semble qu'il est encore suffisant pour tenter des
producteurs.
Si l'on veut d'ailleurs discuter l'économie d'une expérience,
ou reconnaîtra, je crois, qu'il y a peu de risques à courir,
même si on ne réussit pas 'plus tard à obtenuMa gaUe, car
sans être très versé sur li uialièro, il me semble que l'hectare
180 LE TLAÏA
de tlaïa ainsi planté donnera toujours du bois de chauffage ou
des perches utiUsables comme telles en quantité suffisante
pour couvrir les frais d'exploitation, qui se réduiraient à peu
de chose ; on se plaint en Algérie que le bois manque, voilà
un moyen d'en faire.
Voici maintenant le procédé de tannage employé au Tafilalet,
tel que me l'ont indiqué les indigènes :
On pulvérise Vadzba et on jette la poudre obtenue dans de
l'eau bouillante. On verse ensuite cette eau avec le résidu de
la poudre sur les peaux qu'on a au préalable dépouillées de
laine ou de poil et mises au sel doux dans une cuve en bois. On
laisse baigner les peaux dans Vadzba pendant une dizaine de
jours, puis on les met à sécher.
Pour obtenir la teinte rouge, on met alors les peaux dans un
bain de foiia ( s* 3 ) ou garance pendant 10 autres jours et un
dernier séchage termine l'opération.
Depuis quelques années, nos produits chimiques ont réussi
à pénétrer au Tafilalet, car un indigène m'a présenté une
poudre qui n'est autre que l'aniline et qui a pris là-bas le nom
de hamimer. On l'utilise, m'a-t-on dit, pour teindre les peaux
en rouge violacé, en frottant à sec la peau colorée déjà à la
garance, au moyen d'un petit sachet en toile renfermant la
poudre. Pour tout dire, je crois plutôt que l'aniline sert
surtout à colorer des peaux de qualité médiocre, qui donnent
un faux filali avec lequel nos ouvriers indigènes d'Algérie
fabriquent les nombreux objets, dont le bon marché nous
étonne quelquefois.
Insecte producteur des galles. — J'ai réservé cette question
pour la fin, quoiqu'elle soit la plus intéressante, parce qu'à
vrai dire, je dois encore la réserver. Je ne veux en effet
avancer que les choses dont je suis sûr et que j'ai reconnues
exactes après une observation de durée suffisante. Voici
où j'en suis.
Du commencement de janvier jusqu'à la date actuelle (avril),
je n'ai pas cessé de trouver des galles mûres ou non mûres
renfermant : les unes, des larves dans une coque brune,
d'autres des vers blanc-verdàtre ; d'autres encore, des œufs
d'insecte, mais je n'ai vu encore aucun insecte formé assez
nombreux pour me faire supposer qu'il serait le générateur.
LE TLAÏA 181
La gent insecte ailé, à part les mouches vulgaires et les
moustiques, est rare au Sahara ; je crois donc pouvoir espérer
que si l'insecte cherché est un papillon, comme cela a été dit,
et si je continue à résider dans les parages où le tlaia est
nombreux, je ne manquerai pas de voir ce qu'il en est, car,
étant donné le nombre de larves que renferment les galles,
j'estime qu'il doit y avoir une nombreuse éclosion ; j'ai pu
compter jusqu'à 15 vers dans une seule galle.
Ces larves sont-elles de simples parasites ? Je serais bien en
peine de contredire l'affirmation qui en a été faite ; mais je
dois cependant faire remarquer que toutes, sans exception,
donnent le même petit ver blanc-verdâtre ayant une petite
tache brune en tête et en queue ; cela ressemble exactement,
si je ne me trompe, au ver qu'on trouve dans la noise'te, mais
en demi grosseur seulement.
Il y a quelques jours, ayant mis dans une boîte percée de
trous une branchette de tlaïa portant une superbe galle
de 0'"02 de diamètre, j'ai trouvé le lendemain sur les brindilles,
une chenille ayant la forme et les dimensions suivantes :
Grandaup ^latuceiie au repos , er. mouvoment
Cet insecte avait 4 excroissances formant pattes, un peu en
arrière de la tête, et 4 autres semblables au tiers de la longueur
prise du côté de la queue (2 de chaque groupe de chaque côté du
corps). Pour avancer, il ramenait les pattes de derrière contre
celles de devant, en élevant en circonférence verticale la partie
intermédiaire du corps, puis se détendait en avant. Je crois
qu'il était sorti de la galle, mais je ne pourrais l'affirmer, car
sa couleur brun-vert foncé se confondait si bien avec celle de
la branchette, que j'ai pu ne pas le voir plus tôt sur elles.
Il a déposé sur les aiguilles vertes quelques œufs et une trame,
et au bout du cinquième jour, je l'ai trouvé mort et
déjà desséché.
Je ne raconte ce fait qu'incidemment, car il ne constitue
même pas un indice dont je puisse personnellement tenir
182 LE TLAÏA
compte, faute de compétence suffisante en la matière, mais il
est possible qu'il par-aisse plus sérieux à des spécialistes, même
indépendamment de la question du tlaia.
Aujourd'hui, ouvrant ma boite d'observations, j'y trouve
trois petits insectes ailés vivants, et je suis bien certain qu'ils
sont sortis des galles ; ils ressemblent assez à un papillon de
nuit de la grosseur d'une petite mouche (1).
Si c'est là l'insecte générateur, il est évidemment possible
de l'avoir vivant dans le Tell, car mes galles sont enfermées
depuis 40 jours et ont été, dès le premier jour, complètement
détachées des brindilles sur lesquelles je les avais cueillies :
le transport par la poste d'Igli à Oran ne demande que 7 jours;
lorsque le chemin de fer sera construit, on pourra {et cela
vaudra encore mieux), transporter dans le Tell en moins de
temps encore, non plus des galles isolées, mais des branchettes
porte-galles.
Je me propose de continuer ces observations pendant tout
mon séjour dans le Sahara, et, avec les consei's éclairés que
je recevrai volontiers de la Suciété de Géographie, pour guider
mes recherches, j'espère bien arriver à une solution ferme de
la question. ,Ic me ferai d'ailieurs un plaisir, dès que j'aurai
une installation plus stable, de faire à la Soci-Hé tous envois
possibles avec ks moyens de correspondance actuels, pour
permettre aux chercheurs que cela intéresserait, déjuger les
choses de visu, avec plus de compétence que moi.
Quant à s'adresser aux indigènes pour savoir quoi que ce
soit là dessus, il est inutile de l'essayer ; pour eux, la galle est
un fruit de l'arbre; j'ai tenté de leur faire comprendre que
faute de fleurs préalables on ne pouvait l'attribuer qu'à la
piqûre d'un insecte ; ils ont pris aloi-s l'attitude de gens qui
entendent dire des absurdités par un homme que jusque là ils
avaient jugé sensé.
En ovt^e de la galle, il est une autre partie du tlaïa qu'il
sera bon d'examiner de près ; je veux parler de certaines
endures ovoïdes qu'on trouve fréquemment sur le corps môme
(I) M. DecaMx, membre du la Société entomolof/ique de Fran<e a
Iroiivc que cet insecte es' T)n pripilloii côpusciilaire, amblipalins oli-
cierella. — (X. I). 1-. il)
LK TLAÏA
183
des petites branches et qui sont dues aussi à la piqûre d'un
insecte.
J'en ai ouvert déjà un grand nombre et j'avoue cependant
n'y avoir trouvé aucune larve. Le tamarix ordinaire en porte
de semblables. Je dois dire toutefois que j'ai recueilli des galles
sur des tlaïas ne présentant pas cette particularité.
En terminant ce modeste travail, qu'il me soit permis
d'émettre une idée : de Zaouïa-Tahtania à Jgli, c'est-à-dire sur
un parcours de 50 kilomètres environ de la Zousfana, le tlaïa
est en quantité considérable et il serait làcile de l'y étendre
encore. A une époque relativement prochaine, le rail sillonnera
toute cette région et en rendra l'exploitation facile. Quelques
capitaux, jetés dans une semblable entreprise, ne feraient peut
être pas regretter aux actionnaires qui la tenteraient d'avoir
placé là leur argent. Si je me trompe, ce sera d'ailleurs facile
à vérifier par ceux qui voudraient se renseigner sur place,
quand la sécurité sera suffisamment assurée dans la contrée.
Il y aura cependant une difficulté à résoudre, celle de la
main d'œuvre du ramassage des galles ; ce parcours est
entièrement désert et, en décembre, les khammès d'Igli et
des Béni Goumi, seuls habitants les plus proches, sont préci-
sément occupés aux travaux de leurs jardins.
Je ne livre donc l'idée que pour ce qu'elle peut valoir.
184 LE TLAÏA
Il y aura lieu, en outre, de vérifier si le tlaia de la Zousfana
donne une production aussi abondante que celui du Tafilalet,
fait que les circonstances ne m'ont pas permis encore d'exa-
miner.
ISrOTE ^A^DIDITIOnSTlSTELLE
Cette notice a été écrite en mars dernier. Depuis cette
époque, j'ai continué à observer le régime du tlaïa : j'ai trouvé
seulement quelques galles fraîches en aviil, mais en nombre
insignifiant.
Dans les galles de l'an dernier, j'ai constaté la présence du
même ver, donnant le même papillon grisâtre. L'arbre soulTre
d'ailleurs pendant la période estivale, où la température à
l'ombre monte jusqu'à 50 degrés ; les aiguilles prennent une
teinte gris-verdàtre qui tranche singulièrement avec celle bien
verte des jeunes pousses que l'on voit sortir des troncs et
grandir malgré la sécheresse ; en août, il fleurit. A l'époque
actuelle (août), je n'ai encore rien remarqué de nouveau,
quant à la production des galles. Un fait est cependant à
signaler : c'est la complaisance inouïe du tlaia, à repousser
malgré toutes les mutilations qu'on peut faire subir à ses
branches, à la condition toutefois de ne pas ouvrir le tertre
qui abrite ses souches racinées.
Cette qualité est d'ailleurs commune à la plupart des plantes
ligneuses et sauvages de la région qui, sans cesse rongées par
des troupeaux, repoussent sans se lasser.
Capitaine DUVAUX.
du 2° Régiment de Tirailleurs algériens.
NOUVELLE GÉOGRAPHIQUE
EXPLORATION DES BRABER
Après ses deux heureuses traversées du Rif, M. de Segonzac
a osé pénétrer dans les régions les moins accessibles du
Maroc, celles où, en maîtres indépendants et incontestés,
régnent les Braber, dont les tribus orientales confinent à nos
territoires du Sud oranais. Et le vaillant explorateur français
nous revient, cette fois-ci encore, avec une ample moisson
scientifique et des documents de la plus haute valeur. Très
décidé, ayant fait le sacrifice de sa vie avec une modestie aussi
grande que sa détermination, il est resté dans ce pays
sauvage et inconnu près de six mois, c'est-à-dire la moitié
d'une année pendant laquelle il a été constamment en butte
aux fatigues les plus excessives, aux privations et aux dangers
que le Blad-es-Siba réserve à ceux des nôtres qui, téméraires
apôtres de la science, veulent tenter de lui arracher ses secrets.
Depuis le mois d'avril dernier, M. de Segonzac, plongé
dans le mystérieux Empire, n'avait plus donné de ses nou-
velles, et voici qu'aujourd'hui, 7 septembre, je reçois de lui la
lettre suivante qui dissipe les craintes que j'avais sur son sort
et nous fournit en même temps de précieuses indications
sur l'itinéraire parcouru par ce courageux français qui peut
être classé, dès maintenant, parmi les plus intrépides et les
plus utiles explorateurs dont notre pays peut s'enorgueillir.
Lettre de M. de Segonzac :
Aïn-Tebouda, 27 août 1901.
Cher Monsieur,
Me voici de retour â Fez. Je rentrerai demain malin dans
la ville de Moulaye Idris. J'ai tenu à vous donner de suite de mes
nouvelles. Les détails de mon voyage feront l'objet de conversa-
tions à venir, car j'ai toujours l'intention d'aller à Oran en
rentrant.
186 NOUVELLE GÉOC.r.APIIIQL'E
Je n'ai pas vu lous les Brabet' ; il raiulrnit une année entière
pour ce'a. Jai vu tout le pays compi'is enlri': ■ la roule Meknés-
Oujda, au Nord ; la Melouya, de celle roule au Djebel-Aïaclii,
Est et Sud ; la ligne Djebel Aïaclii-Mekncs. Les tribus que j'ai
visitées sont : Béni Mtir, Béni Mgild, Ait Aïach, Ait Izdeg, Ait
Ouafella, Ait Hadiddou, Ait Cherroucben, Ouled El-Hadj, Béni
Ouaraïu, Riata, Hiaïna, Béni Sadden, Béni lazra.
Celles dont j'ai seulement pu voir, photographier et lopogra-
phier les territoires sont: Zaïan, Aït loussi, Ait Melrad, Marniou-
cha, Béni Alaam, Béni Tslini, Ilaouara.
Il esl temps que je rentre, je commence à avoir le fâcheux
accès de fièvre quotidien.
Je rapporte environ 500 photographies ; ce sont des pellicules,
et elles ont subi de gross"S températures !
J'ai aussi un herbier, l?5 échantillons gtjologiques, des insectes
et une trentaine d'observalions astronomiques. Je vous quitte en
hâte pour terminer une dernière observation.
A bientôt, etc.
Votre bien dévoué,
SEGONZAC.
A leur retour du Hif, deux témoins oculaii'es, deux mai'O-
cains, que j'avais désignés à M. de Segonzac et qui l'ont
accompagné de Fez à Mliliya et de ce point à El-Ksar el Kcbir,
traversant donc deux fois le Rif avec lui, m'ont déclaré que
comme vigueur physique, sobriété, endurance, courage et
patience, notre compatriote ne le cédait point aux Marocains
eux-mêmes. Ces deux indigènes sont à Oran, l'un, débardeur
à la marine, l'autre devenu possesseur d'un petit magasin de
charbon à la suite des économies réalisées au' service de
M. de Segonzac. L'un et l'autre pourraient au besoin convain-
cre ceux qui, de parti pris, sont toujours disposés à nier
l'évidence même.
•■- A. MOULIÉRAS.
P. S. — Le 14 septembre, M. de Segonzac, venant de
Tanger, a lait une courte escale à Oian, d'où il est reparti
pour France quelques heures après.
ISSi! m U fABIE imîflMIW
IDE L'OÎ=lA]SriE
AVEC DES TABLEAUX ANALYTIQUES ET DES NOTIONS
POUR LA DÉTERMINATION DE TOUS LES REPTILES & BATRACIENS
du Maroc, de ÏAlgérie et de la Tunisie
(SUITE ET FIN)
L'ordre des iirodèles est représenté en Berbérie par une
seule famille :
21°^^ Famille.
SALAMÂNDRIDES
Caractères de la famille. — Pas de trou branchial sur
les côtés du cou à Vétat adulte. Paupières horizontales. Quatre
membres disposés pour la marche.
Les espèces barbaresques peuvent être réparties dans
deux genres dont \oici le tableau :
Salamandrides. — TABLEAU DES GENRES
1° Adultes.
Des parotides très développées. Colo-
ration à fond d'un beau noir avec
quelques grandes taches d'un
jaune orangé, assez souvent
mêlées d'autres taches d'un rouge
de sang.
Genre Salamandra.
Pas de parotides. Coloration à fond
roussàljre bariolé de diverses cou-
leurs.
Genre Molge.
2° Larves.
Branchies courtes atteignant au plus
le milieu du bras rabattu le long
l du corps.
I Genre Salamandra.
I Branchies très longues dépassant le
1 bras.
\ Genre Molge.
22
188 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'ORANIE
Genre SALAMANDRA
Caractères du gknri:. — Des lunicurs glanduleuses réunies
en forme de jjarolides. Langue discoïde, fixe en avant, libre
sur son pourtour. Dents palatines sur deux rangées sinueuses,
symctriijucs. Corps lacertiforme ; (jueue longue. Quatre doigts,
quatre orteils.
Une seule espèce en Berbérie :
57. Salamandra maculosa Laur.
Variole ALGIRA de Bedriaga (PI. XXVII, fig. 2)
Fig. Blg. Cat. ofBarbarg. (PI. XYIIT, fig. 3)
La salamandre terrestre.
Salamandra maculosa Laur., Guich., Straucli, Lallemant.
S. maculosa variété algira de Bedriaga, Blg., Ern. Olivier.
Caractère prixcipal. — Corps grand, noir, à grandes
taches jaunes.
La salamandre terrestre se reconnaît facilement à sa
coloration. La variété algira spéciale à l'Algérie et au Maroc
se distingue du type par ses dimensions plus svcltes, par
ses taches moins nombreuses et plus petites.
. Grâce au dévouement de M. de Lariolle, j'ai eu en mains
sept exemplaires de la forme algérienne. Voici la description
d'un beau mâle vivant :
Corps lacertiforme à membres bien constitués. Tète aplatie,
plus longue que large; plus grande largeur 20 mill. un peu en
avant de l'angle de la bouche ; distance entre les angles de la
bouciie~10 mill. ; flèche 15 mill. ; longueur du pli collaire au
bout du museau 28 mill. La tète se rétrécit sensiblement
jusqu'au pli du cou. Museau et mandibule inférieure à contour
ogival arrondi au bout. Extrémité du museau vu de profil
convexe. Narines sur les côtés du museau, peu visibles, distantes,
entre elle.>, de 8 mill., du bord de la lèvre, de 2 mill., de l'œil,
deC mill. Lèvre supérieure débordant peu l'inférieure. Régions
sus-oculaires assez proéminentes, séparées par la région fron-
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'ORANIE 189
taie bien plus large que l'une d'elles. Arcades sourcilières non
en bourrelet. Distance entre les arcades 17 mill. ; entre les
bords internes des régions sus-oculaires 7,5. Parotides grandes,
oblongues, longues de 14 niiil., larges de 7, séparées de l'œil
par un pli. Arrière -narines circulaires avec un pli oblique,
distantes entre elles do 8 mill. Dents palatines sur deux
rangées très longues. La partie visible forme un grand point
d'exclamation ; les portions parallèles ne se touchent pas ;
au fond de la gorge elles s'écartent de dedans en dehors.
Les extrémités antérieures sont distantes de 1,2 mill. et dépas-
sent la ligne du milieu des arrière-narines de 1,5 mill.
La longueur totale est de 12 mill. ; le plus grand écartement
antérieur, de 1,5 ; celui des branches postérieures, de 4 à 5 mill.
Yeux assez petits ; paupière inférieure épaisse.
Un pli, plus ou moins marqué, se montre de chaque côté
du cou ; il se continue en dessous en ligne droite.
Corps cylindrique, à flancs un peu renflés, assez plat
en dessous.
Membres bien développés. Dessous des cuisses plissé en
réseau. Queue presque aussi longue et même plus longue
que le reste du corps, arrondie en dessus, un peu sillonnée
vers le bout, assez comprimée par les cô'és (1), peu convexe
en dessous. Chez la femelle il y a deux sillons, l'un supérieur,
l'autre inférieur, assez bien marqués.
Flancs parcourus par une dizaine de sillons parallèles, peu
obliques, distants de 4 mill. ; les bandes qu'ils limitent portent
de petites alvéoles pustuleuses, qui, à la partie supérieure,
forment des groupes de 2 ou 3 ayant 1 mill. de diamètre ; ces
bandes correspondent aux côtes et sont saillantes arrondies ;
parfois les alvéoles y sont remplacées par de fortes rugosités
boursouflées. Le milieu du dos est parcouru par deux lignes
rapprochées de tubercules allongés bordant un sillon. (Ce
caractère semble plus apparent chez les femelles.)
Région cloacale relevée en un fort et large mamelon. Dans
mon exemplaire les lèvres sont écartées et forment un cercle
ouvert à la base ; le diamètre transversal est de G mill. ; la lon-
(1) Les auteurs donnent à la falamandre d'Europe comme caractère
générique « queue ronde ».
190 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÊTOLOGIQUE DE L'oRANIE
gueur jusqu'au bout de la fente est de 9 mill. A l'intérieur se
trouve un anneau, fendu en bas. Cet anneau a 5 mill de grand
diamètre et 2 mill, de petit ; il est divisé en de nombreux
petits rectangles d'un demi-millimètre au plus. Cet organe
doit remplir le rôle de ventouse pendant l'accouplement. Si on
tire sur la queue il s'allonge et prend la forme d'un fer à
cheval ; de même, le contour des lèvres.
lo Membres aiitérieurs. — Mains courtes, à peine plus larges
que les bras, concaves en dessous, l*^'" doigt (interne) court
(4 mill. en dehors, 2 en dedans) ; 2^ doigt (7 mill. jusqu'à
l'angle) ; grand doigi 8 mill. ; A'^ doigt (4 mill. intérieurement).
Doigts aplatis en dessous, larges de 1,5 à 2 mill. en moyenne
au milieu. E.xtrémité tuberculeuse. Une légère tubérosité à la
base des l^r et 4« doigts.
2° Membres postérieurs. — Pieds bien plus larges que les
mains et que les jambes, plats et plissés en dessous, un peu
concaves même, l^"" orteil très court (3 mill. en dehors et 2 en
dedans) ; 2^ orteil (1 et 5 mill.) ; 3^ orteil (9 mill.); le 4e le
plus long (9,5 mill.) Orteils moins aplatis en dessous que
les doigts, à bords à peu près parallèles ; extrémités presque
en boule. (Chez une femelle d'Autriche les orteils sont sensi-
blement atténués ; le le"" est conique.)
Coloration. — Mâle vivant (colonne n" 1). — Fond d'un
noir foncé un peu mat. Corps présentant en dessus plusieurs
taches jaunes et rouges sans symétrie dont voici la distribution :
Régions sus-oculaires jaunes en dessus et d'un rouge sang
en avant et en arrière. Arcades sourcilières d'un noir ro:igeâtre.
Parotides jaunes en dessus et aussi en dessous postérieurement,
entourées de noir en avant ; extérieurement elles sont bordées,
depuis l'oêil jusque sur le cou, d'une longue et large tache
rouge. Seules les taches des régions sus-oculaires et celles des
parotides présentent quelque symétrie.
Sur le cou se trouve une grande tache transver; aie échan-
crée en avant, à laquelle font suite, sur le dos, quatre taches
irrégulières (de 7 mill. sur 3 en moyenne). Ces taches alternent
entre elles et touchent la double ligne dorsale de tubercules ;
elles sont à peu près à égale distance l'une de l'autre. Près de
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE 191
l'aisselle, sur le bras, il y a une petite tache jaune bordée de
rouge ; une ou deux très petites, jaunes et rouges, se voient
sur l'avant-bras, et une seule, sur les mains et les pieds.
Le fond noir des flancs est parsemé de quelques points rouges.
Membres postérieurs tachés comme les antérieurs. En
arrière delà ligne des cuisses, en dessus, commence une tache
jaune, longue et étroite qui s'étend en arrière ; elle a 10 mill.
sur 2 à 3. Sur la queue on voit cinq séries de taches doubles,
rondes, qui se rapprochent l'une de Fautive sur la ligne
médiane supérieure ; elles sont jaunes et visiblement bien
bordées de rouge, surtout celles placées vers le bout de la
queue. Mamelon du cloaque taché de jaune de chaque côté.
Dessous du corps d'un violet noirâtre. Pourtour inférieur de
la bouche bordé de taches rouges qui s'étendent sur la gorge.
Autre mâle en alcool (colonne n» 3). — La tache jaune du
cou existe, elle est ronde ; celle de chaque membre existe aussi ;
celle de la croupe est transversale. Les taches du dos sont au
nombre de sept et disposées sans aucune symétrie, la première,
en avant, est branchueettrès longue. Cet échantillon présente
en outre des bandes roussàtres de chaque coté du cou et sur
chaque bande costale.
Femelle vivante (colonne n" 2). — Jeune. — Coloration plus
vive. Sept lâches jaunes sur le dos, trois à droite, quatre
à gauche- Taches isolées du cou et de la croupe présentes, ce
qui porte à neuf le nombre de taches. Ces taches mesurent en
moyenne 3,5 mill. sur 2 et 3. La plus longue a 9 mill. sur 2.
Taches de la queue éparses.
Femelle pleine en alcool (colonne no 6). — Tiers et même
moitié des parotides de couleur noire du côté externe. Deux
taches jaunes sur le cou, distantes ; deux taches en arrière ;
une autre, très longue, oblique, irrégulière au-dessous du
milieu du dos, coupe la ligne dorsale ; enfin une dernière tache
existe sur la croupe. Sur la queue les taches sont éparses.
En résumé, le nombre de taches dorsales parait moindre
chez la femelle que chez le mâle. Ses parotides sont aussi
moins jaunes. Ces caractères ont peu de valeur. Peut-être les
taches rouges à l'état vivant présentent-elles quelque intérêt.
192 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE
Sexes. — Mâle. — Région cloacale formant un fort mamelon.
Lèvre s'écartant naturellement en cercle et laissant voir
la couronne de l'organe copulateur.
Femelle. — Fenle cloacale longitudinale, simple et fermée.
Taille et dlmensions :
Lougiieur lolalc . .
Épaisseur du corps.
Longueur du mi.seau à resirémilé anlérieurc
de l'ouverlurc du cloaque
Longueur de la queue
— du museau au pli collaire
Largeur maxima de la lèle
Ilauleur au niveau des parolidcs
Longueur du membre antérieur depuis l'épaule
— du bras (coude plié)
— de l'avanl-bras (poignel el coude piit's)
— de la main
— du l'^'" doigl, 1 phalange. . . .
— du 2'" doigt, 2 phalanges (1).
— du ."{'■ doigl, ;î — . . .
— du V" doigt, 2 —
Distance entre l'aisselle et, la ceinture..
Longueur du membre postérieur
— de la cuisse
— de la jambe
— du Tarse et du pied
— du I''"" orteil
— du 2*= orteil, 2 phalanges. . . .
— du 3'' orteil, 3 — . . . .
— du i" orteil, 3 — . . . .
— du 5>-" orteil, 2 — . . . .
mâle
2
(em.
3
mâle
205
18
107
98
Î9
20
8
36
14
13
14
2
5
7,5
4,5
56
40
13
12
18
2
5,5
8,5
9
120
11
68
52
17
13,5
8
22
8
7
8,5
1
3
4
2,3
35
23
7
7
10
1,2
3,2
5
5
220
23
109
111
28
20
9
40
IG
12
17
2
6
8,5
5
50
43
14
14
18
2
0,2
9,F,
10
fem.
208
24
110
9S
30
21
10
36
14
12
14
2
5
7
4,5
57
35
11
11
18
2
5,5
8,5
9
4,5
lem.
6
lem.
192
24
103
89
26
19
8
31
13,5
11
12
2
5
6,5
4
57
35
11
11
18
2
4
4.2
226
28
115
111
31
21
9
38
16
12
o
5,5
7,5
5
62
40
12
12
19
2
6
9,5
9,5
5
7
mule
152
19
82
70
22
15
7
25
11
9
10
1,5
3,5
5
4
42
(!) Entre doux doigLs il y a, en outre, iia aiig'c membraneux
MioUis un millimètre de profondeur.
li
2
3,5
6
6
3
d'au
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE 193
Distribution géographique. — (M., Ai : T.) — La sala-
mandre n'a été signalée que dans les environs d'Oran par
Guichenot. Depuis, elle n'y a plus été retrouvée. Je l'ai
cherchée vainement. Je désespérais de la connaître lorsque
le 21 novemhre 1897 M. de Lariolle m'apporta deux individus
vivants qu'il avait recueillis aux mines de Rar-el-Maden près
de Montagnac. Au mois de mai 1898 il m"en apporta cinq
autres en alcool. Je ne saurais trop remercier ce chercheur
infatigable auquel la science oranaise doit plus d'une
découverte. En simple amoureux de la Nature, M. de Lariolle
emploie ses loisirs à recueillir des matériaux qu'il distribue
généreusement aux naturalistes oranais.
Éthologie. — Je ne sais que peu de chose sur la salamandre
algérienne. Les échantillons vivants que j'ai reçus de Rar-el-
Maden, le 21 novembre 1897, avaient été trouvés en déracinant
des arbres. Les autres ont été pris au printemps suivant dans
les puits de la localité. Le plus curieux c'est que le point où
sont établies les habitations du personnel de la mine est
dépourvu de sources et de rivière. Les puits y font plutôt
l'office de citernes. La région est donc sèche et les salamandres
n'ont de l'eau que lorsqu'il pleut. En revanche l'altitude est
élevée et le terrain boisé.
La salamandre est nocturne. Voilà pourquoi elle échappe
aux recherches. La meilleure époque pour la trouver
est celle de la ponte. C'est donc de mars à mai qu'il faudra
surveiller les puits, les mares, les flaques d'eau, etc., princi
paiement dans les régions montagneuses du Tell. On pourra
y trouver au moins les larves si on n'y rencontre pas les
parents. En été la salamandre se terre et recherche l'humidité
qui lui est nécessaire en s'enfonçant entre les racines des
arbres, soit le longdes cours d'eau, soit dans les forêts humides.
La salamandre est vivipare. Elle met au monde des petits
vivants. Je n'ai pu observer sa ponte en Algérie mais j'ai reçu
une femelle (no 6; qui a été pi'obablement mise en alcool au
moment do la parturition dans le courant de mai. Il ne restait
que 16 larves entièrement développées ; une était même
engagée fort avant dans l'utérus. L'expulsion semble donc
194 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE
avoir été interrompue (En Europe la salamandre pond au moins
40 larves.) Chaque larve était pliée en trois ; le premier
pli se trouvait à la ceinture ; le 2*^ vers le milieu de la queue.
Le corps était logé dans une enveloppe grise, transparente
et peu résistante. Voici la description de la plus grande :
Tète oblongue, très obtuse, presque tronquée, plane en
dessus, lisse, portant de grands yeux situés sur les côtés ; ces
yeux sont oblongs (1,5 de long sur 1,2 de hauteur). Au centre
ils présentent un point blanc ; tout le reste est noir. Les
bords internes des paupières sont distants entre eux de 2"7'"5
et l'angle antérieur est à 2,3 du bout du museau. Branchies
molles atteignant le milieu du bras rabattu le long du corps.
Membres bien développés ; 2^= et 3^ doigts bien visibles
mesurant 1,3 et 1,5 ; orteils aussi bien distincts, le 3'' et le 4«
longs de i'^/'^ô. Queue haute (2 mill. au milieu), aiguë, bordée
par une large membrane (1 mill.) qui part de l'anus, contourne
le bout de la queue, parcourt tout le dessus et va se terminer
en filet sur les reins.
La main étant ramenée en avant le grand doigt atteint la
moitié de la distance de l'œil au bout du museau.
Corps roussâtre, maculé de noirâtre. La taille (39 mill.) est à
peu près celle des larves d'Europe (40 mill.). Avec les larves
j'ai trouvé dans le ventre deux chapelets d'œufs. Chacun d'eux
était composé de 10-11 œufs globuleux de 2 millimètres de
diamètre, d'une dizaine de 1 mill. et d'un grand nombre de
très petits ovules réduits à des points.
Dimensions :
Longueur totale 39'"/'"
Museau à anus 23
Queue 16
Largeur du ventre 3
Hauteur du corps 4,5
Distance du museau à la ligne des épaules. . 8
Plus grande largeur de la tète 0
Distance ciilrc la lipe des épaules el la ccinlurc 12
Membre antérieur 7
— postérieur 7
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'oRANIE 195
Une autre femelle (11° 4) avait 17 œufs de 5'"/"^^ ; une autre
(n" 5) en avait 23de 4 mill. et un très petit nombre de l^V^^^.
La parturition devait avoir eu lieu. Y aurait-il deux portées
dans l'année ? (l).
La salanimdi'e est très utile car elle consomme des insectes
et des escargots. J'ai retiré de l'estomac de la femelle décrite :
trois larves de coléoptères, un staphylin, un jeune bulimus
decollatus de 12 mill. et deux jeunes hélix de 10 mill.
avec leur coquille, un cloporte, une pierre de 6 à 7 mill. cubes.
Une autre avait un petit coléoptère et une petite scolopendre.
On voit par cette observation que la nourriture de la salaman-
dre est variée. Cet animal est donc à protéger.
Venin. — Les parotides et les pores de la salamandre sécrè-
tent un liquide visqueux qui est un poison assez violent.
Il peut tuer très vite de petits animaux, souris, oiseaux,
lézards, grenouilles, etc., si on le place sur leur langue.
D'après M. Phisalix, une injection sous cutanée produit
des effets encore plus rapides. Sur un chien le poison agit
aussi très activement. La salamandre elle-même n'est pas
réfractaire à son propre venin. Le poison frais dialyse assez
rapidement ; les larves peuvent l'absorber par les branchies.
Le venin de l'animal vivant ne peut se difTuser dans Feau ; mais
(1) J'ai eu l'occasion d'observer chez moi la partnrilion d'une sala-
mandre provenant de Vienne (Autriche). Comme cet acte a été rarement
observé en Europe je crois bon de pubUer les quelques notes que j'ai
prises. Elles ne seront pas inutiles si on arrive un jour à faire des
obseiv.ations sur la variété algira.
Le 27 juin je recevais de M. de Bedriaga un^î belle salamandre. Je la
plaçai dans un grand bocal plein d'eau. Quel ne fut pas mon étonnement
lorsque le lendemain matin, à 9 heures, je la vis expulser une larve
mort-née. A II heures 8 larvps étaient expulsées; plusieurs étaient
mortes. A midi j'en comptai 38 dont 6 mortes. A 1 heure 48 avaient
été expulsées. Les nouveau-nées sortaient la queue la première. Beaucoup
na'-?eaient immédiatement ; les autres pour se débarrasser de leur
enveloppe gé atineuse mettaient 2-3-4 minutes avant de pouvoir nager.
Les larves q'd étaient trop fortement enveloppées risquaient fort de
mourir sans pouvoir se dégager. Deux' et trois larvrs sortaient sans
interrupnon. Les morts-nées sortaient pliées en deux ; elles étaient donc
mortes par S'iite de l'expulsion défectueuse.
La parturition avait duré (juatre heures. Les larves mesuraient lô mill.
de longueur. Le 29 elles atteignaient 27 mill. Malheureusement je ne
pus continuer mes observations, un accident ayant causé la mort de
toute la famille.
196 ESSAI SUR LA FaUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE
après la mort, il passe dans Fcau qui devient toxique (1).
Aussi cAt-'û prudent de ne pas laisser des salamandres mortes
dans Icî- puits.
Lorsqu'on manie une salamandre vivante il est prudent de
la tenir loin des yeux car, en se débattant, elle lance l'humeur
venimeuse à distance.
Inconibustibililé. — On a cru pendant longtemps que les
salamandres étaient incombustibles. Ce qui a donné naissance
à ce préjugé c'est que, jetées dans un brasier, les salamandres
résistent pendant un certain temps à l'atteinte de la flamme et
cherchent à en sortir. Ce phénomène s'explique facilement.
On sait que si l'on frotte la main avec un corps gras, de l'huile
principalement, on peut l'exposer pendant quelques instants
sur un foyer ; la chaleur n'atteint la main que loi'sque l'huile
s'est échauffée. C'est le même effet qui se produit chez la
salamandre. Le liquide visqueux que secrète sa peau la
garantit momentanément et peut lui permettre de se sauver si
le foyer n'est pas intense ; unis aussitôt que le liquide est
chaud et évaporé la salamandre est grillée comme le serait
toute matière animale placée dans les mêmes conditions.
Genre MOLGE
CARACTf:RES DU GENRE. — Qiieuo Comprimée snrloiit vers
Vextrémité. Dos parcouru par une croie saillante plus ou
moins développée rnais toujours représentée au moins par une
ligne saillante. (C'est le cas de nos espèces.) Dents palatines en
deux séries parallèles ou obliques. Chaque série est d-oiie sur
presque fjiute sa long unir ^ elle ne se recourbe que vers V extrémité
antérieure pour rejoindre sa voisine ou s'en rapproclicr. Pas
de parotides définies. Lanrjue plus ou moins libre sur son
pourtour, fixe en avant. Corps grêle, élancé. Coloration ci fond
jamais noir, jamais uni. Animaux amphibies restant longtemps
à Veau à la saison des amours. Ovipares.
([) G. Phisalix. — Sur le venin de la sril.im.nulr.^ terrestre. — Bull.
Ass, fr. pour l'av. des Se. — Congrès de Paris 1889. 1"' vol., p. 311.
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE 197
Les animaux de ce genre sont connus vulgairement sous le
nom de triions.
M. Boulanger a réuni dans le genre Molge toutes les espèces
barbaresques. Il a fondu en un seul les genres Euproctus,
Glossoliga, Triton, Molge des auteurs algériens. A mon avis,
il serait préférable de maintenir deux divisions. Toutefois
je me rallie à la manière de voir M. de Boulenger qui simplifie
la classification des triions. D'ailleurs M. de Bedriaga, dont la
compétence en la matière ne fait de doute pour personne,
n'admet aussi que le genre Molge pour les véritables tritons
d'Europe.
Le genre Molge paraît être représenté en Berbérie par trois
espèces. En voici le tableau :
G. Molge. — TABLEAU DES ESPÈCES
Animal atteignant une grande taille
(0^20), à queue très comprimée
latéralement et très haute. Chez le
mâle une large membrane nata-
toire borde la queue en dessus et
un bourrelet plus ou moins sail-
lant la parcourt en dessous ; chez
la femelle ces expansions existent
mais elles sont moins développées.
Sous la gorge un fort pli de la
peau forme un collier droit. Dents
palatines à branches plus ou moins
rapprochées, s'avançant, chez le
mâle, en avant de la ligne des
arrière-narines.
Animaux plus petits. Pas de plicollaire
parfait; tout au plus un sillon plus
ou moins défini. Dents palatines
ne dépassant pas nettement les
arrière-narines.
M. A\ altlii.
198 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'ORANIE
2.
Dents palatines formant un A à pointe
obtuse, à branches bien rappro-
chées, s'écartant un peu en dehors
postérieurement. Généralement
un sillon plus ou moins apparent,
non recouvert par un pli de la
peau, remplace le collier. Mandi-
bule à contour semi elliptique en
avant.
M. Hagenmullerii.
Dents palatines formant un n à branches
distantes, parallèles, ne se tou-
chant pas en avant, droites à leur
extrémité postérieure. Pas de
sillon collaire en dessous du cou.
Mandibule inférieure à contour
semi circulaire en avant.
M. Poireli.
Observations. — Cette classification, aujourd'hui admise,
pourrait bien être modifiée le jour où l'on aura des matériaux
suffisants. Si .1/. Walllii est indiscutable, les deux autres
espèces en compi'ennent trois: Euproclus Rusconi Guicti. non
Gêné, Triton nebulosus Guich.,et Glossoliga Hagenmiïlleri Lat.
Le caractère distinctif principal sur lequel est basée la séparation
est la disposition des dents palatines. Or ce caractère est loin
d'offrir une grande rigueur scientifique. La disposition dts
palatines varie avec les sexes. La forme de la queue diffère
aussi chez les mâles et les femelles, surtout pendant la période
des amours.
Tout ceci, non pas pour discuter la classification adoptée,
mais pour mettre en garde ceux qui auraient la chance de
découvrir des tritons en Oranie. Ils ne devront pas les
déterminer précipitamment; ils n'oublieront pas que Guichenot
a signalé dans le département d'Oran Euproctus Rusconi et
qu'il l'a distingué de son Triton nebulosus d'Alger.
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÈTOLOGIQUE DE L*OR.\NIE 199
58 . Molge Poireii Gervais (PI . XXVI, fig. 3, a, h, c, d, e)
Fig. Guichenot. Expl. scient, de l'Algérie. PI. 4, fig. 1 et 2
Le triton de Poiret.
Lacerta palustris Poiret.
Euproctus Rusconi Giiich. non Gêné (Expl. scient, de
l'Algérie. PI. 4, fig. 2.) Straiich., LaUemant.
Triton nebulosus Guich. (loc. cit.) PI. 4, fig. 1.
Triton Poireti Gervais.
Euproctus Poireti Gerv., Slrauch., LaUemant.
Molge Poireti Gev., Dlg., Ern. Olivier.
Tous les auteurs depuis Gervais ont réuni en une seule
espèce les Euproctus Rusconi et Triton nebulosus de Guichenot.
Le dernier n'est connu que par l'individu décrit et figuré dans
V Exploration scientifique.
Voici la description d'une femelle de Molge Poireti en alcool
qui provient d'Alger :
Tête plus longue que large ; distance entre les tempes, près
des plis des côtés du cou, 12 mill, ; distance de la ligne des
plis du cou au bout du museau 15 millimètres ; largeur
sur la ligne postérieure des yeux vue en dessus, 12 mill. ;
largeur entre les angles de la bouche 11 mill. ; flèche jusqu'au
bout du museau, 8,5. Museau, en avant des yeux, à contour
appartenant à un trapèze. La face a 4,5 de largeur et porte
de chaque côté les narines. Des yeux au cou les côtés de la
tète sont à peu près parallèles. Le dessus de la tête est plan,
lisse avec une petite dépression longitudinale sur le milieu du
museau. En arrière des yeux et de la région frontale la peau
est granuleuse. Sur chaque côté postérieur, à la place des
parotides, il y a un renflement allongé qui, en arrière, forme
le pli du cou ; ce pli se voit encore en dessous sur une longueur
de l'n/'nô. Les deux plis ne se rejoignent pas et sont distants
de 6 mill. En arrière des plis, sur les épaules, se trouve de
chaque côté un court renflement. Yeux peu visibles en dessus,
placés sur les côtés de la tête, obliques d'arrière en avant ;
200 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'oRANIE
régions sus-oculaires étroites, non saillantes, granuleuses,
bordées de blanchâtre ainsi que la paupière inférieure ;
les arcades sourcilières sont distantes de 8'"/'"5 ; l'œil est
oblong; son orbite mesure 3 mill. de long sur 2 de hauteur ;
sa distance à la narine est de 3 mill. ; celle de la base à la
lèvre de l™/'n2.
Mandibule inférieure ogivale sur les côtés, très arrondie en
avant ; la lèvre supérieure la déborde entièrement en avant et
légèrement près des angles de la bouche ; relevée, la mandibule
présente les dimensions suivantes : largeur 11 mill . , flèche 8 mill .
Dents palatines sur deux rangées presque parallèles mais se
rapprochant visiblement d'arrière en avant ; extrémités
postérieures droites et distantes de 2 mill. ; largeur de chaque
série -i^/'^o ; dislance entre les courbes antérieures 1,5 ;
entre les pointes 0'"/'"7 ; pointe dépassant la ligne des arrière-
narines d'un demi-millimètre. Langue petite, presque ovale ;
largeur dans le -3- postérieur 4 mill., base 2,5, longueur 4;
distante de 1,3 du bord de la mandibule. Ouvertures des
arrière-narines petites, distantes entre elles de 4,5 et de la
ligne du museau de 4 mill., placées presque contre les
maxillaires verticaux.
Corps arrondi, allant en s'épaississant depuis le cou jusqu'au
tiers postérieur du tronc, pour s'abaisser rapidement sur la
queue. Le milieu du dos est parcouru par une ligne de
tubercules lisses, allongés, peu saillants, séparés par un sillon
linéaire peu marqué qui les coupe en deux ; la dislance entre
les tubercules égale au plus la moitié de leur longueur. Ventre
aplati, un peu plus bas que le plan de la gorge. Côtés du dos et
flancs chagrinés. Ventre à grains plus fins mais visibles.
Extrémité antérieure de la fente cloacale à 1 millimètre en
arrière de la ligne des aines. Fente 3'^l"^5. Largeur de la base
de la queue en travers du n)ilieu de la fente 5,5 ; hauteur 4,5.
Queue plus longue que le corps, d'abord presque arrondie,
puis s'aplatissant de plus en plus sur les côtés dans les deux
tiers postérieurs; l'extrémité est très aplatie; les côtés restent
convexes. En dessus il n'y a aucune trace de membrane ;
seule une ligne claire en marque la racine. Le dessous est
parcouru par un imperceptible sillon. Côtés chagrinés.
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'orANIE 201
Membres assez bien conformés. Bras moins forts que les
jambes.
Mains. — Mains étroiles. Qua'.re doigts à bords parallèles,
1res aplatis, larges de 3/4 de millimètre.
Pieds — Pieds moitié plus larges que les mains. Cinq orteils
à peine plus grands que les doigts.
Taille et dlmensions : temeiie
Longueur totale 124 "V™
Épaisseur du corps 13
Longueur du museau à l'exlrcmilé antérieure du doaque. . . 58
— de la queue 66
— du museau à la ligne collaire 15
Largeur maxima de la tête '. 12
Hauteur au niveau des parotides 5
Lougu.'ur du membre autérieur depuis l'épaule 17
— du bras (coude plié) 7
— de l'avant-bras (plié) 4,5
— de la main (pliée) 6
— du l*^'' doigt (2 phalanges) 1,8
— du 2'^ doigt (2 — ) 2
— du 3'-' doigt (3 — ) 3
— du 4« doigt (2 — ) 1,7
Distance entre l'aine et la ceinture 34
Longueur du membre postérieur 19
— de la cuisse 6
— de la jambe 4,5
— du tarse et du pied 10,5
— du l*^"" orteil (2 phalanges) ... 1,5
— du 2-^ orteil (2 — ) . . . 2,5
— du 3« orteil (3 — ) . . . 4,5
— du 4e orteil (3 — ) . . 4
du 5« orteil (2 — ) ... 1,8
Coloration. — En alcool, d'un gris noirâtre mêlé de
roiissàtre, pommelé de taches éparses plus foncées. Ventre
couleur de vieux parchemin. Quelques taches sur les côtés.
Mandibule inférieure bordée d'une ligne de larges points.
202 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE
Voici la coloration qu'indique Guiclicnot pour les individus
de la même localité, Alger :
« Triton nehulosus. — Dessus du corps, de la queue et des
membres d'un vert bouteille, semé de tacbes brunes, foncées
et irrégulières qui se confondent en nuages ; des points jaunes
très petits se montrent en dilïérents endroits de la tête, du dos
et de la queue. On voit une teinte jaunâtre sur les flancs.
Les carènes de la queue, le dessous des membres et même les
doigts sont colorés en minium pâle. Cette couleur, qui parait
dominer sur le ventre et la gorge, est relevée de taches brunes
et rondes qui demeurent toujours isolées. »
Sexes. — Le mâle se distingue par les protubérances
saillantes qui bordent la fente cloacale.
Au moment des amours il doit présenter sous les bras
des brosses copulatrices.
DlSTRIBUT[ON GÉOGRAPinQUE. — (AL, T : T., H. -PI. 9) —
Dans la province d'Oran l'écliantillon d'Euproctus Rusconi cité
par Guichenot provient « d'Oran, intérieur des terres. »
Cette espèce n'a plus été retrouvée. Le Molge Poircti n'est
bien connu que d'Alger.
Observations. — Quoique, jusqu'à plus ample démonstration,
j'admette la réunion des deux espèces de Guichenot, je crois
qu'il n'est pas inutile de faire ressortir les différences que
montrent les figures. (On ne peut malheureusement se servir
des textes car, pour Eupr. Rusconi, Guichenot a eu le tort de
copier la description de Gêné qui se rapporte à une autre espèce )
Si on examine les deux figures de l'Atlas de l'Exploration
scientifuiue on s'aperçoit facilement des différences suivantes :
La fig. 1 c du Trilon nehulosus présente un pli bien marqué
sur tout le dessous du cou ; les dents palatines forment un
triangle à sommet arrondi au-dessous de la ligne des arrière-
narines. La langue est rectangulaire à angles arrondis ; elle
touche la base des palatines probablement à l'état frais, lorsque
la mandibule est rabattue.
Taille sur la figure : 0.090 -f 0,115 rr 0™ 205.
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'oRANIE 203
Tous ces caractères sont bien voisins de ceux correspondants
du Molge Hagenmïdleri. Mais la disposition des palatines, le
pli collaire complet et surtout la taille semblent autoriser la
séparation.
La figure 2 qui représente Euproctus Rusconi ne porte
aucune trace de collier sur le milieu du cou ; sur les côtés
seulement le pli est assez bien marqué. Les dents palatines
sont obliques et se recourbent au sommet sans se rejoindre ;
les extrémités paraissent atteindre la ligne des arrière-narines.
(La figure est un peu confuse). La langue est en as de trèfle ;
elle est bien distante de la base des palatines lorsque la
mandibule est abaissée (probablement en alcool). La queue est
plus longue que chez le Tr. jichulosus. Elle porte un bourrelet
membraneux, peu développé. Ce caractère a peu de valeur.
Taille sur la figure : 0,090 + 0,095 = 0"i 185.
11 est évident que les caractères du collier et des dents
palatines ont les plus grands rapports avec ceux correspondants
de la femelle de M. Poiretl dont j'ai donné la description.
Tout ceci démontre qu'il n'est pas facile de séparer sur des
bases solides les Triton nebulosus Guich., Eapr, Rusconi Guich.
et Triton Poircti Gervais. Les liens de parenté du Tr. nebulosus
avec Molge HagenmïiUerii semblent d'ailleurs démontrer que
la distinction spécifique est loin d'être faite. Je donnerai à ce
sujet une preuve de plus. M. Boulenger ne cite en Tunisie
que M. Poiretl. Or je possède de ce pays un triton que j'ai
toutes les peines du monde à classer ; c'est probablement un
M. Hagenmûllerii. Pour faciliter les recherches, je le décrirai
plus loin avec un autre de Bône.
Molge Hagenmûllerii Lataste (PI. XXVI, fîg. 4, a)
Fig. BIg., Cat. of. Barh. (PI. XVIII, fig. 4)
Le triton (rHageuiiiiiller.
Glossoliga Ilagcnniullei'ii Lataste in Naturaliste Vi%\, p. 371.
Molge Hagenmûllerii Lat., BIg., Ern. Olioier.
Cette espèce de la province de Constantine n'a pas été signalée
en Oranie. Latastd qui l'a décrite a trouvé chez certains
individus un lien de parenté avec le triton de Poiret. Néanmoins,
23
204 ESSAI SUR LA FAUXË ERPÊTOLOGIQUE DE L'ORANIE
M. ITagcnmiïllerii présente des caractères d'ensemble qui le
distinguent suffisamment.
Voici la desiMMplion d'une femelle de Bône, de taille moyenne,
que je dois à l'obligeance de M. Boulcnger :
T("'te plus longue que large ; distance de la ligne des plis du
cou au bout du museau 11 mill. ; plus grande largeur sur la ligne
postérieure des yeux 8,5 ; largeur entre les angles de la bouche 8 ;
tîèebe jusqu'au bout du museau Ci,h ; largeur près des plis des côtés
du cou 7,5. Museau, en avant des yeux, à contour formant un trapèze
curviligne ; distance entre les narines 3 mill. Les côtés de la tète
depuis les yeux jusqu'au cou sont un peu obliques. Le dessus est
lisse, luisant, jusque sur les régions pariétales ; les tempes sont
chagrinées ; les régions parotidiennes, non marquées, le sont aussi ;
de même la partie supérieure du cou qui les joint. Pli de chaque côté
du cou 1res peu marqué mais s'avançant en un léger sillon presque
sur toute la moitié du dessous du cou. (Ce sillon doit être plus
marqué chez les individus plus jeunes). Renflement en avant des
épaules très peu marqué. Yeux peu visibles en dessus lorsqu'ils
sont fermés, placés sur les côtés de la tète, obliques d'arrière en
avant; régions sus oculaires ti-ès peu saillantes, presque lisses,
blanchâtres sur la moitié interne; paupière inférieure entièrement
de même couleur ; dislance entre les plis internes 3 millimètres ,
les arcades sourcilièressont distantes de 6,5. Œil plus long (3 mill.)
que haut (2 mill.', dans l'orbite ; sa dislance à la narine est de 2,2,
celle ù la base de la lèvre, de 1 mill.
Mandibule inférieure ogivale, arrondie, subobluse à l'exlrémité ;
largeur entre les extrémités des branches, la bouche ouverte,
8 mill., flèche 6 mill. La lèvre supérieure déborde l'inférieure
sur son pourtour, surtout en avant (1 mill.)
Dents palatines sur deux lignes, peu obliques, très rapprochées,
non recourbées près de la pointe, se touchant en avant et se
terminant juste sur la ligne des arrière-narines, longues de 4,5,
distantes de l^/^S à la base, de 1 mill. au milieu ; les branches
s'infléchissent très légèrement vers l'intérieur, dans la région
moyenne, ce qui produit un écartement du 1/3 inférieur des
brandies, mais les extrémités restent droites.
Langue petite, ovale (3 sur 2,5) fixe dans la région moyenne et
en avant, distante du bord de la mandibule de 1 mill. Ouvertures
des arrière-narines distantes entre elles de 3,5, du bord des
mâchoires de 1,5, de la ligne du museau de 3"'/'"5.
Corps peu épais, assez lisse sur la ligne médiane du dos,
granuleux sur les côtés et sur les flancs. Ventre sillonné en réseau.
Queue aussi large que haute vers la base, très aplatie vers le
bout , très finement bordée dans la moitié postérieure.
Membres grêles. Mains et pieds à extrémités fines.
ESSAI SUR LA. FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE 205
Taille et dimensions :
Longueur totale
Épaisseur du corps
Longueur du museau à l'exlrémitc antérieure du cloaque . .
— de la queue
— du museau à la ligne collaire
Largeur de la tête sur la ligne des yeux. . . .
— — en avant des plis du cou.
Hauteur au niveau des parotides
Longueur du membre antérieur
— du bras
— de l'avant-bras
— de la main
— du 1" doigt (2 phalanges)
— du 2« — (2 — )
— du 3= — (3 - )
— du 4'= — (2 — )
Distance entre l'aine et la ceinture
Longueur du membre postérieur
— de la cuisse
— de la jambe
— du tarse et du pied
— du 1" orteil (2 phalanges)
— du 2>= — (2 — )
(lu 3"
du 4=
du 5"
- )
- )
- (2 - )
Femelle
Mâle
B6ne
TunisI
92™/"'
106-/"
6,5
12
42
51
50
55
11
11,5
8,5
9
7,5
12
3,5
5
13
15
5,5
5,5
4
4
5
6
1,5
2
2,8
2,5
3
3
2
2,5
23
30
15
19
5
5
4
4
8
9
1,5
2
o
3
4
5,2
3,8
5
2
'^5
Coloration. — Sur le vif, d'après Lataste {loc. cit.) : « Faces
supérieures brun lavé de jaunâtre et de verdàlre, semées de points
brun foncé, plus uniformes chez les femelles ; faces inférieures gris
clair, également semées de points bruns, ceux-ci gros et nets
surtout chez les mâles, presque nuls chez les femelles ; il y a
cependant des mâles à ventre concolore. En dessus la tranche de
la queue et les extrémités des membres sont jaunes ou orangées.
la teinte se poursuivant plus ou moins loin sur l'abdomen ;
chez deux sujets mâles elle atteint la gorge. L'iris est doré. »
Sexes. — Le mâle a la région cloacale très renflée. Il porte des
brosses copulatrices sous les membres antérieurs pendant la
période des amours (Lataste). La femelle ne présente aucun
renflement autour de la fente cloacale. Pas de brosses.
Voici maintenant la description d'un mâle adulte que
j'attribue au Molge Hagenmûllerii. Il provient de Tunisie.
206 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'ORANIE
Je l'ai obtenu par l'intermédiaire de M. Pallary qui l'avait
acquis du Muséum de Marseille :
Tôle guère plus longue que large: (Uslance de la ligne du sillon
eollaire au bout du museau 11,5; largeur entre les angles de
la bouche 10 ; flèche jusqu'au bout du museau 7,") ; plus grande
largeur entre les régions parotidiennes très renflées lî ; le bord
antérieur des renflements est distant de l'œil de 2 mill. ; la ligne
des boi'ds postérieurs est distante du bout du museau de 14,") ;
chaque bord postérieur est fortement plié et distant de l'épaule
de 2 mill.; l'inlerespace est légèrement renflé.
Museau, en avant des yeux, formant un trapèze à bout
légèrement arrondi. Narines placées sur les côtés, distantes entre
elles de 3 millimètres. Le contour de toute la mâchoire supérieure
est ogival, à bout arrondi et à côtés sensiblement curvilignes.
En arrière, les renflements parotidiens sont saillants sur les côtés
de près de 1 millimètre.
Des trois triions que j'ai décrits, celui-ci est le seul chez
lequel la plus grande largeur de la tète se trouve en arrière.
Ce caractère est offert par la fig. 2 b (PI. 4; de V Explorât ion
scientifique.
Dessus de la tète luisant mais non nettement lisse, mémo assez
rugueux sur la région pariétale. Le reste de la tête, en arrière des
yeux et sur le cou, est chagriné. Pli de chaque côté du cou très
marqué et se continuant sur toute la largeur par un sillon
bien net. Yeux assez grands, à peine plus longs que hauts dans
l'orbite (3 sur 2,-5), bien visibles en dessus ; distance à la narine?,?,
distance à la lèvre 1 mill. Régions sus-oculaires assez grandes,
largement bordées de clair de même que les paupières inférieures;
distance entre les arcades sourcilières, sur la ligne moyenne,
7 mill., entre les lignes internes des régions sus-oculaires 5,5.
Mandibule inférieure nettement ogivale, à pointe arrondie ;
largeur entre les extrémités des branches 9 mill., flèche 7,5.
La lèvre supérieure déborde légèrement l'inférieure en arrière
des yeux ; elle fait saillie en avant, de l'épaisseur du museau,
7 milliii>ètres.
Dents palatines formant un angle à branches très rapprochées,
presque parallèles dans la moitié moyenne où elles sont distantes
de 1 mill. ; les extrémités se rejoignent en pointe en avant et
forment une courbe presque droite ; en arrière les branches
s'écartent d'abord légèrement, puis se recourbent brusquement
vers l'inttirieur. Les extrémités sont alors entre elles à une
distance de 2,5. Ligne médiane des palatines, 5 millimètres.
La pointe est sur la ligne des arrière-narines ; celles-ci sont
distantes entre elles de 3,5, de la lèvre de 1,8, de la ligne du bout
ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE l'oRANIE 207
du museau de 3,3. Les arrière-narines sont très visibles, l'espace
entre chacune d'elles et la lèvre étant courbe. (Ce caractère
pri'senle une réelle valeur).
Langue petite (ratatinée en alcool) 3.5 en moyenne, à extrémité
distante du bout de la mandibule de 1 mill.
Corps assez épais, large de 12 mill., haut de 10. Dos s'ôlevant
au-dessus du niveau de la tète ; ventre s'abaissant au-dessous
de celui de la gorge, la lète n'ayant que 5 mill. au plus
d'épaisseur. Arrière du dus descendant insensil)lement vers
la queue en décrivant une ligne concave.
Queue plus haute que large, forte ; épaisseur 4 mill., hauteur 6
en arrière de la fente cloacale. La hauteur de 6 mill. se maintient
jusqu'au —^ inférieur, bordure comprise ; le tiers inférieur
s'amincit en glaive jusqu'à la pointe ; l'épaisseur de tout l'organe
diminue de la base à l'extrémité. Le dessus de la queue est par-
couru, dans la moitié postérieure, par une membrane qui se réduit
à un filet sur la moitié antérieure ; le dessous porte un fort bourrelet
saillant d'un demi-millimètre environ, arrondi antérieurement; sur
la partie postérieure le bourrelet devient membraneux et atteint au
plus J mill. à l'extrémité. Le filet supérieur et le bourrelet inférieur
atteignent le cercle qui passe par l'extrémité postérieure du cloaque.
Membres postérieurs nettement plus forts que les antérieurs.
Mains. — Les mains sont à peme plus larges que les avant-
bras; les doigts relativement longs et étroits, ont 0,.5 de largeur.
Pieds. — Les pieds sont plus larges que les jambes ; les orteils
sont longs et étroits ; largeur 0,07.
Taille et dimensions. — Voir page 192.
Distribution GÉOGUAPHiQUE. — (C., T.: P., H.-PL, S.)— Le
Molge Hagenmïdlerii a été découvert à Bône par M. Hagenmûller.
Il a été signalé a Constantine et à Biskra. Aussi en Tunisie.
Molge Waltlii Michahelles (PI. XXVII, fig. 1, a)
Fig. Bonaparte (Fauna italica)
Le triton de WallL
Pleurodeles Waltlii Michahelles.
Molge Waltlii Mich., Blg., Ern. Olivier.
Cette espèce qui se trouve au Maroc entre Tanger, Ceufa et
Tetuan pourrait se rencontrer sur le littoral de l'ouest de 'a
province d'Oran. Elle est presque d'aussi grande taille que la
salamandre, 0,22. On la reconnaîtra au fort i)li qui recouvre le
sillon colaire et forme un véritable collier droit, parfois rentrant
vers la gorge au milieu. Queue en glaive. Doigts et orteils épaissis.
208 ESSAI SUR LA FAUNE ERPÉTOLOGIQUE DE L'ORANIE
Observatio-^. — Le mâle présente de gramies différences si on
le compare à la femelle. Sa tète est plus courte. La disposition
des palatines n'est pas la même et peut conduire à des erreurs
dans la ddermination. M. Boulenger dit que les dents palatines
dépassent la ligne des arriére-narines. Je trouve ce caractère très
net chez un mâle de Séville (don Boulenger). Chez une femelle de
Mertola (don de Bedriaga), l'extrémité antérieure des palatines ne
dépasse pas la ligne supérieure des arrière-narines.
Chez le mâle les branches des palatines sont très rapprochées
(1 mill.) ; elles s'écartent dans le j inférieur et se rejoignent
presque au sommet sans former de courbe. Les extrémités posté-
rieures sont distantes de 2 mill. au plus. La longueur médiane est
de 6 mill. En résumé, les palatines forment plutôt un A qu'un f\
Chez la femelle Vf] est très net, les branches, parallèles, sont
distantes de 2,5 mill., la ligne médiane mesure 6 mill. En avant les
branches se recourbent pour se rejoindre un peu en ogive.
Éthologie DES TRITONS. — N'ayant jamais capturé des
tritons en Algérie je ne puis en dire grand chose. Leurs mœurs
doivent se rapprocher de celles des tritons d'Europe. La
femelle dépose ses œufs sur des feuilles nageantes sans
l'intervention du mâle. En Algérie il serait intéressant
de voir si, dans certaines stations, les tritons ne se main-
tiennent pas toute l'année dans l'eau.
C'est en hiver, même après les pluies d'autoiîme, qu'il faudra
rechercher les tritons dans les trous d'eau situés non loin de
grands amas de pierres ou de rochers humides. Les rivières
paisibles ne devront pas être négligées. C'est en janvier
qu'on prenait jadis à Alger le Molge Poircti.
Je n'ai pu faire trouver, ni récolter moi-même des tritons
en Oranie. C'est là le seul genre duquel il m'a été impossible
de retrouver le moindre exemplaire dans notre province.
J'espérais y réussir avant de clore mon travail ; mais,
aujourd'hui, je me vois obligé de laisser ce soin à d'autres
plus heiu'eux.
Je dois toutefois dire que, d'après certains renseignements,
il y aurait des tritons dans la Mina à Tiaret et à Relizane,
surtout dans les marais que forme la rivière. Les indigènes
d'El-Abiod-Sidi-Cheikh uut dit à M. Pouplier qu'il y avait un
lézard d'eau dans les puits.
CONCLUSIONS
Mon travail étant terminé, je puis dresser le bilan du
résultat de mes études.
A la faune de la Berbérie j'ai ajouté :
Acanthodactylus Savignyi Aud. var. oranensis Nob.
— Blanci Noh.
Eremias guttulata Licht. non Auct.
Lygosoma chalcides L.
Rhinechis scalaris Schinz.
Ce qui porte à 86 le nombre des espèces admises.
A la faune de la province d'Oran j'ai ajouté :
Sphargis coriacea Gray.
Varanus griseus Daud.
Agama inermis Reiiss
Acanthodactylus Savignyi Aud. var oranensis JN^o?>.
Lygosoma chalcides L.
Ophiops occidentalis Blg.
Coronella amalioe Bôttg.
Zamenis algirus Jan.
Psammophis Schokari Fovsk.
Ce qui porte à 58 le noml^re des espèces crâniennes.
J'ai décrit, en outre, une quinzaine de bonnes
variétés.
210
CONCLUSIONS
J'ai retrouvé ou olitenu des espèces très rares dont
la présence, dans la province d'Oran, était douteuse
pour la i)lupart. J'ai ainsi fixé ou élargi l'aire géogra-
phique de :
Saurodactylus mauritanicus D. et B.
Ptyodactylus Oudrii Lat.
Lacerta ocellata Daud. vaiiété tangitana Blg.
Lithorynchus diadema D. ot B. vaiiétt" Hirouxii A^ob.
Psammophis Schokari Forsk. (Ps. sibilans Aitct. alg )
Cœlopeltis producta Gerv.
Salamandra maculosa Laur. variété algira de Bedriaga.
Enfin, j'ai étendu le cadre de la dispersion géogra-
phique de presque toutes les espèces de l'Oranie.
Mais cette partie de mon travail est encore bien
incomplète car je n'ai pu parcourir toute la province.
Le taiileau suivant résume les résultats de mes
recherches :
TABLEAU DES REPTILES DE LA BERBÉRIE
ABRÉVI.VTIONS :
B. fBerbéric), M. (Maroc), A. fAlgcric), T. (Tunisie)
L. (littoral), T. {Tell), !I.-T. (Hau!-Tell), il.-?. (Hauts-Plateaux), P.m. (région
montagneuse des Ilauts-Plateaux), S. (Sahara.)
NOTA. — La distribution géograpliique détailiée n'est indiquée que pour les espèces
de l'Oranie. Ces dernières sont précédées du numéro qu'elles ont dans le texte.
NOMS DES ESPÈCES
CHELONIËNS
TESTUDO ibera Pallas
EMYS leprosa Shaw
CISTUDO europœa Guich
CHELONIA caouanna Schic
SPHARGIS coriacea Gray
SÂURiENS
CHAMŒLEO vulgaris Daud
TARENTOLA mauritanica L
— — var. facetana
— — var. deserti Lat
— — var. saharœ xVo6
— — var. mauritanica
— — s. -var. gracilis Xob. .
— — s. -var. atlantica Nob.
— — var. licsoïde Xob
— neglecta Blg
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II. -P.
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TABLEAU DES REPTILES DE LA BERBERIE
NOMS DES ESPÈCES
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
HEMIDACTYLUS turcicus L
PTYODACTYLUS oudrii Lat
PHYLLODACTYLUS earopœus Gêné
GYMNODACTYLUS trachyblepharus B'ôltg
SAURODACTYLUS mauritanicus D. et B
TROPIOCOLOTES tripolitanus Peters
STENODACTYLUS guttatus Cuv . . .
— — vai\ mauritanicus
— — var. Hirouxii Nob....
— — var. Wilkinsonnii
VARANUS griseus Daud
AGAMA Bibronii .1 . Dam
— Tournevillei Lat
— inermis Reuss
— — var. inermis
— — var. agilis
UROMASTIX acanthinurus Bell
— spinipes Daud
LACERTA ocellata Z)a«<rf
— — var. pater La^
— — var. tangitana B/^
— muralis Lattr
— — var. brunnea Xob
— perspicillata D. el B
— — var. Guichenotii Xob
PSAMMODROMUS algirus FiU
— - vai'. nollii ./. Fischer..
— Blanci Lat
microdactylus i3o^^^
L.
T.
U.-P. Rm.
B.
A.
T.
M.
M.A.
T.
B.
B.
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A.
A. T
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A.
B.
A. T.
M.
Il.-T.
TABLEAU DES REPTILES DE LA BERBÉRIE
213
21
22
23
24
25
26
27
28
NOMS DES ESPÈCES
A.T.I
A.T
ACANTHODACTYLUS Boskianus Daud A. T.
— — var. boskianus Lai!.
— — var. asper ^î<c/. ..
— scutellatas A ud
— — var. scutellatus Z,ai. .
— — var. exiguus Lat
— pardalis Licht
— — var. pardalis
— — s.-v. Bedriagai
• — — s.-v.intermediusi\*o&.
— — vai'. spinicauda iVo6.. .
— Savignyi Aud
— — var. oranensis A'o6.. .
— Blanci Nob
— vulgaris D. ei B
— — V. lineo-maculatus.-lr/eï;..
— — S.-V. tingitanus iVoft.. .
— — s.-v.mauretanicusA^o6.
— — S.-V. ksourensis Xo&.. .
— — Y. vulgaris A î<e(!
EREMIAS guttulata Litch
— Guichenotii Nob B.
OPHIOPS occidentalis BU/ A.T.
M.
A.T.
T.
M. A
M.A,
T.
M.A
A.T
OPHISAURUS Koellikeri Gfmth
MABUIA vittata Oliv
EUMECES Schneideri Daud
— algeriensis Peters
— — var. algeriensis
— — var. meridionalis Nob.
T.
U.-P.
Rm.
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II. -T.
TABLEAU DES REPTILES DE LA BERBERIE
NOMS DES ESPÈCES
1
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QPTNrnPTT^ f;ï<;riatii<î Poters i
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TABLEAU DES REPTILES DE LA BERBERlE
215
NOMS DES ESPÈCES
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58
TROPIDONOTUS viperinus var. aurolineatus Gers. . B.
i
— natrix L A.
MACROPROTODON cucullatus Geojfr B.
PSAMMOPHIS Schokari Forsk 'a. T.
CffiLOPELTIS Monspessulanus Rozet
— — vor. Neumayeri. .
— — vor. insignitus ..
— producta Géra
NAIA haio L '
VIPSRA Latastei Boscà
— lebetina L
— — var. deserti And
— arietans Merp
CERASTES vipera L
— cornutus L.
— — var. mutila Xob
RANA esculenta L. var. ridibunda Pallas.
BUFO viridis Laur
— mauritanicus Sch
— vulgaris Laur
HYLA arborea L. var. raeridionalis Bottg.
DISGOGLOSSUS pictus Otth
URODÈLES
SALAMANDRA maculosa Laur. var. algira de Bedr.
MOLGE Poireti Gcre
— Hagenmùllerii Lat
— V/altlii Mieh
B.
A. T.
A. T.
B.
M. A.
B.
M.
A. T.
A. T.
B.
B.
B.
A. M.
B.
B.
M. A.
A.
A. T
M
i!.-T.
F. DOUMERGUE.
UNE DÉCOUVERTE MÉGALITHIQUE EN FRANCE
LES STATUES-MEXHIRS
Les archéologues de la province d'Oran qui s'intéressent
aux découvertes anthropologiques liront sans doute ces quel-
ques lignes. Elles sont écrites dans le but de faire connaître
de récentes découvertes. Il s'agit des sta<Mfs-7??cn/a/'s trouvées
il y a peu de temps dans les départements de l'Aveyron et du
Tarn. C'est M. l'abbé llermet, correspondant de l'Institut, qui
rend compte, dans une étude, des découvertes qu'il vient de
faire.
Quant à nous, il ne nous parait pas inutile de faire connaître
dans ce bulletin, ces n uvelless^culptures préhistoriques. Peut-
être, après avoir lu cette description, un lecteur découvrira-t il
lui-même, quelqu'une de ces statues menhirs? Notre Algérie
n'est-elle pas, en effet, très riche en monuments mégalithiques,
dolmens, pierres levées, cromhecks, etc.? Et près d'Oran, à
Eckmiild, aux alentours de Mascara, aux Trembles et ailleurs,
n'y existe-t-il pas des stations préhistoriques, où l'on rencontre
en quantité étonnant î des silex tailh-s et des ha';hes de pierre
polie ?
La même race qui a peuplé, dans les temps préhistoriques,
l'Europe occidentale, est venue certainement dans le Nord de
l'Afrique. Il ne serait donc pas étrange, qu'à coté des dolmens
et desjîrombecks, elle eût aussi laissé ces énormes pierres-
sculptéis qui appartiennent à la môme civi isation [esstatues-
rnenliirs, découvertes tout récemment.
Ces statues-menhirs, qui sont l'objet de discussions passion-
nées entre savants européens, ont été trouvées dans le départe-
ment de l'Aveyron, C'est l'arrondissement de Saint-Affrique
qui en a fourni les premières et le plus grand nombre. Dres-
sées autour des aires, jetées dins le lit des ruisseaux pour y
servir de passage aux piétons, ou bien délaissées au bord des
LES STATUES-MENHtRS 2 17
chemins creux, ces grandes pierres grossièrement sculptées,
n'avaient encore attiré l'attention d'aucun savant. Il Ifjur fallait
un historien ! Elles l'ont trouve dans M l'abbé Hermet.
C'est grâce à lui que seize de ces statues-menhirs ont été
découvertes et décrites; la plupart appartiennent au départe-
ment de l'Aveyron, cinq au Tarn.
Ce qui paraît extraordinaire, c'est que ces sculptures appar-
tiennent toutes à une même contrée, dont le rayon d'extension
est inférieur à 50 kilomètres. Nulle part ailleurs, ni en Europe,
ni en France, ni même encore dans le nord de l'Afrique où
cependant les monuments mégalithiques sont nombreux on a
découvert rien de pareil. Ces menhirs seraient-ils les ouvrages
d'une race autochtone peu répendue? Auraient-ils été jetés
dans ces solitudes qui les cachaient, sur les montagnes escar-
pées qui séparent l'Aveyron du Tarn, par des chrétiens des
premiers siècles? Ceux-ci, en effet, pour obéir à quelques
conciles, cachaient dans les escarpements déserts des mon
tagnes, ces statues adorées comme idoles. Ou bien encore, ces
sculptures décoraient-elles quelques tombeaux ? C'est, si nous
ne nous trompons pas, cette dernière liypothèse qui serait la
plus vraisemblable et nous en donnerons plus loin la raison.
Ces statues-menhirs, que les vi^iiteurs de la dernière exposi-
tion de Paris ont pu voir au Trocadéro, appartiennent toutes
à un seul et même type. Distinctes de toutes les autres sculp-
tures anthropoïdes, découvertes en Europe, elles forment un
groupe à part, un groupe indigène pourrait on dire. Aussi,
n'ont-elles que de lointaines ressemblances avec les sculptures
primitives des grottes de la Mar e, de l'île de Guernescy et de
Chypre. Il suffit d'avoir vu la photographie de Tune d'elles
pour en reconnaître les différences essentielles et profondes
avec les précédentes. Par contre, malg'é quelques différences
de détail, elles présentent entr'elles une grande parité de forme
et de dessin.
Ces statues-menhirs se distinguent en masculines et fémi-
nines. La présenci de seins sculptés suffit à indiquer la diffé-
rence du sexe. La sculpture est des plus grossières et cela
n'étonnera personne, lorsqu'on saura que l'artis'.e s'est servi
pour tailler ce granit de haches en pierre polie ou du moins
d'instruments tout-à-fait imparfaits de métal.
L'apparence du visage est caractérisée par deux trous ronds
signifiant les yeux. Deux autres cavités, situées au dessous,
218 LES STATUES-MENHIRS
marquent la place du nez et de la bouche. Autour de ce gros-
sier visage sont sculptés, trois ou cinq bourrelets semi-circu-
laires qui sont les plis d'un mauleau ou encore un collier à
plusieurs rangs. Les bras sont terminés par des mains dont
les doigts sont en dents de peigne. Au dessous des mains une
ceinture, la plupart du temps sculptée en feuilles de fougèi'e,
entoure le corps. Les pieds sont représentés par deux lignes
verticales parlant de la ceinture et se terminent, comme les
bras, par des orteils en dents de peigne. La face postérieure
de ces statues présente ordinairement deux omoplates bien
tranchées et quelquefois coirme une chevelure tombant sur la
ceinture. D'autres fois on semble distinguer les [)lis raides d'un
manteau. Ajoutons, pour terniiner cette trop courte descrip-
tion que la partie iniérieure de la statue, destinée à être enter-
rée dans la terre, ne présente aucune sculpture : elle est restée
à l'état absolument brut.
Outre ces caractères généraux, quelques-unes de ces statues-
menhirs présentent des particularités : un carquois, un bau-
drier, une languette, un fermoir sur la ceinture. Ces divers
objets ont été discutés par les savants. Ceux ci ont cru y i-e-
connaître des objets de l'âge de bronze, ceux-là n'ont voulu y
voir que les objets appa:tenant à l'âge nc'olithique.
Quoiqu'il en soit, on peut en toute vraisscmblance alTiriner
ceci: 1° Ces statues-menhirs présentent un type aniJiropoide
à part et sont absolument distinctes dc^s autres sculptures de
l'âge néolithique et de l'âge de bronze.
2" Si on recherche quelques lointaines l'csscmblances avec
d'autres sculptures préhistori jues, connues en Europe, on
pourrait reconnaître une certaine similitude avec les sculp-
tures de CoUorgues du Gard, les pierres de Ba)nherg et de
Rosemherg, la stèle de San GiovcDini de Bologne et enfin la
terre cuite de Chypre.
3" On ignore leur âge. ^L de Mortillot f lit remonter la date
des statues-menhirs à l'époque néolilhiquo ou âge de jiierrc ou
bien au plus tard à l'aurore du bronze. Son opinion s'appuie
sur ce que les statues du Gard faisaient partie d'un dolmen dont
le mobilier était complètement mégalUliique. Or, nous avons
fait remarquer la lointaine analogie qui existe entre les statues
du Gard et celles de l'Aveyron.
^L Salomon Reinaeh, qui croit reconnaître dans les statues-
menhirs du Gard et de l'Aveyron, un anneau métallique, qui
LES STATUES-MENHIRS 219
attache, dit-il, une fibule et non un arc, M. Reinach, pense
que ces statues appartiennent à l'âge de bronze. L'oi-iginal de
ces objets, pense-t-il, ne pouvait être que du bronze.
Nous pencherions nous-mêmes pour cette dernière opinion,
bien que les lieux qui recelaient les statues-menhirs fussent
des stations néolithiques, comme le font croire les haches en
pierre polie qu'on y rencontre fréquemment.
Nous pensons, en effet, que ces statues-menhirs, dont quel-
ques unes sont de roche très dure, n'auraient pu être travaillées
avec de simples haches de pierre. Il a fallu, sans doute, pour
exécuter ces grossières sculptures, des instruments de métal.
Nous croyons donc que ces statues-menhirs n'appartiennent
pas à l'âge de pierre : elles forment la transition entre l'âge
néolithique et l'âge de bronze. On peut croire aussi que ces
sculptures appartiennent à des peuples antérieurs aux Gaulois.
4° Quelle fut la destination de ces statues-menhirs? Etaient-
t-elles comme des dolmens, des autels druidiques et dans
cette hypothèse étaient-elles placées à plat? Ou bien, comme on
le croirait plutôt, étaient-elles posées droites et servaient-elles
de signe de ralliment dans les forêts? Seraient-elles des idoles
vénérées de ces peuples grossiers? On n'ignore pas, en effet,
que la litholatrie ou culte des pierres se retrouve dans le cen-
tre de l'Afrique, dans les lies de la Polynésie et en Asie
même.
Ne sait-on pas, de plus, que jusqu'au ix^ siècle, des chré-
tiens ignorants vénéraient des pierres taillées? Les conciles de
Nantes, de Tours et d'Arles au v^ et vp siècles, prescrivent
l'abolition du culte des pierres etdes fontaines. Celui de Nantes
ordonnait de jeter ces statues dans des lieux sauvages et
déserts et même de les enfouir pour les soustraire au culte
idolâtre des chrétiens peu éclairés de ce temps.
Il semblerait, cependant, d'après une dernière découverte,
que ces statues-menhirs avaient été édifiées sur des tombeaux.
On avait déjà découvert des briques autour d'une de ces statues,
mais c'était insuffisant pour indiquer la présence d'une sépul-
ture. Mais voici une nouvelle découverte qui lève tous les
doutes. Près de Montlaur, dans l'Aveyron, une statue-menhir
a été trouvée, non pas couchée, mais debout sur un tombeau.
Le cercueil se trouvait à un mètre cinquante du sol. Formé de
quatre dalles, ce tombeau renfermait quelques ossements qui
tombèrent en poussière. Pas de mobilier funéraire, mais le
24
220 LES STATUES-MENHIRS
fait de l'existence du tombeau suffit pour indiquer que ces
statues se dressaient sur des sépultures.
La plupart des savants, d'ailleurs, ne croient-ils pas que les
monuments mégalithiques étaient ou des autels ou des tom-
beaux? Ces statues-menhirs feraient-elles exception à la règle?
Espérons que d'autres découvertes permettront une certi-
tude absolue sur cette question si intéressante Espérons aussi
que les érudits oranais se mettront en campagne pour reclier-
cher quelques-unes de ces statues-menhirs, s'il en existait en
Algérie. Malgré la destruction systématique par les Arabes
des statues et des sépultures romaines, peut-être une partie
aura-t-elle échappée. Nous pourrons alcrs ajouter une page de
plus à la nomenclature des monuments des peuples préhisto-
riques qui ont habité ce pays. C'est dans ce but, pour donner
quelques idées aux anthropologistes algériens, qu'ont été
écrites ces modestes lignes.
Abbé FABRE,
Curé de Kléber.
mmmm mmmm^
I — GENERALITES
La Revue archéologique a commencé, au cours de l'année
1900, sous le titre « Topolog'e et Toponymie anliques », la
publication d'une série d'études considérables et des plus inté-
ressantes de M. BÉRARD ; l'une d'elles, intitulée « Les Phéni-
ciejis et l'Odyssée » intéresse plus spécialement les Algériens,
car elle tend à faire admettre l'opinion de Strabon, que des
récits ou des documents phéniciens ont été la première source
d'Homère, c'est-à-dire que l'Odyssée aurait été écrite d'après
le péripte phénicien d'Himi'con, décrivant les côtes de la
Méditerranée. De considérations étymologiques et topony-
miques très ingénieuses, l'auteur déduit que l'île de Caîypso
serait l'Espagne, l'Atlas serait l'Abila des Phéniciens, le Mont
des Singes actuel. Il est permis cependant de se demander si
l'intervention des Phéniciens était bien indispensable pour
guider l'auteur de l'Odyssée et si, dès cette époque, des navi-
gateurs grecs n'ont pas été aussi bien, sinon mieux qualifiés
pour ce rôle.
Dans la deuxième de nos chroniques, nous avons mentionné
les travaux de MM. Toutain, Schulten et Guq au sujet de la
célèbre inscription d'Henchir Mettich, règlement privé ou loi
sur l'exploitation agricole. Les Mélanges de l'Ecole française
de Rome (1901, l""" livraison) contiennent les premières pages
d'un travail dans lequel M. Maurice Pernot s'est proposé
d'examiner et d'interpréter certains points obscurs ou dou-
teux ; nous rendrons compte de cette étude dès qu'elle sera
terminée.
Enfin, nous recommandons à tous les archéologues une
brochure de quelques pages émanant du Gouvernement
général de l'Algérie (Service des monuments historiques),
dont le titre: Instruction pour la conduite des fouilles archéo-
logiques en Algérie, indique suffisamment le but et l'utilité.
(Alger, Jourdan.)
222 CHRONIQUE ARCHÉOLOGIQUE
II - TUNISIE
Epoque punique. — Les nécropoles puniques de Carthage
continuent à être l'objet des explorations méthodiques du R. P.
Delattre et de M. Gauckler. Les principales sont:
1» Celle de Dermech, fouillée par le P. Delattre dans les
terrains de l'Archevêché de Carthage, sur le flanc de la colline
de Bordj Djedid, et qui remonte aux F"" et ii^ siècles avant l'ère
chrétienne;
2e <^elle ouverte postérieurement, sur des terrains au Sud
du premier et qui lui sont contigus, par M. P. Gauckler, et
qui remonte aux vf et vu^ siècles avant notre ère.
Ces deux fouilles, nous l'avons déjà exposé, vont en se rap-
procha t et tendent à se rejoindre; les sépultures descendent
le cours des âges à mesure qu'elles remontent la colline de
Bordj Djedid dans la direction du Nord. L'espoir qu'en se
rejoignant les deux champs de recherches fourniront la suc-
cession, sans lacune, des siècles intermédiaires, se confirme
journellement. Une monnaie syracusaine, découverte dans la
zone intermédiaire non fouillée, a été reconnue par M. Babelon
{Comm"^ de l'Afrique du Nord, juin 1900) comme datant des
années 344 à 317, et M. Gauckler vient de signaler (compte-
rendu du Service tunisien des antiquités, pour 1900) des sépul-
tures, les plus récemment mises à jour, du iv® et du v^ siècles.
Dans ces tombeaux le mobilier funéraire se transforme ; il
reste abondant et riche, notamment en bijoux dor et de pierres
précieuses; la monnaie y fait son apparition; l'influence grecque
parait se substituer nettement à l'influence égyptienne dans les
poteries. L'inhumation est le mode unique de sépulture, mais
le sarcophage devient assez fréquent.
3" La nécropole dite de Sainte Monique, au N.-E. de la
Batterie de Bordj-Djedid, explorée par le B. P. Delattre; celui-
ci y poursuit ses recherches avec un zèle infatigable ; citons
parmi le mobilier funéraire recueilli par lui, d'élégants brijle-
parfums-en terre cuite de style grec, des vases en bronze, et
surtout une admirable série de hachettes en bronze avec gra-
vures et inscriptions (Comptes-rendus de l'académie des ins-
criptions. 1900).
4° Une 4'' nécropole est située au sommet de la colline de
rOdéon ; dans cette nécropole récemment fouillé par M. Gauc-
kler, et qui paraît avoir servi depuis les derniers temps de la
domination punique jusqu'à la conquête romaine, l'incinéra-
tion s'est substituée presque généralement à l'inhumation ; les
CHRONIQUE ARCHÉOLOGIQUE 223
restes calcinés sont déposés dans des coffrets ou des amphores,
ou même sont simplement déposés en tas sur le sol. Le culte
des morts se perd, ainsi que les rites funéraires, en même
temps que, par voie de conséquence, le mobilier funéraire
s'avilit; des monnaies usées, des lampes que l'on a pas même
allumées, quelques poteries communes et quelquefois ébré-
chées, ont remplacé les bijoux, les intailles, les vases précieux,
les ivoires, etc. de style égyptien.
Sur cette colline, sur la nécropole même, fut élevé l'Odéon
romain dont nous aurons à nous occuper plus loin.
Le Bulletin archéologique du Comité (1901, l""*^ livraison) a
publié une note de M. Molins, capitaine au 2" Zouaves, sur la
nécropole punique et romaine de Maxula, aujourd hui Rades;
les fouilles y ont fait découvrir une « série de stèles de forme
triangulaire » (sans coûte à fronton triangulaire), représentant
un personnage debout, la main gauche sur la poitrine, la
main droite levée la paume en avant; le personnage est enca-
dré dans un rectangle. Ces stèles, qui paraissent de même
genre que celles no^ 45 à 57 du musée d'Oran, gisaient pêle-
mêle dans un fossé destiné à les recevoir, et oi^i les Romains
les avaient sans doute déposées avant de s'approprier la nécro-
pole ; celle-ci n'a donné en ce qui concerne l'époque romaine,
que quelques tombes et des débris de poteries peu intéres-
sants.
Le même bulletin contient une note de M. Louis Bertrand
sur la Nécropole phénicienne de Stora, dans laquelle les cer-
cueils se composaient de deux jarres en poterie emboîtées
l'une dans l'autre. Cette nécropole occupait une bande de
1000 mètres de longueur sur 150 mètres de largeur moyenne,
parallèle à la côte, sur le flanc du coteau qui domine le village
et le golfe de Stora. Non seulement les Romains l'ont recou-
verte presque totalement de leurs propres sépultures, mais
elle a encore été boulev^ersée par les mouvements du terrain,
fortement déclive. Les tombes romaines sont recouvertes de
grandes tuiles plates à grands rebords. Le mobilier funéraire,
tant phénicien que romain, a été assez insignifiant.
M. le Colonel Goetschy a rendu compte, dans le Bulletin
archéologique du Comité, des fouilles exécutées devant la porte
Ouest de la Cashah de Sousse, et qui ont mis à jour de nom-
breuses sépultures phéniciennes creusées dans le tuf et ran-
gées autour d'une grande crypte de 8 mètres de longueur sur
6 mètres de large. Le mobilier de ces sépultures, grossier et
pauvre, est nettement phénicien. Quanta la crypte, sa voûte
224 CHRONIQUE ARCHÉOLOGIQUE
est soutenue par trois forts piliers en maçonnerie ; ceux-ci,
comme les parois de la crypte, ont reçu un fort enduit en
ciment, et la plupart des couloirs qui mettaient la crypte en
communication avec les tombes avaient été murés ; enfin la
crypte a fourni des urnes et lampes funéraires romaines.
On se trouve donc en présence d'une nécropole phénicienne
très ancienne, dont les Romains se sont plus tard approprié
la crypte centrale, après l'avoir consolidée par des piliers, par
un revêtement en ciment, et après avoir condamné une
partie des couloirs et chambres de la périphérie.
Enfin nous ne pouvons passer sous silence la savante discus-
sion à laquelle donne lieu l'inscription magique etincontatoire
relevée sur un rouleau de plomb (Carlhage); elle a fait l'objet
de traductions et d'interprétations de la part de MM. Berger
et Clermont-Ganneau (Mélanges, XX. p. 93), Lidzbarski (Ephe-
nieris fur scmitische epigraphik), et de nouvelles notes de
M. Clermont-Gonneau (Recueil d'archéologie orientale, IV).
L'inscription d'Astarté et Tanif, de Bardj-Djedid, a été elle
aussi l'objet de notes que l'on trouvera dans les mêmes recueils
et dont l'analyse exigerait trop d'espace.
Epoque romaine. — M. Gauckler a signalé, dans le compte
rendu de la marche du Service des Antiquités de Tunisie en
4900, les résultats des fouilles pratiquées dans les ruines de
rOdéon de Carthage, construit au début du iii« siècle par le
proconsul Vigellius Saturninus, incendié en 430 par les Van-
dales, puis rasé sans doute par les Byzantins. Il comprenait
une plateforme en hémicycle de 50 mètres de rayon ; sous la
scène proprement dite existaient de vastes citernes, qui ont
été comblées par les débris de la scène. On y a retrouvé les
éléments de la décoration du monument, entre autres de nom-
breuses statues ou débris de statues de divinités, d'empereurs
ou d'mipératrices, des bases, fûts, chapiteaux de colonnes en
marbres précieux ou en granit, et une quantité de fragments
architestiiradx dénotant le luxe extraordinaire du décor de la
scène de l'Odéon.
Le R. P. Delattre a signalé à l'institut de Carthage (juillet
1901) la découverte à Saint-Louis de Carthage, d'une colon-
nade du fameux U'mple d'Esculape, signalé par Appien, Sti'a-
bon et Appulée. Un égoût important a aussi été découvert.
Enfin la même note contient l'énumération de vingt-sept ins-
criptions romaines recueillies à la colline Saint-Louis et dont
certaines présentent un réel intérêt.
CHRONIQUE ARCHÉOLOGIQUE 225
M. Homo a exécuté h Dougga, en mai et juin 1900, pour la
Direction des antiquités, des fouilles intéressantes; le temple
Capitolin a été dégagé des habitations arabes qui masquaient
sa foce sud, ainsi que l'escalier de 11 marches qui règne sur
tout le devant du temple, le mur postérieur et la plus grande
partie du front Ouest. Un ensemble de places ou plateformes
dallées, reliant par des plans inclinés ou des escaliers, entou-
raient le temple; l'une, flanquée d'une colonnade, porte un
édifice à exèdre symétrique au Capitole. Les fouilles ont mis
à nu des inscriptions importantes, l'une mentionnant le macel-
lum de Thugga, une autre relative aux rostres du Forum,
deux fragments de dédicace, et des fragments de frise figurant
un cortège de sacrifice ; des épitaphes, une statue de marbre,
une jolie anse d'œnochoé en bronze ont été recueillies dans
It s mêmes fouilles, dont M. Homo a rendu compte dans les
Mélanges de l'Ecole française de Rome (janvier-mars 1901).
Les voies stratégiques de la frontière saharienne del'Empire
romain sont toujours le sujet d'intéressantes études. Le Bul-
letin archéologique du Comité (1901, P- livraison) contient à
ce sujet :
1° Une note de M. le capitaine Hilaire sur la voie straté-
g>cp(e qui longeait la frontière militaire de la Tripolitaine
entre Tacape (Gabès) et Leptis Magna, avec essai d'identifica-
tion des gîtes d'étape d'une partie de cette voie.
2" Une description, avec plan de construction, des Fouilles
du Castellum d' El i7a5rne«/(Ksar Ghelane)par M. le lieutenant
GoMBEAUD ; c'est le poste de Tisavar dont nous avons mentionné
succintement la découverte dans notre précédente chronique,
d'après le compte-rendu de ^L Gauckler à l'académie des
inscriptions.
M. René Gagnât a publié dans le Bulletin du Comité (1901,
1'"'= livraison) une note sur des découvertes cpigraphiques
récentes en Afrique, dues aux officiers des brigades topogra-
phiques. L'une d'elles, dédiée à Caracalla, et de l'an 108 ou
199, identifié Henchir Aïn Hammam, à 10 kilomètres S.-E. de
Tabarka, avec le Pagus Trisipensis, siège d'un des évéchés de
la liste de 411. D'autres inscriptions sont des dédicaces à
Septime Sévère, à Alexandre sévère, — l'épitaphe d'une prê-
tresse — celle d'un jeune homme « erudito et plissimo y>
auxquels ses parents ont consacré une longue et pompc!a.5e
inscription; d'autres épigraphes sont des bornes miliaires et
aussi des bornes limitatives du terrtitoire de Sufetula, présen-
tant la formule uniforme encore intraduite P. M. S M. Enfin,
226 CHRONIQUE ARCHÉOLOGIQUE
l'une d'elles porte, avec la croix, l'alpha et l'oméga, la formule
« CristHs régnât » qui n'aurait pas encore été rencontrée en
Afrique.
M. Gauckler, dans le même bulletin, a publié sous le titre
de Notes d'épigraphic latine, plus de cent inscriptions. Deu.v
d'entre elles, de Maktar, portent à la fois le chrisme, l'alpha
et l'oméga avec les formules chrétiennes « fulelis in j)ace » et
« innocentes in pace », et* la formule païenne D.M.S. — Des
exemples de ce genre, rares en Tunisie, sont fréquents dans
la Maurétanie.
Citons encore deux inscriptions de Thola, l'une, dédicace
d'un temple de Saturne, l'autre, dédicace du temple chrétien
élevé sur les ruines du premier; une dédicace à Gallien et
Salonine, mentionnant les déesses Cei ères ; enfin deux frag-
ments retrouvés à Dougga et qui complètent la dédicace du
temple de Cœleslis de celte ville.
Le Bulletin du Comité archéologique (année 1900) a publié
une note du D"" Carton sur quclqu's inscriptions inédites de
Tunisie ; l'une est lybique, les autres sont des épitaphes,
romaines, sauf une en caractères grecs.
Au point de vue des publications, nous devons signaler
l'apparition du 4^ fascicule de l'Enquête sur Ici installations
Jiijdrauliquefi des Romains en Tunisie (Tunis, Nicolas); des
6*^ et 7e livraisons de VAtlas archéologique de la Tunisie, rela-
tives surtout au Cap Bon (Leroux, Paris); du 3« fascicule du
Musée Lavigerie de St-Louis de Cartliage, consacré aux monu-
ments chrétiens, rédigé par le R. P. Delattre et accompagné
de 13 planches (Leroux, Paris).
Au point de vue bibliographique, une brochure des Pères
Blancs de Carthage, intitulée elle aussi « Musée Lavigerie de
Saint-Louis de Carthage » donne l'indication de 105 brochures
ou articles publiées par le R. P. Delattre et ses collaborateurs ;
c'est un index précieux au point de vue de l'épigraphie de
Carthage et de la Tunisie.
m - DEPARTEMENT DE CONS'ÏANTINE
Nous n'avons pas encore reçu le Bulletin de la Société
archéologique de Constantine pour 1900 ; cette revue renferme
en général des travaux intéressants ; force nous est d'en
ajourner le compte-rendu.
CHRONIQUE ARCHEOLOGIQUE
M. GsEF.L a publié dans le Bulletin du Comité archéologique
(1900, Iro livraison) une note sur quatre consoles chrétiennes
recueillies à Morsott (Vasampus?) au Nord de Tebessa ; ces
consoles recueillies au pied du mur de l'abside de la grande
basilique, sont décorées de figures symboliques.
M. HÉRON DE ViLLEFOSSE a publié dans le même bulletin
quelques inscriptions d'Algérie recueillies en 1874 près du col
des Oliviers, entre Constantine et Philippeville ; quatre d'entre
elles ont été publiées depuis au Corpus, mais avec des diffé-
rences de lecture.
\J Académie d'Hippone a publié en quatre grandes planches
coloriées dus à M. Bariteau, les tnosdiques de la propriété
Chevillât, que nous avons déjà décrites.
La Presse non spéciale vient de signaler de nouvelles décou-
vertes dans la même propriété, mais il convient pour en
rendre compte d'être fixé sur leur valeur et leur intérêt.
M. Robert Arnaud a publié dans le bulletin du Comité
(1901, 1'"'^ livraison), une note sur les mmmments mégalithiques
d'Es Snan. Le Coudiat Es-Snan (Commune mixte de M'Sila)
est un mamelon portant plus de cinquante tombeaux formés
d'enceintes circulaires et concentriques composées de roches
brutes et rectangulaires allongées bout à bout ; le centre est
occupé par un dolmen ou un menhir, et des allées allant de la
périphérie au centre partagent en secteurs ces enceintes qui
ont quatre ou cinq mètres de diamètre. Les sépultures sont
multiples dans chaque tombeau, et groupées autour d'une
tombe centrale. Toute hypothèse d'une ville existant au
voisinage devant être écartée, l'auteur voit dans cet ensemble
de monuments le lieu sacré de sépulture de quelque tribu
nomade.
MM. B.\LT,u et Gagnât ont publié la sixième livraison
de leur grand ouvrage sur Timgad; nous avons annoncé en
leur temps les découvertes des édifices principaux qui y sont
décrits.
IV — DEPARTEMENT D'ALGER
Nous avons signalé dans notre dernière chronique la Basi-
lique chrétienne de Rusgunke (cap Matifou) découverte et
touillée par M. le lieutenant Chardon. Nous sommes heureux
de constater que dans sa séance de clôture le Congrès national
228 CHRONIQUE ARCHÉOLOGIQUE
des sociétés françaises de géographie a émis le vœu que les
pouvoirs publics encouragent par une subvention la continua-
tion de ces fouilles.
Dans le bulletin archéologique du Comité (année 1000) MM.
Lacour et Tl'rcaï ont signalé l'existence de deux ateliers de
pierre taillée au voisinage de DcllySy l'un au village de Tag-
dempt, l'autre entre la route de Dellys à Tigzirt et la mer.
V - DEPARTEMENT D'ORAN
Nous n'avons malheureusement aucune découverte sai'lante
à signalei" ; nous rappelons d'ailleurs que nous nous abstenons
de rendre compte des travaux parus dans le bulletin de notre
Société.
M. Héron de Yillefosse, dans le bulletin des antiquaires de
France de 1900 (p. 114 à 115) a proposé une variante à la
lecture d'une des épitaphes de Benian (Alamiliaria). M. Gsell
avait lu:
(requie)vit in fide e(t) un(ilate)
M. Héron de Villefosse lit :
(requie)vit in fide evan(g)e(lii)
M. Gsell accepte cette interprétation ; l'épitaphe serait donc
d'un évoque donatiste, et non catholique. J
E. FLÂHAULT.
BIBLIOGRAPHIE
Une Question d' Actualité : LE CHEMIN DE FER D'ORAN AU
MAROC. — Une Question de Demain : LES CHEMINS DE FER
MAROCAINS, par M. G. Milsom, Ingénieur civil des Mines, Oran. —
P, Perrieb, 1901.
M. Milsom, un des principaux propriétaires de la vallée inférieure
de la Tafna, vient de publier, sous ce titre, une brochure d'un
à-propos indiscutable. La première question d'actualité est relative
à l'installation, aussi prompte que possible, d'une ligne ferrée
prolongeant la voie qui va actuellement d'Oran à Tlemcen, jusques
en plein Maroc. La seconde, de demain, traite de l'étude d'un
réseau général de chemin de fer embrassant tout le Maroc.
La solution de la première question est d'une importance
capitale ; elle intéresse particulièrement l'Algérie, et surtout notre
département. Sa réalisation économique, et surtout politique,
s'impose, étant donné notre situation dans l'empire schériffien ;
elle devra être l'œuvre d'une diplomatie avisée, qui assurera
paisiblement, mieux qu'une guerre, notre influence dans ce pays,
dont une pai'tie de la population nous est sympathique, notamment
celle voisine de nos frontières, laquelle est parfaitement au courant
de nos grands travaux publics et des entrepi^ises agricoles. C'est
par milliers que les Marocains viennent annuellement nous prêter
leur concours.
La brochure de M. Milsom vise particulièrement la voie ferrée
de Tlemcen à Fez (Fas), voie qui, par suite des conditions topogra-
phiques signalées par l'Explorateur de Flotte, formera un tracé
absolument droit, de Marnia à Fez, suivant des vallées bien
pourvues d'eau, et ayant 400 kilom. au moins de développement.
Mais à l'égard de cette ligne, absolument d'actualité, deux
230 BIBLIOGRAPHIE
solutions sont en présence, au sujet de la section transversale à
donner à la voie, et ont leurs partisans : Les uns, le plus petit
nombre, seraient pour la grande section, de 1"45 de largeur; cette
voie suivrait, à partir de Tlemcen, les crêtes des reliefs qui
encaissent la grande vallée de la haute Tafna, mais laissant de
côté les territoires de colonisation ; elle a un caractère particulière-
ment stratégique ; c'est là toute sa qualité ; elle sera très coûteuse
d'établissement et d'exploitation technique, mais absolument impro-
ductive ; elle constituera, enfin, une lourde charge pour le budget.
Voilà, certes, des conditions peu recommandablcs.
Les autres, et c'est la grande majorité, sont partisantsde la voie
étroite, de 1™05 de largeur; elle partirait d'Aïn-Temouchont,
traverserait la partie inférieure de la vallée de la Tafna qui peut
offrir à la colonisation de vastes espaces susceptibles d'être
irrigués, et aboutirait à Fez (Fas) en passant par Ouchda. On
compte, parmi ses partisans : le Conseil général du département
d'Oran, les Délégations financières et le Conseil supérieur de
l'Algérie ; ces grands corps électifs ont émis des vœux unanimes
en faveur de ce tracé, sur lequel viendrait se sonder la ligne de
Tlemcen à la Tafna.
On peut se demander à quoi bon une voie stratégique coûteuse
et inutile, qui, dit-on, sans le démontrer, permettrait, le cas
échéant, le transport rapide des troupes, depuis Tunis jusques au
Maroc, sans descendre du train. Cela dans la pratique en inadmis-
sible.
Tout d'abord, c'est une grosse erreur de prétendre que la voie
ferrée suivant le contournement de crête du massif montagneux
tlemcennien, mettrait moins de temps pour atteindre Marnia, que
la voie biffurquant à Aïn-Temouchent. En pays accidenté, coupé
de grandes courbes et de grands travaux de terrassement, la vitesse
est forcément réduite. D'autre part, le transbordement de la
grande section sur la section de l^Oô prendrait à peine quelques
minute^. On ne voit guère les avantages que produirait la grande
voie.
Malgré les démonstrations judicieuses de M. Milsom, appuyées
de chiffres positifs, les partisans de la grande section maintiendraient
parait-il leur opinion ; il serait bon de savoir exactement
pourquoi ?
Cette opposition rappelle, avec à-propos, une anecdote qui
trouvera ici sa place.
Il y a longtemps de cela, un jour, le Colonel du Génie d'Oran,
BIBLIOGRAPHIE 231
accompagné de quelques officiers, — étudiaient le tracé de la route
nationale d'Oran-Tlemcen, dans la partie située entre Missergliin
et Brédéah. Le tracé préconisé passait dans le voisinage du bord
septentrional du grand lac. Un gros colon des environs, connaissant
ces messieurs, fit cette observation : le sol sur lequel vous allez
installer la route est mauvais ; il est envahi par les eaux de Thiver,
la route n'aura pas de tenue ; elle sera impraticable. Vous devriez
reporter le tracé vers le pied de la montagne, où le terrain est
bien plus résistant.
On voit bien, monsieur, répondit le Colonel, que les questions
stratégiques vous sont absolument étrangères. La route passant
près du pied de la montagne serait susceptible d'être attaquée par
les Arabes qui se défileront dans les ravins, et arrêteront et les
voyageurs et le roulage.
Mon Colonel, répondit le colon, si j'avais su qu'en venan^
coloniser ici, il faudrait se défiler perpétuellement des Arabes, je
serais resté en France avec mes capitaux.
Cependant, les Ponts et Chaussées qui prirent peu de temps
après la direction des travaux, reportèrent la route au pied de la
montagne ; aucune attaque ne s'est produite depuis.
C'est absolument le cas de la voie stratégique par les crêtes.
Les limites d'un compte rendu sommaire ne permettent pas de
de longs développements au sujet de la première question,
judicieusement étudiée par M. Milsom. Il est partisan, et nous le
sommes avec lui, de la voie étroite, soudée à Ain-Témouchent, et
se poursuivant jusqu'à Fez (Fas). Il a démontré que cette voie sera
la plus courte, la plus économique et la plus productive.
Toute autre combinaison qui ne présenterait pas ces qualités serait
détestable, dictée, peut-être, par un intérêt particulier.
En ce qui concerne « la question du Maroc », c'est-à-dire les
chemins de fer marocains, il s'agit, dans l'étude de M. Milsom,
d'un réseau complet qui comprendrait les lignes de Fez à Tanger :
350 kilomètres ; puis, de Fez à Meknas et à R'bat : 280 kilomètres ;
de Marakech à Mazagan : 270 kilomètres. Total, 900 kilomètres,
dont le coût serait, à voie large, de 200 millions environ, et à
voie étroite, de 100 millions ; soit une différence de cent pour cent.
Mais nous estimons que cette étude est tout à fait prématurée.
Cela est si vrai, que d'après certains voyageurs, la population
marocaine serait de 6 à 8 millions d'habitants , tandis que d'autres
la portent à 25 millions. La question présente donc d'inconnues
une grande importance : La géographie et l'orographie du Maroc
232
BIBLIOGRAPHIE
central n'offrent aucune donnée : on connaît peu de chose sur cet
énorme massif, dont les crêtes dépassent, paraît-il, en altitude,
les pics les plus élevés des Pyrénées ; on ne sait rien sur le chiffre
des populations intéressées à cette oeuvre grandiose, ni sur leur
caractère administratif, ni sur leur indépendance politique ; pas
de documents sur les cultures ni sur l'industrie de ces habitants.
La solution du problème comporte donc des formules dans
lesquelles figureront beaucoup de coefficiens techniques et écono-
miques ; sans parler des questions diplomatiques qui peuvent
revêtir un caractère insoluble, ou à peu près.
Cependant, nous félicitons M. Milsom d'avoir planté quelques
jaUons sur ces voies pour signaler leur importance future. Il faut
d'ailleurs un commencement à tout.
BOUTY.
SOCIÉTÉ DE GÉOfiKAPHIE ET D'ARCHÉOLOGIE DORAN
Séance du Comité du 14 octobre 1901
DEiMISSIOX DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL
M. Bouty, invoquant l'état précaire de sa santé qui, depuis
quelque temps le met dans l'impossibilité de remplir conve-
nablement son mandat, précisément au moment où la
prochaine réunion du Congrès exige la plus grande activité, a
adressé au Comité sa démission de secrétaire général de la
Société.
Le Président expose que M. Bouty remplissait ces fonctions
depuis le 11 décembre 1885 avec un zèle exemplaire et un
dévouement sans borne aux intérêts de l'Oranie ; il demande
que le Comité, tout en s'inclinant devant les motifs sérieux
qui ont dicté sa détermination^ lui en exprime ses vifs regrets
et le prie d'accepter le titre de secrétaire général honoraire,
qui permettra à ses collègues de rester en communication
avec lui et de recourir à l'expérience et à l'érudition .de celui
qui fut et reste encore l'apôtre du Transsaharien de l'Ouest.
Cette proposition est adoptée par le Comité à l'unanimité
des membres présents.
M. Flahault, ingénieur-architecte, secrétaire de la Section
archéologique, est désigné pour remplacer M. Bouty dans ses
fonctions de secrétaire général de la Société.
A-ViQ-TJ-Stin BERIMA-RID
4
^ M. Eug. ETIENNE.
Permettez-moi, Monsieur, de vous dédier ces quelques
pages, où il est question d'un pays qui vous est cher. Vous
avei dit un jour de vous-même que vous étie^ simplement
un homme de bonne volonté : vous êtes aussi un homme
d'action, et, comme Gamhetta, dont vous conserve^ si
fidèlement le souvenir, un homme de cœur. Aussi, dans
cette Algérie déchirée par les luttes politiques, vous êtes le
seul homme politique qui naît presque pas d'adversaires
et pas un ennemi.
On peut dire de l' Algérie en particidier ce que le grand
géographe Reclus a dit de la Terre en général : qu'il y ferait
bon vivre en frères. Ce beau rêve deviendrait ime réalité si la
colonie comptait beaucoup dljommes comme vous. Si éloignés
que nous soyons, hélas ! de cet idéal, ne nous lassons pas de le
poursuivre, et élevons dans nos cœurs un autel à Athêna,
déesse de la sagesse et de la paix.
EN ORANIE
(( Le monde est grand, a dit Loti, et le voyageur en est le
vrai roi ». J'ai voulu me donner quelques semaines de cette
royauté dont les explorateurs sont les vrais titulaires, mais
à laquelle les simples touristes peuvent aussi participer
dans une plus faible mesure, et, au printemps dernier, je me
suis rendu en Algérie.
J'ai choisi la province d'Oran. C'est, des trois provinces
algériennes, celle pour laquelle j'ai toujours eu une secrète
préférence. Est-ce le climat plus vif, l'air plus tonique d'Oran?
Est-ce Tlemcen, la plus délicieuse ville indigène de l'Algérie,
qui m'attire, avec ses vergers, ses cascades et ses mosquées?
Est-ce le Sud et ses étendues immenses ? Est-ce le voisinage
du Maroc, qui donne tant d'intérêt à tout ce qui se passe en
Oranie? N'est-ce pas plutôt le réconfortant spectacle du succès
de la colonisation dans cette province où l'on fait moins de
politique et plus d'affaires qu'ailleurs, où l'on a, à Oran, à Bel-
Abbès, rimpression d'une activité bien ordonnée, d'une société
qui commence à trouver son assiette, qui vit et qui prospère ?
Je ne sais. Du reste, qui pourrait dire pourquoi l'on s'attache
en général si fortement à l'Algérie, pays poussiéreux, pelé,
tour à tour brûlant et glacé, et pourquoi l'on aime cette Afrique
française « jusques à ses verrues et à ses tâches?»
La Société de Géographie d'Oran m'ayant fait l'honneur de
me demander mes impressions de voyage, j'ai saisi avec
empressement cette occasion de m'acquitter envers mes
confrères d'une dette de reconnaissance. Mais je dois les
avertir que mes impressions n'ont rien de bien neuf; les villes
et les pays que j'ai traversés ont été maintes fois vus et décrits.
Ma seule excuse est que je me suis efforcé de les voir avec des
yeux de géographe, et que j'ai porté toute mon attention sur
l'étude des formes du relief, des aspects de la végétation et de
leurs rapports avec les groupements humains. Nul pays ne se
prête mieux que l'Afrique du Nord à des observations de ce
genre : le squelette de la terre s'y montre à nu, la végétation
27
238 EN ORANIE
spontanée est semblable à elle-même sur de vastes espaces, La
culture n'a adouci les pentes et transformé le sol que sur
de faibles parcelles ; de sorte que l'œil le moins averti est
sensible aux changements dans la nature du terrain et dans la
flore.
Pour me rendre dans l'Oranie, j'ai pris par l'Espagne et le
Maroc: c'est le plus long, mais peut-être aussi le plus court
pour la bien connaître. Ne retrouve-t-on pas, dans l'Algérie
occidentale, des populations d'origine espagnole, la préoccu-
pation des questions marocaines, et les paysages eux-mêmes
ne prêtent-ils pas à plus d'un rapprochement?
L'ESPAGNE
Parti de Paris par le Sud-Express, au milieu d'une pluie
glacée, je m'éveille le lendemain aux environs de Palencia. Le
jour parait, clair et froid; la gelée blanche couvre le sol, mais
bientôt le soleil se montre radieux dans un ciel pur, et illumine
les plaines sans fin de laVieille-Caslille. Ces plaines miocènes,
absolument dénudées, offrent la plus grande analogie d'aspect
avec les plaines de Sétif. Ce sont comme ces dernières des
terres à blé, peu et mal cultivées, où la végétation n'a qu'une
très courte période, interrompue en hiver par le froid, en
été par la sécheresse. Pas plus que dans les steppes algériennes,
l'irrigation n'est possible dans les Castilles, avec les cours
d'eau profondément encaissés, les barrancos, qui se sont creusé
un lit entre des parois alluvionnaires verticales très élevées,
et qui ressemblent à nos oueds africains.
Dans les gares, des indigènes, l'air pauvre et farouche,
regardent passer le train ; ils me rappellent les Kabyles,
sauvages et liers eux aussi, qu'on voit groupés de même sur
la lignQ.-de Tizi-Ouzou. Ce sont les mêmes attitudes, les mêmes
regards, probablement la même race. Les villages qu'on ren-
contre à de rares intervalles sont dominés par de grandes
églises massives, forteresses plutôt que maisons de prière.
Quelquefois on aperçoit des despoblados, dont il ne reste plus
qu'une église ou un couvent, qui se dresse énorme dans la
sohtude, au milieu des champs.
Et c'est ensuite la Sierra de Guadarrama, qui est un Iwrst
EN ORANIE 239
et non une chaîne, tout à fait caractéristique de ces massifs de
l'Espagne intérieure qui apparaissent seulement par dénudation
et par mise en saillie des parties dures, et qui constituent un
obstacle formidable aux communications. La Sierra de Gua-
darrama laisse voir principalement du granit décomposé, avec
des blocs perchés ou branlants, arrondis par les agents
atmosphériques et, au pied de ces blocs, les sables siliceux qui
sont le résultat final de leur destruction. Ce chaos de pierre
imprime au paysage un caractère étrange et triste, qui à certains
égards rappelle la Bretagne. La région est d'ailleurs inhabitée
ou à peu près. Le long de la voie, des plaques de neige témoi-
gnent de l'àpreté du climat et de l'altitude déjà considérable.
Avila en effet est à 1.100 mètres d'altitude. Au milieu d'un
amphithéâtre de montagnes neigeuses, elle dresse ses belles
murailles mauresques, parfaitement conservées, flanquées de
tours rondes, ses vieux murs, ses habitations sombres, sa
grande cathédrale qui domine et écrase la petite ville. Toutes
ces constructions sont en granit, ce qui donne à ce Quimper
espagnol la môme teinte grise, le même aspect sévère qu'à la
capitale de la Gornouailles. L'ensemble, demeuré tel qu'au
Moyen-Age, a un aspect à la fois militaire et religieux, guerrier
et conventuel, qui n'est pas sans grandeur.
La Sierra de Guadarrama est assez bien boisée en plusieurs
endroits, sauf la partie supérieure qui est rocheuse et nue.
Les boisements sont des pins et des chênes-verts, qui
croissent au milieu des blocs de granit. Le pin est, comme
dans les Landes, exploité pour sa résine, qu'un petit pot placé
le long de chaque arbre a pour office de recueillir. Le gland
doux s'appelle en Espagne Bellota, où l'on retrouve le bellout
des indigènes algériens. D'ailleurs, l'olive en Espagne s'appelle
ze'itouna^ et ainsi, à chaque pas, dans les noms des lieux et
des plantes, dans les monuments et les habitudes, se retrou-
vent les traces ineffaçables de la vieille domination musulmane,
qui fut, dans ce pays, si longue et si brillante.
Au-delà d'Avila, la voie ferrée, dont l'établissement a
nécessité de nombreux travaux d'art, viaducs et souterrains,
continue à s'élever sur les pentes de la Sierra. On a des vues
étendues sur les montagnes neigeuses, pendant qu'en bas
l'œil plonge sur des vallées profondes, incultes et désolées,
qui présentent un spectacle réellement solennel.
Après s'être élevée ainsi à 1.360 mètres d'altitude, la voie
240 EN ORANIE
redescend par des pentes rapides vers la Nouvelle-Gastille,
"iont les tristes plaines ne dilTerent guère de celles de la Vieille-
Gastille. Au sortir de la chaîne, on passe à l'Escorial, étrange
et lugubre édifice, auprès duquel notre Versailles, malgré sa
majesté, semblerait tout guilleret. On y montre la chambre de
Philippe II, avec ses murs nus et blanchis à la chaux, le pliant
sur lequel il allongeait sa jambe lorsqu'il avait la goutte, le
petit harmonium de Charles-Quint au monastère de Juste. Et
l'on comprend, mieux que par de longues lectures, la manière
d'être et la tournure d'esprit de ces funèbres souverains
espagnols, moines couronnés qui avaient choisi comme
villégiature ce site sauvage. Quel contraste avec les
gracieuses campagnes des environs de Paris, où vont, comme
dit Théophile Gautier, « en déshabillé blanc les jeunes
demoiselles » !
MADRID
Madrid n'a pas de banlieue, pas d'environs, et c'est bien la
capitale la plus artificielle qu'il soit possible de voir. Je n'ai
pas séjourné à Madrid. Malgré un clair soleil, il y soufflait une
bise glaciale qui faisait penser au proverbe que « le vent de
Madrid n'éteint pas une chandelle mais tue bien un homme »,
et à cet autre proverbe encore « qu'il y a à Madrid neuf mois
d'hiver et trois mois d'enfer ». Gomme les barbares nos
ancêtres, et comme aujourd'hui encore les hommes du Nord,
je me sentais invinciblementatliré vers le Midi tiède et joyeux.
J'ai pris le temps cependant de voir le musée du Prado, que
j'ai eu la chance de visiter avec un guide des plus aimables et
des plus compétents, M. MouUe, ingénieur français qui a
longtemps et à maintes reprises séjourné en Espagne. C'est
un des charmes de la vie de voyage que ces relations rapide-
ment nouées avec des compagnons qu'on ne reverra sans
doute jamais, mais qui nous donnent en quelque sorte le
meilleur d'eux-njêmes et dont on garde un souvenir excellent.
Je me souviens d'une après-midi passée ainsi à Quimper, en
compagnie de Luzel le folkloriste et d'Anatole Le Eraz le poète,
où j'en appris sur la Bretagne et les Bretons plus que je
n'aurais pu le faire en parcourant le pays pendant plusieurs
années.
EN ORANIE 241
Au Prado, on complète la leçon déjà reçue à l'Escorial ; on
comprend mieux l'histoire d'Espagne et on pénètre davantage
le caractère espagnol. Non seulement les tableaux des peintres
espagnols, mais ceux achetés à l'étranger par ou pour les
souverains sont à cet égard significatifs : partout l'idée de la
mort et la représentation de la mort. On connaît le Christ de
Burgos, « cadavre aux chairs livides et déjà décomposées, tout
couvert de caillots de sang, ayant au genou une écorchure
d'oi!i suinte un pus verdàtre. )> (l) A la Charité de Séville, un
tableau saisissant montre un archevêque mort et décomposé
dans son cercueil. Et cette donnée funèbre est vraiment le
leitmotiv de l'art comme du sombre catholicisme de l'Espagne.
La mort, l'amour frère de la mort, la cruauté, l'orgueil et la
vanité, tels sont les sentiments castillans dont on retrouve
l'expression sous des formes diverses dans cet admirable
musée de Madrid. On y voit de beaux primitifs, notamment
d'admirables Bosch (Le Triomphe de la Mort), et un certain
Patinir (XYI^ siècle), inconnu je crois ailleurs qu'à Madrid,
dont les œuvres m'ont vivement frappé : dans sa « Barque de
Caron », le sinistre passeur, dont le canot apparaît au loin
s'avance à travers un paysage nocturne de montagnes et
d'arbres d'une incroyable profondeur, où seul le sillage argenté
de la barque dans l'eau du fleuve met une lueur.
Mais c'est Velasquez, comme chacun sait, qui règne en
souverain au musée de Madrid, et Velasquez est un grand
maître. Ses infantes, avec leur air déjà ennuyé et solennel, ont
conscience d'être au dessus de l'humanité. Ses boutions de
cour, le « Primo » surtout, dont l'expression est si hautement
méditative, sont vraiment tragiques A noter aussi les Titiens,
en particulier l'inoubliable Charles-Quint à cheval : c'est cer-
tainement à ce portrait que pensait Michelet lorsqu'il définissait
Charles-Quint « un procureur ». Et en regardant cet homme
triste et maigre, à la barbe rare, on croit voir plutôt, malgré
l'armure, un notaire accablé d'affaires que le souverain dans
les États duquel le soleil ne se couchait jamais.
En somme, bien que la a. couleur locale » de nos écrivains
romantiques soit, on l'a souvent dit, généralement fausse, il faut
convenir que Victor Hugo, soit parce qu'il connaissait l'Espagne,
soit atavisme de Franc Comtois, a très exactement compris et
(1) L. BerU-and.
2^ EN ORANIE
rendu plusieurs des côtés saillants du caractère espagnol. Les
personnages d'Hernani et de Ruy Blas, comme le Cid de
Corneille, sont réellement castillans. Mon compagnon l'ingé-
nieur des mines m'a conté plus d'un trait de noblesse du
caractère espagnol, et aussi de Don-Quichottisme, dont il a été
le témoin. Le sentiment de la liberté individuelle est également
très développé chez ce peuple. En me promenant à la Puerta
del Sol, je vis la foule prendre énergiquement fait et cause
pour un vieux et horrible mendiant qui semblait un Goya
descendu de son cadre, contre un agent de police auquel elle
faillit faire un mauvais parti.
L'ANDALOUSIE
Après avoir traversé pendant la nuit les steppes de la
Manche et la Sierra Morena, je me réveille dans la riche Anda-
lousie, huerta d'oliviers au milieu desquels le blé est déjà haut.
Et l'opposition se marque bien, comme dans notre Algérie,
entre les hautes steppes de l'intérieur et les plaines basses de
la périphérie. En somme, le plateau des Gastilles est plus
africain, au vrai sens du mot, c'est-à-dire dénudé, sans arbres,
et à climat extrême, tour à tour très chaud et très froid ; il
ressemble à notre Afrique intérieure, à la région de Boghari
par exemple, ou mieux encore à la plaine de Sétit. L'Anda-
lousie est plus méditerranéenne, elle rappelle le Sahel d'Alger
ou la Riviera. La végétation déjà exotique, les agaves, les
figuiers de Barbarie complètent la ressemblance. C'est d'ail-
leurs une riche plaine alluviale, très bien arrosée et dans des
conditions climatériques exceptionnelles, garantie des vents
du Noi'd, ouverte aux vents humides du Sud-Ouest, et rece-
vant en outre l'eau descendue des sommets de la Sierra
Nevada^v
Je me suis arrêté à Cordoue, dont la grande mosquée est
une pure merveille. Avec sa forêt de colonnes, elle donne une
remarquable impression de grandeur, de richesse et de goût.
Il faut admirer surtout le mihrab, et la chapelle qu'on appelle,
sans doute avec raison, l'ancien mihrab (la mosquée a été
agrandie à deux reprises dilférentes), bien qu'il ne m'ait pas
paru orienté. On restaure cette chapelle et l'on refait aussi le
magnifique plafond de cèdre. Pour rendre à la mosquée son
EN ORANIE 243
aspect primitif, il faudrait surtout faire disparaître lacathédrale
que les chrétiens ont bâtie à l'intérieur et comme encastrée
dans l'édifice musulman, véritablement déshonoré au point de
vue artistique. Et cela n'est-il pas vraiment symbolique? Les
Espagnols n'ont-ils pas de même approprié à leur usage, en
les dégradant, les institutions, les travaux hydrauliques, les
œuvres de tout genre que leur avaient léguées les Maures ?
L'époque arabe est la seule époque de véritable prospérité
qu'ait connue l'Espagne. Il y a vraiment eu là, aussi bien au
point de vue matériel qu'au point de vue artistique et scienti-
fique, une floraison inouïe. Il me semble que ce remarquable
phénomène n'a jamais été étudié d'assez près. Ni les envahis-
seurs, Arabes mêlés de Berbères, ni les peuples conquis ne
semblaient susceptibles d'arriver aussi vite au haut degré de
civilisation que dénote le kalifat de Cordoue.
La population de Cordoue semble moins africaine d'aspect
que les paysans des Gastilles. Sans doute l'élément urbain
s'est perpétué, mieux que l'élément rural, à travers les révo-
lutions, et est en partie antérieur à la conquête musulmane.
En tout cas, les habitants de la vieille capitale des émirs ne
paraissent pas avoir conservé de traces d'éléments sémitiques.
Les maisons de Cordoue, il est vrai, comme celles de toute
l'Andalousie, ont la disposition de la maison arabe : mais
n'est-ce pas celle aussi de la maison romaine ? La cour
intérieure, le patio, n'est-il pas tout simplement une dispo-
sition imposée par le climat, et à laquelle nous avons eu grand
tort de substituer en Algérie nos laides bâtisses à cinq
étages ?
En me rendant à la gare, je rencontre des mendiants
magnifiques, comme on n'en voit qu'en Espagne, et qui ont
vraiment l'air de grands seigneurs dans l'embarras ; ils me
remercient avec des gestes si nobles que je me demande si ce
n'est pas moi qui suis leur obligé, et que j'ai presque honte de
ne leur donner qu'un perro ch'ico (1).
l>e Cordoue à Séville, on suit la belle vallée fertile du
Guadalquivir qui roule ses eaux rougeâtres le long de la voie.
(1) On sait qu'en Espagne le petit sou s'appelle un -perro chico, un petit
chien, et le gros son, un perro grande, un grand chien, le peuple prenant
pour un chien le lion dont l'efligie. figure sur cette monnaie, de même que
les indigènes algériens appellent Bou-Meclfa lesdouros espagnols, prenant
pour des canons les Colonnes d'Hercule qui y sont représentées.
244 EN ORANIE
On côtoie à droite la Sierra-Morena, et l'œil le moins averti
peut reconnaître que ce n'est pas là une chaîne de montagnes
ordinaire, mais un rebord de plateau brusquement coupé
par des effondrements. A mesure qu'on descend vers le Sud,
la végétation est de plus en plus avancée ; les palmiers-nains
et les asphodèles dominent dans la flore spontanée ; les saules
et les autres arbres à feuilles caduques montrent leur jeune et
tendre verdure de printemps ; la principale culture consiste
dans des olivettes plantées en quinconces et soigneusement
labourées. Sans doute, avec des irrigrdions, la vallée du Chélif
pourrait avoir un jour cet aspect-là. Sur un éperon de gneiss
apparaît la superbe ruine du château d'Almodovar del-Rio,
que les détours de la voie font plusieurs fois réapparaître ; à
ses pieds s'étend un petit village aux murs blancs et aux toits
rouges, en tout semblable à nos villages kabyles. Dans les
gares, des vendeurs sollicitent le voyageur ; ce qu'ils vendent
est assez caractéristique: ce ne sont pas d'épaisses nourritures,
des bières ou des alcools comme dans les pays du nord ; ils
vendent de Vaqua fresca et des bouquets de violettes, des
fleurs et de l'eau pure, que produit la plaine Andalouse et que
consomme son peuple sobre et amoureux.
*
* *
S É V I L L E
A l'hôtel où je descends à Séville, il y a beaucoup d'Allemands,
passablement de Français, peu d'Anglais. Les Anglais, à ce
qu'il m'a semblé, voyagent peu cette année, soit que la guerre
du Transvaal mette bien des familles en deuil, soit qu'ils
craignent d'entendre sur le continent trop de réflexions qui
leur seraient pénibles. Un Allemand, mon voisin de table,
voyage en Espagne pour ie compte d'une maison anglaise :
cela est pour renverser un peu les idées et les théories de nos
nationalistes intransigeants, qui s'indignent parce que des
capitaux belges se rencontrent avec des capitaux français
dans quelque entreprise financière. De plus en plus, avec la
facilité croissante des communications et des échanges, il
deviendra difflcile de distmguer l'origine réelle des capitaux et
des marchandises.
Vue du haut de la tour de la Giralda, la plaine d'Andalousie,
couverte de moissons et de vergers, semble très-large ; il est
vrai qu'à cette hauteur les reliefs s'efîacent et s'aplatissent.
EN ORANIE 245
Le regard s'étend d'une part jusqu'à la Sierra-Morena, de
l'autre jusqu'à la Sierra-Nevada, dont on aperçoit les hautes
cimes dans le lointain.
L'art arabe de Séville ne m'a pas produit une aussi vive
impression que la mosquée de Cordoue. Malgré de fort belles
choses, c'est un peu de l'art arabe de café concert. L'Alcazar,
avec son patio, sa salle des Ambassadeurs, sa chambre à
coucher des rois matu*es, est trop orné, trop doré, trop restauré
aussi peut-être. Un des souvenirs qu'évoque l'Alcazar est celui
de Maria de Padilla, favorite de Pierre le Cruel ; on y montre
les bassins oi^i se baignait la dame; la chronique rappoi-te qu'il
était d'usage que le roi et les courtisans vinssent lui tenir
con;pagnie: la galanterie suprême voulait alors que les cavaliers
bussent de l'eau du bain.
Deux Marocains, qui d'après leur tenue me paraissent être
des personnages importants, visitent l'Alcazar en même temps
que moi. Il serait curieux de connaître leurs impressions ;
mais il n'est pas facile de connaitre les impressions des
indigènes devant un édifice ou un spectacle quelconque. Le
nil admirari est leur devise, et, lorsqu'ils sont émus, ils n'en
laissent rien paraître. D'ailleurs, sont-ils émus ? Ceux-ci se
doutent-ils de la profonde décadence que dénote chez eux la
comparaison du Maroc actuel avec l'Andalousie de jadis ? N'en
prennent-ils pas plutôt prétexte pour penser que tout ce qu'il
y a de beau et de bien dans le monde est dû aux musulmans,
et qu'ils pourront, s'il plaît à Allah, reconquérir le pays jadis
occupé par eux ?
Il y aurait beaucoup à dire de la cathédrale de Séville, qui
est tout un monde. Mais je suis venu voir le pays et les
habitants plutôt que les monuments du passé ; n'ayant aucune
compétence au point de vue archéologique, je m'intéresse à
ces derniers seulement en tant qu'ils sont représentatifs d'une
population ou d'un milieu.
Séville est un dédale de rues étroites où l'on trouve quelques
belles maisons. Certains patios sont tout à fait remarquables,
mais peut être les modestes patios de Cordoue, blanchis à la
chaux et tleuris de géraniums, produisent-ils une impression
plus agréable : il y a des grisettes qui sont plus jolies que des
duchesses.
Il ne faut pas, sur la foi de Théophile Ga.utier et des autres
romantiques, s'exagérer outre mesure le pittoresque de Séville.
246 EN ORANIE
C'est dans la calle de las Sierpes, interdite aux voitures, que
l'on voit détiler tout Séville; comme il pleut à torrents, chacun
s'est armé d'un immense parapluie rose. On voit passer, avec
ce même parapluie, des prêtres qui flânent en fumant leur
cigare, des employés des postes qui flânent aussi. Les
facteurs n'ont pas de boîtes, l'activité de la correspondance en
Espagne rendant cette complication inutile ; avec leurs costu-
mes d'offlciers de marine, ils ont l'air de gens pas pressés qui
vont porter quelques lettres d'introduction. Les femmes de
Séville, quoiqu'elles aient en général de fort beaux yeux, ne
m'ont pas paru d'une beauté ni d'une élégance particulière.
Aucune ne porte de chapeau ; tilles du peuple ou bourgeoises,
jeunes ou vieilles, depuis six ans jusqu'à quatre-vingts, toutes
ont, avec la mantille, des fleurs naturelles dans les cheveux.
Des Françaises qui sont affublées de chapeaux semblent de
véritables caricatures, tellement l'œil se déshabitue vite de
l'édifice qui chez nous surmonte les têtes féminines.
Dans cette même calle Sierpes sont les principaux cercles
de Séville ; ils ont ceci de particulier qu'ils sont situés au
rez-de-chaussée et ont vue sur la rue ; on y est assis côte à
côte, comme en tramway, ou encore comme dans ces fauteuils
élevés sur lesquels on prend place pour se faire cirer ses
chaussures. Les membres du cercle se contentent de regarder
la rue, qui les regarde. Personne ne boit « l'apéritif », ni
aucun des alcools plus ou moins falsifiés dont les parfums, à
Paris ou à Alger, empestent l'air vers cinq heures à la terrasse
des cafés. On boit Je l'eau, rien que de l'eau ; la seule diflerence
est qu'il y a des cercles où on la boit dans de grands verres,
d'autres où on la déguste dans des flûtes à Champagne. Déci-
dément, ce peuple est sobre: c'est une force. En outre, comme
je l'ai déjà noté à Madrid, il parait y avoir beaucoup de
simplicité et de véritable égalité dans ks relations sociales. Le
Midi e§t égalitaire, parce qu'on n'y a pas de besoins, que le
riche et le pauvre s'y nourrissent pour quelques sous, avec
des pastèques ou des coquillages, et que le soleil luit pour tout
le monde. La steppe et le désert, où l'on mène la vie pastorale,
sont plus égalilaires encore ; chez les Arabes nomades, tout le
monde est noble, mais tout le monde est peuple. Et il y a bien
peu de difTérence entre le plus grand chef et le dernier des
pasteurs ; tous deux ont la même habitation, une tente ; le
même vêtement, un buî-nous ; la même nourriture, la viande
EN ORANIE 247
et le lait de leurs troupeaux. Au contraire, il est intéressant
de remarquer combien, dans les pays de civilisation indus-
trielle de l'Europe occidentale, et, je crois, de l'Amérique,
dans les villes-raonstœs comme Paris et Londres, le mouvement
des mœurs va en sers inverse du mouvement politique qui
porte vers la démocratie. Jamais sans doute, en aucun temps
et en aucun pays, il n'y eut autant de difïérence entre les
hommes qu'il y en a entre un grand manufacturier et les
prolétaires qu'il emploie, entre un habitant de l'avenue des
Champs-Elysées et un habitant de Pantin. On raconte qu'un
satrape perse, étant venu àMédiiie, demanda à être introduit
en présence du khalife Omar ; on lui montra un homme qui
dormait contre un mur, enveloppé dans un burnous rapiécé,
et on lui dit que c'était là le khalife. La République française
a connu des présidents qui avaient moins de simplicité ; il n'y
a pas jusqu'à nos ministres d'un jour qui, avec leur insolence
de parvenus, ne se considèrent parfois comme d'une essence
supérieure à celle du commun des mortels. La véritable
démocratie, la fraternité des croyants, n'a jamais été aussi bien
comprise et pratiquée que chez les peuples musulmans.
Mais revenons à Séville. J'ai visité la manufacture de tabacs,
qui emploie des miliiers d'ouvrières. Le spectacle qu'offrent
ses immenses galeries voûtées est intéressant, bien que les
Carmen de l'endroit sont en général laides et vieilles. Ici
encore, il iaut oublier Mérimée et les souvenirs du roman-
tisme. Deux détails m'ont frappé : les travailleuses qui ont
des enfants à la mamelle placent à côté d'elles de petits
berceaux, et, au fond de chaque salle, des bougies brillent
devant une chapelle de la Vierge.
Les danses andalouses ne sont pas moins décevantes, au
point de vue pittoresque, que la manufacture de tabacs. Une
affiche d'un goût assez singulier, annonçant les fêtes de la
Semaine-sainte, représente un prêtre et une danseuse : c'est en
effet tout Séville, et cette idée d'avoir mis sur la même affiche
ces (( attractions », donne comme un avant-goût du caractère
passablement carnavalesque qu'afïectent ici, paraît-il, les
processions de la Semaine-sainte. L'époque de mon séjour
n'étant pas celui de ces cérémonies, je me suis contenté de
voir des danses, ou, comme on dit, une Escuela de Balle. Le
spectacle m'a paru médiocre, monotone et sans grand intérêt.
Comme tous les spectacles organisés spécialement à l'intention
248 EN ORANIE
des étrangers, celui ci était sans couleur et sans vie. Combien
plus intéressant le combat de coqs auquel j'assistai le
lendemain !
Qu'on imagine un petit cirque, contenant une centaine de
places environ, au milieu duquel est une corbeille, semblable à
celle des agents de change à la Bourse, et qui va être le théâtre
du combat. Tout autour, des Espagnols sont entasses, les
aficionados ayant des places spéciales et réservées plus près
de la corbeille. On apporte deux coqs à demi déplumés ; un
arbitre les pèse et s'assure que les deux adversaires sont de
poids à peu près égal ; puis il leur passe du citron sur les
ergots, pour éviter une fraude qui consiste à les enduire de
quelque narcotique. On introduit les deux coqs dans la corbeille,
et alors commence une lutte acharnée et féroce, pendant que,
tout autour, des paris s'engagent au milieu des cris et des
vociférations. La principale péripétie de la lutte est le moment
où l'un des coqs a réussi à crever un œil à son adversaire,
parce que celui-ci, aveuglé par le sang, se trouve alors dans
des conditions d'infériorité manifestes. C'est à qui, parmi les
parieurs, s'apercevra le premier de cet accident ; les vociféra-
tions redoublent alors. Lorsqu'un des deux coqs semble vaincu,
l'arbitre prend un sablier, et le combat est terminé si l'animal
reste étendu à terre sans faire un mouvement pendant le temps
que le sable s'écoule. Mais souvent il se relève, et la lutte
recommence, à coups de bec et d'ergots. Ce spectacle des coqs
couverts de sang, s'acharnant sans trêve, est extrêmement
féroce, plus encore peut-être que les combats de taureaux. Il y
a surtout un moment oii le coq vainqueur se met à becqueter
le sang et la cervelle qui coulent de la tête de son rival, qui
fait vraiment passer un petit frisson. Et, comme à Madrid j'ai
compris la royauté espagnole, ici j'ai compris 1 Inquisition.
De Séville à Cadix, j'ai traversé l'Andalousie sous une pluie
diluvienue, et telle que j'en ai rarement vu, quelque habitué
queje sois aux pluies du Midi. La plaine basse du Guadalquivir,
où la pente est très faible, est entièrement noyée. Et, lorsque le
train s'engage sur la flèche de sable qui relie Cadix au
continent (à peu près comme à Quiberon), dans le soir qui
tombe, au milieu de la tempête qui se déchaîne et soulève les
flots de la mer, pendant que l'eau du ciel et celle de la terre se
confondent, il semble que le train lui-même va disparaître
dans toute cette eau.
EN ORANIE 249
Cadix, enfermée dans ses murailles, rattachée seulement à
la terre par un isthme étroit, a une physionomie très spéciale
avec ses hautes maisons aux toits plats. Cette vieille Gadès est
un remarquable type de ville phénicienne, à laquelle s'applique
admirablement la description de Carthage par Flaubert :
« Carthage était défendue sur toute la largeur de l'isthme. . .
Par derrière, la ville étageait en amphithéâtre ses hautes
maisons de forme cubique. . . d'innombrables ruelles, s'entre-
croisant, la coupaient du haut en bas. »
Le lendemain au matin, je m'embarquais pour Tanger par
une abominable tempête, sur l'excellent vapeur JoaguinPeiat/o,
de la Compania Transatlantica Espanola. 11 est propre et
soigné comme un yacht et tient très bien la mer malgré le gros
temps. La comparaison n'est pas à l'avantage des tristes navires
sur lesquels on fait parfois les traversées de Marseille en
Algérie. Pauvre marine marchande française ! Faut-il qu'elle
soit déchue, pour qu'on en arrive à lui préférer la marine
espagnole !
TANGER
La position de Tanger, adossée à un promontoire qui la
garantit des vents d'Ouest, est celle de plusieurs villes côtières
de la Berbérie, d'Alger et de Bône notamment. Le golfe, qui,
entre Tanger et la pointe Malabata, décrit une courbe gracieuse,
a environ six kilomètres de circonférence et deux kilomètres
de largeur. Comme dans les baies analogues d'Algérie, des
dunes de sable se sont formées dans la partie Est de ce golfe ;
la plage, où sont des jardins et des villas, des guinguettes et
des cafés, est un lieu de promenade à pied et à cheval ; c'est là
qu'en été on vient se baigner. Au fond de la baie est une
maison blanche isolée: c'est la propriété de M. WalterB. Harris,
l'explorateur bien connu.
Les difficultés du débarquement sont assez grandes à Tanger,
bien qu'un wharf y ait été construit. Souvent les opérations
avec la terre sont interrompues pendant des jours entiers.
Les Anglais, qui occupèrent Tanger en 1662, avaient cons-
truit une jetée dont il reste des traces, mais ils la détruisirent
en évacuant la ville en 1684. Tanger pourrait facilement, avec
quelques travaux, être transformée en un bon port. « C'est,
250 EN ORANIE
dit M. Th. Fischer (1), le port d'importation et d'exportation
de tout le Maroc septentrional, la principale porte d'entrée de
l'Europe au Maroc, et l'emporium du détroit, beaucoup plus
que Gibraltar, qui n'a pas dlivitcrland. On pourrait y cons-
truire une forteresse commandant le détroit de Gibraltar. »
Peut-être l'éminent géographe exagère-t-il un peu l'avenir
de Tanger ; il nous semble que ce point doit une partie de son
importance actuelle à ce que c'est le seul qui soit déjà
« européanisé » : l'entrée du Maroc dans la colonisation lui
ferait perdre cette prééminence. Au point de vue stratégique,
nous nous sommes laissé dire par des gens compétents que la
véritable a clef du détroit » est non pas Tanger, mais Ceuta et
le Djebel-Mouça.
Quoi qu'il en soit, Tanger, portugaise au XV^ siècle,
espagnole au XVI^, anglaise au XVII^', bombardée par le
prince de Joinville en 1844, est présentement marocaine.
Le débarquement s'y fait, comme au temps d'Alexandre
Dumas, avec une certaine confusion, au milieu des cris des
matelots indigènes qui réclament des sommes fantastiques
pour vous mener à terre lorsque le temps est mauvais.
Le Raïs-el-Marsa (capitaine du port) est un vénérable
musulman aux burnous immaculés et à la barbe blanche,
dernier descendant de ces hommes de mer qui ont fait trembler
toute la Méditerranée. Un petit vapeur du sultan, le BecJnr,
est mouillé dans la rade, mais il est, je crois, commandé par
un équipage allemand.
Au nord de la jetée, Tanger tombe à pic sur la mer, dont
l'érosion paraît avoir été très intense de ce côté : c'est l'aspect
que, d'après les gravures anciennes, présentait Alger avant la
conquête, mais ici ce sont des couches tendres que forment le
rivage, au lieu des gneiss d'Alger.
Vue de la mer, la ville ressemble aux autres cités du littoral
de l'Afrique du Nord. Ses cubes de pierre blanche s'étagent en
amphitiiéàtre sur la colline que couronne la Kasba. Elle
produit, paraît-il, une certaine impression sur les Roumis qui
n'ont jamais vu nos villes algériennes; pour moi, qui suis
familiarisé avec ce spectacle, j'avoue qu'elle ne m'a pas paru
olfrir un intérêt exceptionnel. La vie indigène est peut-être
(l) Th. Fischer ; Wissenscha/ftic/ie Ergehnisse einer Reise im
Atlas-Vorlande von Marokko (Peterm. Erg'dm. xx" 133, Golha, Justus
Pertbes, 1900).
EN ORANIE 251
plus intéressante à Tlemcen ou à Tunis. La couleur locale de
Tanger s'en va de jour en jour. De nombreuses maisons
européennes se sont élevées dans ces dernières années ; le petit
Zocco (Soiik-es-Srir), véritable centre de la ville, sur lequel
les Postes françaises, allemandes, anglaises et espagnoles se
font face, est défiguré par ces constructions. Tanger n'est pas
le Maroc, et les musuhiians l'appellent avec mépris « la ville
des cbiens » : ils l'ont en quelque sorte abandonnée aux
chrétiens, qui s'y sentent chez eux. Les hiverneurs et les
touristes, les Anglais principalement, y sont très nombreux.
Si je ne craignais d'être taxé de paradoxe, je dirais que
Tanger, incessamment traversé par des caravanes de touristes,
à cheval et à mulet, m'a rappelé Zermatt. Mais on
ne me croirait pas.
La population de Tanger, assez diversement évaluée (1),
paraît atteindre environ 25.000 habitants; dont 12.000 Juifs,
7.000 Musulmans, 6.000 Européens, parmi lesquels 5,000 Espa-
gnols. Les Juifs, très influents, soumis à l'autorité d'un grand
rabbin, ne sont pas, comme dans les autres villes du Maroc,
parqués dans un ghetto. Les Français ou protégés français
sont au nombre de 300 environ.
Tanger est la seule ville du Maroc où les habitants aient osé
sortir des murailles de l'enceinte et se bâtir des maisons de
campagne dans la banlieue, oîi ils trouvent l'air, la lumière et
la verdure. Ce sont les ministres et les consuls des puissances
étrangères qui ont commencé ; le ministre d'Allemagne
notamment occupe, près de la porte de Fez, une maison
mauresque entourée de jardins qui sont parmi les plus beaux
de Tanger ; la « maison de France » était jusqu'ici demeu-
rée à l'intérieur des murs ; mais elle aura bientôt sur le
plateau, grâce à M. Revoil, une situation digne d'elle.
C'est sur le plateau du Marchan qu'en 1437 les Portugais,
qui avaient essayé de prendre Tanger, furent assiégés par
70.000 indigènes et obligés de capituler. Ce plateau, qui servait
autrefois de champ de manœuvres aux troupes, connue la
campagne de l'Agha à Alger, et de lieu de campement pour les
grandes caravanes, est maintenant couverte de villas et de
jardins ; les Européens y ont même fait faire une route pavée
(1) Budgett-Meakin : The Land of the Moors, p. 90. — Tli. Fisclier
Atlas-Vorland, p. 19. — Paul Pelet : Tanger (C. R. Soc. Géogr. Paria,
1896, p. 182).
252 EN ORANIE
carrossable, la seule qui existe dans tout le Maroc. Enfin de
belles propriétés s'étendent sur la route du cap Spartel : la plus
éloignée et une des plus remarquables est la villa Pcrticaris.
Les environs de Tanger sont habités par des Berbères
sédentaires plus ou moins arabisés. Comme tous leurs
pareils, ils sont surtout jardiniers et cultivateurs de vergers.
Leurs maisons sont entourées d'ngaves et de figuiers de
Barbarie ; çà et là un palmier isolé balance au vent son maigre
panache ; ils cultivent l'olivier, la vigne, le figuier, le
grenadier. On peut très bien voir ces Berbères, et aussi des
Rifains, sur le Zocco (Souk) ou marché de Tanger, qui olTre un
très intéressant spectacle. Non seulement les hommes, mais
les femmes (non voilées) et les enfants y viennent en grand
nombre. Les hommes sont en général grands et forts, la
poitrine large, la tête ronde, la physionomie intelligente ;
certains ont les cheveux longs et la barbe tressée.
*
LE DJEBEL
On appelle Djehel ou Djebel Kébir la région de collines qui
s'étend à l'W. de Tanger jusqu'au cap Spartel, VAmpelusium
des Romains. J'ai fait cette excursion classique. « C'est, dit
Th. Fischer, un plateau, articulé seulement par l'érosion et la
dénudation, où dominent les grès argileux et les argiles. »
Il n'y a d'ailleurs pas de plissements (1) dans tout le Maroc
septentrional à l'W. du méridien de Tanger, jusqu'à l'Oued-
Loukkos et à Ksar-el-Kebir. C'est seulement par des failles
qu'est articulée la région, où se succèdent, d'W. en E., des
terrains pliocènes, miocènes et éocènes. Les argiles, comme l'a
remarqué Coquand (2), se laissent délayer par les eaux et
contrastent par leurs profils émoussés avec les lignes saillantes
dessinées par les grès ; en hiver, ces argiles, converties
par les pluies en fondrières, sont impossibles à traverser,
même à cheval .
Les argiles portent des moissons, les grès sont couverts par
le maquis. La brousse est composée d'arbustes à feuilles
(1) Th. Fischer, p. 22.
(2) Coquand (Bull. Soc. Géol. Fr , 18i7. p. 12;}l)et Bleicher (C. R. A.
Se, 1874, p. 1712^ altribuent ces couches à réocùue: on peut se demander
si elles ne seraient pas, en partie au moins, miocènes.
F.N ORANIE 253
persistantes, hauts de 1 à 4 mètres, et deviendrait sans doute
une forêt si elle était garantie do la dent des chèvres et
des ravages des fabricants de charbon. Le maquis est épais ;
le chêne-liège et le chêne-vert y dominent, avec les cistes et
les bruyères blanches, qui atteignent 3 mètres de hauteur,
les genêts, les myrtes, les sauges, les romarins, les lentisques,
le palmier-nain, les asphodèles, les scilles ; il donne sans
doute une idée assez exacte de ce que devait être le Sahel
d'Alger avant la conquête ; arrosé par des pluies abondantes,
renfermant des sources nombreuses, le Djebel pourrait devenir
un vaste jardin comme il y en a autour des grandes villes
d'Espagne (1).
Bien que je n'aie traversé qu'une seule rivière au Maroc, j'ai
pu me rendre compte du genre d'agrément que cela présente,
car je suis tombé dans l'Oued-el-Youd (2), mon mulet ayant
maladroitement enfoncé dans l'argile détrempée au passage du
gué. Il y avait en ce point un pont, qui avait été établi par la
Commi-'-sion internationale chargée de l'éclairage du phare du
cap Spartel. Il a été emporté par la rivière pendant l'hiver de
1886-87 et n'a pas été rétabli depuis.
*
* *
DE TANGER A GIBRALTAR
Il m'avait été impossible, pendant la traversée de Cadix à
Tanger, d'apercevoir quoi que ce soit du détroit, au milieu de
la tempête et des vagues qui couvraient le navire. Il en fut
autrement, fort heureusement, de Tanger à Gibraltar. En
sortant de Tanger, on prend la direction du N.-E. : on passe
successivement devant la maison blanche de M. Walter
B. Harris et devant la tour de Malabata ; puis on perd de vue
Tanger, on double la pointe d'Alcazar (Ksar-es-Srir), et on
commence à apercevoir le Djebel Mouça, ainsi que l'ensemble
du rnassit montagneux qui domine Geuta. A voir de loin cette
(1) Th. Fischer, p. 25-26.
(2) AiQsi nommé, parait-il, parce qu'un gi'and nombre de Juifs exilés
d'Espagne furent forcés d'y débirquer; les Américains voulaient établir
un emporium à son embouchure, mais la permission leur en fut refusée
(Budgett Meakin, The Land of the Moors, p. 89),
28
254 EN ORANIE
masse imposante de calcaires grisâtres, on croii'ait volon-
tiers être en présence d'un îlot de lias, comme celui qui
compose le rocher de Gibraltar, et comme ceux qu'on rencontre
en tant de points de l'Algérie. Cependant la carte géologique
internationale indique ici seulement des terrains paléozoïques,
qu'elle attribue au Silurien. Mais, d'après les observations de
Ramsay et Geikie (1), il pai^aît bien évident que c'est la carte
qui se trompe. Quoi qu'il en soit, ce Djebel Mouça est extrême-
ment majestueux : c'est l'autre « colonne d'Hercule », le
pendant du rocher de Gibraltar,
De l'autre côté du détroit, on aperçoit successivement
la ville et la pointe de Tarifa, derrière laquelle brillent les
dunes de sable qui s'étendent jusqu'au cap Trafalgar ; la baie
d'Algésiras, également sableuse à l'W., dans laquelle on
pénètre, enfin Gibraltar. Le détroit, qui avait 45 kilomètres de
largeur entre le cap Spartel et le cap Trafalgar, n'a plus
que 20 kilomètres entre Gibraltar et Geuta. La vieille montagne
à laciuelle le Berbère Tarik a laissé son nom, percée de galeries
dans lesquelles s'ouvrent à intervalles réguliers des embrasures
pour les canons, est véritablement imposante. Semblable par
sa forme à un lion accroupi, elle symbolise la puissance
britannique. A son ombre dorment de vieilles frégates, qui
datent du temps de la marine à voiles, transformées en pontons
et en soutes à charbon.
Je me suis trouvé à Gibraltar le jour du passage du duc et
de la duchesse de Gornwall et d'York. Ces futurs héritiers
du trône de Grande-Bretagne se rendent en Australie, et vont
visiter l'empire britannique, épars sur toute la surface des
mers. Et c'est là certainement une belle « éducation de prince ».
Toute une escadre anglaise est réunie pour saluer et escorter
les futurs .souverains. Sur le rocher, les lumières s'allument
une à une et piquent l'ombre ; accrochées si haut, sur cet
étroit-- rocher à pic qu'on ne voit pas, elles semblent des
étoiles. Puis toute l'escadre s'illumine, et le coup d'œil est
féerique. C'est l'Angleterre se donnant à elle-même le spec-
tacle de sa puissance navale ; et, tout autour du globe, partout
où le duc d'York va passer, il retrouvera ainsi de la terre
anglaise, des villes anglaises, des hurrahs, des escadres et des
soldats rouges.
(1) E. Suess, La Face de la Terre, trad. fr., t. I, p. 299.
EN ORA.NIE 255
Les derniers rayons du soleil couchant sont les plus beaux
et les plus éclatants : la grandeur britannique va-t-elle se
coucher à l'horizon de l'histoire ? L'impérialisme, le milita-
risme, le protectionnisme, le fédéralisme, nés du sang des
Boers, vont-ils lui infuser un sang nouveau, ou au contraire
sonner son glas ? Qui pourrait le dire ?
*
* *
DE GIBRALTAR A MELILA
La côte du Rifne m'a pas présenté tout- à-fait l'aspect auquel
je m'attendais. D'après le peu que j'en ai vu (une partie
de la traversée s'étant faite de nuit), les hautes montagnes ne
se dressent pas aussi près du littoral et n'ont pas, tant s'en faut,
un aspect aussi pittoresque que lorsqu'on longe la Grande
Kabylie et le golfe de Bougie. Cela tient sans doute en partie
à ce que les schistes, qui dominent, donnent des formes plus
arrondies, tandis que les calcaires se présentent en pics aigus.
Entre le cap Très- Forças et Melila, le littoral, quoique élevé,
ne semble porter qu'une végétation assez maigre. La carte
géologique internationale indique ici des schistes cristallins,
suivis vers l'intérieur de terrains siluriens : n'y aurait-il pas,
sur le bord même de la mer, une bande de terrains récents
(miocène ou pliocène argilo-sableux, surmonté de grès)? Il est
impossible d'en décider. A quel point est inconnu ce Rif, dont
on ne sait rien que par renseignements indirects au delà
de ce qu'on aperçoit du pont des navires, c'est ce qu'a
montré Duveyrier (1) ; il se proposait, vers la fm de sa
vie, d'en tenter l'exploration, et réussit effectivement à aller
de Tlemcen à Melila. Jusqu'à ces dernières années, avec le
Français Roland Fréjus, qui, en 1667, par ordre de Louis XIV,
alla d'El-Mezemma, ville marocaine, vis-à-vis d'Alhucemas,
jusqu'à Taza, Duveyrier était le seul Européen libre qui eût
traversé une partie du Rif. Les belles explorations que vient
d'accomplir M. de Segonzac, jointes aux renseignements
rapportés par M. Forrest, vont heureusement combler beau-
coup de lacunes.
(l) Duveyrier : Le Rif: la dernière partie inconnue du littoral
méditerranéen, 8", Paris, 1888.
256 EN ORANIE
M E L I L A
lelila (1), que les Espagnols appellent Melilla, située à
la racine de la péninsule montueuse qui se termine par
les hautes terres du cap des Trois-Fourches, est le plus
important des presidios espagnols. Le mouillage est bien
garanti contre les vents d'ouest. La forteresse, dont les blan-
ches murailles s'aperçoivent de fort loin lorsque le soleil
les éclaire, est bâtie sur une terrasse, à la base d'un rocher
escarpé qui porte le fort du Piosario. Le rocher sur lequel est
bâtie la ville n'a pas plus de 500 mètres dans sa plus grande
dimension : il est limité par des falaises inaccessibles au nord,
coupées de quelques antractuosités au sud.
Des pêcheurs Rifains, nu-tête et sans chéchia, avec un
indigène au gouvernail, conduisent à terre. Ce sont de beaux
marins, dont les qualités nautiques trouveront sans doute
plus tard un autre emploi que celui de naufrageurs, auquel la
plupart des tribus de ce littoral se livrent encore actuelle-
ment : voilà bien les Bahariat de M. Albin Rozet.
Melila est un énorme amas de fortifications entassées
les unes sur les autres, qui, comme l'a très judicieusement
remarqué NL Canal (2)^ ressemblent à Mers-el-Kebir ou à ce
que devait être l'ancien Oran espagnol. Lorsqu'on pénètre
dans la ville, après avoir gravi les escaliers de pierre qui
y donnent accès, on se trouve dans une petite ville espagnole,
dont les principaux édifices sont le cercle militaire, un petit
théâtre et une petite église. Sur la place de la Commandancia
gênerai qui en est le centre, j'ai assisté à la musique militaire :
les soldats jouaient sans doute pour eux-mêmes, car j'étais
le seul et unique spectateur. Duveyrier se plaint d'avoir
été assez jalousement surveillé par les autorités espagnoles ;
les ordres ou les habitudes ont sans doute changé, car on nous
a laissés nous promener partout, regarder les fortifications et
les canons, sans s'inquiéter de nous le moins du monde.
(I) Bibliographie: J. de Sugoy : Instructions nautiques, p. 54. —
Duveyrier: La dernière partie inconnue du littoral méditerranéen ;
Duveyrier ; De Tlemsân à Melila en 1886 (Bull. Soc. Gcogr. Paris, 1893,
p. 185). — J. Canal: Les Colonnes d'Hercule (Bull. d'Oran, 1895,
p. 231;. — De la Marlinière et Lacroix; Documents sur le Nord- Ouest
africain, l, p. 28i et 3%. — A. Mouliéras ; Le Maroc inconnu. —
Budgett Meakin : The Land of the Moors, II, p. 369.
(2; Bull. d'Oran, 1895, p. 231.
EN ORANIE 257
Du haut de la citadelle, l'œil plonge sur la mer que l'on
a à ses pieds et découvre toute la baie.
Melila est une ville fort ancienne (1) ; il est probable en
effet que le préside espagnol occupe l'emplacement même de
l'antique comptoir phénicien auquel avait succédé Rusaddir.
Les ports sont rares sur cette côte et les anciens n'avaient pas
manqué de profiter de celui-là. Une ville musulmane, mention-
née par El-Bekri, par Edrisi (2) el par le Kartas (3). s'élevait
sur l'emplacement de la ville espagnole. Elle tomba aux mains
du duc de Médina-Sidonia en 1497 et fit retour à la couronne
d'Espagne en 1506. Rlle lui a toujours appartenu depuis,
quoiqu'il ait été plusieurs fois question de l'abandonner, mais
son histoire n'est qu'une longue suite de famines et de sièges,
dont le plus fameux est celui du XYII^ siècle et le plus
récent celui de 1893.
Ce dernier eut pour origine la construction d'un blockhaus
à l'emplacement du marabout de Sidi-Ouriach. La garnison,
commandée par le général Margallo, comprenait au début
1.600 hommes, qui se trouvèrent bientôt dans une situation
assez critique. Les Guelaya étaient armés de fusils Pvcmington,
de provenance espagnole ; la supériorité de leur armement,
leur tir assuré et la portée de leurs armes les rendaient
redoutables. On envoya bientôt des renforts, mais, le 27 octo-
bre, le général Margallo fut tué dans une reconnaissance (4),
Il fallut des opérations sérieuses et des négociations,^ conduites
par le général Macias et le maréchal Martinez Campos, pour
venir à bout des Kabyles. On finit même par envoyer 26 géné-
raux, 22.000 officiers et soldats, 48 pièces de canon et
500 chevaux. On crut que les Espagnols allaient conquérir le
Rif et que la question du Maroc allait s'ouvrir. Il n'en fut
rien, et le traité du 5 mars 1894 mit tin à l'incident. La version
qui m'a été donnée sur place de la mort du général Margallo,
version dont bien entendu je ne me porte pas garant, est qu'il
se serait fait tuer volontairement, parce qu'il se trouvait
compromis dans le trafic des armes avec les Rifains. Ce
trafic, quelque temps interrompu après la guerre, aurait,
dit-on, depuis lors repris de plus belle.
(1) De la Martinière et N. Lacroix, t. I, p. 396.
(2) Trad. Dozy, p. 65.
(3) P. 388.
(4) Voir le récit de sa mort dans La Marliuière et Lacroix, I, p. 287.
258 EN ORANIE
Melila a subi depuis une vingtaine d'années, et surtout
depuis laguerrede 1894, un certain nombre de transformations.
D'abord, les Espagnols ont détourné l'Oued-Farkhana, qu'ils
appellent Rio-de-Ouro ; il passait jadis sous les murs de
la ville, où il formait, avant de se jeter dans la mer, un marais
à émanations malsaines ; une digue en terre a rejeté l'oued,
fait disparaître le marécage, et le climat du préside a gagné en
salubrité (4).
Dans la vallée même de l'oued, j'ai pu admirer de fort belles
cultures irriguées, céréales et cultures maraîchères ; les
alluvions sont fertiles, l'eau abondante, et l'on s'est décidé
à en tirer parti. Au sud de l'ancienne forteresse, une ville
ouverte s'est élevée depuis la guerre. Des blockhaus nou-
veaux, reliés entre eux par une bonne route, ont été construits.
Celui de Sidi-Ouriach, cause de la guerre, a été achevé.
La garnison paraît être demeurée très considérable. Enfin,
Melila, contrairement à ce qu'on répète, n'est plus un bagne ;
le bagne est aux Zafïarines, et on fait seulement venir à Melila
les condamnés nécessaires pour les travaux de route et les
constructions militaires.
Les Espagnols se sont donc donné un peu d'air et sont
moins étroitement bloqués que par le passé. Melila fait avec le
Rif, en outre de la contrebande des armes, un commerce
assez considérable. Les Guelaya viennent nombreux sur le
marché et dans la ville ouverte ; mais les hommes seuls
viennent : pas une femme, pas un entant, comme ceux qu'on
voit grouiller dans nos rues algériennes. Les importations
consistent surtout en cotonnades, sucres et farines ; les expor-
tations en peaux de chèvre, cire jaune, amandes. Ce commerce
est fait principalement par des Juifs. Est-ce grâce à l'Espagne
ou plutôt en dépit d'elle que ce mouvement commercial s'est
créé ? Toujours est-il qu'il existe.
En somme, l'impression qui m'est restée de Melila est beau-
coup plus favorable que celle des écrivains qui l'ont décrite
avant moi. C'est peut-être que dans ces dernières années la
situation s'est améliorée et transformée.
J'ai parcouru en tous sens ce qu'on peut parcourir des
environs, en allant d'un blockhaus à l'autre, et je suis monté
(1) Huveyrier, Bvll. Soc. Géogr. Paris, 1893, p. 117. — De la
Martinière et Lacroix, I, p. 399.
EN ORANIE 259
à Sidi-Ouriach, d'où l'on a une bonne vue d'ensemble de la
contrée.
Voici comment les choses m'ont paru se présenter dans la
direction du S. et de l'E., car la vue est bornée du côté de TW.
Au premier plan, on a devant soi la grande baie évasée
qui commence au cap des Trois-Fourches et se termine au cap
Del Agua, et dont la courbe mesure à peu près 77 kilomètres.
Sur ses bords s'étend la plaine alluviale de l'Oued-Farkhana,
avec quelques fortins sur la rive droite, puis un vaste lac, le
lac de Puerto-Nuevo des cartes marines, la sebkha El-Dzira et
la sebkha Bou-Areg de Duveyrier ; une mince flèche de sable
sépare le lac de la mer. La pointe Kiviana des cartes marines
fait saillie sur la mer en une longue et étroite pointe.
Le lac renferme, paraît-il, de très grosses huîtres ; on me dit
qu'il a de très grands fonds, et qu'on pourrait y faire, comme
à Bizerte, un remarquable port intérieur en draguant la barre
sableuse. Il est peu à peu comblé par les apports des rivières ;
on a là, semble-t-il, une Mitidja en formation ; la pointe
Kiviana joue le rôle du Matifou, et fournit le point d'appui ;
la flèche sableuse correspond à la dune de Maison-Carrée et
en arrière le lac, ancien golfe marin, se colmate peu à peu.
11 ne me paraît pas du tout nécessaire d'invoqer, comme l'a
fait Duveyrier, un soulèvement de la côte pour expliquer la
formation de la sebkha, d'autant plus que, comme il le dit lui-
même, elle communique avec la mer. Au second plan sont les
monts des Guelaya et des Lemtalsa, dont fait partie le mont
Melila des cartes marines (Djebel El-QauUa des Beni-Chikeur
de Duveyrier), où les formes semblent indiquer des schistes
anciens ; il se relie à la chaîne des Kebdana, qui va se terminer
au cap d'El Agua, en face des Zaffarines. Enfin un troisième
plan est formé par la chaîne des Beni-Snassen, qui se
continue en Algérie dans le massif des Traras.
Ces quelques notes d'un passant n'ont d'intérêt qu'à cause
de l'ignorance où l'on est encore de cette région de Melila ;
mais bientôt M. de Segonzac nous renseignera sur cette contrée
beaucoup mieux que je ne pourrais le faire. La carte géologique
internationale laisse en blanc toute la partie du littoral
comprise entre Melila et l'Oued-Kiss : il semble pourtant
qu'il eût été facile de se procurer quelques renseignements et
quelques échantillons, tant pour le territoire même du presidio
que pour la région la plus voisine de la frontière algérienne.
260 EN ORANIE
Les terrains qui environnent Melila sont constitués par un
calcaire tendre, très coquillier, qui rappelle la molasse pliocène
des environs d'Alger ou certaines parties du Sahel d'Oran.
Dans le lit même de l'Oued-Farkhana, j'ai recueilli des
échantillons dans lesquels mon ami M. Ficheur a reconnu
des mélaphyres et des rhyolites (roche des Habibas). On sait
en efTet que ce sont des roches éruptives récentes qui constituent
les montagnes des Guelaya (1). La pointe Kiviana paraît égale-
ment d'origine éruptive,
La nuit vient, superbe et étoilée; la soirée est délicieuse sur
le pont du navire. Mais vers le matin le vent fraîchit, la mer
se fait houleuse, et, en arrivant devant Nemours, il est impos-
sible de communiquer avec la terre. Les naturels du pays
viennent sur la plage ; on les aperçoit au bout de la lorgnette,
s'agitant comme des mouches et faisant de grands gestes ; ils
semblent se consulter sur le sens des signaux du capitaine.
Puis, au bout de deux heures d'attente, ils se décident à nous
signaler à leur tour que la rade est consignée. M^^^ ^e M. et
ses filles, descendantes d'un des héros de Sidi Brahim, en
l'aimable société desquelles j'ai eu le plaisir de voyager depuis
Tanger, sont contraintes de renoncer au pèlerinage qu'elles
voulaient faire à Nemours et obligées de continuer jusqu'à
Oran. Ce n'est d'ailleurs qu'exceptionnellement qu'on peut
à Nemours communiquer avec la terre : je me suis laissé
raconter que les officiers en garnison à Oran et désireux d'aller
faire un tour en Espagne demandaient une permission de
48 heures pour Nemours: ils s'embarquaient, et le navire, qui
ne pouvait s'y arrêter, les promenait successivement à Malaga
et à Melila, à Gibraltar et à Tanger, pour les ramener enfin
à Oran quinze jours après.
DE LA FRONTIERE MAROCAINE A MOSTAGANEM
LES CÔTES ORANAISES
J'ai parcouru à diverses reprises, soit sur mer, soit sur terre,
la plus grande partie des côtes de la province d'Oran. Ces
côtes sont formées en majeure partie de terrains récents,
tertiaires ou quaternaires; le miocène et le pliocène constituent
(1) Uiiveyrier : La dernière partie, etc., p. 13.
EN ORANIE 261
des falaises argileuses ou gréseuses, pendant que les baies sont
occupées par des plages de sables. Ces sables, résultant prin-
cipalement de la désagrégation des grès helvétiens et pliocènes,
sont assez abondants en certains points pour former des
dunes. Il en est ainsi notamment sur le plateau de Mostaganem ;
l'ameublissement du sol est favorisé par la culture de la vigne,
et il y a là un danger dont il convient de se préoccuper. Quant
aux parties saillantes de la côte, elles montrent en divers
points soit des schistes anciens et des calcaires jurassiques,
soit des roches éruptives. Les calcaires compacts du lias
forment, comme partout en Algérie, des pics et des escarpe-
ments rocheux : tel est notamment le cap Noé, qui ressemble
beaucoup au cap Ténès, de structure identique. Les roches
éruptives récentes affleurent notamment au cap Milonia, dans
la région de la Basse-Tafna, au djebel Mzaïta, et constituent
des îles en avant du littoral (Rachgoun, îles Habibas).
Le littoral de la province d'Oran peut se diviser en quatre
sections : de la frontière marocaine au cap Noé, il est rocheux,
constitué par le massif des Traras ; entre le cap Noé et le cap
Figalo, la côte correspond aux effondrements et aux éruptions
volcaniques de la Tafna et d'Aïn-Temouchent, qui ont bâti sur
les ruines du massif ancien, dont il reste des traces notables
entre Beni-Saf et Camerata ; du cap Figalo à Arzeu, c'est le
rebord, accore en général, du massif d'Oran ; d'Arzeu à
l'embouchure du Chéliff, la côte est bordée par des alluvions
basses jusque vers Mazagran, puis par une falaise de
miocène supérieur.
Si variée que soit cette constitution, toutes les côtes de
rOranie présentent des caractères communs; les chaînes étant
parallèles au littoral, les rivages sont à la fois escarpés et peu
découpés. Sur ce littus importuoswn de l'Algérie, c'est l'Oranie
qui est la plus dépourvue, la moins favorisée de la nature.
Rien ici qui rappelle les beaux abris naturels de Bougie et de
Gollo, sauf peut-être Arzeu.
Des efTorts ont été faits pour remédier dans la mesure du
possible à cette imperfection du littoral. Ces elîorts n'ont pas
toujours été heureux ; de toutes les folies qui ont été faites en
Algérie en matière de travaux publics — et on en a fait
beaucoup — la plus folle entreprise est certainement le port
de Mostaganem. Comment on a pu songer à établir un port en
ce point, c'est ce qu'on se demande. La côte, ébouleuse et friable,
262 EN ORANIE
ne présente aucun abri ; la pointe de la Salamandre à l'W. est
basse et n'arrête pas les vents ; du côté de l'E., un mauvais bout de
jetée n'offre qu'une protection insuffisante. Malgré les sommes
considérables englouties dans ce port, il n'y a rien, les ouvrages
étant continuellement démolis par la mer. Mostaganem, en
outre, n'a que le choix de se demander par quelles alluvions
son port sera ensablé ; le courant côtier et les vents dominants
d'W. lui amènent les alluvions de la Macta ; les vents de N.-E.
doivent lui apporter les alluvions du Chélif et, pour comble de
malheur, un méchant ruisseau, l'Aïn-Sefra, qu'on a essayé de
détourner vers l'E. en dehors du port, est sujet à des déborde-
ments subits. Lorsque je visitai Mostaganem, on apercevait
partout les traces laissées par une crue terrible du torrent, en
novembre 1900 ; se rouvrant un chemin vers le port, il avait
emporté la plage et les constructions qui s'y trouvaient, en
partie comblé le bassin. Non loin de là, la carcasse du navire
le Jupiter, achevant de se désagréger, témoignait que les dan-
gers de la mer ne sont pas moindres sur cette côte que ceux
qui viennent des inondations. Certes, aucune population ne m'a
paru plus sympathique que la population mostaganémoise, et
l'énergie qu'elle met à vaincre la nature est certainement
très intéressante. Je souhaite qu'elle réussisse à se donner
un port, ou, si elle n'y parvient point, qu'elle se résigne à
s'en passer et à trouver d'autres sources de prospérité.
Je n'ai pas l'intention de prendre parti sur le point de savoir
s'il convient de créer un port dans la partie occidentale de la
province d'Oran, de quelle importance doit être ce port et où
il convient de le placer. De même qu'il faut admirer la persé-
vérance des habitants de Mostaganem, il faut rendre hom-
mage aux efforts de M. Milsom en faveur de Rachgoun.
Plusieurs localités, on le sait, se disputent l'honneur d'être le
port de l'Oranie occidentale, ou, comme on dit, « le port du '
Maroc ». Les principales sont le Gap-de-l'Eau, l'Oued-Kiss,
Nemours, Honeïn, Rachgoun, Beni-Saf, Oran. Pour en décider,
il faudrait une compétence technique qui me fait complètement
défaut. Je me permettrai seulement de présenter à ce sujet
quelques considérations d'un caractère très général.
Celle-ci d'abord, que l'avenir est à la concentration du
commerce maritime dans un petit nombre de grands ports ;
les économistes l'ont maintes fois répété, mais on ne saurait
assez y insister. C'est que les grands ports seuls peuvent
EN ORANIE 263
fournir aux navires, d'un tonnage déplus en plus considérable,
que l'on construit actuellement, les installations complètes et
l'outillage perfectionné qu'ils réclament, leur donner toutes les
facilités d'entrée, de sortie, de chargement, de déchargement,
de radoub dont ils ont besoin (1). Chaque pays est ainsi amené,
par la force des choses, à développer deux ou trois points
principaux, à l'exclusion des autres. Il faut, avec le budget
spécial, prendre garde que l'Algérie ne recommence, en
l'aggravant, l'erreur commise en France lors de l'adoption du
plan Freycinet ; il est à craindre qu'on ne soit amené à donner
satisfaction à trop d'amlii lions locales ; il faudrait au contraire
concentrer l'effort financier sur un petit nombre de points,
sous peine d'en affaiblir l'effet en le dispersant.
Une seconde considération, qui découle de la précédente,
c'est qu'on ne peut, en matière de ports, facere ex nihilo,
comme on y est trop porté en France. Lorsqu'il s'agit de vanter
la supériorité de tel ou tel point, on raisonne toujours dans
l'hypothèse de la table rase: nulle méthode n'est plus funeste.
Un port n'est pas seulement un ensemble de bassins et de
quais plus ou moins bien aménagés : c'est un lieu de passage
pour les marchandises et les voyageurs, un nœud de voies de
communication dont l'importance dépend de celle même de la
région qu'il est appelé à desservir. Lorsque le dernier congrès
international de géographie visita le port de Hambourg, on
nous montra d'abord la Bourse, qui est comme le cerveau
commandant à ce grand corps : c'est là que viennent aboutir
les nouvelles commerciales, de là que repartent les ordres
pour le monde entier. Pour en revenir à l'Algérie, et bien
qu'Oran n'ait pas la prétention de se comparer à Hambourg,
c'est tout de même le deuxième port de la colonie, un centre
commercial très actif et très prospère. Que le port présente
de réels inconvénients, qu'il soit imparfaitement abrité, que
la falaise abrupte qui la sépare de la ville et de la gare de
Karguentali soient d'assez fâcheuses conditions, nul ne le nie.
Si nous étions en 1830, il eût peut-être mieux valu choisir,
comme ports de l'Oranie, Rachgoun et Arzeu, mais nous ne
sommes plus en 1830.
Indiquons encore que les ports de l'Algérie, et de la
Méditerranée toute entière d'ailleurs, se sont toujours tenus
(1) V. Raphaël-Georges Lévy (Revue des Deux Mondes, 1" juillet 1901,
p. 130),
264 EN ORANIE
et se tiendront toujours le plus loin possible des rivières, qui,
n'étant pas navigables, n'offrent aucun avantage pour les
communications et présentent un danger d'ensablement; mais
c'est là une règle qui comporte des exceptions. Remarquons
enfin, — et ceci vise le port de Nemours au cas où, par
impossible, on voudrait faire quelque chose en ce point si mal
choisi — qu'il ne faut pas tenir compte seulement de la distance
en plan entre un port et la région à desservir, quand on
calcule le prix de revient. Qu'il s'agisse de routes ou de voies
ferrées, les frais, les retards, les difficultés de toutes sortes
résultant d'une montée comme celle de Bab-Taza doivent
entrer en ligne de compte.
Pour conclure, nous dirons qu'à notre avis c'est sur le port
d"Oran qu'il faut concentrer la plus grande somme d'efforts et
d'argent. Si par exemple on dispose de 10 millions pour les
travaux de ports dans la province de l'Ouest, on devra en
consacrer 8 au moins au port d'Oran, le reste étant employé à
doter les petits ports d'aménagements très-simples et peu
coûteux. Si le port de Beni-Saf, qui doit revenir à l'Etat et qui
suffit actuellementà un tonnage effectif de plus de 300,000 tonnes,
ne remplit pas le but qu'on se propose, et que Rachgoun, par
suite de circonstances spéciales qu'indique M. Milsom, ne
risque pas d'être envasé, soit par les alluvions de laTafna, soit
par d'autres sables de quelque provenance qu'ils soient,
Rachgoun serait évidemment beaucoup mieux choisi que
Nemours pour desservir la partie occidentale de la province.
Sans entreprendre les travaux considérables que préconise
M. Milsom, on va sans doute, en reliant l'ilot Siga à la terre,
y créer à peu de frais un petit abri.
On sait que, sur les instantes démarches de M. Louis Say,
dont on se rappelle l'intervention lors du meurtre de
M. Pouzet (1), le Kiss vient d'être ouvert au commerce avec le
Maroc ; la circulaire de 1887 qui n'autorisait le trafic avec le
pays voisin que par Nemours a été rapportée. Les négociants
de Nemours ont d'abord protesté, invoquant d'assez mauvaises
raisons, notamment l'insécurité de la région, les facilités
qu'elle ofi're à la contrebande, et surtout... la concurrence
faite à Nemours ; puis, comme on a, très justement, passé
(1) M. Louis Say a donné un très intéressaût récit de cet événement
dans l'Echo d'Oran du 9 avril 1901.
EN ORANIE 265
outre, ils ont fait contre mauvaise fortune bon cœur et se
sont transportés au Kiss. Il s'y est produit aussitôt un sérieux
mouvement d'affaires sur les céréales, mouvement des plus
intéressants pour le rayonnement de notre influence et de
notre action économique dans la région marocaine voisine (1).
En outre de la compétition entre Béni Saf, Rachgoun et
Nemours, il faudra donc désormais tenir compte du Kiss.
ORAN
Oran est une ville étrange et d'aspect singulier. Les Espa-
gnols, qui l'ont si longtemps occupée, avaient la maladie de la
pierre : ils ont entassé les forts les uns sur les autres, dans
Oran, autour d'Oran, au-dessus d'Oran ; la teinte fauve de
ces forts se confond avec celle des rochers pelés qui les
supportent et donne au paysage sa note dominante.
Les habitants d'Oran ont pour le passé de leur ville une
piété touchante, qu'on ne voit guère ailleurs en Algérie.
Pendant qu'Alger, après avoir détruit la ville indigène,
s'enlaidit tous les jours et forme le monstrueux projet de
détruire la jolie mosquée de la Pêcherie, les Oranais, moins
riches en souvenirs et en monuments, s'en montrent plus
soigneux. C'est ainsi que les amis du « Vieil Oran » ont fait
restaurer, dans la rue Philippe, l'ancienne demeure d'Hassan,
marchand de tabac indigène, devenu bey d'Oran, en 1812. Et
ce souci archéologique pourrait bien se trouver en même
temps une heureuse spéculation financière ; car que viendront
voir les touristes dans les villes algériennes lorsqu'on leur
aura enlevé tout ce qui en fait l'intérêt? Si les Oranais créaient
quelques squares de plus, s'ils mettaient par exemple quelque
verdure sur l'emplacement réservé à la future cathédrale, ils
se distingueraient d'une manière très heureuse de leurs voisins
de l'Est et ajouteraient beaucoup au charme de leur ville.
C'est une opinion assez répandue qu'Oran n'a pas d'environs :
cette manière de voir ne me paraît pas tout-à-fait exacte, ou,
si elle l'était, elle ne l'est plus. Certes, les environs d'Oran sont
assez nus, d'une beauté un peu sévère et moins gracieux que
(1) Bull. Afr. fr., 190], p. 308.
266 EN ORANIE
les environs d'Alger ; mais ils ont peut-être en revanche un
caractère plus africain. Sans parler de Mers-el-Kebir, la
création toute récente de voies ferrées et de routes nouvelles
a rendu faciles des excursions autrefois moins accessibles,
comme celles du Mourdjadjo, du cap Falcon, de Krichtel.
L'ascension du Santa-Cruz n'est pas non plus aussi pénible
qu'on pourrait le croire d'Oran. La montagne tourne vers la
ville son versant le plus dénudé et le plus abrupt ; mais si on
ne l'aborde pas de front, et qu'on y monte par le ravin des
Planteurs, comme me l'avait conseillé notre excellent prési-
dent, le colonel Derrien, qui s'occupe avec tant de zèle de
l'observatoire de Santa-Graz, on chemine constamment à
l'ombre des pins, qui ont beaucoup grandi, et on profite du
col de la Moune ; la vue dont on jouit sur la ville et le port
d'Oran, les caps qui encadrent la baie, le Djebel Orouze, la
plaine de la Sebkha, la chaîne du Tessala, récom.pense ample-
ment de la peine qu'on a prise.
Quant à Krichtel, il est maintenant facile d'y accéder
par la récente ligne d'Oran à Arzeu. J'ai fait cette promenade
avec notre confrère M. Doumergue, et, grâce à cet aimable
compagnon, j'ai conservé de cette journée le meilleur souvenir.
Après avoir traversé les cultures maraîchères et les vignes,
puis la brousse, on se rapproche du Djebel Orouze. Toute la
région est pliocène, avec les marnes argileuses du Sahélien
dans les ravins et sur les collines. A Flourus, on rencontre
des carrières de gypse dans le Sahélien ; d'autres carrières se
montrent dans les collines qui dominent le lac de Télamine.
Ça et là surgissent des pointements vaisemblablement triasi-
ques, surtout dans la région qui avoisine le lac d' Arzeu. Quant
au Djebel Orouze, il est constitué par des calcaires liasiques
et des schistes anciens et néocomiens, accompagnés de pou-
dingues probablement permiens.
On_quitte le chemin de fer au joli village de Saint-Gloud, qui
paraît très prospère. La Société de Géographie d'Oran a
couronné la monographie consacrée à cette localité par un
instituteur, M. Fontanilles. Saint-Gloud fut, comme on sait,
la première des colonies Parisiennes fondée dans la région
d'Oran en 1848. Il compte aujourd'hui environ 3,000 hectares
de vignes et 1.800 hectares de céréales.
De Saint-Gloud à Krichtel, il y a 8 kilomètres environ. On
suit un joli ravin qui remonte les premières pentes du Djebel
EN ORANIE 267
Orouze ; on contourne la Montagne des Lions, et on traverse
un maquis extrêmement fleuri au printemps, où dominent les
chênes-verts, les lentisques, les genêts épineux [guendoul), les
cistes, le diss, et, sur les terrains sableux exclusivement
VHalimium halimifoUum. Les ophrys, la charmante et odorante
Tulipa fragrans, une belle Malvacée (Lavatera maritima)
parsèment la brousse. Et c'est vraiment exquis, cette poussée
printanière qui transforme en un champ de fleurs toute cette
campagne, semblant se hâter de jouir de ce court moment de
vie, entre le sommeil de l'hiver et le sommeil plus triste et
plus complet de l'été.
Après avoir passé au pied d'un donjon, signalant une mine
de fer dont on voit les entailles rougeàtres au flanc de la
montagne, on arrive brusquement sur la falaise au pied de
laquelle se blottit le village indigène de Krichtel, qu'on aperçoit
à ses pieds. Par un sentier de chèvres presque à pic, on
dégringole à la mer, d'abord à travers des schistes et des
quartzites, puis sur la falaise de calcaires basiques, accompa-
gnée d'une traînée d'argiles probablement triasiques, et que
surmontent, en complète discordance, des formations pliocènes.
Visiblement, la falaise pliocène, comme partout aux environs
d'Oran, représente l'ancien rivage, dont l'émersion paraît due
à un abaissement général du niveau marin, car les formations
sont horizontales.
Le blanc village de Krichtel est seulement déparé par une
abominable maison d'école à deux étages, honte de l'Université
ou tout au moins de ses architectes. Nous déjeunons à l'ombre
d'un abricotier gros comme un chêne, mais qui ne donne plus
de fruits par suite de son grand âge ; à la fontaine, des fillettes
jolies viennent puiser l'eau ; elles portent leur haïk à peu près
comme le capuchon pyrénéen des Béarnaises. Les indigènes de
Krichtel cultivent des arbres à fruits : figuiers, abricotiers,
grenadiers, quelques légumes, le henné (1) ; malheureusement,
leurs 120 hectares de jardins sont hypothéqués, et, sauf
quelques rares exceptions, n'appartiennent plus à ceux qui les
cultivent. Lorsqu'on est arrivé sur la plage, en se retournant,
on voit s'étager derrière soi l'oasis, puis le village, ensuite la
falaise rouge, et tout en haut le donjon de la mine. Nous
(l) Sur Krichtel, voir d'intéressantes notes de M. de la Sauvagère,
dans Vklgérie nouvelle, 1897, p. 77 et 100.
268 EN ORANIE
regagnons ensuite Saint-Cloud, non sans que M. Doumergue
ait cueilli dans le ruisseau trois superbes discoglosses
(lisez : crapauds), qu'il enferme précieusement dans un petit
sac en toile ; la vertu de mon compagnon a donc été
récompensée, et il n'a pas perdu sa journée.
J'espère que mes confrères me pardonneront l'audace que
j'ai eue de parler à des Oranais des environs d'Oran ; mais
n'y a-t-il pas, dans les endroits les plus connus, des découvertes
à faire ? « Il y a dans tout de l'inexploré, disait Maupassant ;
il s'agit de regarder tout ce qu'on veut exprimer assez
longtemps et avec assez d'attention pour en découvrir un
aspect qui n'ait été vu et dit par personne ». C'est ce que je
me suis efforcé de faire dans ces quelques pages, bien que je
n'y aie que très imparfaitement réussi.
D'ORAN A TLEMCEX
Les aspects géographiques et les zones de végétation sont,
dans la province d'Oran, très différents de ce qu'ils sont dans
la province d'Alger. Cette dernière montre sur le littoral ce
qu'elle a de plus beau : les superbes cultures de son Sahel et
de sa Mitidja, les orangeries et les eaux courantes de Blida ;
lorsqu'on a dépassé Médéa, on ne rencontre plus que de
maigres boisements, et à Boghari, on atteint la steppe, belle
aussi si l'on veut, mais d'une beauté qui n'est pas précisément
celle que recherchent les agriculteurs et les économistes.
Il en est tout autrement dans la province d'Oran ; je me suis
élevé contre la trop mauvaise réputation des environs dOran :
on ne peut nier cependant que les terrains salés et nus qui
entourent la capitale de l'Ouest sont le vestibule un peu triste
de cette belle province, et ne laissent guère soupçonner la
fertilité-de la plaine de Bel-Abbès, la richesse en eaux courantes
et en forêts du massif de Tlemcen. Les raisons de cette différence
sont faciles à saisir : c'est que, dans la province d'Oran, les
chaînes littorales, moins hautes, retiennent une moins grande
part des pluies, et leur permettent en revanche d'arriver
jusqu'aux massifs montagneux de l'intérieur, qui regardent la
mer en quelque sorte par dessus leur tète. Si l'on ajoute que
la côte de l'Oranie forme un angle rentrant très prononcé, de
telle sorte qu'Oran est au S. du 36^ parallèle et déjà à la
EN ORANIE 269
latitude de Boghari, et qu'elle est en outre garantie des vents
humides par les chaînes et les caps du Rif marocain, on
comprendra sans peine pourquoi les précipitations sont loin
d'y être aussi abondantes que sur le littoral des provinces
d'Alger et de Gonstantine, plus directement atteint par les
vents d'Ouest. La nature du sol et la composition géologique
jouent en outre un rôle notable et agissent dans le même sens.
On se rend bien compte de tout cela en allant d'Oran à
Tlemcen. Si l'on monte par Aïn-Temouchent, on suit d'abord la
Sebkha, occupée, lorsqu'il a plu, par une mince couche d'eau,
jaunâtre au bord, couleur de plomb fondu au centre, plus
souvent recouverte d'une croûte blanche gypso-saline. Les
collines qu'on longe à droite de la voie ferrée sont formées de
calcaire blanc à liihothamnium, récif corallien du miocène
supérieur qui s'appuie contre le massif ancien du Mourdjadjo.
D'Aïn-Temouchent à Tlemcen, c'est d'abord le paysage éruptif,
qu'a très bien décrit ici même M. Gentil (1) ; les volcans,
d'âge très récent, ont laissé des coulées basaltiques qui
forment des plateaux d'altitude presque uniforme ; aux envi-
rons d'Aïn-Kial, les coulées prismées recouvrent des boues
volcaniques, elles-mêmes supportées par des scories mélan-
gées de terres alluvionnaires. La région, qui rappelle les
plateaux basaltiques du Velay et du Devès, est extrêmement
fertile ; la terre noire résultant de la décomposition de ces
roches éruptives est tout à fait fiivorable à l'agriculture.
A partir d'Aïn-Kial, on traverse des marnes éocènes, puis
on entre dans la région helvétienne, grès et marnes très
monotones et très dénudés, et on ne la quitte guère jusqu'au
Safsaf, c'est-à dire jusqu'au pied de Tlemcen. Pas un arbre,
presque pas de cultures européennes. Après avoir passé à la
carrière d'onyx d'Aïn-Tekbalet, on redescend vers Pont-de-
risser. Dans le fond, le massif jurassique apparaît de plus
en plus net. Au Safsaf, un changement absolu se produit : ce
sont de belles eaux courantes, dans lesquelles se baignent
des vaches comme en Normandie ; les brouillards du soir
traînent sur les pentes, on se croirait en France. On n'a pas
vu un seul arbre depuis Oran : ici on entre dans un merveilleux
verger, où les oliviers, les figuiers, les amandiers se mêlent
aux ormes et aux peupliers.
(I) L. Gentil : Sur les volcans éteints ci' A'in-Temouchent (Bull,
d'Oran, 1896, p. 364).
29
270 eî; oranie
C'est par cette route qu'il faut arriver à TIemcen pour juger
de ce superbe décor. Si l'on va par Bel-Abbôs, comme on le
fait d'ordinaire, peu après la station de Sainl-Lucien, on sort
de la plaine littorale, La voie s'élève alors jusqu'au col des
Ouled-Ali pour franchir la deuxième chaîne Tellienne, et
pénétrer dans la plaine de Bel-Abbès, d'une altitude moyenne
de 400 à 500 mètres. On traverse les marnes blanchâtres du
Suessonien, couronnées de surfaces rocheuses dénudées. Ce
sont ces mêmes marnes très délitescences, d'une couleur
gris-olivâtre, plus ou moins teintées de blanc, qui, recou-
vertes d'alterrissements dans les dépressions, constituent les
terres de labour par excellence de la grande banlieue de
Bel-Abbès. Le phosphate de chaux y existe sous forme de
coprolilhes, et les analyses montreraient qu'il est également
incorporé dans le sol arable que donnent les marnes, qui
lui doivent sans doute en partie leur fertilité exceptionnelle (1).
Le Tessala et toute la chaîne du Nord est une région de terres
fortes, argilo-calcaires ; au contraire, dans la plaine proprement
dite, la terre est légère, poudreuse, et la récolte d'autant
meilleure qu'il a plu davantage. La quantité moyenne des
pluies est d'ailleurs, comme on sait, très faible (33 centim.)
La colonisation a singulièrement gagné du terrain dans la
province d'Oran, Le long du chemin de fer, depuis trois ans
que je n'étais passé par là, la brousse a presque entièrement
disparu. La « tache » d'Oran et la oc tache » de Bel-Abbès,
autrefois séparées, se sont rejointes. La culture monte en
quelque sorte ù l'assaut de la chaîne du Tessala, de même que
je la verrai, sur la ligne d'Ain Sefra, monter â l'assaut du
massif de Saïda. D'ailleurs, à Bel-Abbès, les indigènes eux-
mêmes cultivent à l'européenne. La contrée paraît heureuse
et prospère ; elle témoigne de la vitalité et de l'énergie des
colons. Quels sont les « dessous » de cette prospérité ? L'Algérie
ne va-t elle pas traverser une crise économique grave, résultat
de la surproduction et de la mévente des vins? C'est une autre
question. Il est clair que tant que l'Algérie s'obstinera à
pratiquer la monoculture de la vigne et n'aura pas trouvé
d'autres cultures rémunératrices, elle sera exposée à de grands
mécomptes.
Bel-Abbès d'ailleurs souffrira moins que toute autre de la
(l) A. Pomel, Explication de la carte géologique (1889).
EN ORANIE 271
crise viticole. Bien qu'elle ail beaucoup étendu les cultures de
vigne (il y en a plus de 9.000 hectares dans l'arrondissement),
elle plante des oliviers, fait un peu d'élevage, et demeure
essentiellement une terre à blé. On sait comment elle pratique
cette culture ; après un an de culture, on laisse les terres un an
en jachère, en les ameublissant par des labours de printemps.
Cette agriculture barbare, qui emprunte au sol sans lui rien
restituer, parait malheureusement la seule possible pour le
moment, parce que c'est la seule qui donne des bénéfices.
On peut lire là dessus un excellent article de M. Roger
Mares (1), qui n'a pas été sans indigner plus d'un agronome.
Jusqu'à présent, ces façons culturales ont suffi. Mais les colons
do Bel-Abbès estiment qu'un jour viendra où il faudra recourir
aux engrais. Encore faudrait-il savoir quels engrais, et pour
cela dresser une carte agronomique ; il faudrait en outre
savoir dans quelles conditions il faudrait les employer, par
suite du régime pluvial, pour éviter qu'ils ne soient entraînés
sans bénéfice pour la terre. Quelques colons ont essayé des
cultures dérobées, mais ils y ont renoncé, parce que le procédé
leur a paru trop coûteux.
A Bel-Abbès, tout le monde est cultivateur ; horloger,
pharmacien, médecin sont des professions accessoires : c'est
la terre, la bonne terre nourricière, qui fait vivre tout le monde.
C'est comme dans la Légion étrangère, où toutes les professions
sont représentées, et où il y a jusqu'à d'anciens évêques.
Malheureusement, il y a un bon nombre de ces agriculteurs
qui ne vont guère au soleil et se contentent d'être prêteurs
d'argent. On me cite un modeste fonctionnaire qui a gagné
3 millions en prêtant à un taux élevé de l'argent qu'il
empruntait lui même en France à un taux plus bas.
Quelques propriétaires non résidents, habitant Paris, ont loué
avec promesse de vente à des colons ; ils font beaucoup de
bien, car ils apportent des capitaux, c'est-à-dire ce qui manque
le plus à l'Algérie. Il est fâcheux tout de même que ce soit le
métier de prêteur d'argent plutôt que celui de cultivateur qui
enrichisse. Il est triste aussi de constater que celui qui fonde
une propriété s'y ruine généralement ; c'est son successeur qui
réussit, parce qu'il profite de la plus-value que le premier coloa
a donnée à la terre, de tout ce qu'il a enfoui dans le fonds.
(1) Bull. Agr. de l'Algérie et de la Tunisie, 1898, p. 53i.
272 EN ORANIE
Il y a à Bel-Àbbès un certain nombre de très grandes
propriétés ; une vingtaine de propriétés ont chacune plus
de 1.000 hectares ; beaucoup ont 200 hectares, la majorité
de 40 à 50 hectares, c'est-à-dire plus que le petit colon officiel.
Bel-Abbès est l'œuvre de la colonisation individuelle, et c'est
aussi, pour une part, l'œuvre des Espagnols. Ils forment dans
l'arrondissement les 2/3 de la population et possèdent environ
1/5 des terres. Voici quelques renseignements que j'ai recueillis
sur leur situation.
Il faut distinguer parmi eux les propriétaires et les journaliers.
Une dizaine de propriétaires espagnols ont plus de 200 liectares;
150 environ ont de 40 à 50 hectares, 200 ont de 20 à 30 hectares.
La plupart des propriétaires Espagnols sont à Bel-Abbès depuis
longtemps ; ils sont venus comme ouvriers dans la période
18451850. Avec leur extraordinaire sobriétéet leur merveilleuse
endurance, ils ont peu à peu fait fortune ; on me parle de
familles qui, à leur arrivée, couchaient non pas même dans un
gourbi, mais sous un parapluie, et qui sont aujourd'hui parmi
les plus .riches de la contrée. Il y a bien entendu aussi de
petits colons espagnols, ainsi que des fermiers espagnols ;
on me cite un propriétaire français qui a 20 fermes : 16 fermiers
sont Espagnols ; c'est à peu près la proportion ordinaire.
Les travailleurs et journaliers espagnols rendent les plus
grands services. Les défricheurs viennent surtout de la pro-
vince d'Almeria (Cuevas, Vera), les moissonneurs de la
province d'AHcanle (Novelda, Aspe;, Ils moissonnent depuis
3 heures du matin jusqu'à la nuit, par 50" de chaleur au
soleil, se nourrissant à leur guise, ne mangeant presque
rien.
Je n'ai pas l'intention de m'étendre dans ces notes sur ce qu'on
a appelé «la question espagnole». On ne peut nier que l'élément
espagnol ait fait beaucoup pour la prospérité de la province
d'Oran. A Bel-Abbès, on est unanime à s'en louer. Il n'est pas
douteuNL- qu'ils se francisent graduellement, par les liens
d'alTeclion et d'intérêt. Les mariages mixtes sont très nom-
breux, surtout entre les Français et les femmes espagnoles,
réputées pour la beauté ; elles épousent même souvent des
officiers de la Légion. Les habitudes aussi se transforment. Il
y a quinze ans, un riche Espagnol de Bel-Abbès vendit ses
propriétés pour aller vivre en Espagne : il revint au bout de
peu de temps, parce qu'il se trouvait trop mal ; le manque de
EN ORANIE 273
confortable, l'étroitesse de la vie et des idées ne pouvait plus
convenir à cet Algérien. M. Bertrand, dans son beau roman
Le Sang des Races, raconte de son héros une anecdote toute
semblable, évidemment puisée dans la réalité. Il y a à coup
sur des mesures à prendre pour favoriser l'élément français ;
pour empêcher le débarquement en Algérie de mendiants qui
viennent d'Espagne uniquement pour se faire assister par nos
bureaux de bienfaisance ; à coup sûr aussi la naturalisation
automatique de la loi de d889 ofTre des dangers, par suite de
nos institutions politiques. Mais il serait insensé de vouloir se
priver du concours de l'élément espagnol dans la province
d'Oran. Personne n'y songe d'ailleurs, croyons-nous.
De Sidi-bel-Abbès à TIemcen, la voie ferrée continue d'abord
à traverser la plaine, puis elle se rapproche peu à peu du
massif jurassique, dans lequel la plaine deTaltaman et celle de
Lamoricière s'avancent comme des golfes. Lamoricière, avec
ses rues plantées de beaux arbres, est déjà un gros village, qui
paraît appelé à un bel avenir. Comme à TIemcen, comme
partout à la lisière du massif jurassique, les eaux courantes,
les cascades sont belles et nombreuses. La cascade du Moulin
notamment, au milieu d'une oasis de \erdure, betoum, saules,
peupliers, dominée par la tour en ruine d'une kasba, donne
comme un avant-goût de TIemcen.
TLEMCEN
Que dire de TIemcen qui n'ait déjà été dit ? La belle capitale
des Béni Zeiyan a été tant de fois décrite que je m'excuse
d'être assez audacieux pour en parler encore. Je voudrais
cependant rappeler à son sujet quelques observations géogra-
phiques, et lui payer en même temps le tribut de mon
admiration.
TIemcen est au pied de la chaîne du Terni, chez les Beni-
Ournid, adossée au Sud à des falaises rougeâtres de calcaires
dolomitiqaes. Le Lella-Setti, qui domine directement TIemcen,
n'est pas un pic ; c'est une partie de la muraille rocheuse,
que couronnent un marabout et un fortin. Les falaises pro-
jettent deux promontoires rocheux, l'un vers Aïn-el-Hout
et Ouzidan, l'autre, plus élevé et plus considérable, constituant
le Djebel Roumelia : entre les deux, la mer miocène a creusé
274 EN ORANIE
un golfe dont Tlemcen occupe précisément le fond. Ce golfe
se confond au Nord avec la plaine d'Hennaya, que continue à
l'Ouest la plaine de Marnia, à l'Est la plaine de Bel-Abbès.
Plus au Nord encore, l'horizon est fermé par le massif des
Traras, où la table de Noé (Djebel Tadjera, c'est-à-dire l'assiette,
en berbère) montre son profil caractéristique. A l'Est de la
coupure de la Tafna, au-delà de laquelle on aperçoit la mer,
c'est la chaîne plus basse des Seba-Cliioukh et du Tessala.
Ainsi Tlemcen, abritée des vents du Sud, reçoit au contraire
les vents marins. Mais ce ne sont pas là les seuls avantages de
sa situation.
Le massif jurassique de la province d'Oran est une région
très spéciale, sans analogue en Algérie, ce qui donne, dit
Reclus, le spectacle, rare à l'orient de l'Atlas marocain, des
eaux courantes et des cascades. » C'est à la lisière du massif
jurassique et des terrains tertiaires que jaillissent les magni-
fiques sources qui font la beauté et la richesse de Tlemcen.
Le massif jurassique, en effet, se compose de calcaires fissurés,
reposant sur des grès poreux, lesquels sont eux-mêmes
supportés par des argiles : disposition éminemment favorable
à la formation de sources vauclusiennes. On voit très bien,
soit à rw. de Tlemcen, soit à l'E.. à Bou-Médine, ou encore
aux cascades d'El-Ourit, les calcaires et dolomies du jurassique
supérieur reposant sur les grès dits de Bou-Médine.
Les falaises dolomitiques rappellent absolument celles des
Causses du Tarn. On peut les admirer en particulier au
magnifique cirque d'El-Ourit, formé par le djebel Chouka et
le djebel Hanif, entre Tlemcen et Ain-Eezza. Le paysage est
splend'ide ; les cascades encadrées de verdure, aux eaux vertes
et très claires, sont un des beaux spectacles de l'Algérie.
A Lamoricière, et plus à l'E. sur la route de Tlemcen à Marnia,
de nombreux cirques analogues, que contournent les voies de
communication, se montrent sur toute la lisière du massif
secondaire.
Ce massif présente aussi les phénomènes ordinaires des pays
de calcaires fissurés ; comme dans les Causses, les grottes,
les avens, les galeries souterraines y abondent. Les grottes des
Ahl-el-Oued, où l'on se rend d'Aïn-Fezza, sont incomplète-
ment explorées ; elles auraient, d'après les dires des indigènes,
dont il convient probablement de rabattre quelque peu, des
dimensions fantastiques. Mon ami M, Brunache, lorsqu'il
EN ORANIE 275
était administrateur d'Aïn-Fezza, m'avait proposé de les
explorer avec lui ; je me propose de revenir en détail sur ces
grottes, dont une première visite sommaire m'a montré tout
l'intérêt, et qui paraissent mériter un examen approfondi.
J'ai visité Tlemcen avec des guides aimables, éclairés, et
amoureux de leur cité : M. Gaudefroy-Demombynes, actuelle-
ment secrétaire de l'École des Lajigues orientales ; MM. Mar-
çais et Bel, le premier directeur, le second professeur à la
médersa de Tlemcen. Et, si j'ai quelque peu pénétré le charme
de Tlemcen, c'est à ces Messieurs que je le dois.
Tlemcen comprend quatre groupes de constructions :
1° Agadir, au N.-E. de la Tlemcen actuelle, fondée au
VIII*-' siècle par Idris P'' sur remplacement de la ville romaine
de Pomarium ; elle fut la capitale des Beni-Ifren (Zenata),
puis devint un quartier de la Tlemcen des Almoi'avides.
La vie s'en est retirée ; il n'en reste plus qu'un minaret,
entouré de jardins et de vergers, au milieu desquels habitent
quelques tanneurs ; 2° La Tlemcen actuelle a été fondée au
XP siècle par Youcef ben Tachfm l'Almoravide sous le nom de
Tagrart, puis réunie à Agadir qu'elle a ensuite remplacée ;
30 Sidi bou Médine, à deux kilomètres S.-E. de Tlemcen,
comprend le tombeau, la mosquée et la médersa du saint;
40 Mansoura, à trois kilomètres W., montre les restes de la
ville élevée au XIV' siècle par Abou-Yakoub le Mérinide sur
l'emplacement de son camp, alors qu'il assiégeait Tlemcen.
Tlemcen, capitale du Maghreb central, fut glorieuse sous
les Almoravides, les Almohades et surtout sous les Beni-
Zeiyan, aux XlIJe-XIVc siècles. C'est la seule ville de l'Algérie
qui ait de vrais monuments arabes d'un réel intérêt architec-
tural, car Alger, même avant qu'elle eût été détruite par le
vandalisme de ses habitants, était une ville turque. Seuls les
monuments de Tlemcen sont parfois comparables aux beaux
édifices de l'Espagne et du Caire. Mais ce sont surtout les
souvenirs historiques qui s'y rattachent et leur situation
pittoresque qui en font le prix aux yeux du visiteur. Dans la
médersa d'El-Eubbad ont enseigné Senoussi et Ibn-Khaldoun,
ce Thucydide berbère, dont les Prolégomènes sont parmi les
plus beaux chapitres de philosophie historique qui aient jamais
été écrits, bien supérieurs, à mon avis, à ceux de Bossuet et
de Voltaire. Au point de vue pittoresque, Mansoura, avec son
minaret et son enceinte vide où poussent le blé et les oliviers,
276 EN ORANIE
est, au coucher du soleil, un des plus beaux cadavres de ville
qui se puissent voir. Encore faudrait-il éviter que des restau-
rations maladroites viennent rompre le charme, car il semble
que nous ne connaissions, pour les monuments, d'autre alter-
native que la destruction ou la l'econstruction. Et quelle recons-
truction ! On a fait au minaret de Mansoura des pans coupés
en ciment d'un effet déplorable. Surtout, on a entouré la jolie
mosquée d'Abou-el-Ilassen, dite de la Médersa, d'un muret
d'une grille qui sont ceux d'un chenil ou d'une porcherie, et
qui constituent une abominable faute de goût.
La population a mieux conservé son organisation et ses
cadres à Tlemcen que dans les autres villes de l'Algérie, et,
quoique restée profondément musulmane, elle paraît entrer
assez volontiers en contact avec les Français, pour peu que
ceux-ci y mettent quelque bonne volonté. A certains indices
difficiles à préciser, on sent qu'il y a ici entre les deux
éléments moins d'hostilité qu'ailleurs, et que parmi les
Tlemceniens survivent les descendants de ces Koulouglis qui
s'allièrent aux Français contre Abd-el-Kader et se défendirent
dans le Méchouar, en 183G, avec tant d'héroïsme.
Et, comme certaines traditions de culture intellectuel'e
se sont conservées à Tlemcen, la question de l'enseignement
supérieur indigène se pose ici dans des conditions particuliè-
rement favorables. L'intérêt en est accru par le voisinage du
Maroc. Quel est le présent, quel est l'avenir de cet enseignement
des médersas ? Ce sont des problèmes très complexes, que je
ne saurais indiquer en quelques lignes. L'idée très juste qui
a inspiré M. Jules Cambon dans la réorganisation des médersas
est qu'en Algérie c'est sur l'élite musulmane qu'il faut agir
si nous voulons obtenir des résultats Mais cette élite musul-
mane existe-t-elle encore, et, si elle existe, la trouvons-nous
sur les bancs de nos médersas? Ne peut-on dire des indigènes
qui les fréquentent ce qu'on disait jadis des interprètes :
les uns ne savent pas le français, les autres ne savent pas
l'arabe, et les plus nombreux ne savent ni le français ni l'arabe?
Les fonctions réservées aux élèves des médersas sont-elles
assez nombreuses etassez imi)ûrlantes? Obtiendrons-nous des
professeurs musulmans cette évolution rationnelle et critique
de la théologie et de la science juridique que M. Goldziher
indiquait récemment comme la tâche de l'Islam au XX** siècle ?
Le directeur actuel de la médersa de Tlemcen, M. Marçais, est
EN ORANIE 277
un arabisant de grand mérite, appelé sans doute au plus bel
avenir ; il a des idées générales ; il aime sa tâche et en
comprend la grandeur ; il est mieux préparé que quiconque
à entreprendre cette œuvre de renaissance et à la mener à bien.
Tout autour de Tlemcen s'étend le beau verger qui lui valut
son nom de Pomarium. Aux oliviers centenaires et aux figuiers
vénérables se mêlent les caroubiers,les térébinthes. Les chemins
creux et ombragés, véritables cavées normandes, invitent à la
rêverie. La Makbara, véritable C4a)npo-Santo, qui s'étend entre
Tlemcen et El-Eubbad, est un endroit délicieux entre tous :
(( Combien ce lieu est propice pour y dormir en paix l'éternel
sommeil », s'écria Sidi-Bou-Medine. Il disait vrai ; si j'étais
musulman, je voudrais reposer dans ce champ des morts, à
côté des saints et des savants de Tlemcen, dont les koubbas
élégantes ou frustes, gracieuses ou modestes, parsèment la
campagne. Car les morts sont à Tlemcen plus nombreux que
les vivants, et parmi ces morts, les savants sont en grand
nombre. Tlemcen d'ailleurs produit encore des saints ;
à Aïn-el-Hout, sur une tombe fraîchement décorée, une femme
est qualifiée de Oualia, sainte. M. Doutté a raconté la légende
de quelques-uns des saints de Tlemcen, étudié les traditions
et les rites qui s'y rattachent. Les légendes, souvent très
gracieuses, fleurissent sur le sol de Tlemcen comme sur celui
de la Bretagne, et le grand saint Bou-Mcdine tient, dans la vie
des habitants de Tlemcen, la même place que sainte Anne ou
saint Yves chez les indigènes de l'Armorique. Son nom, ou
quelqu'un de ses surnoms, sont portés par les petits enfants ;
c'est lui que l'on prend à témoin de la vérité de ce
que l'on dit, lui que l'on va trouver lorsqu'on a une
grâce à demander, une guérison à obtenii-, un voyage à
entreprendre. A Tlemcen comme en Bretagne, le culte des
saints se confond avec le culte des arbres et des fontaines.
Ici et là, c'est le même paganisme naturaliste, que les
jeunes religions monothéistes n'ont pas complètement réussi
à effacer.
Il faut voir Tlemcen un jour de fête musulmane, l'Aïd-el-
Kcbir pir exemple. Dans les jours qui précèdent la fête, chacun
a acheté un mouton, pour le tuer et le manger selon les rites
antiques. Le jour de la fête, c'est dans les rues une animation
folle de gens achetant des haloiiat, du nougat, des gâteaux
anisés, toutes sortes de nourritures bizarres. Les femmes de
278 EN ORANIE
Tlnmcen, qui, d'après un proverbe très justifié, ne se voilent
qu'à demi, parce qu'elles se savent jolies, montrent dans
l'entrebâillement des portes leurs fines silhouettes d'idoles
aux sourcils arqués, aux ongles fraîchement teints de henné.
Et les fillettes innombrables, coilTées de la hentka crânement
campée sur l'oreille, étalent dans les rues les tons éclatants
de leurs robes roses, jaunes, bleues. Elles jouent à dos jeux
d'enfants, souvent des jeux français (la semaine, cache-cache,
etc.). Les tout petits, portés sur les bras de leurs pères, sont
exquis avec leurs petits burnous verts et leur chéchia brodée.
Les montagnards du Rit, pauvres gens demi-nus, à la barbe et
aux cheveux nattés et frisés, se réjouissent avec les autres,
car eux aussi sont musulmans. Les nègres, dansant et chan-
tant, montrent leurs belles dents blanches et rient comme des
enfants à toute la foule qui les suit. Pendant ce temps, le
soleil se couche splendide derrière le Fillaoucen, et disparaît
derrière les montagnes de ce Maroc qui sera nôtre un jour, si
nous savons avoir en Algérie une bonne politique indigène.
Le lendemain, les nègres, les Aïssaoua, les corporations de
toutes sortes vont en procession à El-Eubbad, boire l'eau du
puits sacré, vénérer l'ami de Dieu, le pôle de l'Islam, et surtout
le genius loci, le protecteur particulier de Tlemcen et des
Tlemceniens. Ils vont aussià Aïn-el-Hout, oii sont les poissons
sacrés, parmi lesquels la vierge qui, poursuivie par Djafar, fils
d'un roi de Tlemcen, se changea en poisson pour échapper à
son étreinte.
Ces fêtes musulmanes sont certainement d'une qualité par-
ticulière, qui tient, je crois, à ce que l'ivresse de l'alcool n'y
joue aucun rôle, et à ce qu'elles ont un caractère religieux,
a Qui donnera des fêtes, disait Lamennais, au pauvre peuple
de ce monde? Car le peuple est simple et sans art. Mais le
peuple et Dieu se mettront ensemble, et ce sera la fête de
l'humanité. » Seules les fêtes religieuses donnent cette commu-
nion fraternelle de tout un peuple dans une même joie. Tolstoï,
dans une des plus belles pages de Résurrection, a décrit les
émotions d'une nuit de Noël en pays russe : sous un autre
climat et dans un autre milieu, c'est VAid-el-Kebir deT\emcen.
La Révolution française avait très bien reconnu le besoin de
ces fêtes et elle y avait en partie donné satisfaction.
Je quitte Tlemcen à regret, me répétant la parole du poète
Ibu-Khefadja : « Le paradis de l'éternité, ô Tlemceniens, ne se
EN ORANIE 279
trouve que dans votre patrie ; et s'il m'était donné de choisir,
je n'en voudrais pas d'autre que Tlemcen. » Et dans ma
mémoire chante la phrase de Flaubert : cl II y a des endroits
de la terre si beaux, qu'on a envie de la serrer contre son cœur.»
DE TLEMCEN A XEMOURS
Je ne connais pas de sensation plus exquise que celle du
départ de grand matin. En Algérie, où les étapes sont longues
et les heures du milieu du jour souvent chaudes, on part
souvent avant la fin de la nuit. Une douche d'air frais vous
frappe au visage, et Ton se met en route à travers la campagne
endormie, pleine d'ombre et de mystère. Peu à peu, l'œil
s'habitue à l'obscurité, et, le jour venant, les formes se pré-
cisent. Les étoiles pâlissent une à une, la nature est ccmme
prise d'un frisson dans l'attente d'un grand événement. Et
l'événement se produit: c'est le lever du soleil, l'apparition
de Baal-Echmoun, le Dieu cruel et dévorateur, qui illumine,
puis incendie l'espace.
La route de Tlemcen à Marnia suit d'abord la lisière du
massif jurassique. Elle arrive bientôt au col du Juif (Akahat-
ey-Youdi), nom qui, d'après une légende tlemcenienne, se
rattache au Juif qui fut un des architectes du minaret de
Mansoùra ; ne pouvant descendre de la tour qu'il avait cons-
truite, il se fabriqua des ailes, et, nouvel Icare, vint tomber
au col qui porte son nom. Il y a d'ailleurs à Tlemcen tout un
cycle de personnages ailés à rendre jaloux les modernes
aéronautes, et un des saints dont la coupole se voit sur la
route de Bou-Medine s'appelle Et-Thiour, le marabout volant.
Le Col du Juif est un des points culminants de la route. En se
retournant, on aperçoit une dernière fois les vergers de
Tlemcen et de Mansoùra. Devant soi, on a la plaine de Marnia,
Marnia même qui fait une tache blanche à l'horizon, la trouée
d'Oudjda, le massif des Traras et les monts des Beni-Snassen.
A gauche, au premier plan, se voit un village berbère perché
comme un nid d'aigle, celui de Beni-Mestcr.
Après avoir contourné des cirques analogues à celui d'Aïn-
Fezza, notamment le beau ravin de l'Oued-Zitoun, on arrive à
Aïn-Sabra, oii un village de colonisation, nommé Turenne, a
280 EN ORANIE
été fondé en 1898. Ce village, déjà prospère, parait appelé à un
certain avenir. Il est dominé par une gendarmerie fortifiée, ce
qui n'est pas inutile dans cette zone frontière et peut être
partout une précaution nécessaire, comme les événements de
Margueritte l'ont récemment montré. Placé à la lisière du
massif jurassique, qui lui envoie des eaux abondantes, il a ses
terres de culture sur des alluvions pliocènes. De magnifiques
caroubiers, que les colons ont eu le bon esprit de respecter,
parsèment et égaient la campagne, oi^i les champs et les vignes
commencent à remplacer la brousse.
Ce n'est pas mon dessein de traiter ici la question si contre
versée de la colonisation officielle. Il est inutile d'insister sur
la manie dont elle est atteinte, et qui consiste à imposer
systématiquement aux localités où elle établit ses colons une
nomenclature nouvelle. Cette débaptisation, condamnée par
tous les géographes et qui est la marque d'une singulière
tournure d'esprit, prépare des tortures aux philologues
de l'avenir, à cause des déformations que subissent assez
vite les noms des grands hommes choisis comme parrains.
C'est ainsi qu'on dit dans la région Turin au lieu de Turenne,
le nom de l'illustre général n'éveillant que des souvenirs assez
vagues parmi les indigènes, les Espagnols et peut-être même
les colons ; de même Marbot devient Marabout, Masqueray
Mascara, Pélissier Iblicl (diabolique), Trumelet Trois-Miilets
(i), et ainsi des autres.
Quant au fond même de la question, les deux opinions en
présence sont, d'une part, celle des thuriféraires patentés qui
trouvent excellente la colonisation officielle parce qu'ils en
vivent, et qui, comme Dieu quand il eut créé le monde,
estiment que leur œuvre est bonne D'autre part, les écono-
mistes de l'école libérale jettent les hauts cris lorsqu'on leur
parle de colonisation officielle; sans doute, ce qu'il y a d'artifi-
ciel dans cette manière de procéder répugne à ces apôtres du
laissez-faire. Comme si toute colonisation, c'est-à-dire l'implan-
tation de populations immigrées sur une terre nouvelle n'était
pas forcément artificielle, surtout s'il y a d'anciens occupants!
En somnje, la colonisation officielle ne mérite ni d'être approu-
vée sans réserve ni d'être condamnée sans appel. On lui
reproche de coûter foil cher ; mais il faut bien remarquer
ri) G' Hinu.
EN ORANIE 281
qu'elle fait la tache d'huile et trace les cadres que l'initiative
privée vient ensuite remplir. Et quant au résultat final, il
dépend avant tout du choix de la région, de la localité et des
éléments de peuplement. C'est assez dire qu'elle devrait pro-
céder d'une façon nioins administrative et plus géographique.
A partir d'Aïn-Sabra, la route s'éloigne du massif jurassique,
et, descendant vers la Tafna, pénètre dans la plaine tertiaire.
On traverse d'abord la forêt de Tameksalet, composée de thuyas
{Callitris quadrivalvis) et de genévriers oxycèdres, assez
maigres les uns et les autres. Puis toute végétation cesse
brusquement au moment précis où on passe des alluvions sur les
marnes, pour ne reparaître qu'au voisinage du pont de la
Tafna, où une allée de beaux peupliers annonce Marnia (1).
D'après des renseignements que m'a aimablement fournis
M. Getten, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées à Oran,
il serait possible d'irriguer dans cette région cinq à six mille
hectares. Les jaugeages entrepris sur la Tafna donnent pour
ce fleuve 500 litres à l'étiage dans les années sèches, 4500 litres
en moyenne. Il y aurait là une œuvre du plus haut intérêt. Le
seul obstacle à son accomplissement est, parait-il, que la
terre qu'il s'agit d'irriguer appartient aux indigènes, comme si
la prospérité des indigènes et celle des colons n'étaient pas
intimement liées ! D'ailleurs, un hectare irrigué vaut le cen-
tuple d'un hectare non irrigué ; il serait donc possible d'attri-
buer à la colonisation une partie des terres ainsi fertilisées.
Au sortir de Marnia, la route monte ; on aperçoit bientôt à
l'E., au milieu de la plaine des Angad, le café maure de Zoudj-
el-Beral, qui, à mi-chemin d'Oudjda, marque la frontière
marocaine.
Après une courte descente, on parvient à la Mouïla, dans
laquelle tombent deux sources thermales, l'une captée et utilisée
pour des bains indigènes, l'autre assez abondante pour faire
tourner un moulin. Ces eaux sont celles d'Hammam Chighel (2).
Le site du moulin est très pittoresque ; les eaux minérales, en
retombant dans la rivière, ont formé des stalagmites, et la
falaise de l'oued est toute couverte d'une végétation d'algues
et de mousses spéciale aux sources chaudes.
CI) V. J. Canal, Marnia. ("Les Villes de l'Algérie, Paris, 1887.)
(2) Et non Hammam Sidi Chighr, comme on le dit d'ordinaire; Chighel
est un diminutif de Achger, roux ; je dois ce renseignement à M. Moham-
med-ben-Rahal, de Nédroma.
282 EN ORA.NIE
Ensuite commence une interminable côte, par laquelle on
s'élève sur les pentes des Traras, au milieu d'assez belles cul-
tures indigènes de blé et d'orge, entremêlées d'oliviers et de
jujubiers. Après Sidi-Abdallah et Aïn-ben-Ghazal, on parvient
à une mine de calamine, dite mine de Ghristo, dont l'exploitation
a été reprise depuis deux ans. Elle est ouverte dans les flancs du
Djebel Mahasser ; les calcaires du lias alternant avec des pou-
dingues rouges, paraissent former ici deux chaînes distinctes.
A mesure qu'on monte, la vue devient plus étendue en
arrière sur la plaine tertiaire et le massif de Tlemcen, où l'on
distingue les Beni-Moster, Turenne, Sidi-Medjahed. On par-
vient enfin au col, Bab-Taza, où l'on franchit par 812 mètres
d'altitude la chaîne du Fillaoucen. Notons ici que le nom de
Fillaoucen s'applique dans le pays à toute la chaîne liasique
plutôt qu'à un sommet; le point qui porte ce nom sur nos
cartes fà l'extrémité E. de la chaîne) n'est d'ailleurs pas beau-
coup plus élevé que le reste de l'arête et ne s'en détache guère.
La chaîne littorale est beaucoup plus complexe et plus acci-
dentée. Dans l'ensemble, la région est d'ailleurs assez peu
boisée, et couverte de maquis plutôt que de forêts véritables.
J'ai dit et enseigné que le massif des Traras était la dernière
des Kabylies du Rif : d'après le peu que je puis savoir aujour-
d'hui de ces régions, je né crois pas que cette formule soit
exacte. La région des Traras, et probablement aussi le Rif,
du moins le Rif oriental, ne sont en rien comparables à la
Grande-Kabylie pour la densité de la population, l'abondance
des sources, la belle venue des arbres, le caractère alpestre.
Après Bab-Taza, on change de versant, et on aperçoit la mer.
Puis, à un détour du chemin, on voit à ses pieds la petite ville
berbère de Nédroma, diminutif de Tlemcen, enclose dans ses
murailles, entourée de ses jardins, et déparée seulement par une
ou deux maisons françaises, 1 école et la gendarmerie, je crois.
Après un éperon de granit, qui semble assez jeune, on
descend dans le bassin tertiaire où se trouvent Nédroma et ses
cultures, puis on s'engage dans la chaîne littorale de schistes,
de poudingues rouges et de dolomies jurassiques au-delà de
laquelle on atteint Nemours, par la coupure de l'Oued-Marsa.
Sur la rive gauche de la rivière sont des villages indigènes,
notamment celui de Tient et celui des Ouled-Ziri, en face duquel
est situé le Tombeau des Braves.
Dans mon excursion à Nemours, j'ai eu occasion de voir
EN ORANIE 283
deux notables musulmans, fort distingués l'un et l'autre, et qui
font l'un avec l'autre le plus curieux contraste. Il est inutile
que je les nomme : tous ceux qui les ont rencontrés les
reconnaîtront ; ils m'ont paru parfaitement représentatifs de
deux catégories d'indigènes algériens. L'un, « le roi des blés »,
est un grand négociant, gros et gras, bon vivant, et qui a pris
des usages européens exactement ce qui pouvait profiter à
son commerce, à ses affaires et à ses plaisirs. L'autre indigène
est un croyant, et, aux yeux des incroyants, un fanatique :
c'est la vie religieuse qui est tout pour lui. La connaissance
qu'il a de notre langue et de notre histoire lui fournit des
arguments en faveur de la supériorité de l'islam. Il ne se
contente pas de se défendre : il attaque, et il s'efforça de me
démontrer que le sultan de Stamboul avait eu parfaitement
raison de massacrer les Arméniens, qui conspiraient contre lui.
Ce théologien musulman, remarquable par l'àpreté et la
rigueur logique de sa conversation, est d'ailleurs profondément
respectable par sa sincérité et sa franchise. Les hommes de
cette trempe — il y en a quelques-uns en Algérie — pourraient
être, avec un peu de tact, utilisés pour notre cause ;
mais l'administration ne rencontrerait pas chez eux la
souplesse, la passivité qu'elle a coutume de demander à ceux
qu'elle emploie et préfère se passer de leurs services.
Dans la région de Nemours, l'épisode de la conquête de
l'Algérie qu'on appelle l'affaire de Sidi-Brahim est encore
présent à toutes les mémoires. Il a été souvent raconté, et je
n'y reviendrais pas si notre confrère M. le lieutenant Azan,
avec lequel j'ai eu le plaisir de visiter Nemours et ses environs,
ne m'avait fourni à ce sujet quelques indications intéressantes.
L'affaire se passa en trois phases distinctes, qu'on ne
distingue pas toujours suffisamment d'ordinaire : 1° Sur les
pentes N.-E. du djebel Kerkour, à 15 kilomètres de Nemours,
moururent le colonel de Montagnac, Froment-Goste, Gentil de
Saint-Alphonse, etc. ; c'est là que Courby de Cognord fut blessé
et fait prisonnier. Une colonne, dite colonne de Montagnac,
s'élève sur le Kerkour, un peu au S. de l'endroit du combat ;
c'est là que reposent les ossements du colonel et de ses
compagnons. De Géraux était resté à Sidi-Tahar avec les
bagages. Après la défaite par petits paquets, les survivants se
retirèrent sur Sidi-Brahim ; 2° Au marabout de Sidi-Brahim
(12 kil. de Nemours) eut lieu la défense du capitaine de Géraux
284 EN ORANIE
et l'incident Dutertre : « Camarades, défendez-vous jusqu'à la
mort. » Une plaque commémorative y a été apposée en 1898 ;
3<» Pendant la retraite sur Nemours par le plateau de Tient, en
descendant dans la vallée aux Ouled-Ziri, les restes de la'
compagnie de Géraux et le lieutenant de Chappedelaine furent
massacrés dans l'Oued-Marsa, où ils s'étaient arrêtés pour
boire. C'est le lieu dit le Tombeau des Braves (2 kil. de
Nemours), où reposent depuis 1899 quelques ossements autre-
fois déposés au-dessous du blockhaus, dans un petit monu-
ment qu'on appelait le monument Montagnac. M. Azan est
mieux renseigné que quiconque sur cet épisode des guerres
d'Afrique, autant par la lecture d'un manuscrit arabe de
l'époque, retrouvé par M. Fourié, que par l'étude des
localités et des textes. Cet officier distingué, qui occupe d'une
façon si littéraire les rares loisirs que laisse le métier militaire
sur la frontière, se propose d'entreprendre des fouilles à
la vieille Taount, sur la colline à l'Est de Nemours, où il m'a
montré, avec des ruines berbères, de curieuses allées
couvertes au sommet de la colline. Il faut espérer qu'il
donnera suite à ce projet, et fera connaître les résultats de ses
recherches à ses confrères de la Société d'Oran.
LE COMMERCE AVEC LE MAROC
Plus que les souvenirs du passé, c'est la question du com-
merce actuel et futur avec le Maroc qui préoccupe, et très
légitimement, les habitants de TOranie occidentale. Me rendre
compte par moi-même de quelques-uns des éléments du
problème ; voir comment la question marocaine se présente au
point de vue commercial sur notre frontière de l'ouest, après
l'avoir vue de Tanger et de Melila ; recueillir des indications
et me faire une opinion sur les conditions et les possibilités
du commerce marocain par la frontière algérienne, c'était
aussi le principal but de mon voyage (1).
(i; Jexprime ici tous mes remerciements à MM. le commandant Bou-
vi«r, de -Marnia, l'admiaistrat'^îur Cliimbigeet Moliammed ben Rahal.de
Nédroma, la lieuteDant Azan et Si El-IIadj, de Nemours, qui m'ont très
obligeamment fourni nombre de renseignements intéressants sur cette
Îuestion. Le Bulletin d'Oran a publié, suiis la signature du command'«at
lemaught, un Voyage d'études commerciales à la frontière marocaine,
auquel j'aurai plusiturs fois occasion de renvoyer et que je me bornerai
à compléter sur quelques points (^Bull. d'Oran, \6d6, p. 22, 167; 1697, p. 30).
EN ORANIE 285
La question se présente sous un triple aspect : celui des
communications, ports et voies ferrées, celui du régime
douanier, celui de la pénétration commerciale au Maroc même.
J'ai dit plus haut ce que je pensais des ports de l'Oranie
Quant aux voies ferrées, il est évidemment tout-à-fait urgent
de construire les 60 kilomètres qui séparent Tlemcen de Marnia.
On a quelque peine à persuader aux profanes qu'il y a tout
avantage à se tenir sur la falaise jurassique au lieu de suivre
la plaine ; mais ceux qui savent quel déplorable terrain pour
l'établissement des travaux publics sont les marnes délitescen-
tes du miocène moyen, ceux qui ont vu quelles incessantes
réparations elles nécessitent là où la voie ferrée s'y engage,
comme sur la ligne de Médéa et du côté de Souk-Ahras,
comprendront sans peine que ce n'est pas pour le plaisir de
faire des travaux d'art que les ingénieurs ont préféré tailler
dans le roc vif, et asseoir le rail sur un terrain solide. D'ailleurs,
la question n'est plus entière, puisque la ligne atteint déjà
Tlemcen ; le plus fort est fait, et de Tlemcen à Marnia, il ne
reste pas, croyons-nous, de grosses difticultés.
Ce n'est pas à dire que la ligne d'Oran à la frontière maro-
caine par le littoral ne doive également être construite ; il n'y
a pas de doute sur ce point (1). Il va de soi que les habitants
de cette région et ceux qui y ont des intérêts insistent sur la
nécessité de cette ligne ; on comprend aussi qu'ils soient portés
à exagérer les avantages de la voie étroite et à atténuer les
inconvénients des argiles tertiaires. Ce qui tient du prodige
par exemple, c'est qu'on ait réussi à persuader aux habitants
de Tlemcen qu'ils avaient avantage à ce que la ligne de la fron-
tière marocaine ne passe pas par chez eux.
Dans le même ordre d'idées, le Voyage d'études commer-
ciales publié par le très regretté commandant Demaeght signa-
lait la nécessité d'abaisser les tarifs de chemin de fer et de
faire du marché de Marnia, que l'on agrandirait, un immense
fondouk entouré de magasins qui seraient loués à certaines
catégories de marchands et de hangars où pourraient passer
la nuit les étrangers venus pour le marché et arrivés la
veille (2).
(1) V. G. Milsom. Le cliemin de fer d'Oran au Maroc (Oran, 1901).
Gomme le dit l'aufeur, mon opinion n'est pas diamétralement opposée à
la sienne, mais elle en diffère sur un certain nombre de points,
(2) Bull. d'Oran, 1890, p. 22.
30
286 EN ORANIE
Mais ces mesures et d'autres du même genre ne serviraient
de rien si la législation douanière constituait un obstacle invin-
cible aux transactions avec le Maroc. Au point de vue de l'im-
portation, la situation est bonne, et, malgré les entraves mises
de temps à autre par l'amel d'Oudjda, Si Abbès Mohammed ben
Ech Chergui, le commerce du bétail, des moulons surtout, par
la frontière algérienne, n'a pas cessé de progresser. Malgré nos
relations quelque peu tendues avec le Maroc en 1900, par
suite de l'abondance des pluies et du bon état du pâturage, par
suite aussi du rétablissement de la paix entre les Sedjaà et les
Mehaïa opéré par le chérif Si Abdesselam-el Merani, il y a eu
une augmentation de trallc considérable. Dans le seul qua-
trième trimestre de 1900, il a été transporté par Marnia 78.000
moutons, contre 16.000 en 1899. Le trafic est assez sérieux
pour que les documents consulaires anglais, d'ordinaire bien
renseignés, se préoccupent de l'atteinte sérieuse que ce com-
merce de la frontière peut porter au marché de bétail de
Tanger, et par suite au commerce britannique (1).
Au point de vue de l'exportation au contraire, la situation
était jusqu'à ces dernières années tout à fait déplorable, sur-
tout depuis la création du port franc de Melila en 1881. Les
commerçants d'Oudjda et de Sebdou, sans cesser complète-
ment leu^^s relations avec l'Algérie, tiraient la plus grande
partie de leurs approvisionnements de Melila et de Fez; les
caravanes qui allaient autrefois de Fez à Tlemcen venaient
encore un peu, mais reparlaient à vide et faisaient leurs achats
à Melila (2j. Pareille cho.se ne se serait pas produite si, comme
le proposait dès 1879 le commandant Demaeght (3), on avait
créé à Tlemcen une f jire annuelle et un entrepôt franc.
On sait que la loi de finances du 16 avril 1895, instituant
en Algérie un régime de transit pour les marchandises à des-
tination du Maroc, et le décret du 16 décembre 1896, intervenu
en exécution de cette loi et énumérant les marchandises
admises à la détaxe des droits de douane et d'octroi de mer,
ont en partie remédié à cette situation. Quels ont été les
résultats de cette législation nouvelle ? On n'est pas d'accord
(1) Consular Reports, 1901, ii°2'31, p, Il II convient d'ajouter que les
mesures récemment prises par le Ministère de l'Agriculture au sujet de
ia clavelisalion risquent fort, si l'on n'y prend garde, d'anéantir ce trafic.
(2) De la Martinière et N. Lacroix, Documents, I, p. 86.
«) Bull. d'Oran, 1879, p. 198.
EN ORANIE 287
sur ce point (I), et peut-être est-il encore trop tôt pour en
juger. Il ne faut pas se montrer trop impatient, car les
courants commerciaux ne se dessinent qu'avec lenteur.
Il n'a pas été publié de documents sur ce sujet ; les
Procès-verbaux du Conseil supérieur de 1898 indiquaient les
chiffres de sortie du sucre raffiné par Marnia ; ils ne les
donnent plus en 1899 ni en 1900, D'après des renseignements
personnels que j'ai recueillis sur place, l'exportation des
sucres tend à diminuer par Melila, à s'accroître par Marnia,
surtout depuis qu'on s'est décidé à accorder aux sucres expor-
tés par Marnia la prime d'exportation de 2 fr. 86 par 100 kilos
qui jusqu'ici leur était refusée, Marnia exporte actuellement
plus de 1.000 quintaux de sucre par mois. Le café, le poivre, la
cannelle donnent également des chiffres sans cesse croissants,
et il ne serait pas impossible de développer le commerce de la
bougie et du savon. D'après les chiffres qui m'ont été aima-
blement communiqués par un correspondant particulier,
l'exportation, pendant le l*^'' trimestre de 1901, a été, à Marnia,
de 343.000 kilos de sucre, 4.149 kilos de café, 2,550 kilos de
poivre, 253 kilos de girofle, 723 kilos de cannelle, chiffres de
beaucoup supérieurs à ceux Je 1900.
On demande cependant de divers côtés que la législation
actuelle soit améliorée. Tout d'abord, il y aurait peut-être lieu
d'augmenter la liste des produits détaxés, sous cette réserve,
bien entendu, que, comme l'a demandé la Chambre de Com-
merce d'Alger, on ne devra détaxer, parmi les objets manu-
facturés étrangers, que ceux dont l'industrie française ne
produirait pas les similaires ; sinon, « l'industrie étrangère se
substituerait peu à peu à l'industrie française et se rendrait
maîtresse du marché africain » (2), ce qui n'est pas précisé-
ment le but que l'on recherche. D'autre part, le système
actuel, comme l'écrivait le commandant Demaëght, n'est pas
celui des marchés francs, mais celui des entrepôts fictifs
spéciaux. Le premier aurait eu le grand avantage d'amener
l'établissement d'un plus grand nombre de commerçants,
tandis qu'avec le système adopté, le trafic est forcément
monopolisé entre les mains de quelques gros négociants, qui
(1) Bull. Soc. Géogr. comm., 1900.
(2) Bull. cl'Oran, 1896, p. 203.
288 EN ORANIE
sont seuls à bénéficier en Algérie de l'application du nouveau
régime. Avec la législation en vigueur, on se plaint des
exigences de la douane en ce qui concerne le double emballage
et le plombage ; de l'immobilisation des capitaux résultant de
ce que les droits sont consignés en espèces et remboursés
seulement après exportation, de sorte que, pour faire un
commerce de 50.000 fr., il faut pouvoir disposer de lOO.COO fr. ;
de l'obligation de payer une escorte pour accompagner les
marchandises et en prévenir le retour frauduleux. On demande
que ces formalités soient simplifiées. On voudrait surtout que
la vente au détail des marchandises détaxées fût autorisée
dans les postes de sortie, alin de permettre aux indigènes
d'abord de toucher et de voir ce qu'ils achètent, puis de
s'approvisionner en petites quantités et proportionnellement
à leurs besoins. Quelques-uns vont plus loin et réclament la
création d'une zone franche ; le système actuel, disent-ils,
empêche le commerce, mais n'empêche pas la contrebande.
Le sucre, qui sort en gros, rentre en détail ; on le consomme
ouvertement, sous les yeux de la douane, dans les cafés maures
de Nemours. On a renoncé à la répression lorsqu'on saisit
seulement 50 kilos, la charge d'un âne, et on se borne à
confisquer la marchandise ; un douanier disait même, paraît-
il, que la répression de la contrebande du sucre, de la
poudre, etc. serait impossible tant qu'on tolérerait aux musul-
mans le port du capuchon. Avec une zone franche, la sur-
veillance, loin d'être plus compliquée, serait au contraire plus
facile, surtout si on étendait cette zone jusqu'à la Tafna, qui
n'est guéable que sur un petit nombre de points. La
contrebande se trouverait en somme déplacée à notre profit,
et c'est au détriment du Maroc qu'elle s'exercerait.
La constitution d'une zone franche ne devrait d'ailleurs
nullement nous empêcher de prendre vigoureusement l'ofTen-
sive vis-à-vis du Maroc, — l'oiïensive commerciale, bien
entendu. On comprend qu'à cet égard une certaine discrétion
soit nécessaire, bien qu'il ne faille pas abuser du mystère et
du (( confidentiel », comme on a trop de tendance à le faire
chez nous. Le meilleur procédé consisterait sans doute à
organiser des caravanes armées entre Tlemcen et Fez, comme
y avait, croyons-nous, songé M. Jules Cambon. On objecte
que le trajet est sensiblement plus long de Marnia à Fez que de
Larache à cette ville : mais d'autres considérations entrent en
EN ORANIE 289
ligne de compte. II ne s'agit d'ailleurs pas seulement de Fez
même, qui n'est que le terminus, mais des régions à desservir
sur le parcours et notamment de la vallée de la Moulouïa. On
se heurterait, bien entendu, à la mauvaise volonté des intérêts
qu'on léserait, mais en revanche les indigènes algériens
pourraient nous être d'un bien précieux secours. Nos sujets
musulmans pourraient nous y aider, en même temps que les
Juifs deTlemcen, qui, comme on sait, ont tous des « cousins »
à Oudjda, à Debdou et à Fez. Les négociants indigènes qui
engageraient leurs capitaux ou leurs personnes dans une
pareille entreprise le feraient à leurs risques et périls. Ces
risques et périls seraient grands, au moins au début ; il est
évident que le commerce entre Tlemcen et Fez ne se fait pas
tout à fait comme entre Paris et Rouen. Mais on trouverait
certainement des indigènes qui s'y exposeraient volontiers, et
ne craindraient pas de faire « parler la poudre » avec les
Ghiata. Ceux-ci, au bout de fort peu de temps, s'apercevraient
qu'il est de leur intérêt de convoyer les caravanes plutôt que
de les piller. D'ailleurs, les mêmes influences religieuses qui
s'emploient à faciliter l'importation du bétail marocain par
notre frontière pourraient agir pour faciliter l'exportation par
la même voie, à condition que les Roumis n'interviennent pas
personnellement dans ce trafic et se bornent à le favoriser
indirectement, par des procédés que je n'ai pas à indiquer ici.
Ainsi s'effectuerait la pénétration du Maroc par le commerce
français, pénétration qui, comme l'a montré M. Mohammed
ben Rahal, a un intérêt politique de premier ordre. La multi-
plicité des relations et l'importance des liens noués amènerait
à la meilleure des conquêtes et la plus profitable, celle qui
repose sur les intérêts réciproques. Si l'on veut tenter quelque
chose de sérieux, il faut rendre la vie à cette grande artère
algéro-marocaine entre Tlemcen et Fez, par Taza et la vallée
de l'Innaouen, que suivit le commerce pendant tout le Moyen-
Age, et dont il n'est pas impossible, croyons-nous, de lui
rapprendre le chemin. Ce qu'on peut tenter du côté du Sud
n'aura jama's, au point de vue économique, qu'une importance
tout à fait secondaire. On peut s'en rendre compte en visitant
ces contrées.
290 EN ORANIE
D'OR\N A DLVEYRIER
Le voyage d'Oran à Duveyrier, terminus actuel du chemin
de fer du Sud-Ouest, permet d'atteindre le point le plus
méridional où parvienne le rail en Algérie, et fournit une
excellente coupe transversale de la province d'Oran,
On longe d'abord la Sebkba d'Oran, et on suit la zone des
plaines basses du liltoral. Puis, entre Perrégaux et Tizi, on
traverse la deuxième chaîne Teliienne : c'est le massif des Beni-
Chougran, composé de terrains stériles et monotones, oii
dominent les marnes argileuses et qui se montrent partout
dénudés, sauf aux environs du barrage de l'Habra, oij on a
reboisé les croupes qui avoisinent ce beau lac artificiel. (1).
Le barrage, qui a été, comme on sait, détruit deux fois, en 1872
et en 1881, a failJi l'être encore en novembre 1900, lors de la
grande crue qui a emporté le pont du chemin de fer de l'Habra.
Avec les pluies torrentielles et subites de l'Afrique du Nord,
les grands ouvrages hydrauliques de ce genre sont singuliè-
rement dangereux, et voués tôt ou tard à la rupture. Aussi
semble-t-il qu'on doive, sauf dans des cas assez rares, renoncer
à en construire de nouveaux, et substituer aux barrages-
réservoirs les barrages - déversoirs et les multiples petits
ouvrages.
Après Tizi (454 m.), on pénètre dans la plaine d'Eghris.
On aperçoit longtemps Mascara à gauche, sur le versant Sud
de la chaîne. On se rapproche peu à peu du massif jurassique,
dont on voit à gauche les éperons rocheux ; la plaine monte
insensiblement, de sorte qu'elle finit par se trouver presque à
l'altitude des sommets des Beni-Chougran, qu'on aperçoit
émergeant légèrement. Après avoir traversé quelques brous-
sailles de thuyas, de lentisques et de chênes-verts, parsemées
de diss, et, au voisinage des villages, quelques vergers, on
parvient à Saida (807 m.). On passe près des ruines de l'ancienne
Saïda d'Abd-el-Kader, entourée du côté du S. par un beau ravin
aux hautes falaises de dolomies, représentant le Dogger, sous
lesquelles sont les calcaires rouges marneux du Lias supé-
rieur (2). On s'élève rapidement en lacets sur la deuxième
' i
(1) Cf. Trabut, D'Oran à Méchéria, notes botaniques. Alger,
Jourdan, 1887.
(2) Flamand, dans Rapp. duSero. géolofj. 1897 iAnn, des Mines, 4899)
^f.
EN ORANIE 291
crête du massif jurassique, et on se trouve alors sur un vaste
plateau ondulé de marnes oxfordiennes, où la couche de terre
végétale a une grande épaisseur et sur lequel la culture, vignes
et céréales, gagne de plus en plus. Cette région, située entre
Saïda et Tafaroua, est certainement le district le plus fertile
et le plus colonisable que l'on rencontre sur tout le trajet
depuis Oran.
A partir de Khalfallah, on entre dans la steppe. L'alfa,
mélangé au Lygée sparte et au chih ou armoise (Artemesia
herha-alba), se montre, d'abord en touffes isolées, puis en
peuplements un peu plus denses. Mais nulle part, au voisinage
du chemin de fer, on ne peut plus parler de « mer d'alfa ».
Une exploitation abusive a beaucoup réduit la surface et la
densité de cette graminée, qui s'avançait autrefois, au dire
de M. Trabut (1), jusqu'à Mascara et à Bel-Abbés. Les belles
études de M. Trabut ont fait voir l'intérêt qu'il y aurait à assurer
la conservation de l'alfa, tant comme obstacle à l'érosion et à la
dénudation que comme ressource économique pour un pays
qui en présente si peu ; le même auteur a indiqué les mesures
à prendre pour parvenir à ce résultat, et dont la principale
consiste à empêcher la cueillette pendant la période de grande
végétation, au printemps. Il faut absolument empêcher la
destruction de l'alfa, si l'on ne veut voir le désert s'avancer
peu à peu jusqu'à la Méditerranée. Actuellement, d'ailleurs,
l'exploitation de l'alfa s'est fort ralentie, et on ne voit plus
guère aux abords des gares les immenses dépôts qui s'y
trouvaient autrefois ; les causes de ce ralentissement sont la
baisse des prix des alfas, la rareté de la matière exploitable à
une distance utile du chemin de fer, enfin les mesures
prises en vue d'assurer la reconstitution.
Le wagon roule à travers la steppe désolée, qui présente ici
les ordinaires mirages, faisant surgir çà et là des visions imagi-
naires, nappes d'eau miroitantes, forêts, trouperux au pâturage.
On rencontre çàet là quelques chameaux, un vol de sauterelles,
des gazelles qui s'enfuient ; ce sont les rares incidents de la
route. Près du Kreider, on entre dans la cuvette du Chott-ech-
Chergui, étrange paysage de sable, de sel et de sulfate de
chaux qui luit au soleil. Seuls les saulers et les peupliers du
(1) L. Trabut : Etude sur l'alfa, Alger, 1889.— Battandier et Trabut,
Les Hauts-Plateaux oranais, rapport de mission. Alger, 1891.
292 EN ORANIE
Kreider interrompent l'illusion de ce paysage lunaire; leur
tendre et jeune verdure met une note de vie au milieu de
toute cette mort. A partir de Bir-Senia, une chaîne isolée
surgit subitement à l'Ouest ; elle se rattache au Djebel Antar,
îlot jurassique préserve des érosions par sa dureté et au pied
duquel se blottit Méchéria ; après Méchéria, le chaînon s'éva-
nouit subitement, comme il était apparu. A diverses reprises,
dans la traversée des steppes, des îlots semblables se montrent:
tel est, après Naâma, le curieux Djebel Melha (la montagne
de sel), aux flancs duquel on aperçoit des taches d'un rouge
éclatant, du trias et des ophites.
A Mekalis (1314 m.), on atteint le point culminant de toute la
ligne et on passe sur le versant Saharien. La rive s'engage
dans le couloir dit Féidjel-el-Beloum (le défilé des Betoums),
où l'on voit en effet un certain nombre de ces beaux arbres,
au milieu du drinn et de l'alfa. Le couloir est une assez large
plaine comprise entre le djebel Morghad àl'W. (213(5 m. au
Ras Touil) et le djebel Aïssa à l'E. (2256 m. au point culmi-
nant). Cette plaine aboutit à Aïn-Sefra.
M.G.-B.-M. Flamand a très bien défini le type orographique
général de l'Atlas Saharien, qui consiste en une série de
grandes plaines parallèles séparées par de longs et étroits
reliefs, des crêtes arides d'une constitution simple. Il y a ainsi
transition lente entre les plaines d'alluvions du bassin des
Chotts et la chaîne Saharienne proprement dite. Un autre
caractère de cette dernière est qu'elle est en général composée
de couches très peu plissées et presque horizontales. J'ajou-
terai que ces montagnes de la bordure saharienne me semblent
devoir leur aspect général à un triple caractère : la grande
altitude absolue, la faible saillie réelle, la grande saillie appa-
rente à cause de la lumière qui les baigne. Atteignant 2.000
mètres, elles ont la végétation et le climat des régions élevées,
bien qu'elles ne dépassent que de quelques centaines de mètres
les hautes plaines qui s'étendent à leur pied, et la lumière
saharienne met si bien en valeur leurs moindres détails, qu'elles
paraissent en général plus hautes qu'elles ne le sont réellement.
Aïn-Sefra (1 j n'a pas la morne tristesse des postes de la steppe
comme Méchéria et le Kreider. On a le sentiment d'être arrivé
^ (I) A Aïn-Sefra, nous rrçùmes, mon compag'non M. Rfné Pinon et moi,
l'accueil le plus aimable de M. le grut^ral Hertrand, commandant la subdi-
vision, et des ofticiers du Bureau arabe, M. le capitaine Uessigny et M. le
EN ORANIE 293
quelque part, d'avoir atteint un but. La plaine où on a cons-
truit ce poste est encadrée parle djebel Morghad et le djebel
El-Haïrech au N.-W., le djebel Aïssa au N.-E., le djebel Mek-
ter, qui culmine au Ras Chergui (^2061 m.), au Sud. Ces mon-
tagnes, souvent couvertes de neige en hiver, portent quelques
genévriers oxycèdres et des thuyas. Les casernes d'Aïn-Sefra,
de style mauresque, ont des vérandas bien appropriées au
climat. Tout est d'ailleurs militaire ici, depuis la poste et le
télégraphe, tenus par des soldats, jusqu'à la chapelle, dédiée
à Notre-Dame des-Armées, et où se voient des fresques dues
à quelque légionnaire, représentant saint Georges et Jeanne
d'Arc, et auxquelles, faute de mieux, il faut savoir gré de leurs
bonnes intentions. Dans le Sud Oranais, les postes que nous
occupons sont artificiels, créés par notre seule volonté. C'est,
avec la grande altitude qui rend le climat très froid, la carac-
téristique de ces centres.
En avant du djebel Mekter s'étendent les dunes, longues de
15 à 20 kilomètres, auxquelles la redoute est adossée. Ces
dunes, semblables à celles que l'on voit à Bou-Saàda et sur
toute la lisière nord de l'Atlas Saharien, résultent de la désagré-
gation sur place des grès. Elles sont d'une magnifique couleur
d'or rouge, et mettent dans le paysage une note imprévue et
éclatante qu'on n'oublie pas lorsqu'on l'a une fois vue. Elles
semblent se lancer à l'assaut de la redoute et menacer de
l'engloutir, et elles la menacent en effet. Lorsque le vent
souffle du Sud, il apporte le sable en grandes quantités dans
les rues et sur les places d'Aïn-Sefra, où on y enfonce jusqu'à
la cheville. On a entrepris de lutter, et de fixer le sable par des
plantations.
Avec quel amour, quels soins maternels les officiers du
bureau arabe soignent ces plantations, c'est ce qu'on s'ima-
ginerait difficilement si l'on ne connaissait la passion que,
depuis Dioctétien, tous les guerriers ont pour le jardinage. Cette
lutte incessante de l'homme contre la nature implacable est
d'ailleurs une œuvre intéressante entre toutes. En dehors de
l'intérêt supérieur qu'il y a à préserver Aïn-Sefra de l'englou-
tissement, l'ombre et la fraîcheur sont dans ces régions un
lieutenant Berriau. Ces Messieurs, ainsi que M. le Conducteur des Ponts
et Chaussées i)elagrange. nous ont facilite notre voyage avec une bonne
grâce dont nous ne saurions »ssez les remercier. L'Iiospitalité toujours
cordiale dans ces postes du Sud, l'a été particulièrement à Aïn-Sefra.
294 EN ORANIE
inappréciable bienfait. Aussi est-il défendu, sous des peines
sévères, de cueillir quoi que ce soit, fût-ce un brin d'herbe,
dans les plantations et sur la dune. C'est seulement sous cette
réserve que les bourgeois d'Aïn-Sefra peuvent aller, le diman-
che, se promener en famille sous ces ombrages. Tandis que
nous étions au bureau arabe, on vint annoncer aux officiers
un vol de sauterelles ; ils firent aussitôt appeler le « caïd des
nègres », ou du moins le personnage que, par plaisanterie, on
décore de ce nom, et celui-ci à son tour convoqua un orchestre
de casseroles et de vieux bidons ; durant toute la chaude
après-midi, ces grands enfants, heureux de faire du bruit, se
promenèrent à travers les plantations, chantant, criant et
battant du tambour, pendant que les sauterelles épouvantées '
(on le serait à moins), se détournaient, respectant les jeunes
et précieuses verdures.
On sait comment on procède pour fixer les sables : on répand
d'abord une épaisse couche de fumier, puis on fait des semis
d'orge, et, lorsque le sol est un peu moins meuble, on plante
des arbres. Les résultats obtenus par les officiers sont fort
beaux, et leurs plantations de pleupliers, de saules, d'arbres de
toutes sortes, dont ils sont justement fiers, leur font le plus
grand honneur. Mais, ainsi qu'ils le constatent eux-mêmes,
ces plantations consomment une quantité d'eau sans cesse
croissante, et les ressources dont on dispose à cet égard sont
limitées. Cependant le sable progresse, et on voit des peupliers
dont la tète seule émerge de la dune, ce qui, entre parenthèses,
produit un effet assez singulier. Bien qu'il ne soit pas permis à
un simple passant d'émettre à ce sujet une opinion motivée, il
nous semble que, pour réussir et triompher de la dune, i^
faudrait l'empêcher de s'alimenter, de se ravitailler pour ainsi
dire. Or, son point d'origine est vers le sud-ouest, et ce sont
les vents d'ouest qui la font progresser dans la direction
d'Aïn-Sefra. Maintenant qu'on a couru au plus pressé en éta-
blissî^nt de la végétation au voisinage môme du poste, il faudrait
prendre la dune par l'autre bout et tâcher d'y faire pousser
quelques graminées, sans arrosage bien entendu.
Ces questions sont d'ailleurs insuffisamment étudiées, et
mériteraient pourtant de l'être davantage. On va un peu à
l'aventure. MM. Mathieu et Trabut signalaient en 1888 la
nécessité de guider l'évidente et souvent touchante bonne
volonté des ofliciers des postes, et indiquaient diverses brochu-
EN ORANIE 295
res dont il conviendrait de les munir (1). Depuis lors, M. le
commandant Godron a fait paraître une note intéressante sur
Les dunes sahariennes et leur immobilisation (2). Peut-être
pourrait-on aussi retirer d'utiles renseignements de ce qui se
fait pour la fixation des dunes dans le Turkestan russe ;
signalons notamment le saxaoul {Haloxylon ammodendron},
qui rend, parait-il, de précieux services dans les sables du
pays Transcaspien. Le gouvernement général devrait encou-
rager des recherches dans cet ordre d'idées.
Nous sommes montés sur la dune, d'où l'on jouit d'une très
belle vue, et où l'on saisit très bien sur place la décomposition
du grès rouge. Au soleil coucliant, les sables prennent un
magnifique éclat ; des ombres d'un bleu intense s'y détachent
avec une netteté surprenante, pendant que les montagnes
environnantes prennent d'admirables colorations roses et
violettes. Nous étions assis depuis un instant au sommet de
la dune, contemplant ce spectacle, lorsqu'un léger bruit
nous fit retourner : c'était une vipère à cornes, sur laquelle
nous avions failli nous asseoir et qui rentrait en sifflant dans un
trou des grès. Mes lecteurs croiront sans peine que cette
rencontre nous fit passer un petit frisson.
La nuit est plus belle que les jours sous ces latitudes. La
voûte céleste, d'un bleu noir, semble arrondie comme une
coupole ; au firmament, les étoiles brillent d'un éclat que nos
cieux du Nord ne connaissent pas :
La Nuit tire du fond de gouffres inconnus
Son filet où luit Mars, où rayonne Vénus,
Et, tandis que les heures sonnent.
Ce filet grandit, monte, emplit le ciel des soirs,
Et dans ses mailles sombres et dans ses réseaux noirs
Les constellations frissonnent.
Nous nous étions éloignés dans la campagne pour jouir en
paix de ce spectacle. En rentrant dans Aïn-Sefra, où toute la
garnison est en liesse ce soir du dimanche de Pâques, nous
entendons sortir d'un cabaret une chanson douce et mélan-
M., (1) Mathieu et Trabut, Rapjj. de mission, p. 48,
m (2) 8% Alger, 1892.
296 EN ORANIE
colique ; c'est un lied allemand que chantent à la tierce des
légionnaires, sans doute des Alsaciens :
Ilerz, meiii Herz, warum so traurig?
Herz, mein Herz, was fehlt demi dir ?
S'isl so schôn im freniden Lande 1(1)
Oh ! la chanson des légionnaires d'Aïn-Setra ! C'est à coup
sûr l'impression la plus inoubliable de mon voyage que celle
de ces petits soldats dépaysés chantant aux confins du
désert le vieil air germanique appris là-bas, sur les bords
du Rhin.
Le lendemain, nous faisons l'excursion classique à Tiout.
Nous partons de grand matin, dans la plaine encore fraîche,
toute fleurie de genêts blancs (reiem), encadrés de nos spahis
qui font s'ébrouer leur chevaux. On se grise vraiment d'espace
et d'air pur à travers ces solitudes. On sent tout ce qu'il y a
d'artificiel dans notre vie de citadins, et l'on se prend à
approuver les malédictions du Prophète contre les sédentaires,
leurs maisons et leurs charrues. Cette séduction du grand Sud
s'est exercée sur tous ceux qui l'ont vu. « Il y a des jours, dit
Masqueray, où l'on n'imagme pas de plus belle vie que celle
du nomade, se déplaçant au gré des saisons avec sa tente et
ses troupeaux. »
En deux endroits, au Djebel Mahisserat (rocher Carmillé), à
8 kilomètres environ d'Aïn-^efra, et dans l'oasis même de
Tiout, nous avons pu voir des sculptures rupestres fort inté-
ressantes. Les sculptures de Tiout ont été signalées dès 1847
par le docteur Jacquot, celles du djebel Mahisserat en 1889 par
le docteur Bonnet. Ces dernières sont les plus intéressantes ;
elles ont été entourées d'une grille par les soins de M. Jules
Cambon, pour les préserver des dégradations ultérieures : on
nous conte que, par une singulière ironie, un Espagnol avait
trouver' bon de venir se loger à l'intérieur de cette grille,
jugeant qu'elle l'abritait avantageusement des rôdeurs et des
animaux; on le lit déguerpir, à son grand étonnement. Sur le
rocher Carmillé sont sculptés des éléphants et un lion, sur le
(1) Mon cœur, ô imn cœur, pouri[uoi es-tu si triste? Mon cœur, ô
mon cœur, que le manque-t il ? Elle est si belle, la terre étrangère.
Oui, mais ce n'est i»as la patrie.
EN ORANIE 297
rocher de Tiout une scène de chasse. Les dessins préhisto-
riques, tant par la patine et le caractère du dessin que par la
nature des scènes représentées, ne peuvent en aucune façon
être confondues avec les autres inscriptions, visiblement très
postérieures, même les libyco - berbères . Les sculptures
anciennes ont un véritable caractère artistique ; celles du
rocher Carmillé sont à cet égard supérieures à celles de Tiout.
M. G. B. M. Flamand, dont on connaît la grande compétence
pour toutes les choses du Sud, a commencé l'étude de ces
sculptures rupestres(l), étude qu'il est plus apte que personne
à mener à bonne fin. Il a exécuté au Mahisserat des fouilles
qui lui ont fait découvrir divers objets de l'industrie néoli-
thique. Il nous donnera sans doute un jour un Corpus des
« pierres écrites » (2).
A Tiout, nous sommes reçus par l'agha Si Moulay. Avec ce
sentiment de la nature et de la mise en scène qu'ont les
indigènes algériens, Si Moulay, venu au devant de nous à
cheval, nous mène directement vers le barrage ; là, sur les
bords de l'eau verte, au milieu des jardins, une superbe
tente à bandes bleues, vertes et rouges a été dressée par ses
serviteurs. Les palmiers élèvent autour de nous leurs panaches
grêles ; à leur ombre poussent des vignes, des amandiers,
des figuiers. Le bassin que forme le barrage jeté sur le ruisseau
disparait sous les roseaux et les herbes aquatiques. Le cadre
e.st superbe. Une somptueuse difta nous attend et l'on nous
sert successivement le méchoui qu'on déchire avec les mains,
puis la cherba, les boulettes de viande, le couscouss, enfin
le café et le thé.
La famille de Si Moulay est originaire de Miliana (il descend
du célèbre Sidi Ahmed ben YoussefJ et a des attaches à
Tlemcen. Il n'a rien d'un Arabe ; gros, un peu asthmatique,
on dirait un négociant. Très fidèle et fort habile, il a rendu à la
France de grands services, dont ou vient de le récompenser
(1) G. B. M. Flamand, Les premiers habitants des Hauts-Plateaux
et du Sahara Algérien, d'après les monuments rupestres. (Congr. de
Géographie d'Alger, 1899, p. 207.)
(2) Quoique nous n'ayons pas qualité pour nous prononcer sur ce
point, après un examen nécessairement très rapide, et ne nous a pas
paru, à mon compagnon et à moi, que la femme qui lève les mains au
ciel dans la scène de chasse de Tiout manifestât un sentiment quelconque
d'adoration, comme le prétend M. Flamand, mais plus simplement son
étonnement ou sa joie de voir le chasseur tuer des animaux t
298 EN ORANIE
par la croix de la Légion d'honneur. Il est bon qu'on sache
dans le Sud qu'il y a plus de profit à nous être dévoué et à
nous servir qu'à nous combattre et à nous haïr,
Tiout a 80 habitants et 5 à 600 palmiers. C'est un assez
pauvre ksar, mais, comme nous le fait remarquer Si Moulay,
il est d'une propreté remarquable, ce qui est fort exceptionnel.
Les indigènes parlent encore berbère, en partie du moins.
Je retrouve chez eux le type, qui m'est familier, des indigènes
des Ziban et de Tolga, soit qu'une même race ait peuplé ces
oasis, soit plutôt qu'un type identique résulte d'un léger
mélange de sang noir, de la vie à l'ombre, de la fièvre.
Tous ces ksouriens en effet ont le teint terreux, et la plupart
souffrent de la malaria ; dans le Sud, le voisinage des arbres
et de l'eau, s'il réjouit la vue, est, comme on sait, une cause
d'insalubrité.
D'Aïn-Sefra à Duveyrier, terminus actuel du chemin de fer,
la voie se détourne d'abord dans la direction de l'E., pour
contourner le Djebel Mekter. Au milieu de la plaine se dressent
des terrains de grès rouges, sous forme de gours allongés
(delaaj (1) : ce sont ceux-là même sur lesquels sont gravées
les sculptures rupestres. Ces grès rouges constituent en partie
les montagnes qui encadrent la voie ; ils ont tous à la surface,
par suite de l'oxydation par les agents atmosphériques, une
patine noirâtre qu'on ne saurait mieux comparer qu'à une
couche de cirage. Et l'on songe au mot d'Hérodote : « Le soleil
brûle les hommes et le fond même de la contrée ». Au flanc
du Djebel Mekter se montre un pointement gypso-salin
triasique La voie passe entre les deux éperons jurassiques
du djebel Mekter et du djebel Djara, et, après Aïn-el-IIadjadj,
les grès font place aux calcaires et aux dolomies. On pénètre
ensuite dans la large et belle vallée de l'oued Rouïba, branche
supérieure de l'oued Namous ; il y a de l'eau, de la végétation,
de beaux betoums ; bien que nous voyions cette plaine au plus
beau -moment et que ce moment soit assez fugitif, celte région,
grâce aux pluies et aux neiges qui se déversent sur l'Atlas
Saharien, est certainement moins désolée que la steppe des
Chotts et renferme de beaux pâturages. La plaine est un tapis
de fleurs ; près de la station de Rouïba notamment, nous
cueillons d'admirables fleurs roses appelées guiz {Scorzonera
U) Flamand, p. 211.
EN ORANIE 299
Alexandrina). On rencontre toujours les mêmes grès noirs et
cirés, qui se découpent souvent en rochers ruiniformes, et qui,
jusqu'à Duveyrier, dominent, alternant seulement çà et là avec
des calcaires jurassiques, d'aspect tout différent. Après avoi
laissé dans l'E. le djebel Bou-Leghfàd, on s'engage dans les
gorges de Moghrar, la partie la plus pittoresque du trajet, par
lesquelles on descend vers un nouveau couloir allongé, appelé
El-Feidja, comme celui qui aboutit à Aïn-Sefra ; on passe par
ce couloir de la vallée de l'oued Namous dans le bassin de la
Zousfana ; à l'W. se dressent le Mir-el-Djebel et le djebel Mzi,
entre lesquels passe la route directe d' Aïn-Sefra par le col
de Founassa.
Djenien-bou-Rezg, qu'on a parfois présenté comme un
objectif à atteindre et qui fut quelque temps le terminus de la
ligne, est une bien misérable localité. Le bureau arabe, la
redoute, deux ou trois mercantis, quelques palmiers souffreteux,
tout cela d'une pauvreté dont on ne peut se faire une idée avant
de l'avoir vu, c'est tout Djenien. Toutes ces oasis de montagne
du Sud Oranais sont d'ailleurs peu brillantes, car la végétation
y est entravée à la fois par le froid de l'hiver et par la sécheresse
de l'été. On rencontre, après Djenien, d'assez curieux talus
d'argiles verdàtres. Le lit de TOued-Dermel, que suit la voie,
montre une assez belle végétation, une rctbah. Puis les grès
font de nouveau place aux calcaires. Dans l'W., on voit une
superbe chaîne, celle des Beni-Smir, dont l'altitude dépasse
2.000 m., et dont le profil dentelé à l'horizon rappelle le
Djurdjura ; c'est, paraît-il, une belle région, avec des forêts de
cèdres et des eaux abondantes. Et l'on atteint enfin, non sans
avoir quelque peu déraillé, le terminus provisoire du chemin
de fer, le lieu dit Ez-Zoubia, le fumier, auquel on a donné le
nom de Duveyrier.
Duveyrier est à 572 kil. d'Arzeu, à 118 kil. d' Aïn-Sefra, à
18 kil. de Figuig, à environ 250 kil. d'Igli, à une altitude de
864 mètres. C'est un camp occupé par des tirailleurs. Il n'y
a rien à Duveyrier, absolument rien, pas même un pauvre
bouquet de palmiers comme à Djenien bou-Rezg. J'ai lu quel-
que part, si grandes sont les illusions des coloniaux en chambre,
que ce nom de Zoubia était d'un bon augure pour l'agriculture :
je ne souhaite à personne daller faire de l'agriculture à
Duveyrier.
Nous montons sur le Ras-ed-Dib, petit mamelon situé à
300 EN ORANIE
1 kil. à rw. du camp. Un tirailleur nous accompagne ; il a,
ainsi que tous ses camarades, des lunettes noires, indispensa-
bles pour protéger la vue contre la lumière aveuglante. Nous y
ramassons des plaquettes de calcaire toutes pétries de polypiers
jurassiques. Du haut de cette petite éminence, on aperçoit très
bien les palmiers de la première des oasis de Figuig, Hammam-
Foukani, dominée par le Djebel-Grouz et le Djebel-Maïz ; avec
une lorgnette, nous distinguons parfaitement les tentes de
Bou-Amama : 200 environ, qui forment une ligne grise en
avant des palmiers de l'oasis.
*
* *
LA QUESTION DU TOU AT & LE COMMERCE DU SUD
Je ne saurais me dispenser, en terminant, de dire quelques
mots de la question du Touat et du commerce du Sud. Cepen-
dant on a déjà tant écrit sur celte question, qu'on ne voit
pas la nécessité d'ajouter un « numéro » à cette littérature
surabondante. On s'efforcera donc d'être très bref.
Il me parait évident que l'occupation des oasis du Touat
s'imposait ; il me parait évident aussi qu'elle aurait pu être
efTectuée à moins de frais, et que, ainsi que me le disait un
indigène « les Français dépensent au Touat en un jour plus
que les oasis ne rapportent en un an ». Un article bien informé,
signé Sartay (1), signale à juste titre « les folies que nous ont
fait dépenser des millions sans compter, pour faire promener
des troupes dans le Sahara, et arriver à ce piètre résultat de
ne pas savoir encore, deux ans après la conquête d'Insalah,
quelle organisation on donnera à ces oasis sahariennes dont
cependant l'occupation était décidée en principe depuis plus de
dix ans ». Il n'y a pas là de quoi être bien fiers : on le!sera'de
moins en moins à mesure qu'on connaîtra mieux le détail de
ces événements, encore enveloppés d'un certain mystère, et
surtout le montant de la carte à payer.
Le but à atteindre, en ce qui concerne les oasis sahariennes,
est la suppression des troupes européennes, à l'exception de
quelques officiers résidents, et la diminution aussi complète
([)Bull. Réun. Et. algér., 1901.
EN ORANIE 301
que possible des ravitaillements. Pour cela, il faut constituer
une troupe spéciale d'occupation, destinée à vivre unique-
ment sur les ressources du pays. Pour éviter le retour des
rivalités entre les trois provinces, il conviendrait aussi de
constituer un territoire militaire saharien, obéissant à une
impulsion unique, analogue à ceux qu'on a constitués dans le
Soudan français et dans la région du Tchad. Cette situation
aura en outre l'avantage de nous permettre de nous rendre un
compte exact de ce que nous coûte le Sahara et de faire d'une
manière plus fructueuse la balance des profits et des pertes (1).
Enfin, pour que l'occupation des oasis du Sud-Ouest porte
ses fruits, il est indispensable qu'elle soit étendue jusqu'à
rOued-Guir. MM. de la Martinièreet Lacroix avaient pressenti
qu'il serait impossible de prendre le fossé, c'est-à-dire l'Oued
Zousfana-Saoura, sans se rendre maître en même temps du
talus qui le domine, c'est-à-dire le pays des Ouled-Djerir et
des Douï-Menia. Ces dernières tribus seules peuvent consti-
tuer pour nous un rideau et un moyen de défense contre les
Beraber et les Rehamna, qui, à un certain moment, ont si
dangereusement menacé nos postes. D'après ce qu'on peut
savoir des récentes conventions avec le Maroc, ce résultat,
grâce au bonheur et à l'habileté de M. Delcassé et de M. Revoit,
peut être considéré comme acquis.
Quant au point de vue commercial, dont on a cru bon de
colorer une occupation purement militaire et politique, la
première impression, qui est quelquefois la bonne, est qu'il
n'y a rien à faire dans ces régions désolées. Les distances sont
trop grandes, les populations trop clairsemées et trop misé-
rables. La question de détaxe douanière, si intéressante dans
le Tell, a beaucoup moins d'intérêt dans le Sud, par suite de
la faible capacité de consommation du pays. Les entrepôts
francs n'ont pas grande chance de succès dans ces régions ;
on a supprimé, je crois, celui d'El-Aricha : ceux de Djenien-
bou-Rezg et d'El-Abiod-Sidi-Gheikh ne vont guère mieux. Les
Délégations financières (2) proposaient de reporter vers le
Nord la ligne de douane et de la placer à Aïn-Sefra au lieu de
Djenien : on ne voit pas bien ce qu'on y gagnerait.
CD J'ai examiné cet aspect de la question dans L'Année Coloniale
de 1900.
(2) Proc. Verb., 1899, p. 720.
31
302 EN ORANIE
Quant au chemin de fer, il ne fait pas des affaires bien bril-
lantes, et la plus grande partie du trafic qu'il a est purement
artificiel, dû au transport de matériaux pour la continuation
de la ligne et au ravitaillement des troupes de l'Extrême-Sud.
Comme le faisait remarquer dansVEdio d'Oran (1) le corres-
pondant qui signe « Jean de Saïda », les dépenses de cons-
truction et les frais d'exploitation seront de plus en plus
élevés à mesure qu'on s'avancera vers le Sud, puisqu'il faudra
transporter de plus en plus loin les matériaux, et qu'on verra
croître les difficultés d'alimentation en charbon et en eau. La
question changerait évidemment de face si l'on rencontrait
dans la région de l'Oued Saoura de la houille exploitable ; cela
n'est pas impossible, mais nullement certain non plus, puis-
qu'on n'y a trouvé jusqu'ici que le carboniférien marin.
Cependant les prévisions de Jean de Saïda paraissent un
peu pessimistes en ce qui concerne l'évaluation des recettes.
Sans descendre au-dessous d'un chiffre raisonnable, ni vouloir
transporter gratuitement voyageurs et marchandises, comme
on le voudrait parfois en Algérie, il semble qu'en appliquant
des tarifs de 8 à 10 centimes la tonne kilométrique on puisse
espérer voir le commerce des oasis, importation de grains,
sucre, thé, café, quincaillerie, objets manufacturés divers,
exportation de dattes et de sel, passer par le chemin de fer.
Le transport d'Oran aux oasis par voie ferrée pourrait revenir
à environ 100 francs la tonne, alors que les transports par
chameaux coûtent environ '200 francs la tonne. Les habitants
de Figuig renonceraient dès lors à acheter à Oudjda ou à
faire venir à dos d'animaux, avec un parcours de plusieurs
semaines dans une région peu sûre, des marchandises anglaises
débarquées à Melila, plutôt que d'acheter celles que le chemin
de fer du SudOranais apporte à quelques kilomètres d'eux.
Bien plus, on peut espérer ravitailler également le Tafilelt et
faire une concurrence fructueuse à la voie de Fez-Ksabi ech
Cheurfa. Les distances sont grandes, dira-t-on, et les frais
considérables ; assurément, mais les distances et les frais sont
également très élevés par les voies concurrentes. Remarquons
en outre que les bénéfices du commerce avec les oasis peuvent
être très élevés, 80 à 85 o/o, à ce qu'il parait.
(1) 1" Avril 190J;
EN ORANIE 303
Il y a donc quelque chose à tenter et à espérer. Mais il ne
faut pas se faire trop d'illusions sur l'importance du commerce
du Touat, même si l'on y joint celui du Tafilelt. Quant au
commerce transsaharien, poudre d'or ou plumes d'autruche,
c'est un leurre, un pur mirage, qui reculera devant nous
indéfiniment. Ce mirage, nous l'avons poursuivi de Biskra à
Laghouat, puis à Ouargla, enfin à Insalah ; il s'éloignera de
nouveau aussitôt que nous voudrons le saisir. Les marchan-
dises du Soudan qui arrivent jusqu'au Touat et représentent
l'ancien commerce de transit sont en quantité insignifiante.
La seule qui puisse supporter les frais d'un pareil voyage
ne trouve pas acheteur chez nous : c'est le bois d'ébène,
l'esclave.
Après mon excursion dans le Sud, je reste plus convaincu
que jamais que le Sahara n'est pas la route du Soudan, pas
plus dans l'Oranais qu'ailleurs, bien que la paroisse d'Aïn-
Sefra, par suite d'une plaisanterie de cet ironiste supérieur
qu'était le cardinal Lavigerie, ait dépendu pendant quelques
années du « diocèse de Tombouctou ». Oran, Tlemcen et
Marnia, au lieu de se jalouser réciproquement, doivent com-
biner leurs efforts pour nous ouvrir le Maroc ; elles ont
chacun leur rôle bien défini : Oran est le port d'importation,
Tlemcen le grand centre indigène et le marché de l'intérieur,
Marnia le point de sortie. Du haut du magnifique belvédère que
forment les remparts de Tlemcen, si l'on regarde vers l'Ouest,
on a devant soi une vaste plaine qui se continue jusqu'aux
lointains bleuâtres de l'horizon ; cette plaine, qui va jusqu'à
Fez et jusqu'à l'Atlantique, est la véritable porte du Maroc du
côté de l'Algérie : il n'y en a pas d'autre.
AUGUSTIN BERiNARD.
SOCIÉTÉ BEGÉocRAPmE CONGRÈS NATIONAL
& D'ARCHÉOLOGIE jjj,g gociÉTÉS FRANÇAISES DE GÉOGRAPHIE
d'oran XXIII" SKSSION. — ORAN
DU 1" AU 5 AVRIL 1902
CiRCOLAiRB N» 4 Sous la ppèsidencB de Kl. HANOTAUX, Membre de l'Académie Française
QUESTIONNAIRE PROVISOIRE''
A. — GÉOGRAPHIE GÉNÉRALE
I. — QUESTIONS PROPOSÉES A LA DISCUSSION
1. — Proposition et vœux relatifs à l'heure légale et aux
mesures du temps et des angles.
Société de Géographie de Lille : M. Ernest Nicolle,
président de la Société.
2. — De l'emploi des projections lumineuses dans l'ensei-
gnement de la géographie et des moyens de le propager
efficacement.
Société de Géographie d'Oran : M. Henry Gillot,
pi'ofesseur agrégé au Lycée d'Oran,
IL — COMMUNICATIONS
1. — Le cimetière préhistorique de Chamblandes, près Lau-
sanne.
Société de Géographie de Neufchâtel (Suisse) :
M. le Docteur Gross, de Neuveville (canton de
Neufchâtel).
B. - GÉOGRAPHIE RÉGIONALE ET COLONIALE
I. — QUESTIONS PROPOSÉES A LA DISCUSSION
1. — L'assimilation des Arabes est-elle possible ?
Société de Géographie d'Oran : M. Paul Azan,
lieutiniaiit au 2'"'' Zouaves.
2. — Les ports de l'Oranie.
Société de Géographie d'Oran : M. Augustin Bernard,
professeur ù l'Ecole Supérieure des Lettres d'Alger.
3. — La pénétration commerciale et pacifique dans l'Est
marocain.
a.) Zone franche de la frontière marocaine.
J>.) Le chemin de fer direct d'Oran au Maroc par
Aïn-Temouchent, à voie étroite.
c.) Le port de commerce de Rachgoun.
Société de Géographie d'Oran : M. Milsom, ingénieur
civil des Mines, à Jieni-Saf.
4. — Qu'est devenue la tentative de colonisation par les enfants
abandonnés du département de la Seine ? — De telles
entreprises doivent-elles être encouragées ? Les sacri-
(1) Il sera établi, s'il y a lieu, un supplément à ce questionnaire.
CONGRÈS DE 1902. — QUESTIONNAIRE PROVISOIRE 305
fices sont-ils hors de proportion avec les résultats ou,
au contraire, la colonisation y gagne-t-elle ?
France Colonisatriee de Rouen: M
II. — COMMUNICATIONS
i. — Pourquoi et comment nous irons au Maroc.
Société de Géographie d'Oran : M. Paul Azan,
lieutenant au 2°"' Zouaves.
2. — De la formation et de la classification des choit algéro-
tunisiens.
Société de Géographie d'Oran : M. Bel, professeur à
la Médersa de Tlemcen .
3. — L'Oranie et ses régions naturelles.
Société de Géographie d'Oi^an: M. Augustin Bernard,
professeur à TEcole Supérieure des Lettres d'Alger.
4. — La voie romaine de Tanger à Carthage.
Société Royale de Géographie de Madrid: M. Blarquès.
5. — Démographie indigène.
Société de Géographie d'Alger : M. Démontés, pro-
fesseur au Lycée d'Alger.
6. —.Essai d'un atlas algérien.
Société de. Géographie d'Alger : M. Démontés, pro-
fesseur au Lycée d'Alger.
7. — Le Maroc et les puissances étrangères.
Société de Géographie d'Alger : M. Mesplé, professeur
à l'Ecole Supérieure des Lettres d'Alger.
8. — Considérations sur les indigènes, les étrangers et la
colonisation.
Société de Géographie d'Alger : M. Périé, archiviste
du département d'Alger.
9. — L'œuvre de la Société civile, nationale et philanthropique
La Colonisation Française dans le département d'Oran.
Société de Géographie d'Oran : M. Henry Gillot,
professeur au Lycée d'Oi-an.
10.— Une controverse historique résolue avec l'aide de la
géographie.
11 s'agit de savoir si les martyrs de Numidie, sous les
empereurs Valérien et Gallien, ont été envoyés en exil
dans les mines de Sigus (Constantine), ou de Siga
fOran).
L'étude de la géographie de là Maurétanie nous prouvera
qu'il faut placer les Metalle Siguenses dont parle
Saint-Cyprien dans notre Maurétanie.
M. l'abbé Fabre, aumônier de inopital civil d'Oran.
11.— Nouvelle reconstitution de la Table de Peutinger pour
la Maurétanie Césarienne.
Routes et villes que Peutinger a du citer dans des Tables
dont la partie relative à notre province d'Oran
est perdue.
M. l'abbé Fabre, aumônier de l'Hôpital civil d'Oran.
ivotioe:
SUR DES
II\$CR1PTI0INS RËCIEILLIËS A YAGIIIT (Sad Oranais)
Taghit (prononcez Târite) est un des nouveaux postes
militaires crées l'an dernier dans l'extrême sud oranais sur
l'Oued Zousfana; ce nom est celui de l'un des cinq Ksour qui
composent l'oasis dite des «Beni-Goumi». Celle-ci s'étend de
Zaouïa-Foukania à Zaouïa-Tahlania sur une longueur de
17 kilomètres sans interruption, en suivant le fond de la
Zousfana qui forme fossé entre l'erg à l'Est et la hammada à
l'Ouest. Le bord escarpé de la hammada domine la rive droite
de l'oued de 50 à 60 mètres en dessinant des dentelures de
roches noires, nues et chaotiques. C'est au pied de ces roches
dans des parties lisses et verticales qu'on trouve les inscrip-
tions dont il va être question, principalement entre Taghit et
Bakhti.
««^^ 1 0 Q W} !x<3 'Vit (. J^^<--' à >■ Je .a^)
INSCRIPTIONS RECUEILLIES A TAGHIT 307
Des dessins de facture plutôt grossière reproduisent des
formes d'hommes et d'animaux, des oriflammes, des circonfé-
rences des palanquins et peut-être d'autres objets qu'on peut
y voir avec un peu d'imagination (ou y découvrir par érudi-
tion}, mais qui ne sont qu'imparfaitement indiqués. Par ci,
par Icà, en lignes horizontales, verticales ou même inclinées on
remarque des caractères qui semblent être des signes de
langue berbère.
Enfin, quelques inscriptions plus nettes et plus récentes
d'ailleurs, sont en caractères arabes et certaines se lisent très
facilement; ce sont en général des noms d'hommes, des invo-
cations ou des formules coraniques d'usage commun. Malheu-
reusement ces caractères d'écriture de l'une ou l'autre langue
sont en tout petit nombre et ne peuvent guère sans doute
nous instruire sur l'histoire du pays.
J'ai entendu dire que des devanciers dans ces parages
avaient parlé d'inscriptions romaines ; c'est une grave
erreur qu'il est temps de relever, rien dans les dessins ne
peut faire supposer l'occupation romaine et depuis 10 mois
que je parcours la région je n'ai encore trouvé et je ne
connais personne qui ait relevé le moindre indice de la dite
occupation.
A vrai dire, je crois que les Romains n'ont jamais senti le
besoin de venir s'installer dans une contrée aussi dénuée de
ressources; qu'ils aient tenu les hauts-plateaux pour garantir
le Tell contre les incursions des tribus du sud, rien de mieux!
mais il est probable qu'ils n'ont même pas tenté la moindre
pointe dans la Zousfana où ils n'avaient rien à faire ni surtout
à gagner. Y avait-il même des habitants dans la région à cette
époque?
Les nombreuses pierres taillées (haches, pioches, pointes de
flèche) déjà trouvées le long de la Zousfana et de la Saoura
sont des indices certains d'une habitation très ancienne mais
rien ne prouve que celle-ci a été continue tout au moins aux
Beni-Goumi. Les ruines de Ksour sont fréquentes depuis
Taghit jusqu'au delà de Kerzaz le long de cette remarquable
ligne d'eau qui nous conduira au Niger, mais il faut remar-
quer combien les agents atmosphériques sont puissants dans
le Sahara et donnent en peu de temps à un heu abandonné
l'aspect de l'antiquité. En tout cas, les vestiges encore visibles
à la surface du sol sont arabes et seulement arabes.
308 INSCRIPTIONS RECUEILLIES A TAGHIT
J'expliquerai d'ailleurs plus loin l'origine des ruines des
Beni-Goumi.
Passons maintenant à l'examen des inscriptions.
Leur disposition générale est tantôt sous forme de
« tableaux » présentant un grand nombre de dessins sur une
surface de 3 mètres de liauteur environ sur une largeur qui
va quelquefois jusqu'à 7 mètres, tantôt par dessins isolés ou
groupés seulement en petit nombre soit sur la muraille fixe
soit sur des faces de blocs tombés. Les planches L IL IIL
sont des reproductions aussi exactes que possibles de ce que
j'appelle des «tableaux » à l'échelle approximative de l/lOQc ;
ce sont les premières inscriptions qu'on trouve en descendant
de Taghit sur Barrebi le long de la hammada ( environ 2 k. de
Taghit). La planche IV contient des dessins que j'ai choisis
parmi ceux m'ayant paru les plus intéressants et les plus nets
dans des tableaux situés en face de Barrebi. Il existe là aussi
quelques traces de caractères écrits, mais si mal conservés,
que j'ai jugé inutile, pour l'instant du moins, de les relever.
Voici quelques détails sur le trait. Celui-ci a en moyenne
1 centimètre 1/2 de largeur, cependant il s'élargit souvent et
devient une surface travaillée lorsqu'il y a lieu de représenter
un élargissement de l'objet.
Il ressort plus ou moins en gris jaunâtre sur le fond noir de
la roche ; par l'action des agents atmosphériques celle-ci, en
grés dur a été recouverte antérieurement aux inscriptions,
d'une couche de 5à6 millimètres de grés relativement tendre
due à l'application et au durcissement de sable jaunâtre et
extrêmement fin, puis cette couche a noirci ensuite ; c'est là-
dedans que le dessinateur a creusé ou plutôt taillé les ins-
criptions.
On voit très bien qu'un premier trait mince obtenu en
éraillant simplement la roche a du d'abord esquisser le dessin
projeté, puis qu'à laide de deux outils durs, l'un coupant,
l'autre frappant, faisant office de ciseau et de marteau on a
élargi ce trait par des coups inclinés de droite à gauche ou
inversement. Avec deux pierres ramassées au pied de la roche
on peut encore obtenir aujourd'hui les mêmes résultats, j'en
ai fait l'expérience. Le trait subit à son tour la patine du
temps ; il noircit peu à peu et on peut prévoir qu'à une époque
ultérieure assez rapprochée sa teinte sera uniformisée avec
celle du fond.
INSCRIPTIONS RECUEILLIES A TAGHIT 309
Ccit-yJ de iixUie j
On remarquera combien ce trait diffère de celui des inscrip-
tions de Tiout qu'on dirait tracé par le bout d'un doigt appuyé
sur une pâte molle. Nous relèverons plus loin une autre
différence quant au caractère même des inscriptions.
Voyons le détail des objets dessinés.
Les personnages sont rares, mais ils sont particulièrement
intéressants en ce qu'ils semblent avoir en main une arme
d'attaque ou de défense (arbalète, sabre, bouclier ou simple-
ment matraque). Il est regrettable que le détail en soit aussi
informe car il aurait peut-être donné une indication matérielle
de l'époque.
Deux de ces personnages se trouvent au bas et à gauche
dans la planche III, ils sont à pied; cinq autres sont à cheval
sur la planche IV, n» 7 et l'un d'eux tient à la fois une palme
et une arme.
Parmi les animaux nous voyons: l** des chevaux, dont le
dos est généralement surmonté d'une croix, or on sait que le
pommeau de selle des Touaregs, berbères ex-chrétiens comme
l'ont été d'anciens habitants des Beni-Gonmi, est encore
surmonté d'une croix dont les branches servent à maintenir
les jambes du cavalier pour diriger sa monture par des mou-
vements du pied sur le cou de l'animal. Il est à remarquer
toutefois que la croix des inscriptions se présente dans le plan
longitudinal du cheval alors qu'en réalité elle devrait être
perpendiculaire à ce plan mais c'est là une erreur de pers-
pective bien pardonnable à l'artiste. Quelques-uns des chevaux
dessinent assez clairement le mouvement du galop; 2° des
chameaux, la plupart ont une silhouette invariable rappelant
celle des dessins de ces animaux tissés dans les frach
arabes et il y en a des quantités, c'est l'animal reproduit le
340 INSCRIPTIONS RECUEILLIES A TAGHIT
plus fréquemment sinon sur les tableaux (où il est rare au
contraire) du moins sur les pierres éparses.(i) Il en est un
cependant au bas de la planche II dont le dessin est presque
élégant et qui est surmonté d'une longue pointe voulant je
suppose figurer un « atatich » ou palanquin arabe (-> ; 3" des
autruches non terminées sur la planche I ; 4" des oiseaux
pouvant ressembler à des outardes (planche III) dont l'un
sans tête semble voleter. La planche IV n° 1 en reproduit deux
autres; 5" quatre silhouettes représentant des bœufs ou des
vaches (planche IV no 6); G^ de nombreux lézards de palmier
dont les pieds ressemblent à des mains humaines; 7» un escar-
got (planche III); 8" un lion peut-être (planche III) mais bien
informe; 9" des panthères une sans doute (planche III) près
des outardes et une autre (planche IV); 10" des ânes (planche
IV, n" 5; 11° un serpent (planche IV, no 9); enfin 12» des
animaux auxquels il est difficile d'appliquer un nom exact ; à
remarquer, en particulier, celui de la planche IV, n° 8, qui
rappelle vaguement une girafe et est accompagné de caractè-
res écrits au dessus du dos.
Chose remarquable dans le dessin des quadrupèdes c'est le
soin qu'a mis l'auteur à indiquer les oreilles, puisque tous, à
peu d'exception près, ont la tête à gauche.
En somme, tous ces animaux existent encore dans la contrée
sauf le lion, mais le voisinage des hautes montagnes qui en-
serrent l'Oued Draa du Maroc où cet animal existe peut-être
encore permet d'expliquer sa figuration dans les inscriptions.
A Tiout, au contraire, on voit représentés des animaux
disparus depuis longtemps de la région, lions, girafes, rhino-
céros, etc.
Parmi les objets nous trouvons : des oriflammes semblables
à ceux que nous voyons encore surmonter la hampe des
drapeaux Touaregs, des circonférences, un palanquin, une
croix à deux branches horizontales, et c'est à peu près tout,(^)
En résumé, la note dominante c'est la silhouette d'animal
sauvage ou domestique existant encore dans le pays.
(1) Le type (ténéral est celui indiqué planche IV, n* 4.
(2) Planche IV, n- 0, on remarquera un autre spécimen où Vataticb est clairement
représenté; sur la roche le dessin en est fait linement car il n'a pas plus de 0 m 30
sur 0 m 20.
'3) J'appelle cependant l'attention sur cette croix, laquelle fait l'objet avec le serpent
qui l'accûiiip;n;ne d'un petit tableau séparé et cela doit avoir une signification que je
déclare ne pas deviner.
INSCRIPTIONS RECUEILLIES A TAGHIT 311
Tous les dessins sont-ils de la même main V (Je ne pose pas
la question pour les caractères d'écriture arabe qui, avons-
nous dit, sont récents). Il est probable que plusieurs mains y
ont travaillé, mais un tait certain c'est qu'un seul les a
inspirées. La facture du trait n'indique rien à ce sujet, mais
il y a un si grand nombre de dessins (chameaux surtout)
presque tous de forme grossière, et sur une si longue
étendue qu'il sera raisonnable d'admettre plusieurs travailleurs
s'étant contentés de reproduire sans relâche une silhouette
facile à tracer.
De simples petits bergers ont pu très bien occuper leurs
loisirs en copiant ce qui existait déjà ou qu'ils voyaient faire
par un initiateur plus habile. Ce que je crois pouvoir affirmer,
cependant, c'est que tous les «tableaux » sont de la même main
(sauf toujours les caractères d'écriture arabe) et que les
dessins épars ne sont que des copies plus ou moins fidèles de
détails figurés sur ces tableaux ou épars eux-mêmes.
Si les caractères que je suppose être des signes de la langue
berbère le sont réellement, il faut encore admettre une
certaine culture intellectuelle chez l'artiste ; peut-être obtien-
dra-t-on en les déchiffrant des indices sur la signification
générale des tableaux.
Je dois dire dès maintenant que les caractères arabes n'ont
aucune valeur, leur inscription ne date que de quelques
années et a été faite par un membre d'une famille de Douï-
Ménia (arabes) qui habite encore sur les lieux. L'écrivain est
un nommé Larbi ben Sliman, mort il y a trois ans auTafilalet,
et c'est peu avant son départ pour cette région qu'il a écrit
sur les pierres, en particulier la grande ligne de la planche I
qu'il a d'ailleurs signée en appelant la bénédiction divine sur
lui-même. Il ne faut donc chercher aucune corrélation entre
ces caractères et les autres beaucoup plus anciens.
Que disent de ces inscriptions les gens qui habitent encore
ou ont habité anciennement le pays ?
Aux Beni-Goumi, on raconte la légende suivante : « Il y a
longtemps, des hommes sont devenus impies et ont mérité la
vengeance du ciel ; Dieu a pris leurs âmes et les a transfor-
mées en ces animaux écrits sur les pierres, les condamnant à
demeurer telles jusqu'à l'heure de la déhvrance ».
Ils n'en savent pas plus long. Y a-t-il là un souvenir de
l'abandon de la religion chrétienne par les Berbères sous la
312 INSCRIPTIONS RECUILLIES A TAGHIT
pression des arabes vainqueurs et musulmans ? Rien ne per-
met ni n'empêche de le supposer.
Chez les Ghenanema, ex-habitants du pays, la plupart même
de ceux qui étant déjà hommes faits ont assisté aux dernières
luttes avec les Douï-Ménia et qui ont du ainsi passer 15 ou 20
ans de leur jeunesse à Mezaourou, tout près des inscriptions,
ne se rappellent pas l'existence de celles-ci.
Voilà bien l'insouciance et l'ignorance arabes dans toute
leur beauté ; ici comme chez les indigènes illettrés du Tell, la
tradition s'arrête à leur âge viril et encore !...
On prétend qu'un livre a été écrit par un taleb sur l'histoire
du pays ; il serait à souhaiter que d'autres chercheurs fussent
plus heureux que moi, car je n'en ai pas trouvé la moindre
trace.
Toutefois en interrogeant des vieillards, tant des Beni-
Goumi que des Ghenanema, j'ai pu souder entre elles les
bribes historiques suivantes, où apparaît l'intervention des
Beraber ou Berbères :
« Les Ghenanema, à une époque très ancienne, ont été
chassés du Sahel (ils désignent ainsi les côtes ouest et maro-
caines de l'Atlantique) et se sont réfugiées au Tafilalet, aux
Beni-Goumi et dans le Saoura où ils avaient déjà des parents
établis.
Il y a environ 150 ans ils habitaient encore le territoire des
Beni-Goumi où ils occupaient des Ksour dont les principaux
s'appelaient Mezaourou et Tiazit sur la rive droite de la Zous-
fana, et Bizane sur la rive gauche. (^)
Quelques fractions continuaient à habiter des oasis de l'Oued
Saoura.
Des luttes s'engageaient fréquemment entre les Ghenanema
des Beni-Goumi et les Douï-Menia de l'Oued Guir qui convoi-
taient les possessions des premiers. Un jour, les Douï-Menia
se réunirent en très grand nombre, mirent une partie de leurs
forces en travers de la Zousfana au sud de Mezaourou pour
empêcher les Ghenanema de la Saoura d'accourir, et atta-
quèrent vigoureusement Mezaourou. Après un combat achar-
né, ils s'en emparèrent ainsi que des autres Ksour des Ghena-
(I) Les ruines de ces Ksoiirs sont encore IW'S visibles actuellement. Bizane sur le bord
du plateau Est, entre TeRhit et Barrebi; Mezaourou et Tiazit en face ZHOuIa-Tahtania,
sur la pente raide de la liainmada. La carie au 1/2.000.000* du dépôt de la guerre indique
encore Mezaourou dont la destruction délinitivc ne date d'ailleurs que de 25 à 30 ans.
INSCRIPTIONS RECUEILLIES A TAGHIT 313
nema. Ces derniers, expulsés, durent passer par l'Erg pour
aller se réfugier dans l'Oued Saoura en évitant les guerriers
qui les attendaient sur la Zousfana.
Dix ou quinze ans plus tard (il y a par suite environ 135 ou
140 ans) les Beraber du Tafilala vinrent à leur tour chasser les
Douï-Ménia des Beni-Goumi et occupèrent la contrée pendant
une cinquantaine d'années.
A la suite de pourparlers engagés avec les Ghenanema sur
l'initiative d'un personnage influent de la El Ouata (Groupe
de Ksour des Ghenanema situé sur la Saoura entre Beni-
Abbès et Guerzim) les Beraber cédèrent les Beni-Goumi à ces
derniers moyennant une somme d'argent recueillie par cotisa-
tions. Les Douï-Ménia ne tardèrent pas à entrer de nouveau
en lutte avec les Ghenanema mais ils ne frappèrent un coup
décisif qu'il y a 20 ou 25 ans.
Ils s'emparèrent d'abord de Zaouïa-Tahtania et de là pendant
7 à 8 mois livrèrent des escarmouches continuelles aux gens
de Mezaourou, leur volant leurs animaux et les récoltes de
leurs jardins, puis ils les chassèrent définitivement et détrui-
sirent de fond en comble Mezaourou, Bizane et Tiazit.<')
Pendant toutes ces luttes, les Beni-Goumi proprement dits
sédentaires des autres Ksour passaient succesivement comme
serviteurs sous la domination du vainqueur car ce sont en
général des «baratines », gens de couleur, pacifiques, simples
travailleurs de la terre. La France est venue enfin l'an dernier
en installant des postes frontières sur la Zousfana émanciper
cette population asservie de tout temps et lui donner l'espoir
d'une hberté dont elle n'a jamais joui.
Telle est à peu près l'histoire contemporaine de ce petit
coin de la Zousfana, le seul qui soit habité par des sédentaires.
Je n'en veux tirer que ce qui intéresse les inscriptions de
Taghit. On a remarqué que des Beraber ont occupé les Beni-
Goumi pendant un demi-siècle, approximativement de 1760 à
1810; c'est là peut-être (ou dans une occupation antérieure
par un groupe de ces mêmes peuplades) qu'il faut chercher
l'origine des j pierres écrites ». Les Beraber (pluriel de Brabri
que nous écrivons Berbères) ayant été chrétiens avant l'inva-
(1) Je crois que les Ghenanema de qui je tiens surtout ces récits, se vantent beaucoup
en affirmant avoir été si longtemps et si souvent possesseurs du territoire des Beni-
Goumi. Les Doui-Mênia prétendent au contraire avoir toujours été les propriétaires et
les Ghenanema ne seraient venus chez eux qu'en maraudeurs. Ceci importe pea d'ailleurs
i Dotre élude.
314 INSCRIPTIONS RECUEILLIES A TAGHIT
sion arabe, ce fait pourrait avoir une corrélation avec la
légende des âmes impies qui a dû être forgée par les succes-
seurs des Beraber ou mênie par les Beni-Gourai à l'usage de
leur progéniture. En effet les inscriptions sont actuellement
utilisées par les parents comme « croquemitaine» quand un
enfant n'est pas sage on le menace de le conduire aux pierres
écrites et d'y changer son âme en animal qui irait rejoindre
ceux qui y sont dessinés.
Jusqu'à présent aucun indice ne me permet d'attribuer à ces
inscriptions une importance quelconque au point de vue
archéologique. Elle sont, à mon avis, le produit d'un Berbère
un peu moins ignorant que les autres, qui se sera amusé à les
faire sur les rochers sans vouloir constituer des traces desti-
nées à la tradition Seuls les caractères représentant peut-être
des signes de langue berbère pourraient avoir une certaine
valeur, c'est donc la seule réserve que je fais à ce sujet.
Je n'ai d'ailleurs pas relevé toutes les inscriptions en face de
Barrebi faute de temps nécessaire; il est possible qu'on trouve
encore là (juelques nouveaux documents.
Si le décliillVage des caractères dont il a été question semble
assez intéressant pour qu'on croie devoir pousser plus loin les
recherches, il y aura donc lieu de relever aussi les autres
dessins qui contiendraient alors peut-être des indications
utiles. Je ne serai plus dans la région mais on y trouvera
toujours un officier qui se chargera avec plaisir de faire le
travail.
Capitaine DUVAUX.
Igli, 15 août 1901.
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CHRONIQUE GÉOGRAPHIQUE
ETJK.OFE
L'industrie allemande. — Les Allemands se préoccupent
beaucoup, maintenant surtout, de trouver de nouveaux
débouchés pour leurs produits industriels ; on sait quels
développements considérables a pris leur industrie, dont
l'exportation menace celle des usines et des manufactures
anglaises ; leur métallurgie, surtout, est en progrès constants,
grâce, en partie, au bon marché des matières premières et de
la main d'œuvre.
Le souci douvrir de nouveaux marchés a donné naissance
à la politique coloniale, et notamment aux vues manifestées à
propos de la Chine ; mais la France, et plus encore l'Angle-
terre, ont tellement pris les devants que la.place est désormais
restreinte; d'autre part, la Russie est à peu près fermée
depuis qu'elle a créé et que son gouvernement encourage et
subventionne les industries nationales. L'Autriche fournit,
elle aussi, une clientèle insuffisante et qui se restreint chaque
jour ; enfin, les grandes usines qui fournissaient des canons et
d'autres matériels de guerre à tous les Etats secondaires du
monde, sont au bout, ou peu s'en faut, des fournitures que
peuvent demander des clients qui n'ont plus besoin de rien.
Les Allemands cherchent donc à se rabattre vers l'Occident
Européen, mais l'Espagne et l'Italie sont loin ; ils ont donc
imaginé de transporter leurs bureaux techniques à Paris.
C'est dans ces bureaux que seront faites les commandes, que
seront élaborés les plans des usines de toutes sortes, des
moulins à huile, etc., que l'on se propose de créer dans le
pays ; il est même vraisemblable que l'on fera appel à des
ingénieurs français pour les travaux techniques et les opéra-
tions préliminaires.
Le matériel, en revanche, sera fourni par les usines
allemandes ; c'est tout un plan commercial et industriel qui
n'est déjà plus dans la phase de la préparation, qui entre dans
la phase de l'exécution et qu'il n'est pas inutile de signaler.
Et nous n'en continuerons pas moins, au lieu de chercher à
devancer nos rivaux, de les traiter de cerveaux lourds, épais
et grossiers, alors qu'ils font montre d'une telle ingéniosité.
[Bullet. de la Soc. de Géogr. de Lille).
Le Canal de la mer Caspienne. — On sait que le niveau de
la mer Caspienne est inférieur, de 26 mètres, à celui de la
316 CHRONIQUE GÉOGRAPHIQUE
mer Noire. Dans l'histoire si mouvementée du continent
égéen, la séparation des deux mers est un t'ait extrêmement
récent. Nul obstacle ne les sépare. Au contraire, une plaine
basse et alluviale les réunit ; au sud comme au nord du
Caucase, les sources des lleuves qui alimentent l'une et l'autre
s'enchevêtrent ; une dépression marécageuse ou desséchée, la
vallée du Manytch, forme entre les deux bassins, une sorte de
trait d'union. Dans ces conditions, le percement d'un canal de
la mer Noire à la Caspienne, est une œuvre relativement
facile, et qui ne présente guère d'autres obstacles que ses
dimensions : 550 verstes de longueur. Le prix de revient serait
de 300 millions de roubles environ. En pré.sence des avantages,
tant économiques que stratégiques, évidents du projet, l'exé-
cution du canal a été décidée.
A cette question se rattache celle étudiée par le général
Venukof dans la Rouskaia Mysl, de novembre 1899 (article
traduit par M. Chirol dans les Questions diplomatiques et
coloniales du l'^'" février 1900) ; il ne s'agit pas seulement
d'établir une communication entre les deux mers, mais bien
de déverser la plus haute dans la plus basse, li mer Noire
dans la Caspienne, de relever par conséquent le niveau de
cette dernière, et naturellement, d'élargir sa nappe. La
superficie gagnée par les eaux serait de 3.000 milles carrés, et
porterait sans dommage sur d'arides steppes salins.
La création d'un pareil bassin d'évaporation fertiliserait ce
pays inculte, et l'on pourrait espérer de voir cesser les
famines qui ravagent la Russie du Sud-Est.
On parerait, en même temps, à un danger. Le dessèchement
de l'Asie centrale fait des progrès rapides. Les lacs disparais-
sent ou diminuent. Dans le steppe de Baraba, l'étendue des
nappes d'eau, de 1820 à 1880, a décru de 59 0/0. Le lac
Baîkach et les lacs Dzoungariens, diminuent progressivement.
En un siècle, l'extrémité N.-O. de la mer d'Aral, a reculé de
70 kilomètres, laissant derrière elle un désert sablonneux de
2.230 kil. carrés. Entin, dans le steppe d'Astrakhan, le lac
d'Atchikoul, qui figure sur une carte de 1859, a été parcouru
à pied .sec par les troupes du colonel Lomakine, en 1873. Ce
lac (3^20 kil. q.) s'était desséché en 13 ans. Le même phéno-
mène de dessèchement s'achève en Perse. Il est terminé ea
Arabie. Ainsi un immense désert tend à s'établir entre la mer
Rouge, la Méditerranée, le Chinghan, l'Altaï et le Kouenloun,
sur 10 millions de kilomètres carrés. Ajoutez que l'influence
est désastreuse dans les pays voisins, Turquie, Russie, Sibérie,
Mandchourie et Chine, oii les vents arrivent de plus en plug
secs et nuisibles à la végétation. Les tentatives de reboisement
CHRONIQUE GÉOGRAPHIQUE 317
ont échoué. Un apport nouveau d'humidité peut seul enrayer le
fléau. Il s'agit moins de troubler la Caspienne que de la sauver.
[Bull, du Comité de VAsie Française).
Récentes modifications sur la Côte méridionale de Sicile. —
Th. Fischer, en 1877, a fourni quelques preuves du mouve-
ment ascendant des côtes orientales et septentrionales de la
Sicile. Elisée Reclus et Holm admettent même un soulève-
ment lent et général de toutes les côtes de la Sicile.
M. Sinatra estime que cette opinion, trop formelle, n'est
pas encore établie sur un assez grand nombre de faits ; il
pense que pour la vérifier, il faudrait établir, comme on l'a
fait en Scandinavie, un réseau de stations maréographiques.
Cependant, il expose et discute trois séries d'observations
faites récemment sur la côte méridionale de l'île, à Porto-
Empedocle (port d'Agrigente), à la plage de San Leone, et à
Licata, et qui sembleraient indiquer réellement un sensible
mouvement ascensionnel de ce littoral. Parmi ces observa-
tions, citons seulement qu'à Licata trois points, distants de la
mer de 3 m., 32 m., et 74 m., en 1847, s'en trouveraient
respectivement éloignés de 5 m., 52 m., et 81 m., en 1872, et
de 30 m., 80 m., et 160 m., en 1898. M. Sinatra indique les
dispositions à prendre pour multiplier les documents de ce
genre, et en tirer des conclusions scientifiques précises.
{La Géographie).
A.FK.IQXJE
Influence de la région du Bahr-el-Ghazal par les crues du
Nil. — Le commandant Boulet qui a été chargé, de 1898 à
1900, d'une mission du H^iut-Oubangui au Nil, a fait, le
8 février dernier, une très-intéressante communication à la
Société de Géographie de Paris, dont voici un extrait :
La fertilité de la basse Egypte est due aux crues régulières
annuelles du Nil qui, par infiltration et non par submersion,
fécondent le sol. L'étiage du fleuve au^^mente pendant les mois
de juin, juillet, août et septembre ; il diminue en octobre,
novembre et décembre. Si la crue n'atteint pas 6 mètres, elle
est insuffisante, et la récolte manque par sécheresse ; les
crues de6 à 8 mètres sont moyennes et apportent l'abondance,
les terres donnent alors le maximum de rendement ; au delà
de 8 mètres, il y a inondation, submersion des terrains et
mauvaises récoltes. Les eaux du Nil, à Kharthoum, provien-
nent de trois régions différentes : des Grands lacs, de
l'Abyssinie, et du Bahr-el-Ghazal. Dans la première, la saison
32
318 CHRONIQUE GÉOGRAPHIQUE
des pluies a lieu en février, mars, avril. Mais, d'une part, les
différents lacs servant de modérateurs, d'autre part, les 2.000
kilomètres à franchir relardant de plusieurs mois et régulari-
sant l'arrivée de la crue, elle se produit insensiblement.
Dans la seconde région, au contraire, où l'altitude est très
grande et la distance à franchir très courte, les ruisseaux
prennent des allures torrentueuses, et, comme tous les
afluents du Nil bleu s'étendent en éventail dans des régions
ayant la même latitude, où la saison des pluies se produit aux
mêmes époques, les crues sont subites et pourraient amener
des débordements du Nil, si le troisième aflluent n'existait pas.
Etudions donc le régime hydrographique de ce troisième
élément. Les régions du Bahr-el-Ghazal, du Bahr el-Hourr,
du Balir-el-Arab sont presque absolument plates ; la ligne de
partage des eaux avec l'Atlantique dépasse à peine 600 mètres,
la hauteur relative moyenne est d'environ 500 mètres ; comme
Khartoum est à 400 mètres au dessus du niveau de la mer, et
à une distance de plus de 1.000 kilomètres, la pente est
insensible. Aux saisons de pluies, qui se produisent aux
mêmes époques qu'en Abyssinie, les eaux, par suite du manque
de pente, stationnent dans chacun des affluents secondaires ;
puis, quand la crue se produit, le lit du Bahr-el Ghazal forme,
dans les environs du lac Nô, un vaste marécage de plus de
100 kilomètres de largeur, qui arrête l'écoulement des eaux.
La crue produite par les pluies de juin, juillet et août se fait donc
sentir à Khartoum en juillet, avril et septembre, si elle provient
de i'Abyssinie, en août, septembre, octobre, novembre et
décembre, si elle provient de la région de Bahr-elGhazal. Grâce
à cette heureuse conformation des terrains, les inondations sont
rares dans la basse Egypte ; elles seraient régulières au contraire,
par suite, le terrain marécageux et infertile si la région du
Bahr-el-Ghazal était aussi montagneuse que I'Abyssinie.
D'autre part, toute la région du Bahr-el-Ghazal est formée
par ce que l'on appelle le pays aux herbes ; chaque année, à
la fin de la saison sèche, de vastes incendies réduisent cette
végétation en cendres, et, comme sur l'argile ferrugineux qui
compose le sol aucun humus ne peut retenir cet engrais
naturel, les eaux de pluie dissolvent les matières fertilisantes,
notamment la potasse ; ainsi, la crue arrivant dans la basse
Egypte dépose avec les matières tenues en suspension,
provenant de l'érosion des terrains, un excellent limon.
On peut donc dire, sans exagération, que l'Egypte doit une
partie de sa fertilité à la situation particulière de l'orographie
et de la flore de la région du Bahr-el Ghazal.
{BuU. de la iSociété de Géographie de Paris).
I
CHRONIQUE GÉOGRAPHIQUE 319
Les Anglais dans le Bahr-el-Ghazal, — La Belgique
militaire du l*^"" juillet 1901, reçoit d'Afrique une nouvelle
assez inattendue. Les Anglais viennent de s'installer solide-
ment dans le Bahr-el-Ghazal qu'ils avaient donné à bail à la
Belgique par la convention de 1894.
Ce journal explique que les Allemands ayant refusé de voir
occuper par les Anglais la bande de territoire d'entre les lacs,
en échange de laquelle ces derniers avaient cédé à la Belgique
le Bahr-el-Ghazal, la concession a été enlevée à la Belgique.
Par contre, les Anglais, faisant droit aux observations de
l'Etat indépendant, ont relevé de Kolo, pour le transporter sur
la rive droite, les postes d'occupations qu'ils y avaient établi.
La valeur agricole des terres de Madagascar. — Les Comptes-
rendus de C Académie des Sciences nous donnent le résultat des
analyses auxquelles ont procédé, à la demande du général
Gallieni, MM. Muntz et Rousseaux, sur plus de 500 échantillons
de terre prélevés dans les diverses régions de Madagascar.
Le massif central, fourni par des terrains granitiques ou
gneissiques, est la région la moins favorisée. Là se trouve une
terre rouge, compacte, imperméable, très riche en fer, à peu
près totalement dépourvue de chaux, et ne renfermant que
des quantités minimes de potasse, d'acide phosphorique et
d'azote. La composition du sol, en dehors d'une bande côtière
assez étroite, est à peu près la même dans la province de
Vohémar. La teneur en azote, phosphore et potasse, bien que
très-faibie encore, est légèrement plus élevée dans le sol des
provinces de ïamatave, d'Andiwrante, de Farapangana et de
Manaujary. La côte occidentale, formée par des terrains
sédimentaires riches en chaux, est beaucoup mieux partagée.
Les terres les plus riches sont installées sur l'emplacement
des lacs anciens dans les cercles de Moramanga etd'Ambaton-
drazaka, ou dans les régions volcaniques de Diégo-Suarez et
de Fort- Dauphin.
En somme, Madagascar renferme des terrains généralement
pauvres en azote, en phosphore, en potasse et en chaux. Et ce
sont surtout les parties comprises sur le littoral qui seront à
exploiter par l'agriculteur.
ASIE
Les résultats actuels du Transsibérien. — Quand la cons-
truction du chemin de fer Transsibérien a commencé, on a pu
se poser im certain nombre de questions qui ne sont pas
toutes résolues. C'est ainsi qu'il serait très prématuré
320 CHRONIQUE GÉOGRAPHIQUE
d'affirmer que ce chemin de fer jouera un rôle sérieux dans le
commerce international, et qu'il deviendra le véhicule d'un
commerce important entre l'Europe et la Chine. Il en est
autrement, si l'on considère le Transsibérien comme une
artère destinée à vivifier la Sibérie. Réduite à ce but,
l'entreprise réussit au delà de toute espérance. Voici quelques
chiffres, récemment publiés, et qui en font foi de la manière
la plus manifeste.
Voyageurs et marchandises transportés sur le Transsibérien
depuis 1896, jusqu'à la fin de -1899 :
1896 417.000 voyageurs. 184.000 tonnes.
1897 600.000 — 443.000 —
1898 1.049.000 — 700.000 —
1899 1075.000 — 657.000 -
Si cette progression est extrêmement remarquable, celle du
nombre des émigrants ne l'est pas moins. En 1885, année
moyenne et antérieure à la construction du Transsibérien, il
est passé à Tiumen environ 28.000 émigrants. En septembre
1894, on ouvre à la circulation les premiers tronçons du
Transsibérien. Et le l'''" janvier 1896, en 1 an et 4 mois, sur
ces tronçons qui n'allaient encore que jusqu'à Omsk, il était
déjà passé 74.885 émigrants adultes, et 34.612 émigrants non
adultes, soit un total de 109.597 personnes. Autre chiffre,
singulièrement caractéristique de cette émigration : les 109.597
émigrants emportaient en tout 130.963 pouds de bagages, ce
qui ne fait guère plus d'un poud — 16 kilog. ! — de bagages
par personne. Voici les chiffres depuis 1893.
1893 65.000 émigrants
1894 76.000 —
1895 109.000 —
1896 203.000 —
1897 87.000 —
1898 206.000 —
1899 225.000 —
Soit au total 971.000 individus, auxquels il faudrait joindre
25.000 colons, transportés dans les provinces- extrême-
orientales par la Hotte volontaire, et un nombre inconnu, mais
probablement assez considérable, d'individus qui partent sans
se soumettre aux formalités légales,
(Bull, du Comité d'Asie).
Câble français d'Amoy. — Un Ccâble français vient d'être
posé entre rindo-Cliiuo cL le port chinois d'Amoy, par le
Diolibah, et fait cesser désormais le monopole britannique
CHRONIQUE GÉOGRAPHIQUE 321
des communications sous-marines de rExtrème-Orient. A
Amoy, le câble français se soude au réseau de la Compagnie
des Télégraphes du Nord, danoise de nom, mais russe pour
une bonne partie, et qui communique avec l'Europe par les
lignes russo-sibériennes.
Auparavant, les dépêches allant de France en Indo-Chine,
devaient passer, d'un côté, par les lignes anglaises de l'Océan
Indien, ou de l'autre, par le câble anglais du cap Saint-
Jacques à Hong-Kong, et les câbles danois de ce point à
Vladivostok. Désormais on continuera à suivre cette dernière
voie, mais complétée par le câble français d'Amoy à l'Indo-
Chine. La Compagnie des Télégraphes du Nord, qui transmet
les dépêches d'Amoy à la frontière sino- russe, les reprend à
Saint Petersbourg, pour les envoyer au Danemarck, puis à
Calais par le câble.
(Bull de la Société de Géograplne de Dunkerque).
FOLES
Vers le Pôle Sud. — La Discovery, portant l'expédition
antarctique anglaise, a quitté le 30 juillet 1901 la Tamise,
faisant voile vers le Pôle Sud. Selon le programme à suivre,
elle à dû quitter le l^i" décembre le port de Lyltelton
(Nouvelle-Zélande), pour se trouver vers le milieu de Janvier
sur le champ des opérations ; le chef de l'expédition est le
commandant Robert F. Scott.
Les principaux problèmes que la Discovenj devra élucider
sont : l'existence du continent antarctique et la position exacte
du pôle magnétique austral. Parmi les appareils qu'elle
emporte, se trouve tout ce qui est nécessaire pour équiper un
ballon captif, afin de préparer l'exploration par terre et
d'observer, de loin, les points inaccessibles. La durée de la
mission sera de trois ans.
A la date du 11 août dernier, une expédition allemande a
quitté Kiel, pour agir de concert avec la Discovery ; elle
explorera le côté opposé à celui qu'attaquera l'expédition
anglaise. Un édit impérial, paru dans le Monileur de V Empire^
ordonne que l'expédition au Pôle Sud, dirigée par le
professeur Erich von Drygalsky, se rende à Kerquelem, où
elle établira une station magnéto-orologique, puis continue
son voyage dans la région boréale atlantique. Au cas où elle
découvrirait une terre, elle devra y établir une station
scientifique et l'entretenir pendant un an, et repartir en 1903,
ou au plus tard, en 1904.
J. G.
BIBLIOGRAPHIE
Nedromab et les Traras, par M. René BASSET (i)
Le nom de rauteur indique assez le mérite de cette l'écenle pu-
blication, qui vient d'enrichir la collection du «Bulletin de cor-
respondance africaine ». Les missions dont il a été si souvent
chargé, dans les divers pays musulmans, ses nombreuses et
savantes publications sur les sujets les plus variés intéressant
rislam. ont fait depuis li»ngtemps apprécier de tous, 1 érudit
directeur de l'Ecole supérieure des Lettres d'Alger.
C'est — ainsi qu'il nous l'apprend lui-même dans son avant-
propos — à la suite d'une mission chez les Traras, en avril 1900,
que M. R. Basset, a fait paraître cette étude scientifique sur
Nédromah et la région.
L'ouvrage est non seulement le résultat de recherches archéolo-
giques et épigraphiques faites sur place par l'auteur ; mais, c'est
aussi le fruit de l'information orale recueillie de la bouche même
des indigènes du pays. En outre, M. B a complété les renseigne-
ments ainsi obtenus par ceux que lui ont fournis les écrivains
arabes, estimant avec raison « qu il est impossible de séparer,
dans le nord de l'Afrique, 1 étude du présent de celle du passé qui
y tient par tant de liens, surtout quand il s'agit de la société mu-
sulmane 3) (•). L'auteur a retracé à vrai dire 1 liistoire politique et
religieuse des populations indigènes du pays.
On ne sait que trop combien ! histoire politique de lAlgérie est
encore enveloppée de ténèbres, surtout si 1 on s'avise de la com-
parer à celle de la Métropole! L'époque de la domination musul-
mane dans le Maghrib est spécialement la plus mal connue,
malgré l'ouvrage de Fournel, qui s'arrête en 973 de J. C (3) et le
travail de E. Mercier ('>) qui est plutôt un manuel qu'une histoire.
Aussi ne saurait-on douter que des monographies historitiues du
genre de celle des Traras, où toutes les sources ont été mises à
contribuiion et savamment épurées, ne soient appelées à rendre
les plus grands services.
(1) René l'asset, Nédromah et les Traras, avec une planche, Paris,
Leroux, lOdl.
(?) Ch. ibid, Avant-propos.
(3) Fournel. Les Berbers, Paris imp. nat. 2 voi. in 4° (1875-1881).
(4) E. Mercier, Histoire de l'Afrique Septentrionale, dflpuis les
temps les plus reculés jusqu'à la côcquète h'ançaise, 3 vol. Paris-
Leroux (1888).
BIBLIOGRAPHIE 323
M B , ilaiis sou ouvrage, a réservé, à juste titre, une place
prépondérante à l'hagio^-'raphie. Cette science est de fait^ d'une
importance capitale dans la sociologie musulmane. Ne suffit il pas
en efïet d'avoir traversé l'Algérie pour juger combien le culte des
Saints y est dévoloppé et quelle grande place il occupe dans la
société indigène. 0) Or, 1 étude des qobha, maqâm, h'aouît'a,
h'aoùch, et autres monuments consacrés, dans ce pays, au culte
des marabouts, n'intéresse pas seulement l'Islam, ce qui suffirait
déjà amplement à la justifier; elle touche, ùien certainement aussi,
dans le Maghrib qui a subi tant de religions et tant de schismes, à
la science générale de 1 histoire des religions et particulièrement
des superstitions africaines. Il est à supposer, bien qu'on n ait pu
encore l'établir par des preuves certaines, que les l'eligions qui
ont précédé l'Islam sur cette terre d'Afrique, ont laissé leur em-
preinte dans les croyances populaires et l'on ne saurait s'étonner
qu'en Jfaghrib, un saint musulman ait pris parfois la place d'un
saint chrétien représentant lui même déjà une divinité pa'ienne. (2)
Les nombreux mots berbères encore usités dans la toponymie
de la région de Traras, ont été 1 occasion de la part de M. B.
d'observations philologiques et de comparaisons du dialecte
autrefois parlé par les gens du pays avec les dialectes employés
dans les différentes parties de 1 Afrique du Nord. Ces remarques
ont fait 1 objet, dans 1 ouvrage de M. B., de notes nombreuses et
pleines d intérêt et d'un appendice dont il sera rendu compte plus
loin ; elles ont permis en outre à 1 auteur de rétablir la ^éritable
prononciation, et partant Tortographe, de certains noms propres
de lieux, comme par exemple celle du mont « Fellouson » que
nos cartes appellent fautivement « Filbaousen », etc.
Au reste, un rapide exposé donnera une idée plus exacte du
plan suivi par Teuteur et de l'intérêt que présente cet important
travail (3)
(1) Voir là-dessus l'étude pleine d'érudition et de talent qu'a publié
M. Edmond Doutté, Les Marabouts, 1 vol. Paris-Leroux. lOUO (ext. de la
Rev. de l'tiis. des relig. t. XL et XLI). Au reste le culte des saints dacs
l'Islam n'est pas particulier aux indigènes de l'Afrique septentrionale, il
existe dacs tous les pays musulmans. Cf. Goidziber, Die Heiligentereh-
rung im Islam [in Mohammedanische Studien. 2 Th., Halle (1890)].
(2i Le fait est établi pour l'Orient. Voy.: E. Doutté. Les Marabouts,
p. 15. cit. Goidziber, Moham. Stud. lï, 336 et suiv. J'ai eu personnelle-
ment l'occasion, lors d'un récent séjour dans les montagnes dfs B.
Chougràn, de constater dacs certaines pratiques des indigènes, la trace
d'usages assurément antérieurs à l'Islam et sur lesquels je reviendrai
ailleurs.
(3) M. B. a publié déjà en 189.5 dans le bull. de corr. afric. uPe € Etude
sur la Zenatia de l'Ouareenis et du Maghreb central v (Pans-
Leroux) et en 1896 au journ. asiatique (nov.-déc ) un travail sur « Le
Chaouia de la province de Constantine d ; mais ces publications ont
surtout pour objet l'étude du dialecte berbère et l'auteur n'y a réservé
qu'une place secondaire à l'histoire politique et à l'hagiographie.
324 BIBLIOGRAPHIE
L'ouvrage est divisé en deux parties : la première traite des
Koumia et tribus non Traras de la commune de Nédromah ; la
seconde, des tribus Traras ; il est précédé d'une introduction et
suivi de cin([ appendices.
La première partie de « Nàdromah et les Traras » débute par
l'historique de la grande tribu des Koumia, qui au temps de l'em-
pire almohade (XIP-XIIP siècles) a joué un si grand rôle dans
l'histoire de l'Afrique du nord, et dont il ne reste que de maigres
débris dans la région de Nédromah [1-4].
M. B. passant ensuite à la fondation de Nédromah, relève les
erreurs de Léon l'Africain, de Marmol et de Mac Carlhy qui en
font à tort un établissement romain [4-5]. Il croit pouvoir identi-
fier Nédromah à la ville de « Fallousen » du Kitab el Boldàn et
Sabra (Turenne) à la a Madinet el'Alyin » des auteurs arabes.
[7 8]. L'histoire de Nédromah, étayée de nombreuses référ- nces
aux auteurs musulmans, occupe les pages suivantes. Puis, l'auteur
énumère les différentes mosquées de la ville et les édifices consa-
crés au culte des saints ; il donne le texte et la traduction d'un
certain nombre d'inscriptions arabes qui s'y trouvent et grâce
auxquelles il arrive à fixer la date de ces fondations pieuses.
L'inscription de Yousof ben Tàchefin la plus ancienne inscription
arabe d'Algérie, découverte par M. B. dans la grande mosquée ^t
transportée par ses soins au musée d'Alger, est représentée en
photogravure à la page 23.
A propos de la légende attribuant ù Abd el-Moumen la fondation
de Nédromah, l'auteur établit nettement qu'il s'agit d'El Batha sur
le bas Chélif et non de Nédromah, déjà citée par des auteurs mu-
sulmans, comme El Bekri (-|- 487 H =1094 J. C), antérieurs à
Abdel Mou men [30 32].
La mention d'une h'aouit'a consacrée à Sidi Djaber b. Abd Allah,
un des prédécesseurs de Yagh'morasen, le fondateur de la dynastie
des rois de Tlemcen, est acompagnée de renseignements historiques
sur la région à l'époque où vivait ce chef abdelouadite [36-7].
Sur le territoire des Souah'lia, la mosquée de Sidi Abd el Qàder
el Djilani, consacrée au saint, le plus vénéré des indigènes algé-
riens, nous vaut une note érudite contenant une bibliographie très
complète des sources qui donnent des renseignements sur ce
personnage, ainsi qu'une liste des ouvrages dont il passe pourêtre
rauteur]39 et n" 1]
Dans la tribu des Djeba'a, à propos de la mosquée de Ternàna,
M. B. nous fait cennaitre cette ancienne cité de Ternànà dont
parlent déjà Ibn H'aouqal (X" s.) et El Bekri (XI' s.) [51] ; à l'oc-
casion de la zaouyat el Y'aqoubi, mentionnée à la page 56, on lit
de curieux détails généalogitjues et biographiques sur le person-
nage dont elle porte le nom et sur le rôle politique qu'il joua au
XVI° s. contre l'envahisseur espagnol
BIBLIOGRAPHIE 325
La seconde partie de l'ouvrage est consacrée aux Traras, tribu dont
le nom n'apparaît chez les auteurs qu'au XVP s. lis sont formés
par débris des Koumia et des Oulhàsa affaiblis par les guerres [65-7].
Ici comme dans la région étudiée au cours de la première partie,
les monuments consacrés au culte des saints sont nombreux et
d'inégale importance, selon que les personnages dont ils renfer-
ment les restes ou à la mémoire desquels i's sont voués, sont | lus
ou moins dignes de la vénération des fidèles.
Chez les B. Menîrs, une qobba renferme au dire des indigènes
e tombeau de Sidi Youchà (Josuéj et une mosquée honore la mé-
moire de ce personnage biblique. A cette occasion, M. B. expose
les différentes versions ayant cours et la confusion qui règne à
propos du tombeau de Josué, il y joint les légendes répandues dans
le pays et raconte les miracles qu'y a opéré Sidi Youchà dont le
pseud tombeau est à la fois vénéré par les musulmans et par les
juifs de la région [74-77].
Le respectueux souvenir de Sidi Moh'ammed el Haoùari, mort
à Oran, le 12 septembre 1439 est perpétué dans la fraction des B.
Mishel par une modeste h'aouïta et M. B. nous fait connaître ce
savant et pieux musulman, par une notice biographique que vient
complétei une note où l'auteur énumère les ouvrages fournissant
des détails sur le saint [85 et n" 3].
Le V' chapitre de ce' te deuxième partie contient l'historique des
B.'Abed, famille qui donna le jour à 'Abd el Mouraen, le fondateur
de l'empire almohade, le conquérant de la Berbérie et de l'Espagne
[92-5].
C'est sur le territoire de cette tribu que l'on trouve les ruines
d'Honein, dont M. B. retrace l'histoire détaillée et puisée chez les
écrivains musulmans [95-104]. On lira encore avec intérêt, les
pages consa' rées à Sidi Sofyan eth-Thaouri [112 113], aux
Oulhàsa Gheraba [114-6], à Sidi Moh'ammed Dah'oui [120 1-21], à
Sidi Ah'med et Tidjini [124] et à Sidi Moh'ammed el Ouardini,
dont le h'aouch se trouve sur le port d'Ouardànya, peut-être
l'ancien Portus Cœcilii de l'itinéraire d'Antonin [126].
A cet important travail, l'auteur a ajouté cinq appendices.
L'appendice I [131-157] est une courte étude du dialecte berbère
autrefois parlé dans les Traras. M. B. y a joint des notes gramma-
ticales et un court vocabulaire du dialecte berbère des B. Bou S'aîd
Ccercle de Maghnia). (i) Pour connaître 1 intérêt de ce chapitre il
suffit de nommer l'auteur, dont les nombreux travaux sur la
lanorue berbère en font un maître incontesté.
(1) Ce dialecte encore parlé aujourd'hui n'a fait jusqu'ici l'objet d'au-
cune étude spéciale. Il serait très voisin de celui des B. Snous et des B.
Izcacen. selon M. B. qui a publié déjà en 1898 uue t Notice sur le
dialecte berbère des Béni Isnacen ».
326 BIBLIOGRAPHIE
Dans l'appendice II [158-195], M. B. établit que la vénération du
tombeau de Josué ( Sidi Youchà) chez les Traras, a pour point de
départ une pratique juive A l'appui de cette assertion, l'auteur nous
montre que les tombeaux bienfaisants des principaux personnages
de la Bible, sont encore vénérés en différents endroits par les juifs,
les chrétiens et les musulmans, sans que la pluralité des sépultures
ait jamais été un obstacle à la dévotion des fidèles. Ce chapitre est
plein d'une vaste érudition, et l'auteur grâce à sa connaissance des
langues européennes et sémitiques a pu puiser des renseignements
aux sources chrétiennes et musulmanes.
L'appendice III [196-211] contient depuis la domination musul-
mane jusqu'à nos jours l'histoire d'Arechgoul fRachgoun) qui
servait de port à Siga, la capitale de Siphax. Les auteurs musulmans
du moyen âge, ont été largement mis à contribution pai M. B.
dans cette intéressante monographie.
L'appendice IV [204-212] est consacré à la légende populaire du
sultan el Akh'al ou sultan noir, que M. B. pense être le souverain
mérinide Abou Yaqoub Yousof, le fondateur de Mansoura. (0 resté
non moins légendaire dans la région de Tlemcen que le mémorable
siège qu'il entreprit contre l'ancienne capitale des Béni Abd el Ouâd.
M. B. pour montrer les déformations que subit l'histoire dans
la tradition populaire, donne le texte arabe et la traduction de la
légende ayant cours aujourd'hui à Nédromah, et la compare aux
versions de la même légende rapportées par Stumme dans ses
contes berbères du dialecte de Tazeroualt etpar Walsin Esterhazy.
L'appendice V [212-222] renferme : 1° le texte inédit d'un acte
d'union des musulmans de la partie nord-occidentale de l'actuel
département d'Oran, contre l'invasion espagnole (XVI* s.). Cette
pièce rédigée par Moh'ammed el'Oqbani en 955 de l'hégire (1548-
1549 de J. C). est signée des personnages les plus influents du
pays. C'est d'après une copie ancienne (de 1111 de rH.=l699 de
J. C. ) que M. B. a publié le texte de ce curieux document histo-
rique. 2' la fin de cet appendice est occupée par le texte arabe d'une
autre pièce historique, un fragment inédit d'un ouvrage intitulé :
^-_;Jl./C5Ji ^_x_ir-! j ^_^ii.sr-^t v 'L^-i et dans lequel sont
mentionnés un certain nombre ds personnages nédroméens. (2) A
l'occasion du nom de Sidi Bou Médian mentionné dans ce frag-
ment [219], M B. a donné la bibliographie du patron de Tlemcen
et la liste des ouvrages qui lui sont attribués.
Un index des noms propres termine l'ouvnige.
Tlemcen, Novembre 1901. Alfred BEL.
(I) Celte opinion est confirmée par la légende tlemcennienDe, ainsi que
j'ai pu personneilement le constater
(?) M. B. a extrait ce passage du manuscrit n" 4608 ([«• 136-139) de la
Bibliothèque nationale de Paris.
^
BINDING SECT. JUL 7 1967
i^'ritUi»^
DT Société de géographie et
298 d» archéologie de la province
08S622 d'Oran
■t.21 ^ Bulletin trimestriel de
géographie et d'archéologie
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