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Full text of "Bulletin de la Société archéologique du Finistère"

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BULLETIN 



1CIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE DU FINISTÈRE 



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BULLETIN 



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SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE 



DU FINISTÈRE 



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TOME V 



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4877-1878 



j * 



QUIMPER 

IHPBIMBRIE CAEW. — A. JAOUBN, SUCC*. 

1877-1878. 






LISTE GÉNÉRALE 



DBS 



» _ * 



MEMBHES DE LA SOCIETE ARCHEOLOGIQUE 

DU FINISTÈRB, EN 1877. 



Président: M. le Vicomte Th Hebsabt de là Ville - 
marqué, membre del'lnstiiiu. 

(M. l'abbé F. du Màbchallac'h, vicaire 
général de Pévêché. 
M. F. Audran, notaire à Quitnperlé. 

MR. -F. Le Mbn .archiviste du Finistère, 

directeur du Musée départemental 

Secrétaires <„,.,. 

d archéologie. 

M. V. DE MONTIFAULT. 

Trésorier : M. Créachcadic, Antoine, rue Saint- Fran- 
çois, a Quimper. 

MM. 

L'abbé Abgrall, professeur au collège de Pont-Croix. 

Affichabd, fils, propriétaire a Quimper. 

ÀLàvoirre, Joseph, adjoint au maire de Quimper. 

Alavoipœ, propriétaire à Quimper. 

àsher, libraire, Mohrenstrasse, 53, h Berlin (Prusse). 

àstob, maire de Quimper. 

Ayràult, procureur de la République, à Lannion. 

Bahezre db Lahliy, garde général des forêts à Landerneau. 

Babbb, notaire à Moëlan. 

L'abbé Bayec, aumônier de l'hospice de Morlaix. 



— ft _ 

MU. 
Bigot, architecte du département. 
Bigot, architecte diocésain. 
Binet, vétérinaire à Quimperlé. 

M me De Blois, au château de Poulguinan, près Quimper. 
De Blois, «Xavier. 

Le Bolloc'h, juge suppléant à Morlaix. 
Bolloré, Alexandre, négociant, rue des Reguaires, à 

Quimper. 
Bollobé, Eugène, négociant à Quimper. 
Borelli, avocat, à Quimper. * 
BoiiRRAssiii, membre de plusieurs sociétés savantes, à 

Quimper. 

Cte de Brénond d'Ars , au château de la Porte-Neuve, 
commune de Biec. 

De Brbmoy, directeur du télégraphe à Quimper. 

Briot de la M allé rie, président de la Société d'Agricul- 
ture de Quimper, à Penhars. 

Caen dit Lion, imprimeur à Quimper. 

Canvel, professeur, a Quimper. 

De Carné, Edmond, à Quimper. 

De Ghabre, avocat à Quimper. 

De Chamaillard, fils, avocat à Quimper. 

Cte de Ch au veau, propriétaire au château de Keriolet, 
à Beuzec-Conq. 

Clairet, imprimeur à Quimperlé. 

Cloarec, greffier du tribunal civil de Quimper. 

Le docteur Coffec, à Quimper. 

Colomb, ancien conseiller de préfecture, à Quimper. 

Cormier, avocat à Quimper. 

De Courcy (Poi), à Saint-Pol-de-Léon. 



— 7 — 

MM. 

C#zic, chef de division à la préfecture. 
Dànguy des Déserts, notaire à Daoulas. 
Le Déliou, ancien notaire, à Pont-l'Abbé. 
De vaux, lieutenant au 1 18 e régiment d'infanterie de ligne, 
àQuiniper. 

Le Doze, propriétaire en CloharsCarnoët. 

Dubois Saint -Sbvrin, commis de direction des postes. 

Dufeigna, Jules, à Quimper. 

Duval, conservateur des hypothèques à Morlaix. 

Fatv, major en retraite, à Quimper. 

Fautbel, pharmacien à Quimper. 

Flagelle, expert-arpenteur, à Landerneau. 

Fougeray, membre du conseil municipal, à Quimper. 

FooLLioy, amiral, major général à Toulon 

Fourier, commandant de gendarmerie, à Quimper. 

Friele, propriétaire à Quimper, 

Frochfn, fils, négociant à Quimper. >. 

Frollo de Kerlivio, employé des contributions indirectes, 
à Ghàteaulin. 

H. Gaidoz, directeur do la Revue Celtique, à Paris. 

Le Gal Lassalle, sous-préfet de Ghàteaulin. 

Gaubert, membre du conseil général, à Carhaix. 

Le Goarant de Tromelin, au château de Rossulien, com- 
mune de Plomelin. 

Gorvan, avoué à Quimper. 

De Gorrort, Arthur, au château de Kerbernez, commune 
de Plomelin. 

Govin, François, rue des Reguaires, à Quimper. 

De Go y, Stephen, avocat à Quimper. 

Du Grand l acn a y, propriétaire à Vannes. 



MM. 

L'abbé Guéguénou, wcieûf de Saim-Marlîft de Morlàii 

Ghebbeuk, avoué à Cbaieaalin. 

L'abbé Guillard, à Quimper. 

Le GuiLLou-PfifiiHfios, membre du conseil général, à 
Doua menez 

Le Guillou-Penatoios, juge à Brest. 

Le Gwllou-Peïunbos, Gustave, négociant, à Concarneau. 

Le Guillou-Pbbanros, Hippolyte, négociant, à Concarneau. 

Guitot, négociant à Quimper, membre du Conseil Muni- 
cipal. 

Guyho, député à l'Assemblée nationale. 

Le docteur Halléguen, à Chat eau lin. 

Héhon, Louis, député à l'Assemblée nationale 

Hémon, Prosper, à Quimper. 

Hénon, notaire à Quimper. 

De Jacqielot, Louis, à Quimper. 

De Jacquelot, Joseph, à Quimper. 

Jamet, propriétaire à Château! in. 

L'abbé Jégou, vicaire général de l'évêché, a Quimper. 

Jégou, juge de paix, à Lo tient. 

Jôrt, négociant à Bordeaux. 

II. De KfiHRET, au château de Quillien, commune de 
Bras parts. 

C. De Kerret, à Gouesnac'h. 

De Kerjégu, Louis, maire de Saint-Goazec. 

L'abbé Kbrlan, recteur de Plouzané. 

L'abbé de Kernaéret, Université catholique de Lille. 

Lacoste, membre du Conseil général, à Châteaulin. 

Lamarquë, Robert, Champ de Bataille, à Brest. 

De la Lande de Cala*, teafr e & TVégUftc, 6 Qfcitopè*. 



— — 

MM. 

LAPLACE,avoar,rnedû Chapeau-Ronge, à Quiwpèr. 

Do Laurens de la Barre, ancien officier de Aarma, a 

Quitnper 
Lavieille, professeur de rhétorique au collège de Quimper. 
Dr L écluse, Amédée, conseiller général, à Àtidicrhe. 
Lemaigre, directeur de la compagnie Lt Finistère, i 

Quimper. 
Livanbn, avoué à Quimperlé. 
Loarbr, agent- voyer en chef des chemins vicinaux. 
Lorans, avoué a Quimperlé. 
Malen, professeur à Quimper. 
Malherbe de la Boissièbe, à Er gué- Armel. 
De Mauduit, membre du conseil général, à Riec. 
Le Moalligou, docteur-médecin, à Quimperlé. 
More au, Stanislas, à Quimper. 
Le Moynb, rue de Rome, 52, à Paris. 
Le Nir, ancien directeur des Domaines, à Quimper. 
Le Noble, rue Saint-François, 2, à Quimper. 
M* r Nouvel, evéque de Quimper et de Léon. 
De Pascal, propriétaire à Plomeur. 
Pastol, notaire à Quimper. 
Pavot, sous-intendant militaire, à Quimper. 
Du Perrat, propriétaire à Quimper. 
Pbyrok, propriétaire à Quimperlé. 
L'abbé Peyrou, secrétaire del'évéché. 
Pocard-Kbrviler , ingénieur des pàms-et-ohatts&ées h 

Saint-Nazaire. 
L'abbé Postic, recteur de Plonévez-Porzay. 
E. Puyo, maire deMorlaix. 
Puyo, architecte à Morlaiz. 



— 10 - 

MM. 

L'abbé Quémereur, curé de Sainte-Croix, à Quimperlé. 

Quiktin de KercAdio, capitaine de gendarmerie à Quimper. 

De Raismes, sénateur. 

Richard, préfet honoraire du Finistère, à Quimper. 

Richard, Amédée, receveur de l'enregistrement à Château lin. 

Richard, juge de paix à Quimperlé. 

Le Rodallec, juge de paix à Fouesnant. 

De Rodellbc, au château du Perennou, commune de Plo- 

melin. 
S. Ropartz, avocat à la Cour d'appel de Rennes. 
Rossi, propriétaire à Quimper. 
Roussir, propriétaire à Plomelin. 
Roumain de la Touche, ancien procureur impérial. 
Le Roux, membre du Conseil général, à Landivisiau. 
Le Rouxbau de Rosencoat, membre du Conseil général à 

Elliant. 
De S aïs y, Paul, à Plounévezel. 
De Saint- Georges, propriétaire à Melgven. 
Vte de Saint-Luc, au château du Guilguiffin, commune de 

Landudec. 
Serret, propriétaire k Quimper. 
De Solminihac, propriétaire à Névez. 
Sotidry, avoué à Quimper. 

Surrault, inspecteur d'Académie honoraire, à Niort. 
Henry de Tohquedec, quai deTréguier, à Morlaix. 
Toullemont, négociant auGuilvinec, enPIomeur. 
Trévédt, président du tribunal civil de Quimper. 
De Trogoff, Charles, à Coatalio, en Fouesnant, 
De Trohenec, capitaine au 30 e régiment d'artillerie, a 

Poitiers. 



BULLETIN 



DE LA 



SOCIÉTÉ ARCHEOLOGIQUE DU FINISTÈRE 



SÉANCE DU 28 AVRIL 1877. 



Présidence de M. AUDRAN, Vice-Président. 

Étaient présents : MM. Audran, Trévédy, Serret, 
de Brémoy, de Chabre, Laurent, Pavot, Faty, deGoy 
Malen, Créac'hcadic, et Le Men, secrétaire. 

M. le Président informe rassemblée que M. de la 
Villemarqué retenu par une indisposition, n'a pu se 
rendre à la réunion. Il ajoute que notre honorable 
président a entretenu récemment le Comité des tra" 
vaux historiques de l'affaire Duchatellier, et qu'il fera 
part lui-même de son entretien à la Société. 

M, Le Men a la parole pour lire un travail sur 

LE DOMAINE DUCAL DE MOBLAIX EN 1465. 

Par son ordonnance du SI mai 1455, le duc de Bretagne 
Pierre II prescrivit aux conseillers de sa Chambre des comptes, 
de procéder sans retard à la réformation des domaines de son 
duché. A celle On Morice de Kerloaguen, conseiller et l'un des 
présidents des comptes, maître Guillaume Kergouet, conseiller 
de la même Chambre et membre du parlement, et Henriet Le 
Saux, secrétaire et auditeur des comptes, furent nommés com- 
missaires pour les domaines ducaux situés dans les évêchés de 
Tréguier, de Léon el de Cornouaille. Us commencèrent leurs 



— 12 - 

fonctions par le domaine de Morlaix, le 8 juin 1455, en pré- 
sence de Tanguy de Kersulguen, bailli de Morlaix, Pierre Le 
Maraot, receveur des mêmes lieux, et Jehan et Guillaume de 
Kerloaguen, après s'être adjoint, corame experts, Olivier de la 
Forest, Guillaume Guischoux et Jehan Nycoias. C'est du procès- 
verbal qui fut dressé à celte occasion que j'extrais les rensei- 
gnements qui vont suivre. 

Le domaine de Morlaix auquel celui de Lanmeur avait été 
annexé, longtemps avant ta réformai ion de 1455, se composait 
dune partie rurale, dont je n'ai pas rinleution de m 'occuper ici, 
et d'une partie urbaine qui comprenait la ville close de Morlaix 
et ses faubourgs au nombre de trois, savoir : le faubourg de 
Saint-Mahé ou Saint-Mathieu, le faubourg de Saint- Mélaine, 
et le faubourg de Saint-Martin. Ces trois faubourgs corres- 
pondaient aux trois paroisses de Morlaix, dont une, Saint Martin 
était dans l'évêché de Léon, et les deux autres dans Vévêchë 
de Tréguier. 

Lès revenus que percevaient le§ ducs, dans cette vitoe, 
étaient compris sons la dénomination de domaine non rmrabte, 
composé de cfteirenles assises sur des maisons et des coûrtiîs, 
ëtéhdottiaine muablè, qui consistait dans la perception dé 
droits établis sur >e3 marchandises et les denrées exposées en 
fente dans les foires et dans les marchés. 

Voici rénumération, par quartiers, des rues dans lesquelles 
se trouvaient des maisons sujettes & payer an duc une rede- 
vance annuelle : 

1° Dans ta ville close de Morlaix i 

La rue de (a Cohue.— G'esl dans cette rue qu'était la halle 
de Morlaix. 

La rue des Fèvres, près la porte du Marcheix. 

La rue de Bourret.— Elle se prolongeait hors de la ville 
dose, dans le faubourg de saint Martin, par le pont deBourret. 
Vue dé ëes maisons, située près la porte du même nom et h 
tWêfre Gwfflet {QueffkHt) qui servait d* douta à la vilfcetosè, 



~ l» -m. 

appartenait à Jehan Forge L II devait de chefrente w 4«c, fe to 
Circoncision, une paire d'éperons dorés, app^çiée 2S sous 
monnaie. 

Il y avait aussi, dans la ville close dç Morlaix, un cowtil 
près « la Valye~au dessoubz le Chaste) dudit Mourlaix, entre le 
« mur 4b ladite Valye, d'un çoslé et la dite Valye d'aultre t et 
« férant d'ung bout sur la cour dudit chastel.» 

Ce mot Valye ou Valye est assez souvent employé en breton, 
pour désigner un lieu fortifié et son origine doit être l )q même 
que celle du latin vallum. 

Dans le faubourg de Saint-Martin : 

La rue de Bo^rret. — C'était le prolongement de la précé- 
dente. Cette rue établissait la communication entne l'é^êçhé 
de Léon et celui de Tréguier, en passant par la vill$. clo$e ; de 
Morlaix. On percevait, pour ce passage, comme on le versa 
plus loin, certains droits sur les marchandises, 

Dans le faubourg de Saint- Mathieu, plus souvent appelé 
faubourg du Marcheix ou du vieux Marcheix : 

La rue de Tnoulenn, aujourd'hui Traonlen. 

La rue de Myloine, 

La rue des Fèvres, qui se prolongeait dans Hnléri^ur de la 
ville close. 

La rue de Verderel, menant de la rue de Tnoulenn au Parc 
du duc. 

La rue on ruelle menant de la Croix au lait au vieux 
Marcheix. 

La rue menant de h Croix au lait à Tnoulenn. 

La rue. de SaiuL'Mahé ou de Saint-Mathieu. 

La rue menant de la rue des Fèvres au Marcheix. 

La place du vieux Marcheix. 

Une des portes de la ville close portait lç nom de porte du 
Marchei^. Ce. faubourg s'étendait jusqu'au Parc au. duc qui, 
comme les autres parcs ducaux, était entouré de murs, et dçnt» 
la contenance, était, en 1455, de 1-0 qrpents en tgçre : chaude., 



— H — 

de 66 arpents en terre susceptible d'être cultivée, de 2 arpents 
m landes et bruyères, et de 412 arpents en bois exploitables 
de dix -hait ans en dix-huit ans. 
Dans la paroisse de Satnt-Melaine : 

La rue de Saint-Melaine. 

■» 

La rue de Notre-Dame de la Fontaine, anciennement nom- 
mée rue du vieil Hôpital. 

La rue des Vignes. — Il s'y trouvait une fontaine à laquelle 
on accédait par un escalier. 

Lame de Ploujean. — L'hôpital y était situé. C'est dans 
cette rue que demeurait Jean Lagadec, probablement l'un des 
auteurs du Dictionnaire breton appelé le Calholicon, qui tut 
imprimé à Tréguier en 1499. 

La rue Berre. 

Il y avait dans ce faubourg, une barrière appelée la barrière 
de la porte de « la Rive de Mourlaix, près et jouxte le havre 
« dudit lieu et le pont nommé Poni-an-Pichon. » 

Le sire du Pont, à cause de sa femme, dame de Rostrenen 
et du Pont, devait au duc, par an, 10 livres monnaie de cbef- 
renle, à la Toussaint, sur les ruines de deux maisons el sur 
une tour « faisant le coin du mur de la ville de Morlaix,près la 
porte appelée la porte de la Rive, enire cette porte et la rivière 
d'un côté, et la maison Jehan Goezbriand,^ donnant lesdites 
deux maisons, d'un bout sur la rue menant du Pavé à ladite 
porte de la Rive, et de l'autre bout sur ladite tour. » 
- Outre les chefrentes mentionnées ci dessus, et qui se payaient 
au 1 er janvier de chaque année, il était dû au duc, une autre 
redevance annuelle appelée la censie ou demande d'août. Elle 
s'élevait à 30 livres 1 8 sous, qui se payâientau receveur du duc, par 
la main du sieur de Coetelez,voyer et sergent féodé deMorlaix, 
qui en faisait la recette sur les habitants de la ville close et des 
faubourgs de Saint-Mahé, Saint-Melaine et Saint-Martin, et sur 
ceux de Tnoublouchou, tenant feu et lieu. Pour en établir le 
rôle, le receveur du duc, iuvitait, le premier dimanche d'août, 



— 15 — 

les habitants à choisir entre eux des délégués pour faire l'égail 
de cette imposition. Ce choix devait avoir lieu dans l'espace de 
huit jours, après quoi les égailleurs faisaient la répartition de 
la somme de 30 livres 18 sous, et en plus, de la huitième partie 
de cette somme, pour le salaire du voyer, qui en faisait la 
cueillette, et pour payer une indemnité raisonnable aux répar- 
titeurs. Et lorsque quelqu'un porté au rôle ne voulait pas payer, 
le receveur avait recours vers les paroissiens et égailleurs qui 
étaient tenus de faire un égail bon et solvable. 

Je viens de citer le nom du voyer de Morlaix. Lorsque quel- 
qu'un était condamné par la justice de celte ville à souffrir 
mort ou punition corporelle, il était aussitôt en la garde du 
sieur Coclelez, prévôt et voyer, qui devait faire exécuter la sen- 
tence à ses propres coûts el dépens «excepté que le duc devait 
faire la mise de dreczer la juslicze patibulaire avec des 
eschelles, gans fgons), chevestreset cordaiges. • 

Tanguy de La Haye, et ses consorts, devaient sur les poids de 
Morlaix « qui estoint leur propre héritage,» six sous de chefrente 
au terme du 1 er janvier. 

« Et prennent de debvoir à cause desdites balances sur 
chacun cent MivresJ de fer, plomb, estain, suiff et aullres den- 
rées et marchandises qui sont poysés èsdiles balances des de- 
mourans en la ville et es bonnes (bornes;, dudit lieu de Mour- 
laix, deux deniers par chacun cent, et au dessoubz de cent 
livres à Tafferant obole à la livre. » (1) 

Les revenus du domaine muable ou casuel, que le duc per- 
cevait dans la ville et dans les faubourgs de Morlaix, étaient 
nombreux et variés. En voici rénumération complète, que je 
reproduis d'après une copie de la réformation de 14.15, faite à 
Morlaix eh 1557, par Hervé Bellavenne. Comme la livre de 
Bretagne, en 1455, représente environ 30 francs de notre mon* 
naie, on pourra se rendre compte de la valeur des droits énu- 

1) L'obole valait un demi denier. 



ffiêréa ci-dessous» en multipliant 'par 30 le chiffre de cb* que 
article. On trouvera ainsi qu'uoe'marehandise taxée à un denier 
eo 1455, paierait aujourd'hui, dans les mêmes conditions, 
12 centimes et demi, et qu'une denrée évaluée à un sou, vaudrait 
maintenant 1 fr. 60 cent, 

« Demaine muajmb en ladite recepk et ckastetenye de Mour- 
lafa, wavair le* fermes et toute aultres choies qui se baillent 
par ferme que croissent et diminuent et se payent par les quar- 
tiers de Tan ainsi quilz esche en t. » 

« Et premier : ensuivent les debvoirs et coustumes débits- au 
due en ladite ville de Hnurlaix, à cause de cohuaige (I ;, quel 
cohuaige est départy m cinq fermes particulières cy amprés 
déclarez. 

« BT PRBHŒa ; LA COUSTOMB JHJ *AHf ET DE LA CHAIR. » 

« Le duc prent à cause de la coustume du pain et de la 
chair, que ont accousturaé estre baillez eosemblement en une 
ferme en ladite ville de Mourlaix, chacune seprçaine, sur tpuz 
boullangiers et boulangères, et aultres personnes vandans et 
exposans pain en vante en ladite cohue et es placées accous^ 
tumées à vendre pain en ladite ville, fauk bourgs ^t bounnes (2) 
d'icelle, ung denier de (chaque) charge de pain que font et 
cuyssent chacune sepmaine, en cas qu'il soyt vendu ; mais si 
ainsi estoit que lesdits boullangiers ne pourroint vandre ledit 
pain, dont ilz auront poyé le debvoir celle sepmaine, et qu'il 
démouroyt jusques à raullre'sepmaine, ilz ne sont tenuz de 
poyer en plus large que ung denier à cause dudit pain, véri- 
fiant que la chose soyt vraye et sans fraulle ; mais ce nonobstant 
si lesdits boulangiers fournéenj et Font pain froy frais), la 
seconde sepmaine, et le vendent, ils en poyronl ledit debvoir, 



T T . ' . T- 



(1) Ce mot vient de cohue, qui signifie halle» Le droit de cohuage 
était analogue au droit d'étalage moderne. 

(2) Bornes, limites. 



— 17 — 

à cause dûdit pain froy, le meelant et exposant en vente en 
ladite ville et faulx bourgs es lieulx et placzes accoustumez. * 

« Et lés boulangers qui sont demourantz sur champs (1), 
hors ladite ville et faulx bourgs, doybveut et poyenl au duc, 
sur chacune charge de pain qu'ilz vendent en ladite ville e* 
faulx bourgs d'icelle, ung denier par charge. 

« Et touz bouchiers, soynl de ladite ville et bounnes d'icelle 
ou dehors, qui exposent ou vendent chair en icelle ville doyvent 
et poyent, à cause dudit debvoir de cohuaige, pour chacun 
beuff ou vache, deux deniers par piecze. » 

« Pour chacun porc despeczé (2) et vendu par destaill en 
ladite ville et faulx bourgs d'icelle, ung denier. » 

a Item touz bouchiers, raarchanlz ou adirés, qui vendent 
lart en ladite ville, en gros, doyvent pour chacun porc, ou cas 
qu'il sçyt entier, ungdenier ; et s'ilz ne vendent que ung costé, 
ilz doybvent pareillement ung denier pour chacun costé, si les 
costez ne sont d'ung mesme (porc) ; ou quel cas ils ne poyront 
que ung denier pour lesdits deux coslez d'une mesme beste, 
quant ils sont venduz d'une mesme personne, mais si deux 
vendent deuz costez, combien qu'ilz soint d'ung mesraes porc, 
il est deu au duc, pour chacun costé, ung denier. » 

« Item touz bouchiers, ou aultres, vendans en ladite ville et 
es faulx bourgs d'icelle, moulons par gros ou par détaill, doy- 
vent à cause d'icelle ferme, que est des debvoirs et despan* 
dants dudit cohuaige, une obole pour chacun moutoun (sic). • 

« LA COUSTUME DE LA VEBGE. * 

« A cause de la ferme et coustume de la verge, qui est du 
debvoir dudit cohuaige, prent le duc sur touz drappiers, estalez 
en ladite cohue dudit lieu de Mourlaix, ou sabmadi (le samedi), 



(1 )» Dan» la cartipagne. 

(ï) Dépecé Les lettres t% réunies avaient au XV - et au XVI e siècle, 
le son de deux $s. La cédille n'est autre chose qu'uu petit *, placé au- 
deswu* du e. 

2 



— 18 — 

sur chacun, ung denier par sepmaine, poyable h chacun sab- 
madi ; et sont tenuz lesdits drappiers, en cas qu'ilz veillent 
exposer leurs draps en vente en ladite cohue es jours desfoyres 
et marchez. » (1) 

« Item esl debu (du) sur touz cieulx qui exposent toelle en 
vente par délaill en ladite cohue ou ailleurs en ladite ville, d'où 
ilz ont accousluiné placzer pour vendre toellez ( toiles j (2) f à 
jour de sabmadi, ung denier, fors et excepté ceulx ou celles de 
ladite ville qui détaillent ladite toelle en leurs maisons ou do- 
micilies, que n'ont accouslumé auchune chose eu poyer de 
ladite coustume. » 

« Item sy auchune personne expose en vente une piecze de 
toelle, audit jour du sabmadi, en ladite cohue, et ailleurs en 
ladite ville, ou es faulx bourgs d'icelle, contenant au dessoubz 
de trante seix aulnes et non plus large, ladite piecze de toelle 
vendue, il ne doibl poyer *que ung denier, et si no vend que 
ung aultre (3), il en poyra pareillement ung denier, et si ladite 
piecze de toelle contient trante seix aulnes et audessouS, le 
devoir est debu à la ferme de la coustume de toelle qu'est unne 
aultre ferme dont est faict mention cy amprès. » 

a Item touz merciers estalautz au jour de sabmadi en ladite 
cohue ou ailleurs en icelle ville et faulx bourgs d'icelle, doyvent 
chacun d'eulx, à chacun sabmady, ung denier, excepté les 
merciers de mourantz en ladite ville, esialantz en ladite cohue.» 

« Item touz ceulx qui vendent draps de bureau (bure), en 
ladite cohue, ou ailleurs en ladite ville ou es faulx bourgs, à 
jour de sabmadi, doivent uog denier chacun, excepté ceulx qui 
font leurs maisons et résidence en ladite ville et es faulx 
bourgs. » 



(0 Cette phrase ne parait pas complète. 

(a; Dans nos titres du XV« et du XVl« siècle, on emploie indifférem- 
ment le z ou l'« à la Un des mots pour indiquer le pluriel, ce qui 
prouve que le % avait à cette époque une prononciation différente de 
celle qu'il a aujourd'hui. 

(3; Il faut lire probablement « aulne. » 



— 19 — 

« Item tonz ceulx qui vendent figues et raysins en ladite 
ville et es faulx bourgs d icelle, soyt à jour de sabmadi ou 
auttre, doybvent par chacun cabacz (I), ung denier » 

« Hem tonz ciuulz qui achaptent miel en ladite ville, par 
ruschiers, doybvent, par chacune ruches, ung denier, soyt à 
jour de sabmadi ou aultre. » 

« Hem touz marchanlz que establent (étalent), pour vendre 
harancs blancs en ladite cohue ou ailleurs en ladite ville ou 
fauh bourgs d'icelle, hors leur maison, doibvent chacun ung 
denier la sepmaine, et est ce debvoir comprins en la ferme du 
pain et de la cbayr. » 

• Item ceulx que establent harancs solet fsaurets), en ladite 
cohue ou ailleurs en ladite ville ou faulx bourgs d'icelle, doyb- 
vent chacun un denier, à chacun sabmady. » 

« Item ceulx qui establent et vendent sepmances et graines, 
comme de pirisill (persil), oignons, porréeet aultres sepmances 
de courlill, en ladite ville, doybvent à chacun sabmady qu'ilz vau- 
dront lesdites sepmances et estableront, chacun ung denier. » 

« Item ceulx qui achaptent cyre en tourteau ou par pieczes 
si la vente passe douze deniers, doybvent pour chacun achapt, 
ung denier ; et s'il y avoyt dix ou douze pieczes, ou plus, 
jucques au poys de cent livre?, et que tout fut vandu soubz 
un ne vente, n'est debu que ung denier. » 

« Item pour charge de paniers, à cause de placzaige, est 
debu ung denier. * 

« Item touz marchanlz vandans fuseaulx, cuilliers, tamisiers 
(tamisj, verges et fustz (manches) des fléaulx, doybvent de plac- 
zaige^pour chacune somme (2), ung denier ou k un fust de fléau.» 

« LA FERME ET COUSTDME DU POISSON. » 

« A cause de ladite ferme et cousturae du poisson, qui est 

du debvoir dudit cohuaige, est debu au duc sur chacun pois- 

* 

(1) Paniers ronds en jonc ou en sparterie. 

(2) Charge de cheval. 



- s»- 

sonier forain que vend poisson froys (frais), en ladite villa* four 
chacun (jour), ung denier. » 

« El par les poyssoniers demourantz en ladite ville ou es 
faulx bourgs d'icelle, pour chacune sepniaine, ung denier. » 

« El si lesdils poissoniers forains admènent poisson, à vendre 
en ladite ville, en basleau ou vaisseau, ilz debvent payer, à 
chacune foys, chacun deux deniers ; et si les poissoniers de 
ladille ville amènent du poisson à vaudre eu basteau, ils deb- 
vent payer, par 'leste, pour chacune sepruaine, ung denier et 
non plus laige. » 

« Et si ungpoyssonnieraporieroyt à vendre desdites barques, 
deux ou trois pochées ou plusieurs, jusques à une charge, il 
doibt poyer ung denier, et non plus &U s'il n'a. que une 
pochée, il doibt poyer pareillement ung denier. » 

• 1A COUSTUME ET FEBME MB LA TOELLE. » 

• Il est debu à cause de In cous tu me et ferme de la toelle, 
sur chacune piecze de toelle que est vendu, contenant Crante et 
seix aulnes de toelle et au-dessus Jacques a ung cent, ung 
denier que doibt le vendeur, et par fardeau contenant cinq 
cenlz aulnes de loelle, cinq deniers; et si ledit fardeau contient 
en plus large (I) sera poyé par chacune piecze, que aéra en 
oullre, contenant Iraut" et seix aulnes et au dessus, jucques 
à ung cent, ung denier par piecze, el si tesdites piecze9 autre- 
ment contiennent moins de vingt seix verges, le debvoir en est 
debu à celluy que a la couslume de la verge rapportée cy 
devant, et sont tenuz, les vendeurs de poyer et contenter les 
fermiers de ladite couslume dudit debvoir, le jour raesmes qu'il 
auroit veudu lesdites toelles, sur paine de soixante soulz d'a- 
mende. » 

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( 1) Une plus grande quantité. 



— Si — 

« LA FERME ET COUSTUMB DU BLÉ. » 

« A cause de la ferme et couslume du blé, qui est du debvoir 
dudit cohuaige, est debu au duc par chacune charge de fro- 
ment, seilte (seigle), orge, avoyne, febves. poys et aullres blez 
venduz en ladite cohue,' ville etfaulx bourgs d'icelle, eslanlzen 
nttne poche, ung denier, que Tachapteur doibl payer ; et sy n'y 
a que ung quartier en un sac est debu une maille (I); en- 
semblemenl, de demy quartier ou d'ung boesseau, est debu 
une maille pour chacune pochée. » 

• Il est debu sur checune personne qui vend grueau en la- 
dite ville et es fauix bourgs dicelle, ung denier par chacune 
sepmaine, soyut de ladite ville ou d'ailleurs, et est pour plac- 
zaige, à cause du debvoir de ladite cohue. » 

« LÀ FERME DE LÀ COUSTUME DES ESCUELLES DE BOYS. » 

• La couslume des escuelles de boys, à cause de laquelle 
touz marchanlz et opvriers (ouvriers) que exposent en vente 
escuelles de boys en ladite ville et faulx bourgs d'icelle, doyb- 
vent pour placzaige, à cause de ladite ferme, ung denier par 
chacune charge, à chacun jour de foyre ou de marché. » 

« Item touz ceulx qui achaptent, audit lieu de Mourlaix, au 
jour de foyre ou de marché, auges de boys, dont la vente pas- 
seroyt douze deniers par auge, debvent de coustume ung de- 
nier par piecze, et de chacune auge ou coffre de boys, ung 
denier par piecze. » 

a Pour grantz rouez (roues) à charrettes, pour chacune 
payre, deux deniers. » 
« Pour chacune cyvière ruellesse (2) ung denier. » 



(1) Cette monuaiequi était la même que l'obole, valait la moitié d'un 
dénier. 

(2) Ou « rolleresse ». C'est la brouette, dont oa. a attribué à tort 
l'invention à Pascal. 



— 22 — 

« LA FERME ET COUSTUMB DES C0STERA1X. » 

« Touz marchanlz qui chargent vin en costeraiz et le mènent 
à cheval vendre hors ladite ville et es faulx bourgs d'icelle, 
doybvent de coustume anciennement, ung denier. par pot con- 
tenant deux quartiers de vin, mesure dudit lieu de Mourlaix, 
mais, si lesdits marchanlz emportent ledit vin en barillez ou 
barillz, il n'en debvent aulchuu debvoir. » 

« LA COUSTUME DE LARDIGOU (1). » 

« Ceulx qui achaptent beurre en polz ou baratez (barates), 
dont la vente passe douze deniers, excepté beurre frays en es- 
cuelle, debvent pour chacun achapt ung denier. » 

« Et ceux qui achaptent suiff et oignt (2), quand la vante 
passe doze deniers, doybvent pour chacun achapt ung denier, 
si non es cas privillégez. » 

« LA FERME DU CUYB. » 

« A cause de la ferme du cuyr, le duc prent sur chacun tacre 
de cuyr non tané, vandu oudit lieu de Mourlaix, ou en ses 
faulx bourgs, ung denier, que Tachapteur doibt payer. » 

« Et si le marchant achapte un cuyr tout tané jucques à 
dix cuyrs, que font une tacre, il poyra pour chacun cuyr, ung 
denier, en cas que ledit cuyr couste plus que douze deniers. » 

«. Et est byen assavoir que les marchantz bouchers et aultres 
de ladite ville de Mourlaix et ses faulx bourgs, estanlz en la 
censye, et que poyenl la demande d'aougst oudit lieu de Mour- 
laix (3;, ne poyent aucune coustume à cause des cuyrs qu'ilz 
achaptent, dont la chayr des bestes que auront porté ledit cuyr 
seroit vendue en ladite cohue ne audit lieu de Mourlaix, maix 

(I) Ce mot breton est le pluriel de lardig, diminutif de tard, graisse. 

(i) Graisse de porc. 

(3) Voir page 14. 



/ 



— 23 — 

les ruarchantz forains et aultres, quelz ne sont soubz ladite 
censye, achaplantz ledit cuyr de quelque personne que ce soyt 
de ceulx de Mourlaix que d'ailleurs, poyront ladite coustume. • 
« Touz cordoniers ou aultres, de quelque lieu qu'ilz soint, 
eslablans en ladite cohue, debvent au duc à cause de ladite 
ferme pour placzaige chacun sabmadi, ung denier. » 

« LES QUATRE FOYRES. » 

« La coustume des quatre foyres que est fondée sur le deb- 
voir appelle « tolleau» (1), quel tolleau appartient à aucuns geu- 
tilz hommes, bourgeoys et aultres de ladite ville de Mourlaix et 
d'ailleurs, et, durant lesdiles quatre foyres, il revyent et cheoyl 
en la main du duc, oultre l'ancienne coustume, que se poye 
au duc en touz temps et durant lesdiles foyres. » 

« Et est bien vray que le duc a quatre foyres Tan, en ladite 
ville de Mourlaix ; scavoir : la première et la principalle des- 
dites foyres, aujuudi prochain amprès la Pentecosle, qui s'ap- 
pelle la foyre de Mourlaix ; et à celle foyre, houict jours avant 
toutes les coustumes de ladite ville et faulx bourgs de Mour- 
laix, tant à cause de paiu, de la chayr, sur les bestes vifFves, 
cuyrs, gresses, ustensilles de boys, comme roues à chamelles, 
potz de terre, et aultres denrées et marchandyses, poyent ledit 
debvoir, appelle • tolleau, » durant ladite foyre de la Pente- 
coste et les houiclaines d'icelle, devant et amprès, et aussi 
durant les aultres troys foyres cy amprès déclairès; et pareil- 
lement durant lesdiles quatre foyres o les houictaines, comme 
devant est dict, le passage du pont de Bourret, qui appartient 
au sir de Garzpern et ses consorlz, chel eu la main du duc, et 
en recept (reçoit) le debvoir d'Icelluy le fermyer desdiles qua- 
tre foyres. Et doublent iceulx debvoirs et coustumes sur touz 
marchez» excepté sur les nobles et gens previlégez, pour la 
pourvision de leurs maisons, et les bourgeoys et habitantz dudit 



(1) Ce mot vient du latin « tollagium » {impôt). 



— 24 - 

Mourlaix, lesquieulx ne poyent rien du debvoir dudit «tolleau» 
se dudit passaige. '* 

Et est bien à sf avoir que le sir du Garzpemn, Yvon Le*par- 
leur, et Yvon de Lisle doybvent au duc à cause dudit passaige 
et dudit debvoir.... (I) 

Et prent le sire de Lesquelhouarn, que est prevost de Bour- 
ret, la septiesme partie des debvoirs et couslumes de ladite foyre 
de la Pentecoste, hpuicl fours devant et houict jours amprès, 
et durant ledit temps, ledit sire de Lesquelhouarn a l'adminis- 
tration et gouvernement de justicze dudit lieu de Mourlaix des 
(causes) qui escherront de nouvel durant ledit temps, et en 
sont les amandes au duc ; et, au boult desdits quinze jours, 
ledit sire de Lesquelhouarn doibl randre la verge à la justicze 
du duc audit lieu de Mourlaix ; et, aux prochains généraulx 
plectz du duc ensuyvantz, il doibt rendre à la justicze, et rap- 
porter par escript, signé de son séneschal et de son clerc, 
les amandes escheuz es plectz durant ledit temps, et assigna- 
tion valable desdites amandes ; et, à chacune foys que les 
plectz généraux du duc audit lieu de Mourlaix se tiennent, ledit 
sire de Lesquelhouarn, prévost surdit, doibt payer (parer?) la 
chayre (chaise) du séneschal du duc d'ung langier et ung car* 
reau (I), et luy bailler la verge en la main » 

« La seconde foyre dudit lieu de Mourlaix se tient et doibt 
tenir le jour de la feste sainct Augustin, ou moys d'aogst 
(août). • 

« La tierce au jour de la feste saincte Catherine, ou moys 
de novembre. » 

« La quarte foyre au jour de la feste sainct Mathias l'apostre; 
et commenczent lesdites troys foyres h la sainct Augustin, saincte 
Catherine et sainct Mathias, dempuis le vespre du jour d'avant, 
et durent chacune d'elles dempuis ledict vespre jucques au 
landemain au soyr. » 



(t) La phrase est inachevée. 
(2) Une housse et uj* cpuipHi. 



_ j 



— SHJ — 

« Setisuyvent les debvoirs que se lèvent *ur Us denrées et 
marchandises vandues et exploictées èsdiles quatre foyres et è$ 
houiclaines d'avant et amprès ladite foyre de la Pentecoste, à 
cause dudit debvoir du • tolleau. » 

« Touz bouchiers non demorantz soubz ladite demande 
d'aougst dudit lieu de Mourlaix, doybvent sur chacun beuff on 
vaiche qu*ilz vendent pour lediet debvoir de « tolleau », outre 
l'encienne couslume, quatre deniers. » 

« Touz boulangiers forains deœourans hors ladite villa et 
faulx bourgs d'icf lie qui ne poyant demande d'agust (août) 
doybvent et poyent par chacune charge de paiu qu'ilz vendent 
duraul lesdites quatre foyres et les houictiesmes d'avant et am- 
près ladite foyre de la pentecoste, à cause dudit debvoir de 
€ tolleau », oultre l'ancyenne couslume qui se reczort en la 
ferme du pain et de la cbayr, deux deniers par charge. » 

« Sur chacun porc frès ou salle veudu en gros ou en détail!, 
deux deniers ; et s'yl n'y a que ung eosté à uona mesme pet*, 
sonne, il poyra semblablement deux deniers » 

Toutz raarlfcanlz ou aultres qui achètent chevaulx ou aul- 
tres bestes chevallines, excepté les petitz poullains quelz sont 
après leurs mères, doybvent par piecze, houict deniers. » 

• Par beuff, deux deniers. » 

« Par vaiche ou (avec) veau ou non, deux deniers. • 

« Par veau qui aura ung an passé, deux deniers. » 

« Par porc, les roarchanlz forans, deux deniers. » 

« Et ceulx de la ville et faulx bourgs, ung denier. » 

c Les marchanlz forans qui achaptent chyeffures (chèvresj, 
doybvent pour chacune, un denier. » 

« Touz marchanlz achaptans cuyr de bestes chevallines 
doybvent houict denier^ » 

« Les marchanlz forans qui achaptent cuyr de beuff ou de 
vaiche, doybvent pour chacun cuyr, deux deniers. » 

« Et ceulx de la ville et faulx bourgs de Mourlaix, sMlz 
achaptent des marchanlz forans, ung denier. » 

€ Item touz marchanlz forans achaptans suyff on oigne 



— 26 — 

(graisse), pour chacun acbapt que passe douze deniers, au poy- 
saol (poidsj de cent livres et au dessoubz, deux deniers ; et 
aussi de chacun cent, soyt cru ou fondu, deux deniers. • 

« Et ceulx de la dite ville et faulx bourgs achaptans suiff des 
marchaulz foranz,par cent ou par piecze, que cousteroyl douze 
deniers et au-dessus, doybvenl ung denier. » 

« Et si lesdits babitanlz de Mourlaix achaptent ledit suiff 
des bouchiers,ou aullres f demourantsen ladite ville et ses faulx 
bourgs, îlz ne debvent aucun debvoir à cause de ladite coustu- 
me des quatre foyres, appelle « tolleau. » 

« Item touz roarchanlz forains establans, a vandre gruau 
èsdites foyres, doybvent de placzaige chacun d'eulx, deux 
deniers. » 

« Item touz coutellyers et marchantz forains vendans coût- 
teaulx sans guehyne3 (gaines; et aullre ferrure, fors acyer et à 
oupvrer, que seront vendu pour soy, doibvent chacun pour 
placzaige deux deniers. » 

« OSTILLZ DE BOTS OU UTEIfSILLEZ (USTENSILES). » 

« Pour chacune huge de boys, l'achapteur, soyt forain ou 
aultre marchant, doibl deux deniers. » 

« Item pour chacune auge qui cousteroyt douze deniers et 
au dessus, deux deniers. » 

« Pour chacune charge de batz non garniz, le vandeur doibt 
pour placzaige, deux deniers. » 

c Pour charge de bêches et de pâlies non garnyes, manches 
de coignées et bastouers de boys, le vandeur doibt pour plac- 
zaige, deux deniers et unne palle, unne manche de coignée ou 
ungbalouer, et n'aurointilz que troys ostilz de chacune especze; 
maix en cas qu'il y auroyt unne palle Serrée en la charge, elle 
acquicteroyt le parensus de ladite charge du debvoir desdites 
quatre (foyres). » 

« Item pour chacune payre de grandes rouez (roues) à char- 
rettes doibt l'achapteur quatre deniers. • 



~ 27 - 

« Et pour payffi de petites rouez h charrues deux deniers* » 

« Pour une cyvière à roue, deux deniers. » 

« Item pour chacune charge de platz, escuelles, sausiers de 
boys etdecrubles, le vendeur doibt de placzaige deux deniers.* 

« Pour chacune charge de polz de terre, le vandeur doibt 
pareillement de placzaige deux deniers. » 

« Item pour chacune charge, paneret ou pochée de pommes, 
poyres, certes, prunes ou aultres fruilaiges, les marchants 
forains vendantz doybvent pour placzaige, deux deniers. » 

o Et ceulx de ladite ville de Mourlaix et ses faulx bourgs, 
un denier. » 

« Item louz marchantz forains qui prennent placze pour ven- 
dre miel, oignon, doybvent chacnn pour placzaige deux de- 
niers. » 

« LE DEBVOIB DUDICT PASSAIGB DE BOURRBT. • 

« Touz marchantz forains et aultres gens non privillégiez, 
excepté cieulx de Mourlaix, achaptantz bestes chevallines, pas- 
santz ou repassanlz par icelle ville et sesditz faulxbourgs, pour 
aller en l'évescbé de Léon et de Tréguier, doibvent au duc 
pour chacune beste durant lesdites quatre foires o (avec) les 
houictiesmes avant et amprès, pour passaige, ung denier. » 

« Et par bestes d'aumaille (telles) que pourceaulx, chief- 
fres, moulons, brebis et poules, de trois bestes ung denier (1) » 

« Item pour chacune payre de grantz roues à charnier, deux 
deniers. 

« Pour chacune charge de cyvières ruellesses (brouettes) ung 
denier; et s'il n'y auroit qu'une seule cyvière ruellesse sur ung 
cheval, il en est debu ung denier pour le debvoir dudit pas- 
saige. » 



(l) On fait venir de munualia (peeora) le mot « aumaille » sur la 
signification duquel les lexicographes sont loin d'être d'accord 11 semble 
résulter de cet article et de celui qui précède, qu'au XV« siècle, en 
Bretagne, on appelait a bêtes d'aumaille », tous les animaux domesti- 
ques a. l'exception des chevaux. 



— 88 - 

« Pour fardeau ou charge de draps, layneî. ioelles, fll, pain, 
chair, potz, escueltes, panniers, crubles, tamersiers (tamis), 
fruilaigcs (fruits), et aultres denrées et marchandises, excepté 
paille d'airain et acyer, ung denier par fardeau ou charge. » 

• Et par charge ou somme de mercerie, cuyrs tannes ou à 
tanner, de quelconque sorte, soyent de peeuli de mouton, 
veaulx, chevaulx ou aultres sortes, ung denier par charge. » 

« Et touz roarcbantz forains qui achapteitt blé en l'évescbé 
de Léon et t'admennenl en l'évesché de Tréguier du pays de 
Léon, par ladite ville et es faulx bourgs, doibvent pour droict 
de passaige, ung denier par charge, ou demye charge, si 
ramène par cheval, aultnemeut non. » 

« LA FBRMB DES SB AULX AUX COHTBACTZ ET ACTES DES COURT! 

DE MOURIAIX ET DE LANKEUIL » 

« $ellon aucunes coustumations (sic) faictes en parlement 
de Brelaigne, Ton doibt prendre pour sceller ung rolle en par- 
chemyn d'ung espan et troys doys de large, pour scellaige, 
deux deniers. » 

« Pour sceller ung conlractde meubles dedans (au dessous 
de) cent soulz, chacune livre, deux deniers. » 

« Pour ung contracl de meubles oultre la somme de cent 
soulz, jucques à cent livres, pour chacune livre, ung denier. » 

« Pour un contracl de meubles dempuis cent livres, pour 
chacune livre, obole. » 

« Item pour sceller un contract d'héritaige dedans vingt 
soulz d'héritaige, deux soulz. • 

« Et s'il passe vingt soulz, il sera poyé pour seau, cinq 
soulz. » 

« Pour le scellaige d'une procuration ou d'une coppie soulz 
vingt soulz, s >ix deniers. » 

« Pour scellaige d'ung testament, cinq soulz. » 

« Pour scellaige d'une donnaison mutuelle de héritaige w 
4a meubles qui n'es t que a vriaige (viager), deux soute. * 



— «9 - 

« Pour soeUaige d'une quittance soubz la grtfnt seau de 
vingt livres et au-dessus, douze deniers et eu descendant^ stix 
dealers. • 

« BRYS ET PUNCZAY VENANT. » (1) 

« Selon le compte de Jehan Le Braer, aultreflbte reeeptetor 
de Mourlaix et d* Lanmeur, faict le 12 febvrier Vbn 139ê, et 
le compte de Jehan Meryadec, pareilleraeitf rerepveut desdittt 
lieu* faict le 22 febvrier Tan 1414, et aullres comptes ffneteos 
Tusement et gouvernement desdiies chastellenyes de Mourlaix et 
de La rime tir fe*t) que le duc preat esditz brys, en (ce) que Iuy 
auroit saulvé, le tout. » (2) 

« Mais quant il y a saulveurs, le duc prent les deux partz et 
les saulveurs, le tiers* » 

« Tnbk des debvoirs d'entrées et d'issues des porfz et havres 
des chasttllenies (le Mtmrlnia: et de Lanmeur. » 

« El premier, Entrées. » 

« Le duc prent pour debvoir d'entrée de chacun tonneau de 
vin d'Anjou, Touars, Aulnis, Nantes et d'ailleurs, de la crue 
hors Brelaigne, 30 soulz par tonneau, et pour vin breton, 
15 soulz. » 

« Pour ancienne coustume les marchans fojrains doybvent 
18 denieis par tonneau.» 



(f) On sait q»ie le droit de bris livrait au seigneur les débris* du 
vaisseau naufragé. Le mot breton punczay que Ton écrit aujourd'hui 
pensé ou pence, est synonyme du mot bris II a aussi la signification de 
naufrage. On lit dans le Dictionnaire francité-breton dit P. Giégoire 
de Rostrenen, au mot bris : « Le» habitants de l'ile de Sein sur le 
boni du Raa d'Audierne. qm sont assert pauvres, disent' qnatnf il y a 
quelques bris à leur côte» que Dieu les visite. Veut eo. Dqub 4hor gueU" 
Ut; deut eo gracx Doue dùveuomp » 

(Ti La fin de* cette' phrase qui n'est pas très-claire signifie, je crois 
que lorsque les débris d'un navire venaient d'eux- ne me» à la cuit, ils 
appartenaient entièrement au duc. On voit par l'article suivant que 
dans tour le» ea», h naufragé perdait ses droits aux débris dte sotr 
vaisseau. 



— 30 — 

« Et de chacun rouy de sel venant de Guerrande ou de Rtiys 
cinq soulz. » 

« El si ledit sel vient d'ailleurs, on poye par chacun muy, 
quinze soulz, s'il n'appiert avoir chargé oudil lieu de Guerrande 
ou de Ruys. » 

« Pour le poys de chacun tonneau de fer, vingt deux cents 
pour tonneau, l'on prent d'entrée ung soulz, et en oultre sur 
les marchans forains, le vingtième du fer. » 

« Pour entrée de chacun tonneau de chaux, deux soulz. » 

« Pour tartre (tacrej de cuir deux soulz, et le vingtième 
d'aultres marchandises que l'on feroit entrer èsdytz portz et 
havres. • 

« issues (sorties) desditz havres. » 

« Pour issue de chacun tonne.au de froment est deu d'an- 
cienne couslume troys soulz quatre deniers, et pour trète 
(traite,) de chacun tonneau de froment, trente soulz » 

« Item pour tonneau gros blé, vingt soulz; » 

« Pour tonneau de chayr, sutff et autres gresses, vingt 
soulz. » 

« Pour chacun tonneau vin mené par terre, s'il n'appiert 
avoir poyé l'entrée en aucun havre de Bretaigue trante soulz. » 

« De chacun tonneau de vin mené par terre, charroyé hors 
la ville de Mourlaix, excepté les gens nobles et previllégiez 
pour leur maison, cinq soulz et le vingtième d'aultres mar- 
chandises, comme toelles et aultres denrées que l'on fait yssir 
(sortir) desditz havres. » 

Le duc percevait encore, le cas échéant, les droits de rachat, 
de sous-rachat, d'épaves, de galoys ou gaiays, de déshérence 
et de succession de bâtards. Il jouissait aussi, concurremment 
avec le sire Moutafllant, et quelques autres seigneurs, ses vas- 
saux, du droit de sécherie sur le littoral du domaine de Mor- 
laix .et de Uumeur. 



— 34 — 

Il possédai! en outre dans ou près la ville de Môrlaix : 

Un moulin fouleret, où à foulons, auquel les hommes re- 
levant procbemenl de lui dans un rayon de cinq lieues, 
élaient tenus de venir fouler leurs draps. Ils payaient pour 
droit de foulage, un denier par aune de drap. Les vassaux des 
seigneurs qui n'avaient pas de moulins à foulons, élaient sujets 
au même devoir. 

Un moulin à tan. Ceux qui y faisaient moudre leur tan, 
payaient pour droit de « moullaige, » cinq deniers pour cha- 
que a atigée » de tan ; Taugée devait contenir trois quartiers 
de tan, mesure de Morlaix. 

Un moulin à blé, situé devant la porte, près le havre de 
cette ville. On payait pour droit de moule le seizième du blé 
moulu. 

Un four appelé le four du vicomte, auquel tous les habi- 
tants de la ville close étaient tenus de faire cuire leur pain. Us 
payaient pour droit de « foumaige, » le vingt-quatrième pain 
en pâte. 

Outre le four du duc, il y avait à Morlaix le four du prieur 
de Saint-Mathieu, celui du prieur de Saint-Melaine, et celui 
du sire de Lesquelhouarn, ses « pargonniers » (associés) et 
consorts. Ce dernier était situé dans le faubourg de Bourret, en 
la paroisse de Saint-Martin, évéché de Léon. Lorsque ces 
trois fours, ou l'un d'eux, étaient « en défaut de servir ou ne 
le pouvoinl faire, » le ressort en devait venir au four du duc # 

Pour assurer la perception des nombreux droits énumérés 
ci -dessus, il fallait nécessairement fixer d'une manière certaine 
les limites de la ville de Morlaix. C'est ce que firent les com- 
missaires de la Réformation de 1456, après uue enquête ou 
furent entendus Hervé Coatgougar, âgé de 80 ans, Selvestre 
Le Clerc, âgé de 84 ans, Henry Lonoré, âgé de 60 ans, et plu- 
sieurs autres témoins. 

Un procès-verbal très-détaillé de cette enquête fut ensuite 
dressé, mais comme les terres n'y sont le plus souvent désignées 



— 3Î — 

que par le nom de ceui qui le9 possédaient alors, il serait 
maintenant impossible de les reconnaître, et il n'y aurait 
aucune utilité à reproduire celle pièce in-extenso. Je me bor- 
nerai donc à mentionner les points principaux indiqués dans ce 
procès-verbal de délimitation, et qu'il est possible de retrouver 
aujourd'hui. Ces indications suffiront je pense à faire recon- 
naître la différence existant entre retendue actuelle de la ville 
de Morlaix, et celle de sou territoire en 1465. 

Les commissaires commencèrent leur enquête à Test de la 
ville, sur la rive gauche de la rivière Jarleau, et sur un point 
de la route de Morlaix à Plougonven, appelé Tuoubloucbou (ce 
serait aujourd'hui Traonblouchou, ou Troblouchou), où ils 
établirent des bornes en pierre Ge lieu était situé à l'extrémité 
du faubourg de Saint-Mulhieu, plus ordinairement appelé 
faubourg du Marcheix. ^ 

Après avoir quitté la roule de Plougonven, la limite suivait 
le grand chemin de Plourin, en longeant le mur du Parc-au- 
Due, puis après avoir traversé ce parc et le ruisseau qui coulait 
de sa fontaine, elle tombait dans un vieux chemin appelé Htnt- 
Toull-an-Parc. Bile suivait encore le mur du même parc, et 
arrivait par urv chemin à une croix située sur la route de Mor- 
laix à Saint- Fiacre, et appelée la croix Map~an-Mâguerés (la 
eroix du fUs de la nourrice). 

De cette crois 4 la limite suivait une vieille route ewiie les 
terres du sieur de Locnlaria et celles du sieur de Coeleiefr, et 
après avoir traversé un autre grand chemin conduisant à Saiut- 
Paul 4 elle se dirigeait vers un rocher appelée Lan*an-lto>choti, le 
Ion® do pare du sieur de Locmaria, dépendait de 1 sou manoir 
de Kerbfeien. 

De ce rocher, elle rejoignait d'autres rochers, située vis-à-vis 
du précédent, et descendait à la rivière Cuefflet (QueiQeni), ail 
coin des moulins à foulons et à tan du duc, en laissant dans 
1» ville* ces moulins, la rue des Brebis et le manoir de Bellisal. 

Aftè* avoir traversé la rivière Queffleut, la limite suivait 11» 



— 33 — 

ruisseau dont la source était au village de Roudou-an-Esenn 
(le Gué aux ânes, aujourd'hui le Roudour),et après avoir coupé 
la route de Morlaix à Landivtziau, elle suivait le chemin de 
Roudou-an-Esenn, au village do Kerjourdrain, entre une pièce 
de terre appelée la Lande aux Malades, el les parcs de Coet- 
coogar, dans la direction de la route de Morlaix à Pensez, et 
hissant en dehors de la ville, le parc et le manoir de Ker- 
jourdrain. 

La limite suivait ensuite la route de Pensez à Morlaix, en 
côtoyant le bois taillis de Goetcongar et la forêt de Cuburien, 
qui appartenait au vicomte de Rohan,et ne faisait pas partie de 
la ville ; puis après s'être dirigée vers la roche appelée Roche 
Corolkrés (la danseuse),oii étaient situées les buttes pour tirer 
de Tare et au papegaut,elle arrivait d'abord à la croix nommée 
la Croix du bout delà Ville Neuve (probablement Penkernevez), 
et ensuite au port de Morlaix. 

Après avoir traversé la rivière, elle rencontrait le village de 
Tnoudousten (aujourd'hui Troudoustin), suivait un ruisseau, 
coupait un grand chemin menant de la chapelle de Saint- 
Nicolas à la fontaine appelée an Barguet, et arrivait à une autre 
fontaine nommée an Guern-Bihan. 

De là, après avoir traversé le grand chemin de Morlaix à Lan- 
meur, la limite suivait un chemin venant de Kerancleffien, 
jusqu'au carrefour appelé Poul-Map-Even, d'où elle longeait 
une autre route nommée chemin an Porz-Bihan, en côtoyant la 
terre de la Maladerie, qui faisait partie de la ville (î). 

Cette route de Porz-Biban, se terminait h un grand chemin 
menant du moulin Ansquer à la maison de François de Coet- 
quiz, nommée la Villeneuve. La limite après avoir suivi ce der- 
nier chemin, en longeant les terres du manoir de Coetcongar, 
qui étaient hors de la ville, coupait successivement les routes 
do Morlaix à Lannion et à Plouégat-Guerrand, puis après avoir 

(I) Voirie Bulletin d$ la Société arehèologigue du Finistère, t. IV, 
page 138. — Il y avait en ce lieu une chapelle dédiée à la Madeleine. 

3 



j - 54 — 

traversé la rivière Jarleau, regagnait le point de la roule de 
Plougonveu, appelé Tnoublouchou, où les commissaires de la 
Réformation, avaient fait établir des pierres bornâtes, et 
commencé leur enquête. 

A la suite de cette lecture, M. de Goy exprime 
l'opinion que l'origine de l'expression « bêtes d'au- 
maille » pourrait se trouver dans l'usage qui existe 
dans certaines province de France et notamment en 
Lorraine, de renfermer et de transporter les volailles 
dans des filets. 

M. Faty pense que c'est à tort que l'on a contesté à 
Pascal l'invention de la brouette. L'instrument qu'elle 
a remplacé, était ajoute-t-il, une petite voiture à deux 
roues dont l'usage n'était pas inconnu aux Romains. 

M. Le Men répond que l'opinion qui attribue cette 
invention à Pascal, a eu ses partisans et ses contra- 
dicteurs. On se servait au XV 6 siècle de deux sortes 
de civières, la civière à deux bouts dépourvue de roues 
et ayant deux bras à chacune de ses extrémités, et la 
civière à rouelle ou civière rolleresse, munie de deux 
bras à sa partie antérieure, et d'une ou peut-être de 
deux roues à son extrémité opposée. Dans un titre 
inédit de 1510, que cite M. Le Men, la civière rolleresse 
est appelée « brouette » (1). La chose et le nom exis- 
taient donc longtemps avant Pascal. Il a pu cependant 
perfectionner cet instrument en substituant une seule 
roue aux deux rouelles qu'il avait peut-être aupa- 
ravant. Quoi qu'il en soit, les modifications dont la 
brouette a pu être l'objet dépuis le moyen-âge, n'ont 



(I) Monographie de la cathédrale de Quimper f par R.-F. Le Men, 
page 341. 



— 35 - 

pas été bien importantes, car les paysans bretons 
nomment encore aujourd'hui cet instrument, « civière 
rolleresse » (cravaz rodellec). 

Après ces observations, M. Audran donne lecture 
de la note suivante : 

LE PAPEGAUT DE QUIMPERLË. 

Le pupegai, papeguay, papegaut ou papegault, vieux mot 
français qui signifie perroquet est «un oiseau de carte ou de 
bois que Ton met au bout d'une perche pour servir à ceux qui 
tirent de Tare et de l'arquebuse qui donnent un prix à celui de 
leur compagnie qui l'abat. » (1) 

Le jeu du papegaut remonte au XIV* siècle (?) ; le vainqueur 
prenait le titre de roi et avait droit à certaines exemptions. Dès 
le XV siècle, nous trouvons ce jeu établi dans les principales 
villes de Bretagne ; les rois l'encouragèrent dans le but d'en- 
gager les bons citoyens à apprendre l'exercice de l'arbalète et 
de l'arquebuse. 

Des ordonnances rendues en 1407 et 1471 avaient accordé à 
celui qui abattait une fois le papegaut à Nantes, l'affranchisse- 
ment « des tailles, aides, dons, emprupts, qnets, arrière-quets, 
gardes de portes et tous autres subsides personnels avec attri- 
bution de noblesse héréditaire, place et rang aux États à celui 
qui Tabaltait trois fois. » (3) 

o Ce fut pendant la lieulenance de Marc de Carné, nous 
apprend M. Le Vol, que Henri II, ne pouvant payer la garnison 
de Brest, recourut à un expédient d'un fréquent usage dans ce 

(1) Dictionnaire de Trévoux, Edit. de 1721. V r Papegai. 

(2) I e plus ancien titre dans lequel il est fait mention du papegaut 
de Quimperlé est un compte rendu par Guillaume du Quirisoet, rece- 
veur ordinaire de Ouimperlé pour les années 1398, 1399. H est rapporté 
par extrait aux pièces justificatives imprimées à la suite de l'Histoire 
de l'abbaye de Sainte-Croiœ, de dom Placide Le Duc, publiée par 
tt.-F. Le Men, page 625. 

• (3) Magasin pittoresque, année 1842, p. 383. 



— 5$ — 

temps, la création d'un papegaut, io3titué parles lettres patfiih 
tes du 3 mai 1549, enregistrées à 1» cour des comptes de 
Nantes le 13 juin suivant» Ce papegaut, établi sous préleste 
d'exercer les soldats au tir de Tare et de l'arquebuse, avait 
pour but plus réel d'exonérer le trésor royal de la solde des 
gens do guerre en leur conférant certains avantages. Ceux qui 
furent accordés à la garnison de Brest pour atténuer sa fâ- 
cheuse position étaient les suivants : Celui qui remportait le 
prix de l'arquebuse avait le droit de vendre quarante tonneaux 
de vins, sans être assujetti à aucune taxe : les plus adroits à 
Tare et à Parbalète pouvaient vendre, le premier trente ton- 
neaux, le second vingt, aussi en franchise de. tous droits. » (1) 

Henri III, par ordonnance du mois d'avril 1675, accorda aux 
habitants de Locperan, autrement dit Blavet (plus tard Port- 
Louis), le privilège du papegaut. « Voulons et nous plaict, (est- 
il dit dans cette ordonnance rapportée en entier par M.F. Jégou 
dans son histoire de la fondation de Lorient), que ceux qui 
s'apliqueroni audit jeu d'arquebuse, puissent tirer au dit pape- 
gaut et que celui qui l'aura abatu puisse amener vandre ou 
faire- vandre et distribuer par meneu détail, durant la dite an- 
née qu'il l'aura abatu, le nombre et canlité de trente et six 
tonneaux de vin de tel creu et pays qu'il avisera, franc, quitte 
et exent de tous tributs, impôts et billots. » 

Cet édit fut enregistré à la chambre des comptes de Nantes 
le 27 juin 1675, avec une réduction considérable, contre la- 
quelle les habitants de Port-Louis réclamèrent; mais en 1577 
ils obtinrent de nouvelles lettres confirmant les précédentes (2). 

Quimper et ïlorlaix ont eu également un papegaut. Un de 
nos confrères nous fera sans doute l'historique de ces compa- 
gnies. Je vous parlerai aujourd'hui de celle de Quimperlé. Je 
n'ai pas retrouvé les lettres patentes qui créent ce privilège. 

(f ) Histoire de la ville et du port de Brest, par NL P. 14 Vot, l w vol., 
p. 58. 

(2) Histoire de la fondation dç kortmt* par F. JégW* Iwieal, WO. 



— 37 — 

Son existence m'est révélée par un procès-verbal en date du 
1" mai 1681, et par lequel Charles de Rabeau, chevalier, sei- 
gneur de Beauregard Chabri, maréchal des camps et armées 
de Sa Majesté, commandant des villes et citadelles de Port- 
Louis, Hennebont et Quimperlé, rapporte que, s'étant trans- 
porté au bas du quai de Quimperlé, au lieu où Ton tire an pa- 
pegaut, en compagnie de Jean Le Toulper, dernier roi du pa- 
pegaut, du bailli, du procureur du roi, du syndic et de plu- 
sieurs bourgeois et habitants, précédé de la compagnie des 
archers du papegaut, et appel fait de ces derniers, il leur avait 
représenté que le roi leur continuant la grâce de tirer au pa- 
pegaut avec les mêmes privilèges et émoluments que par le 
passé, son intention était que toutes les dépenses inutiles qui se 
faisaient par rabatteur du papegaut, soient supprimées et em- 
ployées au profit de l'hôpital général. 

Cette proposition fut acceptée par les archers, qui, en consi- 
dération du grand avantage qu'ils retiraient de l'établissement 
de l'hôpital général, consentirent qu'à l'avenir « le dict hospilal 
jouira annuellement de la somme de cent vingt livres des 
deniers accordés par Sa Majesté au roi du dict papegaut, 
laquelle somme de cent vingt livres sera payée par quartier 
au trésorier dudit hospital,par le cabaretier que choisira l'aba- 
teur du papegaut ou par le fermier de l'impôt et billot auquel 
la quittance dudit trésorier servira de décharge. » 

De plus, ils décidèrent que les trente sols que'cbaque archer 
payait lors de son eorollement serait payés au trésorier du dit 
hôpital, le greffier chargé de délivrer les billets d'enrollement 
n'ayant plus pour ses gages que cent sols, outre son sol par 
billet, et cinq sols par enrollement et réception d'archers. 

Cette décision fut approuvée par le duc de Chaulnes, gou- 
verneur de Bretagne, le 11 juin 1689. 

Mais les bonnes dispositions des archers du papegaut ne pro- 
fitèrent pas longtemps à l'hôpital, car le rentier qui fut dressé 
en 1764, pour les revenus de l'établissement porte au folio 243 : 



— 38 — 

« Le droit au papegaut tiré dans la ville, de Quimperlé, accordé 
à l'hôpital, consiste à percevoir la somme de cent vingt livres 
chaque année par préférence sur le produit des devoirs de 
trente pipes de vin, avec en outre trente sols par chaque récep. 
tion d'archer. Au soutien de ce droit dont l'hôpital est frustré 
depuis bien du temps, douze pièces auxquelles on aura recours 
pour faire rentrer l'hôpital dans un droit aussi utile.» 

Ces douze pièces que j'ai consultées aux archives de l'hos- 
pice, comprennent , outre le procès-verbal ci-dessus analysé, 
et l'approbation de M. le duc de Ghaulnes, des traités inter- 
venus de 1681 h 1684 entre le trésorier de l'hôpital et les 
abateurs du papegaut, qui subrogeaient un cabaretier dans le 
droit de débiter en franchise trente pipes de vin, à la charge 
de verser au trésorier cent vingt livres, l'abateur n'ayant droit 
qu'au surplus. 

Enfin, par arrêt du conseil du 7 mai 1770, et l'article 92 du 
bail des Etats des années 1771 et 1772, le droit de papegaut 
fut en entier accordé aux hôpitaux, et depuis cette époque jus- 
qu'en 1791, l'hôpital de Quimperlé percevait chaque année, 
des receveurs sédentaires des devoirs, une somme de six cents 
livres, pour droit annuel sur trente pipes de vin. 

Je termine par le nom de quelques rois du papegaut que 
j'ai relevés sur les titres de l'hospice : 

1680, Jean Le Toulper ; 

1681, Mathieu Geffroy ; 

1682, Alain-David f 

1683, François Foucault ; 

1684, Gilles Pressart ; 

1753, Guillaume-Joseph Le Fèvre, qui, par acte du 3 mai 
1753, cède son droit pour cent trente livres. 

Après cette communication l'ordre du jour étant 
épuisé, la séance est levée à 4 heures. 

Le Secrétaire, 

R.-F. LE MEN. 



L 



— 39 — 
SEANCE DU 30 JUIN 1877 



Présidence de M. le Vicomte Th. HERSART 

DE LÀ VILLEMARQUÉ. 

Étaient présents : MM. de la Villemarqné, Audran, 
l'abbé Guillard, Trévédy, Fougeray, Moreau, Le No- 
ble, de Brémoy, de Kercadio, Malen, Bourassin, de 
Chabreet Le Men, secrétaire. 

M. Audran demande la parole sur le procès-verbal 
de la séance du 3 mars. Délégué par la Société pour la 
représenter à la réunion générale des Sociétés savan- 
tes à la Sorbonne, le 4 avril, il n'a pu remplir cette 
honorable mission à cause de ses affaires, et il en a 
les plus vifs regrets. 

M. de la Villemarqué en éprouve aussi de n'avoir 
pu, à cause de son séjour à Paris, assister à la séance 
du 3 mars ; il eut répondu de vive voix aux observa- 
tions de M. Ledoze sur l'inscription bretonne pedeûa- 
lbdan. (Voir la séance du 19 août 1876). Aujourd'hui 
il lui suffit de dire qu'il est heureux de se trouver 
d'accord, ce qui est le point capital, avec son honora- 
ble collègue sur le sens des mots ped « prier » . Quant 
au sens de edaledan « en long et en large, » il n'a point à 
justifier une périphrase qui manquerait de justesse 
et serait d'assez mauvais goût, selon son contradic- 
teur, mais à constater qu'on l'a employée au moyen 
âge, ce qu'il a fait par deux citations. Il eût pu en 
produire d'autres, notamment la strophe 247 e du 
Buhez mab den, et la 275 e du même poëme ; dans la 
première on lit : Plen ordrenet het ha le dan, et dans 



— 40 — 

l'autre : Map Doe Roet het ha ledan. (Revue de Bretagne % 

février 1877, pages 136 et 148). 

M. Le Men, qui n'assistait pas à la séance du 
3 mars, confirme l'exactitude de l'interprétation de 
M. de la Villemarqué, et demande la parole pour 
ajouter une observation à la note sur les lépreux et 
les cacous de la Basse-Bretagne, qu'il a communiquée 
à la séance du mois de janvier dernier (1). 

Il résulte de cette note que contrairement à l'opi- 
nion de quelques personnes, la lèpre existait encore 
au XV* siècle dans cette province. A l'appui de ce 
fait il lit l'extrait suivant d'un compte de la fa- 
brique de l'église de Saint-Mathieu de Morlaix, pour 
l'année 1 550, qui ne laisse subsister aucun doute sur 
cette question : 

« Item pour tant que, à instance du procureur du 
roy de ceste juridiction, nous auroict esté inthimé par 
sergent, que luy estoict venu à nocticze que une 
femme nommée Marie Kervennyou, que l'on disoict 
estre suspeczonnée de leppre, se tenoict pour lors au 
portai de ladicte église de sainct Mahé, et nous au- 
roict esté peu après, comparissant en jugement à notre 
terme, joinnectz (enjoint), à paine de 60 livres monnoie, 
dedans trois jours de la faire visiter par médicins et 
surgiantz, et ce aux despans de ladicte paroesse, afin 
de la faire départie, si elle eust esté trouvée telle. Ce 
que le lendemain fut faict, à notre pourchatz, par mais- 
tre Pierres Le Roux, médicin, Jehan Quéré et Guil- 
laume Le Fournis, barbiers et surgiens, En l'endroict 



(I) Voir le Bulletin de la Société archéologique do Finistère, t. IV, 
p. 138. 



- 41 — 

de tout quoy, y eust grosse mise tant pour les despens 
et salairz, celluy jour, et pour avoyr d'eubt retiré 
procès verbal pour Tapparoir en justicze, le tout calculé 
avons mise 8 livres monnoiè. » (1). 

M. le Président donne ensuite lecture de la notice 
suivante : 

JEAN DE L'EPINE ou MAP AN SPERNEN 

CALLIGRAPHE ET POÈTE BRETON 

(1408-1472) 

> 

Il y a bieo des années, H. de Wailly, Conservateur de la 
bibliothèque de la rue Richelieu et membre de l'Institut, remar- 
qua quelques vers bretons à la fin d'un bréviaire latin manus- 
crit de cette bibliothèque et m'en adressa une copie en m'en 
demandant la traduction ; j'ignore si elle fut bonne, mais elle 
dut me laisser des doutes, car lui ayant écrit pour lui demander 
des renseignements sur le manuscrit, l'illustre paléographe me 
fit l'honneur de me répondre : 

« Monsieur, le manuscrit pour lequel j'ai eu recours à votre 
obligeance est un bréviaire h l'usage de l'église de Paris, copié 
en 1472 par Jean de l'Epine, du diocèse de Cornouaille. 

€ C'est au bas du folio 198 que se trouvent les quatre lignes 
de bas-breton. 

« Ce manuscrit est un in-8°; il porte le n° 1294 de l'ancien 
fonds latin. 

« Je suis trop heureux, Monsieur, de pouvoir vous donner 
ces indications, et je vous prie d'agréer l'assurance de ma con- 
sidération la plus distinguée. 

« N. de Wailly. » 

Ce 4 juin 1844. 

(t> Archives du Finistère. 



— 42 - 

Muni de ces indications, je m'empressai de consulter le ma- 
nuscrit lui-même* 

On lit au folio 178 v% le nom Yspikb, et au-dessous : Ex- 
plicit psalterium per me iohem Spine, corisopitens diocesis. Hic 
liber e magri Guilli Goardet. « Ici finit le psautier par moi 
Jean de l'Epine, du diocèse de Quimper. Ce livre appartient à 
maître Guillaume Goardet. » 

Au bas du folio 198 v°, sont les vers bretons signalés par 
M de Wailly à mon attention. 
Les voici : 

Gruet eu tom.heb chom an ceutu 
Goude dilua au suzun gueu 
Breman ez guellet guelet scier 
Na gueu quet ter map an Speraen. 

Premier vers : Gruet eu(factus est) n'offre pas de difficulté; 
ce participe passé du verbe irrégulier ober s'écrit aujourd'hui 
gréât, gret et groet, selon les dialectes armoricains ; en comi- 
que gorris, en gallois gwnaet où Vn a remplacé IV, comme 
dans l'irlandais gni. (Zeuss, Grammatica celtica, p. 551.) Eu 
(est) répond à éo du dialecte de Léon, à e du dialecte de Van- 
nes, à yu du gallois. Tom vient du latin tomus « tome », « vo- 
lume. » Heb « sans • anciennement hep, en breton, en comi- 
que et en gallois; en irlandais sech, latin $ectw.(WhUleyStokes.) 
Chom, en Léon choum, en gaëlic, cum, a le sens de moratus 
dans le Catholicon; M. Liltré croit y voir la racine du verbe 
français chômer (manquer de. . .). Il semble avoir ici le sens de 
« manque de », « omission.» An (pour a + n) « du » est l'ar- 
ticle défini breton au génitif singulier. Sa plus ancienne forme 
est inn (Cartulaire de Bedon , p. 34, 35, 148, 184). Sa forme 
moyenne est enn. Coutu, abréviation de coutuer, n'est plus en 
usage que dans le pluriel Kotuerou, « les Quatre-Temps • 
(Troude) ; en latin Quatuor anni tempestatum jejunium, duquel 
quatuor est venu le breton coutuer, en gaëlic keathair, en irlan- 
dais cethar. 



— 43 — 

Deuxième vers : Goude « après », en vieux gallois, guetig, 
en gallois moyen, gwedy (Zeuss, p. 652). Dilun « le lundi », 
en gallois dyddllun, en irlandais dialuain, en latin dies lunœ. 
An (a + n) « de la ». Suzun « semaine », aujourd'hui sizun, 
anciennement seidhun (Cartul. de Landévennec, fol 142) ; en 
moyen comique seithum (Vocabulaire), plus tard sythyn (Nor- 
ris) ; en gaélic et en irlandais seachduin. (Zeuss, p. 736). Guen 
« blanche », en comique guyn, en gallois gwyn 9 en irlandais 
fin (W. Stokes). On dit maintenant ar sizun ven. Ce nom de 
semaine blanche est donné par le peuple à la semaine des Roga- 
tions « à cause qu'il voit, dit le P. Grégoire, les ecclésiastiques 
en surplis, aller processionnellement aux chapelles de paroisse. » 

Troisième vers : Breman « à présent » anciennement pretman, 
« en ce temps-ci » hoc tempore (Zeuss, p. 674), en gallois 
pryd hwn «maintenant ». Ez guellet « vous pouvez» aujour- 
d'hui e c'hellet (Troude^, du verbe gallout, pouvoir ; gallu en 
comique et en gallois. Guelet « voir •, en gallois moderne 
gweled, dont la racine est guil, en latin vigilia (Zeuss, p. 1105). 
Scier « clairement », du vieux français esclair % composé de 
l'adjectif clair précédé de es préfixe (Littré),dontla voyelle ini- 
tiale est tombée en breton. 

Quatrième vers : Na gueu quet pour nag eu quet, aujourd'hui 
ha n'eo ket (Troude) « s'il n'est pas ». Le P. Grégoire écrit eoei 
gueo^el pour le dialecte de Vannes gueù, comme il l'est ici, 
(p. 865). M. Whitley Stokes trouve l'équivalent de notre quet 
armoricain, dont on ignorait l'origine, dans le gallois cal qui 
répond au vieux français, mie, goutte, brin, etc. Ter « vif », 
prompt « expéditif », aujourd'hui ter en Comouaille, en Léon 
te*r, en gallois taer. Map « fils » dans tous les dialectes , 
excepté en irlandais et en gaëlic où le p se change en c et où 
map devient mac, comme dans le nom celtique Mac-Mahon, 
qu'on ne s'attendait guère à trouver ici à côté de Map an Spernen, 
le fils de YYspine ou de l'Epine, Spine ou Spinœ. La traduc- 
tion de notre quatrain serait donc, sauf erreur : 



- 44 — 

« Ce volume a été fait (oa achevé) sans omission des Qo«t!re- 
Temps après le lundi de la semaine des Rogations (1). 

c A présent vous pouvez bien voir si Map an Spernen (le fib 
de l'Epine) est expéditif . » 

J'ignorais quels étaient ces an Spernen, et j'attendais à le 
savoir pour publier mon texte et sa traduction, quand une dé* 
couverte toute récente de notre savant confrère M. Le lien, est 
venue me réjouir et m 'instruire. 

Voici la note qu'il a bien voulu me communiquer ; elle est 
extraite de son intéressante Monographie de la Cathédrale de 
Quimper, en cejnoment sous presse; on y lit page 3SO, sous la 
rubrique hemeuhs : 

« 1468. Domino Yvoni an Corn, presbytero, pro religando et 
cooperiendo librum Hymnorum in medio chori posiium, 3 s. 
4d.» 

« Item domino Yvoni Corn, presbytero, et Y. an Sperhb», 
pro taxando religaciones librorum in presencia domini thesau- 
rarii laxatas, pro commissione, 4 s, 4 d. » 

Jean de l'Epine, le calligraphe quhnpérois, qui copia en 1472, 
à Paris, le bréviaire à l'usage de l'église de cette ville, était donc 
fils du relieur-expert du même nom, chargé à Quimper, en 1468, 
par le trésorier de la Cathédrale de taxer les reliures de certains 
livres dont il avait pu transcrire lui-même quelques-uns, avant 
son départ pour la France. 

Hais si le manuscrit parisien prouve qu'il excellait dans l'art 
du copiste, les vers qu'on vient de lire ne témoignent pas moins 
en sa faveur comme versificateur breton. 11 était poète, et même 
de la bonne école de son temps ; son système rhythmique atteste 
qu'il connaissait tous les secrets et qu'il bravait toutes les diffi- 
cultés du genre : ses vers sont un modèle du quatrain octo- 
syllabique, à rimes finales croisées et à rimes intérieures ; outre 
coutuer et scier, guen et Spernen % rimant ensemble, au bout des 

(t) Le volume du bréviaire finit effectivement avec les Quatro-Temps 
de la Trinité. 



— 45 — 

Vers entrelacés, ou remarque dans l'intérieur, iom et cfwm, au 
premier, dilun et suzun, au second, guellet et guelet, au troi- 
sième, ter et sper (dans an Spernen),m quatrième. Les auteurs 
de sainte iVtmne, du Grand Mystère de Jésus, du Trenienvan, du 
Buhez mab den, etc., ne rimaient pas autrement, et certaine- 
ment pas mieux que lui. 

Je suis heureux d'avoir contribué à tirer son nom de l'oubli : 
ne laissons perdre aucun de ceux qui honorent notre pays breton . 

Sur l'invitation de M, le Président, M, Le Meu donne 
lecture du travail suivant : 

LA CONFRÉRIE DBS MAÎTRES-ÈS-ARTS DE L'ÉVÊGHE DE LÉON (1). 

Enm*entretenant,il y a quelques jours, 'de notre art national, 
arec MM. de la Villemarqué et Audran, je fus amené par le 
sujet de notre conversation à leur lire le chapitre de la Mono- 
graphie de la cathédrale de Quimper, dont je viens de terminer 
l'impression, qui a pour titre : les Maîtres de Vœuvre, les Devis 
et les Marchés. Dans ce chapitre je fais connaître l'existence, 
ignorée jusqu'ici, d'une Confrérie des arts dans Pévêché de 
Léon, au commencement du XVII e siècle. Frappés de l'impor- 
tance de ce fait, MM. de la Villemarqué et Audran, ont pensé 
qu'il ne serait pas sans intérêt d'en donner communication à la 
Société dans notre prochaine réunion. C'est pour me conformer 
& leur avis que je vais vous lire la partie de ce chapitre relative 
h la Confrérie des arts : 

« Un fait regrettable, mais qu'on ne saurait contester, c'est la 
facilité avec laquelle les souvenirs qui se rattachaient k nos 
grands monuments d'architecture religieuse, se sont effacés 
ou altérés, et la tendance que Ton éprouve généralement, à 
attribuer à ceux qui les ont construits, une origine étrangère. 



im 



(1) Cet article est en partie extrait de la Monographie de la cathâ* 
drdle de Quimper, par R.-F Le Men ; un volume in-8° de 400 pages, 
dont Piœpcwsion est terminée. 



— 46 — 

C'est ainsi que l'on entend dire souvent, que la cathédrale de 
Quimper a été bâtie par les Anglais. La même tradition se 
rattache à l'église de Notre-Dame du Creisker, à jSaint- 
Pol de-Léon. D'autres vont plus loin, et prétendent que 
toutes nos belles églises anciennes ont été bâties par des 
étrangers, parce qu'il n'y avait pas en Bretagne, d'ouvriers 
assez habiles pour les construire. Ces erreurs de l'opinion au 
sujet de noire art national, proviennent de ce que les habitants 
de notre pays, ont depuis longtemps perdu l'habitude de voir 
élever auprès deux des monuments vraiment dignes de ce nom, 
et exécuter sous leurs yeux, ces merveilles d'orfèvrerie, de 
peinture et de sculpture, que produisaient, jadis la plupart de 
nos villes, et que la centralisation a confisquées pour toujours, 
au profit de quelques cités privilégiées. » 

« On sait assez généralement à quelle époque furent construi- 
tes nos grandes églises du moyen âge, et à l'initiative de quels 
illustres personnages civils ou ecclésiastiques, on doit leur 
construction ; mais les chroniques ou les histoires qui nons ont 
transmis la connaissance de ces faits, ont complètement négligé 
de nous renseigner sur les modestes ouvriers qui travaillèrent 
à les bâtir ou à les orner. Ce n'est qu'à partir du XV e sjècle, 
que de rares documents viennent jeter quelque jour sur ce 
côté, jusque là bien obscur, de l'histoire de l'art en Bretagne, 
et je m'empresse de le dire, les noms des mattres qui furent 
chargés de diriger les travaux de nos églises, ou de contribuer 
a leur décoration pendant le XV e et le XVI e siècle, sont, sauf 
de rares exceptions, des noms qui appartiennent incontestable- 
ment à la Bretagne. C'est seulement au XVII e siècle que l'on 
voit apparaître dans ce pays, des ouvriers étrangers, mais 
principalement parmi les facteurs d'orgues et les fondeurs, car 
les travaux de construction restent encore à cette époque, 
presque exclusivement dans les mains des ouvriers bretons. On 
peut donc, jusqu'à preuve du contraire, attribuer à des maîtres 
originaires du pays où elles ont été élevées, la construction de 
nos églises du moyen âge, qui n'ont laissé aucune trace écrite 



- 47 - 

de leur histoire. En attendant que de nouvelles recherches 
viennent confirmer cette conjecture (1), voici un fait demeuré, 
si je ne me trompe, inconnu jusqu'ici, et qui démontre combien 
sont injustes certains préjugés qui ont cours relativement au 
degré d'éducation artistique des bretons du temps passé. » 

« A une époque qu'il m'est impossible de préciser, une con- 
frérie des maîtres- es- arts (magistrorum artium) fut fondée 
dans l'évêché de Léon. Différente des confréries religieuses ou 
des corporations si fréquentes t au moyen âge et jusqu'à la 
Révolution, et qui se composaient de membres pris dans une 
même paroisse ou dans une même ville, elle choisissait ses 
éléments dans toutes les villes et les paroisses du diocèse, et 
dans la portion la plus intelligente du clergé, de la noblesse et 
des ouvriers, dont les travaux relevaient du domaine de l'art. 
L'existence de cette association de savants et d'hommes de 
goût, m'a été révélée par un cahier commencé avant l'année 
1618, et qui se compose de la liste générale des maîtres des 
arts faisant partie de la confrérie, d'actes de réception de nou- 
veaux maîtres, et d'ordres du jour indiquant, avec l'époque et 
le lieu où devaient se réunir les confrères, soit en assemblée 
générale, soit pour assister aux services des membres décédés 
dans Tannée, les noms des orateurs qui devaient prononcer des 
discours dans ces réunions. » 

« Le bureau de la confrérie des maîlres-ès-arts se composait 
d'un président (abbas), d'un procureur* d'un secrétaire (scriba), 
d'un greffier (bidellus) et d'un trésorier. Elle comprenait avant 
1618, cent vingt-trois membres, dont soixanle-dix-neuf appar- 
tenaient au clergé, vingt-sept â la noblesse, trois à la magistra- 
ture et quatorze au tiers-état. De 1618 à 1623, cinquante-deux 

(I) Au nombre des renseignements publiés par le Bulletin de l'Asso- 
ciation bretonne, et qui viennent à 1 appui de 1 opinion que j'exprime ici, 
je citerai dans le l« r vol. de ce Bulletin, pages 216 et 279, les recher- 
ches, de M. A. de Barthélémy, sur des peintres verriers bretons. — Voir 
aussi dans les Mélangée d'histoire et d'archéologie bretonnes, les très- 
intéressants documents publiés par M» de là Borderie, sur les artistes 
bretons. 



- 48 — 

nouveaux membres furent admis dans la société, sur la présen- 
tation d'anciens confrères. » 

« Et qu'on ne s'imagine pas qu'il y eût quelque rapport entre 
la qualification de maîlre-ès-arts, que prenait chaque membre 
de cette société, et le titre que Ton obtenait après avoir subi 
avec succès des examens sur certaines parties de la philo- 
sophie; car à côté de docteurs de Sorbonne, d'archidiacres et 
de chanoines de Léon et du Folgoat, on voit figurer dans la 
liste des membres, non-seulement les principaux représen- 
tants de la noblesse de l'évéché de Léon, mais encore quatorze 
artisans, parmi lesquels ressortent le nom du peintre-verrier 
Alain Cap (Magister Alanus Cap), et celui d'un autre peintre 
moins connu, Jean Bouricquen (Magister Johannes Bouricquen, 
pictor). » 

« Tous ceux qui se sont occupés de l'histoire de l'art en Breta- 
gne, connaissent le nom d'Alain Cap.-C'était un peintre-verrier 
d'un réel talent, et dont le mérite a été constaté par son 
contemporain, le Père Cyrille Le Pennée (1). Il appartenait h 
une famille de verriers, dont un membre, Charles Cap, travail- 
lait à Morlaix un siècle avant Alain. » 

« Jean Bouricquen qui.jsi je ne me trompe, n'a pas encore été 
signalé, habitait Saint-Pol-de-Léon. Il y avait dans celte ville, 
à la fin du XVI e siècle, trois peintres-verriers de ce nom : Jean 
Bouricquen, le vieil, père d'autre Jan Bouricquen, dit le jeune, 
et Hervé Bouricquen (2). De 1587 à 1650, ces peintres- 
verriers exécutèrent différents travaux dans la cathédrale de 



(1) Dans son Pèlerinage du Folgoat publié dans l'édit. des Vies des 
saints de Bretagne, d'Albert le Grand, par M. de Kerdanet, page 10$. 
k Alain Cap, né à Lesnevenle 11 novembre 1578, suivant M. Kerdanet, 
mourut dans cette ville le 4 avril 1644. D'après cet écrivain, ce peintre 
aurait « fait tous les vitraux des principales églises des diocèses de 
Léon et de Coroouaille » 1) y a là une exagération qu'il est inutile de 
réfuter. Avaut Alain Gap, il y avait dans toutes les villes de Bretagne, 
des peintres- verriers, dont quelques uns étaient excellents. 

(2) M. A. de Barthélémy a mentionné quelques peintres-verriers de 
cette famille, dans le 1 er vol. du Bulletin de l'Association bretonne, 
pages 225 et 280. 



— 49 — 

Saint-Pol. Celui qui faisait partie de la confrérie des arts, vers 
1618, devait être Jean Bouricquen, le jeune. » 

« Cette confrérie qui s'intitule elle-même, dans un de ses 
actes, Aima Societas magistrorum in artibus, et qui prendrait 
aujourd'hui le nom d'Académie des beaux-arts, avait des statuts 
que je n'ai pu retrouver ; mais il ressort clairement du titre 
qu'elle s'était donné, aussi bien que des éléments qui la corn* 
posaient, que le but de sa création, était d'encourager et de 
faire prospérer les arts libéraux dans la sphère d'action 
qu'elle s'était tracée. » 

• J'ai déjà dit que j'ignorais à quelle époque fut établie la con- 
frérie des arts. Je suis très-porté à penser qu'elle existait 
depuis une époque antérieure au XVII e siècle ; mais si cette 
conjecture n'était pas fondée, il faudrait cependant considérer 
son établissement comme une conséquence de traditions ar- 
tistiques, encore vivantes, du moyen âge, car on admettra dif- 
ficilement qu'une association semblable se fût formée tout 
d'un coup, et presqu'au lendemain des misères et des hor- 
reurs de la Ligue, si elle n'avait pas eu de profondes attaches 

dans le passé.» 

La liste des membres de celte confrérie trouve naturelle- 
ment sa place à la suite des lignes qui précèdent. J'appelle 
particulièrement votre attention sur ce fait que parmi les ecclé- 
siastiques qui en faisaient partie, figurent huit scolastiques 
(scholastici). On donne quelquefois à ce mot le sens de « maîtres 
d'école. * Mais ici il ne saurait avoir cette signification, parce 
jjue quelques-uns de ces scolastiques sont en même temps 
recteurs de paroisses, et que l'un d'eux remplissait l'office 
de procureur de la confrérie, office important et peu en rapport 
avec les humbles fonctions de mat Ire d'école. On sait d'ailleurs 
que dans les bons auteurs, le mot « scholasticus » n'a pas cette 
signification, mais qu'il désigne un orateur, un déclamateur, 
et d'après Pétronne un homme de lettres. 



— 80 — 

NOMIHA C06N0MIHA ET TITCH HOKOBIS MlGISTROBtm COHFRA- 
TBBNITATIS IN ABTIBUS VITA FRUENTIUM ET PRiEDICTAM CON- 
FRATERNITATEM FIDBLITER COLEHTIUM : 

Et primo : 

Venerabilis magister Yvo Gat, abbas hojus confraternités, 
canonicus Leonensis et recthor de Ploumorn (Plouvorn.) 

Venerabilis magister Yvo Bodenes, procurator dictae confra- 
ternitatis et scholasticus de Landerneau. 

Venerabilis magister Julianus Keranguen, canonicus Leonen- 
sis, arcbydiaconus d'Acre et recthor de Plougar. 

Venerabilis magister Johannes Pascouet, doctor Sorbonicos 
et recthor de Goulfen. 

Venerabilis magister Christoforus Floch, recthor de Drenec. 

Venerabilis magister Alanus Penven, scholasticus de Guy- 
nevez (Plounévez-Lochrist). 

Venerabilis magister Benedictus Kervillo, doctor Sorbonicas 
et Iheologalis Leonensis. 

Venerabilis magister Franciscus Gladon, scriba hujus frater- 
nilatis et recthor de Tregarantec. 

Venerabilis magister Bobertus Ref floch, recthor de Lampaol- 
Guytalmezo. 

Venerabilis magister Yvo Soutre, subcuratus parrochiae de 
Ploudider. 

Venerabilis magister Johannes Sylguy, recthor de Plodider. 
(Plouiderj. 

Venerabilis magister Alanus Jezecal, recthor de Kersent. 

Venerabilis magister Yvo Guen, scholasticus. 

Venerabilis magister Franciscus Coueffeur, canonicus colle- 
gii divae Annae de Lesneven. 

Nobilis Franciscus de Lafille, dominus de la Pallue et pro- 
praelor curiae regalis Evenopolensis (Lesneven). 

Nobilis Johannes Duboys, dominus de la Pallue et propraetor 
curiae regalis Evenopolensis. 



— . SI — 

Nobilis Jacobus Déportes, dominus de Pontrivy et procurator 
regius curiae regalis Evenopolensis. 

Venerabilis magister Francisco Correlea, rector de Treffou. 

Venerabilis magisler Herveus Marchalant, canonicus eccle- 
siae heatae Mariae de Folgot (sic). 

Venerabilis magister Yvo Measanstourm, recthor de Ploue- 
dern. 

Venerabilis magister Johannes Cam, presbyter. 

Venerabilis magister Hamo Stum, presbyter. 

Venerabilis magister Guillermus Treguer, bacaloreus. 

Nobilis Hamo Kergo, dominus de Pratanlan. 

Nobilis Johannes Goazmoal, dominus dicti loci. 

Venerabilis magister Franciscus Billon, subcuralus parochiae 
de Ploumorn. 

Venerabilis magister Desiderius Saitte. 

Venerabilis magister Charolus Auffret, subcuratus parrochiae 
de Kerlouen (Kerlouan). 

Venerabilis magister Franciscus Meudec, subcuratus parro- 
chiae de Plougar. 

Venerabilis magisler Johannes Gourchant, subcuratus paro- 
chiae de Plouneour-is-f reaz. 

Venerabilis magister Alanus Lagadec, presbyter. 

Venerabilis magister Yvo Abautret, recthor de Tremeneach. 

Venerabilis magister Herveus Soret, presbyter. 

Venerabilis Chrisloforus Bleas/ recthor du Guysezni. 

Venerabilis magister Yvo Branellec, scholasticus de Guyte- 
vede (Plouzévédé). 

Venerabilis magister Oliverius Bras, scholasticus. 

Nobilis Guillermus du Boys, dominus de Pratdon. 

Nobilis Gabriel Gouriou, dominus deKerraaniou. 

Nobilis Franciscus Gouriou, dominus de Kerisguirien. 

Nobilis- Nicolaus Gouriou, dominus de Menmeur. 

Nobilis Yvo Gousillon, dominus de Lescouuec, 

Nobilis Nicolaus Graner, dominus de Keranbellec. 

Nobilis Franciscus de Launay, dominus de Pentre. 



— 52 — 

Nobilis Petrus de Baudiez, dominus du Mouden, 

Nobilis Jacobus Percevaux, dominus de Keranmeal. 

Nobilis Jacobus Arneyer, dominus du Rosglas. 

Nobilis Guiliermus Tribara, dominus de Mescaloun. 

Venerabilis magister Tanguidus Merien, prcsbyter. 

Venerabilis magister Michael Glazran, canonicus collegii 
divae An use de Lesneven. 

Venerabilis magister Guiliermus Usinée, reclor de Kernouez, 
et gubernator ecclesiae bealae Mariae du Lesneven. 

Venerabilis magister Johannes Floch, subeuratus parroebiae 
de Kernilis. 

Venerabilis magister Herveus Manacb, subeuratus Ireviae 
sancti Tregaroci. 

Venerabilis magister Bernardus Pap, subeuratus parroebiae 
de Treffles. 

Venerabilis jnagister Ludoficus (sic) Traon, scholasticus de 
Trèfles. 

Nobilis ac venerabilis magister Jacobus Manacb, dominus de 
Kerelle et chanonicus {sic) collegii divae Annae de lesneven* 

Nobilis Herveus Sylguy, dominus de Cazquerou. 

Venerabilis magister Prigentius Boudeftr, presbyter et recto > 
de Languengar. 

Nobilis Vicenlius Moyne f dominus de Trevigner. 

NobiIi3 Frauciscus Geffroy, dominus de Keraudry, 

Magister Yvo Symon. 

Nobilis Benedictus Keradanet, dominus de Beusit. 

Nobilis Herveus Sylguy, dominus de Keradennec. 

Nobilis Franciscus Guillou, dominus de Kerilly. 

Venerabilis magister Guiliermus Kersangilly, rector de Saot- 
Ouardon (Landerneau). 

Venerabilis magister Christoforus Falcun, praesbiter. 

Nobilis Yvo du Boys, dominus du Sclus. 

Venerabilis magister Frauciscus Pochart, canonicus collegii 
divae Annae oppidi de Lesneven. 

Venerabilis magister Jacobus Roudault, rector et scholasticus 
de Kerlouan. 



- 83 - 

Venerabilis magister Ludovicus Mercyer, canonicus collegii 
divae Annae oppidi de Lesneven. 

Venerabilis magister Franciscus Pinguilly, presbyter. 

Venerabilis magister Franciscus Tanguy, subcuralus parro- 
chiae de Plouenan. 

Venerabilis magister Franciscus Mao, vicarius de Beuzit. 

Magister Hichael Reys» 

Magister Franciscus Lucas. 

Magister Johaunes Coz. 

Magister Alanus Le Bis, civis de Landerneau. 

Magister Alanus Cap. 

Venerabilis magister Yvo Bouguenec, presbyter. 

Venerabilis magister Guillermus Dal!, rector parrochiae de 
Langueugar. 

Nobilis Guillermus Lesvern, dominus de Penantraon. 

JHobilis Franciscus du Vall, dominus de Traoules. 

Nobilis OUiverius Labbé, dominus de Coatguenec. 

Magister Franciscus Hir. 

Venerabilis magister Yvo Donval, presbyter et rector de 
Ploudeniel. 

Nobilis Guydo Roux, dominus du Reunyou. 

Nobilis Yvo Guen. 

Nobilis Guydo de Ternant, dominus dicti îoci. 

Venerabilis magister Clodius Ceveur, presbyter. 

Venerabilis magister Alanus Roux, rector de Guycourvest. 
(Plougourvest). 

Venerabilis magister Johan^es Cloarec, presbyter et scholas- 
ticus. 

Venerabilis magister Prigentius Frout, presbyler et subcu 
ratus de Kerlouen. 

Nobilis Yvo Mennyer, 

Magister Sébastian us Born. 

Venerabilis magister Johannes Evenou, rector parrochiae de 
Forest. 



— 54 — 

Venerabilis m a gis ter Johannes Berthou, presbyter parrochiae 
Sainctonan. 

Venerabilis magister Christoforus Inisan, presbyter parrochiae 
de Kersent. 

Venerabilis magister Yvo Guezenec, presbyter parrochiae de 
Kersent. 

Venerabilis magister Yvo Rouraeur, presbyter parrochiae de 
Kersent. 

Venerabilis magister Guillermus Kerneiz, presbyter parrochiae 
de Kersent. 

Venerabilis magister Thomas Foll, presbyter parrochiae de 
Santonan. 

Venerabilis magister Guillermus Broudin, canpnicus eccleska 
beatae Hariae de Folgot. 

Venerabilis magister Johannes Oslis, presbyter et chorista 
ecclesiae beatae Mariae de Folgot. 

Venerabilis ac nobilis magister Franciscus Sylguy, presbyter 
et dominus Cuezguelen (?}. 

Venerabilis magister Franciscus Hellou, presbyter parrochiae 
de Kernouez. 

Magister Johannes Bouricquen, pictor. 

Venerabilis magister Guengualoeus Marec, presbyter. 

Venerabilis magister Prigentius Abalan, presbyter. 

Honorabilis vir magister Petrus An Gall. 

Magister Tanguidus Fiily. 

Magister Guillermus Reffloch. 

Franciscus Jezecal. • 

Nobilis et venerabilis mfogister Christoforus Lesven, archy- 
diaconus, canonicus Leonensis et reclor de Ploudiry. 

Nobilis ac venerabilis magister Rollandus Poulpiquet, cano- 
nicus Leonensis. 

Venerabilis magister Johannes GUjillerm, doctor Sorbonicus et 
rector de Guymillio. 

Venerabilis magister Herveus Groguennec, presbyter. 



— 55 — 

Venerabilis magister Tanguydus Cueff, presbyter, rector de 
Cleder. 

Venerabilis magister Ollivier, presbyter, 

Venerabilis magister Barlholomeus Stum, presbyter. 

Venerabilis magister Henricus Cloarec, presbyter et rector de 
Elecirec, (hod. Guiquelleau). 

Venerabilis magister Lucas Pellan, presbyter. 

Venerabilis magister Yvo Kerdelant, presbyter. 

Matbeus Goff. 

N 

Liste de nouveaux maîtres avec la date de leur réception. 

1618 

28 Août. — Ecuyer, Guillaume Gouzillon, sieur du 

Helles. 
François Roudaut, prêtre. 
Hervé Olivier, prêtre. 

30 Août. — François Keroulas, sieur de Crebineç. 

François Adan, prêtre. 
Yves Tanguy, prêtre. 

1619 

5 Août. — HessireRené Barbier, chevalier de l'Ordre 

du Roi, seigneur de Kerjean. 
Noble homme, Jacques Barbier, seigneur de 

Kernaou. 
Ecuyer, François Keranguen, sieur de Tron- 

gurun. 
Yves Martin, vicaire de Lesneven et cha * 

noine de Sainte-Anne. 

6 Août. — Noble Loys Jacobin, prêtre, archidiacre de 

Quiminidily, chanoine grand vicaire et 
officiai de Léon, recteur de Ploudaniel. 



_ 56 — 

29 Août. — François Le Gall, recteur de Kepnilis. 

Robert Quéré, sous- curé de Kernouez. 
Jean Urvoatz, prêtre, 
Christophe Riou> prêtre. 

1620 

4 Août. — Marc Bellec, prêtre. 

Jean Kergoat. 
Jacques Goret. 
24 Août. — Alain Goazglas (il signe Goazlas), prêtre, 
, gouverneur de Lochrist. 

Pierre Ann Err, prêtre de la paroisse de 
» Tréflez. 
1 er Septembre. — Mathieu Marec, recteur de la paroisse du 

Crucifix, de la ville de Saint-Paul. 
Ecuyer Jean du Dresnay, sieur de Kergu- 

varch. 
Noble et puissant François Kergouant, sei- 
gneur de Kercornadeach. 
30 Septembre. — Jean Messager, prêtre. 

Henri Iaouanc, sieur de Langroazes (il signe 

Le Jeune). 
Yves Le Bis, sieur de Penguelen. 
Noble homme Hervé Lymynyc. 

1621 

2 Août . — François Rolland, recteur de Landeda._ 

3 Août. — Morice Tranouez/prêtre. 

François Pellan, de Lesneven. 

4 Août. — • Alain En, prêtre. 

1 er Septembre. — Laurent Rannou, prêlre. 
30 Septembre. — Yves Urvoatz, prêtre. 

Nicolas Le Borigne, prêtre. 

Ecuyer Guillaume Le Gac, sieur de Trev- 
veur. 



L: 
r 



— 57 — 

1622 

9 Août. — Noble homme François Kersaint-Gilly, sieur 

de Kerenes. 
Il Août. — Maître Hierosme Kerneis, notaire royal et 

procureur de la Cour royale deLesneven. 
21 Septembre. — Jacque Croguennëc, prêtre. 

10 Août. — Ecuyer Jean du Châteaufur, sieur de Ker- 

volant. 
Ecuyer Auffroy Kerbic, sieur de Keraot. 
Ecuyer Gabriel Keranguel, sieur de KergaH. 
Noble homme Christophe Gadrouillac. 
Noble homme maître Guy Turin. 
Noble homme Guillaume Lochou. 
Noble homme Pierre Aubin. 
François Pennée, vicaire de Lesneven. 
24 Août. — Noble homme Guillaume Poulpry, seigneur 

de Lovengat. 
Ecuyer Alain Geffroy, seigneur du Lety. 
Yves L'Her, prêtre. 
Yves Cadiou, prêtre. 

1623 

29 Août. — Noble homme Claude Parcevaux, seigneur 

de Coatdrez. 
Noble homme Jean Penfeuntenyou. 

1625 

4 Août. — Guillaume Grall, prêtre de Languengar. 

On voit par cette dernière liste que les réunions des mem- 
bres de la Confrérie avaient lieu au mois d'août et de septem- 
bre, époque où Ton célébrait des services pour les maitres-ès* 
arts décédés dans Tannée. C'était à la suite de ces services que 
se traitaient les affaires de la Société. Les actes suivants mon- 



— 58 - 

treront de quelle manière se faisaient les couvocatious des con- 
frères, et la réception des nouveaux maîtres-ès-arts. 

I. 

« Ce jour, segond de septembre (1619), le sieur abbé de la 
Confrairie des Arts a ordonné que maître Berlelemy Le Stum 
sera orateur à la généralité (réunion générale) h Lesneven. » — 
Au-dessous est la signature de Barthélémy Le Stum. 

II. 

* « Le service de maître Jean Chalm sera célébré demain en 
l'église de Monsieur sainct Miche). Le recteur de Treffgarantec 
célébrera, et le procureur de ladite Confrérie sera orateur. Le 
jour de la sainct Michel le service du sieur de Keranmeal, en 
la paroisse de Kernouez ; le sieur de Plouider (officiant) ; le 
sieur de Kerlouan (orateur ). Le lendemain, jour desainct Hié- 
rosme, le service du feu recteur de Languengar sera célébré en 
l'église de Monsieur sainct Goulfen ; le célébrant sera le recteur 
de Guisezny ; orateur, le sieur recteur de Goulfen. Faicl le cin- 
quiesme jour d'aoust 1619. Signé: T. Gat. » 

III. / 

« Le 28 e jour-d'aoust 1618, après midy, escuyer Guillaume 
Gouzillon, sieur du Hellez, a esté receu h ladite confrairie aulx 
Arts, par la permission du sieur abbé de ladite confrairie, et 
ont respectivement signé ; ensemble ont esté pareillement receuz 
MM. François Roudault et Hervé Ollivier prebtre, lesditz jour et 
an. Signé: Guillaume Gouzillon ; F. Roudault; Y. Gat; Jan 
Goz, bedeau. » 

IV. 

« Le 6 e jour d'aoust 1619, noble et vénérable personne mes- 
sire Loys Jacobiu, prestre, archidiacre de Quiminidily, grand- 
vicaire et officiai de Léon, a esté receu en la confrérie des mes- 
très aux Artz, par le consentement des confrères d'icelle con- 
frérie. » 



- S9 — 

V. 

« Venerabiies magistri et presbyleri Marcus Bellec, Johannes 
Quercoat, et Jacobus Goret in Almam Societatem magistrorura in 
Arlibus recepti fuerunt consensu domini procuratoris et nonnul- 
lorum confratrum predictœ Socielatis, die 4* mensis augusli 
anno 1620. In cujus rei fidem predictus procurator et predicti- 
tres presbyteri de novo recepti présentes consignant lilteras, et 
se uno consensu astringunt functioni antiquorum fratrum, etiara 

pro defunctis fratribus anno elapso, omnibusque officiis confra- 

• 

ternitati debitis. Signé: MiM. Bellec, J. Kergoet; J. Goret; 
Y. Bodenes ; F. Gladon ; Boudeur ; Bleas ; Bras ; Pochart ; 
Coueffer. » 

VI. 

« Ce 9 e jour d'aoust 1622, avons receu et recepvons présen- 
tement noble hojmne Francoys Kersangilly, sieur de Kerennez, 
lequel promest soubz son signe s'acquitter fidèlement selon les 
statuz de ladite confrairie. Faict lesdits jour et an que dessus. 
En tesmoing de quoy a ledit sieur signé o nos autres confrères, 
de ladite confrairie. Signé: F. Kersainctgily ; Y. Donval ; 
F. Pochart ; Y. Tanguy. » 

Après cette lecture, M. Bourassin demande la parole 
pour communiquer à l'assemblée les résultats de re- 
cherches qu'il a faites sur les plantes employées par 
les Gaulois et par les Bretons . 

« M. le Président de la Société d'archéologie m'ayant prié, 
dit M. Bourassin. de rechercher les plantes employées en méde- 
cine et dans les cérémonies religieuses par les gaulois et les 
celtes, je viens, Messieurs, vous donner le résultat de mon tra- 
vail. J'ai dû rechercher d'abord, près de nos vieux bretons les 
plantes qu'ils emploient de temps immémorial en médecine, et 
j'en donne ici la nomenclature, j'ai aussi puisé dans les ouvra- 
ges anciens des renseignements précieux, que j'ai surtout trou- 



— 60 - 

vés à Paris, à la bibliothèque nationale. Mais je suis loin, je 
crois, d'avoir encore rencontré toutes les plantes employées 
par les gaulois et les celtes. Voici une liste qui en renferme un 
assez grand nombre. 

1° La Verveine (Verbena officinaîis). — lette plante était 
consacrée dans les cérémonies religieuses. On dit qu'en s'en 
frottant le corps on obtient tout ce qu'on veut. 

2° Le Guy (Viscum album). — Consacré également dans 
les cérémonies religieuses, et croissant sur les chênes, les 
pommiers et les peupliers. 

3° Le Myrtille, ou Airelle Myrtille (Vaccinium myrtillus). — 
Consacré dans les cérémonies. Le fruit de cette plante qui est 
comestible est appelé Luss en breton. 

4° La Bryoneou Vigne blanche (Bryoniadioica). —Employée 
contre l'bydropisie, les rhumatismes et la paralysie. 

5. Le Nénuphar blanc et le N. Jaune {Nymphœa alba et 
Nuphar luteum).— Sa racine était employée comme tempérante. 

6. La grande Chelidoine ou grande Eclaire ( Chelidonium 
majus). — C'est, dil-on, avec cette plante que les hirondelles 
guérissent les yeux de leurs petits. Elle était recherchée par les 
anciens pour le même usage. 

7. Halus. — Une plante désignée sous ce nom et qui avait ' 
les mêmes caractères que ceux du thym, était très-employée 
pour les douleurs par les Gaulois. 

8. L'Épi d'eau (Potamogeton natans). — Employé en méde- 
cine comme astringent. 

9. La Statice (Statice armeria). — Plante médicinale. 

10. La Passe-pierre, ou Casse-pierre (Crithmum maritimum). 
— Les Venètes, d'après Pline, employaient cette plante comme 
aliment. 

11. Les Cheveux de Vénus (Adianthum capillus Veneris). — 
On employait cette plante en infusion contre la gravelle. 

12. L'Orchis pourpre ( Orchis purpureaj. — Les tubercules 
de cette plante passaient pour être aphrodisiaques. 



i 

! % 



— 61 - 

13. L'Absinthe (Artemisia absinthium). — Employée par les 
Gaulois dans les cérémonies religieuses ; elle initiait aux mys- 
tères d'Isis. 

14. Le pied d'oiseau (Ornithopus perpusillus). — Employé 
par la magie. 

15. La Gmàe (Reseda lutcola) . — En employant cette plante 
on devait dire trois fois : sais-tu, sais-tu qui fa fait mal? 

16. La Belladonne (Atropa belladonna). — Cette plante 
était trés-connue des anciens bretons. On l'emploie encore 
aujourd'hui dans certaines occasions, par exemple lors des 
grands repas de campagnes, pour enivrer plus promptement 
les convives. 

17. L'Osraonde royale (Osmunda regalis). — Cette belle 
fougère était consacrée dans les cérémonies druidiques. 

18. La Molène (Verbascum). — Employée comme diuréti- 
que par les Vénètes et les autres Gaulois. 

19. La Verge d'or (Solidago Virga aurea). — Très-connue 
des anciens bretons comme vulnéraire. Je crois qu'on s'en 
servait aussi comme ornement dans les cérémonies religieuses. 

20. Le Pied de veau {Arum maculatum). — Employé en 
médecine. 

21. Le Lycopode (Lycopodium clavatum). — Très-vénéré 
des anciens. 

22. L'Iris fétide ( Iris fœtidissima). — Employé en médecine. 

23. Le Chêne (Quercus). — Vénéré par les Celtes et les 
Gaulois selon Pline. 

24. Le Plantain d'eau {Alisma plantago). — Cette fiante 
connue des Gaulois était employée contre la rage. 

25. Le Concombre piquant^ Momordica elaterium) — Concom- 
bre moins gros que le concombre cultivé, employé pour guérir 
les douleurs et les ulcères. Il était connu des gaulois. 

% 26. La Menthe (Mentha tomentosa). — Plante médicinale ; 
elle causait la mort des fœtus et s'opposait à la génération 
en coagulant la semence. 



— 62 — 

27. La Morelle noire (Solanumnigrum). — Employée contre 
les scrophules. 

28. L'Euphorbe (Euphorbia peplis). — Cette plante mâchée 
raffermit les dents. 

29. Le Lierre (Hedera hélix). — On en faisait des couronnes 
que l'on portait dans les cérémonies religieuses. 

30. L'Asphodèle (Asphodellus albus). — Cette plante con- 
sacrée par les druides, était classée parmi les plantes les 
plus célèbres. 

3*1. Le Souchet (Cyperus). — Les tiges d'une espèce de ce 
genre étaient employées par les gaulois pour faire certains 
ouvrages. 

32. La Digitale pourprée (Digitalis purpurea). — Plante 
très-connue des anciens. 

32. L'Enanthe (OEnanthé). — Plante médicinale qui res- 
semble un peu à la cigûe. 

33. Le Pastel (Isatis tinctoria). — D'après Pline les fem- 
mes et les filles des Gaulois se teignaient le corps avec celte 
plante. 

34. La Vigne (Vitis vinifeta). — Pour arrêter les vomisse- 
ments, les Gaulois pilaient des vrilles de vigne et en buvaient 
le jus avec de l'eau. 

35. Le Peuplier blanc (Populus alba). — Employé par les 
Gaulois pour les maux d'oreilles. 

36. Le Sureau (Sambucus). — Plante employée en méde- 
cine par les Gaulois. 

37. Xe Saule (Salix). — Le saule était égalemeut employé 
comme remède ; les feuilles pilées guérissaient les dartres. 

38. Le Samole (Samoltts valerandi). Il éj.ait employé par les 
druides dans les cérémouies religieuses; il fallait le cueillir de 
la main gauche et à jeun. 

39. Le Mûrier sauvage (Rubus). — Il était employé comme 
remède par les anciens Bretons. 

40. Le Millefeuilles (Achillœa mille folium). — Employé par 
les druides comme remède. 



— 63 — 

41. La Scolopendre( Scolopendrium officinale).— Cette fougère 
aussi appelée langue de cerf était très-connue des Gaulois. 

42. Le Caillelait (Galium). — Une couronne de cette plante 
calmait les maux de tête. Elle est encore employée par les 
Bretons. 

L'Orobanche, la Scrophulaire, le Trèfle à quatre ou à cinq 
feuilles étaient aussi chez les anciens des plantes médicinales 
ou employées dans la magie. 

M. le Président remercie M. Bourassin de son inté- 
ressante communication, et regrette qu'il n'ait pas 
ajouté aux noms français et latin des plantes, leur 
nom breton. 

M. Bourassin répond que la connaissance impar- 
faite qu'il a de cette langue, ne lui a pas permis de 
faire cette addition. 

M. Le Men ajoute que lorsqu'il s'occupait de bota- 
nique il a recueilli un assez grand nombre de noms 
bretons de plantes, mais que ces noms varient sou- 
vent suivant les cantons, et que le même nom est 
quelquefois donné à plusieurs espèces n'appartenant 
ni à un même genre ni à une même famille. 

A la suite de ces observations MM. Lavieille, pro- 
fesseur de rhétorique au collège de Quimper, Le Mai- 
gre, directeur de la Compagnie d'assurances, le Finis- 
tère, présentés par MM. de la Villemarqué et Le Men,' 
et M. Livanen, clerc d'avoué, présenté par MM. Au- 
dran et Le Moalligou, sont admis à l'unanimité mem- 
bres de la Société archéologique du Finistère. 

La séance est 4evée à quatre heures et demie. 

Le Secrétaire, 

R.-F. LE MEN. 



- 64 — 
Dons offerts au Musée départemental d'Archéologie. 



M. BEZARD, directeur de l'Enregistrement à Quim- 
per. 

Un grand bronze d'Antonin le Pieux, 

Une monnaie de billon et un petit bronze de Pos- 
thume. 

Un petit bronze*de Gallien. 

Quatre monnaies françaises en bronze. 

Un monneron de 5 sous de la République. 

Une pièce en cuivre de Philippe tV, roi d'Espagne, 
portant la date de 1621. 

Onze monnaies étrangères. 

Un jeton en bronze du XV e siècle, portant d'un 
côté : Vive le roi ! vive le roi ! et de l'autre : Vive blan 
pain ! Vive ! 

Deux poids en bronze, l'un de 21 gros 8 grains, 
l'autre de 10 gros 12 grains. 

M. BUREL, horloger à Landivisiau. 
Un denier d'argent de la famille Junia. 



•^."■^■w" 



M. FROCHEN, membre de la Société. 
Un jeton en bronze de Louis XIV. 



M. PROUHET, notaire à Trégunc. 
Un quart d'écu de Henri III. 



M. le comte DE BRÉMOND D'ARS, membre de la 
Société. 

Un double tournois de Charles de Gonzague, comte 
de Rethel. 



- 65 — 

M. MANCEAUX, chirurgien de l re classe de la 
marine. 

Un vêtement de chef des Iles Marquises, avec divers 
ornements en cheveux, en os et en nacre. 

Un hameçon en nacre, de l'Océanie 

Une grande pagaie en bois de rose, des Iles Mar- 
quises . 

Un modèle de pirogue de Ceylan. 

Un fuseau avec son peson, provenant d'un cimetière 
du Pérou. 



M. JACOB, libraire à Quimper. 

Une coupe en terre rouge couverte à l'intérieur 
d'un vernis métallique, trouvé en Sicile dans un tom- 
beau sarrazin du IX e siècle. 

Un modèle de double pirogue de la Nouvelle-Calé- 
donie. 

Un hameçon en nacre, de l'Océanie. 



M. Louis LACK, à Quimper, 
Une monnaie de l'Inde anglaise. 



SÉANCE DU 6 OCTOBRE 1877. 

Présidence de M. F. AUDRAN, Vice-Président. 

Étaient présents : MM. Audran, Lorans, de Kerca- 
dio, Faty, Fougeray, Le Noble, Creac'hadic et Le Men* 
secrétaire. 

M. le Président donne lecture d'une dépêche reçue 
ce matin par M. Le Men, et par laquelle M. de la 
Villemarqué l'informe qu'il a été subitement empêché 
au moment de partir pour se rendre à la réunion. 

M. le Président fait ensuite connaître à l'assem- 
blée qu'un jugement du Tribunal correctionnel de 
Quimper, a débouté M. Duchatellier de ses prétentions 
relativement à l'insertion dans notre Bulletin, de sa 
lettre lue à la réunion de la Société archéologique du 
1& janvier 4877, et Ta condamné aux dépens. 

Sur la présentation de MM. Audran et Le Men, 
M. Arthur de La Borderie est nommé à l'unanimité, 
membre de la Société archéologique du Finistère. 

La parole est ensuite donnée à M. Le Men, pour lire 
un travail porté à l'ordre du jour de la séance, et qui 
a pour titre : 

LB LIVRE DE COMPTE DU SIEUR DE LA HATE. 

Le 30 septembre 1569, noble homme Yves de Lanuzouarn, 
sieur dudit lieu en la paroisse de Plouenan près Saint-Pol-de- 
Léon, mourut, laissant de son mariage avec demoiselle Jeanne 
de Gouzillon, quatre filles et un fils. Ce dernier était mineur 
ainsi que trois de ses sœurs. Sa veuve se remaria en 1571 avec 
Louis Barbier, seigneur de Kerjan, veuf lui-môme de Fran- 
çoise de Horizur. Louis Barbier habitait en la paroisse de Saint- 
Vougay, le château de Kerjan, qu'il avait fait bâtir avec le 
concours de sonjoncle le chanoine Hamon Barbier,et qui passait 
pour être la plus >belle maison de Bretagne. C'est à lui que 
le roi de France Henri III écrivait en 1586 : 

« Monsieur de Querjan de Léon, désirant recouvrir prompte- 



— 67 — 

ment certaine quantité de chiens, comme lévriers et levrières 
des plus beaulx, grands et forts, qui se puissent trouver en vos. 
quartiers, j'ay commandé à ce porteur, Barbe, l'un de çeulx 
qui ont charge des grands lévriers de ma chambre, de 
s'acheminer présentement vers vous» p ouï vous faire entendre, 
combien j'auray agréable, que parmy ceuls que vous avez à, 
présent, vous faciez esleclion d'un lévrier et levrière des. 
meilleurs que vous avez, pour m'en faire partsoubs la condqitte 
de cedit porteur, surtout que vous aimiez mon plaisir et, 
contentement, priant Dieu qu'il vons ayt, Monsieur de 
Querjan de Mon, en sa sainte garde. De Paris le XXII e jour 
de may 158Ç. Signé Henri. *. (1) 
La terre de Kerjau fut érigée en marquisat en 1618, 
Après le ; iKtfriage de Jeanne de. Gouzillon avec Louis Barbier, 
Nicolas de la Haye, écuyen, sieur de Kerlaudy, fut chargé de, 
la tutelle des mineurs de Lanuzouarn. Le compte qu'il rendit. 
4e sa gestion commencée au mois de mai 1571 et finie au 
mois d'octobre 1578, forme un registre do 149 feuillets, 
auquel j'emprunte les détails et les extraits suivants, où Ton. 
trouvera de curieuses indications sur la vie privée des, 
gentilshommes bretons au XVI e siècle. 

A la mort d'Yves de Lanuzouarn, sa fille ainée, dont le 
préuoiA n'est pas mentionné dans le compte de Nicolas de la, 
Hayes était déjà entrée eu titre d& « danaoiselle »,dans la riche 
ipaisoa de Kermavan t2). A cette époque* à l'imitation de la, 
cou*, les dames bretonnes degrande maison.,, avaient près d'elles, 
une ou pîlusienjcâ demoiselles d'hanneur, et de même que les 
jeunes, garçons entraient comme pages, au service des seigneurs, 
qui les élevaient et les, njojirrisaisent, les jeunes filles nobles*, 
après avoir apçris dans .un couvent, à lire, à écrire et à coudre, 
complétaient leur éducation dans, la compagnie d'une grande 



(I) Notice sur le château de Kerjan, par M. de Kerdanet, page 27. 
Cette brochure publiée eu Iâ34, est devenue extrêmement rare. 

<j3) En toi fwoisa de Keunilis, évècbé de Léon. Cette t^rre. fiât érigée 
en marquisat eu 16 1 2 en faveur des Maillé. 



— 68 - 

dame, qu'elles servaient en qualité]de demoiselles d'honneur, et 
quelles ne quittaient [ordinairement que pour se marier. 

J'ouvre ici une parenthèse à propos du mot « damoiselle « 
que je viens de prononcer. J'ai lu dans des livres très-sérieux 
que ce nom se donnait autrefois aux filles des dames nobles, et à 
des femmes mariées qui n'appartenaient qu'à la noblesse infé- 
rieure. Il y a dans cette assertion une erreur certaine. Le titre 
de « damoiselle » se donnait à la fin du XVI 6 siècle en Breta- 
gne, à des dames mariées d'une très-haute noblesse,et la preuve 
en est que les dames de Kermavan,de Kerjan, et bien d'autres, 
sont toujours appelées damoiselles dans le compte que j'analyse. 

Les trois filles puînées de Lanuzouarn étaient Jeanne, dame 
de Kernaou, Catherine, dame de Keranmunou et Françoise, 
dame de Roshamon. Elles sont presque toujours désignées par 
leur surnom nobiliaire dans le compte de leur tuteur. En 167! 
il fut décidé par le conseil de famille qu'elles entreraient cette 
année comme élèves, l'aînée au couvent de Saint-Georges, et 
les deux autres au couvent de Saint-Sulpice de Bennes. On 
trouvera, dans les extraits suivants de leur compte de tutelle, 
tous les détails de leur voyage de Lanuzouarn à Bennes et de 
Bennes à Lanuzouarn. Elles demeurèrent deux ans au couvent, 
où se trouvait en même temps qu'elles, leur cousine « made- 
moiselle de Mezle, » petite-fille de Catherine de Lanuzouarn, 
dame de Keroulas, et fille de Marie « l'Héritière de Keroulas » 
qui ne mourut pas de chagrin deux mois après avoir épousé le 
marquis de Mezle, quoi qu'en dise la ballade bretonne. Quant 
à Catherine de Lanuzouarn, qui, suivant la même ballade, se- 
rait entrée dans un couvent après la mort de sa fille, elle con- 
tinua à vivre paisiblement au manoir de Keroulas, où ses nièces 
de Lanuzouarn lui rendaient de temps en temps visite. 

Le prix de la pension à l'abbaye de Saint-Georges, où se fit 
l'éducation de Jeanne de Lanuzouarn, était de 90 livres 13 sous 
4 deniers par an, dont la valeur en monnaie actuelle et au pou- 
voir actuel de l'argent, serait d'un peu plus de 600 francs. La 



— 69 - 

pension à Saint-Sulpice était bien moins chère, car les deux 
sœurs de Jeanne, qui recevaient leur instruction dans cette ab- 
baye, payaient ensemble 13ô livres par an, soit 472 francs pour 
chacune, en monnaie actuelle. 

Après leur retour du couvent les trois « damoiselles » de- 
meurèrent quelques mois à Kerjan, à Lanuzouarh, à Keroulas, 
à Trébabu et dans d'autres manoirs où elles avaient des pa- 
rents. L'aînée des quatre filles épousa le sieur de Froutguen, 
nom que Nicolas de La Haye, remplace souvent par la traduc- 
tion quelque peu fantaisiste delà Fontaine-Blanche. Le compte 
de tutelle donne le détail de sa toilette de noce. Quant à ses 
trois sœurs, elles entrèrent comme demoiselles de compa- 
gnie, Jeanne de Kernaou, chez « madamoiselle de Liscoet », 
Catherine de Keranmunou, chez « madamoiselle deLocmaria» 
et Françoise deRoshamon, chez « madamoiselle de Coatmeur». 
Yves de Lanuzouarn, le plus jeune des enfants, reçut les 
premiers éléments d'instruction, d'un clerc qui fut attaché à sa 
personne, et qui l'accompagna plus tard à Paris dans un collège 
fréquenté par des écoliers de la a nation bretonne. » 11 y de- 
meura environ deux ans, et mourut au mois d'octobre 1578. 
Voici les extraits du compte de tutelle dont j'ai parlé plus haut : 

Dépenses concernant les trois Ailes puînées de 

Lanuzouarn (f). 

1571. 

Le 3 septembre 1571, à Hamon Pappe sellier demeurant à 
Sainct Paul, pour accoustrer troys selles à usajge de femme et 
une à usaige d'homme, pour rendre lesd. damoiselles à Ren- 
nes, 35 s. 

Le 7 septembre, en deux aulnes et demye de serge d'Ascot 
pour faire ung mantheau à l'ugne desd. damoiselles, à raison de 
30 s. l'aulne, 75 s. 



(I). On aura la valeur des sommes mentionnées dans ce compte, en 
monnaie actuelle et au pouvoir actuel de l'argent, en multipliant ces 
sommes par sept. 



- 70 — 

Pour deux aulnes de bougaran noir pour garnir trois raan- 
tbeaulx pour lesd. damoiselles, et pour faire ung bissac pour 
porter partie des hardes desd. damoiselles, à raison de 6 s. 
l'aulne, 12 s. 

En deux aulnes et deraye de drap de demy Londres rouge, 
pour faire des gardes-robe «usd. damoiselles, â 20 s. l'aulne,50 s. 

Pour troys paires de solliers pour lesd. damoiselles, 30 s. 

Au maréchal de Ponteon pour ferrer de neuff cincq chevaulx 
pour aller à Rennes, 40 s. 

À ung tailleur de Mourlaix pour la faczon de troys roan- 
theaux longs pour lesd. damoiselles, 30 s. 

Au pelleltier de Mourlaix pour la peine de fourrer led. man- 
theau de cherge d'Ascot, et la faczon de fourrer deux aultres 
manteaulx, 6 1. 

Pour passement à faire des ceintures ausd. damoiselles, 5 s. 

Le 14 septembre, en poisson, encontre la venue de messieurs 
de Pirimill, Kerjean, madamoiselle de Kerjean, qui étoint 
venus aud.lieu de Lanuzouarn conduire les troys filles puisnées 
de Lanuzouarn et pren'dre congé d'avecq les filles qui partirent 
le lendemain 15 dud. moys pour aller à Rennes, 15 s. 

Le 15 septembre pour un coussinet et ung long courreau de 
cuyr pour attacher la malle, 10 s. 

Pour la collacion à Mourlaix aud. damoiselles et à leur 
eompaignie, et la repue des chevaulx, 30 s. 

Le 16 septembre jour de dimanche, à Kernerzic, à ung 
prebtré pour dire sa messe aud. lieu, en l'intention des damoi- 
àellôs, fut poyé une reaile, 3 s. 9 d. 

Aux chambrières à Kernerzic pour leurs espingles, 3 s. 10 d. 
Aux valletz dud. lieu, 20 d. 

Pour le soupper, la chouchée (sic) du sieur de Kerbannalec (1), 
les troys damoiselles, quatre hommes et le deffroi de cinq che- 
vaulx à Guingamp, 70 s. 



(I) Le gentilhomme chargé de conduire à Rennes les filles de Lanu- 
zouarn, est tantôt désigné sous le nom de Kerbannalec, tantôt sous 
celui de Goulaines. 



— 7i - 

Aux vallets de restable, 10 d. 

Aux chambrières, 10 d. 

Le 17 septembre, pour leur disner à Sainct Brieuc, 60 s. 

Pour la couchée des damoiselles, dud. sieur du Gôullenne, 
desd. quatre hommes et cincq chevaulx, fut poyô à Saiiict 
Melaine, 4 1. 10 s. 

Aux valet et servantes, 20 d. 

En vin pour mectre dedans la corne, 4 d. 

Le 18 septembre, à Bjon, pour la disnée desd. damoiselles 
et le deffroy des chevaulx, 51 s. 

Pour ung relevé h l'ung desd. chevaulx, 12 d. et maille (!)• 

Pour un licol, 15. 

Pour du vin pour mectre dedans la corne, 4 s. 

A Montauban pour la couchée de lad. compaignie, 4 L 15 s. 

Le 19 septembre, led. sieurdu Gôullenne et lesd. damoiselles 
se logèrent à la Harpe, et le sabmady ensuyvant lëd. sieur du 
Goultenne print congé d'avecq lesd. damoiselles, vint coucher à 
Montauban, et fut poyé pour les despans faict aud. lieii de la 
Harpe, 15 1. 

Pour ung relevé à l'ung des chevaulx â Rennes, 15 d. 

Le 21 septembre, led. sieur du Goulenne rendit mes damoi- 
selles deKeranmunou et Roshamon à madame de Sainct Sulpice 
à laquelle 1 je avancé, à valloir en leur pension, la somme de 
30 escuz d'or soleil, 4 escuz d'or soleil pour bailler à la mat- 
tresse desd. damoiseltes, et 7 livres pour subvenir aux affaires 
desd. damoiselles, faisantz en tout, 86 1. 13 s. 4 d. 

A la chambrière de lad. dame de Sainct Suplice (sic) fut 
mille 15 s. 

Pour la repue à Sainct Suplice, 20 s. 



(1) 12 deniers et demi. 



~ 72 — 

A ung messaiger de Rennes pour aller leur monslror le 
chemin à Sainct Suplice, 7 s. 6. d. 

En une paire de sollicrs pour lad. Keranmunou, tO s. 

Pour troys milliers d'espingles pour lesd. damoiselles, 15 s. 

Pour sepl aulnes et demye de cherge de Beauvoys pour 
faire des robbes ausd. damoiselles fut poyé, à raison de 102 s. 
6. d. l'aulne, la somme de 38 1. 8 s. 9 d. 

Pour une aulne et demye d'estamet bleu, pour faire à chacune 
desd. troys damoiselles, deux paires de chausses(l), l'aulne à,41. 
15 s. montantz à la somme de 7 1. 2 s. 6 d. 

Pour neuf aulnes de cherge d'Ascof pour faire des robbes 
ausd. troys damoiselles, à raison de 46 s. l'aulne, la somme 
de 20 1. 14 s. 

Pour troys unces et demy quart de fil de soye noire,46 s. 6 d. 

Pour une aulne troys quartz de tafetas bleu pour mectre aux 
manches desd. robbes, 4 1. 5 s. 

Pour quatre aulnes de treilleix noir pour doubler et garnir 
lesd. robes, 48 s. 

Pour quatre aulnes de toilte pour doubler lesd. robbes, 40 s. 

Pour drap pour faire des semelles aux chausses desd. damoi- 
selles, 8 s. 

Pour la faczon desd. robes, ung collillon et six paires de 
chausses, 10 I. 

A madame dePleibihan (2) futpoyé à valloir en lapansion de 
damoiselle Jeanne de Lanuzouarn, la somme de 17 escuz et 
demy d'escu d'or soleil lors vallantz en monnoie, 40 1. 16 s. 8 d. 

Plus fut délivré lors h lad. dame de Plebihan, 3 escuz en réal- 
les, pour acbepter h lad. damoiselle ce que eust heu nécessai- 
rement à faire, et 70 s. pour achepter ung coffre, faisantz en 
tout, 101. 8 s. 4 d. 4 



(1) Deux paires de bas, qu'on appelait aussi des bas de chausses par 
opposition aux hauts de chausses. L'étoffe appelé « esta m et », était me 
serge drapée qui servait à faire des bas et des jupons. 

(I) Abbesse de Saint Georges, de Rennes. 



— 73 - 

Plus fut paie à la servante de lad. dame de Plebihan,ungescu 
d'or soleil vallant lors, 46 s. 8 d. 

Le 22 septembre à Montaubao, pour la couchée de cincq hom- 
mes el cincq chevaulx retournant de Rennes, 60 s. 

Le dimanche, 23 septembre, à Bron pour la disnée desd. 
cincq hommes et cincq chevaulx, 35 s. 

A Sainct Melaine (2), pour la collation et bailler la mesure 
d'avoine ausd. chevaulx, 15 s. 

" A Sainct Brieuc, pour la couchée desd. cincq hommes et 
cincq chevaulx, 65 s. 

Le lundy à Guingamp pour le disner, 40 s. 

Pour la couchée à Louargat, 55 s. 

Le mardy, pour la disnée à Mourlaix desd. cincq hommes et 
cincq chevaulx, 38 s. 

A quatre hommes pour sallaire d'avoir esté à Rennes à aider 
à rendre lesd. damoiselles en la compaignie du sieur de Kerba- 
laznec, à chacun la somme de 40 s. faisant en tout, 8 1. (3). 

Le dernier jour de septembre audit an 1571, pour poisson et 
chair pour bailler leurs reffeclions à messieurs les parents de 
feu sieur de Lanuzouarn, qui estoint expressément venuz pour 
assister au service au boull de deux ans aud. feu sieur de Lanu- 
zouarn, scavoir messieurs de Pirmill, Kerbabu, Keranroux, Le 
Merdy, Kereuelle, Lomogan, Treoudal et plusieurs autres, 50 s. 

1572. 

Le 14 avril fut délivré au sieur de Kerveny, par led. tutteur 
la somme de 16 pistolletz d'or et 4 escuz d'or soleil,"pour bailler 
à mad. dame de Sainct George, pour la pansion de damoiselle 



(4) Saint Meloir. 

(i) De ces quatre hommes qui faisaient le voyage à pied, trois con- 
duisaient par ia bride les chevaux des jeunes fillds, et le quatrième 
conduisait le cheval chargé de la malle et du bis sac, et qu'on appelé 
le V mallier. » La « chevauchée » se composait de huit personnes et 
de cinq chevaux. 



— 74 - 

Jëbanhë de Latitazouarn daine de Kernaoù, lors valantz, 45 1. 
6 s. 8 d. 

Plus led. lutteur bâilla aud. sieur de fcerveny, pour bailler à 
ma dame de Sainct Suplice, pour la pansion de damoiselles 
Katherine et Françoise de Lanuzouarn, les éspeczes que ensuy- 
vent, scavoir : cincq impériales et deroy, houict mille rais, en 
réelles \Oi solz, faisantz en tout la somme de, 68 1. 3 s. 8 d. 

Plus led. lutteur bailla aud. sieur de Kervèuy, pour bailler 
ausd. deux damoiselles pour achepter leurs petiltes hardes, la 
somme de 6 escuz en réailes, lors valantz, 13 1. 10 s. 

Le 16 septembre led. lutteur paya à madame de Plebihan, 
pour la pansion de damoiselle Jeanne de Lanuzouarn estante 
à Sainci George, la somme de trante ung escuz d'or soleil, 
lors valantz 81 1. 13 s. 4 d. 

Plus fut poyé à lad. damme, par led. lutteur, six escuz d'Es- 
paigne pour être employez es affaire de lad. damoiselle, 
valantz, 14 1. 10 s. 

Plus led. tulteur feist tenir à lad. damoiselle, quatre escuz 
d'alliance vallantz 9 1. 4 s. 4 d. 

Plus led. comptable poya à lad. damme de Sainct Suplice, 
pont la pension desd. deux damoiselles Katherine et Françoise 
de Lanuzouarn, pour le terme de la Sainct Michel oud. an 1572, 
trante pistolletz d'or, lors valantz 67 1. 10 s. 

1573. 

Le 13 mars, estant lors à Rennes, ledict comptable bailla à 
lad. damoiselle Jeanne de Lanuzouarn, sic pistolletz d'or val- 
lantz 13 1. 10 s. 

Led. jour, il paya à madame de Sainct Supplice, pour la 
pansion de damoiselle Katherine et Françoise de Lanuzouarn, 
la somme de trente-quatre pistolletz d'or, et, pour leur achepter 
des accoutretnentz sellon leur estât, fut délivré à lad. dame 
dix-houict pistolletz d'or, lors vallantz 117 1. 



— 15 — 

i 

Plus fut délivré ausd. damoiselles, estant atid. Sainct Suplice, 
la somme de hoûict pistolletz d'or, lors valanlz 18 1. 

A ma damme de Sainct Sauveur, leur maistresse, à raison 
du travail! et peine qu'elle prenoict à leur aprendre h lire et 
escgpre, ung escu. valant 46 s. 8 d. 

Plus, à la requestre desd. damoiselles, fut baillée à la cham- 
brière 15 s. 

Et à la portière 7 s. 6 d. 

Le 5 juillet, led. tutteur bailla à Jan Jac, messaigier, pour 
aller à Rennes et „à Sainct Suplice voir mesdamoiselles de 
Kernaou, Keranmunou et Roshamon, lesquelles étoint malades, 
la somme de deux escuz, pour ce que les vivres estoinl chères 
41. 10 s. 

Aud. Jean Jac, pour aller à Kerjan porter les lettres des 
dames de Sainct George et Sainct Suplice à madamoiselle de 
Kerjan, et les lettres de mesdamoiselles ses filles, et de 
Kerjan à Keroulas, led. tutteur paya, 15 s. 

Le 6 septembre â Keroulas, auquel lieu led. comptable estoit 
allé pour demander l'advis de "madamoiselle de Keroulas, à 
scavoir si mesdamoiselles ses niepces qui esloint l'une à Sainct 
George les aultres à Sainct Suplice, fussent *veuuez au pays, 
pour lors, et oud. cas prendre assignation pour aller les quérir 
ensemble avecq leur cousine madamoiselle de Mezle, led. 
tutteur bailla entre les servitteurs une réalle, 3 s. 9 d. 

Aud. lieu de Keroulas, aux chambrières pour leurs espingles 
et décrotter les accoustrementz dud. tutteur,3 s. 9 d. 

Le 27 septembre, pour ferrer deux chevaulx de neuff pour 
aller à Rennes quérir lesd. troys filles de Lanuzouarn, scavoir 
Janne, Katherine et Françoise de Lanuzouarn, 15 s. 

Le dernier jour de septembre, pour quatre ferre [néûffs et 
houict relevés à troys chevaulx, pour] aller aud. voiaigé de 
Rennes, 11 s. 4d. 

« 

Le 4 octobre à Rennes, pour le disner et soupper de quatre 



- 76 — 

hommes, et le soupper de damoiselle Janne de Lanuzouam et 
la journée enlhière de cinq cbevaulx, 118 s. 6 d. 

Le 5 octobre, pour ladisnée et soupper desd. quatre hommes 
et aussi le disner de lad. damoiselle et le soupper tlesd. troys 
damoiselles Janne, Katherine et Françoise de Lanuzouarn, et 
la couchée desd cinq chevaulx, 7 1. 3 s. 4 d. 

A Sainct Suplice à la maistresse de mesdemoiselles de Ke- 
ranmunou et Roshamon, scavoir à celle qui leur monstroict 
à lire et escripre et couldre, 15 s. 

Plus led. tutteur bailla ausd. damoiselles pour distribuer 
entre les chambrières, cuisinier et pâtissier, 30 s. 

-A madame de Sainct Suplice, pour ce que lesd. damoiselles 
avoint demeuré au couvent quinze jours oultre les deux ans, 
pour leurs despens fut poié, 116 s. 8 d 

A ung apothicquaire de Rennes pour avoir esté à Sainct 
Suplice bailler médicine k madamoiselle de Roshamon, 
112 s. 6d. 

Le mardy 6 octobre, pour troys chappeaulx de taffetas pignés 
garniz de passement d'or, 10 s. 

Pour troys plumes pour attacher ausd. chappeaulx, 20 s. 

Pour troys escriploires avecq les covers pour lesd. damoi- 
selles, 10 s. 

Pour troys paires de cousteaux pour lesd. damoiselles, 30 s. 

Pour troys paires de gantz auxd. damoiselles, 12 s. 6 d. ~ 

Pour quatre milliers et demy d'espingles ausd. damoisel- 
les, 32 s. 

Pour la disnée, le soupper desd. damoiselles et desd. quatre 
hommes, et le deffroy pour toutte la journée desd. cincq 
chevaulx, 7 1. 15 s. 

A madame de Sainct George pour quinze jours que Kernaou 
avoit demeuré au couvent après les deux ans, 67 s. 6 d. 

Plus fut poyé, par le commandement de raadite dame de 
Sainct George, acheter pour une robe que mad. dame avoit 
faict lever ches sire Bourgoignerïe pour lad. Kernaou, 10 I. I s. 



— 77 — 

Pour bailler aux chambrières à Sainct George, fut baillé à 
lad. damoiselle de Kernaou, 15 s* 

Le 7 dud. raoys, pour la dmée à Rennes et le deffroy des 
chevaulx, 70 s. 

Aux chambrières et valeclz, 6 s» 

A Monlfort pour la couchée desd. troys damoiselles et 
quatre hommes et desd. cincq chevaulx et le déjeusner le 
lendemain, 4 1. 6. s. 

Aux vallecfz et chambrières, 20 d, 

Jeudy 8 octobre à Maure, pour le disner, 60 s. 10 d. 

Aux chambrières, 10 d. 

A la Trinitlé pour la couchée, 4 I. 10 s. 

Aux chambrières, 20 d. 

Vendredy 9 dud. moys, pour la disnée à Pontyvy, 65 s. 

fit pour Iroys relevez, 2 s. 6 d. 

Pour la couchée à Rostrenen, 4 1. 10 s. 

Aux chambrières, 10 d. 

Sabmedy 10 octobre à Kerahès, pour le disner et soupper 
par ce que la fîebvre se print à l'ugne desd. damoiselles 
tellement que la compaignie fut contraincte de demeurer 
audict Kerahès pour ce jour, 7 1. 5 s. 

Aux chambrières, 10 d. 

Dimanche 11 dud. moys, à ungpreblre pour la messe de 
bon matin, 2 s. 6 d. 

Pour le desjeuner aud. Kerahès, 20 s. 

Led. jour au Squiryou pour la repue, 30 s. 

Led.jour à Mourlaix pour collation et deffroy desd. chevaulx, 
2b s. 

A troys hommes pour salaire d'avoir faict led.voiaige fut poyé 
à chacun 40 s. faisantz en tout 6 1. 

Le 13 octobre, pour sept aulnes et demie de toille blanche à 
faire des chemises ausd. damoiselles, â raison de 10 s. l'aulne, 
75 s. 



— 78 — 

Pour houic^ aulnes et demye de toille rousse, l'aulne à 9 s., 
76 s. 

A deux coi^sturjers, paur six journées à. faire lesd. chemises 
et des mouchoueurs pour lesd. damoiselles, 15 s. 

Le 17 dud. moys, pour cincq aulnes de drap de canelle, pour 
faire des robes à Keranmunou et Roshamon, l'aulne à 4 1.15s., 
faisant la somme de 22 1. 15 s. 

Pour quatre onczes et demye de passement de soye valante 
4 1. 10 s. 

Pour une oncze de fil de soye, 1 5 s. 

Pour une aulne et demye de cherge d'Aseot rouge pour lesd. 
damoiselles, 45 s. 

Pour cincq aulnes de revêche rouge, 61. 5 s. 

Pour troys paires d'Heures pour lesd. damoiselles, 50 s. 

A ungn homme pour son sallaire de rendre deux coffres ba» 
husde Lanuzouarn à Kerjan, pour lesd. damoiselles, 10 s. 

Pour les despens d'ung tailleur et dud. comptable allant à 
Mourlaix pour achepter les draps mentionnés cy devant, et le 
deffroy de son cheval, 15 s. 

Pour troys paires de sollierspour lcsd.troys damoiselles, 35 s. 

Le 3 novembre fut levé (acheté) à Kerahès par noble Jacques 
Demay les choses que ensuy vent : 

Pour deux aulnes et demye de cherge (serge) de Florence, 
l'aulne à 6 1. monnoie, montant h somme de 45 1. kwLcherge 
pour faire des robes ausd. damoiselles, 45 1. 

Pour quatre aulnes et demye de passement d'argent et soye 
noire, l'once à 42 s. 6 d., en tout 9 1. 10 s. $ d. 

Pour une aulne de taffetas noir pour des altiffas (t). ausd. 
damoiselles. 70 s. 

Pour une once et demye de passement d'or large paur gar- 
nir lesd. attiffés, 4 1. 3 s. 4 d. 



t^m^m 



(I) Sorte de bonnet semblable à celui avec lequel on représente ordi» 
naireraent Marie Stuart et Catherine de Médicis. 



• * 



— 79 - 

Pour peut aulnes de toille de Quintin pour Iesd. darooisçUes, 
à 12 s. 6d. l'aulne, 112 s. 6 d. 

Pour troys aulnes de toille d'Olande, à 34 s. 2 d. L'aulne, 

102 s. 6 d. 
Pour sept aulnes de drap de craraoisy brun, autrement dicl 

couleur de sang de beuff, pour faira des mantheaulx et garde- 
robes ausd. damoiselles, à raison de 6 1. monnoie l'aulne, 421. 

Pour cincq onces de passement d'or pour garnir les man- 
teaulx et garde-robes, à raison de 55 s. 6 d. l'once, 13 1. 17 s. 6 d. 

Pour la voiclure desd. bardes tant de Kerahès à Mourlaix, 
que de Mourlaix à Lanuzouarn, 20 s. 

Le 23 novembre, fut levé par led. Jacques Derçaay et led. 
lutteur, à Mourlaix houict aulnes de taffettas veloutté, à 100 s. 
monnoie l'aulne, 40 1. 

Pour une aulne et quart de salin noir, à 4 1. 12 s. l'aulne, 
115 s. 10 d. 

Ppur demye once de passement noir, 10 s. 

Pour une once de fil de soye [aulne, 20 s. 

Pour deux onces de fil de soye noire, 30 s. 

Pour troys aulnes de fil de ferr, 2 s. 6 d. 

Poiy cin,cq douzaines d'agrafîes, 2 s. 6 d. 

Pour cincq aulnes et demye de cherges d'Ascot cramoisy à 
50 s. l'aulne, pour faire des mantheaulx ausd. damoiselles, 

.. Plus pour quatre onces troys gros et demy,c}e passement à!w h 
à 55 s. 6d. l'once, 121. 6 s. 6 d. 

Pour deux onces, et quart de passement bleu pour mettre 
sur les mantheaulx fourrés desd. damoiselles, 45 s. 
Pour une once de fil de soye bleu, 1 5 s. 
Pour troys onces de passement argenté, 6 l, 15 s, 
Pour une once de fil de soye t lô s. 

Pour une autre once de passenaent, de soyç ppur tes ajUk 
fetz, 20 s. 



— 80 — 

Pour quatre aulnes de passement pour attacher leurs garde- 
robes, 3 s. 4 d. 

Pour une aulne et demye de treilleix, 17 s. 4 d. 

A maître François Le Gat, tailleur, fut payé pour la fàczon 
de ce que ensuilt : 

Pour madamoiselle de Kern au, une robe de taiïettas veloulté 
garnye de passement d'or, 50 s. 

Plus ung ristre (1) avecq la davantière de cramoysy brun 
garny de passement d'or, 30 s. 

Pour la faezon d'une robbe de cherge de Fleurence garnye de 
passement d'argent, les manches découppés, remplies et 
chamarrées (2), 50 s. 

Plus la faezon d'ung petit mantheau de serge d'Ascot cra- 
moysy, garny dépassement bleu, 12 s. 6. d. 

Plus racoustrer une robe de taiïettas gris, la faezon d'ugo 
attiffet, une masque, ung collect de sallin et racoutrer une 
verdugade, 30 s. 

Pour madamoiselle de Keranmunou, pour la faezon d'une 
robe de serge de Fleurence, les manches découpées remplies, 
chamarrées, garnye de passemont d'argent 50 s. 

Pour la faezon d'ung ristre avecq la devantyère de cramoisy 
brun garnyz de passement d'or et bandes de taiïettas, 30 s. 

1574. 

Le 9 janvier, pour la faezon de fourrer troys petits man- 
teaulx de serge, 45 s. 

Plus le 16 dud. moys, en demye aulne d'eslamet cramoisy 
brun pour faire des chausses ausd. damoisejles, 46 s. 6 d. 



(1) Le ristre se composait, je crois, d'un corps sans manches, qui se 
laçait derrière comme un corset, et auquel était attaché un large 
tablier, appelé devantière, qui a donné naissance au mot breton 
« Tavaucher » qui signifie aussi « tablier. » Le ristre était porté par 
des jeunes filles et par de tout jeunes garçons. Je pense cme ce mot a 
la même signification que celui de garde-robes mentionne plus haut. 
Ce vêtement est encore en usage dans nos campagnes. 

(2) C'était la crinoline du temps. 



I 



— 81 — 

Le 3 avril, pour Une aulne et demye de taffettas noir à 
houict fil, pour faire ung tafias h chacune desd. damoiselles, 
4 1. 17 s. 6 d. 

Pour deux aulnes et quart de toile pour faire six paires de 
chausses, scavoir au sieur de Lanuzouarn deux paires, et à 
deux de s«s sœurs a chacune deux paires, 18 s. 9 d. 

Au cousturier pour les faire et raccoustrer les chausses 

desd. sieur et sœurs, 5 s. 

A une cousturière qui a esté troys jours à faire des mou- 
choueurs ausd. sieur et sœurs, 5 s. 

Led. tutteur bailla à înesdamoiselles de Kernaou et Keran- 
munou le jour de 'Sainct Eutrope à Pensez, pour faire dire des 
messes et faire leurs offrandes, 8 s. 4 d. 

Plus fust baillé ausd. damoiselles pour aller à Sainct Fiacre 
pour faire dire des messes, 8 s. 4 d. 
' Le second dimanche de may fut baillé ausd. damoiselles 
pour bailler à l'offrandre à Kerhellenn, 20 d. 

Plus le jour de l'Ascension, pour bailler à l'offrende à 
Sainct Mean, fui baillé ausd. damoiselles, 2 s. 6 d. 

Le jour de Saincl Jan en may, fut baillé ausd. damoiselles 

pour bailler à l'offrande à Ponléon, 2 s. 6 d. 

Le 21 may, pour sept aulnes de cherge d'Ascot double à 
30 s. l'aulnay, 10 1. 10 s. 

Led. jour pour troys onces de passement de soye pour inec- , 
tre sur les robes desd. damoiselles, 60 s. 

Pour une once de fil de soye, 15 s. 

Pour une aulne de toille rousset à doubler le corps desd. 
robes, 10 s. 

Le jour de monsieur Sainct Jan en. juingn, fut baillé ausd. 
damoiselles pour bailler à l'offrende à Pontéon, 20 d. 

Le 20 juin, led. tutteur bailla ausd. dammes de Kernau et 
Keranrounou, pour bailler à l'offrende à la nouvelle messe de 
missire* Hervé Laurens, à chacune. 20 s. tournois vallanlz 

33 s. 4 d. 

6 



y 



- 82 - 

A troys cousluriers {sic) pour troys journées à chacune 
d'elles à faire des chemises ausd. damoiselles, 15 s. 

A la foire de la Magdalleine pour Iroys escoeffions de fil 
d'or(l) pourlesd. damoiselles, 7 1. 10 s. 
' Pour Iroys paires de sisceaulx pour lesd. damoiselles, 16 s. 

Pour troys paires de lieltes pour lier leurs cheveulx, 33 1. 4 s. 

Pour troys aulnes de passement pour accoustrer leurs 
testes, 7 s. 6 d. 

Pour ung millier d'espingles de Paris, 8 s. 4 d. 

Pour une paire de gantz â Keranmunou, 4 s. 2 d. 

Le landemain de la Hagdallaine, à Saincl Jan du doigt, fut 
baillé ausd. damoiselles pour bailler à l'offrende et pour faire 
dire des messes, 15 s. 

Le 7 août, pour quatre aulnes d'estamect cramoysy brun 
pour faire troys juppes ausd. damoiselles à 105 s. l'aulne, 21 1. 

Pour une aulne et tiers de velours jaulne pour garnir lesd. 
iroys juppes, à 7 1. 5 s. l'aulne, 9 1. 13 s. 4 d. 

Pour deux onces et demye de fil cramoysy, 50 s. 

Pour quatre aulnes de charge d'Ascoet double et bien fine, à 
35 s- l'aulne, 7 1. 

Pour ungne main de pappier pour lesd. damoiselles, 2 s. 1 d. 

Pour deux onces de fil d'ozelle jaulne pour mectre sur les 
corps des jacquettes desd. damoiselles, 16 s* 8 d. 

Pour sept douzaines d*agraffes, 4 s. 4 d. 

Pour une aulne de treilleis, 7 s. 6 d. 

Pour une aulne de revesche, 25 s. 

Pour une once de fil de soye, 15 s. 

Pour une aulne et demye de camelot bleu, 22 s. 6 d. 

A maître Françoys Le Gat, tailleur, pour la faczon d'une 
robe de cherge double pour Kernaou, 30 s. 

Pour la faczon d'ugn cotteillon de cramoysy brun garny de 
velours jaulne et le corps, 20 s. 



(1) Coiffe faite de rubans d'or ou de soie et souvent richement ornée. 



— 83 — 

Pour la faczon d'ugn cotteillon de cramoysy brun avecq le 
corps de camelot bleu, 20 s. 

Pour troys peignes pour lesd. damoiselles, 2 s. 6 d. 

Le 11 décembre, pour Iroys aulnes de toile biendouge (1) 
et déliée pour faire des colects ausd. damoiselles, 55 s. 

Led. jour, pour troys aulnes de toille de Mourlaix pour faire 
colectz, coueffez et aultres choses, 30 s. 

Pour troys paires de solliers pour lesd. damoiselles, 37 s. 6 d. 

1575. 

Le 1 er janvier, poursaize aulnes de taffetas noir veloulé pour 
faire des robes à Keranmunou et Roshamon, 80 1. 
- Led. jour pour troys quartz de taffettas noir pour faire des 
tafftas pour lesd. damoiselles, 60 s. 

Pour trante-lroys aulnes de tresse d'or pesantz troys onces 
demye once et quart d'once, à 60 s. monnoie l'once, 1 1 1. 5 s. 

Pour du fil de soye jaulûe pour couldre led. passement, 20 s. 

Pour une aulne de toille bien douge pour parfournir (com- 
pléter) les collectz desd. damoiselles, 16 s. 8 d. 

Pour troys quartz de serge cramoisy pour faire des chausses 
ausd. damoiselles, 41. 

Au inoys.de may, pour troys quartz d'estamet pour faire des 
chausses ausd.^damoiselles, pour ce que les ratz avoint mangé 
partie de leurs chausses, 75 s. 

Pour la faczon desd. chausses, 5 s. 

Pour fil de soye pour les garnir et fil pers, 4 s. 2 d. 

Pour unze aulnes de cherge d'Àscot double, à 46 s. l'aulne 
et une réaile sur le tout, 25 1. 10 s. 2 d. 

Pour cincq ounces et demye de passement de soye large, 
pour garnir les robes de lad. cherge, 110 s. 

Pour une once et demye de fil de soye pour couldre led. 
passement, 22 s. 6 d. 



(I) Bien fine. 



- 84 - 

A ung tailleur pour aider à choisir lesd. cberges et passe- 
ment, 4 s. 2 d. 

Le 23 juin pour la repue de troys hommes et troys chevaulx 
chemin faisante à Keroulas pour quérir roesdamoiselles de Ker- 
naou et Keranmunou, 15 s. 

Le lendemain aud. lieu de Keroullas, à ung rçareschell pour 
desenclouer l'ung des hacquenées desd. damoiselles, ung ferr 
neuff et ung relevé, 5 s. 

Ausd. damoiselles fut baillé par lèd. lutteur aud. lieu de 
Reroulas 30 s. _ monnoie pour les [distribuer entre la gouver- 
nante, les chambrières et serviteurs de lad. maison, par ce que 
lesd. damoiselles avoint esté ung moys aud. lieu de Keroulas, 
30 s. 

Le 25 dud. moys à Folgoet, retournant de Bas-Léon, pour la 
collation et repue desd. damoiselles, garsons et chevaulx, 20 s. 

Le 22 juillet fut poyé par led. tulteur, en troys guarguans 
(carcans) (I) pour lesd. troys damoiselles puisnées, à Kerjan, 
35 s. 

Pour demye aulne de satlin pour Roshamon, 46 s. 

Pour la faczon de deux robes à Kernaou et Keranmunou, 40 s. 

Pour ung myrouér et du passement pour lesd. damoi- 
selles, 4 I. 10 s. 

Pour les gerbes d'or comprins la faczon, fut poyé par led. 
comptable, à Kerjan, 24 1. 19 s. 

Pour garnitures pour lesd. damoiselles, fut poyé aud. lieu 
de Kerjan, 100 1. 

Plus en gerbes d'argent à 10 d. piecze, 100 s. 

Pour troys basquines ausd. damoiselles, 12 1.10 s; 

Plus pour troys garnitures pour lesd. troys filles de Lanu- 
zouarn, 12 1. 

Le 20 août, pour une aulne ef quart d'estamect violet pour 

(1) Les «. carcans « différaient des colliers, en ce'qu'ils étaient tou- 
jours tournées autour du cou, tandis que les colliers s'étalaient sur la 
poitrine. 



— 85 - 

faire deux paires de chausses à chacune desd. troys damoi- 
selles, 112 s. 6 d. 

Pour six aubes de taffetas noir à gros grains, i 4 1. 12 s. 6 d. 
l'aulne, 27 1. 15 s. 

Pour saize aulnes de passement de soye noire et large pesant 
troys onces et quart, à 22 s. l'once, 70 s. 

Pour troys quartz de satin jaulne, 69 s. 

Pour une once et quart de fil de soye noire, 15 s. 10 d. 
Pour deux aulnes de toille de Mourlaix pour faire collectz et 
coueffes, 3*2 s. 6 d. 

Pour cincq aulnes toille de Mourlaix plus grosse, pour faire 
des chemises à Keranmunou, G2 s. 6 d. 

Le 25 août, en deux centz gerbes d'or et deux centz gerbes 
d'argent, comprins la faczon, 55 1. 

Pour deux aulnes de fine toille d'Olande, 100 s. 
Pour la collation et sallaire *k ung orfebvre pour aider 
prandre lesd. gerbes et les peser, 10 s. 

Pour deux cents grains viollet, 32 s. 6 d. 

Pour ung cent et demye de grains de couleur de grenade, 
32 s. 6d. 

Pour houict aulnes de ruban violet et craraoisy pour 
Keranmunou, 16 s. 

Pour saize aulnes de ruban noir et azur, 32 s. 

Pour ung myrouer pour Keranmunou, 20 s. 

Plus pour quatre aulnes de ruban violet pour faire des 
lyettes ausd. damoiselles Françoise, Kernaou et Roshamôn, 8 s. 

Pour une ceinture pour Keranmunou, 3 s. 4 d. 
Pour une paire d'Heures pour lad. Keranmunou, 15 s. 
Pour ong millier et demy d'espingles pour lad. Keranmu- 
nou, Ils. 
Pour des escriploires à lad. Keranmunou, 8 s. 
Pour du pappier, 5 s. 
Pour ung petit livre 5 s. 



/ 



- 86 — 

Pour ferrer le cheval qui alla porter les hardes de lad. 
Keranmunou à Locmarie (1), 10 s. 

Le 26 août, pour demy aulne el demy quart de taffetas pour 
Roshamou, '26 s. 8 d. 

Pour fil d'orjal (1), 4 s. 2 d. 

Pour deux douzaines d'agraffes, 15 d. 

Pour la faczon d'une robe et dresser une aultre, 55 s. 

Pour la faczon d'une robe à Roshamon, 45 s* 

Pour fil noir pour couldre lesd. robes, 5 s. 

En toille pour doubler les troys robbes, 10 s. 

Le 29 août, chemin faisant à Locmarie pour rendre lad. 
Keranmunou, pour la collation de lad. Keranmunou, boznes 
(2), troys hommes et led. tulteur, 20 s. 

Le 30 août à la gouvernente de Kernerzic, tant pour elle que 
pour les chambrières, à cause qu'ilz avoint couché aud. lieu de 
Kernerzic, 10 s. 

Le jeudy, 1 er septembre, auquel jour lad. bozne, lesd. troys 
hommes et tulteur partirent de Locmarie après y avoir rendu 
et laissé lad. Keranmunou aud. lieu de Locmarie, led. lutteur 
bailla à lad. Keranmunou par le commandement de mademoi- 
selle de Kerjan et en présence de lad. bozne, 15 I. 
' Led. jour aux chambrières de Locmarie, en présence de lad. 
Keranmunou et par les mains de lad. bozne, 20 s. 

Aux vallectz, 5 s/ 

Aux cuysinier, 10 s. 

Au maistre escripvain qui estoict aud. lieu de Locmarie, à 
aprendre les jeunes damoiselles à lire et escripre, chanter et 
dancer, fut baillé par lesd. tutteur, 25 s. 



(1) Elle allait comme demoiselle de compagnie au château de Loc- 
maria, en la paroisse de Plouégat-Guerrand (arrondissement deMorlaix, 
Finistère). 

(2) Fil d'archal. Le même mot est écrit plus loin « brgcal. » 

(3) Chambrière, ou servante. Ce mot a encore aujourd'hui cette 
signification . 



— 87 — 

Led . jour, pour le disner dud. tutteur, boznes, lesd. troys 
hommes et quatre chevaulx, aud. Louargat, 37 s.6 d. 

Aud. Louargat, pour'faire quatre relevez ausd chevauh, 

3 s. 4 d. 

A ung garson de Kerjan, qui fut aud. voiaige, pour son vin, 
5 s. 

A Jan Jac qui conduisoit lès hardes de lad. Keranmunou, 
pour eincq journées, 20 s. 

Le 1*2 novembre en cincq aulnes et demye de cberge de 
Beauvays pour faire une robbe, ung ristre et des chausses h 
Kernaou, et une aulne et troys quartz >de revêche noir pour 
doubler led. ristre, 30J. 

Le 26 décembre en six aulnes de cherge de Beauvays pour 
faire une robbe à Keranmunou, et aultre robe à Roshamon, à 

4 1. 17 s. l'aulne, 27 1. 

Pour six onces de passement de soye pour roectre sur lesd. 
robbes à 20 s. Fonce, 6 1. 

Pour une aulne de taffetas à gros greins pour faire des 
tafftas (1) à Kernaou et Roshamon, 4 1. 12 s. 6 d. 

1576. 

Le 30 janvier, led. tutteur bailla à madamoiselle de Kernaou 
par commandement de mademoiselle de Kerjan, la somme de 
101. 12 s. 6 d., auquel jour partit lad. Kernaou pour aller avecq 
sa maistresse madamoiselle de Lyscoet. 

Plus led. jour à lad. Kernaou et à sa sœur Roshamon à cha- 
cune deux réailes, 17 s. 6 d. 

Le 6 février, en une paire de solliers pour Kernaou, 12 s. 6d. 

Pour pappier et espingles pour lad. damoiselle, 10 s. 

Pour une demye once de fil,de soye noire pour Roshamon, 
7 s. 6 d. 



(f) Ces « taffetas » étaient, je pense, des « bouillonnes » ou des 
« volants. » 



— 88 — . 

, Le 1 er mars à Mesléan, au cuisinyer Lagadou, led. lutteur 
bailla ungne réalie, parce que c'estoît la première foys aud. lut- 
teur d'avoir esté aud. Meslean, 4 s. 2 d. 

Aux chambrières, aullre réalie, 4 s. 2 d. 

Aux vallect de restable, 20 d. 

Le 3 dud. moys, pour une paire d'Heures pour Roshamon, 
quatre réailes, 17 s. 6 d. 

Pour vingt aulnes de passement de soye, pesant deux onces, 
40 s. 

Le 12 avril, led. lutteur bailla à monseigneur de Kercoent, 
troys pistolletz et ung escu soleil, vallant lors 10 1. 15 s. pour 
délivrer à madamoiselle de Roshamon, par le comihendement 
de lad. damoiselle de Kerjan et en sa présencze, 10 s. 15 d. 

Le 2 juin, pour une once de fil de soye craraoisy, 20 s 

Pour une paire de gantz, 6 s. 8 d. 

Pour serge de cramoysy brun pour faire deux paires de 
chausses à lad. Keranmunou, 35 s. 

Le dimanche 3 dud. moys, à Lampaul, pour la collation du 
sieur de Lanuzouaru, sa sœur Keranmunou, deux hommes» 
led. tutteur et troys chevaulx, auquel lieu Ton jouoyt l'his- 
toire (I), 20 s. 

A ceux qui jouoint l'histoire, 5 s. 

Le 10 juin pour deux aulnes de scarlatin pour faire ung 
cottillon à lad. Keranmunou, Il I. 

Pour troys quartz de velours verd, 6 1. 

Pour une oncze et demye de passement pour ra^ectre dessus 
ledict cottillon, 27 s. 6 d. 

Pour une once de fil de soye, 20 s. 

Pour la faczon de deux paires de chausses pour lad. Keran- 
munou. 4 s. 2 d. 

Plus, pour deux aulnes de cherge pour ung cottillon à Ros- 
hamon et des chausses, 9 I. 10 d. 

(I) Uu mystère brclon. 



— 89 — 

Pourtroys quartz de velours jaulne pour mectre dessus led. 
cottillon, 61. 

Pour une once et demye de treces blanche, 27 s. 6 d. 

Pour fil de soye, 20 s. 

A la foire de la Magdaleine, en 'quatre aulnes et demye de 
taffetas à houict fil, pour faire une robe à Roshamon, 18 1. 10 s. 

Pour troys quartz de taffetas pour parfournir lad. robe, 62 s. 

Pour une aulne de taffetas jaulne, 110 s. 

Pour une- once de fil de soye, 15 s. 

Pour saize aulnes de passement de soye large,, pesant six 
onces, Vonce à 20 s., 6 1. 

Pour troys aulnes de cherge de Fleurence, à 100 s. l'aulne, 
15 1. 

Plus en saize aulnes d'aultre passement pour garnir lad. 
robe de cherge, poisantz troys onces, l'once à 21 s. 8 d., 65 s. 

Pour agraffes et bougaran pour garnir lesd. deux robes, 10 s. 

Pour la faczon des deux robes, 55 s. 

Pour une aulne de revesche cramoisy acheptée par maître 
Mathieu pour doubler le mantheau de Roshamon, fut poyé six 
réailes lors valantz, 26 s. 8 d. 

Pour troys aulnes de fil d'orge al, 2 s. 6 d. 

Pour la faczon d'ungn cottillon et une paire de chausses 
pour Roshamon, 20 s. 

Pour un quaquan (carcan) pour lad. Roshamon, 10 s. 

Pour un chappellet pour Keranmunou, 5 s. 6 d. 

Led. tutteur poya à lad. Roshamon à Kerjan, une once de 
fil cramoisy, 21 s. 8 d. 

Aud. Kerjan, pour deux aulnes de toyle de Cambry (Cambrai), 
pour lad. Roshamon, 4 1. 

Pour une paire de sisceaulx, 5 s. % 

Pour ung millier d'espingles, 8 s. 4 d. 

Le 24 août fut délivré à lad. Roshamon par led. tutteur par 
commandement de maâamoiselle de Kerjan, douze escuz, lors 
vallanlz 32 1. 



- 90 — 

Pour quatre aulnes de toille pour faire chemises à lad. 
Roshamon, 50 s. 

Le 11 septembre, led. tutteur bailla à lad. Roshamon estante 
à Hourlaix r en la compaignie de madame sa maistresse, chemin 
faisant à Angiers, la somme de 110 s. 

Le 23 oclobre,à mâdamoiselle de Kernau, estante lors avecq 
sa maistresse mâdamoiselle de Liscoet, à Kerjean, fut baillé 
deux escus et deux réailes, vallantz 118 s. 6 d 

Le 28 décembre fut baillé à mâdamoiselle de Roshamon 
trois réailes, estante lors à Kerjan, 13 s. 4 d. 

Pour troys unces de passement de soye pour garnir une robe, 
et demy oncze de fil de soye, 70 s. 

1577. 

Le 16 janvier, pour ung chapperon de velours pour mâda- 
moiselle de Keranmunou, 13 1. 

Le 18 dud. moys, pour cincq aulnes de serge d'Ascot, à 40 s. 
l'aulne, 10 1. 

A ung raessaigier envoyé par lad. Keranmunou, etsuyvanl la 
lettre, en présence de messieurs de Kerbic, Kerbalannec, Treou- 
dal, les especzes que ensuyvant, scavoir: 10 escuz en réailes, 
ung double pistollet d'or, troys mille raix et cincq demy mille 
raix, chacun escu vallant lors 55 s., chacun mille raix 7 1. 5 s. 
le tout raonnoie, pour debvoir achepler une robe de damars, 
(sic) faisant la somme de 72 1. 14 s. 2 d. 

Aud. messaiger fut baillé en présence desd. dénommés, deux 
réailes, 9 s. 2 d. 

Le 10 février, pour une paire de solliers pour Roshamon, 
13 s 6 d. 

Plus led. tutteur bailla à lad. Roshamon, en présence de ma- 
dame de Coetmeur, deux demy mille raix et ung escu, 10 I. 

Le 4 mai, led tutteur bailla six.escuz en ré ail es, pour faire 
tenir à mâdamoiselle de Kernaou, 18 1. 

Le 30 mai, pour six aulnes de taffetas noir bien fort, à raison 
de 6 1. 5 s. l'aulne, 57 1. 10 s. 



— 91 — 

Pour une aulne de taffetas grisa gros grain, 4 1. 15 s. 

Pour traize unces et deraye de passement de soye large, cou- 
tenant quarante houict aulnes, Ponce à 20 s. 10 d., la somme 
de 14 T. 10 tl. 

Pour une oncze et demye de fil de soye, 31 s. 3 d. 

Pour Iroyes aulnes et tiers de serge de Fleurence pour faire 
une robbe, à 115 s. l'aulne, la somme de 19 1. 3 s. 4 d. 

Pour deux aulnes de cherge grise pour faire ung cottillon, à 
4 1. 15 s. l'aulne, 91. 10 s. 

Le 16 juin^pour deux chemises pour madamoiselle de Rosha- 
mon, de toille bien douge, 55 s. 

Le 26 octobre, estant adverty à Kgrnerzic que le seigneur de 
Locmaria estoit à Guervavan (Kermavan), led. sieur de Ker- 
nerzic bailla aud. tutteur son serviteur avecq son malier, (1) 
pour aller aud. Guervavan, pour la collation desd. hommes, et 
repue des chevaulx, 20 s. 

Le 27 dud. moys, oud lieu de Guervavan, led. tutteur bailla 
à lad. Keranmunou, ung escu pour bailler à la damoiselle, 20 s. 
pour bailler au cuisinier, 20 aultres s. pour bailler au tailleur 
et 10 s. pour bailler à la chambrière faisantz en tout 81. 

Le 28 dud. moys, led. tutteur bailla à lad. Keranmunou 10 s. 
pour bailler aux serviteurs du sieur de Coctlosquet,auquel lieu 
coucha lad. Keranmunou, 10 s. 

Aux valletz, 2 s. 6d. 

Le 5 novembre, en dix houict aulnes quart et demy quart de 
damars gris, à 8 I. l'aulne, 140 1. 

Pour cincq aulnes de velours jaulne à 10 I. l'aulne, 50 1. 

Pour dix onces de passement de soye gris à 30 s, l'once, 15 1. 

Pour troys unces de fil de soye grise et jaulne â 30 s. 
l'once, 4 1. 10 s. 

Pour deux aulnes de toile fort douge pour faire des fronceu- 
res, 4 I. 



(l) Cheval qui portait ordinairement la malle, en voyage. 



— 92 — 

Pour deux aultres aulnes de toillepour faire dcscoleclz, le 
tout pour Kernaou, 60 s. 

1578. 

Le 10 avril pour neuff aulnes de cberge double d'Ascot, à 
35 s. l'aulne, 15 1. 15 s. 

Pour vingt houicl aulnes de passement de soye noire conte- 
nant quatre onces et demye, ronce à 22 s, 6 d., la somme de 
101 s. 3 d. 

Pour une unce de fil de soye, 20 s. 

Pour une aulne de bougaran, 10 s. 

£our la faczon de deux robes pour Keranmunou et Rosha- 
mon, 70 s. 

Pour une ceinture et une paire de jartiers (sic) pour Keran- 
munou, 15 s. 

Le 24 avril, pour la faczon d'une robe pour Roshamon, 30 s. 
Pour une basquine pour lad. Roshamon, 41. 10 s. 

Pour un chapperon pour Keranmunou fut poyé 4 escus va- 
lant 10 l. 

Plus led. comptable a baillé à lad. Roshamon ung escu et 
demy pour poyer ses debtes et faire ses petites affaires, 75 s* 

Pour madamoiselle de Keranmunou : 

Pour la faczon d'une robe de daraars gris garnye de . passe- 
ment de soye, 55 s. 

Plus pour la faczon d'une robbe de Fleurance garnye de 
passement de soye, 45 s. 

Pour rondir une robbe de taffetas noir et faire ungn corps à 
lad. robe, et deux aultres corps de cotte, 40 s. 

Le 7 mai, led. tutleur envoya traize aulnes de toile de 
Mourlaix â Kerjan, pour faire des chemises à Keranmunou et 
Roshamon, dont l'aulne couste troys réailes, 8 1. 2 s. 6 d. 

Le 23 juillet, pour troys brodures d'or esmaillés pour mesda* 
moiselles de Kernaou, Keranmunou et Roshamon, lesquelles 
pèsent ensembles cent troys escuz d'or soleil, et pour la faczon 



— 93 - 

vingt escuz d'or soleil, faisantz en tout six vinglz troys escuz 
d'or soleil avalués à 307 1. 10 s. 

Plus led. jour, pour quatorze aulnes de tafflas noir à houict 
filz à 6 1. 10 s. l'aulne, la somme de 95 I. 17 s. 6 d 

Plus led. jour, en houict aulnes et demye de tafflas à houict 
filz, 55 s. 6 d. 

Pour dix unces de passçment de soye noire pour garnir 
lesd. robes, 10 1. 

Pour une once et demye de fil de soye, 30 s. 

Pour demye livre de fil pers et ung quarteron de fil 
Paris, 10 s. 

Pour ung cent d'agraffes, 5 s. 

Pour une aulne de toille pour garnyr lesd. robes, 10 s. 

Pour demy aulne d'estamet viollet pour faire des chausses 
ausd. damoiselles, 60 s. 

Le tout fut prins par le commandement de madamoiselle de 
Kerjan, et la plus part en sa présence. 

Pour deux paires de solliers pour lesd. damoiselles, 29 s. 2 d. 

Plus, led. comptable délivra à madamoiselle de Kerjan douze 
e scuz d'or soleil pour les faire tenir à madamoiselle de 
Kernaou sa fille, 30 1. 

Le 7 décembre, pour troys unces de fil de soye jaulne et 
verd, l'once à 40 s. monnoie, 6 1. 

Pour demye once de fil de cramoisy, 30 s. 

Pour deux aulnes de trelleix, à 30 s. l'aulne, €0 s, 

Pour une aulne el demye de frise noire, à 30 s. l'aulne, 45 s. 

Pour troys quartz de tafflas noir pour Keranmunou, 61.15s. 

Pour estamet cramoisy pour faire deux paires de chausses 
è lad. Keranmunou, 65 s. 

Pour demy livre de fil pair, 20 s. 

Pour ung demy mouttoo, 20 s. 

Pour une longe et sur longe et une langue de beuff, 70 s. 

Le 14 décembre pour trois aulnes de serge de Fleurence 



pour faire une robbe à lad. Keranmunou, à raison de 12 1. 
l'aulne fut payé en présence du sieur du Merdy, 36 1. 

Pour six douzaines de croches pour lad. Keranmunou, 5 s. 

Pour demye livre de fil Paris, 15 s. 

Pour dix aulnes de toille pour doubler cincq robes pour 
rgadamoiselle du Froulguen, deux pour lad. Keranmunou et 
doubler sept paires de manches pour lad. damoiselle du 
Froulguen, à raison de 20 s. l'aulne, 10 I. 

Pour deux aulnes de toille blanche bien douge, pour faire 
des flonceures (sic) à lad. [Keranmunou, à raison de 40 s. 
l'aulne 4 1. 

Led. jour, en moulton et beuff, à raison que mad. dame du 
Froulguen, sa sœur Keranmunou et une aultre damoiselle, six 
tailleurs et deux cousturiers estorent à Lanuzouarn, 61. 

Pour quatre livres de chandelles pour lesd. tailleurs, à 
raison de 6 s. 8 d. la livre, 26 s. 8 d. 

Pour demye livre de fil Paris, 20 s. 

Le 20 décembre, led. tutteur bailla à deux cousturiers pour 
faire des fronceures, colectz et coeffes pour lad. Keranmunou, 
16 s. 

Led. jour led. corn table poya à Eliette le But, tavargnière, 
demeurante à Pontéon, pour quinze potz de vin pour lesd. tail- 
lieurs, 100 s. 

Plus pour treilleis et esguillettes de fil d'ozelle pour lesd. 
damoiselles. 20 s. 

Pour troys quartz d'estamin pour lad. Keranmunou, 10 s. 

. Dépense» concernant Mademoiselle de la 
fontaine-Blanche, fille aînée de Lanuzouarn. 

1572. 

Pour douze aulnes de toille pour faire six chemises à mada- 
moiselle de la Fontaine Blanche, à raison de 10 s. l'aulne, 6 1. 
Pour lafaczondesd. chemises. 12 s. 6 d. 



- 95 — 

Le 2 août en une demye aulne de satin noir pour faire ung 
collecta lad. damoiselle, 40 s. 

. Pour uDg demy aulne de taffetas noir pour faire une cornette 
à lad. damoiselle de la Fontaine Blanche, 32 s. 6 d. 

Pour une once de fil de soye craraoisy jaulne et bleu, 20 s. 

Pour une demye aulne de toille pour faire ung corps à lad. 
damoiselle, 7 s. 6 d. 

Pour une paire des solliers pour lad. damoiselle, 15 s. 

Pour troys aulnes de toille douge pour lad, damoiselle, 60 s. 

1574. 

Pour sept aulnes de toille pour faire des chemises à madamoi- 
selle de la Fontaine Blanche, 70 s. 

1576. 

Achapt faictpar maître Mathieu estant à Kerjan,pa? commen- 
dement de madamoiselle de Kerjan au nom de madamoiselle 
du Froutguen durant que led. lutteur estoit allé à Paris rendre 
le sieur de Lanuzouarn. 

Pour troys aulnes et demye serge de Fleurance pour faire robe 
à lad. damoiselle du Froutguen, à 1 12 s. 6 d. l'aulne, 191. 18 s. 
6d. 

Pour deux aulnes de serge grise pour lad. damoiselle, à 4 1. 
15 s. l'aulne, 91. 10 s. 

Pour une aulne de velours orange, 8 1. 15 s. 

Pour deux onces de fil de soye, 35 s. 

Pour une piecze de tanelle blanche, 53 s. 4 d. 

Pour deux aulnes de taffetas, à 4 1. 15 s. monnoie, 91. 10 s. 

Pour cinq onces de passement à 20 s. l'once, 100 s. 

Plus pour demy aulne de tafias 10 1. 5 s. 

Pour la faczon d'une robe à hault colect, les manches coup- 

péeslO 1. 

Pour la faczon d'ung coltillon, d'une paire de- chausses, 
ung taffetas, deux masques et accoustre: d'aultres hardes, 45 s. 

Pour deux onces de fil de Paris noir, 4 1. 2 s. 

Pour une once de fil de soye jaulne, 18 s. 6 d. 



— 96 — 

Pour quatre douzaines d'agraffes, 4 s. 4 d. 

Le 6 octobre, pour douze aulnes et demye de velours violiet 
cramoisy.de Fleurance, à 17 I. tournais l'aulne, 212 I. 10 s. 

Plus pour douze aulnes et demye de velours noir, h 12 1. 
10 s. l'aulne, 156 1. 5 s. 

Pour neuff aulnes et demye do taffetas noir à houicl fillz, h 
6 1. l'aulne, 57 1. 

Pour traize aulnes troys quartz et demye de taffetas veloulté 
à ramaige, à 8 1. 5 s. l'aulne, 114 1. 9 s. 4 d. 

Pour deux aulnes et demye de satin blanc rayé d'or, à 13 I. 
l'aulne, 32 1. 10 s. e * 

Pour deux aultres aulnes et demye de satin rouge rayé d'or, 
32 1. 10 s. 

Pour quatre aulnes de taffetas gris violant (sic), 24 1. 

Pour une aulne et demye de velours aurange, 12 I. 15 s. 

En une piecze de tanelle bien blanche, 60 s. 

Pour dix-houict aulnes de passement de fil d'or et d'argent, 
large de troys doigtz pesantz quinze unces troys gros, à 75 s. 
l'once, 57 1. 

Pour traize onces et demye d'aullre passement d'or et 
d'argent, aud. pris de 76 s. l'once, 50 1. 12 s. 6 d. 

Pour deux pieczes de passement de soye noire, contenant 
houict onces et demye, 8 1. 

Pour ung chappeau de velours avecq le cordon d'or, 18 1. 

Pour une paire de broudfeures esmailles d'espargne et une 
chesne,ceincture et carquan, le tout d'or esmailles d'espargne, 
le nombre de deux centz cincquante escuz, apréciés en 
monnoye, 667 1. 10 s. 

Plus pour une garniture de perles et de coural (corail) ac- 
coustré d'orlraize escuz valantz, 32 1. 10 s. 

Pour ung coffre etbahu pour apporter les biens et hardes cy- 
dessùs spéciffiés, 7 1. 

Au messaiger de- Laval pour rendre led. coffre à 
Kerahes, 12 1. 10 s. 



' -, 



— 97 — 

Pourpoyer les debvoirs et passeports (1) eo chemin futpoyé 
aud. messaiger, 20 s. 

Pour toile pour envelopper led f coffre, et cordaiges, 20 s. 

Plus pour rendre led. coffre de Kerahès à Mourlaix, 25 s. 

Le 23 octobre pour ungne hacquenée (2) de poill gris, prise 
par le seigneur de Measlean pour lad. damme du Froutguen, 
fut poyé par led. lutteur, 100 1. 

A ung marguigneur (3) qui fut par le commandement de ma- 
demoiselle de Kerjan à Kerlouan et en plusieurs aultres lieulx, 
chercher et debvoir trouver ungne belle hacquenée pour lad. 
damme du Froutguen, fut poyé pour son sallaire et despens, 
20 s. 

. Pour ung harnoyspour lad. hacquenée, que mad. damoiselle 
de Kerjan avoict commandé faire à Landerneau, fut poyé dix- 
houict escus vallantz49 1. 10 s. 

Pour despens aud. tutteur qui estoit allé à Lesneven tout 
exprès par.'le commandement de mad. damoiselle de Kerjan 
pour veoir el debvoir achepter une hacquenée pour lad. 
damoiselle du Froutguen, et auquel lieu led. marquignon avoit 
faict rendre quatre belles harquenées (sic) tachant k faire le 
marché de Tune desd. hacquenées fut despendu 20 s. 

Le 22 août led. comptable délivra au seigneur de Measlean, 
en faveur du mariage qui se feist led. jour entre le sieur du 
Froutguèn et madamoiselle du Froutguen,et en leurs présence, 
comme conste par le contract dud.mariaige,la somme de 2,9001. 



(1) « Droits de passage. » II y avait alors le long des grands chemins 
des barrières, comme il en existe encore en Angleterre et dans d'autres 
pays. Bien des châteaux avaient aussi été construits au moyen-âge, aux 
abords des voies, à la tête des ponts ou près des passages des rivières, 
et il est certain~que les seigneurs qui habitaient jes châteaux exigeaient 
des voyageurs un droit de transit. C'est probablement du mot « passe- 
portes » qu'est venu le mot « passeport » aujourd'hui en usage. 

(2) Le mot breton « Hinkane » cheval ou jument qui va l'amble ou 
le train, est une _ altération du français « Haquenée. » 

(3) Maquignon. 



— 98 — 

Pour la faczon des accoustrementz de madamoiselle du 
Froutguen : 

Ungne robe de velours violel cramoysy, garnye dépassement 
d'or el d'argent, 65 s. 

Pour la faczon d'aultre robe de veloux noir, aussi* garnye de 
passement d'or et d'argent, 65 s. 

Pour la faczon d'aultre robe de taffetas à ramaige, garnye de 
passement de soye, 55 s. 

Pour la faczon d'aultre robe de taffetas cramoisy, garnye 
de passement d'or el d'argent, 55 s. 

Pour la faczqg d'aultre robe de taffetas noir, garnye de pas- 
sèment de soye 55 s. 

Pour la faczon de Iroys devantz o (avec) les manches de mes- 
mesl'ugn de satin blanc et l'aultre de satin verd, le tout rayé 
d'or, 70 s. 

Pour la faczon d'ung cottillon de taffettas gris garny de 
velours d'orenge, el de la tanelle blanche, 10 1. 5 s. 

Pour dix aulnes de toille pour doubler ciucq robes pour 
madamoiselle de Froutguen, deux pour lad. Keranmunou el 
doubler sept paires de manches pour lad. dame du Froutguen, 
à raison de 20 s. l'aulne, 10 1. 

Dépenses concernant le fils mineur de 

Lanaioaarn. 

1571. 

En une paire de solliers pour le sieur de Lanuzouarn, 10 s. 
Pour deux aulnes de carise blanc pour faire une robe et des 
bas de chausses aud. sieur de Lanuzouarn, 46 s. 8 d. 
Pour tondre led. drap, 20 d. 

Au tailleur pour la faczon de lad. robe et chausses, 3 s. 9 d. 
Pour demy aulne de toille marchande pour lad. robbe,4 s, 2 d. 
Pour un chappeau pour led. sieur, 70 s . 






— 99 — 

1572. 

Le 15 avril, pour une ceinture de soye pour le sieur de 
Lanuzouarn, 5 s. 
Le 19 juin, en une aulne de drap bleu céleste pour faire 

ung ristre aud. sieur de. Lanuzouarn, à raison de 4 ). 10 s. 
l'aulne, la somme de 7 1. 12 s. 6 d. 

Pour une once et demye de passement d'argent et soye cra- 
moysy, 70 s. 

Pour fil de soye et fil pers, 10 s; 

Pour l.a faczon dud. ristre, 10 s* 

Pour ung boûtton de soye et fil d'argent, 15 s. 

Le 17 août, pour une aulne et troys quartz de querese blanc 
pour faire une robbe et des chausses aud. sieur de Lanuzouarn, 
42 s. 9 d, 

Pour tondre led. dr$p, 18 d. 

_ » 

Pour drap blanc pour faire des chausses et raccouslrer ses 
aultres chausses, 11 s. 3 d. 

Pour une paire des solliers pour led. sieur, 11 s. 3 d. 

Le 20 septembre, pour une aulne troys quartz de cramoisy 
brun pour faire unerobo et chausses aud. sieur de Lanuzouarn, 
9 1. 12 s. 6 d. 

Pour deux onces de passement de soye pour garnir lad, robe, 
fil de soye et une douzaine et demye des bouttons, 55 s. 

Pour une aulne de toille pour doubler les corps de deux ro- 
bes pour led. sieur, 10 s. 

Pour la faczon desd. robbes et chausses, 11 s. 3 d. 

Pour une aulne et demye de revesche pour faire une robe 
aud. sieur de Lanuzouarn, 33 s. 9 d. 

Led. tutteur bailla aud. sieur de Lanuzouarn estant à Sainct 
Jan du Doigtz pour bailler à l'offrende et dire une messe aud. 
lieu, 4 s. 2 d. 

Pour despens pour led. sieur, son clerc, led. tutteur et ung 
servitteur, tant aud. Saint Jan qu'à Mourlaix,£ompris troys che- 
vaulx, 30 s. 






— .100 — 

Pour faire ses offrandes à Sainct-Men et faire dire une 
messe, 5 s. 
Pour une paire d'Heures, pour led. sieur de Lanuzouarn,10s. 

1573. 

Le 3 janvier en ung tiers d'aulne de cramoisy brun pour 
faire des chausses et des manches aud. sieur, 35 s. 
Pour fil noir pour les faire, 10 d. 

Au cousturier pour les faire et accoustrer le§ aultres hardes, 
3 s. 4 d. .. 

Pour une paire des solliers pour led. sieur, 10 s. 

Pour toille d'Olande grise pour faire ung pourpoincl aud. 
sieur, 30 s. 

Pour passement d'argent pour garnir led. pourpoinct, 20 s. 

En boutions pour garnir deux pourpoinctz pour led. sieur, 
7 s. 6 d. 

Pour toile rouage (rousse) pour doubler deux pourpoinctz 
pour led, sieur, 1 1 s. 6 d. 

En toille blanche douge pour faire pourpoinct aud. sieur,20 s. 
Pour une aulne de toile marchande pour faire des chausses 
aud. sieur, 7 s. 6 d. 

Pour eslamet pour faire ung bas de chausses aud. sieur, 12 s. 
6 d. 

A ung tailleur pour faire led. choses (sic), 20 s. 

En toille pour faire des chemises aud. sieur, scavoir jucq au 
nombre de houict, 100 s. 

Pour une aulne etdemye pour faire des colectz etfronceures 
desd. chemises. 22 s 6d. 

'Pour faire tesd. chemises et des mouchoueurs (mouchoirs) 
pour led. sieur 20 s. 

Pour ung chappeau pour led. sieur de Lanuzouarn, 70 s. 
Pour troys aulnes de drap de bureau pour faire une robbe à 
ung pauvre homme nommé Guyon Le Madiec, lequel avoit esté 



4. F 



1 



— 101 — 

es six ans précédans nourry en la maison de Lanuzouarn, 
pour l'amour de Dieu, 66 s. 

Pour toile à faire deux chemises aud. pauvre homme, le tout 
à la requesle du sieur de Lanuzouarn, 23 s. 6 d. 

Le 4 novembre, pour une aulne et demye de toille pour faire 
ung pourpoinct aud. sieur, 12 s. 6 d. 

A ung tailleur pour faire led. pourpoinct et une paire de 
gargaisses (1) de cramoisy brun, 12 s. 6 d. 

Pour boultons et fil, 5 s; 

Le 28 novembre, en passement gris pour meclre sur ungn 
quasecquen noir aud. sieur de Lanuzouarn, 25 s. 8 d. 

Pour une douzaine et demye de boutions de soye grise, et 
fil noir, 15 s. , 

Pour toile à doubler led. quasecquin, 5 s. 

Au tailleur pour la faezon, 5 s 10 d. 
- Pour une paire, de solliers pour led. sieur de Lanuzouarn, 
11 s. 3d. 

Plus led. tulteur bailla aud. sieur de Lanuzouarn, ung escu 
d'or soleil pour bailler à Jan Gueguen, procureur de monsieur 
Sainct Pierre, à Plouénan, (2) pour aider d'avoir une croix 
d'argent, 46 s. 8 d. 

Pour une aulne et demye de drap de cramoisy brun pour 

faire ungn ristre aud. sieur, 8 1.5 s. 

• 

Pour tjoys quartz d'estamet de cramoisy brun pour faire 
ung'çollelin aud sieur, 4 1. 2 s. C d. 
,Pour une aulne de revêche, 22 s. 6 d. 

Pour cinq onces de passement d'or à 60 s. 10 d. monnoye 
l'once, 15 1. 4 s. 2 d. 

Pour une once et demye de fil de soye jaulne, 30 s. 

Pour une aulne de taffetas jaulne pour garnir led. ristre, 45 s. 



(1) Ou mieux « garguesques » ; chausses « à la grecque, » qu'on 
appela plus tard des « grègues. » 

(2) De la fabrique delà chapelle Saint-Pierre. 



— 102 — 

Pour deraye quart de velours jaulne pour garnir le collect 
dud. rislre, 20 s. 

Pour troys douzaines de grandz bouttons larges jaulnes, pour 
mectre sur les coletins, et ung boutton de fil d'or et soye 
jaulne, 75 s. 

Pour toille fine pour fare ungn pourpoinct aud. sieur, et 
aultre loille pour le doubler, 30 s. 

Pour bouttons et fil retors pour mectre sur led. pourpoinct, 
5 s. 10 d. 

Pour la faczon desd. ristre, colletin, pourpoinct, toutz cha- 
marrés et garniz de passement, 60 s. 

1574. 

Le 15 juin led. tutteur bailla aud. sieur.de Lanuzouarn, 
ungn escu pour bailler en offrande à missire Hervé Laurens 
le jour de sa première messe, 50 s. 

Plus le jour de Sainct Jan-Baptiste et aultres jours des fes- 
tes de monsieur Sainct Jan, qui sont en effect quatre chacun an, 
pour six années, à raison de 10 d. è chacune desd. festes,20s. 

Plus led, tutteur bailla aud. sieur de Lanuzouarn pour bailler 

à Toffrende en l'esglise de Sainct Brandan à Loprenden, à 

chacune feste durant lesd. six ans, 1*0 d. 5 s. 
Pour six aulnes de toille blanche? pour faire des chemises 

aud. sieur de Lanuzouarn, 63 s. 

Pour une aulne et demye de toille bien douge pour faire les 
colletz et fronceures desd. chemises, 30 s. 

Aux cousturières pour la faczon desd. chemises et faire des 
mouchouers pour led. sieur, 20 s. 

Pour une aulne et quart de querise blanc, à raison de 30 s. 
l'aulne, 37 s. 6 d. 

 Jan Le Joloc pour faire ung quasecquiu et accoustrer les 
aultres hardes dud. sieur, 12 s. 6 d. . 

Pour ung libvre pour led. sieur de Lanuzouarn/ appelé 
Vives (?), 7 s. 6 d. 



- 103 - 

1575 

Le 1 er janvier, pour une aulne et quarl de cberge cramoisy 
brun pour faire une paire des chausses aud. sieur, à 6 1. 10 s. 
l'aulne, 8 1. 2 s. 6 d. 

Pour passement pour meclre dessus led. chausses, 46 s. 6 d. 

Pour fil de soye pour couldreled. passement et garnir les 
chausses dud. sieur, 8 s. 4 d. 

Pour une aulne de toille bien douge pour faire pourpoinct 
aud. sieur, 16 s. 8 d. 

Pour ung aultee aulne pour doubler led. pourpoinct, 10 s. 

Pour une aulne et demye de quérisse pour doubler lesd. 
chausses, 30 s. 

Pour deux douzaines de bouttons. de soye" pour mectre sur 

led. pourpoinct, 8 s. 8 d. 

Pour une douzaine d'esguilletles pour led. sieur, 20 d. 

Pour la faezon desd. pourpoinct et chausses, 50 s. 

Pour une paire de muletz et aullre paire de solliers pour 
led. sieur, 26 s. 8 ci. 

Le 2 février, à ung tailleur pour faire une raandille (1) aud. 
sieur de Lanuzouarn, d'une robe qu'il avoit auparavant, 15 s. 

Pour passement île soye pour mectre dessus lad. mandille, 
fil de soye et fil noir, 31 s. 

Pour bouttons de soye pour meclre dessus, 7 s. 6 d. 

Pour une aulne de revesche tanné, pour doubler lad. robe, 25 s. 

Le I er mars, pour troys quartz d'aulne de cherge cramoisy 
pour faire ung collectai aud. sieur, 4 1. 7 s. 6 d. 

Pour quinze aulne* de passement pour mectre dessus led.col- 
Iettin et deux douzaines et demye de bouttons longs, 78s.6d. 
'• Pour fil de- soye à couldre led. passement et bouttons, 10 s. 

Pour fil noir et croches, 3 s. 4 d. 

Au tailleur, pour la faezon dud. colletin, 20 s. 

Le 7 may, en ung chappeau pour led. sieur, 70 s. 

(1) Espèce de casaque. 



O 



— 104 — 

* Plus led. lutteur bailla aud. sieur de Lanuzouarn, pour 
donuer en l'offrende le jour des uobces de Jan Le Joloc, 
13 s. 6 d. 

Le 12 novembre, pour une aulne et demye d'estamet violet 
pour faire une paire déchausses aud. sieur de Lanuzouarn! 
7 1. 10 s. 

Pour une aulne et trois quartz de quérise pour doubler lesd. 
chausses, 35 s. 

Pouf deux aulnes de toile pour doubler lesd. chausses, 30 s. 

Pour une once de passement de soye pour mectre dessus 
lesd. chausses, et une douzaine de longs bouttons de soye, et 
demy once de fil et soye, 37 s. 6 d. 

Pour fil pers, 30 d. 

Au tailleur pour la faczon desd. chausses et redoubler les 
aultres chausses, 20 s. 

1576. 

A chacun jour de Notre-Dame led. lutteur bailloict aud. feu 
sieur de Lanuzouarn,dix deniers pour baillera l'offrende tant à 
Pensez que à Kerhellon, montant pour cincq années, à 28 s. 4 d. 

Plus led. tutteur a délivré aud. sieur de Lanuzouarn, chacun 
an durant lesd. cincq ans, troys réailes pour bailler au prédi- 
catteur qui preschoit le karesme à Ploenan, faisanlz quinze 
réailes, 62 s. 6 d. 

Le 15 mars, pour une aulne et demy quart de toille fine pour 
faire ung pourpoint au sieur de Lanuzouarn, 20 s. 

Pour une aulne d'auhre toille pour doubler ledict pourpoinct, 
10 s. 

Pour deux douzaines de boutons, 3 s. 4 d. 

Pour fil nycole, 10 d. 

Pour la faczon dud. pourpoinct et accoustrer ses chaus- 
ses, 15 s. 

Pour une paire de solliers pour led. sieur, 10 s. 10 d. 

Pour ung libvre in Ululé Bucollica Virgilii y 5 s. 






— 105 — 

Le jour de la Magdalaine,pour estamect violet pour faire ung 
bas de chausses aud sieur, 20 s. 

Pour une paire de jartiers de soye pour led. sieur, 20 s, - 

Le 4 août, pour deux aulnes el demy de tafftas cramoisy à 
bouist fil, à 105 s. l'aulne, 13 1. 2 s. 6 d. 

Pour une douzaine de boutions de soye cramoisy pour 
mectre dessus lesd. chausses, 10 s. 10 d. 

Pour deux douzaines d'aultres bouttons de soye rouge, 10 s. 

Pour demy once de fil de soye cramoisy, 10 s. 

Pour une once de fil de Paris rouge, 2 s. 6 d. 

Pour une once de passement de soye cramoisy pour* mectre 
dessus lesd. chausses, 22 s. 6 d. 

Pour troys aulnes de toille pour doubler lesd. chausses, et 
doubler ung pourpoinct de satin cramoisy, 30 s. 

Pour cherge cramoisy pour faire ung bas de chausses aud. 
sieur, 25 s. 

Pour la faczon desd. pourpoinct de satin et chausses, 30 s. 

Pour houict aulnes de toille de Mourlaix pour faire quatre 
chemises aud. sieur, 100 s. 

Pour deux aulnes et demye de toile bien fine, pour faire des 
colectz et fronceures aud. chemises et à d'aultres chemi- 
ses, 62 s. 6 d. 

Pour une douzaine d'aiguillettes de soye pour led. sieur, 10 s. 

Pour une paire de bottes aud. sieur de Lanuzouarn, 35 s. 

Pour la nourritlure d'ugn cheval que led. tutteur avoit 
achf pté pour porter led. sieur a Paris, durant ungn moys à 
fouign,pain et avoyne, 6 1. 5 s. 

Le 17 septembre, au mareschal de Ponteon pour ferrer la 
hacquenée dud. sieur de Lanuzouarn, le cheval qui porta son 
clerc maislre Auffroy Guena, et le cheval dud. tutteur, et aussi 
pour quelque nombre de clous, 35 s. 

Pour raccoustrer deux selles, Tune pour la hacquenée dud. 
sieur, et l'aultre pour le cheval dud. clerc, et pour deux rênes 
de bride, 4 1. * 



— 106 — 

Le jour de Saint Mathieu, auquel jour partist led. sieur de 
Lanuzouarn pour commencer le chemin d'aller à Paris, led. 
tuteur bailla aud. sieur ung escu pour bailler à son raaistre, 
maistre Hervé Gueguen, 55 s. 

Samedi 22 septembre, pour le soupper la nuict précédante, 
et le disner de troys chevaux à Mourlaix, 36 s. 8 d. 

Led. jour pour ung coussinet pour led. sieur de Lanu- 
zouarn, 20 s. 

Pour une paire des solliers pour led. sieur, à cause que Ton 
avoit perdu ses solliers en chemin, 18 s. (1) 

Pour ung chappeau pour led. sieur, 67 s. 

Pour ung bonet de nuit d'escarlate, aud. sieur, 20 s. 

Pour ung bonet rond noir, 20 s. 

Pour ung estuy de paingues (peignes) pour led. sieur, 25 s. 
^ Pour une escripture (écritoire) et cornet, 10 s. 

Pour ung Cousteau, 5 s. 

Pour ung ehausse-pied, 12 d. 

Pour une ceincture de soye large, pour led. sieur, 15 s. 

Pour plume et tranche plume (canif) pour led. sieur, 5 s. 

Pour une paire de gantz pour led. sieur, 5 s. 

Pour ungn coffre de bahu pour led. sieur, 7 I. 

Pour rendre led. coffre au collège, 3 s. 

Au régent pour 9on vin,' 33 s. 6 d. 

Pour ungn lict de champ (camp), 60 L dont revient pour 
une moitié, 30 1. 
Pour faire rendre led. lict au collège, 3 s. 
Pour paille pour mectre dedans led. lict, pour sa part, 3 s. 

Pour quatre aulnes de drap gris pour faire une robe longue 
et ung quasecquin pour led. sieur, à 110 s. l'aulne, 22 1. 



(I) Dans cet article et dans les 36 articles suivants la dépense, qui 
fut faite hors de Bretagne, au lieu d'être évaluée en livres monnaie de 
ce pays , comme dans le reste du compte, est donnée en livres tour- 
nois. Cette livre était d'un cinquième plus faible que la livre bretonne 
qui valait 25 s. 



— 107 — 

Pour quatre aulnes de revescbe verd,à 30 s. l'aulne, 6 1. 

Pour passement de soye verd,six onces pour garnir lesd.robe 
et quasecquin, 61. 12 s. 

Pour fil de soye verd o (avec) cincq douzaines de bouttons 
à longue queue pour garnir lesd. robe et casecquin, 4 1. 

Pour la faczon desd. robe et casecquin, 70 s. 

Pour velours verd pour le parement de lad. robbe, 57 s. 

A maistre Auffroy Gueua pour l'aider d'avoir une robbe, 
deux pistolletz d'or, 6 1. 14 s. 

Pour despens chemin Taisant à Paris, scavoir: pour led. 
sieur 4e Lanuzouirn, son clerc, led. tutteur et la moictié des 
despens d'ugn pietton que le s* de Coetlespell avoit prins 
pour faire led. voiaige, et les despens des chevaulx dud. sieur 
et son clerc, lesquieulx furent six jours aud» Paris sans estre 
venduz, et aussi pour les despens du cheval dud. tutteur du- 
rant dix jours, comprins aussi ung disner que fut baillé à 
partie des escollyers dHa nation, et les despens dud. tutteur 
et la moiclié des despens dud. pielton en retournant, 125 1. 

Au pietton pour son sallaire d'avoir faicl led. voiaige aud. 
Paris, fut poyé 7 1. 10 s. et pour une moiclié, 76 s. 

1577. 

Le 26 mai, led. tutteur délivra & sire Thomas Deleau, la somme 
de vignt- cincq doubles pistolletz d'or, pour les rendre en seurté, 
(sûreté) aud. sieur de Lanuzouarn à Paris, lors valantz 1451. 
16 s. 8 d. 

Le 13 juillet, led. tutteur délivra à maistre Julien Demay, 
sieur de Leignoudrein, la somme de vignt pistolletz d'or, pour 
les faire tenir aud, sieur de Lanuzouarn, lors valantz 65 1. 

Le 19 septembre, led. tutteur bailla au messaigier ordinaire 
de Paris, ung pacquect de lettres avecq deux demy mille raiz, 
pour faire tenir aud. sieur de Lanuzouarn et son clerc, lors 
vallantz 12 1. 

Et aud. messaigier pour sa peine, 10 s. 

Le 8 novembre, led. tutteur délivra à ung voicturier de 



- 108 — 

Normandie, qui éloit venu rendre le sieur de Rosnevcz aud. 
lieu de Rosnevez, quatre chemises et quinze pistolletz d'or 
pour les rendre aud. sieur,lesd. pistolletz lors vallanta 431 15s. 

Et lesd. quatre chemises, chacune contenant deux aulnes 
et deraye sans les collelz et fronceures, 10 1. 

Pour toille à faire lesd. colelz et fronceures, 70 s. 

Pour la faczon desd. chemises, 20 s. 

Aud. voicturier pour sallaire de rendre lesd. pistolletz et 
chemises aud. sieur, 20 s. 

Pour despens aud. tulteur qui alla tout exprès à Mourlaix 
porter led. chemises aud. voicturier, et pour led.voicturier, 20 s. 

Led. jour le messaiger ordinaire de Paris rendit aud. tulteur 
ung pacquet de lettres d'avec led. sieur de Lanuzouarn, pour 
son vin, 10 s. 

1578. 

Le 15 janvier, led. tulteur délivra à Guyon, messaigier ordi- 
naire de Paris, ung pacqueçt de lettres, pour les faire tenir 
aud. sieur de Lanuzouarn, auquel led. tuteur poya pinte de 
vin, 5 s. 

Et aud. messaigier pour sa paine deux ré ailes, lors vallanlz. 
8 s. 4 d. 

Le 2*2 .février, led. tutteur délivra au sieur de Pleiber-Crist, 
quinze demyz mille raix, pour délivrer aud. sieur de Lanu- 
zouarn, lors vallantz 40 1. 

A Guyon, messaigier ordinaire de Paris, qui rendist aud. 
tutteur ung pacqueçt de lettres d'avecq led. sieur de Lanu- 
zouarn et son pédagogie, à Sainct Paul^ pour sa paine deux 
réailes 8 s. 4 d. 

Le 29 mai, led. tulteur bailla à ung marchand de la cog- 
noissance du sieur de Coetlespell, vignt demiz mille raix, pour 
estre rendus aud. sieur de Lanuzouarn, en sûreté à Paris, lors 
valantz 53 1. 6 s. 8 d. 

Au messaigier dict Le Perch, pour sa peine d'estre venu 



- 109 — 

exprès à Lanuzouarn, rendre les lettres dud, sieur et de son 
pédagogue, 10 s 

Plus aud. Guyon,messaigier, qui rendit récipisse aud. tutteur 
d'avecq led. sieur de Lanuzouarn et son pédagogue, d'avoir 
receu les vignt demy mille raix, 10 s. 

Le 1 er septembre, led. lutteur délivra à monsieur de Ker- 
coent à Kerjean, douze doubles pistolletz d'or pour tenir aud. 
sieur de Lanuzouarn et Poulîcguen, et deux escuz pour déli- 
vrer aud. sieur de Lanuzouarn à part, 63 1. 

Articles du compte relatifs aux montres (I) et à 
l'entretien des armes de Lanuzouarn. 

1572. 

Les 9, 10 et 11 novembre, pour les despens de troys hommes 
troys chevaulx et dud. lutteur, pour avoir esté aux monstres 
générales de l'arrière ban tenuz à Saint Rennan, 7 s. 10 d. 

1573. 

Pour avoir tenu garnyson en la ville de Saint Paul, soulz le 
seigneur de Kergoumadech, durant ung moys et demy en Tan 
1572, led. tutteur depandisl la somme de 1151., à raison qu'il 
avoit deux chevaulx de service ordinairement en lad. ville, et 
ou lire pour les bagaiges et serviteurs. 

Au mois de février, pour les despens aud. lutteur, troys 
hommes et troys chevaulx, d'avoir esté aux monstres généralles 
fenuez à Lesneven, poya led. lutteur, ausd. deux hommes 
pour sallaire d'avoir esté ausd. monstres, 6 1. 

A ung fourbisseur de la ville de Mourlaix pour saize journées 
qu'il fut à Lanuzouarn, à fourbir les harnoys, pistolletz, h,ar- 
quebutlez (arquebuses), et les espées de Lanuzouarn, 60 s. 



. (t) Revue' des gens de guerre que les seigneurs devaient à leurs 
souverains. 



— 110 — 

Pour suiff de roouthon pour engresser (graisser) lesd. haraois 
et espées, 10 s. 

Le 2 juin, pour despens dud. tuteur aiant troys hommes et 
troys chevaulx pour aller aux monstres générales de l'arrière 
ban de Léon, assignés à être receuz par monseigneur du Ty- 
meur en armes en la ville de Landerneau, 7 1, (alloué 100 s.) 

1574. 

Le 22 mars, pour despens aud. tulteur,deux hommes et deux 
chevaulx estant allés aux monstres généralles de l'arrière ban 
de Léon, assignés estre tenuz à Lesneven, 41. 10 s. (alloué 50 s.) 

1575. 

Le 10 octobre, jour assigné des monstres généralles de l'ar- 
rière ban de l'éveschéde Léon à Lesneven, pour les despens de 
deux hommes, deux chevaulx et dud. tutteur, pour ce qu'ilz 
demeurèrent aud. Lesneven une nuictée, 4 1. 10 s. (alloué 50 s.) 

Le 21 desd. moys et an, pour les despens dud. tulteur, deux 
hommes et deux chevaulx, à Saint Paul, auquel on avoit esta- 
bly garnison et revueue d'armes, 25 s. (alloué 12 s. 6 d. ) 

1576. 

Le 8 mars, pour despens aud. tulteur,deux hommes et (Jeux 
chevaux allant et venant aux aïonstres généralles assignées à 
Lesneven, 4 1. 10 s. ( alloué 50 sj 

A deux fourbisseurs de Mourlaix, pour avoir esté quatre jours 
à Lanuzonarn fourbir les harnoys et les engresser, par ce que 
led. sieur de Lanuzouarn estoit mis sur le rolle pour aller à 
Fougères, fut poyé 60 s. sans les despens, ausquels baillent (sic) 
du vin à chacun repas, (alloué 50 s.) 

Pour deux livres de gresse de mouton pour engresser lesd. 

harnoys, 5 s. 

Le 25 avril, â Uhelgoet, 'chemin faisant pour aller à Kerahes, 
pour la repue d'ung gentilhomme nommé Kerouchant, filz 
Kervenou, et son servitteur, lesquielx esloint venuz expressé- 



— Hl - 

ment pour aller en garnison pour led. sieur de Lanuzouarn, 
par ce que led. sieur de Lanuzouarn estoit enrollé pour aller â 
Fougères, et aussi pour la repue dud. tulteur, son garson et 
deux chevaulx, 30 s. 

Le jeudi, 26 avril, aud. Kerahès, jour assigné des monstres 
généralles assignées d'entre tenuz aud. Kerabès, pour les des- 
peos desd. gentilhomme, dud. tulteur, desd. deux servitteurs 
et trois chevaulx, pour le jeudy et vendredy enlhier, poya led. 
tulteur à Kerahès, à raison de 10 s. pour chacune repue desd. 
gentilhomme et Tulteur, et à chacun desd. serviteurs, pour 
leur repas, 6 s. et pour la journnée {sic) de chacun cheval, 
12s., faisant en tout 10 1. (alloué 9 l.) 

Pour le disner dud. tutteur à Mourlaix, retournant de 
Kerahès, son garson et son cheval, 20 s. 

Le 1 er mai, au Squiryou, chemin faisant pour retourner aud. 
Kerahès, auquel jour il estpict commandé par monsieur le ca- 
pitaine de l'arrière ban de Léon, se trouver en tel équipaige 
qu'ilz sont tenuz servir le roy. â paine de la saisye (du fief), 
pour le disner dud. tutleur, son garson et son cheval, 15 s. 

Pour le 'soupper el la couchée desd. gentilhomme, tutteur, 
deux hommes el troys chevaulx, et pour les deux aultres jour- 
nées subsecquantes entièrement, le disner le quatrième jour 
dnd. moysà Kerahès, auquel jour led. sieur capitaine donna 
congé de partir à la compaignie jucq à nov.elle assignation, fut 
poyépar led. tutteur 15 1. (alloué 12 1. 10 s.) 

Aud. gentilhomme pour sa peine et vaccation d'avoir esté à 
Kerahès, et de là jucq à la Veigne (?) au pais de Vainnes, par com- 
mendement de monsieur le capitaine. et être venu tout exprès 
pour debvoir aller aud. Fougères, en cas de besoggn, pour led. 
s ieur de Lannuzouarn, led. tutteur bailla, par l'advis du sieur 
de Mezle (1) et en sa présence, aud. gentilhomme, quatre pistol- 



et) François du Chastel, marquis de Mezle, dont il a été question 
plus haut à propos de l'héritière de Ke roulas. 



— 112 - 

letz d'or et ung escu soleil, 12 1. 10 s. (alloué 12 1. 3 s. 4 d.) 
A son servitteur 30 s. 

Le 22 mai, pour les despens dud. tutteur, deux hommes et 
deux chevaux qui estoint ailé aux monstres généralles assignées 
à Lesneven, 70 s. (alloué 50 s.) - - 

Tapisseries. 

1572. 

Led. tutteur a poyé à des vesluriers, pour salaire d'avoir 
rendu houict pieczes de tapiscerie pour tendre, de Nantes en 
la ville de Mourlaix, 10 1. 10 s. 

En despens faisant le marché, 7 s. 6 d. 

Pour rendre lesd. pieczes de tapisserie à Lanuzouarn, fut 
poyé ausd. veictuyers (sic) 16 s. 

Services et messes. 

1573. 

Led. comptable a poyé à six prebtres de la paroisse de Ploe- 
nan pour avoir célébrée et dict une messe à notte toutz les jours 
durant ung an enlhier, en l'esglise de Ploénan, à l'intention du 
feu sieur de Lanuzouarn, père du dernier décédé, 40 1. 

1578. 

Pour six services et obitz annuelz, accoustumez d'estre 
célébrés en l'esglise parrochialle de Plouénan, chacun an à 
jours de dimanches, en l'intention de la seigneurie de Lanu- 
zouarn, dont l'on bailloicl ordinairement pour célébrer chacun 
desd. obietz, entre les prebtres et enffenlz 41 s. 8 d. monnoie, 
el pour l'office des octaves du Sacre, avecq la collation ausd. 
prebtres, 60 s. par chacun an, faisant en tout 121 1. 12 s. 4 d. 



— 113 '— 

Serment §ar des relique* h l'occasion 

d'an procès. 

1672. 

Le mercredy suivant le 10 mai, au sacriste du couvent de 
Jacobins à Morlaix, pour apparoir le Sacrement de l'autel es 
les reliques estantz oud. couvent, en présencze desquieulx l'on 
avait defféré bailler à serment décisiff à lad. Trousson de sa 
demande, (1) fut poyé par led. comptable, 5 s. 5 d. 

A monsieur le juge pour sa vaccation d'avoir assisté sur 
led. serment, 30 s. (alloué 15 s.) ' ■ 

Al'advocat dud. comptable, qui assista sur led.serment, pour 
vacation, 7 s. 6 d. 

Au greffier pour le procès et vacations d'avoir assisté sur 
led. serment, et pour la sentence donné contre led. comptable, 
15 s. (alloué 7 s. 6d.) 

Un grand nombre des articles qui précèdent intéressent 
l'histoire du vêtement. On trouvera à ce sujet dans la savante 
Histoire du Costume en France que vient de publier M. Qui- 
cberat, des renseignements qui n'auraient pu trouver place 
dans ce Bulletin, et il sera facile en rapprochant des gravures 
de cet ouvrage les indications données par le compte de 
N. de La Haye, de s'assurer que sous le rapport de la mode, la 
basse Bretagne n'était pas à la fin du XVI e siècle, en arrière du 
reste de la France. 

Les commissaires chargés de l'examen de ce compte, furent 
Jan Jenfeunteunyo, Bernard Le Bihan et Jan Kerbic. Ils 
allouèrent généralement au tuteur les sommes demandées par 
lui. Cependant, comme on peut le voir au chapitre des 
c Montres », ils taxèrent quelquefois les dépenses à un chiffre 
inférieur à celui porté au compte, et le sieur de La Haye ayant 
dans un article, réclamé le montant de sa bourse qu'il avait 



(1) Elle réclamait une somme d'argent. 

o 



— 114 — 

perdue un jour de foire à la halle de Lesneven, cette indemnité 
lui fut refusée par les commissaires. 

Le chanoine Hamon Barbier, dont j'ai parlé plus haut 
(page 66), mourut en 1544, six ans après Jean Barbier qui, 
d'après H. de Kerdanet, avait fait faire les plans et les devis 
du château de Kerjan. Il ne put donc que pendant six ans, 
prendre une part adiré à la, construction de ce château, mais 
sa grande fortune vint en aide à son neveu Louis Barbier, 
pour la mener à bonne fin. 

Hamon Barbier pétait « docteur es droitz, abbé commenda- 
taire de l'abbaye de Saint-Mathieu-in-finibus-terrarum, archi- 
diacre de Quiminidily, chanoine de Léon, officiai et grand 
vicaire dudit Léon, et recteur des paroisses de Plounévez, 
Plougar, Guimiliau, Sizun, Plouzané, Lannilis, Plabennec, 
Plouyen, Guipavas, Plounéour et Baz (1). A ces titres M. de 
Kerdanet ajoute (2) ceux de conseiller au parlement de Rennes, 
et de chanoine de Nantes et de Cornouaille (3). 



(1) Registre de fondations faites en la cathédrale de Léon. (Archives 
du Finistère.) 

(2) Notice sur le château de Kerjan, page 20. 

(3) il s'est glissé dans l'impression de cet article quelques erreurs 
dont voici les corrections : 



Page 71, 

- *t, 

- 73, 

- 73, 

- 73, 
76, 
78, 
82, 

84, 

84, 

88, 
93, 
95, 
95, 
95, 
96, 
96, 
98, 



"— 78. 1 



1 



— 95, I 

— 96, 

— 96,1 

— 98, 1 



ligne 8, au lieu de 4 1., lisez 4 s. 

ligne 12, au lieu de 15 ., lisez 15 d. 

note 1, au lieu de Saint-Meloir, lisez Saint-Meloir ? 

'igné 2 de la note 2, au lieu defillds, lisez filles. 

gne 3 de la même note, au lieu de appelé, lisez appelait 

igné 19, au lieu de 10 s., lisez 40 l. 

gne 7, au lieu de 22 1. 15 s., lisez 23 1. 15 s. 

gne 6, au lieu de 33 1. 4 s., lisez 33 s. 4 d. 

gne 19, au lieu de 46 s., lisez 45 s. 

gne 26, au lieu de 100 1., lisez 100 s. 

gne 13, au lieu de 10 s. 15d., lisez 40 1. 15 s. 

gne 6, au lieu de 55 s., 6 d., lisez 55 I. 6 d. 

gne 28, au lieu de 10 1. 5 s,, lisez 45 s. 

gne 30, au lieu de 10 l., lisez 40 s. 

gne 33, au lieu de 4 1.2 s, lisez 4 s. 2 d. 

gne 1, au lieu de 4 s. 4 d., lisez 3 s. 4 d. 

gue 19, au lieu de 57 l. r lisez 57 1. 13 s. f d. ob. 

gne 17, au Lieu de 10 1. 5 s., lisez 45 s. 



— us — 

Après quelques observations échangées entre 
MM. Lorans, Faty, Fougeray, Audran et Le Men, au 
sujet de la nature de la tutelle de N. de La Hay, 
M. le Président lit la notice suivante de M. le comte 
Anatole de Bremond d'Ars, qui n'a pu assister à la 
séance. 

Notice sur quelques antiquités celtiques et homahœs de 

LA COMMUEE DE RlEC (FiBISTEBE). 

La commune de Riec, renferme un certain nombre de mo- 
numents celtiques qui n'ont pas été étudiés avec toute l'atten- 
tion qu'ils méritent : il est vrai de dire qu'ils sont restés à peu 
près inconnus jusqu'à ce jour. 

Sur le bord de la voie romaine de Carhaix à Riec (et de ce 
dernier lieu à la rivière de Bélon), voie citée par M. René 
Kerviler dans le mémoire que ce savant ingénieur a publié .sur 
la géographie de la presqu'île armoricaine (Bulletin de 
V Association Bretonne) , et tout près de l'ancien manoir de la 
Porte-Neuve, on voit encore les restes informes de menhirs, 
tumulus, dolmens et allées couvertes. Un monument de 
cette dernière espèce existe à côté^de remplacement où s'éle- 
vait jadis une chapelle dédiée à saint Julien. 

C'est dans le bois, les champs et les landes situés en face de 
cette allée, que se trouvant: 1° un menhir gisant à terre peut* 
être depuis des milliers d'années, et brisé en deux ou trois 
tronçons ; — 2° les ruines d'un assez grand dolmen, renversé 
il y a vingt ans, et au pied duquel était, — dit-on, — un 
amas de cendres ; — 3* une sorte de cromlec'h qui n'a pas dû 
être exploré par des archéologues, puisque après quelques 
coups de pioche autour de la pierre principale, on trouva une 
amulette formée d'une pierre plate en forme de trapèze, et 
percée à la partie supérieure, d'un trou dans lequel passait le 
W du collier dont sans doute elle faisait partie. 



— 116 — 

11 serait difficile de pratiquer des fouilles plus étendues, 
autour de ce monument situé au milieu d'un bois et environné 
de souches énormes qu'il faudrait enlever. 

Ces divers monuments de l'époque celtique semblent se 
relier enlr'eux jusqu'à la côte, au lieu nommé Keryquel où 
H. L. Augustin a crû reconnaître les traces d'un ancien camp 
ou Oppidum gaulois. La voie romaine aboutit également à une 
très-petite distance de cet endroit, dans le parc du château de 
]a Porte-Neuve, sur la rivière de Bélon, et en passant auprès 
de l'antique et si renommée chapelle de Saint-Léger. Cette 
partie du parc se nomme encore Treiz-Coz, Je vieux passage. 

C'est là, sur ce petit promontoire d'où la vue s'étend fort loin 
à droite et à gauche sur la rivière, que l'on a découvert, il y a 
six ou sept ans, les vestiges d'une villa ou mansion romaine. 
L'emplacement était merveilleusement choisi, aussi bien pour 
l'agrément et la salubrité, que pour la sûreté des habitants, en 
cas d'attaque ou de surprise du côté de la mer. 

En creusant des trous pour des plantations, on avait souvent 
amené à la surface du sol, des pierres de dimension uniforme, 
des fragments de briques, des débris de ciment : c'était bien 
l'indice d'anciens murs, et c'est guidé par ces quelques points 
de repère que l'on parvint à déblayer le sol d'une chambre 
mesurant une superficie de 4 m. 60 c. sur 3 m. 60 c; l'épais- 
seur des murs mis àjour à fleur de terre, est de m. 60 c. 

C'est à m. 50 c. au dessous du* niveau actuel du terrain, 
que l'on arriva à une terrasse parfaitement unie et formée de 
béton ou ciment que l'air ne tarda pas à décomposer. 

On retira de l'intérieur de cette pièce, d'abord des masses 
de pierres calcinées, puis des briques à rebord ainsi que des 
briques plates, et des enduits de chaux recouverts de peintures 
aux vives couleurs, enduits tantôt unis, tantôt moulés comme 
le sont les corniches et les plinthes. 

On trouva aussi une sorte de conduit calorifère, formé do 
terres cimentées et de très-grosses briques, traversant en dia- 



- 117 - 

gonale le sol de la chambre de l'est à l'ouest, pour arriver dans 
un angle où apparaissaient les traces d'un foyer ou four- 
neau. 

Malheureusement, il n'a pas été possible de continuer les 
fouilles : d'énormes chênes, deux ou trois fois séculaires, éten- 
dent leurs racines dans la terre qui recouvre ces ruines ; mais 
la configuration du sol permet, jusqu'à un certain point, de 
juger de l'importance de ces anciennes constructions, vraisem- 
blablement détruites par un incendie. 

Un archéologue expérimenté pourrait même décider si cette 
villa ne fut point bâtie sur le même plan que celle découverte 
au Pérennou, sur les bords de l'Odet : nous sommes portés h 
le croire. Si ce n'est pas le même architecte qui présida à 
cette construction, on serait tenté de croire que c'est le même 
peintre qui décora les plafonds et les lambris de cette habita- 
tion : villa, roansion, station balnéaire ou tout simplement, 
maison du gardien du passage ou du port. 

C'est en effet, à cet endroit, dans cette crique auprès de la 
voie publique, que devait être le port primitif (aujourd'hui 
nommé Pors-Kerc'heiz, le Port du Héron : on y voit souvent de 
ces oiseaux), abandonné plus tard par suite de l'envasement. 
On alla naturellement aborder dans l'anse la plus voisine, qui 
reçut ainsi le nom de Porz»Nevez y le Port-Neuf, d'où l'appella- 
tion actuelle de Porte-Neuve (1). 

Voici la liste des objets trouvés dans les localités que l'on 
vient de décrire,et offerts au Musée d'Archéologie de Quimper 

1° L'amulette trouvée au pied du cromlec'h du bois de 
Saint-Julien ; 

2° Plusieurs fragments de diverses sortes de briques, trouvés 
sur l'emplacement de la villa gallo-romaine ; 



(1) Ce château parait avoir été construit dans les conditions men- 
tionnées à la page 97, note 1. 



— H8 — 

3° Des débris du plafond et des enduits intérieurs de la 
chambre ; 

4* Quelques morceaux de verre, débris de vases ou de bou- 
teilles ; 

5* Des fragments d'enduit calciné ; 

6° On a joint à cela deux des vieilles monnaies que l'on trouve 
le plus fréquemment dans la cour et les environs du château 
lorsqu'on a l'occasion de fouiller le sol ; monnaies que Ton a 
déjà montrées à notre savant confrère et vice-président, H. Fran- 
çois Audran (1). 

Ajoutons, en terminant, que ce manoir de la Porte-Neuve a 
dû être construit sur remplacement de quelque habitation 
d'une bien grande ancienneté. Le jardin actuel occupe certaine- 
ment l'espace compris dans une sorte d'Oppidum, comme l'in- 
dique un très-vieux mur, ou plutôt un rempart dont l'appareil- 
lage intérieur démontre que ce rempart (où se voil encore l'en- 
trée primitive) date au moins des premiers temps du moyen 
âge (2). 

C'est ce que notre confrère H. Le Men, aurait pu nous dire 
sûrement, s'il avait été à même de comparer ces ruines à celles 
des Oppidum du Finistère qu'il a décrits avec autant de science 
que d'autorité dans le Bulletin de l'Association bretonne. 

Comme supplément aux renseignements qui précè- 
dent, M. de Bremond d'Ars nous adresse la note 
suivante : 

On sait que la fontaine de Saint-Léger, située dans le parc 
de la Porte-Neuve et voisine de la villa romaine, est le but 
d'un pèlerinage très-suivi, qui a lieu chaque année le jour du 



(1) Ce sont des doubles tournois. 

(2) La terre de la Porte-Neuve a successivement appartenu aux famil- 
les Morillon, de Guw-Pontcallec et de Bruc-Malestroit. — Vendu en 
1834, par M. le comte Armand de Bruc, à M. Arnaud, de Nantes, le 
château de la Porte-Neuve appartient actuellement à madame la com- 
tesse de Bremond d'Ars. 



— 119 — 

pardon, le deuxième dimanche de juillet. Cette fontaine, en 
grande vénération dans toute la contrée, doit remonter à la 
plus haute antiquité ; mais le monument actuel ne date que 
de Tannée 1656, d'après l'inscription gravée au-dessus de la 
niche où est placé le buste de saint Léger. Ce buste n'est, sans 
doute, qu'un débris de quelque vieille statue du XI e ou 
XII e siècle, si l'on en juge par la forme de la mitre et de la 
crosse du saint évoque d'Autun. 

Ces jours derniers, en nettoyant le bassin de la fontaine, on a 
trouvé une petite pièce de monnaie presque fruste, et qui, à la 
première vue, avait toute l'apparence d'une pièce d'or méro- 
vingienne. Mes illusions d'antiquaire, un moment partagées par 
notre confrère M. Audran, témoin de la découverte, se sont 
dissipées devant les explications de mon ami H. Anatole de 
Barthélémy, à qui j'envoyai cette médaille : 

« La pièce que vous' me soumettez — me répondit le savant 
« numismatiste — n'éclairera pas beaucoup l'histoire de la 
« fontaine de Saint-Léger : je vous l&retourne en vous garantis- 
« sant : 1° Qu'elle n'est pas en or ; 2° que c'est un double lour- 
« nois de Charles de Gonzague, comme comte de Bethel 
« (1637-1659). Seulement, je dois vous prévenir qu'en curant 
« avec soin le bassin des anciennes fontaines, objets de péleri- 
« nages, on peut trouver des choses fort anciennes. C'est dans 
« une fontaine de Saintonge que j'ai trouvé , il n'y a pas bien 
« longtemps, un vrai trésor de monnaies gauloises. » 

En terminant cette lecture, M. le Président remercie 
au nom de la Société, M. de Bremond d'Ars des dons 
qu'il a bien voulu faire au Musée. Il est à désirer que 
cet exemple soit suivi par d'autres membres de la 
Société. 

M. Le Men demande ensuite la parole pour com- 
muniquer à l'assemblée le compte-rendu fait par notre 
regretté président M. A. de Blois, d'une fouille qui 



— 120 — 

remonte à 1845, et qui offre des particularités assez 
curieuses. 

* fouilles d'ote sépulture gallo-romaine près QUIMPER. 

Une intéressante découverte vient d'avoir lieu dans la com- 
mune d'Ergué-Armel, sur les bords du chemin qui mène du 
bourg communal à la grande route de Rosporden. 

Le 18 irai dernier (1.845), des ouvriers en creusant pour 
réparer le fossé d'un champ dépendant de la ferme de Keran- 
coêt à M. Prosper Leguay, rencontrèrent des fragments de 
poterie. H. Leguay, qui se rendit aussitôt sur les lieux, 
reconnut un tumulus dans le léger exhaussement que le sol 
offrait dans cette partie. La clôture que Ton s'occupait à 
réparer, en coupait l'extrémité méridionale ; c'est ainsi qu'en 
rafraîchissant la douve, on avait pu mettre h découvert des 
objets enfouis sous ce tertre. On déblaya avec soin près des 
fragments et Ton aperçut bientôt, rangés autour d'une pierre 
fiche taillée, semblable à une borne quadrangulaire, quatre 
vases remplis de cendres et de parcelles d'ossements. Les 
ouvriers avaient trouvé la veille, près de ces fragments, une 
monnaie espagnole de Philippe II avec le millésime de 1568, 
el une monnaie romaine n'offrant de reconnaissable qu'une 
effigie qui a paru devoir être celle de Trajan. 

Les fouilles qui n'embrassaient oncore que la moindre partie 
de cette surface élevée, ont été reprises par M. Leguay. Elles 
ont fait découvrir deux autres bornes, mais de forme cylindri- 
que, dont chacune était cantonnée de quatre vases cinéraires 
mieux conservés. L'une des pierres, celle du centre, était 
plus grande que les autres. Elles étaient espacées à trois pieds 
environ de distance au centre du tumulus, sur une ligne nord 
et sud, celle de forme carrée au midi et la plus haute des deux 
autres au milieu. La première a deux pieds de haut et treize 
pouces à la base de la face la plus large de son carré, les deux 



— 121 — 

autres diffèrent par leur diamètre, d'un pied et demi à deux 
pieds. 

Le tumulus qui a trente-six pieds environ de diamètre, 
n'était élevé que de quatre pieds ; le sommet des pierres, au 
pied desquelles étaient posées les urnes, se trouvait presque à 
l'affleurement de sa surface. Ces vases n'avaient pas de 
couvercle en poterie ni d'autre opercule qui en tint lieu 
suivant les usages funéraires des Romains ; au-dessus on 
remarquait un lit de pierrailles de quelque épaisseur. Us 
sont plus ou moins fendus soit par la pression des terres, soit 
par la dilatation que l'humidité a fait subir aux cendres. Leur 
dimension est fort inégale. Les deux plus grands qui sont 
dans la forme des pots dont on se sert pour le lait dans nos 
campagnes, ont environ dix-huit pouces de hauteur, et quinze 
de largeur dans leur renflement; il y en a un petit de forme 
globulaire qui n'a pas six pouce3 de haut. Ceux de ce dernier 
modèle ont un col évasé, d'autres qui rentrent plus dans la 
forme des premiers, se distinguent par un col presque droit ; 
ils ont en général de huit à neuf pouces de haut. On n'a vidé 
qu'un seul de ceux provenus de la seconde découverte; il ne s'y 
est pas rencontré de médaille. 

Quant à la confection de ces vases, les grands sont d'une 
pâte grise, peu épaisse, grossière, mal cuite ; les autres sans 
être ornés (l'on sait que les Romains n'employaient, dans leurs 
tombeaux que des vases unis), ont un certain mérite de forme 
et de matière. Us sont d'une teinte rouge plus ou moins foncée, 
et assez polis pour; qu'on puisse croire d'abord qu'ils sont ver- 
nissés. 

Les vestiges de combustion marqués à la base du tumulus, 
attestent qu'il a été dressé sur Vustrinum ou emplacement du 
bâcher. On a rencontré près des urnes, une tige arrondie de 
métal, courbée de manière à former un bracelet, qui est 
tellement altérée qu'on ne voit pas bien si c'est de l'argent. 
L'on a recueilli aussi des morceaux de fer très-oxidé, dont le 



■j 
i 



— 122 — 

rapprochement annonce un poignard avec manche. On dépo- 
sait dans les tombes des objets qui avaient servi au morl. 

Ce mélange des usages de la Gaule et de Rome, indique 
assez une sépulture gallo-romaine, c'est-à-dire de Gaulois 
déjà façonnés aux mœurs des Romains. Quant à la date qu'il 
conviendrait de lui assigner, tout ce que nous pouvons faire 
observer, c'est que Ton s'accorde à reconnaître que dès le 
troisième siècle de notre ère, on enterrait souvent les corps 
sans les brûler et que dû temps de Constantin, c'est-à-dire au 
commencement du IV e siècle, ce dernier mode d'inhumation 
avait entièrement prévalu dans la Gaule. En admettant que la 
médaille soit de Trajan qui mourut en Fan 117, ce tombeau se 
placerait avec assez d'apparence entre le milieu des II § et {II e 
siècles. On a signalé destumulus du IV e siècle ; il en est qui 
ont servi d'insigne à la sépulture de chrétiens, on croit môme 
qu'il peut s'en rencontrer du V* siècle ; mais à ces époques 
ce ne sont pas des cendres, ce sont des squelettes qu'ils recou- 
vrent. Tel est le résultat des recherches du savant auteur du 
Cours d'antiquités monumentales. (V. tome 3, chapitre VII). 

La masse des cendres contenues dans les douze urnes, porte 
à croire que plusieurs reçurent à la fois les honneurs funèbres 
sur le même bûcher. C'étaient peut-être des soldats tués dans 
un engagement. Doit-on regarderie nombre de ces pierres ou 
bornes comme une indication du nombre des personnes inhu- 
mée ? Doit-on s'arrêter de préférence à celui des urnes, ou 
bien ce dernier nombre serait-il ici un hommage rendu aux 
douze grandes divinités? Ce sont des questions que. l'état des 
connaissances sur les gallo-romains ne semble permettre pas de 
résoudre. Nous serions cependant disposés en faveur de la 
première opinion. 

Nous terminerons cette notice en disant qu'aucun monument, 
qu'aucune voie romaine n'a été remarquée dans le voisinage. 

II est juste de convenir qu'à cet égard, les études sont bien 
peu avancées dans ce pays. Mais la position si fréquente des 



— 123 — 

anciens tombeaux le long des voies romaines, devra faire explo- 
rer ici, pourvoir s'il n'existait pas dans celte direction quel- 
qu'une conduisant à Locmaria. 

Après cette lecture, M. Le Men ajoute : 

La conjecture de M. de Blois, au sujet de l'existence, 
dans le voisinage de ce tumulus, d'une voie romaine 
conduisant à Locmaria, étaient des mieux fondées, et 
je pense qu'il fut le premier à donner, en 1849, au 
Congrès de l'Association bretonne à Quimper, la des- 
cription de cette voie qui partait de Vannes et venait 
aboutir à ce faubourg* J'ai publié dans ce Bulletin (1) 
le tracé de cette voie, sur le bord de laquelle était 
placé le tumulus fouillé par MM. de Blois et Le Guay. 

Des douze urnes trouvées dans les fouilles, M. Le 
Guay put sauver six dont quelques-unes fort mutilées, 
qui font aujourd'hui partie du Musée d'archéologie. 

Ces urnes faites d'une terre brune et fine, sont de 
fabrique indigène. Quatre d'entre elles, hautes de 
20 centimètres sont de forme ollaire et à fond plat. Une 
cinquième de forme presque orbiculaire et à fond 
relevé en dedans, a sa panse surmontée d'un col 
recourbé à l'extérieur. Il ne restait de la sixième que 
quelques petits fragments adhérents à la terre ren- 
fermée dans le vase dont elle reproduisait le moule 
intérieur. Cette dernière urne avait la forme d'une 
jatte. 

Lorsqu'il y a deux *ou trois ans, je débarrassai ces 
urnes de la terre et des ossements brûlés qu'elles con- 
tenaient, je trouvai dans une des plus grandes, une 

(I) T. III, p. 179 bis. 



__ 124 — 

fibule en fer, formée d'une tige recourbée à ses deux 
extrémités. La petite urne renfermait aussi une fibule 
en fer ayant la forme d'un anneau strié sur son contour 
extérieur. Enfin dans le dernier vase décrit plus haut, 
ou plutôt dans la terre qui en avait conservé la forme, 
était une bague formée d'une petite bande de bronze, 
aplatie et sans ornementation, dont un des bouts se 
logeait dans une petite ouverture pratiquée à son 
extrémité opposée. 

Ces trois objets, les deux fibules et l'anneau, avaient 
été brisés intentionnellement, en petits morceaux, et 
ce ne fut pas sans difficulté, que je parvins à réunir 
et à coller tous ces fragments, pour rendre leur forme 
primitive aux ornements dont ils faisaient partie. 

Deux fragments de bracelets en bronze, et deux 
fragments de fer, très-oxidés, que les explorateurs ont 
supposé provenir d'un poignard, avaient été_ déposés 
au Musée en même temps que les urnes. Après avoir 
soigneusement nettoyé ces deux fragments de fer qui 
s'ajustaient l'un à l'autre, j'ai découvert, sous la 
rouille un instrument ayant quelque ressemblance 
avec une clef. Je pense que cet instrument était ren- 
fermé, ainsi que les deux fragments de bracelets en 
bronze, dans quelques-unes des urnes qui ont été 
brisées pendant l'exploration. 

Le monument de Kerancoët présente une particu- 
larité remarquable qui n'a pas été relevée dans le 
compte-rendu qui précède. Il est en effet l'expression 
de deux modes bien distincts d'inhumation. Dans les 
trois bornes au pied desquelles les urnes cinéraires 
étaient groupées quatre par quatre, il est facile de 



— 125 — 

reconnaître les cippes en usage chez les Romains pour 
marquer les sépultures, et dont les lec'hs que Ton 
retrouve encore en si grand nombre dans les cime- 
tières et sur le bord des chemins en Basse-Bretagne,- 
ne sont que la continuation. Il est évident que ces 
pierres taillées avec soin dans la partie qui se trou- 
vait au-dessus du sol, étaient destinées comme les 
cippes romains à demeurer visibles. La sépulture 
primitive avait donc été établie suivant le rite funé- 
raire usité à Rome. 

Plus tard, par suite d'une coutume en usage chez 
les Gaulois, chaque individu passant près de cette 
sépulture, y jetait une pierre en témoignage de respect 
pour la mémoire de ceux qui y étaient inhumés. Il en 
résulta, au bout d'un ■ certain temps, que toutes ces 
pierres amoncelées formèrent une éminence ou 
carn(\), au milieu de laquelle les trois bornes tail- 
lées disparurent entièrement. 

Les Gallois lorsqu'ils souhaitent du mal à quelqu'un, 
lui disent : « Carn ar dy wyneb » (qu'un carn soit sur ton 
visage ! ) Quelques archéologues du pays de Galles, 
commentant cette locution, ont prétendu que lorsque 
l'usage d'enterrer dans les cimetières, devint général, 
le carn fut réservé* pour la sépulture des grands crimi- 
nels, et que la phrase galloise que je viens de citer, 
signifie : « Puisses-tu être enterré comme un criminel ! » 
Us en tirent cette conséquence : que c'est en signe de 
mépris qu'à une certaine époque, on jetait des pierres 
sur les sépultures. 



(f) Le carn ou galgal est une éminence factice formée de pierres 
plus ou moins grosses. Le carn de Kerancoêt était en grande partie 
composé de pierres d'assez petite dimension. 



— 126 — 

Je suis loin de partager cette opinion, et je pense 
que cette expression galloise signifie simplement : 
« Puisses-tu être sous un carn, » c'est-à-dire : « Puis- 
ses-tu être mort ! » 

Cet usage de jeter une pierre sur les tombeaux 
placés le long des chemins, existe encore aujourd'hui 
dans quelques parties du Finistère ; mais, loin qu'on 
y attache une idée de mépris, cet acte s'accomplit 
toujours avec un sentiment de respect pour les morts 
qui en sont l'objet. J'ai publié ailleurs (1) des exem- 
ples de cette coutume, que je ne crois pas inutile de 
reproduire ici à l'appui de ma thèse. 

Entre le pic de Menez-Hom, où est situé l'observa- 
toire, et celui qui porte le nom de Menez-Kélc'h (mon- 
tagne du cercle), sur le bord d'une ancienne voie 
romaine, est un carn ou galgal fort curieux appelé 
Bern-Mein (tas de pierres), sur lequel ceux qui tra- 
versent la montagne jettent une pierre en passant. 
U s'y rattache une légende nom moins curieuse ; la 
voici dans toute sa simplicité : 

Un roi dont la vie n'avait pas été exemplaire, fut 
enterré dans cet endroit, et on recommanda des bon- 
nes œuvres pour retirer son âme du purgatoire. 
Depuis ce temps, chacun jette une pierre en passant 
dans le lieu où il fut enterré* Quelques femmes même 
en prennent plein leur tablier et les jettent sur le 
Bern-Mein. Chacun de ces actes est regardé comme 
une bonne œuvre qui soulage l'âme du défunt. Mais 
elle ne sera réellement délivrée que lorsque le las de 



(I) Oppidums du département du Finistère, p. 176. 
du Congrès de l'Association bretonne, tenu à Quimper en 



— Mémoires 

1873. 



s 



— 127 - 

pierres sera agsez élevé pour qu'elle puisse voir V église 
de Sainte-Marie. Cette église que Ton appelle ordinai- 
rement Notre-Dame ou Sainte-Marie de Menez-Hom,se 
trouve dans la montagne à deux ou trois kilomètres du 
Bem-Mein, sur le bord de la route de Châteaulin à 
Crozon. D'après cette légende, l'âme du défunt remplit 
le tas de pierres ; et c'est seulement lorsque le tas de 
pierres sera assez élevé pour que de son sommet CETTE 
AME puisse vpir le clochéfr de Notre-Dame, qu'ELLE 
sera délivrée. 

Voici un autre exemple . de carn de formation con- 
temporaine : 

En parcourant, en 1868, les montagnes d'Are, à la 
recherche des monuments antiques, je remarquai, 
plantée sur le bord d'un petit chemin, en la commune 
d'Hanvec (Finistère), une croix de bois qui, d'après 
l'inscription qu'elle portait, n'y avait été placée que 
depuis quelques mois. Mais ce qui attira surtout mon 
attention, fut un tas de pierres d'assez petite dimen- 
sion, qui entouraient le pied de la croix. Une vieille 
femme qui vint heureusement à passer dans ce lieu 
désert, et que j'interrogeai sur l'origine de cette croix, 
m'apprit qu'elle avait été érigée en souvenir d'un 
malheur qui était arrivé en cet endroit. Un fermier 
d'un village voisin y avait été écrasé par sa charrette. 

— « Et le tas de pierres qui se trouve au pied de la 
croix, ajoutai-je, comment s'est-il formé ? » 

— « Ah ! me répondit la vieille femme, c'esi que 
toutes les personnes qui passent par ici, ont l'habitude 
de jeter une pierre au pied de la croix. » 



j^ 



— 128 — 

L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à 
quatre heures et demie.' 

Le Secrétaire, 

R.-F. LE MEN. 



Dons offerts au Musée départemental d'archéologie. 



M. HUON, de FouesnanÊ 

Une petite clef en fer dont l'anneau est formé d'un 
quatre- feuilles. 

Un sceau en bronze, représentant le Christ en croix. 

Uu petit bronze de Gallien, trouvé à Cheffontaines, 
en Clohars-Fouesnant. 

Une double réale espagnole de Ferdinand et Isabelle. 

Un jeton en bronze portant de- chaque côté en 
légende les mots IESVS KRISTVS : G. 



M. E. LE MOYNE, membre de la Société. 
Une monnaie d'argent de Phillippe II, roi d'Espagjie. 
Une médaille commémorative de la construction du 
Pont-Royal à Paris. 



M. le Vicomte DE LA V1LLEMARQUÉ, président 
. de la Société. 

Quatre panneaux sculptés, du XVI e siècle. 



M. A. CRÉACTHCADIC, trésorier de la Société. 
Une boussole chinoise . 



— ta» — 

M. F, AUDRAN, vice-président de la Société. 

Une pièce d'argent de Lonis XIV, trouvée près 
Quimperlé. 



Dans sa séance du 28 octobre 1876, la Société archéologique 
du Finistère, a prononcé h l' unanimité la radiation du nom de 
M. Maufras-Duchâtellier de la liste de ses membres» 

A la suite de cette mesure, M. Ducbâtellier a adressé par mi- 
nistère d'huissier, à M. delà Villemarqué, président, une protes- 
tation, rédigée dans des termes tels, que la Société en a refusé 
l'insertion dans son Bulletin. 

Par jugement du 19 juillet 1877, le tribunal correctionnel de 
Quimper, reconnaissant que la protestation ne pouvait être 
insérée dans le Bulletin, sans modifications, a débouté de ses 
conclusions, M. Ducbâtellier lui réservant son droit de réponse. 

Le tribunal, s'appuyait sur les considérants qui suivent : 

« Attendu que la lettre du sieur Ducbâtellier n'est pas 
seulement empreinte d'une grande vivacité, mais que dans 
eertains passages, elle peut être considérée comme ayant un 
caractère diffamatoire à l'égard d'un tiers représenté comme 
un maraudeur qui se serait rendu coupable d'un détournement, 
et vis-à-vis certains membres de la Société qui auraient eu 
des relations avec lui, à l'occasion de ce détournement; n 

c Attendu dès lors que c'est à bon droit que le sieur Hersart 
de la Villemarqué a refusé l'insertion de cette lettre dans le 
Bulletin qu'il dirige ; » 

« Par ces motifs, » 

« Déboute le sieur Duchâtellier de sa demande, le condamne 
aux dépens, et lui réserve son droit de réponse dans les termes 
admis par la loi. » 

Par acte d'huissier du 20 juillet 1877, signifié le 31 août, 
M. Duchâtellier a adressé au président de la Société, la 
réponse suivante que nous reproduisons textuellement. 

8 a. 



— 150 — 



Kernuz, près Pout-1'Abbé, 20 juillet 187 . 

A M. Hersart de la Villemarqué t Président de la Société 
archéologique du Finistère^ demeurant à Quimperlé. 

Monsieur, 

La Société archéologique du Finistère s'est occupée de moi 
dans deux séances, Tune du 16 août, l'autre du 28 octobre 1876. 
Je vous requiers, d'après la loi, d'insérer* dans le plus prochain 
numéro du Bulletin de ladite Société, la réponse ci- dessous aux 
asserlations (sic) malveillantes que . contiennent vos procès- 
verbaux et vos bulletins. 

D'abord, il est faux que j'aie publié aucune photographie 
d'aucun monument que ce soit, et il est faux, par conséquent, 
que j'en ai (sic) refusé à la Société archéologique, ainsi que 
vous le dites (1). Vous ajoutez, d'une autre part, que je devais, 
comme membre, vous faire participer aux nombreuses décou- 
vertes que j'ai faites dans le Finistère, et que j'ai gravement 
manqué à mes devoirs en faisant mes communications à des 
Société (sic) étrangères au département. Mais pardon ! Je n'ai 
fait/que je sache, aucune découverte dans le Finistère, et, par 
suite, je n'ai rien communiqué à cet égard aux Sociétés étran- 
gères que vous mentionnez. Cette seconde assertion de votre 
part est donc encore fausse et malveillante. Mais revenons au 
reproche d'avoir manqué à mes devoirs. Je n'ai en effet assisté 
qu'à une de vos séances, pour y lire une courte notice sur les 
travaux de l'illustre et regretté M. de Cummonf, auquel 
une amitié de trente ans me liait étroitement. Une autre lois, 
cependant, je vous ai fait remettre un bel ouvrage d'archéologie 
et d'histoire que j'avais obtenu de la Société de r Yonne, dont je 
suis membre, pour vous l'offrir. Si je n'ai pas assisté à d'autres 
séances, c'est que j'avais trop justement prévu, ainsi que me 
Pont prouvé les deux procès-verbaux dont je suis forcé de 
demander la rectification, que mes rapports avec certains 
membres de la Société manqueraient de cette courtoise bien- 
séance à laquelle je suis habitué. Mais passons, et permettez- 
moi de rectifier les faits que vous altérez avec tant de facilité 
et de malveillance. 

Vous assurez que j'ai écrit an préfet pour lui demander un 
blâme contre plusieurs membres do votre Société; ne vous en 
étonnez pas, mais je suis encore forcé de vous dire que cela 
est faux. Je n'ai rien écrit au préfet, seulement je sais que 
l'un de vous, M. Le Men, votre secrétaire habituel, a écrit à la 



(1) La photographie a été faite, sinon publiée, et la Société n'a pu 
s'en procurer un exemplaire . 



— 131 ~ 

préfecture, à l'occasion des recherches que faisait mon fils à 
Tronoën, et que ce même monsieur disait que divers objets 
trouvés à Tranoën, un fragment de statuette en bronze, plu- 
sieurs fibules et quelques objets en fer lui avaient été remis (1). 
Vous savez cependant, pour avoir vous-même sollicité de la 

Î propriétaire de Tronoën la faculté île faire des fouilles sur les 
ieux, que jcette autorisation a été donnée à mon fils par un 
acte en due forme qui lui a transporté la propriété de tous les 
objets trouvés, à la condition de payer à M"* e do Marijgny la 
moitié de leur valeur, à dire d'experts (*2). Que, malgré ce 
traité et ces arrangements pris avec la propriétaire, il soit ques- 
tion, dans les deux procès-verbaux précités d'une mission 
donnée à quelques membres delà Société, pour l'exploitation {sic) 
des lieux et aussi d'enquête sur les torts que vou- m'attribuez, 
il aurait au moins été honnête et bienséant, avant de me 
reprendre sur les faits articulés dans cette enquête, que vous 
me fissiez connaître celle-ci. Ce procédé était élémentaire» 
Quant au rapport de ces messieurs sur la mission qu'ils avaient 
reçue, je de vais être la première personne à qui vous eussiez dû 
en donner connaissance, puisque vons aviez a me blâmer d'une 
manière si absolue à l'égard des fouilles de la station archéo- 
logique de Tronoën, ou je n'ai jamais eu d'autre rôle que celui 
de simple spectateur. Je vous renouvelle donc la sommation 
expresse d'insérer la présente lettre dans votre plus prochain 
numéro, afin que chacun sache, de vous ou de moi, qui a été 
le plus scrupuleusement respectueux de la vérité et des usages 
ordinaires de toute société adonnée a des études scientifiques. 

Enfin, en me réservant tous droits ultérieurs sur le fait propre 
de diffama lion, je demande cinquante evemplaires du proces-ver- 
bal qui contiendra la présente réclamation (3), afin que je puisse 
m'assurer que mes rectifications arriveront aux personnes 
étrangères à votre Société, et notamment aux adjoints et aux 
membres du Conseil municipal de Pont-1'Abbé, auxquels vos 
procès-verbaux ont été adressés, sans doute pour leur instruc- 
tion personnelle, ou dans l'intérêt des besoins de la commune 
dont j'ai l'honneur d'être maire (4). 

Signé : Duchatellier, 

Correspondant de l'Institut et de la Société centrale 
d'agriculture. 



(1) Ce même monsieur déclare qu'il n'a jamais écrit au préfet à ce 
sujet. 

(2) Cette autorisation donnée par acte notarié est postérieure aux 
visites faites à Tronoën par les délégués de la Société, 

(3) Ces cinquante exemplaires sont mis à la disposition de M. Ducha- 
tellier, à raison de 1 franc l'exemplaire. 

(4) M. Duchatellier était en effet maire de Pott-l'Abbé le 20 juillet 
1877. Il ne l'est plus aujourd'hui, n'ayant pas été élu membre du 
Conseil municipal. 



— 13Î — 

Pour approbation de ée qui est ci-dessus : 

DUCHATBLLIKB. 

Enregistré 4 Pont-l'Abbé, le dix août i«7, folio 62 r., c. 7. 
Reçu trois francs, décimes soixante-quinze centimes. Signé 
illisible. 

Pour copie conforme, 

B. JOUAHHO. 

L'an mil huit cent soixante-dix-sept, îe trente et un août, 
A la requête de M DuchâteltieT, propriétaire et membre dg 

li sorièiH archéologique du Finistère (1J, demeurant à sa terre 

de Kernuz, en la commune de Pont-l'Abbé, 

rai, Pierre-Marie-BellonnieJouanno, huissier-audiencier près 
le tribunal civil de Quimperté, y demeurant, place de la Mairie, 
soussigné. 

Fait sommation à M Hersart de la Villernarqué, propriétaire» 
en sa qualité de Président de la Société archéologique du Fi* 
nistère, demeurant au château de Keransquer, en la commune 
de Quimperlé, en son domicile ou étant, et parlant à fa per- 
sonne de sa domestique, 

D'insérer dans le premier Bulletin de la Société archéologique 
du Finistère, la réclamation de M. Ducbâtellier, dont, copia 
entière, correcte et lisible est donnée en tête de la présente, 

Lui déclarant que taule par lui d'obéir à la présente som- 
mation et de faire insérer la réclamation dont s'agit dans le 
Bulletin delà Société archéologique du Finistère^ le requérant 
se pourvoira contre lui tel que de droit, sous toutes réserves. 

Employé sous copie une feuille de papier spécial et un timbre 
de un franc vingt. 
Goût neuf francs quinze centimes. 

B. Jouanno. 



Note additionnelle à l'article sur les Lépreux et les Cacoux 

de h Basses-Bretagne (1). 

Il y avait en 1524 et plus tard, à Saint-Paul-de-Léon, une 
chapeUenie dite de Notre-Dame de Confort inter duo ossaria 
pro leprosis % qui se desservait dans une chapelle située dans 
le cimetière de Saint-Pierre, chargée d'une messe par semaine 
lorsqu'il y avaif des ladres dans le Minihi de Léon qui com- 
prenait sept paroisses. 



j 



(1) Lisez ex-membre. 

(2) Voir t. IV. p. 138. 



— 133 — 



SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1878. 



Présidence de M. le vicomte Th. HÊRSART 

DE LA VILLEMARQUÉ. 

Etaient présents : MM. Th. de la Villemarqué, 
Audran, Trévédy, deBremohd d'Ars, Fougeray, Pavot, 
Faty, Malen, A. Créac'hcadic et Le Maigre, secrétaire. 

MM. Le Men et de Kercadio se font excuser de ne 
pouvoir assister à la séance 

La parole est donnée à M. Audran pour lire un tra- 
vail de M. Le Men sur 

TBONOEN ET SES ANTIQUITÉS. 

On a beaucoup parlé depuis quelque temps, avec plus ou 
moins d'exactitude, de Tronoën el des découvertes faites dans 
ses environs. La Société archéologique du Finistère a eu soin 
de ne demeurer dans cette affaire ignorante d'aucun détail 
utile concernant les hommes et les choses. Dès le mois de 
septembre 1876, l'auteur de cet article avait déjà fait inscrire 
à Tordre du jour de la séance du 28 octobre 1876, une note 
intitulée: « Découverte d'un poste gallo-romain, près la 
chapelle de Notre-Dame de Tronoën en la commune de 
Saiftl-Jean-Trotiraon (1). » Pour des motifs qu'il est inutile de 
rappeler ici, il ne crut pas devoir donner dans cette séance, 
communication de cette note qu'il reproduit aujourd'hui avec 
de notables développements. Mais persuadé que toutes les fois 
que des faits archéologiques de quelque importance se produi- 
sent, il convient, pour la clarté de leur exposition, de 
déblayer historiquement le terrain où ils se sont produits, il a 
fait précéder le récit des découvertes en question, d'une notice 

mm» ■— — ^^— — i n i ■■■ i . . - ii ■ 

(i) Voir le Bulletin de la Société archéologique, tome IV, page 65. 

9 



— 134 — 

sommaire sur la paroisse el le pagus dont la chapelle de 
Tronoën et les terres qui en sont voisines, faisaient autrefois 
partie. 

I- 

La pointe de Penmarc'h, en français Cap-du- Cheval, ou 
Cap-Caval (1), à l'extrémité sud-ouest du département du 
Finistère, avait au moyen âge donné son nom à un assez 
vaste territoire compris entre le Goazien (rivière d'Audierne), 
l'Odet et la mer, et qui formait p^ut-être au temps de l'indé- 
pendance gauloise ou de l'occupation romaine,. un pagus de la 
grande cité des Veneti (2). Si on en juge par le grand nombre 
de menhirs, de tumulus, de dolmens et d'allées couvertes que 
Ton rencontre principalement dans la zone maritime de ce 
district, il devait être fort peuplé à l'époque celtique ; les 
camps retranchés et les autres vestiges qu'y ont laissés les 
Romains, montrent qu'il fut fortement occupé après la con- 
quête, et les documents que le moyen âge nous a transmis, 
établissent que le Cap-Caval fut pendant cette période, l'un des 
cantons les plus riches et les plus fertiles de la Bretagne. 

Ce territoire formait, à une époque ancienne, dans l'ordre 
civil, une juridiction royale qui fut unie à celle de Quimper 
par lettres patentes, en forme d'édit, du roi Charles IX, données 
à Chateaubriand au mois d'octobre 1565. Dans l'ordre 
ecclésiastique, il constituait un doyenné, faisant partie de 
l 'archidiaconé de Cornouaille, et qui fut supprimé en 1286, 
par une décision de Tévêque Even de la Fores*, prise en 
chapitre général, le lendemain de la Saint-Luc. Les considé- 
rants de cet acte méritent d'être rapportés : 



(i) « Cap ut Gaballi. » — Ce nom lui venait peut être d'un rocher 
dont la forme rappelait de loin la silhouette d'un cheval. Beaucoup de 
rochers de nos côtes portent des noms d animaux. 

(2) Pour les limites de la cité des Veneti, voir le Bulletin de . la 
Société archéologique du Finistère, t. II, p. 50. 



— 135 — 

« Even, évêque, considérant l'insuffisance du doyenné de 
Cap-Caval, et les exactions auxquelles se livrent les détenteurs 
de cet office pour avoir le nécessaire, considérant de plus que, 
par suite de cet état de choses, il est impossible que 
les causes portées devant ce bénéficier soient défendues con- 
venablement, d'où résultent de grands inconvénients dans les 
causes de mariages et de testaments, accepte la résignation de 
H,.., doyen actuel, et d'accord avec le chapitre, supprime ce 
doyenné qui ne sera plus rétabli, et en brise le sceau. » (1) 

C'est à la pointe extrême de ce territoire qu'étaient situés le 
port et la célèble ville de Kerily-Penmarc'h sur laquelle on a 
écrit bien des exagérations. La vérité est qu'il n'y a jamais eu 
de ville de Kerity-Penmarc'h. On a donné ce nom à trois 
centres de population, Tréoult é, Kerily et Saint-Guénolé, 
distants l'un de l'autre d'environ deux kilomètres, qui auraient 
pu, par suite d'un heureux concours de circonstances, se fondre 
en une vaste cité, mais que des calamités successives réduisi- 
rent à un état de ruines et de désolation dont ils n'ont pu se 
relever. Mon intention n'est pas de vous entretenir aujourd'hui 
de cette localité bien connue et qui porte si tristement le deuil 
de sa richesse passée, je désire seulement vous dire quelques 
mots d'une paroisse voisine, qui eut aussi ses jours de , pros- 
périté, et qui supprimée en 1790, a été absorbée par les 
communes de Saint-Jean-Trolimon, de Plomeur et de Pen- 
marc'h. 

La paroisse de Beuzec-Cap-Caval, dont le nom se distingue 
à peine dans la carte de l'état major, parmi les noms de 
villages et de hameaux, était délimitée à l'ouest par l'Océan, 
et au nord, à l'est et au sud par les paroisses de Tréguennec, 
Plomeur et Tréooltré-Penmarc'h. Placée sous le vocable de 
Saint-Budoc, mattre de Saint-Guénolé, elle comprenait, outre 
le bourg paroissial, les trêves (tribus) ou succursales de Saint- 

(1) Cartulaire du chapitre de Quimper; manuscrit de la Bibliothèque 
nationale, n« 56, fol. 25. 



— 136 - 

Jean-Trolimon et de Saint-Guéuolé. Oq y voyait au dernier 
siècle les chapelles de Saint-Yves, Saint-Ambroise, Notre-Daroe- 
de-Tronuëa, Saint-EIoy et Kerdévot. Les noms de Lanvoran, 
de Lanvenaël et de Saint-Saturnin* que porlent trois des 
villages de cette paroisse, peuvent en outre faire présumer 
qu'il y existait autrefois des chapelles dédiées à Saint-Moran, à 
Saint-Guenaël, deuxième abbé de Landévennec, et à l'un des 
trois martyrs que l'église honore sous le nom de Saturnin. 

Suivant Ogée, Beuzec comptait il' y a cent ans, treize cents 
communiants. L'auteur du Dictionnaire historique de Bre- 
tagne, ajoute : «Son territoire est fertile en grains de toute 
espèce. Je dirai à la louange de ses habitants, qu'il est cuLtivé 
avec beaucoup de soin. » 

Cette paroisse est mentionnée dès le VI e siècle, dans une 
donation de terre faite par le roi Grallon à Saint-Guénolé, pre- 
mier abbé de Landévennec (4). C'est, sans aucun doute, sur ces 
terres que s'éleva plus tard la belle chapelle de Saint-Guépolé, 
aujourd'hui comprise dans la commune de Peumarc'h. 

Le bourg de Beuzec était autrefois le chef-lieu des juridic- 
tions ecclésiastique et civile dont j'ai parlé plus haut. Après la 
suppression du doyenné de Cap-Caval en 1286, la paroisse de 
Beuzec fut uni* au bénéfice du grand archidiacre de Quimper, 
premier dignitaire de la cathédrale. 

Ce bourg fait aujourd'hui partie de la commune de Plomeur. 
De l'ancienne église paroissiale il ne reste que le chœur, triste 
amalgame de constructions de diverses époques depuis le XIII e 
jusqu'au XVI e siècle. C'est à cette dernière date que f ut élevé 
le calvaire, aujourd'hui mutilé, que l'on voit dans le cimetière. 

Lorsque je visitai cette église en 1865, il y avait dans le 
pavé plusieurs tombes plates anciennes portant des croix 
pattées ou des écussons aux alliances de la baronnie du Pont. 



(fi) iCartulaire de Landévennec, manuscrit de la bibliothèque de 
Quimper. 



— 137 — 

Je ne le& ai pas toutes retrouvées en 1876. Je présume que 
celles qui ont disparu ont servi à paver l'église paroissiale de 
Plomeur. On voit encore dans un enfeu pratiqué dans le mur 
nord, une tombe élevée ornée d.'une croix accostée de deux 
écussons portant, l'un, une croix latine, et l'autre un tourteau. 
Une autre grande et belle tombe élevée, du XVI e siècle, se 
remarque dans le bas-côté sud. Elle est ornée d'une croix 
fleuronnée, accompagnée de quatre écussons, dont deux 
portent une rose (Trémie) et les deux autres un lion rampant 
(Pont-FAbbé ou Minven). 

Des deux trêves de Beuzec, celle de Saint- Guénolé fait 
aujourd'hui partie de la commune de Penmarc'h. J'espère 
pouvoir, dans une autre séance, vous donner une description 
détaillée de sa belle église dont il ne reste plus que la tour. 
SaintJean-Trolimon est devenu chef- lieu d'une nouvelle 
commune. Cette ancienne succursale portait au moyen âge le 
nom de Treff-Rumon (1), et son église était placée sous le 
vocable de saint Rumon, saint breton peu connu, dont on a 
fait quelquefois saint Raimond, et qui est patron de la petite 
ville d'Audierne. Dans un titre de 1690, elle est appelée Saint- 
Jean-Rumon (2). Au dernier siècle elle était déjà désignée par 
le nom altéré qu'elle porte aujourd'hui. 

L'église de Saint-Jean-Trolimon est de ^forme rectangulaire 
et se compose d'une nef et de deux bas-côtés sans transsept. 

(1) « La paroisse de Treff Rumon. » (Aveu au seigneur du Pont- 
PAbbé, du 31 juin 4389 ) — « Le Trefî de Treff-Rumon, en la paroisse 

de Beuzec-Cap-Cavall Chef renie audit lieu de Sainct-Rumon » 

(Aveu fourni le 19 juillet 14.6, par Alain Provost, en la cour de 
Rostrenen en Cap-Cavall, à cause de la seigneurie de Keroberan.) — 
Aveu (du 2 juillet 1492) du manoir de Kerguizirin, « o ses boays, 
courtiltz, etc, estants ou Treff de Treff-Rumon, en la paroisse de Beuzeuc- 
Cap-Cavall » fourni par Alain Provost, « à Alein de Tyvaranlen, 
receveur du Pont, pour haulte et puissante damoiselle Heleine de Rohan, 
dame du Pont, de Rostrenen et du Ponthou, ou nom, et comme tutrice 
de bauît et puissant Jean, seigneur du Pont, son fils mineur. » 

(Archives du Finistère). 

(2) « Le lieu de Caoudal audit bourg de Saint-Jean-Rumon » — 
Testament de Pierre LeGoyat. (Ibid.) 



— 1,38 - 

Uoe arcade voisine du sanctuaire, et soutenue par deux piliers 
arrés, semble appartenir à l'époque de transition. Presque 
tout le reste de l'église, y compris le clocher qui est fort 
élégant, porte le caractère de l'architecture du XVI e siècle. 

A rentrée du cimetière sont deux grands lec'hs coniques 
dont l'un est cannelé. On en trouve un autre surmonté d'une 
croix sur le bord de la route au sad du bourg ; un quatrième 
moins élevé se voit aussi au bourg, près de la porte de la 
chapelle ruinée de Kerdévot. Cette chapelle, qui, comme son 
nom l'indique, fut jadis le lieu d'un pèlerinage très-suivi, 
paraît avoir été reconstruite au XVII siècle. Mais l'édifice 
primitif n'a pas entièrement disparu. Les murs sud et est 
existent encore en partie, et Ton voit dans l'angle formé par 
leur rencontre, une fontaine qui se trouvait jadis à l'intérieur 
de la chapelle, et à laquelle on descend par plusieurs degrés 
disposés en pas de vis. Dans la muraille voisine de cette fon- 
taine, est percée une étroite fenêtre en forme de meurtrière, 
par laquelle les pèlerins jetaient sans doute hors de la chapelle, 
le reste de l'eau qui avait servi à leurs ablutions. 

C'est dans la commune de. Saint-Jean qu'est située la belle 
chapelle de Notre-Dame de Tronoëa ou Tronoan, dont on 
distingue de loin les élégantes proportions, lorsqu'on vient de 
Penmarc'h en suivant la côte. Le nom de Traon-Houarn que 
Ton a donné quelquefois à cette chapelle est de pure fantaisie (1)* 
Elle est construite sur un plateau qui descend en pente douce 
jusqu'à la mer, dont elle est distante de 800 mètres. D'après 
une tradition locale, Tronoën n'était autrefois qu'à 100 mètres 
de la mer. Pour que cette tradition eût quelque fondement, il 
faudrait que le sol se fut élevé dans celte partie du littoral. 



(I) Le titre le plus ancien où j'aie trouvé mention de cette chapelle 
estun testament de Marie Madec, née Guellanton, du* 19 janvier 1S29, 
par lequel elle lègue « 15 solz monnaie à la chapelle de Notre-Dame du 
Tronoen ». — (Archives du Finistère. — Carmes du Pont.) — Elle est 
désignée par le même nom dans les titres du XVII e et du XVIII e siècle. 



— 139 — 

Le contraire paraît cependant avoir eu lieu en divers points de 
la côte du Finistère (1). 

Cette chapelle fut édifiée, avec un certain luxe de détails, 
dans la première moitié du XV e siècle,en grande partie au moyen 
des libéralités des barons du Pont-1'Àbbé et des autres seigneurs 
de la paroisse de Beuzec-Cap-Caval, dont quelques-unes des 
armoiries se voyaient encore il y a douze ans dans la maîtresse 
vitre (2). Elle se compose d'une nef et d'un seul bas-côté 
placé au nord. La maîtresse vitre renferme dans sa partie infé- 
rieure cinq arcades en tiers point, qui s'arrêtent à; la hauteur 
de l'imposte, et dans son tympan une rose formée de sept 
quatre-feuilles. De chaque côté de la nef, un gros pilier, dont 
la masse est dissimulée par de nombreuses colonnettes enga- 
gées, sert de support à une arcade ogivale au-dessus de laquelle 
s'élève, au centre de la chapelle, une tour carrée à flèche 
octogone, accostée de deux élégantes tourelles. Dans cette 
tour est une cloche portant, avec la date de 1701, une ins- 
cription qui nous apprend qu'elle eut pour parrain Yves de 
Trémie, seigneur de Keraneïsan, et pour marraine Claude de 
L'Honoré, dame de Saint-Alouarn. 

Il y avait autrefois dans la chapelle de Tronoén des, sculptures 
en bois, de ronde-bosse, exécutées avec art au XV e ou, au 
XVI e siècle, et provenant peut-être d'un rétable. Que sont-elles 
devenues? Il n'en reste plus dans l'église que quelques débris 
représentant des cavaliers. 

A peu de distance au sud de la chapelle, est un calvaire à 
soubassement carré, sans arcades ni contreforts, sur leque 



(t) Voir le Bulletin de la Société archéologique du Finistère, t, II. 
p. 68. y 

(2) l. Pallé d'argent et d'azur de six pièces (Rosmadec). Hervé du 
Pont épousa Marie de Rosmadec au mois de février 1420. 

2. Parli au 1 : d'or à 3 jumelles de gueules (Rosmadec-Goarlot), 
au 2 : lascé d'or et de gueules de six pièces (Du Chastel) . 

3. D'argent ou tourteau de gueules. — Je ne sais à quelle famille 
appartiennent ces armoiries qui se trouvent sur une tombe de l'église 
de Beuzec-Cap-Caval. 



— 140 — 

s'élèvent la croix du Christ et celles des deux larrons. Sur ses 
quatre faces sont disposées en deux étages, des dalles de granits, 
dans lesquelles un artiste naïf a taillé en. relief, non- seulement 
les scènes de la Passion, mais aussi les divers épisodes de la 
vie de Notre* Seigneur. Il est difficile d'assigner une dette cer- 
taine â ces grotesques figures, dont les défauts peuvent trouver 
une atténuation dans la dureté et la grossièreté de ta pierre 
mise en œuvre. Elles sont certainemeut moins anciennes que la 
chapelle qu'elles sont appelées à décorer, et sous le rapport 
du style, l'ensemble du monument n'est pas sans analogie avec 
le calvaire de Guimiliau qui porte les dates de 1581 et de 1588. 
Je ne sais pas où M. de Fréminville avait pris la singulière 
manie d'attribuer aux Templiers les églises pourvues d'un seul 
bas-côté. Pour ce motif, il n'a pas manqué de faire de Notre- 
Dame de Tronoên, une chapelle de l'ordre du Temple. 

Il ajoute qu'elle était une succursale de la grande église de 
Sainte-Thumelte h Kerity, élevée, dit-il, au XIII e siècle par les 
chevaliers du même ordre (1). Or l'église de Kerity ne date 
que du commencement du XVI 9 siècle, et Tordre du Temple 
fut supprimé en 1308, plus d'un siècle avant la construction 
de Tronoën, et deux cents ans avant l'édification de l'église de 
Sainte-Thumette I 

La chapelle de Tronoên est construite dans un camp romain 
dont j'ai pour la première fois signalé l'existence dans la 
Statistique gallo-romaine du Finistère publiée par notre 
Bulletin au mois de mars 1875 (2). Il y a dans le Finistère 
d'autres exemples de chapelles construites à l'intéiieur de 
camps romains. Je citerai aux environs de Quimper la chapelle 
de Saint- Vial ou Vidal, dans la commune de Corobrit (3) et 



(t) Antiquités du Finistère, tome II , pages 103 et 104. 

(2) Tome XI, page 122. 

(3) Cette chapelle aujourd'hui en ruines, se trouve tout près et à 
droite de la route de Quimper à Pont-1'Abbé, un peu au-delà de la 
borne kilométrique n° 11, presque en face de la route de Combrit. On 



— tu — 

celte do Dréo en la commune de SainVÉvarzec (t). 

Les Romains ont laissé d'autres souvenirs de leur occupation 
dans la paroisse de Beuzec-Cap-Caval. J'ai vu en effet en 1878 
de nombreux débris de poterie et de tuiles romaines recueillis 
dans les cultures aux environs de l'ancienne église paroissiale. 
D'antres débris ayant la même origine ont été trouvés m 
nord du bourg de Saint-Jean Trolimon. Il existe en outre au 
village du Caste Hou, dans la même commune, un camp retran- 
ché de forme rectangulaire, qui renferme des fragments de 
toiles* à rebord, provenant de constructions romaines. 

J'arrive maintenant à l'historique des découvertes qui ont étd 
faites depuis une trentaine d'années, dans la contrée que je 
viera d'essayer de décrire. 

II. 

Le pays de Penmarc'h, dont le territoire de l'ancienne pa- 
roisse de Beuzec fait partie^ est de tous les cantons de l'arron- 
dissement de Quimper, je pourrais dire du département du 



voit à l'intérieur, sur deux consoles qui servaient jadis de supports à 
des saints, deux écussons dont l'un porte 3 losanges accompagnés de 
6 aonelets en orle ; le second est nn parti au 1 des armes précédentes 
et au 2 d'une fasce. Ces armoiries paraissent appartenir à la famille 
Buzic Un peu au-delà du moulin du Corroic'h (qui s'écrivait autrefois 
Coetrozerc'b), avant d'arriver à cette chapelle, dans le triangle formé 
par l'étang et la vieille et la nouvelle route de Quimper à Pont- 
i'Abbé, se trouve un autre camp romain, accompagné de nombreuses 
suhstructions de maisonnettes (Tuguria), qui devaient au moyen âge, 
former un village assez important. 

(1) À 7 kilomètres de Quimper et à peu de distance à gauche de la 
route de Rosporden, sur une hauteur qui domine le vallon du Jet. 
Le mot Drêo y altération de Treff ou Dreff, signifie une portion de 
paroisse, une succursale (Tribus). Près de cette chapelle et du camp 
romain où elle est bâtie, est une motte féodale élevée et ^bien 
conservée. On voit encore une partie des énormes murailles de la tour 
rectangulaire dont elle protégeait la base. Avant d'arriver au Drêo, on 
peut voir dans un village de formation récente appelé Ker-an-ael-fresk, 
un autre petit camp romain qui n'est séparé de la route de Quimper à 
Rosporden, que par la distance d'un champ, à gauche. On y a trouvé 
des tuiles à rebord. 



— 142 — 

Finistère, celui où l'on trouve le plus de monnaies gauloises. 
Depuis que je m'occupe d'archéologie, j'en ai vu un assez 
grand nombre provenant de cette région, et au type du cheval 
«ndrocéphale. C'est dans la commune de Plonéour, limitrophe 
de ce canton, qu'un cultivateur découvrit en 1835, au village 
de Créac'h, un vase en terre renfermant environ 200 monnaies 
gauloises en électrum, dont une fait partie du médailler de 
notre musée archéologique. Toutes ces monnaies étaient ané- 
pigraphes. J'ai acheté il y a peu de temps, avec une fibule en 
bronze, émaillée de carrés blancs et bleus, un denier d'argent 
trouvé sur les terres d'un village voisin de Tronoen. Ce denier 
porte d'un côté une tête d'homme, tournée à gauche, et de 
l'autre un cheval galopant à gauche et ayant entre ses jambes 
un cercle avec un point central. On lit au droit et au. revers 
la légende (N)ERCOD. C'est le nom d'un chef gaulois, fort 
peu connu, et je ne sache pas qu'on ait trouvé en Bretagne 
d'autres monnaies à ce type. 

Des découvertes d'antiquités d'une autre nature ont été faites 
à diverses reprises et depuis une époque déjà ancienne, dans le 
même territoire. Mais on n'en a pas tenu note, et ces objets 
vendus ou dispersés sont perdus pour l'étude. 

C'est ainsi que l'on a conservé le souvenir de vases trouvés 
aux villages de Lanvenaël et de Kerugou, aujourd'hui en la 
commune de Plomeur , dans des tumulus appelés Goghel Ere 
et Cogbel-Kerugou (I). Il y a dans la même commune un vil- 
lage appelé CogheURun-Aour (Tumulus de la butte d'or), qui 
paraît devoir son nom à uue découverte d'objets en or. 

En 1846, un cultivateur en défrichant une lande au village 
de Kerviny, en Plonéour, trouva divers objets en bronze, no* 
tamment deux ornements ou bracelets composés d'anneaux et 

de pendeloques, une douille de lance, un couteau ou racloir et 

• -♦ 

(i) Dans le pays de Pont-1'Abbé, on donne le nom de Coghel k la 
plupart des tumulus. Ce mot est évidemment une altération de Crughel 
qui signifie amas, butte, éminence. 



— 143 — 

quatre haches à ailerons. J'ai rendu compte ailleurs de cette 
découverte (t). Des haches à douille ont aussi été trouvées en 
assez graud nombre, vers la même époque, au village de Ker- 
goulouarn, en la même commune. 

Le procès-verbal delà séance de la Société archéologique du 
Finistère du 24 janvier 1846, contient la mention suivante : 

« M. Lozac'h informe l'assemblée de la découverte récem- 
ment faite par son beau-frère, H. de Pascal, dpns la commune 
de Plomeur, d'une urne intacte enfouto sous quatre pierres for- 
mant botte. Elle est légère et en terre noirâtre, ornée de petites 
vignettes, et contient des fragments d'os calcinés. La même 
fouille a fait découvrir plusieurs vases rompus et un fragment 
de poterie rouge de fabrique romaine. Il fait espérer que 
M.de Pascal voudra bien adressera la Société ces deux objets. » 

Le vœu exprimé par M. Lozac'h s'est depuis longtemps réa- 
lisé. L'urne celtique trouvée par H. de Pascal est au Musée 
d'archéologie de Quimper, et je doute qu'un vase plus élégant 
de forme ait été découvert dans le département du Finistère. 
On remarque à l'intérieur, des taches d'oxide qui montrent 
qu'outre les ossements, elle renfermait des objets en bronze, 
sur lesquels je n'ai pu avoir de renseignements. Le fragment 
découvert en même temps que cette urne provient d'un vase 
gallo-romain en terre samienne, orné de dessins en relief. Celte 
trouvaille a été faite à 400 mètres au sud de la chapelle de 
Tronoen, sur les terres du village de Saint-Saturnin, en la 
commune de Plomeur. 

Vers la même époque, un squelette ayant des bracelets en 
bronze aux bras et aux jambes, fut découvert dans la palue de 
Tronoen. 

Un peu avant 1860, un autre squelette, dont la tête reposait 
sur un bloc de bronze en forme de gueuse, et qui portait un 



(i) « Celtic arms and ornaments found at Plonéour Britanny » — 
Arehœologia Cambrensis, 1860, p. 136. 



- 144 — 

seul bracelet manitrforme. en bronze, de 75 millimètre» de dia- 
mètre, fut exhumé à 500 mètres au sud-est du village de Ker- 
vellré, dont les terres confinent à celles de Tronoen. Ce brace- 
let brisé en trois morceaux était, il y a dix ans, conservé dans 
cette ferme, où il jouait un certain rôle dans les cérémonies 
pratiquées par certaines vieilles femmes pour la découverte des 
trésors. Car il ne faut pas croire que les cultivateurs du can- 
ton de Pont-1'Abbé soient moins dominés que ceux du reste 
du Finistère, par la passion do la recherche des trésors ; je 
pense qu'ils le sont davantage. Ce sentiment est d' ailleurs en- 
tretenu chez eux par la tradition toujours vivante de décou- 
vertes autrefois faites dans les monuments celtiques que l'on 
rencontre encore en grand nombre dans cette région, bien 
qu'on en ait détruit beaucoup. Aussi, lorsque par l'inspiration 
d'un rêve doré, ou par la vertu des incantations d'une sor- 
cière, un endroit leur est désigné comme recelant uu trésor, 
s'empressent-ils d'y faire un trou dans lequel, le hasard aidant, 
ils trouvent parfois des objets antiques plus ou moins pré- 
cieux. Mais le résultat* de ces recherches demeure le plus 
souvent ignoré. Est-il besoin d'ajouter que dans les cas où il 
parvient à la connaissance du public, on ne doit accepter 
qu'avec la plus grande prudence les renseignements que les 
« trouveurs » fournissent sur leur découverte ? En effet, outre 
que l'émotion de la trouvaille ne leur permet pas d'observer, avec 
le soin nécessaire, les conditions dans lesquelles les objets se 
présentent à eux, et Ifeur situation relative dans le sol, le spectre 
de l'ancienne loi des épaves et des trésors cachés, qui n'a pas 
encore cessé de hanter leur imagination, leur inspire souvent des 
craintes sur la légitimité de leur possession. D'un nuire côté, 
il faudrait peu conuaîlre le paysan breton pour s'imaginer 
qu'il consentit adonner à des étrangers, des renseignements 
précis, qui, dans sa pensée, pourraient les conduire à de nou- 
velles trouvailles qu'il se réserve de faire lui-même. 

Ce fut sans doute, bien que l'aveu n'en ait pas été fait, 



à la suite de fouilles de ee genre, que le cullivateur-doraanier 
du village de Kerveltré en la commune de Saint-Jean- 
Trolimon, fit en 1873, une découverte importante dans un 
tumulus appelés Cochet- ar-Minhir. La pierre qui a donné son 
nom à ce tumulus, n'est pas un menhir celtique, mais bien 
une de ces pierres levées destinées a marquer des sépultures 
chrétiennes, et que depuis environ vingt ans, on a pris l'habi- 
tude de désigner sous le nom impropre de lec'hs (I). Je revien- 
drai plus loin, surises lec*hs qui abondent dans la commune de 
Saint-Jean-Trolimota, et que les paysans bretons appellent Mein- 
hit (pierres longues) comme les pierres levées celtiques. Le 
lec'h, dont le tumulus dit Coghel-ar- Menhir a pris le nom, 
était cannelé et haut d'environ deux mètres. 11 est aujourd'hui 
abattu et brisé en quatre morceaux que l'on voit au sud du 
tumulus (2). Il est probable qu'après l'avoir renversé pour 
chercher le trésor qu'il devait recouvrir, les fouilles n'ayant 
amené aucun résultat, on a « naturellement » supposé que le 
trésor se trouvait dans l'intérieur de la pierre, et on l'a brisée 
pour l'en extraire. C'est une opération que pratiquent assez fré- 
quemment les chercheurs de trésors. Je reviens h la découverte 
faite dans le Coghel-ar-Menhir. 

Plusieurs journaux du Finistère en rendirent compte dans 
ud entrefilet de quelques lignes. J'en informai H. de Bfeis, 
président de la Société archéologique., qui' écrivit aussitôt h 
notre collègue H. de Pascal, maire de Plomeur, pour lui de- 
mander des renseignements sur cette découverte, et pour te 
prier de se rendre sur les lieux, afiû de s'assurer si quelques- 
uns des objets trouvés n'étaient pas restés aux mains du pro- 
priétaire de Kerveltré. 



(!) Pour la signification du mot lec'h, voir le Bulletin de la Soc, 
arehéol. du Finistère t. II, pages. 41, 42. 

(2) Oo #. écrit quelque part que ce tumulus avait été appelé Pare-ar- 
Menhir, eu souvenir de cinq pierres levées qu'on y voyait autrefois. Mais 
âieela était exact, on l'aurait appelé apparemment Parc-er-Meinhir, cl non 
Parc-ar-Menhir. Il est clair que Ton a pris chaque fragment du lec'h, 
pour un monument distinct, maison s'est trompe dans le compte. 



— 146 — 

Quelques jours après, H. de Blois recevait la lettre suivante 
de H. de Pascal : 

« Pont-1'Abbé, le 24 mars 1873. » 

« Mon cher Monsieur, 
« Je viens de rencontrer Le Pape, Vincent,de Kerveltré,qui a 

> 

trouvé au midi de son village, sur un lumulus, les objets dont 
vous avez entendu parler dans les journaux. » 

« J'ai vu un reçu de M. Garon, bijoutier k Quimper, accu- 
sant un poids de 570 grammes de métaux envoyés à Paris 

pour reconnaître leur valeur, que M. Garon n'aurait pu indi- 
quer. » 

* 

« Vincent Le Pape m*a dit avoir trouvé deux urnes contenant 
des ossements, lesquelles sont parfaitement conservées. J'irai 
demain matin les voir, et je vous donnerai de plus amples dé- 
tails sur la découverte des objets trouvés. » 

« J'ai engagé Le Pape à aller trouver M. Le Men pour lui 
montrer les objets, etc. » 

« Veuillez, etc. » 

« H. DE PASCAL. » 

M. de Pascal se rendit en effet à Kervellré en compagnie de 
M. Flagelle, qui se trouvait alors chez lui. Malheureusement 
pour les intérêts de la Société archéologique, ils s'adjoignirent 
une tierce personne qui arrivée sur les lieux, voulut accaparer 
pour son propre compte, tous les objets qui étaient encore aux 
mains de Le Pape. Ces objets consistaient en deux urnes ci- 
néraires en terre, trouvées sur les flancs du tumulus, et en 
deux instruments en bronze, dont l'un ressemblait à un cise au 
à froid, provenant d'une autre partie du même monument 
qui n'a pas été déterminée. 

Ce ne fut pas sans opposition que MM. de Pascal et Flagelle 
parvinrent à acquérir pour notre Musée archéologique, une des 



— 147 — 

deux urnes, qui est heureusement la plus. belle. Bile est haute 
de 24 centimètres, faite au moyen du tour, et formée d'une 
terre brune, dont la couleur, que des coups de feu ont rendue 
presque noire en quelques endroits pendant la cuisson, a en 
outre été altérée par l'application sur la surface encore humide 
du vase, d'une couche de sable fortement micacé, qui lui donne 
une apparence grisâtre. Cette urne a, pour la forme et pour la 
terre, la plus grande analogie avec les vases exhumés des cime- 
tières gaulois de la Marne, et avec des urnes cinéraires décou- 
vertes dans des tumulus gallo-romains des environs de Quimper, 
notamment à Rerancoat, en Ergué-Ârmel (1), et à Coz-Feun- 
tun, en Poullan. 

Lorsqu'elle me fut remise par M. Flagelle, elle contenait, 
outre des ossements brûlés, le col et la partie supérieure d'un 
fémur humain non incinéré, et une portion d'écuelle plate, 
en terre, d'un type que l'on rencontre fréquemment daos les 
dolmens, Cet os provenait, dit-on, d'un squelette placé vers la 
partie médiane du tumulus, dans un sarcophage formé de 
qnatre pierres, et au pied duquel on avait trouvé renfermés 
danà un vase en argile les objets en or mentionnés plus haut (2). 
Quant à Técuelle en terre, qui provient aussi du même tumulus, 
j'ignore si elle avait quelque corrélation avec ces restes, 
humains ou avec le trésor enfoui, 

Ce trésor, suivant les informations données par l'acquéreur, 
M. Caron, bijoutier à Quimper, se composait : 

1° D'un certain nombre de petits lingots d'or oriental, de 



(1) Voir plus haut page 120. 

(2) Je donne ces renseignements, crue je tiens d'un cultivateur voisin 
de Kerveltré, sans oser en garantir la parfaite exactitude. Ces sarco- 
phages dont les côtés sont ordinairement formés de quatre pierres incli- 
nées vers l'intérieur et qui sont fermées par une ou plusieurs pierres 

Ï Hâtes, se rencontrent fréquemment, soit isolés soit groupés, sur le 
ittoral et dans les montagnes du Finistère. Ils occupent le plus souvent 
le centre d'un tumulus. J'en ai vu cependant qui étaient placés près 
des bords. Les corps que Ton y déposait n'étaient pas brûles. On peut 
les considérer comme la dernière forme des dolmens. 



— 148 — 

forme reotwgulaire, taillés au moyen d'a« ciseau dans des ter- 
res aplaties. Deux de ces lingots étaient ornés mt leurs laces 
de dessins niellés représentant des laaubrequios. 

2» De trois tiges de même <w\ tordîtes et coudées 4 iews 
extrémité*, et ayant à peu près la foraae de poignées de tiroirs 
de commode Ce sont ces tiges qui, d'après quelques persoiroes 
qui ne les oui pas vues, auraient été des bracelets. H. Ga* on et 
d'autres personnes qui les ont vues, loin d'être de cet avis, 
m'ont affirmë^que ces tiges n'ont jamais pu servir de bracelets. 

Quand je me présentai chez le bijoutier pour prendre ces 
renseignements, les objets avaient déjà été fondus à Paris, Us 
sont donc irrévocablement perdus pour la science. 

Depuis 1873, quelques nouvelles urnes cinéraires ont été 
trouvées dans le sable aux environs de Kerveltré, mais pour les 
motifs exposés^ plus haut, il sera toujours difficile d'en 
connaître jle nombre exact. Pour les mêmes considérations, on 
ne devra non plus, accueillir qu'avec réserve, les détails four- 
nis sur la] découverte qui fut faite, au mois de janvier 1876, 
par le même cultivateur, d'un collier en or acheté depuis 
par un propriétaire du voisinage. Ce collier du poids de 
433 grammes et jorné de chevrons gravés au burin, aurait été 
•trouvé près d*un squelette, et dans le sillon d'où l'on avait 
exhumé en 1873, les objets en or décrits ci-dessus. L'ornemen- 
tation de ce cottier rappelle celle de certaines urnes en terre 
trouvées avec des objets en bronze dans des dolmens du 
Finistère. 

Voici maintenant le compte rendu de découvertes d'un autre 
ordre, qui ont été faites plus récemment sur les terres du -village 
de Troaoên : 

III. 

Au mois de juin 1876, les fils et le gendre de la veuve 
Garrec, fermière de ce village, découvrirent dans leur» cultu- 



— 140 — 

res, <*û mu? bien construit qui paraissait s'étendre fort loin, 
et au pied duquel ils trouvèrent des fragments de poterie 
ancienne en grande quantité, des débris de statuettes en 
terre, des armes en fer, des ornements en bronze, etc. A la 
suite de cette trouvaille, des fouilles furent faites par diverses 
personnes, peu familiarisées, paraît-il, avec ce genre de 
travaux. 

Dès les premiers jours de juillet, la Société archéologique 
ayant été informée par ; noire collègue, M. de Kercadio, des 
découvertes que Ton venait de faire à Tronoën, nous nous 
r endimes sur les lieux, MM. de Montifault, Xavier de Blois et 
moi, en qualité de délégués de cette Société. Mais nous ne 
pûmes que constater le désordre avec lequel les fouilles avaient 
étô pratiquées, et il nous fut loul-à-fait impossible, tant le 
sol était bouleversé, de prendre un plan du terrain exploré. 

On ne saurait trop regretter de pareilles explorations qui ont 
le triste résultat de détruire les monuments sans aucun profit 
pour la science. 

Sur le rapport de ses délégués, M. le Préside it de la Société 
écrivit, au mois d'août, à la propriétaire de Tronoên, pour lui 
demander l'autorisation d'y faire des fouilles. Hais cette auto- 
risation venait d'être accordée à une autre personne, malgré 
des conditions qui, pour nous, auraient été inacceptables, 
d'autant plus qu'elles furent suivies d'une mise en demeure 
d'acheter pour un prix fixé, le village de Tronoën. Comme la 
Société n'est pas assez riche pour payer quarante mille francs, 
une propriété qui fut vendue en l'an II, quinze cent soixante* 
quinze livres, l'église de Tronoên comprise, ses délégués durent 
s'incliner devant cette impossibilité, et accepter le rôle modeste 
d'ob3ervateurs, qui leur permit d'ailleqrs, de se tenir au 
courant de tous les faits de quelque importance qui se sont 
produits depuis le commencement des fouilles. 

Ainsi que je viens de le dire, il nous fut impossible de lever 
la partie du camp de Tronoën, qui avait été fouillée. Quant à 

10 



— 150 — 

prendre un plan d'ensemble de la forteresse, il n'y fallait pas 
songer : le temps et les moyens nous manquaient également 
pour cela. Cependant l'impression que j'ai conservée d'un 
examen attentif des lieux, me porte à penser que le poste gallo- 
romain de Tronoên se composait d'une enceinte principale de 
forme à peu près rectangulaire et circonscrite par des murs en 
pierres de petit appareil, analogues à ceux de Parc-ar-Groas 
dont j'ai donné, il y a deux ans, une description dans ce 
Bulletin (I). A l'intérieur de cette enceinte s'élevaient plusieurs 
constructions en maçonnerie semblable, dont quelques-unes 
n'étaient séparées du mur extérieur que par un étroit couloir. 
Il y avait dans le poste de Parc-ar-Groas, des habitations 
disposées de la même manière. 
En dehors de cet enclos, qui constituait le poste gallo- 

■ 

romain proprement dit» se trouvaient d'autres enceintes de 
grandeur diverses et délimitées par des retranchements 
formés de pierres et de terre. Elles pouvaient servir soit à par- 
quer des animaux, soit à abriter les demeures d'une partie des 
habitants. Un village gaulois semblable à ceux dont on ren- 
contre fréquemment les vestiges sur nos côtes, s'était en outre 
établi, sous la protection du camp, entre Tronoën et Kerveltré. 
L'existence des ruines de ce village a été signalée dans notre 
Bulletin en 1875 (2). 

Toutes ces enceintes et toutes ces ruines, qui occupent sur 
les dépendances des deux fermes que je viens de citer, une 
étendue considérable de terrain, sont d'ailleurs recouvertes 
d'une épaisse couche de sable, qui rend fort difficile la déter- 
mination de leurs contours. Mais je n'ai remarqué nulle part, 
ces énormes retranchements disposés sur deux ou trois lignes, 
qui caractérisent les oppidums gaulois que j'ai pu étudier dans 
le Finistère. 



(1) T. III, p, 179. 

(2) T. II, p. 143. 



— 151 — 

C'estdans l'intérieur de l'enceinte marée que le hasard d'abord 
et des fouilles, failesjà la hâle et sans ordre, ensuite, ont mis au 
jour un grand nombre d'objets dont voici Ténuinéraêioa 
sommaire : 

1. Quelques monnaies gauloises, dont un denier d'argent de 
kercod, décrit à la page 142. 

2. Plus de cent monnaies romaines, presque toutes en bronze, 
donnant, mais avec des interruptions, la suite des empereurs 
depuis Auguste jusqu'à Constantin le Jeune, c'est-à-dire de l'an 
27 avant J.-C..à l'année 340 après J.-C. 

3. Une tête de statuette en bronze, représentant un person- 
nage couronné de lauriers. Elle porte sur sa face et sur sa 
partie postérieure, l'empreinte des nombreux coups de marteaux 
au moyen desquels on l'a séparée du corps, preuve évidente que 
cette mutilation a été intentionnelle. 

4. Les débris de plusieurs centaines de figurines en terre 
cuite, blanche, représentant presque toutes des Vénus Anadyo- 
mènes et des Déesses-mères. Les premières qui ont pour base, 
un socle circulaire, sont entièrement nues et tordent leur che- 
velure de la main droite, tandis que de la main gauche elles 
soulèvent une draperie. Les autres représentent une femme, 
vêtue d'une longue robe, assise dans un fauteuil et allaitant un 
ou deux enfants. Ces figurines paraissent avoir aussi été brisées 
intentionnellement. Elles provenaient probablement d'une 
fabrique de statuettes semblables, qui existait à deux ou trois 
kilomètres au nord de Tronoën, sur le territoire de la commune 
de Tréguennec. On y a trouvé en effet vers 1855, un four 
renfermant encore environ quatre-vingts de ces statuettes dis- 
posées pour la cuisson. Le Musée archéologique de Quimper en 
possède trois ou quatre, h peu près intactes, qui lui ont été 
données par MM. Daligaud et Halléguen. Les autres ont été 
détruites. 

Ces statuettes réunies en si grand nombre dans l'établis- 
sement gallo-romain de Tronoën, ne peuvent être consi- 



^\ 



— 152 — 

dérées que comme des ex-voto. Elles étaient probablement 
placées dans un petit temple ou sacellum dédié, soit à Vénus 
Génitrix, soif à Lucine, soit à Lalone, protectrice des mères 
et des nourrices, et cette- divinité y avait un autel et peut être 
une statue, qui furent brisés en même temps que les figurines 
décrites ci-dessus (1). C'est évidemment de cet autel que pro- 
vient un fragment d'inscription recueilli dans les ruines, et sur 
lequel on lit, en caractères de six ou sept centimètres de 
hauteur : 

HVM....:... 

ET DEM 

SILaN (2) 

Il est bien regrettable que le reste de cette inscription 
n'ait pas été retrouvé. Hais, bien qu'il y ait peut-être quelque 
témérité à tenter cet essai, j'en proposerai la restitution sui- 
vante : 

m NVM1NIBVS AVG. 

ET DE£1 VENETEN 
" SI LAN POSVERE. 

Je crois avoir établi que le littoral de la cité des Vénètes 
s'étendait jusqu'à la rade de Brest (3). Le poste et la bour- 
gade de Tronoen faisaient donc partie de celte cité, et le mot 
commençant par LAN, était peut-être le nom de la peuplade qui 
habitait le pagus du Cap-Caval. 

5. Un graud nombre de lances, d'épées, de javelots et de 
longues piques en fer, trouvés principalement près du mur 



Cl) M. James Mila a découvert dans rétablissement gallo-romain de 
Bossenno, près Carnac, qu'il a fouillé avec tant d'intelligeuce et de 
soin, un petit temple reufermant la base, encore en place, d'un autel 
ou d'un piédestal de statue, et un grand nombre de fiurgines brisées 
intnetionnellement, et semblables à celles trouvées à Tronoên, {Fouilles 
faites à Carnac, Morbihan, p. 143.) 

(2) Rapport de M. A.Bertrand au comité des travaux historiques. 

(3) Vorçanium , Yorgium et la cité dés Osismi, Bulletin de la Société 
archéologique du Finistère, tome II, p. 18. 



- 153 — ■ 

d'enceinte. Quelques-unes de ces armes étaient bien conservées, 
mais la plus glande partie étaient tordues ou brisées. 

Des javelots et des pointes de flèches semblables, ont été 
trouvés avec des monnaies romaines, parmi lesquelles pétait 
un petit bronze de Constantin le Jeune, dans le tumulus de la 
pointe de Rosmeur ou Porz-Carn, entre Tronoen-et Kerity (1), 
et dans le poste gallo-romain de Parc-ar Groas (2). 

6. Une grande fibule en fer, longue de dix centimètres, et 
formée d'une tige courbée à ses deux extrémités. 

7. Une grande quantité de fibules en bronze de formes très- 
variées, et appartenant, pour la plupart, à l'art étrusque. 

8. Des anneaux en bronze, aplatis, de différents diamètres. 

9. Des anneaux en verre vert et en verre blanc. 

10. Un grattoir en bronze ayant pu servir à apprêter les 
p<?aux. 

11. Une poignée d'instrument en même métal, et dont il 
est difficile de connaître la destination. 

1*2. Des ferrures de portes, des crochets, des clous, un 
ciseau à froid, etc., en fer. 

13. Des pesons de fuseau ou fusaîoles en pierre et en terre 
cuite, les unes de formes coniques, d'autres rondes et d'autres 
discoïdes. 

14. Une portion de la pierre supérieure d'un moulin à bras, 
et une meule gauloise à broyer le grain. 

15. Des percuteurs, des pilons, des molettes, des pierres à 
aiguiser, etc. 

16. Quelques instruments en os. 

17. De nombreux fragments de vases en verre, les uns 
unis, les autres à reliefs. 

18. Une très-grande quantité de débris de poteries gauloises 



(1) Bulletin de la Société archéologique du Finistère , t. I. page 110, 
et t. IV. page 127. 

(2) Ibià., t. III, page 195. — Dans cet article, une grande serpe en* 
fer a été décrite par erreur parmi les objets en bronze. 



* _ 154 — 

et gallo-romaines, provenant les uns de vases extrêmement 
grossiers, et d'autres de vases en terre sigillée, ou en argile fine 
revêtue d'une couverte métallique très-brillante. 11 y avait dans 
le nombre, des débris de jattes et d'autres grands vases en 
terre mélangée de parcelles de schiste talqueux, dont on 
retrouve les analogues dans notre pays, jusqu'au XV e et au 
XVI* siècle. 

19. Beaucoup de fragments de tuiles et de briques romaines. 

Tous ces objets ont été recueillis dans une épaisse couche de 
détritus de toutes sortes mêlés de cendres et de charbons, et 
recouverte d'une couche de sable blanc et tin, apporté de la grève 
par lèvent, à une époque inconnue mais relativement moderne. 
Ils étaient pour la plupart révêtus d'une sorte d'enduit char- 
bonneux qui leur donnait une teinte noirâtre et y adhérait 
fortement. 11 ressort de cette circonstance aussi bien que de la 
présence au milieu des ruiues, d'une grande quantité de 
fragments de charbons, que le poste gallo-romain de Tronoën 
a été détruit par le feu comme la plupart des établissements de 
même origine, dont on retrouve les ruines en Bas&e Bretagne. 
Hais il semble qu'ici les vainqueurs aient réuni en un seul lieu 
une grande partie des objets qu'ils ont pu trouver dans la forte- 
resse, et qu'après les avoir brisés ou mutilés, ils les aient jetés 
dans un grand feu allumé exprès pour en compléter la destruc- 
tion. J'ai signalé un fait analogue dans le comple-rendu des 
fouilles que j'ai faites en 1869 dans V Oppidum du CasteUCoz (!). 

IV. 

La présence d'une source à Tronoên et la proximité d'une 
mer abondante en poissons et en coquillages, rendent fort 
probable l'existence sur ce plateau, longtemps avant l'arrivée 

des Bomains, d'un village gaulois. Hais il ne faudrait pas 

- 

(t) Arehaeologia Cambrensis, octobre 1870, page 286. — Association 
bretonne (Mémoires du Congre* tenu à Quimper en 1873). 



— 155 — 



v~ 



attribuer exclusivement h ces premiers occupants, les débris 
d'origine indigène qui ont été recueillis dans ces ruines; car je 
ne saurais trop le répéter, si dans une grande partie de la 
Gaule, les mœurs des indigènes furent transformés par la civi- 
lisation romaine, il n'en fut pas de même dans la partie extrême 
de notre péninsule dont les habitants gardèrent au milieu des 
conquérants, la plupart de leurs usages et de leurs coutumes.. 
En effet, ce pays que l'expédition de César avait cependant 
écrasé, fut toujours traité en rebelle, et l'occupation romaine, 
y conserva pendant toute sa durée, un caractère particuliè- 
rement militaire. Les vainqueurs n'y construisirent point de 
monuments dignes de ce nom, et ne firent aucun effort pour 
introduire des idées de luxe ou de civ lisaiion chez des 
peuples complètement asservis, et que Rome avait peut-être 
un intérêt politique h maintenir dans l'asservissement et dans 
l'oppression. 

Si ces faits ne sont pas écrits dans l'histoire, ils ressorte nt 
manifestement de l'étude attentive do notre sol, où, à côté des 
vestiges que nous, a laissés l'industrie gauloise, on retrouve si 
fortement marquée, dans son sein comme à sa surface, l'em- 
preinte de l'occupation romaine (1). 

La conclusion à tirer de cette remarque, est que les orne- 
ments, les pesons de fuseau, les poteries et les autres objets de 
fabrique indigène, découverts dans les ruines de Tronoën, peu- 
vent être, pour une bonne partie, contemporains des objets d'o- 
rigine étrangère provenant des mêmes fouilles. Je crois devoir 
insister sur ce fait, parce que, pour pouvoir rétablir d'une ma- 
nière exacte la position relative, dans le sol, des débris enfouis 
soit à la suite d'un désastre unique, soit par le hasard d'événe- 
ments successifs, il aurait fallu apporter à l'exploration de cette 
station archéologique, plus d'expérience et de temps qu'il n'a 
été possible d'y consacrer. 



(1) J'ai exprimé la même opinion dans mon travail sur les Oppidums 
du Finistère, publié dans les mémoires du congrès de l'Association 
bretonne tenu à Quimper, au mois de septembre 1878. 



— Ï56 — 

Ce mélange d'objets d'origine diverse n'est pas d'ailleurs 
particulier aux ruines da Tronoên, Je l'ai observé dans les éta- 
blissements gallo-romains de Parc-ar-Groas. de Bénodet, de 
Carhaix, de locmarii, de Saint-Evarzec, etc., et M. James Miln 
l'a récemment constaté dans le Morbihan, comme le prouvent 
le texte et les nombreuses planches du splendide volume qui 
contient le compte-rendu de ses fouilles. 

La présence dans la même localité, d'ornements apparte- 
nant par leur style à l'art [étrusque, et d'armes en fer plus 
particulièrement eu usage dans le nord-est de la Gaule, ne doit 
pas plus nous surprendre que l'existence au même Heu, de 
monnaies gauloises étrangères à cette région. La voie qui y 
avait introduit les uus, a pu servir à l'introduction des autres. 
A part les Haures-Ténètes (1), nous ignorons du reste à quelles 
provinces de l'empire romain appartenaient les troupes qui 
tinrent successivement garnison dans le poste de Tronoên, et 
qui peuvent fort bien avoir été les introducteurs de ces 
armes et de ces ornements. 

La même observation pourrait à la rigueur s'appliquer aux 
urnes cinéraires trouvées dans la palue de Tronoên, et dont 
quelques-unes sont identiques h celles des cimetières gaulois 
de la Marne. Mais j'ai rapporté, plus haut que des vases appar- 
tenant au même type ont été découverts dans des sépultures 
gallo-romaines dos environs de Quimper et de Doûarhenez. 
Quant à l'urne donnée au Musée par M. de Pascal, et qui pro- 
vient aussi de la palue de Tronoên, elle anpartient à un type 
qui n'a pas été retrouvé depuis dans le département du Finis- 
tère, et si je suis bien informé, il n'en existe pas de semblable 
au Musée de Saint-Germain. 

Ces urnes exhumées du soi sablonneux qui avoisine Tronoên, 
contenaient sans doute les ossements de quelques soldats de. la 



(I) Voir la Notice est dignités de l'empire Tronoên était dans la cité 
des Véttètes, 



— 157 — 

garnison du camp, ou de gaulois, habitants de la bourgade éta- 
blie sous sa protection. Lorsque l'usage de brûler les corps 
cessa d'exister dans celte région, longtemps je pense, avant la 
fin de l'occupation romaine, les morts furent simplement inhu- 
més, parfois avec leurs ornements, et H est fort probable- que 
quelques-uns des squelettes découverts dans lapalue de Kervel- 
tré et de Tronoën, furent enterrés à cette époque. Mais sans 
parler des cadavres de naufragés, auxquels les habitants de ce 
lieu voisin de la mer, ont dû, à toutes les époques, donner la se- 
pulture,-il est incontestable que d'autres inhumations d'indigè- 
nes ont eu Heu dans les mêmes parages, à une date postérieure 
è l'établissement du Christianisme dans le pays. J'en trouve la 
preuve dans l'existence de nombreux lec f hs, non-seulement au- 
tour de Tronoën, mais encore dans les champs, les terrains 
vagues et les anciens chemins de la partie sud-ouest du Cap- 
Gaval. D'un autre côté plusieurs tumulus, celui de Kerveltré en 
particulier, et quelques menhirs que l'on voit dans les environs, 
prouvent que l'on y enterrait dès les temps celtiques. On ne 
saurait donc apporter trop de réserves dans l'appréciation de 
l'époque h laquelle les squelettes que l'on découvre dans 

la palue de Tronoën et de Kerveltré ont été inhumés, lorsque 
surtout Ton n'a pas assisté à leur découverte, et qu'ils ne sont 
pas accompagnés d'objets qui permettent d'assigner, d'une ma- 
nière certaine une date à leur inhumation. Des erreurs d'ap- 
préciation, de cette nature,seraient extrêmement préjudiciables 
aux études anthropologiques. 

V. 

Arrivé à la fin de ce compte rendu, je me trouve en présence 
de trois questions qu'il importe de ne pas laisser sans réponses. 

A quelles circonstances la station de Tronoën dut-elle son 
importance pendant l'occupation romaine ? 

A quelle époque et par quelles mains ce poste militaire 
fût-il détruit ? 



— 158 — 

A quelles causes doit-on attribuer l'érection sur ses ruines, 
de la chapelle de Notre-Dame de Tronoën ? 
Voici ma réponse à la première de ces questions» ' 
Lorsqu'après l'anéantissement par César de la puissance des 
Vénètes et de celle do leurs confédérés, les Romains 
occupèrent militairement le territoire des cités vaincues, leur 
premier soin pour éviter le retour de nouvelles révoltes, fut de 
couvrir le pays d'un réseau de voies qui permettaient aux 
troupes de se porter rapidement sur un point menacé. Ils 
établirent en même temps le long de ces voies, une multitude 
de camps plus ou moins vastes et plus ou moins fortement 
retranchés, dont beaucoup existent encore aujourd'hui. Quel- 
ques-uns de ces camps ne pouvaient recevoir qu'un petit nombre 
d'hommes, mais il en élait d'autres, ordinairement défendus 
par des tours placées aux angles ou sur les flancs des remparts, 
qui pouvaient contenir aisément une garnison de plusieurs 
centaines de soldats Parmi les plus remarquables de ces forte- 
resses dans le Finistère, je citerai le Castel-Doun, en Sizun, 
les camps de Plogastel-Saint-Germain, celui de Castellien, en 
Heilars, du bois d'Elliant, en la commune de ce nom, du bois 
de Pleuven, en Pleuven, du Parc, en Bosnoën, du Muriou, en 
Quimerc*h, des Salles, en Locronan, deLesneven, en Château- 
neuf, de Toul-ar-Boudou, en Hauvec, de Castel-Du, de Stumen- 
ven et de Saint-Cado,dans les montagnes d'Are, entre Brasparts 
et Sizun, etc. 

Ces précautions étaient prises contre les dangers de l'intérieur, 
mais les conquérants s'aperçurent bientôt qu'ils allaient avoir 
à combattre un ennemi plus redoutable, dans les hordes de 
pirates qui, après avoir porté la désolation sur les côtes de la 
Grande-Bretagne, commençaient à ravager le littoral de la 
Gaule. Ils établirent alors le long des côtes, dans des positions 
habilement choisies et qui dominaient la mer sur une grande 
étendue, une série de postes militaires dont la garnison avait 
pour mission de s'opposer au débarquement des barbares. De 



— 159 — 

nombreux petits postes qui permettaient d'observer rentrée 
des ports et des baies, et que j'ai déjà eu occasion de men- 
tionner dans ce Bulletin (l), servaient d'auxiliaires aux pre- 
miers. Pour compléter ce système de défense, qui prit plus 
tard le nom de Tractus armuricanus et nervicanus^ les Romains 
entretinrent à l'entrée des fleuves et des principales rivières, 
un certain nombre de vaisseaijx chargés d'en défendre l'entrée 
aux barbares, de s'opposer à leur débarquement, et, au besoin, 
de donner la chasse à leurs navires. 

On ne sait jpas au juste à quelle époque fut établi ce 
système de défense. Il existait certainement au III e siècle (2), 
mais tout porte à croire que son organisation remonte à une 
date plus ancienne ; les pirates du Nord commencèrent, en 
effet, de bonne heure, à infester les côles d'une partie de 
l'empire romain. 

La Notice des dignités de l'empire, qui contient la nomencla- 
ture des garnisons échelonnées au commencement du 
Y e siècle, le long des rivages de l'Océan et de la Manche, 
sous l'autorité d'un seul général, ne fait pas renumération de 
tous ces postes. Elle mentionne seulement le principal canton- 
nement maritime de chaque cité comprise dans ce commande- 
ment, mais il paraît évident que si la plus forte partie des 
garnisons demeura dans ces cantonnements principaux, le reste 
fut réparti dans les postes de moindre importance du littoral, 

La position de Tronoën sur un plateau qui commande toute 
la baie d'Audierne, et à peu de dislance de la pointe de 
Penmarc'h, où se trouve l'un des deux seuls ports de cette 
baie, désignait naturellement cette localité comme propre à 
recevoir une de ces garnisons secondaires. Telle fut, à mon 
avis, l'origii.e de l'établissement gallo-romain militaire de 
Tronoën, avec lequel on pouvait communiquer de Quimper 



(1) Tome XI, pages 68 et 69. 

(2) Dubos, Monarchie française y tomel, p. 73. 



- 160 — 

par deux voies, Tune passant par Pont l'Abbé, et l'autre par 
Plonéour. 

Un poste semblable fut établi à l'extrémité de la Pointe-du- 
Raz, au nord de la baie de* Trépassés, près du village de 
Troguer et de la chapelle Saint-They. Quoiqu'il soit situé bien 
plus au bout du monde que Tronoën, on ne peut méconnaître 
l'importance de ee point qui commande, non-seulement le 
passage du Raz et la baie de Douarnenez, mais aussi toute la 
mer jusqu'à l'archipel d'Ouessant. 

Le chanoine Moreau (1) a décrit, il y a trois siècles, tes 
ruines de cet établissement dont une partie était encore debout 
il y a vingt' ans. Il n'en existe plus aujourd'hui que les 
substructions. Il se composait d'une vaste enceinte rectangu- 
laire, close par des murs en pierres de petit appareil, et ren- 
fermant diverses maisons, comme les postes de Tronoën et de 
Parc-ar-Groas. La tradition du pays était qu'il y avait eu là 
un couvent. On y a trouvé il y a quelques années v deux statuettes 
en bronze représentant le dieu Mars. Deux voies romaines, 
encore bien conservées dans plusieurs de leurs parties, et qui 
partaient Tune de Carhaix et l'autre de Quimper, venaient abou- 
tir à cet établissement. 

On a découvert en 1844, dans l'anse de la Palue on de 
Lostroarc'h, entre la pointe de la Chèvre et la pointe de Dinan, 
les ruines d'un poste moins considérable, qui paraît avoir été 
destiné à protéger la presqu'île de Crozon. Comme les deux 
précédents il a été détruit d'une manière violente 

Ces trois forteresses se trouvaient sur le territoires àQsVeneti. 
Au nombre des établissements dé même nature de la cité des 
Osismii, je citerai, dans l'Océan, l'important Castrumâe Brest 
(Gesocribate ou Brivates portus) (2), qui défendait la rade et 

(1) Histoire delà Ligue en Bretagne, (l** 6 Edit. page 7.) 

(2) Notre confrère M Kerviler a cru découvrir récemment, à l'embou- 
chure de la Loire, l'emplacement de Brivates portus. Je publierai, sous 
peu, les motifs qui ne me permettent pas de partager son avis sur ce 
point contesté de notre géographie gallo-romaine. 



161 — 



l'entrée des rivières qui viennent s'y jeter. Le cantonnement 
principal de celle cité, Vorgat}ium % appelé plus tard Osismii, 
qui en était en même temps la capitale, était assis sur le 
littoral de la Manche à l'embouchure de l'Aber-Wraç'h. 



VI. 

Je crois avoir suffisamment répondu à la première question, 
par les observations qui précèdent. Je rechercherai en quelques 
lignes par qui et à quelle époque le poste de Trpnoën fut 
détruit. 

Comme je l'ai fait entendre plus^haut, la plupart des établis- 
sements gallo-romains de notre pays furent pris d'assaut, par 
des ennemis sur'lesquels la tradition ne nous a laissé aucun 
renseignement, et ruinés, le plus ordinairement, par des incen- 
dies allumés par les vainqueurs. La première pensée qui se 
présente à l'esprit, quand on se demande la cause de ces dévas- 
tations, est de les mettre sur le compte des pirates Francs et 
Saxons que l'Histoire nous dépeint comme bien^ capables d'ac- 
complir de pareils exploits. Mais diverses considérations 
rendent cette hypothèse bien peu probable. 

D'abord on ne saurait admettre qae ces établissements aient 
été'délruiis avant la fin de la domination romaine dans cette 
parlie de la Gaule, "c'est-à-dire avant 409, date de la révolte 
des provinces armoriques contre des maîtres qui ne savaient 
même plus les défendre contre les ennemis du dehors ; car, 
si les faits s'étaient passés à une époque antérieure à ce grave 
événement, les Romains n'auraient pas manqué de réparer les 
désastres causés par les barbares. D'un autre côté, les monnaies 
découvertes dans ces ruines, prouvent que ces ravages n'ont 
pu avoir lieu avant la fin du IV e siècle au plus tôt. Les plus 
récentes appartiennent, e.i effet, aux empereurs Constantin 
lé Jeune (Tron'oên), Magnence (les Bossenno, près Carnac, et le 
Lodo, Morbihan), Constance II (Bénodet), Valenlinien et Giatien 



- 162 — 

(l'anse de la Pake ou de Lostmarc'h). Ces dernières monnaies 
nous amènent à l'entrée du V* siècle. 

J'ajouterai que si les pirates du Nord avaient été les auteurs 
de ces ravages, au lieu de mutiler et de jeter dans les flammes 
allumées par eux, les statuettes en bronze, les ornements et les 
armes des vaincus, ils auraient certainement emporté comme 
trophées, ces objets qui ne pouvaient manquer de représenter 
une valeur à. leurs yeux. 

Tout porte donc à croire que la destruction de ces postes 
militaires eut lieu en 409, à l'époque du soulèvement des pro- 
vinces arraoriques,et qu'elle, eut pour agenlsles Gaulois révoltés. 
De plus, comme il a été constaté, ainsi que je l'ai déjà dit, que 
dans plusieurs de ces établissements les statues des divinités 
qui y étaient l'objet d'un culte, avaient été intentionnellement 
brisées (1), on arrive forcément à celte conclusion que ces ico- 
noclastes étaient des chrétiens, et que par conséquent, si une 
partie des habitants do l'extrême Armorique étaient encore 
païens au commencement du V e siècle, il faut bien admettre 
qu'un assez grand nombre avaient déjà embrassé le christia- 
nisme à cette époque, pour pouvoir secouer le joug de leurs 
dominateurs demeurés fidèles au culte des idoles. Cette con- 
clusion, si' importante en l'atsence de témoignage écrit sur la 
situation religieuse de notre pays, avant l'arrivée des Bretons 
insulaires, explique bien pourquoi les vainqueurs des gar- 
nisons romaines, après avoir mis en pièces les images de 
leurs divinités, détruisirent et jetèrent au feu les ornements 
et les armes des vaincus, objets qui aux yeux de néophytes 
chrétiens, devaient être nécessairement entachés de souillure. 



(1) Dans le poste de la Palue ou de Lostmarc'h, en la commune 
de Crozon (Finistère), dont les ruines n'ont pas été l'objet de fouilles 
régulières, on n'a pas, que je sache, trouvé de statuettes en terre cuite, 
mais on y a découvert une tête de bélier en granité, qui est aujourd'hui 
au Musée archéologique de Quimper, et qui était peut-être une 
représentation de Jupiter Ammon. 



— 163 -.- 



VII. 



Après la destruction du poste gallo-romain et de la bourgade 
gauloise de Tronoën, après la dispersion de leurs habitants, qui, 
vivant ensemble devaient partager les mêmes croyances reli- 
gieuses, ces ruines ne furent pas entièrement abandonnés. De ' 
même que dans plus d'une chapelle chrétienne dont il ne reste 
plus que les murs, la dévotion des pèlerins a su se frayer un 
sentier à travers les ronces et les longues herbes du sanc- 
tuaire, jusqu'à la statue oubliée de quelque saint, de même 
ceux qui avaient survécu au désastre de Tronoën, devaient venir 
pleurer sur les ruines du temple de leur bonne déesse, et 
continuer à rendre leurs devoirs religieux à la fontaine sacrée 
qui en était l'accessoire. 

Personne n'igpore en effet, quelle vénération les Gaulois 
avaient pour (es rivières et les fontaines, qu'ils honoraient 
comme des divinités. On connaît le vers d'Ausonne : 

« Divoncii Celtarum lingua fons additedivis. » 

Cette superstition persista en Gaule et particulièrement en 
Armorique, longtemps après l'introduction du Christianisme 
dans ce pays, au point que le Concile de Tours en 567 dut 
proscrire par un de ses canons, ces restes d'idolâtrie : 

« Veneralores lapidum, accensores focularum et excolentes 
sacra fontium et arborum, admonemus. » 

Lorsqu'au V e et VI e siècle les Bretons insulaires vinrent cher- 
cher un asile dans la Brelagne-Armoriquc, ils apportèrent sans 
doute avec eux les mêmes traditions superstitieuses. Nous 
lisons en effet dans Gildas : 

« Neque nominatim inclamitans montes ipsos, aut fontes vel 
colles, aut fluvios olim exiliabiles, nunc vero humanis usibus 
utiles, qui bus divinus honos a cœco tune populo cumulaba- 
tur* (1). 

(I) Historia Gilds, § 2. 



- 164 — 

Une vie de saint Patrice, l'apôtre d'Irlande, qui lutta si éner- 
giquement pour extirper de celte fie les croyances druidiques, 
rapporte qu'un des motifs qui déterminèrent ce saint à visiter 
Slane, fut qu'il y avait dans celte localité, une fontaine à la- 
quelle les Druides (Magi) rendaient des hommages et faisaient 
des offrandes comme à un dieu. 

A mesure que le Christianisme se répandit dans notre pays, 
je veux dire dans l'extrême Armorique, les missionnaires chré- 
tiens firent tous leurs efforts pour combattre ces pratiques supers- 
titieuses. Mais au. lieu de les attaquer de front, ils jugèrent plus 
prudent de placer sous le symbole du Christ les monuments 
qui en était l'objet. C'est ainsi que les pierres auxquelles les 
nouveaux convertis continuaient à rendre un culte, furent sur- 
montées d'une croix, et que les eaux des fontaines jusque là 
consacrées à des divinités païennes, devinrent par l'usage qu'on 
en fit dans le baptême, un instrument de régénération reli- 
gieuse. s / 

Bientôt des chapelles chrétiennes s'élevèrent au-dessus de 
ces fontaines qui se trouvèrent ainsi placées sous la protection 
de Notre-Dame, de sainte Anne, des apôtres ou de quelque 
saint populaire. Il reste encore dans le Finistère assez de rui- 
nes de ces édicules,pour nous permettre de n'avoir aucun doute 
à ce sujet. Aux exemples que j ai cités plus haut, de cha- 
pelles de ce genre existant dans la commune de Saint-Jean- 
Trolimon, j'ajouterai ceux de la chapelle de Saint-Trégonnec 
en la commune de Plogonnec, dont la nef est traversée par 
une source, et de la très-curieuse chapelle de Saint-Guévroc, 
en la commune de Tréflez, qui avait au centre du sanctuaire, 
une fontaine à laquelle on descendait par treize degrés. Dans 
le pourtour du même sanctuaire étaient des bancs de pierres 
faisant corps avec les murs, et sur lesquels les pèlerins 
s'asseyaient, sans doute, en attendant que vînt leur tour de 
faire leurs ablutions. Notre Bulletin a publié une description 
et un plan de cette chapelle (1). 

(i) Tome III, p. 162. 



— 165 — 

La tradition de- Tronoën et de Kerveltré rapporte qu'une 
chapelle dont il ne reste plus de traces, existait autrefois dans 
les ruines. Peut-être était-elle construite au-dessus de la fon- 
taine. Quoi qu'il en soit, lorsque le Christianisme s'épura en 
Bretagne, on cessa de renfermer les fontaines dans les églises, 
mais elles continuèrent à en être les accessoires, et nous avons 
tous les jours sou3 les yeux, la preuve qire, dans l'esprit des 
habitants de la campagne, leurs eaux, grâce aux saints auxquels 
elles sont consacrées, ont conservé la vertu qu'elles devaient 
autrefois aux divinités du paganisme. 

Cet usage était généralement en vigueur au XV e siècle,darte de 
la construction de la chapelle de Notre-Dame de Tronoën. On a 
remarqué que partout ou presque partout en Bretagne, les 
chapelles dédiées à Notre-Dame sont construites sur des ruines 
romaines. Je sais que le culte de la Sainte-Vierge se répandit 
de très-bonne heure dans la chrétienté, et pour ce motif Ton 
dut placer sous son vocable un grand nombre de chapelles 
élevées sur les ruines d'anciens centres de population; mais 
je suis porté à croire que la découverte fortuite, et qui à 
l'époque, put paraître miraculeuse, de quelques unes de ces 
statuettes de déesses-mères que Ton trouve presque toujours 
dans ces ruines, et dont l'altitude est exactement celle que Ton 
donne à la Sainte-Vierge portant son enfant, ne fut pas étran- 
gère à l'érection de plusieurs de ces chapelles. 

Dans un article publié il y a trois ans dans ce Bulletin (1), 
j'ai cité des faits qui prouvent jusqu'à la dernière évidence que 
la tradition des déesses-mères s'est conservée longtemps dans 
notre pays. Les gens de Tronoën appellent « des morceaux de 
saints » (Tamousenl), les fragments de statuettes que l'on 
trouve en si grand nombre autour de leur village. Pour eux, 
en effet, qui ne connaissent de la statuaire que les saints de 



(I) Sainte Guen et Saint Cadvan, t. II, p. 104. 

II 



1 



— 166 — 

leurs églises, toute représentation grande ou petite db la figure 
humaine est nécessairement un saint. " 

Une société de médecins a élevé il y a dix ans, sur la place 
Saint- Coren lin, à Quimper, une statue au docteur Laënnec. Il 
n'est pas rare de voir, les jours de marché, des geos de la cam- 
pagne pieusement agenouillés devant ce monument, et adressant 
dévotement leurs prières à l'inventeur du stéthoscope. 

VIII. 

J'ai été peut-être un peu long dans l'exposé des découvertes 
faites à Tronoen, exposé par lequel on a pu voir que ces dé- 
couvertes sont dues exclusivement à des cultivateurs plus 
ou moins chercheurs de trésors, mais c'a a été pour moi un 
devoir d'en énumérer minutieusement tous les détails, afin 
de bien établir, d'abord, que la Société archéologique du Fi- 
nistère, même lorsqu'elle se trouve en présence de certaines 
compétitions féroces, comme il s'en produit quelquefois, ne 
néglige aucun fait qui intéresse ses études, et en second lieu de 
montrer, que notre département n'est pas une contrée si sau- 
vage 7 ni si dépourvue de lumières, qu'il faille y envoyer de 
prétendus missionnaires chargés de découvrir ce qui est dé- 
couvert depuis longtemps, et de travailler à l'avancement d'une 
science dont ils ne connaîtraient peut-être pas les premiers 
éléments (J). 



(I) Je crois devoir placer ici quelques observations qui ont été 
omises dans cet article. 

]o La fête de saint Ru mon, dont j'ignore absolument la date, était au 
XIV" et au XV e siècle, un jour d'échéance pour certaines redevances 
dues au seigneur du Pont-i'Abbé, et qui se payaient au bourg de Treff- 
Rumon (auj. Saint- Jean-Trolimon) . 

2° Le mot « T roi i mon » s'est formé par les dégralations suivantes : 
Treffrumon, Treorumon, Trorumon, Trolumon et Tro limon. 

3° Létymologie de «Tronoen ou Tronoan » parait être Traon, vallée, 
et Oan, agneau. 

4° La chapelle de Notre-Dame de Tronoen appartenait en 1790 aux 
Carmes de Pont-1'Abbé, par suite, je suppose, de quelque donation d'un 



— 167 - 

Après cette lecture M. le comte de Bremond d'Ars 
communique à la Société un dessin d'un fragment de 
sculpture représentant un des larrons du Calvaire, 
trouvé à Kernével sur le mur du cimetière. 

M. le Président émet le vœu que cette sculpture soit 
' transférée au Musée départemental. 

A ce propos, M. Pavot signale à la Société, l'exis- 
tence d'un curieux calvaire en la commune de Briec 
près du moulin du Lez (1). 

M. le Président prend ensuite la parole pour com- 
muniquer- à l'assemblée quelques recherches qu'il a 
faites sur la poésie des Cacoux ou Lépreux de notre 
pays. 

POÉSIE DES CACOUX. 

Dans la séance du 13 janvier 1877, M. Le Mena donné com- 
munication à la Société archéologique du Finistère de docu- 
ments inédits du plus vif intérêt concernant les lépreux et ca- 
coux de la Basse-Bretagne (2). J'avais fait suivre sa lecture de 
quelques observations dont le procès-verbal n'indique qu'une 
seule, et que j'ai mises depuis en écrit. Elles ont paru de na- 
ture à compléter le travail de notre savant secrétaire et je vais 
les rappeler; mais il est bon de résumer d'abord en peu de 
- mots les faits qu'il a mis dans une lumière nouvelle. 

Selon lui (et il adopte l'opinion de M. Francisque Michel, 



seigneur du Pont, dont je n'ai trouvé aucune trace. Elle fut adjugée le 
2 nivôse an 11, avec 1 s maisons y jointes, 167 cordes terre chaude et 
315 cordes terre froide, au citoyen Pierre-Marie Barazer, de Quimper, 
pour le prix de 1575 livres. 

5<> On m'a indiqué dans une prairie entre le bourg de Saint- Jean- 
Trolimon et Tronoën, une chapelle dont j'ai oublié le nom» et à Tinté- 
rieur de laquelle se trouve une fontaine. 

(1) Voir le Bulletin, tome H, page 104. 

(2) Voir le Bulletin, t. IV, page 138, et t. V, pages 40 et 132. 



— 168 - 

l'historien des Races maudites), nos Cacoux tireraient leur 
nom des cagots c'est-à-dire chiens de Goths de Gascogne, 
espèce de parias venus d'Espagne, sous Charlemagne, et qui 
pénétrèrent jusqu'en Bretagne. Ils. y passèrent pour atteints de 
la lèpre, en breton mal de saint Lazare « celui dont les chiens 
léchaient les ulcères » dit le Père Grégoire, et on les confondit 
avec les lépreux. Marqués, comme eux, d'une croix rouge, ils 
se virent interdit tout autre métier que le métier de cordier, 
et ceux qui l'exercent chez nous reçoivent encore aujourd'hui 
l'injurieux sobriquet à& cacoux. 

Passant aux lépreux proprement dits, M. Le Men relève des 
détails curieux de la jurisprudence qui les concernait ; il in- 
siste sur le respect que les juges ecclésiastiques, forcés à une 
dure nécessité, à une véritable mesure de salut public, comme 
il le dit très bien, portaient à la personne soupçonnée d'être at- 
teinte de la maladie ; il donne des exemples du soin qu'ils pre- 
naient de la faire examiner très-attentivement, des épreuves 
auxquelles on la soumettait, particulièrement par la saignée, 
et constate enfin que la sentence de séquestration était loin 
d'être prononcée à la légère. 

On se rappelle l'exécution de cette sentence et combien 
elle était lugubre et dramatique. 

Un ecclésiastique se rendait chez le malade condamné, loi 
adressait quelques paroles de consolation, l'exhortait à se 
résignera la volonté de Dieu, le dépouillait de ses vêtements 
pour le revêtir d'une casaque noire, l'aspergeait d'eau bénite 
et le conduisait à l'église. 

Là, le chœur était tendu de noir, comme pour les enterre- 
ments ; le prêtre, revêtu d'ornements de même couleur, mon- 
tait à l'autel ; le malade entendait la messe à genoux, la tête 
couverte du drap mortuaire, à la lueur des cierges. 

Après l'office, le prêtre l'aspergeait de nouveau d'eau bénite, 
chantait le Libéra et le menait à la demeure qu'on lui desti- 
nait, qui avait pour meubles un lit, un bahut, une table, une 



— 169 — 



l . 



chaise, une cruche et une petite lampe. On donnait en outre 
au malade un capuchon, une robe, une housse, un barillet, un 
entonnoir, des cliquettes, une ceinture de cuir et une baguette 
de bouleau. v 

Arrivé au seuil delà porte, te prêtre, en présence du peuple, 
l'exhortait encore à la patience, le consolait de nouveau, l'en- 
gageait à ne jamais sortir sans avoir son capuchon noir sur la 
tête, et sa croix rouge sur l'épaule -, à Centrer ni dans les églises, 
ni dans les maisons particulières, ni dans le3 tavernes pour 
acheter du vin ; à n'aller ni au moulin ni au four baaal, à ne 
laver ni ses mains ni ses vêtements dans les fontaines ou dans 
le courant des ruisseaux, à ne paraître ni aux fêtes, ni aux 
pardons, ni aux autres assemblées publiques ; à ne toucher aux 
denrées, dans les marchés, qu'avec le bout de sa baguette et 
sans parler, à ne répondre que sous le vent, à ne point errer 
le soir dans les chemins creux, à ne point caresser les 
enfants. •• à ne leur rien offrir, — cruelle défense pour plus 
d'un bon cœur ! — Puis il lui jetait une pelletée de terre, le 
bénissait une dernière fois au nom de Dieu et revenait avec la 
foule. 

Cette émouvante cérémonie eut lieu à Quimperlé en 1453, à 
progos d'Yves Le Bihan, de la paroisse de Saint-Michel, dont 
le procès a été publié par M. Le Hen. 

On ne s'étonnera donc pas si, aux environs de Quimperlé, les 
cacoux sont le sujet de plusieurs chansons populaires ; 
M. Prosper Proux en a procuré une assez curieuse à H. Fran- 
cisque Michel. 

Le héros de cette pièce est un jeune paysan si beau, que 
lorsqu'il passe le dimanche pour aller à la messe, ses cheveux 
blonds flottants sur ses épaules, on entend plus d'une jolie 
fille soupirer. Le cœur de l'une d'elles, appelée Marie, est pris; 
celui du jeune paysan ne larde pas à répondre à l'amour de 
Marie ; mais, par malheur elle a la lèpre ; et lorsqu'elle se 
présente chez le père de son amoureux, et qu'elle dit : « Don- 



— 170 — 

nez-moi un siège pour m'asseoir, et un linge pour ra'essuyer 
le front, car votre fils m'a promis de me prendre pour femme, » 
le vieillard assis au coin du feu lui répond d'un ton railleur : 
« Soit dit sans vous fâcher, ia belle, vous vous abusez : vous 
n'aurez point mon fils, ni vous ni aucune fille de lépreux 
comme vous! » Marie sort en pleurant et jure de se venger. 
En effet elle se fend un doigt, et avec son sang elle donne la 
lèpre à quatorze personnes de la famille qui l'a repoussée ; et 
son jeune amoureux en meurt. 

Une autre pièce plus connue, nous a conservé les tou- 
chantes et poétiques doléances d'un pauvre kloarek atteint de 
la lèpre et qui se voit délaissé par la jeune fille qu'il aime. 

LE JEUNE HOMME. 

Créateur du ciel et de la terre I mon cœur est accablé de 
douleur ; je passe mes jours et mes nuits à songer à ma douce 
belle, à mon amour. 

La maladie, hélas ! me tient cloué sur mon grabat ; si ma 
douce belle venait, elle me consolerait bientôt. 

Comme l'étoile du matin, après une nuit d'angoisse, si 
ma douce me venait voir, elle me soulagerait. 

Si elle touchait seulement du bout des lèvres le bord du 
vase de ma tisane, en buvant après elle je serais guéri à l'instant. 

LA JEUNE FILLE. 

Qui est-ce qui me parle de la sorte, à moi, qui suis aussi 
noire qu'un corbeau. 

LE JEUNE HOMME. 

Quand vous seriez plus noire, qu'une mûre, vous seriez 
blanche pour qui vous aime. 

LA JEUNE FILLE. 

Jeune homme, vous en avez menti ! je ne vous ai point 
donné mon cœur ; je ne veux plus de vous, vous êtes un lé- 
preux, je le sais bien ! 



r 



— 171 — 

LE JEUNE HOMME. 

A une pomme au bout de l'arbre ressemble le cœur de la 
femme : la pomme est belle à voir, mais elle cache un ver 
dans son sein. 

A une feuille sur la branche ressemble la beauté de la 
jeune fille ; la feuille tombe à terre ; ainsi déchoit la beauté. 

A la fleur bleue du bord de l'étaqg ressemble l'amour de 
la jeune fille ; 

La petite fleur tourne parfois ; la petite fleur tourne et re- 
tourne ; 

La petite fleur tourne parfois, l'amour de la jeune fille 
tourne toujours. 

L'eau emportera la fleur, et la mort le traître. 

Je suis un pauvre jeune clerc ; je suis fils de Jean Coran- 
tin; j'ai passé trois ans à l'école, mais maintenant je n'i- 
rai plus. 

Dans un peu de temps jç m'en irai encore, je m'en irai en- 
core loin du pays ; dans un peu de temps je serai mort, et 
m'en irai en purgatoire (I). 



(4) _ ANN DEN IAOUANK. 

Krouer ann nenv hag ann douar ! 
Mantret va c'baion gant glac'har. 
kounan enn noz hag enn de. 
D'am dousik koant, d'am c'harante. 

Me zo war va gwele chomet, 
Dalc'het, sioaz ! gaad ar c'hlenvet ; 
Ma ve va dousik a deufe, 
E berr-amzer am frealzfe. 

Evel gand ar werelaouen, 
Goude eunn nozvez a anken, 
Mar deufe ma dous d'am gwelet, 
E vizenn gautbi diboaniet. 

Ma lakafe beg he geno 
War bordik skudel va louzo, 
Da evan goude pa iefenn 
Gwelleet raktal e vizeon. 



AR PLAC h. 

Piou a roroz ouz-in evel se. 

Ha me ken du bag eur vran ve ? 

ANN DENN IAOUANK. 

Pa vec'h keu du hag ar mouar, 
Gwenn-kannoc'h d'ann biniho kar. 

AR PLAC'fiU 

Den iaouang, eur gaou a leret ! 
Vac'halon d'hac'h,n'em euz roet! 
N'em euz ker mui ac hanoc'h, 
Eur c'hakous a ouzonn-me oc*h ; 

ANN DEN IAOUANK. 

'Vel enn avalou e beg ar ween. 
E makalon ar femelen ; 



— 172 — 

Par allusion aux maisonnettes isolées que les procureurs des 
fabriques fesaient bâtir pour les ladres, un de ces malheureux 
dit, à la fin de la chanson analysée plus haut : 

« Élevez-moi une cabane au milieu de la grande lande ; 
percez dans le mur une fenêtre, pour que je puisse voir passer 
la procession, croix et bannière en tête ; hélas! je ne les por- 
terai plus I » 

Une dernière poésie sur les lépreux m'a été apprise par un 
paysan de Baye, Jean Carer, poète lui-même ; je l'ai copiée 
sous sa dictée. 

La personne qui en est le sujet, et probablement l'auteur, 
une jeune mère, attaquée de la contagion, se plaint d'être relé- 
guée au bas de l'église, pendant l'office divin, conformé- 
ment aux ordonnances épiscopales : 

• Dimanche matin, à la grand'messe. — Ah ! c'est trop 
certain, chère amie ! — mon cœur était comme déchiré : — 
Hélas ! hélas ! hélas ! — 

« Je voyais mon} cher frère et ma sœur (en J.-C), mon 
frère le prêtre, à l'autel ; 

« Moi, j étais à la porte de l'église, parmi les lépreux 
du roi ; 

« Tenant un petit lépreui sur mon sein, lequel poussait des 
cris affreux ; 



Kaer ve ann aval da welet. 
Hag eur preav e kreiz zo kuet. 

Evel eunn deliea war ar brank, 
E ma gened ar plac'h iaouank ; 
Ann delien a gouez war ann douar, 
Ar c'hened ive a ziskar. 

'Vel ar bleun glaz diouz lez ar stank, 
Ma karante ar plac'h iaouauk ; 
Ar bleunig a dro wechigo, 
Ar bleunig a dro, a zistro; 

Ar bleunig a dro wechigo, 



Karante ar plac'h tro ato. 

Ar bleun a ielo pand ann dour 

Ha gand ann ankou ann traitour. 

Me a zo eur c'hloaregik paour, 
Me a zo mab da lann Kaour ; 
Beann onn bet tri bloa o studi, 
Hogen breman na Inn ket mui. 

Benn eur pennad me iei endro, 
Me iei endro kuit deuz ar vro 
Benn eur pennadik vinn maro, 
Ha d'ar purkator me ielo. 



— 173 — 

« Et moi de le rouler dans mes bras et de l'emporter à la 
Magdekine. » (1) 

Près de cette chapelle de la Magdeleiue, placée sous le vo- 
cable de la sainte pécheresse qui visita Jésus chez Simon 
le lépreux, comme le remarque M. Le Mon, un cordier attend 
la jeune femme ; c'est son père ; lui montrant le rouet de la 
corderie, il commence à chanter en dévidant son chanvre, et 
en se balançant d'une jambe sur l'autre : 

« Ma fille, mettez votre robe bleue pour tourner la roue, 
au bord du grand chemin. 

« Ma fille, mettez votre robe blanche pour tourner la roue, 
afin que je fasse des cordes. 

« Ma fille, mettez votre robe brune pour tourner la roue du 

'lépreux. 

« Ma fille, mettez votre robe noire pour tourner la roue, 
dans les deux sens, toujours ! » (2). 



(1) Disul vintin, enn offero bret , 
 dra sertcnua, ma dousik ! 
Ma c'balon oa gozik rannet: 
Oh ! la la la la la la la laïk ! 
Oh ! la la la la la la ! 

Gwelet ma breurik ha ma c'hoer, 
Ma breur belek ouz ana oter ! 

Me a oa me toul ann nor zall, 
E touez ar gakouzed roeal ; 

Lapouz kakouz war ma barlenn ; 
Hag heu skrijal war bouez he beon. 

Ha mehen gronna em barlen, 
Ha mont gant-han d'ar Vadalen. 

(2) Ma merc'h, gwisket ho prozik c'hlaz 
Da drei ar rod 'tal ann hent braz. 

Ma merc'h, gwisket ho prozik wenn 
Da drei ar rod d'ober kerden. 

Ma merc'h, gwisket ho prozik rouz 
Da drei ar rod 'vid ar c'hakouz. 

Ma merc'h, gwisket ho prozik du 
Da drei tao arrod d'enn daou du. 



— 174 — 

Oui, toujours, qu'elle porte du bleu, du blanc, du brun ou 
du noir, toujours il lui faudra tourner la roue fatale,, et son 
père, les yeux fixés sur elle, et marchant à reculons, comme 
pour ne pas la perdre de vue, semblera filer les jours infor- 
tunés de la pauvre fille. 

N'y a-t il pas ici une image navrante de la destinée de 
tous les lépreux ? Malars vulgaires ou lépreux royaux, entre- 
tenus sans doute aux frais des ducs de Bretagne, puis dès 
rois de France, leur mal n'en était pas moins incurable ; le 
seul remède- était celui qui soutient le chrétien ici-bas, et lui 
assure, là-haut, une vie éternellement heureuse. 

Cette lecture donne lieu à une conversation gêné- 
raie animée, à laquelle prennent part M. Trévidy, le 
comte'de Bremond, M. Pavot et M. Faty. Le premier 
remarque un fait intéressant, c'est que la lèpre n'a 
pas encore disparu complètement en Bretagne, et 
qu'il a vu lui-même à Paimbœuf, une enfant atteinte 
de la maladie : on la distinguait, dit-il, à des petites 
croûtes ou pellicules au-dessous de l'œil, lesquelles 
tombaient comme des écailles, 

M. de Bremond constate que les lépreux bretons n'a- 
vaient pas seulement leur législation, mais leur poé- 
sie, et une poésie très-touchante, que les cordiers ont 
sauvée, en continuant à la chanter. 

M. Pavot demande quelle est l'air de la dernière 
chanson traduite par M. de la Villemarqué. Pour 
mieux répondre à sa question, M. lé Président la 
hante. Le caractère profondément mélancolique de 
cette mélodie paraît, autant que les paroles, impres- 
sionner beaucoup l'auditoire ; il rappelle à M. Pavot 
et à M. Faty, des airs populaires remarquables, qu'ils 
ont entendus à l'étranger, et ils émettent le vœu de 
voir recueillir toas nos vieux airs bretons. 



— 178 — 

A la fin de la séance, M. le Président appelle l'at- 
tention des membres de ]a Société sur l'excellent ou- 
vrage publié par M. Le Men : Monographie de la Ca- 
thédrale de Quimper. « Ce livre, dit-il, jette un jour 
nouveau sur notre intéressante basilique ; il a attiré 
les regards de M. le Ministre de l'Instruction publique 
qui y a souscrit pour cinquante exemplaires, mais un 
plus grand succès, lui est assuré, je l'espère. * 

La séance est levée à 4 heures. 

Le Secrétaire, 
LE MAIGRE. 



— 176 — 



•eCUIIElfTS INÉDITS 

XIII. 

M«UVEIXE0 A L% MAlIi. — H° 1. 

A Paris ce 17« juillet 4682. 

On n'est point content icy de la conduitte de M. de Guillera- 
gues ; il pouvoit avoir le sopha dans le temps que M. Duqpesne 
tenoit les gallèrescta grand Seigneur investies, et faire un traité 
avantageux ; mais il en a été la dupe, s'estant fié à la parolle 
de ces infidèles, qui font gloire de n'en point garder. Le bruit 
court que ce ministre est fort embarrassé •. à la Porte, on ne 
scait pas sy ce ministre n'a pas eu de la bastonnade. 

On a "eu avis qu'il y a dans Alger deux partis opposez Tua 
à l'autre : celuy du Divan qui appuie les pyrattes, lesquels ne 
veulent point la paix, parce qu'ils n'i trouvent pas leur comte, 
et celuy des marchands et bons bourgois, qui demandent la 
paix ; et comme ils sont en plus grand nombre, on ne doute 
pas qu'ils ne l'emportent. On croit qu'a l'arrivée de M. Duquesne, 
il sera fait des propositions d'accommodement pour une pleine 
et entière satisfaction à S. M., et que notre armée navalle aura 
de l'occupation d'un autre coslé. 

La fièvre a repris au- duc de Savoye ; on apréhende mesme 
qu'on ne luy aye procuré une partie du mal qu'il a. Il ne sera 
de longtemps en estât de partir ; il faut qu'il soit en parfaitte 
santé lorsqu'il arrivera en Portugal ; les dames ne veulent pas 
des gens infirmes. 

La congrégation pous les affaires de France a cessé à Rome 
à mesme temps que l'assemblée du clergé à cessé icy, ce qui 
fait voir que la chose estoit concertée, et que Ton s'accommode. 

On parle d'un combat sur la Save, en Hongrie, entre les 
impériaux et les Turcs. 

Il est très-asseuré que le roy d'Espagne est comme paralitique 
d'un costé, ce qui commance à paraistre beaucoup. C'est 
inutilement qu'il a une princesse près de luy. 



177 — 

Les nouvelles d'Hollande portent que le différend que la 
régence de Liège a avec cet estât ne puisse (sic) servir à 
quelque seraance de guerre. MM. les Estais qui sont bien aise 
de l'éviter par toutes sortes de moyens, ont commis MM. Vrik- 
bergen et Dikwell pour aller à Liège régler nos différents ; 
el ils sont partis avec plain pouvoir. 

-Les dernières lettres de Bruxelles portent que Ton parloit 
d'une grande refforme de trouppes, et qu'on ne voyoit plus la 
mesme ardeur que M. le marquis de Grana avoit marquée à 
son arrivée, de faire quelque Irruption sur les terres que 
possède la France, et luy déclarer la guerre. 

Les nouvelles de Provence portent qu'un Chiaoux est arrivé, 
dit-on, à Marseille. Il va à Paris ;, on croit que c'est pour 
prier le roy de faire la paix avec les algériens. On dit qu'ils 
promettent de rendre ce qu'ils ont pris sur nous, tant vaisseaux, 
barques que les marchandises, ou d'en payer la valeur, pourveu 
que S. M. veuille leur faire rendre les esclaves d'Alger qui sont 
.sur nos gallères. 

Celles de Roussillon portent qu'il n'i a pas encore de camp 
formé, et qu'on se contente d'y envoyer quelques régimens 
estrangcrs et de bien munir les places. On y envoyé quantité 
d'officiers hollandois qui ont quitté le service des Estats 
généraux, et le roy leur donne de l'employ dans le régiment 
de Fuslemberg, qui sert en Roussillon et est en garnison à 
Perpignan. Ces officiers se louent fort de la générosité et 
libéralité du roy. S. M. a même permis à quelques uns 
d'ameiner leurs femmes. 

Dans le dernier voyage de M. de Louvoys, en Flandre, il fut 
jusqu'à Dinan où il a donné ordre a des troupes, d'aller vers 
Liège et Trêves, où par le moyen de la dissention qui esl entre 
les bourguemestres, pour l'élection des bourguemestres nou- 
veaux, on espère, par une correspondance, faire entrer en 
garnison dans les places, des trouppes françoises, pour prévenir 
les impériaux qui ont le mesme dessein. 

A la dernière audiance que M. de Paris a eue du roy, il 
marqua à S. M. le déplaisir qu' avoit eu le clergé de ne pouvpir 



— 178 — 

répondre au bref injurieux du Pape; que rassemblée a travaillé 
à trouver des expédiens pour la conversion des huguenots» 
Elle en a fait une lettre circulaire qu'elle a envoyée à tous les 
évesques du royaume, et a supplyé le roy d'escrire à tous les 
intendantz de concourir à ce pieux dessein. 

Il commence à par.ûslre à la cour une des plus belles 
personnes qu'on ait veues depuis longtemps, c'est la fille de 
M. Te comte de Grandmont, qui est à 15 ans toute formée. 

Par ordre du roy on avoit augmenté les deux compagnies des 
Mousquetaires, qui n'estoient que 250 hommes chacune, jusqu'à 
300, et on les avoit bien montées et bien esquipées pourestre 
tousjours toutes prestes à marcher au premier ordre en campa- 
gne. Mais le roy a envoyé depuis un ordre aux commandans 
d'augmenter lesdites deux compagnies d'aulaut de mou sque- 
taires qui s'offriront, et de prendre des officiers à proportion 
de l'augmentation. 

On a envoyé une lettre de cachet de la part du roy à tous 
les évesques et arcbevesques du royaume, par laquelle S. M. 
les exorte à tenir la main, chacun dans son diocèze, à 
l'exécution des actes résolus à l'assemblée du clergé, pour la 
conversion des hérétiques; à quoy S. M. leur ordonne de 
n'employer que les monitoires pastorales, et les voyes de 
douceur, sans faire aucune violence ni rien entreprendre 
contre la disposition des droicts et la liberté de conscience. 

Ou enleva dimanche dernier, des filles du Calvaire, près le 
palais d'Orléans, entres autres mademoiselle de Lonchesne 
petite fille de M. de Bulion, autrefois surintendant des 
finances. On poursuit criminellement les ravisseurs. 

La duchesse de V try, qui affectionne un allemand qui l'a 
servie de laquais, ensuille de valet de chambre, et depuis 
devenu gentilhomme, soutient présentement qu'il est prince de 
la maison de Saxe Elle le veut épouser. 

Le jeune marquis de N., lieutenant dans les gardes, et 
parent de M. delà Feuillade, est au petit Chastelet pour avoir 
volé quelque argenterie chez le roy. 



— 179 — 

XIV 

Exemption accordée à Vile de Baz-Paul^ par Henri III. 

1587. 

Henry par la grâce de Dieu, roy de France et de Poloigne, 
à nos araez et féaulx conseillers les gentz de noz comptes en 
Bretaigne et trésoriers généraulx de France et de noz finances 
establiz à Nantes, salut et dilection. Les habittantz de Pisle de 
Batzpaul nous ont faict remonstrer qu'estant ladicte isle envi- 
ronnée de la grand mer sur le passaige d'Espaigne, Angleterre, 
Flandres et aultres royaulmes estrangiers subjects ordinaire- 
ment à l'incursion et invasion des ennemys et pirattes qui 
l'auroient par plusieurs foys pilée et ruinée, tellement qu'îlz 
auroient esté souvent contrainctz, pour n'estre en icelle isle 
que cent à six vingtz mesnagiers, l'abandonner, noz prédéces- 
seurs pour leur donner moyen de continuer à s'y habituer, les 
auroient affranchis, quiclés et exemptez des tailles, fouaiges, 
impostz, billotz, aydes, subventions, empruntz, subscides et 
aultres impositions quelconques mises et à mectre sus, lequel 
previlège aurions par noz dernières lectres, cy attachées soubz 
nostre contrescel du cincquiesme jour de juign mil cincq centz 
quatre vingtz et ung, confirmé pour le temps et terme de six 
ans, lesquelz, pour ce qu'ilz sont expirés, ilz nous ont très- 
humblement faict supplier et requérir, que, attendu leur pau- 
vrette, misères, foulles et oppressions qu'ilz endurent chacun 
jour, tant des ennemys que des pirattes et brigans de mer, qui 
de jour à aultre les surprennent, leur voulloyr continuer ledict 
affranchissement pour le temps et terme de huict ans ou tel 
aultre qu'il nous plaira, et leur octroyer, sur ce, noz lectres né- 
cessaires. A ces causes, de l'advis de nostre conseill, avons 
ausdictz habittantz affin de leur donner plus de moien conty- 
nuer leur demeure, habituer, rebastir et édiffler leurs dictes 
maisons et n'abandoner ladicte isle, de nouveau confirmé et 
contynué, contymions et confirmons ledict affranchissement et 
ceulx quictés et exemptés de nostre grâce spécial, playne 
puissance et aucthoritté royal, affranchissons quictons et 



— 180 - 
exemptons desdictes tailles, fouaiges, impostz, billolz, aydes, 

i 

subventions, emprunta, subscides et aultres impositions quelz- 
concque&mises et à mectre sus en noslre royaulme, pour le 
temps et terme de six ans, à commencer du jour de l'expira- 
tion dudict dernier octroy et affranchissement. SY VOULONS 
et à chacun de vous mandons et commectons par ces présantes 
et à tous nos aultres justiciers et officiers qu'il appartiendra, 
que de noz présens grâce, exemption et affranchissement et de 
tout le contenu cy dessus, vous faictes, souffres et laissés les- 
diclz habiltantz jouir et user playnement et paisiblement du- 
rant ledict temps de six ans, sans leur faire mectre ou donner 
ny souffrir leur estre faict rays ou donné aulchun trouble et 
empeschement, deffendant à noz recepveurs ou aultres quelz- 
coneques de prendre ou exiger sur eulz aulchune chose sur 
payne de concussion, ne facent aulchun trouble au contraire ; 
lequel sy faict mys ou donné leur estoyt, mectés le, ou faictes 
mectre incontinant et sans delay, à playne et enthière déli- 
vrance et rapportant ces présantes ou vidimus d'icelles, debue- 
raent collationnées, pour une foys seulement, nous voulions 
toutz nos recepveurs tant desditz fouaiges, aydes, impostz, que 
desdietz subscides en estre tenuz quictés et deschargés en leurs 
comptes, par vous gens de uosdiclz comptes, vous mandant 
ainsin le faire sans difficulté, nonobstant que par noz com- 
missions desdictes tailles, fouaiges et aultres subscides soict 
mandé comprendre exemptz et non exemptz, privilégiés et non 
privilégiés, en quoi ne voulions lesdietz habittants estre corn- 
prins en aulchune manière, ains les en avons exemptés excep- 
tés et réservés, exemptons, exceptons et réservons par cesdic- 
tes présantes et quelzconcques ordonnances, restrinctions, 
mandemenlz déffanses et lettres à ce contraires auxquelles 
nous avons desrogé et desrogeons par ces mesmes présantes, 
car tel est nostre plaisir. Donné a Paris le 8 e )our de juign 
Tan de grâce 1587, et de nostre règne le quatorzième. Ainsin 
signé : par le Roy en son conseill Desouries, et scelle du' grand 
seau sur simple queue de cire jaulne. 
(Copie sur papier du 29 décembre 1587.— Archives du Finistère). 



— 181 - 

SÉANCE DU 30 MARS 1878. 



v t 



Présidence de M. le vicomte Th. HERSAHT 

DE LA VILLEMARQUÉ. 

Étaient présents : MM. Th. de la Villemârqué, Le 
Men, Trévédy, Faty, Pavot, Le Maigre, Créac'hcadic, 
Bourassin. 

M. Audran s'excuse par télégramme de ne pouvoir 
assister à la séance. 

M. le Président donne communication d'une lettre- 
circulaire du Ministre de l'Instruction publique en date 
du 31 janvier et relative à la seizième réunion des 
délégués des Sociétés savantes à la Sorbonne en 1878. 

Le Congrès international des Sociétés savantes qui 
doit avoir lieu à l'occasion de l'Exposition universelle, 
se tiendra probablement en septembre et ne saurait 
être un obstacle aux réunions ordinaires, tenues pen- 
dant les vacances de Pâques. Le Ministre a donc décidé 
que, suivant l'usage, la seizième réunion aurait lieu 
à la Sorbonne, au mois d'avril. 

Le Programme se résume ainsi : 

Jours des réunions et récompenses. 

Lectures et conférences publiques, les 24, 25 et 26 avril ; le 
samedi 27, sous la présidence du Minisire, séance générale 
dans laquelle seront distribués les récompenses et encourage- 
ments accord s au Sociétés et aux savants 

Une somme de 3,000 francs sera distribuée, à titre d'encoura- 
gement : 

1° Par les sections d'histoire et d'archéologie, aux Sociétés 
savantes des départements dont les travaux auront contribué 
le plus efficacement aux progrès de l'histoire et de l'archéolo- 
gie ; 

12 



— 182 - 

2* Par la section des sciences, soit aux Sociétés savantes, soit 
aux savants des départements, dont les travaux auront contribué 
aux progrès des sciences. 

Les membres des Sociétés sont donc invités à préparer les 
communications qu'ils se proposeraient de faire. 

Le Ministre fait connaître en même temps les dispositions 
essentielles d'une décision qui ne peut manquer d'augmenter 
l'intérêt des réunions de la Sorbonne. 

Lectures et communications. 

A l'avenir, les mémoires devront être envoyés au Minisire 
un mois à l'avance, après qu'ils auront été, comme par le passé, 
approuvés par une Société savante. 

Les mémoires présentés devront porter sur des sujets relatifs 
à l'histoire, la philologie et l'archéologie. Les auteurs sont invi- 
tés à s'occuper principalement des annales, des institutions, de 
la littérature et des antiquités nationales. La période Contempo- 
raine, à partir de 1789, reste en dehors du programme ; enfin, 
les travaux imprimés, quels qu'ils soient, ne sont pas admis» 

Les mémoires qui auront satisfait à ces conditions seront 
soumis au Comité, qui désignera ceux dont il sera donné lec- 
ture en séance publique. 

La durée de chaque lecture ne devra pas dépasser vingt mi- 
nutes. Quand les mémoires seront trop étendus, les auteurs se 
borneront à en donner un résumé. 

Bulletins de circulation. 

A l'occasion do ces réunions, les Compagnies de chemin de 
fer veulent bien accorder une réduction de 30 0[0 sur le prix 
des places ; mais comme il importe de connaître d'avance le 
chiffre des billets à délivrer, le ministre désire recevoir, au plus 
tard le 8 avril, dernière limite, la liste des personnes déléguées 
par la Société, soit pour la représenter, soit pour faire des 
lecluies. 

Les bulletins de circulation destinés aux représentants des 
- Sociétés, valables du lundi 15 avril au mercredi l» r mai, leur 
seront adressés en temps opportun . 



— 183 — 

Suivent diverses recommandations tondant à éviter certains 
abus signalés en 1877 ; les listes dressées ne devront compren- 
dre que les noms des personnes qui auront à faire des lectures 
ou des communications, et ceux des délégués de la Société, ces 
derniers au nombre de six au plus. 

M. le Président tient d'ailleurs des exemplaires de 
la circulaire du Ministre à la dispçsition des membres 
de la Société qui pourraient aller la représenter à la 
Sorbonne ou qui se proposeraient d'adresser des ma- 
nuscrits. 

Aucun des membres présents n'a formulé de de- 
mande à cel égard. M. Audran, absent, est seul in- 
scrit, ayant fait connaître car son télégramme de ce 
jour qu'il se tenait à la disposition de la Société pour 
aller la représenter, si elle le jugeait à propos. 

Cette offre est acceptée avec empressement. 

M. le Président donne ensuite la parole à M. Le Men, 
pour lire la communication suivante, portée à Tordre 
du jour de la séance. 



LÀ RÉVOLTE DU PAPIER TIMBRÉ EN C0HN0U AILLE. 

Lorsque vers le milieu du règne de Louis XIV, les ressources 
delà France ne furent plus suffisantes pour entretenir la coû- 
teuse passion de gloire qui avait envahi l'âme du grand 
roi, on combla le vide au moyen de taxes el d'exactions de 
toute sorte dont les Etats de Bretagne ne purent préserver cette 
province, malgré ses franchises et ses exemptions. 

Bien que le peuple des villes et les habitants des campagnes 
sentissent lourdement le poids de toutes ces impositions, aucune 
ne leur fut plus odieuse que la taxe que l'on avait établie sur 
le tabac et sur le papier timbré, et ce fut la haine de ces nou- 
veaux droits, jointe à la crairçte des rétablissement de la ga- 



— 184 - 

belle, qui provoqua en Bretagne celte sanglante révolte dite du 
papier timbré, qui eut en Gornouaille son foyer le plus actif. 

« On dit qu'il y a cinq ou six cents bonnets bleus en Basse- 
Bretagne qui auroient bien besoin d'être pendus pour leur 
appreodre à parler, » écrivait Mme de Sévigné à sa fille le 
3 juillet 1675. 

Si c'était un besoin de pendre tout ce pauvre monde, 
Mgr le duc de Chaulne-, gouverneur de Bretagne, s'acquitta fort 
bien de la commission, car il pendit, pendit el pendit encore 
pendant de longs mois, et ceux qui échappèrent à la corde ou 
à la roue, s'estimèrent heureux d'aller ramer sur les galères 
du roi. ' 

Il n'entre pas dans mon dessein de faire ici le récit détaillé 
de la Révolte du papier timbré en Cornouaille. L'histoire de 
cette insurrection, dans toute la province de Bretagne, a été 
faite en 1860 par notre confrère, M. de la Borderie, d'une ma- 
nière très-complète et avec autant de talent que d'impar- 
tialité (1). Le but que je me propose est seulement d'ajouter à 
son récit certains faits et certains documents inédits qui ont 
un intérêt tout particulier pour notre département. De plus, 
comme le travail de M. de la Borderie, publié il y a dix -huit 
ans, est devenu rare aujourd'hui, je prendrai la liberté de lui 
emprunt» et de reproduire ici une pièce extrêmement curieuse, 
qui nous donne, mieux que les correspondances officielles du 
temps, le véritable caractère de cette grave insurrection. 

Je veux parler du Code paysan que H. de Chaulnes mentionne 
dans sa lettre à Golbert, du 9 juillet 1675. M. Gaultier du 
Hottay a retrouvé, dans les archives des Côtes-du-Nord, une 
copie de ce document qu'ii;a communiquée à M. de la Borderie 
et dont voici le texte : 

Copie du règlement fait par les nobles habitants (2). des qua- 



(1) La Révolte du Papier Timbré, advenue en Bretagne en Van 1675, 
— Revue de Bretagne et de Vendée, tome VII, année 1860. 

(2) Les paysans et probablement aussi les bourgeois. 



— 188 - 

torze paroisses unies du pays Armorfquê (I) situé depuis Douar- 
nenez jusqu'à Concarneau, pour être observé inviolablement 
entre eux jusqu'à la Saint- Michel prochaine (\&bJ;sous peine 
deTORREPEN (2). 

1. Que lesdites quatorze paroisses, unies ensemble pour la 
liberté de la province, députeront six de3 plus notables de leurs 
habitants aux Etats prochains, pour déduire les raisons de leur 
soulèvement, lesquels seront défrayés aux dépens de leurs 
communautés, qui leur fourniront à chacun un bonnet et cami- 
sole rouge, un haut-de-chausses bleuf, avec la veste et l'équi- 
page (3) convenable à leur qualité» 

2. Qu'ils (les habitants dés quatorze paroisses unies) met- 
tront les armes bas et cesseront tout acte d'autorité jusques audit 
temps (de la Saint-Michel 1675), par une grâce spéciale qu'ils 
font aux gentilshommes, qu'ils feront sommer de retourner 
dans leurs maisons de campagne au plus tôt ; faute de quoi ils 
seront déchus de ladite grâce? 

3. Que défense soit faite de sonner le tocsin et de faire assem- 
blée d'hommes armés sans le consentement universel de ladite 
union, à peine aux délinquants d'être pendus aux clochers aussi 
de leur assemblée (4), et (ou) d'être passés par les armes. 

4. Que les droits de champart et corvée, prétendus par les- 
dits gentilshommes, seront abolis, comme une violation (?)(ô) 
de la liberté armorique. 

5. Que pour affirmer (confirmer) la paix et la concorde 
entre les gentilshommes et nobles habitants desdites paroisses, 
il se fera des mariages entre eux, à condition que les (filles) 
nobles choisiront leurs maris de condition commune, qu'elles 



(t) 11 s'agit des paroisses du littoral. 

(2) C'est-à-dire sous peine d'avoir la tête cassée. Torrepm ou Tom- 
ber* signifie littéralement Casse-lui la tête. 

(3) Ou peut-être avec le reste de Y équipage. 

m 

(4) C'est-à-dire : « aux clochers des lieux de leurs assemblées. » 

(5) Mot illisible dans la copie. 



— 186 — 

anobliront et leur postérité, qui partagera également entre 
eux (sic) les biens de leurs successions. 

6. Il esk défendu, à peine d'être passé par la fourche, de 
donner retraite à la gabelle et à ses enfants et de leur fpurnir 
ni à manger, ni aucune commodité; mais, au contraire, il est 
enjoint de tirer sur elle comme sur un chien enragé. 

7. Qu'il ne se lèvera, pour tout droit, que cent sols par 
barique de vin horet (1), et un écu pour celui du crû de la 
province, à condition que les hôtes et cabaretiers ne pourront 
vendre l'un que cinq sols et l'autre trois sols la pinte. 

8. Que l'argent des fouages anciens sera employé pour 
acheter du tabac, qui sera distribué avec le pain bénit, aux 
messes paroissiales, pour la satisfaction des paroissiens. 

9. Que les recteurs, curés et prêtres, seront gagés (2) pour 
le service de leurs paroissiens, sans qu'ils puissent prétendre 
aucun droit de dîme, novale, ni aucun autre salaire pour toutes 
leurs fonctions curiales. 

10. Que la justice sera exercée par gens capables choisis par 
les nobles habitants, qui seront gagés avec leurs greffiers (3), 
sans qu'ils puissent prétendre rien des parties pour leurs vaca- 
tions, sur peine de punition ; et que le papier timbré sera en 
exécration à eux et à leur postérité, pour ce que (4) les ac- 
tes qui ont. été passés [sur papier timbré] seront écrits en au- 
tre papier et seront après brûlés, pour en effacer entièrement 
la mémoire, 

11. Que la chasse sera défendue à qui que ce soit depuis le 
premier jours de mars jusqu'à la mi-septembre, et que fuies et 
colombiers seront rasés, et permis de tirer sur les pigeons en 
campagne. 



(4) Crû hors de Bretagne. 

(9) C'est-à-dire : « recevront lia traitement fixe. 

(8) Ainsi que leurs greffiers. 

(4) « En conséquence de quoi. » 



— 187 — 

12. Qu'il sera loisible d'aller aux moulins que Ton voudra, 
et que les meuniers seront contraints de rendre la farine au 
poids du blé. 

13. Que la ville de Quimper et autres adjacentes seront con- 
traintes par la force des armes, d'approuver et ratifier le 
présent règlement, à peine d'être déclarées ennemies de la li- 
berté armorique, et les habitants punis où ils seront rencon- 
trés : défense de leur porter aucune denrée ni marchandise 
jusqu'à ce qu'ils aient satisfait, sur peine de torrében. 

14. Que le présent règlement sera lu et publié aux prônes 
des grandes messes et par tous les carrefours et aux paroisses, 
et affixé (affiché) aux croix qui seront posées. 

Signé : Torrében et les habitants. 

Quand on lit quelques-uns des articles de cette sin- 
gulière pièce, on se demaude si on est en présence d'une paro- 
die ou d'un document sérieux. Quoi qu'il en soit le nom de 
Torrében que prend le chel ou le représentant de cette asso- 
ciation, était bien le mot qui se faisait entendre jadis dans 
toutes les querelles bretonnes dont le Penn^Baz était ordinaire- 
ment le grand juge. 

Comme le nombre des paroisses du littoral compris entre 
Douamenez et Concarneau était au moins de vingt-cinq en 1675, 
il n'est pas facile de dire quelles sont celles de ces paroisses 
qui firept partie de celte confédération armoricaine d'un nou- 
veau genre. Cependant on peut sans crainte d'erreur y com- 
prendre la paroisse de Combrltqui, pendant celte insurrection, 
se signala entre toutes par de graves excès. 

A l'époque où éclatacetle révolte, Nicolas Euzenou, sieur de 
Kersalaun, était propriétaire du château du Cosquer situé dans 
cette paroisse. Les paysans révoltés s'y rendirent en armes et 
pendirent ce gentilhomme à une des fenêtres de son château 
qu'ils pillèrent ensuite. J'ignore par combien d'exécutions ce cri- 
me fut expié, mais le duc de Chaulnes voulant perpétuer par 
une marque infamante, le souvenir de la faute et du châtiment 
qui en fut la suite, fit raser la flèche de l'église paroissiale et cel- 



N 



— 188 — 

* 

les des chapelles de la paroisse, avec défense de les reconstruire 
jamais. Lorsque cent ans plus tard, les habitants de Lorabrit 
firent rebâtir leur église, ce ne fut qu'à la sollicitation du 
petit-fils de la victime, devenu marquis de Kersalaun, qu'Us 
obtinrent du roi l'autorisation de réédifier leur clocher. Ceux 
qui ont visité la très-inléressapte chapelle de Lambourg, qui 
fait aujourd'hui partie de, la ville de Pont-1'Abbé, et qui était 
autrefois comprise dans la paroisse de Gombrit, ont pu remar- 
quer que sa tour est encore aujourd'hui privée de la flèche 
octogone qui la couronnait avant 1675. 

Il existe dans un dépôt public de Paris des titres relatifs h 
celte affaire. J'ai écrit à un compatriote pour en avoir des 
copies ; mais il paraît que ma lettre s'est égarée en rçute car 
je n'ai encore rien reçu. 

Un soulèvement plus important que celui du Pays armorique, 
eut lieu la même année 1675 dans l'intérieur de la Cornouaille. 
Vingt paroisses des Montages. d'Are et des Montages Noires, se 
révoltèrent à la fois et leur premier exploit fut la prise du 
château de Kergoat, en Sainl-Hernin, que les paysans livrèrent 
aux flammes après l'avoir pillé. Ce château qui était meublé 
avec luxe, et pourvu de bonnes défenses, appartenait à 
M. Le Moyne de Trevigny. 

M. l'abbé Causer, dernier recteur de Spézet avant la révolu- 
tion de 1789, et qui avait mis les archives de cette localité 
dans le plus grand ordre, nous a laissé sur celte insurrection 
des paroisses des montagnes, la note suivante : 

« La tradition rapporte que cette révolte prit naissance à 
l'occasion du papier timbré qui venoit d'être institué ; que le 
nommé Balbe, notaire et procureur, ouvrit la scène à Pleyben, 
et qu'elle fut éteinte au château du Tymeur, en Poullaouen, 
où ledit Balbe fut mis en pièces par les seigneurs de ce châ- 
teau ; après la destruction duquel ses adhérents prirent la fuite. » 

La prise et l'incendie de Kergoat causèrent en Basse-Breta- 
gue, une véritable panique, et les gentilshommes qui étaient 



y 



— 189 — 

encore dans leur châteaux, s'empressèrent de réunir ce 
qu'ils purent de leurs meubles, et de se réfugier dans les villes. 

De son côté le duc de Cbaulnes qui était resté renfermé 
dans Fort-Louis (1) se mit à la tête des troupes qui lui 
furent envoyées de France, et se dirigea au commencement du 
mois de septembre sur le pays de Carhaix, où la révolte semblait 
s'être centralisée. On n'a aucun détail sur celte campagne, 
mais on sait que le duc défit complètement les révoltés, proba- 
blement près du château du Tymeur, où, comme on Ta vu plus 
haut, leur chef fut tué. Ce fut à la >wite de cette victoire qui 
mit fin à la rébellion, que M me dfl Se vigne écrivît à l*iiUt£. du 
24 septembre, ces lignes sinislreoient spirituelles ; 

« Nos pauvres bas-bretons ^ ce qu'on vient d'ippreodre C 

s'attroupent, quarante, cinquante, par les champs, et dès 
qu'ils voient les soldats, ils se jettent à genoux, et dirent M ei 
culpâ ; c'est le seul mot de français qu'ils sachent ; on ne 
laisse pas de pendre ces pauvres bas-bretons ; ils demandent à 
boire et du tabac et qu'on les dépêche, et de Caron pas un mot. » 

Après les exécutions et lorsque la tranquillité fut rétablie, 
M. Le Moyne de Trevigny réclama des paroisses qui avaient 
pris part au pillage et à l'incendie de son château de Kergoat, 
une indemnité pour la perte qu'il avait éprouvée. Les diverses 
négociations qui furent la conséquence de cette demande, sont 
rapportées dans les actes suivants qui existaient avant 1790, 
aux Archives de Gourin, où l'abbé Causer, recteur de Spézet, 
eut le soin d'en prendre des copies. 

Transaction passée entre Mgr de Coatlogon, évéque de Quimper, 
et messire Henri Barin, curateur du sieur Trévigni y seigneur 
du Kergoat, au sujet de fincendie et pillage faits aa château 
du Kvrgoat. en Saint-Hernin. 

L'an 1678, avant midi, le 23 juin, devant nous notaires 
royaux héréditaires de la Cour de Quimper-Corantin, avec 



Cl) Port-Louis. 



'i 



_ 192 - 

ladite somme, parce que lesdits arrêts et lettres patentes se- 
ront obtenus à la diligence et frais dudil seigneur et dame de 
Trcvigoy; et en faveur desdits payemens, lesdites paroisses 
demeureront quittes de toute l'instance intentée pour l'incen- 
die, pillage et autres dommages causés audit château de Ker- 
goat, tant en principal que frais, généralement sans réservation 
aucune, de quelque nature qu'elles soient ; et sans que les ha- 
bitants desdiles paroisses puissent être' recherchés pour au- 
cune cause que ce soit. A tout quoi lesdites parties se sont obli- 
gées et s'obligent chacun en droit soi, par obligation générale 
de tous leurs biens, meubles et immeubles présens età venir, 
à y être procédé suivant les rigueurs de justice et des ordon- 
nances. Fait, gréé, obligé, stipulé, et condamné par nous dits 
notaires, de l'authorilé de nos offices, audit Quimper-Coranlin, 
au tablier des notaires soussignans, sous leurs scigns et les nô- 
tres lesdits jour et an... Et du consentement et à la requête 
desdits seigneurs a été le présent original délivré a matlre 
René Dudrésit, notaire royal à Carhaii, pour en délivrer des 
copies auxdils seigneurs auidits noms. Ainsi signé en l'origi- 
nal Fr. de Coellogou, évêque de Quimper, Barin, Le Roy, no- 
taire royal, et Dudrésit, notaire royal. 

Arrêt du Conseil confirmatif de la transaction ci-devant 
(Extrait des Registres du Conseil d'Etat.) 

Vu au conseil du roi ta requête présentée en iceluî par 
messire Joseph Malo Le Moine de Trévigny, chevalier marquis 
dudit lieu, et Claude de Sérac, aussi chevalier, comte de Kerflll, 
a cause de la dame Sylvie Le Moyue, son épouse, contenant 
enlr'autre ebose qu'il y auroit eu ci-devant instance au conseil 
entre les suppliants, d'une pari, et les habitants des paroisses 
de Gourin, Guiscrif, Molrefet autres, pour raison de la répa- 
ration demandée par les supplians de l'incendie, pillage et 
autres dommages, causés par les habitants, du château du 
Kergoat en Bretagne, au mois de juillet 1675: qu'il ; auroit 



— 193 — 

eu plusieurs procédures, même un arrêt contradictoire qui 
auroit réglé quelque incidens. 

Que le sieur duc de Chaulnes, gouverneur de ladite province, 
aurait voulu, pour le service de Sa Majesté et le soulagement 
d6s parties, faire quelqu'accomoderaent entr'elles, mais qu'ayant 
été obligé de se rendre auprès de Sa Majesté, dans le temps 
qu'il y travailloit, il en auroit chargé le sieur marquis de La 
Coste, lieutenant général en ladite province. 

Que ledit sieur La Coste auroit ensuite reçu ordre de 
Sa Majesté le 22 décembre 1677 de parachever ledit accomo- 
dement commancé ; ce qui auroit été fait à une somme de 
64,800 livres. 

Que ledit sieur La Coste leur auroit promis qu'au cas qu'ils 
rapportassent les meubles qui a voient été par eux enlevés, il 
leur en seroit fait diminution de la valeur d'iceux. 

Qu'ils en auroient rapporté quelques-uus, et que, sur cela, 
il auroit élé fait un traité général le 23 juin 1678, entre le 
sieur evêque de Quimper, comte de Cornouailles, agissant pour 
lesdits habitants en vertu de leur procuration, d'une part, et 
le sieur Barin, comte de BoisgeîTroi, conseiller au parlement de 
Rennes, agissant pour ledit sieur de Trévigny, et dame de 
Kerfili, d'autre part. 

Que ledit sieur Barin, audit nom, conformément, à la pro- 
messe faite par ledit sieur Lacoste aux habitants, leur auroit 
fait remise de la somme de 15,000 livres, en sorte qu'ils 
ne seroienl plus redevables que de 49,800 livres payables un 
tiers à Noël 1678, un tiers à" la St-Michel 1679, et un tiers à 
la Si-Michel 1680. 

Que pour parvenir au payement de ladite somme, ledit sieur 
evéque de Quimper auroit consenti que les avocats qui se sont 
présentés au conseil pour lesdites paroisses , donnassent 
les mains à ce que ledit traité du 24 juin 1678 fut* homologué 
au conseil, et qu'il y fut obtenu arrêt et des lettres patentes 
pour faire imposer et lever sur eux lesdites sommes, moyennant 



— 194 — 

quoy ils en demeureraient quittes et de l'instance intentée 
contr'eux. 

A ces causes requeroient les supplian* qu'il plut à Sa Majesté 
homologuer ledit traité du 23 juin 1678 pour êtreœeÉeutf 
selon sa forme et teneur, et en conséquence permettre aux dits 
habitants d'imposer sur eux les sommes y mentionnées qui 
reviennent ensemble à celle de 49,800 livres, pour être par 
eux payées, ainsi qu'il est porté par ledit traité... tout ce que ' 
dessus communiqué au sieur Gourtin, conseiller du Roi en ses 
conseils, maître des requêtes ordinaires de son hôtel, oui son 
rapport, le tout considéré : 

Le Roi en son conseil, ayant égard à ladite requête, a homo- 
logué et homologue la transaction passée entre lesdits sieurs 
Trévigny et Kerfili et les paroissiens de Gourin, Guiscrif, 
Molreff et autres, du 23 juin 1678, ordonne qu'elle sera 
exécutée selon sa forme et teneur, et lesdits sieurs de Trévigny 
et Kerfili payés des sommes contenues en icelle par lesdits 
habitants, suivant les avis des sieurs commissaires qui seront 
commis et députés par Sa Majesté pour la tenue des Etats de 
Bretagne. Fait au conseil d'Etat du Roi tenu à Saint Germain 
en Lay le vingtième jour de Juillet 1679 etc. 

Ordonnance du duc de Chaulnes après Varrêt du Conseil 

ci-dessus. 

m 

Le duc de Chaulnes, pair de France, chevalier des ordres 
du Roi, gouverneur et lieutenant-général des pays et duché de 
Bretagne : 

Vu l'arrêt du Conseil du vingt-neuvième jour de juillet 
dernier, portant que sur l'avis des sieurs Commissaires du Roi, 
la somme de 49,800 livres sera levée ainsi qu'il est porté dans 
ledit arrêt, nôtre avis a été qu'il sera communiqué à Messieurs 
des Etats,. pour, sur leur consentement, être exécuté selon sa 
forme et teneur. Fait à Vitré ce dis-septième septembre 1679. 
Ainsi signé : le duc de Chaulnes ; et plus bas : par monseigneur 
le comte, et scellé du cachet dudit seigneur duc. 



— 198 - 

Consentement • des États de Bretagne à ce que que l'arrêt du 
conseil ci-dessus soit exécuté selon sa forme et teneur. 

Sur ce qui a élé représenté dans l'assemblée des jhats géné- 
raux et ordinaires du pays et duché de Bretagne, tenue sous 
l'aulhorité du roi en la ville de Vitré, par le sieur de Coatlogon 
et de Tordre de monseigneur le duc de Chaulnes, que les sieurs 
de Trévigny et de Kerfili avoient, le 29 e juillet dernier, obtenu 
un arrêt du conseil d'État, pour homologuer une transaction 
passée entr'eux et plusieurs paroisses de cette province y 
dénoramésje 21 juiu 1678, dans lequel traité lesdites paroisses 
séroient obligés de lever sur eux la somme de 49,800 livres. 
La levée de laquelle somme ne se pouvant faire sans le consen- 
tement des Étals, à moins de blesser leurs privilèges, et 
l'exécution dudil arrêt avec le payement ordonné par icelui ren- 
voyé à l'avis de Messieurs les Commissaires que sa Majesté en- 
verroit pour la présente tenue. 

De tout quoy mondit seigneur duc auroit bien voulu faire 
informer ladite assemblée, ayant une entière connoissance de 
leurs privilèges. 

Sur ce délibéré entre les trois ordres, lesdils seigneurs des 
États ont remercié mondit* seigneur duc de Ghaulnes de sa 
particulière bonté et affection pour la conservation de leurs 
privilèges et libertés, et déclarent consentir, en ce que le fait 
leur touche, à l'entière exécution de la transaction passée entre 
le seigneur évêque de Quimper, faisant pour les habitans des- 
dites paroisses, et le sieur Barin, conseiller au parlement, 
faisant pour lesdits sieurs de Trévigny et de Kerfily, homologuée 
par l'arrêt ci-dessus. Fait en ladite assemblée le 30 e octobre 
1679. Ainsi signé : par commendement de messeigneurs des 
Étais, Racjnoux (1). 

(l) Le 27* octobre 1679 on signifia copie de tout ce que dessus au 

{procureur terrien de chaque paroisse. Ces copies ont été prises dans 
es archives de Gourin, qui a les pièces par original. (Note de Jtf. Cau- 
xer % recteur de Spézet). 



— 196 — 

/ 

On voit par les actes qui précèdent que Mgr de Coëtlogon, 
évêqae de Quimper, intervint d'une part pour calmer les 
mutins et de l'autre pour adoucir les rigueurs du châtiment. Il 
fut ardemment secondé dans cette charitable mission par 
Guillaume Charrier, abbé de Sainte-Croix de Quimqerlé (I), 
et parle père Haunoir (2). 

La révolte de 1675 ne fut pas la seule où les paysans des Monta- 
gnes- Noires et d'Are, eurent l'occasion de montrer l'impatience 
de leur caractère, et la promptitude avec laquelle, à l'instigation 
de meneurs ambitieux ou malintentionnés, ils se laissaient en- 
traîner à commettre de graves excès, qu'ils expièrent cruelle- 
ment, sans que leur rude et sauvage nature fut pour cela 
domptée. 

Déjà en 1489 ils s'étaient insurgés sous la conduite de trois 
frères de la paroisse de Plouyé. Leur intention, dit le cha- 
noine Horeau, qui nous a conservé le souvenir de cette inspec- 
tion, était de massacrer la noblesse, afin de s'affranchir de 
toute redevance (3). Après avoir ravagé une partie de la haute 
Gornouaille, ils marchèrent sur Quimper où ils arrivèrent par 
la route de Briec, à la fin du mois de juillet. Ils attaquèrent du 
côté nord cette ville qu'ils prirent d'assaut, après avoir ren- 
versé les avant-murs et pratiqué une brèche dans le rempart, 
entre la porte Bizian ou Bihan et la porte Saint-Antoine (4). 
Horeau nous apprend qu'ils pillèrent Quimper et y commirent 
toutes sortes d'insolences. Ils étaient en train de se reposer de 
leurs fatigues et de leur excès, lorsque la noblesse et les habi- 
tants des villes, qui s'étaient mis à leur poursuite, faillirent 
les y surprendre. Les révoltés sortirent à la hâte de Quimper 



(1) Voir mon édition de l'Histoire de Sainte-Croix de QuimperU, 
par do m Placide Le Duc ; page 539 

(2) Le parfait missionnaire, ou la vie du R. P. Julien Maunoir, par 
le R. P. Boschet, de la Compagnie de Jésus. 

(3) Histoire de la Ligue en Bretagne, chap. I. 

(4) monographie de la Cathédrale de Quimper, par R.-F. Le Men, 
page 290. 



— 197 — 

par la porte Médard, et gagnèrent, soit par le chemin de 
Crec'hmarc ou de Kernisy, soit par une très-vieille route que 
Ton appelle les Trepazou (1), les rabines de Pratanras où 
les gentilshommes et les bourgeois réunis leur livrèrent bataille 
el les défirent complètement. 

Us se rallièrent ensuite dans un pré dépendant du village 
du Buzit ou de la Boixière, en Pluguffan, et que traverse la 
route de Pont-1'Abbé, à un peu plus de quatre kilomètres de 
Quimper. Mais attaqués de nouveau, ils furent taillés en pièces, 
et « il en fut tant tué, dit le chanoine Moreau, que depuis ce 
temps le nom de Prat mil goff % c'est-à-dire le Pré de mille 
ventres, lui est demeuré jusqu'à ce jour. » (2) Aujourd'hui, 
près de trois siècles après l'époque où écrivait ce chroniqueur 
quimpérois, ou appelle encore ï Eau rouge, le ruisseau qui % 
coule à travers ce pré, parce que, dit la légende, l'eau de ce 
ruisseau rougi par le sang des vaincus a conservé cette couleur 
jusqu'à présent. La vérité est que si ce petit cours d'eau a 
une teinte rougeâtre, il la doit au fond d'argile ferrugineuse 
qui lui sert de lit. 

Il y avait avant 1790, un peu au-dessus de cette prairie, à 
l'embranchement de la roule de PonM'Abbé avec celle de 
Pluguffan, et vis-à-vis la borne kilométrique n° 4, une petite 
chapelle dédiée à saint Nie ou saint Nicaise. C'est à peine s'il 
en reste aujourd'hui quelques vestiges de subslructions. Cepen- 
dant si vous passez dans ces parages à l'heure de minuit, 
vous entendrez distinctement le son d'une cloche invisible. 
C'est la cloche qui appelle à l'office divin, les âmes errantes de 
ceux qui sont tombés dans le vallon de VEau rouge, et pour 
lesquels la tradition populaire a conservé quelque pilié. 

«M— ^— M— fc— n— — i— — — — — — — — « — — i I — ~— — .— «1— — — — * 

(1) C'est le vieux mot français « Trespas » . — Cet ancien chemin, 
qui était peut-être une voie gauloise, suit le bord d'un ruisseau qui a 
sa source non loin de Pratanras, et qui vient se jeter dans la rivière 
Teir, près du moulin de Pontigou, situé à gauche de la route de 
Quimper à Locrouan. 

(2) Moreau, lbid. 

13 



^ _ 198 — 

En 1690, pendant les guerres de la Ligue, les habitants de 
quelques paroisses des environs de Carhaix, s'éiant soulevés 
se firent battre par une poignée de royaux, pour n'avoir pas 
voulu suivre les conseils de leur chef dont ils causèrent la mort. 
D'autres paroisses de la même région qui vouaient au secours 
des premières, ayant appris leur défaite, crureut les venger et 
se venger elles-mêmes en assassinant leur capitaine. 

Nous venons de voir quel fut le résultat de l'insurrection 
de 1675. 

« En 1764 les paroissiens de Spézet sel révoltèrent contre 
M. de la Giglais-Magon, seigneur de Boisgarin, qui, dit-on, 
avoit le projet de congédier tous les convenants de la paroisse. 
Les vassaux rentrés à la raison firent des excuses à M. de 
Boisgarin, qui leur pardonna comme un bon père ôt distribua 
même beaucoup d'aumônes.* 

Cette note a été écrite par H. Causer, recteur de Spézet, sur 
tm des registres de sa paroisse. Quoiqu'il ne dise rien des 
paroisses voisines, il est probable que quelques-unes d 'entre 
elles ne restèrent pas étrangères à ce mouvement. Voici un 
autre renseignement que nous a laissé M. Causer et que je 
copie textuellement dans le même registre. 

«Le 11 août mardi 1789 à quatre heures du matin, on 
sonna le tocsin à Spézet, et pour apaiser les paroissiens, je les 
engageai à venir à ma messe que je dis à leur intention. A 
l'issue de ma messe, ils vinrent en foule dans la sacristie et 
m'extorquèrent le billet suivant : 

« Je présente mes respects à Madame la comtesse de Roque- 
« feuil, douarière, seigneure (sic) de Boisgarin, et la prie de 
« donner une réponse favorable à ses vassaux de Spézet. On leur 
« a dit que les autres seigneurs ne perçoivent plus la corvée, 
« la disme à la seizième gerbe, les chapons, et ils réclament 
« la même faveur, en se soumettant à payer seulement les ren- 
« tes en argent. Ils demandent que Madame contribue avec 
€ eux, selon ses facultés, aux droits du. wi, comme le 



— 199 — 

« vingtième, les taillées, la capitation et le grand chemin, et 
« d'avoir la propriété des bois qui sont sur leurs terres. Ils m'ont 
« demandé un certificat que je leur accorde volontiers, et pat 
« lequel je déclare que je n'ai reçu aucune ordonnance à pu- 
« blier relative à leurs réclamations. El j'ai dit la messe à 
a leur intention pour supplier Dieu de leur inspirer les lumiè- 
« res et les bons conseils dont ils ont besoin. Donné dans 
« ma sacristie à Spézet, le It août 1789.» Causer, recteur. 

Munis de ce document les paysans se rendirent en foule au 
château de Boisgarin^ où demeurait la comtesse de Roque- 
feuille. ft|ais ils ne bornèrent pas leurs exigences aux réclama- 
tions formulées dans la lettre de leur digne recteur, et comme 
presque toutes leurs terres étaient tenues à domaine sous 
cette dame, ils demandèrent qu'on leur livrât les baillées, les 
rentiers et les autres titres pouvant établir le caractère domanial 
de leurs biens. 

La comtesse de Roquefeuille crut pouvoir se débarrasser de 
ces exaltés en leur faisant remettre quelques liasses de parche- 
mins et de papiers sans valeur. Mais il y avait parmi les 
meneurs de celte campagne,. des gens madrés, plus ou moins 
suppôts de Thémis, qui eurent bien vite éventé la ruse. 

Les paysans furieux s'emparèrent de Madame de Roquefeuille, 
et comme elle refusait de leur livrer ses titres de propriété, 
ils lui passèrent une corde sous les bras, et, malgré son grand 
âge, la plongèrent à plusieurs reprises dans un puits, lui deman- 
dant chaque fois qu'ils lui faisaient faire le plongeon, si elle 
consentait à leur livrer ses papiers. Ce fut seulement lorsqu'ils 
l'eurent à demi noyée que l'énergique douairière consentit 
à leur remettre ses titres, dont les paysans firent un feu de 
joie dans la cour du château. 

La conséquence de cet incendie, fut que beaucoup de terres 
tenues à domaine dans la paroisse de Spézet, ne furent pas 
vendues nationalement, parce que leurs détenteurs prétendirent 
en être les propriétaires fonciers, et que l'absence des titres 



— 200 — 

ne permit pas d'établir le contraire. Pour le même motif, 
lorsque dans ces derniers temps, les héritiers de la comtesse 
de Rocquefeuille voulurent rentrer en possession de ces biens, 
ils eurent beaucoup de peine et ne parvinrent pas toujours à 
établir leurs droits de propriété. 

En 1792 nouvelle révolte des paysans des montagnes, mais 
ici il ne s'agissait plus ni de nobles, ni de droits féodaux. Les 
habitants de la trêve ou succursale de Saint-Goazec, en la 
commune de Laz, ayant appris qu'un huissier de Carhaix 
nommé Le Guillou, devait venir exécuter un cultivateur de leur 
paroisse, se réunirent au bourg, armés de fusils et de fourches 
et sonnèrent le tocsin pour appeler les paroisses voisines. 
Celles de Spézet, de Laz et de SainMhoys ne tardèrent pas à se 
joindre h eux. Ils avaient pour chef l'ex-maire de la commune 
de Laz. Leur projet n'était rien moins que d'attaquer les déta- 
chements dont ils croyaient que l'huissier Le Guillou serait 
escorté, puis de brûler les villes de Ghâteauneuf et de Carhaix, 
après avoir fait entrer dans leur dessein, les communes de 
Landeleau, Saint-Hernin, Cléden-Poher, Kergloff, etc. Grâce 
à des mesures énergiques prises par le Directoire du district 
de Carhaix et par les commissaires du département, la révolte 
fut comprimée, mais pas assez tôt cependant pour sauver 
l'huissier Le Guillou, qui fut massacré par ces furieux. Tout se 
borna à ce meurtre et à quelques coups de fusils, tirés dans la 
direction du château de Trévaré. 

Enfin, en 18*24 ou 1825, une dernière révolte éclata à Spézet 
à l'occasion d'une tentative de congément faite dans la 
commune par M***. La maison où se trouvait ce propriétaire 
fut cernée par les paysans qui exigèrent de lui une renonciation 
à ses droits sur les domaines de Spézet. La troupe alors eu 
garnison à Quimper dut se transporter sur les lieux pour 
mettre fin à ces désordres. 

La lecture de cette note donne lieu aux observations 
suivantes de M. de la Villemarqué : 



— 201 — 

« Je ne crois nullement, dit-il, à l'authenticité du 
. Code paysan ; il aura été fabriqué dans quelque office 
de tabellion citadin. 

« J'ai vainement cherché à me procurer une version 
quelconque de la chanson sur la Révolte du papier 
timbré ; d'autres pourront être plus heureux. 

« Je donnerais beaucoup pour un texte breton an- 
cien contenant le cri : Torr-he-benn ! Suidas (et non 
César), auquel on fait honneur de l'avoir conservé, dit 
seulement des guerriers gaulois : « Poussant un cri 
« sauvage (ils vont au combat). » 

« On peut lire dans les notes des Chants populaires 
de la Bretagne (t. II, p. 287 et suiv., édit. de 1845), 
un récit de la sédition de Spézet, écrit sous la dictée 
du comte du Laz, dont la présence d'esprit sauva la 
fortune du notaire Liégeard des mains dos paysans. » 

MM. Faty, Le Men et quelques autres membres 
partagent l'opinion que vient d'émettre M. le Prési- 
dent au sujet du Code paysan, et ajoutent que la chan- 
son de la Révolte du papier timbré ne paraît pas offrir 
un caractère d'authenticité mieux établi. 

Répondant à une observation de M. le Président, 
M. Le Men constate que le breton, considéré comme 
une langue populaire et vile, n'a pas été employé pour 
la rédaction des actes publics ; il n'en a du moins pas 
vu d'exemples, et cependant, les prédications, les pu- 
blications de toutes sortes se faisaient dans les églises 
en langue bretonne. Du XV e au XVIII e siècle , les 
témoins interrogés dans les enquêtes répondent en 
leur « vulgaire langage breton, » mais toutes ces 
réponses nous ont été transmises soit en latin de oui- 



y 



20È - 

sine, soit en un jargon prétendu français, mais cent 
fois plus barbare que la langue populaire si injuste-, 
ment dédaignée. 

Quant à l'expression Torr-he-benn ! ce cri, à son avis, 
doit être ancien parmi les Bretons. Il ne Va jamais vu 
écrit en breton dans les anciens titres, mais il résulte 
de divers documents qu'il a pu consulter, que dans 
leurs rixes, les paysans bretons voulaient toujours 
et casser la tête » à leurs adversaires. 

Un membre donne ensuite d'intéressants détails sur 
la manière dont on représentait encore, il n'y pas très- 
longtemps, des Mystères bretons dans quelques pa- 
roisses de l'ancien évêché. Dans une de ces fêtes, 
l'acteur qui représentait le roi Hérode put paraître en 
scène vêtu de pourpre et d'hermines, grâce à l'obli- 
geance d'un conseiller de la cour de Rennes. . 

M. Le Men informe l'assemblée qu'il vient d'adresser 
au Ministre de l'Instruction publique, poui être sou- 
mis au Comité des travaux historiques, un dossier qu'il 
a mis bien des années à former et qui renferme les 
renseignements les plus intéressants sur Jehan Coetan- 
lem, qui mourut amiral de Portugal, et sur Nicolas 
Coetanlem , constructeur et armateur du navire ou 
caraque la Cordelière, que la reine Anne fit construire 
dans le port de Morlaix et qui fut brûlé et sombra 
en 16i2 dans le « raz de Sainct Mahé, » avec le 
vaisseau anglais la Régente et le capitaine Portzmo- 
guer. Le premier capitaine de la Cordelière, ajoute 
M. Le Men, fut Jacques. Guibé, capitaine des gentils- 
hommes de la reine, qui n'était pas plus marin que le 
capitaine Portzmoguer. 



— 203 — 

Outre les renseignements que donnent ces documents 
sur les deux célèbres Bretons singulièrement tom- 
bés dans l'oubli, ils jettent une véritable lumière sur 
le commerce breton en général au XV e siècle, et en 
particulier sur le commerce , très-florissant à cette 
époque, de Morlaix et de Saint-Pôl-de-Léon. Quand ces 
documents auront été publiés dans la Revue des Sociétés 
savantes, M. Le Men se propose de communiquer, avec 
toutes les pièces à l'appui, une notice très-détaillée sur 
Jean et Nicolas Coetanlem. 

M. le Président prend ensuite la parole potir don- 
ner communication d'une nouvelle circulaire du Mi- 
nistre dq. l'Instruction publique, datée du l ep mars!878> 
et relative ^l'inventaire général des richesses d'art de 
la France- 
Dans cette circulaire, le Ministre revouvelle ses re* 
merciements pour ce qui a été fait et invite la Société 
h s'entendre avec M. le Préfet du département pour 
toutes les questions que peut soulever sa collaboration 
à l'inventaire. 

M. Jaclot, major au 118 e de ligne, présenté, par 
MM. Pavot et Le Men ; M. Fénoux, ingénieur en chef 
des ponts et chaussées, présenté par MM. de la Ville- 
marqué et Fo\igeray, et M. Cayeux, présenté par 
MM. Créac'hcadic et Le Maigre, sont admis à l'unani- 
mité comme membres de la Société archéologique du 
Finistère. 

La séance est levée à quatre heures et quart. 

Le Secrétaire, 

PAVOT*. 



TABLE DES MATIÈRES DU TOME V. 



Liste des Membres de la Société archéologique du Finistère. 

Séance du 28 avril 1877. — Le domaine ducal de Mor- 
laix en 1455, par M. R.-F. Le Hen. — Le Papegaut de Qun- 
perlé, par H. F. Àudran 11 

Séance du 30 Juin 1877. — L'inscription bretonne Pedb- 

DALEDAN. — LES LÉPREUX DE LA VILLE DE MORLAIX. — JbAH 

de L'Épine ou Hab an Spernbn, calligraphe et poète breton 
(1468-1479), par H. Th. de la Villemarqué. — La Confrérie 
des Maîtres es arts de l'évêché de Léon, par M. R.-F. 
Le Men. — Plantes employées dan? la médecine des anciens 
bretons, par M. Bourassin. — Admission de M. Livanen, 
comme membre de la Société. — Dons offerts au Musée dépar- 
temental d archéologie, par MM. Bezard, Burel, Frochen, Prou- 
het, de Br£mond d'Ars, Manceaux, Jacob et Lack 39 

Séance du 6 octobre 1877. — Admission de M. de la Borde- 
rie, comme membre de la Société. — Le livre de compte du 
sieur de la Haye, par M. R -F. Le Men. — Notice sur quel- 
que* antiquités de la commune DE Riec, par M. le comte de 
Brémond d'Ars. — Fouilles dune sépulture gallo-romaine 
près Quimper, par M. A. de Blois. — Observations de 
M. Le Men, au sujet de ces fouilles. — Dons offerts au Musée 
départemental d'archéologie par MM. Huon, Le Moyne, de la 
Villemarqué, Créac'hcadic et Audran. — Lettre de M. Duchà- 
tellier,à M. de la Villemarqué, président, au sujet de sa radiation 
de la liste des membres de la Société. — Note sur les 
lépreux 66 

Séance du 2 février 1878. — Tronoen et ses antiquités, 

Car M. R.-F. Le Men. — Poésie des Cacoux, par M. Th. de la 
il lem arqué. — Documents inédits. — XIII. Nouvelles a la 
main. N° 1. — XIV. Exemption accordée a l'Ile de Batz-Paul, 
par Henri m 133 

Séance du 30 mars 1878. — Délégués aux réunions de la 
Sorbonne. — La révoltb du papier timbré en Cornouaillb, 
par R.-F* M. Le Men. — Observations diverses de plusieurs 
membres. — Annonce d'une notice sur Jean Coetanlem, amiral 
de Portugal et sur Nicolas Coetanlem, constructeur et armateur 
de la Cordelière. — Circulaire relative à l'Inventaire des 
richesses d'art de là France 181 

Fin de la Table des Matières. 






BULLETIN 



DE LA 



/ / 



SOCIETE ARCHEOLOGIQUE DU FINISTERE 



BULLETIN 



DE LA 



/ / 



SOCIETE ARCHEOLOGIQUE 



DU FINISTÈRE , 



-«SCCO'©'»*- 



TOME VI 



-KAGO&***- 



1878-1879 



QUIMPER 

IMPRIMERIE CAEN. — A. JAOUEN , SUCC r . 

1878-1879 



/ 



LISTE GÉNÉRALE 



DBS 



MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE 



DU FINISTÈRE H.N 1878 



Président : M. le Vicomte Th. HERSART DE LA VIL- 
LEMARQUÉ, membre de l'Institut. 

/ M. l'abbé F. DU MARCHALLAC'H, 
Yice-présidents j vicaire général de l'évêché. 

( M. F. AU DR AN, maire de Quimperlé. 

M. R.-F. LE MEN, archiviste du Finis- 

. tère,' directeur du Musée départemental 
Secrétaires <„,,,. 

d archéologie. 

\ M. V. DE MONTIFAULT. 

Trésorier : M. CRÉAC'HCADIC, Antoine, rue Saint- 
François, à Quimper. 

MM. 
L'abbé ABGRALL, professeur au collège de Pont-Croix. 
AFFICHARD, fils, propriétaire à Quimper. 
AL AVOINE, Joseph, adjoint au maire de Quimper. 
ASHER, libraire, Mohrenstrasse, 53, à Berlin (Prusse). 
ASTOR, maire de Quimper. 

AYRAULT, procureur de la République, à Lannion. 
BAHEZRE DE LANLAY, garde général des forêts à 

Landerneau. 
BARBE, Notaire à Moëlan. 
L'abbé BAYEC, aumônier de l'hospice de Morlaix. 



-6- 

MM. 

BIGOT, architecte du département. 

BIGOT, architecte diocésain. 

M me DE BLOIS, au château de Poulguinan,près Quimper. 

DE BLOIS, Xavier. , 

BOLLORÉ, Alexandre, négociant, rue des Reguaires, 
à Quimper. 

DE LA BORDER1E, à Vitré. 

BOURRASSIN, membre de plusieurs sociétés savan- 
tes, à Quimper. 

Comte DE BRÉMOND D'ARS, au château de la Porte- 
Neuve, commune de Riec. 

DE BRÉMOY, directeur du télégraphe à Quimper. 

BRIQT DELA MALLERIE, président de la Société 
d'Agriculture de Quimper, à Penhars. 

CAEN dit LION, imprimeur à Quimper. 

CANVEL, professeur, à Quimper. 

DE CARNÉ, Edmond, à Quimper. 

CAYEUX, à Brest. 

DE CHABRE, avocat à Quimper. 

DE CHAMAILLARD, fils, avocat à Quimper. 

Comte de CHAUVEAU, propriétaire au château de 
Keriolet, à Beuzec-Conq. 

CLAIRET, imprimeur à Quimperlé. 

CLOAREC, greffier du tribunal civil de Quimper. 

Le docteur COFFEC, à Quimper. 

COLOMB, ancien conseiller de préfecture, à Quimper. 

CORMIER, avocat à Quimper. 

DE COURCY (Pol), à Saint-Pol-de-Léon. 

COZIC, chef de division à la Préfecture. 

DANGUY DES DÉSERTS, notaire a Daoulas. 

DE VAUX, lieutenant au 118 e régiment d'infanterie, 
à Brest. 



MM. 

DUBOIS SAINT-SEVRIN, commis de direction des 
postes. 

DUVAL, conservateur des hypothèques à Morlaix. 

FATY, major en retraite, à Quimper. 

FAUTREL, pharmacien à Quimper. 

FÉNOUX, ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées, 
à Quimper. 

FLAGELLE, expert-arpenteur, à Landerneau. 

FOUGERAY, membre du conseil municipal, à Quimper. 

FOULLOY, amiral, major 'général à Toulon. 

FOURIER, commandant de gendarmerie, à Quimper. 

FRIELE, propriétaire à Quimper. 

FROCHEN, fils, négociant à Quimper. 

FROLLO DE KERLIVIO, employé des contributions 
indirectes, à Châteaulin. 

H. GAIDOZ^ directeur de la Revue Celtique, à Paris. 

DE GOUYON, Arthur, au château de Kerbernez, com- 
mune de Plomelin. 

GOVIN, François, rue des Reguaires, à Quimper. 

DÉ GO Y, Stephen, avocat à Quimper. 

DU GRANDLAUNAY, propriétaire à Vannes. 

GUERMEUR, avoué à Châteaulin. 

L'abbé GUILLARD, à Quimper. 

LE GUILLOU-PENANROS, négociant à Douarnenez. 

LE GUILLOU-PENANROS, juge à Brest. 

LE GUILLOU-PENANROS, Gustave, négociant à j 

Concarneau . 

LE GUILLOU-PENANROS, Hippolyte, négociant à 
Concarneau. 

GUITOT, négociant à Quimper, membre du Conseil 

municipal. 
GUYHO, député à l'Assemblée nationale. 



— 8 — 

MM. 
Le docteur HALLÉGUEN, à Chàtteauliû. 
HÉMON, Louis, député à l'Assemblée nationale. 
HÉMOÏS[, Prosper, à Quimper. 
HÉNON, notaire à Quimper. 
JACLOT, major au 118* régiment d'infanterie, à Qttim- 

per. 
DE JACQUELOT, Louis, à Quimper. 
DE JACQUELOT, Joseph, à Quimper. 
JAMET, propriétaire à Châteaulin. 
L'abbé JÉGOU, vicaire général del'évéchë, à^tiità- 

per. 
JÉGOU, juge de paix, à Lorierit. 
JORY, négociant à Bordeaux. 
R. DE KERRET, au château de Quillien, ôorimmne de 

Brasparts. 
C. DE KERRET, à Gouesnac'h. 
DE KERJÉGU, Louis, maire de Saint-Goâîtèc. 
L'abbé KERLAN, recteur de Plouzané. 
L'abbé de KERNAÉRET, Université catholique Se 

Lille. 
LACOSTE, membre du Conseil général, à ChâteàuMla. 
LAMARQUE, Robert, Champ de Bataille, à Brest. 
DE LA LANDE DE CALAN, maire de TféguûC, & 

Quimper. 
LAPLACE, avoué, rue du Châpeau-Rougë, àQuîmpef. 
DE LÉCLUSE, Amédée, conseiller général, à Audierne. 
LEMAIGRE, directeur de la compagnie Le 'Finistère, 

à Quimper. 
LIVANEN, avoué à Quimperlé. 
LOARER, agent-voyer en chef des chemins vicinaux. 
LORANS, avoué à Quimperlé. 
MALEN, professeur à Quimper. 



— 9 — 

MM. 
MALHERBE DE LA BOÎSSIÈRE, à Ergué- Armel. 
DE MAUDUIT, membre du Conseil général, à Riec. 
LE MOALLIGOU, docteur-médecin, à Quimperlé. 
MOREAU, S^tnislas, à Quimper. 
LE MOYNE, rue de Rome, 52, à Paris. 
LE N1R, ancien directeur des Domaines, à Quimper. 
LE NOBLE, rue Saint-François, 2, à Quimper. 
Mgr NOUVEL, évêque de Quimper et de Léon. 
DE PASCAL, propriétaire à Plomeur. 
PAVOT, sous-intendant militaire, à Quimper. 
DU PJERRAY, propriétaire à Quimper. 
PEYRON, propriétaire à Quimperlé. 
L'abbé PEYRON, secrétaire de l'évêché. 
POCARD-KERV1LER, ingénieur des ponts-et-chaussées 

â Saint-Nazaire. 
L'abbé POSTIC, recteur de Plonévez-Porzay. 
E. PUYO, maire de Morlaix. 

PUYO, architecte à Morlaix. 

QUINTIN DE KERCADIO, capitaine de gendarmerie, 
à Quimper. 

DE RAISMES, sénateur. 

RICHARD, Préfet honoraire du Finistère, à Quimper. 

RICHARD, Amédée, receveur de l'enregistrement à 
Châteaulin. 

RICHARD, juge de paix à Quimperlé. 

LE RODALLEC, juge de paix à Fouesnant. 

DE RODELLEC, au château du Perennou, commune 
de Plomelin. 

ROSSI, propriétaire à Quimper. 

ROUSSIN, propriétaire à Plomelin. 

ROUMAIN DE LA TOUCHE, ancien procureur impé- 
rial. 



— 10 — 



MM. 



LE ROUX, membre du Conseil général, àLandivisiau. 

DE SA1SY, Paul, à Plounévezel. 

DE SAINT-GEORGES, propriétaire à Melgven. 

V t0 DE SAINT-LUC, au château du Guilguiffln, com- 
mune de Landudec. 

SERRET, propriétaire à Quimper. 

SOUDRY, avoué à Quimper. 

HENRY DE TONQUEDEC, quai de Tréguier, àMorlaix. 

TRÉVÉDY, Président du tribunal civil de Quimper. 

DE TROGOFF, Charles, à Coatalio en Fouesnant. 

DE TROMENEC, capitaine au 20 e régiment d'artillerie, 
à Poitiers. 



Erartum du Tome V. 

Tage 163, ligne 15, au lieu de Ausone, lisez Sidoine Appo 
linaire. 



BULLETIN 



DE LA 



SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE DU FINISTÈRE 



SÉANCE DU 29 JUIN 1878. 



Présidence de M. F. AUDRAN, Vice-Président. 

Étaient présents : MM. F. Audran, de Bremond 
d'Ars, de Brémoy, Bourrasin, Briot de la Mal- 
lerie, Faty, Le Moyne, Pavot, Créac'hcadic, et 
Le Men, secrétaire. 

M. le Président remercie la Société d'avoir bien 
voulu le déléguer pour assister aux lectures de la 
Sorbonne, auxquelles il a pris part avec plaisir. Il a 
pu s'assurer que l'on attache en haut lieu un véritable 
intérêt aux publications de la Société archéologique du 
Finistère que M. le Ministre de l'Instruction publique 
n'oubliera pas dans la répartition des subventions aux 
Sociétés savantes. 

Depuis l'année dernière, ajoute M. le Président, 
la Société a eu à déplorer la perte de trois de ses 
membres, qui ont plus ou moins contribué à ses tra- 
vaux. Ce sont MM. S. Ropartz, de Rennes, Le Doze, 
de Clohars-Garnoët, et Binet, vice-président de la So- 
ciété d'agriculture de Quimperlé. Il est certain, ajoute- 
t-il, d'être l'interprète de la Société, en exprimant le 



— 12 — 

vif regret que lui inspire la perte de ces utiles et in- 
telligents collaborateurs. 

M. Pavot demande la parole. Il n'a pas, dit-il, de 
communication écrite à faire ; il désire seulement si- 
gnaler, en quelques mots, la rapidité avec laquelle dis- 
paraissent^ même temps que les anciennes mœurs bre- 
tonnes, les costumes et le mobilier de la campagne. Pour 
en donner une preuve, M. Pavot cite ce fait : que dans 
la tournée de révision de 1876, dix-huit maires s'étaient 
présentés au Conseil avec le costume breton complet ; il 
ne s'en est présenté que six dans les mêmes circons- 
tances en 1878. Dans l'impossibilité où l'on est d'acqué- 
rir pour le Musée les dernières épaves du mobilier 
que l'on se dispute à prix d'or, et dont la contrefaçon 
ne ralentit pas la recherche, il pense qu'il serait 
utile d'y établir au moins une collection de costumes 
bretons. 

L'assemblée est unanime pour exprimer le même 
vœu. 

M. Le Men dit que malgré la rude concurrence à la- 
quelle donne lieu le commerce des vieilles sculptures, 
il a fait son possible pour réunir au Musée des spéci- 
mens de l'art breton du XV e au XVIII e siècle. 

Quant à l'établissement d'une galerie de costumes 
bretons, qui ne peut qu'être approuvé par tous ceux 
qui ont quelque souci des études ethnographiques^ 
il pense qu'il sera possible d'y former, au fur et à 
mesure des ressources de la Société , une collec- 
tion de costumes de grandeur réelle, représentant 
les principales variétés du costume breton et adaptés 
à des figures qui reproduiront avec exactitude les 
types les plus caractéristiques de la population Armo- 
rico-Bretonne du Finistère. 



— 13 — 

M. Audran présente à la Société, au nom de M. Jé- 
gou, un de ses membres, une brochure relative aux 
fondateurs de Lorient. 

La parole est donnée à M. Le Men, pour lire la 
note suivante : 

Les àrmoibies des villes du Fotstèbe. 

Bien que dès le XVI e siècle la plupart des bourgeois de Quim- 
per, possédant quelque fortune, el certaines confréries d'arts et 
métiers telles que celles des tisserands de Morlaix, eussent des 
armoiries particulières, ce n'est guère qu'au siècle suivant que 
les principales villes comprises aujourd'hui dans les limites du 
département du Finistère, adoptèrent l'usage de graver sur les 
monuments qu'elles faisaient construire, des emblèmes qui de- 
vinrent le caractère distinctif de chaque localité. 

Mais longtemps avant cette époque, et au moins depuis le 
XIV e siècle, les juridictions ducales comprises dans les mômes cir- 
conscriptions départementales,étaient distinguées sur les sceaux 
des cours par un emblème qui constituait pour chaque juridic- 
tion de véritables armoiries. Au XIV e , au XV e et môme au com- 
mencement du XVI e siècle, les sceaux des cours ducales se 
composaient d'un écus&on triangulaire chargé de 10 mouche- 
tures d'hermines 4, 3, 2 et 1 , et inscrit dans une rose à 6 lobes 
entourée d'une légende. C'est au-dessus de cet écusson et 
dans le lobe supérieur de la rose qu'était placé l'emblème dont 
Je viens de parler, et' qui est représenté par un animal, va- 
riant quelquefois pour la même juridiction suivant les époques. 

Les animaux servant à désigner ces diverses juridictions sont *• 
le lion et la chèvre (Morlaix), le cerf et le mouton (Quimper), 
le bœuf (Carhaix), le cheval (Saint-Renan), le sanglier (Lesne- 
ven), la levrette? (Quimperlé),et le saumon (Châteaulin). 

Après la réunion définitive de la Bretagne à la France, tous 
ces sceaux ducaux ainsi diversifiés disparurent pour faire place 
à des empreintes uniformes portant soit un parti soit un écarteié 



— 14 — 

de France et de Bretagne. Cependant le sceau de la cour royale 
de Concarneau conserva dans le champ, de chaque côté de 
l'écu, une hache d'armes en pal soutenue d'une moucheture 
d'hermine. Je n'ai pu découvrir de sceau de la juridiction du- 
cale de Concarneau, mais je suis persuadé que la hache d'ar- 
mes y figurait. 

Par suite de celte circonstance, les anciennes cours ducales 
perdirent leurs emblèmes distinctifs.ou, pour mieux m'expriraer, 
les armes qui leur étaient propres. Mais la tradition en fut 
conservée, et lorsque plus lard, les villes qui formaient le chef-lieu 
de ces juridictions, s'attribuèrent des armoiries, quelques-unes 
d'entre elles se souvinrent de ces emblèmes qu'elles retrouvè- 
rent sur les empreintes des anciens sceaux, et qu'elles adopté- 
rent pour armes. Cependant comiiie la plupart de ces emprein- 
tes étaient usées ou mal faites, il dut en résulter des erreurs 
dans la détermination de l'animal qui surmontait l'écu. C'est 
ainsi que le cerf, qui formait les armes de la juridiction ducale 
de Quimper, est devenu un mouton, et que la levrette, ou peut- 
êlre l'hermine, de la cour de Quimperlé a été transformée en 
coq. De plus on distingue très-nettement sur les bonnes emprein. 
tes des sceaux de la juridiction de Châteaulin, un saumon sur- 
monté d'un château, mais le saumon est informe dans les mau- 
vaises empreintes et on n'y voit bien que le château. C'est pour 
ce motif que le saumon ne figure pas dans les armes de Château- 
lin telles qu'elles sont blasonnées dans les armoriaux. Et cepen- 
dant quelles armes peuvent mieux que cet emblème convenir à la 
ville de Châteaulin, si célèbre jadis par ses pêcheries de sau- 
mons, et dont on appelle encore les habitants Penn-Eok, de 
même que l'on désigne les Douamenistes sous le nom de Penn- 
Sardin, en raison du grand commerce de sardines qu'ils font 
depuis un temps immémorial ! 

Les armes de l'ancienne juridiction de Quimper, devenues 
plus tard celles de la ville, convenaient parfaitement à la 
région dont celte ville, était le çhef-lieu, c'est-à-dire la Cor- 
nouaille } Cornubia ou Kernew. Dans cette circonstance le cerf 



— 15 — 

où le mouton étaient des armes parlantes. Je. ferai la même 
observation pour le* armes de la juridiction de Morlaix qui 
furent dans le principe un lion ; le lion des comtes et des vi- 
comtesse Léon, le dernier représentant de la légion 
romaine qui a donné son nom à la partie nord de notre dépar- 
tement. Ce lion est représenté raorné, c'est-à-dire sans dents 
et sans griffes ; mais que de victimes n'a-t-il pas faites ! 11 a 
laissé partout dans notre pauvre Cornouaille la trace san- 
glante de son passage. En descendant vers le sud, nous le 
trouvons d'abord au Faou, transformé en léopard. Si nous 
passons l'Aulne, nous le voyons occuper tout le pays de Crozon 
et de Porzay ; et au-delà de la baie de Douarnenez, il règne 
en maître sur Pont-Croix et n'épargne même pas les plaines 
fertiles de Cap-Caval, où le lion de la baronnie du Pont et le 
fief de Quéménet nous ont conservé son souvenir. Est-il sur- 
prenant qu'il soit sans griffes et sans dents après avoir déchiré 
tant de proies ? Et n'y a-t-il pas un écho de cette désolation 
dans ces vers d'un poète du IX e siècle ? 

Quam bene candelis splendebant culmina ternis 

Cornubiœ preceres cum terni celsa tenebant ! 

At nunc pressa jacet heroum orbata potentum, 
Cède gemens victa exlerno sub fasce reflexa^ 
Arniorum nitidis nuda spoliata triumphis (1). 

J'ignore à quelle époque el dans quelles circonstances le lion 
fut remplacé par la chèvre dans le sceau de la juridiction 
ducale de Morlaix, mais il me semble que le lion qui figure 
encore sur une empreinte de 1340, était un souvenir de la do- 
mination des comtes de Léon, que Jean de Montfort voulut 
anéantir en lui substituant la chèvre, animal plus prosaïque 
mais plus utile, et dont les Morlaisiens, excellents texiers, 
tiraient peut-être un très-bon parti. 

Quoi qu'il en soit, lorsque la ville de Morlaix pr|t des armoi- 
ries elle n adopta ni le lion ni la chèvre. Son commerce avait 



(I) Gurdestin, Cart. de Landévennec, Ms. de la Bibl. deQuimper. 



-^ 16 — 

été florissant au XV* siècle.U Tétait encore au XVI* et au XVII» ; 
elle fit donc acte d'indépendance et d'à propres en peignant 
sur sa bannière un navire équippé. 

Depuis un certain nombre d'années il est d'usage, à l'occa- 
sion des fêtes régionales ou locales, de décorer les monuments 
publics des armoiries de la ville où se fait la fête ou des villes 
qui doivent y concourir. Il m'a semblé qu'une petite galerie 
héraldique, qui permettrait de remonter à l'origine des armoi- 
ries de chacune des villes de notre département et d'en suivre 
les modifications successives, ne seraient pas hors de place au 
Musée départemental d'archéologie. Comme on a pu le voir par 
les observations qui précèdent, les armoiries des villes ne sont 
pas un assemblage fortuit de figures et de couleurs. Elles se 
rattachent toujours à leur histoire soit par un côté politique, 
soit par un côté économique. On en trouvera la preuve dans les 
descriptions qui vont suivre. 

Pour réaliser cette idée, j'ai fait peindre sur des planeheites 
en forme d'écusson les armoiries des villes du Finistère, telles 
que je les ai rencontrées sur les sceaux, ou, à défaut de sceaux 
anciens, d'après les indications des armoriaux, en prenant 
soin de faire suivre le nom de la localité de la date du docu- 
ment reproduit. A côté des sceaux des anciennes juridictions 
ducales, royales ou seigneuriales, où Técusson du seigneur 
haut-justicier tient la plus grande place, et où l'emblème 
représentant la localité est placé au-dessus ou à droite et h 
gauche de l'écu, j'ai indiqué sur une planchette spéciale de 
quelle manière l'écusson de la ville devait être représenté à la 
môme époque, si elle possédait un écusson particulier. 

l'ai dit plus haut que plusieurs des chefs-lieux des anciennes 
juridictions ducales avaient pris pour armes l'emblème qui 
s'appliquait dans le principe à tout un territoire. Les petites 
villes moins importantes, chefs -lieux de juridictions inférieures, 
n'ont guère eu d'autres armoiries que celles de ces juridictions 
et je les leur ai soigneusement attribuées. 

Il est une autre catégorie de localités que l'on pourrait appeler 



V 



— 17 — 

les disgraciées de la fortune, qui n'ont été chefs- lieux d'aucune 
juridiction de quelque importance, ou pour lesquelles, au 
point de vue du blason, les documents font absolument défaut. 
Mais comme il n'y a pas de ville qui ne puisse tirer de son 
histoire les éléments d'un blason, j'ai composé pour ces 
localités mal partagées, des armoiries basées sur la connais- 
sance de leur passé, ou sur leur situation actuelle. Seulement 
comme il s'agit ici d'un travail de fantaisie, j'ai fait peindre 
en teinte neutre les écussons de celte catégorie, afin qu'il soit 
impossible de les confondre avec les autres, qui ont an carac- 
tère historique. S'il convient aux villes qu'elles intéressent 
de les adopter, rien ne sera plus facile que de substituer à la 
teinte neutre les couleurs ordinaires du blason. 

Le nombre des écussons des villes du Finistère, terminés ou 
en voie d'exécution est en ce moment de quarante-cinq. C'est 
grâce à la libéralité de quelques membres de la Société que ce 
travail a pu être fait. Quand cgs écussons des villes seront 
terminés, je m'efforcerai d'augmenter celte galerie héraldique 
en y plaçant les armoiries des hommes célèbres nés dans le 
territoire du Finistère, et dont les familles sont éteintes. Voici 
par ordre alphabétique la nomenclature de ces villes avec la 
description de leurs armoiries. 

Audierne (teinte neutre). — Une ancre de marine accom- 
pagnée de 2 homards en chef et d'un merlus en pointe. 

Brest" 1878. — Parti de France et de Bretagne. 

■N. 

Ces armoiries sont propres à toutes les anciennes juridictions 
royales de Bretagne. Pour la ville de Brest, elles ne doivent 
pas remonter au-delà de 1681, date du transfert du chef-lieu de 
la juridiction royale de Saint-Renan à Brest. La ville de Brest 
n'a pas* d'armoiries particulières. Son origine est un château 
qu'elle devrait .avoir dans ses armes. 

Camaret (teinte neutre). — Une barque à voiles éployées 
d'hermines accompagnée de deux étoiles en chef et d'une tour 
en pointe. 

2 • 



— 18 — 

Carhaix, 1696. — D'or au bœuf passant de sable. Ces 
armes sonl brodées sur une dalmalique de héraut semée 
d'hermines, conservée à la mairie de Carhaix. 

Gh&teaulin, 1484. — Écu de Bretagne plein. 

Au-dessus un saumon mis en fasce surmonté d'un château 
à deux tours carrées (Sceau). 

Château lin. — D'azur au château d'argent, girouette 
d'or, accompagné en pointe d'un saumon d'argent mis en fasce. 

« 

Ch&teaulin, 1878. — D'azur au château d'argent gi- 
rouette d'or. 

Ch&teauneuf (teinte neutre). — Neuf tours. 

Concarneau, 1669. — Écu de France plein. De chaque côté 
une hache de gueules en pal soutenue d'une hermine (Sceau). 

Concarneau, 1696. — D'argent à 3 haches de gueules en 
pal 2 et 1 . 

Le Conquet (teinte neutre). - Une tour crénelée accom- 
pagnée de 2 ancres de marine en chef et d'une coquille en 
pointe. — En 878 descente des Normands au Conquet. En 1207 
les partisans de Jean sans Terre bâtirent un fort château 
auprès du Conquet, qui fut rasé en 1218 par Pierre de Dreux. 

Crozon et Porzay, 1526. — D'or au lion morné de sable 
(Léon) ; hors de l'écu trois macles d'or, une au-dessus et une 
de chaque côté (Rohan). — (Sceau) . 

Daoulas, 1580. — D'or au lion morné de sable (Léon) ; 
3 macles de chaque côté et hors de l'écu (Rohan). — (Sceau). 

Douarnenez (t iute neutre.) — Une tour crénelée sur un 
rocher entouré d'eau, accompagnée de 3 sardines mises en fasce, 
deux en chef et une en pointe. 

Le Faou. — D'azur au léopard passant d'or (Sceau). 

Fouesnant. — ue sable h une aigle éployée d'argent 
becquée et membrée de gueules* Fouesnant était le chef-lieu 



— 19 — 

d'un Pagus ou pays de l'archidiaconé de Cornouaille (Pagus 
Fumant). — (P. de Courcy). 

Landerneau, 1666. — Écartelé aux 1 et 4 d'or au lion 
morné de sable ; aux 2 et 3, de gueules à 9 macles d'or, 
3, 3, 3 (G. Le Borgne). 

Landerneau, 1696. — D'azur au vaisseau équipé d'or sur 
des ondes d'argent, portant à ses 3 mâts un pavillon, aux 
armes de Rohan h senestre, de Bretagne au grand mât et de 
Léon à dextre (Arm. gen 1 .). 

Landivisiau, 1482. —D'or au lion morné de sable (Léon), 
l'écu entouré de macles d*or (Rohan). — (Sceau). 

Eanmeur, 1567.— D'hermines plein, l'écu supporté par 
2 hermines rampantes. 

Lanmeur, 1666. — D'argent à la fasce de gueules accom- 
pagnée de 3 hermines de sable (Guy le B. dans P. de Courcy). 

Lannilis. — D'azur à 3 macles d'or, 2, 1 (de Courcy). 

Lesneven, 1480. — Écu d'hermines plein. Au-dessus un 
sanglier passant (Sceau). 

Xesneven. — D'or au sanglier passant de sable, au chef 
cousu d'hermines. 

Iiocronan (teinte neutre). — Une mitre posée sur une 
crosse et accostée de deux navettes. 

Morlaiz, 1340. — Écu de Bretagne plein. Au-dessus un 
lion passant (Sceau). 

Morlaix. — D'or au lion morné de sable, au cher cousu 
d'hermines. 

Morlaiz, 1400. — Écu de Bretagne plein. Au-dessus une 
chèvre passante (Sceau). 

Morlaix. — D'azur à la chèvre passante d'argent, ac- 
cornée et onglée d'or, au chef d'hermines. 

Morlaiz, 1878. — D'azur au navire équipé d'or voguant 
sur des ondes de même, aux voiles éployées d'hermines. 



— 20 — 

Pont-Aven (teinte neutre). — Un pont accompagné de 
3 annilles ou fers de moulin, 2 en chef, une en pointe. 

Pont-Croix. — D'azur au lion rampant d'argent (Sceau). 

Pont-1'Abbé, XV e siècle.— D'or au lion de gueules (Sceau). 

Quimper, 1452. — Ecu de Bretagne plein. Au-dessus un 
cerf passant à senestre la tête contournée (Sceau). 

Quimper (Gui le 6.) — De gueules au cerf passant d'or, 
au chef de France (armes antiques). 

Quimper, 16:26. — Ecu] d'hermines plein (de Bretagne)* 
Au dessus un mouton passant (Sceau). 

Quimper, 1666. — D'azur au mouton passant d'argent 
accorné et ongle d'or, au chef d'hermines (G. Le Borgne). 

Quimperlé, 1518. — Ecu de Bretagne plein. Au-dessus un 
lévrier passant. Le lévrier n'est pas bien déterminé, c'est 
peut-être une hermine passante mais sans volets (Sceau). 

Quimperlé. —De gueules au lévrier d'or, au chef d'her- 
mines. 

Quimperlé, XVII e siècle. — D'hermines au coq de gueules 
membre, barbé et crété d'or (1). 

Roscoff. — D'azur au navire équipé d'argent flottant sur 
des ondes de même, les voiles éployées d'hermines, au chef 
d'hermines (P. de Gourcy). 

Rosporden (teinlre neutre). — Écartelé de France et de 
Bretagne. 

Saint-Pôl-de-Léon, 1666. — D'or au lion morné de 
sable tenant une crosse de gueules de ses pattes de devant 
(G. Le Borgne). 

Saint-Pôl-de-Léon* 1666. — D'hermines au sanglier de 



(I) Le lévrier et l'hermine ont un corps plus ou moins cambré. 
On comprend que dans une empreinte de cire mal faite ou les pattes 
n'étaient plus visibles, ont ait pu prendre pour les débris d'un coq 
ce qui restait de l'un ou de l'autre de ces animaux. 



— 21 — 

sable accolé d'une couronne d'or, le sanglier dressé en pied 
soutenant une lourde gueules au canton dexire (G. Le Borgne). 

Saint-Renan, 1463. — Écu de Bretagne plein. Au-dessus 
un cheval passant (Sceau). 

a Le territoire est abondant en grains et fourrages ; les che- 
vaux qu'on y élève sont forts et vigoureux (Ogée). » La juridic- 
tion royale fut transférée à Brest en 1681. 

Saint-Renan. — D'or au cheval passant de sable, au 
chef d'hermines. 

À la suite de cette lecture, M. Pavot et quelques 
autres membres font observer que l'on trouve en 
abondance, dans les schistes micacés des environs 
de Rohan, une cristalisation qui ressemble exactement 
à la macle héraldique. 

M. Faty ajoute qu'il y a dans le même pays, une 
espèce de truite dont le corps est couvert d'empreintes 
semblables. 

M. de Bremond d'Ars demande ensuite la parole 
pour compléter la communication qu'il a faite au 
mois de janvier dernier, sur la fontaine de Saint- 
Léger. 

LA FONTAINE DE SAINT- LÉGER EN MEC. 

Dans le Bulletin du mois de janvier dernier, on a parlé de 
la fontaine de Saint-Léger, située dans la paroisse de Biec. Qu'il 
nous soit permis d'en dire encore quelques mots. 

Nous faisions part, dernièrement, à notre savant président 
de certains doutes sur l'identité du patron de la fontaine 
de la Porte-Neuve ; est-ce bien saint Léger, l'évêque d'Au- 
lun, ou bien un autre saint de même nom, malgré l'assertion 
du bréviaire du diocèse qui en fait mémoire, et mal- 
gré les cantiques bretons en l'honneur du saint bourgui- 
gnon ? M. le vicomte de la Villemarqué nous révéla alors l'exis- 



_ 22 — 

tence d'un saint irlandais nommé Léodegard, qui nous était in- 
connu, ou du moins que l'on ne trouve pas mentionné dans 
les Bollandisle3. Est-ce pour celte raison que les habitants du 
pays en parlant de saint Léger disent toujours sont Layerd, 
sant leyerd ? Or, le nom de Layard, fort connu et usité en 
Angleterre, est-il lui-même un diminutif de Léodegard ? Quand 
vivait ce saint irlandais? Serait-il venu dans nos contrées avec 
quelqu'une des émigrations galloises ? — La plupart des noms 
des habitations voisines de la fontaine de Saint-Léger sont d'ori~ 
gine irlandaise, Kergall % Keryquel, etc.— On invoque spéciale- 
ment saint Léger pour la guérison des paralytiques, des boi- 
teux, des jeunes enfants faibles et ne pouvant marcher seuls. 
A-t-on voulu trouver une allusion favorable dans le nom du 
saint? — Non, nous répondit notre érudit président, — car 
léger de corps se dit skan en breton. 

Mais voici qui peut bien répondre à l'objection. Dans l'his- 
toire de l'évêque d'Autun par dom Pitra, nous lisons, 
page 407 : « Invités par le roi Salomon de se retirer dans 
• l'Armorique à l'approche des Normands, les moines de Saint- 
« Maixent (en Poitou) avaient transporté dans l'église de Saint- 
« Sauveur de Rennes le corps de saint Maixent et de saint Lé- 
« ger. La première tempête passée, ils s'en retournent à 
« leurs anciennes cellules, et reprennent sur leurs épaules tes 
« ossements de leurs pères déposés dans une châsse d'ivoire ; 
« ils arrivent avec un grand labeur aux bords de la Loire. Les 
« moines, effrayés des ravages croissants des Normands, s'en- 
« fuient en Arvernie et déposent les corps dans une petite 
a chapelle, à Ebreuil. » — Circà 856-87U (Scriptura de corpore 
S. Leodegarii, quomodo ad Ebroïlum venerit. Ex. ms de Delà- 
mare, apud Bolland.) 

Les reliques de saint Léger, évêque d'Autun, sont donc ve- 
nues en Bretagne au IX e siècle. Ne peut-on pas supposer, sans 
trop d'invraisemblance, que dans l'un de ces longs et pénibles 
voyages, les moines fugitifs, porteurs du dépôt sacré, ont bien 
pu passer daus notre voisinage, soit en allant à Rennes, soit en 



/ 



— 23 — 

retournant s'embarquer sur la Loire P Dom Pitra le dit lui- 
même : t ils arrivent avec un grand labeur aux bords de ee 
fleuve », ce qui donne à penser que, durant ce long trajet, il 
leur fallut faire de fréquentes baltes, de nombreux détours. 

La paroisse de Riec est située sur une voie romaine qui 
venait de Carbaix et aboutissait à la Porte-Neuve. Est-il impos- 
sible, disons-nous, que les pieux fugitifs, en sortant de Rennes, 
aient élé obligés de se détourner de la route directe pour 
venir dans le Léon et la Cornouaille, en suivant les divers et 
nombreux embranchements de voies romaines alors existantes f 
Ils devaient diriger leurs pas du côté des monastères où ils 
étaient certains de trouver l'hospitalité. Landévennec possédait 
alors une abbaye renommée; ils ont pu s'y rendre, puis 
descendre vers Riec et aborder près de Bélon où se trouvait un 
petit port. Accueillis avec un respectueux empressement par 
les habitants de la contrée, n'ont-ils pu leur donner, par 
reconnaissance, quelques parcelles des précieuses reliques ? 

Et le saint irlandais, nous dira-l-on. — Comment concilier les 
deux traditions ? — On le peut,si Ton prouve que le saint irlan- 
dais a précédé le saint bourguignon ; car le premier était peut- 
être l'objet de la vénération des habitants de Riec avant le 
IX e siècle ; et, après le passage des reliques de saint Léger 
d'Autun, les deux traditions se seront confondues. Des deux 
saints de même nom, le plus célèbre aura fait oublier le moins 
connu. — A la vérité, ce sont là de pures hypothèses que 
nous soumettons à l'examen de nos confrères, plus compétents 
que nous en fait d'histoire locale, et plus au courant de l'idiome 
du pays de Cornouaille. 

M. Le Men nous a rappelé, à ce sujet, qu'un évêque deDol, 
saint Leucher (sanctus Leucharius) contemporain de l'arche- 
vêque saint Samson, vivait au VI e siècle, et que, depuis celte 
époque reculée, le nom de ce saint a pu subir diverses trans- 
formations selon les idiomes des localités où son culte avait 
été établi : de Leucher à Léger* Leyer, la transition est facile. 

Ce saint aurait-il été' vénéré dans le diocèse de Cornouailles? 



— 24 — 

Nous ne pouvons l'affirmer. 

En résumé, nous avons voulu tout simplement chercher 
l'origine et l'explication de celte façon de prononcer le nom de 
saint Léger, et nous rendre compte de l'époque à laquelle 
remontait le culte du saint particulièrement honoré dans le pays 
que nous habitons. Beaucoup d'archéologues se laissent souvent 
entraîner par des erreurs d'imagination. Le moindre doute, un 
mol différemment interprété, leur suffisent pour changer tout un 
système de chronologie. Ne les imitons pas; jusqu'à preuve certai- 
ne du contraire, reconnaissons dans l'un des principaux patrons 
de la paroisse de Riec, le grand évoque d'Àulun, le défenseur de 
la foi chrétienne et de l'autorité royale contre l'arabilieux Ebroin. 
D'ailleurs, une autre paroisse bretonne, celle de Quimerc'h, 
dans le canton du Faou, arrondissement de Château lin, honore 
le même saint évoque depuis un temps immémorial. Elle pos- 
sède une ancienne chapelle où se célèbrent deux pardons : l'un, 
plus solennel, le 3° dimanche de mai, et le petit pardon, le 
lundi de la Pentecôte. Ces deux fêtes réunissent un grand 
nombre de fidèles. Avant la Révolution, la chapelle recevait de 
généreuses offrandes et jouissail de plusieurs propriétés qui 
ont été confisquées. Son revenu était de quinze cents écus, 
comme le constatent les anciens registres de la fabrique. 
Une fontaine, voisine de la chapelle, attire — comme celle du 
bois de la Porte-Neuve — une foule de pèlerins qui viennent de 
fort loin y chercher — par l'intercession de saint Léger — la 
guérison de leurs maux, principalement des douleurs rhumatis- 
males. On invoque aussi saint Léger pour obtenir la grâce 
d'une bonne mort et la résignation dans les épreuves de la vie. 
La chapelle est vaste, et, relativement, en assez bon état de 
conservation, bien qu'elle ait grand besoin des réparations qui 
n'ont pu être continuées, malgré le zèle et le dévouement du 
recteur de la paroisse, M. l'abbé Kerivel. 

La chapelle de Saint-Léger, en la paroisse de Quimerch, est 
bien plus ancienne que la vieille église paroissiale, — nous dit 
encore le recteur — elle possédait autrefois des reliques, mal- 



-25- 

heureusement perdues, au grand regret des pieux pèlerins qui 
se contentent maintenant de baiser respectueusement une an- 
tique image du saint vénéré depuis tant de siècles. 

H. Le Mou nous apprend encore que la chapelle de 
Saint-Léger en Riec n'était pas moins riche en offrandes de toute 
nature. Elle payait, autrefois, en décimes et en don gratuit, le 
double de ce que payaient les autres chapelles de la paroisse. 

On nous pardonnera ces longues réflexions au sujet de la 
chapelle et de la fontaine de Saint-Léger : et c'est pour nous 
le cas de nous excuser en répétant le vieil adage : chacun 
prêche pour son saint. 

La séance est levée à quatre heures. 

Le Secrétaire, 

R.-F. LE MEN. 



— 26 — 



SÉANCE DU 28 SEPTEMBRE 1878. 



Présidence de M. DE LA VILLBMARQUÉ, 

MEMBBE DE L 'INSTITUT. 

Etaient présents : MM. de la Villemarqué, président, 
Audran, vice-président, de Saint-Luc, Bourassin/ de 
Brémoy, de. Kercadio, Pavot et Créac'hcadic. 

M. le Président (déclare la séance ouverte, et pré- 
sente les excuses de M. Le Men que son état de santé 
empêche d'assister à la séance. En l'absence du secré- 
taire, M. Créac'hcadic est prié d'en remplir les fonc- 
tions. 

M. de la Villemarqué donne lecture à la Société de la 
communication suivante de M. Le Men, relative aux 
Chouans. 

DéRONCIATION. 

• Je soussigné, X..., électeur du Finistère, ex- procureur- 
général syndic de la Commission administrative du déparle- 
ment à Landerneau, déclare qu'étant dans l'intention de me 
présenter aux autorités constituées pour leur donner des rensei- 
gnements qui peuvent déjouer les manœuvres des ennemis de 
la République, je me suis mis en route, sans armes, ce 27° 
fructidor de la 3 e année républicaine, pour me rendre en la 
ville de Quimperlé et j'ai rencontré environ midi, une colonne 
mobile des défenseurs de la Patrie lorsque j'étois décoré de la 
cocarde nationale et tricolore, et accompagné de la citoyenne 
Z. . ., mon épouse. A l'approche de cette colonne nombreuse, 
je me suis détourné de quelques pas du chemin pour m'asseoir 
dans la lande voisine du bourg de Sainl-Thurien, et lorsque les 
volontaires sont venus à moi je leur ai témoigné le désir que 
j'avois de faire connoître à leur commandant des choses jmpor- 



— 87 — 

tantes que je comptais dire aujourd'hui à Quimperlé et que je 
lui ai sur le champ détaillées avec franchise et vérité de la 
manière suivante, après qu'il m'a donné sa parole d'honneur 
qu'il ne me seroit pas fait de mal. En conséquence, nous 
nous sommes un peu écartés et je lui ai dit que le s 
émigrés réunis aux chouans du Morbihan, ayant appris 
que je m'étois soustrait par la fuite, aux persécutions 
de Robespierre et de ses partisans, me menacèrent de me 
tuer si je ne promettois pas de me joindre à eux lorsqu'ils 
s 'établiroient dans le Finistère, et ils me forcèrent de recevoir 
de leur part un papier par lequel ils me nommoient commis- 
saire pour leur acheter des bestiaux quand Ils s'organiseroient 
è demeure dans les parages où je me trouvois. Ils ne se sont 
pas encore organisés, et ma commission n'a point eu d'effet. 
Elle me fut remise il y a sept mois. Ne recevant aucune nouvelle 
de moi, on m'écrivit en prairial dernier pour m'oiïrir une 
autre place de commissaire pour la levée des rentes 
nationales qu'ils disoient vouloir confisquer à leur profit 
dans le canton de M el 1er and ; je [n'ai rien répondu, 
et mon silence exprimoit mon refus d'acceptation. Enfin, 
hier au soir ils revinrent à la charge et m'enjoigni- 
rent de prendre des assignats qu'ils disoienl bons et qui m'ont 
parus faux. Je les déclarai tels au citoyenlBcllot, commandant 
de la colonne mobile, et je les lui représentai pour être 
déposés et annexés à ma déclaration. Il yen a 17 de 250 livres, 
deux de 125 et un de 10 faisant en tout un total de 4,510 li- 
vres ; ils m'étoient remis pour acheter des bestiaux destinés à 
subsistance d'une force armée qui passeroit incessamment du 
Morbihan dans le Finistère. Ceux qui me les donnèrent ne 
m'étoient pas connus auparavant ; ils étoient au nombre de 
quatre : l'un nommé Poulpiquet, dit Sans-quartier, de Quim- 
per, émigré rentré à Quiberon, transféré à Lorienl el à Henné- 
bond d'où il s'est évadé ; il servoit dans la légion de du 
Dresnay sous le titre de Loyal émigrant ; le second étoit 
Dampherné, fils aine cy-devant noble de la commune de 



! 



. — 28 — 

Kernével, district de Quiiuperlé, il porte le surnom d'Aimé ; le 
troisième étoit un nommé Durand, cy-devant noble des environs 
de Vannes,et le 4* se nommoit Samson, dit Sans-soucy, de Gui- 
mené et lieutenant du canton de Lorient. Poulpiquet est âgé 
de 18 ans, taille de 4 pieds 10 pouces, figure blanche et large, 
portant un habit gris h longue taille et un pantalon moitié cuir 
et moitié en étoffe; ilétoit armé d'un pistolet d'arçon qu'il tenoit 
à la ceinture, et avoit un chapeau rond. Dampherné étoit vêtn 
d'une carmagnole de couettis à rayes blanches et bleues avec 
un pantalon brun ; sa taille est de 5 pieds 5 pouces* il a 18 ans 
et demi, figure allongée. Durand âgé 'de 20 ans, porte une 
veste courte, verte, avec un pantalon brun, chapeau rond ; 
il a S pieds 3 pouces, figure maigre et bazanée ; ces deux der- 
niers avoient des, fusils anglais à un coup. Sans-soucy, ou 
Samson, avoit une petite veste grise avec des boutons blancs à 
fleur de lys, un pantalon de toile rousse ; sa taille est de 
5 pieds 6 pouces, figure large et marquée de petite vérole* 
portant un chapeau rond ; il est âgé de 37 ans et armé d'un 
tusil à deux ^coups. » 

« Ils m'annoncèrent qu'ils passeroient le même soir la 
rivière d'Ellé pour arriver du côté de Plouai ; ils m'engagèrent 
à les accompagner, ce que je refusai ; mais pour m'en débar- 
rasser je leur dis que j'irais les rejoindre une autrefois. Leur 
rassemblement dans ce canton, est proche le bourg de Plouai, 
dans des maisons qu'ils m'ont fait connoltre Tune sous la déno- 
mination du Désert et l'autre, de l'Espérance ; j'ai seulement 
entrevu dans leur conversation, que ce pouvoit être les cy- 
devant manoirs de Kerdréo et de Melliens ou de Pluvier. Ils y 
sont une trentaine tant émigrés qu'officiers de Bonfils, chef de 
ce canton ; l'un se nomme Sauve-Plane, émigré gascon qu 
commandoil le camp de Jalès, les autres sont les deux Dam- 
pherné, fils, dont le plus jeune s'est surnommé Royal-carnage ; 
il y a aussi un nommé Sansonnet, et Peuron, dit Pyvert, 
marchand de Pontivy. Sauve-Plane est vieux, et Peuron est de 
taille de 5 pieds 1 pouce, figure bazané, âgé d'environ quarante 
ans. » 



— 29 — 

t 

« Ils tn'out dit que leur retraite étoit pratiquée dans ce 
qu'ils appellent des caches \ ils m'ont fait entendre que ces 
caches èloienl faites sous les escaliers où il y avoit auparavant 
de petites caves ou caveaux ; on a maçonné les portes d'en- 
trée, et on s'y réfugie en levant une planche des marches 
d'escalier. Ils m'ont indiqué le cabaretier de Ponlulaire pour 
me faire parvenir dans leur refuge. Ils ont ramassé trois bois- 
seaux de poudre prise au Ponl-de-Buis \ leur projet étoit de 
revenir dans le Finistère sous quinzaine, avec cinquante émi- 
grés ou officiers de chouans qui employeroient tous les moyens 
qui en imposent à la crédulité des campagnes, pour entraîner 
le département du Finistère dans leur parti. J'ai remarqué que 
leur ressource n'est pas grande ; tout se réduit à une petite 
quantité d'officiers dans chaque canton où ils restent cachés. 
Les simples chouans sont des cultivateurs qui ne marchent 
qu'à regret ; on les réunit à jour marqué pour intercepter les 
convois de vivres et les communications sur les grandes rou- 
tes d'un district à l'autre ; après cela, chacun cache son fusil 
et retourne à ses travaux champêtres, de sorte, qu'il n'existe 
plus de grands rassemblemens, et la force nationale s'épuise 
en marches et fouilles inutiles pour les découvrir. Tout sera 
fini en détruisant les caches où logent les conspirateurs; on ne 
connaîtra plus de chouans ; il n'en a point été organisé jus- 
qu'à présent daus le Finistère, et si l'on adopte les moyens 
dont je puis faciliter moi-même le succès ailleurs, on en verra 
bientôt la fin partout. Ils s'avertissent et se rassemblent au 
moyen d'un son de corne. » 

« Lantivy, ci- devant noble, est chef de canton à Lominé; 
c'étoil lui qui commandoit les chouans lorsqu'ils pillèrent le 
magasin à poudre (du Pont-de-Buis ; on le trouve souvent 
dans le manoir de Lantivy, près Lominé* 

« Jean-Jean, chef de canton de Mellerand, réside au bourg 
de Mellerand dans une maison vis-à-vis l'église, avec Duclos, 
prêtre refractaire; il a pour capitaines, le nomme André, 
cultivateur de la paroisse de Bubry, et le fils de l'ancien maire 



— 30 — 

de Keringar. 11 commandoit la descente des chouans débar • 
qués de Quiberon à Pont-Aven. » 

« Ducbélas, dit La Couronne, ci-devant gentilhomme 
résidant ordinairement au manoir du Reste, en la paroisse de 
Langoêlan ; son épouse est en surveillance à Lorient. H est 
accompagné du curé réfraclaire de sa paroisse, et d'Hyacinthe 
Geslin de Quimper et de du Leslay, dit Dolbel, de Rostrenen, 
émigrés rentrés. Il est chef du canton de Guiménée. Ce bourg 
a été pris une fois par Jean-Jean qui enleva six canons qu'il fit 
conduire à la Vendée. » 

« La fille de Lannivon, ancien procureur fiscal, demeurant 
au bourg de Guiménée, fait les cocardes blanches portant 
pour inscription : Vive la religion, vive le roi, avec deux cœurs 
en broderie, surmontés d'une croix. » 

« Les cordonniers de Guiménée sont en réquisition pour 
fournir des chaussures aux chouaas. » 

« Les capitaines de Duchélas sont : Duparc, dit le Terrible, 
qui se retire souvent au cy-devant château de Pont-Callech, 
en Berné; Horgant, dit Hagloire, Hylhridate, neuveu du 
recteur réfractaire ; ou les trouve souvent chez Yves Juguet de 
Plouhibet, en Berné. » 

« Dandigné, ci-devant nrible, est capitaine et demeure en 
son ancien manoir en la commnne de Saint-Thudal. Son 
lieutenant se nomme Juthar, jeune marin déserteur qui se 
réfugie chez le recteur au bourg de Prigeac (Priziac). » 

« Le Clech, notaire du bourg de Langonnet, est capitaine 
du même canton. » 

« Tous ces cantons dépendent et reçoivent les ordres de 
l'armée du Morbihan, dont le quartier général est à Grand- 
champ ; elle est commandée en chef par le général Georges, 
successeur du prétendu comte d'Essy, tué dans un combat. » 

« L'armée des Côtes du -Nord* a son quartier général à 
Bréhand-Hontcontour ; elle est commandée par le général 
Le Veneur de la Roche, successeur de Bois-Hardy. » 

« Ses chefs de canton se nomment : Bernard, ancien pro- 



— 31 — 

cureur du bourg d'Uzel, il a pris le surnom de Ton Ion ; 
Keranflech est chef du canton de Mesle-Pestivien et demeure 
en son ancien manoir près Callac ; il a.pour capitaines Berricol 
fils, secrétaire de la municipalité de Kergrist, et le gendre de Le 
Clec'h, notaire, demeurant au bourg de PIounévez-Quintin. » 

a On m'a dit que le cy-devant chevalier de Tinleniac avoit 
obtenu en Angleterre le titre de général des chouans qu'il len- 
teroit d'organiser dans le Finistère. 11 revint de Quiberon en 
descendant à Sarzeau avec des chouans du Morbihan, armés 
de fusils anglais et habillés de rouge avec] soubastement 
blanc ; il se porta sur Quintin, et fut tué l par un grenadier 
auquel il crioit de se rendre. » 

« On a formé dans chacun des cantons où les chouans sont 
organisés, un conseil civil composé de Irois membres qui sont 
prêtres réfraclaires ou émigrés rentrés ; ceux du canton de ' 
Hellerand sont les recteurs réfractaires de Hellerand et de 
Bubry, et le nommé Kersally, ci-devant noble, demeurant à 
Bubry. Ils règlent les marchés et dépenses militaires, ils cor- 
respondent avec l'armée do leur département qui leur transmet 
directement les ordres de Charrette ; celui-cy reçoit ses dé- 
pêches, armes, munitions et finances de l'Angleterre qui pa- 
roît tenter de rétablir un roi en France et seconder les pré- 
tentions extravagantes des émigrés. » 

a Ce système n'est pas difficile à déranger. On m'a dit que 
l'Angleterre ne feroit pas décendres ses troupes sur les terres 

françaises ; on compte seulement y débarquer le cy-devant 
comte d'Artois avec la légion de Rohan qui n'est que de trois 
mille hommes ; mais celte descente projetée n'anra pas d'exé- 
cution si l'on prend les mesures nécessaires pour annéantir les 
émigrés rentrés et les chefs des chouans ; ceux-cy ne deman- 
dent pas mieux que d'en être débarrassés, et j'offre de faciliter 
leur destruction, en peu, si L'on m'associe à la force qui doit 
les combattre. L'essentiel est de les découvrir, et on y par- 
viendra aisément en se ménageant dans leurs campagnes, où 
ils ne sont pas aimés, des intelligences assurées qui les feront 



— 38 — 

capturer immanquablement ; les simples chouans ne seront 
plus forcés de marcher ei ils resteront tranquilles dans leurs 
foyers ; alors les armées de Grand-champ et de Bréhand* 
Moncontour qui ne sont guère nombreuses, se replieront sur 
celle de Gharelte, vers Nantes, ce qui ne formera pas en tout 
dix mille hommes qui attaqués.: » {Cetera désuni.) 

Voici deux titres qui se rapportent au hardi coup de main 
du Pont-de-Buis, mentionné dans l'acte précédent. 

Rapport relatif aux chouans. — « Ce jour vingt neuf prai- 
rial» partant de Pleiben pour venir à Quimper , j'ai rencontré 
entre six et sept heures du malin, à environ une lieue du bourg 
de Pleiben, près le pont dit Cobleng, trois ouvriers habillés à 
la mode de Briec, lesquels m'ont déclaré avoir été arrêtés par 
sept à huit cens hommes armés de fusils à deux coups et de 
pistolets à leurs ceinturons ; que ces hommes paraissoient fu- 
rieux parce qu'on leur avait tué trois ou quatre hommes qui 
étoient, allés chercher des vivres dans quelques villages de 
Gouezec, et qu'ils avaient encore arrêté deux ou trois hommes 
de Pleiben, qui venaient à Quimper avec des chevaux. D'après 
le rapport de ces hommes, je n'ai pas voulu poursuivre ma 
route et j'ai rétrogradé pour gagner le grand chemin de Châ- 
teaulin où j'ai rencontré le commandant de la force armée à 
qui j'ai fait verbalement le même rapport que ci-dessus. • 

« MOTREFF. » 

Rapport relatif aux chouans. — « Ce jour 29 prairial an 3, 
vers les trois heures de l'après-midi, !e citoyen Kerincuff, invité 
k passer à l'administration pour communiquer les renseigne- 
ments qu'il devait avoir reçus concernant l'apparition de 
chouans à Briec et l'assassinat qui y a été commis, a disque 
* le matin de ce jour, il lui était venu deux cultivateurs dont 
un du bourg de Trégourez et l'autre de la commune de Briec; 
qu'il en tenait qu'étant hier audit Trégourez, il y arriva epviron 
cent hommes qui fouillèrent toutes les maisons pour avoir des 



— 33 — 

arme9 ; que, partis dans l'intention d'approcher de Quimper 
où ils avaient une assignation pour aujourd'hui, ces deux cul- 
tivateurs se trouvèrent au milieu d'une troupe d'hommes 
armés, d'environ 800 ; qu'on leur ôla aussitôt leurs cocardes 
et qu'ils entendirent deux autres dire : « Puisqu'ils vont du côté 
de Briec il vous serviront de guides » ; que ce? deux derniers 
leur parurent de Leuhan, mais que tous les autres étaient ha- 
billés à la mode de Vannes et qu'ils parlaient très-mauvais 
breton ; tous d'ailleurs à pieds, à l'exception d'un seul qui 
semblait le .commandant et qui était à cheval ; que chemin 
faisant cette troupe fut rejointe par une autre venant du côté 
de Çorray, et composée de 100 hommes à peu près, portant 
des fusils de munitions ; que dans le temps de celle réunion 
il avançait un pareil détachement du côté d'Edern ; qu'ayant 
é[é renvoyés par celte troupe avant d'arriver à Briec, ils igno- 
raient ce qu'elle y avait fait, qu'ils avaient seulement entendu 
qu'elle avait assassiné le curé de celte commune et ensuite 
pris la route de Châleaulin. » 

a LeJGuillou'Kerincuff. » 

/ 
M. Pavot , sous-intendant militaire, fait observer 

qu'il a vu, dans les archives du Pont-de-Buis, des 

titres faisant mention du pillage de la poudrière. 

M. Audran, vice-président, invité par M. de la Ville- 
marqué au Congrès de l'Association bretonne à Auray 
et n'ayant pu y assister, lit des documents qu'il avait 
recueillis pour le Congrès, sur les Institutions chari- 
tables établies à Auray. 

Ils seront publiés dans le Bulletin de la Société poly- 
mathique du Morbihan, comme intéressant particuliè- 
rement ce département. 

Voici les matières qui y sont traitées : « Donation 
en faveur des Carmes de Sainte- Anne. — Création d'une 

3 



~ 34 - 

chapellenie à Noire- Dame d'Àuray en 1671.. — Fon- 
dation d'une messe à l'église du Saint-Esprit. — Dona- 
tion à l'église Notre-Dame du Cimetière à Auray, 17 jan- 
vier 1765. 

M. le Président exprime le regret que ce travail n'ait 
pas été lu à la réunion du Congrès breton. 

M. Audran donne ensuite communication de divers 
titres relatifs à la fondation des Ursulines de Quimperlé, 
faite en 1652, et dont voici le texte : 

I 

m 

Lettes patentes du roi Louis XIV. 

A nos chers et bien aimez officiers et habitons de la ville de 

Quimperlé. 

De pab le Rot. 

Chers et bien aimez, notre très- chère et Irès-airaez tante 
la Reine de la Grande Rretagne souhaittant que les Hères 
Claude, et Jeanne des Anges, Religieuses ursurlines de Tréguier, 
puissent établir un couvent de leur ordre dans notre ville de 
Quimperlé, nous serions bien aise qu'en sa considération elles 
aient cette consolation ; c'est pourquoy nous vous escrivons 
cette lettre pour vous dire que vous aiez à permettre cet éta- 
blissement sans souffrir qu'il y soit apporté aucune difficulté 
ny retardement ; sy, ny faites faute, car tel est notre plaisir. 
Donné à Saumur le vingt huitième février mil six cent cin- 
quante et deux. Signé Louis. 

II 

Consentement de Paul de Gohdi, abbé i>e Sainte Choix 

de quimpeblé. 

Jean-François-Paul, par la grâce de Dieu et du Saint-siége 
Apostolique, cardinal de Retz, archevesque de Corinlhe, coadju- 



— 35 — 

teur de Paris, damoiseau et souverain de Commercy-en-ville, 
abbé commendalaire de l'abbaie de Quimperlé, et en cette qua- 
lité seigneur tamporel el spirituel, nos très-chères et bien 
aimées filles les Religieuses ursulines de Tréguier, nous ayant 
fait suplier de leur vouloir accorder la permission de Vestablir 
dans la ville de Quimperlé pour y faire baslir un monastère 
afin de servir Dieu selon leur règle et leur institut et instruire 
la jeunesse pour la porter à la piété et à la vertu, ayant pour 
cet effet obtenu le consentement de monsieur TEvesque de 
Cornouaille, et des habitans de ladite ville. A ces causes 
désirans contribuer en tout ce qui nous sera possible, à un si 
louable dessin, nous aurions consenty et accordé et par ces 
présentes consentons et accordons l'eslablissement desd. Reli- 
gieuses ursulines en la ville de Quimperlé ; leur ayant, en tant 
qu'à nous est, donné et octroyé, donnons et octroyons pouvoir 
et faculté de bastir en ladite ville leur dit monastère, et 
acheter telles places qui leur seront nécessaires pour la cons- 
truction d'icelluy, pour en jouir à l'avenir plainement et paisi- 
blement ; et voulans que notre intention soit connue de tous, 
les présentes seront enregistrées en notre justice de Quimperlé ; 
mandons pour cet effet à nos officiers en ladite justice, chacun 
en droit soit comme il appartiendra de faire led. enregistre- 
ment et en délivrer tous actes nécessaires, sauf les droits 
d'indemnité deubs à lad. abbaye, en vertu des présentes que 
nous avons signées de notre main et fait contresigner par 
notre premier secrétaire et apposer lessceau de nos armes. 
Paris le vingtiesme jour d'avril mil six cens cinquante deux. 



Le Cardinal de Rets, 
Par Monseigneur : Gardon. 



— 36 — 

i m 

Consentement des habitants de Quimperlé, et de l'êvêque 

de Qdimpeb. 

Extrait des Registres du greffe de la communauté de Quimperlé. 

Du dixième jour de juin mil six cents cinquante deux, sur 
les neuf heures du matin, assemblée des nobles, bourgeois, et 
habitans de Quimperlé, tenue en l'Auditoire el Palais Royal 
dudit lieu, après le son de la cloche à la manière accoutumée, 
ou présidoit monsieur le Sénéchal, assisté de messieurs les 
bailly, et procureur du Roy ; présents et assistant, Jacques 
Gouttin ancien sindic et faisant pour l'absence du sindic. 
Ledit sieur Couttin a dit et remontré qu'en l'absence du sieur 
sindic de cette communauté, il a esté avisé que les révérendes 
mères Claude, et Jeanne des Anges, religieuses ursulines de 
Tréguier, désirant establir un couvent de leur ordre et obser- 
vance, en cette ville, ont obtenu lettre du Roy pour cet effect, 
et les consentement de monseigneur le cardinal de Rets, abbé 
de l'abbaye Sainte Croix de cette ville, qui lui ont esté mis en 
main, et une lettre de monseigneur le maréchal de la Meilleraye, 
adressante à cette communauté, et une requeste que lesdites 
Dames présentent à ladite communauté pour leur accorder 
leur consentement aux fins dudit établissement! aux charges 
et condition par exprès d'instruire et enseigner gratuitement 
les filles externes qui voudront aller à leurs classes qu'elles 
tiendront a cest effect, tant pour enseigner a bien connaître, 
craindre et aimer Dieu, et rendre honneur et obéissances à 
leurs parens, que pour les propriétés désirables aux personnes 
do leurs âges et conditions, sans espérer ny demander 'récom- 
pence, et sans vouloir estre à charge à cette communauté 
ny prétendre aucune contribution, ny obliger ladite com- 
munauté à aucune quesle pour leur nouriture et en- 
tretien, ny même pour leurs bâtiments. Et à l'endroit 
apparu : la lettre du Roy scellé du cachet, donné à Saumur 



— 37 — 

le vingt huitième févrierj 1652 ; le mandat de monseigneur 
le Cardinal daté à Paris le vingtième avril 1655, et la lettre de 
monseigneur le maréchal, datte à Nantes le 21 e octobre 1651, 
et la requesle desdites Dames Religieuses, pour lesdits hahitans 
arrester et délibérer sur icelle comme ils voiront. Sur ce que le 
sieur sindic à dit n'avoir en main aucune connoissance que 
monseigneur l'esvesqne de Quimper ail concenty audit esta- 
blissement, ils ont délibéré d'en donner avis à sa Grandeur. 
Un particulier à dit qu'elle esloit en cette ville et s'y estoit 
rendue à ce sujet ; l'assemblée a député monsieur le bailly 
accompagné de quelques anciens habitans, afin de le prier très- 
humblement de se donner la peine d'entrer dans cette assem- 
blée ; ce qu'aiant fait mondit seigneur Évesque, en sa présence 
on fist lecture desdites lettres, consentemens, et requestes cy 
devant mentionnées. Monseigneur l'évesque a dit qu'il- trouve 
l'establissement des religieuses utille pour l'intérêt de cette 
commnnauté, et qu'il permet et consent led. établissement sy 
lesdits habitans le trouve bon, n'aiant autre intention que de se 
conformer à leurs volontés. 

Après quoi lesdits habitans, ayant délibérés, ont unanimement 
suivant la lettre du Roy, consentement et permission des 
mesdits seigneurs cardinal, évesque et maréchal, consenty et 
accordé l'établissement d'un couvent de l'ordre et observances 
desdites dames religieuses, en cette ville, pour icelles sy 
establir quand bon leur semblera, aux charges expresses 
cy- devant rapportées. Et pour passer l'acte et contract avec 
lesdiles dames religieuses ou'autres deubment fondés en pouvoir 
d'elle, ont nommés desputés de cette communauté, les sieurs : 
Martial Veyrier, le vieil, Jean Briant, le vieil, Guillaume Le 
Souffacher, Jan Moustel, Jan Le Gouriault, et Maurice Morice, 
jointement avec mesdits sieurs les Sénéchal, baillif et procu- 
reur du Roy, qu'ils ont prié d'assister audit contrat avec 
promesse d'avoir agréable, ferme et stable ce qu'ils feront, et 
n'en venir jamais contré. Seront lesdiles lettres et requeste, 



— 38 — 

enregistrées. Signées au registre : René Du Lonet, évesque de 
Corn ou aille, Jau de Plunyé, séuéchal, Jan Le Flo, baillif, 
Bonaveature Le Livec, procureur du Roy, Col lin, et du sous- 
signé greffier, F. Durai. \ 

IV. 

Consentement de i/évêque de Tréguier. 

Baltazar par la grâce de Dieu et du saint Siège, évesque et 
comte de Tréguier, à notre très-chère fille la mère Claude des 
Anges, religieuse professe et cy-devant supérieure du couvent 
des Ursulines de Tréguier, salut. Ayant veu par l'extrait des 
registres de la maison de ville de Quimperlé, du dixième jour 
de juin mi! six cents cinquante et deux, le consentement de la 
communauté dudit Quimperlé, donné ;en présence de monsei- 
gneur l'illustrissime et révérendissime évesque de Cornouaille, 
avec l'approbation et permission dudit seigneur évesque, pour 
rétablissement d'un Icouvent de votre ordre en ladite ville de 
Quimperlé, nous vous permettons de vous y transporter pour 
cette fin, accompagnée des mères Jeanne des Auges et Marie 
de saint Joseph, de sœur Céciles, religieuses de chœur, et de 
sœur Jeanne de saint Marc, religieuse converse, toutes pro- 
fesses dudit couvent de Tréguier, sous la conduite et direction 
du vénérable et discret messire Jean Duval, docteur en théo- 
logie, chanoine et théologal de notre église cathédrale. Et 
ayant égard h votre louable conduite et expérience aux choses 
de la religion, nous enjoignons audictes religieuses, vous recon- 
naisse pour supérieure et de vous obéir en cette qualité. Et 
attendu la longueur eU difficulté du chemin, nous laissons à la 
discrétion dudit sieur théologal, de vous y conduire par le 
chemin qu'il trouvera plus facile et plus commode, priant Dieu 
qu'il favorise de ses grâces votre établissement en ladite ville 
de Quimperlé, et vous donne à toutes sa sainte bénédiction. 
Fait à Tréguier en notre palais épiscopal, ce sixième jour de 



— 39 — 

juillet mil six cent cinquante et deux. Baitazar, évêque et 
comte de Tréguier. 
Par commendement de mondit seigneur: Fiacre Nouel, 



En verlu de toutes les susdites pattantes, nos révérendes 
mères fondatrices se rendirent en cette ville, le quatorze de 
juillet mil six cent cinquante deux, se logeant dans une maison 
à loyer les premières années, n'aiant aucune fondation que 
celle de la divine Providence, leur temporel consistant dans un 
revenu de pension viagère de la somme de trois cents quatre 
vingt livres. 

Dans la suite de quelques années, elles reçurent des sujets 
dont les dots furent employez à acquérir une maison avec 
quelques héritages adjacents, jusques la valeur de la somme 
de quinze mil livres, dans le dessein de s'y établir ; mais s'y 
estant trouvez incommodées, tant par le voteinné des rivières 
que du peu d'espace pour y construire leur couvent, elles furent 
obligées de faire achapt d'un lieu appelé Bellair, et d'autres 
pièces de terre y joignant, pour la somme de neuf mil livres, où 
est bâtie le monastère où nous sommes présentement, pour 
lequel on a consommé tout ce que Ton a eu de dot en argeant, 
avec le prix de leur maison qu'elles ne purent vandre que sept 
mil cent livres. 

Dix ans après nous estre logée dans notre nouveau monastère, 
la main du Seigneur s'appesantie sur nous, nous affligeant par 
une incendie quy le consomma avec nôtre église, comme 
vériffie le procès-verbal quy suit. 

« Ce jour dix neufième février mil six-cent quatre-vingt quatre, 
sur les deux heures de l'après-midy, nous Charles Lohéac, 
conseiller du Roy et son bailly au siège roya\e de Quimperlé, 
savoir faisons : que nous nous serions rendus en compagnie de 
Charles Mouton, clerc au greffe de ladite Cour, jusqu'au mo- 
nastère des religieuses ursulines de cette ville de Quimperlé 
suivant la réquisition que nous avoit fait dame Françoise Seré, 



k 



— 40 — 

dite de l'Apsomption, supérieure audit couvent, et aux fins de 
sa requesle] laquelle nous auroit présenté le dix-septième de 
ce mois, et aux fins de notre ordonnance estant au pied, por- 
tant assignation à ce jour et heur, pour estre fait procès- 
verbal en notre présence de l'état dudit monastère qui aurait 
estié incendié. Et y estant rendue, ladite dame supérieure aurait 
fait comparoir, Jullien Chapelle, dit Pecloso, maître raasson, 
Mathieu Le Roy, couvreur fd'ardoise, et Jacques Galiot, cer- 
rurier, pour recevoir leur rapport sur l'état du bâtiment ; 
lesquels après avoir prêté le serment de dire vérité, nous ont 
raporté : que dans un pavillon du côté levant, à trois estage 
où il y avait des voûtes, au premier estages tout a esté insen- 
dié et brûlé, et qu'il n'y est resté que les murailles; que dans 
l'esle droit du bâtiment du cotlé de l'oriant, à quatre estages 
de hauteur, tout à esté pareillement incendié, et qui ni est 
resté que les murailles sans portes» fenestres, ni couvertures; 
et nousa déclaré ladite dame supérieure, que dans cette endroit 
de batuiment il y avait le grand parlouer, la classe, les gre- 
niers, la cuisine et huit chambres de religieuses. » 

« Que dans le corps du bâtiment jusqu'à l'esglise du cotté du 
nort, contenant quatre estages, il y avait six parloirs, les tours 
de la maison, la sacristie, la chapelle de Saint- Joseph, le 
haut chœur et douze chambres, et des greniers où estoient 
les provisions de la maison ; lequel bâtiment nous ont lesdit 
Chapel, Le Roy et Galiot dit et fait voir qu'ils étaient entière- 
ment brûlé sans aucunes portes, fenêslres, charpante ny cou 
verture, et qu'il n'y est resté que les murailles endommagées 
en plusieurs endroits par l'effort du feu. 

Que l'église est entièrement consommée sans autre reste 
que les murailles ; que sur ladite église, il y avoit un dôme 
à trois étages avec une piramide garny de plomb ; que sur le 
précédent bâtiment il y avait un autre dosme et une cloche;» 
lesquelles dômes et cloche ont esté tous consommés. » 

« Que la couverture des cloislres est entièrement perdue et 



J 



— 41 — 

desfait, comme aussi plusieurs lambris qui y estoient ; que la 
couverture du cœur jusqu'au dernier dosme qui est resté, 
à été entièrement démoly pour arester le feu, et qu'elle 
n'a esté rétablye que par ledit Roy depuis l'incendie, qui nous 
ont dit estre arrivée le vingt neufvieme décembre dernier mil 
six cent quatre vingt trois. » 

Et nous ont aussy déclaré et fait voir que les fenestres et 
les portes du peu de bâtiment qui est resté, ont esté cassé et 
démonté, et que la plus grande partie des meubles que l'on a 
peu sauver ont esté entièrement cassé et brisés pour avoir esté 
jettes par l'abondance dn peuple qui vint pour arester le feu. 
Et ont lesdit Cbapel, Le Roy et Galiot, affirmé leurs susdits 
raports véritables, et ont déclaré ne savoir signé ; et nous 
déclare, ladite dame supérieure, que depuis l'incendie la 
plus grande partie de ses religieuses ont couchés sur la paille 
et des mattelas, sur des planches de chambre jusqu'au nombre 
de trois ensemble, n'aiant pu sauver que deux (matelas ? ) de 
l'incendie qui sont resté entier, et ayant entièrement perdte 
toutes les lingeries et autre meubles. » 

« De tout quoy avons rédigé le présent procès- verbal à valoir 
et servir comme apartiendra, ledit jour et an, soubs notre 
signe, (ceux) de notre adjoint et de ladite dame supérieure. Aïnsy 
signé : Françoise Seré, dite de l'Àpsomption, Charle Lohéac, 
bailly, Charle Mouton, adjoint, Ainsy signé : Lohéac. » 

L'estat triste ou nous estions réduite, firent opiner à diffé- 
rentes personnes de divers estais, de nous sollicitter de nous 
retirer dans une maison dans la ville, à quoy nous ne pûmes 
consentir, prenant le parti de nous retrancher dans un reste 
de logement où nous* estions bien au juste. La charité du peu- 
ple contribua à nous y faire subsister, comme aussy les 
ouvrages de nos mains. Tout ce que nojjs avons pu faire depuis 
ce temps a esté de rétablir nos ruines, y consommant les dots 
des filles que nous avons reçue, et rembourser des constituts 
que nous avions contracté dans nos plus pressants besoins ; à 



— 42 — 

quoy succédèrent les taxes des droits d'amortissement pour 
lesquels nous avons pacé, comme le justifie nos quittances de 
finances, la somme de quatre mil six livres six sols, y compris 
les deux sol pour livres. 

Estât du revenue dont nous jouissons actuellement tant en rentes 
foncières constituées, et pensions viagères. 

Une métbairie nommé Kerjoanno, à titre de ferme, pour la 
somme de cent vingt livres, cy 1201. 

Un jardin à titre de féage, vingt une livre, cy 21 1. 

Une maison près notre enclos, à titre de ferme, vingt une 
livre. 

Quatorse mil livres de principal en constitua à différents 
particuliers, qui produisent de rente cent dix 
livres onze sols, cy 1101. 11 s. 

En pensions viagère, deux mil sept cents 
livres, cy . 2,700 00 

Total du revenu 3,8721.11 s. 

Nos charges annuelles sont de paier à monsieur l'abbé de 
Sainte -Croix de cette ville, pour l'indemnité, 
dans son fleff, cent vingt livres, cy 1201.»» s. 

Aux moines de ladite abbaye et autres parti- 
culiers, pour rentes dues sur nos terres, douze 
livres quatorze sols, cy 12 14 

A monsieur nostre chapelain, trois cent 
livres, cy. . • • • 300 »» 

Pour la capitation ordinaire et deximes, deux 
cent livres, cy 200 »» 

Total des charges 6321.14 s. 

Nos charges annuelles paies, il ne nous reste que deux mil 
neuf cent trente neuf livres dix sept sols, cy. . 2,9321. 17 s. 



I 



— 43 — 

Estât au vray pris en bref sur nos livres de comtes de la dé* 
charge de chaque année pendant les dix dernières années , 
tant pour la table que l'entretien des religieuses, pour médecin, 
domestiques, ouvriers, frais d'affaires, entretien dé la 
sacristie et réparation du monastère. 

Pour Tannée 1707 4,4221.02 s. 

— 1708 5,086 10 

— 1709 4,966 19 

— 1710 6,013 14 

— 1711 5,101 07 

— 1712 4,866 12 

— 1713.. .... 5,573 »» 

— 1714 6,792 02 

— 1715 7,038 18 

— 1716 5,741 01 

54,602 1. 05 s. 

Déclarons avoir reçu pendant le cours des dix années der- 
nières, pour dottation des religieuses que nous avons, reçu en 
argent, la somme de dix huit mil livres, cy. . . . 18,0001. 

De plus déclarons que dans les mouvemens des diminutions 
des monnoye, on nous a remboursée la somme de sept mil trois 

cents livres de constitua, cy 7,300 1. 

qui fait une diminution considérable sur notre modique revenu. 

La dureté des temps, la chertée des grains et de toutes les 
autres choses nécessaires à la vie, nous ont mis hors d'estat de 
pouvoir remplacer cet argent, les aiant consommée de mesme 
que les dixhuict rail livres de dots receu, tant pour le soutien 
de la communauté qu'à faire boiser le chœur et y faire des 
chaires pour lesquels on a paie deux mil deux cent 
livres, cy 2,2001. 

Et pour cerné de murs notre enclos, la somme de cinq 
mil livres. 5,0001. 

Notre communauté est au nombre de cinquante et quatre 
religieuses. Nous suplions très-humblement sa Majeté de 



— 44 — 

considérer qu'ayant seulement deux mil neuf- cent trent et 
neuf livres dix-sept sols de revenue, après les charges annuelles 
paie, celte somme ne produit pour chaque religieuse que 
cinquante et quatre livres huit sols, encore bien Irès-casuels, 
ne consistant presque qu'en pention viagère ; ce qui prouve 
qu'il^nous serait impossiblede subsister sy la divine Providence 
n'estendoit ses soins à nous pourvoir des moyens casuels par la 
réception des subjects qu'elle nons envoie. 

Il est à remarquer que depuis quarante années nous avons 
un aisle de dortoir commencée, duquel nous attendons nos 
logements réguliers comme : réfectoire, chapitre, chambre de 
communauté et les chambres particulières, nombre de reli- 
gieuses estant çbligées, par deffaut de logement, d'estre trois 
et quatre dans la même chambre. 

Déclarons devoir à divers particuliers, suivant restai certi- 
fié du général, la somme de sept mil cent quatre livres 7,104. 

Monseigneur nous présentons à votre Grandeur, la juste situa- 
tion de l'état du temporel de notre monastère qui est dans la 
droiture tous ce que nous possédons, suppliant humblement 
votre Grandeur d'appuier de l'honneur de sa protection, la 
vérité que nous déclarons certiffiées, nous, supérieure et dis- 
crètes de la communauté des Ursulines de Quimperlé, soubs 
nos signes, ce jour 5 e décembre 1717 : sœur Françoise Le 
Gall de Sainte-Gertrude, supérieure, sœur Angélique Hervou, 
sousprieure, sœui* Hélène Gillart, sœur Louise Jacquelot, 
sœur Agathe de Bodoyec, sœur Angelle le Capiten, sœur 
Louise Gaultron de L'Annonciation, procureuse. 

M. de la Villemarqué commence la lecture de son 
Mémoire sur les haches de pierre, porté à l'ordre du 
jour de la séance. 

LES HACHES DE PIERRE. 

Si c'est une grande science que de savoir ignorer, nous 
finirons par l'acquérir en France. On y trouve moins qu'au- 



— 45 — 

trefois de ces gens qui ne doutent de rien et affirment d'un ton 
tranchant, tandis qu'ils devraient répondre tout bonnement : 
je ne sais pas. 

Plus on avance dans la vie, plus on devient modeste dans la 
science ; plus on apprend à désapprendre ce que Ton croyait 
savoir : en Dieu seul on ne désapprend rien. 

L'observation soigneuse des faits conduit souvent à recon- 
naître loyalement qu'on s'est trompé, el Ton abandonne les 
hypothèses séduisantes pour suivre la voie de l'expérience. 
Souveraine en certaines études, la méthode expérimentale ne 
Test pas moins eji archéologie, et les seuls résultats un peu 
positifs obtenus dans ces dernières années sont dûs à cette 
méthode appliquée aux temps primitifs de la Gaule. 

Peut-être parviendra- t-on à soulever davantage le voile 
qui couvre nos antiquités, par de nouvelles fouilles bien faites/ 
et des vérifications sérieuses. 

Mais fouiller le soi, extraire et classer ce qu'il cache ne 
suffit pas ; il faut en même temps fouiller les vieux manus- 
crits ; il faut interroger les témoins ou les échos du passé, et 
même la mémoire humaine, partout où elle ne s'est pas 
éteinte avec les langues du berceau ; il faut demander à ces 
langues, quand on possède la généalogie de leurs mots, un 
surcroit d'information préférable à tous les systèmes. 

On commence à le faire; des hommes d'un grand mérite 
ont mis la main à l'œuvre ; vieil ouvrier redevenu apprenti à 
l'école de plus d'un jeune explorateur, j'ai voulu travailler avec 
eux ; je continuerai de mon mieux : après avoir tenté d'expli- 
quer, par les textes, les monuments primitifs de la Gaule (1), 
je vais essayer d'étudier, à la même lumière, quelques-uns 
des objets qu'on a trouvés dans notre sol. 

Parmi ces objets je m'en tiendrai, pour aujourd'hui, à 



(1) Les pierres et les textes (Congrès celtique international). 



— 46 — 

certaines pierres dont on voit à l'Exposition universelle une 
collection remarquable. 

Rien de curieux comme d'entendre les questions de la plu- 
part des visiteurs à leur endroit: « Pourquoi faire ici ces 
cailloux ? » ; d'autres disent « ces galets » ; d'autres « ces longs 
œufs de pierre, aplatis, pointus et tranchants' » ; servaient-ils 
à quelque chose ? Quel est leur nom ? • Les plus instruits, ou 
ceux qui prétendent l'être parce qu'ils ont entendu parler des 
trois âges de la pierre, du bronze et du fer, et qu'ils croient 
à cette rêverie Scandinave, répondent avec un aplomb magis- 
tral. Sans avoir la même prétention, cherchons ce qu'on 
peut trouver de plus vraisemblable à dire touchant le nom, la 
provenance, l'usage et l'époque de ce que j'appellerai, pour ne 
rien préjuger, les pierres polies cunéiformes. 

I. 

LEUR NOM. 

Un ancien poêle français a dit que la première chose à 
faire, qnand on est devant un inconnu, c'est de lui demander 
son nom : 

Sachez d'abord comme il se nomme, 
Car par le nom l'on cognoit l'homme. 

Je tiens pour bon le conseil et je m'adresse à nos pierres ; 
par malheur elles ne répondent pas. L'antiquaire Gambry ne 
s^'est pas découragé pour si peu : lapides clamabuntl s'est-il 
écrié ; et comme il y voyait des haches druidiques, comme il 
aimait les druides au point d'avoir voulu être peint dans leur 
costume, il s'est constitué le parrain de leurs pierres et il leur 
a donné un nom : du mot latin Celtis, ablatif, Celte, que l'on 
trouve dans le Glossaire de Philoxène et que M. Louis Qui- 
cherat traduit par*« burin de graveur sur pierre », il a fait 
Celtœ, et d'un burin une hache, barbarisme et contre-sens qui 
ne prouvent pas beaucoup en faveur de l'inventeur. 



— 47 — 

Ses contemporains racontent, en effet, qu'il ne savait guères 
d'autre lalin que celui du Paroissien romain, fort négligé par 
lui depuis de longues années, et qu'il avait tiré son Ceitœ du 
verset bien connu de Job (cb. xix) : Quis mihi tribuat ut 
scribantur sermones mei ? ut exarentur in libro, stylo ferreo... 
vel celte sculpantur in silice (Office des morts, leçon ix.) 

Quoiqu'il en soit, le barbarisme a été adopté par quelques 
antiquaires anglais, suisses, et même bretons, et il supplante 
souvent le nom de hache de pierre, employé ordinairement. 

Plus juste, assurément, et devant une sorte de consécration 
à l'autorité de Montfaucon, de dom Martin et de M. de Cau- 
mont, le nom de hache de pierre n'est pourtant pas à l'abri de 
toute objection ; s'il convient aux coins emmanchés, peut-on 
l'appliquer à ceux qui ne le sont pas ? Convient-il en particu- 
lier à ces petits bijoux cunéiformes de quelques millimètres, 
d'un travail'achevé, qu'on ne pourrait même pas appeler des 
hachettes? Presque tous les archéologues en tombent d'ac- 
cord ; ils n'emploient du reste le mot hache que faute d'un 
meilleur, encore à trouver. 

A trouver ! mais c'est fait, nous répond un des membres les 
plus distingués de la Société polyraathique du Morbihan, 
M. de Glosmadeuc (et je l'ai cru avec lui, un moment, en par- 
tageant sa joie) ; qu'on demande leur nom, dit le savant doc- 
teur, à la langue bretonne, qu'un de nos collègues s'est efforcé 
de nous faire considérer comme la langue mère d'où dérivent 
les autres, elle répondra. 

Effectivement, la langue bretonne, non la mère d'aucune 
autre que je sache, mais la fille de plusieurs pères, hélas! (je 
le dis tout bas) ; la langue bretonne actuelle a un mot pour 
désigner lés étranges coins de pierre dont les savants igno- 
rent le vrai nom; M. de Closmadeuc a raison : les paysans* 
bretons ne les appellent pas autrement que men~gurun, 
pierre de foudre. Maintenant, poursuit-il, si nous interrogeons 
la tradition populaire, universellement acceptée dans nos 



— 48 — 

campagnes, elle nous apprend que les hacbes dé pierre, 
men-gurun « pierres de foudre » possèdent, entre autres ver- 
tus merveilleuses, celle de garantir les demeures des atteintes 
de la foudre et des maléfices. Étrange légende qui permet à 
l'archéologie de s'en emparer pour expliquer ce qui, sans 
elle, serait inexplicable. 1 

Étrange légende, en effet, dont j'ai voulu constater l'exis- 
tence pour voir quel parti on en pourrait tirer. 

La' voici, telle qu'elle m'a été rapportée le 17 juin 1878, 
par un paysan breton du Morbihan, nommé Pierre Derrien, natif 
d'Inguiniel, âgé de cinquante ans. 

Je l'abordai, tenant à la main une petite hache de pierre. 
Après les banalités d'usage sur la pluie et le beau temps : 

« — De quel nom appelle-t-on ceci en breton, lui deman- 
dai-je. 

c — Minn-gurun, mejrépondit-il. 

c — Mean-gurun, repris-je, dans le dialecte de Léon. 

« — Oui, minn-gurun, répéta-t-il dans son dialecte van- 
netais. 

« — Et d'où cela vient-il ? 

« — Du ciel, Monsieur ; dans mon enfance il en tomba une, 
avec le tonnerre, un jour de grand orage ; elle fendit même un 
arbre, sillonna ensuite profondément la terre et disparut sans 
qu'on pût la retrouver ; mais on en a rencontré d'autres, que 
l'on garde soigneusement dans le coffre. 

c — Et pourquoi les garâe-t-on si soigneusement ? Est-ce 
qu'elles peuvent servir à quelque chose. 

« — Otli, elles sont bonnes pour guérir les tumeurs prove- 
nant de la piqûre des reptiles venimeux. 

a — Et comment s'en sert-on ? 

a — On les fait chauffer au feu ; puis on les applique sur la 
' tumeur, que l'on frotte avec elles jusqu'à ce que la guérison 
s'ensuive. 



— 49 — 

« — Est-ce qu'elles passent aussi pour préserver du ton- 
nerre et des maléfices ? 

« — Je ne l'ai pas entendu dire ; qu'elles viennent du ton- 
nerre, je ne dis pas non. » 

Tel fut notre curieux dialogue que j'ai traduit mot pour 
mot. 

II justifie r assertion de M. de Closmadeuc et la complète; 
s'il ne constate pas la vertu préservatrice que posséderait la 
men-gurun, il en fait du moins le produit du tonnerre, comme 
la tradition recueillie par le savant docteur. Celui-ci n'a pas 
remarqué avec moins de satisfaction que, dans tous les idio- 
mes de l'Europe, l'objet est désigné de la même façon au- 
jourd'hui par le peuple : en Norwége, thonder-ktler ; en Alle- 
magne, donner-keiîe ; en Ecosse, thunder bolt-stone ; dans 
les Pyrénées-Orientales, pedras de lamp ; dans le Rouergue, 
peiro del tro. Il eut pu ajouter : dans le Pays de Galles, 
maen taran, forme dialectique du mol men-gurun % et conclure 
encore plus victorieusement : « partout pierre de foudre. » 

Malheureusement, il ne s'agit pas de savoir comment le 
peuple appelle aujourd'hui partout les pierres qu'il croit l'ou- 
vrage de la foudre, mais comment les appelaient autrefois 
les hommes qui les ont façonnées ; il importe même assez 
peu de retrouver leur nom breton actuel dans celui que leur 
ont donné, * du I er au V a siècle de notre ère, Pline, Juvénal, 
Lucain, Saint-Sidoine Apollinaire et les écrivains latins du 
Moyen-Age; ce qui importe, c'est le nom qu'elles avaient à 
l'époque anté-historique. Évidemment, si les Romains, d'aprè s 
les Grecs, les ont appelées Céraunies ou pierres de foudre, 
lapides fulminis, c'est qu'ils ne connaissaient pas mieux que 
nous leur nom véritable. 

Ils les ont qualifiées comme elles devaient l'être par des peu- 
ples relativement modernes, par des gens superstitieux, igno- 
rants, quand elles étaient déjà devenues pour le vulgaire des 
objets merveilleux, mystérieux, des talismans tombés du ciel 



— 50 ~ 

avec le tonnerre, du genre de ceux que Claudien fait ramasser 
dans le3 cavernes des Pyrénées par les Nymphes de la foudre : 

Pyrenœisque sub antris 

Tgnea fulmineœ legefe Geraunia Nymphœ. 

Tout en croyant que le poète latin a songé aux pierres pâ- 
lies cunéiformes qui devaient être trouvées de nos jours dans 
la grotte d'Àurensan et dans d'autres cavernes des Pyrénées 
par la Société Ramond ; en admettant même, avec M. Littré, 
que les Céraunies des Anciens, similes securibus, sont « peut* 
être les haches de pierre des temps anté-historiques », et en 
reconnaissant en elles, avec M. de Closmadeuc, les men- 
gurun de nos paysans, je persiste à regarder leur nom ori- 
ginel comme ignoré. 

Les fabricateurs des haches de pierre n'ont pas pu les appe- 
ler des ouvrages de la foudre -, leurs descendants seuls, long- 
temps après eux, ont pu leur donner un nom pareil ; entre les 
uns et les autres il y. a toute la distance qui sépare le naturel 
du merveilleux. Cela n'est-il pas de toute évidence? 

Cherchons donc ailleurs la solution du problème. 

A propos de cette lecture, M. Bourrassin présente à 
la Société un fragment d'aréolithe trouvé à Telgruc, il 
y a une quinzaine d'années. Il fait observer que les ha- 
bitants du pays ayant suivi la marche de cetaérolithe 
n'ont pu en découvrir que quelques fragments, les au- 
tres s'étant dispersés et enfouis profondément en terre 
par la force de l'explosion. La pierre analysée par lui 
contient de l'oxyde de manganèse, et de l'oxyde de fer 
amphibole. 

Une discussion -d'un vif intérêt a lieu sur le rap- 
port qui peut exister entre ces pierres et les pierres 
façonnées dites vulgairement Men-gurun. M. Pavot dit 
que les pierres en question ne peuvent être comparées 



— 51 — 

aux météorites et établira le fait dans un travail qu'il 
présentera à la Société. 

A ce moment M. de la Villemarqué reçoit une dépê- 
che télégraphique de M. Pocart-Kerviler, ingénieur 
des ponts et chaussées à Saint-Nazaire, si connu par ses 
découvertes scientifiques dans le bassin de la Loire, et 
membre de la Société d'archéologie du Finistère. 

La dépêche est ainsi conçue : ce Buffon et Mahudel 
donnent pierre de tonnerre pour outils aux hommes 
primitifs ; cela complète Pline, Suétone et Claudien ; 
voir aussi Marbode, sur les Céraunies, et Evans : les 
âges de pierre, p. 37-66. — KERVILER. » 

M. de la Villemarqué remercie M. Kerviler, au nom 
de la Société; il se propose à la prochaine réu- 
nion de continuer son travail sur les haches de pierre, 
espérant retrouver leur véritable dénomination. 

A la fin de la séance, M. le Président donne lecture 
d'une lettre de M. de Montifault par laquelle il se 
démet de ses fonctions de secrétaire de la Société, 
fonctions qu'il ne peut désormais remplir à cause de* 
ses nombreuses affaires et des déplacements qu'elles 
lui suscitent, mais il continuera à faire partie de la 
Société. Le Président met à l'ordre du jour de la pre- 
mière séance la nomination d'un secrétaire en rem- 
placement de M. de Montifault dont la démission est 
acceptée. 

L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à 
4 heures 1/2. 

Le Secrétaire par intérim, 
A. CRÉAC'HCADIC. 



— 52 — 
Dons offerts au Musée départemental d'Archéologie 



M. DU PERRAY, membre de la Société. 

Oursin fossile percé d'un trou et trouvé dans un 
tumulus appelé la Motte de Nogent, à Nogent-sur- 
Loir (Sarthe). Il y en avait un certain nombre prove- 
nant, pense-t-on, d'un collier. 

Un grand bronze de Septime Sévère et un petit 
bronze de Postume, trouvés dans les ruines romaines 
de Malakoff, à l'embouchure dé l'Odet, commune de 
Combrit (Finistère). 

Sept grands bronzes, quatre moyens bronzes et 
trois petits bronzes des empereurs et impératrices : 
Auguste, Trajan, Antonin le Pieux, Faustine jeune, 
Lucille, Alexandre Sévère, Dèce, Victorin, Probus, 
Maximien et Constantin le Grand. 

Monnaies de la Monarchie française, de Henri IV 
à Louis XVI : quinze monnaies de cuivre, plus un écu 
de six livres, faux et percé d'un trou. 

Dix monnaies seigneuriales françaises du XVII e et 
du XVIII e siècles. 

Trente-quatre monnaies étrangères. 

Trente et un jetons de bronzes : Louis XIV, seize ; 
Louis XIV et Marie-Thérèse, deux ; Anne d'Autriche, 
un ; Marie-Thérèse, un ; Louis XVI, un ; jetons de 
villes, etc., six; jetons allemands, quatre. 

Trente-deux fossiles recueillis dans les terrains cré- 
tacés de Château-du-Loir (Sarthe). 



M. Alexandre BOLLORÉ, membre de la Société. 
Jeton allemand du XVI e siècle, trouvé dans son 
jardin, rue du Frout à Quimper. 






53 — 



SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1878. 



Présidence de M. DE LA VILLEMARQUÉ, 

MEMBRE DE i/lNSTITUT. 

Étaient présents : MM. de la Villemarqué, Àudran, 
Trévédy, Bourrassin, de Kercadio, Livanen, Pavot, 
de Brémoy, du Perray, Malen, Fougeray et A. Créac'h- 
cadic, secrétaire. 

M. le Président dépose sur Je bureau une bcochure 
ayant pour titre : Inscriptions latines de V Irlande, dont 
l'auteur, M. H. Gaidoz, directeur adjoint à l'Ecole des 
hautes- études et professeur à l'école des Sciences 
politiques, fait hommage à la Société. 

L'Assemblée prie M. le Président de transmettre ses 
remerciements à M. Gaidoz, pour l'envoi de ce travail 
qui est une nouvelle preuve de l'intérêt que l'auteur 
porte aux études celtiques. 

M. G. Fischer, peintre et professeur de dessin à 
l'école navale de Brest, bien connu par le talent avec 
lequel il a su reproduire diverses scènes de nos mœurs 
bretonnes, qu'un long séjour au milieu des populations 
rurales de notre département lui a permis d'étudier 
à fond, est admis à l'unanimité à faire partie de la 
Société archéologique du Finistère, sur la présentation 
de MM. Le Men et Créac'hcadic. 

L'ordre du jour appelle la nomination d'un secré- 
taire adjoint en remplacement de M. de Montifault 
démissionnaire. Sur l'observation de plusieurs mem- 
bres, que la réunion n'est pas assez nombreuse, cette 
élection est remise à la prochaine séance. 

M. le Président donne ensuite la parole à. M, Audran 

SOC. ARCBÉOL. DU FINISTÈRE. & 



— 54 — 

pour lire, au nom de M. Le Meïrqui n'a pu pour 
raison de santé assister à la séance, une étude de 
topographie et de philologie celtique, ayant pour 
titre : 

GESOCRIBATE ET BR1VATES PORTDS 

La découverte de Vorganium à l'embouchure de l'Àber- 
Wrach, a fixé d'une manière certaine à Brest la position de 
Gesocribate de la Table Théodosienne. 

Plusieurs géographes, à diverses époques, n'ont pas hésité, 
en s'autorisant de l'analogie des noms, à reconnaître une iden- 
tité parfaite entre cette localité et Brivates Portus de Ptolémée. 

D'autres savants ont pensé au contraire, que les assonances 
de ces deux noms, ne suffisent pas pour que Ton puisse identifier 
le premier avec le second, et qu'il y a lieu par conséquent, de 
distinguer Brivates Porlus de Gesocribate. Cette objection n'est 
pas la seule que Ton ait mise en avant pour justifier cette 
distinction, mais elle est, je crois, la plus sérieuse. 

J'ai soutenu la première de ces opinions dans- les divers 
mémoires que j'ai adressés à la Commission de la Topographie 
des Gaules sur la géographie de la III e Lyonnaise, et l'objet 
de celte note est de démontrer une fois de plus qu'elle est 
soutenable. Tout en reconnaissant que Geso-Cribate est la 
bonne leçon et qu'il n'y a pas lieu h ce sujet de corriger la 
Table, je me propose d'établir par des déductions philologiques 
l'identité des mots Cribale et Brivates. 

Mais avant d'aborder cette démonstration, il convient peut- 
être de rechercher quelle est l'étymologie du composé Geso- 
Cribate. 

Le mot breton armoricain qui se rapproche le plus de Géso^ 
me paraît être Gwez y pluriel Gwezio ou Gweziou, suivant les dia- 



(I) Revue archéologique, Nouv. série 14 e et 15 e année. — Bulletin 
de la Société archéologique du Finistère, X. Il (1874-1875) p. 18. 



' — 55 — 

lectes(l); corn. Gwyth et Guid, camb . Gwyth t ivl. elgael.Fttft, 
qui signifie rivière, ruisseau, courant d'eau (2). Gwez-Vor t ou 
Gwezen-Vor, avec son suffixe ordinaire m?, s'emploie pour dé- 
signer un bras de mer, Geso voudrait donc dire à la lettre « les 
rivières, les courants d'eau ou les bras de mer » de Cribate, si- 
gnification équivalente à celle de: «les eaux», c'est-à-dire 
« le port » de Cribate. La rade de Brest reçoit les eaux de 
trois rivières, l'Avon, TÉlorn et la Penfeld, circonstance qui 
pourrait à la rigueur rendre compte de la forme plurielle 
Geso ; mais je pense qu'il n'y a pas lieu de s'en préoccuper, 
car la forme apparente du pluriel se rencontre assez sou- 
vent en breton pour indiquer des localités avec la valeur 
du singulier, ex : Salou, Restou, Bodou, Muriou, Castellou, 
Killiou, Buzidou, etc. Ces mots qui servent à désigner d'an- 
ciennes habitations seigneuriales, ont exactement la même 
signification que : S al, Rest, Bod, Mur, Cas tel, Killi, Buzit. 
Dans ces exemples comme dans bien d'autres qui ne compor- 
tent pas une idée Collective, ainsi que cela me semble 
avoir lieu dans les noms patronimiques bretons, (ex : 
Jezequellou, Moelligou, Autrcdou t Soubigou, Duigou, etc.), la 
syllabe terminale'ou = o ne parait pas avoir d'autre valeur que 
celle d'un simple suffixe. 
L'absence du i dans Geso ne peut être considérée comme 

{1) La forme en o du pluriel, particulière aujourd'hui au dialecte de 
Tregitier, n'est pas ancienne. Le pluriel se formait en ou dans cet - 
évêché, comme dans les autres diocèses bretons, au commencement du 
XVI e siècle. Il n'y a, du reste, en réalité, qu'une nuance dans la 
manière de prononcer ces deux terminaisons. La lecture des livres im- 
primés a modifié plus qu'on ne le pense la prononciation bretonne. 
Aujourd'hui les paysans illettrés, surtout dans 1 ancien diocèse deLéon,~ 
ne prononcent pas tous les mots de la même manière que ceux qui 
savent lire. Je reviendrai sur ce sujet dans une autre occasion. 

(2) Les dictionnaires des divers dialectes celtiques ne donnent guère, 
à ce mot, d'autre signification que celle de veine, ruisseau, petit cours 
d'eau, mais il est certain qu'il signifiait autrefois rivière comme le mot 
Avoti qui a disparu dans le dialecte armoricain. Ainsi, laGwazien, qui se 
jette dans l'Océan à Audierne (Finistère), le Gouet qui passe près Saint- 
Brieuc et le Coueznon qui séparait autrefois la Normandie de la Bretagne 
et dont le nom me parait identique au nom ceîtigue de la Vilaine (Visnon), 
ne sont pas des ruisseaux mais bien de véritables rivières. 



— 56 — 

une objection, car cette lettre est souvent simplement euphoni- 
que dans les pluriels et dans les suffixes celtiques, ex : 
arm. Saîiou (maisons seigneuriales) — Salou; Bulzuliou 
(navettes) = Bulzunou; A veziou (quelquefois) = A vechou; 
Morzolliou (marteaux) = Vann. Morholleu; Levriou (livres) 
= Vann. Levreu; Gwazen (ruisseau) == Gwazien; cambr. 
Gwythen (ruisseau) = Gwythien. 

On ne doit pas non plus tenir compte de l'absence du w 
dans Geso, car cette double lettre non en usage chez les 
Romains a dû être souvent omise dans les transcriptions latines 
des noms celtiques, ex : Gildas ou Gildasius (nom d'horame)= 
Veltas = Gweltas ; Kirocus et Kirecus (nom d'homme,) == 
Gweroc et Gwerec ; Guinerîts (nom d'homme) = Vigner : 
Vingaloeus (nom d'homme) = Gwingwaloeus ; Velamensis 
(pagus) = Golovia = Gwelo, etc. 

Quant au mot Cribate, son élymologie ne présente aucune 
difficulté. Il est formé du radical Cr#, qui avait jadis dans 
divers dialectes celtiques, le sens de « lieu escarpé, » de 
« sommet, » de « crête, » de « promontoire, » du suffixe ai et 
de la terminaison e = es. D'après ces données, Geso-Cribate 
signifierait « le port du promontoire élevé. » 

Il existe encore dans les départements du Finistère et du 
Morbihan, un certain nombre de localités qui portent le nom de 
Crib soit simple, soit plus ou moins modifié par des suffixes 
ou par des altérations. En voici la nomenclature : 

(Finistère). 

Grîp, ferme (Landévennec) . 

Kergrip, ferme (Clohars-Carnoët). 

Kergrip, ferme (Riec). 

Quenec'h-Cribel, ferme (Plouyé). 

Criben, ferme (La Forest-Brest). 

Creac'h-Criben, ferme (Irvillac). 

Creac'h- Criben, ferme (Pleyben). 

Coz-C'hriben, ferme (Guipavas). 

Coz-C'hribin, ferme (Plouguin). 

Cribinec, ferme (Plouédern). 



— 57 — 

(Morbihan). 

Grippe (La), village (Caden). 

Grippais, écart (Guillac). 

Grippez (Le), village (Saint-Dolay), 

Grippé (Fort du), sur l'Océan, côte de l'île de Groix. 

Gribérez (Le), roche sur la rivière de Crac'h, entre Crac'h 
et Carnac. 

Grifet (Le), village (Plougrifet). 

Griffons (Les), landes (Guer). 

On remarquera dans cette liste, deux localités dont les noms 
sont identiques à celui de Cribate ; ce sont : dans le Finistère 
(Quenech'Cribct), et dans le Morbihan Grifet {Le) qui a donné 
son nom à la paroisse de Plougrifet. 

Au lieu de rechercher dans l'allemand l'origine du mot fran- 
çais « grimper », ne pourrait-on pas la trouver dans le celtique 
Crip ou Grip, dont il faut rapprocher Crap. et Grap, qui ont 
la même signification. L'opinion qui a cours aujourd'hui et 
d'après laquelle* la langue gauloise n'aurait contribué que 
dans une très-faible proportion à la formation du français, 
pourrait bien être modifiée dans un avenir peu éloigné. 

J'arrive maintenant à l'objet principal de ma thèse. 

Zeuss dans sa Grammatica ceîtica, a fait observer qu'en 
irlandais la consonne p tombe quelquefois ou se change 
en c. 

Le docteur Ebel, modifiant et développant la loi entrevue 
par Zeuss, établit que si dans certains cas lep sç change enc 
dans la langue irlandaise, ex : inchorcur (purpura), owd- 
fescur (vespera), clum (pluma) etc., il arrive le plus souvent 
que la lettre c (= qu) se c frange en p dans les autres dialec- 
tes celtiques, ex*, lat. quatuor, cambr, petuar, corn, peswar, 
arm. pevar ; lat. quinque, cinq, cambr. pimp, corn, et 
arm. pemp; mac et maqu lat. filius, cambr. corn, et arm. 
map et mab\ cenn (caput) = cambr. corn et arm. p«ww, cfr. 
mons Apenninus ; cland (proies) = cambr. plant; crann 
(arbor) = cambr. corn, et arm. pran, pren = firon, bren. 



— 58 — 

L'irlandais, malgré son antipathie pourja lettre p, ne paraît 
pas être resté lui-même entièrement étranger à cette loi, 
ex. : cambr. corn, etarm. gad, lièvre, qui se prononce souvent 
cad, irl. patu. 

Il ne faut pas croire cependant que cette mutation de c (= qu) 
en p dans les dialectes celtiques, se soit faite d'une manière 
générale et régulière. Elle parait s'être au contraire, opérée 
capricieusement et sans règle. En ce qui touche les localités, 
si elle a affecté quelques noms, d'autres, et en grand nombre, 
sont restés intacts. 

A quelle époque remontent les commencements de cette 
altération de la langue primitive ? C'est une question a 
laquelle il n'est pas facile de répondre. Nous trouvons cepen- 
dant dans la sentence arbitrale rendue par les frères Minucius 
en l'an 117 avant notre ère, entre deux peuples ligures, les 
habitants de Gênes et les Viturii, les noms moris Apenninus 
(dans la carte de Peulinger, In summo Pènnino) et 
mons Prenions qui semblent être des .mutations des formes 
mons Cenninus et mons Crenicus = arm. "Oanec, Pranec et 
Prenec « mont boisé » (1). 



(1) M. d'Arbois de Jubainville, qui a publié (Rev. archéologique, 
nouv. série, 19® année) la liste des .noms de lieux contenus dans cette 
sentence, fait observer que « dans cet ensemble de noms, il ne trouve 
pas apparence de gaulois. » L'observation est juste, si on l'applique à 
certaines parties de la Gaule, mais il est, je crois, hors de doute qu'il 
existait dans le gaulois des dialectes présentant entre eux des diffé- 
rences marquées, comme il en existe aujourd'hui dans les pays où l'on 
parle encore ,1a langue celtique, et il me semble que les noms qui 
figurent dans cette liste ne sont pas sans lien de parenté avec certaines 
dénominations de localités existant dans la partie occidentale de la 
Gaule, qui donna asile aux émigrés bretons. Ainsi, comme terminaison, 
Odiates, viens, se rapproche bien de Condate, de Cribate et de Brivates ; 
Comberanea, rivus, et Porcobera, fluvius, ne paraissent identiques 
à Kymber, confluent (Kymper-Corentin , Kymper-EHé, etc.) ; on 
peut comparer Ed-us fluvius à Od-et, rivière de Quimper ; Eniseca, 
rivus, rappelle Enesec, abondant en iles (de Enes ou Inis. insula). 
Je viens de dire ce que je pense de Prenicus, mons, et j'ai cité l'opi- 
nion de Zeuss et d Ebel au sujet d'Apenninus mons. On trouve dans 
Vindupalis fluvius le nom de la rivière Guindy, qui prend sa source 
dans la commune de Pedcrnec (Côtes -du -Nord). Le mot lasc ou 
Use parait d'après cette liste signifier rivière (on devrait lire, je 
crois, Nevîasca au lieu de Neviasca) et il peut entrer dans la composition 



— 59 — 

D'un autre côté les noms des peuples gaulois Auterci-Bran- 
novices = (Crannovices, habitants des bois) (I) et Aulerci- 
Eburovices = (Epeulovices, cavaliers, lat. équestres) cités par 
César, et dans lesquels le c primitif paraît s'être changé en 
p = 6, semblent prouver comme les exemples que je viens 
de- mentionner, qu'au moins dans certaines parties de la 



du mot Gucr-lesken, nom d'une commune du Finistère, qui serait 
alors composé de deux mots ayant Ja même signification, savoir Guer 
ou Gwer, rivière (un cours d'eau de ce nom arrose cette commune), 
et lasc ou Use C'est un fait qui se produit assez souvent dans le 
breton armoricain (Cfr. infrà Ster-Aon, Coat-Cran, Cran-Coati Coat- 
pren etc). 11 existe une famille bretonne dont le nom du Lesken, pourrait, 
d'après cette étymologie que je doupe sous toutes réserves, se traduire 
par de la Rivière. 

Il y a dans le Morbihan les hameaux de Lasçoher, Lascouver, 1562, 
commune de Plumergat, et Lascouit, commune de Saint-Nolff. Ce mot 
Lasc se retrouve dans quelques déparlements du midi de la France. 

Lemurinus. mons, me semble composé de le = leeh, locus, de ilft*r, 
castrum, et du suffixe in (cfr. crib-in), et signifie l'emplacement du 
château, le lieu où est située la forteresse (Cfr. arm. Marchadlech, 
marché, Gwarileeh, théâtre, etc.) Lemuris, fluviut, est le même 
mot, moins le suffixe in et plus le substantif m, ri vus (le ruisseau 
du château). Ce mot ris ne se trouve pas, je crois, dans les 
dictionnaires bretons, mais c'est le nom d'un grand ruisseau (le Ris) 
qui se jette dans la baie de Douarnenez (Finistère). Le même mot entre 
dans la composition du nom de la rivière le Diouris (ltttér. les deux 
ruisseaux), affluent de l'Àberwrac'h, qui se jette dans la Manche, 
même département. 

Ces rapprochements, que je pourrais continuer, suffisent pour établir 
qu'il existe des rapports entre le dialecte breton-armoricain et la 
langue dans laquelle sont écrits les noms de lieux qui figurent dans la 
sentence des frères Minueius. 

J'ignore si les Ligures ont à une certaine époque, habité près de son 
embouchure les bords de la Loire, dont le nom (Lig-cr) a tant d'ana- 
logie avec leur nom de peuple (Lig-wr). Si cette hypothèse était fondée, 
ils auraient été voisins des Veneti, et l'on s'expliquerait comment après 
une émigration plus ou moins nombreuse de ces deux peuples, se 
seraient formés dans le nord de l'Italie, les deux établissements voisins, 
des Liguri et des Veneti. On trouvera probablement cette conjecture 
très- hasardée ; cependant l'analogie que }e crois avoir constatée entre la 
langue des Ligures et la langue parlée en Armorique, peut lui donner 
quelque consistance. 

(1) Par opposition peut-être à Aulerci Cenomani == Pennou-maen ? 
habitants de la partie pierreuse ou rocheuse. 
Je ferai encore remarquer que les Centrones ou Ceutronss, peuple 
ui habitait les Pyrénées, sont appelés Pentrones dans deux manuscrits 
e la Notice dis Gaules (Voir Gucrard, Divisions territoriales de la 
Gaule, p. 23). Le mot Centrones a une physionomie plus celtique que 
Ceutrones. Si c'était la bonne leçon on pourrait y trouver Pen, tête et 
Traon, vallée (caput vallis). Centrones signifierait alors <* habitants du 
haut de la vallée. » 



3 



— 60 — 

Gaule, cette mutation avait lieu assez longtemps avant l'ère 
chrétienne. 

Je pense qu'elle ne s'est opérée dans cette contrée que 
progressivement et selon toute probabilité du sud au nord. A 
l'appui de cette opinion je puis établir que certains mots de la 
langue des bretons de l'Ile, dans lesquels le c s'est depuis 
changé en p, n'étaient pas altérés au V 6 et au Vie siècle, 
époque où se fit le passage de ces bretons dans la troisième 
Lyonnaise, d'où l'on pourrait lirerjla conclusion que le contact 
immédiat de ces émigrés avec les gaulois ne fut pas étranger à 
cette altération. 

J'en donnerai comme exemple le mot Gwic ou Guic, en 
latin Vicus, qui, dans la langue populaire de l'évêché de Léon/ 
et par conséquent des environs de Brest, est employé pour 
signifier le bourg, c'est-à-dire le chef-lieu d'une paroisse, de 
préférence au mot Ploe ou Plou, usité dans la langue officielle 
du clergé pour désigner l'ensemble de la paroisse. Ce mot qui 
est toujours demeuré Gwic dans les dialectes comique et cam- 
brien (lr.F/c/»),et n'a pas par conséquent été modifié dans le pays 
d'où venaient les émigrés bretons, a cependant subi l'altération 
du c terminal en p, dans le nom de certaines paroisses de l'évê- 
ché de Léon. Ainsi le'nom de la paroisse de Ploe-Avas (Brest), 
qui devrait s'écrire Guic-Avas dans la langue populaire, est tou- 
jours écrit et prononcé Guip-Avas. De même, à peu de distance 
de Guip-Avas, le nom de la succursale Guic-Ronvel (liltér. 
Vicus Romelii,le bourg deRomelius, nom dont la forme bretonne 
est Ronvel), aurait dû conserver celle orthographe, tandis que 
ce bourg est appelé Guip-Ronvel depuis un temps immémorial. 
11 est clair que' dans ces deux exemples, le c terminal de Guic 
s'est changé en p (I). Or celle mutalion n'a pu s'opérer qu'après 
l'arrivée des bretons en Armorique et après l'établissement des 



(1) Voici quelques exemples où le c est tombé dans le breton armori- 
cain : Loperec (Locus-Petrocf) ; Loperchet (Locus-Brigide) ; Lothea 
(LocW'Tajaci) ; Guinevez (Vicus-noous) ; Guitalmeze (vicus Talme- 
donius), etc. 



— 61 — 

paroisses dans l'évêché de Léon, c'est-à-dire au plus tôt au VI 6 siè- 
cle, époque où fut fondé cet évêché et ou vivait Romélius, père 
de Saint-Guenaël, second abbé de Landévennec ; lequel Romélius, 
dont le nom est bien connu dans les légendes bretonnes, mais 
dont on n'avait pas encore pu relrouver les étals, fut évidem- 
ment le fondateur de Guic-Ronvel qui a conservé son nom (1). 

Un autre mot qui ne me parait avoir été altéré, dans la langue 
des émigrés bretons, que postérieurement à leur établissement 
dans FArraorique, est le substantif Cran ou Crann, qui signi- 
fiait « bois, forêt » (2). 

En effet, lorsque ces émigrés vinrent se fixer dans leur 
nouvelle patrie aux époques que je viens d'indiquer, et même 
plus tard, ils trouvèrent le pays couvert de bois (et de forêts, 
près desquels ou au milieu desquels beaucoup d'entre eux 
établirent leurs demeures. Il s'en suivit de cette situation topo- 
graphique d'un grand nombre des habitations des nouveaux 
occupants de TArmorique, que beaucoup d'entre elles prirent 
le nom de Cran. D'un autre côté la même dénomination 
fut naturellement appliquée aux bois et aux forêts éloignés 
des habitations. Il semble résulter de ces observations que^ 
le nombre des localités appelées Cran dut être fort grand en 
Armorique à Tépoqtre qui nous occupe. Il reste encore 
dans le département du Finistère soixante noms de lieux, eidans 
le département du Morbihan cinquante-neuf, dans lesquels on 
retrouve le mot, Cran = Cren = Gren, sous sa forme celtique 
primitive. C'est sans doute bien peu si on tient compte des 
observations qui précèdent ; mais outre que la dispari- „ 
tion d'un grand nombre de bois et d'habitations anciennes, 
peut expliquer celte diminution, c'est ici le lieu de faire 



(1) Le cartulaire de Landévenpec place dans la paroisse de Lan ri voaré, 
limitrophe de celle de Guiprotovel, l'héritage de Saint-Gwenael, « qui 
primus fuit abbaspost sanctum Wingualoeum. » 

(2) Voici un extrait du Cartulaire de Redon, où le mot « Forêt » est 
associé au mot Cran: « Notum sit omnibus quod dédit Portitoe et Connual 
Cranuuikant et Cranquarima et quicquid.potuissent eradicare de Silva 
pro auima sua, » etc., f° 3. 



— 62 — 

remarquer que dès le VIII e ou le IX siècle (797-814), et 
peut-être plus tôt, la mutation du c en p avait commencé à s'o • 
pérer, en Armorique, dans le mot cran. Nous en trouvons la 
preuve dans plusieurs actes du cartulaire de Redon (1). Il en 
résulta cette conséquence, que les formes pran, pren, bran ou 
bren (toutes synonymes) se substituèrent, dans bien des cas, et 
conformément à la loi de mutation citée plus haut, aux formes 
cran y cren et quelquefois gren en composition. Si on fait le relevé 
des noms de lieux bretons des départements du Finistère et 
du Morbihan, encore existants et dans lesquels entre le mot 
pren sous ses diverses formes armoricaines, on en trouve soi- 
xante-dix-huit dans le premier et quatre-vingt-dix dans le 
second, qui, ajoutés aux cent dix-neuf noms de localités 
dans lesquels la forme primitive cran s'est conservée, donnent 
pour ces deux départements un nombre total de 287 noms de 
lieux dans lesquels entre ce mot caractéristique. 

Voici quelques listes qui confirment les renseignements 
statistiques qui précèdent, et où le mot cran figure sous loules 
ses formes (2) : 

Cran, Chran> Gragn, Gren, Cren, Chrcn y Creign. 

(Finistère.) ~ 

LOCALITÉS. \ COMMUNES. 

Cran. La Forêt (Brest). 

Cran. Spézet. 

(1) Branscean (villa), 797-814; — Branquasset (villa), 1123; — 
Brengoen (villa), 1148; — Brengoen, 1130-1140; — Brennuuanau 
(villa), vers 1120 ; — Brcndui (villa), 1112 ; — Bren-Hermelin (villa), 
1120 ; — Brain (plebs), 1238, etc, ; — Cart. de Medon. 

(2) Je dois déclarer que ces listes ne sont pas complètes. Je 
me suis servi pour les établir du dictionnaire topographique du 
Morbihan, par M. Rosenzweig, et d'un dictionnaire des localités du 
département du Finistère que j'ai rédigé pour mou usage. Mais pour avoir 
des listes complètes, il m'aurait fallu lire entièrement ces deux diction- 
naires, et c'est ce que j'ai cru pouvoir me dispenser de faire, les exemples 
que je donne ici me paraissant assez nombreux. D'un autre côté j'ai 
supprimé plusieurs noms dans lesquels les mots cran, cren. bran et bren 
pouvaient avoir une autre signification que celle de « bois, ce qui ne 
veut pas dire que ces listes soient absolument exemptes d'erreurs. » 



— 63 



LOCALITÉS. 

Crann. 
Crann. 
Crann. 
Crann. 
Crann (Le). 
Crann. 
# Crann (Le). 
Crann. 
Crann. 

Crano ou Le Cranou (t), 
Cranou (Le), forêt de l'Etat. 
Cranonnenic. 
Kernon Coat ar Chran. 
Lescran. 
Lescràn. 
Menez Cran. 
Mescran. 
Minechran. 
Pencran (2). 
Pencran. 
Pencran. 
Ty Çranic. 
Coat a Gragn, 
Creignou. 
Coat Cren. 
Coat Cren. 
Coat Crenn. 
Cosquer cren pella. 
CrenaL 
Creneat. 
Crenen. 
Crengoualch. 
Croas Crenn. 
Kerchreu. 
Kergren (L'Ite) 



GOHM1TNBS. 



Gouesnou. 

La Martyre. 

Piabennec. 

Ploumoguer. 

Plouvien. 

Berrien. ^ 

Châleauneuf. 

Lennon. 

Pleyben. 

Bédéné. 

Buraengol. 

Dirinon. 

Locunolé. 

Quimerc'h. 

Mahalon. 

Saint-Ségal. 

Cléden-Cap-Sizun. 

SaintYvi. 

Pencran. 

Ploraodiern. 

Guengat. 

Fouesnant. 

Cléder. 

Plouvien; 

Plourin. 

Plouvorn. 

Plonévcz-.du-Faou. 

La Forêt (Brest.) 

Plogonnec. 

Plounéour-Lanvern. 

Bifc. 

Collorec. 

Lopérec. 

Perguet 

Piabennec. 



(1) Cranou ou Crano (cambr. preniau) parait être le pluriel régulier 
de Cran. Cependant en comique, le pluriel de pren, forme modifiée 
de Cran, est prenyer. D'après les listes que je donne ici, le 
pluriel de bren, pren ou pran affecte ces deux formes en breton armo- 
ricain, ex : Kerampranou (Dirinon, Finistère), Brenyer (Mahalon, Finis- 
tère), Le Brenno, Le Prehenno, Pranère (Carnac, Caden et Saint- 
Pierre, Morbihan). 

(2) Le principal manoir de cette commune s'appelle Chef-du-BoU, 
c'est la traduction littérale de Pencran. 



— 64 — 



LOCALITÉS 

Kergren. 

Kergrenn. 

Kergrenn. 

Kergren. 

Kergrenn. 

Kergrenn. 

Kergren. 

Kergren. 

Kergren. 

Kergren. 

Kergren. 

Kerencrenn. 

Kermenez Gren. 

Leac'hc'hren. 

Liors Crenn. 

Mescren. 

Mescren. 

Mescrennec. 

Prat-ar-Cren 

Rescren (Rest). 

Rescren (Id ) 

Ty Crenn. 

Vilargren. 



COMMUNES. 

Plabennec. 

Sainl-Urbain 

Scrignac. 

Saint-Thégonnec. 

Plougonven. 

Plouvorn. 

Briec. 

Plogaslel-Sain t-Germain , 

Plomelin. 

Poullan. 

Ergué-Armel. 

L'hôpital-Camfrout. 

Spézet. 

Plonéour-Lanvern. 

Plounévez-Lochrist. 

Porspoder. 

Saint-Pôl-de-Léon. 

Mespaul 

Le Conquet. 

Saint Divy. 

Querrien. 

Plonévez du Faou. 

Saint-Pôl-de-Léon. 



1 



(Morbihan) 



Cran. 

Cran. 

Cran. 

Cran. 

Le Cran. 

Le haut et le bas Cran. 

Crancastel. 

Crancelin (bois de houx). 

Crâne. 

Craneguy. 

Craneguy (Le grand et le petit). 

Cranet. 

Crangouet. 

Cran-Gourmelin. 

Cranhac. 

Cranhouet. 

Cranhouet. 

Cranhouet. 

Cranhouet. 



Baud 

Quistinic. 

Saint-Gérand. 

Treffléan. 

Pluherlin. 

Saint-Dolay. 

Ploërrael. 

Guitliers. 

Mauron. 

Sulniac. 

Surzur. 

Cournon. 

Saint-Gonnery. 

Gourin. 

Peillac. 

Cruguel. 

La Grée-Saint-Laurent. 

Larré. • 

Thebiilac. 



— 65 — 



COMMUNES. 

Crauhouet-Rue-Gais. 

Cranhouet-Ville-Neuve. 

Le Cranic. 

Cranihuel. 

Crauinen. 

Crano. 

£rano. 

Crano. 

Crano. 

Crano. 

Le Crano. 

Le Crano. 

Le Crano. 

Le Crano. 

Le Crano. 

Le grand et le petil Crano. 

Le haut et le bas Crano. 

Cranpipidic (Cranpinvidic). 

Cranuach (Bois d'aulnes). 

Cranvern. 

Coëlcranne (Nemus nemoris). 

Lescran. 

Lésera n. 

Lescran. 

Léser an. 

Cren. 

Crenard. 

Crenelet. 

Crenenan, 

Le Crenet. 

Le Creneu. 

Crenihuel. 

Crenihuel. 

Crenion. 

Le Creno. 

Crenou Vraset vihian. 

Creny. 

Créménec, dit Coat-Crémenec. 

— Crennaeriec, 1421. 
Crée an; 
Le Canquiscran. — Quenquis- 

cren aliàs Quenquiscran, ' 

1436. 
Coacren. — Quoetcren, 1391. 



LOCALITÉS.. 

La Grée-Saint-Laurent. 

Idem. 
Brech et Locoal-Mendou. 
Nostang. 
Languidic. 
Cléguer. 
Kervignac. 
LignoT. 
Naizin. 
Pluneret. 
Guéhenno. 
Languidic. 
Moréac. 
Plouay. 
Questembert. 
Bieuzy. 
Croixanvec. 
Gourin. 
Grandchamp. 
Guern. 
Landévant. 
Lanvenegen. 
Plœrin. 
Saint-Avé. 
Saint-Nolff. 
Darngan. 
Silfiac. 
Quily. 
Ploërdut. 
Caden. 

Saint-Vincent. 
Pontivy et Noyal-Pontivy. 
Silfiac. 
Loyat. 
Reguiny. 
Guiscriff. 
Radenac et Réguiny. 

Priziac. 
Noyal-Pontivy. 



Langoëlan. 
Ploërdut. 



— 66 — 

Bran (1), Bren, Breunen, Breign, Brin, Brign, Bran, Pren, 

Vran, Vren. , 

(Finistère). 

LOCALITÉS. COMMUNES. 

Braodel. Plougourvest. 

Branderien (bois de chênes). Arzano. < 

Branlae'h. Fouesnant. 

Coal Coubran. Melgven. 

Kericbran. Argol. 

Penbran. Saint- Urbain. 

Poulbran. Kernevel. 

Restanbran. Kergloff. 

Rubran. Telgruc. 

Bren. Plouézoc'h. 

Brenn. Plozevet. 

Brenalin. Saint-Nic. 

Brenanvec. Plonéour-Lanvern. 

Brenavalan. (2) Plouescat. 

Breuavellec (Pommeraie). Plovan. 

Brendaouez. Guissény. 

Brendégué. Loc-Maria-Plouzané. 

Brenduf. Saint-Pabu. 

Breneben. Scaër. 

issr- î 9* <« — >• issL 

Brennéméré. Mespaul. 

Breneol. Landudec. 

Brenesquen. (3) Saint-Pol-de-Léon. 

Brenevet. Plouider. 

Brengotven. Landudec. 

Brengoulou. (4) Saint-Vougay. 

Brengovet. Plounévez-Lochrist. 

Brenigant. Tau lé. 

Brennilis. Loqueffret. 



(1) Le mot français « branche, » dont l'origine est dit-on inconnue, 
peut v«mir de Bran. Il en est de même de « brandon, brandevin, etc. » 
Ce dernier mot était probablement dans l'origine, le nom d'une boisson 
fermentée fabriquée avec des fruits sauvages, et devait signifier 
« liqueur d'arbres • ou « liqueur de forêt, » nom qui la distinguait des 
boissons faites avec du miel ou d'autres substances. Pour l'introduction 
du c — g et du d, qui peut s'expliquer par l'altération nasale du n, 
voir Gragn, Creign = Grangn, Crengn ; Brign —Bringn (pages 63, 67) 
et Brandicouet, Brandi frout, etc. (p. 68). Dans d'autres circonstances, 



i 



— 67 



LOCALITÉS. 

Brenilour. 
Brenizennec. 
Brenphuez. 
Brentenvœs. 
Brenterch. 
Brenyer. 
% Combren. 
Kerbrencn. 
Kerganabren. 
Korganabren. , 
Jfoabren. 
Tilibrennou . 
Breunen. 
Breunen. 
Coat Breignou. 
Brigno. 
Brignon. 
Brignogan. 
Brignou. 
Bringurast. 
Kerarapran. 
Kerarapran. 
Keramprannou. 
Groas pren. 
Croas pren. 
Croas pren. 
Croes pren. 
Coatnempren. 
Goaspren. 
Goasprènn. 
Pont pren. 
Pont pren. 
Pont pren. 



COMMUNES. 

Plouhinec. 

Plozévet. 

Pemeurit. 

Plounévez-lochrist. 

Ploumoguer. 

Mahalon. 

Plomelin. 

Tourc'h. 

Plourin. 

Milizac. 

Plomodiern. 

Berrien. 

Plouider. 

Saint- Méen. 

Bourg-Blanc. 

Plomodiern. 

Plouzané. 

Plounéour-Trez. 

Berrien. 

Goulven. 

Argol. 

Telgruc. 

Dirinon. 

Plabennec. 

Plouguerneau, 

Henvic. 

Saint-Thois. 

Tréflaouénan. 

Plounéventer. 

Fouesnant. 

Esquibien. 

Ploaré. 

Telgruc. 



celte altération amène le changement du d en n, ex : an nor (la porte), 
a=s an dor ; an nou glin (les genoux), s=s an don glin (Catholicon). 

(2) On trouve Âlvar pren (lisez Aval pren), « pommier » dans le 
Gartulaire de Landévennec, XI e siècle. 

(3) « Bois de scie, » c'est-à-dire, je pense, « bois de haute futaie. » 
Brenesken signifie littér. « bois » ou « son de scie. » Le vieux fran- 
çais «bran,» en breton «bren » (son,) paraît venir du celtique bran 
(bois). Le son est en effet la partie grossière et ligneuse du grain. 

(4) Ce mot signifie Bois de la lumière. C'était probablement un arbre 
résineux dont on faisait de» torches. 



— 68 — 



LOCALITÉS. 



COMMUNES. 



Prenagroahic 

Pren gourven. 

Keravran. 

KervraD. 

Kervran. 

Kervran . 

Kervran. 

Kervran. 

Kervran. 

Kervran. 

Kervren. 

Kervren. 

Kervren. 

Kervrennen. 

Kervrennic. 



Leuhan. 

Plouguerneau. 

Plourin. 

Plouarzel. 

Scrignac. 

Spézet. 

Landivisiau. 

Elliant. 

Trévoux. 

Guilligomarc'b. 

Plougoulm. 

Saint-Yvi. 

Névez. 

Langolen. 

Gouézec. 



(Morbihan). 



Branbily. 

Branceleu. 

Brancelin. 

Brancelin. 

Brandecel. 

Brandéha. 

Brandérion : Branderyoh, 1363. 
— Prédiryon, 1385. — Bran- 
deryon, 1386. — Brende- 
rion, 1415. — Bréderyen, 
1422. (Bois de chênes) 

Brandeseul. 

Brandicouet (bois du bois). 

Brandifrout (bois du ruis- 
seau) (1). 

Brandivy (bois d'ifs). 

Branduec (2). 

Brandumois. 

Branférel. 

Branfereux. 



Sérent. 

Gléguérec. 

Pénestin. 

Sérent. 

Saint-Guyomard. 

Allaire. 



Brandérion. 
Concoret. 
Saint-Jacut. 
Quistinii 



iC. 



Grand-Champ. 

Ploërdut. 

Béganne. 

Guerno. 

Glénac. 



(1) Dans ces noms, où Von remarque comme dans plusieurs autres 
qui figurent dans cette liste, l'introduction du d après le n, la voyelle t 
est purement euphonique ou représente l'article défini an dégénéré. 

(2) « Bois doux, » voir le mot réglisse dans le dictionnaire du 
P. Grégoire de Rostrenen. 



69 — 



LOCALITÉS 



i % 



Brangaison. 

Brangelia. 

Brangil. * 

Brango. 

Brangohan. 

Brangolo (1J. 

Brangolo. 

Brangolo. 

Brangolo. 

Brangolo. 

Brangolo. 

Brangolo. 

Brangolo. 

Brangolo. 

Brangolo. 

Brangolo (Le haut et le bas.) 

Brangon. 

Brangouan. 

Brangouretlp. 

Brangournais. 

Brangouserh. 

Branguen. 

Branguerin (Le). 

Brangueul. 

Branguily — Brengilli,1228.— 

Branguili, 1270. — Breguilli, 

1301. — Brenguili,1406, Gueltas. 
Brangurenne. 
Branhoc(grand et petit). 
Branily. 
Branla. 
Brannec. 

(Id). 
Branroch (grand et petit). 
Branrue. 
Branran. 
Branseguet. 

Bransquel (haut et bas.) 
Brantonnais. 
Brantry — BranlieLXlV* siècle. 

— Brenlril, 1417. Lanouée. 

Le Branzais. Péneslin. 



COMMUNES 

* 

Saint-Dolay. 

Concoret. 

Arradon. 

PloërmeL 

Guilac. 

Carentoir. 

Caro. 

Guidel. 

Landévant. 

Locmalo. 

Mauron. 

Noyal-Muzillac. 

Saint- Caradec-Trégomel. 

Saint-Samson. 

Theix. 

Inzinzac. 

Baden. 

Kervignac. 

Limerzel. 

Saint-Servanl. 

Moustoirac. 

Arzal. 

Rieux. 

Inzinzac. 



Muzillac. 

Locoal-Mendon. 

Bubry. 

Remhiiac. 

Ile-aux-Moines. 

En tre l'île-aux-Moines et Sarzeau . 

Riantec. 

Nivillac, 

Surzur. 

Guillac. 

Pluneret. 

Pleucadeuc. 



(3) Voir la note 4, page 67. 



6 



— 70 — 

LOCALITÉS. COMMUNKS. 

Branzan. Cad en. 

Branzar. — Brensar, 1416. Locmalo. 
Branzédy. Lizio. 

Branzého. Landaul. 

Berhuider. — Branbuidez, 

1842. Grand Champ. 

Kerbren bras et bihan. luzinzac. 

Brena. Saint-Servan. 

Brenantec. Plouharoel. 

Brénében. Roudouallec. 

Brenedan. — Brannadan, 1447. Grand-Champ. 
Breneuh. Pluraelin. 

Breniel. Saint. 

Breniguy. Sl-Caradec-Trégomel. 

Brennès. Gourin. 

Le Brenno. Carnac. 

Brenolo. Plescop. 

Brenolo (Le grand et le petit). St-Jean-Brevelay. 
Brenudel. Sarzeau. 

Brenugat. Lizio. 

Brenzent. Plœmeur. 

Bernon. — Breniou-Rewis, 

878. — Forêt de Bernon, 

1395. Sarzeau. 

Brignac. Brignac. 

Brignac, forêt. Saint-Guyomard. 

Brignolec . Saint-Tugdual . 

Bringa. Peillac. 

Bringuin. Nivillac. 

Bernéan (HautetBas), village et 

bois. — Bronn-Ewin, 840. 

— Lisbroniwin, 844. Campénéac, 

Pranère. Saint-Pierre. 

PrantarfT. Caudan. 

Préhenno (Le.) Caden. 

Coetpren. Quislinic. 

On trouverait je crois dans l'examen des noms qui figurent 
dans ces listes, matière à plus. d'une observation intéres- 
sante mais ce serait m'écarler de mon sujet que de m'y arrê- 
ter (1), et avant de quitter ce substantif « prolée », je me 



(1) Je ne crois cependant pas devoir omettre la remarque suivante 
J'ai donné ailleurs (Revue archéol., année 4874, et Bulletin de la Soc 



— 71 — 

bornerai à dire que le moi pnn = pran qui a succédé à cran el 

qui signifiait aulrefois une forêt, un bois (in Brengoen, 
quod alio nomine dicitur ncmus vallis. — Cart. Redon, 
an. 1130-1140, p. 395.) a perdu ce sens depuis long- 
temps dans les dialectes cambrien, comique et armoricain 
où il ne sert plus aujourd'hui qu'à désigner un. seul arbre, 
el plus souvent une pièce de bois ouvré, ex. : Tont-prcn, 
pont de bois ; Croas pren, croix de bois ; Boutou pren, 
chaussures de bois, sabols, etc. Quant au mot Cran, la perle de 
sa signification primitive est au moins aussi ancienne. On les 
voit l'un et Vautre dans les listes ci-dessus, en composition avec 
le mot Coat qui signifie aussi « bois, » (Coat cran, Cran coat, Coat 
pren, etc. littéralement bois du bois). Comme exemple analogue 
de la disparition d'un mot celtique dans la langue popu- 
laire, je citerai le mot Avon ou Aon, rivière, qui n'est plus 
compris et qui a été remplacé par le mol Stcr. On trouve 
dans l'arrondissement de Châteaulin un cours d'eau important 
que l'on appelle Stcr-aon, littéralement « la rivière de la 
rivière. » 

On a pu voir par les listes qui précèdent, que si dans un 
grand nombre de cas le mot cran s'est changé en pian ou 
6ran, en Armorique il a aussi'conservé bien souvent sa forme 
primitive (Ij. Ceci confirme ce que j'ai dit à la page 68 de 
la manière dont celle mutation s'est opérée. Les faits ont du 
se passer de la même façon dans le reste de la Gaule, si on en 
juge par la nomenclature suivante que me fournissent les 
Dictionnaires topographiques de quelques-uns de nos dépar- 
tements. 



Archêol. du Finistère, T. H, p. 38), des exemples oui prouvent que dans 
les inscriptions anciennes et dans les manuscrits, les mutations de> con- 
sonnes sont quelquefois indiquées dans les noms celtiques (ex. : Vorgan- 
ium =? Morganium ; Vorgium = Borgium). Le mot Bran = 
Pran, qui tiguiv si souvent dans les listes précédentes, est une nouvelle 
preuve a l'appui de cette assertion. 

(1) H est assez curieux de trouver dans le département des Basses- 
Pyrénées, une localité dont le nom qui était Crampas vers 1540, est 
devenu aujourd'hui B rampa. 



— 72 — 

Localités qui ont conservé dans leur nom la forme primitive 

Cran (bois, forêt). 



Ain. 



LOCALITÉS. 

Crans, commune. 



Aisne. 



Crandelain, commune. — Crandelain, 
1145. — Crandelanii, XIII* siècle. — 
Crandelein, 1261. — Grandelayn,1263. 

— Crondelain, 1285. — Grandelaing, 
1405.— Crendelain (Carie deCassini). 

Cranière (La), maison isolée. 

Cranières (Les), hameau. 

Craône, ferme. — Crenne, 1416. — 
Craincs, 1466. — Crenni, 1195. — 
Crosne, 1568. — Cresnes, 1709. — 
Crenes, 1745. — Crasne, 1764. 

Craonne, chef-lieu de canton. — Grau- 
henna, IXe siècle. — Croona, 906 ; 
Crauna, 911. — Craubena,vers 991.— 
Creunna, 1090. — Croana, 111*2. — 
Chroonia, 1145. — Crauenna, 1154. 

— Craonna, 1230. — Cranne, 1651. 
Craonnelle, commune. — Creune'Ia, 

1 140 ; Creonclla,- 1 140 ; Craonnella, 

1141 ; Croenilia, 1146. — Croenela, 
1220; Croenella, 1248. — Crannella, 
1361. — Cronnelles, 1497 ; Crannelle, 
1545. 

Cresne, bois. — Chresne, 1613. — Bois 
de Craine (Carte de Cassini). 



Aube. 



Crancey, commune. 
Creney, commune. 



Cransac, commune. 
Crandelles, commune. 



Aveyron. 



Cantal. 



Côtes-du-Nord. 



Crehen, commune. 



COMMUNES. 



Happencourt. 
SaintGobain. 



Coucy-la-Villc. 



Noroy et Troësne. 






• — 73 — 



LOCALITÉS. 



Dordogne. 



COMMUNRS. 



Crognac, hameau. — Castrum Craonia- 
cum, avant 1285. 

Eure-et-Lolre. 

Crances (Les), hameau. 
Crannes, ferme. 
Crenne, ferme. 

Cronerie (Bois de la), faisait partie de la 
forêt de Dreux. 



Creoo, commune. 



Crançot, commune. 
Crans, commune. 
Crenans, commune. 



Gironde. 



Jura. 



Landes. 



Creon, commune. 

Haute-Marne. 
Crenay-sur-Suize, commune. 

Mayenne. 

Craon, commune. 
Crenncs, commune. 

Meurthe. 

Craincourt, commune. — Licramrio 
curie, 777. — Cruncurt, 1152. — Crin- 
curt, 1278. — Craincort, 1281. — 
Creincourt, 1285 et 1476. — Craincu- 
ria,1481. 

Craincourt (Gagnage de), 1471. 

Craincourt (La maison forte de), 1779. 

Crantenoy, commune. — Ôretenau, 
X e siècle. — Crantenau ; capella in 
Crantinau villa ; ad Cratinau , 
XII e siècle. — Cranlenou, 1240. 
— Crantenoy, 1240. — Crantheno, 
1357. — Cianlhenou, 1368. — Cran r 
teno, Cranlenol, 1399. — Crantenau, 
Cranleneyum,1402. — Cranteno,15'26. 

Craon, château. 



Saint-Astier. 



Gohory. 

llliers. 

Lanneray. 

Sorel. 



Essey-lez-Nancy. 
Essey -lez Nancy. 



Haroué. 



— 74 — 

LOCALITÉS. COMMUNES. 

Meuse. 

Cranière, bois. Bazeille. 

Basses-Pyrénées. 

Granesle (Le), ruisseau. Bassussary et Ba- 

yonne." 
Haut-Rhin. 
Crain (Au), 1586-1607. Argiésans et Che- 

i r • , i vremont. 

La Craintole, ruisseau. Lièpvre. 

Le Cran, canton des territoires de Cha- ' 

tenois et de Bessoncourl. — Sur le 

Cren, 1620. 

Sarthe. 

Crannes-en-Champague, commune. 

% Vienne. 

Craon, commune. 

Yonne. 

Crain, commune. — Crinsensis vicus, 

VII e siècle. — Cranum, 1186. — 

Crenum , 1203. — Cranium , XV» 

siècle. — Cren, vers 1135. — Crin, 

1782. 
Crançons (Les), hameau et moulin. Toucy. 

Cranne (La), hameau et ferme. Rogny . 

Localités dans le nom desquelles la forme primitive Cran 
s'est changée eh Pran = Bran (1). 

Ain. 

LOCALITÉS. COMMUNES. 

Brenaz, commune. 
Brenod, commune. 
Brens, commune. 



(1) Dans ces listes comme dans les précédentes il eut été plus logique 
de placer Pran avant Bmn puisque celte dernière forme n'est que le 
résultat de la mutation régulière de p en b. Mais je dois faire observer 
que l'apparition de Bran dans les titres est aussi ancienne que celle 
de Pran. 



— 75 — 

LOCALITÉS. COMMUNES. 

Aisne. 

Braine, commune. — Brennacum, 560 (2). 

— Brinnacum, 578. — Braina, 931. 

— Brennie, 1143» — Brana, 1 163. — 
Brenna, XII e siècle. — Branium, XII e siè- 
cle. — Brainne, 1238.— Brena, 1296. 

— Brenne, 1319. — Brayne, 1354. 
Brancourt, commune. — Brouncourt, 

1100. — Broiencourt, 1132. — Broin- 
curt, 1142. — Broiencurt, 1178. — 
Berencurt, 1193. — Broiencort, 1218, 

— Brancourt, 1729. 

Brancourt, commune. — Berincurtis, 1 1 27 . 

— Brancort, 1136. — Berencort, Be- 
rencurt, 1138. — Brandicurlis, 1145. . 

— Brahencourt, 1151.— Bruencort, 
1160. — Berincort, 1176. - Beren- 
curtis, 1193.— Braincort, 1222.— 
Berincourl, 1295. — Braincourt, 1373. 

— Brancourt, 1540. 
Brancourt-le-Court, ferme. — Brancou- 

court, 1610. — Brancocourt (carte de 

Gassini). Brancourt. 

Brandignon, bois. — Branumignt, XII e 

siècle. — Brandignion, 1649. Hary. 

Brandouille, ferme. Hary. 

Brandouille, dépendance du hameau 

d'Entre deux-Bois. Ëtreaupont. 

Brandouzy, château. — Brandousis, 1483. 

— Brandouzi, 1590. — Brandouzis, 

1568. Malzy. 

Branges, commune. — Brangia, 1179. 

— Brange, 1645. 

Brangicourt, moulin détruit. — Brangi- 

curl, 1159. —Brangicourt, 1173. Festieux. 

Branzons (Les), bois. Aizelles. 

BraZicourt, hameau — Branzicurt, 1 159. 

— Brangicorl, 1224. — Brangecort, 
1227. — Bransicorl, 1230. — Bransi- 
court, XIII e siècle. — Branzicourt, 
1405(3). — Brangicourt, 1496. — Bran- 

gycourt, 1496. — Banzicourt, 1504. Grandlup-cl-Faye. 

(1) Brennac me paiait être synonyme de Prenig = Crannec, 
«boisé, » (nemoro&us). Voir p. 58. Cfr. Briac = Briee ?=: Brieuc =x 
Brioc. 

"(2) Cfr. supra Brandicurtis (Brancourt). — Voir la note page 56. 



LOCALITÉS. 

Breneha, moulin à eau. 

Brenelle, commune.— Branella, 1147. 

— Beroelle, 1208. — Beroella, 1208. 

— Bernelles, 1369. 
Brenoisc, ferme détruite. 
Breny. — Berny, 1654. 

Noirieu (Le), rivière. — Biïus de Braon, 
1208. — Son lit a élé ulïli-e du 1662 
a 1680 pour le flottage des bois de la 
forêt duNouvion. 



Montbrebain, commune. — Montbrahain, 
1151.— Moulbrehaing 1227.— Mon- 
brehaing, 1245. — Mombreliaing, 
1275. - Monbrahain, 1318. — Mom- 
brehains, 1565. — Monbreliin, 1675. 
— Monlbrin, 1684. — Mombrain, 1684. 



Bengneuir. 
Oulchy-le-Château. 



îoué, Etreux, Le 
Nouïio:i et Va- 
dencouil. 



Prangelois, fief. 

Pringy, ferma et hameau. — Pringi, 1259, 

— Pringcium,'XIII" siècle. 
Pringy, bois. 

Pringy, maison isolée. 


Alaincourt. 

Bozet -Saint-Albin. 
Neuilly. St-Froul,et 

Rozel-Sl- Albin. 
Nanteuil-Vichel. 


Allier. 




Bransat, commune. 




Hautes-Alpes. 




HoDlbrend, commune. 




Ardèche. 




Pranles, commune. 




Aude. 




Brenac, commune. 




Calvados. 




"ïranville, commune. 




Charente. 




'ransac, commune. 




Charente-Inférieure . 


Iran, commune. 





— 77 — 



LOCALITÉS. 

Corrèze. 

Branceilles, commune. 

Corse. 

Brando, commune. 

Côte-d'Or. 

Prenois, commune. 

Côtes-du-Nord. 

Prenessaye (La), commune. 

Dordogne. 

Branchât, hameau. 

Brandal (Le), écart. 

Brandal (Le), lieu. 

Brandau, domaine. 

Brande (La), lieu. 

Brande (La), lieu. — Las Brandas. 

Brande (La). — La Branda, 1468. 

Brande (La). — LaBranda, 1459. 

Brande (La), écart. 

Brande-del-Rey (La), localité. 

Brandes (Les). — Las Brandas, 1693. 

Brandines (Les), écart. 

Brange (La) 1671, métairie. 

Brangelie(La.) 

Branle (Le) (1), lieu. 

Branle-Bruno,, hameau. 

Branle-Pelle, hameau. 

Brenac, village. — Brenac 1251. — Bren 

as, XIII e siècle. — Brenaco, 1481. 
Brenil (Le), hameau v 
Brenoutren (La), bois. 
Prandie (La), hameau. 
Brendavaux, taillis. 

Preneyrie? — Preneyria, 1481. 

Doubs. 

Branne, commune. 

Drôme. 

Bren, commune. 



COMMUEES. 



Montplaisant. 

Bergerac. 

Lanquais. 

Neuvic. 

Coulounieix. 

Grignol. 

Lusignac. 

Sainl-Pompon. 

Sarlat. 

St-Germain-et-Mons 

Vallereuil. 

Bergerac. 

Limeuil. 

Vanxains. 

Boisseul. 

Beleymas. 

S-Front-de-Pradoux. 

Montignac. 

Bergerac. 

Mayac. 

Valojoux. 

Sainte- Croix-de-Ma- 

reuil. 
Agouac. 



(i) Branle, Branler ; c'est le mouvement de la branche (Bran) 
agitée par le vent. 



— 78 



Eure-et-Loir. 

LOCALITÉS. . 

Brandelon, village. * — Pende-Lupum, 

1180. 
Brandelon, ferme, mentionnée en 1488. 
Branle (La), ferme. 
Branloires (Les), hameau. 
Brainville, ferme. — Brainvilla, 1164. 
Blanchadier(Le),hameau.— Branchardier, 

1C26. 
Vallée des Brandes (Ruisseau de la). 



Prainville, hameau. 

Prena(Le), ferme. — Preignalz, versl535. 

— Prenard, 1677. 
Princelière (La), hameau.— Prentencièrc, 

1300. — La Prinstière, 1666. 
Pruneville, village. — Premodis-villa, 

1003. — Premetis-villa, 1080. — 

Premevilla, 1209. — Preraeville, 1270. 

— Prenneville, 1486. 

Gard. 

Branoux, hameau. — Branosco, 1339.— 

Branasco, 1346. — Brenoux, 1635. 
Branoux (Le), ruisseau. 

Braune(La), ruisseau. — Branuho,t576. 

Breau, commune. — Breono, 1331. — 
Breono, 1417. — Breone, li6l. — 
Breono, 1513. 

Bréaunèze, ruisseau. — Breoneza, 1440. 

— Breoneze, 1507. 
Brenas, ferme. — 1780. 

Brennes, lieu détruit. — Brena, 1146. — 
Brena, 1310. - Breyne, 1566. 

Brignon, commune. — Briginn (ones), 
inscription du musée de Nîmes. — 
Brinno, 1108. — Brinnonum, 1207 et 
1237. — Brinno, 1273. — Brinnonum, 
1281. - Briniono, 1314.— Brinho- 
num, 1381. - Brignon, 1547. — 
Brinhon, 1553. 



COMMUNES. 

Bazoches-les- Hautes 
Illiers. 

St-Denis-des-Puits. 
St-Lubin de la Hay. 
Fains. 

Unverre. 

Montlandon, Cham- 
pronden-Gâtine 
et Pontgouin. 

St-Jean-Pierre-Fixle. 

Nogent-le Rotrou. 
Si-Denis -d'Authou. 



Guillonville. 



Blannaves. 

Blannaves et Salles- 
du-Gardon. 

Parignargues , Ga- 
jan, Saint-Bau- 
zély , Bouvière- 
en-Malgoires, Cal- 
melte et Dions 

Breau et Salagosse. % 
Montclus. 

Redessan . 



— 79 — 

LOCALITÉS. COMMUNES* 

Gers. 

Preneron, commune. 

Gironde. 

Branne, commune. 
Brannens, commune. 
Monlpriublanc, commune. 

Va 

Hérault. 

Brenas, commune. 

Isère. 

Brangues, commune. 
Prenovel, commune. 

Jura. 

Brans, commune. 

Loir-et-Cher. 

Prenouvellon, commune. 

Lot. 

Brengues> commune. 

Lozère. 
Brenoux, commune. 

Manche. 

Branville, commune. 

Marne. 

Brandonvillers, commune. 
Branscourt. commune. 

Haute-Marne. 

Brennes, commune. 
Prangey, commune. 

Meurthe. . 

Braiedebourg, moulin. — Brindebourg 

(Gassini). Maizières-lez-Vic. 

Branches (Les), forêt. Rhodes et Languim- 

berg. 



- 80 — 



LOCALITÉS. 

Breoon (Le), rivière. 



Bringole (La), ferme. 

Bernécourl, commune. — Bernaicuria, 
1120-1163. — Breniencourt, 1322. — 
Brenaincourt, 1339. — Brenaicuria et 
Brenaicourt, 1 370. — Brenécour l, 1421, 

— Breneicourt, 1441. — Breneycourt, 
1551. — Beurnecourl ou Bernecourl, 
1719. 

Lafrirabolle, commune. — Lascebranne, 
1203. — Laffenborna, 1244. — Laf- 
frenbonne, 1248. — Leffenborne, 1248. 
Leffrenborne, Laffremborne, 1324. — 
Lai Frembonne, 1352. — Leffelbron, 
1590. — La Fraimbolle, 1594. - 
La Frembonne, 1667. — La Frainbole, 
1710. 

Preny, commune. — Prunidum, 745. 
— 'Prisgney, 960. — Prisney, 977. — 
Prisneo, 1065. — Prisnay, Prisnei, 
1138. — Prigney, 1120-1163. — 
Prisneio, 1162.— Prisnei, 1209. — 
Priney, 1220-1251. - Priney, 1293. 

— Prignei, 1332. - Pringney, 1349. 

— Parney, Prineyum,Parneyum, 1402. 
— Preney, 1444. — Prugneyum, 1530. 

— Priney-au-Duc, 1542. — Preny- 
le-Duc, 1571.— Preny, Perny, ou 
Priny, 1719. 

Meuse. 

Bragnière, contrée et pont. 

Brandecourt, hameau. 

Brandeville, village et ruisseau. — Bran- 

devilla, XVI* siècle. 
Brandiat, moulin. 
Brandon, contrée. 
Branière (La), ruisseau. 
Braquemères, bois qui faisait partie de la 

forêt de Belnoue. 



COMMUNES. 

Grimonviller, Féco- 
courl , Thorey , 
Houdreville, Van- 
deléville, Àutrey, 
Vélize et Omel- 
mont. 

Maizières-lez-Vic. 



Boureuilles. 
Ville-en-Woëvre. 

Damvillers. 
Saint-Remy. 
Haltonch&lel. 
VauquoiselBoureil- 
les. 

Sommeilles. 



— 81 — 



LOCALITES. COMMUNES. 



Vrainrourl, hameau. — Brencourt, 1615, 
— Wraincuria, 1583. — Wraincourt. Clermont-en-Argon- 

ne. 
Preny, commune. Bouquemont. 

PriguoD, bois. Bouquemont el Louy- 

Prigneux, bois. py-le-Petit. 

Oise. 

Brenouilles, commune. 

Puy-de-Dôme. 

Brenat, commune. 

Basses-Pyrénées. 

Brana. ferme. — LoBranaa. Salies. 

Brana, fief. Vielleségurc. 

Haut- Rhin. 

Bramont, ferme. — Bremunt (anc. ca- 
dastre). Krûlh el Wildenlein . 

Bramonl ou Bramonlkopt, mont. — Bos- 

chbranndt, 1550. Wildenslein. 

Branbornenwald, forêt. Breitenbach. 

Branchière, canlon du terriloire de Bue. 

Brand, forêt. — Ain Brenden, am 
Prende, 1667. Rimbach. 

Brand, hameau. Hussein, 

Brand, vign. — Am Brande, 1456. Turckhein. 

Brandhurst, vign. — Branthurst, 1475. Bergheim et Rors- 

chwihr. 

Brandlilt, ferme. — Branllil (Cassini). Mûhlbach, 

Brandmallenrunlz, ruisseau. Sondernach. 

Brandschert, canlon du terriloire de 
Seppois-le-Bas. 

Brandstalt, canlon du terriloire d'Eschenlz- 
willer. — Brandschatz,1545. —Brands- 
talt, 1766. 

Branne, 1665, canlon du territoire de 
Bessoncourt. 

Braunkoëpfle, mont. Mûhlbach 

Bremont, canton des territoires de Mor- 
villars et Mesiré. 

Bremont, forêt. Belfort. 

Brendenberg, forêt et montagne. Lutter et Wolsch- 

willer. 



— 82 — 

LOCALITÉS. COMMUEES. 

Brendenwald, forêt. Altenbacb. 

Brang arien, canton des territoires de 

Fislis et Hewiller. 
Brennacherle, ferme. — Preneckerl (Cas- 

sini). Stosswhir. 

Brennnullen, fours. Bergheim. 

Brennwald, mont, Urbès. 

Brentenrobr, canton du territoire de 

Ballersdorf. 
Brinckbeim, commune. — Brunchein, 

1285. - Brunkein, 1303. — Bruuen- 

khin, XVII e siècle. — Pringgen. 
Brinighofen, commune. — Bruonichove, 

1216. — Brunkofen, 1312. — Breunig- 

khouen, 1581. — Brinninghofen, XVII e 

siècle. 
Le Brinvau, hameau. — Brinval. Bierevescemont. 

Brandt (anc. cadastre). Moosch. 

Pour la forme Pren, voir Brand, forêt, 

Brennackerle, ferme, et Brinckbeim 

commune. 

Saône -et- Loire. 

Brandon, commune. 
Brandon, commune. 
Branges, commune. 



Tarn*. 

Var. 
Vaucluse. 

Vienne. 
Vosges. 



Brens, commune. 
Brenon, commune. 
Bran tes, commune. 

Branches, commune. 

Brancourl, commune. 
Brantigny, commune. 

Yonne. 

Branchereaux (Les grands et les petits), 
hameaux. Bleneau. 

Branches, commune. — Bringa, VI e siè- 
cle. — Brenchœ,XIH e siècle. — Bran- 
chiœ, 1247. — Branches, 1453. 



— 83 



LOCALITES. 



Branches (Les), hameau. 
Brangers (Les), ferme. 
Brangers (Les), hameau. 
Branlain, ruisseau. 
Branlards (Les), hameau. 
Branlin, hameaux. 

Branloir, ferme. 

Brannay, commune. — Bradenas, IX e 

siècle. — Brannaicum, 1175. — Bra~ 

nai, vers 1163. — Brahanai, 1165. — 

Brannay, 1453. 
Brenellerie (La), ferme. — La Brunellerie, 

1504. — La Brenelerye, 1523. 
Prenereau, hameau. -*- Prunellum, 1283. 

— Premereaul, 1331. — Prenereau, 
1597. 

Prenoulat, moulin. 

Prunelles, hameau. — Prenelles, 1677. 

— Prunel, 1736. 



COMMUEES. 

Ghampvallon. 

Champcevrais. 

Fonlenouilles. 

Saints. 

Vareilles. 

Champignelles et 

Sainls. 
Saint-Bris. 



Rogny. 



Migé. 
Crain. 



Champlost. (1) 



Je me suis peut-être trop étendu sur un sujet qui in- 
téressera peu de lecteurs, mais je n'ai pas cru devoir négli- 
ger des détails, même minutieux, pour arriver à une démons- 
tration que j'appellerai presque mathématique. 

M'autorisant de l'opinion de Zeuss et d'Ebel, qui comme 
exemple de l'application de celte loi, citent : Mons*Apenninus n 
je crois avoir donné d'autres exemples assez probants, sinon 
absolument péremploires, de la mutation du c en p dans 
quelques noms gaulois. J'ai donné des preuves certaines de 
celle substitution dans d'autres dialectes celtiques. 

Si j'applique maintenant ces démonstratons au bénéfice de 
ma thèse, je suis en droit de dire que puisque 



tv.- 



Cran = Pran 



= Bran; que Guic = Guip, 
Cribale = Brivales. 



Or si on admet, comme j'ai essayé de l'établir, que Geso 



(1) On trouve en Angleterre les villes de Cranbourn (Dorset), Cran- 
brook (Kent), Braintree i^Essex) et Brentfort (Middlesex). 



— 84 — 

répond au cellique Gicez ou Gxcczio (1), on arrivera à cette 
conclusion, que Geso-Cribate el Brivates portus ont exacte- 
ment la même signification. 

La carte de Peutinger, où se lit le mot Geso-Cribate, date 
du temps d'Auguste et par conséquent des premières années de 
l'ère chrétienne ; Ptolémée qui nous a fait connaître le nom de 
Brivates portus, vivait vers Tan 120 de notre ère; il s'est 
donc écoulé au moins un siècle entre la rédaction des deux 
documents qui nous donnent le nom de celte localité, et ce 
temps me paraît bien suffisant pour expliquer et pour justifier 
une mutation dont l'usnge dans la plupart des dialectes celti- 
ques, était le résultat d'une loi déjà ancienne. 

En tenant compte, avec mesure, de cette loi de mutation, 
peut-être parviendrait-on à retrouver l'étymologie de bien des 
mots dont l'origine nous paraît aujourd'hui douteuse. Un exem- 
ple en passant: l'origine du mot français « bois » est dit-on 
inconnue. D'après les observalions qui précèdent, ce mot peut 
cependant venir du cellique Coid % Coit, on Coet = Cois ou 
Coes = Bois. 

Le Caslrum de Gesocribate, ou de Brest, a gardé pendant tout 
le moyen âge, et jusqu'à nos jours, l'importance qu'il avait à 
l'époque gallo-romaine, importance attestée par les murs an- 
tiques qu'il conserve encore. Rien n'indique que ce nom de 
Brest qui figure dès le IX e siècle dans l'histoire de Brelague (2), 
ait été modifié autrement que par le changement de Cribale 
en Brivates. De ce dernier mot est venu parmétalhèse Brivest 

= Brevest qu'une simple syncope a régulièrement transformé 
en Brest. 

11 est évident que Brest n'aurait pu venir directement de 

Cribate; mais ce qui ne me paraît pas moins certain, c'eslquc le 

latin crista et le français creste sont issus du celtique Cribate 



(1) Comme exemple de la suppression du icdansiun uora celtique 
je citerai encore: lat. Redones (Rennes) = arm. Rwazon, voir page 56, 

(2) Oppidum de Bresta. — D. Lobiueau, Hist. de Bretagne, preuves 
col. 42. * 



— 85 — 

= Cribates, qui a là même signification, par un procédé de 
transformation identique à celai qui a rendu possible le chan- 
gement de Brivaîes en Brest (Grivest = Crevés!, = Crist 

= Creste). 

Le mot celtique' Cribat, avec son suffixe grec et romain 
(Cribates), s'est d'ailleurs conservé sous d'autres formes que 
Brest et Creste, dans les noms de lieux de la France, comme 
le démontre la liste suivante, dans laquelle à côté de ces 
deux nom's, figurent fréquemment ceux de Brives, Privât, etc., 
issus du même radical Crib, qui, je le répète, signifie « crête, » 
« éminence, » « promontoire » etc. (l)w 



LOCALITÉS. 


Aisne. 


COMMUNES. 


Grevet, hameau. 
Brivarde, bois. 




Courboin. 
Guivry. 


• 


Ardèche. 


* 


Crestet, commune. 
Privas. 


Avèyron. 




Privezac, commune. 


Calvados. 





Crèvecœur, commune. 
Grislot, commune. 

Charente. 

Brives-sur-Charenlc, commune. 

Gorrèze. 



Brives, commune, 
Brivezac, commune. 



Dordogne. 



Grives, commune. — Grivas, XIII e siè- 
cle. 



(i) J'ai omis dans cette liste un assez grand nombre de localités dont 
les noms renferment les radicaux Crap, Grap, Crav, Craf, Grav, Graf, 
Krafet Krap que je considère comme à peu près synonymes de Crib. 

Soc. Archéol du Finistère. — T. VI. 7 



— 86 — 



L0CAUTÉ8. 



COMMUNES. 



Crest, commune. 



Cre ton, commune. 
Crestot, commune. 
Brestot, commune. 



Drôme. 



Eure. 



Eare-et-Loir. 



Gripardière (La), écart. 

Griperets (Les) ♦ 

Grippe (La), hameau. 

Grippet (Le), ferme. 



Finistère. 



Crepily. 

Lescreven, village. 
Criben, ferme. 
Creac'h-Criben, ferme. 

Quenec'h-Cribet, ferme. 
Coz-C'hribin, ferme. 
Cribinec, ferme. 
Crip, ferme. 

Kergreven. — Kergriffen, 1426. 
Kergreven, village. 
Kergreven. village. 
Kergrip, ferme. 

Brest (ville de). 
Brest-tier, village. 
Kerbrest, village. 
Pont-ar-Brest, village. 
Lambresten, village. 
6rév6z 

Brivel (Stang) 1426- 

Gard. 

Gravas (Le), ferme. 

Cravat (Le), quartier, 1554. 

Grave (La), hameau et moulin. 

Grave (La), quartier, 1547. 

Grave (La), ferme et ruisseau du Vignan. 



Ctjamprond-en-Gâ- 
tine. 

Happonvllliers. 

Saint- Georges-sur- 
Eure. 

Moléans* 



Querxien. 

Plouguin. 

La Forest-Brest. 

Irvillac. 

Pleyben. 

Plouyé. 

Plouguin. 

Plouédern. 

Landévennec. 

Clohars-Carnoët. 

Lampaut-Guimiliau, 

Tréflévénez. 

Clohars-Carnoet. 

Riec. 

Lennon. 

Guiclan. 

Landéyennec. 

Saint-Goazec. 

Plogaslel-St-Germ. 

Kernével. 



Bez-et Esparron. 
Sernhac. 
Bez-et- Esparron. 
Sainte-Anasthasie. 



— 87 — 





LOCALITÉS. 


COMMUNES. 




Graves (Les), ferme. 


Saint-HippoIyte-du- 




« 


Fort. 




Graventes (Le), ferme et commune. 


Saint-Martin de Cor- 
cona. 




Craveron (Le), nom d'une section du 






cadastre de Monfrin. 






Graveson (Le), quartier. 


Gervasy. 




Crèpeloup, ferme. — Crepalupo, 1345. 


Alais. 


• 


Crès (Le), ferme. — Crès, 1263. — 






Cressid, 1315. — Gretio, 1375. 


Arrigas. 




Crès (Le), ferme. 


Anduze. 




Crès (Le}, hameau. 
Crès (Le), mont. 


Pompiguan. 




Vezenobre. 


' 


Crestat (Le), ferme. 

Crevecor, ferme. — Crebecor, 1596. 


Arphy. 


r 


Aimargues. 




Brès, ferme 1731, ancienne grange des 






Templiers. 


Goudargues. 




Brès (Le), hameau. 


Saint-Sébasliend'Ai- 




a 


grefeuille. 


■^ 


Brest, ferme. 


Beaucaire. 




Brestalou (Le), ruisseau. 


Lauret (Hérault), 
BrouzetetSardan. 








Privas, ferme. 


Barjac. 




Privât, ferme. 


Beaucaire. 




Privât, hameau. 


CornilloD. 




Privât, ferme. 


Fourques. 




Privats (Les), hameau. 


Blannaves. 




Haute-Garonne. 






Bretx, commune. 






Indre. 






Brives, commune. 

Haute-Loire. 






Brive, commune. 


- 




Loire - Inférieure. 




' 


Brivet, village et rivière. 


Guenrouet 




Manche. 






Cretteville, commune. 

Haute-Marne. 

Crête (La), commune. 





— 88 — 



LOCALITÉS. 



COMMUNES. 



Meuse; 



Crépion (1) village: — Crupion, 1204: 
— Crispeium, 121t. — Crespeium, 
1215. — Crépion, 1220, 1240. — 

• Crîppion, 1245 — Creppion, 1549. — 
Crespion, 1656. — Cropion, 1700. — 
Crepio, 1738. 

Creuvé, contrée. 



Creuvé (Le), chemin. 
Grive (La), contrée. 



Morbihan. 



Kerbrest, village. 

Kerbrest, village. 

Brestivan, hameau. 

Kerbrestou, écart. 

Kerbrevais, hameau. 

Kerbrevest, hameau et pont. 

Grevin, village. 

Gribérez, roche sur la rivière de Crac'b, 

entre Crac'h et Carnac. 
Grifet (Le), village. 
Griffons (Les), landes. 
Grippais, écart. 
Grippe (La), village. 
Kergrippe, village. 
Grippé (Fort du), sur l'Océan, côte de 

l'île de Groix. 
Grippez (Le), village. 
Pfesievel, écart. 
Prévas (Le), écart. 

Fuy-de-Dôme. 

Crest (Le), commune. 
Creste, commune. 

Basses-Pyrénées. 

Ghrestiaa (Le), écart (2). 



Hatlonchâtel et Si- 

vry-sur-Meuse, 
Dammarie. 
Cesse. 



Berné. 

Guidel. 

Theix 

Lanvènégen. 

LimerzeL 

Bubry. 

Arradon. 



Plougrifet. 

Guer. 

Guillac. 

Caden. 

Gourin. 



Saiut-Bolay. 

Pluneret, 

Saint-Dolay. 



Cosledaa-Lube-Bo- 
ast. 



i 



(1) Ce mot se trouve dans plusieurs départements. 

(2) Ce mot qui, dans les Pyrénées, sert à designer les cagots, doit 
avoir une origine commune avec le nom de crétins ou crestins que Ton 
donne dans les Alpes à des malheureux aussi à plaindre au point de 



— 89 — 



LOCALITÉS. 

Chresliaa (Le) ou le Crestia, ferme. 
Creslia ou Chresliaa, écart. 
Creslia, écart. 
Crestia, ferme. — Lo Crestiaa, 1385. 

Id. 
Crestiaa, ferme. 
Crestiaa (Le), écart. 
Crestiannes (Les), écart. 
Creslianottes (Les), écart. 
Creslias (Les), écart. 
Grel (Le), ruisseau. 

Haut-Rhin. 

Cret (Le) et Trepont, hameau . 

Crests(La Chapelle de). — Im Cret, 1544. 

Crestschi, ruisseau. — Kretschy (Carte 
hydrographique).— Gretschy (anc. ca- 
dastre*. 

Cretschiberg, mont. 

Crety (Au), cantons des territoires d'Ar- 

giesans et de Chèvremont. 
Cristés /Les), hameau.— Cristey (anc.' 

cadaslre). 
Grippes fLes). 
Grive (sur le). 
Krebsgraben, ruisseau. 
Kripfen, 1717. 
Kripfmatten, 1568. 



Crète il, commune. 
Critot, commune. 



Seine. 



Seine-Inférieure. 



Grivesnes, commune. 



Crestet, commune. 



Somme. 



Vaucluse. 



COMMUN KS. 

Garlède-Mondebat. 

Arroses. 

Castillon. 

Carresse. 

Saliespisse. 

Bouillon. 

Gerderest. 

Denguin. 

Casteide-Cami. 

Dognen. 



Beaucourt. 
Coucelles. 

Sainte -Marie -aux- 

Mines. 
Sainte -Marie- aux - 

Mines. 



Baroche. 

Fêche-l'Eglise. 

Chèvremont. 

Feidkirck. 

Sigolsheim. 

Sentheim. 



vue physique que sous le rapport moral. Ils paraissent avoir l'un et 
l'autre pour radical le, mot crest, et signifier habitants des crêtes ou des 
montagnes dans lesquelles cette race maudite dut être primitivement 
reléguée on raison de l'horreur qu'elle inspirait aux autres hommes. 



— 90 — 



LOCALITÉS, 



COMMUNES. 



Yonne. 



Cravan, commune. — Crevennus, 901. 
— Crebanum, XII* siècle. — Crèvent 
et Crevenz, 1160-1167. — Cravant, 
1226. — Cravent, 1368. 

Creverats, hameau. 

Gravon, ferme. 

Grivet, chemin. 

Grivot, lieu détruit. 

Grivois (Les), hameau. 



Cerisiers. 

Venizy. 

Trichey. 

Ronchères. 

Saints. 



Afirt de rendre plus sensibles les rapports existant enire les 
noms de lieux qui figurent dans cette table, où ils sont classés 
par départements, je crois utile de la faire suivre d'une 
seconde table où ces localités seront rangées suivant Tordre 
alphabétique. 

Noms de lieux où le G s'est conservé. 



LOCALITÉS. 

Cravan. — Crevennus. — Crebannum. 
Crepeloup. 
Crepily. 

Crepion. — Crupion. — Crispeium. — 
Crespeium. — Crîppion. — Creppion. 

— Crespion. — Cropion. — Crepio. 
Crès (Le), fermes, hameau et mont. 
Crest. 

Crest (Le) et Creste. 

Crestat. 

Crestet. 

Crestet. 

Crestia ou le Chrestiaa, Crestiannes. 

— Crestianotes et Crestias, écarts et 
fermes. 

Creslot. 

Cret(Le). 

Crête (La). 

Crète il. 

Creton. • 

Crets ou Cret. 

Cretschi. — Kretschy. — Grelschy. 

Crelschiberg. 

Crelteville. 

Crety. 



DÉPARTEMENTS. 

Yonne. 

Gard. 

Finistère. 



Meuse. 

Gard. 

Drôme. 

Puy-de-Dôme. 

Gard. 

Ardèche. 

Vaucluse. 



Basses-Pyrénées. 

Eure. 

Haut-Rhin. 

Haute-Marne. 

Seine. 

Eure. 

Haut-Rhin. 

Manche. 
Haut-Rhin. 



— 91 - 



LOCALITÉS. 

Crevé. 
Crevé (Le). 

Crèvecœur. 

Crevecor — Crebecor, 1596. 

Lescreven. 

Creveney. 

Creverats (Les). 

Criben. 

Creac'h-Criben. 

Quenec'h-Gribet. 

Coz-C'hribin. 

Cribinec. 

Crip. 

Crevet. 

Cris tes (Les). 

Cristol. 

Critot. 

Krebsgraben. 

Kripfen, 1717. 

Kripfmalten, 1568. 



DÉPARTEMENTS. 

Meuse. 

Calvados,Nord,Oise, 
Seine-et-Marne, 
Oise. 

Gard. 

Finistère. 

Haute-Saône. 

Morbihan. 



Finistère. 



Aisne. 
Haut-Rhin. 
Calvados. 
Seine-Inférieure. 

Haut-Rhin. 



Mutation normale du C en G. 



Gravas (Le). 

Gravât (Le), 1554. 

Graves (La), et les Graves. 

Graventes (Les). 

Graverou (Le^. 

Graveson (Le) 

Gravon. 

Gret (Le). 

Kergreven. 

Grevin. 

Gribérez 

Grif et (Le) . 

Griffons (Les) . 

Kergrip. 

Grippais. 

Gripardière fLa). 

Griperets (Les). 

Grippe (La). 

Grippe (La). 

Kergrippe. 

Grippé. 

Grippez. 



Gard. 



Yonne 

Basses-Pyrénées. 
Finistère. 
Morbihan. 

Morbihan. 

Finistère. 
Morbihan. 

Eure-et-Loir. 



Morbihan. 



— 92 — 



LOCALITÉS, 

Grippes ( Les). 

Grippet (Le). 

Grive (La). 

Grive (sur le). 

Grives. — Grivas, XIII - siècle. 

Grivesne. 

Grivet. 

Grivois et Les Grivots 



DÉPARTEMENTS. 

Haut-Rhin. 

Eure-et-Loir.- 

Meuse. 

Haul-Rhin. 

Dordogoe. 

Somme. 

Yonne. 



Mutation du C. en P. 



Preslevel. 

Prevas. 

Privas. 

Privas. 

Privât. 

Privats (Les). 

Privezac. 



Morbihan. 
Ardècbe. 

Gard. 

^Aveyron. 



Mutation du C en 6. 



Brès (Le). 

Brest. 

Brefct. 

Brest-lier, 

Kerbrest. 

Pont-ar-Brest. 

Kerbrest. 

Brestalou (Le). 

Lambresten. 

Bresli van. 

JBrestol. 

Kerbrestou. 

Brelx. 

Kerbrevais. 

Kerbrevest. 

Brivarde. 

Brive. 

Brives*sur Charente. 

Brives. 

Brives. 

Brivet. 

Brivezac. 



Gard. 
Gard. 



Finistère. 

Morbihan. 

Gard. 

Finistère. 

Morbihan. 

Eure. 

Morbihan. 

Haute-Garonne. 

Morbihan. 

Aisne. 
Haute-Loire. 
Charente. 
. Corrèze. 
Indre. 

Loire-Inférieure. 
Corrèze. 



Ces listes renferment assez d'intermédiaires pour qu'il ne 
. reste aucun doute sur la régularité des étymologies mention- 



— 93 — 

1 

nées plus haut» Je crois cependant, pour plus de clarté, devoir 
établir entre quelques-uns d'entre eux les rapprochements sui- 
vants. 

Cbibates. = Brivates. 

Dérivés. Dérivét. 



Cribet, Grifet (Finistère. Mor- 
bihan, Eure-et-Loir, Yonne, 
etc.). 

Crevet, Crèverais, Grivat, Gri- 
vot (Aisuc, Yonne, Morbihan, 
etc.). 

Greslet, Crestat, Crestot, Cris- 
lot, Critot, Cristes (Gard, 
Ardècbe, Vaucluse, Calva- 
dos, Haut-Rbin, etc.). 

Crest, Crets, lat. Crista(Jùràme % 
Haut-Rhin, etc.). 



Brivet = Privât (Loire-Infé- 
rieure, Gard, etc.). 

Ker-Brevest, Ker-Brevais, Pri- 
vais, Prevas, Brivas, Brives, 
(Morbihan, Gard, Ardèche, 
Corrèze^Indre, etc.). 

Brestot,Kpr-Breslou,Lam-Bres- 
ten/ -Brestalou, Preslevel, 
Brivezac, (Eure, Gard, Fi- 
nistère, Morbihan, etc.). . 

Brest, Bretx, lat. Bresta (Fi- 
nistère, Morbihan, Haute- 
Garonne). 



Avant de quitter ce sujet, je dois faire remarquer le rapport 
existant entre crib et bric » brig (I), qui a le même sens de 
« lieu élevé » et d'où les Bri gantes, peuples qui habitaient la 
Gaule et la Bretagne, ont pris leur nom. La forme primitive 
de ces deux mots peut bien avoir été crue = crug (montagne) 

mot celtique qui existe encore, et dont on peut rapprocher bre 
et crec'h, lat. mons % colles. La loi de mutation, développée trop 
longuement peut-être dans ce travail, autoriserait donc à faire 
de ces divers mots celtiques, le classement suivant : 

Cruc 
Crib. —Bric. 
Crech. — Bre. 

Ces mots, comme je viens de le dire, signifient tous « mon- 
tagne » ou « colline. » Je pense que cruc a dû donner son 



(1) Pour la signification du mot brig, voir la Revue archéologique, 
année 1878, 2 e semestre. 



- 94 — 

nom â bruc, lat. erica, qui est par excellence une plante de 
modtagne. 

On peut, je crois, résumer de la manière suivante ce qui 
ressort, an point de vue philologique, des observations qui pré- 
cèdent. 

1° Primitivement la consonne c (g, k, ch) avait dans la lan- 
gue celtique la valeur de cv = qv ; ez : qvatvùr (petvar) ; 
qvinque (pemp) ; eqvvs (ech, ebeul) ; maqv (map, mab), etc. 

2° La lettre auxiliaire v n'est franchement ni voyelle ni con- 
sonne. C'est une aspiration nasale et légère qui lient le milieu 

# 

entre ces deux catégories de lettres ; ex : hanv, nom (hanvet, 
nommé) = hano ; marv, mort (mervel, mourir) = maro; tarv, 
taureau = taro. Dans ces derniers exemples donnés avec 
l'orthographe moderne, le son de Vo terminal est très-faible et 
je le répète, intermédiaire à celui du v et de Yo français. 

3° Cette double lettre cv s'est transformée de là manière 
suivante. Tantôt le v est tombé, et la consonne c a conservé sa 
valeur actuelle; ex : cran y crt'6, cenn % etc. Tantôt au contraire, 
c'est le c initial ou terminal, qui est tombé, et alors le v s'est 
changé enp = b ; (voiries exemples cités plus haut) (I). 

Il me reste pour compléter ce travail, à répondre sommaire- 
ment aux autres objections que l'on a opposées aux partisans de 
l'opinion qui place à Brest le Brivates Portus de Ptolémée. 
Elles sont au nombre de deux : 

I. 

Si l'on place Brivates-Portus à Brest, on intervertit l'ordre 
suivi par Ptolémée dans rénumération des lieux situés entre la 
Loire et Gobaeum promontorium, et dont voici le texte latin que 



(1) Il y aurait à faire des remarques analogues au sujet de g = gv 
(voir page 54), de II (l) qui se change tantôt en pi (leun, lat. plenus) ; 
tantôt en cl (llef, lie fa, llevain, lat. clamare) ; llaw (mamis), engl. claw, 
griffe) , etc. 



— 95—' 

je puis seul donner, n'ayant pas de caractères grecs à* ma dis- 
position. 

Post Ligeris ostia fluvii, 
Brivates Portus, 
Herii fluvii ostia, 
Vindana portus, , 
Gobaeum promontorium. 

Pour répondre à cette objection, jeciterai les lignes suivantes 
d'un savant bien connu, M. E. Desjardins :♦ 

a La marche du géographe ancien (Ptolémée) est souvent 
peu rigoureuse dans sa description des côtes, témoin celle des 
Bouches-du-Rhône, dans laquelle il place les Fossae Maritime, 
à l'ouest des estuaires naturels du fleuve » (1). 

Malgré cette observation, réminent géographe moderne ne 
place pas à Brest, Brivates-Porlus. 

« Brest, ajoule-t-il, a ses antiquités, mais n'a pas de vestiges 
subsistants de voie romaine, et Ton ne saurait citer en sa faveur 
la prétendue analogie de Brivates et Gesocribate avec Brest, 
car ce sont pour nous trois noms fort différents » (2). 

Les pages qui précèdent répondront peut-être à la partie 
philologique de l'objection. Quant au reste, il est certain qu'à 
l'époque où fut publié le remarquable travail de M. Desjardins, 
l'étude des voies romaines, fort mal conservées an Bretagne, 
il faut le reconnaître, était loin d'être avancée dans le Fi- 
nistère ; elle a fait depuis quelques progrès, et il est aujour- 
d'hui incontestable qu'il existe autant de vestiges de voies ro- 
maines se dirigeant vers Brest, qu'il en existe dans la direction 
de la plupart des autres localités antiques de ce département. 

Sous le bénéfice de ces observations, je retiens la remarque 
de H. Desjardins, et je dis que puisque Plolémée s'est mani- 
festement trompé dans sa description des côtes des Bouches- 

■ . ■ !.. I. ■ ■ I ,, . - ■ , , , ..., Il, I _ 

(1) Géographie de la Gaule d'après la Table de Peutinger. Paris, 
Hachette, 1869, page 199. 

(2) Ibid, page 200. 



— 96 — 

du-Rhône, il a bien pu se tromper dans celle des côles occi- 
dentales de la Gaule. Je m'empresse d'ajouter que Terreur est 
peut-être le fait, d'un copiste qui aurait simplement interverti 
l'ordre des noms dans la description du géographe grec. 

En admettant cette interversion, .efiuvius Herius sq retrouve 
naturellement dans TAvo^, rivière de Châteaulin (Finistère), qui 
a conservé jusqu'à nos jours, à sa source, le nom de rivière 
d'Hierre(l). 

Il est vrai que d'Anville identifie le fluvim Herius avec la 
Vilaine. Après avtfir exprimé celle opinion, il ajoute : « Je vois 
même une trace du nom Herius dans le nom de Treig-hier que 
l'on donne encore actuellement au passage de la Vilaine entre 
la Roche-Bernard et l'embouchure de cette rivière. Car on 
croira volontiers que Treig-hier vient de « Trajectum Herii. » (2) 

L'argument est spécieux ; mais outre que Grégoire de Tours 
nous apprend que le nom antique de la Vilaine était Visnonia 
dont l'équivalent celtique est Gweznon, non identique à celui de 
Couesnon, rivière qui séparait la Bretagne de la Normandie (3), 
je ferai d'abord remarquer que ce nom, qui est celui d'un 
village et d'une rade près de l'embouchure de la Vilaine, n'est 
pas Treig-hier^ mais Trehiguier, et si l'on veut prendre la 
peine de remonter à son orthographe ancienne, on voit qu'il 
s'écrivait Treheguer en 1128 (Cait. de Redon), Trehegel aliàs 
Trethilkel, h une autre date du XII e siècle (lbid.), Treiselguer 
en 1281 (Dom Morice, Hist. de Bretagne). 

Dans ces quatre formes d'un même nom, dans deux des- 
quelles on remarque la substitution irrégulière du l au r final, 
il n'est possible en bonne critique de voir autre chose que les 
mots Treiz-guer ou Tresseul-guer qui signifient « Passage de la 
ville » Trajectum civitatis (i. e. ad civltatem). On sait en effet 



(1) Géographie de la Gaule. 

(2) Voir mon travail sur les Osismii et les Veneli dans la Revue ar- 
chéologique, aunée 1872, i* r semestre, et mon article sur Vorganium, 
Vorgium et la citée des Osismii dans le Bulletin de la Société archéolo- 
gique du Finistère, T. H. p. 66. 

(3) Voir plus haut, page 55 note 2. 



— 97 — 

que Treiz (en Vannes, Trch et Treih avec l'aspiration douce 
qui remplace le z dans ce dialecte, et qui explique la forme 
Tréheguer), et Trezel ou Treuzeul, qui n'est que le même 
mot avec un suffixe, ont la signification de « Passage de 
rivière. » Il existe dans la commune d'Argol (arrond. de Châ- 
teauliu, Finistère), sur la rive gauche de l'A von (auj. Aulne), 
un village dont le sol a conservé des subslructions romaines, et 
qui porte le nom de Treuzeulom ou Trazelom, altération de 
Treuzeul-amn ou Treuzeul- avon « Trajectum-amnis. » 

11 n'y a donc aucune raison de voir dans le nom du village de 
Treheguer, dont l'orthographe est régulièrement Vannetaise, le 
nom (ÏErius fluvius. Mais quelle était cette ville où conduisait 
ce passage de rivière ? Ce ne pouvait être, à mon avis, que la 
ville de Vannes, la capitale des Veneti, et comme je ne suis 
pas encore converti à la brillante théorie qui veut faire des 
marais de Guérande le théâtre de la grande lutte de César con- 
tre les Vénètes et leurs alliés, je ne suis pas éloigné de penser 
que ce fut à l'endroit où est aujourd'hui situé le village de 
Treheguer, que le conquérant romain traversa la Vilaine pour 
marcher contre Dariorigum et son territoire. Car, bien que je 
n'admette en aucune façon que }a bataille navale qui mit la 
victoire dans la main de l'envahisseur, ait eu lieu dans le golfe 
du Morbihan, je ne saurais me soustraire à la conviction que, 
bien que ce golfe ait pu depuis celte époque être quelque peu 
modifié dans sa configuration physique, c'est dans le voisinage 
de Locmariaker (Locus Marie civitatis) qu'était situé le port 
d'où sortit la flotte gauloise, et que dans celte lutte gigantes- 
que, la capitale du peuple puissant qui s'appelait les Veneti, 
avec son sénat si grand, si glorieux dans son auréole de sang, 
avec son territoire si plein d'imposants souvenirs qui se dressent 
comme autant de lémoins^du passé, n'a pas rempli le rôle effacé 
que lui prête l'opinion qui prévaut aujourd'hui. Mais pour soute- 
nir utilement cette thèse, il me faudrait plus de temps et plus 
d'espace que je n'en ai en ce moment à ma disposition. Celle 
question serait d'ailleurs, un hors-d'œuvre dans ce travail, 
mais j'espère bien y revenir plus tard. 



— 98 — 

Cette longue digression m'a fait perdre de vue Vindana 
Portas qui suit Brivates Portus dans la description de Ptolémée. 
Je verrais volontiers dans Vindana, une forme altérée par méta- 
thèse, de Vinada = Veneda dont l'équivalent celtique est Vened 
ou Gwened, mot qui désigne aussi bien le pays que la ville dé 
Vannes (1). Dans cette hypothèse Vindana Portus signifierait 
le « port des Vénètes », et comme il est impossible d'identifier 
ce port avec Dariorigum, que le même géographe cite comme 
capitale de ce peuple (2), on pourrait le placer à Locmariaker, 
qui a conservé des ruines romaines importantes, notamment 
celles qui portent le nom de Vastei (castellum) (3). (Voir dans 
le dictionnaire d'Ogée l'article Locmariaker). J'ajouterai que ce 
nom de « port des Venètes » ne saurait avoir d'autre signifi- 
cation que celle de « port principal des Venètes. » Or, à 
moins d'enfouir l'évidence sous des monceaux d'hypothèses, il 



(1) M. Ramé, dont la Revue des sociétés savantes (T. VII, 1878), 
m'apporte, pendant que je corrige cette feuille, une très-intéressante 
notice, où il est question de Brivates Portus, comme on le verra plus 
loin, exprime dans ce travail l'opinion que Veneda pourrait être iden- 
tifié avec Guérande, que le cartulaire de Redon mentionne plusieurs 
fois sous le nom de Wenran. Le nom de cette dernière localité est aussi 
Wenrann dans le cartulaire de Landévennec, manuscrit du XI e siècle 
(de Baht (tic) Wentann). Mais l'étymologie de ce nom est, je crois, bien 
connue. Il.se compose de ran ou rannn patrimoine» radical du verbe 
ranna « partager » et de Gwen, nom d'homme et de femme, qui si- 
gnifie blanc, et qui est très-fréquent, surtout comme nom de femme, 
chez les bretons gallois et armoricain, à une époque ancienne de notre 
histoire, Wen-ran doit donc se traduire par « Patrimonium Alb® ou 
Abi. » 

(2) De même que Ptolémée dans sa description des côtes occidentales 
de la Gaule, ne mentionne pas Dariorigum, de même dans sa descrip- 
tion des côtes septentrionales, il passe sous silence Vorganiurn, capitale 
des Osismii. Comme il cite ailleurs les noms de ces deux capitales, il 
semble résulter de cette observation une intention arrêtée de la part du 
géographe, de ne pas se répéter. 

(3) Dans un travail publié il y a quelques années (les Osismii et les 
Veneti, Revue archéologique 1372, 1 er semestre) J'avais proposé l'identifi- 
cation de Vindana portus avec Douarnenez. Mais comme cette localité 
n'a conservé aucune trace de nom antique, cette identification ne pouvait 
être qu'une pure hypothèse. Le rapport que je crois apercevoir entre 
Vindana et Veneda justifie ma nouvelle opinion, qui ne modifie, du 
reste en aucune façon, ce que j'ai dit de l'importance incontestable de 
Douarnenez et de sa splendide baie &ux époques gauloise et gallo- 
romaine. 



; 



- 99 — 

est difficile de placer ce port principal ailleurs que dans le 
golfe du Morbihan, c'est-à-dire dans le voisinage de Dariorigum, 
capitale des Venètes. 

Je résume en deux lignes ce que je viens de dire en réponse 
à la première objection. 

Si Brivates Portus doit, être placé à Brest, Herii fluviiostia 
à l'embouchure de TA von dans la rade de ce port, et Vindana 
Portus à Locmariaker, Tordre dans lequel sont placées ces 
localités est exactement l'opposé de Tordre suivi dans la des- 
cription de Ptolémée, et celte circonstance vient à l'appui de 
l'hypothèse émise plus haut à la page 96. Ex. : 

l^ Opinion : 2 e Opinion : 

Ligeris ostia. Ligeris o$tia. 

Brivates portus (Le Brivet). Brivates portus (Brest). 

Herius fluvius (La Vilaine) . Herius fluvius (L'Hierre) . 

Vindana portus (?). Vindana portus (Locmariaker, 

Porz-Vened) . 
Gobaeum promontorium. Gobaeum promontorium. 

Deux remarques résultent de la comparaison de ces listes : 

1° Dans h première, celle admise par Topinion qui a généra- 
lement cours, la ville, port où forteresse de Brest, qui depuis 
l'époque gallo-romaine a été le point le plus important du 
littoral ouest de la III e Lyonnaise, n'est pas mentionnée. 

2° Dans la seconde liste, les noms actuels des deux premières 
localités (Brest et Hierré) sont la reproduction exacte des 
noms anciens. Il en est de même du troisième, car le port ou 
rade de Locmariaker est en réalité le grand port de Vannes 
ou du Vannelais. Celte coïncidence est loin d'exister dans la 
première liste. 

11 suffit donc d'admettre une simple interversion dans l'ordre 
des localités situées entre l'embouchure de la Loire et le Pro- 
montorium Gobaeum, pour arriver à une conclusion qui parait 
de nature à satisfaire l'esprit le plus prévenu. 



— 100 — 



II 



J'arrive à la deuxième objection. 

« Ii existe à l'embouchure de la Loire une petite rivière 
appelé le Brivet, qui se jette dans ce fleuve à Méan, dont le nom 
ancien, Briva et Brivata flumen{\) ) et la situation répondent 
trop bien à ceux de Brivates Portus de Ptolémée, pour qu'il y 
ait lieu de le chercher ailleurs. • 

Cette thèse soutenue d'abord en 1823, par M. Àlenas, dans 
le Lycée armoricain, a depuis été acceptée ou'défendue par 
MM. Siochan de Kersabiec, E. Desjardins et Pocard-Kerviler, 
ingénieur des Ponts et Chaussées, qui a dirigé récemment 
d'importants travaux à Saint-Nazaire. M. Atenas place Brivates 
Portus, à l'élier de Méan, petit port où la rivière Brivet se 
jette dans la Loire. Ne connaissant pas le travail de M. de Kersa- 
biec, je ne puis citer que par ouï-dire son opinion qui serait 
conforme à la précédente. La préférence de M. Desjardins pour 
le voisinage du Brivet de la Loire ne m'est connue que par sa 
Géographie de la Gaule (2). Quant à M. Kerviler, il n'hésite 
pas à placer cette antiqne localité à l'embouchure d'un ancien 
cours du Brivet qu'il a découvert à Peuhoat. Toutes ces 
opinions s'appuient plutôt sur la similitude de nom que sur la 
situation de cette rivière, qui ne se jette pas dans le fleuve, 
PostLigeris ostiafluvii, mais dans l'intérieur du fleuve et plus 
ou moins en amont de son embouchure. Or il me paraît impos- 
sible de voir dans la description de Ptolémée des localités 
situées ailleurs que sur le rivage de l'Océan, en dehors et au 
nord de l'embouchure de la Loire. Cette objection a je crois 
son importance. Elle démontre en effet qu'il n'y a pas lieu d'a- 



(1) Dom Morice, Bist, de Bretagne, preuves, I, pp. 473 et 547. 

(2) Page 199. Il m'a été jusqu'ici impossib e de rae procurer le grand 
ouvrage en cours de publication de M. Desjardins; yz lis cependant 
dans le travail de M. Ramé cité plus h *ut (page 98). « Celte considération 
avait conduit M. Desjardins à reporter Brivates Portus plus au nord, 
et il 1 avait placé dans la passe septentrionale de Guérande, près de Saiat- 
Lyphard. » 



— 101 — 

jouter une confiance absolue à l'exactitude de l'ordre suivi par 
Ptolémée dans sa description : car si Brivates Portus est Brest, 
il existe une erreur dans le document en question ; si Ton doit 
identifier cette localité avec le Brivet, Terreur n'en est pas 
moins manifeste. 

Mais il est un autre point de discussion qui a sa valeur et 
qu'il n,e faut pas perdre de vue. Dans les travaux des partisans 
du Brivet de la Loire, qu'il m'a été permis de lire, je trouve bien 
une petite rivière qui coule tantôt ici, tantôt là, et qui finit par 
perdre la moitié de son cours. Mais je suppose que puisque 
Ptolémée a pris la peine de mentionner un port appelé Brivates, 
il n'a pas voulu désigner un simple cours d'eau, mais la ville 
baignée par ce cours d'eau. Le meilleur argument qui pût 
être mis en avant k l'appui de la préférence à donner au Brivet 
de la Loire, serait donc, à mon avis, designaler,sur ses bords, les 
ruines d'une localité antique de quelque importance. Je re- 
grette de le dire, mais j'ai suivi avec le plus grand in- 
térêt les comptes rendus des travaux considérables exé- 
cutés à Saint-Nazaire par M. Kerviler, et je n'ai rien 
trouvé dans ses découvertes qui puisse répondre au de- 
sideratum exprimé plus haut. Et cependant, pour la conser- 
vation de ruines antiques, quel moyen plus efficace que ce linceul 
de sables et de vases qui aurait, dans l'opinion de M. Kerviler, 
recouvert non seulement Brivates Portus, mais bien d'autres 
villes mortes de la poime de Guérande ! Il faut bien le recon- 
naître, tout en le regrettant, les grandes espérances conçues au 
début des travaux, et qui promettaient de transformer en faits, 
des hypothèses trop frêles pour servir de bases aux colonnes de 
l'histoire, ne se sont pas réalisées. 

Hais il serait hors de propos de m'étendre plus longuement 
sur ce point, car voici une nouvelle opinion qui vient d'être 
émise par un savant des plus autorisés. Dans le travail men- 
tionné à la page 98, M. Ramé admettant l'existence d'un golfe 
maritime à l'embouchure de la Loire, à l'époque romaine, sup- 
prime le cours tout entier du Brivet inférieur, celui dont M. Ker- 

SOC. ÀRCHÉOL. DU FlMSTiRE.— T. VI. 8 



— 102 — 

viler avait t'ait la découverte, et le confond avec la mer. 

« C'est plus haut, ajoule-t-il, dans l'intérieur des ter i es, qu'il 
faut cherche!, je crois, le Brivates Portas. Le cours du Brivet 
supérieur encaissé d'abord entre des coteaux élevés, ne tarde 
pas à s'élargir et à déboucher dans les marais de Saint-Gildas 
qui furent scieur jour un bassin maritime (I). Sur la rive nord de 
ce bassin existe un village du nom de Brivet. Le cours d'eau 
partant de ce point pour aboutir à la Loire a ainsi, comme 
beaucoup d'autres petites rivières, tiré son nom du lieu habité 
le plus notable, placé vers sa source. C'est dans ces parages 
qu'une exploration du sol et surtout du sous-sol, pourrait être 
utilement poursuivie à la recherche de Brivates portus. » 

II est dans les lignes qui précèdent un point sur lequel je ne 
puis être d'accord avec M. Ramé. Au lieu d'admettre avec lui 
que la localité a donné son nom à la rivière, je pense que c'est 
celle-ci qui a donné le sien au village de Brivet, et j'en trouve 
l'origine dans cette circonstance, qu'elle est encaissée entre des 
coteaux élevées, c'csl-à-dire entre des Crib ou Cribet = Prit; 
ou Brivet, d'où elle a tiré son nom qui signifie, par conséquent, 
Rivière des crêtes ou des coteaux élevés. 

M. Ramé n'a pas trouvé dans le territoire de Brivet, de ves- 
tiges romains; il engage à les chercher « dans le sol et surtout 
dans le sous-sol. » Mais la découverte de ces vestiges ne serait 
pas encore une solution. Car tout en sujwosant à l'entrée de la 
Loire, l'existence d'un golfe intérieur, M. Ramé maintient cette 
entrée à Saint-Nazaire. Or comme le village du Brivet dont il 
propose l'identification avec Brivates Portus, est encore bien 
plus avancé dans les terres que ne l'était l'embouchure du Brivet 
proposé pour cette identification par les archéologues et les 
géographes qui l'ont précédé, il s'en suit à fortiori? que l'on 
ne pourrait se ranger à son opinion, à moins de reconnaître 



({) Cette hypothèse d'une mer intérieure dans les marais de Saint- 
GiWas. qui sont aussi connus sous le nom de marais du Brivet* a été 
développée par M. Atenas dans son Mémoire sur Brivates Portus 
(Voir le Lycée armoricain, année 1823). 



— 103 — 

que Brivates-Portus était « dans la Loire » et non « au delà * 
de l'embouchure de la Loire. L'objection que j'ai formulée 
à la page 96, conserve donc toute sa force. 

Pour moi, après avoir prouvé à satiété que Cribates et Bru 
vates sont deux formes d'un même mot, qui ont eu de nombreux 
dérivés, dont des centaines de localités ont gardé le nom en 
France, je n'hésite pas, ayant le choix entre deux de ces loca- 
lités, à préférer le Château de Brest, avec son port, ses courti- 
nes et ses traces de tours romaines encore visibles, à un misé- 
rable petit village, sans histoire et sans l'ombre d'un vestige 
antique, et dont l'identification avec Brivates Portus porterait 
à l'exactitude de la description de Plolémée, le même préjudice 
que l'opinion contraire. 



NOTES SUPPLEMENTAIRES. 

1. — Dans le travail qui précède, je me suis particulièrement attaché 
au dialecte armoricain pour la citation et l'orthographe des mots. Ce 
dialecte me présente, en effet, un intérêt que n'ont pas d'autres dialectes 
celtiques. Le pays dans lequel plusieurs centaines de mi'le personnes 
le parlent encore aujourd'hui, était occupé par des gaulois lorsque des 
émigrés parlant à peu près la même langue, vinrent s'y établir. Il 
résulte de l'expérience que j'ai pu tirer de mes recherches et de mes 
études locales, que dans ce pays dont la condition fut si misérable 
pendant Foccupat'on romaine, les vainqueurs n'ayant souci que de la 
doc lité des populatious, n'essayèrent pas de leur enlever leur langue 
et leurs coutumes. 

Il est donc logique de penser que dans cette rencontre de deux dia- 
lectes celtiques au V e et au VI© siècle, il n'y eut suppression ni de l'un 
ni de l'autre, mais qu'il en résulta une fusion qui doit permettre de re- 
trouver, dans le dialecte armoricain bien des mots gaulois. 

2. — Pour ne pas augmenter oulre mesure le nombre des pages, 
j'ai dû dans certains cas, me borner à de simples assertions qu'il eût 
été peut-être nécessaire d'appuyer d'arguments dont le développement 
m'aurait entraîné trop loin. Ainsi, en ce qui touche la substitution des 
voyelles celtiques les unes aux autres, après avoir avancé (page 58, 
note i) que Ton peut comparer Ed~us fluvius à Od-et, rivière de 
Quimper/j'aurais dû ajouter : Oi-et et Ed-u$ sont deux radicaux iden- 
tiques signifiant rivage, lieu baigné par les eaux, suivis l'un d'un 
suffixe gaulois et l'autre d'un suffixe romain. Je dis identiques parce 
que Od •=. Ed t comme Frot ou Frout, ruisseau, = Fret (lat. fretum) 
comme Jtfarchoc *=* Marcheuc f=î Marchec; comme Caradoc =; Cara- 
deuc ?=: Caradec, etc. 

La note suivante aurait pu trouver sa place à la page 93. 

3. — La colline qui domine au sud la \ille de Quimper s'appelait mont 
Crugy au XV e siècle, et porte aujourd'hui et au moins depuis te siècle 



— 104 — 

dernier, le|nom de mont Frugy; e'ett an etenple presque contemporain 
de la loi de mutation du c, et analogue à celui que j ai cité page 71, 
note 1. 

4 . — Le président Fauchet pensait que la ville de Venise avait été 
fondée par une colonie de Vénéti-armoricains. Guillaume Lejean parta- 

Î;eait la même opinion, et.cette thèse a été soutenue par d'autres. (Voir 
a note page 59). 

R.F. Le Mb*. 

Après la lecture de ce mémoire, M. le Président 
communique à la Société une lettre où M. Kerviler, 
développant son télégramme du 28 septembre dernier, 
lui adresse plusieurs citations au'sujet des prétendues 
pierres de foudre. 

A Monsieur de la Villemàrqu^ Président de la Société 

archéologique du Finistère. 

Monsieur le Président, 

J'ai bien regretté de ne pouvoir vous envoyer qu'une dépêche 
pour votre intéressante communication : j'avais fait mes trou- 
vailles le matin, il était trop tard pour vous écrire une lettre 
qui pût parvenir à temps. J'ai été surtout doclus cum libro. 
Sauf le passage de Buffon, tout le reste m'a été fourni par 
Evans (1), même le remarquable passage de Marbode, évêque 
de Rennes au XI e siècle, sinon pour le teite, au moins pour 
les indications. Voici les principales : 

Marbodœi Galli cœnomanensis de gemr^arum lapidumque 
preciosarum formis, etc. (Cologne tô^9, p. 48.) 

« Ventorum rabie cum turbidus œsluat aër, 
« Cum tonat horreudum, cum fulgurat igneus œther, 
« Nubibus elisus cœlo cadit ille lapillus, +• 

« Cujus apud Grsecos exslat de fulmine nomen : 
« Illis quippe locis, quos constat fulmine tactos, 
« Iste lapis tantum reperiri posse putalur, 

(1) The ancient ttone implemets, p. 50. 



- 105 — 

« Undè Keraunios est graeco sermone vocatus ; 
« Nam quod nos fulmen, Graeci dixere Keraunon. 
« Qui caste gerit hune a fulmine non ferietur, 
« Ne c do m us autvillœ, quibus aiïuerit lapis ille : 
« Sed neque navigio per flumina vel mare vectus, 
« Turbine mergetur, nec fulmine percutietur : 
€ Ad causas eliam, vincendaque prœlia prodest, 
« Et dulces somnos, et dulcia somnia prœstat. » 

J'arrive aux époques modernes : 

Mercati, médecin du pape Clément VIII, à la fin du XVI e siè- 
cle, soutint le premier que les pierres de tonnerre étaient 
les outils des peuples primitifs (Btbliotheca Vaticana, p. 242.) 

Au XVII e siècle il y eut des discussions en Allemagne et en 
Angleterre à ce sujet. En Allemagne il faut citer surtout 
Aldrovandus en 1648, Gesner, Boethius, Besler, Wormius, etc. 
En Angleterre les docteurs Plot (1686) et Lister (voir Philoso- 
phical transactions of the royal Society, n° 201.) 

Au XVIII e siècle, vous trouverez au lome XII des Mémoires 
de F Académie des Inscriptions et Balles-Lettres (p. 163 — 169), 
un très-remarquable mémoire de Mahudel sur les prétendues 
pierres de foudre employées par les premiers hommes pour les 
arts. Je vous avoue franchement que j'ai été stupéfait en lisant 
ce mémoire et en examinant les deux planches qui repré- 
sentent des haches de pierre de toute forme. Les archéologues 
modernes n'ont rien inventé; nous découvrons tous les jours 
ce qu'ont découvert nos anciens. 

C'est probablement à la suite de ce mémoire que Buffon 
écrivit la phrase que j'ai remarquée au commencement du 
chapitre de ses Époques de la nature où il trace l'époque à 
laquelle la puissance de fhomme a secondé celle de la nature. 
La voici : 

« Ils ont commencé par aiguiser en forme de haches ces 
cailloux durs, ces jades, ces pierres de foudre que Von a 
crues tombées des nues et formées par le tonnerre, et qui 



— 106 — 

néanmoins ne sont que les premiers monuments de Fart de 
l'homme ; avec la hache de pierre, il a tranché, coupé les 
arbres, menuisé le bois, façonné ses armes et les instruments 
de première nécessité, etc., etc. • 

Vous trouverez là la description de toutes les armes de pierres. 
Je ne crois pas que. personne ait jamais cité ce passage remar- 
quable. Je le mets à votre disposition, comme tout ce que je 
trouverai encore, et vous prie de me croire, le plus respectueux 
et le plus dévoué de vos collègues. 

René KERVILER. 

Les citations de notre savant collègue sont assuré* 
ment d'un grand intérêt, dit M. de la Villemarqué, 
et j'avoue qu'elles m'étaient inconnues avant la publi- 
cation de M. John Evans, en 1872, et celle de 
M. Cartailhac : Vâge de pierre dans les souvenirs et 
superstitions populaires (1877). Il faut donc attribuer à 
Mercati, suivi par Mahudel et Buffon, l'opinion sou- 
tenue affirmativement par M. le docteur de Closma- 
deuc, et hypothétiquement par M. Littré; mais 
M. Kerviler, n'assistant pas à notre séance du 
28 septembre, ne pouvait pas être, comme on dit, 
à la question. Or, il s'agissait d'indiquer le nom pri- 
mitif et naturel de ce que les archéologues appellent 
aujourd'hui des haches de pierre, et le vulgaire des 
pierres de foudre : c'est ce que je vais tenter de taire. 

LES HACHES DE PIERRE. 

I 

leur nom (Suite). 

A eôté du Musée de Dublin, si riche en pierres antiques de 
toute forme et de toute dimension, existe une bibliothèque non 
moins riche en vieux manuscrits. Ils ont fait le sujet des 



- 107 — 

meilleurs travaux philologiques entrepris depuis vingt ans 
par l'école de Zeuss, et en particulier des leçons d'un érainent 
professeur d'histoire et d'archéologie à l'université catholique 
d'Irlande, M. Eugène 0' Curry; il a publié le résultat de 
ses recherches dans un livre intitulé: Lectures on themanus- 
cript materials ofancient irish history, dont les derniers vo- 
lumes viennent de paraître. Or, ne trouvant nulle part de ré- 
ponse à la question du nom donné aïK pierres polies cunéi- 
formes par leurs fabricateurs eux-mêmes, l'idée m'est venue 
d'interroger la vieille Irlande, à qui 0' Curry a contribuée 
rendre la voix, et j'ai eu recours à l'important ouvrage de ce 
regrettable professeur. Quel n'a pas été mon étonnement, en 
coupant les feuillets du premier volume, de lire à la page 
394 : « Ces instruments si curieusement façonnés, dont nous 
possédons tant de spécimens de toute grandeur au Musée de 
l'Académie royale d'Irlande, et que l'on appelle aujourd'hui du 
nom absurde de Celt, s'appelaient dans l'ancienne langue gaé- 
lique, Lu Milioh ou pierre de guerrier (in ancient gaedhlic 
was called Lia Milidh, or warior's Stone). 

Ita, pierre, est en effet une des formes du mot qu'on trouve 
écrit lié, dans une inscription jugée du IV e siècle par le doc- 
teur Pétrie, du VI*, par le docteur fodd ; que Cormac, au 
IX e siècle, écrit liae, le donnant, comme l'équivalent du grec 
lithos et du latin lapis ; que M. Whilley Stokes reproduit, 
d'après des textes irlandais du moyen âge, sous la forme 
liacc et leg ; que Giraud le gallois écrit llech, au XII siècle, 
Dom Le Pelletier liac'h, au XVII e siècle, et où Ton a tout lieu 
de voir l'origine du mot français liais, Variété de calcaire 
compacte, è grains fins et serrés, des environs de Paris ; en 
citant ce mot M. Brachel le déclare d'origine à lui inconnue 
(par une bonne raison), et M. Littré aussi, mais, en vrai critique 
il le rapproche très- justement du bas-breton liac'h. 

Quant au mot milidh, il n'a pas lieu de nous arrêter ; mal- 
gré son rapport avec miles, il ne vient pas du latin, et 
se trouve en vieil irlandais au datif pluriel dans miledidh, 



— 108 — 

glose de militibus, et dans le singulier mil te, glose de mi- 

litia (Zeuss, p. 577) ; comme miles * et le gallois milwi, il 

Tient, selon Corsenn, du radical sanscrit mil, qui signifie 

réunir, associer, étyraologie bien naturelle, les hommes de la 

milice, les milites ou militaires, étant par excellence les gens 

unis ou associés pour la guerre. 

Pierres de guerrier I Voilà donc le nom que la fille aînée 

de la race celtique donnait très-anciennement à ces haches 

de pierres tranchantes dont se servaient ses fils. Ai-je besoin 

d'ajouter que des textes irlandais nombreux et sûrs justifient 

une pareille dénomination ? 

(Sera continué). 

M. le Président communique à l'Assemblée la note 
spivante qui lui a été remise par M. Le Men : 

A la dernière réunion de la Société archéologique, à l'oc- 
casion de la lecture de quelques documents relatifs aux chouans, 
un membre a fait observer que leur influence s'était fait peu 
sentir dans le département du Finistère. L'observation est 
exacte et je pense que Ton doit attribuer ce résultat, d'un 
côté à la vigilance de nos municipalités, et de l'autre à l'ab- 
sence des chefs ayant l'énergie nécessaire pour soulever les 
masses. Il me paraît hors de doule que s'il s'était trouvé dans 
le Léon, par exemple, des chefs delà valeur de Boishardy, de 
- Jeanjean et de bien d'autres, dont quelques uns était de véri- 
tables héros, ce pays qui est encore resté si attaché aux tra- 
ditions du passé n'aurait pas échappé à leur influence. 

Quant aux chouans, leur projet d'agir sur toute la Bretagne 
est un fait qui ne saurait être contesté. A des preuves qu'il est 
inutile de rappeler ici, j'ajouterai un renseignement peu connu : 
c'est une carte que notre collègue, M. de Kercadio, a eu l'o- 
bligeance de me communiquer et que je mets sous les yeux de 
l'assemblée. Cette carte qui, d'après la tradition, aurait appar- 
tenu à Boishardy, a été gravée en Angleterre et porte le litre 
suivant : 



— 109 — 

« A geometrical survey of the province of Britanny, to 
which hâve been added lower Poitou, and lower Normandy, 
with part of the provinces of Maine, and Anjou, etc. The whole 
including the modem départements of Finisterre, Côte du Nord, 
Morbihan, Basse Loire, Illeet Vilaine, and la Manche; also 
part of those of Calvados, VOrne, la Mayenne, Maine et Loire f 
La Vendée, etc. And published for the use of the French royal 
army acting against the conventional republicans. M.DCCXCV. 
— London. Published by H. Faden, geographer lo his Ma- 
jesty, and lo H. R. H. the Prince of Wales, Charing Cross, 
august 20 th. 1795. » Au frontispice on lit, au-dessous d'une 
fleur de lys, et de l'inscription « In hoc signo vinces, » ce vers 
■ latin : 

« NU desperandum Moira duce et auspiee Moira. » 

Elle est très-détaillée ; tous les principaux chemins y sont 
tracés, et toutes les localités ayant quelque importance y sont 
indiquées par un point rouge. 11 est clair que cette carte était la 
carte routière des chouans, et que leur intention était d'opé- 
rer dans le Finistère, comme dans les départements voisins. 
Elle comprend outre la Bretagne, le Maine et la Basse-Norman- 
die. Elle est divisée en quatre feuilles collées sur toile, renfer- 
mées dans un étui et portant les titres suivants : Brest, V Orient, 
Nantes et Cherbourg ; l'étui en carton porte lui-même une 
étiquette sur laquelle est écrit : La Bretagne, etc., avec l'ac- 
cent aigu que les habitants du pays gallo ont l'habitude de 
placer sur les e muets. » 

Une discussion s'engage sur le sens du mot moira du 
vers latin placé au frontispice de cette carte. M. le 
Président invite ses collègues à le chercher et à 
apporter le résultat de leurs recherches à la prochaine 
séance. 

Avant la fin de la séance, M. le Président rappelle 

SOC. ARCHÉOL. DU FINISTERE. — T. Vf. 9 



— 110 — 

qu'un membre de la Société, M. Pavot, à pris date 
dans la séance du 28 septembre dernier, en annonçant 
la présentation prochaine d'un travail spécial sur les 
véritables météorites ferrugineux, opposés aux préten- 
dues pierres de foudre, silex ou jades. 

Ce travail n'est pas achevé: il se composera surtout 
d'extraits d'ouvrages spéciaux ; l'auteur de cette com- 
pilation n'a pas la prétention d'apporter des docu- 
ments inédits, mais il pense que la Société trouvera 
quelque intérêt dans le rassemblement et la compa- 
raison de renseignements d'inégale notoriété ; il se bor-* 
nera pour aujourd'hui à ajouter quelques mots aux 
observations déjà provoquées par la lettre de M. René 
Kerviler dont il vient d'être donné lecture. 

On peut rendre justice à Mahudel^ mais sans oublier qu'il 
avait été lui-même devancé au XVIII e siècle, dans l'hommage 
rendu à la clairvoyance de Mercati. 

S*il est intéressant de reproduire le passage de Buflbn qui 
montre l'homme primitif aiguisant, pour en faire des outils et 
des armes, ces cailloux durs, ces jades, longtemps appelés 
pierres de tonnerre et supposés tombés des nues, il ne peut 
être hors de propos de rappeler que, un demi siècle avant cette 
publication et plusieurs années avant V apparition du mémoire 
de Mahudel, l'Académie des Sciences accueillait une notice de 
deJussieu, relative aux mêmes objets. — M. Pavot tient à citer 
le fait sans plus attendre ; il ne se rappelle pas exactement 
dans le moment, ladale.de la lecture faite par de Jussieu, 
mais il affirme qu'elle était antérieure à la communication 
adresée par Mahudel à l'Académie des Inscriptions et Belles- 
Lettres ; les deux mémoires ont été reproduits ou cités dans un 
curieux ouvrage qui est tout un traité des pierres tombées ou 
supposées tombées du ciel. 



— 111 — 

Cet ouvrage, devenu assez rare aujourd'hui, porte le litre 
caraçlérislique de Lithologie atmosphérique; il dale de la 
fin du Consulat ou du commencement de l'Empire ; M. Pavot en 
possède un exemplaire ei compte eu tirer une partie des rensei- 
gnements annoncés ; il se souvient d'y avoir lu quelques 
remarques malicieuses de l'auteur au sujet du défaut de 

| nouveauté de la thèse, d'ailleurs juste, de Mahudel et de la 

trop grande confiance avec laquelle ce mémoire fui accueilli 

; comme une primeur par l'Académie des Inscriptions et Belles* 

| Lettres. 

La Société archéologique du Finistère ne peut en 1878 
s'exposer au même reproche d'oubli pour de Jussieu. 

Le passage de Buffon cité par M. Kerviler est classique : 
s'il est opportun de le reproduire, en présence de l'opinion 
reprise par M. le docteur de Glosmadeuc, c'est en n'ou- 
bliant pas de rappeler que pour Buffon, la science officielle 
avait prononcé depuis longtemps déjà. Buffon, qui était de 
l'Académie des Sciences, avait certainement lu de Jussieu non 
moins que Mahudel. D'ailleurs le traité de minéralogie de 
Valmont de Bomare, alors classique, avait consacré un cha- 
pitre aux pierres figurées artificiellement \ et ce traité est du 
commencement de la deuxième moitié du XVIII e siècle. Dès 
cette époque l'opinion du public lettré était faite : nos premiers 
pères n'avaient pu attendre indéfiniment que flèches ou haches 
leur tombassent du ciel toutes..... polies! Les [sauvages de 
tous les temps s'étaient fait des outils tranchants avec des 
éclats naturellement coupants du silex commuh et ils avaient 
plus spécialement recherché, pour en faire de terribles casses- 
têtes, des pierres plus rares que leur dureté et leur densité 
désignaient comme des armes sûres. Buffon rappelait donc 
« ces cailloux et ces jades », comme des choses dont tout le 
. monde connaissait la provenance et l'usage. 

Les navigateurs des trois siècles derniers, aussi bien que les 
explorateurs actuels, ont signalé les haches de pierres comme 



— 112 — 

t'arme invariable des peuples vivant encore à l'état primitif. 

Ces haches ne disparaissent même pas toujours devant les 
armes modernes. 

Buffon, puisqu'on l'invoque, écrivait ses Époques de la nature 
au lendemain des découvertes des Russes dans l'extrême Orient 
et insistait lui-même, d'après leurs relations, sur la coexis- 
tence, remarquable alors, des armes anciennes de pierre et de 
quelques outils de fer récemment importés, chez les sauvages, 
chasseurs et pêcbeurs T des lies Aléoutiennes. Ceux-ci qui 
avaient d'abord fui devant le capitaine Behring, s'étaient alors 
mis à faire des échanges avec les baleiniers et à colporter les 
ferrailles qu'on leur abandonnait. — Or, avant de recevoir des 
Russes quelques mauvais couteaux, ces peuplades polissaient 
patiemment le jade sibérien, dont elles trafiquaient peut-être 
elles-mêmes avec les tribus de l'extrême nord-ouest Amérique, 

L'hypothèse du peuplement de l'Amérique par l'extrémité 
orientale de l'Asie, et à l'aide du chapelet d'îles qui s'étend 
au sud de la mer Behring, n'est pas contemporaine ; — M. de 
Quatrefages, en la reprenant à l'appui de sa thèse de l'unité 
de l'espèce humaine, déclarait lui-même (vers 1863) faire du 
vieux-neuf, et indiquait comme traces évidentes des migrations 
anciennes, parties du plateau central de l'Asie vers l'occident 
et vers l'orient tout à la fois, les haches de jade, — de nature 
et de forme à peu près identiques, — recueillies dans des 
monuments funéraires ou vues aux mains de peuplades très- 
éloignées des gisements connus de cette substance. 

La question est donc absolument jugée quant à l'origine 
terrestre (sinon quant aux points précis d'extraction) des pré- 
tendues pierres de tonnerre. 

Les seules masses minérales reconnues comipe aérolithes ou 
météorites, oui une composition chimique à peu près constante 
(fer, nickel, etc.) qui les différencie nettement des cailloux 
durs et des jades ; de plus les aérolithes sont généralement grenus, 
friables même, et si les premiers hommes en ont recueilli, ces mas- 



— 113 — 

i 

ses métalliques, faute de pouvoir être forgées par les auteurs des 
premières trouvailles, n'ont guère pu leur fournir ni outils ni 
armes. — Or, le judicieux Brillât-Savarin, philosophe et chi- 
miste non moins que gastronome, s'est toujours demandé com- 
ment et par qui avait pu être forgé le premier marteau et nul 
n'a pu lui répondre encore d'une façon précise, — tandis que 
tous les siècles ont vu polir des armes de jade, et utiliser 
comme outils des éclats de silex. 

M. Pavot termine en disant qu'il tient à la disposi- 
tion de la Société divers échantillons de jade oriental, 
en même temps que le volume de la Lithologie atmos- 
phérique qui résume l'état des connaissances au com- 
mencement de ce siècle, au sujet des pierres tombées 
du ciel. 

M. le Président accepte en principe toutes commu- 
nications de ce genre comme ayant acquis un regain 
d'actualité et propose leur inscription à Tordre du jour 
de la première séance. 

La séance est levée à 4 heures et demie. 

Le secrétaire par intérim, 

A. CRÉAC'HCADIC. 



Additions au mémoire sur Gesocribate et Brivates Portus^ lu 

DANS LA SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1878. 

I 

Comme le mot crib est celui sur lequel s'appuie la thèse déve- 
loppée dans le mémoire sur Gesocribate et Brivates Portus, il 
importe d'en bien établir la signification. Les extraits suivants 
n& seront donc pas hors de propos comme complément de cet 
article. 

Crib. s. f. pi. au. A comb; a wool, corab, or card; also the 
crest, cop, or summil of anylhing. 

Owen Pughe's Welsh and english Dict. 



- 114 — 

Bidge. s. Crib, Cribin. 

Summit. s. Cribyn. 

Top. s. Brig ; Crib. 

Cop. s. Brigyn, Crib. 
(William Richards ; Gtiriadur saesonaeg a chymraeg). 

Crib. s. t. A cotnb; a ridge, tbe crest or summit of any thiog. 
(Robert Williams ; Lexicou cornu-britanicom). 

Kribel ou Kriben. s. f. crête. De plus, sommet, cime. 
(Legonidec, Dict. Breton français}. 

Crtb, Peigne, pluriel Cribou* Davies met pareillement Crib, 
pecten. Sic Armor. Item summitas, cacumen, apex, cristarei. 
Crib ty, Crib mynydd (sommet de maison, -sommet de 
montagne). Crib ceiliog (crête de coq). C'est-à-dire, si j'en 
juge bien, que Crib est proprement crête.; et parce que la 
crête est la partie la plus haute de tout te coq, et qu'elle est 
dentelée, on a appliqué ce nom à la cime des maisons, des 
montagnes et des peignes qui consistent principalement en 
dents. 

(Dom Le Pelletier, Dict. de la langue bretonne). 

II. 

Comme supplément d'information notre confrère, H. le 
comte de Bremond d'Ars, m'apprend qu'en Saintonge on donne, 
le nom de Brande à un taillis et que plusieurs localités ont tiré 
de là leur dénomination. 

Un autre confrère, H. Pavot, a l'obligeance de ra'informer 
qu'à cinq kilomètres et demi à Test de Rennes, à l'endroit où 
la Vilaine devienljnavigable, et où commence le port de Cesson, 
la riviàro se trouve resserrée entre deux escarpements sur 
l'un desquels sonl deux fermes appelées le Grippé* 

A propos de l'étymologie du mot Bruc (bruyère), j'aurais dû 
ajouter ceci : « Le nom primitif devait être Louzaouen crue, ou 
Louzaouen bruc (herbe ou plante de montagne). Plus tard le 
mot générique Louzaouen est tombé. » Le français bruyère est 
venu de bruc en passant par la forme bruguière. 

L'extrait suivant est tiré d'un mémoire que vient de publier. 
M. Gaidoz sur la religion des Gaulois : « (C) athvbôdvà, 
connue seulement par une inscription de Savoie, était une 
déesse de la guerre, comme l'a montré M. Pictet, et corres- 



— 115 — 



poçdait à la déesse irlandaise Badhbh, qui a le même sens. • 
C'est une nouvelle preuve h l'appui de l'équation c=p=6. 

III. 

Il existe sur le littoral ouest du département du Finistère 
trois étendues de mer, désignées par trois noms différents qui 
ont cependant le même sens. Ce sont : 

1° Repassage du R&z, entre rile^-Soto et la pointe du Raz. 
Ce mot Raz est iiue altération de Craz, qui signifie ruisseau, 
courant d'eau. A quatre kilomètres de Quimper se trouve le 
château et l'ancienne seigneurie de Pralauraz, dont le nom 
s'écrivait Pratancraz au XV e siècle. Il y avait è la même 
époque à Quimper. (faubourg de Loemaria) et à Quimperlé une 
rua de Foulera* ou de Poulraz, dans laquelle se trouvait la 
gotirce d'tm ruisseau. Le root cwz ou raz n'existe plus dans la 
langue bretonne usuelle» 

2° be passage de Froraveur entre l'île d'Ouessant et le 
groupe des autres îles de l'archipel de ce nom. Fromveur est 
une alt&ratiofl de Frotveur ou FrQtmeur^ qui sigqiÇe grand 
ruisseau, grand courant d'eau (Fret, FnoJt, Frout, cours d'eau 
rapide ; Meuç en composition Veur, grand.) 

3 P Entre ces deux courants si connus et si redoutés des 
navigateurs, se trouve en faci de l'entrée ou du goulet de la 
rade de Brest, uue étendue de mer désignée sur toutes les cartes 
sous le nom de Vlroise ou de passage de l'Iroise, Ce jgot U).e 
semble être une forme altérée du celtique Hir-Gwaz (en compo- 
sition Hir-waz)i long ruisseau ou long courant d'eau. J'ai dans 
mon travail. exprimé l'opinion que Géso-CribaU&e\d Table Théo- 
4osienne pouvait avoir la signification de rivière on courant d'eau 
deCrtbate (RrivMes).Ii me semble assez intéressant de retrou- 
ver ce mot Gwez = Gwaz, servant à désigner encore aujourd'hui 
la partie de l'Océan qui communique avee la rade de Brest, 

R.-F. Le Men. 

A la p. 65,Ugne 20, placer « Bois d'aulnes # après « Craiwerp. » 
Page 96, placer la note 2 avant la note 1 . 



\ 



— 116 — 
Dons offerts an Musée départemental d'archéologie. 



M. LÀM ARQUE, de Brest, membre de la Société. 

Un petit bronze de Constantin le Grand (Soli invicto 
comité). 

Seize monnaies"' françaises en bronze. 

Quarante-six monnaies étrangères (anglaises, russes 
américaines, turques, arabes, indiennes, chinoises). 

M. A. CRÉAC'HCADIC, membre de la Société. 
Une monnaie espagnole de 1726 en argent. * 

M. V. DE MONÎIFAULT, membre de la Société. 

Une monnaie de Jacques II datée du XXX May 1690 
avec la légende : Jacobus ii dei gratia Mag. Ba. Fba. bt 
Hib. bex. (Magnœ Britanniœ, Franciœ et Hiberniœ rex. 

M. HERLÉDAN, maître serrurier à Quimper. 

Un rabot-varlope, en bois sculpté, style Louis XV. 

M. BRIOT DE LA MALLERIE, membre de la 
Société, et M. DE PORTZANPART. 

Fragments de vases en terre, gaulois et gallo- 
romains, trouvés sur le bord d'une voie antique près 
du bourg de Pluguffan, canton de Quimper. 

Remède contbe le mal de dants. 

Pour la maladie de dans (dents), prenés l'escorce de la racine 
de fanoull (fenouil), et l'escorce de la racine de.l'arbe (l'herbe) 
de grant noet, et la sauge franchi et le boullé dedans ung pot 
de terre avesques du vin ègre jusques à tant qu'il ne demeure 
que le tiers, et mettes à la bouche tan t chaut que. vous le 
pourrés durer .devers le costé qu'il sera la maladye, et tantôt 
vous serës guéri. 

(Cahier de notes d'Hervé du Mesné, prêtre, procureur de la fabrique 
du Mur à Morlaix depuis 1481). — Arch. du Finistère. 



117 — 



SÉANCE DU 28 DECEMBRE 1878. 



Présidence de M. DE LA VILLEMARQUÉ, 

MEMBRE DE L 'INSTITUT. 

Étaient présents : MM. de La Villemarqué, Trévédy, 
Pavot, l'abbé Peyron, de Kercadio, de Brémoy, Malen, 
Bourassin, Créac'hcadic et le Men, secrétaire. 

L'ordre du jour appelle la nomination d'uti secrétaire- 
adjoint de la Société. Sur la proposition de M. le 
Président, cette nomination est remise à la" fin de la 
séance. 

À propos du vers latin que Ton remarque comme 
une sorte de devise, au frontispice de la carte de 
Bretagne appartenant à M. de Kercadio, et dont il a 
été question dans la, dernière réunion, M. le Président 
donne lecture de la note suivante qui lui a été adressée 
par M. Trévédy : 

« Nil desperandum Moîrâ duce et auspice Moirâ » 

« Ce vers est la citation presque textuelle du vers « Nil des- 
perandum Teucro duce et auspice Teucro» de l'ode vu du livre 
I er des odes d'Horace. 

Mais qu'est-ce que le mot Moirâ et que veut- il dire. 



— 118 — 

La carte communiquée par M . de Kercadio a été gravée h 
Londres en 1795, très-peu de temps avant l'expédition de Qui- 
beron, et, sans aucun doute, en vue de cette expédition. 

On n'ignore pas que cette désastreuse entreprise fut préparée 
et dirigée par le célèbre lord Moiba, marquis d'Hastings. 

Cette circonstance suffirait donc à expliquer la présence du 
mot Moirâ ^dans le vers en question. Mais je pense qu'il y a, 
dans cette adaptation, une idée plus complexe, et l'on sera 
peut-être de mon avis si l'on veut bien se'souvenir que le mot 
Moira en grec veut dire, justice, équité. Le vers signifierait 
donc : 

« Rien n'est désespéré quand on a lord Moirâ pour guide et 
pour soutien. » 

Ou : 

« Rien n'est désespéré quand on a la justice pour guide et 
pour soutien. » 

Nous sommes donc en réalité en présence d'un jeu de mot 
facile à saisir. 

Une question pour terminer : 

L'auteur du vers parodié d'Horace serait-il Monsieur, comte 
de Provence, qui se piquait de savoir Horace par cœur et le 
citait, dit-on, fort à propos?... » 

M. le Président pense que la solution de M. Trévédy 
est la bonne. C'est aussi l'opinion de M. Malen et des 
autres membres de l'assemblée. 

Communication est ensuite donnée par M. Créac'hca- 
dic d'une lettre par laquelle notre collègue M. René de 
Kerret, offre à la Société de lui faire l'abandon gratuit 
de la propriété d'une allée couverte située tout près du 
bourg de Brenilis (arrondissement de Châteaulin, Fi- 
nistère), et^en grande partie recouverte d'un tumulus, 

M. le Président remercie M. de Kerret au nom de 



— 119 — . 

l'assemblée qui est d'avis d'accepter la donation qu'il 
veut bien faire à la Société archéologique. Ce don est 
une nouvelle preuve de l'intérêt qu'a toujours -porté 
notre collègue à la conservation des monuments an- 
ciens de notre pays, que tant d'autres s'efforcent de 
détruire ou de s'approprier dans un but mercantile. 

M. Le Men donne ensuite lecture d'une lettre qui 
lui a été adressée par l'éditeur de Y Année archéologique 
et philologique, revue des études classiques publiée à 
Berlin et dont le rédacteur en chef est M. Bursian, 
professeur à l'Université de Munich, pour lui deman- 
der le dernier volume de notre Bulletin afin d'en rendre 
compte. L'assistance est heureuse de constater que 
même à l'étranger on attache quelque prix aux tra- 
vaux de la Société archéologique du Finistère. C'est 
pour elle un encouragement à persévérer dans La voie 
qu'elle s'est tracée. 

Le même membre informe l'assemblée, que d'après 
un avis du ministère de l'instruction publique, le dos- 
sier Coëtanlem dont il a eu occasion d'entretenir la 
Société dans une précédente séance, a pa.ru si impor- 
tant au comité des travaux historique, à l'examen 
duquel il avait été soumis, que ce comité à décidé que 
le, dossier en question serait intégralement publié dans 
les Mélanges des Documents inédits pour servir à 

m 

l'histoire de France. 

La parole est ensuite donnée à M. Le Men, pour 
lire une note intitulée : 

UJf ENTERREMENT DANS LA CATHÉDRALE DE QUIMPBR >(I7G0). 

Da&s la Monographie de la Cathédrale de Quimper, que j*ai 
publiée récemment, j'ai fait le récit d'nae émeute arrivée à 



— 120 — 

Quimper en 1515, et provoquée par les Gordeliers à l'occasion 
de l'enterrement de Guillaume Le Goaraguer, maître maçon. 

La rivalité qui existait au moyen âge entre les frères mineurs 
de Quimper et le chapitre de la cathédrale, persista assez long- 
temps, comme on peut le voir par l'extrait suivant d'une lettre 
écrite à H. Védier, procureur au Parlement de Rennes, par M. 
Jean-Baptiste Kermellec, syndic de ce chapitre, à l'occasion 
d'un fait analogue.. 

« Le treizième septembre dernier, la nommée Urbane Pous- 
sain estant morte, son rûary nommé Joseph Juminaye, escrivit 
ces mots : « Je prie le révérend père gardien des Cordeliers 

d'enterrer ma femme en son esglise suivant sa volonté et la 
mienne » ; et là dessus prirent la déposition de trois ou quatre 
personnes qui rapportèrent devant nottaire, avoir entendu la 
défunte dans sa maladie dire qu'elle vouloit estre enterrée 
aux Cordeliers. Le père gardien fit signifier ce billet et celte 
déclaration au vicaire de la parrojsse, le sommant d'y donner 
les mains. Ce vicaire ayant aporté la copie au chapitre, le 
chapitre délibéra que le père gardien et ledit Juminaye, 
tailleur, eutreprenoint et donnoint atteinte à l'arrest du conseil 
contradictoire avec lesdils pères Gordeliers du quatorzième 
octobre 1684, qui règle que leshabitans de la ville de Quimper 
qui décéderont, seront enterrés dans l'église paroissiale s'il 
ne paroist parescrit qu'ils ayent choysi leur sépulture ailleur; 
et comme la deffunte Poussain n'avoit pas faict de testament 
ni escrit de sa main la disposition de la sépulture, c'étoit une 
contravention formelle à l'arrest du Conseil. Sur quoy le vicaire 
rece ut ordre du chapitre d'enterrer le corps à Si. Corentin. » 

« Sur cela, le temps du convoy estant arrivé, le vicaire auroit 
faict la levée du corps et l'auroit faict reiidre à St. Corentin, à 
la manière accoustumée ; et pendant qu'on y faisoit les prières, 
le sacriste des Cordeliers arriva avec des notaires pour faire 
sommation au vicaire de rendre le corps dans l'esglise de son 
ordre ; ce qui causa beaucoup d'émotion, ayant faict cette 



— 121 — 

sommation dans l'esglise, en présence de tout le monde, ce 
qui auroit interrompue le service et animée les factieux, au 
au lieu de se retirer au lieu capitulaire pour faire cette 
sommation si elle avoit esté nécessaire. Mais pour ju- 
ger que c'estoit une affaire concertée, c'est qu'il ne faut 
que réfléchir que je luy avois dès le matin dudit jour, 
faiet signifier Parrest du Conseil, d'abondant, pour prévenir 
loulte obstacle, avec déclaration formelle que nous le mène- 
rions à exécution. Ainsi il n'avoit que la voie de se pourvoir 
s'il n'avoit eu intention de causer le scandale que vous allez 
voir. Le service estant finy. huit ou dix tailleurs qui portoint le 
corps, le prirent sur les tréteaux pour le porter touclier le 
maittre autel, selon l'usage de cette ville, et au lieu de revenir 
par le mesme chemin pour reporter le corps au tombeau qu'on 
luy avoit creusé au milieu delà nef, les dits tailleurs prirent par 
un autre aisle de l'esglise ou estoit ledit père Cordelier, 
marchant d'un pas précipité, et alloint faire sortir le corps par 
la porte qui donne du costé de l'évesché, en dépit de tout le 
monde, si on n'avoit dans le moment fermé cette porte. : aussi 
lesdits tailleurs.n'ayant pu réussir à dérober le corps, comme 
ils l'avoint concerté, ils s'emportèrent et dirent milles injures 
aux vicaires et aux preslres et leur portèrent plusieurs coups et 
déchirèrent leurs surplis, soit eux ou leur femmes, ou autres 
personnes de leur cabale. Voylà ce qui a donné lieu à la plainte 
et au procez dont vous voyez les pièces que je vous envoie. 

« 11 faut s'il vous plaicl réfléchir que le billet du mary est 
dalté après la mort de la femme, aussy bien que celle décla- 
ration mendiée, qui n'est qu un artifice du père gardien pour 
fonder son procez qu'il avoit intention de faire longtemps 
auparavent, ayant présenté une requête à la cour, et surpris 
un arrest au préjudice de l'arrest du Conseil contradictoire. 

« A Quimper le 17 may 1700. » 

J'ignore quel fut le résultat du procès auquel cette affaire 
donna lieu, Les inhumations étaient la plus grande ressource 



— 122 — 

des Cordelières ; leur église et leur couvent qui existaient 
encore en partie il y a une trentaine d'années, renfermaient les 
éléments d'un beau musée lapidaire. J'ai vu dans les dépen- 
dances de cet établissement une énorme quautilé de pierres 
tombales en calcaire, eu kersanton et en granit ordinaire, 
qu'il eut été désirable de conserver, mais que les ressources 
dont je disposais à l'époque où elles furent détruites-, pour le 
musée archéologique 'qui n'existait alors qu'à l'état de projet, 
ne m'ont pas permis d'acheter. J'ai cependant pu faire l'acqui- 
sition de quelques-unes de ces pierres tombales qui se trouvent 
aujourd'hui dans notre Musée et dont la description sera 
l'objet d'une prochaine notice. 

La plupart des autres dalles funéraires sont entrées dans la 
construction des cales du boulevard de l'Odet et des maisons 
bâties sur l'emplacement du couvent de Saint-François. 

M. l'abbe Peyron fait observer que l'usage de tou- 
cher ou de baiser l'autel des Trépassés existe encore 
dans bien des paroisses rurales, notamment à Douar- 
nenez, à Quéménéven, etc. On fait aussi baiser l'autel 
aux enfants baptisés. 

M. de la Villemarqué continue la lecture de son étu- 
de sur les haches de pierre. 

LES HACHES DE PIERRE. 
II 

LEUR USAGE. 

En nous apprenant comment les patriarches de la famille 
celtique appelaient, en Irlande, nos coins de pierre polie, les 
plus anciens textes irlandais nous apprennent aussi à quoi on 
les employait. 

Sous les noms de lia milidh, « pierre de guerrier » , lia Unk 



— 123 — 

milidh, « pierre de champion guerrier », lia curad « pierre dé 
combattant », lia lamha, « pierre de main », dénomination 
que M* Stokes a trouvée avec la gloae manuale, dans un écrivain 
du moyen âge (Irish glosse$ r &h6) et que Tacite a probablement 
voulu rendre par manuale sazum, « pierre qu'on lance avec la 
main» (Quicheral), la langue irlandaise désigne certaines 
armes de guerre En effet, les premiers Irlandais maniaient la 
pierre dans les combats comme leurs descendants devaient la 
manier plus tard avec le bronze et le fer, simultanément 
employés. Du temps do Lucrèce, un siècle avant l'ère chré- 
tienne, la pierre était déjà regardée comme une arme primi- 
tive : Arma antiqua manus, ungues i dentesque fuerunt et 
lapides,.., dit ce poète. 

Voici quelques citations que je recommande à M. John Evans 
pour une nouvelle édition de son précieux ouvrage. Je les 
emprunte encore à celui d'Eugène O'Curry qui en a publié le 
texte (I) : 

A la bataille d'Alh-Comair, livrée à leur père par les chefs 
irlandais Breas, Nar et Lothar, qui furent punis de leur parri- 
cide, « pas un homme du côté de Lothar, » dit la légende, « ne 
partit pour la guerre sans être armé d'une pierre de guerrier* » 

Us avaient aussi d'autres armes que l'auteur indique, mais il 
signale tout spécialement celle-ci. 

« Et comme chacun des soldats de Lothar avait apporté une 
pierre de guerrier, continue-l-il, leur chef en avait apporté une 
lui-même. Et il éleva le bras subitement, et il mit toute la force 
de son corps dans son poignet, et la force de son- poignet dans 
sa main, et la force de sa main dans son arme de pierre, puis 
imprimant un mouvement de rotation à la pierre dure, il en 
frappa le roi. » 

Finn, père d'Oisin (le fameux Ossian), possédait aussi sa 



(1) Mannen andcustoms ofthe ancient Irish. Vol. II, p. 262 et 
suiv. 



— 124 — 

pierre de guerrier ; c'était le présent de la fille d'un roi, • un 
joyau d'une, grande valeur », remarque un ancien poêle. Il 
l'avait confiée à la garde de son fils ; mais ayant brisé toutes 
ses autres armes dans une bataille, il la prit et tua avec elle les 
trois fils de son ennemi, sauvaut ainsi l'honneur de sa race. » 
Un autre héros de la légende irlandaise, Fergus, fils de 
Roigb, au siège d'une ville célèbre combattait une magicienne 
dont le3 charmes l'empêchaient de prendre cette ville d'assaut. 
A bout de moyens de vaincre, « il mit la main dans le creux de 
son bouclier, et il en tira une pierre de guerrier qu'il lança 
avec forcé à la sorcière, et il l'atteignit à la têle,et elle tomba. » 

Le barde Laïdken, qu'on fait vivre au V e siècle de l'ère 
chrétienne, fut tué d'un coup de pierre de guerrier. Son 
disciple, le poète Ua Torta, a composé là-dessus un quatrain 
resté populaire. 

Je pourrais multiplier les textes où il est question de cette 
aime de pierre; rien de plus facile, grâce aux leçons d'Eugène 
'Curry» Je finis par une dernière citation qui est très-curieuse. 
Il s'agit, cette fois, d'une pierre de combat à l'usage particulier 
des druides d'Irlande et douée de vertus magiques. 

Un des plus célèbres d'entre eux était Mogh Ruith, vieillard 
aveugle qu'on disait avoir puisé sa science en Orient, dans sa 
jeunesse, à l'école de Simon le Magicien. 

Dans uue guerre injuste déclarée par le roi de fUlster, 
Cormac, au petit roi du Munster, celui-ci appela Mogh-Ruith à 
son aide. Effrayé du puissant allié de son adversaire, Cormac 
ordonna au ctief de ses druides, nommé Colpthà, d'aller à la 
rencontre de Mogh-Ruith et de le combattre en présence des 
deux armées de l'Ulster et du Munster. Mais comme le vieux 
Mogh-Ruith était aveugle, il pria son disciple Keann-Mhor de 
le remplacer, et, avant le combat, il lui parla ainsi : « Donne- 
moi ma pierre empoisonnée, ma pierre de main qui me rend 
victorieux de cent ennemis et me fait anéantir tous mes adver- 
saires. » 



— 125 — 

«Et la pierre lui fut remise entre les mains; et il commença à 
lui adresser des louanges, el l'ayant empoisonnée et enchantée, 
il lui tint ce discours : 

J'implore ma Pierre de main. — . 
Qu'elle ne soit point une ombre qui fuit ; 
Qu'elle soit un brandon qui mette l'ennemi en fuite. 
Devant l'armée vaillante du Munster. 

na terrible Pierre dure \ — 
Qu'elle soit un rouge serpent d'eau ! 
Malheur à qui elle enlacera 
Au sein des vagues écumantes ! 

Qu'elle soit un serpent marin !... 
Aussi long que sept cornes de bœuf ; 
Qu'elle soit un vautour parmi les vautours 
Pour séparer le corps de l'àme. 

Qu'elle soit un serpent ! Que de sept anneaux 
- Il enlace le corps énorme de Colptha ; 
Que des pieds à la tête- 
L'enlace le reptile à peau lisse et à tête de lance . » 

Inutile de dire si Colptha fut vaincu par le disciple du grand 
magicien, armé de la pierre enchantée do son maître. La 
légende prétend même que l'arme de Keann-Mhor se changea 
en un vrai serpent qui étrangla son adversaire. 

Le lendemain, continue la légende, le roi Côrmac envoya 
un de ses autres druides nommé Lurga, pour venger la mort 
du vaincu. 

a Et Keann-Mhor marcha contre lui, sa pierre polie à la main, % 
et il commença à lui adresser des louanges et à l'implorer à la 
manière de aon maitre, et à prédire le carnage qu'elle devait 
faire; et il invoqua ses dieux, et le chef des druides de l'uni- 
vers, c'est-à-dire Mogh-Ruith, lui-même, et il chanta : 

SOC. ARCHÉOL Dq FINISTÈRE. — T. VI. 10 



— 126 — 

Pierre polie, ô Pierre polie l 

Pierre, tu vas tuer encore; 

Pierre étroite, pierre compacte et mince, 

Arme de choix -pour la victoire l 

O Pierre qui coupe, Pierre qui coupe, 
Et dont ne préserve aucun bouclier ; 
O Pierre qui bondit sur les vagues 
Sans t'arrêter ni te briser. 

Comme dans la lutte tu as vaincu Colptha, 
Par ta vertu puissante ; 
Va roidement dans ce combat nouveau 
Jusqu'à ce que tu aies jeté Lurga par terre. » 

Et Lurga, atteint de l'arme meurtrière, eut le sort de l'autre 
druide du roi Cormac. Mais cela ne suffisait pas à la pierre 
enchantée ; transformée en serpent monstrueux, dit le conteur 
irlandais, elle se mit à poursuivre le fils du roi lui-même, et 
elle l'aurait bel et bien étranglé, comme le pauvre Colptha, si 
le bon Keann-Mhor ne l'eût calmée, par les plus doux noms, 
pressé sans doute d'embrasser son vieux maître aveugle, et 
de lui rendre sa pierre magique. Parmi les noms dont Keann* 
Mhor appelle cette arme, on ne s'étonnera pas de retrouver le 
plus généralement en usage depuis des siècles, celui de pierre 
de tonnerre : mais l'auteur du moyen âge qui fait parler le 
druide ne se contente pas d'une qualification aussi vulgaire ; 
le vainqueur, dans son exaltation, s'écrie : ô pierre d'Hector I 
6 pierre de Daniel ! 

On ne s'attendait guère à voir Hector et Daniel, l'Iliade et 
la Bible en cette affaire ! 

Avec les anciens poèmes gallois, rajeunis au XII e siècle, nous 
rentrons dans le domaine des faits. 

L'un d'eux, dont l'original peut remonter au temps de Gil- 
das, ajoute un détail intéressant à l'histoire des armes de 
pierre employées par les hommes de la race celtique. Repro- 
chant à un jeune guerrier du VI e siècle d'avoir dégénéré de 



— 127 — 

ses ancêtres, et lui proposant son propre exemple à suivre, un 
barde centenaire lui dit : « Quand j'étais dans ma fleur, je 
fesais l'ouvrage d'un homme, tout jeune que j'étais..., ce n'était 
pas peine perdue pour moi d'aiguiser la pierre, hogi maen. » 
(The IV anceent books of Wales, t. H, p. 274). Les longues 
heures passées par un guerrier à polir son arme pouvaient-elles 
en effet être des heures perdues ? C'est encore aujourd'hui 
l'occupation de^- sauvages quand ils n'ont rien de mieux à faire ; 
ceux de l'Amérique, comme ceux de l'Afrique, ont conservé 
les armes primitives ; et le général d'Abouvilie, constate, dans 
un rapport en date du 18 août 1842, inséré au Moniteur, que 
certains Kabyles répondaient aux balles de nos soldats, par des 
coins de pierre lancés avec la main. 

M. le capitaine Quintin de Kercadio ne pense pas 
qu'on puisse assimiler les projectiles dont parle le 
général d'Abou ville, aux armes de pierre employées 
par les anciens Irlandais. Ces projectiles étaient des 
cailloux naturels et n'avaient point la valeur des coins 
façonnés de main d'homme et gardés avec soin par 
leur propriétaire, comme ceux dont il est question 
dans les textes traduits par M. de la Villemarqué. 

Il se demande aussi comment on se servait de ces 
armes, et propose plusieurs réponses. M. le Président 
examinera lui-même la question ultérieurement. 

M, Le Men constate que beaucoup de coins de 
pierre polie trouvés dans les tumulus sont de véritables 
armes de luxe, de vrais bijoux, et que leur prix devait 
être considérable : les fouilles et les textes sont d'ac* 
cord en ce point. 

M. l'abbé Peyron ne trouve assurément aucun rap- 
port entre les coins de pierre polie et la pierre dite 
de Daniel ; cependant il ne s'étonne pas qu'un écrivain 



— 128 — 

irlandais chrétien ait rappelé un souvenir biblique. 
Après la fabuleuse « pierre de foudre » pouvait-il 
oublier celle que, dans le songe expliqué par Daniel, 
Nabuchodonosor • avait vu descendre de la montagne 
pour frapper le pied d'argile de la fameuse statue 
d'or ? 

A propos de la pierre d'Hector, M . Trôvédy remet à 
M. le Président une note ainsi conçue : 

« Je trouve à la fin du livre XII de l'Iliade 
qu' Hector a fait usage d'une pierre pour enfoncer la 
porte du camp des Achéens. Cette pierre n'était pas 
assurément de la nature de celles dont vous nous faites 
la très-intéressante et très-savante histoire, puisque 
le poëte dit qu'elle est « énorme et que deux hommes 
« de nos jours n'auraient pu l'arracher du sol et la 
« charger sur un char. » 

M. Trévédy demande si M. de Caumont ne cite pas 
de textes où il soit question de pierres emmanchées. 
M. le Président répond qu'il en parlera dans la suite 
de "son travail. 

M. Pavbt a la parole pour communication des docu- 
ments annoncés par lui dans la séance du 16 novembre 
et donne lecture des notes suivantes : 

En cherchant à retrouver le nom qu'attribuaient aux pierres 
polies cunéiformes les hommes qui les ont façonnées, notre 
savant président a eu occasion de reconnaître avec M. le doc- 
leur de Closmadeuc que, dans tous les idiomes de l'Europe, 
ces objets sont désignés de la même façon ; la tradition popu- 
laire est partout identique et la désignation peut se traduire 
littéralement parles mots : « pierre de foudre. » 

L'Antiquité,* le Moyen-Age, la Renaissance se sont donc 
légué cette croyance. — Depuis quand le monde savant en 



— 129 — 

a-t-il reconnu la fausseté ? C'est ce qu'il n'est peut-être pas 
très-facile d'établir. 

A la fin du XVI e siècle, les superstitions relatives à l'origine 
et aux vertus préservatrices des « pierres de foudre » parais- 
sent encore jouir d'un grand crédit près des gens qui lisent. 

Voici ce que ne craint pas de signer un médecin exerçant à 
Colmar : 

< Adversus tonitrua, fulmen et grandinem. Ferunt la pi de m, 
c qui cura fulmine cecidit (ut aliquando contingit) si in ostio 
, « suspendatur domum à fulmine prœservare (1). » 

« Ut aliquando contingit ! » Personne n'en doute, en effet, 
ni l'auteur ni ses lecteurs. 

On constatait de loin en loin en diverses contrées des chûtes 
de masses minérales plus ou moins volumineuses, et ces obser- 
vations dignes de foi paraissaient précisément confirmer 
d'autres allégations, d'autres traditions, chimériques pourtant ! 
Il eut fallu distinguer, — et il n'y a pas un siècle que celte 
distinction a été faite — entre les traits ou « carreaux » fausse- 
ment attribués au tonnerre et les aérolites dont la chute était 
authentique, \ 

La crainte du ridicule a été le commencement de la sagesse, 
et la réaction fut d'abord trop complète. 

Les savants du XVII e siècle nièrent (les premiers, je crois) la 
possibilité des chûtes de masses minérales accompagnant la 
foudre, mentionnées par les anciens ou signalées par leurs 
contemporains : dès lors se trouvèrent confondus, repoussés 
avec là même incrédulité, des traditions erronées et des faits 
palpables. Ces derniers étaient isolés et ne pouvaient jamais 
avoir qu'uu petit nombre de témoins; encore ces témoins 



(1) De Secretis Libri XVII, ex variis authonbus collecti, methotjice 
quedigesti et aucti, per Joan. Jacobum Weckerum, Basiliensem, medi- 
cum Colmariensem. — Basileœ, ex officioâ Pernea, cld ld xxciix, 
1 gros vol. in-18 — L'é pitre dédicatoire est signée six ans plus tôt, 
« Colmariœ, Kalend. Augusti, 1582. » Le itcret divulgué ci-dessus est 
à la page 601 de ce volumineux recueil. 



— 130 — 

n'étaieut-ils pas tous des observateurs, à plus forte raison des 
autorités. — Les pierres de foudre avaient été justement 
reléguées dans le domaine de la fable ; les aérolithes furent 
tardivement et difficilement acceptés vers le commencement de 
ce siècle. 

Pour faire la part de chacun on pourrait peut-être formuler 
la progression suivante : 

Les physiciens du XVII e siècle constatèrent que la foudre ne 
lançait réellement point de traits de substance pierreuse. 

Les naturalistes du XVIII e siècle reconnurent dans les pierres 
polies cunéiformes, qualifiées pierres de foudre, les outils et lès 
armes de l'homme primitif. 

Et enfin les chimistes du XIX e siècle, en analysant les 
aérolithes authentiques recueillis de 1769 à 1803, et jusque \k 
très-discutés comme provenance, ont seuls pu affirmer qu'il 
tombait à la surface du globe des corps métalliques météoriques v 
de composition h peu près identique quelque fut le point de 
chute. 

A l'appui de ces indications quelques citations paraissent 
indispensables. 

Les premières seront empruntées au Traité de physique par 
Jacques Rohault (2 vol. in-4°, imprimés pour la première fois 
à Paris, le 17 janvier 1671). Rohault est bien peu lu aujour- 
d'hui ; — fils fcd'un marchand d'Amiens, et né vers 1620, il 
mourait à Paris en 1675, n'étant guère âgé que de 65 ans. 

C'était un homme d'un savoir encyclopédique : les contem- 
porains le citent comme un célèbre philosophe cartésien : il 
publia divers ouvrages sur les sciences naturelles, la géomé- 
trie, la mécanique, les fortifications, etc. — Je ne sais s'il 
a été fait d'autre édition de son traité de physique que celle 
de 1671 que je possède: celle-ci est seule énoncée dans le 
catalogue de Boze, composé des éditions les plus. recherchées, 
— mais ce que je puis affirmer c'est qu'on trouve difficile- 
ment cet ouvrage dans les bibliothèques de province. 



— 131 — 

L'auteur déclare d'abord qu'il est temps de répudier un 
grand nombre de traditions trop facilement acceptées jusque 
là : voici ce qu'il en dit dans sa préface : 

« Venant à considérer la philosophie et particulière- 
ment la physique, je demeuray étrangement surpris de la voir 
si stérile qu'elle n'eut produit aucun fruit pendant plus de vingt 
siècles; qui se sont écoulez sans qu'on y est fait la moindre 
découverte 

« Ainsi je me vis forcé de conclure, qu'il falait que ce fust 

dans la manière de philosopher qu'on se fust mépris et 

après avoir examiné le plus soigneusement qu'il me fut possible 
la conduite que Ton a tenue depuis.les écoles d'Athènes jusqu'à 
nos temps, il me sembla que l'on y pouvait trouver quatre 
choses à redire. 

a La première, est ce grand crédit qu'on a toujours donné 
aux Anciens dans .les écoles il est certain qu'une sou- 
mission si aveugle à tous les sentiments de l'antiquité, est 
> cause que les meilleurs esprits, recevant souvent sans y penser 
des opinions comme vrayes, qui peuvent être fausses, ne sont 
plus en état de connaître celles qui leur sont opposées, ny par 
conséquent de trouver toutes les autres véritez dépendantes de 
celles qu'un si pernicieux préjugé les empêche d'appercevoir... 

« Ainsi l'on s'est plus occupé à étudier Aristote que 

la nature qui peut-être n'est pas à beaucoup près si mystérieuse 
que luy ; il y a roesme mille choses qu'elle dit nettement à 
qui les veut entendre. » 

Une semblable déclaration de principes encourage le lecteur ; 
je n'insiste pas sur le mérite de l'ouvrage, je n'ai pas la pré- 
tention de découvrir JacqnesRohault, mais puisque la tradition 
des pierres de foudre est encore vivace dans le Morbihan, et 
que leurs vertus curatives comme celles du jade néphrétique 
restent sans doute article de foi dans bien d'autres contrées 
encore, il n'est pas indifférent de rappeler ce que disait Robault, 



— 138 — 

il y a plus de deux cents ans, dans son traité de Physique 
(3 e partie, chapitre VII), au sujet des applications de pierres 
de foudre et autres in parte dolenti, taut recommandées alors 
aux graveleux ou aux rhumatisants : 



« XVI. Qu'on attribue faussement plusieurs vertus à quelques 
pierres. — L'on ne voit pas que de la nature que nous attri- 
buons aux pierres tant précieuses que communes, Ton puisse 
déduire certaines propriétés, dont quelques naturalistes font 
mention ; par exemple, que l'hématite arrête le flux de sang 
quand elle est portée par la personne malade, et que d'autres 
pierres guérissent d'autres maladies; aussi avons-nous expé- 
rimenté plusieurs fois qne c'est faussement que ces sortes de 
propriétés sont attribuées à la plupart de ces pierres. Il n'en est 
pas de même de l'Ayman, dont presque toutes les propriétés 
qui nous ont été rapportées par les anciens'se trouvent vrayes ; 
nons en connaissons mesme des choses plus merveilleuses que 
celles que l'Antiquité a connues, mais un sujet si extraordi- 
naire demande un discours particulier. » 

Suit un chapitre presque entièrement consacré aux pro- 
priétés de l'aimant et terminé par quelques remarques sur 
« la vertu attractive de l'ambre et de quelques autres corps», 
et « Terreur de quelques philosophes au sujet de cette vertu. » 

On voit que le philosophe-physicien s'attache à réfuter toutes 
les erreurs populaires : « ce sont des contes, dit-il, qui sont 
« démentis par mille expériences que j'ay faites (1) » 

Hais le passage le plus caractéristique, celui qui se rattache 
le plus directement à la question qui nous occupe, se trouve 
au Chapitre XVI (Du Tonnerre, des Éclairs et de la Foudre). 

Voici ce qne dit Rohault : 



({} Tome II, page 234. « De quelques propriétés qu'on a faussement 
attribuées à l'ayman. • 



— 133 — 
N'oublions pas que ceci est imprimé en 1671. 

« VU. De la foudre et que ce qu'on dit du carreau est fabu- 
leux. «— Ce qu'où a coutume d'appeller le Tonnerre, reçoit le 
nom de foudre lorsqu'il en résulte quelque fracas ; et parce 
qu'on se persuade que les corps les plus durs ont plus de 
force pour en ébranler d'autres, on croit qu'outre l'éclair et la 
flamme qui sortent avec impétuosité d'entre deux nuës r il en 
sort encore un corps fort dur qu'on nomme le Carreau de la 
foudre ; que si on ne le voit pas tomber à chaque coup de 
tonnerre, c'est, dit-on, parce qu'il ne darde pas toujours con- 
tre la terre, et que l'ouverture par où il échape est tournée 
vers quelqu'autre côlé. Toutes fois, si cela estait, il ne serait 
pas possible qu'on ne le vist quelquefois tomber dans une des 
rues de celle grande ville, ou dans quelque cour ou sur leioict 
de quelque maison ; ce que personne que je sache n'assure 
avoir jamais vu ; et c'est une mauvaise raison de dire que ce 
qui fail qu'on ne le voit pas, c'est qu'il n'a pas été dardé con- 
tre la Terre : car soit qu'il se fust meu de travers, ou même 
de bas en haut, il devrait toujours arriver que sa pesanteur le 
fist descendre. 

« VIII. Aussi n'est-il pas nécessaire d'avoir recours à un 
corps dur, pour expliquer l'effet le plus ordinaire de la fou- 
dre 

« IX. Ce n'est pas qu'il ne se puisse engendrer dans l'air un, 
corps dur, que l'on prendra peut-être pour ce carreau imagi- 
naire, etc. • . 

' Après les physiciens du XVII e siècle, passons aux naturalistes 
du XVIII e . 

J'ai rappelé qu'un ouvrage spécial passait en revue leurs tra- 
vaux et leurs opinions sur les prétendues pierres de tonnerre et 
les véritables pierres météoriques. J'ai l'honneur de présenter 
ce volume à la Société archéologique ; je ne sais si MM. Evans 
et Cartailhac l'ont eu sous les yeux, lors de leurs récents ira- 



— 134 — 

vaux (1872-1877). Ce livre est du D r Joseph Izarn, médecin* 
professeur de physique, de la Société des Sciences, Belles-Let- 
tres et Arts de Parts, etc.; il porte la date de Floréal an XI 
(1803), c'est un iu-8° de 421 pages, avec ce titre : 

DES PIERRES TOMBÉES DU CIEL 

ou 

LITHOLOGIE ATMOSPHÉRIQUE 

Présentant la marche et Vétat actuel de la science sur le Phé- 
nomène des Pierres de Foudre, Pluies de pierres, Pierres tom- 
bées du ciel, etc.; plusieurs Observatious inédites, communi- 
quées par MM. Pictet, Sage, Darcet et VauqUelin \ avec un 
essai de Théorie sur la formation de ces pierres. 

Dans une dédicace • au citoyen Laplace, membre du Sénat 
« Conservateur de l'Institut national de France, etc., etc. • 
le docteur Izarn expose que les travaux de MM. Howard et 
Vauquelin ont fixé l'attention générale sur les météorites et que 
Laplace lui-même a manifesté le désir de voir constater la 
réalité du phénomène (séance de la 1" classe de l'Institut 
national, après la lecture du mémoire du Vauquelin, le ÏO fri- 
maire an XI.) 

Des recherches que le docteur Izarn avait' d'abord faites 
pour son instruction personnelle lui ayant offert des résultats 
positifs, l'illustre auteur de la Mécanique céleste a bien 
voulu prendre connaissance de ce travail et permettre qu'il 
fut publié sous ses auspices. 

Le phénomène des masses minérales tombant de l'atmos- 
phère, dit Izarn, n'avait naguères qu'une place incertaine 
parmi les faits physiques, paice qu'il était rare et de nature à 
avoir peu de témoins 

Et pourtant « dans lous les temps on avait parlé de pierres 
« tombées du ciel, de pierres de tonnerre ou de foudre, etc. 



— 135 — 

« Les annales des} connaissances humaines consignaient de 
« loin en loin des récits et des preuves de l'existence du phé- 
« nomène. Le vulgaire, de tous les âges Tarait admise ; mais 
a parmi les [hommes] instruits de tous les siècles, le très- petit 
« nombre de ceux que le hazard en avait rendus témoins, 
« avaient reconnurent, sans que (leur témoignage eut pu en* 

« traîner la confiance générale » A une crédulité excessive 

avaient succédé d'intraitables défiances ; les savants du XVII e 
et du XVIII e siècles ne se préoccupaient plus que de faire justice 
des superstitions populaires relatives auxfprétendues pierres de 
foudre. De parti pris dès lors l'Académie des Sciences écartait 
comme fabuleuses elles-mêmes les observations, cependant po- 
sitives, relatives aux météorites ou bolides... . « Un mois avant 
«la lecture de Vauquelin à l'Institut, M. Piclet, parlant du 
« même phénomène, avait trouvé une incrédulité telle qu'il lui 
« fallut une sorte de courage pour achever sa lecture. » 

lies savants comme le vulgaire n'étaient pas'encore guéris 
de cette vieille habitude de n'entendre jamais de détonna lions 
dans les airs, sans avoir aussitôt l'idée de tonnerre, de foudre 
ou de phénomènes électriques, et l'on savait depuis longtemps 
déjà que la foudre ne lance point de « carreaux. » 

Le docteur Izarn estima donc que son travail venait au mo- 
ment opportun : « Je n'ai, pour but, dit-il, que de fournir les 

« pièces du pr'ocès je les puiserai dans les principaux re- 

« cueils académiques, en les classant par ordre de date. — Je 
« discuterai ensuite les différentes opinions » 

L'ouvrage comprend ainsi trois parties : I e documents acquis 
au débat ; 2° discussion des traditions et des faits ; 3° essai 
d'une théorie sur la formation de corps pierreux ou métalliques 
dans l'atmosphère ' 

Je laisse intentionnellement de" côté cette 3* section et 
j'extrais seulement des deux premières les passages caractéristi- 
ques que visait ma communication du 16 novembre. — Je n'ai 
eu d'autre but, je le repète que de rappeler les déclarations de 



— 136 — 

deJussieu et leur antériorité par rapport au mémoire de Mahu- 
del. -> Vérification faite, les premières datent de 1723, et le 
second de 1734 seulement. 

Voici donc le texte même du livre du docteur Izarn. 

Recueil de Faits et Opinions publiés en France depuis 1700 
jusqu'à ce jour sur les Pierres de Foudre, de Tonnerre, 
Pierres tombées du ciel, Pluies de Pierres, etc. 

N« 5. 

« En 1723, M. dfrJussieu lut à l'Académie des Sciences le mé- 
moire suivant sur les prétendues pierres de foudre. 

Rien n'est si commun dans la république des lettres que le 
mérite que les anciens, et qu'une tradition qui, depuis eux, 
s'est même conservée jusqu'à nous, ont attribué il la pierre de 
foudre; l'explication du nom de céraunia qu'elle porte,- nous 
apprend qu'ils la croyaient descendre du ciel dans le moment 
que le tonnerre éclatait et tombait sur quelque endroit que ce 
fut sur la terre. 

« Cette prétendue origine la faisait regarder avec une espèce 
de respect qui avait rapport à la majesté du dieu qu'ils s'ima- 
ginaient l'avoir lancée. Aussi Pline la mit-il dans le nombre 
des pierres précieuses. 

« Hais il n'est point de peuples qui en aient fait plus de cas que 
ceux du Nord par la superstition qu'ils attachaient à ces 
pierres, qui était que comme ils avaient autrefois adoré une 
idole, qu'ils croyaient présider à la foudre, et qu'ils représen- 
taient la foudre à la main sous la figure d'une de ces pierres 
taillées en coin, ils conservaient chez eux une de ces sortes de 
pierre comme un préservatif contre la foudre, qu'ils croyaient 
éloigner de leurs maisons, lorsque au premier bruit de ton* 
nerre qu'ils entendaient, ils avaient frappé de ces pierres trois 
fois les endroits par lesquels le tonnerre aurait pu entrer. 

« Helwing, célèbre ministre d'Angerbourg, en Prusse, qui a 



— 137 — 

fait un traité particulier des pierres de son pays, dit qu'il lui a 
fallu recourir au bras séculier pour détruire cette superstition 
♦ dans le lieu où il exerçait son ministère, superstition qui était 
d'autant plus enracinée qu'elle était entretenue par les décou- 
vertes continuelles qui s'y faisaient de ces sortes de pierres 
dont ces peuples ne pouvaient s'imaginer que la figure n'eût 
quelque chose de mystérieux. 

« Cette nation semblerait s'être accordée en cela avec les 
Chinois chez lesquels Rhumphius, qui nous a donné des figures 
de ces sortes de pierres dans son Recueil de Coquilles, nous 
assure qu'une pareille idée a pour fondement l'observation 
qu'ils font sur la figure, sur la qualité et la couleur de ces 
sortes de pierres, et sur les endroits sur lesquels il s'en trouve, 
qui sont souvent des troncs d'arbre qu'ils s'imaginent avoir été 
frappés de la foudre; 

« Quelque éloignés que nous soyons de semblables idées, nous 
n'avons pas laissé de croire jusqu'ici que la ceraunia est une 
pierre naturelle dont le caractère est d'être figuré ou en coin, 
ou en fer de flèche, de la même manière que la figure ovale , 
la cylindre, la prismatique et l'orbiculaire sont les caractères 
des cailloux de meudoc, de l'émeraude, de quelques cristaux 
et des échinites. 

« Mercati, tout éclairé qu'il était dans l'histoire des fossiles, 
n'a pas voulu tellement adhérer à l'opinion que ces sortes de 
pierres aient été taillées de cette forme, qu'il a renoncé au 
sentiment de ceux qui en admettent la possibilité naturelle 
sous le nom de jeu de nature. 

« Mais aujourd'hui, un peu d'attention à deux ou trois espèces 
de pierres qui nous viennent, les unes des lies d'Amérique, les 
autres du Canada, est capable de nous détromper de ce pré- 
jugé, du moment que nous apprenons, à n'en pas douter, que 
les sauvages de ces pays-là se servent à différents usages de 
pierres à peu près semblables, qu'ils ont taillées avec une 
patience infinie par le frottement contre d'autres pierres, faute 
d'aucun instrument de fer, ni d'acier. 



— 138 — 

« Les premiers besoins des sauvages sont ou de couper ou de 
fendre du bois, ou de se faire des armes dont ils puissent tuer 
des animaux pour leur subsistance, ou de se défendre contre 
leurs ennemis. ; 

a La figure de hache et celle de coin qu'ils ont donnée à 
quelques pierres que nous avons Urées d'eux, nous marque 
assez qu'ils les ont taillées pour les premiers -de ces usages; 
et, celles de pointes qu'ils ont donnée à quelques pierres à feu 
que nous voyons adroitement entées sur l'extrémité de cer- 
tains bois menus et longs, nous font assez connaître qu'ils s'en 
servent comme de flèches. 

« J'en rapporte une pièce originale de chacun de ces instru- 
ments : Tune qui est en forme de hache, tirée des Caraïbes; la 
seconde, qui ressemble à un coin, apporté du Canada; et 
la troisième, qui sont trois flèches, chacune ayant pour armure, 
au lieu d'une pointe d'acier, un fragment triangulaire de 
pierres à feu, aiguisé par l'angle qui lui sert de pointe, et 
tranchant des deux côtés. 

« Lorsque nous voyons donc parmi les figures de ceux qui ont 

* 

fait des recueils de pierres figurées, celles qui se rapportent à 
quelqu'une de ces trois formes, et surtout à celle de coin et à 
celle de fer de flèche, qui ont toujours passé jusqu'ici pour 
pierres de foudre~etJpour mystérieuses, nous ne devons point 
hésiter de les regarder comme instruments répondant à ceux 
d'acier, auxquels ils ressemblent, et qui ont été taillés ou par 
les premiers habitants de ces pays où on les trouve, ou y 
avaient été apportés par des étrangers qui en faisaient une sorte 
de commerce. Ce qui donne lieu à cette conjecture, c'est que 
dans la plupart des pays où se trouvent ces instruments on n y 
voit point ni carrière, ni caillou de la même nature qui ait pu 
servir pour les fabriquer sur les lieux ; et que, par conséquent, 
il y avait beaucoup d'apparence que les habitants d'un pays où 
se rencontrent des cailloux d'un grain aussi fin et d'une espèce 
aussi dure, venaient les échanger contre d'autres denrées ; et, 



— 139 — 

L - 

ce qui achève de confirmer cette conjecture est que la même 
chose se pratique encore chez tes sauvages, parmi lesquels ceux 
qui ont le plus d'adresse et de patience pour tailler ces sortes 
d'instruments, les fournissent aux autres qui savent peut-être 
mieux s'en servir. 

« Les peuples de France, d'Allemagne et des autres pays du 
Nord, pour ce qui est de la découverte du fer, sont assez sem- 
blables à tous les sauvages d'aujourd'hui, et n'avaient pas 
moins besoin qu'eux avant l'usage du fer, de couper du bois, de 
séparer des écorces, de fendre des branches, de tuer des bêtes 
sauvages, de chasser pour leur nourriture et de se défendre de 
leurs ennemis, ce qu'ils ne pouvaient guère exécuter qu'avec 
de tels instruments qui, n'étant pas, comme le fer, sujets à la 
rouille, se retrouvent aujourd'hui dans la terre, en leur entier et 
presque avec leur premier poli. 

« Comme il est assezordinairequedes choses d'un genre très- 
différent portent quelquefois le même nom, et que celui de 
pierre de foudre, se. donne encore en français à une espèce de 
marcassite vitriolique, de figure ou oblongue ou arrondie, 
tantôt hérissée de pointes, tantôt lisse et tantôt à facettes, je 
suis bien aise d'avertir qu'elle ne doit point être confondue 
avec cette première, non-seulement parce qu'elle ne lui res- 
semble en rien par rapport à la figure, et qu'au contraire elle 
en est très-différente par les propriétés qu'elle a de fuser et de 
•se convertir en vitriol, lorsqu'elle est exposée à l'air, au lieu 
que celle dont je parle, est une vraie pierre très-dure, d'un 
grain si fin, qu'elle sert de pierre de touche pour les métaux et 
à polir différents ouvrages. » 

N° 6. 

Dans la même année 1 723, l'historien de l'Académie des 
Sciences donna sur le même phénomène, et d'après l'opinion 
de M. de Jussieu, les réflexions suivantes : 

« Les pierres do foudre n'ont rien d'anormal (il venait de par 



— 140 — 

1er des pierres connues sous le nom d'yeux de serpent, de cra- 
paudines, etc) ; ce sont, ajoule-t-il, de véritables cailloux qui 
ont une figure de coin ou de fer de flèche. Cette [figure a fait 
juger aux anciens Grecs qu'elles étaient les armes de Jupiter 
tonnant, el qu'il les lançait de ses mains avec la foudre : cette 
opinion a passé ou est née d'elle-même chez les peuples du 
Nord qui, pour trouver ces pierres en grande quantité ne les 
en ont pas moins vénérées. Ils croient même que, quoiqu'elles 
viennent de la foudre, elles les en garantiront, et on a bien de 
la peine encore aujourd'hui à les en désabuser. Les Chinois, 
qui ne sont guères à portée de la contagion de ces idées, en 
ont pourtant d'assez semblables, et il n'est pas trop aisé de 
voir pourquoi cette superstition est assez naturelle. 
L'origine de ces pierres est très-évidente et très-sûre, dès 
. qu'on en voit de toutes pareilles taillées par les sauvages 
d'Amérique, pour fendre du bois ou armer leurs flèches. Ils 
n'ont point de fer ; et en frottant des pierres fort dures les 
unes contre les autres, ils font ces sortes d'ouvrages qui leur 
sont absolument nécessaires, et n'y plaignent point le temps 
dont en effet ils ne manquent pas. Notre continent fut ancien- 
nement habité par des sauvages, et les mornes besoins, la 
même disette de fer leur ont inspiré la même industrie. Dans 
la suite, leurs outils devenus inutiles ont été ensevelis, en 
grande quantité, dans la terre, et s'y sont mieux conservés 
que s'ils eussent été de métal; car la rouille ou le verdetles 
auraient peut-être consumés ou défigurés ; et voilà ces pierres 
tombées avec la foudre !.... » 

No 7. 

En 1734, l'historien de l'Académie des Inscriptions et Belles- 
Lettres donne l'extrait suivant d'un mémoire lu â l'Académie 
par M. Mahudel, sur les prétendues pierres de foudre. 

« L'erreur, pour être ancienne, n'en est pas plus respectable 
« et on est toujours à temps de la découvrir. C'est ce qu'en- 



— 141 — 

« (reprit M. Mahudel par rapport aux pierres de foudre, qu'il 
« prouva dans un mémoire lu à l'Académie, êlre des instru- 
« menls dont les premiers hommes se servirent avant l'usage 
« de l'airain et du fer, ainsi que l'avait avancé, avant lui, 
« Mercati, médecin du pape Clément XIII. On reconnaît, dit-il, 
« trois espèces de ces pierres, elc » 

Suit une intéressante analyse du mémoire, que la citation 
suivante dispense de reproduire : 

é 

Examen critique des opinions émises jusqu'à ce jour, tant sur 
la réalité de la chute des pierres de l'atmosphère, que sur leur 
origine et leur formation ; présentant la marche de l'esprit 
humain relativement à ce phénomène. 



En voyant M. Mahudel reproduire, à l'Académie des Inscrip- 
tions, l'opinion de M. de Jussieu, publiée par celle des 
Sciences, onze ans auparavant, on serait tenté de croire qu'il 
était défendu aux membres de celte Académie de lire les mé- 
moires publiés par l'autre. 

On peut en conclure, du moins, que les rapports qui exis- 
taient entre les savants de ce temps là, étaient bien différents 
de ceux qui existent entre les savants d'aujourd'hui. Dans tout 
le mémoire de M. Mahudel qui, comme on a pu le voir, n'a 
d'autre but ni d'autre -résultat que celui de M. de Jussieu, il 
n'est pas fait plus mention de celui-ci, que s'il n'eût pas été pu- 
blié. 

Le mémoire de M. Mahudel a pourtant son avantage sur celui 
de M. de Jussieu, c'est qu'il présente mieux l'a question, et prête 
d'autant moins à cette extension qui rend fausse et inadmissi- 
ble la conséquence qu'on en déduit. H dislingue trois espèces 
de pierres de foudre, après avoir rangé dans la seconde espèce, 

Soc. archéol. du Finistère.— Tome VI. il 



— 142 — 

c celles qui par Yabondance des substances métalliques qu'elles 
contiennent, se. rapportent à la classe des marcassites, et donf 
il laisse aux chimistes à déterminer l'origine contre ceux qui 
« croient qu'elle est céleste ; il ajoute qu'il ne s'attache qu'à 
« l'examen de celles d'une troisième espèce, qui sont d'une 
« substance purement pierreuse, et qui n'ont point reçu de la 
€ nature les figures qui nous les font admirer » 

Ce sont ces pierres qu'il prouve, comme l'avait fait M. de 
Jussieu T êtres dues à l'industrie des anciens habitants de nos 
contrées, qui, ne connaissant point le fer se formaient des ins- 
truments avec les corps les plus propres aux usages auxquels 
ils les destinaient. Il pense avoir détruit une vieille erreur 
en dévoilant l'origine de la forme de ces pierres, que Ton cro- 
yait communément être tombées avec la foudre. 

M. Hahudel laisse de côté précisément celles dont nous nous 
occupons; son mémoire n'infirme donc pas plus que les autres 
la validité des témoignages anciens et modernes (1). L'historien 
de l'Académie des Inscriptions ne fait pas comme celui de l'Aca- 
démie des Çciences : loin de conclure qu'il n'y a point de pierres 
c tombées du ciel, il dit expressément que M. Mahudel n'expose 
c point les raisons qui prouvent l'impossibilité que ces pierres 
« se forment dans les nues » 

Voici donc la part de de Jussieu et celle de Mahudel équi- 
tablement faites par le docteur Izarn ; — • mais j'ai parlé 
aussi d'un minéralogiste du XVIII e siècle que la Lithologie at- 
mosphérique n'avait pas eu occasion de citer, Yatmontde Bomarc, 
je ne me souvenais pas lors de notre dernière séance de la 
date exacte de publication de la Minéralogie ou nouvelle expo- 
sition du système minéral, par cet auteur, mais j'étais du 
moins certain que ce traité, justement estimé, se terminait par 
un chapitre particulier sur les pierres polies cunéiformes, les 



(1) Témoignages que le docteur Izarn rapporte à de véritables météo- 
rite», de nature métallique et sans formes déterminées. 



— 143 — 

N désignant déjà par cette qualification à laquelle il faut revenir 
et que celle de cellc^ aura fort malencontreusement remplacée 
pendant quelques années. 

L'ouvrage porte le millésime de 1762,. il se termine ainsi, 
tome 1/, page 329 : 

ESPÈCE CCCL1I. 

UL Pierres figurées artificielles ou supposées» 
(Lithoglyphi arte-facti, JVallerii, Lapides supposititii). 

a On donne ce nom à des pierres figurées que l'on rencon- 
tre quelquefois dans la terre à différentes profondeurs, commu- 
nément dans des bulles et dans des tombeaux, et qui ont été 
Contrefaites; ou imitées par art (t), lesquelles servaient en gé- 
néral d'instruments et d'armes aux anciens : telles sont : l°les 
pierres dé tonnerre, lithoglyphi arte-facti cunei- formes, qui 
, sont en forme de coin, ou pyramidales par les deux extrémités, 
renflées dans le milieu, et pour l'ordinaire percées d'uu trou ; 
2° les haches de pierre, securi formes; 3° les marteaux de 
pierre, mallei-formes ; 4° les couteaux de pierre, cultri -formes; 
5 ê les flèches de pierre, sagittœ- formes ; 6° les langues dé 
pierre, linguœ-formes ; 7° les urnes sépulcrales, urnœ-oslracilœ\ 
et pour terminer l'histoire des pierres figurées artificielles, 
nous y ajouterons, 8° les prétendues dés de pierre, tesserœ 
badenses, dont Scheuchzer, Rist.nat., Partie //, p. 156, fait 
mention. » 



(1) 11 y avait donc dès ce moment des tutnuli fouillés par les collec- 
tionneurs, mais de plus la contrefaçon elle-même multipliait déjà, it y 
a plus de cent ans, les échantillons authentiques provenant de ces 
fouilles!.. 

Le docteur Izarn dit lui-même (page 287) : 

« Cette forme (triangulaire arrondie) ayant été prise par les 

faiseurs de collections de pierres figurées, pour un caractère distinctif 
de pierre de foudre, et chacun voulant se donner une de ces pierres, 
elles se sott facilement multipliées dans les cabinets ; car il n est pas 
difficile de trouver des cailloux très-durs et de toutes formes^ triangu- 
laires ou deltoïdes. . . » 



— 144 — 

Je voudrais pouvoir étendre plutôt que restreindre ces cita- 
talions ; mais elles absorberaient trop de place dans le Bulletin de 
la Société. — J'ai cependant encore le devoir de produire les 
passages de Buflbn auxquels je faisais allusion dans notre der- 
nière séance, au sujet du transfert très-vraiseinblable de ha- 
ches du jade sibérien jusqu'en Amérique : — il ne semble pas 
que rien- ait été publié de plus complet et de plus concluant 
parmi les travaux les plus récents, et voici au moins la preuve 
d'échanges très-anciens entre les peuplades de l'extrême nord 
des deux continents, 

C'est au sixième volume de l'Histoire naturelle (édition de 
1779 — Imprimerie royale) dans les notes justificatives, qu'on 
trouve ce qui suit : 

« M. Muller, envoyé avec M. Gmelin par l'Impératrice en 
Sibérie. ...., conclut par dire qu'il n'y a qu'une très-petite sé- 
paration entre l'Asie et l'Amérique, et que ce détroit offre une 
ou plusieurs isles, qui servent de roules ou de stations commu- 
nes aux habitants des deux continents. Je crois celte opinion 
bien fondée et M. Muller rassemble un grand nombre de faits 
pour l'appuyer 

• 

« La grande carte générale de l'empire de Russie qu'on 
vient de publier cette année, 1777, représente exactement les 
côtes de toute l'extrémité septentrionale de l'Asie habitée par 

les Tschulschis Les îles reconnues entre les côtes du 

Kamlschalka et celles de l'Amérique sont montagneuses ainsi 
que les côtes de Kamlschalka et celles du continent de l'Amé- 
rique; il y a donc une continuation bien marquée entre les 
chaînes de montagnes de ces deux continents, dont les inter- 
ruptions jadis peut-être moins considérables, peuvent avoir été 
élargies par le dépérissement de la roche, par les courants 
continuels qui entrent de la mer glaciale vers la grande mer 
du Sud, et par les catastrophes du gfobe. 

«Mais celle chaîne sous-marine qui joint les terres du Kamls- 
chalka avec celles de F Amérique, est plus méridionale de sept 



— 145 — 

ou huit degrés que celle des fies Anadir ou Àndrien qui, de 
temps immémorial, ont servi de passage aux Tschulschis pour 
aller en Amérique*. 

« M. de Domascheneff dit qu'il est certain que celte traversée 
de la {pointe de l'Asie au continent de l'Amérique, se fait à la 
rame et que ces peuples y vont trafiquer des ferrailles 
russes avec les Américains; que les îles qui sont sur ce pas- 
sage y sont si fréquentées, qu'on peut coucher toutes les nuits 
à terre et que le'continent de l'Amérique où les Tschutschis 
commercent esl montagneux 

« Ces îles septentrionales situées entre les deux continents, ne 
sont guère connues que des Tschutschis ; elles forment une 
chaîne entre la pointe la plus orientale de l'Asie et le continent 
de l'Amérique % 

« On ne trouve point de métaux dans ces îles, mais seulement 
des calcédoines, et quelques autres pierres colorées de peu 
de valeur " * 

« Les habitants de ces îles sont assez nombreux, mais comme 
ils mènent une vie'errante, se transportant d'une île à l'autre, 

il n'est pas possible de fixer leur nombre 11 parait que tous 

les insulaires des îles aux Renards sont d'une même nation à 
laquelle les habitants des Aleutes et des îles d'Andrien peuvent 
aussi se rapporter quoiqu'ils en diffèrent par quelques coutumes. 
Tout ce peuple a une très-grande ressemblance, par les mœurs 
la façon de vivre et de se nourrir, avec les Esquimaux et les 
Groënlandais. Le nom de Kanaghist dont ces insulaires s'appel- 
W dans leur langue, peut-être corrompu par les marins, est 
encore très ressemblant à celui de Karalit, dont les Esquimaux 
et leurs frères les Groënlandais se nomment (1). On n'a trouvé 



(1) Ce nom de Kanaghist aifquel des marins de la Baltique avaient 
tout au plus ajouté la terminaison allemande ist n'est- il pas encore 
plus voisin de Kanak que v de Karalit ?... Ce serait alors le nom 
que se donnent encore les indigènes de la Nouvelle Zélaude et ceux 
de la Nouvelle-Calédonie. — Ne fût ce que pour permettre de publier 
ce rapprochement, ces passages de Buffon devaient être réimprimes. 



— 146 — 

aux habitants de toutes ces îles, entre l'Asie et l'Amérique, 
d'autres outils que des haches de pierre» des cailloux taillés 
en scalpel et des omoplates d'animaux, aiguisés pour couper 
l'herbe ; ils ont aussi des dards [qu'ils lancent de la main à 
l'aide d'une palette, et desquels la pointe est armée d'un cail- 
lou pointu et artistement taillé : aujourd'hui ils ont beaucoup 
de ferraille- volées ou enlevées aux Russes. Us font des canots 
et des espèces de pirogues comme les Esquimaux ; il y en a 
d'assez grandes pour contenir vingt personnes ; la charpente 
en est de bois léger, recouvert partout de peaux de phoques et 
d'autres animaux marins. 

« Il paraît par tous ces faits, que de temps immémorial les 
Tschutschis qui habitent la pointe la plus orientale de l'Asie, 
entre le 55* et le 70 e degrés, ont eu commerce avec les Amé- 
ricains, et que ce commerce était d'autant plus facile pour ces 
peuples accoutumés à la rigneur du froid, que Ton peut faire le 
voyage, qui n'est peut-être pas de cent lieues, en se reposant 
tous les jours d'Iles eu lies, et dans de simples canots, conduits 
à la rame en été, et peut-être sur la glace en hiver. L'Améri- 
que a donc pu être peuplée par l'Asie sous ce parallèle ; et 
tout semble indiquer que, quoiqu'il y ail aujourd'hui des inter- 
ruptions de mer entre les terres de ces iles, elles ne faisaient 
autrefois qu'un même continent, par lequel l'Amérique était 
jointe à l'Asie... . » 

Je n'ai plus que peu de mots à dire. 

Certains auteurs accueillent encore avec bien peu de faveur 
l'hypothèse du commerce des outils et armes de pierre entre 
les peuples primitifs. Je pourrais citer au soutien de cette opi- 
nion des indications plus récentes, et en assez grand nombre. 
— J'en choisirai deux : 

La Revue archéologique a publié dans sa livraison de 
juillet 1878, une très-intéressante Notice sur la distribution 
géographique des haches et autres objets préhistoriques, par 
MM . Damour et Fischer. 



— 147 — 

D'après ce très-remarquable résumé, * les gisements de jade 
« néphrite qui peuvent se trouver sur le continent américain 
« n'ont pas encore été déterminées avec une suffisante préci- 
« sion. » 

Malgré cette incertitude, et « dans le but d'appeler l'alién- 
er tion et la critique scientifique des archéologues que laques- 
« tion pourrait intéresser, » les auteurs croient, pouvoir don- 
ner une énuméralion d'antiquités américaines supposées en 
jade néphrite ; je relève sur cette liste (Jib. cit., page 20) 
comme appartenant au musée ethnographique de Gbllingen 
l'objet décrit ci-dessous : 

« Hache attachée à un manche. — La matière est d'un* 
« teinte vert poireau, avec des lâches de rouille semblables à 

! « celles qu'on observe sur le jade néphrite de Sibérie. Trouvée 

, « sur la côte extrême nord-ouest de l'Amérique septentrionale, 

« vis-à-vis des Tschoukstches, qui portent de pareilles hache**» 
Cette dernière remarque ne rappelle qu'une provenance pos- 
sible et se formule dans les termes les plus discrets; —mais, 

i rapprochée des Notes justificatives citées plus haut, ne s'im- 

pose-t-elle pas avec une grande autorité ?<Ne pourrait-on dire 

1 que Buffon recueillait d'avance les preuves de l'origine sibé- 

rienne de. celle hache, lorsqu'il signalait, en 1777, le va-et- 
vient, déjà bien ancien, des Tschouklschis à travers les lies 
Aléou tiennes et leurs échanges habituels avec les indigènes du 
•nord-ouest Amérique ? 

Venons à des témoignages contemporains. 
Le 14 août 1865, à l'Académie des Sciences, M. Élie de 
Beaumont donne lecture d'une lettre de M. Simonin, sur les 
découvertes faites à l'île d'Elbe par M. Raffaelo Foresi. Ce col- 
lectionneur vient de retrouver chez des paysans « des pointes 
« de flèches en silex qui passent parmi ces gens crédules pour 
« des pierres de foudre, qu'on suspend au cou des enfants 
9 pour les préserver du tonnerre (i). 

(l) Comptes-rendus hebdomadaires de l'Académie des Sciences, 
tome LXI, page 303. 



— 148 - 



« Les instruments retrouvés par M. Foresi ont cela de par- 
« liculier que les neuf dixièmes sont en silex d'espèces abso- 
« Jument inconnues à l'île d'Elbe; on y retrouve jusqu'à l'ob- 
« sidienne, qui a dû venir de Naples, sinon de plus loin », 
dit M. Simonin. 

Dans la séance suivante de la même Académie (21 août 
1865), M. Roulin présente de vive voix quelques remarques sur 
ce passage de la lettre de M. Simonin. — Rappelant la pierre 
que M. Damour a désignée sous le nom de callaîs et qui avait 
été trouvée dans un tumulus du Morbihan (1), il signale que 
celte pierre était d'une origine sans donte plus lointaine en- 
core, bien qu'on ne puisse rien affirmer à cet égard. « Proba- 
blement, dit M. Roulin, bien des faits analogues auront 
échappé à l'attention, lorsque les antiquaires n'avaient pas 
encore. senti le besoin de s'aider des lumières de la miné- 
ralogie ; mais on en connaît déjà assez pour en chercher 
l'explication . 

« Comment ces armes, ces objets de parure sont-ils parve- 
nus dans les lieux où nous nous étonnons aujourd'hui de les 
découvrir? Sont-ils restés là comme des témoins d'une inva- 
sion passagère, d'une sorte de colonisation? C'est une 
manière très-naturelle de se rendre compte de leur pré- 
sence, mais on doit aussi se demander s'ils n'ont p^s pu 
arriver par la voie du commerce. On aura peine sans doute 
à se figurer des commerçants chez des . peuples aussi peu 
avancés dans la civilisation ; mais les Indiens qui errent dans 
les plaines arrosées de l'Orénoque ne sont pas certainement 
plus civilisées, et cependant on en voit qui entreprennent 
de longs voyages dans un but purement mercantile, » 
Comme preuve de ce fait, M. Roulin évoque les souvenirs du 
voyage d'exploration accompli par lui-même, en 1823^ avec 
M. Boussingault dans la vallée du Meta, affluent de l'Orénoque. 



(1) Comptes-rendus» tome LIX, page 936. 



— 149 — 

11 cite d'aboi d les Indiens Camoniguas que d'autres nations 
désignent elles mêmes comme grands vogageurs et grands 
trafiquants; « non-seulement ils apportent (à San-Martin de los 
Lanos) du curare qu'ils fabriquent eux-mêmes, mais encore ils 
vont chercher dans les Andaquies, de la cire blanche- ils s'avan- 
cent jusqu'aux missions portugaises, d'où ils tirent des haches, 
des machetes et des fers de lance..... » — Enfin au village de 
Giramena, les explorateurs français remarquent dans toutes 
les maisons, des râpes pour le manioc formées par une planche 
dans laquelle étaient implantés, comme des dents, de petits 
fragments de silex. M. Roulin s'informa d'où venaient ces 
pierres, car il n'y en avait pas de semblables dans tout le pays; 
on lui dit qu'elles venaient de fort loin, mais qu'on n'en recevait 
plus depuis quelques années ; » — celle dernière indication 
est complétée par la déclaration d'un métis ainsi conçue : De 
temps immémorial les gens de Giramena voyaient arriver chez 
eux, tous les ans, vers la même époque, quelque vingt ou 
trente Indiens — autres que les Camoniguas, — et qui appor- 
taient également leur curare, « mais dont l'arrivée était surtout 
désirée à cause des pierres à feu qu'on ne recevait que par eux. 
— Malgré le besoin toujours renouvelé de ces pierres et par 
une de ces déterminations soudaines, tout à fait inexplicables, 
mais trop communes chez les Indiens, « tous les voyageurs 
avaient été massacrés dans une même nuit par les indigènes 
de Giramena et, depuis, ceux-ci n'en n'avaient plus vu repa- 
raître. » 

M. Pavot termine sa lecture en disant qu'il craint 
de s'être laissé entraîner lui-même beaucoup trop loin 
sur les traces des nomades colporteurs de silex ou de 
jade ; il n'a voulu que rappeler à la Société archéolo- 
gique les éclaircissements que la minéralogie et la 
chimie peuvent fournir, ce en faisant connaître les ca- 
ractères et les principes constituants des matières mises 



\ 



— 150 — 

en œuvre par nos premiers pères pour assurer leur 
propre conservation. » — Il cite à cet égard les tra- 
vaux de M. A. Damour, publiés de 1863 à 187.8, comme 
donnant les éléments d'étude les plus complets; il 
ajoute qu'un résumé de tous les mémoires et mono- 
graphies publiés par ce savant minéralogiste (jade, 
jadéïte, callaïs, etc.) serait des plus intéressants pour 
les archéologues. M. de Mortillet, dans son Bulletin 
mensuel des travaux et découvertes concernant l'an- 
thropologie (Matériaux pour l'histoire positive et philoso- 
phique de l'homme) a déjà reproduit in-extenso (mars 
1866) la Notice sur la composition des haches en pierre, 
trouvées dans les monuments celtiques et chez les tribus sau- 
vages, que M. Damour avait préseatée, l'année pré- 
cédente, à l'Académie des Sciences (21 et 28 août 1865). 

Dans cette publication le nom de l'auteur a été 
inexactement reproduit (Dumour au lieu de Damour). 
M. Pavot ignore si, l'année précédente, M. de Mortillet 
avait inséré dans sa Revue la Notice spéciale sur le 
jade vert, également présentée à l'Académie des Scien- 
ces, dès 1863, et publiée dans les comptes-rendus 
(tome LVI, page 861). Quoi qu'il en soit, les comptes- 
rendus de l'Académie des Sciences et la Revue archéo- 
logique elle-même, pour la plus récente notice (juillet 
1878) sont partout faciles à consulter. 

Ce qu'on retrouve peut-être moins facilement au- 
jourd'hui, ce sont les opinions exprimées par divers 
auteurs de 1650 à 1850, sur le jade, la pierre des 
Amazones, le silex, etc., ainsi que les diverses hypo- 
thèses émises sur la formation et la « reproduction » 
de ces pierres..... M. Pavot a déjà rassemblé quel- y 



— 151 — 

ques notes à ce sujet et les tient à la disposition de ses 
collègues, mais il hésiterait à les présenter à la Société 
archéologique, car ces documents n'ont pas été em- 
pruntés v à des ouvrages devenus introuvables. M. le 
Président insiste au contraire pour que ces extraits 
soient eux-mêmes produits à une prochaine séance, 
car à en juger par la lecture des notes précédente^, la 
communication de ces documents supplémentaires in- 
téressera très-certainement les membres de la Société. 

M. Le Men informe l'Assemblée que, grâce aux 
démarches de notre confrère, M. Louis Hémon, dé- 
puté de Quimper, la Société a tout lieu d'espérer le 
concours du Ministère des Beaux- Arts pour l'établis" 
sèment d'une galerie de costumes bretons à notre 
Musée. 

Une liste de souscription, en tête de laquelle M. de 
la Villemarqué s'inscrit pour cinquante francs, est 
ensuite ouverte pour le même objet. 

On procède au dépouillement du scrutin pour la 
nomination d'un secrétaire-adjoint. M. Tanguy, sténo- 
graphe et employé à la Direction des ligues télégra- 
phiques, ayant obtenu la majorité des suffrages, est 
désigné pour remplir ces fonctions. 

M. Gatrot, sous-lieutenant au 118 e , présenté par 
MM. Créac'hcadic et Le Men, est admis à l'unanimité 
à faire partie de la Société archéologique du Finistère. 

La séance est levée à quatre heures et demie. 

Le Secrétaire, 
R.-F. LE MEN. 



- 152 — 



SEANCE DU SAMEDI 1« MARS 1879. 



• 



Présidence de M. F. AUDRAN, Vice-Président. 

Étaient présents : MM. Audran, Le Men, Trévédy, 
Pavot, Jaclot, de Brémoy, Bourassin, Malen, Fouge- 
ray, Moreau, de Chabre, Le Noble, Créac'hcadic et 
Tanguy, secrétaire. 

M. Audran dit qu'il ne s'attendait pas à l'honneur 
de présider cette séance, parce que des affaires sérieu- j 

ses réclamaient son temps et ses soins. Il devait donc 
s'excuser près de la Société, quand il reçut une lettre 
de M. de la Villemarqué, qui l'informait que pour rai- 
son de santé, il ne lui était pas possible de se rendre 
à Quimper présider la séance de ce jour et qu'il le 
priait de l'y remplacer. 

M. le Président donne ensuite la parole à M. Le Men, 
qui après avoir rappelé ce qui a été fait pour l'éta- 
blissement au Musée archéologique de Quimper d'une 
galerie de costumes bretons et avoir signalé de nou- 
veau, comme il convenait de le faire, l'utile concours . 
que M. Louis Hémon, député, a prêté pour cet objet à 
la Société, informe l'assemblée que sur une demande 
adressée à M. le Maire de Quimper par le bureau de 
la Société archéologique, le Conseil municipal de cette 
ville lui a accordé une subvention de 1,200 francs pour 
l'achat de costumes, ainsi qu'il résulte de la lettre 
suivante que M. le Maire vient d'adresser à M. Le Men. 

A Monsieur Le Men, Archiviste du département du Finistère, 

à Quimper. 

« Monsieur, 
« J'ai soumis an Conseil municipal la demande que le bu- 



— 153 — 

reau de la Société archéologique du Finistère m'a fait l'hon- 
neur de m 'adresser. 

« Je suis heureux d'avoir, à vous informer que le Conseil, 
reconnaissant l'intérêt que présenterait une galerie de costu- 
mes bretons, et désireux de donner un témoignage de sympa- 
thie à la Société archéologique du Finistère, a décidé, à l'una- 
nimité, qu'une somme de 1,200 francs serait immédiatement 
mise à sa disposition pour contribuer à l'acquisition de cos- 
tumes du pays. 

« Recevez, Monsieur, l'assurance de ma considération très- 
distinguée. 

« Le Maire, J. ASTOR. 

M. Le Men termine sa communication par ces mots : 
(( Je pense que le principal objet de la réunion d'au- 
jourd'hui est de témoigner notre gratitude à M. le 
Maire et au Conseil municipal de Quimper. » 

La Société d'archéologie, dit alors M. le Président 
est heureuse de voir nos administrations locale et dé- 
partementale s'intéresser à ses travaux et j'ai ia cer- 
titude d'être son interprête en adressant à l'adminis- 
tration municipale de Quimper, l'expression de sa vive 
reconnaissance pour le concours qu'elle a bien voulu 
lui prêter, dans la réalisation d'une œuvre dont l'uti- 
lité ne saurait être contestée. 

M. le Président remercie aussi M. Hémon des dé- 
marches qu'il a faites au Ministère des Beaux- Arts, 
démarches que, nous en avons la persuasion, il renou- 
vellera au besoin. 

M. le Président informe la réunion qu'il a reçu de 
M. le Ministre des Beaux- Arts une circulaire annon- 
çant la réunion des Sociétés savantes qui aura lieu à 



— 154 — 

la Sorbonne du 16 au 19 avril prochain. Les demandes 
d'admission devront être déposées au Secrétariat de la 
Société. 

Après lecture de la circulaire, M. le Président la 
dépose entre les mains de M. le Secrétaire en le priant 
de faire mention de cette remise au procès- verbal de 
la séance. 

M. Trévédy fait savoir qu'il a reçu une lettre de 
M. Ayrault, procureur de la République à Lannibn, 
membre de la Société d'archéologie du Finistère, qui 
Je prie d'informer ses collègues qu'il serait très-dési- 
reux de se rendre à la Sorbonne pour donner lecture 
d'une Notice sur la législation relative à la pêche du 
goémon. 

- M. Audran vice-président exprime aussi le désir 
d'assister aux séances de la Sorbonne. L'assemblée 
consultée délègue MM. Audran et Ayrault, pour la 
représenter aux assises scientifiques de la semaine de 
Pâques. | 

M. Bourassin demande la parole pour la lecture 
d'une note sur le camp vitrifié de Péran, près Saint- 
Brieuc. Il dit que ce n'est ni l'ouvrage des Gaulois ni 
celui des Romains. On lui a rapporté qu'à Gouesnach 
aussi il existe des murs vitrifiés. Il serait bon, ajoute- 
t-il, de se rendre dans cette commune pour voir s'ils 
ressemblent à ceux de Saint-Brieuc. 

M. le Président remercie M. Bourassin de la com- 
munication qu'il vient de lire. 

M. Le Men fait observer que les deux forterereses 
qui existent de chaque côté de l'entrée de l'anse de 
Saint-Cado, sur la rivière l'Odet, et dont mie au moins 



» 



— 155 — 

est certainement vitrifiée ont été signalées et décrites 
par lui dans son mémoire sur les Oppidums du Finis- 
tère, inséré dans le recueil des mémoires lus au Congrès 
de l'Association bretonne tenu à Quimper au mois de 
septembre 1873. 

M. Le Men a ensuite la parole pour donner lecture de 
documents inédits relatifs à la famille de Sévigné, que 
Ton trouvera dans le prochain volume du Bulletin. 

L'ordre du jour étant épuisé et aucun membre n'ayant 
de communications à faire, M. le Président déclare la 
séance levée à 3 heures et demie. * 

Le Secrétaire-Adjoint, 
TANGUY. 



ERRATA DU TOME VI 

Page 15, ligne 20, au lieu de preçeres lisez proceres. — 
Page 50, ligne 21, au lieu d'aréolithe, lisez aërolithe. — 
Page 52, ligne 17, lisez plus un écu. — Page 107, ligne 19, au 
lieu de Warior's stone lisez Warrior's stoné.' 



TABLE DES MATIÈRES DU TOME VI. 



+■• 



Liste^ générale des Membres de la Société. 

Séance du 29 juin 1878. — Projet d'établissement d'une 
galerie, de costumes bretons au Musée archéologique. — Les 
Armoiries des villes du Finistère, par R.-F. LeMen. — La Fon- 
taine de Saint- Léger, en Biec, par M. le comte de Bremond 
d'Ars , . 11 

Séance du 28 septembre 1878. — Dénonciation relative 
aux chouans, par M. R.-F. Le Men. — Documents relatifs 
aux Ursulines de Quimperlé, par M. Audran. — Les Haches