3"-v'^^'^'*^'*
x
25
LE THEATRE
ITALIEN.
ov
LE RECUEIL
DE TOUTES
LES SCENES
FRANCOISES
6
Qui ont eftc jouées (ur le
THEATRE ITALIEN
De rHôtel de Boureoeî^e.
1 ^NJàu^'«"Xo G^V^erh^v
(t^ GENEVE, ClezJACQ^UES DENTAND'
M. DC. XCV,
-'C-
SON ALTESSE
ROYALE
MADAME
m
'^Hr
^AD AM Ey
feprefente à Vôtre Alte^sf Royale le recueil des S certes Vran^ çoîps qui ont eflé jouées fur le Théâtre Italien ^_ ^ dont quelques-unes ont m
E P I T R E.
la-vantage de Vous di^ernr , qumd Vous (injcT^ honoré nos Comédiens de rvotre ^refence. J^ fç^ hien que quand on <-uerra le grand Nom de vôtre AÎteffe Royale a la tefie de ce Li'-vre 5 // «jy a perfinne qui nefoït Jïirpris du peu de proportion quily ^ entre un Nom fi augufie isr de pures bagatelles : Mais ^AlAD AME ^ce qui peut juftifier ma conduite en cette occafion 5 cejt que je nay pas tu de choix à faire 5 elT* q^^ l^^ obligations infimes que fay à Vôtre Altefie Royale qui m'a fait ce que je fuis y & r approbation quEUe a bien ^oulu donner a quelques-unes de ces Scènes détachées , mengageoit indi^enfa^ blement à les luy offrir. Comme c^efi un devoir dont je m acquitte ^ j^^f, père quon ne regardera pas ce que contient mon Prefnt 3 'ô^ quon me
E P I T p. E.
rendra la jufiice de croire y que fi je nojfre que des bagatelles a Vocre Alcefife Royale > c'^ejique jetiayque des bagatelles à luy donner, ^ue je ferais heureux , éM AD A ME ,fi laUSiure de quelques unes de ces S cer- nes ^owvoit njous faire le meme^lau fr que njous aijeT^ trowue dans leur re^refentation, J^ fç^y bien quelles ne font pas toutes d' égale force : Mais^ MADAME^ elles ne front pas toujours exposées â des Jauges auffè éclairez, que Vôtre Aîteflc Royale^ CT* chacun trouvera de quoy s^'y di^ njtrtir a proportion de la delicatejji de fan goût. N'attendez^ pas :, M A- DAME:, que fui^ant le file des Epîtres Dédicatoires ^j'^, aille étaler icy ces grandes qualitez. qui Vous rendent les délices de la Cour ^ ir ï admira- tion de tout€ la Vrance. Cette matière
5 iiij
E P 1 T R E.
efi trop hors de ma portée : Je borne mon ambition a l'honneur de Vous di- n^ertir y eï^ '^e me tiens trop heureux Rapprendre icy a tout le monde ? que je fuis arvec un tres-profondre^eoi ^
Le très -humble , tres-obeïifanr^ & tres-foûmis fervîteur , EYARISTE CHERARDL
AFEKTIS SEMENT.
N ne doit pas s attendre à trouver dans ce Livre des Comédies entières, piiirqne les Pièces Italiennes ne fçauroienc s'imprimer. La raifon cîï , que les Comédiens Italiens n*appiennenc rien par cœur , êc qu'il leur futHc pour joiier une Comcdie , d'en avoir vu le fujec un moment avanc que d'aller fur le Théâtre- Auffi la plus grande beauté de leurs Pièces cft infeparable de Taclion. Le fuccés de leurs Comédies dépend abfolu- nient des Adeurs , qui leurdonnenc plus ou moins d'agrément , félon qu'ijs ont plus ou moins d efprit , & félon la fituâtion bonne ou mauvai- fc où ils fe trouvent en jouant.
Ceft cette neceffitéde jouer fur le champ, qui fait qu*on a tant de peine à remplacer un bonX!ome- dicn Italien, lorsque malneureu-
AVERTISSEMENT. fement il vient à manquer. Il n'y a perfonne qui ne puiflè apprendre par cœur 5 & reciter fur le Théâtre ce qu'il aura appris : mais il faut tout autre choie pour le Comédien Ita- lien Qui dit bon Comédien Italien, dit un homme qui a du fond , qui joue plus d'imagination que de mé- moire , qui compofe enjoiiant tout ce qu'il dit, qui fçaix féconder celuy avec qui il fe trouve fur le Théâtre , c eft à dire , qui marie fi bien fes ac- tions & Ces paroles avec celles de fon Camarade , qu'il fçait entrer fur le champ dans tout le jeu 6c dans tou3 les mouvemens que l'autre luy de- mande.
Il n'en efl: pas de même d'un Ac- teur qui joue Amplement de mémoi- re: Il n'entre jamais dans la Scène , que pour y débiter au plus vifte ce qu'il a appris par cœur , & dont il eft tellement occupé , que fans prendre garde aux mouvemens & aux geftes de fon Camarade , il va toujours foa chemiir, dans une furieufe impa- tience de le délivrer de fon rolle.
AVERTIS SEMENT.
On peut dire que cci fortes de Comédiens font comme des t coliers qui viennent repeter en tremblant une leçon qu'ils ont apprife avec foin : ou pliuôc ils font ièmblables aux Echos qui ne parleroient jamais, Il d'autres n avoient parlé avant eux. Je compare un Comédien de cette forte à un bras paralitique, qui quoy que inutile, porte toujours le nom de bras. La feule diffcrence que je me trouve entre le bras more ii le membre inutile delà Comédie c'cft que fi le premier ne fert de rien au corps , il cft certain auffi qu'il n'en reçoit aucune nourriture , 6c qu'elle fe partage entre les membres qui font leur devoir. Mais le der- nier , quoy que du tout inutile à la Comédie , ne laide pas de rece- voir autant de nourriture que ceux qui fatiguent le plus.
Mais jem*écanefurieufementdc mon fujet. Il ne s'agit pas icy des qualitez que doit avoir un bon Co- médien ; Il s'agit de parler des Sec- ne^ Fiançoiics qui ont efté jouées/ur
le Théâtre , c
l'Ouvrage de
deipric «Jc de ii..> ,. .v:>
onc données pour . ...^w.^w Jitns des SujCts Iialiens,ou cHcî: font cotn- nie enchailees. Tout Paris lésa ad- mirées quand elles ont paru pour la première fois, 6c tout Paris les adnii- re encore quand nous les re^ jouons. On y découvre par tout une Satyre fixe & délicate , une connoiflancc parfaite des mœurs du Siècle, des expreffions neuves 6c détour- nées de lenjouëment & de lef- prit } en un mot beaucoup de fel de de vivacité.
Il y a long temps qu'on demande dans le monde ces Dialogues avec empreflement , & comme aucun de mes Camarades n a encore voulu fe donner la peine d en faire le Re- cueil , je me fuis chargé de ce foin , avec d autaut plus de plaifir , que (î ce Livre eft auflî bien reçu que je l'cfpere , Je n auray pas lieu de me repcntirdes peines que jauray prifès.
SCENES
SCENES
FRANCOISES
j
D^A RLE Q^U î N
EMPEREUR DANS LA LUNE,
SCENE
DE LA FILLE DE CHAMBRE,
A R L E Q^U I N en Fille de Chambre. PIERROT^» Femme âfi DoBeur,
PIERROT.
O N jour 5 Ma mie. A R L E QV I N. On m'a dit , Madame , que vous aviez befoin d'une fem- me de chambre. Je venois pour vous offrir mes fervices, & fçayoir fi je ne vous ferois point agréable,
A
"é Scènes Françei/ès
PIERROT. D'où fortez'vous , ma mie ? A R L E Q,U I N.
Pour le piefenta Madame, je fots de chez la femme d'un Partiran,qui eil la maitrellè du monde k plus difficile à fervir. Je ne pcnfe pas qu'en trois ans que j\iy efté avec -elle , je l'aye va aller une (eule fois à la garde -robbe.
PIERROT. Ne pas aller à la garde-robbe i Tu te mo- c^nes 3 ma mie.
A R L E Q^U 1 N. îln*eftriende fi vray , Madam.e. Elle faifoit dans fa chambre. C'eft elle qui en a amené la mode.
PIERROT. Qiû en a amené la mode i
ARLEQ^UlN. Oh oh , je vouseflonnerois bien davan- tage Cl je vous difois qu^elle alloit toutes les femaines une fois aux éruves , & que fon mary n"'a jamais eu le crédit de luy faire ofter fes gans quand elle fe couche. C'eû une femme extrêmement pr-opre.Ellc n'au- roit pas foufot pour un empire , qi^e foii mary , au retour d\in voyage d'un an, l'eût baifée à la joue , de peur de deffleurir (on teint. Je vous dis que c'edune femme mer- •veilleufemeat propre*
âe rEmpertur datfs la Lnne^ . j PIERROT.
Ex eu appelles cela propreté , ma mief ARLEQ^UIN.'
Je le croi , vraiment , que c'eft propreté, PIERROT.
Comment donc as-ru pu te refoudre à 'quitter une femme fi propre ? A R L E Q^U I N.
A vous dire vrai , j'en ai bien eu du regrcc Mais comme on vouloir m'a'rujetir à blan- chir crois grands gars de Commis qui étoiêc chez nous , & qui fous prétexte de me de- mander leur linge, venoient toujours bati- foler autour de moy.Vous fçavez. Madame, qu'on n'a rien de Ci cher q-ae Thonneur. A cet heure ces friponniers-là me renoienc de certains propos. Enfin tant y a que pour bien des rai ions j'en ay voulu foriir, PIERROT.
N'eft-ce point aufîi que les Commis ■t'ont voulu mettre dans leurs iuccrefts ? ARLEQU IN.
Des Commis , Madame , des Commis ! Vous direz tout ce qu'il vous plaira : mais une jeune fille comme moy n'eft pas un gi« bier à Commis. Si j'avois voulu prêter l'o- reille aux fornettes , il hantoit peat-eftre chez nous d'auffi beau monde qu'en aucu- ne maifon de Paris. Mais grâces au Ciel , les hommes ne m'ont jamais tentée.
A ij
4 Scènes Fratiç&îfes
PIERROT.
Mais dis-moy^ ma bonne ,n'as-tu jamais fervi des gens de qualité ?
A R L E Q^U 1 N. Eft-il des gens de plus grande qualité que les Partifans ?
PIERROT. Je ne re dis pas que non. Mais je te de- mande n tu n'as point fervi des gens de la Cour?
ARLEQ^UIN. Qii'entendcz-vous , Madame , par des gens de la Cour?
PIERROT. J'entends des ComtelTès , des Marquifes, desDuchellès.
A R L E Q^U I N. Oh , fi ce n'eft que cela , je n*ay jamais fait d'autre métier en toute ma vie. J'ai fer- vi auflî un Commandeur dont j'cftois fem- me de chambre. C'eftoit une bonne con» dition 5 celle-là , fi elle euft duré. PIERROT. Femme de chambre d'un Commandeur ! Voicy bien autre chofe.
ARLEQ^UPN. Et pourquoy non, Madame ? Les Dames ont bien des valets de chambre. PIERROT. Elle a raifoniCeite fille-là me plaît fore Dis-moy,ma mie, ne fçais-tu pas blanchir?
de l'Empereur dans la LHtte, ^
A R L E Ci.U I N. Ouy > Madame. Je coëfFe , je blanchis je brode un peu , je fais de la paûe pour les mains , je fçay faire des jupes , je donne le bon air au manteau , je donne aufîi fore bien les remeces ^ enfin je puis me vanter de fçavoir faire aufîi adroittement qu'une autre tout ce qu'il y aura à faire auprès & d'une jolie femme comme vous , Madame. PERROT. Mais ne fçais-tu point aufîi. . . .là . . , ,' faire un peu de pommade pour le vifage ? ARLEQ^UIN. Bon,c'ell: ou je triomphe ; & la Comtef- fe quej'ay fer vi vous endiioit bien des nou- velles. Trois mois après que )e l'eus quit- tée 5 elle eftoit vieille de vingt-quatre ans. Je luy ay ufé plus de deux cent pots de pommade fur [on corps ; & à la fin je luy ay rendu le cuir aufîi uni qu'une glace. Si j'avais l'honneur de vous penfer feulement quinze jours ,. vôtre mary ne vous recon- Koitroit plus. Vraiment vraiment , j'ay re- mis fur pied des teints bien plus endiablez que le vôtre. Pour faire quelque chofe de bien , il faudra recrépir ce vilage- là d'un bout à l'autre. Apres cela vous charmerez tout Paris.
PIERROT. La folle / Allez^ vous demeurerez à mon fervice.
A iij
>; , Scenu Françolfei;
A R L E Q^U l N. A l'égard des gages , Madame , je vous, çroy raifonnable.
pie:rrot.
Allez 5 allez > vous ne vous plaindrez pas de inoy. *
A R L E Q^U I N. Vous donnez du vin , apparemment >
PIERROT. Du vin ! Mais les filles n'en boivent point.
ARL EQUIN. Cela eft vrai.,^Madame. C'eft que je fui^ fort délicate. Je mange fort peu i mais je: boy beaucoup*
^ PIERROT. Et bien ^ je vous contenteray*
^ ARLECtUlN. Qu/eft-ce que c'eft que cela , Madame ^ Qiiels vilains bras font- ce U ? Ils font tous., velus. Il faut arracher ce vilain poil-là^ ; PIERROT^» crianu Ah. Ah.
Le VoEtetir Arrlvi , reconyioifl Arle^uîn^i ilffe battent , & la fcene finit.
âe l'^Empereur dans la Lune^ y
^^ ^j5^ i^-^ §tjr^ î^ "'®'S^^¥S^^*f5 35^ SCENE
DISABELLEETCOLOMBINE.
ISABELLE.
ESc-il fous le ciel une pins mal-heureufc perfonne ? ]e tiens mes tablettes. Je les mets fur ma table \ &c dans le temps que je difporenion imagination à quelques bouts- rimez , un diable , ouy , Colombine , un diable inviiib le écrit fur mes tablettes des vers fur les mefmes rimes. En ce moment Cinthio entre dans ma chambre, furprend mes tablettes, & veut abfolument que ces vers m'ayenr efté donnez par un rivalvpîus je tâche à le delabufer^plus il s'obftine à le eroire.Que maudit foit la viiîte que je ren- dis hier à Angélique , Ôc plus maudit en- core ceîuy qui m'a mis en tefte de faire des bouts-rimez ?
COLOMBIME. Qiioy vous vous repentez de fréquenter les beaux erprits?Et depuis quand donc ce chagrin ? Oh pour cela, vous vous en avi* fez un peu tard. Il y a lix mois que vous perdez le boire d<, le mâger pour aile.r deuîc fois par jour dans cette pefte de maifon-la faire vos provillons de mots à la mode»
A iiij
'S Scènes Trançolfes
Ma foy je croy que vous eftes enforcelee cîe fadaizcs , èc que quelqu'un vous à broiiil^- lée avec le bon fens. Si votre oncle fçavoit tout ce petit train-là , il vous deffendroit alïiirement de voir ... .
ISABELLE.
OhdoucementjColombine , la conduire d^Angelique n'efl: point fielâtrée 3 &• fans rien rifquer , on peut dire que c'efl une fore honnefte fille.
COLOMBINE.
La grande merveillejlaîde comme elle eft qu'à quarante-Hx ans elle foit honnefte fille ! Ce n'eft pas làdelfus que je le prens. C'eftfur ce bureau d'impertinences qu'on tient foir & matin chez elle , ou deux ou trois petits freluquets d'Abbez font les chefs d'Académie > & débitent aux précieufes de notre quartier tous les mcchans vers qu'ils ont ram.adez dans la ville.
ISABELLE.
Que tu as Tefprit fervante , Colombine 6^que je te plains de n'aimer pas le lan- gage des Dieux 1
COLOMBINE.
Dîtes plutoft le langage des gueux : car les carolFes des Poètes ne font aujourd'huy gueres d'embarras dans les rues. Par exem- ple 3 c'eft un homme bien chanceux que les fils de cet Huiflicr qui vole dans des Livres WTîprimez les Enigmes , les Sonnets , les
de l'Empereur dans la Lufie, 9
Eîe^ics , &: mille autres drogues dont vous me Faires tous les foirs la receleuie ! J'ay bien à faire moy , d'emplir mon coffre de vos fornettes ? Et où en ferois-je iî l'oa alloit faire le procez aux faux Poètes com- me aux faux monnoveurs i
ISABELLE. Que ta {implicite eft fade î Tu ne fcaîsT donc pvis,Colombine,que laprofe eft l'cx- cremcnt de refprit , & qu'un madrigal voi- ture plus de tendrelle au cœur , que trente périodes des mieux arangées. Il faut eftre des derniers peuples pour ne pas aimer les Poètes à la folie.
COLOMBINE. Hé vous n'en prenez point mal le chemin. ISABELLE. Pour moy je fuis tellement engouée de, ▼ers , qu'un Poète memeneroit fans peinc^ pfqu'aa frontières de latendreire. COLOMBINE, Ma foy vous perdez l'efprir. ISABELLE. Ah Colombine , qu'un homme eft char- man»" , quand il offre des vcruxpalfez par k tamis des Mufes î Qiiel moyen de tenir contre une déclaration qui frappe l'oreille par fa cadence, Se dont l'exprefîion figurée jette la feniibilité dans l'ame la plus rebelle & la plus farouche \ Quel plaifir, Colom- bine, de régaler fon cœur de ces nouveavH
A V
lO Scènes Vrançotfes
tcz in^enîeufes qui renfennent beaucoif^ ^e paffionsdans fort peu de vers! Ah Theu- teax talent de pouvoir alTujettir Tes mou- vcmens & fcs penfées aux pieds Ôc aujc me- fures prefcrites par la poefie î
C O L O M B I N E.
Sçâvez-vous > Mademoifelle , que ces jieds-là pourroicnt bien vous raener droit aux petites Maifons ? Hé mort de ma vie > faut-il qu'une fille de vôtre âge employé tout Ton temps à gober les rimes de trois, ©u quatre étourdis que la faineantiCe érige en Poètes , & qui n'oferoicnt vous avoir ïcgardé en profe ?
ISABELLE,
Maïs que t'ont fait ces gens-là pour -leur vouloir tant de mal ?
C O L O M B TN E.
A moy ? rien. C'cfl: que j'enrage de vou^ voir la duppe d'un ras de petits Pocre- reauxa qui croyent qu'il n'y a qu'à fe baif- fer & en prendre , & que vous eftes fille à cpoufer un rondeau ou une elcgie. Tout fianc ce ne font point là des cotteriespour la nièce d'un Médecin.
ISABELLE.
Ne fuis- je pas aîîèz mortifiée d'eftre la îîiéce d'un Médecin ,, fans que tu me le faffe fentîrmal à propos dans tes remon- trances?Ne vois tu pas que je tâche à refti» &^ l'obCcui dt la caiTii & du fenc par L'ur
di? r Empereur dans la L'tue, 1 1 fage du grand monde, & que je aie.décrallê autant que je puis parmy les gens an pre- mier mérite ? La fille d'un Médecin ? Ah: que tes expre (lions font brutales !: C O LO M B I N E.
Brutales, à la bonite heure. Cela n'ei-npc* chera pas que je ne débonde mon cœur , ÔC que je ne. vous reproche la hantiie de ce5> bagnodiers qui vous inft£tQnt TeCprit de leurs pelles de phrafes inventées en dépit r du bon fens. Ma foy depuis que Molière a célébré les Précieufessuous les voyons mon- ter en graine 5 ôc deme^irer là pour la pri- fée.Voyez la grande prelTe d'épou feux qu'il, y a^ autour de vôtre Angeliqiel Cependant a vous entendre dire, c^eft le plusbel efprir de Paris.Mademoifelleileftbon d'avoir de^ l'efprit : mais il faut encore autre chofe en mariage. Toute fervante que je luis , je ne voudroisd'un Poète, ni po'iv mTv ni pour amant : quelle redburcev a r-il à cftre-la iemme d'un rimaillca-. î Méuble-t-on une ehanibre d'Epigrammes ? Couvre-t-onunc rable de Madrigaux? 6c pave-t-on un Bou* cher avec des Sonnets ? M^ foy fi j-eftois à' vôtre place , ie butrerois à quelque boni gros Financier qui feroit rouler manmed>^ ce en caroiîe , &: qui . . . ..
1 S A B E L L E.
CnEinanaer ,.ah l'horr^r l:
tt Scènes Françoifes
COLOMBINE.
Ho ne faites pas ranr la fncrée. Ca n'eft pas tout à fait à vôtre choix , non.
ISABELLE. y
Mais, Colombînc, croy-tu que je pour- tois nie tranquilizer avec nn homme qui li'auroit atteun relay de converfation , ôc qui compteroit de Targenr depuis le matin jufqa'au foir ?
COLOMBINE. Oh point du tout^ bon , vous ferez bien mieux de tirer le diable par la queue avec quelque cancre de Poète 3 qiii gagnera fa TÎe quatrin à qaatrin.
ISABELLE. Et comment fc refondre à aimer un hom- me infupportable?
COLOMBINE. Q^ue vous eftes bonne ! Eft-ce qu'on^ cpoufe un homme riche pour l'amer ? Ov\ fe marie fimplemant pour fe mettre à fon jiife ; & quand la cuifine eft une fois fur le bon pied , on trouve aifément à fe confo- Icr de tout le reftc.
IS A BEL LE. Mais, Colombine, comment vivre avec un homme de certe nature ?
COLOMBINE. Vous vivrez comme vivent les femmes Aq. Paris. Les quatre ou cinq premières am- i;écs^ vous ferez bonne cherc & grand feu>
de l'Empereur dans la Lune. ij^
Se puis quand vous aurez mangé la meil- leure partie du bien de vône mary en meiîw bies 3 en habits , en équipages , en pier- reries, vous vous ferez feparer de corps ôc de biens; on vous rendra vôtre mariage ; ôc vous vivrez après cela en grolle Madame. Ce que je vous dis là , c'eft le grand che- min des vaches. Bon , il n^y a plus que les dupes qui en ufent autrement.. ^
ISABELLE. Mais 5 Colombine , donne-t-on comme cela des entorfcs au mariages ? & croy-tu que la feparation foit une chofe G. facile ? CO LOMBINE. Et 3 mais dame. , pour cela on prejid Tes mefures un peu de loin ; & quand on en, veut venir là , il faut tâcher premièrement cf'avoir quelque homme de Robe dans Tes interefts : ôc puis petit à petit on chagrine un mary ; onle méprife, on l'infulte. A la fin la patience luy échappe. Il donne quel- ques foufflets 3 quelques coups de pieds aa cul. On rend fa plainte. L'homme de R,obc fait Ton devoir. Et voila comme on fe don- ne du repos à coup feur pour tout le lemps (k fa vie.
ISABELLE. TraîmentjColombinc, tu me parois une fille précaucè, <Sc je te trouve plus d'enten- dement qu'on en a d'ordinaire à tan âge^
COLOMBINE.-
C'efl: que je ne m'amufc pas comme vous à: la moutarde. Je fonge de bonne heure au moyen dem'établir , & toute jeune que je fuis , je dévifagerois un homme qui auroit la hardie iîe de m'écrire, à moins que ce ne fuft pour le mariage. Gh ma foy il n^'y a rien à faire avec moy pour autremenr.j'ai— nie bien à rire , mais ....
Le DoEieuf appelle en dedans^ IS ABEL LE. C*eft mon oncle qui nous appel le.Nour ibmmes perdues s'il nous a écoutées. COL OMBINE. Que vous eftes folle î Eft-ce qu'un Mé- decin entend le François ?
SCENE
DE L'A P O T I Q^U A I RE.
A R L E Q_U l^erj ^ponejuaire» L E DOCTEUR..
A- R L E Q^U 1 N fortuTJt 4* une chaife à pof teur, qui en s* ouvrant re^ preftnte U boutique d'un- ApUlquaire*'
JE fuis pei-fiiadé , Monfîcur , qu'une diaifepercée.dénoteioit mieux un A^o*^
àe l^'Empereur dans U Lune, rp-, tiquaire , qu'une chaife à porteur. Mais comme cette voiture ne me mettroit pas en bonne odeur auprès d'une Maîtrefle , &: que l'équipage ell un avantageux début pour la noce^jc me fais apporter chez vous, d'une manière élegaïue, pour vous prefen- ter des refpedts accompagnez de toutes les- foumilîîons que la Pharmacie doit à la Me- decineje ne viendrois pas vous confulter. Mon fleur , s'il ne s'agiiToit que d'une ma- ladie ordinaire. Mais je vous amené urr fujet defefperé > fur lequel tous les limplcs ne peuvent rien,& dont la cure feule met- tra vôtre Faculté en crédit. C'eft moy ,. Mon{icur,qui fuis le malade Ôi la maladie^ C'efl: moy qui fuis gâté jufqu'au fond des- moelles de ce mal affreux qu'on ne guérit qu^avcc cérémonie s & dont l'emplaflre eft: bien fouvejit plus dangereux que le maL C'eft moy qui fuis gangrené des perfc- âiions de Colombine. C'eft moy qui veur t'époufer. Et c'eftmoy enfin qui vous prie de me l'ordonner com.me un apofeme fa- voureux , que je prendray avec délices. Le- Médecin en aura tout l'honneur ,, & l'A-^ potiquaire tout le plaifîr.
LE D^OCTEUR- Paroles ne puent pointjvous eftes Apo* tiquaire, volontiers ?
A R L E QU I N. Ouy.j, Moniieut ^ ^racèsau Giel >. eiï
j6 Scènes Tr an çoîfes i
gros 5c en détail ; & à tel jour qu'il y a,on fait chez moy à la fois de la décodtion pour trente douzaines de lavemens. C'efl: moy , Monfîeur , qui purge tous les ans les treize Cantons le premier jour de May ; & je puis dire fans vanité ^ qu'il n'eft point de Pais étranger qui neconnoilFe Monfieur Cufif- îit, C'eft le nom de vôtre petit ferviteur. LE DOCTEUR.
Monfîeur Cufîffle !
A R L E Q^U I N.
Helas 5 Monfîeur 3 iàns le procezqnc' nous avons avec les Parfumeurs , nous ne ferions que trop riches.
LE DOCTEUR.
Comment donc ?
ARLEQ^UîN.
C'eft une chofe déplorable 3 Monfîeur 3- de voir la décadence de nos profelîîons ; & j'ofe bien vousalFurer , que Tentreprife des Parfumeurs 'regarde autant les Méde- cins que les Apotîquaires.
LE DOCTEUR.
Vous vous mocquez , Monfîeur Cufifïïe Ôc en quoy les Médecins ?
ARLEQUIN.
En quoy les Médecins ! Et la Pharmacie, ne fait -elle pas corps avec la Médecine i Sans nous qui remuons tous les jours les matières qu'on vous referve fî foigneufe- H^ent chez les malades , à quoy aboutiïoit
de l* Empereur dans la Lune, 1 7
l*employ d'un Médecin ? Car pour tarer le poux, vous fçavez qu'il n'eft point aujour- d'huy de fervantcs ny de gardes d^accou- chées qui ne s'^tw méfient à vôtre nez dans toutes les plus grandes maifons de Paris. Croyez-moy , Monfieur , l'affaire eft de confequcnce & pour vous & pour nous > ^ /i nous la perdions, nous n'aurions qu'à pendre nôtre fcrin au e au croc. LE DOCTEUR. Mais ces Parfumeurs 3 Monfieur Cufîfïle;
A R L E Q^U 1 N Comme c'cft :Jne reerle certaine dans la Grammaire , que la conftrudtion eft en dé^ toute lors que l'adj.e(f^ifd if corde d'avec le fu bilan ti fade mefme aulTi b. Médecine court rifque d'aller à Thôpital, quand les Apori- quaires ne font plus rien.
LEDOCTEUR. Et venons aux Parfumeujrs, Monfieur Cufîflle 5 fans préambule.
ARLEQ^UIN. J'y viens , Monfieur , j'y viens. La con- fervation de la beauté ayant efté de tout temps le principal employ des femmes , vous avez fore ingenieufemér im.aginé que les qualitez bénéfiques de quelques fimples pourroient beaucoup contribuer à la fraî- cheur de leur tein. La qneftion efloit d'appliquer ce remède ; &: par un tempé- rament adroit dont elles noas font ccdeva^
rS; Scènes Trançoifes
blés , nous troavarmes le moyen de les embellir fans les toucher , de les rafraîchir fans qu'elles en vilîènt rien , & de leur feringner de la beauté par derrière. Cepen- dant malgré une profeiîîon fî bien établie, les Parfumeurs veulent nous empefcherde donner des lavemens aux femmes qui fe portent bien, prétendant que les agrémens delà beauté doivent fortir'de leur bouti- que , &: que ce n'eft point à nous à nous me (1er des vifages.
LE DOCTEUR
A qui en ont ces maroufles- là ? Ils prc-» tendent donc anéantir le cliftere ? AR LEQ^UlN.
Vraiment, Monfieur, ils buttent là tour droiti ^ fi on les lai (Te faire ils vont culbu- ter & les Médecins & les Apotiquaires par une pede de pommade compofée de coquil- les d'oeufs 3 de pieds de moutons j & d'au- tres ingrediens qu'ils débitent aux femmes fous prétexte de les embellir. Vo us fçavez> Moniieur , qu'une femme ne peut pas tou- jours eftre à quatorze ans 3 & il n'efl: rien de fi vray que rien ne luv coûte quand elle s'imagine d'acheter de la jeunede &: de la beauté. Ces maroufles- là les prennent par leur foible, & leur font accroire qu\m poc de leur ponamade ert: un mafque contre Iesannée&a& qu'un peu de blanc & de çouge étendu far le vifage y dément à coup
de rEmperet4r dans U Lune, r^ fcut rous les extraits baptiftaires. Croiriez- vous bien , Monfienr , qu'il y en a eu un qui a eu Tinfolence de promettre à une femme âgée de foix.inte & quinze ans , de la faire redevenir fille avec une once de fa pommade ?
LE DOCTEUR.
Ah vous en aurez menti , Mefïïeurs les
Parfumeurs, Nous y donnerons bon ordre,
La Faculté deffendra le lavement jufqu'à la
dernière goutte. Comment di.^-ble^unefem-^
Kie dôneroit plutôt quatre piftoles d'un pot
de pommadej^^nedeux fols d'un lavemient..
A R L E QJU IN.
Qiîe je fuis ravi, Monfieur , de vous voir
enireer (i chaudement dans les inrerefts de
la feringue. Entre nous ; c'ell: la plus belle-
roze de nôtre bonct,.& Ci nous la perdions
nous ferions très mal nos affaires. Car plus
de lavemens , plus de bafîins ; plus d'Apo-
tiquaires , plus de Médecins,
COLOMBINE arrivant. Monfieur , c'eft une femme de quatre- ringe treize ans qui pleure la mort de fon mary , & qui fe plaint de vapeurs.
L E DOCTEUR. Une femme de 9 3 .ans fe plaint de vapeurs?
COLOMBINE. DamejMonfieur^eUe crie mifericorde, 6c demande vôtre baume.
LE DOCTEUR; Colombine > dis-Iuy que^e defccns..
le Scènes Françoifes
ARLEQUIN appercevafit Colofnhîne^ Quoy 5 Monfieur, c'eft donc là Colom- bine ; celle que j'aime , & que je recherche en mariage ? Ah fauifrez que je la compli- mente en cette veuë là.
LE DOCTEUR. Colombine , faites la révérence à Moni Seurs Ciififfle.
COLOMBINE. Comment dites-vous , Monfieur i ^ LE DOCTEUR. ,,
Je vous dis de faire la révérence à Moii«i fieor CufifHe.
COLOMBINE. ^
A Monfîeur Cufiffle ? Ah ^ ah , le drole"^ de nom !
LE DOCTEUR. [^
Taiiez-vons, impertinente.Sçavez-vous^ que c'eft le premier homme du monde pouis-j mettre un lavei-nent en place ? Approchez^ Monfîeur. ARLEQUIN après avoir fait la reve^r en- ce a Colombine, Madame,mon efpriteft tellement confti- pé dans le bas ventre de mon ignorance > qu'il me faudroit un fyrop de vos lumières pour liquifîer la matière de mes penfées. COLOMBINE. Ahliquifierdes penfées ! que l'exprefîîon eft galante ; le joly homme d'Apotiquaii'e que Monfîeur CuMe !
4e rEnjpereur dans la Lu7ie* if . ARLEQUER. Ah Madame , vous mt fcringuez àt% ioiianges qui ne font dues qu'à vous. Vô- tre bouche eft un alambic d*où les con* ceptions les plusfubtiles font quint-eiren- tielles. Tout le fenc 5c la rubarbe de ma boutiquc,purgent moins m.es malades^ que la vivacité de" vos yeux ne corrige les hu- meurs acres & mordicantes d'un amour en- flammé dont vous ferez la piluUe purgati- ve , puifque vôtre humeur enjouée eft un Orviétan fouveraîn contre lesaccezm.e- lancoliques d*un cœur opillc de vos rares vertus & de vos éminentesqualitez. CO L O MB I NE. 3e ne croyois pas , Monfieur Cufiffle , cllre un remède fi fouvcrain contre la folie de ce train-là vous m'allez faire pafler pour un em.plaftre à tous maux. A R L E Q^U I N. Heureux le bled^é à qui une pareille em* plaftrs fera appliquée. Adieu catolicon de mon ame. Adieu belle fleur de pefché. Je vay faire infufer dans la terrine de mon fouvenir les gracieux attraits dont la natu- rc vous a pourveuè,
C O L O M B N I E. Adieu , Monfieur Cufiffle.
ARLEQUIN. jAdieu doux antimoine de mes inquic-
i^ Scènes Trancoifes
;tLides. Adieu cher lenidf de mes pcnfécs-.
// fe tourne vers le D^^cnr-* ■Qiie je vous fuis obligé , Monfieur , da plaifir que vous venez de me Bire a en me permettant de parler à Colombine.Je vou- drois pour me revancher decebienfait^quc >ous eufîiez les hémorroïdes ; je vous Icfi*' ;gvierirois ^n vingt- quatre heures,
«Qdb? # ^tS^ ^^S^ ^Mta? ^tS^ # 'QtSbî» SCENE DERNIERE.
ARLEQUIN en Empereur de la Lune.
LE D0CTETJR,FULARIA, ISABELLE, & COLOMBlNE,
ARLBQ^UI N.
COmmc ainfi foir , Dodteur , que la Lune 5c l'amour ont été de'tout temps les redores principaux qui meuvent la tefte des femmes, 6c quelquefois auiîi celles des ihommes , d'où il arrive que l'am.our pro- duit fouvent le mariage3& le mariage pro- duit pi-efque toujours le croillant j c'cft ce <{m m'a fait defcendrc de mon Empire icy bas 5 pour vous demander ifabelle en ma- riage -, efperant fous vôtre bon plaifîr d'en faire bien-toft une pleine Luncôc ne dou- tant pa^ qae par la fuitte de ce mariage il n'en foute une couvée de petits croiflàns*
âe l'E mpereur âans la Lune. 2 1 Quel bonheur pour un îvlecîecin d'avoir engendre la Sultane de mon Empire 1 LE DOCTEUR. Seigneur , votre HautelTe a bien de la bonté de venir de fi loin faire infufèr des Empereurs dans ma famille. J'accepte ctt honneur avec beaucoup de joye.Mais com- me ma vieilleire ne me perniec pas de ruivi*e ma fille dans l'Empire de la Lune 5 oferay- je demander à vôtre Hautelfede quelle hu- meur font Tes fujers ?
A R L E Q^U 1 N. Mes fujets ? Ils font quafi fans defaiit , parce qu'il n'y a que l'intereft «kl'ambi- tion qui les gouvernent.
C O L O M B I N E- C'eft tout comme icy.
ARLEQUIN. Chacun tâche de s'y établir du mieux qu'il peut aux dépens d'autruy \ Se la plus grande vertu dans mon Empire, c'eft d'a- voir beaucoup'de bien.
LE DOCTEUR. C'efl tout comme icy.
A R L E ÇVU 1 N. Croiriez-vous bien que dans mon Empire il n'y a point de bourreaux ?
C O L O M B i N E. Comment, Seigneur,vousnc faites point punir les coupables ?
j^ Scènes Franpîps
A R L E Q^U I N.
ï«- Malepefte, fort fcveremcnt. Mais an lîea ^e les faire expédier en un quarr d'heure dans une place publique^j^ les bailk à ruer atix Médecins , qui les font mourir auffi cruellenient que leurs malades. COLOMBINE. Quoy 5 Seigneur , la haut les Médecins tuent aufïi le monde ? Monfieur^ c'ell touc comme icy*
ISABELLE. Et dans vôtre Empire,S£igneiTJ*j y a-t-il de beaux Efprits ?
A R L E Q^U I N . C*en eft la fource.ll y a plus de foixan- & dix ans que l'on travaille après un Dictionaîre, qui ne fera pas encore achève^ de deux fîecles. *
COLOMBINE. C'eft tout comme icy.Et dans votre Em- pire i Seigneur , fait-on bonne juftice? A R L E QJJ I N. On l'y fait à peindre.
I S A S B E L L E. Et les Juges, Seigneur , ne s'y laiiTent-ils point un peu corrompre ?
A R L E qU I N. Les femmes comme ailleurs les follici- tent. On leur fait par fois quelque prc- fens. Mais à cela prés :> , tout s'y palFe dans Tordre.
LE DOCTEUR
âe r Empereur dans U Lune, ij LE DOCTEUR. C'cft tout comme icy: Seigneur , daiu votre Empire > les maris foar-ils comrao-
des?
A R L E Q.U I N. La mode nous en eft venue prefque aailî* tôt qu'en France. Dans les commenc«- tticns on avoit un peu de^eine à s'y re- fondre y mais prefent^ment tout le monde s'en fait lion nenr.
60L0MBINE. ■C'en: tout comme icy. Et les Ufu- tiers , Seigneur , y font-ils bien Iciirg affaires ?
A R L E Q^U 1 N. Fy » au Diable, je ne fouffre point de ce$ canailles- là. Ce font desPcftes à qui on ne fait jamais de quartier. Mais dans mes grandes Vilks il y a d'honnelles gens fort accommodez , qui preïtent fur de la vaif- lelle d'argent aux enfans de famille au de- nier quatre 5'quand ils ne trouvent point a placer leur argent au denier trois. - ISABELLE. C'eft tout comme icy. Et les femmes font-elles heureufes,Seigneur , dans vôtre Empire ?
A R L E Q^U I N. Cela ne fe peut pas comprendre. Ce font çll es qui manient ^tout l'argent, & qui font toute la depenfe. Les maris n'oac
B
X0 Scènes 'fran^ot/cs »
d'autre foin que de faire payer les revenus,
& réparer les maifons.
COLOMBINE. C'eft tout comme icy.
A R L E (4U I N. ^
Jamais nos femmes ne fe lèvent qu'aprés*^^' îïiidy. Elles font régulièrement trois heures- à leur toilette , en fuite elles montent en çaroiîè ,. & fe font mener à la Comédie , à l'Opéra , ou à la promenade. Delà elles vont fouper chez quelque ami choifi. A prés le fouper on joue, ou l'on court le bal^fe- Ion les faifons , & puis fur les quatre ouj cinq heures après minuit , les fem.mes fq^ viennent coucher dans un appartement fe-- paré de celuy du mari, en telle forte qu'un pauvre diable d'homme cft quelquefois /ix fcmaincs fans rencontrer fa femme dans fa tnaifbn , & vous le voyez courir les rues à pied pendant que Madame fe fert du ca- rolîè pour fes plaifirs.
TOUS enfemble. C'cft tout comme icy.
Les Chevaliers du Soleil arrivent ,; •!#* finit U combat: , ce qulfim U GAme^e, H
•4
i7
cfê fftj ^ Ste !^ SÇ Si) • fife cfe cfe Si Sr en
SCENES
FRANCOÏSES DU BANQ^UEROUTIER.
SCENE
De perslllet et de colombine.
colombine-
TO\.it franc , Monfieur , fi vous n'y prenez garde , avec vos millions,vous allez devenir la rifce de tout Paris. Oit fçait bien que dans la vie il n'eft fi petit ny fi giand qui n'ait par fois quelque chofe en fa tefte : mais c'eft une honte de vous voir fans fujet lamenter vôtre vie , ôc lefiner depuis le matin jufqu'au foir fur le plus necellaire de la maifon. Helas ! ou cft le temps que atous jetticz tout par les feueftres , & qu'il n'eftoit mention que de vos bonbances , ôc de votre belle humeur» Reveniez-vous de la Ville , vous cauficz un moment avec raoy 5 vous -mt paffiez h
B ij
2,S Scènes Trançoîfes
main fous le menton : Colombinc par-q^, Colombine parla , tantofl des rubans,tan- toft une bague , tantofl: une é vantail. En- fin on avoit de fois à autre quelque petite marque de vôtre fouvenir. Prefentement vous rentreriez cent fois fans dire Dieu te gard. Vous ne degrondez point ; vouscn:cs vilain comme lard jaune , bourru com- me un diable* De cinquante valets , vous en avez congédié quinze. Il n*y a plus' que trois carofTes chez vous ; & je croy , Disu me pardonnc,que vous retrancheriez Jufqu'à vôtre femme , pour en cpagner les habits. PERSILLEXy^ Uljfant aller dans
un féiUteUiL Ouf.
GOLOMBINE- Qii'efl:-ce que c'efl: , Monficur ? vous trouvez-vous mal ?
PERSIL LE T. Jufte Ciel !
COLOMBINE. Qi^'avez.vous tlonc ? font- ce des va- peurs ? £fl:-ce la goutte ?
PERSILLE T. Pis que cela.
COLOMBINE. , Quoy ? la migraine ?
PERSILLE T. Encore pis.
du 'Bancjueroutier, z^
COLOMBlNE. La colique peut-eftre j
PERSILLE T. Pis , vous dis- je.
COLOMBINE-. La Fièvre?
PER SILLET. Cent fois pis.
COLOMBINE. La pierre donc \
P E A S I L L E T. Pis million de fois.
COLOMBINE. Hé, que diantre pouvez-donc tant avoir PERSILLE T.
Ceque j'ay ah !
COLOMBINE. Ma foy 3 Monfieur , je perds patience. P E R S I L L E T.
'^^" COLOMBINE.
Achevez donc.
P E R S I L L E T. J'ay tous les maux enfemblcColombîne, j'ay une femme j & mie femme qui me fait enrager,
COLOMBINE.
Ha, c'cfl: donc là où le bats vous blenfei
Je ne m'étonne pas vrayment H vous avez
le vifage découfu , & le corps déchargé
comme une Anatomie.Allez^ n'avez-vous
B iij
je Scènes FrAtiç»î/et
point de honte de dire que Madatnc vont fait enrager , parce qu'elle vit en femmt de qualité?
P E R S I L L E T,
Dis plûtoft , parce qu'elle vit en Co- quette.
COLOMBIN E.
En Coquetreihé c'eft ce que les gens cle- îîcars recherchent prefenrement. Il ne faut pas que les ch-ofes aillent dans l'excès^- Mais je vous alfure qu'une petite pinced de coquetterie , répandue dans les maniè- res d\nie femme 3 la rend cent fois plut ajmable &c plus appetilTante. P E R S I L L E T,
Courage. Ta morale n'efl pas mal évcît»
COLOMBîNE. Je vous la foûtiens belle 5c bonne ; & Il je ne parle qu'après ma mère qui eftoît tme merveilleufe hwAV^ fur ces matieres- là. Dieu veiiille avoir Ton am.e ; je luy ay oliv dire cent fois qu'il en eft de la coquet- terie comme du vinaigre: quand on en met trop dans unefauce, elkeit picquante & infuportable j quand il y en a trop peu ,. elle eft h fade , qu'on n'en fçauroit tâter j ■mais quand on attrape cette médiocrité qui reveille l'appétit ^ on iiungeroit fôs dpigts.
du Banqueroutier* 9%
PERSILLET. La folle î
COLOMBINE.
Il en eft de niefine d'une femme. Quançl elle eft coquette aux dépens de Ton hon- neur j fy , cela ne vaut pas le diablcquanci elle ne Teft point du tout j c'cft encore pis y fa vertu fcmble confondue avec (on tempérament , 5c vous diriez d'une beauté en letargie. Mais quand une belle fe Cent & qu'elle n'a d'enjcaiement que ce qu'il en faut pour plaire > ma foy > Monfieur > c'eft quelque chofe de bien drôle de fe voit agace par le mérite d'une jolie femme > Franchement il j'écois homme, j'en vou- drois par là.
PERSIL ET.
Ne feroisttu point de ces maris complai- fans, qui payent avec du brocard, ou d'au- tres nippestchaque careffe de leur femme , & qui fe ruinent à la fin pour avoir de la bonne humeur ?
COLOMBINE.
Vous nous la baillez belle avec vôtre ruine. Pourriez-vous trouver dans Paris une femme plus ménagère : Je vais gager que Madame cette année n'a pas dépenfc vingt-cinq mille francs i & fi là dedans j^ comprends le linge.
PERSILLE T.
Et mormon pas de ma vie,verray-jc Tans
D iiij
J X Scène f Frajiçôî/ès
mç plaindre 3 difïîpcE tout mon bien par une créature qui ne m'a pas apporté un fcul quart d'ecu en mariage ;
:. ti!^ golombIne.
- îl vaudroit mieux , ma foy , bâti com- me vous eftes y qu'une femme euft fait vô- tre fortune.
P E R S I L L E T. Plaift-il?
COLOMBINE. He , Monfieur , faites* vous jufti ce. Belle comme eft Madame , vous eftes encore trop heureux qu'il ne vcms en coûte que de l'argent.
PERSILLET. Qii'eft-ce à dire ?
COLOMBINE. C'eft à dire que vous cherchez noife , Sc que 11 vous continuez à faire comme cela le tempefte > à la fin je ne vous réponcj rois de rien > non» Une femme prend patience jufqu'à un certain point : m.ais quand on l'irrite , c'eftun animal bien vindicatif., PERSILL ET. Ce ne feroit pas morbleu à un homme €omme moy qu'il fe faudroii frotter . .^ ., .. malepeile on verroit beau jcn» COLO M BINE. Ho 9 ne le prenez pas là. On aveu dès aigrettes fur des teftes encore plus, fou- gucufes que la vôtre 3. mais heureufe»
du BatîijueroHtltr^ y^
nient pour vous Madame eft fage. j-
PERSILLE T. Helas ! Dieu le veuille !
COLOMB INE. Comment , Dieu le veuille ? cft-cc qye vous en doutez l
PER SILLET.
Hé , hé , hé j on doute toujours le plus
tard que l'on peut de ces fortes de chofes-
là. Mais ne t'aperçois- tu pas d'un certain.
jeune Abbé qui vient fréquemment au lo^
gis y 6c que
COLOMBINE. Qui ? l'Abbé Goguette î ha Mon (leur , n'en prenez point d'ombrage. Il eft fans confequence , je vous en réponds. PERSILLE T. La bonne caution l
COLOMBINE. Croyez moy vje me connois un peu en gens. Premièrement c'eft un garçon de- i|ualité qui a dix mille écus de renie en bos Benfîccs ,.&: quieft bien aife de manger fon revenu avec quelque forte d'éelat. Il voit tout ce qu'il y de jolies femmes à. Paris. Il j.ouë gros jeu , fbn train efl: lefte ;: il a une belle maifon, des meubles magni- fiques;& un Cuifinier qui- dame le pion an votre. Ha , le joly homme d'Abbé que e'efl: ! ]e voudrois que Madame vous cuik «lit comme il fait bien les choies.
. j 4 Scènes Frffnçoîfes
PERSILLE T. Oaf . . . . . efl:-ce q^iie ma femme Ç(^'3it cela?
COLOMB! NE. Bon > ils ne bouacnt d'enfemblev
PERSILLET. Tant pis , garre les aigrettes* COLOMBINE. " Que vous en mériteriez bien une bonne' paire ! Qiiand je vous dis qu'ih ne bou- irent d'enferable , c'eft avec une infinité d'autres femmes qui font de leurs parties*. PERSILLET. Diable ! que ne t'explique- tu l
CQLOMBINE. Révez-vous de croire que cet Abbé (bit amoureirx , parce qu'il fait de b dépenfe ? lien moins que cela. C'êft qu1l a de l'am- l)ition:& comme dans le monde on ne par-- "fient à rien fans reflime 6r ^approbation ^es femmes , il fait de fon mieux pouT les mettre de fon parti, il les promené ^ il les regaie : aujourd'huy à- l'Opera^d'emain à la eoiredie. De Tair qu'il s'y prend , c'eft im drôle qui s'avancera en fort peu de ttmps > & qui fe va mettre daiis une gran- ^ réputation.
PERSILLET. Mais > Colombi.e , crois- tu qu'il' ne ft feoît pas autant d^ réputation en don- nant une partie de foa bien aux pauvres.^
du S4H(^uerotitter^. ^^
qu'en le mangeant avec des femmes T COLOMBINE. Et d'où venez-vous, Monfîeur ? Eft-ce qu'on fe fait Abbé pour donner l'aumô- ne ? je pcnfe que vous perdez î'efprit.N'efl:» ce pas une alfez belle charité de faire vivre: de pauvres diables de Parfumeurs qui ne gagnent plus rien avec les femmes , & qui mourroient de faim fans Meilleurs les Ab- bez.
PERSILLET. Tu m'aflure donc que je n'ay rien i craindre de ce cofté-là?
COLOMBINE. Hé, fy 5 vous dis- je l
PERSILLET. Mais vient-ça, . . ne trouve-t-on point à redire de ce qu'il hanre chez moy des gen^ d'une fi haute volée ?
COLOMBINE. Bon, c*eft ce qui vous met en crcdîr. Vous devriez adorer Madame de ce qu'elle ne voit que la crcme de la Cour. O ça , parlons par raifonSr Qiiel cas feriez-vous d'une femme qui s'encanailleroit?
PERSILLET. ^
Je ferois beaucoup de cas d'une femme qui ne verroit que le monde que j'amène» rois chez moy.
COLOMBINE. Ah > Monfîeur > ne m'en parlez poîac. .
5 € Scènes Fran çoïfei-^
C'eft un grand honneur à un Bonr^eofss comme vous d'avoir tous les jours ce qu'iF y a de plus grands Seigneurs à fa table. V'EKSILL ET en colère. Vous eftes une fotre & une mal apprife^ ^e traiter de Bourgeois un Officier du Roy àt l'ancien Collège, apprenez , ma mie , que nôtre Corps eft la pépinière de la No- BlclFe 'y que les en fans de mon fils Perfillet feront Gentilshommes comme le Roy ; &. que mon Epitaphe fera un jourencherir le ma^rbre par les longues Prérogatives dont elle fera chargée. Moy, Bourgeois ! voyez-« je vous prie , la fimplicité & Pimpercî- Jience i.
COLOMBIKF.
Oh 5 dam.e , Moniieur , fi vous eftes H |)olntilleux , il n'y a pks moyen de durer avec vous.Jamais de la vie je ne vous ai veii» il herilîbn : vous picquez de tous côrez. Tantoft: jaloufie , tantoft avarice ,.tantoft lam.entation fur les malheurs du lempsjhci xnercydemoy, le chagrin doit-il entrer rians une maifon aulli. opulente, que la vôtre?
PERSILLET.
Tout ce qui reluit n eft pas or , Colom- bine^ je te dis encore; un coup que je fuis ruiné par La dépenfe de ma fille & de ma femme. Mon crédit eft: ufé a les bourfcs fent fermées : jcl a'ay plus que deux ceus
du Batîejueroutt^r, iy
tniÏÏe francs dans mes cofFreS5& fi Dien ne m'aflifte , faute d'argent , je donnerajF bien- toft du nez en rerre..
COLOMBINE.- Gomment faute d'argent : ne vous ai- je.- pas dit cent fois , que j'ay un coufin No- taire qui vous en fera plus^ trouver qiie vous nen pourrez prendre ?•
PERSILLET.. Et quand me feras tu parler à ce coufin ^
COLOMBINE. Ne vous tourmentez point. 11 me vien- dra voir cette aprefdince. Vous fçavez-. bien comme on en ufe avec ces Meflieur&i» Va?
PERSILLÇT. Ho 5 je menerav cela du bel air..
COLOMBINE.
Adieu 3 Monfieur. EUe revient fur fes
pas. A propos , Monfieur ^ n'allez pas dire
à Madame que jî vous ay parlé de cet Ab-
bc. Il fcmblercitque je m'amuferois. . . ,
P ERS IL LE T.
Va ne crains rien Ecoute Colombi-
ne. Ne dis pas non plus à ma femme que je trouve à redire à fa conduite. Tu fçais qu'iinefemme . . . ..
COLOMBINE. Oh , pour ce coup je vois bien que vou^ rrc me connoiirez pas. Tenez , Monfieut: >, regardez- naoy bien. Il fane airarementque
j$ Scènes FrançoifeS'
î'ayeeftc faite quelque part en rccrct: car l'en fuis tcap amie»
SCENE
DU FINANCIER.
A R L E QP I N f « Financier y fous le nom
de PerJiUeti tout chargéde rubans rouges^
COLOMBINE^» veuve de ifuaiité^
COLOMBINE.
HA ! quartier, Moniieur Perfîllct,qua- tier, Hé^le moyen détenir contre tant de feu ? l'amour en perfonns ne feroit pas fî redoutable.
ARLEQUIN. Ha^Madame , la forte chafc que d'àvoii ix\ bien l.
COLOMBINE. Le nialheur efc allez fup portable^
A R L E Q^i: 1 N. Deux importuns ont retardé d'un quart «['heure Thonneur de vous voir , pour me faire un payement de cinquante mitiô francs l
COLOMBINE. A ce prix là , je fouhaitterois qu'ils vcm» culTent retenu coûte la joainée*
dn BatJtfueroUTfer,. ^^
ARLEQUIK.
Mairgrebleu de la canaille. Si je ne me
Aiiïe échappëjun Marchand nValloit eaico-
ïe faire un rembourfei-nent de dix mille
CCLIS^
COLOMBIISTE.
Voila les fleurettes des gens d'affaires.Hë Bon Dieu ! Monfieurjfaut-il prendre com- me cela Us chofes à cœur ? Il n'eft que de^ recevoir en toute faifon..
ARLEQ^UIN.
L'argent ne m'eft rien en comparaifon du'. plaifir de vous voir.
COLOMBINE.
Vous avez pour moy trop debonté,& jj^' ne mérite pas. . . »...
ARLEQ^UIN.
M^idamc 5 écartons d'abord les complî- mens. Je medonne au diable s'il y a homme au monde plus ennemy de la faribole. Voyez-vous , je prétends eftre de vos amis>. êc c^uand j'aime, rien ne me coure.
Nous allons voir cela tout à l'heare.f/?
tournant vers T^erjîdet) HajMonfjeur Per»
ÉlleCjq^ue vous dites galamment les chofes?
A R L E Q^U I N.
Le bien n'eft fait que pour obliger ïts
amis,.
COLOMBINE^ Le Joly tour d'efprit l
4<s^, Scènes Vrançotféf
ARLEQ^UIN. Il y a un tas de Coquins qui laiffent pour- rir l'or dans leurs coffres , plûtofl q^ae d'ea feirc-uu plaifîr,.
COLOMBINE.
La belle ame d'homme •
ARLEQUIN. Pour moy j'aime à donncj:j.5c je croîrois; traiter une femme de qualité en Grifctte>ft je ne luy offrois que mille Louis d'or. COLOMBINE. Monfîeur PerfiUet^oa prenez- vous tant d'efprit > Car on voit peu de gens aujpur^ d'huy s'expliquer en des termes auffi no- bles & aufli touchans que les vôtres. ARLEQ^UlN. Madame > fi un peu de fortune broyée avec beaucoup d'amour^pou voit rendre lïa komme comme moy fupportable* C O L O MB l N E. Ah^Monfiemvne vous retranchez point fur les airs d'une modeftie outrée. Uix îiomme commevous efl un homme fort ai- mable. Vous avez des talens à faire foupi- rer toute une Ville. Mais de mon naturel, je ferois un peu jaloufe y Ci je voyois votre nicrite partage'.
A R L E Q^U I N. Ah y morbleu^ne craignez rien : plus it- ^onne , plus je veux donne*.
#?« "Bântjueroutler, 4't
C O L O M B 1 N E.
. A^oila ce qu'on appelle un cœur fait au tour : Mais fe peut- on fier à la tendreiTc d'un homme marié ? Cela efl fujet à des cuifàns retours.
A R L E Q^U I N.
Il n*y a rien à craindre. Je n'ay jamais aime ma femme.
GOLOMBINE.
Quoy, belle comme elle efl , vous ne l'a- dorez pas ?
A R L E Q^U ! N.
Qiie vous eftes fimple ! Eft-ce la beauté qui attache ? A cela prés , Madame ^ vous pouvez m'aimer en toute feureté. COLOMB l NE.
Je n*y ay déjà que trop de penchant.Mais vous fçâvez , Monfieur , que ces fortes d'embarqueraens font beaucoup périlleux» Tout channe dans une pafïïon nai liante. Les ainduitezj& les foins préparent d'abord le cœur d'une- jeune perfonne : on fait agir cnfuite l'empreirement & les fervices. La libéralité s'en mêle , & à force de prelens on achevé de feduire une ame que lare- flexion abandonne^ «Se que la raifon-devroit retenir». Un homrae n'a pas plutoft touché le cœur d'une femme ^ qu'il tâche d'eilaycr fon mérite auprès d'une autre , fe faifanc toujours un ptus grand plaifir de fon chan- genaent que de fes conquêtes. Pour mo^
4i Scènes Tran^otfes»
je vous Tâvouc , je ne le pardonnerois de tîia vie à un homn^e qui ne m'aimeroit qu'en pafTanr.
A R L E QJLl I N.
Fy > cela eft bon à des Efcrocs 3 qui ne cherchent qu'à filouter des cœurs. Nous antres Financiers, nous avons plus de con- science 5 & jamais nous ne quittons la par- tie, que quand les gens d'épée nous debuf- quent. Hors cela nous aimerions les fem- mes jufqu'à la lie.
COLOMBINE.
Je puis donc compter fur une perfcvc- tance éternelle ?
ARLEQ^UIN.
Les gens de nôtre profefîion aiment ton» jours & donnent toujours.C'eft la rhétori- que des Financiers.
COLOMBINE.
Ah ,1'aimnble caradere !
ARLEQUIN.
Je le croy du moins le plus pcrruafif. Ecoutez 5 s'il ne fa-it que de l'argent pour vous en convaincre, j'en ay, grâces au Ciel dans mes coures.
C OLOMBINE^;7.fr^
J'y vay faire une bonne brèche. ( prenant $tn air Cerieux ) Vous me croyez,Monfieur l'ame bien inrereiïee; fçachez une fois pour tour que vous ne ferez avec moy que àt^ iépcnfes de cœur > ôc que jevousfcray
plus redevable d'un fentimcnt de tendreiîè» que de vingt bourfes pleines d'or, {a part) Je mens pourtant bien (erré..
A R L E Q^U 1 éprenant la main df Colombwe,
Ha, Madamescomment reconnoître des chofes qui vont fi droit au cœur ? M
LA VERDURE. La.-juaîs entre , & p^le à l*oreille de Colomb ine» C O L O M B I N E l^af^u lacjuais. Il n'efl: pas poflîblelje nVen vais dans uiv moments
A R L E (^U I N. Qu'y a-t-il , Madame ; je remarque du feouble dans vôtre vifage.
COLOMBINE. Mon trouble eft l'interprète de mon cœuf-j. je ferois plus trâ^uillejfi j'ëtois moins fen- ilble à l'amit'éqi^e vous avez pour moy. AR LEQ^UIN. Veuve aimable ,, dois- je en croire mes oreilles ?
LA VERDU R E parlant encore tout bas à- Colomb! fie , rn'^is d'un aîr plus effare,. Madame ils font un bruit de diable , & reulent tout enlever .
COLOMBINE^ demy haut. Il faut les empêcher.
ARLEQ^UIN. Ah y pour le coup ^ vous eAcs trop vetr-^
44 Scenei Françoîfes
quiere. Parbleu je fçauray ce que c*c{!- COLOMBINE. Cela ne merîre pas votre attention r Ce font des bagatelles de ménage, dont on inc rend compte de moment en moment. ARLEQUIN. II y a quelque chofe de plus. Vous avez change de couleur , & . . . . LA VERDURE revenant far [es f as. Madame , au moins je n'en fuis plus le çfîaître , ils veulent entrer à toute, force.
LE SER G E N Tc^ /^>/ àen^. Recors en^
trant bruf^uement dans la Chambre.en forçant la Verdure,
LE SERGE NT. Hapardy , Mai^. me , vous ne Penrendez pas mal , de nous faire croquer le marmot dans vôtre anti- charabre,pendant que vous babillez tcûe à teftcavec un galant.
COLOMBINE.
Ha 5 quelle infulte à une femme de fn^
5"^lii^é Coquins , fi mon frère eftoit
icy, vous ne defcendriez que par la fe- nêtre:
L E S E R G E N T. Ho, c'eR par la fe- netrc que vous dires. ((f«y^ retournant vers- les deux Recors ) Meffieurs , faifons notre: charge ( // e'crit & di^e ) Delà nous nouî^ lommes tranlportez dans une grande cham- bre dorée. . .._
du Bancjueroutîer^ 4j
ARLEQUIN. Mefîîeurs , avant que de paiïèr outre , encore fant^il fçavoiu les cauies de la îaifie ?
C O L O M B 1 N E, Ah 5 Monileur Periillet , voir détendre tna chambre pour une fomme que je n^ doit point ?
A R L E Q^U I N. Diable > ce feroit pour faire pendre le Sergent.
LESERGENT écrivant & disant. Plus 5 un grand miroir à bordure d'ar- gent , & deux paires de xrhenets du meCmc métail , du mefmemétaiL
COLOMBiNEi Arlequin. Je vais vous dire en deux mots la pcrfc- cution qu'on me fait. Le père de feu Mon- iteur Kerbadec mon mary avoit prefté foi- xanre mille francs à un de nos voifins ......
Retenez- bien foixante mille francs \ car c'efl far quoy.tout roule.
. ARLE QUIN. Diable , la fomme eft force.
COLOMBINE. Ho, mon mary eftoitfurieufement riche 11 eft arrivé depuis ce temps-là qu'un de fes oncles en mourant luy a laillé beaucoup de bien , ^ raifonnablement de dettes. A R L E Qll I N. 11 fe feroit bien ^afle de cela.
4^ Seents Françoi/h
COLOMBlNE.
Depuis la mort de cet oncle , mon mary a toujours fait grande dcpenfe , & pris à crédit par tout où il en a pu trouver : car vous fçavez , MonfIeur,cju'il faut fouteak.. ii qualité. -ïi
ARLEQIJIN.
Bon , à qui le dites vous ?
COLOMBlNE.
Il fc trouve aujourd'huy que j*ay afiâîre ^ des brutaux de Marchands qui ont l'ef- fronterie de me demander quarante- cinq mille livres , Se fi il n'y a guère que| quinze ans que leurs parties font ar- îeftées.
ARL EQUIN.
Hé . fy , Mon fleur THuiffier: Voilà une furprife qui crie vengeance.
COLOMBlNE.
Voyant que je fuis tourmentée par dts gens emportez , j'ay pris un Arreft d^ de* fenfcparce que le voifin à qui Ton a prê- té vingt mille écus de la fucceffion de cet oncle . . . .Vous voyez bien que c'eft quar 4 tre fois plus qu'il ne m'en faut pour^mç^/ titer d'intrigue. v|
A RLEC^UIN.
Il n'y a pas là le mot à dire.
COLOMBlNE. tîâ^-fia
Cependant comme mon Arreftne fera /!• gnifié que deijaain , par malice on nie* fait
dft Banqueroutier, 47
! aujourd'huy l'infulce dont vous cdes le
! témoin.
ARLEQUIN.^ Voyez, je vous prie, jufqu'où va la chi» cane ! ( fe tournant vers l' Htaffier) Mon- fieur rHuifîicr,ce ne font donc qae quinze ffrilleécus qui vous amenenc ? LE SERGENT. Il y a encore outre cela les frais & niifeS
d'exécution.
ARLEQ^UIN.
Vous contenterez- vous de n^on billet , payable au fortir d'icv ?
L E S E RG E N T. Pour la forme , Monfieur y il nous fau- I droit an gardien.
ARLEC^UIN.
Si vous me croyez folvable
LE SERGENT, Ah , Moniieur , vous en parlez trop honneftemenr.
A R L E Q^U I N. Tenez , Monficur THuiffier , voila troîg Louis d'or fans confeqnence. Preftez-moy vôtre plume que je vous faife mon
billet.
QOhOU^lH'Eà'Hnair chagrin p en»
dafJt (JH Arlecjain écrit»
Eft-ce pour TOUS moquer de moy, Mon-
fieur Periillet , que vous m^c faites la coii,
f udoii de. . . . .
4^ Scènes Trançoîjes^
'- ARLEC^UIN.
Toila une belle bagatelle !
COLOMBINE.
Le lendemain de mon Arrcft,,au moins,
je vous rends vôtre argent, ^
-LE SERGENTS Colomhîne, ' •
Vous voyez bien , Mâdame,que j'ay fu^
percedé à la confideration de Monfieur,
"{ fe toHrnant vers Arlequin ) Au fortir de
ccans 5 Monfieur ^ irez- vous tout droiti
TOtre logis ?
ARLEQ^UIN. L'argent cft tout compte, allez vous-TCâ toujours devant, {fe tournant vers Colom^ hîne d'un air tendre)]^ fuis au defefpoir ma belle Dame , du chagrin qu'on vous a fait pour une vétille.
COLOMBINE. Ah , Mon/îear Perfîllet, ne m'en parlez point. Votre generofite me donne mille fois plus d'ennuy , que l'outrage qu'on vient de me faire.
ARLEQ^UIN.
Hé , fy s Midame, fy cela ne vîiui
pas la peine d\ foncrer.
COLO^MBINE. Que je fuis malheureufe de ne pouvoir agî^ que par reconnoi{îance?Maudire fai/ieifaU loit-il m'ôrer le plaifir d'une tédrefFedefin- t-crelFéelEt pourqiioy mon cœur n*a-t-il r^as eu le loilir de fe Elire connoître rel qu'il eft
ARLEQUIN.
c{ti BanciueroHtter^ 4^
ARL EQ^UIN. La belle fierté d'ame j Vive les femiries -de qualité pour les beaux fentimens ! / . CO LOMB INE. Que direz- vous de moy • Monfieur Per- fillec, d'avoir accepté fi volontiers Toffre que vous m'avez faite ? ]eniourrois de dou- leur fi je n'eftois feure de vous rendre bieri- toft vôtre argent. ( le regardant ctttn air languijfant ) encore pourveu que ma liber- té ne diminue rien de l'eftime que vous avez pour moy.
A R L E QU I N. Dites de l'amour , Madame y dites de l'a- mour. (/^ jettant à fcs pieds) Ne voyez- Vous pas que vos charmes m'ont criblé
rame Et que fans un prompt fc-
cours, ....
M E Z Z E T I Ny^ difamfr€re de Colom' - bine , entre l'épée a la main. M E Z Z E T I N. Un homme aux pieds de ma fceur ! COLOMB INE courant devant fon fre^^ re pour i'arrefter. Mon frère , quel emportement ?
M E Z Z E T 1 N. Par la mort , je ^efurvivray pas à un tel affront. Allons , l'épée à la maia , où je te tuë.
tm Scents Françotfes
A R L E Q^U I N. Monfieur , je n'en porte jamais,
COLOMBINE. Ke voyez-vous pas , mon frère, que c^eft un homme de qualité qui me recherche en mariage ^{[e retournant v^rs PerJtUet) Il faut luy dire cela pour l'appaifer. A R L E QJJ I N, Ouy 3 je vous en prie.
MEZZETIN. Cela eftant , qu'il vous époufi tout \ rheurc.
ARLEQUIN. Coniment diablejl'éponier ! J'en ay déjà trop d^une. Ah Ciel ! je fuis un homme perdu,
COLOMBINE ya$ k Arleeuîn. Hé paix. je déméleray bien la fufée , ( k fon frère) mais encore mon frère , faut- il tien donner 1 e temps de drelFer un coa- ti-ad.
MEZZETIN. Qu'à cela ne tienne. Je vais envoyer quérir le Notaire, lifort.
A R L E QU l N après (fu'il cllforty, Di ble 3 qi>c les Bretons oi>t la tefte chaude i
COLOMBINE. Oh pour cela de noire race nous aimons trop l'honneur. Il faut pourtant qu'il ait encore quelque chofe en tefte. Vous ver-
du Bandjuerout'în', y t
ttz qu'il aura perdu au jeu les dix mille francs qu'il toucha avant- hier. A R L E Q^U l N Ho 3 qu'à cela ne tienne que nous na foyonsboîîs amis.Voila heureufement nrïe bagne de deux mille écus , bc une lettre de change de quatre cens piftoles , que vous me ferez le plaifir de luy offrir. Diable , il ne faut pas louffrir une efclandre pour une bagatelle. Ces étourdis là ne fçavent guère fou vent à qm ils en ont. COLOMBlM£tf« regardant U hagH€
é- la lettre. Ah quelle augmentation de chigrin/Quoy -combler toute ma famille de boutez ! (fai- fant feinte de rendre le diamant & la lettre» Non 3 je ne fçaurois m'y refondre. MEZZETIN qui revient. Ma fœur , voicy le Notaire qui arrive , Convenez de vos faits avec Monfieur : car le Contrad figue , il faut conclure le rni- riage,
A R L E Q^U I N. Cela pafTe la raillerie.
C O L O M B I N E.
Allez, mon frère, vous eftes un emporte.
Eft-ce un affront pour vous & pour moy ,
d'être confiderée d'un homme démérite ?
ARLEQUIN.
Ah Madame !
ji S cet? es Franco tfgi
COLOMBl NE.
Nefuis-jqpas m^.îtreiîc de mes adioiis Se de mon cœur ?
ARLEQUIN. Bon.
MEZZETÏN. 3*en conviens : mais 3 Mon/îeur ^JEfloît à vos genoux.
C O L O M B I N E. Je ne fuis pas , ce me femblc , encore fi déchirée ; 5c un homme de qualité peut foupircr à mes genoux , fans que vous y trouviez à redire.
ARLEQ^UIN i/7^r/. Elle s'y prend mardy bien.
COLOMB IN E. Vous eftes un écourdy, mon frere^ de ne fas mieux reconnoîrre Thonneur que Monfîeur nous fait.
A R L E Q^U 1 N. Madame 1
C O L O M B I N E. En'parlant tout à l'heure de vos chagrins 6c de l'embarras où vous eftes pour avoir perdu vôtre argent ; Monsieur , le plus obligeamment du monde m'a mis , malgré n^oy i une bague & une lettre de change entre les mains , dont il vous prie de vous fervir.
î^ E Z Z E T I N. Mais > ma foÊur y iî c'eft une recherche
du 'Banejuereutîer. y^
légitime , vous ne trouverez aucune refif- tancc de ma part.
A R L E Q^U I ?** Comme vous pouvez croire , Monfleur, je ne m'y prefenterois pas fur un autre pied. Alle^ , receviez ma lettre de change, ôc que j'aye l'honneur d'eftre de vos amis. Afin que vous l'entendiez , je ne prétends entrer dans votre famille que par la bonne porte.
COLOMBINE. Mon frère , encore fi vous marquiez un peu de chagrin de vous eftre emporté fans rai Ton >
M E Z Z E T I N. Ma pauvre fceur, prie Monficur de l'ou- blier. Pour moy , j'en ay une telle^ honte que je n'y fongcray de mes jours, A R L E Q^U I N. Vous eftes trop généreux , Monfîeur. J^e^jZ.^tirj s*e» va,
COLO MBINE. Ecoutezjfranchementjil a une dclicatelTa fur ma conduite qui n'eft pas concevable. Si un homme m'a voit baifé le bout du doigt, & que cela vinfl à fa connoillance^ il luy paiferoit Ton épée au travers du corps fans mifericorde. Vous eftiez un homme perdu fi je n'eulfe tourné vôtre vifiteda
côté du mariage
i^J
f4h Scènes FrAnçoî/er
ARLEQUIN.
Quel plïifir a^crrcaimé d'une femme jir-
dicieufe ! Ma belle , votre cœur ne m'ac-
cordcra-tll point ^lelque menu fuffirage
^d'amitié ? ( // veut i'emhrajfer,) Ah il moa
ftrdciir fc pouvoir flatter
COLOMBINE. Vous n'y fongez pas>îonfieur Perfîllet. Qtic deviendrons- nous il mon frère alloit lenirer ?
A R L E QU I N. Adieu donc , veuve aimable. C O L O M B l N E (f« s'en allant. Eft- ce la peine de fe dire adieu pour Hc fcvoir demain I
A R L E Q^U I N.
Adieu donc jufqu'àdemain.Il faut avoiieï
^ue les femmes de qualité ont bien de la
peine à fe rendre. Il n'en échappe pourtant
juere à nous autres Finaiiciers.
<ta^
SCENE
DU NOTAIRE.
ARLEQUIN en Notaire. PERSILLET COLOMBINE , U N L A q^U A l S.
UN LAQ^UAIS.
C'EH: un nommé Monfieiir de la Ref- fource.
PERSILLET. Mondeuï ?
LE L A Q^U A 1 S. Mon/îeur de la RellburccNotaire^ qui demande à vous parler.
PERSILLET. Eft.il là?
LE LAQ^UAIS- Le voicy qui monte.
COLOMBINE. Monfîenr , voilà mon coufin le Notaire^ qui vous vient olfrir Tes fer y i ces.
PERSILLET en l'emhrajpinr. Ah , mon cher Monlleur j foyez le bien venu.
A R L E Q^U I N. Ma confine. Monde u* , m'ayant' fait dire que mon petit miniftere vous pouvoit ellre
C iiij
J4 Sctnes Françoifet
lui le , je viens vous en marquer ma ]oytr ^ vous prier de compter fur moy, comme fur un homme plein cVexpediens & defacU lité pour routes fortes d'affaires. COLOMBINE. Monfieur , mon coufin n'eft pas le ptuç. vieux de tous les Notaiies.-mais je puis dire: que c'eft ceiuy qui gouverne les meilleures boiu-ies y ôc en fait de Notaires , je penfe que c'eft le grand talent.Il nVa promis qu'il ne prendroit rien pour mon contrad de mariage , ( elle Iny. pafe U t^^in fcfu le
^ ARLEQUIN. Qjie tu e's follette , coufine ! {vers Fer- pet ) Monfieur , en cftes-vous bien con- tent ?
COLOMBINE.
Voyez, je vous prie ! eft-ce que je fuiB nlle à miéconrenter quelqu'un ? P E R S IL L E T.
C'eft une fort bonne enfant j ma femme en efl tres-fatisfaite. Elle a parfois Tes peti- tes humeurs : mais la jeaneire,comme vous içavez ....
C G L O M Bl N E.
Hé non, c'eftque lavieilleire n'a pas les iîenncsl Mon Dieu , Monfieur, ne parlons point de nos humeurs ; il en eil encore de plus infupportables que la mienne.Je m'en vais » voilà Madame qui m'appelle. Adieu
'du Banqueroutier. J5
mon cher coiifiiT. ( en s*en aliautyha^s a Ay" leanln ) Faites un pe-i là vôtre charge. A R L E Q^U I N. Je ne ni'endormiray pas.
PERSILLE T. C'eft bien le meilleur cœur de Hlle qui foie au monde.
A R L E Q^U I N. Ca , Monfieur, que pouvons-nous faire pour vos interefts ?
• PERSILLE T. Laquais , tirez des fauteuils .... Qiii que ce foit qui me demande, que le Portier dife que je n''y fuis point. ( // le rappelle ) Fermez la porte de mon cabinet ; & qaon ne vienne icy que quand j'appelleray. ( Le Lacjuais fort.) Monfîeur de la Relfource > mertez-vous , s'il vous plaiR, dans ce faa- teiiil auprès de moy.
A R LE Q^U ï N. Ha j.Monfieur.
P E R S I L I, E T. Je ne vous fouffriray pas là , Monfîeur s affurémenr.
ARLEQ^UIN. De peur d'être incommodées vous obeïs» f ilfe metàam le fauteuil, )
PERSiLLET. Je ne fçay ,. Monfîeur , fî j'ay l'honneiîï 4^étre connu de vous 1.
C V
^ s Scènes FrAn^oîfes
ARLEQ^UIN. Eft-il quelqu'un dans le monde qui ^uitre ignorer le nom, la qualité, le mérite éc la fortune de Monficur Perfillet ? Toute, la terre convient que vous eftes en m.efme temps le plus honnefte & le plus libéral de «eus les hommes.
P E R S I L L E T. Quand on eft né quelque chofe , on ne fe dément guère.
A R L E Q^U I N. Vos vertusjMonfîeuriVousfont admirer.
PERSILLE T. Les complimens mis à part^parlons tout Je bon d'affaires.
A R L E C^U I N. Très- volontiers. De quoy s'agit-il ?
P E R S I L L E T. Monfieur , la vie eft courte ; & un hom» îBC qui a plufîeurs enfans à pourvoir, n'eft pas feur de les établir avanc fa mort.. Vous entendez bien ?
A R L E (^U 1 N Ouy ,. Monfieur.
PERSI LLET. Fbur fortir de ce monde avec quelque fcutede fatisfaéliorr , je voudrois donner cent mille éais en mariage à ma fiUe^Vous ^itende.z bien.
ARLEQJJINl
PERSl LLET.
Je vondrois avec cela donner à ir.on fîlî Perfillet une petite charge de deux cens mille livres , feulement pour commeiicet Vous entendez bien ?
A R L E QV I N. Cela cfttout clair.
PERSILLE T. Et conaiTie on ne profite des bons mar- chez 3 qu'avec de l'argent comptant, je fe- rois bien aife d'avoir dans mes coffres cinq^ à fi X cens mille livres pour l'acquifition d'un Duché que je couche en joue. Vous entendez bien r
A R L E Q^U 1 N. Tr es-bien , Monlieur.
PERSILLE T. Pourront cela il me faudroic onzeôti- douze cens raille livres. Vous enteudez* bien l
A R L E Q U I N. Je vous entends de refte.
P É R S I L L E T. Ea queftion eft , fi vous me les pouvez- faire trouver fur le champ , afin delortir tout d'un coup de ces trois affaires là avec Honneur. Vousentendez-b*en ? ARLE(^U i N. Monfieur , voicy l'endroit à peu prés oâ* la chofe pourroit avoir befo^n (\c qv^elq'ie^ ]getite explication.. Quand vous dites que^
^o Scènes Frafiçeîfes
vous prerendez forcir d'affaires avec hon- neur : eft-ce à l égard du Notaire qui fera prêter l'argent? car avec nous on ne fcau- roic parler trop précifement.
PERSl L LET à part. Voicy un maître Compaanon. ( fe tour- fiant vers Arlecjuin ) Ce qtie vous dites eft de bon fens.Aufïi prétends- je vous donner vingt- cinq mille écus pour vos peines. Vous entendez -bien ?
A R L E Q^U I N. Non, Vous eftes encore obfcur,
P E R S I L L E T.
Hé bien , cent mille francs ?
A R L E Q^U I N.
Vous ne faites que beguaver,
PERSILLÉT.
Qiioy ;, cinquante mille écus ?
ARLECJUIN. Cela commence à prendre forme dedif- cours.
PERSILLET. Je voy bien , mon Compère , que vous «fies butté àrdeux cens mille francs. ARLEQ^UIN. HéjMonfîearjque dirait- on de moy dans le monde, fi je me paiîbis à deux cent mille francs pour f^iire trouver un million ? Hc fy 3 il fiiidroit que je fulîe un fripon , un miferabîe. Grâces au Ciel , jufqu'à prefem j ay yécLi.avec un peu d'honneur^ & depuis
du Ban^ueroutter* 6i
que je fuis en charge, je ne croy pas qu'où me paiire reprocher d'avoir jamais ^moins pris de reconnoillance que le ciers des fomi ires que j'ay fait prétérit fijquand ce font des enfuis de famille 3 cela va bien quel» quefots à la moi rie , oiiy.
PERSILLET à pdrt. L'abominable homme !
ARLEQUIN. Mais il vous faut tout dire. C'^il que movennant cela je fournis d'expediens à ceux qui empruntent ^ pour ne rendre ja» mais , il bon ne leur iemble., . PERSILLET. Malepefte, c'eftbien quelque chofe,
A R L E Q,U I N. Quand vous me cop.noitrcz, vous verrez- que je fuis d'un bon ufe ôc d'un bon com- merce. Je puis me dire fans vanité le Me- dtcin. de routes les fortunes délabrées du Royaumei.5c dans ma proFelîion je fuis fans contredit le plus employé pour les affaires délicates..
PERSILLET. Qu'appellez-vous, Moniieur, les affaires délicates î
ARLEQUIN.
I>Iable,-vous demandez-la le fin de nôrr«
métier. Les affaires délicates ^ Monfieur ,.
c'eft de fçavoir à point nommé vieillir un
'iipoteque^ corriger un teflament;^maigrij:
^r Scènes Vrançoifes
mne obligation , mettre fur pied une con- tre-lcttrei Se par-delfus cela avoir toujours de referve plufieurs bons modèles de ban- queroute» Rien n'eft (i couru prefente^ ment^
PERSILLET à part.
Voila j-.iftemcnt ce que je cherche. ( att Notaire ) Dela-naaniere dont vous arangez vos talcns 5 je vous croy (kns flatterie un des Notaires de Paris lemieux aflTorty. ARLEQUIN.
Un peu de refolurion & d'habitude m'ont mis<lans ia patTe où je fuis. PERSIL LET.
Mais à propos de banqueroute, tenez"— vous que cela puiire rétablir les mauvaife affaires d'un homme r Ce feroit un beau'- fecret.
A R L E QU I N.
Il eft infaillible. C'eft ce qu'on appelle Pemerique des gens ruinez. Par exemple» fi vous eftiez en cet ellac-là , le Ciel vous; en prefervc.
PERSILLET a part..
pen fuis plus prés qu'on ne penfe. AR LEQ^UlN.
11 faudroit mettre du côté de l'épée le milion que vous cherchez pour mar'er vo* tre fille, acheter un Daché,ô^ établir vôtre, fils. Dans le cvedit où vous eftes, voilà trois, hameçons capables depreiidie toutes lest
du Bamfueroîitler^ é^.
(înppes de Parisxar afin que vous Pcnren- diez , quand on veut faire Ton coup^il faut eftre dans cetrc odeur de fortune & d'o- pulence»
PE RS ILLET. Il ne faut donc pas attendre à Textremirc*
ARLEQUIN. Ncnny , diable , nenny. Dés que le cré- dit chancellcil n'y a plus rien à faire. Mais ^uand tout vous rit > & que le monde eft bi^n infatué de vos richeires , il faut pren- dre à toute main l'argent qu'on vous offre, fa^ire grande dépcnfe à l'ordinaire j 6c puis un beaa matin y après avoir mis tous vos meilleurs effets dans une calFctte , déloger à petit bruit > 6c donner ordre à votre Por- tier de dire à touc le monde qu'on ne fçait: où vous eftcs allé. A cette nouvelle , ceux: qui ont prêté le million s'allarment , la fjrayeur les prend', d'abord ils propofcnt de- perdre le tiers de leur deû. A- cela mot, point de réponfe.lls s'alferftblent^jils vont, ils viennent > ils fe tourmentent. A la fin^, défolez de vôtre abfenccSc ne fçachant fur f|uoy fe venger 5 ils font direfous-main^ qu'ils perdront les deux tiers , (i on veut airurer l'autre. Ho , quand ils fe mettent eomme cela à la raifon,. on entre en pour» parler :-On écoute > on négocie; ôc enfin^ après un bon contraâ: bien 6c deucment" itomologué xvous revenez fur l'eau avee'
ê^ Scènes Françolfef
ftpc ou huit cens mille livres d'argent corn- ptantj & tous vos meilleurs effets divertis. Un homme qui a cette prudence une feule fois en fa vie j n'eft-il pas pour jamais au- delÏÏis de Tes affaires ? Voilà comme je par- ierois àmx)n frère ^Xi j'en avois un. P E R S 1 L L E T. AhjMonfieur de la RelTource , que vous sftes bien nommé ^ & que j'ay de grâces à rendre au Ciel de m'a voir adrelfé un home de vôtre probiré.& de vôtre expérience 1 A R L E Q^U l N. Comment^, Moniieur^mon difcours vous auroit-ilémea i
PERSILLET. ]
Il a bien fait pkis. Il m'a tellement pei> fliadé ,. que i e croy qu'un bon père de fa-i mille eft obligé en confcience de faire ban* queroute au moins une fois en fa vie, pour l'ivantage de fes enfms. Il n'y a point à- cela de milieu. . . ,-.. Allons, touchez, là.ll eft trop jufte de vous donner le tiers des femmes que vous me ferez prêter. A R L E Q^U I N. . Sur ce pied-là , vous allez avoir le mil»i lion dans vingt- quatre heures. PERSILLET. Monfieur de la Reifource , le fecretaii moins, je vous en prfe.
A R L E CVU I N Il ne nous faut pas recommander cebu
élu Banqueroutier» ^^
Joliez ieulement bien vôtre rôllei& quand je vous envoyeray quelqu'une de mes bon- nes boLirfes , ne marquez aucun befoin d'argent ^ & fur roui ne paroi iîèz pas avoir aucune relation avec moy.
PERSILLE T.
LaiiTez-moy faire.
ARLEQUIN,
Dans Ciy^ fcmaines ou deux mois , vous conviendrez qu'aune banqueroute & un coup d'épée dans Teau , ne font quafi que la mefme chofc.
P E R S l L L E T.
Dieu vous en veuille oiiir. Du commen- cement je croyois cet homme-là un fîipon: mais ma foy il faut luy remettre l'honneur furlatefl:ej& demeurer d'accord qu'il a de grandes lumières ..... Ha le bel efprit ! ( voyant que le Notaire fait des civilité:^ a un Ucjuais ) Hé fy , Monfîeur de la Ref- fourcc , vous raocquez-vous de faire des ci vilirez à ce coquin-là ? Ce n'eft qu'un laquais.
A R L E QU I N. C'eft pour cela que je prends mes mefiircs de loin. On ne fçait pas ce que ces Mef- fieurs- là peuvent devenir un jour.
^ ^ Scènes Françoï/es
SCENE
DE LA TOILETTE.
ISABELLE à la Toitette. COLOM^ BINE la coefanu
ISABELLE.
HO, île m'en parle point, Colombîne. C^eft un très-grand malheur que nô- tre naiiîànce ne dépende pas de nous. COL O M BINE. O ça 5 avec vos peftes de morales, yrom\ Toila Dieu mercy coeffée tout de travers. Et^ de qnoy diantre vous plaignez-vous \ Votre père eft un Crefus. Vous avez plu* d'amans qu^il n'y a d'heures à la journée. Sept ou huit fortes de maître vous fifflent depuis le matin jufqu'au foir. Tel jour , tel ftabir.Trois bons laquais après vôtre queue Voila-t-il pas une fille bien malade pour le plaindre.
ISABELLE. Il me femble que mon afcendant me pro- metcolt quelque chofe de plus COLOMBINE. Qîie je vous en fçay bon gré avec vos monrans & vos defcendansIVous eftes fille de vôtre père, une fois y il faut vous en te-
ttn Bamjueromîer^ €j
'imt là malgré vous éc vos dents» ^ ISABELLE.
C*eft ce qui me defole, Colombinc.AB, fi tu fçavois combien le nom de^mon père tne mortifie î Je me fens le cœur bien pla- ce , j'ay l'ame d^ine Princellè , mon viiage jnc dément point mes fentimens , il n'y a que ce maudit nom de PerfiUet qui défi- gure tout mon mérite.
C O L O M B I N E. Hc bien, mariez- vous ; c eft le moyen de <hanger de nom à coup fear. 1 S A B E L L E. Ouy 5 mais mon horofcope me fait peur ia mariage^
C O L O M B I N E. ïaitcs-vous donc Religieiife. ISABELLE. Tu te mocque de moy, Colombine . . * » Religieufe avec le b^'en que j'ay î A te dire 1 k vray, (î je trou vois un homme tel que jjB
pourrois le fouhairter
COLOMBINE. Un Empereur Romain , par exemple.
ISABELLE. Je ne dis pas peut être que je n'écoutalFc une propofiilou.
COLOMBINE. On vous en derroir de refte. ISABELLE. Je te jure que je n'ay aucune renfibilité.
0 Scènes Françoifes.
pour Phomme, ôc que s'il en falloît venii
là , la feule bieii-feance du monde m'y en
traîneroir.
COLOMBINE.
La pauvre petite ! Et mercy de moy , n vous déferez-vous jamais de vos jargons d preciÊures?quand vous en viendrez là^vou ferez comme les autres.Mademoifelle je n fuis pas devine : mais je gngerois que vou avez le cœur encore plus tendre que moy & fi , je ne Pay pas de bronze. ISABELLE. Tu crois cela Colombine l COLOMBINE. Oh , je croy que vous avez plus d'envie d'être mariée que moy.. Vous en allez de- meurer d^accord tout à l'heure More,
apporte- moy un mantcau,unc écharpe.une perruque &: un chapeau du frère de Made- moifelle. Pendant que nous fommes en li- berté , il feut que je faife la folle. Je veux contrefaire un de ces foupirans du bel auv ISABELLE. Tu as des faillies impayables^
COLOMBINE. Si j'avois le loifir , je ferois trop drolîer mais ma foy il y a tant d'ouvrage pour moy au logis , que je n'ay pas le te\Tips de rire. ^
ISABELLE.
Ivlaîs encore , comment t*appe\leray*jcî
COLOMBINE.
Vous nVappellerez Chevalier .... O ça
nez- vous bien fur vos gardes. Je vous ais ma foy pouilèr des fleuret ces auiîi ranches ....
ISABELLE rit.
' COLOMBINE.
Vous riez. Si Dieum'avoit fait homme, aurois efté un dangereux pend art . . . Al- DUS, allons morbleu des airs de conqiiefte. *lore, ferme la porte de Tanti-chambreade
)»eur qu'on ne me vienne interrompre dans tiÊS plaifîrs. ( elle fort un moment après ^our prendre une perruejue à'homrne. ISABELLE pute. Je ne penfe pas que dans le monde îl y lit-iïne aufïi folâtre creatiure. Apres tout , îlle a raifon de ne point prendre de cha- grin. C'cft un poi(on pour ceux qui s'y ibandonncnt- COLOMBINE en hahh de Chevalier. Ce n'eft ma fpy pas fans peine , Made- moifelle , qu'on parvient à vôtre apparte- ment.
ISABELLE. Comment donc Chevoher? COLOMBINE. Si votre brutal de Portier avoir des chauf- fes FrôccebjOri le prendroit pour un Suilîe., Sçavez-vous qu'il y a deiix heures , au pied 4e la kctre^que je fuis à vôtre porte,^ que
7^ Scènes Fran^offes
ce maroufle là n'auroit point ouvert. Ci u ne m'eftois avisé de dire que j'eftois de voj pareils i
ISABELLE,
C'cft à dire , Chevalier , que vous avez <ocq 'e:é toute l'aprefdinéc,& que leshcu*> res à ma porte four de vôtre invention, COLOMB IN E.
Teiîez-moy pour un coquin fi je vous
^^^^^^ A propos vous ay-je dit qu«
fc vous aime ?
ISABELLE.
Cela n efl: pas encore parvenu jufqulk jnoy. ^
COLOMBINE.
Nous autres gens deCour,nous fommcs tellement diflipez^que tres-fouvent il Faut qu'on nous devine,.,. Vous avez pour- tant d'afîèz bons petits airs^Sc je vous trou- ve d'un ileary qui touche.
ISABELLE. ,
Ha fy. Chevalier, ne me regardez pointa Je ne fuis point aujourd'huy une perfonnc! Tous mes airs font dcconcertezrvoilà deux nuits que je fuis malade comme une béte , ce qu'ô appelle à ne pas fermer rœil.Vous croyez bien qu^on n'eft pas jolie après une ifi grande déroute de fanté,& que l'infoiTi- nie n'a jamais accommode un vifaec COLOMBINE.
Ha pour le coup. Mademoifclle , vous
▼ons mocquez de moy.Vous avez, D'eu me damne , plus de fancé qu'il ne m'en faut. Tout ce que je crains^c'eft que votre mila- dk ne foit au cœur. Aim.^.ble comme vous cftes , il n'eft pas poilible que vous n'ayez \ quelque paiïion dans l'ame. ISABELLE. 'Ah Chevalier , rhorrible mot 5 A moy ^ la pafïïon ?
COLOMBINE. Ecoutez 3 fi cela eft , cachez moy fi bien mon rival , que je ne le découvre pas. Car je veux que cinq cent diables m'entraînent fi....
ISABELLE. .Qiioy Chevalier ^ vous eftes jaloux î COLOMBINE. Comme un diable , je n'ay que cette bonne qualité-là. . . . Ma belle , me fereai- vous foupirer encore long- temps ? , ISABELLE.
Vous n'avez pas encore commence.
COLOMBINE. Vous ne comptez donc cette vifirc-cy pour rien. Prenez-Vous du tabac quelquc- ' fois ? J'en ay qui fait honte à l'ambre. ISABELLE. Quelle grofliereté î du tabac à des fem- mes?
COLOMBINE C'eil pour vous montrer que je n'ay point
y%. Scènes Françoifey, |
de referve avec vous. C^iund vous donne- ^1 ray-jfi à fouper chez Lamy > ISABELLE,
Vous perdez le rcfpea: , Chevalier. Une fille de qualité au Cabaret ?
C O L O M B l N E.
Ho, s'il vous plaift, Lamy n'eft point un Cabaretj c'eft un Traiteur de confequencci. | fcn mené tous les jours chez luy d'aufïï [ icrupuleufes que vous.
ISABELLE.
Quoy, des femmes font alFez fottes pour alJer manger au Cubarer ?
C O L O M E I N E.
Si c'eft une fatciie , dites plntoft qu^il cft ' ^es hommes allez fots pour y mener leurs l femmes.Il n'y a pas de mode plus nouvelle prefentement, On commence à accoquiner les niaris.à les mettre dans les partiesjCom- ine ils fe croyent de tout , ils ne fe défient de rien : cependant il y a (ks endroits où on ne les mené pas.
ISABELLE. .n
Mais pourquoy tant faire la guerre à ces pauvres maris ? «
COLOMBINE.
C'efl: que la plurpart font des goulns,qui ne veulent de femmes que pour eux. Usm ont beau faire , on en croquera toujours ' ^uelques-uiies à leur barbe. Pourmoyje
dn *B an quer entier, 75
n^ay jamais fait de ces friponneries-là. Je n'en veux qu'aux filles.
ISABELLE. Ce n'efl pas le plus mauvais party. COLOMmNE enluyhaifamlamain. Ha, ma belle, qu'il me feroit doux d'é- tnouvoir vôtre tcndrelîè , & d'eftre robjcc de vos premiers feux !
ISABELLE. Le fentcz-vous comme vous le dites *
C G L O M B I N E. Le diable m'emporte (1 je ne donnois ma -vie pour eftre aimé de vous.
ISABELLE. Aime-t-on~comm>e cela d'emblée. Che- valier ?
COLOMBINE. C'cft la mode de la Cour 5 6c après tout •je la crois la meilleure . . , , . Ne m ama- fcz points
ISABELLE, Vous voulCiL donc fçavoir à quoy vous en tenir >
COLOMBINE. Je ne veux pas foupirer comme un Cour- taut de boutique : mais je prétends que ma. bonne foy doit m'épargner des démarches populaires qui retardent l'amour,& qui ne le perfuadent point . . , Ma cherejpuifquc mon cœur eft pl^n de tout ce que vous valez . . . • .
D
74 Scènes Françoîfes du Banqneromleu ^ ISABELLE.
Quelle flatterie iPlus je calcule mon me-
tîtCa moins je trouve d'endroits pour plaire*
COLOMBlNE en Iny haijfant la maîfu
N'ayez pour tout talent que celuy de xn'ainier.C'eft le lien des cœurs, c'eft par la que mon ame comblée s'expliquera tou- jours trop foiblement, &: de la lendreffc & de fareconnoiirance. ( Ifaheiiefoupire) Un foupir^c'eft déjà quelque chofe. {fejettant ^/fj ^iV^j ) Charmante belle, confirmiez par un aveu fincere ce que vos regards lan- guidans me difent fî tendrement. Joignez aux promelîes des yeux ralTenrance delà Toix. ( en fe paffïonnant ) Un mot , ma chère , un feul mot de vôtr£ belle bou- che
ISABELLE en fe retott^rnant amour eU' reufement.
Ah fy donc, Colombine : quel domma- ge que tu ne fois point garçon 1
COLOMBlNE/^ relevant.
Ne vous avois-je pas bien dit que vous n'cftiez pas de bronze. Vraym>ent ce feroit bien autre chofe fî j'eftois homm^.
On frappe à la porte y &la Scène fnit*
«ta ffë Sî cfe tffe «tS Sfe • cfc cfe çfc 6^
SCENES
FRANÇOISE S
DE COLOMBINE AVOCAT, POUR ET CONTRE.
SCENE
DU MARQUIS DE SBROUPADEL; ARLEQUIN en Mar^juis, ISABELLE^
ISABELLE.
AH Marquis! quel relâchement de vî- (Ire ! Ha pour cela on ainie bien peu, quand on déferle pendant trois jours. ARLEQ^UIN. Le diable m'emporte fi je fçay comme cela s'eft fait. Ce qui eft de vray , c'eft qu'on m'a trouvé à redire à la Cour.Vous fçavez que fur ce pied-là , on prend le parcy de faire atteler fîx barbes à une chaife j 6c on fc rend au petit cguché à toutes jambes.
2^ Scènes Frafiçotfes
ISABELLE. .^ . Maïs i Marquis , que penfez-vous de la <Jour ?
ARLEQ^UIN. C'eft un étrange terrain. Un fat y avale bien des couleuvres.
ISABELLE. Et à quoy vous divertilTez»vous à ce xharroant Verfaillcs ? V,.,. ARLEQ^UIN.
' Mafoy , depuis que les duels font d^f- Cendus , j'ay bien des heures de refte, ISABELLE'. N'y dit-t-on rien ck nouveau }
A R L E QU I N. Pardonncz-moy.On y parle d'y faire bâ- tir une fale de deux cens toifes de large , pour faire le Carouzcl à Tabry du fokil Si de la pluye.
ISABELLE. Deux cent toifes de large I A R L E Q^U l N, Bon i l'embarras n'eft qu'à trouver des poutres de cette longueiu:-là. A proposjon a créé une Charge en ma faveur ; & une Charge d'épéejcomme vous pouvez croire. Entre nous, j'ay toujours cru que la Cour feroit quelque chofe pour moy. Ce n'eft mardy point avec un peigne ny avec une tabatière qu'on parvient en ce païs-là:il y faut de cela, ( Ilfe tonchs U front. )
iie ï' Avocat four & c(^ntre. 77 ISABELLE.
Ah , quelle criiauré , Marquis^de ne pas mander à vos amis la jufticc qu'on vous rend [
ARLEQJJlN. A moins que d'être Fanfaron , on nes*^" Tife gneres d'écrire à Tes amis , ce que la Gazette apprend à tom le monde. ISABELLE. Et bien , Marquis , qu'elle eft cette Charge î
A R L E Q^U I N Hoj pout le coup:,vous ne ferez pas une Cmple Mirquife y Se fur ce pied-là vous irez du pair avec ....
ISABELLE. Hé 3 ne me Faites point languir.
A R L E Q^U I N. Puifqnc vous voulez le fçavoir ; on me donne la Charge de Colonel gênerai du Régiment de Limoges.
ISABELLE. Maisj Marquis, il me femblc que la paix barie un peu les fbndtions d'un Colonel. A R L E Q^U 1 N. Bon y la paix Fait le beau de ma Charge, G'eft moy qui picque tous les Limoullns qui travaillent aux murailles du grand parc à Vcrfailles.
ISABELLE. Ah^ Marquis, la jolie Chaîne! Avec cela D^ iij
7? Scènes Tranpifes
on donne dans le page à bon titre,, ARLEQ^UIN. Cela mené à bout.
U N L A Q^U A I S entrant. Mademoifelle^on dennande à vous parler.
ISABELLE. Ho pour cela, Champagne, il n'y a pa§ moyen de tenir contre vos impertinences». 3e vous ay dit des fois fans nombre que je ipe recois poinç de vifires quand Monfîeur le- Marquis eft céans.
ARLEQ^UIN. Ah^MademoifelleaVOus me gonflez d'hon- neur. Qiielle préférence I
LE LAQ^UAIS. Ce n'eft pas unevifire , Mademoifellc \ c'eft une fille de Chambre qui demande à vous fervir..
ISABELLE. . Vçn* verrez que ce fera cette jeune en*, /àht que la Comteilê de Megret veut met-?^ îre à mon fer vice. Qii'on la fafî'e entrer. A R L E Q^U I N. Adieu. Je vais vous laiifer faire vôtr^ marché en repos ; il veut s'en aller, ISABELLE l'arrefiant. Non pasjs'il vous plaiftjje prétends bien; que vous m'aidiez à fortir d'intrigue. COLOMBINE entrée. A R L E Q^U 1 N la regardant.. Voila un i^n bon petit air.
de l'Avocat Vour& contre, 75 COLOMBINE.
Si quelque choie me peut confolerdema maavaife forcunejc'eTt l'efpoir d'entrer aU'- prés d'une Demoirelle aulTi fage U auiE raifonnal^le que vous.
A R L E Q^U l N. Elle n'eft mardi point fotte.
COLOMBINE. Madame la ConirelFe de Megret , vous aura pu dire , Mademoifelle , que j'ay Gombatu long-temps contre la honte d'en- a'er en condition \ &c que ma répugnance a cédé à l'honneur de vous rendre mes fer- vices.
ISABELLE. Le jôly tour d'efprit I
A R L E Q^U I N. Celuy du vifage n'eft; pas moins droIe.
ISABELLE. Man enfant 3 jeune & délicate comma vous eftes :, j'appréhende qu'il n'yaiticy trop d^ouvrage pour vous. Il faut me coef- fer 3 nVhabiller, r'accommoder mes points 6c par delîus tout cela^nous avons quanti- té de linge à blanchir.
A R L E QJJ I N /;^; ^ Colo7nhine. Viens- t'en chez moy ? je n'ay que trois Ghemifes.
COLOMBINE^ iPiheUe.. Mon âge »3c mon tempérament- ne me dlipenferont jamais de. faire tout ce que
D- iiij,
"!« Scènes Fratiçoifis
yoi\s me commanderez , MademoifellcK ISABELLE. Cette fille-là me charme. Qii'cn dites* tous 5 Monfieur le Marquis ? ARLEQ^UIN. Hé 3 elle paroift avoir allez bonne vo- lonté, (h ai à Ifaheîle ) Voulez-vous que je vous parle franchement? Ce n'eft point là Totre faitice n'eft q^u'un enfant. Voilà pf- tement une amufette pourmon Valet dt Chambre^ou mon Maître d'Hoftel.Qiiand ces gueux- là font une fois amoureuxjDieu fçaît le train.
COLOMBlNE^;;4rr^ Lâche coquin !
ARLEQUINS fp^W//. Prencz-moy une bonne grolFe fille^ laide -^ fort^ : Vous en ferez mille fois mie.ux fervie.fy^ tonmant vers Colornbine ) Je tuy parle en vôtre faveur.
COLOMBINE. Les gens de qualité font toujours oblî- geans. ( kpart ) Le m.araut 1 ISABELLE. Vous avez beau dire:Cetre fille- là eft tout a fait à mon gré , &: je vais prier mon père <le tfouver bon que je la prenne. Elle s*cn ^a ,* ^ cjuand elle a fait trcis oit quatre pas > elle fe retourne an coté du Marquù £jH*elte n laifé fitil avec Colomhiyie > & dit : Mar- quis 3 pendant mon abfencc au moins ^
de V Avocat Pour & Contre, 8 i
n*allez pas faire le folàcre , ny vous éman- ciper.
ARLEQ^UIK Quel oiitrage,'ma Princelîe î mon cœur peut-il eftre fenfible à la joye y du moment qu'il vous perd de veuë? [4 C olomb in e après ejH'îfaheile efl partie. Veux-tu me croire î ne te fourre pas dans cette pefte de maifon* cy j ru y creverois en urois jours. COLOMB! NE. j. AhjMonficur, on ne choific point dans kextremité où je me trouve. Puilqu'on m'a adrelTée céans , il faut c^ue j'y de- meure.
ARLEQUIN. Que tu es folle ! Vien-t-en demeurer ^diez moy : tu feras adorée.
CGLOMBINE. Voila-t-il pas demesadorcurs ? Uiic fille fcroit Bien chanceufe de prêter l'oreille à un homme qui fe va marier ! A R L E Q^U I N, C'cfl quand il y fait bon^nia mie. AuiîÎJ roft que j'auray touché mon mariage , je te meuble uns chambre d*un bout à l'autre! Je te donne un petit laquais^^r je t'habille il faut fçavoir. Va , va ne refufe point ta fortune. De tout ce qu'il y a de Marquis en France , fans vanité , je fuis un desplu$ éonnans»
P T
s 11 Scènes Trançolfii ,
C O L O M B I N E.
Folle qui s'y ^t. Depuis riiiftoire arri- vée à une nommée Golombine , il pleuve- roit des hommes q^ue je ne voudrois pas en ayoirramafTéun.
ARLEQ^UIN. Comment donc ?
C O L O M B I N E. On m'a raconté que cette pauvte créature; s'eftanr prife d'amitié pour un nommé ar- stf— Arlequin.
A R L E QU ^^. Quelle befte eft-ce que cet Arlequin ?
GOLOMBINE. On dit que c'eft un maroufle , un cancre* ^ «n miferable qui devroit baifex les pas par ' ©ù elle a palPé.
ARLEQUIN.. Tu tç mocques ?
GOLOMBINE. Nenny ^nennyjMonfîeur : il n'y a point là de plaifanterie. Ge coquin-là malgré Tes. fermens & fes promefles a quitté Golom- bine , & depuis peu de jours s'eft mis fur \qù pied d'un Marquis du bel air.
ARLEQUIN a. part.. Ouf..
GOLOMBINE. On dit qu'il eft à la veille, d'époufer Ik fille d'un Bourgeois qiii a plus da ttentf laiile. écus^
de V 'Avocat Fo^r & Co-fitre; S 3 A R L E Q^U IN. Eft-il poffible ?
GOLOMBINE.
Il eft fi bien pofîiblc 3 que la pauvre Co- • lombine en eft morte de douleur. Voyez après cela fi on peut fe fier à h parole des hommes ?
A R L E Q^U I N.
Franchement , il y a de grands fcelerats dans le monde. Maiseil-elle bien morte auffi l
GOLOMBINE.
Il n'efl: que trop vray.
ARLEQUIN à part.
Tant mieux. ( a Colomb we ) Ecouter- Dans cette hiftoire-là , il y a du pour de: du contre , ouy. Tout ce que je puis vous dire , e'efl: qu'un homme eftun f.it , quand il ne prefere^ pas Ton bien à (on plaifir. Puis qu'il n'aimoit plus Coloivb'ne,n'a-t- il pas bien fait de fe pourvoir ailleurs. Ent amour comme en autre chofe , les volon* rez font libres. COLOMB IN E/f /^''^«f connaître à
ferfiâoy traditorc^ mSinrai ne^i occhif^' mn m*Ài nel cnore.
1D:V|
$4 Scènes Françoifes
SCENE
DU DOCTEUR. COLOMBINE. en D^<i7^«r. ARLEQUIN.
C O L O M B ï N E.
A Qui en voulez- vous ? ARLEQUIN. Je cherche un certain ....
COLOMBINE.
Doucement. Si vous voulez parlcr^par- lez congruëmentjOa ne parlez point.Vous dites que vous cherchez un certain. Cher- cher eft un verbe inquiet s & certain eft un mot repofc. Ainfî par une diélion barbare,, vous confondez raCliviré «S: le rcpos.Cela «^appelle en bonne Ecole contrarium ta
ARLEQUIN. Diable ! voicy un bel efprit, tout à fair^ Ne fçauriez^vous me dire ?
COL OMBINE. En deux mots deux rottifes.De toutes les cenftrudtions la plus yicieufe eft celle qui. commence par un temps fuppofé 3 ou par wne interrogation doutcufc : Première lot- tifc, La féconde . plus Canifc encore que la
àe VAvoeat Tour & Contre, 8 j premierejeft rirreverence contre ma capa^ ciré. Ne fçaunez-voiis médire ?Qyiel fouf- flet à im homme de lettre ! Comme s'il m etoic permis , à mov d'ignorer quelque, chofelà moy qui fuis le mignon des Mufes, le fàvory de la Grammaire , le rival d'Arif^ tote ! à moy l'Epitome 1 à moy l'Endclo- pedie/à moy enfin le Microcofme de toutes les Sciences !
A R L E qU I N. N*eft-cc point là quelque Porc-epic de. l'Uni verfité ? Faites- moy la grâce deme. di- re fi vous elles Dodteur ?
eOLOMBINE. Si je n'cftois que Dodteur , je ne ferois pas grand' ehofe. Dodeur ^ à propremem parler >,n'efl: qu'un mot de parade^ ou une- belle en feigne à un méchant cabaret. Cs n'eft point le nom de Docteur , qui fait les gens dodesimaisil marqueCeulement qu'on le devroit étre.Qfi'-incl Averrocs s'en expli- que, il dit qu*'jn E>odeur pour l'ordinaira dk une efpece de macteufe , qui paroîc chair , Se qui n'^ que poilFon.. ARLEQUIN. Gommant donc ^irerpour. n-'yétre point trompé ?
COLOMBINE. 11 en faut jugrer comme des lapins.
A R L E CLU I N. A caufe de leur fourrure peut-efire )
tê' Scènes Françàifès'
(i^cUe chienne de comparaifon ! COLOMBINE. Je la tiens d'Anaxagcre, que nous appela- Ions le gouffre de l'efprit, & lemagazin à\xK bonfens. Ce grand homme prétend que pour juger fainementd'un lapin.il faut que: le nez en décide. Qiiand il fent le geneft & le ferpolct , il eft de vraye garenne : quand' il ne fent que le chou , c'eft' un clapié. ^yf fAYt Quand on porte nnDodeur au nez de- là raifon .s'il a le fumet des belles lettres ,, c eft un vray Dodeur : mais quand il né? fent que Técole &: l'argument , il ne paflTé: parmy nous que pour un clapié.Voyons ce.' qui vous amené.
ARLEQ^UIN. Mônfieur , comme vous eftesun Dbâ:eur dé vraye garenne,je vous priedemedonner:" vôtre^vis fur mon affaire.
COLGMBïNE. De quelle nature eft vôtre affaire? Efl^ elle de Fait ? eft- elle de Droit ? A RLEQ^UIN., Il s^'agit de deux mariages. .
COLOMBINE. De deux mariages I. L'épouvantable: afc fëire j
ARLEQUIN. Je. n'ay pourtant jamais efte mariée.
COLOMBINE. La Ciel vous a regardé d'un Uon oeâl;.
àe î'j4vocat Pour & Confrf. 3/
L'homme qui fe marie, eft appelle par De* moftene l'ennemy de Ton repos^rartifan de. foii malheur , & le bourreau de fa liberté o^ fughlator Uhenatts
A R L E Q^U I K. Mais ... ..
COLOMBINE. On regarde un fiancé comme un aveugle^ Qfii touche le précipice du bout de Ton bâ- ton, fans en eftre, effrayé. De quelque côté: qu'il fètourne , fa perte cft infaillible: «w-^ di(jHe atjgtifiia. S'il prend une vieille , elle efi: avare, laide ôc infupportable. S'il prend- une jeune , elle cfl étourdie , prodigue & coquette. S'il époufe une belle , il époufe. une folle. S'il fe marie pour du bien , fa- fortune Bit fon fupplicei& une riche laidc: a toujours lieu de croire qu'on l'a époufée: mnprovter opus ^fed propter opes, A RLEQ^IHN. Onm'àccufe d'avoir deux femmes..
COL.O M Bl NE. Quelle aveuglement defacrifier fa raifoir. à fon plaifir & à Ion interefi: 1 A R L E QU I N. Et ou Diable me fuis- je fourré ?•
COLOMBINE-
Comment s'aiîeurer dans un naufrage
perpétuel ? luxta ferpentem nemo fom?ios
fecHYHS c«p/f. Qiiel antidote contre la fu-
.rcui: des femmes ?.Cjuel remède contre- leur
î^ S'cenef Françoîfes
vcrrgeunce qui s'inftale fans mîfencorde fur la tefte des pauvres maris ? Si on s'en plaint 5 on eft bizarre ; fi on le fouffre , on dl deshonoré.
ARLEQUIN.
Qiiand rous les diables y feroientailfaut ^nejeme marie.
COL O MB IN E.
Non auditur perire voîens, Qvxoy que vous vouliez abfolunienr faire une fortife, e'eft à moy à- châiier par mes confeils une refolution ft téméraire , & à éloigner le danger en vous le faifant connoîtrs. ARLEQ^UIN.
Jé-ne cours aucun rifque. La fîllcqiie je prends 3. n'eft jamais fortie de delFous Paile du père Se de la mère : elle n'a jamais vçu un homme en face.
eOLOMBiNE.
Tant pis^ diable, rant pis. Une fille fans expérience , eft de tous les écueils le plus dangereux. Le psre & la mère, à force d'y-' fiirveiller , vous la livrent façre .-mais elle n'eft pas plunoH: mariée , qu'elle fe dédom- mage de la feverité de fa famille 3 U pour peu qu'elle hante le monde , & qu'elleait de pente à la- galanterie , vires acquirit 4!Hndo, C'eil un filet à fa fource , & un tor» rentdans fon progrés..
A R L E Q^U I N. Il s*agit d-unc nommée. Colombinc> qui
de l* Avocat P^oUr é' Contre» $*^
fîie pcrfecute , & qui
C OLO MBINE.
Oh 3 s'il ne s'agit plus de mariage, parw lez.
ARLEQ^UIN.
Il' s'en açrit, Monfieur , 6c il ne s*cn aeit pas.
COLOM BINE. S'il ne s'en agit point^^ parlez : mais s'it s'en agit , ne parlez pas.
A R L E Q U I N. A, l'égard d'irabelle que j'aime 6c que je veux époufer , il s'agit tout kfeit dema» riage.
CQL O M BINE. CTefi: de cela que je vous deffends de me parler.
ARLEQUIN. Mais à l'égard de Colombine qui m'ai» me 3 &" que je n'épouferay jamais. COLOMBINE. Ohlà-delTus parlez tout à vôtre aife.
A R L E Q^U I N. Grâces au Ciel , à la fin on nous écou* tera,
COLOMBIKE. Dites-moy , je vous prie , cette Colom» binC:, çft-ce une des deux femmes que vows avez époutées ?
A R L E QU I N. Le Ciel m'en prefervc. C'eO; une créa-
pu Scènes Françolféf
tare que j'ay aimée à la vérité : maïs dés qu'on m'a parlé dlfabelle avec trente mil- le écus ....
COLOMBINE. Des ce moment. là ^ vous n'en avez plus ?oula ?
A R L E Q^U I N. En ma place, Monfieur le Dodteur ^ en auriez-vous fait moins. Les Dcd^rs font auffi âpres à l'argent que d'autres. Colom- bine eft jolie, Ifabelie efl: riche.Niais à pre- fcnt un homm.e de qualité entre l'utile dc & le plaifant ne balance guère. "^
C O L OM B 1 N £. Il ne m.anque donc que de l.'araent à Co-, llombine pour eftre vôrre Femme î ARLEQ^UIN. Vous r.ivezdit.Entre nous^le grand ref- fort du mariage, c'eft_l'argent, & uneriche laide en efface toujours une belle. COLOMB INE. Il eft vray : y^url facra, faines. Cepen- dant nous tenons parmy nous comme une maxime certaine, que l'égalité des maria- geslcs rend heureux : Si c^na voles nuhere, nîihe pari. Or fi vous me demandez mon confeil , il eil bon de fçavoir les chofes à fond. Aviez-vous engagé vôtre parole à Colombine ? vous eiliez-vous promis une foy mutuelle?.
df V^ Avocat Pour é* Contre» <> r ARLEQ^UIN.
Vrayement oay , Aionfieur , un million ife fois : mais il n'efc poinc d'amitié que L'argent n'airomme.
Colomhlne fe découvre , Arlequin tout épouvanté s* enfuit*
|>, J. A I D O Y E^
't • • ■»
L E JÙ G E. Tlu fleurs ConfeiRers.
A R L E QJJ I N /«r /^ pileîte.
COLOMBINE dans fes habits flai-^ dant fa caufe^
€ OLOMBINE.
Efrieurs^rartifice dont fe fervent les
filles pour parvenir an mariagCjrend
leurs amitiez (i fufpectes 3 qu'un homme femble courir à fa pertcquand il fonge à fc marier. Autrefois on fe kilToit charmer fur Pefpoir d'un amour fîncere:aujourd'huy on fe contente d'un peu de grimace intere'Tee. L'union des cœurs faifoit. par le palîé la douceur des ménagesiprefentement l''opu- lence en fait tout le bon-heuri & s'il arri- ve 5 par miracle , qu'une femme aime fon mary 3 c'cft parce, que. fon mary na contre^
«^2;, Scènes Franco if es
dit ny fa dépenfe ny fa condiiite.Ce débuts MeflTiears paroîcra violent dans la bouche d'une fille, ^ui devroit excufer les défauts de Ton (exe : Mais la i-nauvaife foy des fem- mes en gênerai étouffe tellement la iînce- rité de quelques-unes en particulier , qiic ^ dois convenir > malgré moy, qu'il y en a de rufées Se d'arrificieufes^pour faire valoir cdlcs qui font ingénues &: de bonne foy.. I,, ISABELLE.
Voilai de méchante profe.
COLOMBINE.^ ^
Je me trouve , Meilleurs , dans le petit nombre des fillesrqui ne fondent leur for- tune que fur la fatisfaclion du cœurje fuis de ces malhcureufes qui fe font une loy de leurs paroles , & un devoir de leurs' paffions : Et de tous mes chagrins le plus^ cuifaut, & fi je l'^ofe dire, le plus honteux,* cft d'aimer un perfide, que Targent a rendïLf volage au préjudice de fes fermens. Lâchôj;i tu me trouvois belle quâd tu n'étois qu'uiïfi Arlequin; Colombi ne pouvoitetre la fem^-T me d'un- miferable : mais Colombine fait riiorreur d'un Marquis. Faquin de Mar- quis ) excrément de noblelTe , fantôme de qualité i Colombine fans bien & fans for-^ tune , n*a-t-elle pas des reirources pour te mettre à ton ai ie ? Tu fçais, Maraut , que je fuis bien voulue* de tout ce qu'il y a de gros Einjinciei-s.. Un mary manque- trîL
àe V Awcat T^enr & Contre^ 9 1 ^'eitîplois, quand une jeune femme ad'aufli bonnes connoilFances ? Si l'employ re dc- plaifl:,ne pouvons-nous pas donnera jciier à la Bairecte ^ & vivre honorablement dans Paris 5 comme une infinité de gens auflî gueux que nous ? Av^c tant de moyens dei parvenir tu m'abandonne , malheureux , malgré tes fermens , maigre tes foupirs , & qui pis eft, malgré toute la tendrefiè que je t'ay jurée. Tu me quitte^ infâme, pour Ifa- belle & pour fan arg^nt.Tu veux que mon defefpoir reclame contre ton infidélité;, & que mon cœur outré demande aux Juges Tcxecution d'un^ promellé que Tamour a diclée3& que l'avarice méconn ift. Ingrat, fuis-je moins aîmable;& faut-il que je doi- ve à la rigueur de la }ulHce y un mariage que je vouHrois tenir de ma confiance & de ton amour 3 Ah , Meilieurs , qu'il en coûte pour aimer de bonne foy / Mes lar- mes Se ma douleur trahilient mon redenti- ment & vous .difent alFez que j'oublic- rois fa perfidie 3 s'il fe repentoit de fon chaneement,
COLOMBINE s^èvanoilit : on l'emmène ; Us luges vont aux opinions , ^ condam' tient Arlecjuina eflre fendit, Arleauin fe defefpere , 6^ dans ce tempS'là arrive Coiomhine en h ah h à* Avocate
'!^4 Scènes Trançoîfes
CQLOMBINE en habit d'Avocat , qui àt^ fend la caufe d'Arlequin contre elle-mefme. Me (Tien rs 3 de quelque natarf qi;c fok un crimcjon ne condaaine jamais un. cou- pable fans l'entendre. (^nicHm.j,ie judtcat parte inaudita altéra , licet Acjhum fiatue-' rit 5 haud ajHtu frit. ]e ne demande que trois paroles pour la defFenfe de Taccufié ; Se j'oie me promettre qu'il ne m'cchapera rien d'inutile.
AKLEQVIN. Le Ciel protège toujours les innocens*
LE JUGE. Parlez.
COLOMBINE. Meilleurs , il eft alFez nouveau que l'ef- Ironrerie d'une jeune fille , 'fecouruë par des larmes obéiirantes , entreprenne d'at- tendrir les Juges par des mouvem.ens dû compaiïîon , ôc qu'une limple fervanrjc avec un chiffon de papier , fe propofe d'é- poufer un homme du mérite & de la qua- lité du fieur Marquis de Sbr^ufadcl. Une fervanre époufer un Marquis 3 comble des grâces ôc des bontez de Ton Prince l A R L E qU 1 R Cela eft vray : il me fait mille foi$ plus 4'honneur que je n'en iTieritc, COLOMBINE. Une fervante époufèr un Colonel ^ qui
de V Avocat Tour & Contre. ff
Soutient par fa dépenfe Téclat & la dignité ■de ion ran^.
ARLEQ^UIN. il a raiion. ]'ay toujours aii"nc la de- penfe. i
€ O L O M B I N E. Ah 5 Meiïîears , voudriez- vous avilir la •noble(Ie>en ordonnant une alliance li diT- proportionnee ?
A R L E QU I N. Fy i c'eft: Te mocqiier.
C O L O M B I N E. Si le mérite & la qualité de celuy pour qui |e parle , n'avoient pas porté Ton nom par toute la terre habitable, je vous dirois, Meilieiirs , qu'il efl: impolTible de le voir fans Taimer.Que fa prefence donne du plai- iîr, que Tes manières font inimitables, qu'il charme quand il parle , qu'il plaiû quand il ne dit mot , Se que la joye eft tellemeni: attachée à Ton humeur Se à Ton caiaclere , =qu'on ne le quitte qu'à regret. Jamais hom- ine de fa qualité n'a porté la magnificence û loin. Il change quelquefois de dix habits ^n un aprefdiné : tout le monde eft bien venu chez luy, il vit fans façoUjOn l'abor- de fans peine; & on le verroit toujours pour rien , fi Ton Portier , à l'exemple des autres 3 ne tiroit pas un droit fur le nona & fur les grandes qualicezi de fon maître.
f ^ Scepes Françoife^s
ARLEQ^UIN:
Ah le bon Peintre.»
C O L O M B I N E.
Fera-t-on mourir un homme de cette confequence , pour avoir badiné avec unx: DariolcttCs^u'un peu de jeunelïè rend fup- portable ?
ARLEQUIR
f y , il y auroic de la confciencc C O L O M B I N E.
Ne fçait-t-on pas que ces fortes de crea- turcs mettent tout en ufage pour tromper ceux qu'elles fe deftinent ? On fait^ agir d'abord la blancîieur du tein ,1e vermeil des lèvres , la vivacité des yeu^. Pour peu qu'un homme fe fente picqué^il s'en expli- -que. Une fille dans le commencement n'a point d'oreilles. Il faut des peines étranges pour luy faire agréer l'eftime qu^on a pour etle. 'Enfuit^ on a de la complaifance , on rend des foins , on marque de l'empreiîè- ifnent5& puis quand les converfations font un peu plus familieiesaon glifîe le mot d'a- mour. La maîtrelTe s'en offenfe : l'amant repare cela par deslèrmens , par desfou- pirs Ôc par des vœux. Une fille rufée qui voit la dupe mordre à l'hameçon, ne man- que pas d'appel 1er l'ingénuité & la dou- ceur à fon fecours.Elle paroît toute appré- hendé de la mauvaife foy des hommes. Un aoyice là-delfus fe rechauffe > entaflè
lèrmens
àe l' Avocat Pour & confri, 97
fcn-nens fur fen-ncns , trouve l'érernitc trop
courre pour mefurer fa paflion; &; après un
farras de mots qui juflifient plus d'égaré-
! inent que d'amour , il vomit des protella-
: tions de fidélité , de foumilTion , de pcxfc-
• verance , qui ne doivent finir qu'avec fa
vie.
ARLEQ^UIN. Comment diable / il fçait tout ce tracas- là par cœur î
COLOMBINE. Plus un homme de qualité marque d'ar- deur 5 plus CCS fortes ce poulettes font les fcrLipuleufes , fe défiant toujours , à ce qu'elles difent, de leur naiffance &: de Uur mérite , 6c ne pouvant croire qu'on ait pour elles toute la bonne volonté qu'on
.zi\ï témoigne.
ARLEQ^UN.
Voila le fin grimoire.
COLOMBINE.
Cette modcftie achevé de garer un pau\T6 amoureux , qui joint le témoignage de la main aux alîcurances de la voix. On écrit j on fait réponfe. On demande : Marquis , m'aimcz'vous ? Ah de tout mon cœur, ma chère. Mais , mon Dieu , vous me dites cela d'un ton fi gênerai ; & je remarque dans vos lettres une fecheçefie qui caution- ne mal toute vôtre ardeur. Pour lors le Marquis picqué au jeu, nimrchande à queU.
E
çS"* Sceves Frarçrîfes
'que Poëte un billet rii-né ; & poitr peu qiu -ces rinces parlent de fidélité ou de rerfeve- tance , on produira en jufticc ces fortes de bagatelles , comme des prorceires ferieufes dont on demandera l'exécution'? Il n'y c point d'hommes en France qui n'euft plus de trente femmes 3 s'il eftoit obligé d'épou- fer toutes celks à qui il a donne des pro- tnelFes.
A R L E Q^U I N.
Ke voila-t-il pas un beau fujet pour en- voyer un homme en Grève !
COL OMBINE
Ah 5 Meiîieursa voudriez- vous que cette tïîomerie coûcaft la vie à un Marquis ? Ne voyez- vous pas que ce procès eft un ftrata- aême dont fe fervent les filles qui veulent un mary , ou de l'argent ?
A RLEQ^U TN.
Le monde n'eft rempli que de ces fri- ponnes-là.
C O L O M B l N E.
Si les larmes deColombinen'eftoientpas contrefaires , ne feroit-t-elle pas reftce à vôtre audience? Sa fuite vous marque affez fon artifice;& je confens de tout nîon cœur que Monfieur le Marquis Toft pendu , fi elle ofe paroître devant vous. A R L E Q^U I N.
Non pas , s'il vous plaift. Qiie cha- cun réponde pour foy. S'il s^agiflbit de
de l* avocat Pour & Contre, ^p tne faire pendre , elle reviendroit de ceiic lieues,
LE JUGE. Quoy 5 cette pleureafe a pris la' fuite ? Il îi'en faut pas davantage pour juftifier foa artifice.
C O L O M B I N E. Ne fçavez-vous pas de quoy les fem- mes font capables (][uand il s'agit dç^ fc
vanger ?
^V<j E M ENT.
L E lu G E.
Trouvant *le Plaidoyer du jeune Avo» cat beaucoup meilleur que celuy de Co- lombine . nous avons de'pendu le Marquis de Sbroufadel , fauf à le rependre quand le cas y écherra.
A R L E 0^13 1 N. Ah 5 le joly homme d'Avocat ! Je voit- drois qu'il fuft femme : je l'épouferois peur nVavoir fauve la vie.
COLOMBIE E. Monfieur le Marquis 3 vous vous en dé- diriez ?
A R L E Q^U I N. Non 5 le diable m'emporte. Ce feroit une affaire faite.
COLOMB IN E. Il feroit difficile qu'un Avocat devînil
1 oo Sctnes IPrançoifes de VAvecat ^é'c, £lle. Mais il vous vouliez époufer ma fœur je puis dire , fans trop de vanité , qu'elle cft en fille ce que je fuis en garçon. Mon- fieur le Marquis cela vous accommode- toit- il ?
\Arle(jHiny ^vn/ènt^Colombine fe découvre , u4rleqHin la reconnoifi , lUpeufe , & U Comédie finit^
SCENES
FRANCOISES DE LA MATRONE D'EPHESE.
SCENE
D'UN VIEUX PROCUREUR,
Infirulfant nu jeune Praticien qui veut acheter [a Charge»
COQ^UINIERE, GRAPIGNAN.
COQ^UINIERE.
JAmais vous ne rcufîîrez dans vôtre me- cier 5 fi vous n'avez un Sergent , an No- taire & an Greffier àvôtredilpofitionimais un Procureur qui a ces trois cordes à foii arc peut tout rifquer, & tout entreprendre.
GRAPIGNAN. Voilà trois dangereufes beftes à gouverner» COqUlNIERE. J'en fuis bien venu à bout fans miracle. Dans toutes les Profeiïions , il y a de cer- taines humeurs revêches & aufteres , qui fe foixt un calus de leur devoir ^ & qui s'ef-
E iij
301 Scènes Françoîfes
faroLichent a la moindre propofidon. Ke vous frotez pas à ces gens-là. CcTons des braraux qui ne font bons à rien : mais il y a par tout: d'heareux naturels , que le be- foin rend fociables^ de que l'on apprivoife avec de l'argent. C'efl: à ceux-là qu'il fe f.uc âttacheri <Sc c'eftfur leur avidité qu'on doit fonder le fuccés de toutes les affaires difficiles:
GRAPIGNAN. Bonne morale î
COQ^UINIERE. Croyez-moy ^ mon aray , vous ne Ferez jamais vôtre fortune, à moins que vous ne joigniez l'adreflè à la procédure. Un homme de nôtre métier qui voudroic faire fa charîTc dans l'ordre, n'auroit pas fa mai- ion déifrayée , & mille écLis de profit au bout de l'an.
GRAPIGNAN. Il efl: vray qu'on ne plaide plus qu'à foa corps defFcndanr.
COQ^UINIERE. Autrefois nous avions trop d'affaires ; prefentement il faut en aller quefter: encore à moins qu'un Procureur ne foit allerre^il a bien de la peine à trouver de bonnes pra- tiques. AhjMoniiear Grapignan, que vous eftes d'un bon âge à bien faire vos af- faires. Je m'alTeure que vous n'avez pas crcnre ans.
de la Matrorte d'Ephefe, lOz
GRAPIGNAN.
Environ.
COQ^UINIERE. Ah y le bel âge pour travailler !
GRAPIGNAN. LaKïéz-moy faire.
COQ^UINIERE. Il faut que vous foyez une balourde .^ après les inftruCtions que je vais vous don- ner , (i dans quatre ans vous n^'avez ruiné cent familles > (Se acquis dix maifons dans, Paris*
GRAPIGNAN. Dix maifons dans Paris !
CO OU IN 1ERE. Ouy, dix maifons dans Paris ; &C par def- fus cela 3 un bon carofle pour vôtre fem- me*-
GRAPIGNAN. L'habile homme !
COQ^UINIERE. Tel que vous me voyaz , à quarante ans yavois déjà gagné deux cens mille livres de bon b"enià: ii en ce temps-là les femmes dos Procureurs eulTent o^é avoir des caroiFes , & porter de la dorure far leurs habits , la mienne en luroiteu à bonesenfeignesrmais la mode n'en étoit pas encore venuéj& aufli ne faifoit-on pas tant de façon autour des femmes,comme on en fait au jourd'huy.Qiiq voulez-vous ? il faut aller félon le te^i^ps,
E iiij.
1^4 Scènes Françoifèr
GRAPIGN AN.
Ah^Mon/îear Coquinierc, donnez-moy ^e bons mémoires , je vous en prie , pour ne plus aller à pied, fay déjà d'afîèz bons- commcncemens. Je fçay tout le petit ma- nège de Pétude : mais je ne fçay pas enco- re CCS coup de maître c[ai fonr aller ea caroifc.
COQ^UINIERE.
Patience : Paris n'a pas efté fait tout en un jour. Avant toutes chofes , dites- moy , mon cher enfant.aimez-vous l'argent avec âpreré ? Vous fentez-vous d'humeur à tout faire pour en amafîèr >
GRAPIGN AN.
Malepefte , fi j'aime l'argent 1 COQUINIERE.
Tant mieux. Vous voila déjà demy Pro- cureur.Sçachez donc qire pour parvenir en fort peu de temps , il faut cftrc dur & im- pitoyable , principalement à ceux qui ont de grands bîens:il ne fautjamais donner les marns à aucun arbitrage , jamais ne con- fentir d'Arreft diffinitif ; c'efl: la pefte des Etudes. Au refte 3 qu'on ne vous voye que rarement aux Audiences. Attachez-vous aux procès par écrit, & multipliez fi adroi- tement les incidents & la procédure, qu^i- ne affaire blanchilFe dans vôtre Etude ayant que d'être jugée.
de la Matrone d'Ephefe. 1 05
G R A P I G N A N. Ah diable » je voy bien que vous l'en- tendez.
C O Q^U I N I E R E. Dans nôtre métier, le giand talent & le crand gain . c'eft de beaucoup écrire. . GRAPIGNAN. Mais que dire entant d'écritures >
COQ^UINIERE. Qiic dire ? le pauvre homme ! Il faut dire des impertinences , des fappofitions ; des fautletcz i <Sc quand on eft au bout , il faur avoir recours aux invedives ^ aux in- jures .,
GRAPIGNAN. C'cft Tentendre cela !
C O Q^U I N I E R E. Tu voisj mon cher enfanr^que je te par- le en pcre, & que je te fais voir les entrail- les de nôtre profeiïion. Mon iils :, attache- toy auxSaifies Réelles , aux préférences de- deniers. Remue ciel & terre pour être Pro- cureur des bonnes Dire6tions , 6c ne t'en- dors jamais (îir une confignation ; c eO: le vrav patrimoine des Procureurs. Que je feray confolé en mourant , fi je te voy fui- vre le bon chemin où je te mets l Voilà , fnon cher enfant, les préceptes folides que mon honneur & ma confcience me fugge- ttm y Se que tu dois fuivxe, fi tu aime tans foit paa ta fortune,
E V
10 6 Scènes Françotfes ,"
GRAPIGNAN. Entre deux amis , Monfîeur CcKjuînîere, combien vôtre Etude me voudra-t- elle par an ? là de bonne foy ?
C O Q^U I N I E R E. Cela n'ira pas loin de deux mille francs , la niaifon deffirayée.
GRAPIGNAN. Kéfy i Vous mocquez-vous avec vos deux mille francs ; Ce n'eft pas pour avoir un habit d'efté à ma femme.
COQ^UINIERE. Vôtre femme le porte donc bien haut ?
GRAPIGNAN. Et mais , haut comme les autres Procu- reufes.Ma foy, s'il n'y a que cela à gagner, je. ne veux point de vôrre pratique.
COqUlNIERE. lilé i mon Dieu , doucement. Les deux mille francs ne font que le courant de l'E- tude : mais le fcavoir faire y & le tour du bâton , valent encore mille piflolles par an-
GRAPIGNAN. Oh, cela change Taffliire de face. Hé bien gardez le courant de l'Etude pour vous, & me vendez fealement le tour du bâton , ^ le fçavoir faire.
C O Q^U I N 1 E R E. L'un ne va poin: fans l'autre ; & puifque le contrad ell ligné, vous allez avoir k tout
de U Matrone â^Ephefe, 1 07
enfemble. Que vou$ me remerciçrez avant qu'il Toit un an.
GRAPIGNAN. Que je feray de mal avant qu'il foie fîx mois I Un chien enragé n'eft pas il dange- reux qu'un jeune Procureur, Malheur à qui tombera fous ma couppe î
#^§!;&3^§ SÇ* ^ '-- S^^iit» »T5 *?S ^^
SCENES
DE L'ETUDE.
A R L E Q^U I N en P/ocureur mmmé
GR A P iC^k^ .dans fon Etude, dïciAnt a fes Clercs..
E
GRAPIGNAN.
T pour faire connoiftrela chicane de
_. la demanderelFe de la demande-
relfe, produit le'.diics quatre pièces fous la eotteG : lefqnelles .... leiqiielles U N CLERC repetafit U dernier mou Cotte G.
GRAPIGNAN. Vous écrivez bien doucement !
LE CLERC. Nous n'écrivons pas doacemenr. Mon- fiear : mais spn: didez Ci vide , qu'on ne peut pas vous fuivrçt
E vi
l'o^ Scènes Trançolfei
GRAPIGNAN.
On ne peut pas me fuivre ! Ho , ho, ne vous y trompez pas : je ne veux point de Clercs céans qui ne falTènt quatre-vingt rolles de grolfes par jour. On ne peut pas mt. fuivre l Voyons un peu comment vous vous y prenez. ( il prend le papier où les Clercs ont écrit \ & après l'avoir regardé j il dit ) Comment diable \ Je ne m'étonne pas fî vous allez 11 doucement. Vous met- tez quatre mots à une ligne/ Voilà le moyen de faire une bonne maifon , ma foy. Que cela ne vous arrive plus : je ne veux pas qu'on mette plus de deux mots & une vir- gule à chaque li^ne.Tu chou , de ce train- là vous énvoycriez bien- toft le Procureur à rHofpital.Qi-iatremots à une ligne, c'eft fe vc\ocQçjLtx.(cjt4and il e fi a Ton Burean) A-z^ on envoyé enlever les meubles à ce Maître à Danfer ?
U-N CLERC
Non , Monfîeur.
GRAPIGNAN.
Eft-ce qu'il prétend payer fon terme en gambades ?
VN rOLEVR de grand chemin entrf> LE VOLEUR. Monfieur Grapignan eft-il là r
UN CLERC. Ouy i Monfieur ^ h voilà.
ie U Matrûne d'Kphefe. îop-
LE VOLEUR à Grapignan. Monfieur , je fuis votre fcrviteur..
GRAPIGNAN. Monfieur , je fais le vôrre.
LE VOLEUR. Comme vouseftes le plus honnefte- hom» me de tous les Procureurs , je viens vous, prier de m'aider de vôtre bon confeil dans, une petite affliire qui m'eft arrivée. G R A P I G N A N. De quoy eft-il queftion ?
LE VOLEUR.
Je marchois fur le grand chemin, quancî
un Marchand monté Fur une mazette, m'a
heurte fort rudement en pairant.. Je luy ay
dit: A qui en a cet homme- là avec fa rolTe?
Luy prenant le party de Ton cheval , met
pied à terre , & dit que Ton cheval n'étoit
pas une rofTe. Nous nous gourmons. Et
comme il n'eiloit pas le plus fort, je le ter-
raiïè.Il fe leve^ & prend la fuite.Il eft vray
qu'en nous roulant à terre, il laiffa tomber;
^e fa poche vin^t-cinq ou trente pifloles..
GRÀPIGNAN.
Oh , oh.
LE VOLEUR. Qiîe je ramafTay j &c voyant qû*il avoir gacrné au pied, je montay fur fon chcvaU6c je m'en revins comme fi de rien eftoit. Prefentement je viens d'apprendre que ce coquiîi-là^ Monfieur^. fait iiiformer contre
YTCt Si^ertes Fravçoifef
moy , comme contre un voleur de grand ehemin. Voyez s'ilj^rh. moindre appa- rence l Jt vous prie de me dire à peu prés où peut bien aller cette affaire ? GRAPIGN-AN. Ma foy , fi cette affaire-là eftoit menée un peu chaudementaellepourroitbicn aller tout droit à la Grevé. Mais il vous faut ti- rer de là. Qiielqu'un a-t-il veu Tadion ? LE VOLEUR, Non 5 Monfieur.
GRAPIGNAÎsT. Tanrmieux.U faut commencerparfaî re- mettre le cheval fous la clef: car fî ce Mar- chand venoit à le découvrir j n'ayant pas d'autres témoins , il ne manqueroit pas de. k faire interroger fur faits Partiel es ,&: vous feriez un homme perdu. LE VOLEUR. Il n'y a rien à craindre^ Monfîeur. C'efl une rolfe qui ne peut pas delT'errer les dêts.. GRAPIGNAN^ -
Ne vous y fiez pas, nous voyons tous les jours des témoins muets , faire bravement roiiet leur homme.
LE V OLEUR. Diable!
G R A P ï G N A N. Ca, ça, fans perdre plasde temps, faut commencer par faire informer les premiers, & avoir des témoins^à quel pri:. que ce foie
àe U Matren e d'Ephffe, 1 1 1
LE VOLEUR.
Mais il n'y avoit perfonne fur le grand; chemin dans ce temps- là.
G R A P 1 G N A N.
Allez, allez, nous y en ferons bien trou- ver ... . Je fonge à deux bas Normans , qui travaillent ordinairement pour moyv mais ils ne fe rembarqueront qu'en bonnes- enfeifynes.Car ils fortent d'une. affaire , où: fans moy .... vous m'entendez-bien : ( il met U main k fin col , faifant connoUire ^Htls aHYoienteftépenàm) Ainfi les té- nîoins feront temblemcntchers cette, an^
née.
LE VOLEUR.-
Et d'où vient ce malheur ?
G R A P I G N A N. Ceft qu'on ne leur fait point de. quar.j^ tier, ac qu'on en pend autant qu'on en ai- couvre.
LE VOLEUR. Qu'à l'argent ne tienne , Monfienr, voi^ la ma bourfe avec vingt-quatre piitoles.. G R A P l G N A N. Hé , hé , voilà tout au plas pour un té- moin i &: ils font deux. Voyez N'a-
vez-vous pas quelque nippe ^quelque bi- joux 5qaelque vieux diamant rDans ces ior- tes d'occafions, il faut fe faigner.
LE VOLEUR. Voicy encore un diamant de vingt pifcoles,
1 1 ^ Scènes FrafJçot/ef
& une morre qui en peur bien valoir douze GRAPIGNAN.
Je pourray bien pour l'amour de vous avancer cinq ou /ix piftolcs de mon argent^ & après cela nous compterons i^
LE voleur!
Faites , Monfienr. Je remets tout entre ▼os mains , & m'abandonne à vôtre dif* cretion.
GRAPIGNAN.
Allez,lai{rez-raoy fairc.Ce fera un ^rancî. halard , (i avec mes deux rémoins, je n'en- voyé votre Marchand aux galères. ( U vo.: leur s'en va , & Graplgnan ^ni avait déjà: t^^rmnèfa hranàehoHrg le rappelle ) Sx, L Monfieur , un petit mot.Vous avez là une brandebourg fort remarquable;les Archers • lont a 1 ertc , vôtre partie pourroit vous^ avoir veu entrer ceans^vous suetrer& vous faire prendre à la fortie.Croyez-moy.pour cviter les malheurs , [ai (Tez-k icy /& je- mettray vôtre affaire en bon train LE VOLEUR donnant fa ' Rranàe^ . , hoHYg à Grap'tgnan ^
Au moms^Moniïeur, prenez garde qucU te ne loit perdue.
GRAPIGNAN:
Ho, ne craignez rien.Je vais la faire pa- rapher ne varietur. {Après cjue le voleur efi jorty)\Jnc m.ontreiune brandebourg 'vingt piftoles & un diamaat 1 Ne yaut'il pa^
'ie U Matrone (tEphefe. t r^ niicux que je profite de cela qu'un Prcvoflf Car auiïi-bieii ce coquin-là va fe faire roiier au premier jour. ( Comme il veuf, s'affeoiràfin B^treapty un Sergent nommt J^^YcMàïn entre dans l* Etude.
MAR AITDIN. . Monfieur Grapignan eft-il icy ? GR A P IGN AN appercevant Alaraudln^ Ah, morbleu , Monfieur Maraudinjvous. avez joué à me perdre.
MAR AUDIN. Comment donc ?
GRAPIGNAN. Je vous arvois prié de faire un Comman- dement de 1^47- potir cette affaire qui e/l fur le Bureau.
M AR AUDIN. Et ne Tay je pas fait , & au plus vifte l
GRAPIGNAN. Et ouy 5 de par tous les diables , vous l'a- vez fait : mais au lieu de ledatter d'un jour utile , vous ravez datré d'un Dimanche. MAR AUDlN. Il eft vray que je n avois point d'Alvna-- nach de l'année 1 647. & je mis la datte à la boule veuc.
GRAPIGNAN. Que Diable n'en veniez- vous prendre utî chez moyî Vous fçavez que j'en ay de plua de cent années de fuite.
114 Scènes Ptan^9ifes
M ARAUDIN.
J'avoue que f'ay tort : mais une autrefois je feray plus circonfpeét.
GRAPIGNAN.
Cependant (i les Juges s'alloientapperce'- voir de ce petit manège , ils ne manque- Toicnt pas de dire que je fuis un fripon \ 3c vous fçavez ( eu vôtre confcience ) que ce que jen ay fait, n'a efté que pour vous obliger, & pour faire gagner ma partie:car fans cela, le procès eftoit flambé. A propos, Monfîeiir Maraudin , fouvcner-vous que dans le décret de ces Marchands de Bois , )*occupe pour neuf perfonnes/ous le nom des Procarears que je vous ay nommez ce marin. Qi;e les G gnificarions aillent un peu du bel air ?
MARAUDIN.-
Ne vous mettez pas en peine, je Feray ma ch:rge. De ce train là vous allez faire une bonne maifon >
GRAPIGNAN.
Les cinq ou iix premières an nées, on tra> vaille un peu chuideme'U à fes af&ires. MARAUDIN.
Garre le heiut..
GRAPIGNAN.
Bon , bon y garre le heurt ? Mon amy > il n'efl: rien tel que d'établir fa fortune.. Apres on fe fait des amis ; 2c. on tâcha h dÊvenir Marguiliier^
de U tMatrone ^Ephefe. xij
MARAUD IN.
' Vous Mar^uillier l Vous MarguilUer l GRAPIGNAN.
Ouy dea , Margnillier. Ceft un tres-bon rénis fur la rcputation d'un Procureur. MARAUDlN en fortant. Ho >le franc fcelerat 1. le franc fcelerat »
G R A P I G N A N. Il faudra que je n:e défaile de ce fripon- là , il oatteroit toures mes affaires. Voyez on peu quelle brutalitélDatter une faulleré d'un Dimanche. ( Esi^mt k fofj BHrea^:)Ct Marchand de Vin m'a-r- il envoyé les deux dcmy nnuids qu'il i-n'avoit promis l IjM CLERC. , Non 5 Monfieur.
GRAP IGN A N. Et bien. Ton affaire ira co rar.e jeboiray.
UN CLERC. Un Page , Monfieur , demande à vous
parler.
GRAPIGNAN.
Un Page! La mode en eft-elle donc reve- nue? Ces gens o.u-ils des affaires ? N'eft- ce point quelque m.auvais train qu'on a dë- locé ? C'eit peut- eftie auiïi quelque enfant debonne mSifôil /qui voyant qu'il n'y a plrs rien à faiire auprès c^es gens de qualité, me vient demander iine place dans mon EtuderMais je n'en ay pouu à luy donner.: Faites- le entrer.
ï 1 6 Scènes Françolfes
LE PAGE entre.
LE PAGE.
Monfour le Marquis de Grimonchc Monfiear , qui demande à vous parler;
GR APIGNAN.
Qui>
LE PAGE.
Je vous dis que Monfieur le Marquis d« Grimouche demande à vous parler GRAPIGNAN.
Si ce n'eft pas pour long-remps , qu^il vienne. ( Après qne le Page e fi fort i, Gra- pîgnan cominHe ) Vifites de Marquis n'a- chalandent gueres une écudercar outre que CQS gens- là font fort ignorans en affaires* c'eft qu'ils empêchent un Procureur de foi- res les fîennes»
LE MARQjjIS entre.
L E M A R Q_U l S.
Hé bon jour, Monfieur Grapignan. bon jour Monfieur Grapignan.Qiie je fuis gros de vous voir! Je me fais un vray plainr de vous embralTer ; & fans une -rofiTc affaire
"^a ' fy^ ^"' P^"^ dérangé . }e Vaurois pas dte/i long-temps fans vons voir. Au pied, de la lettre , vous n^avez pas un meilleur, ny un plus chaud amy que moy.Dieu fçait^ moibleu , comme je m'en explique {
it la MMYone à'Ephefe. ïij
GRAPIGNAN.
Monfieur le Marquis , vous feriez bien lieux de vous expliquer fur certains frais |ui me font encore dûs. Vous autres gens ^ [e qualité , quand vous avez frappe deux bis fur Tcpatile d'un Procureur, vous croyez jue c'eft de l'argent comptant , 5c qu'un jeude bienveillance acquitte toutes vos lettes. Monfieur le Marquis , on ne nour- dt pas quatre Clercs avec des compliiTiens', 5c nous autres Procureurs nous n'écrivons 3UC pour toucher de l'argent.
LE MARQ^UIS. Je le fçais bien : mais Dieu mercy je ne Vou dois plus rien.
GRAPIGNAM. Vous ne me devez plus rien / Et cette Re- qucfte de falvation de trente rolles de grof- fe , qui me la payera l Vous fçavcz que j'y ay palfc deux nuits. ( ^ux Clercs ) Hola , vous autres , où efl: la Requefte de Mon- fieur le Marquis } { U va f rendre U Rc" eiHcfie i& vais revient.)
GRAPIGNAN. Hé bien ; Combien eft-ce qu'il vous faut?
LE M A R Q^U I S Comme les gens de qualité n'ont pas plus d'argent qu'il ne leur en faut , & que d'ail- leurs vous me faites la grâce de m'aimer , je ne prendray que vingt fols du roUe ; il y
I î s Sceyj es Françeifes
a trente rolles -, ce font trente francs, L^ MARQUIS. Qiioy que le jeu m'ait un peu coulé fond,s'iI n'y a que cela j'ay encore dequc le payer. Tenez , Mon/leur Grapignan Voila une pièce de quatre piftoles, Pren^ dix écus , èc me rendez quatorze franc ( Grapign^in fonge en terjant U pièce ent9 les ynains : Le Marquis lay dit ) Quoy vous fong£z ? ^j
GRAPIGNAN. Je fonge,q l'il ne vous faut rien rendis
LE MARQ^UIS. Il ne me faut rien rendre ! Ne m'avez. TOUS pas dit, qu'il ne vous falloit que ving fols du roile?
GRAPIGNAN.
Ouv.
^ LE MARQJJIS. De vôtre propre aveu la Requefle n'a ^ue trente rolles , qui font trente francs. GRAPIGNAN. Cela efc vray.
LE MARQUIS-
Je vous en donne quarante quatre,
GRAPIGNAN. J'en demeure d^accord.
LE MARQ^UIS. Il me femble donc que je compte bien ^uand je vous redemande quatorze francs.
^ la Matrone d'Epheff, lî^
GRAPIGNAN.
' Vous comptez bien:mais vous redeman- dez niai. Q.iaiid je fis votre Requefte le Rapporteur eftoit ii hafté de juger , que je [fus obligé d'entalFer vos raifcns les unes |fur les autres, & de mettre en trente roUes, ^icequî ne pouvoir tenir qu'en quarante- quatre. Prefenrement que l'affaire eft jugée, &c que nous avons du temps de refte ^ je m'en vais faire étendre vos déFenres,&: fai- re ajouter à cette Requefte les quatorze rolles qui y manquent. { aux Clercs ) Hola vous autres , qu'on me broche viftement quatorze rolles de grolFe pour ajouter à la Requefte de Monfieur le Marquisje penfe qu'il y en a de tous faits.
LE M A Requis. ' Mais , Monfieur Grapignan , puifquc mon affaire eft jugée , pourquoy y ajouter quelque chofe 1
GRAPIGNAN. Ce n'eft pas par inteieft ce que j'en fais: C'eft pour mon honneur. Je ne veux pas qu'il forte une pièce d écriture de mon Etu- <le , faus que j'y aye donné la dernière main. Attendez : Cela va eftre fait tout à l'heure.
LE MARQ^UIS. Non , mon amy ! )e ne puis attendre. Je cours le bal cette nuit ; j'eftois venu mei- me pour vous parler d'une affaire, mais
îio Scènes Françoifes
ce fera pour une autre -fois. Adieu donc ^
mon amy.
GKAPIGNAN. LailTez-donc en de vos gens pour ,era^ porter la Rcqueftc.
LE MARQ^UIS, Un de mes gens î Qjjoy, j'irois dans Ici eues avec trois laquais ? Fy, Monfieur Gra- pignan, vous vous mocquez : on me eroi foit à l'Hôpital. Adieu mon cher, un peu 4e part en y os -bon nés grâces, je vous «« prie.
GRAPIGNAN. Vous la prendrez donc en paflTant ?
LE MARQJJIS. Ouy y ouy. Serviteur.
GRAPIGN AN, Il faut avoiier que Targent devient bien rare parmy les gens de qualité. Un Mar^ quis à Page > demander un n-ûferable reftc de quatorze francs l
LE CHAPELIER emre , après ^ue Graph-
gnan efi afjîs kfon Bureau^
LE CHAPELIER.
Bon jour , Monfieur Grapignan.
GRAPIGNAN après avoir regardé le Çhd*
pelier , dit aux Clercs^
Qu'on me prenne i demain quinze ap- pointemens fur ces quinze dolTicrs.
L &
de l A Matrone d'Ephefe. Ht
LE CHAPELIER. Bon jour Monfieur Grapignan. Mon af- ; faire eft-elle jugée ?
''"GRAPIGNAN regardant brufqtie-^ ment le Chapelier, Non.
LE CHAPELIER. î Comment , Monfîe.ur î Et pourqitoy \
GRAPIGNAN. 'I Parce que vôtre affaire n^ vaut pas le i| diable. i LE CHAPELIER.
Mon affaire ne vaut pas le diable î Voilà bien autre chofe , ma foy î
GRAPIGNAN.
, Non : pas le diabk, ce qu'on appelle pas
le diable, & que je n'y veux pas travailler.
LE CHAPELIER. •Et que deviendra dont le chapeau 'de caffcr que j*ay donne au Secrétaire de moa Rapporteur ?
GRA PIGNAN» Un chapeau de caftor ? Vray caftor î '
LE CHAPELIER. Des meilleurs qui fe faffent: En voicy le pareil que je rapporte chez moy. GRAPiGNAN./r levé ; prend le Chapeau des mains du Chapelier ^ (^ après i* avoir bien manie > dit :
A propos de vôtre affaire , n'eft-ce pas un Patiffier avec qui vous avez eu du bruic dans la rue ?
F
tit Scènes Françoifes
LE CHAPELIER. Ouy , Monfieur,
G R A P I G N A N. Qiii vous a dit des injures ?
LE CHAPELIER. Ouy y Moufieur.
GRAPIGNAN. Et qui vous a frappé ?
LE CHAPELIER. Ouy y Mon fie ur.
GRAPIGNAN. Vous avez rendu votre plainte chez le Commiiraire du quartier ?
LE CH APE LIER. Vrayment je le orois. GRAPIGNAN. mettam le caflor fttrfa tefte Je me remecs vôtre affaire. Vôtre affaire cft bonne , & je la gagneray.
LE CHAPELIER. Oiie je vous auray d'obligations 1
GRAPIGNAN. Prefentement que je Pay en tefte , je vous dis que je le gagneray. Laillèz-moy feu- lement quatre piftolcs pour commencer les informations.
LE CHAPELIER. Très volontiers. Mais au moins , Mon^ iîeur , que ie n'en aye pas le démcnty. GRAPIGNAN. Tcncz'moy pour le plus grand fripon»
àe U Matrone à^Ephefe, 115
^c cous les Procureurs , iî je ne vous^ eu fais pas fortir à vôtre honneur. LE CHAPELIER z/cuUnt reprendre fin caftor de dejfns la tefte à Grapignan, M on (leur , le chapeau. CR APIGNAN. i'empefchant, & le tepôuJL fant h ers de fin Etude, Allez vous- en , vous dis-jc.
LE CHAPELIER. Mais le chapeau. ...
GRAPIGNAN, Demeurez en repos.
LE CHAPELIER. lî^eft de commande , & il faut que je t'aille porter.
G R APIGNAN. Ne vous emb^iraffez point. Allez vous- cn donc , dis-je Je nVen vais lay faire fer- mer fa Boutique à perpétuité.
LE CHAPELIER. Il efl: pour un homme qui ....
GRAPIGNAN. Je vous dis encore un coup que j'ay vôtre affaire en tefte , & qu'elle n'en fortira pas. {fed ) C'eft un Pérou que TEtude d\m Procureur. { Aux Clercs) k<*o\\ achevé cette Requefte ?
UN CLERC. Il y a dcja cent roUes de faits. GRAPIGNAN. Achevez le refte en dUieence : car on dît
114 Scènes Françoi/h 9
cjue les parties font en termes d'accom- modement.
- ■ - - ^
VN PATISS I ER entre. LE PATISSIER.
Monfîeur Grapignan y eft-il ? UN CLERC. Ouy , Mon/iear.
LE PATISSIER. Bon jour j Monfîeur , pourray-je vous dire un petit mot ?
grapigKak
Bon jour , mon maiftre^ qu'y a-t-il pour vôtre fervice ?
LE PATISSIER. Te voudrois bien vous parler d'une affai-
ie 1.
GRAPIGNAN voyant un garçon ejui porté' ^ €jHel<jue chofe , luy dit : Approche, mon amy, approche. (4;* Pa^ vffîer ) Ca, Monfîeur , qu'y a-t- il ?
LE PATISSIER. .'^^*
On m'a dit , Monfîeur, que vous mél^ Procureur contre moy dans mie petite af- faire <^ui m'eft arrivée.
GRAPIGNAN. •■
Qui eft vôtre partie ? ."^^Y^
LE PATISSIER. . C'cft un Chapelier. ^'
GRAPIGNAN. Tenez ^ il ne fait que fonir d'icy.
âe la Matrone â'Ephefe. \%s
LE P A T I S S I E R.
Ah, Mon (leur, c'etl un méchant homme?
GRAPIGNAN. Bon ! à qui le dites- vous ? Je n*ay jamais vcu un homme pUis acharné aux procez. LE PATISSIER. Il fe vante par tout qu'il me fera faire nmande honorable.
GRAPIGNAN. Il fera bien pis , fi je le laide faire. Mais je ne veux pas qu'il p outre à bout un hon- jieftc homme comme vous.
LE PATISSIER. Je viens vous prier de retenir un peu vos pourfuites. { à fon garçon qui tient quelque chofe de couvert. ) Approche , Champagne, {à Grapîgnan ) C'eft , Mon- fiear , un petit plat de mon métier que je vous apporte;
GRAPIGNAN regardant le Pafle. C'cft toujours quelque chofe : mais^mon amy, le criminel va4iablemcnt vifte } & il y a déjà bien du papier brouillé. LE PATISSIER. Ah , Mon/îeur , je m'en vais vous ren- dre fur le champ tout l'argent que vous avez débourfé.
GRAPIGNAN. Vous ne fçauriez mieux faire. Ecoutez > je ne fuis pas un tytan , & je vous en for* liray pour peu de chofe.
F ii)
tii6 'ScetJes Françoîfa
LE P A T I S S 1 ER ouvrant fa hurfe,& la luy prefefjtant. Tenez , Monfieur, prenez par où il vous plaira.
GR APïGNAN. Ah, vous me comblez ', 6c puirqiie vous en agiiïez fi honneftement , je ne prendray que vingt écus. Vous voyez que ce n'cft pas le papier.
LE PATISSIER. Monfieur , je ne regarde point apré« vous. Je vous prie feulement de tirer mort affaire en Ion orueur.
GR APIGNAN. Laiiïez-m.oy faire , je vais vous mettre «v-ec mes penfionnaircs.
LE PATISSIER. Qui font-iis vos pendonnaires , Mon* leur ?
GR APIGNAN. Ce font d'honneftes gens comme vous^qul »ie lient les mains, en me donnant tous le« ans quelque chofe pour les lailTer en rc- pos.Les uns cent piftoîes , les autres qua- tre cens livres^qui cent écusjplus ou moms felonles affaires. Voyez-vous cegrosfac là ? Ceft contre un homme de la première qualité , que je laifïe jouir en paix de tout fon bien , à la barbe de fes créanciers : ce feroit une terrible chofe , (i nous faifions tout le mal que nous pouvons faire. Il faut
de la Matrone â'Ephefe. 127
cftre hum;iin en certaines occafions , & ne pas pou lier à bout des gens qui s'aident^^C qui viennent au devant de vous. L E P ATISS 1ER. Dieu vous conferve , Monfieur Grapi- enan,pour tous ceux à qui vous rendez fer vice.
grapignan.
Vous eftes bien heureux d'eftre rombé
entre mes mains.
LE PATISSIER. Adieu, Monfieur. Tirez bien mon affaire en longueur.
G R A P 1 G N A N. Allez.je vous répond que à\m an d'icy il ne fera fait une pance d'à contre vous. '{Seul) Encore vingt écus ! Mais fi cela continue , il me faudra un coifre fort.
r VN E FI E I L L Eplmàeufe entre. É L A V I E I L L E.
Qiie deviendray-je , bon Dieu ! ]e fuî$ perdue. Ha, maudit Grapignan , tu es eau- fe de mon malheur.
G R A P I G N A N. A qui en a cette folle-là ?
LA V lE IL LE. Apres nVavoir ruinée , tu me traittes de folie 5 voleur ? ]e t'étrancrlerav. «rGRAPiGNAN. Ahafoint d'emportementjsll vous pki^»
F iiij
liS Scènes Françoîps
l^ K VIEILLE.
. En peut- on trop avoir contre un coquin qui me jure que ma caufe eft bonne , & je viens de la perdre avec dépens ? - G R A P I G N A N.
Cela n'empefche pas qu'elle ne foit bon- 13e y mais je dis bonne, & une des meilleu- res de mon Etude: J'en ay déjà touché plus 4e huit cent francs.
L A V I E I L L E.
Fripon , voilà donc Tendroit par où ru k trouves bonne ?
GRAPIGNAN.
Âh, que de babil i Si vous n'efHez pas Ci colère 5 je vous ferois voir au doigta à l'œil ^que vous gagnez vôtre eaufeen per- dant vôtre procez. Mais comme je fuis un fripon
LA VIEILLE.
Ne vous dis-je pas ! j'auray tort d'avoir perdu mon procez !
GRAPIGNAN. Vous avez tort de n'eftre qu'une îgnorarr- te i ôc vous ne méritiez pas de tomber ea des mains au/îî afFeclionnéesque les mierk- nes. H y a mille Procureurs étourdis qiiî auroient gâté vôtre affaire , en vous la' faifant gagner : mais moy par prudence;,)^- vous enrichis en vous la faifant perdre. LA V1£ILLE.%. Grand-mercy,
delà Matrone â'EpheCe, iip
G R A P I G M A N. C'eft une chofe pitoyable, de voir com- me on traite atijourd'huy les gens d'hon- neur de nôtre profc (lion. Nous avons beau écrire jour & nuit , avancer nôtte argent^ perdre nôtre temps : bon > au bout de touc cela , les Procureurs font encore des fri- pons. Voilà en un feul mot toute la récom- penfe de nos peines. «
LA VIE ILL E. Mais faites-moy donc voir par^ ou je vous fuis il redevable ?
GRAPIGNAN. Par où ? ôc n'eft-ce pas un vray cmtp d'amy , d'avoir tiré la principale pièce de vôtre fac, pour en faire un moyen infailli- ble de Requête Civile contrel'Arrêt d'au- jourd'huy > Vous pleurez prefentemenc : mais que vous rirez à gorge déployée dans cinq ou fîxansd'icy , quand la Rcqucfte Civile fera gagnée, & qu'il y aura de bons gros dommages Se interefts à toucher , qui excéderont deux fois la fomme qui vouscH deuë ! ]e fçay bien qu'il n'y aura rien à perdre pourmoy : mais enfin le Procureui ne fera plus un fripon.
LA VIEILLE. Ah , Monfieur Grapignan , je ne veux point tâter de Requefte Civile. GRAPIGNAN. Qae vous cftcs folle t fans Requefte Ci^
P V
i^o Sceftes Françoîfa
vide 5 une affaire n'a* point de goût. CeH:
la rocambole du procez.
LA VIEILLE. Gardez vôtre ragoût pour quelque plai- cleufe plus friande. Pour raoy^'ayiTic mieux m'accommoder , & pafTer une TranfaClion qui termine toutes mes affaires. GRAPIGN AN. Qui termine toutes vos afFairesîEt com- bien y a-t-il que vous plaidez , ne vous liéplaife ?
LA VIEILLE. Il y a déjà treize ans j & me voila , 6c vous , auffi avancez que le premier jour. GRAPIGNAN. Qiioy ! il n'y a que treize ans ? je ne m'c- tonne pas Ci vous n^'eftes qu'une novice* Ho , ca , ca , il faut avoir pitic de vous. 'la VIEILLE. Il n'y a pitié qui tienne > Monfîeur : je veux m'accommoder.
GRAPIGNAN. Ce ne feras pas de mon avis a toujours^
LA VIEILLE. Et pourquoY ?
GR APIGN AN. Parce qu'un Procureur qui fçait Ton métier , ne confent jamais ny à arbitrage ny à tranfadion.Ce font nos premiers elê- mens.
de la Matrone d'Epfrrfe, i j i
LA VIEILLIE. Quoy , fi je vous priois de m'en drefTcr une ....
GRAPIGNi)^, Vous auriez beau me prier , je ne pour- rois pas le faire en confcience. LA V I E I L L £..
Mais . r . . .
GRAPIGNAN.
Mais 5 cela eft clire<5i;emenr contraire aiTX Statuts de notre Communauté. Malepcfte> j'aurois tous mes Confrères à dos , sl!s aU loienr découvrir qu'a: mon âge j'eullè don- né les mains à quelque accommodement.. C'eft tout ce que pourrott 6irc un de nos anciens à l'agonie lEncorey regarderoit-ii à deux fois , ouy.
LA VIEILLE.
Sur ce pied-là , MonfîeurGrapîgnan, il faut donc que je plaide toute ma vie mal- gré moy ?
G R A P I G N A N.
Sur ce pied:là , Mademoi Telle , il faut croire aveif^'ement ceux qui ont (ain de vos affaires , me lai (Ter 4^0. livres pour la. conftgnatîon de la Requefte Civile , Se an fortîr d*icy , vous aller mettre au lit. Vous avez fait aiîez de vacarme pour prendre un peu de repos. ( Tout ce qut fuit yfe dît dans le temps e^neU T^'ieille tire fd hourfe) Il faut avouer que je n'ay guère de fiel ^
F vj
131 t cènes Pt-ançoifes
après les injures . . . mais je mets tout cela fous les pieds : Le Ciel m'eft témoin avec combien d'honneur je fais ma Charge. LA VIEILLE. Bailler en 45 e. livres , apirés tout ce que j'ay déjà débourfé !
GRAPIGNAN. Patience , ( en prenant ia hourfe ) le temps de la récolte viendra,
LA VIEILLE. On a beau fe fâcher contre ces bour- reaux de Procureurs, ils attrapent toujours vôtre argent. Dans le de^efpoir où je fuis , je fouhaitterois avoir donné mon bien à quelque honnerce4iomme qui m'en fifl: joliir en patience le refte de mes jours : Car à la fin i il faudra que je me marie pour edre en repos.
GRAPIGNAN. Et combien avez-vous de bien à p^u prés Mademoifelle î
L A VIEÎ LLE. Ce que j'ay de bien ? ]'ay trois cent mil- le bonnes livres. Eft*ce que vous ne le fçavez pas bien ? Vous en avez tovis les v^apiers entre vos mains.
GRAPIGNAN. Trois cent mille livres ! Malepefte ^ qi^elle aubeine !' Croyez-moy , Mademoi- ft : k 5 vous ne fçaurkz mieux faire que de m époufer^
de la ^JMatYone d' Ephefe, 2 ^ >
L A V l E L L E. Bon 5 vous éponfer » On dit que vous cftes marié avec la Matrone.
GRAPI GNAN. Ce n'efl: qu'en attendant mieux. Et quel âge avez- vous à peu près ?
LA VIEILLE. Qiiel âge ? & mais 5 &: mais , j'ay qua- tre^ v-\ior ans»
G R A P I G N A N. Ho 5 ho , pour trois on quatre ans qn'il vous refte encore à vivre > il faut vous les faire palfer joyeuremenr.
LA VIEILLE. Mais , Monfieur Grapignan , en voas époufant , fi la Matrone reprend la Char- ge >
GR API GN AN. Ho diable , j'y ay mis bon erdre. Le Contract n'eft pas fait en Eiveurdc maria- ge : C'eft une vente pure &: fimple de la Charge , où i'ay fait mettre : Compté y nombre & délivré des deniers dudit Sieur Grapignan, Diable , cela tient comme teigne.
LA VIEILLE. Mais , Monfienr Grapignm . . . . là . .', m'aimerez- vous du fond d-i cœur l GRAPIGNAN. Si je vousaimeray ? Belle demande TPe it- on haïr une femme qui donne ttois cent
134 , Sceffes Trançoîfes
mille livres en mariage ? Je vons acîo-
rcray.
La Matrone arrive , ijui ayant entendté tout ce t^h'a dit Grafignan à la Vieille , fait une Scène Italienne y dans UqtteHe elle reproche a Grapîgnan fa wanvaife foy.
GR AVÏGN AN ^ la Matrone.
Madame,on prend Ton bon quand on le trouve. Vous avez fait pendre le defFunt pour moy ^ vous pourriez bien me faire roiier pour un autre , ouy,
La Matrone defefferèe s*en va^ €RAPIGNAN. Après que U Matrçne eji /ortie, va À U VigtUe y Lu y met une font ange , & U prend par U brtîs , enluy dtfant ,
Allons , prenons le chemin de la Noce^ »— — — — -«________
L E CHAPELIER& le PATISSIER entrent^ & prennent Grafignan an colet, tnn d*Hn coté , & t antre de l'autre^
LE CHAPELIER.
Trouveriez- vous bon auparavanr.de vous foulâger de mon chapeau de caftor & de mes quatre pilloles ? U faut rendre gorge> Moniieur le fripon.
de la Matrone d'Ephefè, 1 5 j^
LE PATI SSIER.
Allons , Mon/îeur Grapignan^^de bonne
grâce , fans vous faire preirer^iendez-moy
mes vingt éciis.Diable i Vos penfîons font
bien cheies /
LA VIEILLE. Voila un a(ïcz bon preparatiFde noces ï
G R A P 1 G N A N. Hé , Meffieurs , ne me perdez point s la veille de mes noccs.J'aime mieux faire vos affaires gratis.
LE CHAPELIER. Quoy , fripon , ru voudrois que^ nous tVidaiîions à tromper une femme ? i LE PATISSIER.
Non, non, il faut que tout à Theure jiiC- tice en foit faite.
L A VIEILLE. Voila de bien honnellres gens [
LE PATISSIER. Bon, Monfieur le Bailly vient icy fort à propos.
LE B Al LLT entre.
LE BAîLLY.
Qu*e(î cecy , mes enfans ? *
LE' CHAPELIER.
Ce n'eft p^s grand' chofe : C'eft un Pro- cureur qu'il faut faire pendre j fripon s'crw tend..
X 5 ^ Scènes Trançoifii
LA VIEILLE.
Cela s*en va fans dire.
LE B A 1 L L Y. 11 y a donc un grand defordrc dans cette profeffion ? J'en cherche un qui fait plus de miil luy feuî , que tous les autres en- fenible. Nôtre Greffe n'eft remply que de plaintes & d'information contre luy GRAPIGNAN. Franchement , Monfieur le Bailly , il yz bien des fripons dans nôtre métier : il n'tn faut que trois ou quatre > pour décrier tous lesauties.
LE BAILLY.
Ccluy qne je cherche s^appelle Gra . . ..,
pian , Gramian , Gra .
LE CHAPELIER.
Grapignan >
LE BAILLY.
Juftemenr.
GRAPIGNAN.
Ouf!
LE PATÏSSÎERr Le Voila , Monsieur.
LE BAILLY.
Quoy ^ c'eft là ce fameux fripon ?
GRAPIGNAN. Hc^Monfleur^pour Thonneur du Corps..
LE BAILLY. C*eft juften-ient pour Phonnenr du Corps S«nl te faut pendre tout à Iheare. W faut
Àe la'^Matrone à'Efhefe^ 137
châtier un fcelcrat qui deshonore Meilleurs les Procureurs. La potence eft toute dref- fée : Allons vifte j qu'on TemiTiene. GRAPIGNAN. Mon/leur Coquiniere me l'a baillé belle avec Ton carofTe. De ce train- là , je n'iray qu'en charerte.
LA VIEILLE aj^rès que tout, monde eftfirty. Un quart d'heure plus tardâmes trois cent mille livres s'en alloient au gibets
î 3 5 Scènes Françoifes
ààààààà^ààààààà S CENES
FRANCOISES D'ARLEQUIN PROTE'E,
PARODIE
DE BERENICE.
SCENE I.
ISABELLE fente.
Dîcnxl Je ne le vois poînr,cet amaat que j'ador^r Tous les jours dans ces bois je dcTance l'Au- rore : Je tâche à démêler la trace de Tes pas , Je le cherche par toor , & vc le trouve pas. Heureufe indifférence, & rendrefle fatale/' Helas .'peur eftre cft-il aux pieds de ma Rivale. Puisqu'il n'a plus pour moy le jncfme cmprcfîc-
ment : ^
Ah, fans doure ma foeur a charmé mon Amanr. Ses yeux fonr éblouis des yeui de Colombine ' II me quitte ; & c'eft là le fort qu'il me deftinc £t moy , je fouffrirois un fi cruel affront > 1 en fcray rejallix la honte fur fon front.
^ArleijHftî Trotèe» 135
le me feray raifon d'une telle injuftice. . Il faut qu'il l'abandonne , ou que l'ingrat pcriiîc : ; Er, fans frémir, j iray dans Ton perfide cœur
Moy-mcfme cnfanglancer l'image de ma foeur. hMais que dis je ? pour moy l'ingtac a trop àe. chat- mes.
Son nom feul m*attcndrrr,& m^arrache des larmes.
Mais Colombinc vient : Cachons nôtre foiWede ?
Et tâchons de fonder fon cœur avec adreffe.
S C E N E IL ISABELLE. COLOMBiNE en Berenice> ISABELLE.
ET bien le cherchicz-vous ? qu'en dites-vous ma fceur ? Eftes-vousaujourd'hay maîtretlede fon cœur ? Cintio pour vous feule & languit & foupire. Parlez. Qu'en dites vous?
C O L O M B I >^ E.
Que pourrois-je vous dire? Si Cintio m'aimoit , il m'"aimeroit: m vaia. Ouy , ma fceur ; & i'adote uu Empereur Romain, ., ISABELLE.
! Ne raillons point, ma fœur-.Car enfin je devine,». COLOMBINE.
Et bîen,connoilTe2 mieux le cœur de Colombiae^ Jehay le feriiuXjSc j'aime renjouëment. Arlequin , Phaëton me plut infi .im.enr. l'aim';.' s'afcn Do:or , & s'il faut toucvous dire , Sur ma foy , je ne vct.x ù'an Am.int que pour rire, l'ay dans l'a tcfte encoïc un bien plus grand defîeiiu. Arlequin va paroitre en Empereur Romain., le lu y rsprochcray toute fou injuftice. 11 fera mon Titus , & moy fa Bcrenicç»
Ï40 Scènes FrAnçoîfes
Et je vais , s'il fe peut , en prenant le haut toi? ,
Eriger Phaèton en défunt Cetadon.
Il eftoit mon Cadmus dans l'adieu d'Hermione'r
On connoit les tranfports où fon cœur s'abandonne
Four vous , ma lœur , dont l'air , le vifaee , & le
yeux , ^
Sont faits pour la tendreffe , & pour le ferieux , Vous l'ayez fait paroitre avec delicarefTe 5 Et certain petit air qui prêche latendrcflb. In peu de ialoufie , un peu d'emportement , Vous fîed fort bien , ma fœur , & plaifl infiniment Pour moy , je vay oiier , en ftile magnifique, Avec mon cher Titus , un ferieux Comique.
ISABELLE.
Je vous entends, ma fœur: vous rairicz a/Tcz bien. Vous joiicz vôtre rolic, & .'ay joiiélc mien. iUe s'e;î vu,
COLOMBlNEy^W..
Moy Betenice ! Ha Dieux ! par où m'y prendre? Auray. je un port de voix & langullfant & tendre > Et puis.je prononcer fur le ton langoureux • St Titus tji ^alofix , Ttfus eji amoureux. Tantoft devant Titus il faut que ,e foupirc. Mais quoy ? mon ferieux fera mourir de rire. Bérénice aura beau pouffer deux mille helas , En voyant Colombine on ne la croira pas^
Mais Titus vicnt.ReDtronspour prendre un port de Rciae,
À' Arlequin Prctêe. 141
SCENE III.
A R L E QJJ ï N en Tkpps. SCARAMOUCHE^« Paulin. A R L E Q^U 1 N.
AT-on vcu de ma paît le Roy de Comagenc» Sçaît.il que je l'attends? SCARAMOUCHE.
Sionor fi Signor,
ARLEQUIN.
Patle Irançois. Je dis que tu n'es c]u'un Butor» lépoDS,arne', que fait la Reine Bérénice?
SCARAMOUCHE.
L;» Rend BenniJJe ...la T^na . . . Ber . . Benntce, Ui eft la haut qui ^iJJ'e , Signer ,..&., .per ,., fi Ben
ARLEQ^UlN.
Parle , Achevé, fy donc : quel Paulm I quelle befte; :>iab!e foit de Paulin & de fa confidence / :heval , afne bâté , va , forsdc maprcfence. :ours apprendre ton relie , évite ma fureur , ndiCcret confident d'un difcret Empcrear.
SCARAMOUCHE s'en va. A R L E Ci_U l N fetiL
He b;en , Titus, que vas-tu faire.? 3cremce t'attend. Oùvas.tu téméraire ? Tes adieux font ils prerts ? fés-tu bien confulte ? Ton cœur te promet- il allez de fermeté? Car enfin au combat qui pour toy fe prépare , C'ell peu deitrecoaaaot,ilfaatelUcbarbaie.
Ml Sctnes Fravçoifes
^y€(4x jdiiditfHrs, Ce début n'cft pas mal Me/îieurs 5 & fur ce tor l€ m'en vais clFaccr f loridor & Baron. JMais Bérénice vient.
S C E N E I V,
COLOMBïNEf« Bérénice. A R L E QJLJ 1 N ^« Titus. COLOMBINE.
i\l On , laifrcz-moy, vous dis'je, ÎTi vain tous vos confeils me retiennent icy. il fautcjuejelevoye. Ahparguéle voicy. Hé bien , il eft donc vray ^uc Titus m'abandonne î Ilfautnous feparer, & c'eix luy qui l'ordonne? ( "Elle le pct'.ffe. )
ARLEQUIN.
Nepou{îezpoint,Madame,un prince malheureux, Il ne faut point icy nous attendrir tous deux. 11 faut .... mais que faut- il ? dans l'horreur qui
m'accable, Il faur,Madamc,il faut, il faut que j'aille au diable. Vous voye^ccpcndar.t,mes yeux font tous enenu : le tremble, je frémis. Tout beau, Titus , tout beau, llfaucquel TJnivers rcconnoi/lefans peine. Les pleurs d'un Emiçrcur,& les pleurs d'tme Reine: Car enfin , ma PrinccHe , il fnut nous feparer.
COLOMBINE.
Ah , coquin , eft il temps de me le déclarer ? Qu'avez vous fait , marauc je me fuis crue aim.éc. Aux plaifîrsde vous voir mon ame accoutumée. „
ARLEQ^UIN. La fiiponce /
d^Arlecjfitn Protêe, I4j
COLOMBINH.
Seigneur, écoutez mes raifons. Vo'js m'allez envoyer aux petites Mailons : Car enfin après vous je cours comme une folle. Oay , j'expire d'amour , & j'en perds ia parole. Hclas ! plus de repos, Seigneur, &: moins d'éclat ? Vôtre amournc pût il paroitre qu'au Sénat? Ah , Titus : car enfin l'amour fuit la contrainte De tous ces noms que fuit le refped & la crainte i De quel foin vôtie amour va^t'il s'importuner ? N'a t'il que des Etats qu'il me puilîc donner î Rome a fes droits , Seigneur : n'ayez.vous pas les
vôtres ? Ses interefls font ils plus facrez que les nôtres ? Repondez donc. ( E^é h ître {^ar la, manche , ^ '4 luy déchire.
ARLEQUIN.
Helas , que vous me déchirez ?
COLOMB INE.
Vous c{lcsEmpercur,Seigntur;&: vous pleurez .'
ARLEQ^UIN.
Ouy , Madame, il efl vray, je pleure, je foupire 5 Je fremy. Mais enfin, quand j'acceptai l'Empire... Quand V^cceptai l'Empire. ..on me vit Empercnr.., Ma mianonc, m'amcur , redonne moy mon coeur, pour BereniceThehs, c'eil un grand coup de foudre. Mais, mon petit tendron , ilfauivou*)- rcfoudre. Car enfin aujoard'huy , je dois dire de vous , Lorsque vous m'étrang'ez pourcfire vôtre épcux: Puis qu'elle pleure,, qu'elle cric, Et qu'elle veut qu'on la marie, le veux luy donner de ma maia L'aimable & le jeune Paulin. Holo , ho , Paulin , Scaram.ouche.
COLOMBINE.
AlUz'vous en au diable aveccue Scaramnache,
Ï.44 Scents Tran^oîfef
pour un fi vieux frelon, je luis rr-op jeune mouche $ï j'ay crié , pleure , pour avoir un époux , Cher Titusjj'ea veux uni^uifoitbeau comme vous Tour Titus Empereur je pleure , je foupirc ,• Mais Ticus Arlequin , me fait creyer de rixe. Elle t*tj9va^
SCENE Y. ARLEQJUIN^UN FRIPIER^I
A R L E Q_U I N voyant le PripteK». aK
JE penfe qu€ le Fripier cjui m'a loué cec liabil^ me vient demander de l'argent, Continuom notre rolle. 7
Rome a de mes pareils exercé la coTiftance» Ali fi vous remontiez jufquesàfa naill'ance.,„
LE FRIPIER.
Ali fi vous me donniez . Monsieur , fix écas que vous me devez; vous me feriez bien plus de plaifir, ARLEQUIN d'un ton grave.
Un Empereur Romain conuoift- illcs écus ? Tu te trompes, mon cher , j'ene les connoispluj. Tu me fais à plaifîr des contes lidicûiesî £.t mon or^^Trcforiet te va payer en Jules.
^ *E FRIPIER.
le ne connois point vos Jules , MonHeur, Je vous demande de la bonne monnoye de ïrancc,
ARLEQUIN.
Les Iules , ignorant , gravez au champ de Mars, Furent jadis la monnoye & l'argent des Ccfars, LE FRIPIER. Te me mocgue de vous &" de vos Cefars : je veux cftrc p^yé. ( // vafnr Arlequin , & luy arrache fon ^tifle-HH' corps»)
ARLEQ^CIN.
aArU^ntii Prêtée. ^iJ^
^ A R LE q^U I^N.^^
Un maraut de fripier infulte un Empereur • Cardes, c^u'on le Caifiire. , ^
LE FRIPIER. ^
Maraut, vous mcfmc. Yoila un joly Empereur ! Y il fe met k rhe , f^ rV» ih» avec k ^t^- nu- cor f s,)
ARLEQU l^fenL
Quel changement ,'heiais LqaelTjc vncjfficidç î Que le deftm de l'homme cftpkitr ^tîlî^^ççkjl^^^l- îe le voy j ie le fens , & je l'épreuve biem. "*. . ^ *î'ertoisun Empereur-: & je neTuis plus'rien. " "' Ah qu'on eftiiialhc'urcuTC d'avoir des -créanciers» Sii'Empire Romain avoir eu des Fripier? Contre luy dpch^i^ej^ &^glu| IÏQ^s|quele diable, ^ a'aiu:.Qitpa$,eûé û|c^,i)ic,^8cg^ubj«^
// S* en va ,& la Parodie finît.
k
ry-j
icj iij 3;auiij*ï s Util s^fiqr ' Q3 1:0 ziizii
91^*5 Sanes Fran^olfés
.\'. A ^T I Up ''. À >! .'- i LbE '• :}i ^y -GEy plufienrj. officiers . , Pffct/SRE^iN , LA RUINE Phvureurs, UN CLERC arvec une épée an coté, , ,j;,4 DOCTEUR.
r /L Vi%c-tt)Urês'èh'ofts , Méffiatrs^; fac- ^jL tendu au'il eft exprelileir-eiic défendu aux Clercs de porter des épce^ ) je deinande' qiTC celle de nôtre partie adverfe , preientc i l'Audiance^ foif mife au Greffe , ôc qu'il foit condamné à l'amande.
Sur la remontrance de Pillard in ^ nous ordonnons j que par proviiïôn répée du Clerc fefatnife au GretFe j/enruite portée chez le C^Xt^lieirdelaB^i^phç^poorertie convertie en c^ifs de Toufoufejqui feront diftribuez aux pauVîtf? Clercs qui en ont befoin.
LA RUINE.
Pefte foit de Tépée , ôc dequoy diable vous avjfcZrOi^ous de paroître au Barreau dans cet équipage là?ll a raifon:c'eft prof-
et Ar le min Pr/fièr, 145^
Situer répc€ , que d'en lai (îcr porter à des Clercs. Voyons un peu comment nous «'habillerons cecy.
LE CLERC ^/^ rnlue. Mais, Monfieur , tous mes autres cama- rades en portent. . LA RUINE. Tous les. autres font des garncmcns ^^ des libertins comme vous. Hé , une bon- ne écritoire ,mon amy , une bonne écri- toire ! .-JT^-^i-ic:
P ILLA^IDIN. Kleiïîeurs, je parie pour Maiftre'Gra'iian Balou-ird, Comédien dans la Troupeïrai lienne, oppoiant à toute la procédure faite par Paul GrifFonet , Clerc & neveu d'un Procureur au Chaftekr,
Je crois , Meflieursque je n'ofFenfe pe»- fonne quand je dis que le Clerc à qui nou$ avons affaire , eft beaucoup plus à craindre que le lévrier dont il fe plaint i Se que fî jamais il pacvient à eftre Procurât > il fera très- dangereux de tomber fous fa coupe». Cô îi'efl: pas d'aujourd'huy-c|?je vous eftcs im- portunez de Tes gentiileireS. Tantoft c'eft lin Chirurgien pour le panfément' de cer- tains maux : T^ntoft c'eft un RotiiTeur pour de la viande. UneLingere pour des calleçons,un C-abaretier pour du ^ih. Enfin vos ,Aiadiâiîèes^néFètei>ti(rét que <ies plaini- tes honteufes que l'on fait toupies -joiii:^
Gij
148 Sctnes FratJ^ifès
contre fa coDduire. Je vieiis dans la fouît ^rier avec les autres, & vous fupplierdc faire un exemple d'un Picoreur , qui pre- tend 3 avec de la malîce (S:' du papier mar. <qrré, fe tailler un habit complet , ôc s'é- quiper tout à neuf aux dépens d'un étran- ger.
LA RUINE.
Voila qui ne comn■^ence pas malî un Pi- coreur , voila qui ne comnience pas mal 1 allons , bon , courage.
PI L LARD I H
r Ho , ne vous effarouchez pas ^Maiftre
la Ruine : vous n'y eftes pas encore. lî
LA RUINE. ' ^î
Non: mais j'y feray bien-toft; 6^ je vou»
apprendray que Maiftie GrifFonet eft iui{
Clerc d'honneur Se de probité. Voila une
jolie manière de plaider , vrayment ? -î)
PILLARDIN.
Ecoutez , Maiftre la Ruine, je fuis bien» averty que vous n'eftes paye que pour faire ^Djbrukà l'Audiance : Mais . . . '^i ^ LA RUINE.
Ho , ne le prenez pas là. J'y feray bîea autant de mal que de bruit j & vous allez voir que vôtre Docteur n'eft qu'un arneeri>' comparaifon d'un Clerc du Chafcelet.Nou^ verronjsî.vrayment n je ne fui^payé que» ^ut fak€ du bruit à l' Audiaftce ?^ Je pc^^»
^Arîeijuin Trotêe, \\^
PILLARD IN, Encore \
... LA RUINE.
Hé que Diable , plaidez > on né fongô pas à vous. Du bruit à l'Audiancc î PILLARD IN.
Lorfque l'on m'a interrompu , je cOm- mençois , Meiïieurs ^ a vous exhorter au châtiment d'une vexation qui nepeut avoir cfté imaginée que par un Clerc de Procu- reur du Chaihlet. Je dis>du Cha(l:clet,p3r- ce que les Clercs du Parlement ne font point les brereurs , & ne s'attachent qu'à travailler à leurs écritures avec honneur. Cette parentefe > Mefîieurs , vous infl- »ue* que nous avons afïliire à un perfonna- ge altéré , qui regarde , le Dodteur , com- me un homme fort ignorant en affaires , mais fort propre^ à payer les frais monf- trueux dont on nous accable depuis iix mois fansmifericorde &: fans relâche. L A R U I N E.
La grande nouveauté, qu'un Clerc falïè des frais 1
PILLARD IN/
Voîcy le chef-d'œuvre fur lequel vous avez à prononcer. Il y a environ iLx mois que le nommé GrifFonèt , & deux autres Clercs Tes camarades , courroient les rues , chacun une bretteaa côté. ]e ne vous diray point > Meiïieurs ^ (i c'eftoit les aflRiires on
G iij
ï;|0 Scènes TrAtj^oîfef
Tamonr qui tes rnettoi ent en campagne. Quoy qu'il en foie , en p-afTant dans la rue Guenegaud 5.îfnlevrijer>fur^ins de voir trois Çljercs de l^oairenr avec des ëpées , com- mence à abboyer. Les trois Spadaflins inti- midez prennent la faire. Dans cette dérou- te. Griffonner laiffe tomber fon manteau: le chien en folâtrant ^ le fecoiie. Voilà ce qiii- donne occafion au burlefque Procès (ju'ojt jîQus feii aujoiird'huy j & c'eft fur ce manteau rnordu qju'on a brouillé tout le papier .que Maiftre la Ruine tient entre fe& mains,
LA RUINE. • :^ n'y a pas en toat cela une virgule d-tul iKitiie j & depuis que je plaide, je n'&f point veu de procédure mieux croiivernéog[' Ry , cela efb honteux àtSt déchaîner cor*i< ne un jeime Praticien q^ui fait leschofciK dansl'ordire ! - - j c'Jv;r ; :;
. PJLLARDfN. Pour faire les chofes dans l'ordre , vôtre- partie n'avoir qu'à ramaifer fon manteau» & pourfuivre fon chemin. Mais un Clerc? du Chafl:elet>,qui n'^aque fa plume pour pa- trimoihej tâche de fe pouffer par des voyes ejLtraordinaires 'î' ûiude allcjuià , brevihpi»^ gtris'i & car c ère àignum y Jt vii ejfe alim) ^tih. Maiftre Griffonet veut eftre Procu-- reut : il n'importe aux dépens de qui fa? Charge foie achetée. Le chien qui a dccou-^
Ça > fon ;Wan tcaii ;, eft un chien vagabcmiL h j ^m%_\p<^\\^^^Q^ rortyde.lai-çiaifon.Qttcsier'j ii Bae«r€U;Roât^LU^'çieiîajgorekeidi : tfiai' eft un étranger :Ceç.:Çtrangei- eft csiii . repurarion d'avoir de l'ai-oenc._ En.voilàL , allez 5 Meilleurs , ppujr achainer un Clerc } ^vide &• chicaneur. IL demande.» à ia vé- rité, trentefritnçs pôurle domî»age de foUi çîa>)^e# ;:.i-fl4i§ il fô.conrenteide'UeuÉcei?* iiiv^4Qf'P<^U!!:)eS: dépens dii(>racé5^- . 'ut : C L A RUINE. Hôksl C'eft bien peu.
lll»*Qft:^as befoijii MefTys-d^'S^d'exagerei ce^e,ip$.rHcRti<>nipmi' la rendît f lus fen-- fibie & plus odieuleje penfe en avoir afîez. dit > pour faire préjuger dequoy ce Griffo- net fera capable, fi jamais il ell Procureur;! Je finis^ eD vous fuppliant trés-humble- tncnï-i dêfetrajrdier de WQtre iRuftre Corps ce'nieiTîbj:'^ infeârc qtii lesteshpnorfevSoit.; venezrvotisjqiiela Bazoehe eft.li pépinière- dès Procureurs. Souvenez-vous encore , <jue l'indulgence des Juges eft une efpecc d'authoricé pour le mal \ de que le grand-- fecrejc pour ne plus trouver de defordcei parmy lés. Procureurs ,a c'eft de n^en point fouffrir parmy les Clercs.
Je conclus, à ce qu'il vous plaifedebou* ter Maître Griiïbnet du prétendu dommage de fon uaauteaû , 5c de tous les frais faits
ch Gonfequcnce-; & pour lingue vexation crnâïjnner qu'il fék^iécîieii & dégradé' de la ^gmt(^de.Clerc î Déffe^feàkif de porter YL;a.vemr ny foifoirè Jiyébée i & le con- «atimer tox dépeiisl -'
^ LA RUINE.
-Ho, çay^a , noirs allons voir.Mefïîeurs je pnde pour Paul<^riffoner,Manceau d'o- ifi^DéyClerc de {^rofefîîon/beAû-frère de Sergent , ner^ de ^rddnreiir auGhaûeler, ^ pardefTus tout cela , cy- devant Prevofl de la Bazoche-.Contre Maiftre Gràzian Ba- iGuard , Do^eir de la Comédie Italien ne^ «e^encore ccriVtfié tvialftre Bft^fotnar Ckien «nârin , foitdiftnt Lévrier , & jumfiédb- œeflique duditDodeùr. - Vous voyez , Mefîîenrs, q^ull y a trois parties înrerellees dans cette diLife un Do- weiir y un Chîen,& nn Clerc; Un Doreur premi^t aaûmab:::on ile vrierry aiutê ariiTOal tSciun'.aerc qtii cienr aeixftaartTrè teous" les <ieak , puis qiVun Clerc ; oî^du^^moimun Bachelier en procez, eft un Lévrier en chi- cane. Sur la feule qualité des parties, on va croire que cette caufe eft la matière d^mc Sc^ne ri/îble , parce que nous avons affaire à un Comédien. Ah , de grâce ; Meffieurs, bamlfez toutes ces joyeufes préventions ; pour vous préparer au récit d'un malheur, qui pour eftre fans exemple » ive doit pas cftré fans cotnpaffîon. >lalhetur: ,' Mei^
à! Arlequin Protée, i-^y
I ficurs, malhear qui fournirait le iiijét'd'un ; pocLiie plus grave que TEneicle , &'"pkis» . ferieux que le Lutrin , puis qu'il .«es'agiti ; pas icy d'une Ville embrafée par J^âra- :: tagcme d'un Cheval de bois, ny d'une çonîiEi teft^-tion fondée fur un pupitre de pareille- j étoffe >. mais d'un mameau d'un bon bou^.. racàn ,- mordu , déchiré , ^ mis en piecest par l'inhumanité .d'un Lévrier efté(flif:9(^i^ talia fonda , tcmpsret a. l^rjmh^ Yoiey te : feit en trois paroles.. ' )
La Foire Saint Germain attire tout Parii par la nouveauté de Tes rpe<5tacles. .Mi.i< partie fatiguée d'un: gros inventaire- de prd* duction , vouliit pour le ddaifer Tefprit > aller voit les Marionettes. Fatale &'dahge- reufes curio/îté! Ce pauvre garçon accom- pagné de deux Clercs Tes camarades > s'eii'* tretenoit , chemin faiflint^ de: choies cott^ cernantes laProfeiïion ^ Ioits qn*an mâtia affanae s'échappe de chez le Dodcur, j'é- lance fur Maifhi-e Gviflrbnet j 3c foit qu'il trouvât le manteau ou plus gras oirplus tendre que le Cl^c , il déchire. ce ;manteaii en trois coups de dents. Ce marrteau , lô fruit de tant de veilles, ôc la reconnoiiHim cède tant de Cliens 1 Ce manteau, qui par fts ditferens ufages fe pouvoir appeller un meuble univerfel ! Le matin, Robbe de. chambre. Le long du jour , il redevenoit Majueaii : La nuir ïlffcryoit de,cpu:veturej
G: V
Ij4 Scènes Françoîfes
^ dans les mauvais temps , c'eftoit un parapluye impénétrable. Ce manteau, Mcf- îieurs , tel cjue je viens de vous le décrire , demeure en praye à un lévrier , qui par Tes cris & fcsmorfures , jette une telle épou- vante dans l'ame des trois Clercs , qu'ils 4Dh'erchent leur falut dans la fuite. Thmr addidit altu, L^un court à- toutes^jambes chez: luy : L'autre fe cache dans b foule: Wa partie feule difptite quelque temps le tcrrein. Mais comme il n'eft pas honteux de céder à la force , il eft obligé de fe fau- vcr avec les lambeaux de fon bouracan àé-
4 3n-'*CiT;: LE-JUGE. • - Maîftrc la Ruine , voila bien de la bro- ^rie fur un méchant manteau ! Vous feriez mieux de nous dire , fi aprés.tout ce grand carnage > vôtre partie a rendi^fa plainte ? - LA RUI.NE.. - îl a bien Êiit pisy'Mcfïieurs.Car il a for* tifié fa plainte d'une groflè Enqueftccom*- pofée de 37' témains5fourenn'cde plulieurs^ demandes incidentes ^ de Reqaeiles , de; Sommations , de-faits ^articles , (Sc^ene* ralennent de tout ce qu'il y a de plus friand' 4'^ns la Pratique.. C'eft dans cette afFairei que;-Maiftre Gritfonnet ma par ci e, va par oî» tre en véritable Cle.rc du Chaftelet.Depuis. -femois , 'MeiTieurs, il ne dort poincj Ôc je: iguii dire.-ài iba iionnetirv <^e depcii« iiït
â^ Arleqmn Protêt, I jj
mois 3 il lie s'cTt point • palIe de- jour qu'il B*aic fourre quelque • nouveUe procôdurc dans Ton fac. Enfin il à mis fon procés^^ fur un (i bon pied y & a fait parler fi heureufe* ment fes témoins , q.u'it n'ell: pas en vôtre pouvoir de douter que le chien en queftioii n'appartienne au Docteur de la Comédie; Or (i le chien appartient inconteftiblémenc au Dodeur de la Comédie, M-iiftreGrif* fonnet peut-il demander moins de trente francs pour le dommage de Ion manteau , & de neuf cent livres , à quoy il fe réduit pour Tes dépens ? je ne crôy pas qu'url Cl^rc puilTe plaider avec plus de rerciiucl Quand onnetàxeroir àma partie que qiTÎn- 2C fols de chaque citation de Latin, je fuis feur qu'il y en. a pour plus de quatre cent francs dans [es écricares.. Il en a mis juf- qnes dans fes Exploits. Diable^ je ne plaide pas pour une befle. La Loy Si cj^iadn pe^- ■pauperier/3^ *
L E J U G E. La Ruine ,. hé pas tant dz Latin pout uneL bagatelle!
LA RUINE. Paifqùc la Bazoche s'offenfe du Latin ;,j^ vais répondre en François aux faits ca- lomnieux dont on a voulu noircir ma par» . tie. Commençons par le Chirur^en , la-. H3ûla.die 5c le^anfcmenc dont MaiftrePîL»
€vj,
i/^ Scenei FranÇoîfeji
lardin a,prc;en4iic rçandaliier.celuy pour S^ii>.P4rie, Poar^çpnfoij'dîje. ,;.Meiriears , une telle impoftui:e ,j mz pâr.EJei eft prefte d'afErmer à ràiidiaiice, que' depuis quatre ans qu'il eft à Paris , ,il ne voir& ne fré- quente que la nièce de Maiftre Pillardin , &: quelques autres femmes de Procureurs , fort honneftes àc fort refervées. Je ne pçnfe pas 3 Meffieurs , quil en faille davantage pour vous .perfuadcr que Maiftre GrifFon- net efl fain & entier ! & plufl au Ciel qu^il enfuft de mefme de Ton manteau ! PaObns a la vexation qu'on nous impute. Ce Grif- fonner , dit on ,_eft un Çlérc alreré,, qui veutfuccer i.e Docteur >_&.s'éq,uiper aux dépens d'un étranger. Ce font , Meflîeurs, les propres termes'^dont on s'eft fervy. En vérité , Maiftre Pillardin , vous ne devriez pas faire un crime ci^ni uCsge dont vous profitez aaflî bien que -impartie. Si j'é- t'oïs d'humeur ....
PILLARDIN. Maiftre la Ruine , vous vous paflTeriez bien .... £
LA^:R'U|INE. '■ : .M?**^^^^"^*^^'^ PfiUr;di\î, .vO;iTS vous pîïfTcriez'. "lien mieux de décrier -la eonduitfs d'un Clerc qui ne faitqiiç ce qu'il vous voit faire Et où eftje mal de plumer tni Comédien quand il a- de l'argent l Qaoy ;, ce n'eft .pas alfez que 155 Italiens déchirent- les Procu-
atArUquln Protee, -^tjy
reurs ? Il faaç encore qiî^leurs chien^vien- i>ent déchirer les • manrejii des Cletcs > .^p^. Qii fe fera une conlci.ence d'épûrgner.^iésr, -forces de boufons , qui réprjidenc leur iîel- £iu- les Profeflions les plus réglées ? Fy ^ Maiftre Pillardin,voiis parlez contre vc^is- mefme , quand vous défendez ces Farceurs qui ont compris cane d'IiQi'U^eftes gens dans, leurs rolles. Il fied bien' à ces mauvais Plai» fans de faire comparaifon avec Mefîîe-irs les^ Clercs, qui font les fantafîins de la juftice^ les Graduez de k chicane Jes MagiTtrats de. b Bazoche Jes timons des études/la ckariic; (ks ProcareuTS > & la^chevtUe ouvrière dfe la procédure! Il y ay Meilleurs , une nota- ble différence encre un Clerc ^ un Comé- dien. Quand les Comédiens viennent dans nos Etudes > ils y entrent foumis cc ram- pans : mais nn Clerc ne paroîr à la Come^ die que k Critique en main v&conim.e k controUeur né-de coures les pièces noiiveU les : Privilège , MefTieurs , établi par 1^- plus fameux Poète de notrafiecle.
élpnClere y pour ^ulnj^e fois ^fans cratnâri >:^H^\k€ Ma ^
■^€Hi aller an parterre at^a<jHer j4ttiU : Et ji ce Roy àis Huns ne lny_ charme /V-
rellle > Traiter de Fifigots îom Us VéYS de Cqp^ ncllLs-, . .
ifS Scènes Françolfes
Tant d'illuftres prérogatives ne fôrviront- elles qu'à la confufîon de ma partie ? Ne compterez-vous pour rien cette lonrrue généalogie de Sergent ôc de Procurctirs dont regorge la famille des Griffonnets > Souffrirez- vous qu'un Do deur de Théâtre triomphe infolemment de la Clericature > Ah , Meffieurs , ne voyons- nous pas que ks Italiens font à l'afFus. de vôtre Juge- ment , pour en faire une pkifanterie plus cruelle & plus fanglante encore que celle des Procureurs ^ Si Maiftre Griffonner perd fa caufe. Arlequin & (^ Troupe vont s'enri^ chir aux dépens ^ts Clercs &de la Bazoche Quoy , ce beau nonide Griffonér , va de- venir la fable & la rifée publique.» Et corn- ine les Procureurs ne palfcnt aujourd'huy que pour 6.ts Grapignans , les Clercs né palleronc à l'aveni^rque pour dêsGrifforietsi. Prévenez i Meffîears ,. prévenez ces pic:^ quantes railleries par une fevere condam- nation:Et fi des Comédiens ont lahardieffe ée nous joiier , que ce foie du moins après arvoir payé le domm:ige dn manteau , & les dépens du procès. 'G^'eft à quoy je conclus. ( A Tîlîardin ) Ho , nous allons; voira cette heure . (î je ne fuis payé qua jour fairadu bruit à PAudiance »,
r
d^ty^rlequln Protee, r^r?^
€e qui fuît fe dit dans le temps qu*on efi aux opinions,.
LE JUGE efi an t aux opinions» La Ruine > pourquoy vôtre partie n'a- ttelle pas apporté Ton manteau à TAu- (iîence. On verroit mieux dequoy il s'agît^: L A R U I N L. Cela ne fe peut pas , Mefeurs : c'eft un manteau fur la litière, dont la plus grande: pièce ne Gouvriroit pas un ongle. Trois Kavaudcures ont déjà renoncé à le ren- tra ire»
PILLARD IN. Il n'y en a pas un travers de doigt da decoufu..
LA RUINE. ' Fy ! Cela ell honteux , qu-'un Doâ:euf nourrille des chiens en chambre , pour de^ vorer les manteaux des palfans ! Et où. €n ferions-nous, fî on toleroit ces. . .Ho,; il faut tout au moins que les cheminà> foieiit libres \ & il ne fera pas dit . . . . -' LE ]L'GE toujours aux opinions.
La Ruine , mettez- vous en fait que le: chien appartienne au Do<fleur ? LA RUINE. Ouy , Monfieur, je foûtiens que c'efl: uii^ €hien à fa dévotion 6c à fes gages j & qu'ils boit & mange tous les jours avec la^-
zCo Scènes Fravçoffes
P I L L A R D l N.
Cela n'ûft pas vray. C'eft un cLien qui n*a ny fea ny lieu.
LA RUINE.
Un bel employ pour un Do(fleur , de tenir école de marins y &. les drelfer à manger le monde dans les rues ! Ho, nous^ allons v^oir ii un Clerc' n'oforoit deman» der juftice ?
J V G n M E isi r.
LE JUGE. ^ ; La Bazoche régnante en rriomplie & trrre d'KoniVeur , adebouréPaul Griffon- net du prgïendu dommage de Ton maiitean & des frais faits en confequenca: L'a dé- claré décheu& dégrade dr 1a dignité de Clerc LDéfenfes àUiy tic porter à l'ave- nir ny écritoire ny çpée a & en cas de con» travention-,. permis à Mjtiftre Bruitomar 5 & à tous- autres chiens Tes confrères 3 de quel poil > âge &: qualité qu'iU puif- fent élire V d'abboyer , mordre & courir fus à tous les Clercs quMU trouveront faifis d'épces. Et pour dédommager au- cunement le Dodeuî? du temps- qu'il a perdu à fe défendre d'une fr indue vexa- tion ;. parmis à luy & à fa Troupe de jouer les griilonne^s .^çant &; Ç\ rlfibleir^eiic
d* Arlequin Proiée. ^6 i
qu'ils aviferont bon eftrc i (ans roumfof^ I fortir du ref peâ; qtfi eft deii au Royaume de la Bazoche. Ain/î prononcée
M LA RUINE. ^ p
Aptes ceîa je ne plaîderay 3e ma yit. j Quelle diable de jugerie ?
i6i Scènes Fran çoifii
S C E ' N È^ S
FRANC OISE S D'ARLEQUIN J ASO N,
O U DE LA
TOISON D'O R C O M I Q\J E .
't ■
. *— : ^—
MONOl^OCfVÉ D E COLOMBINE
Jiifuî Ye]>rpfente MtdéeA
ME D E* E.
VjUoy.donc?rprgueillcufeI|L%Iiiîc, îuf^ues iar mon pallié , jafques dans ma mairoo, Viendra me dérober lafon , Et je demeureray tranquilc ? Mojr, maiftrefîe palTéc en tout enchanccmenf: Qui fçait magie & noire &: blanche : Qui c-ienr les dfables dans ma maoche , le ne pourray rciciîir un Amant j Moy ?nc fuis-je plus Mcdée ? L'amour dont je fuis ©bfedée , M*a-t-il fait oublier ce que j'ay de pouToir ? Non , non , trop cruelle rivale , Il eft temps de te faire voir Si j'ay quelque crédit fur la rive infernale. Rendons pour quelt|\ie temps Jafon fi contrefait. Si lourd d'cfprit,& de corps fîraalfait.
et Arlequin Ta^on, i^^-
Que ma Rivale le haïlîe. Servons-nous de cet artifice : Elle quittera ce fejour. Je n'aaray plus d'obrtade à foulage'r ma peine, ' ^amitié des Lutins neft pas tout à fait vaine. Si ;c ne puis par eux infpirer de l'amour ,
Je puis infpirer de la haine. Sus donc, qa-- tout l'enfer foit foumis à mes vœux^ Que la Nuit , le Cahos , l' Achcron , le Tenare ; Que CCS fombres manoirs , cej fleuves ténébreux , Dont le nom feulement eft terrible & barbare, le Stix , le Phlegeton , le Leté , le,Tartare , Que tout fente l'effort de mes charmes affreux.. Toy Divinité fcelerate , Qui te-mclc de cent métiers , j|r2' O Lune que chez les- Sorciers
P^ On appelle la triple Hécate :
Vouscfprks^puiâ"aflj.-&;.nïaJias , ]^emons , Lares, Follets, Lémures^ & Lutins ^- RamalTez en ce'jour , pour ré*rvir ma furie ,
Vôtre plus fine diablerie. Et vous diables nouveaux, Scrgens, Clercs, Procu- reurs , Commiffaires, Greffiers, altei-ez Picoreurs, Vous de qui b malice érsorme , Pal une adroite trahifon , P.end l'équité mefme difforme, laites en autant de Jafon. 11 eft vray que Mc-dce a fur vous peu d'empire y Vous eftes des efprits rétifs : Maispourtant par certains motifs, ( Efic fait ermme fi elle rcm;?:oit de l'argent ) le me flatedevous réduire. ]e polTedc un riche trefor. Que la taille à Tafon foit bien défigurée , Comme vous faites tant pour l'or, C*etl pour vous la Toifoa dorée.
1^4 Scènes Françotfes
îcy la statue htm(ittù de la fin , qui ejî au milieu .. ia Scène , fe change en celle d'Arlequin, dont laf.: c.onfen'elafornt'e.duranttoutelafitce-, .
Mtdé'e y afr es l'avoir cohftderé fom cette figufe , ait •
Le voilàtelqucje defirc. Mais Ipfiphile vknt. Adieu , je me rerire.
Ipfilhile furiTje,
SCENE
SUR LES OFFICIERS.
IPSIPHILE MEDE'E.
IPSIPHILE.
AH , Madame, arreftez , & pour me coq» forer, :.uy.,:: .
Voyez au moins les pleurs que vous faites couler.. . Quoy ? de tant de Héros dont brille la Colcbidci^ N'aurez- vous fait un choix que pour faire un peu
fide ? Car ce nouvel Amant dont vous Briguez lafoy >. Me l'a cent fois jurée , & ne la doit cju'i nioy. Chagrine , fans repos-, pleiac d'imparience , Laffe , vaincue enfin d-es tourmens de rabfencex 3'ay tout abandonné pour revoir un Amar.r : Et quand preftei joiiir d'un bonheur i\ charmanc, Dé a je m'applaudis du fuccésdemes peines, 3'aprensque cet Amant cft chargé d.'autrcs chaînes^ Je le trouve inconftanr, je le vois dans vos bras. Ah, Madame , ces fers ne vous hoiiorent pas.. PlaigRcx Tégarement d'une jCunc Princcfie , Qui fe forme un bonheur de toute fa tendre/Te. Pardonnez la chaleur de fes tranfports jalouxj. Et (j^oittcz un penchant trop indigne de vou^.
M £ D E' E.
O^r. Cela fend le coeur Bon Dicu,,c]uc de tCfidrelTe:
Helas, vous me faircs pitié / Mais pour eftre d'un cœur toit long temps la miU treffe , Vous en avez trop de moitié. Vous m'avez toute l'encolure, • De venir en ces lieux chercher quelque ayancutc. - Mais ce n'en eft plus la faifon ; Et dans le païs où nous fommes, Il n'cll rien fi froid que les hommes ; On n'en peut arracher ny plume ny Toifon.
Ou n'y fait de frais qu'en fleurettes ; De beaux discours, des comphmeris , £)es révérences fort bien faites , Des petits vers, des chanfonncttcs!: Voilà dequoy tous les Aaians Payent les faveurs àts Coquettes. Et mcime à ptefcnt à la Cour , On a tant d'ardeur pour la Gloire, Qu'on ne fonge qu'à la Victoire: On a prefque oublie- l'Amour. ^ Déia metmc Ton vpit telle Daine forcée A dcTcendrc du rang où le fort l'a placée, Pour avoir des foupirs d'un étage plus bas. Telle en gucufc i telle en achète : Et û grande en ert la difette , Qu'au mépris de tous nos appas , Sans argent i'onn'enaura pas. ... , .^,,,V Cherchez fortuneailleurs,fî vous voulés-mc croire.
IPSIPHI LE. . : -
Ha , Tugez autrement de l'objet de mes feux : Et ceflez d'infulter à mon fore malhtureux. _ Non, Madame, mon cœur qui n'aime que la gloire, Ne cherche point icy de hcnteufc viaouc. le laia:e vôtre Cour en butte à fes défauts: .
Je la plaiusimais'j'afpiieà des deffems plushauw.
3.^:6 Scènes Franç/xtfes
Oiiv , je cherche un Guenicc . . .', M E D E^E.
Un Guerrier ? Ah MadamCj Vous tombez de fièvre en chaud mal. Hc , ne vous fiaiez point d'un cfpoir trop fatal :
Un Guerrier vous prendrait pour femme ? Vous vous attendez à fa foy î Xafoy-dcTios^gueiricfs pcfe moins queleuirs pla^ mcf i '
Et Ton perd chez eux les coutuniês De prendre des fcm.mes â foy. ^ars n'éyoufa jamais la Reine de Cithcrc. "
ils fuivent Ton exemple, & vivent comme luy i "Et leur mariage ordinaire Se fait avec (fellcs d'autruy, Hé , comment un homme de «ru erre Qui court tous les coins de la terre Errant tantoft cy , tanroft là , ?ourroit-iI fe borner à fon petit ménage?
Il ne faut pas croire cela. Voulez- vous qu'une, éjxittfe en tous lîçux l'accom- pagne ? -■?'•' ?^
Non , leur méthode vaut bien-miéui. ■ -
Selon le changement des lieux , ' ^
Ils ont femme de ville, & femme de campaonév ^
Mais fi vôtre ardeur eft f\ forte , Que vous vouliez pafTer par dcfî^us ces c^ards ,
Que de chagrins de toutes parts / Yous craignez que ki Gloire uh -peu tiopTÎe l'crn* " porter ''■;,■ - •■--;'•
Vous courez, tj«oy qfie loin , tous les Jnefmes
hafards , Vous tremblez aux faux bruits que fans ceffe o«
rapporte ; Et puis un vilain toup que Totine prévoit pas, VjCAdça lilV •fequeftrer eu la cuîffe ou le bras. i '■■•■• "-Et'dans ce terrible équipage^
Quand on n cil plus propre aux combats , OfThé rdl guère au 'nia liage. En vçyjlsz-vqas f^iie un Galan<i.? ' C'^A: enccr pX% vi;:gL* fois pdur tarir un^^tourfe, I Un Guerrier a toujours un merveilleux talent; 1 El des p-cftes iGCLi'il fait la belle' eft, la relîource. "^ ^ ' 'Auprès !'e1ï'ccV;es' petits foins. ' Le C âvalkr aura i'^mc chagrine. La Dame du ch-:gnn v.ut Tçâvoît l'origine t Il voudra la cache; , ou lefeiridie du moins.
L'Amante s'en plaint , & s'obftinc' , Alors on fait fçavoir tons ^ts petits befoins. On aura perdu fon Bagage V ' ' • ' 11 faut refaire un Equipage :
■•'Feut-on voit un Amant chagrin? 11 a befoin d'argent\ on en offre à la fin,- « ■ - L" Amarit s'en fâche , & le refufe : On k fléchit tout doucement. Il l'ac-cepte enfaifant une fort tendre eicufe :
tt voilà tout le payement. . Je vous parle peut-eftic un peu trçp franchement: c -Mais j'av peur qu'on ne vous abufe.
.'^^ ^ l PSIPHILE. '
Hé 1 îi^'àdamc , quittez le foin de mon repos , Et me laite Jalon : Cédez moy ce Héros. ;
Luy ffeul me rend hcureufe , & je vous le demande. M E D E' E.
Quoy , vous me demandez lafon ? Voyez un peu le bel oifoni Ho, la'fortunen'ell: pas -^ande. . .^ -V'ôué vofe coeffer d'un tel Vnagot , 'î. I^'^t Laid, ventru, mal bâty , petit comme un t^.abor?" • • -^ Te vous" nu toi s cru plus friviride.
Pourtant fi vous l'aimez ,,tant mieux. Vous niiez voir pafler fon triomphe eu ces lieux, S'ii-Cuôîtpour-gucrirl'ardeur qui vous polTcde^ D^-t^os 4iK)a Éceuf je vous le cedie. ■ "
■y/
«T$? S-ceTîu Françoi^
^::-S C E'^E
DE JASON ET MEDEÏ, ^^
MED £• E. ,
INgrac , il dl donc vray que certaine inconnac, "C De ton digne minois fcruc , **
Vieac icy tout exprès s'adurçr de ta foy ,
Et piéccûd triompher de moy , Sans 4:raindre les trifports dont mon amceft émuc> Là ? ne refTcDs.tu pas quelque feçrecte horreur ?
Oies, tu corn mec t rc uq ccl cri-rpe ? Sçais-tu bieQ ce que peuc une f.mmç, cafurear ,
Et lorcierefotcierirSmc? ,- Quoy ? tu n'as pas un brui ni d'amour , nUc pciu^ TunemcrcpoDS rien. Veux tu parlera ' *
J A S O ]^ /
_ ■ " /r; -' Madame^
Pour eftre redoutable ,;^ifrufEtd^crke femme. 3e crains pluscc nom f^ul que tout vôtre po^Toit^ Mais encor faut- il bienfe faire ua peu valoir. Les mouremens jaloux qu'une Rivale exckc\ Font en quelque façon une faulTe au meriie i Et le cœur d'un Héros fi bcsu , û gros , fi aras , Devoir bien vous coûter quelque peu d'cn&arras,
MED £' E. . ■ Ah , ah , l'en fuis d'avis / l'aime cet arti^çc. Il: faut que tes rigueurs me donnent 1 a Jauniirc -? Prens plutoft le parti d'appaifcr ipon.couwoux , Si tu ne veux bicntoft . . , .
J A S O N.
Ah Madamè,,.tout doi;r. Pardonnez a. îaipn cç pet.iç ftf4Wg,lîî3e>u Approchez Cculcmcnt pour connoître <jue j'âlme.
Vcuj
"Vous fcntirez l'efFct de toutes vos beautez.
Mille foupirs pour vous forcent de tous cotez ,". .
Daignez vous adoucir , modérez votre haine. M E D E* E portant U main afon nez* Toy mcfme , en foupiiant, adoucis ton haleine^
ïais un peu des foupirs d'une meilleure odeur,
] A S O N.
^^ Helas ! c'cft uncfFèt& d'amour & de peur. Tous deux les font fortir par un chemin contraire: Mon amour par devant , & ma peur par derrière!
MEDE^E. Quoy Uu prétcns par cet amour venteux , Eteindre ma colère , ou rall'jmcr mes feux ?
Ncn , je veux des preuves plus claires, le ve^jx te voir pleurer auparavant,
r J A S O N.
Mes larmes pourront donc rétablir mes afFairesî Et*bien , répandons en : elles font necefTaircs, Ah que fçavoir pleurer eft un heureux raient ! Ca cruelle , pleurons Ta rigueur fans féconde Vaut , po^r faire pleurer , tous les oignons du
monde, pleurons doux;. Mais cherchons quelque agreabl«- ton.
( Il phure de différentes mmieres, ) Ty ! Cela ne vaut rien , . . encor moins , . . paflK. ;
Bon. Uébiea .TÎgrcfle , as-tu quelque chofcà me dire » M E D E' E.
Ouy , tu ne pleures que pour rire, Tiens.Pour te bien prouver que ce n'efl^j^as un jeu, Il faûdroit tetucr un peu.
]ASON.
"Ne faut- il que cela ? Ce n'cft pas une affaire,
■ Ca don-c, tuons- BOUS ponr tepUirc, Que letruit de ma mort étonce l'Urivers.
H
9
I70 Scènes Françolfes
Fourrant ce n'eft gueres U moJe : les Amans d'aprefcnt ont certaine méthode De ne fe plus tuer qu'en vers.
M E D E' E.
t*îon , non , c'elt tout de bon , & je veux que tu meute, HcUs .' meurs feulement pour un petit quart d'heure i
Et fois feur après d'eftre aimé. ^kSOl^ prenant fin épée , & fe l'appuyant au cœur du coté du pommeau , Tiens, c'en eft fait : Allons, Jafonifcrme, courage. Medéeveut l'arreflerpiur luy fatre prmdre l'epée du coflé de la pointe. Non ,Uiffez moy , pendant que je fuis animé. M E D E' E /«_y oftxnt [on épée , ^ la luy redonnant par la pointe. i Attens, tien, c'eft par là. Tu n'enfjais pas rufagc. ^
J A S O N.
Excufez monapprenti/fage. Je n'y fuis pas encore accoutumé. M E D E* E. yiflc, dépêche , tofl:.
] A S O N.
Oh , ne vous en dcplaife , iaiflez les gens fe ruer à leur aife, M E D E* E ^w riant. Ah/ ah /ah! ah ]
J A S O N.
Tu ris ? Tais'toy donc , fi tu veux. il faut , pour fe tuer , un peu de fcneux. Allons , la chofc eft rcfoluë. Sans barguigner , c'en efl fait , je me tue. Là, fort, zeHc, ( il f*it gUJfer la pointe del'êpée ■ entre fes jxmbcs , & tombe dejfus , comme s'il s'efioit percée
d*Arleifuin lafort. ijt
MED E\E. ^ Vrayment , je crois qu'il a raifon. Eftes-vous mort , Monfieur Jafon ? Dieux ! c]u'ay-je faic ? quelle dilgraccj Cher Jafon, es. tu mort?
JASON.
M ort , s* il en fat Jamais^
M E D F E.
Helas î reviens que ie t'embrafle. Pardonne» moy. Reviens je t'en prie.
J A S O N.
Oîi , de grâce, Laiffez vivre les morts en pair. M E D E' E.
Gicl .' queîlefarale avanturc! Oiiy , jeconfcITeguej'ay tort. le t'aime.
JASON.
AiTurémcnt !
MEDE'E.
Reviens. Te te le jure,
J ASON.
Hé bien , ceffons donc d'eftre mort. Or fus , je veux que Ton me flatc.
MEDE'E.
Ouy , je t'a me , mon cœur,
] A S O N.
Bien fort t
M E D E* E.
Tout à faic.
JASON.
Qu'on me donne la patte.* Amans qui vous plaignez , j'ay trouvé vôtre fait. Tuez-vous. Rien n*eft tel pour Eechirunc ingrate : Mais tuez-vous comme j'ay fait.
H ij
i-ji. Scena Fratjçoifei
S CENE
DE JASON y DE MEVE'E & d*J P SIP HILE quifHrvient.
MEDE'E',]ÂSOî^. MEDPE.
SI bien donc qu'à la fin , indomptable ïafon , Vous croirez à ma barbe emporter la Toifon ? Bt déjà vôtre bras, en dépit de mes charmes , Croit yaincre les Taureaux, les DragonsJesGens-
darmes. Mais c'eft à mon avrs eïlrc "bien effronté. Tu^nc t'es pas encore affez bien confuiré. >Ion, mon cher, défais- toy de tant de confiance, laibnfc trouvera plus poltron qu'il ne pcnfc. J A S O N,
Madame, je l'aura y malgré vous & vos dents* Ce fera mon bijou. l'en ay fait des fermens, Quoy que vôtre rigueur me gourmande & m'ac- cable, le n'en demordraj pas , ventre-blcu , pour un dia- ble. Allons, l'en veux découdre.
ME DE* E.
Ahjafon, monmignoai
J A S O N.
Laiffezimoy . ., .
M E D E' E.
Te t'en prie,
] A S O N.
Oh non , vous dis-jc , non.
à* Arlequin îifon. VJÎ
ÎP S I P H 1 L E furvemtm . & aneJiAnt Jafon parte bras. Doux objet de mes vœux .'
1 A S'O N fnrpr'ps de fe voir entri Ipfiphile ^ Medée. Qu'entcns je ' ah je m'engage • Ca , mon cœur , tenons bon : allons , prenons cou- rage. Evitons de ca yeux la cruelle douceur. Au meurtre , on m'âiîaiïîne , au voleur , au voleuîr. Plus fendant qu'un- Gafcon, & plus vaillant c^u'un
Suiiîe , Je feray des Taureaux Si. boudin & faucifTc, Qoel dégât: quelle horreur, lors que mon Coii«
telas- Va fendre ces Coqiiins comme descchalas / |;ors que bouleverlanc barrières , pali^Tades^, le vais faite aux Dragons , cornes & pétarades l tors que pulverifaftt les plus vaillans Héros, }c feray- du tabao dçs cendres de leurs os .' Éors qu'on ne verraplus que côtes enfoncées, Que gigautsdecha-rnez, qu'échines fracailecs ] Quel haricot, morbleu , de jambes & de bras l it que mes coups de poing vont caufer de trépasi Mf colère aaimani mes deux bras homicides,^ Va faire de Colcos un Hoft^ d'învalides. par la mort , par la fang , j'y perdray mon Latiaî Ou j'auray la ToiCon. C'cft l'ordre du deftiQ» îc-aie mocque-des rats.
M E D E' E.
Tu ne crains point mes charmes?
IPSIPHI LE.
Ah Jafon { arteftct , voyez couler mes hxftits; Rendez-moy vô:rc cauf , ou je mçars dtCo\Hj»
l'en efperc une part. ■ m •
H iij
ijj^ Scènes Françoifes
MEDE'E.
J'en cfperc une aufll. Explique tojr , Tafon , règle nôtre fortune.
]ASON.
Comment ? vous en voulez une part à chacune ? Vous prenez donc mon cœur pour un Gâteau des
Rois? Ho non pas , s'il vous plaift : C'eft pour une autre
fois.
IPSIPHILE.
Dans quel funefte eftat ma fortune efî reduirc> 7e fuis un inconftant , quimefuit, qui m'évite. .,- î-aiffe aller la Toifon , & me rends ton amour, Jafon , ou ton départ ^ me va priver du jour,
JASON.
Hé bien foie, archifoit : quelque chofe qu'on faiîe^ La Toifon, malgré vous, appanient à ma race,
MEDE'E. P =
Pour rail fumer fa flamme, & foutagerrtWtTCcè^P^ Tâchons de ralîumer l'Ingrat par la doûceuc; ''-^ lafon , change d'avis Aime moy , je t'en prie. Te fuis jeune , pafîable , & peut- cftre jolie : J« veux eflrc à tes vœux plus douce qu'un mouton* Et tu peux me gagner , fans combattre un Dragon.- Songe bien qu'un Dragon à peu de complaifance f Qu'eftant fi gros , fi gras, de fi rendre apparence^ Tu te verras crocqué detjuatre coups de dents. Aime moy : tu le peux , fans craindre i'àccidents, Qu'endis-tu, mon AniôuiL» ' ■'■"
JASON.
. - 'i '^îe^frcmis, je friflonnc, A drpite,^ gauche ,hcl as •' l'amitié me talonne. lA lefci^s remplir d'amour le cireux de mon cerveau. '^ Mon jabot eft gonflé, je crevé dans ma peau, -
On m'a defarçonné : le grand diable s'en mcfle î £: Paca cœur contre luy ne bat plus que d'une aik.
à' Arlequin lafin. tyf
Ouf! ah , je n'en puis plus. La Toifon , fe$ beaux
yeux , ■ - ' ^ '.
Mes exploits, monhonneur,lesplaifîrs , iah'g'rahds
Dieux .' ,
De mes perplcxitezla machincflotante, Cà,là, du Nord au Sud la Vi(floire éclatante, Parmy tant de lauriers, la gloire , Tes appas , Car... d autant. ...ouy ... d'ailleurs ...jepuis ..J
je ne puis pas. De mes affreux malheurs la Tragicomedie.. , , Vous voyez bien par là oac j'aime à la folie > Je lenguaine mon fier , & quitte mon couroux. Coupez , taillez , rognez, me voilà tout à v.ous» Je fuis à vos delîi s entièrement conforme,
MEDE'E.
Kc triomphe. i, v J
IPSIPHILE.
Ah rino:ra: 1
' ] A S O N.
Attendez moy fous l'ornît.
H' ilif
«7^ Scènes Françoifes
s C JE N E
I> E s ITEM.
M E D P E , J A S O N.
M E D E' E tenant la Toifon d'or^ & fuyant devant lafon,
^l Oriy m ne Panras pas ; non, redis- je, ^ tu ne l'auras pas.
] A S O N. Ah Medee , fans rancune, M E D E* E. A moins que ru Tie m'époufe , point de Toifon.
JASON.
Qiioy, ru te rebelles contre mon bras Dragonicide,Tàuràanicîde,Goiidarmicide, &: autres chofes en ide ? Ne fitfEc-il pas que j'aye gagné la Toifon pour .... M E D E* E.
Point de quartier fans la noce. Il faut paffer par là , ou par lafencftre. Ce n'cft pas ici le temps de barguigner : Me veux- tu y ne me veux- tu pas 7
JASON.
Puifque tu en es logée là , il vaut autant fauter le bâton. Mais comme le marché efl: un peu longuet, il eft bon de fçavoir à peu
ci*Arlecjuln lafort. J 77
prés tes allures, & de quel bois ni pirétens.
L£ cka^ufe. çamarchandonsricà lic.ioha*
cun y eft ppur fon compre , une fois,
M E D E' E.
Oh de bon cœur. Explique ta chance.
J A S Q N. . ,
Irem, il ne falic pas té mettre far le pied des femmes d'anjourd'huy : & td comptes fans ton hôte , (i tu me prejis pour un Sur- tout de galanterie. Item ^ point de brocard de brocard d'or , s'entend. Item , Jamais de crêtes. Tous ces tas At rubans qui pa- rent la tcfte des. femmes, gâtent fouvent la -ttfte des maris,
MEDE^E Ce n'efl: pas mal débuter. Et bicn,aprés î
. ] A SON. Item, point de grands laquais. Car toas les grands laquais de Madame , font d'Eiile dangereufe. fuite pour MonUear. MEDE'E. Courage.
JASON. Item 5 point. de matelotte au Moulin de Javelle .... Tu ris. Tais-toy donc. Dia- ble , ce n'cft pas toujours le poiHTon qui mené les gens en ce païs-la. Iteiîi , pbinc : de promenades fans moy : point de repas clandeftinsrpoint de.fricafleesà Boulogne, aux Pèlerins « au grand Turc a & à malle patres endroits où. les amis, du raary ta-
H V
Item . . . Encore ?
MEDE'E.
f 7-3 Scenci Fr^nçùtfef |
client à devenir les amis delà femmi2.Fran« r
cheraent les femmes qui vont au -cabaret . ,j
n'y vont point pour des prunes. \
M E D E' E. i
Eft-cc qu'on n'oferoit manger un mor- 3 ccau avec les amis ? hûa-l-:':.- ] ASON.
Mon Dieu! ces fortes de morceaux-là :. font toujours indigeftes j ôc le plus fiir » : fc'cft de revenir manger cJiez foy aux heu*, i r'es Bdurgeoifes. Irem , point d'accointan- | •ce avec les gens de Robe. j
s :. MEDEVE. ]
Comment ? les gens de Robe t'effarou- chent ? Je re l'aurois pardonné quand on les prenoit pour des Meftres de Camp , &: qu'ils portoient des épées , des cravattes, êc des ringraves. Mais prefenrement qu'on les a fixez au rabat &c au manteau ; ma foy' éit^ gens en cet équipage-là n'appetillènt gueves les femmes.
JASON.
' JASON.
•. Diable, c'eR un grand Item yceluy^oy.
Pointdecottericapointde commerce,poînt •de frequ'entation avec les gens d'affaires* MEDE'L
< Tu lie yeux donc voir que dcs-gueuaL |
à' Arlequin îafort. v*79
J A S O N.
Je ne veux point connoîcre des. gens qui amorcent les femmes avec l'argent , & qui offrent à point nommé tout ce que les n^a- vis refufent. Milepefte , de quelque âge quefoit un Financier , il eO: plus dange- reux que quinze hommes d'épée, M E D E^ E. Quoy ?tu prendrois de l'ombrage à\m homme d'affaires ? Tu ne fçais donc pas que ce font des dupes banales que les fem- mes amufent avec des cartes j (?c qui ne fe •font de mérite Se de réputation auprès d'el- les 5 qu'à proportion de l'argent qu'ils per- dent au jeu.
JASON. Tant pis.
MEDE*E. Tant mieux. ^
JASON. Tant pis , vous dis-)e. Diable, rien n^efl plus pernicieux pour le repos du ménage, qu'un homme qui a de i'argent à perdre. On commence d'abord p.ir eflre de moitié j^vcç une. jeune , femme. Si elle perd , on paye pour elle : quand elle gagne elle em- poche tout , & ce feroit un grand miracle il ces Meilleurs eftoient long-temps jde ïiipitié, avec la femme , (anseftre aulE de vmi\ïé avec le maiy.
Us)
'iSo Scènes Françvîjes
MEDE'E. Or fus 5 je m'en vais faire des Item à mon tout,
J A S O N. A ton aife.
MEDE'E. Item,point de défiance. Car de l'airdonc je te vois , tu ferois jaloux comme un Ita- lien.
JA SON.
Ma foy 5 c'eft un mal bien univerfel.
MEDFE.
• Item , point de jolies fervantcs. Cela tire
^\c confcquence &: . . . . ' "
JASON.
Mais ...
M E D E' E
Point de mais là deiftis. Item , jamais
d^'yvrognerie , jamais de Cormier , jamais
. d'Alliance , ny de bons Enfans.
JASON.
Il faut donc crever it foif pour t'époufer
:. MEDE'E. ' '
'-- Point du tout. Amené tes connoi (Tances
-cbez nous. L'orditiaireferabfén petrt/s'il
"■ n'y adequoy regakr deux ou trois de tes
amis .... Ta fongcs ? prends ton party.
Tu as fait tes conditions : voila les mién-
^ lies. A-ce prix.je fuis à toy avec la Toifon,
J A50N. -. - >^i
Marche fait. Touche là j je te y€UX ap-
d'^'lecjHin Jaforr, ïSu
prendre pne nouvelle. La Reine a marié Iplîphile à LicnrgLie. Ain (i nous allQis élire tous contens. Or Tas, quand parti- rons^nous pour aller en Grèce ? MEDE'E. Doucement. On ne fe mec point enche-i min le ;oar de Tes noces. Avant que de^ partir , J€ te veux donner un plat de mbn métier. ( Icj Medée frappe la terre de fa baguette. Le Théâtre s'ouvre & reprefcrf te un jardin avec des cafcades magnifiques j. Ô- quantité de figures fur des piedefiauX-
] A S O N. • Diable 1 voila ttne,belle magie , celle. là î
M.EDE^E. Ta vois , Jàfon^que je mets tout en ndige pour te plaire , Ô£<iue je n'ay pas toujours des diables à ma queue. -Qho y que Magicienne-, j'entens raiion ;» ouy , quaiid il le faut.
JASON. Malepeftcb le beau début iSans vous^of- fenfer, prenez un pe-.i vôtre baguette (5j , -nous montrez- toutes vos raretez pieee^à:
.. -pièce.
ME D E^ E. ^ '■ Il n'eftnen<iueje ne fafle pour tédi- vertir \ à condit ion que tu me traiteras cn konneile femme , au moins.
iSi Scènes Françoifts
JASON.
Oh ^ cela s'en va fans dire. M E D E^ E. Tout ce que ru vois là de ftatuës, ce font des gens que j'ay changez en pierre ^ pour m'avoir fâchée.
JASON. Ouf! fur ce pied- là je n ay qu'à charrier droit.
MED E'E. Vois- tu ce vifage couleur de pain d'épice? C'eft un Médecin qui feignoit dans le pour- pre 3 & qui m'ordonnoit l'emetique pour un mal de dents.
JASON. Fy ^ au diable I il falloit donc que ce fût quelque ignorant ?
MEDE'E Bon 1 Eil- ce qu'il v en a d'autres ?
, JASON. Et ce haut- de- chauffe à la Caudale ?
MEDE'E. G'eft un iiomme à la mode. ■^ .^ i . JASON ^,,.„,;
:. )W^niuient^ un homme a la mode } Un bon mary ?
M E D F E. Non 5 un Banqueroutier p qui m'a em- porté.cinquante mille francs. JASON. Hé pourquoy tourmenter une fi louable
dArîfiffiin la/on, , i ^5.
profeiïiôn , Il n'y a plus que ce metier-là) ck fur pour faiie fortune. Tout franc.vous n avez point de confciencc. Et ce grand chapeau^matnie ,quel mal v ous a-t- il fait? MEDE^E. Le mal que peut faire un Comédien Ita^ lien . Il m'a renditc malade , à force de me
Éairc rire.
]ASON.
Comment appeliez- vous te maroufle là?
M E D E' E C'eft le Dodeur Baloùard.
]ASON. Quoy , c'eft là le Dodeur des Italiens > Le plaifant bouffon ! N'eft-ce point aufli que vous le châtiez pour s'eftre mefté de parler François ? Hou , hou , j'ay ouy ra- ^mager quelque chofe là dellus.Et ce vertu- cradin , par où vous a-t- il fâchée r "" M E D E' E.
Par où ^ Il en eft quitte à bon marchév
JASON. Comment donc ^
M E D E' E. .: C'eft un Comédien de campagne , qui IWa ennuyée avec Tes grands roUes. i
JASON. Ho pour cettuylà , mon cœur ; je vous demande quartier... Comment diable ! 'm Comédien de campagne.Te nVen iuis melie autrefois. Hé , ce font de fi bonnes gens ,
ui^ Scènes Françotfès ''
^ûijonetit:^^. fi -belles chofes / Ma foy voUï 11:1 y ferez guace en faveur- 4e- nôtre mariage, Petrifïer<le grands Adeurs ! En- core pour ces farceurs d'kaliens , parien- ce : Mais un Comédien decampagiie ! ho ^ cela ell contre les bonnes mœurs. ^. :i ^i;. MED £' E.
D'où vient que tu t'interelfes tant pour eux?
JASON. Etmais , c'eftqi^c ce faut d^habilesgens qui charment rout le monde , & qu'on hc fçauroit entendre (ans admiration.
:--:::3 L MED E' B.
î î î - -FuifquGi rtvlés^ aimes , à ta pdere je luy
Ikis gi?ace y^k l'autre aufîî. ' j
•'■'-^ ^M ^'JASON. , y
-'>Pmir<:è Tabnrin là , au moins, je n'y
prens point de-^plart.-
MED'E*E. <€>h i.ilxfôiitique Tarn ni (lie (cm c ^^eri^falet ■-jASOISf. ^ Et fy ! vous mocquez-vous defak&gi-ace à des Italiens ? ce. font d^s miferables qui: aftiufel^ toute une ¥ilk , m>nttz furdeux treteauK-.&-ti:ois{>laiTck<^:, &qui ont rcf- ironteriede copiep lé Carrouzel avec un cheval d'ofier & quatre bougies ahtifnées au bout d'une baguette. - . ... %
(^Arlequin ^^fifÊÊt ^^ ^
<dW t'O*^ ««t^ «^^^ *sw^ ^'^^^^
SCENE
DES COMEDIENS".
Jcy Us deux Comédiens Trançoù & Ita*^ liens , cjui efloîent pétrifiez , defeendent de- leurs piedefiaux,
LE COMEDIEN FRANÇOIS , faifartr phfieurs révérences a pfon,
SEiîîneur .... J A S O N. Ah, trêve de Seigneur ! je fuis l'antipode ^e la cérémonie.
L' I T A L I E N.
^ JASON.,
.> Quoy ? les Italiens fe méfient auiïl de complimenter?
LE FRANÇOIS.
Maonanime Sei<Tneur,à qui je dois la vie... "^ JASON.
Ne vous ay-je pas dit que la cérémonie.. Tenez. Pour tout remerciment , donnez- moy cinq ou fix de ces Vers pompeux dé- layez dans le bon fejis , & q"e l'ame ta-- voure comme un précis de raifon. Et . . . là . . de ces Vers . . . enfin de ces beaux Vers c[ui vous mettent en réputation.
1 8 (? éÊÊjS certes Françoîjes
^F-l T A L I E N. Signcre yfe Vofignoria vole y ancora îo\\ le diro dé gran ver fi, \\
JASON. Vous de grands Vers ? Vous eftcs de plaï- fans fallots. C'eft bien à vous , mafoy , à débiter de bonnes chofes ! à moins que ce ne foi r pour les eftropier , ouïes rendre ridicules .... Je nefçay fi ma mémoire me trompe i mais je penfe avoir lea quelque part dans une Gazette de Hollande , qu'un certain mauvais Plaifant de.vôtre Troupe,
ncmmé Artir Arpir .... Arquir, . . .
L'ITALIEN. ^rlicchlrto,
JASON. Juftcment , Arlequin. On dit qne cet Animal-là s'eft mêlé dans je ne fçay quel- le farce , de tourner en ridicule un Empe- reur Romain nommé Titus ? C'eft bien à Iny i ma foy , de berner un homme de cet^ te qualité là ! Voyez , je vous prie , le bel cmploy de railler Bérénice, qui a fait pleu- rer toute la France , & qui fera rire d'o- refnavant les Halles &: la Friperie ! Voilà de ces fortes de chofes qui font feigner le cœur. ( au Comédien François ) A p^ropos, Monfieur 3 revenons à ces beaux Vers François , je vous prie.
â*Arl€ijuin lafatf. itj
LE FRANÇOIS. X)h grand flambeau dès CUux la clarté vaç abonde, ... ,
] A S O N. Ah 5 que cela débute bien î du Grand flambeau des Cieux i
Apres i Monfîeiir , après >
LE FRANÇOIS. J)'H'^-Grand fiamheaH des deux la clarté
vagabonde , Be fes rayons dorez perçoit l'email ds l'onde . . • .
]ASON. . Il n'y a point la de verbiage. Ces font des chofes de des meilleures, v,^. X., LE FR AN COI S. Bft convexe az.nré , lançant fts {premiers
traits 9 Teignait les fiots enants âe fes. brlUants at^ - Jr^its ,
lASON. Ah ]ernîe ! Voila ce qu'on appelle des Vers l Que dites-vous à cela , vous autres
Bafteleurs ?
LE TRAN.COIS. Lors tftte la foudroyante & terrible Hypo- lite, n -Ji
Reine dHThermh-hn-i'f&àotitahle nu Cccp-
ff * ...
JASOH
Il va bien du beau la dédains l
ïS8 Scelles Françoîfes
LE FnANCOlS. Faifoit trembler ir Afrique , & U Pvlejes
Cietàx y . • : .
En jettant la frayeur pfqu'aH Trône des
Dieux,
JASON.
Cette moelle de Vers !
LE FRANÇOIS.
Sa Nephretie^He ardeur ,. malgré tom les
obfiacUs
Enfantoit far fes cotrps l'horlfin des mrà^
des,
JASON.
' Ah morbleu^iLn'y a pas moyen.de tcnli; îà contre» ;:;:;jL;'i':r- ■;::*' 'cT'-^-'j -
Enfantoit par fe^ coups: rhorT;tÂH desml^ racles, l Avec ces grahdsjVers. là ^ on crevé de monde chez vous ? ,
LE FRANÇOIS. /I
Nous n'avons pas une ame » 5*: il iem*
Ble .HO?AT
jASOlsi:/. :)-.r,>TJA' ' Qlioy, le ferieiix ne vous amené pas tou- te la France ? j
LE FRANÇOIS. OTï qire non. Monfeignéurjon'fint roui les endroits où l'on parle raifon,
lASON. -';' ■ :, Hé bien , fi le ferieux ennuyé le. monde,, «jne ne joiiez-vous des pièces Comiques ?
j li y a alFez- -de gens qui ne cherdient qu'à
' tire.
LE FRANÇOIS. , . Heias i nous ne L'eprefencoiis autriî
£ho£e.
J A S O-N. Ouv ,mais, ce font peut- eftre des vieil- les pièces ?
LE FRANÇOIS. Pardonnez-moy , Seigneur , nous ne înettons que des nouveau tez fui le Tliea-
xzt,
] A S O N.
Et avec cela ?
LE FRANÇOIS. £t avec tout cela>nous ne gagnons rien.
î ASON. Vous ne jouez donc que pour llionneur?
LE FRANÇOIS. Nous ne jouons que pour nous tenir en
"haleine,
3 AS OR
Quel dommage?
^ LE FRANÇOIS.
Nous ne faifons plus rien depuis que les Italiens out donné Protée ,1e Banquerou- tier , TEmpereur dans la* Lune. .... I ] A S O N.
Et fy ! ce ne font que des Farces «Se des Enfilades de Qiiolibecs.
ï5>o Scènes Françoifes
LE FRANÇOIS. Et avec ces Farces & ces Enfilades Hc Quolibets ; ils attirent tout le ironde chez eux , ôc ils n'ont point de place pour les femmes. . , .
J A S O N. Qtîoy, les femmes vont voiries Italiens? Oh 3 il faut que je prie Medée de pétrifier ces canailles-là.
LE FRANÇOIS. ^ Helas , Seigneur , quand ils feroicnt de pierre , je crois qu'ils feroient encore rire J A S O N. Les femmes les vont voir / O temporà î 9 mo'/es \
« MEDE'E.
Trayment , vrayment , c'eft bien dans un jour de noces de parler Latin. Ca , ca , fongeons à terminer la Fefte par un divcr- tifîemens de ma façon. Or fus , après avoir animé des Statues , je vais animer des Ca{^' cades. ( Icy M eâée frappe de fa Baguette , les C^fçades jouent , & ternes les autres Statues defcendent de leur PU défi aux , & foyment une entrée àe Ballet. Arle<^hwy danfe ah milieu , & l'on y chante quehues Vers burlefqHes , qtiifinijjlnt la Comédie.
i9r
Gtî
SCENES
FRANCOISES DE LA FILLE SCAVANTE.
SCENE
: DE T O RT I L L O N ET PIERROT.
TORTILLON.
JE penfe que c'eft pour toun-nenrer l'homme qu'on a inventé le Mariage. Hé ventreblea 1 falloit-ilrant de pèlerina- ge , pour n'avoir que deux filles qui vcic font enrager ?
PIERROT. Je ne fuis pas comme vous 3 moy : je -m'çn accommoderois bien.
TORTILLON. Que marmores-tu là entre tes dents ?
PIERROT. Oh , je dis qu en effet , Monfîeur , vous avez eu bien de la peine à faire ces deux filles , Sz que Madam.e toute feule n'en fe- rcit jamais venu à bout.
1:^1 Scènes tra^^oifes \
TORTILLON.
Je ne fçay qu'en .croire. Car plus je| qu'examine , moins je trouve que mes fillesi( me reflemblent. Angélique ne parle quclk de Livres : Ifabelle ne fe.plaîr qn'avec desiî gens d'cpée. Quel diantre de rapport tout cela a-t-il avec moy , qui n'ay ny cœur ny .étude y Ôc qui me fait un employ de vivre Ijour^geoifement dans Paris ? Chienne de deftinée î tu m'as bien pris par mon endroit iènfible.
P I E R R O T.
Tout franc , Monfiear , vous eftes à plaindre. Il n'y a pas jufqu'au crapaut qui ,^ ne falfe Ton femblable. Cependant vous r n'eftes qu'une befte , ou peu s'en faut ; &c i^> vous n'avez pas eu le plai/îr de faire une fille aufli ignorante que vous. Moy je vous parle à cœur ouvert. A' vôtre place je me defefpererois.
TORTILLON.
A ma place, tu lerois plusembaraffé qite moy. Ah , mon pauvre Pierrot , l'étrange machine qu'une fille i Si on la tient de court, elle s'échape. A-t-elle de la liberté, elle en abufe. La veut-on marier , la voi- la Religieufe. Qti'un Galand homme la recherche , elle fe rend la proye d'uji Faquin. Toujours çrâtée de Ton mérite ; ja* mais traitable fur fes défauts : Te figurant fur tout ^ qu'un peu de jeunelFe repare , à
coup
ik de la fille Scavante. i^ 3
Kup fcur & Ta nailîKnce ôc fa fortune. Ennii vous diriez que la tefte d'une fille eft k rendez-vous de Timpertinence , du ca« pvice i & des contre- temps. PIERROT, Ma foy 5 Monfieur , je m'en dédis. Vous n'cftes pas la moitié fî befte que je peu- fois. Comment diable , vous jargonnez •eomn^e un m-erle , 6c vous arrangez cela tout au plus juftc,
TO RTI LLO ^ en pleurant. Malheureux père que je fuis !
PIERROT. H.4as , Monfîeur î là . . . . ne vous afïli- oez point. Vous ne Pertes peut-eftre pas tan'c que vous crovez.
TORTILLON. |>.Encore fi j*avois demeuré auprès de (Juel- e Collège , punence. Je dirois que la demangeailon du Latin anroit pris à ma fe-nme, 6c que la hantifc d'un Pédant au^ roit apporté cette malédiction là chez nous Mais dans le cœur de la Ville ^ morbleu , dans la rue* Saint Denis , engendrer une fille qui fait de ma maifon un attelier de Philofophie ! Non , je n'en reviendray jamais-Dans ledefefpoir où je fuis, je veux jetter tous les- Livres par la fenêtre , route la Géographie, 6c tous les inftrumens de Mathématique.
15? 4 Scènes Françolfis
PIERROT. Aha Monfîeur , quartier pour les inftru mens , s'il vous plaift. Il faut bien qu'une jeuneiFe fe di verti ilè à quelque chofe. TORTILL ON. Qu'elle fe divertllfe à fe marier .N'eft- ce pas un allez bon cmploy ?
PIERROT. C'efl: félon comme on le fait valoir.Car afin que vous l'entendiez , Monfîeur, il y a des- filles à Paris qui gagnent plus que trois femmes mariées.
TORTILLON. Si je prens un bâton , Maraut , je vous âpprendray à . . . .
PIERROT. Voilà-t-il pas comm.e vous faites , des qu'on vous parle raifon?
T O RT I L L O N. O ça 5 Monfieur le Raifonneur , vous p-aira-t-il de vous taire , & d'aller dire à ma fille que je luy veux parler ? ( Tierret s* en va , é" Tortillon le rappelUnt ) St , ft. Ne t'avife pas de luy dire que je fuis de mauvaife humeur.
PIERROT. Tout au cA>ntraire , Monfieur , je luy diray que vous eftes gay comme un pin- çon 3 éc que depuis trois quarts d'heure \ouî> me faites crever de rire.
de la Fille SçAvante^ Ipj
TOPsTILLON.
Te dépêcheras- ta ?
PIERROT.
Oh 3 je vous Taineneray morte ou vive* T O RT I L L G N feuL
Aialgré tout mon chagrin^il faut que je n^e contraigne , & qu'avec douceur je tâ- che de refondre ma fille au mariage. Car feu mon Frère ne luy ayant lailîe cin- quinte mille ccus , qu^à condition de fe marier , il feroit rude que l'entêtement liiy fit perdre un avantage fî coniidera- ble. La pauvre Enfant regarde peut-eftrc*^ un homme comm.e quelque chofe de bien terrible. Mais je fuis perfiiadé qu'à li fin elle prendra plus de pla'lîr à feuilleter un Mary qu'un Livre. La voicy. Prenons un air ouvert & gracieux , 6c ne TefFarou- chons point fui fa dodcrine.
«8^^^# '«d^ "fe^^ ^îtS^ <^^ii^ # «îtS^ SCENE
D'ANGELIQUE , DE TORTILLON, ET DE PIERROT.
PIERROT.
HE bien , Monfieur , tiz^ct que je fuîs un fi méchant Valet \ Vêla pourtant vôtre enfant que je vous amené. ( k An-
c)i6 Scelles Françolfes
gelique ) Allons , une révérence bien bas û à vôtre bon homme de perc.
TORTILLON d'un ton riant. I;
Ma cberc fille 5 je te donne le bon jour. ;l ANGELIQUE. ;:
Ah Ciel 1 ne vous déferez- vous jamais }. de vos abords populaires , qui' choquent \t l'oïeille y de qui fcandalifent le bon fens ? ! PIERROT.
Hé fy y Monfieur 5 fy i r
TORTILLON. ^ |.
Comment donc ? Eft-ce qu'un' père ji" n'ofcroit plus donner le bon jour à la i «lie ?
ANGELIQUE.
Un père extra vague comme un antre homme^quand il fe mêle de donner ce qui ne luy appartient point j parce qu'un don, fuivant les Jurircondiltes > n'cil autre cho- fequ^une tranfoiflion de propriété. Or, pour me donner un bon jour , il faudroit neceflairement que vous en fufîlez le mai- 1 tre. Il eft donc certain que la faculté in- telligible fe révolte toutes les fois qu'on luy fait un aufïï brutal compliment ; dz que pour parler jnfte y il faut dire tout uniment : Ma fille y je vous fouhaitte le bonjour.
PIERROT.
Hé fy l Monfieur ^ fy ^ fy ! ...
âe la Tille S ç avant e, ïp7
TORTILLON.
Que je fuis heureux 'd'avoir une fille d'un il bon efprir. ( en j'approchant d'elle étmUbUmem , ) Ma mie, puifque tu te cha- grine du bon jour que je te donne j je te vais faire un prefent qui te charmera, ANGELIQUE. Autre ddire , aulli choquant que le prc- \t\\Q\: \ Se lonmant vers fin père) Appre- nez 3 mon père, qu'une ameraii^onnable ne fe laide jamais feduire par l'intereft ; que la vertu feule eft capable de me toucher j que lesprefens m'effarouchent , 8c que je mc- connois jufqu*à mon pcre, quand mon pè- re eu aiîcz groffier pour vTi'en offrir. PIERROT. Hé biensMonfieur^que dites-vous à cela
TORTILLON. Je dis que ma fille a le cœur bien placé... Mais 5 ma chère Enfanl^ fi je te faiiois une propofition , l'écouterois-tu ? A N G E L I Q.U E. J'écouterayavec refped tout ce qui fera diàé par le bon fens , &c renfermé dans les bornes d'une élocution régulière. TORTILLON. Si je te difois ^ ma mie, que je mourrois content , pou^veu- . . , •
A N G E L l Q^U E. Hé 5 parlons pofitivement, laconique- ment , de naturellement.
1 iij
?pB Scènes Françoîres \.
TORTILLON. i
UéhitxïyÇi jeté di fois que je te veux rendre heureufe ?
ANGELIQUE. Je dircis , avec Pythagore , que cela eft au deffus de vos forces , ôc que le véritable bonheur dérive immédiatement du Ciel. TORTILLON. Point, point : Va je ne le feray pas def- cendre de Ci haut. ( a l'oreille. ) Je te veux donner un mary'.
A N G E L I Q^U E. j
A moy :, un mary ! un mary brutal com- | mt tous ceux d'anjourd'huy » un yyro?ne , î un jaloux ;, ViU jolieur , un débauche ï ' TORTILLON. A Dieu ne plajfc que je te'rende un /i méchant office ! Je prerens t'en donner un à ton gré. Jaimcrois mieux mourir que d'avoir gefné tonânclination. ANGELIQUE. Vous voulez donc bien vous en rappor- ter à moy ?
TORTILLON.
De tout mon cœnr.
A N G E L IQ^U E.
Cela eftant , je ne veux point me marier. Moy, je me foumctrrois aux inégalitez d'uti bourru , qui me vegardcroit comme un fe- cours à fa fortune , ou un obllacle à fon plaifîr î Point de mary , mon père , point
^e la Fille Sçavafite, iS)p
de mary. Si les filles m'en vouloient croi-- re , nous verrions tons ces animaux- là raiTipei- à nos pieds , (Se nous demander mi- fericorde. Mais la facilité de nôtre fexe les a rendus fi infolens , qu'on leur en doit de refte , quand ils s'abailfent jufques à nous épouier.
PIERROT. Ah , le bon petit gofier de fille l c'cft niordv tout cœur.
' TORTILLON.
Mais crois-tu , -mon enfant , que dans
tout le genre humain il ne fe trouvera pas
; quelque honnefte homme ? Qiiant a moy ,
il ne m'importe de quelle profclTion. En
veux-tu un de Robbe ?
ANGEL1Q.UE.
Ce font de plaifaiis mago:s , avec leurs
paperailès &: leurs écotFes pli liées ! Il faut
qu'une femme riche fe réduife toute fa vie
aux petits pieds , pour replâtrer leurs afFai-
, res. Encore le plus fouvent , le mariage
-,'ïi'eft pas fufE Tant pour payer la Charge,
On a un carreau à la vérité. . . .
P I E R R O T.
Oiiy : m.ais en récompenfe le tourne-
btoche n'a gucres de pratique. Car toute
leur mai(on eft attelée le foir tur une mife-
rable éclanche:cncore en faut-il garder un
morceau pour faire lelendemain un hachis
]e ne le fcais que de refte. ]'ay demeure
1 iiij
aoo Scènes Françoifes y
trois ans dans une de ces boutiques là, A N G E L 1 Q^U E.
Voilà-t-il pas de beaux endroits pour charmer une femme \
TORTILLON,
Hé bien, ma fille^ne te contrains point., Prens un homme d'épée.
A N G E L I Q^U E.
C'eft bien encore pis. Laplurpart font des hâbleurs , cjui n'ont ni jugem.ent ni conduite. Toujours enyvrez de leur naif- fance^ fatiguez de leur bonne fortune , oc- cupez de perruques , de livrées , de taba- tières 3 érigeant Tignorance en vertu > l'ef^ fronteric en mérite, & fe donnant par tout des airs de fufïifance & de diftindion, qui ne fervent qu'à les rendre infupportablcs, U ridicules.
PIERROT.
A tout cela il n'y a pas nn mot à ra^ Wnie.
TORTILLON.
Je vois bien qu'un Financier t'accom- n"iodera mieux.
ANGELIQ^UE. . Que vous me connoifîèz mal, mon père? Jamais Financier ne me fera de rien. Il y a trop de haut de trop de bas dans la vie de ces Meffieurs-là. Aujourd'huy , le Palais d'un Prince ne fuffit pas pour les loger. Trois i"ftois après on les trouve dans une
■ àe la TiUe Scavante, ^oï
-Conciergerie. Viennent-ils de prendre an niillion d'une inain j fur le champ on leur fait rendre de l'autre.Tantoû: opulens/oa- vent miferables , 6c toujours accablez de maledidions. }e ne (cay pas comme leur femmes l'entendent : mais poux moy j'au- rois peine à broder mes juppcs des mal- heurs du public.
TORTILLON. Sur ce pied là y ma mie , votre fœur I fa- belle profitera des cinquante mille écus que mon frère vous a donnez en faveur de ma- riage.
ANGELIQ^UE. Sur ce pied là , mon père, j'aime encore mieux un bon Livre qu'un méchant mary. Depuis trois ans que je commerce avec Arifcote , il eft à naître que nous ayons eii le moindre petit demdlé enfcmble. TORTILLON. Je conviens qu' Ariflote eft im fort kon- »eil:e homme. Mais. . , .
AN-GELIQ^UE, Mais 3 vous avez beau dire je n^en veux |)oint démordrejie hais vôtre argent^ je hais la noce , je hais les hommes, je hais l'atti- rail du ménage : tout m*en rebute, tout m'en effraye , tout m'èa fait horreur. L'é- tude au contraire >.n^a pour m.oy que des charmes ( ^un tonferitHx&pofè. \ Aditu^ înon père , je vous quitte pour aller faire
1 y
loz s f êtres Trnnçolfls ,
uns expérience de Marhemariquc. J Elh
s'en 'i/a, )
TORTILLON/»rW.-^^,
^ Ho je vous regâleray bien avec vos expe- tiences î II ne fera pourtant pas dit , Ma- dame la Philorophe , que vous ruinerez vôtre établidement pour eftre fçavanre. Malepeftc , je vous empefcheray -bien! Je ne veux point de plus habiles gens que jnoy dans ma maifon,
PIERROT((r« s* en allant avec luy, ) Si cela eft , Monfîeur ^ donnez-mo-y mon congé.
TORTILLON ( fe retournant en colère vers l'endroit à' oh An ce l'tijue efi fortie.) Comment , mort de ma vie] des expé- riences de Mathématique > quand je parle de mariage î Peu s'en fau' , coquine ^ que
je n€ t'envoye tout à Theure
PIERROT. Héfy, Monfîeur ! faut-il eilre comme cela homicide de fa vie ? Le Médecin vous a dit mille fais , qu'une mirancolie eftoit capable de vous jetter les quatre fers eii tâir.
'ft^t^
de îa FtUe Sçnvame, 20
SCENE
D^ISABELLE ET ANGELIQUE.
ISABELLE.
Qyoy , ma chère fœur, tu ne veux rien accorder à mes raifonsôc à mes priè- res ? Toujours infedée. d'Auteurs, toujours la duppe des Livres, tu précens facri fier ton ccabliirement à ta manie, &: préférer le nom de fille fcavante à celuy de femme rai- fonnable ? Po*ur moy,jenecomprcns point ra Lcrargie. Aimable , jeune , fpirituelle » riche , tu veux devenir un hibou de Biblio- thèque i de ne paroîcre dans le monde que pour l'affliger de tesraifonnemens ? A N G E L ï Q^U E. Je ne croyois pas qu'une irorveufê de vôtre âge fe me'daft de remontrances. Et depuis quand donc les cadettes prennent- elles la libe--ré de frire des leçons ? Appre- nez, petirc écervelée,que la liaifon du fang ne me rend point vos Pidaifes plus fuppor- tables. ]e fuis vôtre foeur : mais , p,races; au Ciel , exempte des fatales im prelîio nsde la vanité 6c de la coq'-ecerîe. ISABEL L E. Ah , ma petite , tu te fâches ctinn-era four, qui t'aime plus que fa vie ? Te re j;arei»
204 Scènes Frafiçoî/ès
mon cœur , que je n'ay ni l'air ni l'efpric de faire des leçons. Mais je ne puis voir mon père dans le defefpoir où tu le mets , fans te faire connoître que tort-obftination luy coûtera peat-eftre la vie» ( En l'embraf- fant > ) Hé , ma fœur , fonge qu'en te ma- riant tu t'alTures le bien de mon oncle , & que tes noces feront bicn-toft fuivies des miennes.
Tortillon parolfl , (j- écoute, A ISl G E L 1 CLU E.
Ah ! c'eft donc la noce qui vous gour- mande 5 mamignone , & qui vous fait par- ler avec tant de vigueur ? Allez y n'avez- vous point de honre , d'allervir ii indigne- ment la rai Ton à la nature , & de précipiter dans l'efclavage des fens la fuperioriré de l'efprit ? Quoy , toute la grandeur de l'ame ne peut tenir contre la foibleOe du cœur , & l''ombre d'un plaifir l'emportera fur un torrent de malheurs attachez au mariage ? Puifquevous avez du cœarjquene prenez- vous le party de l'épée ?
ISABELLE.
Ma pauvre fœur , voila bien de la mo- rale perdue : Car tu as beau dire^ma petite^ quelque ch::rmanre que foit la guerre^avec ce il faut encore fe marier,
A N G E L I QAJ E.
Ouy quand on eft fotte comme vous : ^ qu'on n'a pas refprit de comprendre
de la Fille Sçavartte» loj
.qu'un homme eft cent Fois moins que rien,
ISABELLE.
C'efl: donc que je n'-ay pas étudié. Mais.
il me femble pourtant y qu'un homme efl
bien quelque chofe,
TORTILLON à paru . Elle araifon..
ISABELLE. Je ne fuis pourtant pas toute feule de mon avis , puifque tout le monde fe marie. Ma Gceur, avec ta philofophie, querépons-
tu a cet argument h
A N G E L IQ^U E. Je répons, que 11 tout le rnonde femaric^ que tout Le monde s'en repent. ' ISASBELLE. Hé bien , je m'en repentiray avec les au- cres.,
A N G E L I Q^U E. Voilà le defefpoir d'une folle , qui ne prend confeil que de fon m.iroit , qui pallè les jours entiers à fa toilette ,0^ q^ii lallfe les beautez del'am.e en friche , pour culti- ver celle du corps avec idolâtrie.. ISABELLE.. Hé bon Dieu ^ ma petite , pourquoy cet air farouche contre le foin qu'on prend def?. perfonne ? Il me femtàe que l'amour propre a fes bornes , & que l'on. peur fajis crime edre à fa toilette , ménager fes ta- .lens ,& fe prévaloir de fa jeaceilei. Tout
20^ Scènes Trançnlfes
cela n'eft point condannable 5 quand on a
le mariage pour objet.
ANGELIQUE. A quel prix que ce foit , vous voulez donc efcre mariée > ( Tortillon fefm voir ^ & aborde Angélique, )
SCENE
DE TORTILLON , ANGELIQUE. ET ISABELLE.
- TORTILLON.
ELÎea'ralfon de le vouloir; & vouî. n'eftes qu'une fotte de Peu détourner. Scachez une fois pour tout;, que je fuis vô- tre père , de que je trouveray le moyen de^ me faire obéir. A la fin je me lallè de vos grands mots , & des galimatias dont j'ay la tefte rompue à tous les momens du jour. ANGELI'QL'E d'un ton railUur. ]e conviens , mon père , que vous pro- fitez davantage aux entretiens de Pierrot. TORTILLON. Tairez^vouS;,inrolente:Je penfequc vô- tre orgueil vient jufques à moy } (en ta^ rne-naçant defon bkton ) Par la mort de ma. vie
ISABELLE. De grâce , mon ^^erc , ne vous empoi-
de la £ille Servante, 2.07
tcz point. Ma foLatr n a pas delfein de vous
offenftr.
ANGELIQ^UE. Volis mocquez-vons , vna fœur ? Le Ga^» limatias n'a jamais ofTenfé perfonne. TORTILLON. Ecoute, tu me poulie à bout : mais je te jure que tu feras mariée ; ou je feray" ta fœur fi grande Dame , que tu en crèveras
de dépit.
ISABELLE. Dirpenfez-moy , mon père , de profiter de la difgrace de ma fœur.
PIERROT entrant tout efaré..' Ah s Monfîeur Jl y a je ne fcay quoylà'
bas qui vous demande.
A N G E L I Q^U E. Que veux-cudire avec ton Jeneiçay quoy ? Eft'Ce un accident ? une H-ib^dnce r- Un eftre matériel ? ou un efbe de rairoVi ? P I E R R O T. Vous nous la baillez belle , ma foy,avec vôtre fubfiftance ? Je vous dis que cela eft: comme un phantofme. Cela pleure , cela eft vêtu de noir. Tant y a que cela derna^.- de à vous parler.
. .TORTILLON. Ne feroit-ce point une Veuve qui a tani toft envoyé deiT^andei' fi j y.eftois ?
ZO:S Scènes Françoifes
PIERROT.
Oh , fi c'eft une Veuve , elle eft bien, af- tigéerCar fon vifage eft auffi nok que fon habit:
TORTILLON.
Fais- là entrer ( Pierrot fort, ) ISABELLE.
Ne feroir-ce point aufîî de ces gens dé- guifez qui vont le poignard fur lagorcre demander de i ^argent dans les mâifons Al en court terribiement, ANGE L 1 Q^U E ^/z regardant fa fœur avec mépris.
Les petites âmes s'effrayent de rien. ISABELLE.
Ma fœur , point de comparaifon fur" ie courage. Vous tÇo^s fcavante , & puis c'efl k tour.
f ï ERROr , y! R LE QJOIN en
Veuve , er îe^ mtfmes AFUt^ri' d^ U
S et ne preLedcnte.
P 1 F, R Pv G T.
Voilà cette chofe noire , Monfieur^ nui; vous a demandée. r <-. - ^ ...
hKLE O UlhUn pleurant.' .,
Ah ! ah. ! ah ! Monfieur Tortillon, je fTii^ minée..
TORTILLON. Elle a perdu ^uel^ues proccs,YoIontias^
èe la, Fille Sçavmîe^ lOj;^
A R L E Q^U I N.
A la fleur de mon âge, voir mourir enti'e
mes bras un mary qui a dix mille écus de
renre 1 Ah t ah ! ah ! quelle angoiire.Mon-
fieur , quel defefpoir î
AN GELlQJOE kpart. Il n'y a pas-là tant de quoy pleurer ,D'au- îves s'eii rejouu'oient.
TORTILLON. Madame, ferois-)e allez heureux pour pouvoir foulajrer vôrre douleur ? .,^ ARLEQUIN.
t Ah îah-lah! Monfieur , je fuisincon-
folable.
TORTILLON. En ces rencontres- là , Madame , il faut avoir recours à la raifon.
A R L E Q^U I K. Il n'y araiibn qui puilfe tenir contre
Ah ! ah l
ISABELLE. La pauvre créature me fait pitié.. PIERROT.
Franchement ^ il y a de bons cœurs àt femmes !,
TORTILLON.
H faut efperer Madame , que le temps....
A R L E Q^U 1 N.
ime
Trois mme ans ne meconfoleroient pas* TORTILL ON.
Si le temps ne peut rien, la conûderaiLoa
1 1 0 Scènes Françoifes
de Meflieurs vos enfans doit .... ARLEQ^UIN. Ce font y mes enfans , Mon/îeur , qui m'airaffinenc. Les Coquins me difpiuent mon douaire , que j'ay il bien gagne. ( De toute l* étendue de fa voix ) Ah i ah ! ah ! C'eft pour en mourir.
A N G E L I Q^U E. ]e voyois bien que cette fe^-nme-Ià pleii- roit trop fort pour aimer fon marv. A R L E Q^U I N d'un ton tr/nc^HÎ!le, Mon clier Mûnfie-jrTortillon.puis qu'oi\ n'ignore de rien chez vous , faites-moy la grâce de me dire bonnement , dans com« bien de mois je pourray me remarier ? Ap* parenimenc cela eO: re^lé par laCoutume» VIEKKO Ta part. Le trompeur animal quUme femme / Je croyois, ma foy , que cette carogne-là pleuroit fon mary.
TORTILLON vers An^ellcjue. Coquine.voila les affrons où tu m'expo- fes avec ton Latin, {fe tournant vers Ar- leijuin. ) Madame , je n\ay point de honte devons dire que je n'ay pas étudié, à peine fçay> je lire j & que 'm >a\ employ ed: de gouverner doucement mon petit ména- ge. Mais voila ma fille aînée^ii n'ignore de rien. Angélique . filuez Mllame, & luy rendez raifon de ce qu'elle vous demande. ( k Arlecjuin ) Je vous lailîè parler de vos
de la Fille S^avanfe. m
Sffaires en liberté., ifabelle faivez-moy ,. &: qu'il ne vous arrive plus , fur les yeux de vôtre tefte , de vous laiîfer corrompre ' par vôtre fœur.
ISABELLE. Je fçay trop lerefped que je vous dois pour y manquer.
Tortillon & Jfahelle fartent. A R L E Q U 1 N a^réi quelques cérémonies muettes yi\^e'jant auprès
Ma belle Den^oifelle, piu* quel bonheur les Loix fpnt-<Uesr.tombéesen quenouille? Ah que je Tçiy bon gré à feu mon mary d'eflre niort I ['aur me donner occaritôn de vous dPiiTuher ! ' , . . ,A:NGELl«Q-UE.
Je ûiy fçay bien meilleur gré de vous avoirre'ndu en mourant laliberté que vous luy aviez imprudeçaiti^npAçrifiée le jour -de vos noees. ^7 :->-^fi'/.'--i.: • ^. '
' ARLEQ;^ in. :>: -..^.:;
Que dites-vous-là , rvl-idemoifelle ? Ja- mais femme n'a elle plus libre que moy en paroles &c en adions.
=, ANGELIQIJE. Et cela ne cléplailoit point à Monfîear vôtre naary ?" ;
ARLE^qUlK tf. . Tout au cou traire , il enchairoit me3: ■ rottiies comme de^ Oracles, de n avoit p^s
1 1 1 Scènes Fratipifès
de plus grâd plaifïr que quand il me voyoi folâtrer avec tout le monde. Vous croyez bien que cela n'alloit pas au criminel ?
angeliq^ue.
Qiioy , il n'eftoir point jaloux ?
A R L E C^U I N. Un galant homme ne fe mêle point d'un (i vilain métier. Sçavez-vous qu'il y a du ménage à n'eftre point ploux ? Quand on s'en rapporte aveuglement à fa femme , jamais elle n'enabufe. Elle verra peur- eftre par préférence un amy ou deux qui prennent foin de luy plaire : Mais quand lemary fait le malingre, & qu'il haraiïe une femn?e fur le choix de fes viiltes & de les connoiOfanccs j ma foy on ne luy iàit point de quartier. Une femme mutince le vange autant de fois qu'on fe iéÇio, d'elle.
A N G E L I C^U E.
Selon les apparences , Madame , jamais ces fortes de rancunes ne vous- ont pris, A R L E Q^U I N..
l'eulTe efté bienmalheureufe î Grâce an Ciel , on ne m'a jamais contrainte. J'ay joiic , j'ay fait des parties, j'ay écrk des bil- lets , j'ay couru le bal, j^ay donné des rendez-vous, j'ay fait des voyages, j'ay vendes hommes tant que bon m'a femblé t jamais Monileur de la Duppardiere n'y a
de la FiHe Sç^vaiUe, 1 1
i^iouvé à redire. Oh , c'eftoit un vrny hom- :: lie pour une femme.
ANGELIQ^UE. Qiund vous Tauriez coiTim.andé ex- prés . . , , ^ ARLEQ^UIX Ah 1 ah ! ah l ( en fe laïjfam aller»
ANG ELIQ^UE. Ou'avez-vous , Madame? Vous trou- vez-vous mal ?
A R L E Q^U I N. Ah , ma chère Demoifelle , c'efl une va- peur de noces qui me prend toutes les fois que je penfe a mon pauvre mary. ( En fe frotant les yeux avec fin mouchoir ) Mou cher cœur , je ne te reverray plus i A N G E L I Q^U £. Le malheur n'eft pas grand. ARLEQ^UlN. *Tel que vous ine voyez , Mademoifelle, j'ay eu dix-fept en fans ; & fi il n'y paroift point à mon vifage , comme vous voyez. Croiriez-^vous que je n'ay jamais accou- ché , que mon mary ne m'ait tenu la main pendant tout mon travail ?
ANGELIQ^UE. L'horrible fondion.
A R L E QJJ I N. Il me difoit fi affedueufement : Qiie ne puis-je te foulager du m.d que, je te fais louiFrir ! Helas le pauvre homme , il par-
m
z ï 4 S certes Tran^oifss
loit à coup fcur : Car il n'ell que trop via que je fuis une honneile femme. AN GELIQ^U E. Quoy, Madauie , le grand nombre d'er fans ne vous a peine rebutée du mariage i ARLEC^UIN. Vous mocquez-vous , Mademoifelle C'en eft la friandife. De bonne foyjcela n vous donne-t-il point quelque peu d'ap petit pour la noce ?
ANGELIQUE. Non 3 je vous alfure. Cela nVcn donne iroit plutoft de l'horreur. Il me lemble Madame , que vous eftiez venu icy po confulter quelque chofeî
A R L E Q^U I N. A propos 5 vous avez raifon. C'eïl qu< l'amour de mon mary , ma entraînée un peu loin. Oh ça , parlons à cœur oi| vert. Par vos fages confeils ne pourrois-je point m'emparer de tout le bien de mon cher mary , fans en rendre compte à mes en fan s ? Diable , il a lailfé deux cens bons mille écus j & avec cela, comme vous pouvez croire , je fcrois bien - toft re- raariée.
A N G E L I Q^U E. C'eft: à dire en bon Fiançois^qu'à l'exem- ple de beaucoup de mères , vous ne feriez pas fâchée de tirei: le bien de vos enfaiis par devers vous 2
de U Fille Sçavafîte, 1 1 j
ARLEQ^UlN.
Tadement.
ANGELia^'E.
Vous irertre en poiredion de tout fans
iTiifericorde ?
A R L E Q^U l N.
Ah , qne vous devinez jufte ! A1SIGELIQ.UE. '•• Vous remarier à un jeune homiT!e',(?r pour ÏVcncr^crev à une joyeuie reconnoiilanGe, ' vous'ncvinanqueriez'pas de luy donner une ^partie de vôtre bien en l'époufanr ? '^ ARLEQ.UIN.
Non. Je luv voudrois tour donner. ANGELIQ^UE. ^Et que feront vos enfans , Madame ? A R L E Q^U 1 N. Ils prieront Dieu pour moy , de ne leur avoir pas laide de bien pour kur épargner des procès.
A N G E L I Q^U E. Allez, mère dénaturée,vous cacher pour jamais. Pierrot', ma fœiir , quelqu un , ve- nez me délivrer d'une Megere H abomina- ble.
A R L E QJJ I N. . Tout ce vacarme-la tire un peu fur les étrivieres. Décampons de peur d'accident. Mon pauvre ^nary , mon cher pttit hom- me , ne te verray-je ^plus Ui fin en fleu- rant*
i3-iS S en. a frar^-flifes
SCENE
VE VEN RO LLE ME NT.
ISABELLE en Caphat^ie, MEZZETIN Sergent,\j^ TAMBOUR. TORTlL- LON. LARCEN Cl£L , am^ de Tor- tillon^
ISABELLE en grondant Mez.Z.ettn,
ECoutez^Sergentj fi i-natecriic n'eft faî- te dans rrois joiirsafans autre forme de procez , je reprens la halebarde. Coniprez là- de (lus.
MEZZETIN. Voilà fine belle récompenfe à un pauvre diable qui fe crevé à vous faire des foldatsj Eû-ce ma faute , à moy , s'ils definenc ? ISABELLE. Le premier de ces vnarauts- là qui regar- dera le pas de la porte ,brûlez-luy moy la tcfte d'un coup de pîftolet. Cela fera peur aux autres.
L'ARC- EN-CIEL à Tortillon. Voilà un cadet qui ne redèmble point mal à vôtre fille.
T O RT I L L O N. Vous verrez que ma femme la mène ce foir à quelque alTemblée. ( vers Ifabélle )
Ma mie ,
!"
àe la Fille Sçavante, lî?
Mamie,rii commences le Carnaval de bon- ne heure : car il me femble que les maf- cjues ne courent gueres pendant r.Autône, ISABELLE ( vers Mez^etin. ) Hé ouy , les mafques !
MEZZETIN. Le vieux fou ! ( Mezzettn lâche un tonr^ billon de fumée dans le vifa^e de i*j4rc-en'CieL r ARC-EN-CIEL. Ah / jefuisenalouty.
ISABELLE. Il n'y a plus que vous en France , Mon-^ (îeur l'Arc*en-Ciel , qui n'aimiez point le tabac.
MEZZETIN ( vers V^rc-en-Ciel. ) Ma foy , vive la pipe î c'efl: le falut du Grivois.
TORTILLON. Dis-moy donc, ma fille , avec qui cours- tu le bal ?
ISABELLE. Avec une armée de foixante ou quatre- vingt mille hommes^que je vais joindre fur le bord du Rhin.
MEZZETIN. Nous allons faire un carnage de diable. L'ARC-EN-ClEL ( a Nreille de Tor^
îillon. ) C'eft fur cette fîUe-là que vous faites re- pofer toutes vos efperanççs ?
K
i 1 8 Scènes Françotfes
TORTILLON. Avec une Armée de quatre-vingt mille hommes î Oiiais î que veut dire tout cela ? ISABELLE. Pour faire cefTer vôtre furprife , fcacheza mon père 3 que la moleire & l'oifivecé des femm.es m'ont donné une telle averfion de mon fexe , que ne le pouvant changer , je lâche du moins de le dégu-ifer par mes ha- bits Ôc par mes adlions. Et comme la muet- te efl la véritable école de la gloire , en at- tendant mieux je me fais d'abord Capitaine d'infanterie.
TORTILLON. riaift-il ?
rS A B E L L E. Oiiy morbleUsCapitaine d'Infanterie; Sc je prétens que toutes les femaines la Ga- zette fera m^ention Ôc de m.on courage Se de ma conduite. L'ARC- EN-ClEL ( e» montrant le doigt à Tortillon , & fe r/JDCijftant, ) Une fille douce ! raifonnable .'
ISABELLE. O ça > de bonne foy , mon pere^ne con- viendrez vous pas qu'un chapeau retrouifc me coiffe infiniment mieux , qu'un atti- rail impertinent de rubans Se de cornettes? qu'une plume a toure une autre grâce que les montagnes de rayons qui allongent la taille des femmes ?
de la Fille Sç^vaftte^ % î •
TORTILLON.' Dieu me le pardonne , la cadette cft en- core plus malade que i'ainc'e.
MEZZETIN rentrant brufijHement, Le père de Jolicœur , mon Capitaine , qui apporte trente Louis d'or pour dé?u- _gerfonfils ?
ISABELLE. C'eft un fou. A moins de cinquante , il n'y a rien à faire.
M E Z Z E T I N. C'eft ce que je luy ay dit , moy. Je luy vas diablement river Ton clou , avec Tes Trente Louis. TORTILLON /f/ larmes anxyeux^
vers l'Arc-en-CteL Mon compère ^ que je fuis malheureux en enfans t
L'ARC-EN C lEL. Point du tout. C'eft une fille qui n'a d'autres voîontez que les vôtres.
TORTILLON vers Ifabellc, Ma chère fille,je voy bien que tout ctcj n'eft qu\ine gacjeure pour te réjcd.r.N'eft- il pas vray ! Mais plaifanterieà part, fçais- tu , ma belle , que je fonge tout de bon à te marier ^ & que je te deftinc un des plus jolis homn:es. ....
ISABELLE. Hé fy i Réyez-Yous de me faire une
2.ZO Scènes Françoifes
aulTi brutale propontion ?
TORTILLON. tZommeiit donc ?
ISABELLE. Quoy je palTerois , comme les aunes femmes, les deux tiers de ma vie devant|un rnkoir ? Je ferois toujours occupée d'en- -fansjdc nourrices , de meubles , de Jup- pes , de dentelles , de fichus , de parfums , & de Toutes les drogues qui font la félicité ou pour parler plus juflejamifere de nôtre fexe? Non , non , mon père , non , j'ay Pâme plus élevée. Je ne bleife les hom- mes qu'à bons coups de piftolets. Je ne porte d'odeurs que celles de ma réputation j & de peur de m.e mes- allier , je n'époufe- ray jam.ais que la gloire des grandes adions. Dites la vérité , vous ne croyez pas avoir mis tant de cœur dans le corps d'une fille î 11 n'y a mordy point de périls que je n'affronte , pourveu qu'il y ait de l'honneur à gagner. De la guerre , ven- tre-bleu, de la guerre , pour me diftin- guer l
L'AROEN-CIEL a Tortillon, C'eft un mouton ^ qui fe fait une joye de vous obéir. -^-.- :^^DUi.. -
TORTILLON.
Non, compère a ce font quelques va- peurs qui la tourmentent Tâchez , je vous pne ^ de l'amufer, pendant que je vais dire
de la fille Scavafiie* s i 3
à ma femme de la mettre au lit, ( vers Jfa* belle ) Ma mie , je ne te dis pas adieu. Je vais dans mon Cabinet chercher un colle- tin de buffle , (Se des parem.ens de piftolers brodez de femences de perles j dont je te veux faire prefent. Jamais^ Capitaine n^en a porté de ïi beaux,
ISABELLE k Tortillon. N'auriez-vous pas quelque fabre d'a- cier de Damas ? Je n'en ferois , mordy :r point à deux fois pour abbattre une tefte. TORTILLON ^/2 jV« dUnt, L'efprit d'une (î fage créature ne peut eftre tourné en (i peu de temos.
LARC-ENGlELi rahelU, Dites donc , ma belle voifîne, eft-ce tout de bon que vous ne voulez point vous ma- rier ? Prenez garde au moins de fâcher Mon (leur vôtre père,
ISABELLE. Ah , l'Arc en-Ciel , que je t'aime avec tes remontrances ! O ça j vieux Coquin , ës-tu bo-n à quelque chofe ? Me voudrois- tu bailler deux cent Louis pour achever mon équipage ? Je vois déjà à ta mine ufu- riercque tu aimeras mieux les prefter fur gages 3 au denier trois.
L- AKC-EN-CIEL. Si j'en avois , ce feroit ma foy de bon cœur : Mais comme vous fçavez , mon fils me ruine.
K iij
i2i ScefJés Frafiçolfer
ISABELLE.
A propos 5 on dit qu'il copie aflez bien k Gentilhomme , ^ que le nom de Baron, ne luy mefîied point. Il a beau faire y il faut avec cela deux Campagnes pour le de- crailèr tout à fait. Mezzetin ? M E Z Z E T 1 N. Mon Capitaine ?
ISABELLE. Ilmefemble qu^il y a long-temps que j^ay foif. Fais-nous apporter une tranche de jambon. Monfieur TArc-en-Ciel ne fera pas fâché de boire un coup de vin à la glace ?
L' A R C-EN-C I E L. Jaiitois volontiers cet honneur- làrmaîs^,.
ISA BEL LE, Qu'eft-ce à dire, mais .... Vous boirez, -«3 a foy, 5c dans mon verre encore. Allons^ vire 5 une bouteille de vin cîe Champagne^ L'ARC EN-CIEL. ' EVirpenfez-iTîoy de cela , je vous en prie» Il faut que je fois à quatre heures dans là Salle du Palais , pour régler un petit compte avec un Marchand de b«nncts qui tient de moy une Boutique. ISABELLE. Un Marchand de Bonnets ? Ah, vous ne iTie refuferez pas une grâce ? ( vers Me^ ^etirj, ) St , ft. ( <« l*Arc-en'Ciel ]e ) vous prie , Mon (leur , achetez-moy un de ces
de ta Fille Sçavantf. 22 $
beaux bonnets debroeard d'or ., bordez de fourrure. J'y mettiray jufqu'à trois Louis, que je vais vous bailler y s'enrendiGar fans ar<^enr , les commifîions ne font point agréables. ( en luy mettant trois Louis d'or dans la main ) Tenez > Mon/îeur l'Arc-en CieL Qu'W foie des mieux étoffez >& des plus à la mode , je vous en prie." L'A RC-ERCIEL. J'y feray tout de mon mieux , & je vous le porteray de main à vôtre lever. ISABELLE. Ne vous donnez pas cette peine-là.Mon Sergent l'ira demain prendre chez vous» MEZZETIN. Moy ? je ne fçai^ point les mes j & puis )e n'ay point de m-emoire. Jamais il ne me fouvicndradc ce diable de nom là. A moins que je ne l'écrive fur mes tablettes. Monr iîeur, l'Ar...l'Ar...l^Ar...
L'ARCENXIEL. L'Arc- en-Ciel , rue Cocitrix.
MEZZETIN. Lar... Cor... lie... dy... tris... Diable env porte , il j'en puis venir à bout. L' ARC-EN-Cl EL. Donnez , donnez , je vous en épargne- ray la peine , ( il écrit fin nom O' fa rné ) l' Arc-en-CieUruc Cocatrix. Vous ne f^an-»
K iiij.
\ai4 Scènes Fr an çoif es
fiez manquer. Tous les enfans du quar- tier me connoiiïenr.
L'ESCHALOTE^ Ifahelle. Voila la femme de ce Fripier qui a fais cnroUer Ton mary.
ISABELLE. Qiie diable me veut-elle ?
L* E S C H A L O T E. Elle vous apporte vingt piftoles^pour ne lu y pas donner Ton congé.
ISABELLE. Encore trois femmes comme celle-là} je Wettray ma foy ma Compagnie à cent hom- mes. ( a fj^rc-en-Ciei) ça mangeons un petit morceiu en liberté, \enfe mettant a table ) Allons nôtre cber ^mets-toylà, à côté de moy. L'Efchalore ?
L'ESCHALOTE. Mon Capitaine ?
ISABELLE. N'entens-ru pas à d^my mot ? du vin à MoniicurrArc-en-C/el.
L'ARC-EN.CIEL. }e fors de boire , Miaemoifelle. il n'y a pas demie- heure que je fuis horsvdc table. ISABELLE. Ah , que de façons ! ( Elle le fait afeoir,) Nous autres Gens de Guerre , nous ferions bicïi-tofî: fur U litière , fi nous ne man- dions à routes les heures du jour. ( On apporte deux verres , l*Hn à Ifabelle &
de U Fille Sçavante. ^2.5
rautreàl'Arc-en-CteL ) Allons iVoifui^ii tafanté,
L* A R C-E N-C I E L. A la vôrre , pareillement. ISABELLE an La^^uais yl*épee àlamain^
Maraut , à qui tient-il que je ne te palfe mon épce au travers du corps ? Prcfentct:. un verre Tans le rinlTer \
L'ARC-EN-CIEL. Oh quartier , Monfîeur , je vous en prieî Le verre eft plus net cent fois qu'à moy n'appartient.
ISABELLE s^étant affife. Nements point , vieux l*Arc-en-CieI> combien y a-t-il que tu es marié ? L'ARCEN-CIEL. Trop pour mes péchez î . .
ISABELLE. Ta femme à la raine d'eftre un peadîa- blefTe ^ ouy ?
L'ARC-EN-CIEL. Tout l'enfer enfemble n'eft pas flméj- chant.
IS ABELLE. Novons ces chagrins-là dans le. vin. Al- lons J'Efchalotejà boire à Monfîeur TArC'' en- Ciel.
U ARC-EN-CIEL. 3e penfe que c^eft le mieux. ( // prenait verre ) Derechef à ce que vous aimez^î
K V
2.X6 Scènes Traticoîfes
isabell'e.?
Je n*aîme ma foy que la guerre. A pro- pos de la guerre , ne dit-on point de nou- velles ?
L'ARC-EN-CIEL. - -; On dit , ma foy , que nos ennemis ont de malins vouloirs. Mais à bon chat , bo», rat.
ISABELLE. Oh que je te fçais de gré, vieux fou de tes, colibets ! Va 5 va , pagnotc , dors en re-^ pos. Nous avons un Maître qui les menc- rat bon train. Allons , beuvons à fa fanté^ LTfchalote , du vin à Monfîeur PArc-eiif Ciel?
L'ARC-EN-CIEL. Ah , de tout mon cœur. Viftc , une ra-
ISABELLE.
Allons , mordy , j'en fuis avec plaifir.. ( on lenr appgrte chacun un verre de lin.)- L^ A R C-E N-C I E L/f levant.' A la fan té du Roy i Mon Capitaine, je: vous la porte.
ISABELLE^ part.. îl ne penfe pas fi bien dire. Et moy , je vous en fais raifon , à rouae bord , comme VOUS voyez. ( ihfe r'ajfoicnt ) Et bien,, que. diccs-vousdcmonvin ?
L'ARG^EN-ClEL. Il cilddickux^
de ta Fille Sçavante, 117
ISABELLE.
Qii'on nous apporte un petit morceau de
Parmefan^avec un SaucifFon de Boulogne^
L'Efchalore, à boire à Monfieur l'Arc- en*
CieL
L'ARC-EN-CIEL. Malepefte , comme vous y allez i Je ne fonge pas que mon Locataire m'attende Allons, c'eft le vin du chevaL ( après avoir heu* ) Je. m'en fuis.
ISABELLE. D'un beau brocard 3 au moins , je yoas fin prie ?
L^A R C-E N-C I E L, LaifTez-moy faire. Il n'y aura rien de trop beau pour yows,{apayt) Pauvre Mon- fieur Tortillon, que je te plains de n'avoir engendré que des folles 1 ( // s'en va, ) ISABELLE. Mezzetin l
M E Z Z E T I R Mon Capitaine ?
T S A B E L L E. Qii'on -ille un peu tantoft rqoiiîr Mbîiw fc du Bourgeois , & qu*on l'amené xx drapeau tambour bnttant.
MEZZETIN. J^aiSjp Monfieur .... ^"^'- ISABELLE. 'Qa*eft-ce a dire ,' mais r
K vj
£i8 Scènes Fravçoîfes
MEZZETIN.
C'eft à dire que tous ces enrollemens-là
nous porteront guignon , Se qu'à la fin le
Sergent & le Capitaine pourront bien. . ..
ISABELLE ( courant npréj luy un pfiolet
à la main )
Ah poltron , tu répliques à ton Offi- cier ? Par la mort { Me^^etîn fuit:ell&
le couche en joue. Il tombe de peur,
MEZZETIN roulant fur le Thektre.
Miiericorde î ]e fuis mort. ISABE L LE.
Pour me faire obéir , il faudra que je tue* cinq ou fix hommes par échannllon.
SCENE
DV PROFESSEVR D'AMOVR, ANGELIQUE fe,Ae , fur un Ut de rep
ayant plujj^urs Lhres autour d'elle.
N'Y a-t-il qne lafoliru.^e qui puilFe ga- rantir nôtre fexe de l'impornuiiré des liommes ? Ah , le maudit eftat que celuy d'une fille î A chaque pas , à chaque mo- ment. Te voirexpofée aux fades ô: langou- reux difcours d'un t-as,d"érour.1is,qui n'ont que l'amour pour étude, & l'oiriVÊté pour employîQuand le malheur veut qu'on foie aborde'e par ces forces de gens , vous n'en- tçndcz auprcs de vous qu'un ramage de fou-
os
delà Fille Sçavavte, 119
pirs, une grefle de plaintes : Ma chère ,mon .aimable , roa reine , ell-il poflible que ma
douleur QLioy ? ma perleverance &
ma lendrclFe Ah (i jamais mon mar- tyre .... Et puis on foupou die routes ces foitifes d'un peu de deferpoir j Se voilà les hameçons où fe prennent la plufpart des filles,qui font alfez focres pour prefter l'o- reille aux bagauelles. Qiiant à moy, je fais. fi rebutée de la fadaife j j'ay une telle hor- reur de l'amour , ^ une Ci forte averfion pour les hommes, c[ue jamais .... non ja-
mais. • . «
PIERROT. ANGELIQUE. PIERROT entrant brufcjuement y & allant A Ange\i(]Vie* C'eft ma foy ce coup cy , qu'il en faut découdre. Vous n'avez^mordy, qu'à affiler
vos couteaux.
AN GELIQ^UE. Qu'eft-ce que cela veut dire. Pierrot ?
PIERROT. Cela veut dire , qu'il y a là bas un hom- me . Parbleu , c'eft un mai (Ire homme» ANGELIQ^UE. Qiioy , jamais la terre ne fera purgée de cette malédiction -là ?
PIERROT. Qii'ay-je affaire , moy , de vos maudif- foiis \ Tant, y a que c'eft un compère qui
2 5 (j Scènes FrançolÇef
fcairmons^: merveilles. Il demande cmn* ine cela, s'il pourroit avoir une concliifion avec vous ? Non , non ^ je me. trompe^c'eil une confervation»
A N G E L I Q^U E.
Tu veux dire une converfationl PIERROT.
Ouy à propos , c'ell comme vous dites. Dame on a refprit tarabuftc de tant de for- tes debefognes ^ qu^lesmors ne viennent pas foLVS le pouce comme on voudroii. ANGELIQJJE.
Et encore , Pierrot , quelle forte d'hom- ïne eft-ce ?
PIERROT.
Ceft un homme qui a un nez au vifage, & qui vous va diablement donner votre refte. Son valet m'a dit.au'il enfeisinetout plein de curiohtez, & qu'il vous montrera plus de chofcs dans un quart-d'heure 5 qu'un autre ne fera en trois ans. ANGELIQUE. Quelque antipathie que j'aye pour les Hommes , je ne laille pas , quand ils font fçavans , de les trouver fupportables. Puis qu'il eft 11 habile j va le faire monter.. f Tierrot s* en vn. ) On pe u rifq'oer un quart-d'heure avec des %tns d'une capacité extraordinaire. Qiielque petit qu'en foit le. profir^on efttcûjours faffi famimentdëdoni* ipagée. de fon temps -<3c- dç, fon atteiiiiQJCi^
àt U Fille Sçavante^ zji
/RLEQ^UIN Profefeur À' amour y h - z^ija^e découvert * habillé proprement
à la Franç4)ife, ANGELiq^UE, PIERROT.. PIERROT<« Arlequwyen iuy montrant Angélique. Tenez , voila cetre créature qui n'ignore de rien. Efcrimez-vous avec elle. A R L E QJJ 1 N après avoir conjîderé Angélique, Ah Ciel ! eil-il poflible qu'un cfprit & cultivé habite une fi2;ure fi négligée ? ANGELIQ^UE. Vous rendez juftice , Monfieur , à mon délabrement. Mais vous n'ignorez pas que les livres & la toilette font fort incompa- tibles, & que pour peu qu'on s'abandonne; à l'étude , il faut renoncer à l'ajuftement.. ARLEQUIN. Vous errez dans te principe , Mademoi- fellc ; & je vous foutiens qu\ni air dégin- crandé efl: la marque infaillible d'un mérite foouche y de d'un fçavoir capricieux.. P I E R R O T. Voilà ce qu'on appelle , river le clou comme il faut. ( Fers Angeliijue , ) Dieu: nous dévoie cet homm>e4à,pour vous met- tre à laraifon.
ANGEL1Q.UE. le m'accommoderois fort de fa franchife*.
t^-i Scènes Trançolfes ,
Selon moy , rien n'ell plus tuant que ces
loueurs de profeiîîon , qui nous brident le
nez de nôtre mérite :, & qui nous font la
honce de nous raconter en face tous nos
talèns.
A R L E Q.U I N.
Pour ne point abufer du temps Ç\ cher & fi précieux , oferois-je vous demander, Mademoifelle, quelles font vos occupa- tions > quels Livres vous. lirez.& de quelle manière vos lieures font partagées ? ANGELIQ^UE. Pour vous en faire un détail exa(fb , je vous diray , Monfieur , que je dors très- peu.
A R L E Q^U I N. Tant pis !
ANGELIQ^UE,
Que j'étudie beaucoup.
A R LEQ^UIN. Encore pis l
A N G E L I Q^U E. Et que la Philofophie eftanr ma paiîîon- dominante , j'ay totrjours devant les yeux Seneque , Ariftore , Socratc ^ ou quelaue amre fameux modèle de la fa^eilc, A R L E Q^U 1 N. Toujours de pis en pis. Hé i^/ , Kfade- moifelle , vous ne lifez que des Autheurs à beurieres. Ces trois homm.es-îà eue vous tenez de nommer , ont plus gâ:c d'efpiitS;,
de la îuiïe Sça'vanie. i^^
que tous les Livres du monde n'en ont fa- çonnez.
PIERROT. C'ed pour cela que je n'y ay jamais fourré mon nez.
A R L E Q^U 1 N. Pauvre fille ! que je plains le temps que vous avez perdu à feuilleter tant de vieux Bouquins \
A N G E L î Q^U E. Apparemment, Monfieur, vous ne venez chez moy que pour m'infulter l ARLEQ^UIN. Je n^y viens , prodige de nos jours , que pour rendre hommage à vos lumières , &: pour vous convaincre que toutes vos fcien- ces enfemble ne valent pas la feule cliofe que vous ignorez.
PIERROT. Monfieur efi: franc du colier. Il vous parle avec aiFeclion.
ANGELIQ^UE. Mais puifqoe les grands hom.mes vous paroi Ifent fi méprifibles , oferois-jejMon- fienr, v^ou-s demander à mon tour qui vous eftes, &: qu'elle eO: vôtre profeffion ? A R L E QU I R Je fuis , trop aimable rçavanre>un Ope?; rateur infaillible pour les fradares de ia raifon,ppur les diilocations deTeiprit^pour les entorfes du bon fcns , Ôc geneialemeat
1^4 Scènes Françolfes
pour tous les mauvais plis qu^an cceui peut prendre ou par ignorance ou par tem- pérament ', c'eû: à dire en un mot ^ que î'apprivoife les humeurs Farouches par la delicatefre de mon art , & que par la dou^ ceur de mes precepres ,j1nhnac l'amour aux âmes les plus glacées,
ANG^ELIQ,UE. Qiiay, Monfîeur,vous voulez perfuader que Pamour s'apprend par relies ? ARLEC^UîN. Infailliblement.
A N G E L I Q^U E. Qiie vos préceptes peuvent déten-niner une ame à la tendreîîè ?
A R L E Q^U I N. Sans difficulté.
AN GELIQ^UE. Et en combien d'années faites-vous ces \ fortes de miracles ?
A R L E Q^U I N. En deux petites leçons.
A N G E L I Q^U €. En deux leçons ! Pavouc que je n*a)^ jamais efté curieufe : mais )e la deyiendrois volontiers pour . , .
ARLEQ^UIN. Je vous cntens. Vous voulez eftre mon ccoliere ?
ANGELIQ^UE. Pour peu qu'on aime l'étude^, on cft tou-
àe U Fille SçavATite^ rj/
purs bien-aife d'apprendre quelque chofe de nouveau.
ARLEQ^UïN.
Ca,commençons par vous nettoyer Pef- prit , & par chaiîer toutes les préventions ridicules que la ledure vous a données^ Car la première de mes maximes eft , que l'amour Se la philofophie font incompati- bles.
ANGE LïqUE,
Suivant vôtre doctrine , il ne faut donc point de raifon en amonr "i
A R L E Q^U I N.
A vous dire vray , elle n'y fert pas de gA-and' chofe. Car d'abord que nôtre pen- chant nous porte à aimer quelqu'un , toiis lesargumens font inutiles pour nous en dé- tourner. Un feul mouvement du cœur a plus de crédit fur l'ame, que les galim.atias de Sencque & d'Ariftote.Vous jetterez tous ces gens-là au feu , (i-toil que vous pren- drez gouft à mes leçons.
ANGELIQ^UE.
Je ne fçay point ce qu'il arrivera : mais je prens déjà beaucoup de plaifir à vos ex- prefïions , qui n'ont point cet air fauvage que je trouve dans tous les Autheurs. ARLEQUIN.
Fy ! ce foiit des brutaux qui n'ont jamais aimé*
i5^ Scènes Françoifet
ANGELIQ^UE. Vous croyez donc que Taraour donne la police (le ?
ARLEQ^UIN. Je vous dis que c'eft une lime douce, quil ufe peu à peu tous les défauts 5 & qu'un; filet de paflion donne un certain luftre aul difcours , une bonne grâce aux manières^! Je paiïc bien plus avant. Je maintiens qu'une Damoifelle occupée d'une tendre amitié , en paroift mille fois plus belle 6c plus aimable.
ANGELIQ^UE. Oh pour le coup , vous poufTez la ga- geure trop loin. Qiioy ? il feroit poffîble: qu'une fîUe devinft belle à mefure qu'elle deviendroit fenfible ?
A R L E Q^U I N. Comme je parle à une Fille Sçavante , je ne veux que trois paroles pour vous con- vaincre. N^eft-il pas vray , Mademoifclle» que le vifage eft le miroir de l'Ame ? ANGELTXiUE. Rien n'eft plus certain. ,^j
A R L E Q^U I R Ne convenez- vouspas qu'une ame enfe-s velie dans la froideur , communique aitj.|j vifage une efpece de Ietargie,qui rend tous,-^ -les traits inanimez, & qui jette une indo- lence infuportable dans toat le reftc de la; perfonne ^
de la Ff'Iie Sçava^ftf, 237
ANGELIQ^UE.
^ 'Cela me paroift vray-femblable. ARLEQ^UIN. Tout au contraire : une feule étincelle l'amour , allumée à propos dans un jeune œur j rend l'imagination plus prompte , 'efprit plus aifé , la converfation plus ani- mée , les yeux plus brillans ^ ôc répand fur tout le vifage ce je ne fçay quoy vif ô*: touchant , dont il eft impofTible defc def-
fendre.
ANGELIQ.UE^/7^rf.
Depuis que je fuis au monde , je nVy en- core veu perfonne s'expliquer avec tant de facilité. ( rers Leandre ) Vous devez avoir bien des Ecoliers, Monfieur ? Car il eft peu de femmes qui n'apprennent volontiers à aimer pour devenir belles, Moy, par exem- ple 5 cioyez-vou6 que je fuife plus aima- ble , (î j'avois moins d'averfîon pour les hommes ?
ARLEQ^UIN.
Je ne vousquiiteray point que vous n'en foyez convaincue.
ANGELIQ^UE.
QiToy , fur le chamxp vous m'allez faire devenir belle ? Il n'y a pas de magie , au moins y à vôtre doctrine ?
A R L E Q^U I N.
Rien de plus iimple , rien de plus natu- rel p rien de plus ordinaire. Commencez ,
.2. 3 s Scènes Frarrçoîps
s'il vous plaifl: , par vous fahe apporter un
de vos plus beaux habits, ôc tout le refte ck
l'aiuftemenr.
ANlîELIQ^UEe Volontiers. Mufcadin 1
MUSCADIN Laquais. Mademoifelle ?
ANGELIQ^UE
Dites qu'on me vienne habiller. { f'ert
Leandre ) Mais à quoy , bon Mon^eur^cc
preparatif?
A R L E Q^U 1 N. Vous ne fçavez donc pas que l'amour fuit les gens mal propres , & qu'il faut eftrc fur le bon bien pour le recevoir ? AN GELIQ^UE. Jevov bien que j'ay très -mal employé Tnon temps , 5: que j'ignore les choies les plus necenaires. ( La femme de Chambre €ntre») Toinon habille moy. { Elle pajfi fin manteau , & s* habille dans le moments puis parlant à Leandre^ ) Vous voyez comme je Cuis obeïlTânte ?
ARLEQUIN. N'oubliez pas un colier , des bracelets > & beaucoup de rubans de couleur. A N G E L I Q^U E. Sans vanité , j'en ay de payables.
ARLEQ^UIR îl faut avec cela quelques mouches.
de h Fille Sçavante, 139
ANGELIQ^UE. :>• Fy ! rhonible chofe î
A R L E C^U I N. Croyez confeil. Meitez-en feulement fept OLi huit. Les mouches n'olFenient pas la bien-fcAnce , quand on en ufe modé- rément. ANGE L I Q^U E en mettant quelques
mouches» J'obeiray jiifqu^au bout,
A R L E QU I N. Voila ce qu'on appelle une Ecolîere du grand air 1
ANGELiqUJE. Tout de bon ;, me trouvez -vous à vôtre
^grc?
A R L E Q^U 1 N.
Je ferois d'un goût bien difficile. Prenez 'la peine de vous remettre dans vôtre fau- teuil 5 & vous fou venez feulement qu'il faut nVécoutcr , me croiie, 6c me répondre -^fi bonne foy ^ fuivant les mouvemens de vôtre coeur.
A N G E L I Q^TJ E. %. ^J Setienfem.ent , Monfieur , il j^aime> de- viendray-je plus jolie ?
.ARLE Q^U N. pf^ Vous ne vous reconnoîtrez pas: Je m'en ' vais vous parler j comme feroit un homme qui auroit allez de bien , 6c allez de me-
140 Scènes Frafiçâtfes
rite pour vous pouvoir recliercher en ma-
ge
ANGELIQ^UE.
' La fortune me fouche peu , & je fuiVi beaucoup plus fenfible au mérite. Ain(l^*j Monfieur, parlez comme de vous , & n'em- pruntez les fentimens de perfonne. : ARLEQUIN .( fon chapeau a la main -, & dtun ton fort refpe[ÏHetix ) Puifque vos bontez préviennent moai attente,&: que vous permettez à mon cœuc- ^ s'expliquer de toute fa tendrelTe > il ne donnera point dans les hyperboles ridicules ^ui alFaifontient d'ordinaire les déclarai tions des Amans : il ne luy cchapera ni de- fefpoir 3 ni fanglots , ni martyres ... *
A N G E L I Q^U E. ^
Toute viande à duppe î
A R L E 4U I N. Ces grands mots ne font mis en œuvre ue pour étourdir les âmes vulgaires , qui e laiiTent charmer de tout ce qu'elles n'en- tendent point. Mais l'infaillible eloquen-/ ce pour perfuader un cfprit aufîi éclaire que le vôtre , c'ell la (încerité avec laquel- le je rends juftice à tout ce que vous valez Je n'employé que mon eftimepour mériter la vôtre.
ANGELIQUE. C'eft joliex à. coup fcur 1
ARLEQUIN.
l
Ii- ÂeTa Fills Sçavante, 24 1
ARLE<4lJlN. Et s*il arrive un pur que je parvienne ^l'honn-eur de vous plaire. Jamais vous n'éprouverez d'inégalité dans mes hu- tneur , jamais de contraiieté dans mon fen- timens , jamais de relâche dans mon ar- <leur,
ANGELIQUE. Si cela eftoit vray , Monfieur , cela fe- Toit bien rare , & en mefme temps bien -doux I
A R L E Q^U I N. Quoy, vous me faites l'outrage d'en douter?
ANGELIQ^UE. On doute volontier d'un bien qu'on fouhaitte.
ARLEQUIN. AhjMadame , traitez plus favorabkment ma bonne foy. Croyez que ma bouche eft le fidelle interprète de mon cœur , de qu'aucune de mes adions ne démentira la pcrfeverante attache que j'auray pour vous le refte de ma vie.
ANGELIQUE. Quoy ? fî j'eftois vôtre femme , vous m'aimeriez toujours ?
ARLEQ^UIN. Qiie vos fcrupules font cruels î Ouy > charmante Ecoliere , je vous aimeray tou- jours. Mais vous n'ignorez pas que de
24i Scènes Fran^olfes
tous les fupplices , le plus cruel efl: celuy d'aimer feuL A mon exemple ^ vôtre cœur deviendroit-il fenlible , èc pourrois-je me fiater d'autant de tendrefle que je vous en promets ? Ma belle > vous détournez vos yeux. Vous ne me répondez rien. Ahlfans doute i ma leçon commence à vous en- nuyer !
A N G E L I Q^U E.
Tout au contraire, Monficur , je m*ap- perçois que j'en profite peut-eftre trop, & que mon filence répond aifez jufte à ce que vous me demandez* Toinon ? TOINON.
Mademoifelle >
A N G E L I Q^U E,
Apportez mon miroir. ( ^prés s'eflre re- gardée , &faijarjt un grand JQupir de joye , elle Je tourne vers Leandre , ^ luy dit tendrement : Ah le bon Maître • ARLEQ^UlN.
SêJTois-je aflëz heureux. . . . ANGELIQ^UE.
Vous eftes allez heureux pour m'avoir tenu parole. Ouy , je conviens de bonne foy , que je fuis plus jolie dés la première leçon. Quand me viendrez-vous donner la féconde ?
ARLEQ^UIN.
Vôtre heui-e fera la mienne.
à& U Fille Sçavantf. 24?
ANGELIQUE, Hé bien , revenez demain matin,
A R L E Q^U I N. Tres«»Volontîers.
ANGELIQ^UE, Non, non, Monfieur. Ce foir, s'il vous t>laift.
A R L E Q^U I N. Encore mieux.
AN G ELI QUE. Ou bien , Ci vous vouliez , à l'ifTuc du dîner. Enfin , vous ne fçauricz revenir trop toll : pourveu que vous me teniez ce que vous m'avez promis. ARLEQUIN. Le temps vous en fera éprouver mille fois davantage.
ANGELIQUE. Adieu 5 Monfieur, jufqu'à tantoft. Mais foyez ponduel , au moins.
A R L E Q^U 1 N. Pourrois-je négliger une li belle Se fi bonne Ecoliere ? Ah l'heureufe leçon î Amour , feconde-moy jufqu'au bout. ( // fort.
ANGELIQUES Toinon. Toinon >
TOINON. MadeiTioifelle?
A N G E L I Q^U E. Dis-moy , de bonne foy. Comment me trouves-tu ? L ii
"^.44 Seenci Frarjçoîfes
TOINON. Ah i Mademoifelle, vouseftes charman- te j & je ne vous ay jamais vcu fi belle. ANGELIQ^UE. Allons , Toinon , jettes-moy tous ces diantres de Livres-là par la fieneftie , ou fais-en ton profit.
TOINON. Mademoifelle^ eft-ce quelque vapeur qui vous prend ?
ANGELIQ^UE. Que ta es befle , avec tes vapeurs ! Ap- prend que l*étudcm*avoit gâté le tein , & que fans le lecours de cet honncfte hom-, nie qui fort , j'allois devenir laide comme un hibou. C'eft lui qui remet mon vifage fur pied.
TOINON. Le bon Dieu le conferve ! Mademoîfelle, s'il vouloit avoir cette charité 'là pour moy. ...
ANGELIQ^UE. Voila qui eft fait , je l'époufe ce foir. 11 me fera belle j il m'aimera toujours : N'eft-ce pas pour cftre heureufe ? Oh, Mademoifelle ma fceur , avec vôtre bra- voure 5 vous ne tenez pas encore les cin« quante mille ëcus démon Oncle. Il faut avoiier que j'aurois été bien fotre de m'en- ferm.er le refte de mes jours avec Seneque & Ifocratc.A ce que je voy, la vraye fcien-
de la TlRe Sçévanie» 1 4/
c^d'tine femme > c'eft d'eftre belle. L'cm- de & les Livres ne fervent ^u'à la rendre infupportables.
^ S? Se «fê S? c^ • ^ Se Se «îi Si cfe «ë «S
V
s CENES*
FRANCOISES
D' A R L E Q^U I N
MERCURE GALANT,
JÎRLE Qj) IN EN MERCVRE ,
raconte plu/leurs nouvelles a fdplter ,
farmy lefqHelles font les fuivantes : .
DES ANTI P ODES.
CEs gens-là fouhdrteroient avec im- parience de fçavoir , fi c'cH: eux , ou fî c'eft nous qui vont la tefte en basj 6c les pieds en haut»
DE BARBARIE, Le Sultan Barbet , Quatrième du nom , /furnommé le Barbu, a défendu à tous Bar- biers, de quelle qualité & condition qu'ils
L iij
i 4 ^ Scènes Trançoifes
foient y de rafcr la barbe aux Eunuques cîe fôn Sérail 5 à peine d'cftre mis entre les înains du Sieur Barbeau le Qiieftionnaire , & mourir dans l'eau froide.
DE PARIS, Un Sergent au Chafteler^ a prefenté Re- quefte , à ce qu'il foit défendu aux Comé- diens Italiens de ne plus joiier Ton nez à la Comédie. Il a voulu engager la Commu- naïué d'intervenir pour prendre Ton fait & caufe ; mais elle n'a pas voulu; parce qu'il n'y a point de Sergent qui ait le nez fait comme lu y.
'd'EST A G NE. Ces jours palTez, dans une Fefle de Tau- reaux 5 un homme s'étant prefenré pour combattre un Taureau extrêmement fu- rieux 5 on fut cronné de voir ce Taureau humilie devant luy;6<: comme on cherchoic la caufe d'un effet fi prodigieux , on fçiir que cet homme efioit miarié à une fenime d'humeur galante > 5^ que fa refte eftanc mieux armée que celle du Taureau , cet animal luyavoit témoigné fon refped (!?< fa fourni fîîon.
à'iArlequtn Mercure Gdatit, 247
P L A I D O Y E*
EN FAFEVR DES "PETITS PlMtons y Orphelins par la mort de leur Père le Diable : Contre Proferpine leur Mère,
A R L E Q_U I N pUiàant.
L'Emphafe & l'Exorde eftant prefque toujours l'ornement d'une méchante caufe ; j'entre à corps perdu dans la mien- ne , & m'écrie d'un ton piteux & mélan- colique ; Le diable eft mort. Eft-il rien de plus furprcnant ? Le diable a fait unTefta- ment : Eft-il rien de plus libre & de plus ordinaire : Le diable m'en fait l'exécuteur: Qiie pouvcit-il faire de plus judicieux ? Sa diableife de femme difpute le Teftament : Quelle malice / Grippimini luy preftc Ton fecours : Quelle friponnerie ! Deux grands moyens dans cette caufe : La méchanceté d'une femme ; la friponnerie d'un Proca- reur. Hefiterez-vous, Meilleurs, à pro- noncer fur ces deux chefs \ Rien de plus méchant qu'une femmeiL'experience vous l'apprends Rien de plus ruineux qu'iin Procureur: Il faut n'avoir jamais plaidé pour en difcon venir. Giippimini , MeC*
L iiij
^4^ Scènes Trançolfes
fieiirs 3 Grippiraini .... Ton nom (ait foîï
portrait. ]e paiTe au détail de ma caufe.
Feu le diable d'affreufe mémoire , vou- lant mourir en bonne odeur , & lailfer à fa famille des marques de Ton naturel & de fa tendrelTe y a fait un Teftamcnt : mais un Teftament vêtu &: revêtu de toutes fes for- mes. A l'égard duTeftament^il eftoit d'âge com pétant. Il eftoit maitre de fes biens, de fes volontez & de toute diablerie. Quant au Teftament , n'y a-t-il pas mis tous les ingrediens nccelTaires pour le rendre vala* ble& folennel ? Ignoroit-il la chicane ^ luy qiu l'a mrfe dans le.luftre où nous la soyons aujourd'huy ? Apprehendoit-il la. fcrpriie des Procureurs & des Avocats^ luy qui leur fournit tant de moyens pouraf- faiïiner la yc.ïiizt du fond , parla rigueur lîela Forme, & pour fau ver , quand bon leur fem.ble , l'irrégularité de la Forme par k feul mérite du fond ? Pouvoit-il pécher contre les Loix & la Coutume > luy qui les fait par tout interpréter à fon gré ? Se dé- fioit-ii de fon crédit parmy les Juges , luy qui les corrompt trop fouvcnt par les fol- licitatioris & par l'intcreft ? Ah , Meflîeurs Pluton n'eft pas un diable manchot dans lesafi^îres. C'eft un Père équitable , qui veut que fes enfans faifent du mal à tout le genre humain , fans que le genre hu- main leur en pulife rendre. C'cll un Père
à'AriecjHin Mercure Galant, 2.49 fiurpris par la mort , 6c prellé par l'amitié , qui épanche fur Tes enfans en expiraçit, tous les crimes dont ils doivent eftre capa- bles. Beau naturel , Mcflîeurs I Belle teri* drelfe l -<<-,-, >v
LE JUGE.
Mercure , venons au fait. Le Teftametit eft-il en bonne forme 2
A R L E Q^U I N.
Je le foutiens , MeilîeuKs j bon & dans la forme > & dans la matière. Ceft un Teftament écrit fur la peau du plus malin diable qui ait jamait efté^ corroyé. Tefta- ment écrit fur la peau d'un diable blanchi dans l'ordure & dans la chicane / le diray je , Meflieurs 1 C'eft un Teftament écrie fur la peau d'un Greffier. Quand le men- fonge & la calomnie voudroient noircir cette vérité, les griffes feules démentiroienc la calomnie & le menfonge. ( Il montre unepeati ijuil tient dans la main , au'^c quatre coins àe lacjH€lle\font a^ h aï re griffes de fer bUtnc , & fur laquelle eft écrit le Teftament, ) La Loy,Paragraphe,7.Digefte 1 y. femble n'avoir eftc faite que pour nôtre efpece , Ex ungue leonem. C'eft à dire. Mefïïeurs,que le lyon fe connoiftpar l'on- gle , & le Greffier par la griffe. Venons à la forme» Le Teftament dont il s'agit eft entièrement écrit & paraphé de lamàin'du defFunt : première formalité. Il eft reconnu
L V
1^0 Sccnes Françoî/es
pardevaîit deux Notaires > au dc/îr de îa CoLitumc de Paris : autre formalité. Mais> Meffieurs, ce qui fait la validité du Tefta- ment oIographe,& ce que je vous prie tres- humblement de remarquer jc'cft que le def- funt fait mention exprclîè de Tinditution ^'héritier , qui eft formelle au corps du Teftamcnt. J'épuiferois le Code & les Pan- deâ:es.
GRIPPIMINI Vinterrompt bruf^Htment^
ARLEQ.UIN.
Laiiîez , lailTèz, Grippimini, hé laîlFez. Voilà qui eft admirable ! un Procureur in- terrompre un Avocat à l'AudiencelEn ve- tité, Melîîeurs, je n'y connois plus rien ... Il parlera encore ?Hé laiiïèz , laifFez.Con- tcntez-vous de tourmenter les gens dans vôtre étude , Se ne nous venez pas icy in- comm.oder en plaidant. Puifque ces Mef- fîeurs me font l'honneur de m'enrendre y c'eft bien la moindre chofe que vous vous taifiez quand je parle ! ]c ne vous ay point interrompu , moy , je .vous ay bien lailfé parler. ( // reprend le fi de fon difcours, ) J'épniferois le Code & les Pandectes, /î je lapportois icy tons les textes qui parlent de teftament. Aufïî bien nos Lcix ne font que trop ufées depuis le temps qa-*elles fer- vent en de pareilles conteftations. Qi_'el- ^u*un me dira peut-eftre , que les quacrc
^Arlequin Mercure Galant. ijr Plutons pour qui je parle, fonr i9^v.s ex dam- riata conjunSiione.. Ah de grâce , Me{îieurs> n'agitons point cette perilleufe queftion. Vivons vous & moy dans la bonne foy fur ce chapitre. Combien les Souverains per- droieni'-ils de fujets , fi tous les en fans de leur Royaume n'eftoient faits qui par ceux qui ont droit d'en faire ? Combien y au- roit-il de fucceiTions vacantes , sll ne fe trouvoit des amis charitables qui portent des héritiers dans les familles qui en ont befoin ? Mes pupilles font venus confiante matrîmonio. Voilà , Meiïicurs , ce qui éta- blit leur eflat Ôc le vôtre. Voilà ce qui décide du repos public ; &: voilà ce qui m'acharne à foutenir le Teftam.enr. Qiioy > pour favorifer l'avarice d'une veuve , vous laiiTerez courir fur la terre habitable les pe- tits Plutons comme de pauvres .diables? Auriez-vous laconfcience de les voir fans train & fans équipage, eux qui font rouler tant de mon Je à Paris ? Non fcrar^i ^^^- P^' tUr. Puifque leur père me les a confiez > je ve-'x qu'ils entrent de bonne grâce dans le monde, & qu'ils y paroilfent comure des diables de leur qualité. J'établirai raifnc auprès des femmes , &Lle rendray iï com- plaifant^c fi perfuafif, qu'elles publieront par tout qu'il a de l'efprit comme un dia.- ble. Te iTiettray le fécond avec les Gens d'affaires , les Ufuriers , & les Marchands, s
251 Scènes Vran^oijes
afin qu'il foit un diable de tout métier. Le troifiéme fuivra le Barreau , &: ne fréquen- tera que des Procureurs pour eftre quelque jjour un diable en procez. Je jetteray le quatrième dans l'Epce 3 où je prctcns qu'il faiïè le diable à quatre. C'efl: de cette ma- nière qu'un Tuteur honnefte homme doit veillera rétabliflemcnt 3c àTéducation de fes mineurs. Je conclus , à ce qu'il vous plaife débouter Grippimini de fa demande hc le condamner à une violente réparation pour certain mots de fripon , que je retor- que contre luy , avec ce bel axiome de Py- tagore. Procnl hinc , procul efio profiint, Pares cumparlbus, Odifrofanum vulgns^ Vixi
de la Cattfe des Fmmes. if^
Ah i'u ;;
«ti 6ti ctî) ^ tftti cfè STî) • cl^ fffï 6ii fffe ci;) en
encra
S CENES
FRANCO ISES
5 DELA
Câ.USE DES FEMMES.
SCENE
B V MORE.
ISABELLE, COLOMBINE^
A R L'E Q^U I N en More.
ARLEQUIN klfabelle^
UN Page de mes amis m'ayant fait con- noître , Mademoifelle j que votre équipage abboyoit après un More, j*aurois fait confciencc de tarder plus lo-ng-temps à vous venir offrir m-cs petits fervices.. rSABE LLE. Que Tçais-îu faire mon enfant >
A R L E Q^U I N. Le bien 6c le mal , félon l'occaiîon^
IS ABELLE. Tu as 4e l'efprit à ce que je vois l
if 4 Scènes 'Fraftçolfès
A R L E Q^U I N.
C'^n eft une bonne marque , de chercher à demeurer auprès de vous. ISABELLE.
Puifqne tu fçais dire des douceurs , tir' eutens bien apparemment , quand on te parle par fignes ?
A R L E Q^U I N.
AlTarément , Mademoifelle. Sî-tofl: que je vois qu'on fouille dans la poche,je m'i- magine toujours que c'eftpour me donner de Targent,
ISABELLE.
Vien ça , More j c'eft qu'il ne m'arrive prefqne jamais de parler à mes gens : Je craindrois trop de m.e fouiller par leur en- tretien. C'cft ce qui fait que je ne reçois perfonne à mon fervice , qui n'explique à point nommé tous les fignes dont je puis m'avifer , & jufqu'au plus petit laquais, je demande ane inrelligence parfaite de tou- tes fortes de geftes & de arimaces, A R L E Q^Ù I N.
Ah pour les grimaces , j'y fuis grec , oir peu s'en faut. J'ay fervi fans contredit les premiers grimaciers du Royaume. Mais l'endroit où je me fuis le plus perfe(S:ionné c'eil: chez deux jeunes Abbez qui me pri- rent à tour de rolle à leur fervice : Ak la^ belle école pour un yakt 1
àe la. Caufe des Femmef, 2 j|
ISABELLE. Tu en es donc forti bien fcavant ?
A R L E Q^U 1 N. Diable, ce^ii'eft pas fur le pied de laquais ^ue vous me devez regarder. En cas de be* foin , je vous Tervirai joliment de femme de chambre.
ISABELLE. Ta capacité s'érend elle jufqucs-là f
A RLEQ^UIN. Hé , je crois que quand on a fèrvi des Abbez , on fçait Se au delà , tout ce qu'il faut faije auprès des femmes. ISABELLE. Quelle eft la chofe où tu rendis le mieux?
A R L E Ç^U 1 N. Ma foy , Mademoifeile , c'eft; dommage que vous n'ayez tant foit peu de barbe > vous avoueriez bien-toft qu'il n'y a point de trait d'arbalcfte que je ne furpalfe en vi- tellè s quand j'ay le rafoir à la main» ISABELLE. Le folâtre ! Sçais-tu faire de la pafte pour les mains ?
AR LEQUIN. Voilà une cho^e fort difficile ! Pendant tout le temps que j*ay dc:r euré avec le Che- valier Faquinet, il ne s'ell: point fervi d'au- tre pafte que de la mienne, il me difoit quelquefois que toutes les femmes de fa connoiirance5( 6c cela alloit bien à b moi-
'tj6 Seenes Frafjçotjes
îîe de" Paris , ) ufoient une parte qui les deirechoic d^'ane manière qu'on euft pris leurs bras pour des bacons de cottcrer^ Pour la mienne, elle entretient la peau dans une fraîcheur qui donneroit envie de pati- ner à'Unehomme de quatre-vingt dix ans, COLOMBINE. j
Cela eft admirable.
A R L E QU I N.
Je fais encore un certain fyrop qui em-
λorteenun cli* d'oeil le plus fin refeau que a petite vérole la plus endiablée puiile tra- vailler de gayeté de cœur fur un vifagej & )ecompofe de certains fards qui font à l'é- preuve de l'air , du Soleil , de la pluye yôt des baifers mefme appliquez par des Fla^ mans*
COLOMBINE^ IfaheJlf. Voila un trefor , Mademoifelle !
A R L E Q^U I N. 3*ay en main cinq ou fix vieilles de qua- lité éc des plus dégoûtantes , qui feront foy qu'elles ne payent plus que demie pen- fion à de jeunes cadets , depuis qu'elles fe frottent de ma pommade. Je voudrois de tout mon cœur vous voir decrepitcz l'un & l'autre , pour vous donner le plaifir de voir vos denx teins favonnezde ma façon, COLOMBINE. Nous nous palTerons bien de cela*.
de U Caufe des Ternmes, 2^7
ARLEQUIN.
Sçavez-vous que c'efl: moy qui ay donné rinvcntion d'un certain petit inftrument d'yvoire ou d'acier , que j*appelle à bon droit le furet des Nouveautez , & la fenti- nelle ordinaire du Théâtre î Malepefte 5 il n'y a rien de plus fouverain contre les Co- médies à la glace» Cela eft fî vray , qu'un Auteur a beau paroi tre veftu comme un? Amadisjapoftropher fuperberaent la morr^ te morguer les deflinées au plus jufte ; fans refped de fa perruque & de Ton cimeterre à la Romaine, dés qu'il commence à m^af- foupir ijc luy coupe rafibus la parole > & s'il fait mine feulement de broncher, je re>- çois bien- tôt main-forte de vingt écors des plus glapiiiaiir , qui efcoitent fans mi- fericorde le pauvre diable de Comédien jufques far les frontières du Théâtre. G O L O M B 1 N E.
Il eft trop diverti liant \
ARLEQ^UIN.
Croiriez^vous, à me voir, que je me méfie aulîî de faire des Vers ?
COLOMBINE.
Dis la vérité. Combien te valent par an les Menuets du Pont- neuf ?
A R L E Q^U I N.
Fy 5 ma mie / Cela eft bon aux Invalides du Parnalîe , de s'amufer à des vaudevilles. Vive la Satire, morbleu, c'eft là où je m'at-.
ij8 Scènes Tran^oîfes
tache uniquement. G'eft le Thermomette
de la raifon , & la béquille du bon fcns .
eftropié.
ISABELLE. M
N'as 'tu point fait encore quelque Cri- tique condderable ?
A R L E QJJ I N. Ma foy , je fais grâce à bien des fotSjde- puis que je m'occupe à cloiier une Préface a un ouvrage fort patctique dont un de mes confrères menace le public.
ISABELLE. Comment le nomme- t-on , cet ouvrage paretiqne.
A R L E Q^U 1 N. Les Aphorifmes d'Hypocrate en verà Burlefques.
C O L O M B I N E en riant. Les Aphorilmes d'Hypocrare en vers Burlefques ? Ah 1 ali î ah .'
A R L E (^U I N. Pour moy , comme je ne veux pas me brouiller avec l'Academie,je ne produis pas un ïota de tout ce que je fais. Cvainre pourtant que ma modeftie *ne faiîè moifîr deux petites pièces que j'ay en poche , je vais les mettre un peu à Tair : ça , gageons que vous allez vouloir devenir tout oreilles COLOMBINE. Qiîerçais-ta fi Ton eft d'humeur à /e- cour et >
de la Caufe des Femmes. ifp
ARLEQ.U1N.
Voicy pour vous rnertre en gouft.{// //'/;)
Recette peur avoir à coup féar des enfans.
ISA BEL LE.
Ah Colombine , quelle abfynthe pour
nos oreilles î J'entrevois là dedans une
cohue d'obfcenirez.
A R L E Q^U I N. Eft-ce que ce titre ne parle pas aifez François ? Voicy quelque chofe de plus.
I S A B E L L E fn /«^ arrachant U pièce des mains , ^ U donnant à Co-
lortjpirje.
Vois vifte> Colombine, fî cela eft au ni- veau de la p'jdeur ?
COLOMBINE.
Bon î Ne faut-il pas /accommoder aiî temps ? ( Elle lit : )
PROTOCOLE D'VN DAMOISEJVy
oit le portri^lt fidciie des Pajfe-volans de la Galiîntsric^
Aujourd'huy'quele fcxe aisément s'accommode Des gens qui fçavenr badiner j On ns doit pas trop s éronu^r Si Içs Abb"z font à la mode.
Car,ou'eft ce qu'un Abbé dans le temps d'apieùnfj C'eft un fmtour de bagatelles , Un tilîu de chanfons nouvelles , Un petit coquet tour plaifant.
Qui fçait du coin de l'ongle ouvrir la tabatière > CarelTer fon peut colet , Tourner fon caftor de manière^
X(yo S Caftes TPrançùifes
Qu*il faffe toujours le goder. Entendant fur tout à merveille^ A laiffci entrevoir un petit bout d'oreille j A fe mordre de temps en temps Par manière de palTe temps Une îcvre qu'il tâche à rendre plus merveille. Affedant de rire de tout Pour montrer qu'il a les dents belles : Se plaignant qu'il ne peut rencontrer de cruelles ; Pour avoir le plaifir de les poufler à bout. En garde dans les Tuilleries , Pour éviter un pied preft à crotter le fien :
Faifant fon cours aux Comédies r Où , foutcnant à l'aife un doucereux maintien , Son œil voltige autour des Adlrices jolies ,
Et les has ne luy coûtent rien. Voilà de légers traits de la delicateiTe Où nos petits collets font prefque tons tombez, Avoiions donc que la molle/Te Eft l'appana^c des Abbei.. COLOMEINE a^rés avoir IL Cela s'appelle an laquais univerfeL
A R L E QU I N. Fy 5 ma mie , avec ton laquais ! ]e prë- tens bien eftre Thomme de chambre de Ma- demoi Telle.
ISABELLE. Sarquel pied prérens-tii entrer chez moyî ARLEQ^UIN. Sur quel pied ? Ma foy , fur l'un & fur l'autre.
COLOMBINE. On re demande combien tu veux de ga» ges?
I
de la Caiife des Femmes. 16 1
ARLEQ^UIN.
Je gagnois chez le partifan d*où je fors
cinquante ccusj Tans compter ce qu'on me
donnoit pour mon vin , & pour fifïler des
linottes*
ISABELLE. Pourquoy en es- tu forry ? ^
ARLEQUIN. Pour de petites niaifcrics , des bagatellâS qui ne valent pas la peine qu''on en parle. ISABELLE. Mais encore ?
ARLEQ^UIN. Mon Maître s'imaginoic que j'eftois d'humeur à me lailîer cajoler par fa fem- me , parce qu'un jour en revenant de la Douane , il la furprit qui me donnoit de petits foufïlets.
COLOMBINE. Cela eftoit dangereux , au moins.
ARL^EQUIN. Moy donc voyant qu'on me mettoît de- hors , j'en voulus fortîr j &: c'eft à cette fortie bienheiireufc que je dois attribuer l'avantage que vous allez faire à vôtre ferviteur.
ISABELLE. C'eft bien mon deifein. Mais auparavant il faut avoir Tagrcment de mon père , de fçavoir le nom du Partifui , pour s'alkr ^nquerirde toy. Ou loge- 1- il ?
zéi Scènes Fratrçoifes
ARLEQ^OlN. Dans la rue de la Femme fans tefte, Ma- ^moifellc.
ISABELLE. Il fe nomme ?
A R L E QU I N. MonfieurTirepartout . Mademoifelle.
■* I : A B E L L E. C'eft alTèz ^ m.on enfant. Tu n'as qu'à revenir tanroft.
A R L E Q^U I N. Adieu donc , Mademoifclle. ( A Celom^ hine , ) Adieu bonne pièce. ( En revenant vers Ifabelle ) Si par hazard on vous alloic dire chez ce Parti (an,que j'ay la main fub- tile> je vous prie de croire que je ne fuis pas homme à fuivre les mauvais exemples. ISABELLE. - Qiie cela ne t'inquiète pas. Je vais par- ler de toy à mon père.
A R L E qU 1 N à Coiomhine. A tes heures perdues , cinq ou iix dou- zaines de foupirs pour le pauvre More ? COLOMBINE. Va t€ faire blanchir.
WW'
âe la Calife des Femmes. 2^5
SCENE
D r B A R O N.
A R L E qy I N déguisé en Baron.
COLOMBINE , ISABELLE.
ARLEQUIN en entrant , & fe tournant du coté à* ou il eft forty,
HOla , hé 5 la Saulfayc ; Qu'on aille dire à la vieille Marquife y que je Teuvoyeray paître , fî je n'ay mon quartier avant la fin de la femaine. Faites fçavoir à la Pre/îdentc , que je prens demain êits pillules. Je la difpenfe de me venir voir de toute la iTiatince.
COLOMBINE^ Ifihelle. Vous voyez bien que je ne me fuis pas trompée ?
ARLEQUIN après avoir regardé cjuelque^ temps îfubellcA Ouy 5 Mademoifellc , la Renommée ne m'a point furfait^en me cornant aux oreil- les , que vous citiez le plus joly tendron du monde.
ISABELLE. Voilà y Monfieur , une furerogation d'encens, qui échaperoit à peine à la com- plaifancc la plus prodigue. Venez- vous
2^4 Scènes Françolfes
icy d« guet à pend pour alfieger ma fitn-
plicité.
A R L E QV I N en s'afeyant. Non, j'y viens pour me faire hair. Je ne vois plus les femmes fur un autre pied. ISABELLE. Vous n'appréhendez - pas » Monfieur , ^'eftre pris au mot ?
A R L E Q^U I N. Franchement , je fuis alTèz feur de mon petit fait auprès du fexe , & j'en enrage. Il faut eftre né fous une étoile.bien detefta- h\t y pour eftre aimé aufïl généralement que je le fuis 1 ^
ISABELLE. On plaindroit les cens à moins-
A R L E Q^U I N. Avouezjentre nous» que les femmes font devenues bien folles depuis un temps. J'ay beau prendre tous les devans chez elles pour les dégoûter de moy -, je crois , Dieu me fauve , qu'elles font en for celées à me vouloir du bien pour me faire enrager. COLOMBINE. Le moyen de tenir contre une telle fati- gue î
A R L E Q^U 1 N. Je fuis peut-eftre l'unique Gentilhomme de France , qui ne fait rien perdre à mes gens y Se y^Lj le malheur de ne pas trou- ver un pauvre diable qur veuille entrer
à mon
ai la C^nfe des femmes , 24 j
à mon fervice. En dcvinerie^-vous larai- fon ?
CO LOM BINE. C'eft apparemmenc qu'il y a trop de pou- lets à porter à vos belle?.
A R L E QU I N. Bon î Eft-ce que je fais jamais réponfe ? Sur ce pied-là , j'aiirois de quoy employer quatre Secreraires, & pour le moins autant de Poftiiions.
C O L O M B I N E. Il faut donc que vous ayez la réputation de maltraiter vos gens ^
ARL^EQ^UIN. Encore moinsje n'ay pas le naturel vio- lent : /e n'ay aifommé que trente ou qua- rante Laquais en ma vie.
C O L O M B l N E, Cela ne vaut pas la peine d'en parler.
A R L E 4U l N. Il eft vray que les gens font -mifèrable» avec moy. Ils ne fçauroient faire un pas fans que quelque Émi flaire de Coquettes ou de vieilles ne les vienne tirer par la manche , pour leur dire : Ah , mon Dieu , que vous avez un joly homme de Maître ? Ma Maîtreire fe donneroit à tous les dia- Jbles & de grand cœur , pour avoir un tefte à tefte avec luy. C'eft une fatigue enragée de voir tirailler à chaque pas ou'on fait, 6c les valets me demandent cin.
M
1^6 Scènes Françoîfes
qualité écLts d'augmenrationde gageSjfcLi- Icment pour faire rentraire toutes les man- ches qu'on leur déchire àmonfervice. Je vois bien qu'il faudra que je tnc fupprime un de ces jours , pour rendre la liberté à toutes les femmes.
ISABELLE. Mais avez-vous la dureté de laifTer fouf- firir le pauvre fexe , fans luy enfeigner di\ moins quelque remède contre le feu que vous luy caufez ?
A R L E Q^U I N. Hé 3 comment diable fuffire à panfer toutes celles qui font folles de moy ? ]e mets en fait qiï'on meubleroit vingt Hô- pitaux de toutes les filles Se les femmes à qui ma froideur a çaufe la jauniiîe. ' COLOMBINE. Ho, pour cela, Monfieur le Baron,vous efies un homme trop dangereux. A R L E q\J 1 N à îfihelie e?J luy p^Jfant la main fur le g- nouiL Ah 5 ma belle Enfant , le pefant fardeau que d'avoir trop d'efprit ] Les Médecins m'ont menacé que je ne mourray jamais que d'une repleticn demerire. l's A B E L L E. Sur ce pied-là , vous ne devez giTeres appréhender la m.ort.
A R L E Q_U I N. Il y a pourtât zo.anstjueje ferois à tous les
de îa Caufe des Femmes, 247
diables, fi je n*avois eu pitié du monde.Milrs je ne veux point mourir , que je n'aye en- tiereméc dégoûté les femmes des Partifans. COLOMB IN£. Des Partifans » Vous vous mocquez. Ce fojit des gens tres-polis & fort confidercz dans le monde. On leur ndreife tous les jours des Epîtres dedicatoires. A R L E Q^U I N. Fy / c'eft qu'il n'y a plus de police dan$ k poe(îe : Pem-p.ire des Leccres va de droit fil à PHopital. Il faut pourtant qu'un de ces quatre matins, je plante à toutes les Entrées du Parna(re,cinq ou fix Mouchars du bel efprit , qui arrêtent impitoyable- ment tous ces Panégyriques de contre-ban- de qui mettent riionncur des Mufes à l'en- can , & font palTer Apollon pour le Mc- neflrier de la Doiianne.
ISABELLE. Tout franc , il y a long temps que la Poelle crie après une telle réparation.
A R L E Q^U l N.
LailTez-moy fairej'appaiferav bien- tôt fes
cris.Mais j'ay bienun autre delfein en teftc*
IS A BEL LE.
Le peut-on fçavoir ?
ARLEQ^UIN. C*efl: que corne tous les cœurs des feiii- iTies m'appartiennent de plein droit,6j que je n'ay pas aflez de chambres garnies pour
M ij
i4 8 Scènes ~Fra?içol/&
les loger, jc'veux du inoins que ceux à qid |eccderay mes prcicndons , foient tenus de i-ne faire foy & hommage y ôc cela fans préjudice de mes autres dioits : Car je ne téponds pas que l'envie ne me prenne par fois d'aller galoper fur leurs terres. C O L O M 13 I N £.
Cela s'en va fans dire.
ARLEqJUlN.
Avouez , mes pauvres enfans ;, que vôtre liberté ne tient plus qu'à un petit filet* Ca , ça 5 j'ay pitié de vous. Je permets à la plus malade des deux , de me venir faurer au cou.
ISABELLE. .
Voïis n'y fongezpasjMonileur le B^v<my Les conqaeftes Ci aifées ne font pas d'hon- neur.
A R L E Q^U I R
Hé y tefte-bleu , c'eft bien de l'hon- îieur qu'on s'embaraOTe en ce temps- cyf Quand j'aîme y je fuis fougueux en diable ; Je n'ay pas la patience de m.ettrc pour en venir à mon but, aucun lévrier d'amour en campagne i &c s'il n'yavoicquemoy , tous les courtiers de la galanterie mourroient de faim. Aufîî bien , qu'en ay-je affaire, mxOy, que les belles n'ont pas accoutumé défaire foupirer un moment a crédit ? COLOMBINE.
C'eft à dire que vous payez fi bien ^
de la Caufe des Vemmii, 240
qu'on ne vous fcauroit rien fefufer. A R L E Q^U I N.
Nenny ^ de par tous les diables j nenny. Il ne m'a jamais coûte un liard pour reiifr fir auprès des femmes. Voib encore une marchandife bien rare , pour obliger un honnefte homvne à mettre la main à ia bourfe. ]e prerens que le fexe m'en doit de fefle , quand je m'abbalife à l'aimer gratis.
€ O L O M B I N E.
Il y a bien des gens qui ne pouirefoîent pas la generofiîé ii loin.
ARLEQUIN.
Je le fçai de refte : Mais ii j'allois faire k cruel , les Cordiers devienJroicnr trop riches. Il faut bien cimenter la tendrellb d^ belles par un peu de facilité , & ne pas rabroiier de plein faut les vertus commo- des , qui cherchent à capituler de bonne heure avec nôtre mérite.
COLOxViBINE.
Monfieiif le Baron a l'am.e belle. Il ne fe plaift pointa faire des malheurca-. fes.
- ARLEQ^UIN.
Malpeftc , je n'en fais que trop. MaÎ5 quoy. 3 on ne fçauroit eftrc par tout. Ah l'adbmmante chofe que le mérite 1 Si ce-*^ la continue , je vais faire penllon à deî gens pour me décrier.
M iij
2yo Scènes Frafiçolfef
ISABELLE. Cela ne fervira qu'à vous mettre plut en crédit.
ARLEQUIN. Eft-ilpoiTible?
ISABELLE. AirureiTsent.
• ^ , ARLEQ^UIN. Oh bien 5 Paris peut donc fe hârev de- venir en mon Kocel 3 pour y recevoir mes adieux. A moins que la Ville ne s'engage pardevant Notaires^ à me fournir un fecret pour eftrc moins couru des belles ,dés de- main je prens la porte , pour aller fubrilî- fer les habitans du. païs de la Garonne. {a Ifahelle en U voulant embra,j€r)_Ya^j^ mon petit Bouchon , ne te defefpere pas.' Je fuis touché de ta tendrellë. Il ne tiendra pas à moy que ....
LS AB ELLE. Doucement , Monfieur le Baron. Les manières de Cour ne (împatifent point svec les miennes. A R. L E QJU 1 N /^ voulant emhrajfer
de force. Eft-ce qu'on refufe quelque chofe aux gens de ma qualité ? Allons , qu'on n:e tende le becinceflTamment. La friponne eu amardy plus d'envie qce raoy^ ISA BELLE. Ah le ridicule homme l je n'y puis plus.
de U Caitfe des Femmes, i j i
tenir* Saavons-nons , Colombine. A R L E Q^U I N. Elles s'en vont r Hola /chac , ft , ft. {Il Jîjfe) Elles fôfte îa Tourde oreille. Tant pis pour elles. Ma foy , elles y perdronj; plus que moy.
SCENE
DE LA COMTESSE,
ARLEQ_UîN déguisé en Comtejfe. ISABELLE , COLO M BINE.
ARLEQUIN e?i entrain , a fon Laquais».
OH 5 oh , diable , Moniïear réveille , vous eftes curieux ! A quelle école avez-YOUs appris à lever fi hiur les jiip- pes d'une Comtelle î Le public a-t- il quel- que droit fur ma pciu , pour l'é venter comme vous £iices ? Qiie cela vous arrive une autre fois ?
LE LAQ^UATS. Ne m'avez- vous pas die , Madame , de faire en forte qu'on puilTe remarquer quç^ vous avez un beau gras de jambe ?
M iiij
ij2 Scènes Trançoljes
ARLEQUIN luy donnant un foufflet^ Te tairas tu , pendart ? veux-tu me faire aitront ?
C O L O M B I N E. ^ Ifabelle.. La plaifante idole de ComtelFe î ARLEqU l]^Hlfahelle. AhiMademoifelle, la mau<lite engeance que les valets ! Vous me voyez le vifagt tout en feu. Ce n'eft pas de fard , au moins carjenemefle jamais de clinquant avec du bon or. Mais un de mes coquins vient <îe m'echauffcr d'une violence > d'une vio- lence ^ que le compliment que je vous dc- ftinois m'eft tombé des mains. ISABELLE. Vous n'avez pas perdu grand chofe, Mz^ d^stïQ 3 fi j'cftois la matière de . . » ARLEQ^UIN. Comme , pas grand chofe , Mademci^ felle r La pcfte m'étouffe fi je ne donnerons mon Comté pour r'attrapcr ce quej'avois à vous dire. ( Il ft campe fur un fauteuil ) Attendez . . . ]e croîs que j'y fuis. Le tin- ramare de diable, Mademioifelle , que vôtre humeur alaigte fait dans le quartier > n'a/ pas permis à la ComtelTe de Merlet de vivre plus long temps dans l'indigence de vôtre Teaë , & l'ignorance de vos plaifivs» ISABELLE. Vrayment , Madam.e je fuis confitfe de Ta peine que vous prenez. C'eftoit à moy de
àe la;" Caitfs des Femmes, 1 5 ^
vous prévenir , par coiues fortes d'en- droirs. Q.ie je fçay maiivais gre' à mon Etoile de m'avoir l ai lie ignorer jurqii'içy vôtre demeure l
ARLEQ^UIN.
Et quand vous l'auriez fceue , ma petite Mignonne 3 A quelle heure mei*6;icontfer chez moy ? Suis-je de taille à deineLirer-un moment en place ? C'eft à faire à des Poa-- pees comme vous^à garder la chambre conf- ine des accouchées. Pour moy ^ je fuis îf toute heure par voye & par chemin, II n'elc faifon fi déterminée qui me puiife retenii: J^'affronte en plein midy les incongruités du plus ardent Soleil 3 11 y paroift ajÛTez. à mon rein , fans que je le dife. ISABELLE.
Vous voulez , Madame , apparammciit vous attirer un compliment ? ARLEQ^UIN. Bon î j'attens bien après cela pour vî^ vrc / Cela eft bon à des petites mijaurées > qui mètrent toujours quelque mot en a- vant 5 pout le faire relever à leur avanta- ge. Je penfay ces jours palfez colleter un jeune Abbé ^ qui faifoit alfaut de compli- mcns avec une petite Precieufe a qui vous reirembloit comme deux gouttes d'eau. Cas- yt ne vois rien de plus extravagant , que la conduite de la plufpart des femmes. Ellesi'
M V
1 c 4 Scènes Trançoîfes
font bien plus gradès^quaiid quelque oi (If de la Cour vient leur dire dans un temps de pluye : En vérité , Madame, vous faites honte à la lumière: Le Soleil fe cache pru- demment > de peur d^eftre obligé d'âppcU 1er vos yeux en duel. Un autre fat vous viendra dire: Madame, votre con- fcience ofe-t-elle dormir en repos , quand vous avez à faire tant de teftitutions ? Vos lèvres ont dérobé le vermeil du corail , vos yeux le feu du foleil , vos dents la blan- cheur de l'albâtre , & vôtre teint celle des lys. Dieu me damne , il faudroit avoir de furieux refervoirs de complaifance , pour applaudir de fang froid à une telle multi- plicité de fottifes.
IS A BELLE.
C'eft pourtant La , madame , le manège du grand Monde.
ARLEQUIN,
C'eft que le grand monde , eft un grand cheval. A propos de cheval , vôtre père fonge-t-il à vous marier ?
ISABEL LE.
Cela ne prenTe pas , Madame. A R L E QU l N. Comment de par tous les diables > cela ne preffe pas ? Eil ce que je ne fçai pas les petites ncceiîîrez du fexe? J'ay efté fille, peui-eftre >en mon temps \ & Ton iir bien deiiîe marier de bonne heurc:Cav dés
ai la Caufe des Femmtr^ i j f-
l'âge de douze ans ^ je commençois déf^ à quitter U poupées pour ^'attacher au folide.
ISABELLE. Il falloit donc , Madame , que vôtre ef- prit vous fift enviCiger les choies d'un au* tre biais que moy.
ARLEQUIN. Malepefte , c'eft bien l'eiprit qui agic dans ces occafîons ! Ceft bien là où le bas bleiïe 1 Attendez àcinquanteans àme par- ler de l'efprit des femmes : encore à cet âge- là , veulent- elles faire la leçon aux jeunes fur le bel article.
ISABELLE. Cela eft bien jufte 3 Madame , puis qu'el- les ont plus d'exoerience.
ARLEQ.UIN. "J'enrage tous les jours , que de vieilles carognes avec un teint de betterave, ofenc empiéter fur nos droits, & attenter fur nos meilleures pratiques. J'ay fait un ferment que la première de ces vieilles mcdaillles qui me te-^dra la joue , je la lui choqueray fî rudement:, que je lui écacheray fon fur* tout de plâtre.
. ISABELLE, Je plains d'avance la malheureiife qu! tombera la premiiere entre vos mains» ARLEQ^UIN. Oça , pucelle de haut goût , Ferez vou$: M vj
^ t . Scènes Prançoifès .
tncoie bien des façons potît vous ouvrir àmoyfur vos deaiangeaifon^ d'eftre iTia- riée ?
ISABELLE.
Il faudroit , Madame , que je les eulTe
auparavant , ces dcmanaeaifons.
A R L E Q^U 1 N.
Vous verrez que c'efl moy qui les auray
pour elle I Encore un coup , faut-il faire
tant Tenfant ? Eftce qiVon fe celé rien
entre femmes ?
ISABELLE. Voulez-vous m'engager *, Madame > à: vous dire àts faulTetez ou des foEtifes ? A R L E Q^U I N. Vraymcnt vous y feriez, bien venue , à tïîe dire des fottifes'Des fottifes à la Com^ telTe de Merlet 1 La Comreife de Merl^t efir bien femme à foufFrir des fottifes] l Afin, que vous l'entendiez , ma maifon n'eft ni plus ni moins qu'un cloître. Je voudrais qu'un valet eut eu la hardieire de pronon- cer feulement le mot de Pardy devant moy: Je me donne au diable s'il boiroit du vin déplus de fix mois. Il faut tenir la bride courte aux domeftiques filr le chapitre de: rhonnêtetc ^ & c'eft là ma principale oc» cupation.
ISABELLE. Elle eu digne de vou« , M^ame*
âe la Caiife des Vcmmes. ijT*
ARLEQUIN. Je ne veux pas qu'on dife à la Couisque^ iTîa maifon efl une maifon d'ordure. Il ne faudroit qu'un étourdi , qui s'allaft avifer de conter quelque folie à quelque écerve-- lée 3 que cette folie Rit écoutée , & qu'elle- artiraft quelque autre folie : En voila aifcz pour dilîoquer la réputation de la ir.aifon la plus régulière. Pour obvier aux incon- veniens, je ne me fers depuis un temps que- de- laquais au detîous de douze ans. ISABELLE. Vous faites voir en tcut^ Madame , une- conduitc admirable.
A R L E Q^U I N.
J'eftois bien embaralPée pour les Cochers:
car on ne les fçauroit prendre fi jeunes»
Mais j-ay ju^é que le commerce des chc--
vaux 3 & la (euteur du fumier y les rendoit
moins à craindre que les laquais.
ISABELLE.
Il n'y a rien à dire à cela , Madame.
ARLEQ^UIN.. Je fuis fi revêche fur les matières de l'ho-^ neur , que j'obligeay Monficur le Comité- de ferlée à chalfer un grand laquais des mieux fabriquez &: des plus adroits , parce qu'il fourioit quelquefois amoureufement en me verfanr à boire. Au moins quand j'c- tois feule avec luy , je ncmeaoyoispas çn fureté, ♦
ij § Scènes FrafiÇoîfèf
ISABELLE. Voilà 5 Madame , une roideur de vertu^ flui confond toutes les femmes du temps. A R L E Q^U 1 N. On' ne dira pas aufli de moy y que je fais faire des jufte-au-Gorps brodez à mes Ga- lans s 6c je n'ay pas peur qu'on oye jamais rympanifcr la Comtetre de Merlet à TAu- 4iance.
ISABELLE. Ce ne font pas aufîi des femmes comma vous qu'on y tympanife;
A R L E Q^U I N. Avec tout cela , j'aime fort à entendre: lesinnigaes dès petites filles. C'eft pour- qwoy y{\ vous avez quelque petite oppref- iion de cœur 5 là 5 là n'en faices point la fiiie : je vous y ferviray de la bonne façon.. ISABELLE. A ce que je vois , Madame , vôtre vertu cherche à s'éoayer.
A R L E Q^U I N. Diable m'emporte , fi je ne le fais com- me je le dis.
ISABELLE.
Je fuis fâchée , Midame , de n'eûxe pas
en eftat de profiter de vos offres obligeantes
ARLEQUIN.
C'efl: à dire , friande, que vous efies afTèz
bié avec votre godelureau, pour vous pairtt
de la Caufe des femmet» 2j^
de mon lecours. N'iiTiporce, dites-moy fon, nom î
ISABELLE. C'eft à moy , Madame , à l'apprendre de vous»
ARLEQUIN. Adieu donc , Perronelle. J'ay la charifé de vous épargner les fottifes d'une plus longue Gonverfation. Laquais , mes gens. Franc goujat, Preft-à-touCaVlnrrepide ? Où cft donc cette valetaille ? Qiie de coups de fouet f que d'étrivieres ! ( A IfabelU
qui le fuit.) Eftes- vous de ma fuite? IS A BEL LE. Soufïrer 3 Madam.e y que je m^'acquitte de ce que je vous dois.
ARLEQ^UI N. Allez , je vous remets tout ce que vous me devez. Au moins ne vous avifez pas de me rien demandermous fortons quittes,. ISABELLE. Ah , Madame 3 je. . . .
ARLEQ^UIN. Ahj Mademoifelle, je fuis morte, fi vous: m'alTaflinez de façons..
ISABELLE. S'il ne tient qu'à refter pour vous rendre la vie 5 je ne priveray pas le public d'une ehofe il précieufe.
ARLEQUIN. Vous nie preaez donc > ma mie , poiic
^x^ Scènes Fratiçoijef
une femme publique ?' '
IS AB ELLE. - Ah , Madame :, ufez mieux de vos lu- mières.-
ARLEQ^UIN. , pen ay bon befoin : car vôtre degré eflb' hi^n obfcur. Jufques au revoir. Serviteur,
SCENE
I> t; C 0 M M IS SA I R F.
U.DE BASSE-MINE , M.TUE-TOUT;. A R L E QJU l N degmsé en Commlf- faire»
COLOMBîNE à M. de Ba(fem't»e.
VOicy Monfieur le Gomniiiraiie. il faut qu'il foit bien de mes amis pour- l'avoir pu refoudre à venir iî promprcment,^ f MM Baff.mlne û .Arlequin Ce forkt àiP mviUt^z. miettes,)
M. DE BASSE Ml ne; Monfiear avoit apparemment quelcj^u'e-- affaire de ccnfequence ?
ARLEQUIN. J'eftois occupé après un petit déména- gement : Vous m'entendez bien. C'eftoic chez une jeune Picarde. J'y ay trouvé deux- Etudians en Droit dont )'ay faifi les poii^j-
deU Caufeâes FeïKfnes, i^i
féuillesj5c: pour éviter le fcândale, j'ay hit jctter les meubles par les feneftres. M. DE BAS SE MINE. Meffieurs les Commiiraircs font toujours fujets aux bonnes rencontres. ARLEQUIN. Ma foy, Moniieur, nôtre métier ne vaut plus rien. Les filles d'aprefent ont trop de vertu, pour nôtre profit ; & fans quelques joiieurs de balTetre , à qui nous tendons charitablement les brasjje crois qu'en tou- te une année nous ne trouverions pas de nôtre Charge , dequoy faire foiietter ua char.
C O L O M B I N E. Oh, vous n'eiles pas fi malade que vous vous faites.
ARLEQ^UIN. îi efl: vray qne quand on a de l'honncury on fe tire d'inrrig'je le mieux qu'on peut.. Pour nioy,je l:à(re au commun de mes con«. fircres le foin de faire mettre à Tamende de pauvres dîables de Patiiîiers qui vendent A^ chats pour des lièvres. Fy , fy, cela efl trop trivial. Quand on veut faire un mé- tier noblement, il faut s'écarrer de la route ordinaire ; & pour- y réiifîîr on a befoiii d'une confcîence fouple, d'un efprit alerte^ & fur tout d'une effronterie courageufc,. Oeft par là qu'on parvient , 6^ qu'on fait fortune dans nôtce petite profeffion..
z6i Scènes Fratiçot/h
M. TUE-TOUT à Arlequîn. Monfîeur > iî vous voulez entrer j il n*y a point de rempsà perdre.
M. DE BASSEMINE a Arlequin, ^ Moniieur , Colon:bine a du vous dire le fujet qui ....
ARLEQ^UIN. Ouy , ony , elle m'a dit-)e ne fcais (juoy ^ que vôtre femme vous fair enrager. M. DE BASSEMINE. Ma femme, Moniieur ^ grâces à Dieu ^ je n'en ay plus.
' ARLEQ^U I N. C'eft donc vôtre fille 1 Et bien ^ fille ou femme j, c'eft toujours micCme pare. M. DE BASSEMINE.' Cuy 5 Monf?eur , ma fille efl: une petite opiniâtre^qui ne veut point de Tcpoux qr.e.. je luy veux donner. C'ed un cfprit de con- tradi6lion.
A R L E Q^U I N. Cela vous ëronne-t'il ? On n'efl peut- eîlre pas fille ni femme pour rien. Mais ne vous inquiétez pas. Vous efres tombée en bonnes mains, 5c je fçanray. , . .
M. TUE-TOÙT a Arlequin. Ne perdons point de temps , Moniieur > je vous en conjure.
ARLEQUIN a MM BAjfêmîné, Voilà un homme bien emprelTclQud ia- tereft prend- il à vôtre affaire \
àe la. Caufe des Femmes, 16^
M. DE BAS SE MINE.
C'eft Tamant de ma fille , & qui pai* vos foins fera bieii-toft fou ir.ary.
ARLEQUIN k M Je Bafemine, Quoy i ce vieux ragot cft l'amant de vô^ tre fille ?
M. DE B ASSEMINE. Guy 3 Monfîeur.
A R L E Q^U I N. Ma foyyvous avez bienfait de me le dire : car à Ton air , je l'aurois pris pour un vray reiTcde d'amour.
M. TUE-70UT à Ar\eqmyi. Montîear le Commiiraire > ic vais vous montrer le chemin.
ARLEQ^UIN h.t<, Tn n'as qne fiire de re tant preTer , tu îie feras qiit; trop toft arrivé au bat.
SCENE
T>V PLAIDOYE' D'J S ABE LIE.
ARLEQUIN CommilfaireMX^l. BASSE- MINE , M.TUE TOUT , ISABELLE , C O L O M B N E. Piiifhntrs parevs.
ARLEQUIN entrant à cofté d'ifahelle.
CA,çi, nous allons bien rire. Un llegc? ( A IfahdU, ) Ceft donc vous^petite
1^4- Scènes FranÇoifes^
perfonne. . . Hola, qii^on apporte un iTegei ( ^n U^udii donne un fiege a, ArUe^kin^ d^m dit après s'y élire ajjîs : ) il eft bien êiMty LE LAQ^UAIS. C'eft: qu'aujourd'huy la Jiifticeefl: dia- blement molle. On ne fçauroic prendre trop de précaution.
B A S S £ XI 1 N E i Arle^uîti. Vous fçavez , Monlienr , que vous eftes- ^arbitre de tout. Faites bleu vôtre devoir. A R L E Q.U I N en élevant fa voix. Comment ? que je faiTe mon devoir l Eft- ce que vous me croyez homme à forli- guer dans l'exercice de ma Charge f B ASSEMIN E. Ah , Mon/îeur , je n''ay girde. . »
ARL E CLU in. Apprenez que c'eft m.oy qui renoue toiîï lesmaii.iges difloqiiez de Paris, & que j'ay facilité plus décent hymens clandeilins en- ma vie,.
BASSE MINE. Mon (leur , je ne vais pas là contrer
ARLEQ^UIN à Ifahelle. G 'eft donc vous , la belle Ifabeaii , qtii refafez d'époufer un membre de k Faculté? Vous auriez bon befoin pourtant de quel- qu'un qui vous chaOàft-vos mauvaifes biw nneurs.
ISABELLE^ Arlequin., Monfiair , daignez m'ccoutera.
de la Fille Sçazaf'Jf» z^j
AilLEQUlN, £t qo'^avcz-voLis à dire ?
ISABELLE. Des raifons où tout mon fexen'eftpas iTioins intereiîe que inoy. Il s'agit de Tin- tcrefl: publia
ARLEQ^UIR Nous ne fçaurions nous difpenfer de lui donner audiance. Mon Clerc , faites faire {lience. La Cour a befoin de repos. ISABELLE dcf^ndant fa Caufe, Mefîieurs , dans le déplorable eftat où la galanterie fe trouve aujourdliuy , il n'eft pas étrange qu'nne femme foit réduite à entreprendre la Caufe de routes les autres. Nôtre fexe attendroit long-temps en vain qu'un autre prit le loin de le vanger. De- puis que les Cabarets & les Manufaiflures a Tabnc font devenues fi fort à la mode, les femmes ont cefîe d\.eftrej&: Tamour tout piiiilant qu'il eft , ne fçauroit plus balancer dans rjefprit des jeunes oens , le fade 6i bruc?l plaifîr d'une débauche faite à l'Alliance ou à la Galère.
ARLEQ^i: IN. Diable ^ Meilleurs , fi l'Exorde nous me* aie à la G- 1ère ^ garreg^'e la peroraifon ne nous fade tomber à la Grève i
ISABELLE continuant. Où etl le temps que le beau fexe voyoît îiiEducmen; à Tes pieds une jeunedè fîo-
1
:l66 Scènes Françoîfes
Tillante ? Ce temps qu'on pouvoir à bon droit nommer l'Age d'or de la tendrelîe, où les cœurs venoient par efcadrons rc- connoître nôtre- pouvoir I Dans ce temps heureux , il n'y euft pas eu d^ feureté à nous choquer j & la peine fuivoit de prés le moindre tort qu'on poavoit nous faire. Mais les chofes ont bien changé defacei&: 310I1S éprouvons renfiblement , que l'em- pire de la tendreiî'e n'efl: point à l'épreuve àes révolutions. On ne voit plus à l'heure qu'il eft , mille infatigables avanturiers arpenter d'otnce tout l'Univers, pour fou- tenir nos querelles i & l'amour qui fer-, voit autrefois à enrichir le fexe y ne (èrt atijourd'huy qu'à le ruiner.
ARLEQ^UIN.
Il eft vray : Car- je fçiy des femmes qui .ont vendu jufqu'à la houd'e de leur lit , pour équiper leurs galants,
ISABELLE continuant.
Ce n'eft point dans nôtre fiecle qu'il faut chercher ces héroïnes magnifiques , qui s'offroient à reparer du revenu de leurs appas les plus cruelles dcfolations de la guerre , & fe mectoieni par là de pair avec les plus fameux Conquerans. Aujourd'hui la galanterie n*efl: pas reconnoillable : On iezine jufqnes fur les petits foins ; & bien loin de fe dcpoijiller de tout en faveur de l'objet aimé, on ne donne foncœur qu'a-
de la. Caufe des Femmes^ 16 j
VÊC des referves. Mais ce qui a le plus contribué à décner la galamerie^c'eft l'in- digne profanation qu'on fait de nos appas, en nous unillant tous les jours à d'imbe- cilles vieillards : Nation de tout temps re- ; prouvée dans toute Tétenduë de TEmpire amoureux. Ces aflbrtimens bizarres , que i'avarice fuggere à nos pères 3 ouvrent la porte a des abus fans nombre. Ç'eft la Pépinière des feparations 5 &c le revenu le plus clair &: le plus liquide de tant d'Ab- bez coquets qui font fans celle à l'afFus de ces fortes^ £le mariages. AuHi penfe-t-oii qu'il n'y ait qu'à nous extorquer un con- {^ntement pour des liens que nôtre cœur abhortejd' contre qui nôtre liberté5( pour ne rien dire de pins ) ne celle point de re- . clamer ? Croic-on qu'il y ait des filles alFez novices pour prendre aifément le change en fait de mariage ? Et la douce idée que nous nous en faifons^eft incompatible avec les aufterirez où nous veulent accoutumer les maris à lunecres. Ne fçavons - nous pas que l'hymen eft une efpece de mili- ce 5 dont les enfans & les vieillards font également incapables ? Ne fçavons -nous pas qu'il en eft du madage , comme du feu facré des Veftaks , qu'il falloit en- tretenir religieufement , fous peine^ de la vie
1
■^.S^ Scènes Trar,çoîfis -s
ARLEQ^UIN.
Il eft vray, ôc le moyen qu un vieîllarl ^cntrerlennele feu , puis qu'il ne peut foiif* lier que du derrière ?
ISABELLE] contltiHant.
Quelle figure veur-on que falTe un vieux Barbon fous La baniere de l'hymen , ou plutoft quelle figure veut-on que faiTe une Jeune perfonne auprès d'un époux qui la carechife à toute heure .^ qui compte tous les pas qu'elle fait , qui n'ouvre la bouche ^ue pour la contredire j ou pour la réga- ler de (es ptometres du temps paiTé ? Un bouru i qui fait un crime à {a moitié d'un ruban ajouté à fa coëffure , ^ qui donne laqueftion à fes ferviteurs fur les démar- clies les plus innocentes de fa femme. Je ne parle pas de ces légions de maladies , ' dont la vleillelfe efi: exercée , ny de cette toux in(uportable qui eft la mufique or- dinaire d'un vieillard. Ah ^ Meilleurs , que de raifons poiu: juflifîer une femme qui peut gagner fur elle de n'eftie pas la dupped'un vieillard i Ce n'eft pas que je ne trouve quelque choie d'héroïque , danslatrifte fidélité doiuoa a le coura- ge de fe pîcquer envers des maris fiits de la forte : Mais il faut que je confefle hau- tement ma foibielîe. Dans une pareille extrémité 3 je ne puis répondre que d'une inflexibilité de rocher à ne jamais démor- dre
de la Canfe des Vcmmes, 2 ^5^
dre de la haine que j'auray conceuë uns fois pour le vieillard qui ofera attenter à ma liberté.
COLOMBIN-E. veut défendre Us Vieillards , en faveur de Aionficur Tke-toHt ." Jliais Iny qui connoiji [on ironie , l'en empef- che ; (^ renonçant au * Mariage d'Ifabdlle , dégage Baffemine de la parole qu il Ittji avait donnée. Ifabelle époufe Aarelie , é* la Co- médie finit^
«i? <m ffr? c^i Cî-ô
N
Zjo Scènes ^r'àmoifes
SCENES
FRANÇOIS ES. J
DU PHENIX.
SCENE
Qui ouvre la Comédie. LE PRINCE, COLOMBINE.
COLOMBINE.
OUy , Seigneur , je me tiens fort hono- rée de vos carcfïes : Mais avec tout le Irefpeâ: que je vous dois , vos bontez me mettent un peu martel en tefte. Les Prin- ces d'ordinaire ne font pas gens à tirer leur poudre aux moineaux ; & quand ils s'ab- baifTent à carefler une fille de ma trempe. Ecoutez. . . . Enfin .... je crois que tout le corps peut luy friffonner à bonnes en- feignes.
LE PRINCE. Ah , ma pauvre Enfant , fi tu fçavois les ctagrins qui me dévorent, ....
du Phénix. 1 7 I
C O L O M B I N E. Oh j ces chcgrins-làne font pas de dure ^igeftion \ ôc vous avez des intervales allez récréatifs. On dit bien vray , que les petits pâtillent toujours des chagrins des Grands; ôc les vôtres me coûteront du moins un blanchiflâge. Car enfin me voila affez honnêtement houfpillce. Mais il faut pren- dre CCS petites traveries en parience ; de j'en fçay bien de mon fexe ,qui fcferoient un fort gros plaifir qu'un Prince les eufl mis dans de plus grands frais. LE PRINCE. Ah Colombine , dans Pcftat où je fuis , Pon doit bien me pardonner de petites ab- sences ?
COLOMBINE. Et que feriez-vous donc , Seigneur , (î vous aviez Pefpritprefent ? Je m'émancipe un peu , comme vous voyez ; mais ne m' auriez-vous point communiqué de vos abfenccs.
.LE PRINCE. ' Eft-il fous le Ciel un Prince toue enfem- ble plus heureux & plus malheureux ?
COLOMBINE. - :Voilaun Prince qui eft encore bien ma-, lade '. Il n'a que foixante mille hommes fur pied ; ôc des hommes que nous avons a- guerris , il faut fçavoir.Helasi c'tftbien nous autres qui devrions faire les pleureur
N ij
27 2 Sce?7es Frafîcc'fcs
fes, d'eftre à la veille de perdre tant de pau- vres Officiers que nous avons élevez à la brochette, &: de voir nos ruelles menacées d'un déluge d'Abbez , de Chicanaux , & de tant d'autres infectes de la galanterie. Encore laprelPey eft-elle , comme à quel- que ciiofe de bon j & pendant qu'on levé par tout des troupes pour Tarmée , les remmes prudentes battent la caliFe de leur coté 5 Û font leurs recrues à qui mieux mieux.
LE PRINCE. Ah ! Pluft au Ciel que je n'euife à com- battre que les Turcs ? mais j'éprouve une guerre intérieure qui m'alfadine à mort , & me met en proye à tout ce que la jalou- fie a de plus affreux.
COL O MB I NE. Vous jaloux , Seigneur ! hé , la Princefle vit de manière à faire en un befoin un Va- tout de chafteté à Lucrèce ; & je ne con- nois point de femmes qui fe picquent de fentimens plus fier à bras.
LE PRINCE. Ah Colombine , le cœur d'une femme eft un étrange labyrinthe. Il faut marcher à tâtons pour s'y reconnoître : Eft-on en- core fouvent la duppe de Ces yeux & des apparences. Et que fçais-je , fi dans h^ tranfports que la Princelle me fait paroître, elle ne cède pas plutoft à l'importance du
du Phénix. 275
devoir , o^u'à l'inclination qu'elle a pour moy ? Ah ! je. ne veux point de fa ten- drciïe , ou je ia veux indépendamment de toutes les fujétioi^s du mariage. C O L O M BINE.
Voila ce qui s'appelle pindarifer dans les formes. Mais avec votre permiiîîon , Sei- îjneur , ces délicatefTes ne Tentent gueres l'époux. Les maris d'aujourd'huy n^y cherchent pas t^nt de fiçons , ^x: font gens à pafler les chofes au gros fas. Générale- ment parlant , le cœur d'une femme eft un mets à part , qai n'eft point de Tedence du mariage. C'eft ce qui fait que tant d'honneftes gens ont la difcretionde s'ac- commoder au temps : Trop heiu-eux encore de s'en tenir au ^ros de l'arbre. LE PRINCE. Et que me fert la poiTelîion , fi le cœur n'ell de la partie ? Et qui peut m'alTurer qu'il en eft ? .-'h i mon incertitude me tue; & quoy qu'il en coûte , je vais faire en forte de ne plus marcher dans les ténè- bres.
COLOMBINE.
Mais auffi quelquefois le trop grand jour ébloiiit , &: iur tout en matières de fem- mes. Cependant , Seigneur , oferoit-on vous demander ce que vous prétendez faire ?
N iij
2 74 Scènes Frafiçolfes
LE PRINCE.
Jeprétens faire . . . .Colombine', tu vas me traiter de fou , de bizarre .... COLOMBINE.
Bon Seigneur , eft-ce qu'on dit jamais aux Grands ce que l'on penfe ? LE PRINCE.
Ah 5 je i-nerite les noms les plus odieux j & il faut eftre lunatique ou vifionnaire pour former le deffein de faire éprouver une femme de vertu.
COLOMBINE.
Bon ! c'eft juftement .celles-là qu*il faut éprouver : Car pour les autres , elles épar- gnent alTez les frais d'inie épreuve. Si bien donc 5 Seigneur , que vous voulez mettre entefte à la Princeffe quelque galant , qui tâche à occuper toutes les avenues de fou coeur ?
LE PRINCE.
C^eft de là , Colombine , que dépend ab- folument tout le reposée ma vie, COLOMB IN E.
Ma foy 5 Seigneur , s'il eft permis d'eftre fincerc à la Cour , votre repos eft en grand branle. Car enfin , vous n'irez pas produi- re à laPrinccire quelque malotru , plus ca- pable de gendarmer- que de faire broncher la vertu. Mais aulîi , il vous luy lâchez quelque joly homme , qui fçache attaquer une place dans les formes. Ecout£z>cela eft
dti Phénix, 275
diablement chatouilleux, au moins. Ce n'eft p;s comme dans un Roman , où l'Auteur, d'un trait de plume fait faire alte àla pafïion la plus fougueufe : Mais dans le Roman de la nature , quand un joly homme efi: une fois accroché à une jolie femme; tout franc dans ces occaiions on a plus befoînde bri- de que d'éperon \ 5c quand j'y fonge , l'a- mour feroit bon à être Courier , car il fait faire terriblement de chemin en peu de tés. LE PRINCE.
Et crois-tu que pour cette épreuve je choifîfTe un autre qu'un amy ? Mais encore f lUt-il que ce folt un amy d'une fidélité éprouvée.
COLOMBINE.
En effet , c'cft bien le traiter en amy, que de l'appeller à un tel miniftere. Mais pour en uier en amy , il faudroit qu'il fiifi: ennemy de foy-même. Voyez-vous , Sei- gneur , on ne trouve pas tous les jours des maris qui mettent leurs femmes àla gueu- le du loup par un excès de délicatefle : C'eft pourquoy quand on a de ces rencon- tres 5 il faut s'en donner au cœur joyc , &c faire valoir le talei^c aux dépens de qui il appartiendra.
LE PRINCE. Mais tu ne içais donc pas que je feray la guerre à l'œil , Se que je feray témoin ocu- laire de tout ce qui fe pairer^ ?
N iiij
27^ Scènes Fr/ifîçoifes
COLOMBINE.
C'eft à dire. Seigneur , que vous eftes tout préparé à bien avaler des couleuvres. Mais tous vos yeux neferviront de gueres: L'amour eft un droUe qui vient à Tes fins imperceptiblement , 3c les plus Argus font de vrais Qiiinze- vingt quand il luy plaif! !
LE PRINCE.
Ah, tu me jettes dans des embarras ter- ribles.
COLOMBINE. Et que diriez-vous , il je m'*ofFrois à vous en tirer ? J'ay en main une perfonne d'exé- cution 5 & ce qu'il y a de bon pour vous > c^eftque c'eft une perfonne que les femmes n'ont jamais retirée.
LE PRINCE. Eft-il bien pofîible ? Mais encore quelle eft cette perfonne ? & n'y a t'il point de rifque à courir avec elle ?
COLOMBINE. Du rifque ? bon ! La nature y a pour- veu ', Se je croy que vous n'en douterez point 5 quand vous fçaurezque c'eft moy quientreprens vôtre affaire.
LE PRINCE. Tov , Col^imbine ?
COLOMBINE. Cela vous éronne-t'il ? Qiiand j'ay une fois endolFé le harnois d'un Cavalier, j'ay
du Phea'x. lyy
un petit air à faire trciribles toutes les ver- ms dans le manche ; &: je vous réponds que fila Princefle m'échappe 3 elle devra une belle chandelle à l'Amour.
LE PRINCE. Mais encore , comment t'y prendras-tu pour luy conterjtes raifons ?
COLOMBINE. Oh , c*cft là la difficulté. SU ne s'agif- foit que de défricher le cœur d'un Agnès , bon , j'ayce roUe-là en poche; 5c j'entens merveilleufement à extirper les broulTailles que les leçons d'une grand' mère ou d'une gouvernante ont fait germer daiis un jeune cœur. Si j'avois afïaire à une coquette ou à quelques-unes de ces femmes battues de l'oyfe.uT , cinq ou fix brufqueries ga- lantes 5 aiLiifonnées d'une bifque ou d'une fricaliée , me tireroient d'intrigue. Mais i'ay affaire à une femme de vertu ; & c'eft- là ce qui rend mon roUe épineux : Car comme on n'a pas fouvent occafion d'ap- pliquer ces fortes de rolles ,,Jes idées fe pervicnt , <3c- il faut du temps pour les rap- pelkr.
LE PRINCE. Hébienjd rx jours te fnffiient-ils pour..,
COLOMBINE. Vous vous mocquez Se-eneur , avec vos deux jours ! un tour de jardin me re- mettra £ur les 7oyes, Allez , Seigneur p,^\
N> y.
ijS Se e -le s Fra'^^olfes
donne ma parole , qut \z l^'-'t-wclTe ne fc couchera point aujcura'huy far^ étrenner. LE PRINCE. -^^^^^'^
Mais n pour la faire mieux donner dans la patience , j'ufois d'un ftratagcme ? C O L O M B I N E.
Bon 1 faut-il tant de précautions pour tromper une femme ? La plufpart du temps, nous nous en ferons afTez de nous-mêmes. Ce n'eft pas que vous eftes bon ^-fage , & je ne fuis icy que pour vous obéir. LE PRINCE.
Viens , Colombine , je fuis feur que* mondeirein ne te déplaira p?s. COLOMBINE.
Mais au moins , Seigneur ^ vous me lailîcz les coudées franches auprès de la Princelfe ? & il me fera permis de pouflcr ma pointe ? Voyez-vous , Seigneur , je ne veux pas qu'on dife de moy , que je ne fuis bonne qu/à amorcer.
LE PRINCE.
Va 5 je lainb les chofes à ta difcretion y ôc tu peux en ufer comme de ton bien. COLOMBINE.
Ah , Seigneur , vous ne feriez pas fi li- béral :, fi vous ne me fentiez les bras liez. Mais qu'y faire ? Sur le pied où font les hommes aujourd'huy , ce n'eft pas ua grand malheur que de n'eftre pas faite tout à fait comme eux^
dfi phénix. ij^
Vf» ^Tj yt* . *r« >|» ^îf «J^ , * it€ . il* «Tf tlf
•&ïé?5 ■ -g^ i^ -t^ii i^- i<§6 fc^ -S<^ t^ .• -g^ E^- è^
SCENE
DES ADIEUX.
D'ARLEQUIN ET DE COLOMBlNE. A R L E QV I N f« Z;^/'/? ^(? Soldat.
ENfin c'ert: dans ce tri{lc jonr Qu'il faut eir.balier notre amour. îl fnur nous feparer ma pauvre perronelle. Le Tocfin de la gloire a la guerre m'appelle.
Mais je ditFcre d'un moment , Pour vous edocader quelque beau {"cntimenc :
Heureux , (î votre ame farouche' K'ofe pas refurcrà mon coeur affligé
Son audiance de congé , Pour me lailler partir deflusla bonne bouche,
COLOMBlNE. Quoy? tu veux attraper les héros au galop ;
Cher Arlequin j quelle furie
Pour aller a la boucherie !
As- ru quelque chofe de trop ?
ARLEQ^UIN.
Non, je n'ay rien de trop : mais la gloirc,Madame, A mis o;arniron dans mon ame. Depuis qu'elle a blocquéraon coeur,:
Il me precd de certains impromptus de valeur,:
Uont tout autre que rojr fenciroit les épreuves.
Oh l que voiUdssbi^is qui vont faire des ycuYc^î
N vj
iSo Scenss Trançolfes
ÇOLO MBl N E. Mais fi quelque coup de moufquct T'alloit, chemin faifant , rabatre le caquet,
Ou qu'un fer tranchant d'importance îift une lucarne de ta pance i
ARLEQJLJI N. En ce cas la gloire auroit tort. 7e n'ay pas mis cela dans mon bail^ou je meure. C O L O M B I N E. Hé bien , cher Arlequin , demeure. ARLEQ^UîN. Que je demeure ? Non, le fort en eft jette. 11 eft temps qu'Arlequin brille dans les Gazettes. ]e me dois, Colombine, à la poilerité.
Et mes mulets, & leurs fonnettes. Entre ces animaux & toy *
Mon cœur eftfufpendu : j'avoueray ma foiblefTe. Ced pourquoy fans façon,ma chère donne-moy Quelques fymptomes detendrcife. COLOMBINE. Vraiment c'eft pour ton nez, magot , brigand, poltron.
ARLEQ^UIN. Qûoy donc? fais-tu déjà mon oraifon funèbre ?
COLOMB; NE. Va traître, de ce pas rendre ton nom célèbre. • Va-t-en faire oublier Cefar &:Scipion. Et qui pourra tenir contre un tel champion? Tu n'as qu'à te montrer , beau Sire. Ouy,fans qu'il foit befoin de poudre,ou de cancj Tu feras roue crever de rire, A R L £ Q U I N. Ainfî foit-il. Voila bien du fang épargné j Et pour nos ennemis c'eft autant de gagné. Mais puis qu'au champ de Mars, par un fort: tyrannique ,
Mes bras n'auront point de pratique,.
du Fhemx. xBt
Permets-lenr d'exerceu icy par charité
Quelques ades d'hoftUicé : Seulement pourtcnirma bravoure en haleine.
C O L O M B I N E. Ah ! Monfîeur le Guerrier, vous prenez trop de
peine. Gardez d'évaporer vôtre illuftrc valeur.
ARLECt'ClN. l'en ay trop aufli-bien , mamignonej mon cœur. Allons , que vos appas , à leur devoir fc rangent.
COLOM BINE. Ah ! que de raifons /
ARLEQ^UIR C'eftqueles mains me démangent. COLOM BINE. î'ay bien peur que le dos ne te dcmange aufîi. Vous plaira-t-il facquinjde décamper d'ici ? m
ARLEQUIN. Madame, j'attendois vos ordres pour l'Armée.
C OLOMBIN £. Je ne vous retiens point. Partez, brave Guerrier,
ARLEQUIN. Mais au moins donne-moy le vin de l'étrîer. Car que diroit la Renommce ? COLOM BINE. Adieu , mignon de Mars , la fleur des Cavaliers,, faites-nous paît de vos lauriers. , ï
ARLEQ^Ul^N. J'en vais tant moiironner, friponne,
Teh fcray de telles moiffons ,
Qu'il n'en reliera pas un brin pour les jambons. Allons, i^ faut partir , la Gloire air,\î l'ordonne.
O vous, jeunes Abbez, pairris d'ambre, de raufc. Qi_i n êtes expofez jamai'i qu'aux coups de buf ce- pendant que nous allon" expofer nos cervelles ,. = Ob, combien irez-vous fouiagcr chez nos belles? Pouï.voas,o;rosDouaniers,ô:vous s;ens de Palais,
2 8 2 Scènes Françoifes
Vous n'avez que l'efté poar faiic les muguets. Les Plumets de recour , ferviteur aux ruelks. Mais malgré nos grands crocs , & nos airs de
dragons , Les Abb-'z font , morbleu, de toutes les faifons.
SCENE.
Qui ouvre le fécond ACle- LE PRINCE, COLOMBINE,
COLOMBINE.
ENcore un coup , Seigneur ^ mon plan de galanterie eftjtoat drelTé j & j'ay ^dé- jà fait en moy-memelacirconvalationdu cœur de la Princeire, Mais fî les remon- trances font de mife avec les Grands , ne feriez-vous pas mieux de demeurer dans une tranquille incertitude, que d'aller ten- ter une épreuve aufli délicate que celle-cy?. Il en eft du mariage à peu prés comme de la peinture. Ce n'eft pas toujours le grand jour qui en fait la beauté j Se les ombres y ont leur mérite comme le refte. La meil- leure politique 5 à mon fens,que puide avoir un Epoux , c'eft de neconddererfa femme que dans fou point de veue. Les lunettes d'approche ne font point avanta- geufes pour les Maris y de le moins qii'ils-
du Phénix. 283
puiirent voir efl: toujours le mieux. LE PRINCE.
Non , je ne me paye point de ces raifons. Deufîe je eftre la duppe de ma curiolîté, je veux fçivoir mon fort 3 quel qu'il puiiPe eftre.
COLOMBINE.
Comrye fi le fort d'un Mary eftoit bien mal-aifé à deviner l ( Seigneur , je parle en gênerai. ) Mais pour venir à ce qui vous touche 5 fi vous apprenez que la PrincelTe vous Toit fidellcjce fera un plaifir alfez plat pour vous. Encore de la trempe dont je vous connois , ou vous direz qu'on ne l'aura pas prîfe du bon côté , ou vous en donnerez tout l'honneur à fon tempéra- ment. Mais aufll fi le pied vient à luy glifTer 5 ( car cela eft affez cafuel ; fongez- vous bien dans quels chagrins vous vous plongez ?
LE PRINCE. NMmporte. J'en veux courir tous les rif- ques. Tiens , vois-tu Colombine , je fuis un peu hérétique fur le ch.ipitre des [fem- mes. Je m'imagine que tout ce qu'on ap- pelle vertu chez elles , refTemble à ces pie- ces faulfes, qui ont tout l*éclar des bonnes, mais que la coupe difïipe en fumée. COLOMBINE.
A dire vray , je fçay be.iucoup de vertus qui netrouveroient pas leur compte àpaf-
i^4: Scènes Françoifes
fer par le creufet. Mais puifque vous avez- de fi bons fentimens de nôtre fexe , qu'cft- il befoin de faire de nouvelles expériences? Encore [i cela fe faifoit aux dépens d'au- truy 5 je dirois , pâtre ; Mais quand je fon- ge que vous faites les avances de vos de- niers , il me femble voir ces gens qui fe ruinent à chercher des trefors. Toute la différence , c'eft que les chercheurs de tre- fors en font quittes pour ne rien trouver j & que les Maris de vôtre humeur , trouvent fouvent plus qu ils ne cherchent. LE PRINCE.
Que veux-tu , Colombine ? je fens ma bizarrerie misux que perfonne. Mais com- ptes-tu pour rien , l'efpoir de dérober à^fa femme le fccret de fon cœur ? COLOMBINE.
Dérober à une femme le fecret de foti cœur ! Et la plr.fpart du temps, elles ne le fçavent pas elies-mefmes. Le cœur d\me femme eft un vray miroir qui reçoit toutes fortes d*objc:s fans s'attacher à pas un. Au- jou: d^huy c'ell: une peti:e chienne qui l'a- mufc , demain ce fera un Perroquet mi- gnon. Si les hommes y font reçus quel- quefois 5 ce n^eft que par Inttr.m , &tn attendant que le gouil revienne pour un meuble magnifique , ou pour une mode, nouvelle. Et c.piés tout , n'eft-il pasjufta que noiis ayons noire. revanche. ï Car com^
\
dn Phem.w 2 S 5
rhcnt les hommes d^iprefent regardent-ils les femmes ? Comme des commoditez de pafTage , où Ton vient redélailer des fati- î^Lies d'un grand repas , 6c pour ainii dire , hiire la digeftion agréablement. Auffiil faut voir comme notre fexe eft fur Tes gar- des. On n^eft plus Ç\ folle , que de prendre des fumées bachiques pour des tranfports d'amour,
LE PRINCE.
Je veux tout cela , Colombine : mais quand un joly homme , JQ.int à des maniè- res touchantes la rhécoriquè des '-•rmes& des prefens , je crois qu^il peut fe ffl~ l'a- voir toft ou tard l'oreille >/une Femme. COLOMBINE.
C'eft bien tout au plus ,. Seigneur. Une femme un peu grecque voit verferdes lar- mes fans s'attendrir , & prend joliment les prefens fans fs lailler prendre. Prefente- meni' c'eft une loy receue dans les ruelles, qu'une femme peut prendre à toutes mains fans confequence ; & en effet , voudriez- vous qu'une belle eifuyaft: Gratis les vifî- tes de vingt originaux ? Ira-t'on leur prêter ïxns interefts des Canapez pour fe veautrer, des glaces pourrajufter cent fois leurs per- ruques en un moment j des tables de la Chine pour étaler leurs tabatières ,& un plancher bien reluifant pour repérer leur pas de Silfone ? Au contraire 3 il y a telle
2 8 <^ Scènes FratJCoifes
mniron dans la Ville , où l'ondevroit écri- re far la porte :Deffenses font faites à tous fils de Parcifans , d'entrer fans payer. Mais je crois qu'on y tient déjà alTez la main , fans que la police s'en em- barraife.
LE PRINCE.
Ah , Colombine , tu te perds dans les dicrreÛTions , au lieu de fonder à nos af- raires.
C O L O M B I N E.
Au contraire , Seigneur , je repaffe les folies de la jeunelTe , pour prendre des ma- iri^-^ii^tfoiues oppofées auprès de la Prin- cef'e. Car je croy que vous fuivez votre pointe, Se que vous voulez la faire éprou- ver abfolument.
LE P Px I N C E.
SI je le veux :- Comptes que ta me rends la vie 5 fi tu m^ts tout en ufage pour ébran- ler fa fideljré.
COLOMBINE.
Seigneur , vous faites vos affaires à jeu feur. îvL^is ne m'avez - vous pas tantofi: pArlé d'un divertillement fur mer , dont vous vouliez leurer la Princelle ? LE PRINCE. Tu n'as qu'à me fuivre pour l'appren- dre : aulTi bien il faut que nous concer- tions les chofes enfemble»
f
du Phsrjîx. 2 s 7
COLOMBINE.
Voila un mary bien extraordinaire \ Le mal ne vient-il pas aiPez toftfans aller au devant de luy î
•e<i^' &^- ^^^- J^-«B>3*e^^3 f-^-ç^]- s^ -ï^à «&3»
SCENE DE ^AMBASSADE
A R L E Q_U I N dèiuifè en Xirc , LA PRINCESSE.
ARLEQ^UIN.
Approuvez ma foiblelic ^cloulFrez ma douleur Elle n'cft que trop jufte en un fi grand mal- heur. Le Bâcha conHipé du dcfir de yous pîairc , A vainement: recours a fon Aponiquaiuc. Il crèvera , Madame , eu ce funellc -aur , Si vous ne luy donnez des pUlalcs d'amour. Pour peu que votre coeur barguigne à dire Taupe, le vous le garantis au royaume des taupes. Mahomet l'en preferve. II eft gras , potelé, Dodu , frais , ur œil vif, un menton redoublé. Un vermeil de corail fur fes lèvres éclate , Ses oieilles fur tout font haute à Tecarlate. Tout , jufqu'a fa mouJlache a-guife l'appctit. Te vois que vôtre coeur palpite à ce récit. Qiic je tàtc j Madame ?
LA PRINCESSE.
Ah tout beau, jevons prie. Vous pouffez trop loin vôtre en^ploy. A R L E Q^U I N. C'eil: pour le droit d'avis^Madame^en bonne foy.
2 s 8 Scènes Frar.çoifes
Car, nous autres Fouriers de la galanterie ;f
Nous nous pajons d'abord par nos mains.
LA PRINCESSE.
Je le croy, Maisqu'ay-je à faire, moy,de rôtre mimilere ?
A R L E Q^U I N. Hé Madame, eft- ce à vous qu'il faut un commen- taire ? Lcifquc fur un amant CuJ>idon acharné, Eft: pis qu'un lutin déchainé \ Qu'il fait d'un pauvre cœur une capilotade: Si le Sort venant à changer, Met fous la pâte du berger L'objet qui l'a rendu malade, N'eft-il pas naturel de fe dédommagrer ?
Si vou<; n'entendez pas la chofe, Madame, le Bâcha vous fournira la crloiV.-
LA PRINCESSE. "" Ah ! je connois tres-b-enfes iniuftes deîleins".
Mais je fçauray les rendre vains. S'il ofc de mon cœur fe promettre l'entrée. Je fcauray m'alfranchir par un trépas Ii prompt,
ARLEQUIN. Hc, Madame la loire eft-elle fur le Pont? Et voulez-vous mourir contre veht & marée ? LA PRINCESSE. NoH, je n'attendray pas que le Barbare vienne, Pour prix de fa tendrefîe, attenter à la mienne : Et fi je fuis tombée en fes perfides mains , Un poignard de la mort m'ouvrira les chemins.
ARLEQ^UIN. Adieu donc, bon voyage. AUeZjCOureZjTigrefle, Marcher pompeufement fur les pas de (ucrcce : Audi- bien fa mémoire eft-elle à fon déclin. Car, quoique dans le monde il foit plus d'un Tarquin.
du Phemx. 289
£t que dclTus l^honneur le fexe toujours glofc , On ne voir plus de femmes dans ce fîecle malin Se tuer pour fi peu de cKofe. LA PRINCESSE. Ah ♦ pour moy le trépas n'aura rien que de doux. Après qu'on m'a ravie à mon charmant époux.
ARLEQ^UIN. Mais cer époux charmât, fquoique cette cpithetc Pour de tels animaux n'ait jamais efté faite , ) Croira- t-il, s'il luy rcire un peu de jugement. Que vous vous poignardez pour des prunes ! LA PRINCESSE,
Comment -: Traître de quel foupçon viens-tu fraper mô ame?
ARLEQ_UIN. D'un foupçon , des foupcons le mieux fondé , Madame.
Car , comme dit fort bien Platon , Tout RavilTcur eftant fujec à caution ,
En vain dans ce fîecle hypocrite Vous joiiericz des couteaux à bonne intention. De vôtre mort encor vous perdriez le mérite, Zt vous attireriez fur vous quelque jlon , jlon. Vivez donc , ma PrincefTe , en dépit de l'envie.
Le pauvre Bâcha vous en prie : î!t fon coeur, qui vous tend les bras de tous côtés,
Recommande à vos charités Un amour fort prefle defes necciîites.
LÀ PRINCESSE. Ah , quel amour , grands Dieux ! peut - on eftrc
afTez brute Pour vouloir emporter un cœur de haute lutte ? C'eft là le procédé d'un Turc Se d'un Tyran.
ARLEQ^UIN. Hé 5 Madame i de grâce épargnez l'Alcoran. Perfonne aujôurd'Euy ne fe pique
^9o Scènes FrançoïÇc s
D'aimer par ordre mcthodique. Car depuis que les Partifans
One amené chez nous la vilaine ir.ethode
De ne point foùpiier qu'à beaux deniers comp- tans ,
Les belles pafîions ne font plus à la mode.
Tous les cœurs à-prefenc font des cœurs de rocher
On regarde l'amour comme un hoftcUerie,
Où l'on ne tait qu'un gite & puis touche Cocher» LA PRINCESSE.
Hé bien j me chant boufon , es tu las de prêcher?
N'as-tu pas allez loin poulie la raillerie ? ARLEQ_^UIN.
Je finis : auïïi bien j'ay déjà la pépie.
Madame , puis qu'enfin rien ne vous peut toucher,
Adieu , tout votre faoul faites la rencherie.
levais vite au Bâcha conter notre entretienj Et je vous donne ma parole , Qiic li j'ay bien joiié mon rôle , Le Bâcha jouera mieux le fien.
SCENE DU BACHA,
COLOMBINE en Turc, LA PRINCESSE , ARLEQUIN derrière.
A R L E Q\J I N.
A Lions 5 il faut que je ferve icy de Ju- ge de Camp. En amour , il devroic toujours y avoir un tiers ^ pour relier les diflicultcz.Car depuis un temps les Femmes
du Phénix, i^ i
font devenues lî chicaneufes .... COL-OMBINE.
Madame , à juger de moy par les ma- nières du pais , vous vous attendez fans doute à vous voir demander le cœur, com- me un voleur demande labourfe. Les Turcs coupent aiTez court fur la tendrelfe , & chez eux un^ galanterie reflembleaux O- rangers où Ton voit la fleur & le fruit tout enfemble. Pour moy fans trop faire le refpedueux y je commence par abjurer ma patrie, fi ma patrie vous eft (i fupecle : trop heureux , fi ce premier facrifîce vous met en goût pour tous les autres que mon coeur prétend vous faire!
ARLEQ^UIN.
Une. Deux. Remettez-vous. En garde , Madame , en garde : Voila un compliment qui alloit droit au quatrième bouton. COLOMBINE,
Madame , feroit-ce bien moy qui cau- feroit vos allarmes ? Ah ! lailTez à des yeuz vulgaires les larmes en partage : Ce n'eft point-là le métier <les vôtres. P^ut-étre auili ne pleurez- vous que par reftitution des larmes infinies que vos appas m'ont coûté. Mais non jMi'dame, vos yeux ont beau faire , l'avantage fera toujours de mon côté.
ARLEQ^UIN.
Le voilà bien embarralTc | Si elle pleure
2 5»! Scen&i Françotfes -
toûjoius , il n'y a c^u'à lui jetter le mou- choir.
COLOMBINE.
Faut- il qu'une fi belle bouche demeure oifive , pendant que tant d^autres s'em- ployent (i volontiers aux dépens des oreil- les qui les écoutent ? Comptez , Madrtme, que tout ce que vous manquez à dire , eft autant de larcins que vous faites. H eft vray qu'après vous avoir entendue , on perdroit infenfiblcment le goût des autres bouches : MaiSjMadamejquand pour vous feule on devroit renoncer à toute la terre, vous pourriez eftre encore reçue à deman- der du retour.
ARLEQ^UIN.
Voila déjà la bouche & les yeux fur les rangs. Courage , courage , nous ne fom- mes pas au bout.
LA PRINCESSE.
Seigneur , je croyois devoir à la vivacité de ma douleur5& à quelque début d'huma- nité que je remarque en vous , le iilence dont je me fuis picquée jufqu'à cette heu- re. Bien d'autres à ma place , eulïent pro- fité d'un champ favorable à étaler mille imprécations magnifiques , & à donner l'elfort à des torrens de larmes de com- mande. Mais moi qui n'ofe point perdre mes chagrins de veuë , j'abhorre tout ce qui pourroit m'étourdir fur mon in- fortune
du Thenlx. i ^ *
fortune. Je laifTe à des femmes médiocre* ment touchées tout ce fracas de gcmiiîe* ment ,& cet appareil de triftelTe , où l'ef» prit fuppofe toujours le cœur. Voila , Sei- gneur , ce qui vous met à couvert des re- proches où fans doute je pourrois m^iban- donner comme les autres , fi je ne otaignois d'affoiblir mon refTentiment p^ mes pa- roles.
A R L E Q^U I N. En effet , Seneque dit que les grandes douleurs font muettes. Mais H a excepté fagement la douleur des femmes & des Perroquets : Car il faut bien c]ue chacun joUille de fes prlvilccres.
COLOMBINE. Ainfi donc 5 cruelle , vous me plaigne^ jufqu'aux duretez dont vous me jugez di- gne -, & votre cœur croiroit fe mettre en frais , en rendant fa bouche l'interprète 4es mépris qu'il a pour moi ? C'eft donc un grand crime que d^ofer vous aimer ? Ouy , Madame , c'en eft un , je le confclfe. Mais eft-il comparable à celui qu'on feroit ca r.e vous aim mt pas ?
A R L E Q^U I:N. Au moins , voila ce qui s'appelle de la plus fine Turquerie. Diable , mou cœur fortira tout candy de cette affaire- cy. LA PRINCESSE. Appellcz'vous, Scigneur^aimerlcs gen»
2^4 Scen&s Franco' fe s
.que de les arracher à tout ce qu'ils ont àz plus cher au monde , & de couper chemin à mille careiFcs innocentes donion cimen- toit un hymen nalifant ? Helas , Seigneur, que votre prérendu amour fe fent encore du vice du terroir ? & que vos feux por- tent bien tous les caraderes du climat où vous avez pris le jour ? Mais comment ofez-vous couvrir du mot d'amour un bri- gandage ordinaire parmi vous autres ? Prendre pour les mouvemens d'une afFec- tion réglée le defordre d'un cœur vray- ment efclave des irruptions de fon tempé- rament. ■Ah ! fî TAmour chez vous n'a point d'autre enfeignc ; qu'ay-je fait au Ciel pour ne pas mériter vôtre averfîon. A R L E Q^U I N chantant. Ak C A D M u s y pourquoy m'aimez^ vous ?
COLOMBINE. C'cft à dire , Madame , que vous faitcâ vos reproches toujours à bon compte j & cela me paroit de bon fens. Car enfin qui pourroit répondre de fa fermeté dans une occafîon aufli délicate que celle-cy ? Eftrc né Turc , fe voir dans le boiiillant de l'âge; fcntir auprès de foi une jolie femme , 6r encore la femme de fon ennemi -, eftrc fon- dé en coutume , voila mes titres , Ma- dame , voila mon jeu fur table. En faut-i! davantage pour céder à l'impreffion fur-
du Phénix. 2^5
prenante que vos charmes font fur mon cœur ?
A R L E Q_U I N. Il dit bien hardiment : Voila mon jeu fur table : Il fçait bien pourtant, que le meilleur eft à l'écart. ^
LA PRINCESSE. Ah , Seigneur , auriez vous le cœur d'a- bufer de la prife que mes malheurs vous donnent fur moy ? Feriez-vous ce tort à la nobleifede vos fentimens ?
COLOMBINE. Oh , Madame , j'ay là-delPus les fenti- mens fort roturiers. Que voulez-vous ? ce n'eft point ma faute. J'ay caché mon jea le plus long-temps qu'il m'a efté polîlble, je me fuis retenu le bras vingt fois : mais le levain de la nation efi: infurmontable. A rheure que je vous parle 3 je ne fuis plus mon maiftre j je fens des tranfports qui m''emporrent hors de moi-mefme. Mada- me 5 je vous le dis à regret , je fuis fâché qiie vousfoyez fi belle.
A R L E Q^U I N ^» Parterre. Hé , Meilleurs , que quelqu'un de \o'^^ fe jette entre-deux. Je le connois ,il feroic malheur.
LA PRINCESSE. Ah 5 Seigneur , je m'eftois donc bien trompée. Je ne croyois rien moins de ce que vous paroiffiez. Je cherchois dans vos
O ij
^f)Ô Scènes Françoifcs
manières ce Tare que je rencontrois fous vos habits. Seigneur , lai{ïez-moi mon er- reur. ]*ay encore aflez bonne opinion de vous 5 pour ne vous croire point capable 4c faire courir aucun rilque à ma vertu. C (i L O M B I N E. Vraiment , vous avez-là une jolie opi- nion de moy 1 Je vois^bien qu'il faut vous faire connoitre de quel bois je me chauffe. A R L E Q^U I N à part, Auroit-elle deviné Tencloueure ? Il efl: vrai que les femmes ne prennent gueres réchange fur cet article. Elles vous fen- tciit un homme de cent pas à la ronde. LA PRINCESSE. Ah 5 Seigneur , qui vous a pu gâter en fî peu de temps ? Vous aviez tantoft des airs h refpedueux.
COLOMBINE. Madame , il faut commencer par de la fumée , pour finir par le feu. Les Turcs d'ordinaite ne font point de montre. Moy j'en ay voulu faire pour laifTer gagner à mon amour le terme de maturité. Le terme cft échu , Madame , il faut payer. A R L E Q^U 1 N. Ma foy 5 s^il luy fait faifir Tes meubles , jqu'il ne s'avife pas de choifir un autre gar- dien que moy ?
LA PRINCESSE. Seigneur ^ fi mes foibles appas ont trou*
du Phénix. 297
vé grâce auprès de vous y ne leur faites point l'aiFront de manquer à la retenue que vous devez à une perfonne de nia con- dition.
COL OM BINE. Voilà le feu! endroit où je ne reconnois point la junildidlion de vos appas. Quoy ? je pourrois me polfgder à la vue de tant de charmes ? Et quelle occafion jamais plus belle pour s'oublier ? Vôtre beauté , Ma- dame 5 porte Texcufe de tous les crimes oii elle peut précipiter : mais ce font tout an plus d"*hcureules foibleiTes. Ce mot me fait appercevoir que le refped commence à me manquer.
LA PRINCESSE. Ah , Seigneur , lalifez-moy du moins U temps de me reconnoître.
C O L O M B I N E. Et quel terme encore demindez-vous ?
L A P KINCESSE, Quel terme , Seigneur , eft-ce trop d« deux mois ?
C P L O M B I N E. Deux mois , Madame , deux mois ! Et j'auray le temps de mourir un million d§ fois avant l'échéance de mon bonheur. LA PRINCESSE. C'eft pourtant fi peu , Seigneur,
C O L O M B I N E. Hé bien , il faut vous les accorder ^ ces
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2 «) 8 Scènes Françoïfes
^eux mois : Mais j^'y mets une claufe. Le Calendrier des Amans n'eft pas fait comme celui des autres. Chaque jour eft une an- née , & chaque heure eft un mois pour un cœur bien pafïionné. Ainfi , Madame^ en vous venant retrouver dans deux heures , les deux mois feront accomplis \ & j'auray farisf ità ma parole ^ félon les Loix de la BouiFole amoureufe.
LA PRINCESSE. Seigneur , ce que vous faites-là eft bien Turc.
COLOMBINE. Madame , fongez que vous n'avez enco- re vu qu'un échantillon de mon amour : mais dans deux heures d'ici « au dernier les Baux.
LA PRINCESSE. Dans deux heures 1
ARLEQUIN. Et ledit temps palTé , les parties fc pour- voiront, ainfi qu'elles aviferont bon eftre. LA PRINCESSE. O Ciel 5 infpire moy tout ce qui peut pa- rer un coup (1 fiinefte.
ARLEQUIN. Il ne faudroit que deux femmes comme cela pour remettre les maris à la mode : mais c'tft une mode qui palleroit bien vue.
du phe?nx. 2^5)
•£^- c<^- 'm- s^- a^- im- }^ &-^- £^- A^- e#3' :-€^-
S C E N E
DES PHILOSOPHES.
DEMO CRI TE, HERACLITE,
DIOGENE, LE PRINCE,
PASQ^UAREL.
LE P R I N C E .^: Dimocrhf.
MOiiiACUï , je viens au canal de la fa- gelle , pour vous confulter fur la maladie de la Princeire ma femm.e. DEMOCRITE ria^t. Au canal de la fagede: Ahiahlahlahlah!
LE PRINCE. Mais 3 Monficur , pourquoy me rire .«u nez comme vous faites r En ufe-t-on lïnîi avec les gens de ma qualité ?
DEMOCRITE. QiToy ? je verrois une coquette à pU:";-cs voiles 5 qui après vingt ans de poftalarion pour le mariage, cft enfin parvenue à ac- crocher une duppe de cent mille écus ; elle qui n'avoir pour tout revenu que Spadille éc Bafle, -v quelques Gano qu'elle faifoit à la tr/vêrfe : &z je ne rirois pas ?
Je verrois le roturier Adonis 5 à la faveur de Ton tein de laie 5c de ion caroRe de cuir de roully , fefaux-filer parmy les petits
G iiij
5 0» Scènes Françoifes
Maîtres 5 5i briguer à grands frais le tiire ambitieux de débauché fuivant la Cour i de je ne rirois pas ?
Je verrois un Empyrique , appelle pour des vapeurs féminines , qui fe met en de- voir d'eftre tout à la fois le Médecin & le remède j.& je ne rirois pas ?
Je verrois le fous-fermier Bourfoufîléjà peine échappé de la miandillc, ne jurer que par fa table , fes alcôves dorez, ôc fa tapif- ferie de velours ciTur.oify : lui qui eftoit trop heureux autrefois de manger à la gar- gotce 5 de coucher fur un lit de fangle , & de coller des Thefcs tout autour de fon galetas 5 & je ne rirois pas l
Je verrois des femmes, qui à la moindre parole équivoque fe font un plaftron de leurs éventails ôc de leurs manchons , cot- toyer durant l'Efté les rivages de la porte faintBernardjpourn'y voir rien moins que des Dieux marins j & je ne rirois pas ?
Je verrois tous les jours aux Thuilleries^ un Anglois qui poufle vingt foupirs ftcr- lin auprès de chaque grifette qu'il y ren- contre j Se je ne rirois pas i
Je verrois un détachement déjeunes Sé- nateurs qui partent pour le fiege de Mons, armez de perruques à rEfpagnole,de petits miroirs de poches , Se d'elTence de berga- motte, & qui fe laifTent contumacer à. la: tranchée j 6c je ne rirois pas ?
du Phénix, 301
LE PRINCE.
Hé bien, ri donc tout ton faoul, Philo- fophc à tous les dicibles. ( A H redite , ) - Et vous, Monlieur , rirez-vous comme ce fou là ?
HERACLITE, Ignorant, tu connois bien mal Heraclite. . Dois-tu pas fç.ivoir que mes yeux font des machines hydrauliques ,& que depuis une infinité de fiecles , j'entretiens aux frais &r dépens de mes prunelles , une filiale lacri- maie de fondation \ ( Il pleure, ) hui l huil hui ! hui !
LE PRINCE,
Mondeur , c'eft an confeil , & non pas des pleurs que je vous demande. HERACLITE.
Quov?je verrois les defolations caufées par defFiint le Lanfquenet, octant de bour- fes atîligées pour avoir mis à la réjouilTân- ee & je ne pleurerois pas ?
Je verrois AÔtre fiecle fi fécond en Da- nae'z , grâce aux Juplters de laDoiianne 5 & qu'aujoiu"d'bui,(î un mari veut être em- ployé, il faut qu'il confentc que fa femme le folt la premiere-,&: je ne pleurerois pas ?
je verrois tant de jeunes gens qui fe laif- fenr prendre à la glu d'une belle voix oa d'un pied fouple à la cadence, quoy que ces beaux gouiîers foient fujets à entrer en maè ) &:que ces pieds fi mi8;nons fairenS
b r
3 0 1 Scènes Françolfcs
quelquefois des faux pas j 6c je ne pleure- rois pas ?
Je verrois le mérite tomber en roturesSc la vertu fous les haillons^dans un temps ou le vice & la fottHc fe font précéder par des fourgons j &: où Ton voit louvent nx che- vaux bien embaralTez à entraîner un feptié- me j & je ne pleurerois pas ?
PAS4UAREL au Prince. ^ignor , Ufciate , ijuefto matto , &e, LE PRINCE. Voyons Diogene. { Il frappe au tonneau.)
D I O G E N E d.'ins fa tonne. Qui va la ? Voyant U Prince & Pafqua^ reU <juil frettd four des mouckards. )
Comment ces marauts-la veulent jeau- ger le manoir de la fagelTe ? ah je vous ap- prendrai. . . . C II fort tout en furie , & aé- fonce les fi'jdiUes. )
LE PRINCE. Monfieur, je viens à vous en dernier ref- fort, pour vous fupplier de guérir ma fem- me.
DIOGENE tout en colère. Hé, j'ai bit-^n affaire d'une femme ? horn'- mm qndLro, Mais où trouver l'homme que je cherche "i ( Il noarde le Parterre .^.vec Ci lanterne, ) Voici bien du peuple afTemblé. Mon homme ne fera-t-il pas là ?
Eft-ce le Damoifeau Papillotin, qui fait de fa chambre une Académie de frifure,qui
an Vh^yvx, 395
fe rend le menton chuive par artjqui parle toujours comme s'il jouoit de la flûte , de p:.iir de s'élargir la bouche ; qui dans les chaleurs loue un homme exprès pour lui fouffler de quarc-d'heure en quart- d'heare de l'eau de la Reine d'Hongrie dans les mains , afin de les avoir plus fraifches : Ecureuil affidu de tous les Théâtres , où il fe donne en Tpeclacle aux femmes ; fous- riant aux unes , ramageant aux autres, ôc fe montrant pièce à pièce à toutes : toujours nouveau par fcs habits , &: pourtant tou- jours le mefme ? Non , ce n'eft point là ce que je cherche. Himimm cfHAro,
Eft-ce le fo.is-Fcrmier Plmpant,^.vec fon mérite doré lur tranche, qui fend brufquc- ment la pi-cllë aux Thuilleries pour an- noncer au public fa brillante écharpe , par laquelle il ne prétend pas moins que d.3 mettre en écharpe toutes les vertus de la grande allée? Non , ce n'eft point là mon aitairg. Hovv.mm ^\ii<f/''o.
Eft-ce le beau NarciiTe ,quî prétend ra- cheter les ufures de fon père, par celle qu'i f.rii commettre à vingt Marchands, dont i , prend "Targcnt au denier quatre ? Non , ce n'eft point là mon commit . Hominem qui&ro, Eft-ce cet Avanturier , dont la fortune eft un labyrinthe , qui tout d'un coup a' paru dans le monde avec .deux Charges & mi Carolle magnifique ^ Carollequi dés le
O VI
3 0 4 ^ ^^-^ Françoifes
jour de fa naiilance a connu toutes les inc5 de Paris , & qui a furieufement éclabouifé la réputation de deux riches veuves , dont Ion maître pafTe pour le grand veneur ? Non ce n'efl: point là ce qui m'accommo- de. H.m'nem qitdiro.
Eft-cc le Sénateur Tourbillon , qui fait déjà rhomme d'importance , quoy qu'il n'ait encore opiné que fur des ragoûrs , ou fur la fève à\\\\ vin de Champagne 5 le fait de fon mérite confiftant à fçavoir rempla- cer par d'amples filions de Tabac d'"£fpa- gne 3 la mouftache que la nature prudente luy a refufce ? Non^ce n'eft point là ce que. je cherche. Hominem qn^ro^
Eft-ce....
Ze Prince le repoujfe avec violence , & les chajfe îcpi4. D^ogene dit pUifieiirs fois en yen allant : Hominem quaero, Democrite fi voyant chaffer , dit : Et je ne rirois pas y & Heraclite : Et je ne pleureroi^ pas,.
4-1
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du Phénix. 5 o j
SCENE
DES MATRONES.
ARLEQUIN en Commijfaire infernal , lit :
PL u T o N 5 Dieu des Enfers , à tous prefens & à venir , Salut. Sur ce qui nous a eflé reprefenté , que pli^fieurs Don- zelles fe font innufes aux champs Elifées, dans le quartier des femmes de verrn , fans avoir titre ni caraâiere, c-c fans eftre mar- quées au véritable coin de la pudeur. Nous avons jugé à propos d'établir un Coiiimif- faire Enquefteur ôc Examinateur de tous les honneurs roturiers , ôc de toutes les vertus où il entre de l'alliige r A la charge par ledit CommiiTaire de prefter le ferment en la manière accoutumée. Se ce pour la forme feulement , de peur d^mgmentcr le nombredes parjures. Voulons que toutes celles qui ne feront pas leur preuve de cha- fleté en bonne forme, foient renvoyées fur l'heure à l\appârtemcnt des Laïs & des Phrinées, (s'il y a place.) Deffenfes à elles de g'ofer jamais m^nifefter dans l'allée des femmes fages ; à moins que d'y paroître en robe de chambre , en linge ch^'fonné , 5c avec deux ou trois onces de fard fur le yI-
5 0(? Scènes F/" anço'tfes
fage : le tout de peur d'équivoque. Vou- lons en outre. 5 que toutes celles qui fout en odeur de vertu jgrace à la fatuité de nos anceftres jfoient obligées decomparoître, pour faire appurer leurs comptes de chafte- té pardevant Arlequin Sbroufadel , Com- miir^ire fus-nommé.Douné au Manoir Sti- ojieux, le quatre-vino;t dix-neuvicme, &c. LUCRECE carrant. Seigneur,!! n'eft pas étrange que Lucrèce mené le branle dans l'entrée de tous les honneurs anciens & modernes : mais il me fcmble qu'en bonne police, on devroit ti- rer de pair une vertu quinteircnciéc , & ne me pas mettre de niveau avec tant de cha- fletez fubaUernes , qui vont fondre à l'ap- proche de la mienne. Peut-eftre a-t-on voulu me ménager des trophées , en m'cx- pofant à l'examen avec les autres : mais mon mérite fe foutient aiTez de foy-mef- me ; & Lucrèce fera toujours la vertu par excellence , pour avoir lavé dans Ton fang le forfait d'autruy.
ARLEQUIN. Il t9i vray que vous fîftcs là une belle maneuvre i Voyez aufïi comme on vous a fuivieîVôtre action efl: encore la première & la dernière de fa race. 0\\ convient que vous vous perçaftes le fein alTcz metodiquc- mentanais pir malheur vous vous y prîtes un peu fur le tard j ôc apparemment vous
du Phen'x\ 507
fuftes bien-aife de ne.vous tuer qu'en coii- noiiîaiice de caufe ? Mais à quoy bon faire une airemblée de parens, avant que de vous donner le coup fatal ? Eftoit-ce pour leur annoncer que vôtre honneur eftoit mort ab inteflat f Le beau compliment pour un mary , de s'entendre dire : Ah mon cher petit homme,ton front vient d'eftrc inful- té : M-iis j\utefl:e Jupiter Capitolin5queç''a efté fans mon confentement \ comm.e fi es pareil cas une femme eftoit croyable fur fa (impie dcpofition î Apres cela le poignard joua ion jeu \ ôc en effet , puifque vôtre mary eftoit pourveu^vous n'aviez plus rien à faire au monde , à moins que de vouloir recommencer fur nouveaux frais. Mais c'eil ce coup là que vous auriez pu dire à bon titre : '^e ne fçaurois.
Pour cjHÏ -prenez^-vom Lucrèce ? Veri mnnrrois. LUCRECE.
Te crois que ce monftre eft airocié avec T. rquin pour me deshonorer une féconde fois. Traiftre , ofe-tu bien noircir ladion la plus héroïque ? . . .
A R L E Q^U I N.
Et avec tout vôtre héroïque jvous ne mé- ritez pas feulement le dernier Accejjlt en vertu. Huifïier qu'on la mette avec Cleo- patre. Avec Clcopatre , Madame , avec Cleopatre.
3oS Scmes Trançoifes
ARTEMISE arrive.
Seigneur, qu'on me laifTe ma part fran- che de chafteté , où je vais faire un bruit de diable dans les Enfers. Tout le monde connoift alTez Attemife \ & je défie la Communauté des Prudes de ponirer plus loin que moy le vacarme de la tendrefTc conjugale. Je vous prens à témoins , bala- fresjégratignuresjgros toupets de cheveux, que me coûta la mort de Maufole : & vous Maufolée à jamais durable , dont j'hono- ray fes Mânes : fans compter fes cendres,, que je pris la peine d*avaler. Voila des ti- tres cela , qui feront ranguêner toutes les verr.us qui voudront faire alFaut avec la mienne. A R L E QjU 1 N.
Qaant au Maufolée fuperbe que vous fiftes ériger , il y a bien des femmes qui voudroicnt eftre quittes de leurs maris à ce prix-là. Et que fçait-on, fi vôtre intention n'eftoit pas de perpétuer la joye que vous donnoit la mort de vôtre épouz î A l'é- g?.rd de fes cendres que vous priftes en pillules5on peut dire que les pillules firent leur efiJet, 6c qu'elles vous purgèrent abio- lument de toute vôtre affection conjugale^ puifque fans attendre le bout de l'an, vous vons amourachâtes d'un jeune homme dot les mépris vous obligèrent, à vous calTer la îçftey q«e vous aviezt déjà uu peu feflee^
^u Phen'ix. ^ o î>
Ainfi donc toute vôtre fidélité ne fe réduit qu'à quelque boutade de tenduelfe , &: à deux ou trois accez de defefpoir. Allez , Madame Artemife , je vais vous mettre en pais de connoiffance. Huifïïer , avec la Matrone d'Ephefe. Avec la Matrone d'E- phefejMadame^avcc la Matrone d'Ephefe,
PENELOPE arrive. Mon bon Monfieur , vous voyez une femme qui a tenu bon contre vingt galans pendant le fiege de Troye. UlylPe me laifTa pauvre innocente que j^'eftois avec un petit Poupon de fa façon. C^cftoit toute ma con- folation dans mes difgraces.Je voyois qu^- on mettoit tout par écuelle au logis:Nous n'avions point de Dindon qu'on ne mifl à la daube , point de Cochon de lait dont on ne fift des farces. Ces friponniers-là n'a- voient pas la patience qu'on leur fiil: des petits fromages , ils buvoient le lait com- me il fortoit des vaches. Ils vouloient bien faire pis, mon bon Monfieur : m ai s je n'eus garde; Tant y a, mmi bon Monfieur, qu'Ulyfie revint , & trouva fil Pénélope tout comme il avoit laiirée. ARLEQ_U1N. Oh, Madame Pénélope, avec toute vôtre ingénuité , je trouve bien des non-valeurs de chafteté à vôtre fait ; Car enfin voicy comme je raifoniie. Unraary à la guerre
2 10 Scènes Françoifes
depuis dix ans j une jeune femme fans dcf- fenfc j vingt Princes pour galans , dont le moindre, eftoit expert en V^i decocqueter: Vôtre maifon avoit déjà pris Tes titres de Taverne & d'Academie.Pour dernière bat- terie , les Princes y établirent un Opéra, Ali /Madame, le dangereux air pour la vertu I D 1 D O N e^^traiûiznt y.rgïlePar la ma'w. Main-forte , Mefdames , main-forte. Voici l^'impofteur qui m'a perdue dans le monde. Helas ! fans ce traître de Virgile, lapauvreDidon jouiroit encore d'une ré- putation inviolable.Mais ce chien de Poè- te, ce maudit Mache-lauriers, il ne fe con- tente pas de renvcrfcr Tordre des temps, il renverfe encore Tordre des chitftetez , & m.e fait me paffionner pour un Efcroc qui me plante là fur la foy d'une apparition chimérique. Q-.ioy ? Thonneur de la plus vcrtueufe Veuve qui fut jamais, ne dépen- dra que du cerveau fanatique d"*un bel ef- prit ? Seigneur, fiites-moy faire réparation d'honneur \ ou fans autre forme de procès, je vais vous dévifag;er tous les deux. ARLEQ^UIN. Hc là là , Madame Didon , vous prenez le more aux dents un peu bien vifce. Vous vous plnignez que Virgile vous a oflé Thô- ncur que vous aviez -, 6c Homère par une compeniation Pocdc^^ue a donné à Pcne-
du Phénix, 3 i i
lope l'honneur qu'elle n'avoir pas. (Vue voulez-vous ? Les Poètes font fujets aux quiproquo , auili bien que les Apoticaires, Mais pour vous accorder toutes deux , Haillîer , qu'on les place parniy les hon- neurs douteux des champs Elife'es ? D 1 D O N. Comment parmy les honneurs douteux? Cela eft bon pour vos modernes, ARLEQUIN. Tout beau , Didon , parlez des moder- nes avec refpcâ:.
DIDON. Allez , Juge de balle , nous allons toutes vous prendre à party.
A R L E Q^U I N 4-.V Juâ'iîeurs. Et moy , je jure par le Stix , Qiie leurs honneurs broyé?, enfemble Ne valent pas. Meilleurs , celuy qui vous ralTemble , Qiie j'intitule Le P h î n i x. Un Phénix l dira-t'on j La penfée eft nou- velle. Ouy , j'appe-Ue Phénix, une femme fidelle,
2 12. Scènes Françoïfcs
SCENES
FRANÇOIS ES.
i
DES SOUHAITS.
SCENE
DU LA Q^U A I S.
ARLEQ_UIN , COLOMBINE.
H
AR LEQ^UIN.
E b;en , mon aimable Tygreffe, Puis qu'un Àlke bcnin nous rallemblc en ces i'C.ir A qui lient-il qu'icy nous ne jouions tous deux
Une repnfc de tcndrellc ?
Ca , dans les amoureux propes , Lequel aimez-vous mieux du détail ou du gros ? Voulez-vous fur le t3\s de Cyrus ou Clelie Palier en complimens les deux tiers de iavfc ?
Ou n'auiiez-vous point plus à caur
Un amour payable au porteur ? Là , de ces paiFions , dont nous devons l'ufagc
A NolTeigneurs du Grand Bureau , Gens qui ne filent point l'amour enDamoifeau^ Et qui mettent d'abord une belle au pillage j Ca mon coLur , vous plaiit-il de quittancer m« foms ?
â^ Souhaits, 3 I 5
C'eft un acle qui peut fe paiîcr f.ins ce moins,- C O L O M B I N E. Faquin , qui te rend téméraire Tufqu'au point de prctendre afpirer à me plaire ? Lii Laquais, tout des plus Laquais,
Ofe attenter fur mes attraits î ARLEQ^UIN. Hé, Madame, arreftez. Tout Laquais que nous femmes , Sommes-nous pas du bois dont on fait les grands
hommes ? Aujourd'huy lamandille eft fur un fort bon pie.
Le' flecle aimant la bigarrure, Arecque les couleurs s'tft reconcilié.
Voilà pour ma grandeur Future Un habit Privilégié. Voilà d'une richelTe feure Le véritable Chauiîepié. BannifTcz donc. Madame, une plainte importune > £t laiiiez-moy du moins achever par pitié, Mon Noviciat de fortune. COLOMBINE. T*ay bien peur que Monfieur le Piéplac , Qu'allez mal à propos le Sort ne vous elevc -, Et que ce beau Noviciat N'aboutille enfin à la Grève.
A R LEQ^U IN. Va, va, lorfque ta me verras Dans un char Triomphant rouler avec fracas ; Sous des lambris dorez couche.- avec délices ; Quand ma table fervie au gré de mes fouhaits, De toutes les faifons m'offrira les prémices i Qu'autour de monBuffct,vingc coquins de valets Feront voler Ragoûts , Grillades , iintremcts, Hors d'œuvre , & puis enfin tout ce qui peut tft»
faire Utt Palais engourdi du trop de boûue chère i
X I 4 Scènes Trançoijes
Qiiand ma femme pallant dans le cœur de Parij, | Rendra par fes briilans tout le monde furpris : il Qae nos Ccurlîcrs fringans fe faifant faire place , J Ecarteront la populace: ■
Qje le peuple verra des Mores, des HoufTars, 1
DwS Nains, des petits Turcs, attelez à nos chars : Un o-ros Sii:ge fur tout , faifant mainte grimac», "^ GOLOMBINE.
Hé bien cela ne va pas mal. A R L £ QJU I N. Que de Cloris alors brigueront ma pourfuitel Et {çauront me vangcr par leur tendre conduire.
Des dégoûts qui traine à fa fuite Un ordinaire conjugal !
COLOMBINE. En demeures-tu là?
ARLEQ^UIN.
le verray le Paiaiaffc Célébrer à plein cor les faquins de ma race j Me donner peur ayeuls les enfans de Cyrus , Et m'alUcr du moins avec le grand N F. g u s. Alors, tout vain d'avoir pour parcns des Arabes, Je ne parletay plus que par monofyllabes. Je ne connoîtray plus personne en mon orgueil : Je ne verrcy les gens rien que du coin de rccil. Alors j'afFcderay de marcher des épaules. Je faluëray du ventre, encor félon les gens i Et je feray plus fier qu'un Amadis des Gaules. COLOMBINE. Voilà des airs bien cngagcans J
A R L E Q^U 1 N. L'heure des Grifcttes venue , le me dcpoUilleray de mxjn humeur bourue ,
Si-toft qu'un Laquais favori, M'aura par des détours conduit l'objet chéri, Mon cœur, mon coeur alors flexible à la tcndrcfle, Perdra fa première rudciTe.
des Sokhiiits. ^ i ^
Non, que des Ccladons renouvcilant î'sbus, l'ailic àiix pieds d'une Iris diftiller le Phabus , Et long- temps aboyer faus mordre : Ma;s au lieu d'un tas de rcbus , A des loyers échcus doucement donner ordre j D'un faibala flf tri reparer le defordre j Des crottes de la Ville affranchir mon Iris i Luy fourrer des Bijoux , des Stinquerqucs de prix i £t fur tout luy fonder une bonne cuifîne : Voih de mes douceurs, ma chère Golonibine.
COLOMBIKE. Et tu feras ce train , fi je fuis ta moitié ?
A R L E Q^U 1 N. Eon ! Tu te chauil:ras d'abord zu. même pied.
Bicn-toHj grâce à ta prévoyance , Quelque jeune Commis, bien frais , bien délié. De jHon lit j moy yivanr , aura la furvivance ,
Et par fes doux emprelTcmens , Il fçaura ,fur mon front fidcile a la fouffrance , De fon orgueil futur jetter les fondemens. COLOMBINE. Grand mercy ,Monfieur le vîfage, De vos loiiables fenrimens. A R L É Q^U I N. Eft-cc que tu voudrois t'avifer d'eflrc fage î Au Siècle d'aprefent ferois-tu cet affront î COLOMBINE. Va, .va, le relief de ton front Ne fera jamais mon ouvrage. ARLEQUIN. Pourtant yoilà des yeux , qui me font caution De ta prévarication A la foy matrimoniale. A telle fin que de raifou, PaiTons-nous compenfatioa D'iflfidçlitc conjugale.
2 I (; Scènes Françolfes
COLOMBIN E. Va-i-cn , maraut ailleuus débiter ta Morale
Va, quelque révolution Qnc le fort puilTc mettre à ta condition , Colombine a tes vœux fera toujours contraire^ Souvicns-toy feulement , à ta confufion , DaBS ks plus forts accès de ton ambition , &u'un âne chargé d'or ne laijfe pat de braire,
A R L E Q^U I N. Ainfi donc , j'ay poufTé des foûpirs fuperflus ?
Quoy j diminutif de foubrette , 7e veux t'alfocier à l'heur de ma Planète , Et tu viens à mon Nez m' annoncer tes refus?
Tu me traittes d'Afne, bien plus. Ah pourtant, Il ton cœur fenfible à ma tendreflc. Vouloir à ton Afnon redonner pour Afnelfe ,
Bien-roft ou de force ou de gré
Nous nous trouverions fur le pré.
Mais quoy ? la cruelle me quitre.
Ah courons après au plus vite. Peut-être s'en va-r-cUe dans fon petit Taudis, A fou cher Arlequin préparer les Logis.
SCENE
des Souhaits, 5 l ^
SCENE
DES SCIENCES.
A R L E Q^U l^ en Maiftre de Sciences, ï S A B E L L E f///^ du Doreur.
ARLEQUIN fortant d'me Maffemondc.
NE fus Minervam : Qii'nn cochon ne s'avife point de faire le Doâ:eur.'Voi- la Mademoifelle un Arreft foudroyant pour Monfieur vôtre Père. Il n'en efl: pas de mefme des chevaux. Malepeftc, fi on les excluoic du Dodorat , trop de gens fe- roient en danger de perdre leurs licences. Apres avoir établi mes qualitez , trouvez bon, Mademoifelle, que je vous afTure qu^ dans tout le Horas des belles Lettres , il n'eft point de Sçavant plus capable de vous endodriner'que moi,
ISABELLE. O ça , Monfieur , fur quoi voulez-vouâ m*inftruire d'abord ?
ARLEQUIN. Il faut voir premièrement , fi vous ave« les fîmptômes d'érudition déterminez par nos Maiftres.
P
5 î s ^Cfâei Fr/î'/içolf&s
ISABELLE. Et à quoi cela fe voit-il ?
ARLEQUIN. Ariftot€ dir que ce qui rend les femmes ©lus fufceptiblesdes fciences que les hom- mes 5 c'eft qu'elles ont la peau plus deli- cate, ôc par confequent reiprit plus délié. , Voyons un peu f\ vous eftes dans le cas du Coufin Ariftote î ( // Ihj tafle le bras ) Hé, ouy 5 ouy , voila une Peau dont on pourra faire quelque chofe avec le temps. ISABELLE. Fy donc , Monfieur , fy donc !
ARLEQ^UÏN. ■Ah , Mademoifelle , Dablîur llcemia fumptapudenter. Vous n'en voudriez pas dédire Horace. ( Il commué de Iny tafter Ui broi 3 & les ba^fi à U fin. ISABELLE. Ah, pour le coup, Monfieur, je croî que vous extravaguez.-
ARLEQUIN. Bulce efl in leco deftpcre , Mademoi- felle.
ISABELLE. N*avez-vous point, Monfieur, d'autres leçons à me donner ?
ARLEQUIN. Oh que fi. Mais je cherche encore une tttthorité dans les anciens. En tout cas , je |)ourray bien la trouver chez les Modernes.
des Souhaits, j i p
Oïl trouve par tout chez eux dt ces au-
thoritez-là. ( Il veut l'embrajfer , & la fnanque.
ISABELLE. Mais 5 Monfieur ^ fcavez-vous que vos manières ne compatiiicnt point du tout avec la gravité fcivante ?
A R L E dU I N.
Ah, Mademoifelle , mettez les Socratcs ^ les Platons à ma place. S'ils cftoieut auili fages que moi , c'eft qu'ils ne pour- voient pas eftre plus foux.
ISABELLE.
A ce que je vois , Moniieur , de la He- riironniere efl un vray Dodeur en galan- terie ?
A R L E Q^U I N.
Ma foi , l'amour eftant le principe de toutes chofes, je trouve qu'il n'y a rien qui ouvre les pores aux fciences comme la tendreffe. Je répète un certain Octave, qui eftoit une vraye Hapelourde quand je l'entrepris, Depais qu'il s'eft: mis l'amour en telle, il faut l'entendre raifonner. Vou- lez-vous que je vous falTe difputer enfem- ble un de ces jours ?
ISABELLE.
Oh , je ne fuis pas encore aflez forte- pour cela.
p ij
^ ^Q Scènes Frar-çoifa
ARLEQUIN. Hé bien, s'il eft le plus fon^il vous fera
de l'avantage.
ISABELLE. Et quel avantagée me pourroit-il faire ?
ARLEQUIN. Voulez-vous qae je faife la partie égale? Si vous croyez qu'Odlave en fçache plus que vous ; quand vous vous trouverez mile avec luy , montrez-vous docile à Tes leçons 5 ôc je vous donne ma parole que vous ferez bien-toft aufïi fçavant l'un que Tautre,
ISABELLE. Vraiment , Monlieur , vous n*efl:es pas de ces fçavans farouches qui ne daignent S*humanifcr povir pcrfonne. ARLEQUIN. Oh pour moi, Mademoifelle , je fuis UA fcavant privé, fur qui la roiiille du Collè- ge n'i point trouve prifc j & fans vanité il y a plus d'une ruelle dans Paris , où j'ay pouftc plus que le Syllogifme. ISABELLE. C'cft à dire qu'une Ecoliere un peu no- vice n'auroit pas beau jeu avec vous , & que vous feriez homme à ufer de vos- avantages.
ARLEQ^UIN. Point , point. Quand je les trouve îa- ftocemcsjii peu prés comme vous , j'attcris
des Sonhaits. "^ 3 1 1
qu'un bon mariage me les ait défrichées. Nous autres fçavans , nous aimons quel- que chofe qui picorte j & c'eft un goût pour nous que ci"'enlever une proye con- jugale.
ISABELLE. Héquoy, vous n'épargnez pas plus que cela les pauvres Maris ?
ARLEQUIN. Voila encore de bons animaux! Je regar- de les Maris comme les Maîtres d'Hoftel. Ils vont à la providon , &: font TelTay des viandes pour les autres. Encore n'en font- ils pas toujours l'elîay, & bien fouvent on ne leur fert que des mets rechauftez, ISABELLE. - Mais, Monfieur , tout en riant, je n'ap- prends rien ; & il y a une heure que vous me bercez de cocq à rafne.
A R L E Q_U I N. Qu'appellez-vous cocq à l'afnc > Made- motîelle? Voudriez-vous que je vous ap- prilTe la fable , pour vous repaître de chi- mères & de fixions ? Hé , n'en avez-voas pas déjà trop de celles de vôtre fexeîVou- driez-vous que je vous donnaffe des règles d'éloquence î Q^e je vous apprilTe tous les ftratagèmes d'un difcours figuré ? Eft- ceque vous ne trouvez pas cela dans vôtre propre fonds -, & la paflîon ne fait- elle pas chez vous ce que la Rhétorique fait ch^
P iij
.^ 2 1 Scènes Fra^çoîfes
les hommes ? Eft-ce de la Philofophie que vous eftes amoareiife ? Ah^contentez-vous de blelFer la raifon fans la comioîcre , & laiiTez-nous la confiifion de fçavoir rai- fonner fans en eflre plus raifonnabks. Eft- ce la Médecine qui vous charme ? QLie vous ferviroit de comprendre la ftrudture du corps hum.ain , lî les refTorts de Tame font impénétrables ? Eftes-vous préoccu- pée de l'Aftrologie ? Ah défiez-vous d'une connoidance qui Fait connoître le mal , & qui ne le détourne pas. Donnez-vous dans la Chimie ? Gardez-vous des gens qui vous promettent des monts d'oTyÔc qui vous de- mandent un tefton. Eft-ce la Jurifpruden- ce qui vous touche ? Envifagez les Loix comme des toiles d'araignées , d'où les grolïes Beftcs fe fauvent , & où les petites demeurent. Sont-ce les Mathématiques qui vous pofledent ? Une demonftration d'amour eft plus infaillible que toutes les règles de l'Algèbre. Eft-ce enfin l'Hiftoire qui vous attache ? Eh voulez-vous vous enterrer dés ce monde , ôc renoncer aux vivons pour les morts ?
ISABELLE.
Et que voulez - vous donc que j*ap- prenne ?
ARLEQUIN.
Apprenez toutes les petites façons de vôtre fexc. Faites-vous un art de la minau-
des Souhaits, 32^
derie. Ayez toujours les prunelles ofFenfi- ves & dcffenfîves. Apprenez à rougir fous de faux prétextes, afin qu'on ne connoif- fe pas quand vous rougiffez à propos. En un mot, faites vôtre capital de plaire, d*ai- mer ôc d'eftre aimée.
ISABELLE.
Vous cftcs un conteur de gaoguettes,& TOUS ne méritez pas qu'on vous écoute. ( Elle s'e'û v.i. )
ARLEQ^UIN.
Elle a raifon. Je m'y fuis mal pris. En matière de galanterie , les femmes veulent qu'on faute d'abord des préceptes à l'ap- plication.
SCENE
DES SOUHAITS.
ARLEQ^UIN, MOMUS. A R L E Qjj I N , fans voir Momîul
ODeftins ennemisîO fort mal-en -cok^ treux 1 ô fortune impertinente \ MOMUS. Tout beau , l'amy, tout beau. •
F iii)
^24 Scene6 Fr^.nçoife^
ARLEQ^OlN. Tout beau voas-mefme. Depuis quand €iTipêche-t-on les gens de jurer contre leur fort ? C'eft un privilège eftabli par les Hé- ros de Theatre^ôc confirmé par leurs Con- fidens. Ainli , Monfieur , pour l'acquit de jiiabile, laifTez-moy pefter tout à mon ai- ^^y & me répandre tout mon faoul en gali- ^latias pathétiques.
U O M U S.
Hc , fy I Ceft à faire a des âmes vul- gaires à prendre à party la dcftinée . mais un grand cœur comme le tien , doit eftre audeilLis des accidens. Il faut qu'il mon- tre une ame à l'épreuve des revers , & que par l'intrépidité de fa conilance , il fe don- ne le charmant plaifir de faire rougir la fortune.
ARLEQUIN.
Ouy 5 mais la fortune eft femnie ; & il y a long-temps que les femmes ne rougif- fent plus. LaifTcz-moy donc y Monfieur, reprendre le fil de mes imprécations ; & après cela tant de Philofophie que vous voudrez.
MO MU S.
Non, Gon, cher Arlequin, fais tiéve à tes iniures. J'ay le rare f^ciet d'écouiîcr les murmures : le fçay mettre un moiiel au comble de fcs rœux. Vois dci:c ce qu'il te faut, & dis ce que tuvcui
des Souhait f, 3 ij
ARLEQ^UIN.
Ma foy , Monfieiir le Charlatan , je ne veux pas grand chofe. D'abord je ne me foLicie pas beaucoup d'argent : Je voudrois feulement trouver crédit par tout , ^ ne point payer qu^aprés ma mort. Je n\iime pas autrement les femmes : mais je ne fe- rois pas fâche d'eftre aimé de toutes , & qu'elles ne pulTent difpoler de leur cœur qu'après m' avoir demandé Lettre de Voi- ture, Je voudrois encore qu'il ne fut per- mis qu'à moi d'avoir de l'efprit , 6c que les autres n'en eufTent que quand je ferois las d'en avoir. Vous voyez que je fuis bien ailé à contenter.
MO MU S.
Hé bien , pour donner un plein clFort à tes fouhaits , il faut te montrer tout ce qui peut interelfer les hommes.
Paroi ifez faux brillants , jeux , richefTcs,
plaifirs 5 Et tout ce qui du monde innrigue les de-»
iirs.
Le Théâtre s'ouvre , & refrefente le Tèm'* pie des fouhaits , oh paroijfer/t la valeur , la fantê , le bel ejfrit , les bonnes fortunes ^ Is. faveur y le mente , la folie , les riche jfes ^ l^ kom^chere 3 & atitrej chofejfemblables>
«y
tié SCê^s FraTiçoifef
MOMUS-
A prefcnt que te voila à mcfme , c'cft à toy de choifir ce qui te conviendra le mieux \ ôc aufli-toO: on te livrera la mar- chandife.
ARLEQUIN.
Hé bien , de peur de me méprendre , Se pour ne point caufer de jaloulie j je choifis toute la Boutique.
M OMUS.
Oh 5 cela ne va pas comme cela ; & il ne t'eft permis de choisir qu'une chofe à la. fois.
ARLEQUIN.
Nous voila d'accord. Je n'en choifîray qu'une à la fois ; mais je les prendray tou- tes Tune après l'autre. Mais , Monfieur^le Charlatan , afin que j€ n'acheté point chat en poche , dites-moy ce que vous entendez par la valeur ?
M O M U S.
La valeur cft une fermeté d'ame , qui nous étourdit fur les périls les plus prefens, C'cft une ferveur pour la belle gloire , qui difTimule toutes les horreurs d'une m^ort prochaine. C'cft un heureux Hmg froid dans les plus chaudes occaiions , qui fait qu'on fe familiarife avec le fer , le feu , les boulets ôc les moufquetades. ARLEQUIN.
Diable l voila une vilaine familiarité..
des Soiiha'ts. 327
Maïs nY jiiroit il pas moyen d^ppnvoi- fer les baies , de dépaïier les coups de ca- nons y & de faire rétrograder la pointe du fer ? C'eft qu'après tout cela on pourroic eftre brave en toute fcureté de confcience 5 & dcsaujourd'huy je ferois querelle à toa* te la terre.
MOMUS. Va 5 va , mon ami , la valeur n^'eft faite que pour les âmes nobles. Tu t'accommo- dera peut-cftre mieux de la fantê. A R L E Q^U I N. Oh , pour la fanté , je n'en ay déjà que trop. Et le moyen d'en manquer , quand on eft aufli régulier que moi à pratiquer les Ordonnances d'Hypocrate ? MO MU S. Et comment fais-tu donc pour ayair tant de fanté ?
ARLEQ^UIN. Hypocrat.e dit que pour fe bien porter , il faut s'cnyvrer une fois le mois, C'eftuii régime que j'obferve avec la dernière cir- confpedlion j ôc comme je crains toujours de n'avoir p^.s remply le précepte dans tou«. te fon étendue , je fais des répétitions Ba- chiques trois fois la femaine , afin qu'Hy-* pocxate n'ait rien à me reprocher. MO MU S. Hé bien , puifque tu renonces à la va* îeur ôckla famé ^ae feroit-ce point ùit
? 2 8 Sce'/2es Frar?ço'ifc4
le bel efpnt que tu voudrois jettcr ton
plomb ?
ARLEQ^UIN. He fy , de par tous les diables ! Moy bel cfprit ? ]e ne connois qu\in avantage aux gens de ce métier-là j c'eft: que v^uoy qu'il arrive , ils ne courent point rifque d^eflre compris dans la taxe des Aifez. M O M U S. Serois-tu friand de bonnes fortunes , & voudrois-tu qu'ion mi ft les femmes fur le pied de ne point tenir contre toy \ ARLEqULN. Hé , pour cela , Monfieur , il n*y a qu'à îesiaiircr cdmme elles font. De tout temps j'ay eu mon fi'anc-fallc auprès des belles y «Se ?cbu-°llement je fuis couru de toutes les. Soubrettes de mon quartier. M O xM U S. Aurois-tu la maladie des grandeurs ï Veux-tu qu'on te mette fur les voyes de la , fliveur , (Se que l'en t'enfeigne à te pouifer auprès des Grands ?
A R L E Q^U I N. Bon ! C'eft un manège que j'entends mieuz qu£ perfonne. D'abord , Monfieur, il faut compter que je fuis tout coufu de contreveritcz. Faut-il applaudir à des ap- pas furannczj ou rapprocher la datte imi- portuné d'un baptiftaire à Dette de veue ? En moins àt trois paroles , je fçayrajeit-
des Souhaits, 52^
nîr un vifage qui porte Ton attachement de caducité. Faut-il appuyer un Faquin heureux dans Ton idolâtrie pour la'- fortu- ne ? Je le mets à la tefte de Tes meutes :k de fes haras j & il prend fî bien le gouft àts^ befles y qu'il ne connoift plus les hom- mes 5 àc ne falu'e que les équipages & les chevaux»
MOMUS. Voila déjà de beaux commencem.ens^ Mais fçais-tu te plier ëc te replier de- vant les Mignons de la fortune ? Sçais- tu précipiter ta tefte entre tes j:.mbes k ia veiië de certains perfonnages iinpor- tans ?
ARLEQUIN. Bon ! C'eft moi qui ay donné au public les nouveaux tarifs de révérence : 5: au pis aller , je n'aurois qu'à imiter le Che- valier Pince-Maille , qui poiFede toutes les inflexions du corps , tous les remucmens de tefte , & tous les débauchemcns ima-
ginables.
MO MUS.
Va , Va 5 c'eft un métier qui ne s^^pprend pas fi vue. Crois-tu , par exemple , qu'il loit h facile d'entretenir vingt perfonnes tout en courant , de parler aux uns , de répondre de la Tabatière aux autres , de donner fîdellement des rorricclis àtous les gens que Ton aborde ^ de couper palFe avec
^ 5 o Ste'fiés F/'afiçoifeS
un Marquis, pour aller à la rencontre d'un Duc , qu'on ne connoîc plus bien-toft des qu'on voit un Prince ?
ARLEQUIN. Il n'y a pourtant qu'une chofc qui me dégoûte de la faveur. C'eft que les difners & les foupers des Courtifans font furieu- fement dérangez j & avec cela je n'ay point l'art d'apprivoifer des Suiffes , &des Maîtres quelquefois plus Suiffes que leurs SuiiTcs njiefmes.
M O M U S. Hé bien , il ne faut point tant d'appa- reil pour eftre un homme de mérite , & tit' y trouveras peut- eftre mieux ton com- pte.
ARLEQ^UIN. Moi 5 que j'aille choifir le mérite ? Et de quoi le mérite guérit- il aujourd'huy > Il y a beaBX jours que le mérite n'eft plus iHonnoye courante -, il faut le renvoyer aux fiecles ^des Efcofions & des Vertuga^» ^ins^
MO MUS. Ouais 1 que veux -tu donc qu'on fa (Te pour toy ? Serois-tu homme à t'accommo»- àer de la folie ?
A R L E Q^U I N. Mais, je crois que je n'ay rieji àfouhait*- ter là-deiTus*
êtes Souhaits. 3 3 X
MOMUS.
Encore , eft-ce quelque chofe de fc connoître 1
A R L E QU 1 N.
Mais , Monfieur , dites- moy un peu : Eft-ce que la Folie procure de fi grands avantages , que vous la placiez parnû ce qui fait les fouhaits des hommes ? MOMUS.
Hé 5 pauvre innocent , d^où viens-tu ? Et ne fçais-tu pas que la Folie a toujours efté & fera toujours le plus beau fleuron de la focieté civile ? Qu'eft-ce qui ralfurc ce Magiftrat fur i^éclat de fon jeu , 6c fur le fracas de fes intrigues ? La Folie. Qiii eft-ce qui rafTembletantde duppes à l'heu- re du Lanfquenet chez la Comteffe de Plu- moifon ? La Folie. Qiii eft-ce qui retient à Paris tant de Plumets d'efté & tant de Guerriers de Robbe-Courte ? La Folie.QLii eft-ce qui produit t^nt de vaines contefta- tions fiir le pas , fur les marches > &: pas une fur le merire ? La Folie. Qui eft ce qui rend cet Auditeur fi curieux d'antiquesjde cornalines , de diamans , quoi qu'eaux fonds il ne foit qu'une Hapelourde ? La folie. Qui eft ce qui porte cet Epicier à éventer la honte de fon lit , ck à folliciter une place fur les Ti^batieres de facnarà ? La Folie. Eft-ce autre chofe que la Folie- > q^Lii oblige cet Avocat à faire jeûner toiufi
^ 5 2, Scènes Françoifes
fa Maifon , pour montrer Tes deux Pale- frois etiqacs au Conrs , ou à la porte Saint Bernard ? Eft-ce autre chofe que la folie qui fait qu'on fefacrifie ôc toute fa famille^ pour la vanité chimérique d'avoir un liè- vre de plus fur Tes terres , ou quelque car- pe br^hane dans Tes étancrs ?
A R L E Q_Ù I N.
Diable î je ne me croyois pas tant de Confrères. Mais , Monfîeur , par charité, donnez- moi les richeires , afin que j*aye un titre légitime pour eftre fou > car comme Tousfcavez , S^uUiti^?/? patiunturopes, M O M U S.
Les Richeires ? Et te fens tu la cervelle afTez forte pour fupporter toutes les fumées qu'un gros bien m'envoye àla tefte?Penfes» tu qu'on en vaille moins pour n'avoir pas toute la Boutique d\in Joaillier à Tes dix doigts î pour n'aller jamais fans un régi- ment de Montres & de Tabatières î Eil-ce une chofe (i importante pour la félicité ^ que de chagriner l'odoTat de tout Paris par le cuir de Roufï)' de fon carolîe î que d'a- voir des entre-pos de galanteries à tciis les TheatrcsrQiied'eftreen Malines jufqu'à fes chaulTons , que de ne faire qu'un déjeû- ner de la nourriture de cent familles t. Voudrois-tu impofer au public par une Bibliothèque failaeufejquand il ne faudroic pour tout Maitre que les noayeaus. ALm-^
/^.es Souhaits, ^5 j
nacîis avec le Tarif pour les Monnoyes ? En un mot , voudrois-tu toujours bâtii fans necefîité , toujours détruire fans rai- fon, &; ne laiffer à la pofterité tant de pier- res ralïemblces 5 que comme autant de ga- ges de la dureté de ton cœur , ôc de l'in- quiétude de ton orgueil ?
ARLEQ^UIN. Et que feroit-ce donc, fi je vous deman- dois les richelTês au prix qu'elles coûtent à tant de gens 1 Si j'eftois curieux de les obtenir, ou par les fuperchcries de ce Pro- cureur 5 au par les fcelerat elfes de cet Ufu- rier , ou par la bénignité de ce mary com- mode, ou par les contributions de quelque vieille amoureufe ? Car enfin il n'y a plus que ces endroits-là pour parvenir» Sic itur ad uiflra.
M O M U S. Non 5 non , je veux que tu fois riche de pure fource ; je vais faire pleuvoir fur toy îa corne d'abondance.
A R L £ Q^U I N chantant. Faites donc pleuvoir au plus vite > Car depuis long-temps je fuis fec.
Marnas frapp€ de fa Baguette , & ArU- ■ qmn efi frecifitè fopté tins.
3 3 4 Scènes Frartçoîfes
SCENE
CONTRE LES HOMMES.
COLOMBINE, ISABELLE.
COL O MB IN E.
QUoy ? dans le printemps de vôtre âge, dans un temps où tous les jours de vôtre vie devroient eftre marquez par au* tant de nouvelles conqueftes , vous perdez fur de vieux bouquins d'Auteurs , tant de coups d'oeil que vous pourriez fi bien mettre à honnefte intereft ? Hé comment ierez-vous la feule à Paris qui ne chôme- rez pas le retoar des Officiers ? Déjà les Abbez ont évacué les ruelles : Les Finan- ciers n'oferoient plus y paroître que le bordereau à la main. Déjà les gens de Ro- be ont pris leurs vacations de galanterie ^ ôc pendant que toutes les Coquettes font fous les armes > là en bonne-foy , ferez- vous la feule qui demeurerez dans Tin-
ISABELLE.
Hé croîs-tu , Colomb ine , que tout ce qu'il y a d'hommes au monde , foient ca- pables d'effleurer ma tranquillité ?
des Souhaits. 3 3 j
C O L O M B I N E. Ah je vous permets de faire l'efprit fort, tant que vous n'aurez qu^ine Colombine en tefte. Mais quand vous verrez à vos pieds quelque échantillon de Cefarjquand Tamour vous lâchera quelqu'un de Tes plu- mets flamboyans, &; de ces cravates hifto- riées qui ferpcntent jufques dans les bou- tonnières 5 oh pour lors vous viendrez à jubé comme les autres. Dame , ces Guer- riers-là font de terribles gens ; &: il n*y a Palatine ni Falbala qui en rechapent. ISABELLE. Va 5 va 3 Colombine , il n*y a plus quê des dupes qui donnent dans les paneaux des hommes -, &: ceux d'aujourd'huy font marquez à un coin de perfidie. COLOMBINE. Ouyjje conviens avec vous que les horn- mcs font des perfides : mais une fois il faut vivre 5 éc Ton vit avec ces perfides-îà comme avec les Turcs , feulement pour la neceflîté du commerce.
ISABELLE. ^ Et quel commerce peut-on établir avec des traîtres qui ne font bons que pour eux- mêmes ? Daas quelle fujétion n'ont-ils pas jette nôtre pauvre fexe ? falloit-il nous bri- der comme ils ont fait, en nous éloignant des fciences, du gouvernement, ôc des em- plois.
3 3 <^ Scènes Françolfes
COLOMBINE.
Ah vrairaenc^vous remuez la vieille que- relle : trop heiireufe Ç\ vous n^avez point à leur faire des reproches de plus fraîche dat- te. Mais parlons franchement. Trouvez- vous que les femmes perdent beaucoup à n'eftre point appellées à ces corvées bril- lantes qui rendent les hommes fi célèbres ^ Déjà, fi nous n^allons point à la guerre, on fcait bien que cen'eft pas faute d'avoir les inclinations militaires, bi nous ne paroii- fons point fur les Flcurs-de-lys , & n^eft- ce pas nous qui faifons le thème à tant de jeunes MagiftratS5à qui nous valons mieux que tous les fifïleurs de Droit enfemble ? Il eft vray que nous n'*entrons point d.ins les Finances : mais les Finances font nos comptables. Allez , allez , c'eft une bonne condition que celle d'une jolie femme 9 quand on la fçait faire valoir j & lafcience de plaire eft au defTus de toutes les autres, ISABELLE. Mais ne trouves-tu pas que nous au- rions bon air à briller dans un Tribunal de jufliceîll me femble qu'une condamna- tion prononcée par une belle bouche , fe- roit adoucie de la moitié : Et qui pourroit tenir contre nous , Ci nous eftions à latefte d'une AriTice ? La beauté a des armes fi na- turelles. COLOMBINE. Ouy>je fcns bien que li l'on oppofoitune
des Souhaits, 337
armée de femmes à une armée d'hommes, ce feroit le moyen d'avoir bien-toft la paix. Mais pour ne point quitter nôtre thefe , iî les hommes nous ont fait tort en s'appro- priant les emplois , ces mefmcs em.plois ne nous ofFrent-iis pas tous les jours des en- droits pour nous vanger ^ Qiioy î croyez- vous que pendant que Monfieur le Con- feiller fe levé dés l'aurore , pour aller faire les affaires d*autruy , on ne falîe pas fou- vent les fiennes , éc qu'on ne juge pas fon honneur de petit CommifTaire ? Pendant que Moniieiu: le Colonel court à la gloire éc va monter la tranchée^qui luy répondra que fa femme n'aille pas à l'occaiion de ion côté ? Allez , allez , quoi qu'en difent les hommes avec leur prétendue fuperiori- ré,nous ne les balotons pas mal j 6c tout ce qu'ils ont de plus beau releve4es femmes.
ISABELLE. Et rie cotriptes-tu pour rien cette guerre étudiée qu'il faut que nous nous falïïons fans celFe j ce joug importun de la pudeur, qui nous defFendde voir ôc d'entendre ce qui nous plairoit le mieux.
COLOMBINE Bon ! eft-ce que vous ne i^çavez pas le înanegc du fexe en ces rencontres ? Vient- on , par exemple , à nous produire quelque tabatière fcandaleufe ? nous portons d'a- bord la main fur nos yeux : mais c'eft pour
13 3. Scènes Françoifes
nous faire une lorgnette de nos doigts. Vient-on nous chanter quelque vaudeville un peu gaillard ? nous feignons de détour- ner la veuë : mais c'eftpour mieux recueil- lir nos oreilles. Nous furprend-on dans quelque ledure équivoque ? hé bien, nous en fommes quiites pour une petite rou- geur -y de c'eft un verny pour la beauté. Voila comme les femmes ont le plaiiîr de tout fans en avoir jamais la honte j au lieu que chez les hommeS;, la honte eft toujours à la fuite du plaifir.
ISABELLE.
Mais fais-moy raifon un peu de cette licence effrénée qu'ont les hommes de tout dire & de tout faire fans confequence j au lieu que la moindre émancipation nous cfl tournée à crime.
COLOMBINE.
Allez , allez , les loix de la pudeur font fujettes à extenfion, comme le reftc. Nôtre honneur eft de ces chofes ou l'on peut dire que la forme emporte le fonds -, &C la répu- tation de rhonneur eft fouvent plus courue que rhonneur raefme. Pourveu qu'on fc pare au befoin de certaines grimaces fon- damentales 5 qu'on ait foin tous les matins de charger fesyeux fur l'hypocrifîe, qu'on bégaye hdellement aux endroits ou le fexe doit bégayer, hé nôtre honneur n'en exige pas davantage. Au contraire nous embarat
des Souhaits. ^ ^ ^
ferions 1c<î hommes, fi nous nous piquions de fuivre leurs loix à la rigueur j & d'aii- ΀urs nous vivons dans un païs où l'on fe conduit moins par la Loy que par la Cou- tume. ISABELLE.
Cependant à entendre ces vilains hom- tnes 5 nous cédons à noftre tempérament, dés que nous avons la moindre honneftetc pour eux.
C O L O M B I N E. Vïaimenr^je les trouve jolis de nous re- procher certaines affaires où ils ont tou- jours leur moitié audi bien que non si Mais nous voit-on comme eux grenoiiiller <ians les cabarets ? Nous voit- on comme eux chez Sauvage , dans le banc des Marguil- liers duCaffé î Allons-nous fur les Théâ- tres nous baifer comme des petits enfans ? Courons-nous les Foires pour y feringuer <ie rhuile fur le brocard des Bourgeoifes ? Je ne dis pas que nous n'ayons nos petites folies : mais nous les faifons à huy clos \ de nous n"*y appelions que les témoins abfo- lumenc necelfaires.
ISABELLE. Et que dis-tu de ces jeunes fous, qui éta- lent tous les foirs aux Thuilleries , & qui harcèlent du chapeau toutes les femmes un peu jolies ? Que dis-tu de ces Empyriqucs en politique,qui châgent la face des Eftats^ ôc qui fe répandent par pelotons comni«
3 4» Scènes Françoifes
des hannetons & des fauterelles ? Qiie dis- tu de ces Avanturîers qui paroi (Tent dans Paris comme des feux follets , & qui tom- bent tout d\in coup en cclipfe ? COLOMBINE.
Mais 5 je dis que tout compte & rabatu, il eft des hommes à peu-prés comme des Médecins. On connoift leur foible, on les turkipine dans Toccafion *, & au bout da compte on ne fçauroit fc paiTcr d'eux. Mais voicy une vifite d'éclat qui vous arrive. Trouvez bon que je me retire. x_
ISABELLE.
Et as-tu de fi prelFantes affaires > COLOMBINE. '
Ouy , je cours vue me laver la bouche. Il y aairez long-temps que je parle dliôra- mes.
SCENE
des Souhaits, 341
SCENE
DU BARON.
ARLEQ^UlN, ISABELLE.
A R L E Q^U I N qui par le moyen de Movita A obtenu les richejfesvient ha^ bille ma^^nifijuement , avee quatre laquais qui le fuivcKt, & trouvant ifabelle dans /k chxrr.hre , luy dit :
DEs beautés de Paris lorgneur infatigable, Je viens vous reconnoitie icy, mon adorable. Mais je découvre en vous certain air tentatif. Qui me révolte un peu l'appctit fcnfitif. *
Eft-il une beauté d'agréemens mieux fournie ? L'Amour dans ces yeux-là loge en chambre garnie. Cette bouche & ce nez paroufent faits au tour : Et ce petit muzeau détermine à l'Amour, Et queferoit-ce.encor fans ce que nous dérobe L'épaiffe obfcurité d'une envicule robe ? Ah fans doute, il faudroit la vifiere d'Argus, Pour percer tant d'appas connus & non connus. Soœme totale: Heureux qui fera l'économe D'un fî joli bijou. ! Scrois-je bien vôtre homme? Mignonne ; parlez fans façon. le fuis un aifez bon garçon. Donnez-moy vôtre caur , ma petite charmante j Et je vous en ferav la rente. ISABELLE. Pentes- tu que mon cœur foit fi fort au rabais, Que de borner fon vol aux vaux d'un Ex- laquais î
^4-2. Scènes Tratiçoifes
A R L E Q_U 1 N. Hé Madame, en amour efl-ce que l'on raironnc ? Et le rang y doit-il Supplanter la peifonne? Scriez-vous la première , après tout , dont le cœur K'auroit pâi dédaigné Champagne, ni la Fleur ? £t de qui les tranfports allant plus|loin encore, Se feroiest fait fentir du Couchant à l'Aurore ? Quoy ? ne peut-on d'un cceur s'ouvrir Usdouxfen' tiers ,
Sans prouver les {eize quartiers ? Qu'a de commun l'amour avecque la noblcfle ? Ah .' laifTons les aveux , le blafon , les d'Hozicis^ Et mourrons feulement nos titres de tendrefTe.
ISABELLE. Comme fî la tendrcfle efloit de ton reffort , Toy 'jmalheureux joiiet des caprices du Sort »
A R L E QJJ I N. Ouy, malgré la rigueur du Sort qui me nazardc # Je veux toujours aimer, chaïmanteLeoparde. Car enfin , parlez-moy fans feinte ni détour : Eft-il rien qui chatouille à l'égal dé l'amour ? Ah ! lors qu'on peut tromper la garde vigilante D'une maman qui couve une jeune innocente j Que joignant au bifcuit l'aide du macaron , Aux portes de Paris l'on traduit le tendron ; Et qu'enfin au befoiu l'Amour prêtant mainfortc, La belle fe defFend , & n'eft pas la plus forte j Dans ces tendres inftans j'ay toujours éprouvé, Qu'un faquin peut fentir un bonheur achevé.
ISABELLE. D Ciellquels contes bleux ce maraut vient me fairei
A R L E Q_i: I N. HéjMadame, eft- ce à vous que je voudrois furfairc ? Ah ! fi pour mettre en goût les Dames du haut ton, tes foubretres d'abord m'ont fcrvi d'échelon j Si pour mes coups d'efTay ma tendrefle peu fine 4 brigué de l'employ jufques dans la Cuifine ,
des Souhaits. 3 ^. ^
Bientoft, bientoft mon coeur par un retour heureux, A rehabilité la gloire de fes feux ; Et l'envie à {"on cour me rompant en viiîere, M'a procuré fous main Cjuelques coups d'étriviere. Trop heureux, (I ce cœur que j'eiame tout neuf, Pouvoir fe méritera coups de nerfs de bœufj Aux plus rudes tricots , aux plus épaiiTes gaules , 3'irois pour vos appas dévoiler mes épaules.
ISABELLE, îiniras-tu bien-toft ton galimatias ? Crois-tu qu'à t'écouteron ne fe lalfe pas î
A R L E QJ5 I N. Qaoy vous me criblerez d'outre en outre,Madameî Et vous refuferez l'audiance à ma flame? Il vous fera permis de bombarder mon cœur, Sans que je fois en droit de crier au voleur? Et-^qu'a donc de fi cru ma tendre rhétorique ? Voulez-vous, puis qu'enfin il faut qne je m'explique, Que dans les mots choifis mon efprit abforbé. Répète auprès de vous le rolle-^'un Abbé ? Et que pour intermède aux phrafes prccieufes , le vous livre un affaut d'œiiiades amourcufes ? Voulez-vous qu'à vos pieds apprenrif Financier, Je glilfe adroitement croix , coulant & collier? Qu'à force de piefens vous rendant moins fauvagc, Te brigue vôtre cœur comme l'Echevinage? Iray-je, auiîi cire qu'un jeune Sénateur , Par à^s mots cadancez vous em.pezer le cceur ? Et remuant la ccfte avec art & méthode, Copier mot pour motleTicq d'une Pagode? Viendray-je tout botté, l'air à deiny chagrin, Vous donner brufqucm.enr des nouvelles du Rhin i Et pour couper racine aux difcours inutiles, Vous fommer tout d'abord comme on fomme les
Villes ? C^a , mignonne , parlez. Me voila preft à tout.
5 44 Sce'fies Françoifes
ISABELLE. Traître, oi'es-tu pouffer ma patience à bout ? Pour la dernière fois , fuis loin de ma prefence : Ou bien tu fcntiras le poids de ma vengeance.
A R L E Q^U I N. Bon ! je fçay ce que peut une femme en courroux, jamais vôtre fureur ne tombe à plom^b fur nous : Et lors que la vengeance aiguillonne vôtre ame , Ce n'eft pas contre nous i mais c'eft de femme ;
femme. Apres tout , qui vous porte à faire tant de bruit ? Je ne demande pour tout fruit De mes foûpirs & de mes larmes. Que d'avoir un petit réduit Dans le galetas de vos charmes. Tour obtenir ce bien je me confume en pleurs. Si ce procédé vous oiFencc, Par charité voyez ailleurs , Et me donnez la préférence.
ISABELLE luy donnant un fouffiet. Tiens , voila le party que je fais aux railleurs.
A R L E du I N. Il a claqué bien fort. 7ufte Ciel? quel outrage» Me planter un foufflet au milieu du vifage] CoUphifer ainfi mes lèvres de corail, Jvloy qui voulois par elle ébaucher mon Serrail ! Si tu la rcfervois pour ce coup qui m'affomme, Ah Nature , pourquoy n'en faire pas un homme ? Mais qucy ? parce qu'elle eft d'un fexe tout char- mant, Xa yerray- je échapper à mon reflentiment ? jvjon. le veux qu'un baifer appliqué par l'ingrate. Soit l'emplâtre du tour que m'a joiie fa patte : Car , malgré l'afccndant qu'ont fur m.oy fes attraits» lidm minoù »^fi f oint fat t pour fouffrtr dis foufflet i.
Des Souhaits, 345
SCENE
DU JUGEMENT DE PARIS.
MEZZETIN en MERCURE,
condmfam les Déejfss ] U N O N ,
PALLAS, VENUS.
MERCURE, aux Bécfes.
MEfdamcs les Divinités , Vous marchez bien à pas comptés;,-
Au galop , au galop , DéefTes.
Point de faufTes delicatefies , Q^iand il s'agit d'aller difputer un trcfor
AulTi grand que la Pomme d'or,
Voicy le moment de la Crife.
Bien-toft vous allez voir Paris , Paris , juré Prifeur des grâces & des ris :
Apprêtéx vôtre marchandife. Belles, n'avcz-vous plus rien à dire au miroir >
Vous manque-t-il point quelque moùchc La pommade qui fert à colorer la boRche
A-t-elle bien fait fon devoir?
Vos veux {ont-ils feurs de Icurroîic? Scavez-vous galamment élancer une épaule ,
Pour affrioler un Amant? Et pour tout dire enfin , certain couple fi drolle. Peut-il avec honneur forcer fon logetneut? 7e laiile au beau Paris à pefer vos mérites : Mais û i'avois à rendre un pareil jugement ^
5 4^ Sceries Françoifes
Bilîcs , vous n'en feriez pas quittes Pour montrer le nez feulement. •
-Avant tout, jevoadrois vous voir,dc peur d'abus, 2n P'>4'Ï5 naturalihiif. P A L L A. S d'un air dédaigneux» En vérité, Seigneur Mercure, Verre bouche ell un franc bourbier.
C'eil^éja poarPallas une aiTez grolle injure de TOUS avoir pourEcuyer,
Sans que vous afFcâ:iezd'aîlarmer mes oreilles, Qui font pudiques par merveilles.
PalTe encore pour lunon, & Madame Venus.
L'une eft femme, & l'autre eit quelque chofe de plus. Mr.is moy qui luis toute novice ,
La moindre ordure met ma pudeur au fupplice. MERCURE.
Hé , Madame Pallas , trêve icy de pudeur.
le croy pieufement que vous crevez d'honneur.
Mais comme la beauté j ( foit dit fans vous dé- plaire, )
Avec l'honneur ne marche guère i Mettez-moy l'honneur de côté.
Et ne vous retranchez que delfus la beauté.
ïi n'elt point de femme un p'eu vive Qui ne prift cette alternative.
L'honneur eft , je l'avoue , un précieux furtout : - Mais enfin quoy qu'il en arrive, .Un beau vifage excufc tout.
PALLAS. Pour une Morale Ci fine, Venus ne fçauroit vous payer, Qiien vous invitant d'eflayer Sei draps de fatin de la Chine. VENU S.
A vôtre aife , Pallas , déchaînez- vous bien fort.
Mon ciimc unique, c'ciï de n'eftre point tygrciie. En cff:;r , n'ay- je pas grand tort ;
des Souhaits, 347
Sans cciTe vous portez un œil plein de trifteile
Sur la 'douceur de mes ébats :
N'auriez-vous point âulli , Pallas ,
Des défaillances de {ageiîe ?
Entre nous , l'immortalité rrt un terme bien long pour la Virginité." Quând on ycut jufqu'au bout foûtenir la gageure.
Nôtre cœur en fecret murmure;
Et fort fouvcnt fur fes vieux ans ,.
Las du martirc qu'il endure ,
Un honneur prend U clef des champs, P A L L A S.
Taiiez-Yous , petite effrontée. VENU S.
Kc , Minerve, là là, tout doux.
Vous nous feriez penfcr à toas
Que vôtre mine eil éventée. MERCURE. Chur. T'appcrçois Paris 5c fes Moutons, Mefdames, Ces petits animaux ne fe difputcnt rien.
Si c'eftoit un troupeau de Femmes,
lis ne s'enrcndroient pas fî bien.
A R L E QU 1 N en PARIS, aux Bceffesy après Us civilité^ réciproques. Beautés dont l'œil invite à la fripponnerie ,
Cet honnefte homme q^ue je vois , Ne vous fcroit-il point pafier par la prairie , Pour vous mener cueillir des Noifettes au bois ?
'mercure à Parti. Ee:o-cr , pour m'écouter , qu'on ait la tcfte nue. Te vous amène une reciuë Des plus belles Divinités. Celle qui félon vous aura plus de beautés.
De ce fruit d'or fera pourveue. ]e n'examine point fi c'eft bien-là le fruit Qui la toucheroit davantage. Q^ iiij
34S Scem Françoifees
Quoy qu'il en foit , il vous fufEt Du plus charmant objet d'en faire le partage, Et cela fans craindre le bruit. C'eft Jupiter qui vous l'ordonne. Pour moy ^ je fuis Msrcure, Huiffier fur ce requis ;
Et par ainfi , Monfieur Paris , Coupez, taillez, rognez, fans égard pour perfcane^
PARIS. Pefte ! A qui ro^neroit^ur de pareils oifcaux,
li luy faudroit de bons cifeaux .' Mais moy , comment juger ? Encor juger des fem- mes ?
Je ne fçay pa; le droit , Mefdames. VENUS. Il ne faut que des yeux., Paris , pour nous juger. PARIS. Que des yeux î Mais j'ay la bcrluë^
VENUS. Que tu fais de façons , Berger l Ah I ta longueur icy me tue. PARIS. Mais je n'ay point de robbe.
VENUS.
Hé , qu'importe ? PARIS.
Comment î On ne rend point de jugement Sans robbe. La roJ>be eft le nid de la Science. VENUS. Ké bien , va , va , l'on t'en difpcnfe.
PARIS. Il me faut un Bonnet quarré.
VENUS. Oh Bergci?, de force ou de gré. Tu nous rendras une Sentence.
PARIS. Mais fi je dors à l'Audiance l
des Sopihaits, 340
VENUS. C'efl: moy qui te reveilleray..
PARIS. Diable ic'eftune affaire icy de cenrequence. Voyons un peu par où je la commenceray»
ji lunon. Hola hé , la grofTe Citroiiille, Que je vous dife un petit mot.. Elle eft vrayment dodue, & de bon fuc. Un Sot S'en accommodcroit.C.à le prix vous chatoiiillcî N'eft-il pasvray ?
I U N O N.
Berger, fi par toy je l'obtiens. Ne t'embarrafTe pomc ni de toy ni des tiens. Je vods fcray tous Roi.
PARIS.
Roy des Bohémiens ? Aufli bien j'ay déjà la main alTez fubtile : Outre que ma blancheur m'en rend l'accez facile.
I U N O N. Pais- toy fort que Junon te comblera de biens.
P A L L A S. Quoy , vous êtes lunon ?
JUNON.
OuT, je la fuis fans doute. PARIS. A propos , Madame lunon. Jupiter n'a-t-il plus la goutte ? Mais l'heure icy me prefTe. Adieu, Dame Alizon. je vous fcray bonne juftice. Et d'une. ( A FaUas. } Approchez , fin» épice. Venez de vos appas faire exhibition. Comment diable : une Lance i un Caf<îue ^ uâ Morion »
Vous âlUx donc à l'exercice?
3 e o Scefiei Fra?7çùifes
P A L L A S. Berger, à cet Karnois ne reconnois-tu pas Pallas j la Guerrière Paillas ? Te fuis la Reine àcs Sciences. Paris , a»3juge moy le prix de la beauté : " Je te prodigueray les belles connoifTanccs,
PARIS. Vous me ferez Recteur de rL'niverdté ?
PALLAS. Si dans le champ de Mars ton courage te guide ;,. le t'armcray de mon Egide. Les Boulets &: les Fauconneaux Sur ton corps porteront à faux, PARIS. Madame, TOUS devriez vous montrer à U Foire. Vous auriez- là bien des Chalans. PALLAS. Veux-tu donc effacer les plus fiers Conquerans ?; Veux-ru vivre à jamais au Temple de Mémoire }: PARIS. Madame , je n'ay pas le temps.
PALLAS.
Pallas te répond de ta gloire.
PARIS.
Croyez-vous me corrompr-c à force de prefens ?;
Tirez, Madame PÂmalone,
A Venw^ A vous le dé , jeune Mignoane., Eftes-vous friande da prix ?
VENUS. Si j'en fuis friande , Paris î Ay-je les yeux , à ton avis , Bien tournez à la friandife î
PARIS. Voire même , à la gourmandife.
VENU S. Paris, il meparoîtc^ue tes fens font émeus. N'en rougis pas , je fuis Venus. Te ne t'offriray point ni Sceptre ni Couronne. Je ne te feray point Bretteur,ni Maiftre es Arts, Veux- tu courir de doux hafards ? Berger , roccaûon eft bonne. A quatre pas de mon quartier Certain jeune Tendron demeure, Dont je réndray pour toy le cœur comme UQ brazier.
PARIS. Diable i mais c'cft bien de bonne heure Que Venus change de métier! VENUS. Si tu fçâvois, Paris , combien fa beauté brille , Tu l'aimerois dés ce moment. PARIS. Ainfî donc nous aurons tous deux contentement A vous la Pomme : A raoy la fille.
J U N O N fe jet tant fur luy. Ah Chien , ah Loup Cervier I
P A L L A S fe jfttant fur luy.
Ah , quelle perfidie ? PARIS. Que voulez-vous que je vous die ? Mefdames , en deux mots comm.e en cent, je défie Les Petits èî. les Grands , les Sujets & les Rois De pouvoir contenter trois Belles â la fois.
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3 5 i Scènes Françoifis
i^ -E^ -eS^ ^î*? •KK'«»-9- •S^•^'M»«»«»«M^&^^
SCENE DES ELEMENS.
MARIANNE, ARLEQUIN déguif^. LE DOCTEUR-
DA R L E Q_U I N. Oileur, au feul afped de vôtre mine hagarde^, Je vous trouve tout l'air d'un Crieur de moutarde^
Ce Nez en manche de rafoir j Cette Bouche taillée en forme d'entonnoir i Ce maintien ténébreux vous feroient je vous jure , Prendre pour le Corbeau de îa Littérature. Mais fufliez-vous encor cent fois plus Loup garou y ïutTiez-vous Chat-huant , Singe , Magot , Coucou ^ En faveur des attraits de vôtre Marianne, On oubliroit toujours c^ue vous n'êtes qu'un Afne,
. Scelera ipfa nefnq^ue >
Ha,e mercedt placent. ( à Marianne.) Et vous , la crème des Beautés, ïourmilliere d'appas , Tombeau des libertés, Microcofme d'Amour, chez qui tout plaift, tout
briUe, De ce vilain Magot étes-vous bien la fille ? Parlez , répondez-moy ?
MARIANNE.
Moniicur , vous fçavcz bien Que fur un cas pareil on ne répond de rien. A R L E Q^U 1 N. O la jolie incertitude ! Combien de fots pourtant font toute leur étude De prônez fîerçjratût le fang de leurs Ayeux ,
des S^uhpits, j 5 >
Sans fonger fi cefang n'a point t^irl-for eux? Telquia-oit au Moicicr tenir par fa naiiTance, Eft peut-être le fils d'un Commis de Finance. Tel 5 qui paifix chevaux vient nous éclabouller ^ Doit peut-être le jour àfon Maiftre à danfer. Encore trop heureux, fi maigre' {"es chimères , On ne lui donne pas un Régiment de pères .'
LE DOCTEUR.
Mais, Monfîeur, je vous jure que ma fîlîe eft ma £lle j ôc j'en répons lui Thonneur de ma femme.
A R L E QJj I N.
AhjDocleur, la naiflan ce eft Couvent incertaine l'en appelle à témoin le coufin Diogene , Qui voyoit un enfant qui raoit des cailleus Sur un gros peloton de Nouveliftes fous ,.
Luy cria -.Petit temer.Mrc, Tu peux, fans y penfer, fort bien blcifer ton pcre. LE DOCTEUR. Encore une fois, Monficur , je foùtiens que Ma- rianne ellma fille, à moy toucfeul. Qaand elle cA venue au monde, ma femme ne voyoit plus pcrfon- ne, &j'avois banni de chez moy ce gros Qnaiilier qui pouvoir feul me faire ombrage. ARLEQ_UiN. Hé bon, bon ! à Paris manque-t-on de Galans l Chaque rue eft féconde en Plumets obligens, Qui d'un mary jaloux travaillent à la honte. Tout s'en méfie , jufqu'à fes gens : Mais par un privilège à leur fort attache , Les Domeftiques vont par defiÀis le marché, Sans entrer en ligne de compte. LE DOCTEUR. Quel diable d'homme eft ce là , qui ne veut pa# qu'on foit le père de fes enfans / ARLEQ_UIN. Ah > Monfieur le Dodeai , yôtie animalité
3 ^ 4 Scerm Françolfes
Pourroit prendre un ton plus modefte. On nedifconvient pas que vous n'ayez jette Les premiers fondemens de la paternité:
Mais vos voifîns ont fait le refte^ Faut-il vous le prouver démonftrativement ? Humuno capiti c-rvicemDocïor equinam : Ergo , Si Marianae eûeit de vous vraiment , Par la conformité d'un enfant àfonpere, Vôtre fille auroit donc le cou d'une jument,
Ou vôtre fille dcvroit braire. Car enfin tout enfant qui vous reifembleroir , Hanniroit , meugkroit , Rugiroit, heurleroit, Japperoit , grogneroit ^ Befleroit, , glapiroit , Sifleroit, miauleroit. Dût enfin mon encens vous monter à la teftc. Vous n' elles qu'un précis, Dodeur, de chaque beilc^
LE DOCTEUR. Monfiéur, je vous cède toutes ces qualités' là > pourveu que vous me laifTiez le droit que j'ay ftur ma fille.
A R L E Q^U I N. Hé bien , Papa mignon , Syndic des Godenots,
Digne rejetton d'Oilrogors, Puifque vous vous flattez de cette Geniture , Combien luy donnez- vous d'âge, par avanture?
LE DOCTEUR, Monfîeur, elle a quinze ans, fi je m'en fouviens bien,
ARLEQ^UIN. Et la paiTe, Docleur, la comptez-vous pour rien ? Mais pour changer de batterie , La croyez-vous bien aguerrie Sur tous les foùbre-fauts de la coqueterie? A-t-ellebien appris fous fa Maman les tours Par où l'on fçait mener un marj comiac uu Oaw ?
àçs So'fihaits. ^ e c
LE DOCTEUR-
Ah , Monfieur !
A R L E Q^U î N. Sous couleur de la faire connoître^ N*avez-vous point fouffert chez vous de petit Mai- LE DOCTEUR. (trc?
Moufieut l
A R L E C^U I N. Ne laroit-on pas trop fouvent paroitre Dans ces lieux où l'Amour fe gliife en tapinois. Comme S.Cloudj Meudon , ou le Port à l'Au^lois ^ LE DOCTEUR. ^
Non.
ARLEQ^UIN.
Au fort de la Canicule , Pour offrir à fes yeux maint objet ridicule , Ne va-t-elle pomt par hazard Courir la Porte Saint Bernard ? LE DOCTEUR. Jamais.
ARLEQ^UIN. Et pour couvrir qi'.elque galant manège, N'a-t-elle pomt parti pour les eaux de Barege ? Sous ombre de vapeurs , n'a-t'elle point ete A Bourbon , à Vichy rétablir {"a fanté ? LE DOCTEUR. Point du tout.
ARLEQUIN. Comment donc la mettre en mariage ? ri4e n'a pas encor fait fon apprentinage. Hé birii , Do£leur j. je veux la faire repeter Far queli^u'un des Experts en l'art de coqueter. Et pour Your découvrir en deux miOts ce miftere j le fuis leDiredeur du Peuple Elémentaire, Qui veut à cor à cri vous avoir pour Beaupere. LE DiO C T E U R. Comment , Monfîeur ? Les quaue Elemens i^- cherchent ma filic en mariage ?
le^ Scènes Françoifes
A R L E Q^U I N. Ouy , Pecorc. Le îeu , la Terre , l'Air , & l'Eau > Enragent cle tâter d'un fî friand morceau. Le îeu charmé de cette Belle, Ne veut plus brûler que pour elle. L'Eau pour luy plaire veut couler jufqu'au tombeau.
L*Air de fon foufle la dévore j Et la Terre la prend pour laDéefTe Plorc. LE DOCTEUR. Mais, j Monlieur , comment voulez-vous que ma fille cpoufe les quatre Elemcns à la fois ? A R L E Qja I N. Qui vous parle , Butor , de les prendre à la fois ^ Déjà vous êtes trop matois Pour prendre l'Air pour vôtre Gendre, On fçait que vos Aycux , révérence parler,.
Ont fait la capriolcen l'air : Partant pour vos pareils l'Air ne vaut pas le pendre. Pour la Terre, cet Elément Eft refcrvé par préférence A ceux qui pour mourir en toute diligence ^ N'atendent que vôtre agrément Sous la forme d'une ordonnance. A l'égard de l'Eau , franchement Dodleur dont la mule éclabouflc ,, Seroit-ce un grand contentement Pour une aufli charmante enfant Que d'avoir un mary d'eau douce ? Non,Doâ:eur, il luy faut un mary tout de (zn t Et comme en tel gibier je me connois un peu.
Te prétens que fans plus attendre. Elle foit mariée avec un Salemandrc. LE DOCTEUR. Ah , Monfieur , ma fille n'époufera jamais une aufli vilaine befte qu'une Salemandre. ARLEQUIN.
Ké , grofle biife , tn ne fcais dons paj
des Souhaits. 3 5; 7
,*'qu*cn fâvear de ce mariage la Pierre Philo- fophalc enne à perpétuité dans ta famille } LE DOCTEUR. Comment donc , Monficur , la Pierre Philofo- phale ?
A R L E QJJ I N. Oay , Cheval, la Pierre Philofophale. Tu fçais bien qu'Averrocs a décidé que la Pieri-e Philofo- phale ne poLivoit fc faire qu'avec la matière la plus vile, la plus bafTe, & la plus ab|ecT:e : en un mot avec quelque excrément de lanacure. LE DOCTEUR. Hé bien , Monfleur l
ARLEQ^UI N. Hé bien , Clabaud par excellence, j'ay fait pré- parer un creufet de ta grandeur, où l'on te va jecter incefTamment ; & c'eit avec toy-meme qu'on va. -faire la Pierre Philofophale.
LE DOCTEUR. Et vous prétendez avoir ma fille ? Et zefle^ & zefte , attendez-moy fous l'Orme. ARLEQ^UIN. Ah ! ce vieux Roquantin fait donc l'opiniâtre ?
Hola j Meiïleurs les Elemens , r»ain forte à vôtre Direclcur ? Pe-uples de l'Eau , noyez- moy cet homme - là. Peuples de l'Air , devorez-moy cet homme-là. Peuples du Eeu , brûlez-moy cet hom- nic-là. Peuples de la Terre , en^loutilTez-moy cet homme- là.
LE DOCTEUR.
Hé , Meflieurs , MefTieurs , quartier. Je yc\às^ abandonne ma fille,& toute ma poilerité. A R L E Q^U I N.
Hé bicH, puifqu'il etl: raifonnable , Peuples Elé- mentaires, mettez-vous en quatre pour le rcjouir^
3 j 8 Scènes Françoifes
SCENES
FRAN C O I S E S
s
D' A R L E Q^ U I N,
GRAND SOPHY DE PERSE.
S C E N E
DE LA MAGICIENNE.
Pour entetidrc cette Scène , il faut Jlavcir ^H^Arlcqmn efl un Chevalier errant , dor,i Aîelîjfe Magicienne (jl arnoureufe , & qu'elle tient renfermé dans fon Palaù par [es enchan^ te?nens. Pierrot autre Chevalier errant , fçachant le malheur d' Arlequin , va le délivrer des mains de cette Sorcière ; Ce qu'il fût en luy don- nant un charme /wf lequel MeUffe ne fcut rien<, Après qii Arlequin a receu le charme j voicy ce quil ait :
ARLEQUIN feuL
ps J Arlequin , de prendre tor
Ou pour r Amour , ou pour la Gloire,
T L efl: temps , Arlequin , de prendre ton party
du Grand Sophy, 3 5 p
Je ne Tçay qui des deux aura le dementy. 7e ne f^^ay qui des deux mérite la vicloire.
Tout franc , un plus fin que moy y fcroit bien embarralTé. J'ay beau chercher à les atteler enfemble. L'amour die toujours, Ouy : La Gloire dit toujours , Non : Voila le grand chemin de plaider toute la vie. D'un côté l'Amour eft un petit libertin , qui ne refpire que la joye. il ne demande qu'à jouer ^ qu'à boire, qu'à folâtrer. Ma foy, plus je me tâte> plus je fens que je fuis fait pour l'Amour. D'un autre côté , la Gloire eft une terrible pigiieche : Elle ne s'attache qu'aux gens qui couchent auiH vo- lontiers en plsin champ, , que fur un bon lit. J'en ferois bien autant quand j'ay bien bu : Je m'endors partout où je me trouve, La Gloire n*âime que les gens qui ont tou- jours la poufliere dans les yeux 3 & le Soleil fur la tefte. Si elle aimoit à proportion tous ceux qui.ont la Lune fur la tefle , je vois icy bien des maiys qui fe trouveroient glorieux fans y penfer. La Gloiie ne fe piaifl: qu'à déchiqueter le monde 5 toujours quelque tête , ou quelque bras caile avec elle; au Ijeu que l'Amour ne trouve jamais les gens trop entiers. Il eft vray que la Gloire donne un laurier : mais je n'.^ime le laurier que fur un jambon , ou dans les fàuces. La Gloire fait vivre dans la Gazette après la mort : mais quelle folie de s'alier
^6o Scènes Françoifes
faire tuer pour fournir de la pafture à Mef- fîeurs les Curieux ? Ainfi, tout bien & diligemment confîderé aferviteur à la Gloi- re. Mais quoy ? je fens-là certains élance- iTjens de bravoure Ouf i ouf ; j*ay bien peur que la Gloire ne donne le crog en jambe à TA mou r.
MELISSE MAGICIENNE arrivam.
Ah traître, tu me veux quitter ?
A R L E Q_U I N. l'en cniage, aimable Pouponne. La Gloire Ç\ fort me talonne , Qu'elle m'oblige àVécarter.
MELISSE. Coquin quelle fureur te porte A t'éloigner de ce Palais ? Tout y répond à tes fouhaits. Que te manque- t-il ? dis.
A R L E Q^U I N.
D'efire mis à la porte. M F. L I S S E. A la porte , perfide ! Ah , ne l'ofe efperer. ]e m'en vais d l'inftant tout l'Enfer conjurer. A R L E Q^U I N. Madame , puifque la Poe fie ne peut obte- nir mon congé , & que la plus inconteftable vérité devient problématique fî-toft qu'elle cft efcortée de la Rime , trouvez bon que je vous dife enProre,quc je n'attens plus que vos ordres pour partir.
du Grand Sophy, ^6 1
MELISSE.
Et tu me l'ofe dire en face î Barbare, c'eft donc la le prix de mon Amour >
Peut- on poufl'crplus loin l'audace? Un Brigand que je tiens dans un charmant fejour, Qui fe voit par mes foins au comble des délices , Pour ^ui mon lâche amour ne ceffe d'éclater !
Et cet ingrat peut me quitter !
Ah traître , il faut que tu perifTes. Mais afin que l'amour n'ait rien à m' imputer ,
De ton Sort je te rens le maître. Avan|_qu'un monftre affreux vienne fe prefcnter j Si ton coeur eft touche, qu'il fe falle connoître,
A R L E Q_U I N. Prenez, prenez,Madame, un moins funefte foin.
Matendrcife n'a pas befoin
D'un Tire-bourre pour paroître. Ah 1 s'il ne s'agiflbit que de brûler pour vous D'un feu qui ne vous pùft laitier aucun-fcrupale, Vous verriez Arlequin dans fes Vœux les plus doux.
Faire nargue à la Canicule.
Mais fi vous roulez qu'un Amant
Donne une nazarde à la Gloire, îc fuis vôtre valet à parler franchement.
Pour vivre avec vous un moment , T-e ne veux pas mourir à jamais dans l'hiftoire. MELISSE.
Hé bien puifque ton grand courage
Ne refpire que les combats,
On va l'exercer de ce pas. Monfbresjfur cet ingrat déchargez vôtre rage. Les Monftres parotjfent. A R L E Q^U l N tremhUnt é' /« r'avifant. Ma foy , je fuis d'avis pourtant de demeurer , En cas que ces Meffieurs veliillent fe retirer,
M E L 1 S S £. Monftres , éloignei-rous.
^^ z Scènes Françolfes
A R L E Q_U I N otant fa toque , e^ faifant une re'verenu. A cette heure , Madame, Peut- on prendre congé de vous ?
MELISSE. U fe moque de mon courroux. Hola , Monftres , hola , dévorez cet infâme.
Les Moujires enteunnt Arlequin , qui les anefîe , en Lur montr^mt U charme qu'il et receu de Pierrot,
A R L E Q^ U I N. Fy , Meffieurs , n'allez pas donner dans le panneau. Je n'ay , fur mon honneur , que les os & la peau.
Mais fi vous voulez bien m'en croire , Vous trouverez là bas dequov faire grand' chère.
MELISSE. Quoy Monftresjvous n'ofez feulement rapprocher ; Ah ] mon Art efl à bout , je ne puis le cacher. Se fournant -ven Arlequin. Et toy , Monftre plein de d*injulHce Qui t'applaudis|{ecreitemcnt, De m' avoir tant de fois choquée impunément , Tu n'attens plus du tout qae le moment propice
Pour m' abandonner à jamais. Mais où trouveras - tu ce fuperbe Palais ?
Ingrat peux-tu jamais prétendre De t'affurer d'un cœur comme tu l'es du mien ? Par tous les mouvemens de l'Amour le plus tendre
Te n'ay pu mériter le tien. T'ay fait agir vers toy , larmes , foûpirs, adrefle. Je n'ay rien oublié, cruel , poar t'artirer.
A R L E CL U I N. Ouy : jufques à vouloir m.e faire dévorer. Voa^ avez poulfé la tendrelTe.
MELISSE. Yoicy ma dernière foible/Te.
di-i Grand Sophy. 3 6" 5
Par tous Us charmes ac l'arr.our Diffère ton dcpart d'un jour Après cela tu peux partir en ailurance.
K'y confcns-tu pas mon. cher cœur ? A R L E Q^U I N. le ne Tiiis donc plus Monftrc î Oh , oh » quelle douceur !
Les femmes , à moins qu'on n'y penfe, Sçavcnt tourner du blanc au noir.
Zn cet endroit Pierrot farciji.
Ma chère, je youdrois pouvoir Répondre àvôtiedouce iniiancc. Mais SanchoPanfa qui s'avance,
M'oblige à vous donner au plutoll lebon foir. MELISSE.
Dans quel accablement un tel aveu me jette!
Ah ! fans doute la Parque achevé mes dcilins.
Elle s'évanoiiit , ^. tombe dans un fiiuieiiiL
A R L E Q^U I N. l2 vais vous délaiî'cr ; attendez , ma poulette.
PIERROT à AyUquin, Allons, planrez-moy là la Reine des Lutins.
A R L E Q^U I N. •
Oiiy 5 Syndic des Biutaux , je paitiray j mais il en coûteta à ta cefle du moins deux oreilles. (Il chante,)
L'ejpoiràe la vengeance ejî le feu l qui me refie. luyom y Fuyens. (11 court après Pierrot ^
& s'en va. ]
MELISSE feule.
A moy , Farfadets 5. Lutins , A moy, troupes d'efprits malins.
5^4 Scènes Françoifes
Mon fcelerat croit que fa fuite Va du moins me coûter le jour I
Mais la mode n'eil plus de voir mourir d'amdur, O la ridicule conduite D'aller bizarrement chercher
Un remède à fon feu fur un ardent bûcher !
II eft peu de Didons,dans le ficelé où nous fommcs ;
Et fi de nôtre fexe on regloir les abus ,
On nous verroit bien-toil regagner le deifus
Qu'ont fur nous les perfides hommes.
Il ne fera pas dit qu'un mortel à mon Art Ofe faire une telle injure.
7c viens de découvrir le nid de mon pendart.
J'y vais d'une fcrvante emprunter la figure.
Ah ! Si jamais il vient m'en corner par hazard , Il aura de la tablature.
Mais le temps prelfe : A moy , ïarfadets & Lutins, A moy , Troupes d'Efprits malins î Les Ejpr't:s enlèvent Meltjfe,
TTT^TTTTTTTTTT'TT^'^TT-T'r^TTTTT
SCENE Du SUBSTITUT.
MADAME GROGNARD à la Totletu. COLOMbINE en Robbe de Palaû.
COLOMBINE.
QUoy 5 Madame , encoie à la Toilette ! Jufte Ciel ! Qiie de cœars en petil ] Q^^e de libertés en branfle ! Entions en compofîtion, je vous prie. Ca,poui:Gom-
bien
X)« Grand Sophy. • ^ç
"bien vos yeux veulent-ils me quitter au^ jourd'huy ?
M. GROGNARD. Ah , Monfieur le Subfticut , quel im- promptu pour moy que vôtre vifîte! Vous prenez tous mes attraits au faut du lit. Encore iiem'avez-vous pas donné le temps de mettre une première couche fur mon vifage.
COLOMBINE.
Vous me prenez donc pour une taupe >* Palfambleu , je vous trouve aujourdliuy des nuances de beauté . . . Madame . . . _ Madame. . . épargnez un peu la gravité à\\i\ Apprentif Magiftrat.
M. GROGNARD. Ah ! n'infulrez pas une pauvre créature qui efl: broiiillce de la dernière brouilltrie avec le fommeil. Croiriez-vous que depuis deux mois mes yeux , ces pauvres Enfans, font fur pied n^.n*t & jour, - • COLOMBINE. Qiie ne venez-vous coucher chez moy ? J'ay àts Ganapez à l'épreuve de la plus fîe- re infomnieT
M. GROGN ARD. Vous n'avez pourtant pas l'air trop le- tareique. A propos- / êtes-vous toujours aufïi fou qu'à l'ordinaire ?
COLOMBINE. Ma foy 5 Madame , vous me prévenez,
R
5 ^ ^ Scènes Françoifes
J'allois vous faire le mefme complimenc. M. GROGNARD. Fort. bien.Et ce cœur eft-il aufli girouet- te que de coutume ?
COLOMBINE. Il me femble que c'eft vous qui me de- vriez apprendre des nouvelles de mon cœur ?
M. GROGNARD. Oiiais l oliais ! Eft-ce la jaquette qui vous infpire ces fucreries ? Sçavez-vous que vous me pouiTez des^ fleurettes à bout portant ?
COLOMBIN E en portant U main ah
Peignoir, Charmante , vous avez-là un Peignoir qui me porte la mine d'être un grand rece- leur.
M. GROGNARD enfe defenélant avec des AdinAiideries. Fy donc 1 Eft-ce que les Subftituts ont des mains ?
COLOMBINE. Etes-vons d'aujoud'huy à vou< en ap- percevoir ? Parlez , la belle , vôtre Pei- gnoir pretend-t'il me boucher le jour enco- re long-temps?
M. GROGNARD. Vous en voulez bien à ce Peignoir. Qii« fçavez-vous H je n'ay pas mes raifons pour le garder?
du Grand Sophy. ^^y
COLOMB IN E. Comment eft-ce que les chofes ne font pas encore en place ? Je fuis peut-eftre ar- rivé trop tôt.
M. GROGNARD enfourlant. Vous voudriez bien me picquer d'hon- neur. Mais pour vôtre punition ... Ce n'eft pas qu'il ne faut point laiifer de fcru- pule à des étourdis comme vous : Et quand onalà-delFus , ( en fe touchant le fem ) la confcience an (li nette que moy . . . COLOMBINE empèch.int Mada?ne Groff^ nard de fe couvrir de fon Peiirnnir, Ah, Madame, que n'averti iTez- vous les gens ? J'avois les yeux & l'efprit ail- leurs , quand . . .
M. GROGNARD. Ho ! que n*y étiez- vous ? Cela ne fe montre pas deux fois.
COLOMBINE. Vous m' allez faire croire qu'il y a du miftere là-delTous. Qnod tegitur , fnnjpts crcditur cJfsmMpim.
M. GRO GN ARD. Qiielle profanation ! Du Latin à la Toi- lette <t'¥A\t femme ! Allez , petit Embrioa de l'Uni verfi té.
COLOMBINE. C'eft à dire que vous ainiez que l'on vous parle François , mais il y a long-tems que j'ay renoncc-à toutes les vinitez du
R ij
5^8 Scènes Françoifes
monde ; & déformais vous m'allez voir
eout Catoii.
M. GROGNARD. LailTez faire, laiffez faire , je fçay bîeit les moyens de vous decatonifer^
C O L O M B I N E prenant du Tabac, Qi\el party prenez-vous pour la Cam- pagne prochaine? Vous enleve-t'ellcfor- fcroupirans.
M. GROGNARD. Oh ! la guerre me fait un fort gros plaî- Cr^en ce qu'elle va purger la focieté civile d'un, tas de Gcfticulateurs incommodes. J'y gagneray pour le moins vingt habits par an : Car quand on eft tant foit peu mignonne , on eft iî fujette à eftre chi- fonnce . . .
COLOMBINE. Grâce à la guerre,lcs gens de Robbe vont avoir àts pratiques. Moy je fuis déjà rete- nu pour trois Marquifes. Palfambleu, elles font bien de s'y prendre de bonne Heure. Qu'en dites-vous ? ( en touchant Jiiadaine Groçn.-ird.)
M.GROGNARD. Je dis que c'eft dommage que voua foyez du Palais : Car vous avez de grands talens pour faire des armes ( Colombine luy p^ffe la mam devant le vifage,) Eh, Bon Dieu ! que vous avez peur que vôtre Diamant ii'cchappe à hIv^ vue.
dîtGrandSop^jy, 3^^
COLOMB! NE.
Mon Diamant ? Voila encore une belle gueuferie ! . /
U. GROGNARD. Il jette pourtant^ mi fort grand éclate Combien l'avez-vons payé ? COLOMBINE. Bon l Eft-ce qu'un homme comme moy fcait jamais ce que les chofes coûtent ? M. GRO GN ARD. EfteS'VOus toujours bien avec 1^ Audi- trice ?
COLOMBINE. 'Fy 5 eft-ce que je vois des Bourgeoifes ? Cela étoit bon quand j'ctois petit garçon. M; GROGNARD. Qiiels font vos plailirs à l'heure qu'ik eft ?
COLOMBINE. Ma foy 5 je fuis tout occupé d\m pro- eez que je vais avoir avec les Comédiens.
M. GROGNARD. Contez-moy un peu cela. .
COLOMBINE. Vous fcavez bien , que trois fais la fe- mainc , je me donne en fpeclacle au pu- blic fur le Théâtre. Mais depuis qu'on a planté une impertinente baluftrade , mes grands airs n'ont plus leurs coudées fran- ches 5 6c je fuis comme un oyfeau en cage. Ohj vous fautertz , îvladamela baluftrc;dç-»
R iij
5 7 «5 Scènes Françoifes,
Le p:îrtcrre m'a promis de fc joindre à moi.
Il y a , Dieu me damne , un intérêt fen-
iiblc. Je me mets alFez en frais pour fcs
plaiiîrs.
M. GROGNARD. Oh ! le public vous fait auifi juftice là- defïïis.
MONSIEUR GROGNARD ^«^rf ,
& les éc0Hte, COLOMBINE. Que faites-vous de vôtre vieux Satyre ? Qiiand me Tenvoyerez-vons en Tautre monde ? N'y a-t'il pas atFez long-temps eue ce belîtré-là fatigue la vie ? M. GROGNARD. Mais fongcz-Yous que ce Bdître eft mon mary ?
COLOMBINE.
Ec delà c'eft un for. Qiioy ? la plus char- mante perfonne du m.onde , au pouvoir d'un vieux Druide 1 Madame , Ci mon re- pos vous eft cher , ralîurez-moy contre les lonpçons que donnent les prérogatives d'un marv.
M. GROGNARD. Allez, allez, dormez en repos. Le mien n'eft plus unmary à prérogatives. MONSIEUR GROGNARD à part. Voila une méchante caro2:ne! C OLOMBINE Vous ai s-je demandé des nouvelles de
du Grand Sùfhy. 371
vôtre Guenon ? Sçavez-vous que je Paime à la. folie ? Faites moy fouvenir , je vous prie , de luy faire une déclaration incef- flimment.
M. GROGNARD. A ! Le vilain petit homme 1 de l'amour pour une Guenon !
COLOMBINE. Parbleu , je ne i'aîme que parceque je luy trouve un peu de vôtre air. M. GROGNARD d'^^ir la-nguf-nt. E:es-vous bien c?,pabie d'aimer quelque chofe ?
COLOMBINE e-n Je pajjlominfit, Ahlmettez moy à i'épreuvc.Foy diiom^ med^iionncur, je vousaimeray plus en un quart d*heure , qu'un autre ne fer oit en toute la vie.
M. GROGNARD enfouplroitt, Pourquoy faut-il que cela ait la tête fi V crte ?
C OLOMBINE en ftp ajfiOîîrîant toujours. Faut-il des fermens pour vous convain- cre i Ah I mon ardeur efl: alfez violente, pour être elle-même fa caution ; & pour peu que vôtre cœur veuille fuppléer . . , MONSIEUR GROGNARD en . • L'arrêtant,
Alte làjMoniîeitr le Damoifeau»Vous ne fongez pas que vous avez une petite poi- trine.(^4 M^^àarne GrogrîarÀycxsoxs%\A3,^
R iiij
•5 7^ Scènes Françoifes
dame l'EfFrontéc, c'eft donc ainfi que von
iaiiîez porter la faux dans ma moifFon ?
M. GROGNARD <?;; fe levmt.
Probablement , Moniieur Grognard , vous ères un mortel bien mauflade ! Que ne veniez-vous un quatrt-d'heure plus tard? ( A CGlc?nh:?ie qui fort ) A nous revoir à ha Comédie.
>10NSI£UR GROGNARD en s'emper^ t^.m , donne un coup de pied dans ht. Tu dette,
A ]a Comédie Pendarde î En Perfe , en Perfe, en Perfe.
SCENE
DE L'ASTROLOGUE.
ISABELLE tr^veftle en W/î?/;e.PlERROT.
\K ISABELLE.
XVlà On pauvre Pierrot ?
PIERROT.
Ma pauvre Damoifelle ?
ISABELLE. Trouvc-tii que j'aye un peu de l'air d*uii homme ?
du Grand Sophy, 57 J
PIERROT. Hé 5 ouy ouy , à quelque chofe prcs. Mais cela ne vaut pas la peine d'en par-» 1er. .
I S A B E L L E. _ Mais tout francj'Etu ne fçavois pas que }«r fuis fille, n'y ferois-tu pas trompé } PIERROT. Bon l Eft-ce que les Filles font fait* pour autre chofe que pour tromper ? ISABELLE. Ah 1 fî l'Aftrologue. décoirvre une fois la vérité de mon fexe , je me rendray fans peine à ce qu'il me dira fur ma defti- née. Ciel ! faut-ii que les bizarreries de mon père m'obligent à recourir aux De- vins ?:
VIEKKOT en foHrlarjt. Eft-ce que vous courez le bal en cet cquipage-là l
ISABELLE. Pierrot^ es- tu homme à garder un fecret«
PIERROT, Selon. Par exemple , il vous m'allies dire que vous m'aimez , je n'en parlerois pas pour un diable.
ISABELLE. T'aimcr y moi ? je penfc que nous con- îToilTons L'Amour auÛi peu l'un que l'avis
^^74 Scènes Françoifes
PIERROT.
Pour moi , je ne cherche qu'à m'inftniî- te. Voulez-vous prendre ce foin-là ? Al- lez, allez, je n'ay pas la tefte iî dure qu-on diroit bien.
ISABELLE.
Et comment ferois-tu pour perfuader% me perfonne que tul'aimerois ? PIERROT.
Votilez-vous que je vous dife le dernier mot, fans vous furfairc ?
ISABELLE.
Il faut s'en divertir. O ça, voyons com- Bie tu t'y prendrois ?
PIERROT.
Tenezjprenez que vous foyez Fille. Ah, îBorguoy , c'eft une bonne rufe. En bati- folant, comme on fçaitbien qu'an batifo- le , après queuque petite fingerie , je lai- rois tomber mon chifïlet contre terre. La femme cftcurieufe : Vous ne manqueriez jamais de bailTcr la tête , pour voir ce que c'eft. Auiïi-tôt 5 moy , je m'epoufFe der- rière vous : vous vous retournez ; & à la rencontre je vous accroche , 5c vous bail- le un coup de erouin.
ISABELLE.
Tout beau Pierrot, tout beau. PIERROT.
Hé fy donc , comme vous faites ! C'eft donc que vous ne voulez fçavoir les chofes
du Grand Sophy, 375^
qu'a demy ? Voila ce que c'eft que de n'a- voir qu'an habit de toile . . . I S ABEiLE. Laiilons la plaifanteric , Pierrot. Je te veux confier mon fecret.
PIERROT prenant un air grave. Mais eft-ce quelque chofe qui en vaille la peine? car depuis un temps , je fuis re- venu de la bagatelle.
ISABELLE. Je Teux aller cette nuit confuker un AftrclQgue.
PIERROT. Pourquoy faire un Aftrologue ? Eft-ce que ces gens-là en fçavent plus que moi î Ventre d'un petit poiflbn , nvous me laif /lez faire, je vous dirois poflible des cho- fes . . . . Mais parcequ'on efl: valet . . , , Et fî pourtant je ne fers que pour mou plaifîr ?
ISABELLE. Mais 5 Pierrot , il me femble que ton cfprit s'cvertuc ^ & que tu te dégourdis à veuë d'œil.
PIERROT. Hé 5 jarnigué , qui ne fe degourdiroic auprès de vous ? Vous avez inie petite phinomie qui cmouve terriblement l'ef- ptit.
ISABELLE. Va va ^ je diray toutes ççs douceurs à
3 7^ ^cenês Fiwîçolfef
Colombine , afin qu'elle t'en tienne com- pte.
PIERROT. PoLirquoy me renvoyer à Colombine ? Eil- ce à elle à payer vos dettes ? IS ABELLE. Ah Pierrot , je crois que tu as envie de m^embaraiFer. Va-t'en plutôt fçavoir £ Monfieur Crepufcule eft chezluy ? PIERROT. Vraimentjs'il efl chez luy î Je gagequ'k l'heure qu'il eft , il prend les Etoiles à la pipee. Prenez-y garde au moins ^ ce n'eft qu'un afFronteux.
ISABELLE. Comment le fc^is-tu, Pierrot ?
PIERROT. C'cft que Pautre jour il s'alla avifer d"e promettre à un garçon qu'il feroit pendu j &C au bout du compte , il n'a été condam- né qu'aux galères. Prefentement le gar- çon luy demande réparation pour l'avoir fcaïKlalifé. Quelle bctife aufli d'aller pro- mettre à un homme d'honneur qu'il fera pendu 5 quand on ne l'envoyé qu'aux ga- lères !
ISABELLE. ■ N'importe. Je fuis curieufe de fça- \oir s'il rencontrera juftc fur mon cha^ pitre.
i^H Grand Sophy. 577
PIERROT.
A tout hazard , je vais rabouter du bel
air à la porte de l'Obfervatoire. De loin
il me va prendre pour quenque chien qui
abboye à la Lune»
L^ASTROLOGUE firtant de chez, hy,
ISABELLE habillée en homme,
PIERROT.
L'ASTROLOGUE/è FUrrot.
QUe veux-tu, chetif mortel ? PIERROT. Rien. Mais vêla, Mademoi . . . c^'efl ce Cavalier-là qui voudroit fçavoir comment fc porte la Lune.
ISABELLE. Peut-on, fous le bon plaifir des Etoiles, vous demander un moment d'entretien ? L'ASTROLOGUE. Un moment l Ah,vous autres ignorans, vous parlez d'un moment bien à vôtre aife. Mais fçavez-vous ce que c'eft qu'un mo- ment pour des gens de notre profefTion. Ce moment que vous demandez , décide quelquefois de la deftinée d'un million d'ames. Nous fommes toute nôtre vie à l'afFusde ce moment -, & vous m'ofez dé- rober un moment ? Moi qi^^ fuis le Con- cierge du Firmament , le Truchement dei
378 Scènes Françolfes
Planètes , & la Sage-femme de l'avenir, PIERROT.
Monlîeur la Sage-femme > je vous re- tiens pour le premier Enfant que fera nô- tre Ménagère.
ISABELLE.
Excufez , Monfieur , une imprudente curioûté.
L'ASTROLOGUE.
Bodindans fa Demonomanie dit>que la curiofité eft la Fille de l'Ignorance j 6c les célèbres Theophrafte, Bombaft, Paracelfe» nous atîurent que cette paiîion a été fu- iiefte aux plus grands hommes. Il en coûta lavieàEmpedocles, pour avoir voulu fon- der de trop prés les fiâmes du Mont-Etna, Le Philofophe Taies , en confultant les Aftres, fe làitîa cheoir dans un puis. Ari- flote fe précipita dans la Mer de dépit de n^'en avoir pu pénétrer le flux & reflux ; & PAftrologue Conon , mon tres-honoré Confrère, fut foudroyé fur une montagne, en cherchant la caufe du Foudre. Après tant de fameux exemples, vous avez le front de vous parer à mes yeux d*une téméraire curiofité ?
PIERROT.
Mais, Moniieur TAIbrologue, vous qui blâmez les curieux , pourqiioy grimper au Ciel , èc fureter les Allres avec tous wos brireborioiis , 6c ces guebles de luiietces
du Grand Sophy. 375?
qui iroient'd'icy àPontoiferEii tenez-vous prefentement, MonfiearleLorgneux ? L^ASTROLOGUE. Tu fais des difïicukez, mon amy ? Mais afin que je ne perde pis le mérite de mes réponfes, as- tu de Telprit } as-tu de la me- rnoire ?
PIERRQT. Pour de Tefprit , nefcio vos.rj Pour de la inemoire , faut diftinguer. Quand il m'eft dvidc l'argent , j'ay la Rdne des Mémoi- res : mais quand je dois à quelqu'un, je ne m'en fouviens jamais.
L'ASTROLOG^UE. Au travers des nuages de ta rvifticite', j'entrevois quelque bluette de raifonne- ment. Sçache donc , mon amy , qu'il en eft de la curiofité comme de Tantimoinc. Quand il eft préparé par un ignorant , il càufe la mort : mais quand il eft ménagé par d'habiles mains , c^eft un fouverain remède. Tout de même,la curiofité en foy eft un poifon j mais qu:?nd elle eft réglée par les refforts dont les Sages font diipen- fateurs,elle purge rcfprit des ténèbres de rignorance,&: nous guide à la connoiiran- ce parfaite de l'harmonie de l'Univers. PIERROT. Monfieur l'Antimoine, dis-je , l'Aftro- Ioo;v!e , enfeignez-moi où l'on vend de la Coriofuc bien préparée î
j8o Scenei Françolfa
ISABELLE^ l'Afirologue,
Puis-je cfperer , Monfieur , avec la per- miflion des Aftres . . .
^ASTROLOGUE.
Oh, vraimenr, vous êtes en bonne odeur auprésdes A{lres,vous autres jeunes gens ! S'il meurt à vos belles,quelque fale Bichon, on dégrade impunément le Chien celefte pour le me'ttrc en fa place. Si les cheveux font tombez à quelque Philis faite à la hâte, à vôtre compte ils ont droit de feance parmi les Etoiles ; & vous efperez trouver quelque faveur auprès de ces corps lumi- neux, fur qui l'avenir paroît en relief. . , . ISABELLE.
Je vous jure , Monfieur , que je n*ay ja- mais fait ma cour à aucune Philis aux de'- pens des Aftres.
L'ASTROLOGUE en fe radoncifant.
Il eft vrai que vous êtes fait d\m air à n'avoir befoîn que de vous-même pour faire des conquêtes. Le beau Cavalier i Ah Ciel ! Quel efiain de charmes ! Voilà des veux qui me paroiifent convaincus d'u- ne infinité de meurtres ► Cette bouche-là. n^'aura jamais le démenti dans tout ce qu*el- le entreprendra de perfuader.. Je ne fçay que vous, dire : je vous trouve je ne fçay: quoy que n'ont point les autres ham*-
SBSSv
du Grand Sophy, 581
Ftllx qtu temrmn vcxMt j^onfa mari* tmn, Félix quA faciet frwm fuella virmn.
IS ABELLE^/'^rr. O Ciel l M\iuroit-il découverte ?. ( ^ l'AfirologHs.) Songez, Monlieiir, que vous êtes comptable aux Etoiles de toutes vos douceurs.
L'A S T R O L O G U E. Ah l duiîay-je rendre tout le Firmament jaloux 5 je ne vois rien dans l'Univers qui vous foit comparable. Vos yeux font les fculs aftrcs que je veux deform-aisconiul- ter. Ouvrez les ces yeux adorables : j'y li- ray plus furement la deftinéedes mortels, que dans la voûte celefte.
ISABELLE. Oferois-je vous dire. Monfieur5que vous extravaguez. Mes yeux font les yeux d'un homme comme vous ; 6c les yeuxd'"un homme meritent-ils ... L'ASTROLOGUE veidaKt otcr le mari* tcauei'IfabTllc, Pourquoy tenez-vous éclipfée fous ce manteau la moitié devoscharmesïLaiilez- moy jouir du plus charmant ipcdbacle qui fe pdiFe offrir à ma vue. M'en dût- il coû- ter la vie , j'auray la confolation qu'on dira de moy :
Non i^otHit fato ncbdiore mari.
2 8 i Sce?ief Tra-fiçoifcs
PIERROT. Vous verrez que le diable d'Adrologue aura fleuré qu'elle eft (îllc! Comme diantre il efcrime de la prunelle i
ISABELLE. Trêve de coniplimens , Monfienr, voila ma main.
L'ASTROLOGUE en luy haljant U mam, Soutïrez que je prenne le droit de l'A- ftrologue. ^
ISABELLE. Hc bien, fuis-je menacé d'être tac à TAr- mée ?
L^ASTROLOGUE. Non. J'ay de plus douces menaces à. vous faire. Votre amant qui perdra ce nom demain , prépare un itiat?.geme peur vous obtenir d'un père tout fantakpe. ISABELLE. Quoy, Monfieur , vous me croyez donc fille?
L'ASTROLOGUE. Je viens de le découvrir par les corref- pondances que j'ay dans la voycLadée. ISABELL E. Ah^Monficur, vous êtes un homme tout admirable. Par quel prefent puis-je recon- noître ...
L'ASTROLOGUE. Hé ne fuis-je pas trop payé , par le plai- /içde vous annoncer une bonne nouvelle^
• du Grand Sophy, 383
Adieu 5 charmant Cavalier. Je vais faire une Confultation fur un cararre que nous avons découvert ces jours pafTez dans le
Soleil.
IS AB EL.L E.
Et moy 5 Monfieur , je vais vanter vôtre art & vôtre generofité à tout le monde. Adieu 5 Monfieur , je vous fouhaite une bonne nuit.
L'ASTROLOGUE en fttfant fcmhUnt d€ la, vonUir efffhr^.per.
Ah, ma belle , il ne tiendroit qu'à vous de m'accorder ce que vousjTie fouhaitez. PIERROT.
Tout doux, Monfieur i'Almanac, vôtre métier eft de regarder en haut.
L'ASTRÔLOGU E à Pierrot.
Prens garde que je ne te décoche quelque maligne influence.
5^4 Scènes Fran^oyfes
SG.E N E
DU GRAND SOPHY.
ARLEQUIN dégulfè en Sophy, ISABEL- LE :, COLOMBINE , PASQUAREL,- M.GROGNARD. Suite du grand Sofhy,
A R L E QU I N ^ .T-/. Grounard,
C^Tft- à-dire , beau-pere , qu'à la phy- /fionomie de vôtre iogemenr, vous êtes TAiibergifte de toutes les Chauve-fouris àt' la Ville? Quand je devrois caufer quelques bourgeons à vôtre ixiodeftie , je vous diray qu'il entre je ne fçay quoy de chat-huant dans la compofîtion de vôtre figure^ .^^ fur la foy de vôtre maintien ratatiné^^c de vô- tre attirai archicrotefque , j'^ay grand'peur qu'on ne m'accufe de m'ètre fourny d'un, beau-pere à la Friperie.
M. GROGNARD. Ah Seigneur, excufez. Si j'avois prévu. . . ARLEQ^UIN. Le diable vous emporte, beau-pere , par avancement d'hoirie.C'eftun compliment à la Perfane , qui veut dire que vous étes- touc excufé > Et quand je voudray vous
du G Y And Sophy. 3 S 5
faire entendre que je fuis vôtre ferviteur^je vous donneray un grand coup de pied dau€ le ventre,
M. GROGNARD. Seigneur , voicy ma fille qui vient.
ARLEQ^UIN. Ah ventrebleu, faites-la reculer. Vou- lez-vous qu'un grand Sophy reçoive fa MaîtrelFe dans un nid à rats ? Allons, vous autres de ma fuitejmeublez-luy un apparte- ment au plus vite , en attendant qu'elle vienne occuper le plein-pied de mon cœur. M. G R O G N A R. Mais Seigneur , comment bâtir en fi pea ée temps . . .
ARLEQ^UIN. Vous êtes un fot dés le delugejBeau-pere. Apprenez qu'en Perfe on bâtit un Palais au fon des inftrumens. En ce païs-là on ne connoît point d'autres Maçons que les Muficiensj & les portes ne s'ouvrent qu'a- ve« des clefs de Mufique. Voyez plutôt.
L'on voit Hn appartement jt meubler a
ijCHé d'œil, an Çon de U fi?nphomc.
M.G R O G N A R D enfaifant de grandes
i'aclî/iations au So^'^hj,
Ah Seigneur , que j'ay de grâces à vous
tendre !
ARLEQUIN. Qui eft vôtre Maître à danfer , Beaii- perc ? Vous apprend-il à faire toutes vos
5 g ^ Scena Françolfes
révérences à la Siamoife ?
M. GROGNARD. Seigneur , fouhaitez-vous que ma fille approche ?
ARLEQ.UIN. Ouy da, annoncez-luy que j'ay la barbe fraîchement faite.
M. GROGNARD. Ma fille, faluez le grand Sophy. ARLEQUINS. //;?^:-^"^. Madanoifelle , &: bien-tôt ma femme, quand je fonge que vous fortez d'un père aufli fotjje ne m*étonne plusCi l'on trouve quelquefois des perles dans des fumiers. M. GROGNARD. Seigneur, ma fille eft-ellcà vôtre gré ?
ARLEQ_UIN. Je ne luy trouve qu'un défaut. C*eft d'ê- tre fille d'un animal comme vous. O ç.i, Beau-pere , dépêchez- vous de mourir. Je TOUS répons d'un des plusbeauxMaufolées. M. GROGN ARD. Je fuis fort obligé à vôtre civilité.
ARLEQUIN. Comment nommez-vous ces obelifque* <|ue les femmes d'icy ont iur leurs têtes ? M. GROGNARD. Elles appellent cela des palilïades ?
ARLEQUINS IfabelU, Qiii eft le Serrurier qui vouscocffe, Ma- «lemoifelle ?
du Gra?idS'>phy. 387
M. GROGNARD. Seigneur, ma fille n'aime point toutes ces queftions-là . . .
ARLEQ^UIN. Jepenfeque cette vieille futaillc-lafc mêle de me controller.
M. GROGNARD. Ah Seigneur , entrez mieux dans mou efprit.
ARLEQUIN. Dieu m'en gardejBcau-pere. Vôtre efpric eft trop mal logé. ( A If-b-Uc ) Et vous, la belle , par avanture ronflez vous modc- (lement la nuit ?
M. GROGNARD. Seigneur , n'avez-vous point d'autres douceurj à luy dire ?
ARL LQ^UIN. Des douceurs ? F.ft-ce que les Grands fc marient pour dire des douceurs ? Voila un homme qui vient de l'autre monde ! M. GROGNARD. Seigneur, voila ceque vous avez gagné. Vous avez fait fuir ma fille.
ARLEQUIN. Vous verrez que c'eft qu'elle n'a pu foiî- tenir l'éclat de .ma prefcnce. Mais voicy mon Secrétaire qui va Tépoufer en mon nom j & moy par provifion , j'épouferay toujours Colombine,pour nepasdemeiut^ les bras croifez.
^ s 3 Scènes Trançolfes
CO LOMBIN E. Moy 5 Seigneur j je ne veux point aîlcr en Perfe.Je fuis folle de la Comedie;& l'on dit qu'il n'y en a point en ce païs-là. M. GROGNARD. Quoy, Seigneur, point deComediedans lin fi bel Empire ? Ceft pourtant un diver- tiirement Ç\ honnête.
ARLEQ^UIN. Il eft vray: mais j'ay efté obligé de def- fendre la Comédie , pour ménager la poi- trine de mes fujets , qui s alteroient les poulmons à force de iiffler les méchantes pièces,
PASQUAREL^ Arlequin, Mais vôtre Seigneurie ne peut pas cpou- fer Colombîne. L'Oracle me l'a promife; & rOracle ne fçauroit mentir*
COLOMBINE/^ découvrant. Ouy, mais je ne fuis pas Colombine : Je fuis MeHlfe la Magicienne,qui ay emprun- té k figure de Colombine j pour ramener pion traître à laraifon.
A R L E QJJ I N. Ouy , mais on ne marie pas les ^cns de furprife , & la Loy 5. au Code, défend la diablerie dans le ménage. COLOMBINE^/? le f venant k la gorge. Ha traître je te tiens à prefent > & tu ne »ie fçaurols échapper.
' ARLEQUIN.
du Divorce . 5 $ ^
ARLEQ^UIN.
Touche donc là , je fuis ton marv. Dia- blelfe pour diableife , il faut autant époiifer une Magicienne qu'une autre femme.
SCENES
FRANÇOISE s.
5
DU DIVORCE.
SCENE D'ISABELLE ET COLOxMBINE.
ISABELLE.
AH l Colombine , quel bruit épou- vantable ! quelle rumeur l Mais , il faut qu"'on ait perdu l'efprit 3 de faire une tintamarre femblable dans mon anticham- bre ! Quelle brutalité de m'éveiller à l'heu- re qu'il eft ! Non , je ne crois pas qu'il foit encore midy \ & il n'y a pas trois heures que je luis rentrée. Je crois , Colombine, que je fuis faite d'une jolie manière ? ( ElU je regarde df.ns un hiiroxr, ) nh l'horreur \ quelle extindion de tein >
S
j 5? o Scènes Françoifes
COLOMBINF. Et la là 5 confolez-vous^Madame. Vous avez des yeux à défrayer tout un vifage. Et de quoy vous embarairez-vous de votre tein ? Il ne tiendra qu'à vous de l'avoir comme il vous plaira. Qiie ne me laiirez- ▼ous faire ? Je ne veux qu'une petite cou- che de rouge pour reparer de trente mé- chantes nuits la plus obitinée. IS ABELL E. Hafy ,Colombine,avec ton rouge ! Tu me mets au defefpoir. Crois-tu que je puille me refondre à donner tous les jours un habit neuf à mes appas ? J'ay une con- fcicnce fi délicate , que je me reprocherois les conqueftes qui ne fe feroient pas faites de bonne guerre ; &: je crois que je mour- rois de honte d'avoir dix années plus que mon vifage.
COLOMBINE. Bon , bon , Mademoifelle, vous avez là un plaifant fcrupule ! La beauté que l'on acheté n'eft-elle pas à Toy ? Qu'importe que vos jolies portent les couleurs d'un Marchand ou les vôtres , pourveu que cela vous fafïe honneur ? Pour moy je trouve quelques femmes d'aujourd'huy d'un par- faitement bon goût. De toute l'annéc,elles en ont fait un Carnaval perpétuel. Elles peuvent aller au bal à coup fur, fans crain- te d*eftre connues.
du Divorce, 3 ^ i
ISABELLE. Mon Dieu ! les femmes ne font-elles pis allez déguifées , fans fe mafqner encore î Et pourquoy veulent-elles peindre leur peu de fincerité jufques fur leur vifage ? Pour moy , je ne fuis point de ce nombre-là : j'aime mieux qu'on me trouve m.oins jolie, 5c eftre un peu plus vraye.
COLOMBINE. Ho par ma foy voila une belle delica- tefle de fentimens. H n*y a plus que le rou- ge qui fe met à la toilette , qui marque la pudeur de la plulpartdes femmes d'aujour- d'huy. Elles ne rougiroient jamais fans cela. Et que feroit-ce donc , Madame , s'il vous falloit peler avec de certaines eaux , comme la dernière MaîtrelTe que je fervois, qui changeoit tous les fix mois de peau t IS AB&LLE. Bon ! tutemocques5Colombine. Eft-cc que tu as veu cela ?
COLOMBINE. Si je Pay veu ? C'étoit moy qui faifoîs roperation.tlle me faifoit prendre la peau de fon front , que je tirois de toute ma for- ce. Elle crioit comme un beau diable ; dc moy je riois comme une folle. Il me fem- bloit habiller un levreau. Mais ce qui efl: de meilleur , c'eft qu'elle portoit toujours fur elle dans une boete la peau de fon der- nier vifage calcinée5& difoit qu'il n\ ^Yoh
s ij
^ <j t Scènes Françoifes
ïien de fi bon pour les élevûres ôc les bour- geons.
ISABELLE. Tu veux t'egayerColombîne ! UN L A (iU A 1 S. Mademoifelle , voila un homme qui demandée vous parler.
ISABELLE. Qu'on le faile entrer.
SCENE
DU MAITRE A DANSER.
A R L E QU \^ en Maître à dan fer y fur
un petit chevaL ISABELLE,
COLOMBINE.
ARLEQ^UIN,
ÎE croîs , Mademoifelle , que vous n'avez pas l'honneur de me conno^tre :"^Mais quand vous fçaurez que je m'appelle Mon- fieur de la Gavotte , fieur de Trottenville, vous devinerez aifcment que je fuis Maî- tre à danfer.
ISABELLE. Vôtre nom , Monfieur eft afTez connu dans Paris j &j'efpere devenir une bonne Ecoliere , ayant pour Maître le plus habile feommc du me'ticr,
du Divorce, 3 5? 3
ARLEQUIN. Ah, Madame 1 vous mettes ma modeflie hors de cadence : Ôc quand on n'a , com- me moy 5 qu^in mérite léger & cabriolant, pour peu qu'on l'élevé par des louanges un peu forces , il -court rifque en tombant de le cafTer le cou.
COLOMBINE. Mifericorde IQLieMondeur deTroten- ville ad'efprit l
ISABELLE. Il eft vray que voila une penfée qui eft tout à fait bien mife en oeuvre l Ceft urv brillant.
ARLEQ^UIN. Pour de l'efprit , Mademoifelle, les gens de notre profedion en regorgent. Et qui en auroit fi nous n'en avions pas r Nous fommes tous les ^ours parmy tout ce qu'il y a de gens de qualité. Je fors prefentement de chez la femme d*un Elu , où je me fuis fait admirer pour mon efprit. J'ay devine une Enigme du Mercure Galant. Vous içi- vez , Madame , que c'eftlà prefentement U pierre de touche du bel efprit. COLOMBINE. Ah par ma foy , les beaux cfprits font donc biens communs î Car la moitié du Mercure n'eft remplie que des noms de ceux qui les devinent. Pour vous , Mon* fieur , vous n'avez pas befoin qu'on kn-
S iij
3 5>4 Scènes Françoifes
prime le vôtre pour faire connoître vôtre mérite au public. On fçait aifez , que vous eftes rhonneur de l^Lfcarpin. Mais je vous prie de me dire pourquoy vous avez un il petit cheval ?
ARLEQ^UTN.
J'avois autrefois un CaroiFe à un che- va! : mais mes amis m'ont confeilié de changer de voiture , afin de ne pas caufer une erreur dans le public , qui prend fou- vent dans cet équipage-là un Maître à dan- 1er pour v.n lévrier d'Hypocrate. COLOMBINE.
Vous devriez bien avoir un Caroiïé à deuic chevaux ? Depuis qu'on ne joue plus^ il y a tant de Chevaliers qui en ont à ven- dre !
ARLEQUIN. . Je ne donnerois pas ce petit cheval là pour les deux meilleurs chevaux de Paris. C'eft un diable pour aller. Toutes les fois que je veux aller à la Baftille , il m'emmène à Vmccnne. Nous appelions ces petits ani- ma-jx-là parmi nous : Va tendre enoaoe- ment. *^ ^
COLOMBINE.
^ Comment donc ? qu'eft-ce que cela veut dire ? IJ/ï tevidre engaoernent ?
ARLE^QUIN. Vraim.ent ouy. Eft-ce que vous ne fça- vezpas o^x'Vn tendre engagement va plus
du. Divorce, 3 p y
loin qn^on ne fenfe. { // chante ces deniers mots, )
COLOMBINE.
Ah 5 ah 5 on voit bien que Monfieur fcait Ton Opéra , & qu'il en eft ! ARLEQUIN. Moy , de l'Opéra , moy ? f y f y ?
COLOMBIN E. Comment donc , f y , f y ?
ARLEQUIN. Hé fy 5 vous dis-je. J'en ay eftc autre- fois : mais il m'a fallu plus de vingt laV€- mens ôc autant de médecines , pour me puX rifier du mauvais air que j'y avois refpire, ISABELLE. Vous me furprenez 5Monrieur. J'avois toujours crû , que l'Opéra eftoit le lieu da monde 011 on prenoit le meilleur air. COLOMBINE. Bon 5 bon l Monficur de Trotenville à beau dire : il voudroit y eftre rentié , com- me tous ceux qui en font fortis. C'ei^uii Pérou : il n'y a pas jufqu'aux violons qui n'ayent des juftc-au-corps bleux galonnez» ARLEQUIN. Je veux que le premier entre-chat que je ferai me rompe le cou , fi jamais j'y mets le pied ! Vous mocquez-vous ? quand on me donneroit un tiers dans l'Opéra , je n'y
rentrerois pas moy. Pour quelques
quelques femmes qu'on acheté bien,de par
S ii]
5 ^ ^ Scènes Frax-çoifes
tous les diables, j'irois proftituer ma gloi- re , 6c figurer avec le premier venu ? Nous fbmmes glorieux comme tous Les diables» dans notre profeffion. Voulez-vous que je vous parle franchemeut \ l'Opéra n'eft plus bon que pour ks filles • Il n'y a pas aufli une meilleure condition au monde. Je ne conçois pas l'enteftement des jeunes gens.. C'eft une fureur , Mademoifelle , c'eft une fureur ; Ik toutes les coquettes s'en plai- gnent hautement ^ & difent que TOpera leur enlevé leurs meilleures pratiques , 6c qu'elles font ruinées de fond en comble. COLOMBINE.
Je le crois bien. Ces perfonnes-là ont grande raifon ; & fi j'eftois d'elles jje leur ferois rendre jufqu'à la moindre petite fa- veur qu'elles auroient receuë. ARLEQUIN.
Et là là, donnez-vous patience. On leur fera peut eftre tout rendre. Mais cependant elles ufent en toute rigueur de leurs privi- lèges j & un Amant qui n'exprime Ton amour qu'avec des fontanges &: des bas de foyejie morfond dix ans derrière leur porte. ISABELLE rcffardant i'hahit de M., de Trotre^viile.
Mon Dieu ! que voila un joli habit I Je vous trouve un fond de bon air , que vous répandez fur tout.
an Divorce» ' 3 5) 7
ARLEQUIN. Fy 5 Madame ! vous vous moquez. C*eft une guenille i Que peut-on avoir pour cinquante ou foixante piftoles ? Je vou- drois que vous viffiez une garderobbc : elle eftdes plus magnifiques j ïc ii fans vanité i> elle ne me coûte gueres.
COLOMBINE. Ho bien , Monfieur nous la verrons une autre fois : mais prefentemenr, je vous prie de danfer un Menuet avec moy. ARLEQUIN.
Ouy da Tres-volontiers. AUons^
COLOMBINE. "* Qiii eft cet homme-là qui eft avec vous ? ARLEQ^UIN. C'eft ma poche. Tel que vous le voyez, iLn^y a point d'homme au monde qui gour- mande une chanterelle comme luy. H fe- roit danfer , s'il Tavoit entrepris , tous les Invalides & leur HofteL Vous allez voir. ( Il prend la poche dans la queue du Cheval.)
C O L O MB I NE (^ AAeamn àanÇent. A R L E Q_U I N. Hé b^-en 5 Madame , que dites-vous de ma danfe ?
ISABELLE. T'en fuis charmée l
ARLEQUIN. Ke v^oiilex-yous poins que j^aye l'hoî^»-
S ^
3 98 Scènes Françoifes
iieur de danfer avec vous :
ISABELLE. Pour aujourd'huy , Monfieur , il n*y a pas moyen. Je fuis d'une fatigue , cela ne fe conçoit pas. Mais avant que de me quitter j je vous prie de me dire combien vous prenez par mois ?
A R L E QU I N. Par mois 5 Madame ? Cela eft bon pour les Maîtres à Dancer fantafïins. On me donne une marque chaque vifîte, & je veux vous m.ontrer quel a efté le travail de cette f^maiiïe. Hé, qu'on m'apporte ma Valife ^ Vous allez voir : allez donc. ( On détache une Valife , quo» apporte pleines de marques faites de cartes. )
C O L O M B I N E. Ah , mon Dieu l Vous avez ed-c plus de vingt ans à fliire toutes ces leçons-là ? A R L E Q^U I N . Bon 5 bon ! C'eft le travail d'une fem-aî- ne j ôc il ce que je vous montre là , c'eft de l'argent comptant. Je n'ay qu'à aller chez le premier Banquier , je fuis feur de tou- cher un demi Loliis d'or de chaque billet. C O L O M B 1 N E. Un demi Loiiis d'or pour une Leçon l On ne donnoit autrefois aux meilleurs Maîtres qu'un écu pnr mois.
ARLEQUIN. Il eft vray. Mais dans ce temps-là , les
m du Divorce, 35)^
Maîtres \ Danfer n'eftoient pas obligez d^'eftre dorez delllis & deirous , comme à prefent , & mie paire de Galoches efloit La voiture qui les menoit par toute la Ville. Mais prefentement on ne nous regarde pasj fî nous n'avons le Cheval & le Laquais,
SCENE DU MAITRE A CHANTER.
M E Z Z E T 1 N e?î Mdflre à Chanter. . ARLEaU IN, ISABELLE, C 0 L O M B I N E. .
C O L O M B I N E.
AH 5 Mademoifelle ! Voila vôtre Maî- ti:e à Cllanter , Moniîeur A mi la re Beca^.
ISABELLE à Monfieur de TrOtenville, Ne vous en allez pas 3 Monfîeur , je vous en prie. Je veux que vous entendiez chan- ter cet homme là. C'ell: un Italien. ARLEQ^UIN. Tres-volontiers , Madame , cela me fera bien du pldfir : Car tel que vous me voyez, je fuis à deux m.ûns , & je chante aulli bien que je danfe. ( // l'exainne ) Voila un vl- fage bien biroc : les Maficiens Italiens font de plaifans originaux 1 Ne diroit-on pas que ce fcroit-là un Siamois échappé
^00 Scènes Vrançôifes, ^
d'un Ecran ? Comment vous appelle» vous y Monfieur ?
MEZZETIN répète une douzjiine. d^ noms..
ARLEQ^UIN.
Voila bien des noms l II fautjMoniïenr^. que vous ayez bien eu des Pères l C'eft uiî Calendrier que cet homme-là l. ISABELLE. Je fuis ravie, Melïieurs ,que vous vous- trouviez enfemble. L'on n'eft pas mal- heiu-eux quand on peut unir deux illuftres^ ( itAi M^il'reà Chanter. ) Je vous pric^ Monli'ear, dt vouloir chanter un air. MEZZETIN en bc^ayant. Je, je,^ je, je, le, le, le veux bien..
ARLEQUIN. Quoy ? C/eft-là un Maître à Chanter £ Mifericorde !
Wc Z Z ET \1^ chante. ISABELLE cprès quil a chanté. Hé bien , Monfieur , que dites-vous d'ô: ce chant- là ?
A R L E Q^U I N". Ah , ah, voila une voix d'un afièz beatr metail. Cela n'eft pas mal.
C O L O M B I N E. Comment, pas mal ? Il faut fe jetter par les fenêtres > quand on entend chantei ainfi^
du Divorce, 401
ARLEQUIN.
H05 tout douceiTient,s'il vous plaift 1 Je ne fçay point faire de ces cabrioles-là» Voyez-vous, Mademoifelle, je ne fuis pas de ces gens qui louent a plein tuyau. Un homme comme moi y qui a efté toute fa vie nourri de Dielîs & de B mois , eft dia- blement délicat en Mufique»
MEZZETlN en bégayant. Monlieur apparemment n'aime pas Tlta- lien-i mais j'ay fait depuis peu un Duc François que je veux chanter avec luy , 6c je fuis feur qu'il lui plaira. Mtz.z.tttn luy prefente nn papier de Mufiqne. ARLEQUIN. Vayons. Qu'eft-ce donc, s'il vous plaift^ que tous ces pieds de mouches qui font au commencement des lignes ?. ME ZZ ET IN. Ce font desDiefis,pour montrer que c'eO: en à mi la rebecare. je ne compofe jamais que fur ce ton ; ôc c'eft pour cela que j'en porte le nom.
ARLEQUIN. Ah, ah , vous compofez donc toujours, fur ce ton-là ?
AIE ZZ ET IN. Ouy 5 Monfîenr.
A R L E QUIN rendant le papier. Et mioi , Monfieur , je n'y chante ja-- îïtais..
40 2 Scènes Françoifei
MEZZETIN. Hé bien , Monfieur , voila un autre air en D la re fol.
ARL ECIUIN. LaRiffolejVOus-mefme. Je vous trouve bien admirable , de me donner des fobri- quets j
MEZZETIN. Voila un homme qui eftbien fâcheux \ Je vous dis , Monfieur ^ que cet air là eft en D la 5 re 3 fol » & qu'il n'eft pas il dif- ficile que Tautre.
A R L E Q^U I N. Qui n'eft pas fi difficile que l'autre î Croyez-vous , mon ami , que la Mufique m'embarraife ? Je vor.s trouve plaifant 1 MEZZETIN. Je ne dis pas cela. . . . Allons. /// chant em eaftmhU. Cupidanne fçait -plus de cjud bdis faire flèche* MEZZETIN. Cela ne vaut pas le diable. ( bégayant ) Cu y eu 5 eu 5 chantez donc jufte..
ARLEQUIN luy jet tant le papier au nez.. Oh 5 chantez jufte , vous-même \ jerçiy bien ce que je dis. Eft-ce que je ne vois pas bien qu'il faut marquer là une diilb- nance , & que i'odave s'entre-choquant avec Tuni (Ton 5 vient à former un Dieiî& b. mol. Mais voyez cet ignorant i
du Divorce 403
M E Z Z E T I N.
Monfîeur 5avec vôtre permiiTion j fi les Muliciens n'en fçavent pas plus que vous, ce font de grands Afncs.
aRLEQ^UIN.
Plaift-il mon amy ? Sçavez-vous que vous eftes un fot par nature , par b mol , & par becare ? Je vous apprendray à infulter ainfî la croche Francoife.
COLOMBINE.
Voila qui eftplaifant qu'ils . , . . ( Ils fe hattent^les femmes veulent les feparer , Mor-- fieur Sottnet accours au bruit : on le bat , ^ on luy déchire fin habit > & tont le monde sUn va,
SCENE DU GASCON.
ARLEQUIN ^« Chevalier de Fond fec> I S A B E L L E , C O L O M B I N E.
ARLEQUIN. y lN devoiment , Madame , caufé à ma L-Jbourfe par les fréquentes cruditez d'une fortune indigefle 5 m'a obligé d'a- voir recours au reme-^e aftringenc d'un petit billet payable au Porteur ;, que j'ap-
>o4 Scènes 'françoifes i
p 3itoîs à Moinfieur vôtre Epoiix . Maïs n*y 1 cftant pas , j'ay cru qu'un homme de ma qu^ilité pouvoir entrer de volée chez les Dames , & que vous ne feriez pas fâchée de connoître le Chevalier de Fond-fec.
ISABELLE. Je fuis ravie ,. Monfieur, dePhonneur que je reçois : Mais je voudrois que ce ne fuft pas une fuite de vôtre malheur ; & devoir à ma bonne fortune ^ & non pas à vôtre mauvaife , la vifite que je reçois» Mais il faut efperer que vous ferez plus heureux.
A R L E Q^U IN. Comment voulez-vous ^ Madame ? Pour cftre heureux , il faut joiier : Pour joiier^. il f lut avoir de l'argent ; & pour avoir d^e Targent , que Diable faut-il faire ? Car nous autres Chevaliers de Gafcogne,nous n'avons jamais connu ni patrimoine , ni revenu.
COLOMBINE.
Il eft vrai que de mémoire d'homme,on- n'a j imais veu venir une Lettre de Chan- ge de ce païs-là.
ISABELLE. Monfieur le Chevalier voudra bien paf«^ fer toute l'aprés-dînée avec nous ?• A R L E Q^U 1 N. Ma foi :,. L^Lidaiiiea je ne fç^ajr £a&. £' jp:
du Divorce. 405
pourray me proftituer à vôtre vifue : Car c'ell; aujoard'hai mon grand jom- de fem- me. Je m'en vais voir fur mes Tablettes» ;^ // t re fes Tablettes & 1 1 : ) Le Mercredi, à cinq heures chez Dorimene. O ma foi, il eft trop tard. A cinq heures & un quart chez la ComtelPe qui m'a envoyé cette ëpéed'or. ( en riant } Ah l ah 1 La fotte prétention ! Vouloir que je rende une vi- fite pour une épée qui ne pefe que foixan- te Louis l Non , Madame , je n'iray pas , non, vous dis- je. j'y perdrois. A fix heu- res ôc demie promis à Toinon au troifié- me étage 5 rue Tireboudin. Oh, ma foi, cette vilite-là fe peut remettre. Allons, Madame , }e luis à vous pendant toute Tapréldinée j 6c pendant toute la nuit fi vous voulez,
ISABELLE.
Ho> ça Monficur le Chevalier , voila un chagrin qui me failît. Qiie ferons-nous après la Collation ^ QiTand je n'ay plus que deux ou trois plaifirs à prendre dans le refte du jour , je fuis dans une langueur mortelle \ & je m'ennuye prefque tou- jours dans la crainte que j'ai de m'en- nuyer bien-toft. Il faut envoyer voir ce que l'on joué aux Italiens. Broquette,Bro- quette.
UN LAQ^UAIS.
Madame ?
j^o6 Scènes Françoifes
ISABELLE.
Allez voir ce qu'on joue aujourd'hui à THoftel de Bourgogne.
C O L O M B I N E.
Je ne fçai pas , Madame , ce que vous voulez faire. Mais je vous avertis que Monlieur a enfermé une roue du Caroire dans Ton Cabinet , pour vous empêcher de fortir.
ISABELLE.
Qu^importe, nous irons dans le CarofTe de Monfieur le Chevalier.
ARLEQUIN.
Cela ne fe peut pas , Madame , mon Cocher s'en fert... C'eft que je luy donne mon Carolfe un jour la fcmaine pour Tes gages. C'eil aujourd'huy Ton jour j & il l^a lolié à des Dames qui font allées aiî Bois de Bologne.
CÔLOMBINE.
Cela ne doit pas nous arreftcr. Si Mada- me veut aller à TOpera , je trouveray bien un Caroiie.
ISABELLE.
Ha fy , Colombine , avec ton Opéra ! Peut-on revenir a la Demie Hollande, quand on s'eft iî long-temps fervy de Bap- tifte ? J'y allay dés deux heures , à la pre- mière Reprefentation ; j'eus tout le temps de m'emiuyer avant qu'on commençai j
du Divorce. 407
mais ce fut bien pis y quand on eut une fois commencé.
COLOMBINE.
Je ne conçois pas comment on peut s'en- nuyer à rOpera. Les habits y font Ci beaux 1
ISABELLE.
Je vois bien que nous ne fommes pas engoiiées de Mudqne aujourd'hui, 5c qu'ii faudra nous en tenir à la Comédie Ita- lienne.
ARLEQ^UIN.
En veritCj Madame, je ne fçii pas quel plaifir vous trouvez à vos Comédies Ita- liennes l Les Adteurs en font deteftables. Eft-çe qu'Arlequin vous divcrtitrC^eftune pitié ! Excepté cet homme qui parle Nor- mand dans [^Empereur de la Lune , tout le refte ne vaut pas le diable. J'eltois derniè- rement aune pièce nouvelle. Elle n^eil:oi: pas encore commencée, que j'entendois accorder les fiftlets au Paterre , comme on fait les Violons à l'Opéra. Je m'en allay auiïi-toft peftant comme un diable contre ces Nigauds-là, 6c je n'en voulus
pas
entendre davantage.
ISABELLE.
Vous n'attendites donc pas que la toile fuft levée ?
ARLEQ^UIN. Hé, vraiment non. Ne voit-on pas bien
40 8 Scènes Franco ife s
d'abord k ces indices-lk qu'une pièce de
vaut rien.
ISABELLE a'^ La^îiak, Approchez, petit garçon» Hé bien^queî- le Pièce joiTc-t-on? .
L E L A Q^U A I S. |
Madame , on joue le Sirop pour purger^
A R L Q^U I N .. ifibelie. Ne vous Pavois- je pas dit. Madame l Ces gens-là ne jouent que de vilaines cho- Tes.
LE J^AQ^UAIS. Madame 3 combien mettra-t on de cou- verts i
ISABELLE, Deux , un pour Monfieur le Chevalier, ^ r autre pour moi.
LE L A Q_U A I S. N'en mettra- t-on pas aufliun,pour Mon- fleur ?
ISABELLE. Non. Ne fçavez-vous pas bien que Mon- fîeur ne mange point à table quand il y a compagnie. ( Ils s'en vont topu> )
PLAID O Y E'
DE BAILLARDET-
LE DIEU D^HYMEN , plufieurs Ajhfl^ns BRAILL.RDET ET COR- NICHON, Avocats, MONSIEUR SOTINET , ISABELLE, p.ralss.
B R A I L L A R D E T.
POiir Mefïire Matluirin Blaife Sotînet^ fous-Fermier : Contre la Dame Sotinec fa Femme , demanderefle en feparation.
Je ne fuis pas furpris , Meffieurs;, de voir à ce nouveau Tribunal une Femme qui veut fecoiier le joug d'un Mari : mais je m'étonne de n'y pas voir avec elle la moi- tié des femmes de Paris.
CORNICHON.
Donnez-vous patience. Nous n'aurons pas plutofldemarié la première 5 qu'elles y viendront toutes les unes après les autres. BRAILLARDET.
En effet , Meffieurs , une jeune femme qui époufe un vieillard dans l'efperance de l'enterrer fix mois après , n'eft-elle pas en droit de4ui dem^.nder raifon de fon retar- dement ? Et n'eft-elle pas bien fondée à faire rompre un mariage, puifque fon tnari a'a pas fatisfait à l'article le plus elfentiel
4 1 ^ Sce^ei FrançolfGS
du Contradj par lequel il s'eft tacitement obligé à ne pas palfer Tannée î Celui pour qui je parle après avoir long-temps con- templé du port les naufFrages de tant de m.dheureux Fpoux , s'embarqua enfin fur la mer orageufe du mariage : Se quand il fit ce folecilme en conduite , qu'il fouffrit cette léthargie de bon fens , cette eclipfe de raifon ; s'il fe fuft mis une corde au cou, ou qu'il fe fuft jette dans la rivière , il n'auroit jamais tant gagné en un jour. CORNICHON. Ny fa femme aufli.
BRAILLARDE T. Il fît ce qu'ont accoutumé de faire les gens fur le retour , quand ils époufent de jeunes filles : C'eftàdire, qu'il confeiïà avoir receu vingt mille écus, quoi qu'elle ne luy euft jamais rieu apporte en mariage qu un fond de galanterie outrée , & une fureur effrénée pour le jeu. Voila la dotte de la Dame Sotinet.
CORNICHON. Avec vôtre permilFion, Maître Braillar- det 5 vous ne vous tiendrez pas pour inter- rompu , fi je vous dis que vous en avez menti. Il a receu vingt bons mille écus BR AILLARDET. Des démentis , MeiTieurs, des démentis ! 11 eft vrai que voila le Stile ordinaire de Cornichon.
du Vk'^rce. 4 1 i
CORNICHON.
Et allez, allez vôtre chemin:Te vous voy venir avec vos ruppcfitions. \JnQ fureur pour le jeu 1 Une femme qui n'a pas vingt ans, une fureur pour le jeu !
BRAILLARDET.
Ouy, ouy 5 Meiîieurs , quand je dis que voila la dotte de la Dame Sotinet , je n'a- vance rien que de véritable. Mais ne croyez pas que parce qu'elle n\i rien eu en ma- riage, elle en dépenfe moins en fe mariant. Les jeunes filles qui ie vendent à des Vieil- lards , achètent en mefme-temps le droit de les envoyer à l'Hôpital promprcment par leurs dépcnfes extravagantes. C'eft ce qu'a prefque fait la Dame Sotinet:Car en- fin le pauvre homme ne fut pas plutoll ma- rié, qu'il vit bien,com.me prefque tous les autres qui s'enrôlent dans cetce milice,qu'- il avoit fait une fottife ; que le mariage eft une affaire à laquelle il faut fonger toute fa vie : Qu'un bon finge & la meilleure femme font fouvent deax méchans ani- uiaux ; 6c que ce grand Philoiophe avoit bien raifon de s'écrier , en voyant trois ou quatre femmes pendues à un arbre : .Que les hommes ieroicnt heureux , fi tous les arbres portoient de femblables fruits i CORNICHON.
Ce fruit-là feroit diablement acre ; ^ je Cïoy qu'il ne feroit bon qu'en compote.
412 Scènes Françoifcs
BRAILLARDET. Il vit dés le jour mefme de fon mariage, introduire chez lui l/ufage des deux Lits : Ufage condaanné par nos Pères , inventé pir la Difcorde , & fomenté par le Liber- tinage : UTage que je puis nommer icy, la perte du ménage , l'ennemi mortel de la réconciliation, «Se le couteau fatal dont on égorge fa pofterité,
CORNICHON. Eft-ce qu'on fe marie pour coucher avec fa femme ? Fy i Cela eft du dernier Bour- geois i
BRAILLARDET. Il fit fondre chez lui dés le lédemain tous les fainéants de la Ville , Chevaliers fans Ordre, beaux Efprits fans aveu, cent petits Poètes crottez,vrais Chardons du ParnalFe; de CCS fades Blondins , minces Collifichets de ruelles. En un mot , il vid faire de fa maifon une Académie de jeux défendus j & fut obligé de payer une grolFe amende, à quoy il fut condamné. Oiiy , oiiy , Mef- fîeurs , je n'avance rien que de véritable; & malgré toutes les précautions , il n'a pas lailîé de la payer cette amende , dont voici b, quirt mce fignée , Pallot. Mais qui fut le dénonciateur ? Vous croyez peut- eftre que ce fuft, comme d'ordinaire, quel- que fripon de Laquais enragé d'avoir efté chaUc de la Maifon , ou quelque joiieur
outré
dn Divorce. 413
outré d'avoir p crd i Ton argent î NonjîvL ^- fîeiirs , non. Ce fut li Dame Sottinjt. La Dame Sorti net 1 Oiiy, Mefliears , ce fat elle qui ne fç^'-chant plus cxi trouver de l'argent pour joiier , alla denoixer elle- mefme qu'on jouoit ch:z elle. Elle fut cotidamnée à crois m'ilj livres d'amende. Son mary les p ya : elle receut Ton tiers, comme dénonciatrice Q^ie d'rez-vous , races futures d'un pareil brigand ige ?
A^rï f^.cra fzme f î
CORNICHON.
Vous devriez aarder vos palfages pour une meilleure cuife. Voila bien du L itin perdu. S'il ne tient qu k parler Latin. . . , BRAILLARDE T.
Héjje pirle bon François, Miiftre Cor- nichon : On m'entend bien. Miis ce n'é- toit-là qu'un prélude des pièces qu'elle de- voit faire dans la fuite à fon mary. Les pierreries encrT2;ées , \i vailPelle d'irîrent vendue, des Tableaux d'un prix extraordi- naire enlevez : Car le (ieur Sorti net a efté toujours extrêmement curieux d'origi- naux , & fe connoiiToit parfaitement en peinture.
CORNICHON.
Je le crois bien. Avant que d'cftre fous- Fermier, il a porté les couleurs alTcz long* temps pour s'y connoître.
T
4 1 4 Sce'/ies Frar^coiCes
BRAILLARDET.
Cela eft faux : Il n'a jamais porté que du cris chez un homme d'afFairesj&cela s^'ap- pelle , Appreïitif fous-Fermier , 6c non pas Laquais. Mais MeflieurSjS'il n'y avoir que deladiffipation dans la conduite de la Da- me Sotriner,vous n'entendriez pas retentir vôtre Tribunal des plaintes de fon mary. Mais puis qu'il eft aujourd'huy obligé d'a- vouer fa honte Se fon malheur , approchez Financiers, Plumets , Chevaliers ; & vous Godelureaux , les plus déterminez, paroif- fez fur la Scène. Oûy,ouy, Me{ïieurs,nous trouverons'de tous ces gens-làdans l'équi- page de la Dame Sottinet : Equipage qu'- elle promené fçandaleufement pat toute la Ville &: la nuit &: le jour. Mais que dis- je, le jour ? Non , ce n'eft point pour elle que le Soleil éclaire. Elle méprife cette clarté Bourgeoile : Elle ne fort de chez elle qu'avec les oublieux , de n'y rentre qu'à la faveur des Crieurs d'eau de Vie. CORNICHON.
La pauvre femme y eft bien obligée. Son mary a la cruauté de luy refufer un fl im- beau ; il faut bien qu'elle attende le jour pour s'en retourner chez elle.
BRAILLARDET. On ne manquera pas de vous dire que celuy pour qui je fuis , eft un brutal : J'en tombe d'accord. Un y vrogne : je le veux.
dn Divorce. 4 ' 5
Un débauche : J> confens. Un homme mefme qui efl: quelquefois attaqué de ver- tiges : Cela eft vray. Miis,MefIieurs. . ,
MONSIEUR SOT TIN ET. Mais Monneur l'Avocat , qui vous a donné charc:e de dire tout cela ? BRAILLARDET.
Hé 5 tiifez-vous , iç^uorant. Ce font des figures cie Rhétorique , qui perfuadenr, ( Aux Inaes ) Quand tout cclaferoit, dis- je. Meilleurs, font- ce des raifons pour Fai- re rompre un Mariage \ Si je vous parlois des intrigues de la Dame Sottinet , defes avantag,:*. gniantes, de i^es fu^tilitez pour tromper ion mary \ mais
A -•'-• ài^hi clanjbc'mpomt vejper Ohmpo^ Vous rougiriez , illuftrcs Se vieilles Co- quettes de notre remps, de voir qu^'une femme de dix-huit ans vous a lailfé , bien loin après elle dans la carrière de la galan- terie:& j'apprendrois aux femmes qui m'é- coûtent de nouveaux tours de foupleire. (Elles n'en fçavent déjà eue trop.jEt après cela 5 Meflieurs , une femme qui eft k Prc- cisjl'Elixirjb. Mere-gouttedela plus tranf- cendente Coquetterie , viendra vous de- mander une liparation ? Ne tiendra-t-il qu'à dor.ner de pai-rilles detorfes à THy- men ? Ordonnerez-vous qu'un mary foit déclaré veuf avant que d'avoir eu le plailîr d'enterrer fa femme ? Non^nonjvous n'au-
Tij
4 1 6 Scènes Trancolfes
thoriferez point une telle injuftice. Nous êfperons au contraire que vous obligerez la Dame Sottinet à retourner avec fon ma- ry , pour mieux vivre avec luy , s'il efl: pofïible. C'cft à quoy je conclus. CORNICHON. Voila une belle conclufion ! O ça , ça, nous allons voir.
P L A I D O Y E^
DE X:ORNICHON. CORNICHON.
MESSIEURS, Je parle pour Damoî- felle Zorobabel de Roqueventroufe, demandereiîe en feparation : Contre Ma- thurin Blaife Sottinet , Sous-Fermier ; cy- ^cvant Laquais &: defFendeur.
L'afpedt de ce Sénat Cornu,pompes di- crnes de THymen , cet attirail fiinefte & menaçant , tout cebjje l'avoue , m'infpire quelque terreur. Mais d'un autre cofté l'é- nuité de ma caufe ?ne recréât & rcficrt Puis- que je parle icy pour quantité de femmes qui vous difent par ma bouche, qu'un ma- rv efl: à prefent un meuble fort inutile ; Se que quand il n'y en auroit point, le mon- de ne finiroit pas pour cela.
Le mois de Mars 87. Mathurin Biaiie Sotcinet âgé de foixinte & dix ans , fentit un prurit pour la noce , une dem^ngeaiion pour le mariage. Cette vieille roiTe refaite &: maquignonnée, cette mèche feiche & ri- dée, prit feu aux étincelles des yeux de cel- le pour qui je parle. Il l'époufa, & ne tint qu'à luy de voir qu'il avoir mis dans fa maifon un trefor de fagelfe & de pruden- ce 5 pais qu'elle ne dépenfii en fe mariant que les vingt mille écas qu'elle avoir eu en mariage. R.ire exemple de modération pour les femmes d'anjourd'hav, qui mon- tent infolemment fur unegroile dottepoiir inliilter à Tœconomie de leurs maris. BRAILLARDET^^/ riéint.
Ahiâhlahil'ceconomie de la Dame Sot- tinet 1 J'avois oublié de vous dire, Mef- ileurs , que le mariage fut prefque rompu, parce que le futur ii'avoit envoyé qu'un carreau de cinq cens écus.
CORNICHON.
Je le croy bien. Je connois la fille d'un Drapier qui en a renvoyé un de deux mille livres : & fi dans ce temps-là , les Drapiers n'avoient pas gagné leur procez contre les M irchands deloye.
BRAILLARDE T. La femme d'un Sous-Fermier, un carreau de cinq cens écus 1
T iij
4 1 8 Scènes Francoifes
CORNICHON.
Oh 5 taifez-vous donc fi vous pouvez. Si on n*impore filence à Mairre Braillar- det 3 je n'acheveray jamais ma Plaidoirie. C'tfl une femme que cet homme-là j il ne de babille point !
Vous la voyez , Mellieurs, à vôtre Tri- bunal , cette innocente opprimée , cette femme qui engage Tes pierreries , vend fa vailTelle d'argent. Mais pourquoi £iit-elle tout cela ? Pour tirer ion mari de prifon >
Le fieur Sottînet eftoir malheureufe- ment entré dans Tafiaire du bois quarré. Tous fes airociez font en fuite : on l'appre- hende au corps j on Tentraîne au Fort l'E- véque. Cette chafte Tourterelle privée de fon Tourtereau , que d'impitoyables Ser- gens lui ont enlevé, vajcourt^engage tout. Mais pourquoy, Medieurs ? Pourquoy en- core une fois ? Pour tirer fon mary d'un, cul de baiïe folle.
BRAÏLLARDET.
En vérité. Meilleurs , voila une calom- nie atroce ! Lelîeur Sottinet n'ajamr.is eftc en prifon. Je dcm 'nde réparation. CORNICHON.
Un fous- Fermier jamais en prifon j Hé bien donnez vous vm peu de patience > aious Ty ferons bien-toft sîler.
Mais que dirons-nous, MeiTieurs, de fcs débauches , ou pour mieux dire , que n'en
du Dhcrce, 415?
dirons-nous pas ? Car jufqa'à quel excès de crapule cet homme- là ne s'eft-il point lailFé emporter. Mais que dis- je , un hom- me ? Non 5 Meflicurs, c'eft plutoft une fu- taille qui ne fait que s'eniplir & fe vuider à tous momens. C'eft un bouchon ambu- lant, c^'eft une éponge toujours dégoûtante de vin , dont les vapeurs obfcurciirent Se fouftlem enfin la chandelle de la raiion. B R A I L L A\R D E T.
Je vous arrefte là. Ctù. une calomnie diabolique. Le fleur Sotrinet ne boit que de l'eau : cela eft de notoriété publique. CORNICHON.
Un homme qui a efté toute fa vie dans les Aydcs ne boit que de l'eau ! N*avoit-il bû que de Teau, Maître Braillardet, quand fortant tout chancelant d'un cabaret pour afîifter à TEnterrement d\m de fes n^iU leurs amiS:, il fe laiffa tomber dans la folle^ où il feroit encore , Ci par malheur pour fa femme on ne l'en euft retiré ? N'a t-il bu que de l'eau , quand il revient chez luy le foir , amenant avec foy des femmes d'une vertu déLibrée ; Sc qu'il mal- traite celle pour qui je fuis, de paroles & de coups. BRAILLARDE T.
De coups ? Ah , MejGiieurs , on ne fcaic que trop que c'eftle pauvre homme qui les a receus. Il a porté plus de trois mois un emplâtre fur le nez , d'un coup de chaii-
T iij •
42.0 Sceïes Franco'- [es
dclier que fa femme luy a donné.
SOTTIN ET enp:eHra-t, Cela eft vray. ]e ne fçmrois m'empef- cher de pleurer toutes les fois que j^y fongc. CORNICHON. Vous eftes Sous-Fermier, Monfîeur ; & vous pleurez ? Mais s'il n'y avoir que des coups à eirayer, je ne m'en plaindrois pas : car on içait bien qu'une femme veut eftre un peu panfée de la main. Mais de fe voir à tous momens expofée aux extravagances d'un fou I
SOTTINET. Moy fou ?
CORNICHON. Ouy, Meilleurs , je vous le garantis tel, & des plus foux qui fe fairent. On n'a qu'à lire les dépofitions des témoins , on verra qu'on l'a encore veu aujourd'huy courir les rués la barbe faite d'un cofté , & le bafïin palTé à fon col.
SOTTINET. Je n'ay jamais fait d'autre folie que cel- le de prendre ma femme. Hé morblcUjplai- dez votre caufe ii vous voulez. ( Il levé fa canne» )
CORNICHON. Vous voyez, MefTieurs ,que vôtre pre- fence ne fçauroit fervir de Gourmet à ce furieux. Que feroit-ce fi cette pauvre in- nocente le trouvoit toute feule avec luy î
Approchez , mit-l-heareiife opprimée ; ve- nez, époiife iufoL-tanée.C'efî à l'ombre de ceTribunil que vous trouverez un azile allure contre la pïtulence de vôtre perfe- cuteur. Souffrirez-vous, Meilleurs, qu'une femme qui ( comme dit fort éloquemmenc un fçavant Philolophe , ) doit eftrc vas di- gmtat'Sj-on voUiptatis, devienne un grenier à coups de poing ; qu'une femme qui doit eftre la Soucoupe des plaifirs d\m mary, fo^t le balon de Tes emportemens. Non, Meilleurs , vous ne fouf&irez pas que ces innocentes brebis foient fi cruellement égorc^ées par ces loups raviffans ? Et qui voudroit d'orefnavant fe mettre en ména- ge , fi vous fermiez les portes aux Sépara- tions".
Le Divorce ayant efté de tout temps tout ce qu'il y a de plus piquant d^ns le ma- riage, ceragoiiftde veuvage anticipé,cette viduité prématurée que vous allez fervir à laDameSottinet, va fûre venir Teau à la bouche à l^ plufpart des femmes de Pa- ris : Elles en voudront tâter. SongezjMef-» fieurs 5 aux honneurs que vous Ulez rece- voir. Cornu aii^-rîta iei//s ! Vous aurez plus d'affaires que toutes les Jurifdiclions de la France. L'HofteldeBour^o^ne cre- vera de monde : Vous en aurez toute la gloire 3 oc les Comédiens Italiens tout le profit» Dixi*
T y
4 2 1 . Scènes Francolfes,
^Fmdant qpte le Dieu de V Himen va ai x opimQTJS , les Avocats -parlent têtu deux à la fois, BRAILLARDET. Qiiand il auroît quelque petit grain àt folie, il a des intervales. ...
CORNICHON. Ah jtaifez-vous , taifez-vous. ( Celafe. dît à haute voix, )
fVGEMENT.
LE ®1EU D'HIMEN.
Ayant aucunement égard à la Requeft'e de la partie de maiitre Cornichon, le Dieu de i'himen a ordonné que la Dame Sotti-» net demeurera feparée de corps ôc de biens d'avec Ton mary \ qu'elle reprendra les vingt mille ccus qu'elle a apportez en ma- riage 'y qu'elle jouira dés à prefent de Ton doiiaire, eftant réputée veuve , &: d'une penjfion de trois mille livres. Et attendu la démence avérée du fîeur Sottinet , nous avons ordonné qu'à la diligence de fa fem- me, il fera inceiramment enfermé aux Pe- tites Maifons , on à faint Lazare. M. SOTTINET.
Moy enfermé ! moy à faint Lazare l: CORNICHON.
Bon I il y a dix ans que vous devriez y^ cftre»
dn Divorce. 4^5
On emmené le fenr Sottinet, O^lave fe dé- couvre à ffahe/ie. CORNICHON. Monfieur l'Himenée,ce n'eil: pas le tour. Vous venez de faire un mariage : mais il s'agit d'en refaire un autre entre Colom- bine Se moy.
COL O MB I NE. Ah très- volontiers ! à condition qu'on nous demariera au bout de l'an. ARLEQUIN. Je le veux bien. Car j'ay toujours ouy dire , qu'une femme Se un Almanach font deux chofes qui ne font bonnes tout aii- plus que pour une année.
&t-*' * * *-
424 Scènes Frânçaifes
SCENES
FRAN C O I S ES
D' ARLEQUIN,
HOMME A BONNE FORTUNE,
SCENE
DE LA PETITE FILLE.
ISABELLE, COLOM3INE en fetln F Aie 3 O' cijfiEiant nn air mais.
ISABELLE.
EN veriré ;, vous eftes bien folle , tie farcir vôtre tefte de vos fortes imagi- nations d'Amour 5c de Mariao-e ! Efl-ce là le party que doit prendre une Cadette } Et ne devriez-vous pas avoir renoncé au monde ?
COLOMBINE. Mon Dieu , ma fœur , cela cft bien aifé à dire ; mais vous ne parleriez pas comme vous faites , Ci vous femiez ce c^^uc je Ctns^
de l Homme à bonne Fortune, ■ 425 ISABELLE. Et que fentez-vous donc5S"*il vous plaift? Vraiment je vous trouve une jolie mig- nonne, pour fentir quelque chofe 1 Et que fentiray- je donc moy^qui fuis vôtre aînée? eft-ce qu'on m'entend plaindre des envies que caufe Teftac de fille î Vous eftes encore une plaifante Morveufe.
C O L O M B I N E. Plaifante Morveufe ? Ivlon Dieu , je ne fuis point fi morveufe que je le parois \ & il y auroit déjà long temps que je ferois femme, fi mon Père avoit voulu : Car l'on m'a dit qu'on pouvoit l'eftre à douze ans* ISABELLE. Mais fçivez-vous bien ce que c'tfi qu'un mary, pour parler comme vous faites ? COLOMBINE. Bon 1 il je ne le fçavois pas , eft-ce que j'en voudrois avoir un ?
ISABELLE. Hé , qui vous a donc appris de fi belles chofes ?
COLOMBINE. Cela ne s'apprend-r-il pas tout feul ? Quand je fonge que je feray mariée, je fuis fi aife, Ç\ aife ! Oh i il faut que ce foit quel- que chofe de fort joly que le mariage^puif- nue la penfée feule fait tant de plaifir. ISABELLE. Vous vous trompez fort à vôtre calcul>
42.(J Scènes Françoifes
fî vous vous figurez tant de plaifir dans le mariage. Le beau régal qu'un mary qui gronde toujours ! Les foins des doraefti- ques I L'incommodité d'une grolTeiTe i Non , quand il n'y auroit que la peur d'avoir des Enfans , je renoncer ois au ma- riage pour toute ma vie ?
COLOMBINE.
La peur d'avoir des Enfans ? Bon ! On dit que c'eft pour cela qu'il faut fe marier.. ISABELLE.
Bon Dieu i Qiielle petitefTe de raifon- nement ! Qiie vôtre efprit eft à rez de chauirée i
COLOMBINE.
Mais vous 5 ma fœur , qui eftes fi raifoji- nable , eft ce que vous ne voulez pas vous, marier ?
ISABELLE.
Oh , ce n'eft pas de mefmc. Moy , je fuis vôtre aifnée. Et la taifon qui veut que vous ne vous mariez pas, veut que je me marie. Vous n'eftes pomt propre aii mariage : Ce n'eft pas un jeu d'enfant. COLOMBINE.
Et moy je vous dis que j'y fuis auflî propre que vous. Je fupporteray fort bien, routes les fatigues du ménage y ôc quoy que je fois jeune , fi j'étois mariée prefen^- tement , je fuis feure. qiie je n'en mourrGis>
de V Homme a bonne Fortune. ^ij ISABELLE. En vérité , il faut que j'aye bien de la bonté de foufFrir tous les travers de vôtre efprir ! Tout ce que je puis faire encore pour vous,c'eft de vous confeiller de ban- nir de vôtre cerveau toutes vos idées ma- mmoniales3&; de croire qu'il n'y a perfon- ne afTez dépourveu de bon fens , pour vou- loir fe charger de vôtre peau.
COLOMBINE. Hé, là, là, cette charge-là n eft pas fi pe- fante , & ne fait pas peur à tour le monde» Il n'y a pas encore huit jours que je trou- vay dans une Boutique au Palais, un Mon- fîeur de condition , qui me dit que j'eftois bien à Ton gré , & qu'il feroit bien-aife de m'époufer.
ISABELLE, Et que luy répondîtes- vous ? COLOMBINE. Je luy dis que j^eftois encore bien petite pour cela ; mais que l'année qui vient,j*eC» perois d'eftre plus grande.
ISABELLE. Vous ferez plus grande & plus folle. Vous ne voyez donc pas qu'il fe moquoit de vous, & que vous vous donnez un ridi- cule dans le monde ? Allez , vous devriez mourir de honte,
COLOMBINE. Ne voila-t-il pasî Vous me grondez tou--
4 2,8 Scènes Françoifes
jours. Vous voulez bien vous marier vous, &' vous ne voulez pas que je me marie. Eft-ce que je ne fuis pas fille comme vous? ISABELLE.
Une petite fille qui n'a pas quinze ans, donner à corps perdu au travers du ma- riage ?
COLOMBINE.
Mon Dieu , je vous dis encore une fois que j'ay plus d'âge qu'il ne faut. Mais puifque vous me trouvez trop jeune , fai- lons une chofe. Vous avez quatre années plus que moy,donnez-m'en deux : Cela ne gâtera rien ny pour l'une ny pour l'autre, ISABELLE.
AU», allez, vous ne fçavez ce que vous dites. Voi^s me croyez bien embarraifée de trois ou quatre années que j'ay plus que vous. Mais je veux bien que vousTçachicz que pour dix ans de moins, je ne voudrois pas eftre faite comme vous ni de corps ni d'crprir.
P lERRO T arrive. PIERROT. Qu'eft-ce donc , Mefdei-noifellcs ? Voila bien du bruit ! Il me femble que vous vous flattez comme chiens & chats. Ne fçau- riez-vous vous égrarigner plus douce- rneiic î
COL OMBIN E.
Pierrot, c'eftma fœur qui fe fâche. Elle veut qu'il n\ ?Jt de mnrv qne pour elle. PIERROT. Ho , Li goulue !
ISABELLE. Viens ça , Pierrot , toy qui eft un hom- nae d'efprit , & qui feus le monde. N'cfc- il pas du dernier Bourgeois de marier plus d'une fille dans une MaifoUj^: ne devrois- je pas déjà Tedre ?
PIERROT. Cela efl vray , 6c je dis tous les jours à vôrre Peie , que s'il ne vous marie au plu- toft, vous luy ferez quelque ftratagême. C 6 L O M B 1 N E. Mon pauvre Pierrot , toy qui eft fî joly, cft-ce qu'il faut que je demeure toute ma vie fille?
PIERROT. • Bon ! Eft-ce que cela fe peut ? ( a IfahelU) Voyez- vous, Mademoifelle, il faut marier les filles quand elles lont jeunes. Ce gibier-là ne fe garde pas , la mouche s'y met.
ISABELLE. M^is auiïï 5 eft-il jufte que je cède mes droits à une Cadette ?
PIERROTS Colornb'we, Il eft vray que vous n'eftes encore qu'un Ea-ibrion : & j'en ay veu dans des bouteil-
j^^o Scènes Françoïfes
les de bien pli^s grandes que vous. COLOMBINE. Je conviens. Pierrot , que je fuis encore petite. Mais fi tu fç .vois ce que j'ay déjà. ISABELLE. Petite fille, vous ol rift-il de vous taire ?
PIERROT. Hé, pardy, lailfez-là dire. ( a Colombine ) Et bien donc , qu'avez-vous ? COLOMBINE. J'ay. . . . Miiis je n'oferois le dire,
ISABELLE aColomhwe, Vous avez raifon , car vous allez dire une Tottife.
PIERROT k Ifabelle, Et Palfanguié 1 ûlFez-la donc parier. Vous luy rembourez les p iroles dans le ventre. COLOMBINE. Ne te mocqueraS'ta point de moy i
PIERROT. Et non non, dites.
COLOMBINE. J'ay de la gorge , Pierrot , puifquc tu le veux fc avoir.
PIERROT. Ho> voyons cela, voyons.
COLOMBINE. Ho,nenny , nenny, je ne la montre pas encore. J'attens qu'elle Toit plus venue. ISABELLE. Il n*y a plus moyen de tenir à vos ini-
de VHjm'me a bonne Fortune, 4^1 pertinences , je vous laifTc 5 & fi je faifois bien , j'avertirois mon Père de mettre or- dre à vôtre conriiiite. ( Elle s'en va. ) PIERROT. Elle eft b"er. rudaniere.
C O L O M B I N E. Oh, va , va , je ne m/en foucie pr.s. Elle vent faire la Mad ime,& me traiter comme une petite fille : Mais nous verrons. Oh, ça, ça 5 Pierrot , il faut que tu me ^j.11^ un plaiiir.
P 1 ERROT. Je ne demande pas mieux. Ne fuis-je pas fait pour faire plaifir aux filles î C O L O M B 1 N E. Il faut que tu me porte cette Lettre à ce Monfieur que je trouvay dernièrement au Palais.
PIERROT. Une Lettre ?
C O L O M B I N E. Ouy. £l1-cè qu'il y a du mal à cela ? Puifque je fçiy écrire , Pourquoy n'écri- ray-je pas ?
PïEPvROT. Ah 5 vous avez raifon.
COLO.\iBlNE. C'cft un homme de 2;rande condition y de on l'appelle Monfieur le Vicomte. PIERROT. HoaU c'eil un Vicomte, je ne dis plus rieii^
4 3 1 Scènes Fra^çolfei
COLOMBINE.
Tu kiy diras que je m'ennuye bien fort de ne le pas voir , &: qu'il ne manque pas de me venir trouver aujourd'huy. M'en- tends-tu ? ( Elle s en va, )
PIERROT.
Hé , ouy 5 ouy , j'entcns bien, je ne fuis pas fourd. La petite Mafque 1 C'eft une belle chofe que la nature l Cela fonge au mariage dés la coquille.
tI' i?f >îf 4-' ^' '•?* *-V *>?.♦ ^ ^^ ^-* • ^l*
SCENE
DE BROCANTIN
AVEC SES FILLES.
BROCANTIN, ISABELLE, C O L O i\i B I N £.
BROCANTIN.
QUel ouvrage faites-vous là, vous ? COLOMBINE. C'efl une pente de mon lit : Mais je crains de la faire trop petite j on n y pour- ra jamais concher deux.
BROCANTIN. Eit-il bcfoin , s'il vous plaift, que vous couchiez avec quelqu'un ?
de V H'^rrrre a br'n?ie Fortune, 435 C O L O M B I N E. Non : Mais fî par bonheur , je venois à
eftre nr-riëe
BROCANTIN en colère. Si pir bonheur ou par malheur vous ve- niez à eftre miriée , vous vous preire'iez. Hé 5 je fç y de vos fredaines. Vous n'avez pas toujours une aiguille & delà tapi irerie entre les maiiis , & vous commencez à ef- crimer de la plume. Mais ce n'eft pas pour cela que nous fommes icy. Laiffez-là vo- tre ouvrage , &: m'écoutez. ( I^^ prcfineKt desfie^es. ) Le mariage. . . . ( aCohn^hi-e.) Oh 1 oh 1 vous riez' déjà ? Tuchoux 1 II ne faut que vous hocher la bride. ... Le mariage , dis- je , eftant un ufage aufîi an- cien que le monde : Car on s'eft marié avant vous j Se on fe mariera encore après. COLOMBINE. Je le fciy bien, mon Papa : Il y a long- temps qu'on miC dit cela.
BROCANTIN. J'ay refolu pour éternifer la famille
Brocantine Vous voyez où j'en veux
venir ? j'ay donc relolu de me marier. ISABELLE 6c COLOMBINE enfemble. Ah 3 nion père !
BROCANTIN. Ah, mes filles ! vous voila bien ébobies! Eft-ce que je ne me porte pas encore affez bien ? Pvcgardez cet air , cects taille , cette
4 5 4 Scenci Frnn^oifes
légèreté. ( // faute , & fait un fattxtoi ) ISABELLE. Vous vous mariez donc , mon père ?
BROCANTIN. Ouy, Ç\ vous le trouvez bon, ma fille,
COLOMBINE, A une femme ?
BROCANTIN. Non 5 c^ell: à un tuyrui d'^orgue. Voyez, je vous prie, la bcl'e demande ! ISABELLE. Vous répouferez ?
BROCANTIN. Mais, je crois que vous avez toutes deux refprit en écharpe. Eft-ce que je fuis hors d'âge d'avoir lignée ? Sçavez vous bien qu'on n'a que l'âge qu'on paroift ? Et Monfieur Vifautrou mon Apoticaire , me difoit encore ce matin, en me donnant un Remède , que je ne paroillbis pas quaran- te-cinq ans.
COLOMBINE. Ohjmon Papajc'eft qu'il ne vous vfiy©it pas au vifa^e.
BROCANTIN. J'ay ce que j'ay : mais je fens bien que j'ay befoin d'une femme. Je crevé de Huité; & j'ay trouvé une fille comme je la fou- h.iite : belle , jeune, fage, riche j enfin une fille de hazard.
du Divorce. 45^
ISABELLE.
Une autre fille que moy, qui ne fcauroit pas vivre^vous dirok, mon Pere^ que vous rifquez beaucoup en vous mariant j qu'il faut avoir perdu l'efprit pour fonger ^ à vôtre âge, à un engagement ; & qu^on en- ferme tous les jours des gens aux Petites Maifons pour de moindres fujets. Mais moy qui fçais le refped; que je vous dois, fans me prévaloir des raifons que les en- fans ont d^apprehender un fécond maria- ge, je vous diray que puifque vous crevez de famé , vous faites parfaitement bien de prendre une femme.
COLOMBINE.
Pour moy , je vous le confeille : car je voudrois que tout le monde fût marié.
BROC AN TIN. Oh vous prenez la chofe du bon biais. Puifque vous eflcs fi raifonnable , appre- nez donc que je fuis en train pour parler de mariage j mais c'eft pour vous.
ISABELLE & COLOMBINE enfemhle. Ah , mon père !
BROCANTIN. Ah , mes filles !
ISABELLE. Je vous ay des obligations que je n*oii- blieray jamais.
4. ; 6 Seèvres Françoifei
C O L O M B I N E fe ]ettant an col as
Brocart in. Ah, mon petit Papa, que je vous aime !
BROCANTIN. Je fçivois bien que cela te feroit plaifîr, 8ç que ta n'aurois point de chagrin de voir marier ta fœur devant toy.
COLOMBINE. Quoy , mon Pcre , ce n'eft pas moy que vous voulez marier ?
ISABELLE. Non, on feroit bien mieux de vous faire palTei" la première , <5c d"* attendre à me ma- rier , que vous eufliez trois ou quatre en- fans ? Pour moy , je ne conçois pas cette petite fîUe-là.
COLOMBINE. Si vous ne me mariez , je fçay bien ce que J2 fer.iy , moy.
BROCANTIN^ Colombine. ^ Il faut bien qu'elle paiPe devant toy. El- le efl: ton aifnée ; àc afin de te mettre en eftat d'eftre bien-toft mariée, elle époufera un honnefte homme.
ISABELLE. Je le connois bien.
BROCANTIN. Bien fait.
ISABELLE.
Je Pay veu.
BROCANTIN
di V Homme k bonne Fortune 457 BROCANTIN. Riche.
ISABELLE. Je le crois.
BROCANTIN.
Monfîeur Bafîinet , Médecin. Enfin c'eft tout dire,
ISABELLE.
Monfieur B iflinet , Monfieur BifTinet !
BROCANTIN. Comment donc , vous trouvez vous mal? Du vinaigre , vice.
ISABELLE. J*ay bien du refpeâ: pour la Médecine ;. mais avec votre permiflion , mon Père , je n'cpouferay point un Médecin. BROCANTIN. Avec votre permifTion , ma fille ,vous répouferez. Il ne faut pas,s'il vous plaid:, que vous fongiez davantage à Octave. J\iy appris que c'ëtoit un gueux ; & je vais tout de ce pas l'envoyer chercher pour luy dire qu\in autre luy a palFé la plume par le bec. inerrot , Pierrot.
C O L O M B I N E. Allons , ma foeur , faites cela de bonne grâce . puifque mon père le veut. ISABELLE. Je vous prie , mon père , de ne me point donner ce chagrin , ^ ne m'obligez pas à
V
4 5 8 Scènes Françoïfes
époufer un homme pour qui je n*ay nulle
tftime.
BROCANTIN. Il n'y a qu'un mot qui ferve. Il faut époufer Monfieur B flinet , ou un Con- vcnt. Il vous viendra voir. Songez aie re- cevoir comme un "homme qui doit eftre vôtre mary.
ISABELLE. Hé 5 mon Père !
BROCANTIN- Allons, dénichons. Point tant de caquet.
ISABELLE. Voila ma fceiu" qui a fi envie d'eftre ma- riée. Qiie ne luy donnez-vous Monfieur Bafïinet pour mary .J'aime mieux luy céder mes droits, <5^ qu'elle paiïe devant moy. COLOMB IN E. Oh , ce n'eft pas de mefme : Je fuis vô- tre cadette ; ôc la raifon qui veut que je ne me marie pas, veut que vous vous mariez 'la première. ( Elles fartent. )
BROCANTIN. Pierrot ?
PIERROT. Me voila , Monfieur.
BROCANTIN. Où diable es-tu dore toujours ? Il faut que je m'égozille quatre heures. PIERROT. Monfieur, j'eftoi s avec cette femme qui
de l'Homme k bonne Fortune, 4 3 ^ marchande ces fmges , & qui veut donner fîx écus du gros , parce qu'elle dit qu'il reffemble à ion mary.
BROCANTIN. Laiffe cela : J'ay autre chofe en tefte. Va me chercher Odave. J'ay quelque chofe de confequence à luy dire. PIERROT cherchjnî par tout le Tloeatre,
fi fis tes bancs, Monficur, je ne le trouve pas. BROCANTIN. Animal, eft-ce là ce q- e je te dis ? Tiens, vois le logis. Le butor ! Je vois bien que nous ne vivrons pas long-temps eniem- ble. Je ne veux point de befte dans ma maifon.
PIERROT. Pardy, Monfieur, il faut donc que vous en forciez.
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^4© Scertts Fra/^çoifes
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SCENE
DU VICOMTE.
COLOMBÏNE, ARLEQ^UIN
en ^Homte , U N FIACRE, tenant [on foHCt,
ARLEQ^UIN AHVmcre.
VA 5 va 5 mon ami , turévcs. Un hom- me de ma qualité ne paye pas plus dans les Fiacres j que fur les Ponts. LE FIACRE. Paye-t-on comme cela le monde ? Vous ne me donnez pas un fou.
ARLEQUIN. Tu ne fçais ce que tu dis , Maraut. Eft-ce qu^rn homme de ma qualité n'a pas tou- jours fon Franc-Fiacre.
LE FIACRE. Mardy , Monfieur , je veux eftre payé ; OU par la fambleu nous verrons beau jeu. ARLEQUIN. Infolent , tu te ferrs battre,
LE FIACRE. Je renie bleu , je ne crains rien j je veux
de l* Homme à bonne Fonmte, 441 cftre payé tout à rheure ( Il enfonce frn €hapsaH y & le vt foii fouet )
ARLEQUIN. Ah ha j ventrebleu , il faut que je coupe les oreilles à ce Coquin-là. f 11 mtt la mmn fur la garde de fon épée , cajnme s'il la vou- lait tirer ) Mademoifelle , preftez-moy im écu : Je n"'ay point de monnoye. C Ô L O M B 1 N E. Monfieur , je n^ay pas ma bourfe fur moy : mais je vais le faire payer. Quel- qu\Tn ? QiT^on paye cet homme-lk ? (an Fiacre ) Allez , allez , THomme > on vous contentera.
ARLEQUIN. Ces^MaraurS'là ne font jamais contents. J'en ay dcja tué quinze ou feize : mais je ne ferai point fatisfait que je n'en aye achevé le ouarreron.
COLOMBINE. En verjtc , Monfieur le Vicomte , il fan bien vous aimer , pour vous regarder après une lî longue négligence à me venir voir,
ARLEQ^UIN. Ma foi 5 Mademoifelle , les heures d'un joli homme font bien comptées. Les fem- mes fc preirent aujourd'hoi : Elles fçavent que les quartiers d'hyver feront diable- ment courts cette année ^ Je n'ay pas un moment à moy.
j^^i Sctnes Françolfes
COLOMBINE.
Et que faites-vous donc toute la jour-
'lée ?
ARLEQ^UIN.
A peine ay-je quitté la Toilette , qu'il faut aller dîner chez RouiFeau. Un Offi- cier ne peut pas eftre moins de cinq ou fiz heures à table j & avant qu'il ait fnmé dix ou douzcdouzaines de pipes , il eft heure de s y remettre pour fouper.
• ' COLOMBINE.
Quoy, Mouiîeur 5VOUS prenez donc du Tabac comme ces vilains foldats ? Fy ! je ne pourrois jamais m'y accoutumer. ARLEQ_UIN.
Vous n'avez qu'^à vous mettre cinq ou iix mois dragon dans ma Compagnie. Vous fumerez de refte. Bon l Vous moe- quez-vous ? Les Gens du grand Volume ont-ils d'autres occupations ? C'eft mor- bleujau feu d'une pipe qu'il faut qu'un homme de qualité allume fa tendreire. COLOMBINE.
Et Monfieur le Vicomte , avez-vous fu- mé aujourà'huv ?
ARLEQ^^UIN.
Eft-ce que j'y manque jamais ? Mais j'ay la précaution, quand je vais en femme, de merinftrla bouche avec trois ou quatre pintes d'eau de vie. Vous ne fciuriez croi- re comme après cela on foupire tendre-
de V Homme à bonne fortHne. 44 ^ ment. ( Il fait un rot. )
C O L O M B I N E. Ha. fy, Mon/ieur le Vicomte ! Je n'aime point ces foupirs-là. Les gens que je voy n'airaifonnent pas leur douceur de Tab::C & d'eau de vie.
ARLEQUIN. C'eft que vous ne voyez que des Cour- taux de Boutique , ou des Gens de Robbe. Croyez- moi , la belle ,11 n'ell rien tel que de s^iccrocher à Tt-pée. Les F ftidieux per- fonnages que vos Robbins i Ont-ilslefens conimun ? Ils font l'amour par article, commie s'ils dredoient un procez verbal. C O L O iM B I N E. C'efl ce que je dis tous les jours, à deux grands Baquiers d'Avocats , qui font fans ceiie autour de moy à me faire endèver. ARLEQUIN. Oh, ma foy , le Plumet eft en amour, ce que la moutarde e il: à la Gulfe Robert. U n'y a que cela de picquant.
C O L O M B I N E. Je ne fçai pas pourquoy mon Père a tant d'avei'fion pour les Gens d'épée, ARLEQUIN. C'efi; que vôrrc Peie eft un fot. C O L O M B I N E. Il dit qu'ils font tous débauchez. & qu'ils n'ont jamiais le fou.
V iiij
444 Sce?ies pra/çoifes
A R L E Q\J 1 N en nnnt.
Débauchez ! ha 1 ha ! débauchez ! lis ai- ment le vin jle jeu & les femmes : mais du refte il n'y a pas des gens mieux réglez. Pour de l'argent , je crois que tant que les femmes en auront , nous n'en manquerons gueres.
COLOMBINE.
Je croy , Monfieur le Vicomte , que fait comme vous eftes , vous voyez bien des femmes de condition ?
ARLEQUIN.
Je veux eflre déshonoré , vous efles. la feule Bon rgeoife avec qui je déroge. Mais à vous parler franchemeni , toutes les fem- mes que je vois au prix de vous , e'eftma foy de la piquette contre du vin de Syl- Icry.
COLOMBINE.
Vous dites la même chofe 4e moy quand vous efles auprès d'une autre. Dites la vérité.
A R L E Q^U I N-
Si vous voulez que je vous parle fans fard 5 cela eft vray \ &c je vais au fortir d'icy, à deux ou irois rendez-vous , où il faudra bien dire que vous efl:es une Guenon , comme les autres. Mais à propos de Gue- non . quand nous marirons-nous enfem- ble ? Je iiiis diablement preiré. Ecoutez , il ne faut pas lallfer morfondre l'amour
de l* Homme a hnmie Fortune, 4 4 j d'un Officier 5 cela n'eft pas de longue ha leine. Q,ucl â^^e avez-vous bien ? CÔLOMBINE. Je ne fçai pas. Mais mon père dit qu'il V a quatorze ans que nu mère eftoit grolfe de moi.
ARLEQUIN. Qiiaiorze ans ? Je ne croyois pas que vous enfliez vaillant plus de dix ou douze années.
COLOMBINE. Vraiment , j'ay bien plus que tout cela. Vous croyez donc parler à une petite fille? Vous vous trompex. Je fçai déjà bien des chofes. J'ay déjà leu cinq ou flx Comé- dies de Molière ; 5c j'en fuis au troiliéme Tome de Cyrus. Je fais du point à la Tur- que 5 &; j'apprends à chanter. ARLEQ^UIN. Vous apprenez a chanter : Et qui efl votre Maître ?
COLOMBIN E. C'efl un nommé l'Oper^^..
ARLEQ^UIN. Diable 1 Un habile homme l Oh , puif- oue vous fçivcz chanter , il faut que vous me décochiez un petit air ?
COLOMBINE. Ah jMonfieur 5 je vous prie de m'ex- cufer 5 j'ay aujourd'huy quelque chofe qui m'en empefche,
V V
44^ Scènes Franpifes
ARLEQ^UIN. Qu* avez -vous donc ? Eft-ce que vous eftes enrhumée. Tenez , voila du Tabac en machicatoirc , il n*y a rien de iî bon pour le rhume.
COLOMBINE. S'il n'y avoit que cela ^ je ne lailferois pas de chanter.
ARLEQUIN. Qu'avez-vous donc autre chofe?
COLOMBINE. Te n'ay rien. C'eft que. . .
ARLEQUIN. Qiioy donc ?
COLOMBINE. C'eft que. . . . Voila-t-il pas , ces vilains hommes ? Ils veulent tout fçavoir. C'eft que ma voix ne paroift rien, quand je n'ay pas mes fontanees argent Se jaune. ARLEQ_UIN.^ Comme fi les fontanges faifoient quel- que chofe à la voix ! Coiu-age^Mignonne, je vous fonffleray en tout cas. COLOMBINE. Je le veux bien .Mais vous allez voir com- me je vais trembler. Là , là, là. Mon Dieu I Je fuis faite comme je ne fçay quoy. . . . ( Elle chante, )
J^nncton mdimez^-vom hlen f Hçlas i quel conte I
de V Homwt a, bonne Fortune, 447 Pourcjuoy ne vem airnerois-je pas f
Mon Diept 3 quel conte ! Vom qui m'avez, tant fait de bien :
Qutl fichu conte !
ARLEQ^UIN.
Je veux eftre un fripon , fi cela n*eft di- vin. Voila une voix à peindre. Je n'en ay pa> perdu une goutte. Mais de quel Opé- ra eft cet air là ?
COLOMBINE. Jccroyque c'efl de Rolland. A R L £ Q^U I N. Ho , point 5 point , il faut que ce foit des derniers :Car voila le tour aile de nos Poè- tes & de nos Muliciens d'aujourd'hui. La jolie chanfon '. On ne travailloit point comme cela autrefois. Mais je veux chan- ter avec vous. Tel que vous me voyez , je fçai la Mufique comme un Orqueftre.Vous allez voir comme je vais vous tortiller un air.
C O L O M BINE. Oh, Monfieur, je ne luis pas encore aflTez forte pour tenir ma partie.
ARLEQ^UIN. Nous chanterons donc une autre fois. Adieu Mourette. PAS Q^U A R E L entrant brnfquement. Monfieur , ne fortez pas. Il y a là-bas deux Sergens > ôc enviion douze Archers,
V yj
44 s Scènes Françoifes,
qui vous guettent pour vous mettre en
prifon.
ARLEQUIN. En prifon ? hoime \ v'^oila mes bonnes fortunes qui commencent à défiler. COLOMBINE. Qu'avez-vous donc , Monlîcur le Vi- comte ? Que ne partez- vous ? Il y a là- bas tout plein de Laquais qui vous atten- dent.
ARLEQUIN àpart. Ce font bien des Pouflfe-culs de part tous les diables.
COLOMBINE. Ne peut-on fçivoir la caufe de votre chagrin ?
A R L E QU I N. C'eft une bagatelle.
COLOMBINE. Je veuz Rapprendre.
A R L E Q^U I N.
Infandum , Résina , jubes remvarç dolonm
C O L O M B I N E.
Ah Monfieur le Vicomte , vous jurez
devant iesfîlles.Vous me le direa pourtant.
ARLEQUIN.
Vous fçaurez donc , qu'eftant obligé de
partir pour l^Allemagne , & ne pouvant
trouver d'argent fur mon billet : Car les
billets de Vicomtes ne font pas repurez ar*
gcnt comptant 3 j'en fis un quejefignay.
de l'Homme à bonne Fortune. 4r^^ La Harpe : C'efl: le nom de ce fameux Ban- quier. Sur ce billet-là on me donna deux cent piftoles. Je partis. Prefentement , voyez je vous prie le peu de bonne foy qu'il y a dans le Commerce , ce vilain Monfieur de la Harpe ne veut pas payer ce billet-là ?
COLOMBINE. Et que dit-il ?
ARLEQ^UIN. De mauvaifes raifons. Il dit qu'il n'a point fait ce billet-là. Mais Ton nom y eft, une fois ; il faudra bien qu'il le paye , ou qu'il crevé : Car palfambku je fçay bien que je ne le payeray pas moy ? C OLOMBINE. Monfieur le Vicom.te , je n'ay point d'ar- gent : mais voila deux brillants avec Icf- quels vous en pourrez faire. Prenez enco- re mon colier.
ARLEQ^UIN. Hé fy 5 Madame i ne vous ay-je pas dit que je faifois littiere de Diaraans. COLOMBINE. Voila encore une montre qui eft affez jolie.
ARLEQUIN. Et vous vous mocquez. Cela eft-il d'or ?
COLOMBINE. Attendez , j'ay encore icy une petite
4 5 G Scènes Fran^oïfes
boëte à mouches , &c un cacher. ARLEQ^UIN. Et mais , mais , Mademoifelle y vous pouffez ma complaifance à bout. COLOMBINE. Quand on a donné fon cœur cela ne coûte gueres à donner.
A R L E Q_U I N. Et encore moins à prendre. Ah , char- mante PrincefTe que vous fçavez me pren- dre par mon foible , ôc qu'on fait de Folies quand on eft bien amoureux î // s^en va. COLOMBINE /<? rappelUnt. Tenez , tenez , Monfieur le Vicomte , voila encore un petit jonc d'or,que j avois oublié.
A R L E Q^U I N. Mais, Mademoifelle, ces breloques là valent-elles bien deux cent piftoles : Voila un diamant qui me paroi (l .bien jaune. . Ecoutez, je vais porter tout cela.chez l'Or- phevre , Ôc s'il ne m'en donne pas les d'eux cent Loiiis , vous me tiendrez , s'il vous plaift, compte du refte.
COLOMBINE. Monfîeur le Vicomte , vous m'époufe- rez au moins ?
A R L E Q^U I N. Allez, allez , parmi nous autres Vicom- tes 3 la parole fait le jeu. Adieu Charman- te. ( h la frenà [oifs k mtntm ) Ah mor-
de V Homme à bonne Fortune. 45 i bleu 5 que voila des yeux chargez à cartou- che ! Et que voila de bonnes fortunes 1 // s'en va.
COLOMBINE. Ah que je fuis aife de lui avoir fait ce petit plaifir ! De la manière que je l'aime, )t ne fçay pas ce que je ne lui donnerois point.
SCENE
DELA TIRADE.
ARLEQ^UIN, COLOMBINE
en Avocat.
ARLEQ^UIN.
AYant appris, Monlieur , que vous elles un homme fçivant & de bon confeilje vondroisbien vous parler d'une affaire que je fuis fur le point de terminer. COLOMBINE. Parlez : mais parlez peu. La difcretion dans le parler a toujours efté loliée aucon- traire.On a blâmé de tout temps les grands parleurs : c'eft pourquoy j'aime la briève- té j & je m'applique uniquement à eftre concis dans mes difcoiusi
45 1 Scènes Françolfss
A RLEQÙIN. J'auray bien-toft fait.
COLOMBINE. Et qui ne fçait que le trop parler vient du defliut de jugement ? Que le défaut de jugement vient du manque de raifon ? Et que le manque de raifon eft le caractère de la befte ?
ARLEQ_UIN. Je n*ay qu'un mot.
COLOMBINE. Qiii ne fçait que voUt trrevocahile bel^ lumr' Qu'on ne fe repcnt jamais de Te taire, & qu'on s'eft repenti fouvent d'avoir par- lé ? Ignorez-vous que la Nature a donné à l'homme deux pieds pour marcher, deux bras pour agir, deux narines pour fentir y ôc qu'elle ne luy a donné qu'une langue pour parler.
ARLEQ^UIN. Je dis donc .....
COLOMBINE. Pythagore faifoit obferver le (llence à Tes difciples pendant fept années. ARLEQUIN. Je le crois.
COLOMBINE. Solon avot coutume de dire , qu'un homme qui parle beaucoup, eft femblable à un tonneau vuide qui fait plus de bruit qu'un plein.
de V Homme k honne fortune. 455 ARLEQUIN. Cela eft beau.
COLOMBINE. Bias. Q^ii'un grand parleur n'efloit autre chofe qu'une ForterefTe fans murailles, une Ville fans porte , &: un Vailleau fans gou- vernail-?
ARLEQ_UIN. Vousfçiurez donc ....
COLOMBINE. Anaxagore , qu'une befte féroce échapcc cftoit moins à craindre , qu'une langue ef- frénée & pétulante.
ARLEQUIN. Monfieur ....
COLOMBINE. Ifocrate , Qu'il n'y avoit icy bas qnc deux chofes à faire : Ecouter , & fe taire. ARLEQUIN. Taifez-vous donc ?
COLOMBINE. Tous vos grands difcoars font inutiles : Friijïra fit per flnra qnod pottsh fi^ri per faucior.î,
ARLEQUIN. Hé y Monfieur. Je n'ay encore rien dit.
COLOMBINE. je fç lis bien que l'ufage de la parole 3 elle donnée à l'homme pour expliquer fes pcnfées.
45 4 Scènes Françolfes,
ARLEQUIN. De grâce ....
C O L O M B I N E.
Je ne vous dis pas qu'ail ne faille parler en termes propres , faivant les règles de la Grammaire -, faire accorder l'adjedif avec le fubftantif , le nom avec le veibe5le maf- CLilin avec le féminin.
ARLEQ^UIN.
C'eft dont il s'agit , Monfiear , du maf- culin avec le féminin.
COL O MB IN E.
Je ne vous défend pas de mettre en iifa- ge les figures delà Rhétorique : Narr?,quid efi Rhttonca ? Selon Socrate, c'efl: l'art de perfuader. Selon Agathon , celuy détrom- per : félon Gorgias ,1 ufage du difcours : félon Chrifippe la clef des cœurs : félon Cleanthe , la fcience des fciences : félon VataderiuSjle boalevart de la vérité : félon Ariftote le bouclier de TOrateur : félon Ciceron l'art de bien dire \ Se félon moy , l'art de ne gueres parler.
ARL EQ^UIN.
Va 3 fi je puis attraper la parole ! C O L O M B 1 N E.
Si vous voulez donc que je vous donne mes avis , expliquez-moy le fujetdont il s'agit : mais fur tout d'un ftile vif, ferré , conciSjprelTé , laconique : Car vous fçavez que la vie de l'homme eft courte , ars iof^ga^
de V Homme. k bonne Fortune. 455 nj'ita hrevis. Le temps eft cher. On en perd tant à boire , à manger , à dormir , à s'ha- biller , à danfer , à rire , à chanter ^ ScVon ne fonge pas que la fanté revient nprés la maladie , le Printemps après l'hiver , la paix après la guerre , le beau temps après la pluye : mais que le temps paiTé ne re- vient jamais.
ARLEQUIN. Te voudroisdonc fçavoir. . . . COLOMBINE. Je le crois que vous voudriez fç'avoir. Omn-hiis homimbi*^ fcire à naîv^ra ynjitiimif}-, dit le Prince de TEloquence. Mais vouloir fçavoir eft une choie j & fçavoir en eft une autre. C'eft ce qui fait que du fçavoir au non fçavoir , il y a autant de différence, qu'entre THomme & la Befte , le Ciel &: la Terre , le Gentilhomme & le Roturier, le Marchand & le voleur , le Procureur & TAiraffin , le Bourreau Ôc le Médecin. ARLEQ^UïN. T'en fuis perfuadè. Mais. . . .
COLOMBINE. Or voulez-vous fçavoir quelle différen- ce il y a entre THomme &: la Beftc ? C'efl que l'un fe conduit par la raifon , & l'autre pp.r l'iaftind. Entre le Ciel Ôc la Terre ? C'eft que l'un eft fur nôtre tefte , 6: l'autre fous nos pieds. Entre le Roturier & le Gentilhomme ? C'eft que l'un paye fes det-
4 s ^ Scènes TrançoiCei
tes 5 & l'autre Te mocque de Tes créanciers. Entre le Marchand & le Voleur } C'efl que l'un vole dans les villes , & l'autre li dansle*; bois. Entre le Procureur &l*Ar- |j faflîn ? CtH que l'un enlevé les biens^ l'au- tre la vie. Entre le Médecin & leBourreau? C'eft que l'un afTalïîne peu à peu les mala- des 5 éc que l'autre tue tout d'un coup ceux qui fc portent bien.
ARLEQ^UIN. Cela eft le mieux du monde. Je voudrois donc fcavoir . . . ,
COLOMBINE. Quoy ? La Philofophie , ou la Rhétori- que ? La Théorie, ou la Pratique ? La Geo« metrie , o\\ l'Afti-ologie ? la Pharmacie ou la Medecinei'La SpherCjOu la Géographie? La Cormogrnphie,ou la Topographie ? ARLEQ_UIN. Non , je ne veux rien de tout cela. . . .
COLOMBINE. Voulez-vous que je vous parle des Arts, ou des Sciences ? Des huit parties de l'o- raifon : Des trois puiirances de l'ame : la mémoire , l'entendement & la volonté ? De l'influence des PlanettesJupitetjMars, Mercure , &c. De la qualité des Etoiles, majeures , fixes , ou errantes. Des Comè- tes crinées, tombantes, & volantes ? De la difparité des temperamens, phlegmatiques, fanguins & mélancoliques ? Des mouve-
de i' Homn2€ à bonns Firtune, 4^7 niens du cœur , fiftoliques & diaboliques ? ARLEQ^UIN. Hé , Monficur , je n'ay que faire de ce galimatias-là.
C O L O M B I N E. Eft-ce de TH ftoire ou de la Fable dont vous voulez que je vous parle ? Commen- ceray-je par le Déluge , le Jugement de Pa- ris , les malheurs de Pir .me & Thisbce , Tincendie de Troye , les erreurs d'Ulytle^ le paiFage à'J5.\\ét , le fac de Cartilage , la mort de Tarquiiijles triomphes de Scipon, la conjuration de Cauilina , le pas des Thermopiles , la bataille de Marathon. ( ArU'^um à'î non à ch::qnt dema.'.dc. )
ARLEQUIN. Et non 5 non , cent tois non , de par tous les diables non. Je voudrois fçavoir feu- lement , il je dois cpoufer une brune ou une blonde.
COLOMBIN E. Et que ne parlez vous donc ? Il y a deux heures que vous me faites chanter inuîile- ment.
A R L E Q^U I N. Comment diable voulez-vous que je parle ? vous ne toulPez ny ne crachez ; je ne puis pas prendre mon temps. Ouf 1 COLOMBIN E. Vous voulez donc fçavoir li vous devez f poufer une brune 5 ou une blonde ?
45 8 Scènes Franco l Ces
ARLEQ^UIN. Oay , Monfieur. Ah 1 vous y voila à la fin.
COLOMBIN E. Voulez-vous que je vous dife cela par les règles d'Aftronomie, Prophétie, Chro- nologie, Analogie, Phyfionomic, Chimie, Altrologie , Hydromancie , Eromancie , Piromancie , Kofcinomancie , Chiroman- cie , Nigromancie ?
ARLEq_UlN. Je ne «l'en foucie pas pourveu ....
COLOMBINE. I
Aimeriez-vous mieux que ce fut par le £ moyen derinvocation,imprccarioîi,mul- j: tiplication , indidion , fpeculation , fu- l; perftition , interprétation , conjuration , j pronoftication , évocation ? |
ARLEQUIN. Corbillon , qu'y met- on. Hé,Monfieur, r cela m'eft indiffèrent , pourveu que . . , COLOMBINE. Si vous voulez , je me ferviray des con- noiiranccs de la Rhétorique, LogiquejPhy- fique , Metaphylique , Arithmétique , Arc Magique , Poétique , Politique, Mufique, Dinlectiqae, Etiquc , Mathématique, Tc- rapredique.
A R L E Q^U I N. Ha I j'enmourray |
de l' tioynme ^^h'^^ne Fortî^ne, 4 5 P C O L O M B I N E.
Puirque donc toutes les fcieiices cy- defllis font des terres inconnues poiu- vous je vous diray que nos Auteurs ont parlé différemment fur lepointdont il s'agir. Les uns tenoient pour les blondes \ ôc les autres pour les brunes. La difrerencedu poil fait auiîi la dilfcrencede l'inclination. La blon- de eft tendre , languilTlmte , & amoureufe : La brune eft vive , gaillarde, & fringante. La blonde pourra bien outrager vôtre front. La brune ne vous en quittera pas à meilleur marché. Un fçavant Pcëte de Tantiquité dit : u^lha LigMJlra cadmt : Vaccinia N gra le^
guntur. Un autre non moins célèbre , s'écrie : Hic mger eft : ore hnfic tu Romane , caneto,
Ainfi , vous voyez bien que c'eft une matière bien délicate : 'Vndcjue ambages ; &c qu'il eft difficile d'y porter un jugement certain. Car quoy que je fois confommé dans toutes fortes dcfciences , ne croyez pas que je veiiille que mon femiment pré- vale. Je ne m'arrefte point mora eus à mon opinion. L'obftination eft le propre de la befte ;& je nevoudroispas que . . .
( Pendant cette Tirade , Arleqmn parle aifjjl y hy met la main fur la bouche , & luy enfonce [on mouchoir, Colombine s'en va, )
^6 o Scènes Françolfes
ARLEQUIN. Ah je n'en puis plus ! Qiiel babillard \ Je gage que (î oncxaminoitcet homme là, on trouveroit que c'cft iine femme.
SCENE
DES CURIOSITEZ.
A R L E Q\3 IN en Prince des Curieux ,
BROCANTIN.COLOMBINÉ,
PIERROT, ISABELLE,
ARLEQ^UIN.
CE n'eft pas fans raifon^que nos anciens modernes ont dit ingenieufementjque le mariage eftoit d'une trcs-grande reilbur- ce pour de certaines gens \ ôc que les Ai- grettes dont quelques femmes galantes fai- ioient prefent à leurs maris eftoient fem- bl.:bles aux dents qui font du mal , quand elles percent , ôc nourriifent quand elles font venues. Cela prefupofé , voyons un peu le tendron qui eft defliné pour mes plaifîrs. Car vous ne voudriez pas me fai- re achetea chat en poche ?
BROCANTIN. Oh , avec moy , Monficur , point de
furprife.
de P Homme à bonne Fortwne, 4'^ i furprife. Voila mes deux filles : Vous n'avez qu'à choifir. C'ell: encore trop d'honneur pour le fang des Brocantins A R L E QU I N. Ouy , Beau-pere , je veux Brocantiner avec vous i & de peur de mal choifîr , je les prendray toutes deux. ( Il fe tourne vers Coiomhme, ) Pour vous petite blonde dT* gypte , levez le nez , regardez-moy fixe- ment , marchez , trottez. Beau-pere , n'y a t'il rien à refaire à cette fille-là ? B R O C A N T 1 N. Ho , Monfieur , je vous la garantis tout ce .qu'on peut garantir une fille. COLOM BIN e/ Je me porte bien j & je n'ay jamais eu d autre maladie qu'un mal d'avanture. Mon pouce devint gros comme une tefte A R L E QU I N. Diable î-méchant mal l Les filles font terriblement fujettes à ces maux-là.Seriez- Yous bien aifè d'eftre ma femme 5' COLOMBINE. •Moy 5 votre femme ? Bon , bon ! Vous vous mocquez. Eft-ce que je fuis capable de cela ?
ARLEQ^UI N. Mâlpefte 1 Vous l'eltes de refte. COLOMBINE. "
Je vous avertis par avance , que fi je fuis jamais mariée avec vous , je ne vous in-
X
4^2 Se enei Franco ïfei
commoderay point de toute la nuit : Car je fuis la meilleure coucheufe du monde : je me trouve le matin comme je me fuis mifeiefbir. . -..^ .-..'
Tant mieux. Mais avant depairer outre, il eft bon que je vous falFe part de quel- ques petits avis envers que j'ay fait pour fervir de niveau à la femme qui tombera fous ma coupe : Ecoutez bien ceçy. ( Il toujfe,)
Prmh. Celle qui m'engage fa foy , Sera , fî cela Ce peut , fagc. Elle doit fe faire une loy De demeurer dans fon ménage , Et de n'en fortir qu'avec moy , En dépit du contraire ufage. Quand je vois revenir des femmes fans maris . 3'entens celles qui font du plus galant étage, Qui fouvent loin du gâte ont palfé plusieurs nuits, Il me femble de voir un C heval de loiia'ge , Lors qu'on le ramené au logis. G'eft un grand hafard s'il ne cloche; Et s'il ne boitte pas tout bas, Pour le moins on trouve ce et cas , A coup feur quelque fer qui loche.
Secnnâo» "
Dans ma maifon il n'entrera,
De peur de maligne pratique ,
Aucun Lévrier d'Opéra, Simphonifte , Chanteur , ou fuppoft de Mufiquc.
Item, point de Maitre à danfcr. Gc f©Dt C'ourtiers d'amour dont il faut fe pafler,
de l'Homme à borne fortune. 46"^ Ces gens-là Ce font trop de fcftej Et quelque foin que vous preniez , Par leurs leçons la faume en porte mieux les pieds Mais le mary plus mal la tefte.
C O L O M B I N E.
Point de Maiftres à danfer ? Et quels mais font-ils aux maris?Ils ne les touchent jamais. Je i^enoncerois plutoftau mariage. J'aime le mien prefque autant qu"'un mary. ARLEQUIN. C'eft à caufe de cela. Ces Mefïïeurs-là ne montrent pas toujours la Courante & le Menuet.
Tertio 3 & ultime. Qui voudra fe mettre en famille , Qu'il prenne garde que jamais Une s'enjeigne d'un Agnes: C'eft une méchante Chenille. Il en eft bien fouvent de ces fortes de Pilles, Ainfî que de ces œufs qu'on acheté poar frais, On a beau les mirer de prés : Dés qu'on en cafTe les coquilles , On en voit fortir les Poftlets.
4(^4 ^^ Baguetu
-> nom'
LE TROISIE'ME ACTE
DE LA COMEDIE
DES CHINOIS,
Jmtulé
LA BAGUETTE
DE VULCAIN.
Le Théâtre ref refente me Grotte ohfcure , défendue par un Géant d'une énorme gran^ deur y couchée à l'entrée de la Caverne,
SCENE I.
A R L E QU I N ROGER venant mfon des Trompettes & des Tambours,
ENfin Roger , voicy le jour où tu dois , donner des marques de ta valeur , & délivrer Bradamante de l'enchantement qui la polFedc depuis deux cent ans.
de Va^caln. 4^^
O Amour , petit Dieu félon , Toy qui fais flamber ton brandon Dans le trefond de ma poitrine. Corrobore mon coeur craintif, Par un Julep confortatif j Car Phydeux afpeâ: de la mine De ce Géant rébarbatif, - Fait ja fur moy pauvre chetif , Les effets d'une Médecine.
Toy 5 Glouton , Ribaud , Sarrazin, Qui par ton dol & mal engin , Retiens ma gente Tourterelle , Dis-moy , li tes bras pourfendons Ont bien pu garder fï long-temps L'honneur de cette Jouvencelle ? Htlas dans nos jours venj;liirans , Pour conferver une Pucelle Jufqu'à l^'âge de quatorze ans , Combien faudroit-il de Geans !
Mais il eft temps de mettre à fin l'on- vr^ encommencc. Combattons le Géant pendant qu'il eft endormy.
Roger conduit le Géant au hrmt des Trom- fettes c^ dîs Tambours , luy coupe la tefie & les membres. Et lors cjH*d croit Le Géant en- tïerernent défait , les membres & la tefte vien- nent fe rejoindre au corps , & font une autre attitude , ejui donne matière a Roger d*Hi nouveau combat. Le Géant difparorfi , c^ Roger touche U caverne de fa Baguette , qui
X iij
j^è6 Lu Baguette
fe change en un Jardm agréable , dans lequel on voit qua-fitité de figures enchantées , an mi- lieu de [quelle s efl Bradamante finr un lit de fiiurs,
SCENE II.
ROGER , BRAD AMANTE endortnie
ROGER.
Allons 5 allons , debout ; Depuis deux cens ans de fomn:eil , n'eftes-vous pas laile de 'dormir î On ne fçauroit tirer une femme du lit.
BRADAMANTE [enveïllattt. Oùfuis-je? i>«Ti-:)iiihA ' »
ROGER. Je vous demaude pardon , la bblle , fi je vous ay interrompu dans un rêve , dont peut-eftre vous auriez efté bien-aife de voir la fin.
BRADAMANTE.
Ciel Que vois-je.
ROGER.
Le coloris de mon vifa^e vous fur-
prend. Apprenez que depuis deux cens ans
les hommes ont changé du blanc au noir î
rdc les femmes du noir au blanc & au rouge,
BR ADAM AN TE.
Qiioy 5 il y a deux cens ans que je n'ay
. àe Ffilcair!, 467 "
veu le jour ? /
ROGER. i Airurement.
BR A DAM AN TE. J Helas 5 je ne trouveray donc pins J*A-
mant qui m^eftoit deftinë pour époux r"^ '
ROGER. ;
Oh ! Pour des Amms , vous n'en m:in- \
querez pas : Mais pour des Epoufeux , l
Kara avis in terris. Vous eftiez donc fille \ quand vous vous ^ftcs endormie ? BRADA MANTE.
Vraiment ouy. ■
ROGER. \
El Teftes-vous encore ? i
B R A D A M A N T E. Alfarement.
ROGER. j La chofe ed problématique ; & je croy \ que vous n'auriez pas dormi Çi tranquille- ' ment. Mais dites-moy , je vous prie , coai- ; ment faifoit-on Tamour de votre temps ^ ^ BRADA MANTE. \ Le cœur fe payoitpar le cœur. Une fiile \ croyoit tout ce que luy difoit Ton Amanr, ; & l'Amant ne difoit que ce qu'il penfoir* j La tendrelFe duroic autant que la vie. Plus ' on eftoit amoureux , plus 0!i eftoit aimé : | Plus on eftoit aime , plus on eftoit fidelle, j & on ne coniultoit que l'amour pour fai- re les mariages, ;
X iij \
4^8 La Baguette
ROGER.
Oh y que ce n'eft plus le tei^ps ! Quand on veut fe marier aujourd'h^y > on va chez le Père & la Mère marchander une fille comme une aulne de drap : Et tel qui croit acheter la pièce toute entière , trouve fou- vent qu'on en a levé bien des échantillons» Mais de votre temps , comment un mary vivoit-il avec fa femme ?
BRADAMANTE.
Dp.ns une union charmante. La volon- té , les biens , les plaifîrs , tout devenoit commun , fi toft qu'on c'étoit donné la foy.
ROGER.
Oh ! que ce n'eft plus le temps ? Pre- mièrement dans ce Siècle cy , il n'y a plus de foy à donner -, & la Communauté ne fubiîfte que dans les articles du contrat. Un raary n'a rien de commun avec fa fem- me 5 que le nom ôc la qualité. Il a fa table feule , fon carolfe feul , fa chambre feule ; il n'y a que fon lit , que bien fouvent il n*a pas tout feul. Mais de votre tems avoit- on trouvé l'p.rt de s'égorger avec la plume? Plaidoit-on vigoureufement ? Qui eft-ce qui rendoit la Juftice ?
BR- DAM AN TE.
C'étoit d'anciens & vénérables Magif- trats qui paflbient la nuit à examiner les Procès j 6c le jour à les juger.
àeVulcain. 4^p
ROGER.
Oh 5 que ce n'eft plus le temps ! La plus
grande partie de nos Juges pafleat prefen-
tement la nuit à courir le bal , & le jour à
dormir àl'Auiiance.
BRADA MANTE. Comment peuvent- ils donc apprendre leur Métier ?
ROGER. Cela n'empefche pas qu'ils ne fçachent les procédures comme des Cefars , fur tout en amour , & les Arrefts qu'ils rendent au- près des Dames , font Tefté par défaut con- tre les Officiers , & Thyver contradidoi- res avec les Financiers. De votre temps avoit-on des Comédies ?
BRADAMANTE. Les plus divertiflantes du monde. El'^ç eftoient agréablement méfiées de danf & de fymphonie.
ROGER. Oh ! que ce n'eft plus le temps ! Tout cela eft retranché , & nos Théâtres feroient terriblement lugubres, fi Meflieurs du Par- terre ne prenoient foin quelquefois de les ëguayer avec leur fymohonie.
BRnDA MANTE. Mus après avoir fitisFnt à toutes vos queftions, ne puis-jefçavoirjbrave ChMii- pion 5 à qui je fuis redevable de ma déli- vrance ?
X V
470 La Baguette
ROGER. A moy , qui fuis la fleur de la Cheva- lerie j le rcdrefTeur des Torts , & le Syndic de toute la Magic. Je vais vous faire voit des effets de ma puiiîance.
Alli Astaroth Abra Cadabra Barbara ,C EL at<,ent,Darii, - Ferio,Baralipton,
Jioaeren dïfam ces mots , touche de fa Ba- ouette toutes les figures enchantées de la fmte de B'fadamaute , qui s' animent au hrmt des Vidons,
•KK- &^ î^ :-&3K-K»'S<3K -fôe. ««^ «K- 6*3- 8^ -g^î^
S C E N E ^^l I I.
MELISSE, ROGER.
MELISSE.
•"VUe^e fuis malheureufe ! Je vois tout V^îe monde en joye : mais pour moy je ne fciurois rire.
ROGER. (Vi^avez-vous donc la belle larmoyeufe?,^
MELISSE en pleurant, J'avois un mary . . . . hy I Quand je fus encKantcc bée i Et je ne k trouva plu§:>
■Atyymhtm\ 471-
ROGER. Quoi , la perte à\\ï\ mari vous afflige fi fort ? Vous avez beau pleurer en mufique ; vous ne trouverez guère de veuves qui falFent la contre-paiticavec vous. MELISSE. Monfieur le Sorcier, vous qui eftes fi habile- homme , ne pourriez-vous point me faire trouver mon cher Epoux. ROGER. Rien ne m'eftimpofïible. Par la vertu de cecre Baguette , je découvre les eaux &: les- rreiorsles plus cachez. C'eft avec cette Ba- guette 5 que je fuis les Meurtriets à la pille par mer 6c par terrej&r c'eft enfin avec cette Baguette que je retrouve les maris perdus. MELISSE. Efl-il poffible ? Je croy que fans moi vous n"* auriez guère de pratiques , car un mari eft un meuble qui ne fe perd pas aifé- ment ; & je n'ay point encore veu d'Affi- ches pour des- maris perdus. un i; v4 «i. ROGER. Mais il cfl bon de vous avertir , que ma B.t;:^uette n\a de vertu que fur àos maris d'une certaine efpece. Parlez-moy fran- chement 5 avez-vous toujours efté bien fi- dellc au vôrre.
MELISSE. ^ ;
Si j'ay eflé fidelle 'i J'aurois dcvifagéun-'
hoînme c^\ï auroit eu la hardielTe de mû:.
X v>
47 i ^^ ^Baguetu
regarder feulement entre deux yeux. ROGER. Tant pis. Je ne fç mrois rien faire pour vous.
MELISSE. Et pourquoy ?
ROGER. C*eft que ma Baguette eft un prefent qui m'a cfté fait par Vulcain : elle n a point de vertu fur les maris dont les femmes ont été fidelles. Mais quand elle approche d'un ni.ry tant foit peu vulcanifé . . . Voyez, examinez bien votre conduite. Pour peu qvic vous ayez écorné la fidélité matrimo- nialc,je vous répons de trouver votre Mari» MELISSE. Et mais. . . . mais .... ROGER. Allez y allez , parlez en toute afTurance..
MELISSE. Il venoit chez nous autrefois un certain petit Plumet qui eftoit terriblement femiU lant. Monfieur , eft-ce alTez pour la Ba- guette ?
ROGER. Ho > non , non !
MELISSE. J':iy receu aufli des pre'^ens d'un Ban- quier 5 qui faifoit tout ce qu'il pouvoir pour fj.irep 'ofiter Ton irgét auprès de moi. Monfieur eil-ce affez pour la Baguette ?
de VulcAÎn. '^ 4 7 5
ROGER. Et non ,voUs dis-je , non. MELISSE. Oh dame, s'il fautt me de chofcs !
ROGER. Mais que diable , il faut ce qu'il faut , une fois
MELISSE. Attendez , attendez.
ROGER. Helas I. Voyez , voyez.
MELISSE. Il frequentoit aufli au logis un petit Blondin à rabat , qui. . .
ROGER. Doucement. Cet homme à rabat cftoic- il de la grande ou de h petite efpece \ MELISSE. Mais fon rabat eftoit de quatre doigts plus court que celuy d'un Confeiller \ &: nous allions fouvent promener enfemble. ROGER. Il n'y a p:^s encore là allez de quoy faire courber ma B "fenêtre;
MELISS E. Il me men une fois promener hors de I2 Ville 5 mais malheuieufenent la fl.che ds fonCArolfe rompu , &: nous fumes obligez de coucher à fa mai fon de campagne. ROGER. Oh I en voila plus qu'il n*cn faut. Nous
47 4 ^^ Baguette
retrouverons vôtre mary , fût-il dans le centre de la terre. Voyez la vertu de ma Baguette l
Jcy Arlequin fait tourner fa Baguette , qui pre;^d d'abord la forme d'un Croisant. In- continent après , PafqHarel paroift. Sa fem?ne le reconnoifi : Ils s'emhrajfent ; & après un ^eu Italien , Fafqnarel étom.è du mouvement delà Baguette cjue tient Roger ,fefcandaltfe, & veutfçavoir le fret de ce prodige, Meli[fe Uty dit :
Va, va , mon Mari , ne te chagrine point. Tu m'as plus d'obligation que tu ne penfes : Car fans moy tu ft'aurois ja- mais efté retrouvé.
RO GER.
Cela eft vray , fans la flèche rompue , vous eftiez un homme perdu.
Pafquarel nefe come'nte pas de cela , & dit quïl veut affurement eflre éclaircj. ROGER à Pafjuarel.
Puifque vous voulez eftre éclaircy, voila le Druyde qui eft l"'Oracle de ce pays-icy , ^ui va vous éclaircir.
LE DRUYDE ckwte,
Une femme eft: er.corL- trop f.igc , Lors qu'après avoir fait naufrage y Elle veurbicn cacl-ser recueil à Ton Epoux i
Mais un Mari qui connoic fon ^mmage y. Doit filer àoui, De peur d'apprendre au voifmagej Qu'il à raifon d'eâre jaloux»
de Vulcain. 475
ROGER chante fitr V Air , Reveillez -vous Belle Endormie.
Ne crains point que le voifm caufe: Son mal ert trop égal au tien. Quand on le fçait c'crt peu de chofe 5 Quand on l'ignore ce n e?l rien.
SCENE IV.
.ROGER, FLORID AN.
FLORID AN.
LLN me rendant le jour, Rendez auffi le calme à mon amour.
ROGER.
En c^uatre mots, dites- moy vôtre affaire^ PLORIDAN. Avant d'eftreencK-anté , cette jeune Bergère, Eatie pluiieurs Amants me choifit pour Epoux. ."Ce nom qui vous paro-tfî douxj -^ Ne peut encor me iatisiaire : pl-?« {i.^'Et je fçay que pour l'ordinaire , L' Amat que 1 on didmgue avec de iî beaux nocudsj N'eft pas toujours le plus heureux. ROGER. Je vous entends:du moins je vous devine. Ou je me trompe , ou vous avez la mine D'eftre le fils d'un Fermier bien rente , Dont le riche mérite a fi fort éclaté
Aux yeux d'une avare MaîtrefTe, Qu'elle a rcfafé la cendrejTe De Yos Rivaux î
47^ LaBaguttte
Mon pcrccftoit Rentiers I
Mais je n'ay point traite l'Amour en Financier} '
Et j'ay gagné fon cœur a force detendreHc. i
ROGER. Â
T'en doute fort : mais batle , on vous le Uiflc. \ Piiifquc paruncontrar vous l'avez acheté D C) Jl ^^ 11 eit a vous : j'entcHa pour la propriété i
Car rUfufruit c'cft autre chofe; \
Il faut que la femme en difpofc. !
FLORIDAN. !
Cet Ufufruit «ft encore de mon lot '
Pour le ccdtr il faudioit eftre un fot»
ROGER. ;
Un fot d'accord ' FLORIDAN.
Oh ! point de raillerie, ^^
Une femme n'cft pas corbme une métairie :
l'en yeux ertre le Mairre , & non pas le ïernuer, ;
Et par la fangbleu le premier. . . , \
ROGER. Oh ! tout beau. RefpeA au Druydc
Je ne fais qu'opiner ; mais c'cil iuy qui décide» '
LE DRUYDE ch^ne. :
Ne craignez rien, l'Hymen eft vôtre azilCr \
Le nom d'Epoux écarte les Rivaux. \ De vôtre Iris la garde efl inutile.
Ne fongez plus qu'a garder vos troupeaux. j
ROGER chante fur l Air . O LEBONviW
TU AS ENDORMy,&C. j
O le bon temps , j
Où l'Hymen fcryoït d'azile : i
Mais pour api tfcnt \ Toure loure loure loure , ' t3c n*e{l qu'un manteau pour coavrir i^Amanr.
de Vkàcmn^ j^-jj
=£^' KK- lî'3-i^-8««- S*Ï8- E^- S<ï>3- «» f^ e^ f^
SCENE V.
ROGER,ZERBIN,GABRINE.
A:
ROGER
Qui donc , s'il vous plaifl , En veut ce grand beneft ? 2 E R B I N. Te venons. . ; pour . . . tenez . . . j'enrage, înfîn je nous plaignons de n'avoir point d'enfans^ le croy que je n'avois pas l'âge , Et c'ctt la faute à nos parens , QuiDOOs onrmis trap toft en mariage. ROGER. Quel âge avez-v=^us , bonnes gens ?
ZERBIN. Te n'ay gueres que quarante ans.
ROGER. Les pauvres petits font tout jeunes: G A BRI NE. Pour moy , j'auray trente ans , vienne les prennes.
• ROGER. A trente ans porter fruit : Oh ! cela ne fc peut.
Cependant fi votre Epoux veut , Je pourrois vous donner une difpenfe d'âge. Et depuis quand , la Belle , eilies-vous en ménage?
G A B R l N E. Te ne fçay pas compter le temps par l'Almana: Mais j'ay bien remarqué que depuis ce temps- la. Ma Vache a fait deux viaux. ROGE8R.
C'eft qu'elle eftoit en âge. Mais qui peut donc caufer votre fterilitc l
478 La Baguette
N'avez- Yous pas tous deux... .. depuis le mariage^ Sous le mcfme toit habité ?
Z E R B I N.
Oh que fi. Car un jour Mathurinc Nous enfermit dans la cuifinc : Et quand je fufmes-là tous deux , le demcurifmes /î honteux
ROGER.
C'eftia pudeur de rcxtrêmc jcuncfTe i ^ G ABRI NE. Moy , poui' ne le point voir , je lis une nrieiTc. 3e me fcrmis les yeux avec mes cinq doigts.
2 E R B 1 N. Moy je n'en fis pas à d?nx fois. Jegrimpis tout au haut de nôtre cbemmcc ; Et j'y fus {ans grouiller toute raprtfdince. ROGER. Et depuis cetemps-là..... 2 E R B I N. îe nous fuyons , faut voir.
ROGER.
Et malgré tout cela , Vous nefçauriez avoir lignée ? le vois bien du malheur à vôtre defcinée.
Car je connois bien des Epoux , Qui prennent à fe fuir autant de foin que vous , Et qui malgré leur mefiutelligence. Ont des enfans en abondance. 2 E R B I N. Ope cts Peres-là font heureux / Hclas ! que ne fuis- je comme eux I
ROGER, Leurs Femmes font bien plus heureufcs-.
ds Kdcain. ■ Al 9
GABRINE.
Qu'elles doivent eftre joyeufes, D'avoir tant de pents marmors? Qui ne coûtent rien a leur Père !^ Apprenez- moy comme ilfaut taire?
ROGER.
Le Dfuyde à l'inftan: vous en dira deux mots.
LE DRUYDE chr.nti. A I R.
lenevaix point tïoubley vôtre indolence y Ny vous montrer un chemin trop battu. Pour cftre fagc une heureufe ignorance , Vaut i'ouvcnt mieux qu'une ioibU vcita,
ROGER ihmti. Au bon vieux temps , La femme cftoit fans fcicnc: : Mais pour à prcfent, Toure , loure , louie , loure , La fille fçait tout avant quatorze ans.
Toutes les ^tvÇonms qui ont eflé defenchat:-' tées par la vertu de Roger , témoignent leur allègre jfe par leurs danfes & leurs chanfons.
4^o La Baguette
LE DRUYDE.
La verte Jenneiïc Qui tourne à tout vent , Doit jouir fans ceife Du plaifîr prefent. M lis la jouïllance D'un Vieillatd caiTé , C'eft la fouvenance Du bon temps pafTé.
LE CHOEUR chante.
C'eft la fouvenance Da bon temps paiïe.
GABRINE. Dans notre Village , Grâce à nos parens , Toute fille eA fage Jufqu'à cinquante ans. Car c'eft eftre fa^e D^avoir des Amans. Suivons donc l'ufage De ce bon vieux temps.
LE CHOEUR.
Suivons donc Tufage De ce bon vieux temps.
BRANDIM ART.
Que cent ans d'abfencc Echauffe un mary ?
de Viilcain. ^gj
Mais cette apparence M'a bien refcoidy. Pour garder mon ame D'un foin inutil ; J'ay trouve ma femme ; Quelqu'un la veut-il.
LE CHOEUR.
J'ay trouvé ma femme : Quelqu'un la veut- il ?
MELISSE.
Malgré l'apparance Qui frappe tes yeux , Dors en aiFurance , Tu feras heureux. Rallume ta flame y Je jure ma foy , Qu'il n'efl point de femme Plus fage qiie moy.
FLORIDAN.
Qiii pour l'Hymenée Prend jeune Catin , A la deftinée D'un Marchand de vin. Vainement il tente De garder fon muid. Vin nouveau s'évente : Vin gardé s'aigrit.
481 La, Baguette ■
BRADAMANTE. 5
j
Toy qui peut tout faire ^
Par enchantement ; ;
R eprens ta lumière , 1
Ou rens-moy mon Amant. j
Fait quelque plaifir : l
Mais pour rcfter fille , ^
J'aime autant dormir. !
ROGER. \
Il n'eft rien qu^on ne tentç r Pour avoir la foy D'une Bradamante
Faite comme toy. i
Qiiel plaifir fillette , j D'eftre ton mary , Si de la Baguette
On efloit garanty ! ^'
"^^f»
de VHlcmn. 485
•eéa- ■■ ■€«* -è^-Ê-^ Ê^- 6"^ •&î>3- 1^ -ea?! i<*3-É<i>3-eSK«
U AUGMENTATION
DE LA BAGUE T T E.
A R L E Q^U l N en habit de 7{oger, au Parterre.
TAndis que nos Muficiens prcnciront haleine, il ne vous déplaira pas , Mef- (îeurs, que je vous falfe un petit conte.
Ces jours gras un Cabaretier, Des plus fripons de fon mécier. Avoir un muid pour touc porage,- D'un bon vin vieux de l'Hermitage. Un vorfin curieux en voulue un flacon. Les roifins du roilin le rrouvercnt fî bon, Qu'ils en fircnr rirer mainte & mainte bouteille. Mon fcelerat croyant faire merveille, Et perpétuer fon tonneau, Le remplifToit de viu nouveau. Les fins Gourmets enrroicnt en dancc, L'argent vcnoit en abondance. Bref la pièce eu: tarit de crédit, Qu'il ne fut ny grand ny petit, Qui n'en voulut boire chopine. Mon matois faifoit bonne mine. Plus le vin vieux il debitoit. Et plus le vin nouveau marchoic i Efperant par ceftratagéme S'cBgraiiler pendant le Carême.
^J84 ^^ Baguette
Mais par malheur, le bon vin vieux s'ufa -, E t le nouveau du tonneau s'empara : Tanc qu'à la fin, pour fiHÎr mon hiftoire, Perfonne n'en Youlut plus boire.
A Vafflication,
Nous fommes, ne vous en déplaift,
Ce fripon de Cabaretier , Qui depuis crois mois à notre aife , laifant valoir nôtre métier , Allongeons nôtre Gomedie, t Et qui mêlons dans le tonneau
Quelques pintes devin nouveau
Pour vous le faire enfin boire jufqu'a, la lie.
Le Parterre qui feul règle nôtre deltin, Eft ce fin Gourmet de voifin, Qui nous attire l'abondance : Mais auffi par reconnoifTance, Pour quinze fols nous luy donnons
Pareil vin qu'au Thcarre un écu nous vendons.
Nous vous alloEs donner encor quelques Bou- teUles ^ ^
De ce Râpé par les oreilles. MefTieurs, nous ferons irop heureux
Si le vin nouveau pafic à la faveur du vieux.
D I X I.
■'«dbr
SCENE
de T^HlcAtn. 485"
5?\ rV^ -i/î v-^ .-f ^ • j-f ^ .«f *i ^-^ rf \
SCENE I.
BELISE, ROGER.
BEL I SE.
FJ Ola, ho 5 quelqu'un , Portier , Limo- A nadier , Ouvreufe de Loges ? Depuis trois moisjOn ne fçauroit trouver a fe pla- cer dans cet Hoftcl de Bourcroene. ROGER aux Auditeurs, Voila une de ces Bouteilles de Vin que }e vous avois promifes. Mais elle me pa- roi ft bien aigre.
B E L I S E. Bon jour , Monfieur. Jouez-vous enco- re aujourd'hui vôtre Baguette de Vulcainî ROGER. Si nous la jouons ? Je le croy, ma foi ; & il ne tiendra qVà ces Meilleurs , que nous lajoiiions encore trois mois. Apparem- ment , Midime , que vous cherchez vôcrc mari \ Eit-il dins le cas de la Baguette î BELISE. Moy un mari '. Moi chercher un mari » Eft-ce que j*ay l'air d'une femme à mari ? ROGER. Je vous demande pardon. Je vois bien que vous n'eftes qu'une femme à G .lant.
Y
^8<? Sceyies Francolfes
BELISE. Un bel efprit comme moi, m.e foupçon* ner de dégénérer jufqu'aux eftres maté- riels ! Apprenez, mon ami , que j'ai épou- fé l'antique 5 & que je n'auray jamais d'autre mary , que Juvenal , Horace , Virgile , & fur tout le bon Homme Ho- mère.
ROGER. Vous avez fait- là de belles époufaillcs ! Avec de pareils maris , vous aurez bien de la peine à reparer les torts que la guerre caufc au genre humain.
BELISE. AfTez de filles fe chargeront de ce foin- là pour moi. Je palfe ks jours avec les Li- ^ vres i & je ne m'endors point que je n'aye une douzaine d'Auteurs anciens fous mon chevet.
ROGER. On ne difpute pas des g;ours : mais je connois des femmes auiïi rpirituelles que vous, qui dorment plus volontiers avec des modernes.
BELISE. On dit que dans vôtre Comédie , vous flûtes une comparai fon du vieux temps avec le nouveau. Cela n'aaroit-il point quelque rapport avec le parallèle des an- ciens & des modernes , qui partage à pre- fent tous nos beaux Efprits ? Qiiel parti
àe VHÏcAÏn. 487
prenez-vous dans cette difpate-là , vous autres Comédiens ?
ROGER. Mais,Madame, je vous en fais juge vous- mefiTie. En mille ans les Auteurs anciens ne nous produiront pas un verre d'eau ; & ce font les modernes , comme vous voyez, qui font bouillir noftre mirmite. BEL I SE. Si je fçivois que vous parlifîiez ferîeu- fement , & que vous prifllcz le parti des modernes. . .
ROGER. Et que feriez-vous ?
B ELI SE. Ce que je ferois ? Je troublerois vos fped icles : Je louerois des gens pour fifler; & je vous empccherois de parler François, jufqu'à ce que Pafquirel euft efté receu pour Ton beau lin gage à l'Académie. . ROGER. L*Kerbe auroit tout le temps de croître dans le Parterre. Mais vous entrez bien chaudement dans les interefts de T Anti- quité.
B ELI SE. Si j'y entre chiudement J Vous ne fça- vez pas que je fuis le flambeau fatal qui vient d'allumer la guerre parmi les gens de Lettres?
Yij
488 La Bapiettt
ROGER.
Je ne croyois pas que cette Nation là fuft belliqueufe ?
B ELI SE. Que dites-vous ? Dans le dernier com- bat 5 trois de nos chefs furent bleilez à mort d'unfeul coupd'Epigramme. ROGER. Si on charge une fois les Sonnets à car- touche, il en demeurera bien furie car- reau. Les Invalides ne fuffiront pas pour les bleifcz : Il en faudra mener quelques- uns aux Petites Maifons. BELISE. Je foutiendray les Anciens envers & con- tre tous.
ROGER. J'ay à vous dire qu^il cft inutile de vous tant échaufer. Cette guerre-là eft ter- minée.
BELISE. Cfela ne fe peut. On ne fait rien à T Aca- démie, fans me confulter.
ROGER. -^
Je ne fçai pas ii cela fe peut : mais je fçai bien que voUa l'Arreft que je porte dans ma poche. Lifez.
BELISE. Voyons.
de Kklcain. 48;;
EpIGRAMxME.
Ces jours p^ffez, en bonne ■.ompAgn'ie , Trou Héros de lAcxàemie , S'é.hsiifffo.ent fur le dtjfcrend é^fi tiC'.t tout Parts ta jltff end. Vis r??pdrnis Autheurs , ttm frenoit h dèfenfe r LAHtn des Anciens (ou'tno î les raifons. Le^lii-s fç*vn il dé\ trou prit en main la balance : Et moy, dit- tl, je tiens pour les jetions.
B ELI SE.
Oh, je ne m'arrcfte pas à cette deciflon- là.
ROGER. Voila le Druide qui ell: un Antique , qui vous en donnera un autre.
LE DRUIDE ch^rae, A I R. En vain une fille à vôr'-e âge , Donne Ton iuftuage
Pour l'antiquité ; Son efprit a beau faire , Son cœur plus fmcere , Décide pour la nouveauté. ROGER , fur l'Ar , Reveillïz- vous Belle Endormie. Juvenal , Horace 6c Virgile , En bon François, font des Nigaux. Il vous faut un mari , la fille : Mais un mari de chair & d'os.
Y iij
45? €> La, JB^cruettB
SCENE II.
ROGER, ANGELIQUE,
A N G E L I Q.U E.
AH , Monfieur TEnchanteur ! J'ay re- cours à vôrre forcellerîe. ROGER. Voila un jeune tendron , qui ne fcroit point mauvais à enchanter 5 & je raefierois volontiers ma Magie noire avec fa Magie blanche.
ANGELIQUE. On dit que vous avez réveillé une fille qui dormoit depuis deux cens ans. Ne pourriez- vous point endormir ma mère pour la moi-tié de ce temps-là ? ROGER. Endormir une mère ? J'aimcrois mieux avoir dix maris à bercer.
A N G E L I QU E. Faites-la donc dormir feulement deux ou trois jours, pour m.e donner le temps dç me marier, fans lui en rien dire. ROGER. Le bon naturel de fille ! Helas ! une pau- vre petite mineure qui cherche à s'éman- ciper ! Cela m.e fend le cœur l
de Vnlcaln. . 4P i
ANGELIQ^UE. Oh : Je l'en avertiray fi toft qu*ellc fera, éveillée.
R O G E R. Cela eft dans Tordre.
ANGELIQ^UE. Il n'y a plus moyen de durer avec cette femme-là. Elle veut que je vive dans la régularité où Ton cftoit de Ton temps \ &c cela ne s'accommode pas avec la referme de celui-ci.
* ROGER. Je vous fçai bon gré , à vôtre âge , d'ai- mer la reforme.
ANGELIQUE. Elle veut m'hablUer à fa f.vntaifie. Le dernier corps qu'elle m'a fait faire , me v.v jufqu' au menton j acvousfçivez qu'âne fille aimeroit autant n'avoir point de gor- ge, que de ne la pas montrer. ROGER. C'eft que les filles d'aujourd'hui aimenr le trrand air.
ANGELIQUE. Elle me controUe fur tout. Croiriez- vous qu'elle mx défend de manger d'aucun raçrouft ? Elle dit qu'autrefois les femm.es ne\i voient que de fruit 6c de laitage. ROGER. C'eft à peu prés la mefme chofe à pre- fent ; excepté que le fruit que mangent les
Y iiij
45> 2> La Baguette
Damesj eft un peu pins épicé ; & elles ont troi vc le moyen de fe ratraîchir avec des jan bons de M.^.yence, des Mortadelles , bc desCervclats de la rnë des Barres. Pour lenr laitage , c'efi ordinairement du vin de Champagne, comme il fort du ton- neau.
ANGELIQUE. Du vin de Champagne l Fy donc ! Cela gâte le tein ; <3-r je n'^en bois plus depuis que ma Confine m\i appris à boire du Ra- tifia.
ROGER. Vous avez là une jolie Confine.
A N (. E L I Q^U E. Vous ne voulez donc point endormir ai a mère ?
ROGER. Non. Car dans la colcre où je fuis con- tre elle , fi je Tendormois une fois , elle courroit rifque de ne s''éveiller de fa vie. ANGELIQUE. Apprenez-moi donc ce qu'il faut faire pour i'empefcher de gronder ? ROGER. Voila le Druide , qui eft un homme ex- pert dans ces cas- là , qui vous va fatis- taire.
de Phleair?.' 45^5
LE DRUIDE chMe,
AIR, Mcre qui gronde, Qiii tempête àc qui fronde, Faïc fon cmploy dans le monde,, Q^îand cUeeft fui fon retour» Fiilc qui Li laiiTe due. Et qui n'en fait que rire , Fait fa cha ge à fon tour,
ROGER, fur l*arr , de Lanturl«
Q^.aad Meiefauvage Di^dans fes Leçons, Q^ie Fille à vôtte âge Doit fuir les garçons y Vous devez répondre: C'eft ce que j'ay relolu , Lanturlufc lantuilu, &c.
SCENE III.
NIGAUDlN,RO GER.
NIGAUDIN.
BOn jour , Monfîeur. Quand je voa?> vois , je ne pais m'empêcher de rire,
ROGER, ii'as- tu déjà va c^uclt^uefois ?
T 1^
4«?4 LaBagmtte .
NIG AL DIN. Par ma foy, je ne fçay qu'en dire. Or donc , pour revenir à mon premier difcours..^» Mais vous m'interrompez toujours. ROGER. J'aurois vraiment ^rand tort : La Harangue eft jolie.
NIGAUDIN. Vous fçaurez donc , Monficur , qu'on a fa faa-
taifie. Tantoft on eft garçon, tantoft on ne l'eft plus. Iln'eftricn tel que les Cociis : Car ils le font toute leur vie. ROGER. Dcmandei-le plutofl: â Monficur qucvoila. NlGA U DIN ew. montrant une femme fort laide. Vous voyez bien cette Poulettc-là? C'eft ma femme, quoy qu'on en dife, Sçayez-vous pourquoy je l'ay prifc, ROGER. Pourfon bien ? Tes parens ?
N J G A U D I N. Non, c'eft pour fa beauté. ROGER. Que diable s'cnferoit douté ?
NIG A CD IN. Mais regardez- la bien. C'eftelle Qui me tait bouillir la cervelle. Je croyoïs qu'au bout de neuf moisj Une femelle au moins un Er Tant devoit rendre, ROGER. Corr.bien t'a-t'elle fait attendre '
Un an l
N I G A U D I N, Oh!
ROGER.
Deux ans î
4e Viilcairj^ j^c^c
NIGAUD IN. OK....
ROGER. Dix ans ?
NlGAppiN.
V ' Ok Iquenenny. Elle a mis tout au plus quatre moîs & dcp/y ; Ec je crains GLie'qucfttatagême. ROGE R. C'eft bien peu :Mais avec uhc femme qu'on aime. Il ne faut pas encrer dans un calcul Bourgeois j Ny prendre garde à trois ou quatre mois,. NIG ACDIN. C'eft pourtant le hic de l'affaire y Et ce q.i fait que bicnfouvent On n'ell: pas père d'un enfant, Qaoy qu'on foit mary de fa mère, ROGER. Tu n'éprouves pas fcul un parei 1 accident : Et-ft l'on comptoir ben l'abrenceoii iaprefence De la plupart de nos maris, On crouveroit que dans Paris .
Ilfcroitpcu d'Enfans, dont lanaifTance Ne vint ou trop tôt outrop tard i A moins que l'on ne fifl: un Almanach bâtard.
N 1 G A U D I N. Vous ne croyez donc pas, que la progéniture: Soit tout à f a 1 1 d e ma manufadure ? ROG £R. Il faut toui'urs s'en faire honneur ; Et peut-être en es tu l'auteur. Il efl des Enfan - vifs qui cherchent la lumière Prcfqu'aufTI-tôt qu'ils font conçus • Et les femmes d'efprit lur pareille matière, îontairrjm.ent des Impromptus. N I G A U D î N. Cet Enfant eft venu, tout franc, trop à la hâte j; E,t je crois n'avoir pas mis lajmaiad'U pâte,.
A^S La Baguefû
ROGER. Mais quel âge avo i r^il ?
N 1 G A U D I N. -
îe vous l'ay déjà dit : Quatre mois & denay*^,;;^ .,\ ROGER.. Quel diable cft ce qu'il me lanterne î Ton Enfant eit produit à terme. A qucy bon tant faire de bruit ? Quatre mois & demy de jour, autant de nuitj A neuf mois le total l*e monte. Hé bien, n'eft ce pas là ton compte ?
N 1 G A U D 1 N. Vous avez raifon cette fois. le fuis bien plus heureux que je ne le penfois. Viens ma Pouponne, Viens ma Bouchonne, Que je rcpare ton honneur.
ROGER. Le Druide va te calmer i'cfprit, par un peut couplet de Chanfon.
LE DRUI DE.
Vous n'avez pas befon qu'on tous confolc, £llc à tout l'air d'une femme d'honneur. J'en jurerois prefquefur fa parole > Mais, j'aime mieux lurer fur fa laideur. ROGER. Au temps pailé On n'^ach'-toit que les bellesj Mais tout a changé, Toute loure, loure, loure, Il ne refl:e point de bece au marché.
Tarn les Atleurs qui font fur le TheatrC:, fe joignant , & font une noHVtlh Da' jç^ fom remercier Roger , qui les a ^xcitel^A fsré^ok^r^
de Vulcaïn» 4^ j
On reprend l'j4:r precedem , 4^m eft à la fin dé la Bag^tette^
Ls Dmïdc reprend La Verte jecineflè , &c.
BELISE.
Pour moy l'Hymcnéc N'a point de douceur, Jefuis deftincfe A l'amour des Auteurs. Pour eux je veux vivre : Cardans ce temps-cv, II n'ell point de Livre Si troid qu'un marv, A N G E L I Q^U E. Ma mère à mon âge, A ce que Tondit." Fitfon mariage A fort petit bruit. 7e puis, ce me fcmble. Par bonnes raifons. Suivre fcs exemples, ■ Et non pas {es leçons.
4^8 Scènes Franfoifes
6^
SCENES
FRANÇOISE S.
DES AVANT URES DES CHAMPS ELISE'ES.
SCENE
D'ARNOFLE ET DE RAFLE. ARNOFLE.
ÎE n'avois que vingt ans quand les Mé- decins ni'accuferenc du poulmon , ÔC qu'ils me condamnèrent à n'en palFer paa trente : Me trouvant trop de bien pour le peu que j'avois à leftei au monde : Car je n'ay jamais aimé le fuperil.» ; de mon fond je fais mon revenu j & >e vous œconomc cela (i prudemment a que le temps prefciit par les Médecins arrivé , avec tin feul zéro. je chifEte tout mon pacnnioine^
des Champs Eliféa» 45 p
M. RAFLE. On ne fçauroic picndie des mcrares plus jultes.
ARN OFLE. Ouy. Mais helas l dequoy cette fàge preGaution me fervit-ellc? On a beau faire^ toute la prudence humaine devient bien- tôt inutile , dés qu'il plaid au Ciel d'en or- donner autrement.
M. R A F F L E. Comment donc ?
A RNOF LE. Les Médecins furent pris pour dupes^ XTion cher Monfîeur.
M. R A F F L E. Vous ne mourûtes pas comme ils avoient dit ?
ARNOFLE. Tout au contraire , je véquis encore trente ans par de- là.
M. R A F F L E, Ouf i Le vilain quipioqwo, pour un homme qui avoic fait un iî fevere abrégé de Ton patrimoine. Bien en a pris à ma femme & à mesenfans , de ee que le n'ay pas efté fi œconomc que vous i Te ne leur au i ois pas laiiré en mourant comme j'ay fait, des amis, du bien, & delà nobleire. ARNOFLE. Et que vous en refte t'il?Vous avez bien payé tout cela par le'chagiin de le q^uicter^
5 oo Ècenei Fran^olfei
Si les Médecins m'avoient tenu parole, je ra'eftitncrois plus heureux que vous. M. R A F F L E.
Plus heureux que moy ? Q^J cl bonheur n'cft-cepas pour un perc de famille Bout. geoifc , de pouvoir arrêter tout à coup le fang roturiet qui luy coule dans les vciricsii pOLi i. faire place à un plus pur j de fe faite- pr fon bien & parfon crédit, une nailFan- ce toute neuve y &: de fe voir , pourainfi dire , le pied-d'eflail d'une famille noble ? Vous riez ? \
ARNOFLE. j
C^ii ne riroit pas de vous voir ainfî re- .^
pakie de chimères ? i
M. RAFFLE. I
Fort bien! chimère la noblelFcMais que ! Tois-ie? Noirettc la fille de chambre de ma femme ? Elle ne pou voit venir plus à pro- pos. Vous allez voi: en quel état Eoiiliant j'ay laiile là haut ma faiViille. ARNOFLE, Croyez-moy.Ne vous en informez point: I Bi.-aen prend quelquefois aux morts , d'i- gno lei la conduite dêivi vans aufqucls ils picnnent part. 1
M. RAFFLE. j
Oh î je ne crains rien. Ma pauvre Noi- iecce,que j'ay de joyedece voir ' i
dcJ'Chuffujn Elifc€7. 5 oï-
NOIRETTE, M. RAFFLE, ARNOFLE.
-MOIRETTE.
in ^i-ct bien votis > mon cher Maiftre ? l!>Hclas i en vous perdant ma famille a bien tout perdu. Les cinq grofles Fermes n'ont guère fait d'honneur à vôtre mémoi- re 5 mon pauvre Monfieur Rafïle. D"ux jours après vôtre mort mon fiere fut révo- qué j & ces huit autres Commis qui fai- foient penfion à cette groife brune ..... bel as. . . . cette (i belle femme qui fe difoit vôtre parente,& qui fe cachoit tant de Ma- dame, toutes les fois qu'elle avoit à faire à vous. ... ■
M. RAFFLE. Doreflie ?
NO 1 R E T T E. Tuftement.
M. RAFFLE. Qiiel revers 1 &: où eft la confraternité ? qui âuroit crû cela d'une Compagnie , où Ton a toujours veu régner le defmterefle- ment , la concorde , 6c Tunion ? Mais de ma famille tu ne m'en dis rien ? Ma veuve, dis-moy , foutient-elle bien par Téclarde fa dépenfe la dignité de Ton rangîMes en- fans fe font-ils fait des alliances dignes de
^01 Scènes Françeifes
leurnaiirance Se de leur haute fortune ? Ta ne me répons rien. Tu bailîe la veuë. Tu fbupire. Ah Ciel ! que leur eft-il arrivé l N O I R E T T E. Hé, . . . mais. . . .
M. RAFFLE. Achevé. Peux-tu me faire li long-temps un fecret de mon malheur ?
NOIR ET TE. Sçachez donc , puifque vous k voulez fcavoir , que vôtre fils. . . . -nr» m.?,- M. RAFFLE. Hé bien, mon fils î Que luy eft-il arri- vé. Parles. Auroit-il cfté tué à l'Armée ? Pourveu qu'il foit mort les armes à la main, je m'en tiens à moitié confolé. NOIRETTE. Hé ouy, Monfieur, il a efté tué en com- battant.
. M. RAFFLE. Tout de bon ?
NOIRETTE. Ls- pauvre jeune homme eft mort en Héros.
M. R AFFLE. Dis-tu vray ? Je n'avois que ccluy-là : mais n'impotre.
NOIRETTE. Il eft mort d'un coup de CarafFe dans un des plus fameux Cabarets de la Ville.
des Champs Eli fie s, j o 5,
ARNOFLE. Voila 5 certes , un beau champ de ba- taille !
M. RAFFLE. Mon fils tué d.ms un lieu de débauche i Ah Ciel ! Et ma fille , comment a-t elle pu fupporter ce mal-heur . Car c''eftoit un pro- dige de voir comme ils s'aimoienr. NO IRETTE. Et mais. , . . vôtre fi.lle ne pouvant plus refter dans une maifon que la mort de fou frère rempUiFoit de deuil , elle s'efî:. . . . M. RAF F LE. Fait Religieufe ?
NOIRETTE. Oh bien pis que cela j Monfieur»
M. RAFFLE. Quoy donc fe feroit-elie tuée ?
NOIRETTE. Oh non , Monfieur. Elle n'a pas tout à fait porté Ton defefpoir jufques-là. M, RAFFLE. Mais encore ?
NOIRETTE. Ne pouvant plus, dis-je, refier dans une fî trifte demeure, pour eiTayer fi le change- ment des lieux ne difTiperoit pas un peufes ennuis , elle s'cft fait enlever par Ton Maî- tre de danfe , qui charitablement a biea voulu courre le pais avec elle.
504 Scene$ Francoifes |
ARNO-FiE. - erdq ,:c.r Voila une fœiir qui avoir bien du natu- rel 1
M. R AFFLE. Ma fille ? jufte Ciel 1 Perfide, falloir^l m'attaquer encore par cet endroit-là ? Ma pauvre femme, que je te plains d'avoir efté prefente au funefte defaftre de ma famille! 1 N O I R E T T E. 1
Helas la pauvre femme 1 Si vousTaviez veuë, elle vous anroit fait pitié. M. RAFFLE. Oh ! je n'en doute pis.
NOIRETTE. A peine eut-elle appris cette nouvelle, qu'elle tomba entre mes bras comme mor- te. M. RAFFLE. La pauvre créature !
NOIRETTE. Pendant deux heures je l'ay cru fans vie,
M. RAFFLE. Ce que c'eft que Thonnèur i NOIRETTE. Le foir la fièvre la prit avec des rcdou- blemens , & des tranfports au cerveau, qui faifoient tout craindre pour Tes jours. M. RAFFLE. C'eft la fuite des grandes douleurs»
NOIRETTE. Comment ? Si on ne Tavoit liée» elle fc fcroit jcttéepr les feneftres. Ellcne vou-
des champs Eli fées. 50 j
loit plus vivre , vous dis-je. M RAFFLE. Le pauvre petit Bouchon !
NOIRETTE. Sur le matin , on la faigna. Elle rcpofa un peu -, &: le jour fuivant la fièvre l'ayant quittée, ne voulant plus paroître au monde apre'sun tel affront, elle fe retira enfin à fa Maifon de campagne,pour y vivre en fem- me dégoûtée de la vie en la compagnie d'un feul Valet de chambre , que le delef- poir luy a fait époufer.
ARNOFLE. Fort bien.
M. RAFFLE: Ma femme ? ô Ciel ! ma femme?© Dieux î
ARNOFLE. Je vous l'avois bien dit , que dés qu'on eftoit mort on ne devoit plus retourner les yeux du cofté du monde.
SCENE
DE NOIRETTE & ARLEQ.U1N.
NOIRETTE.
QUc vois- je? Je croi Dieu me pardonne, que c'eft Arlequin mon mary. Mon cher Epoux, ah qu'il elt doux, mon fils, de <
$o6 Scènes Françoifes,
le rejoindre après vingt mortelles années
de fepa ration !
ARLEQUIN. Eft-ce bien toy, ma chcre petite femme ?
N O I R E T T E. Mon cœar, j'ay murmuré contre la lon- gue diftance que le fort barbare mettoit entre ton trépas & le mien.
A R L E Q_U I N. La pauvre petite !
NOIRETTE.
Que je^ me luis ennuyé ! que le monde m'a déplu 1 tout m'y choquoit depuis ta mort. ]"ay regardé les hommes comme des monftres. Auiïi je puis dire que depuis toy 5 il n'a pas efté en mon pouvoir à'tn foufFrir aucun.
A R L E Q^U I N. Tu ne t'es donc pas rem ariée, ma mie ?
NOIRETTE. Et , mais 5 remariée : pas tout à fait. Ce que je fis ne s^ippelle pas , pour ainfi dire, prendre un mary.
ARLEQ^UIN. Comment donc ?
NOIRETTE.
Qielque temps après toy , ton oncle le Notaire eftant mort fans en fans, les noftres en héritèrent de biens fort coniiderables : mais comme cette fucceiTion eftoitun peu embioiiillée. ...
des Chair p s EU fées, 507
snicî^j • ARLEQJJIN. Qu'appelle s- tu embrouillée ? Mon on- cle ne devoir pas un fol.
NOIR ET TE. Hé. ... je veux dire que je vendis fa Chj.rge à des gens qui me firent des chica- nes \ èc comme je n^entendois pas les affai- res, & que j'eftois tous les jours dupée par des fripons de Solliciteurs qui me pre- noient mon argent , 3c qui n'avançoient rien , je jettai la veuë fur un jeune Ecolier en Droit, qui cftoit, ce dit-on, bon hom.me de Palais. Voulant l'intereirer plus fenfi- blement dans mon procez, je h'.y preftay de l'argent pour s'acheter une charge de Confeiller ] ôc pour feureré de ma fomme, on me conieilla de l'époufer. ARLEQUIN. Fort bien.
NOIRETTE. Qiiand on prefte fon argentjvoyez-vous, on nefcauroit trop prendre fes feuretez. ARLEQUIN. Oh ! c'efl: ^entendre.
NOIRETTE. Mais le pauvre garçon , helas , ne fit pas vieux os. A peine eut-il débroiiillé mes affaires, qu'il mourut.
A R L E Q\] I N. Marque infaillible qu'il vous fervoit bien.
5oS Sctnei Fra-^çolfei
Luy mort , vos affaires finies, vous reftâtcs
veuve I
NOIR ET TE. Ouy , bon î je reftay veuve I Qiiand on a des enfans , le moyen d'eilre la maîtreffc de Tes allions l Vôrreaifnc voulant pren-^ dre le party de la guerre , de crainte qu'il ne s'engageail: mal à propos avec quelque Capitaine, n\illay-je pas bonnement rcvc- ftir d'une Commiflion de Colonel un jeune Academifte , à condition qu'il luy donne-; roit une Enfei^ne dans Ton Régiment ? ARLEQ^UIR Fort bien 1 voila une mère qui a bien économe le bien de fes enfans ! Pour con- ferver à l'un une Charge de Notaire5& mé- nager à l'autre une Enfeigne , elle fe fait un mary CoiiTeiller, ôc l'au:re Colonel ! NOIRETTE. Hé bien ! ne voila pns le grand mercy de m'eftre facrifi-ée pour tes enfans ? Va,ta ne meritois pas d'avoir une femme qui euft pour fes enfans une complaifance fi aveu- gle.
A R L E C^U I N. A l'entendre 5 elle ne s'cftoit prefque pas remariée. Ciel qui auroitpû croire qu'une femme qui après la mort de fon premier mary regardoit les hommes comme des niondres , euft eu allez de naturel pour fçs enflms^que de fe remarier encore deux foiâ,
SCENE
des Champs Èlifées. 505;
SCENE
DU GASCON ET DE L'ABBE' LE CHEVALIER UABBE'.
LE CHEVALIER.
ET donc ? avant que de moarir la Ga- zette dit que je fis des merveilles ? L'ABBE'. On alfure que tu tuas deux hommes d*mi feul coup.
LE CHEVALIER. Que cela ?
L'A B B E. Elle ne fait pas mention de davantage.
LE CHEVALIER. Tu te trompes , mon cher , tu n'as pas bien lu , ou il faut qu'il y eût faute d'im- prefîion. Tu verras que voulant mettre vingt , ils ont oublié le zéro. L'ABBE'. C'eft ce que je ne te diray pa?.
LE C H E V A L 1 E R.
Mais toy , Abbé , qui t'àtcendoit fi-toft
icy î Tu avois choiiî lai eftatqui feiiibloit
te promettre que tu n^ arriverois pas dts
prcmicrspTu eftois jeune, f-^injvigoureuxa
Z
jfjo Sc€?ies Friincoifes
&:cl'un pais où Von plaide volontiers plus foLivent qu'ion ne Te hii. L^ABBE'. Tu vois.Celuy qui prend le plus grand tour n*efl: pas celuy qui y arrive le plus tard. Mon faible , je l'avoue , eftoit pour une vie longue, douce de tranquille. Celle des gens de guerre me paroiflbit la plus belle & la plus brilLmte à la vérité : mais je la trouvois rude & fatigante , & quel- quefois mefme un peu trop courte. 11 mx falloir cependant un prétexte , eftant né Gentilhomme. Je n'olois paroître à Paris, tandis que tous mes pareils eftoient à l'Ar- mée. Pour y refter avec quelque forte de bien-feance -, il n'y avoit de party à pren- dre que la Robe ou le petit collet. De me faire confeiller , je n*avois point d'étude. Je me fis donc Abbé.
LE CHEVALIER.^ Il me paroift que tu n'as pas vécu pour cela plus long-temps.
L'ABBE'. Il y a comme cela de certains malheurs dans la vie , que toute la prudence humai- ne ne nous fçauroit faire éviter. Ce que je craignois qu'un coup de canon ne fift, crois-tu bien qu'un coup d'éventail l'a fceu faire ?
LE CHEVALIER. Comment diable , Abbé î Tu as efté tué
des Champs Elifées. ^ i j
d'an coup d'éventail ? Et mais, mon cher, voila une mort héroïque. Eftoit-ce en vou- lant attacher le mineur au corps de la pla- ce , ou en prenant quelque petit ouvrage pour y parvenir î
L'A B B E\ Je ne t'en diray point d'autres circon- ftance,fnion que badinant auprès d'une Da- me,voulant éviter un coup qu'elle me por-' toit fur le nez y je retournay la tcfte : Elle m'attrapa la tempe,&: je tôbav roide mort. LE C H E VA L I E R, Sur elle ?
L'ABBE'. A fes pieds.
•LE CHEVALIER. Tant pis^Abbé : c'eftoir pour te bleirer. •-•^' L'ABBE' en pi titrant. Fut-il jamais un coup plus funefte >
LE CHEVALIER. Je croy. Dieu me pardonne,que le fou- venir t'en fait pleurer ? Cadidis , que ces Abbez font âpres à la vie i L'ABBE*. Si tu eftois à ma place. ...
LE CHEVALIER. Mon Dieu , je fçais qu'il eft fâcheux, fur tout à un homme qui a pris des mcfu- res pour vivre long-temps, de fe voir ôrer la vie tout à coup, par une arme qui ne fut jamais du nombre des otFcnilves. Mais du
Zij
jia. Scènes Françoîfes!
moins, me confolerois - je d'eftre mort dans une fi belle occafion : Car afin que, tufçaches. Abbé, tu es mort en Héros. Mourir dans ,une ruelle , aux pieds d'une belle Dame j pour un Abbé , c'efl: mourir au lit d'honneur.
L'ABBE\ Tâis-toy avec ton Abbé. L'étois-je ? Je ji'avois pas plus d'enc^agement que toy. LE CHeVaLIER. Fort bien , je t'enrens. C'eft adiré , que tu eftois de ces Abbez de milice ^ dont Pa- ris eft il fertile ?
ABBE% Et, mais5J'eftois comme beaucoup d'au- tres jeunes gens de famille, qui. . . . LE CHEVALIER. N'eft-ce pas ce que je dis ? Je fçais bien que tu n'eftois pas le feul qui à Tombre d'un collet pnfToit dans le monde fous le titre Tpecieux d'Abbé. Vois-tu ? il en eft de ce nom à l'égard de bien des gens qui le portent , comme de celuy qu'on donne aux garnitures de cheminées. Verre,fayan- ce, bois doré^rout cela eft cenfé porcelaine. L'ABBE'. Toujours fatyrique, à rordinairc,
LE CHEVALIER. Et donc, en nôtre abfence , le beau fexe comment le gouverroi^ tu ? On difoit à l'Armée , que nous autres petits Maiftres
des champs Eli fées, 515
de Cour , pouvions , fi bon nous feiTiblc, prendre nos quartiers d'hiver fur la Fron- tière , à moins que nous ne vouluffions donner dans le commerce fubalterne : car pour les premières plices, on alTure qu'el- les eftoiem toutes prifes par les fameux pe- tits Mai^lres de l'Univerfiré. L'A B B E\ Ecoute. Ne penfe d:s rire.
LE CHEVALIER. Moy rire ? Cadid^'s je îe dis comme je k pénie. Les Ahbez ce font les Dragons noiis de h g::I::i:::ric. Fen:me de Robe, femme de Cour , femme de Fin.-nce , tout paife par leurs mains. Il ne faut point ri-* re , depuis que nous avons la guerre , ce font eux 5 fi on les en croit , qui font les plus belles affaires de Paris. L'ABBE'. Le Badin 1
LE CHEVALIER. A la" vérité 5 l'avarice des maris ne con- tribue pas peu à leg iriC-îtrc en vogue. Ils donnent à leurs époufes H peu d^argent pour leurs menus plaifirs , qu'on ne doit pas s'étonner fi depuis quelque temps 011 les voit Çx fort donner d.ms la babiolle. L'ABBE'. Changeons de difcours, ou je te quitte.
LE CHEVALIER. Le Chevalier ell: la bifque du cœur , il eft
Z iij
5^4 Scènes Françoifes
vray : mais il eft de lourd entretien j il faut des écharpes.des nœuds d'épée.des points, de la dorure. Mais un Abbc , vit-on ja- mais Amant à plus jufte prix?ll n'y a point de Tailleur, quelque fripon qu'il foit, qui dans cinq aulnes de drap ne levé un Abbe' tout complet. Et donc, tu me fuis ? L'ABBE\
A t'écouter on ne peut apprendre que des fottifes.
LE CHEVALIER.
Tu ne m'échapera pas, ic te fuivray par tout.
SCENE
DL FELONTE & DE DORANTE.
FELONTE.
N'Achevez pas , vous me feriez mou- rir de rire.
DORANTE. Qiie voulez-vous ? chacun a fa folie. Celle des bâtimcns eftoit la mienne. Ah ! je ne fçaurois vous donner une plus forte idée de la pafïîon que j'avois pour bâtir, qu'en vous faifant part d'une Pafquinade, qu'un Satyrique de mon temps fit courre après ma mort. Lavoicy.
dej Cha?nps Eli fies. 5 i 5
èlaifeépargnoit fon revenu > Ne vivoit que de pain graifTé d'un peu debeurre. Pour fe faire bâtir une riche demeure :
Blaire alloit ( ce dit-on ) tout nu, A force d'épatgner, groirefommcs'élcve. A force de batir l'cditice s'achève. Tout eftfini , LaiVibris , Bas-Reliefs , Balcons > Quand Blaife exténué par dix ans de Lcfinc , Prefts d'habiter feus ces riches plafonds. Tombe mourant d'une fièvre arialîlne. Quelle horreur 1 fe tuer pour nourrir des h\ciy>r,sl Pour Hioi qui n'entre point dans les raifou^ de
Blaife, 7c crois qu'il eût cfté logé plus à fon aife , S'il avoit fait bjtir o-. peti'-'.-s Maifons. F E L 0 N T E riarit. J\h î ah l ah l le Satyrique me paroiilj homme de bon fcns. Qi'cn dites-vous ? DORANTE. Qiie dites-vous vous-mefme , de le bi- j •ri-crie de mon fort } Jamais trépas vint-îl plus à contre-temps ?*
F E L O N T E. En effet ,. n'en dcplaifc aux Parques,c\ll: ufer de furprife ; & fi elles en agiilent ain n , on ne trouvera plus dorefnavant perlonne qui veuille faire bâtir.
DORANTE. Tout beau , ne rai-llons pas. Vous me tournez en ridicule : mais je voudro^is bien fçavoir qui l 'eft le plus de vous ou de moy. J'ay fait bâtir une maifon pour me lager pendant ma vie : qu'y a-t'il àdire à cela î
Z iiii
j I 6 Sisnes Franco ifes
Les Parques en ordonnent autrement : Eft- cc ma faute ? & fuis-je le premier homme ^c qui elles ayent rompu les deiPeins ? Mais vous, quand vous vendez le bien que vous îivez eu tant de peine à acquérir , que vous vous dépouillez de tout pour vous faire bâtrr pendant votre vie un fuperbe monu- ment j dites-moy , je vous prie , fi la pen- fée du Satyrique ne vous conviendroit pas mieux qu'à mov ?
FELONTE.
A moy ?
DORANTE.
Oiiy à vous. N^y a-t'il pas de la folie
de fe défaire des chofes qui font à notre
Il Gage 5 & dont on joliit tous les jours, pour
tu conilruire une dont on ne joiiira jamais^
FELONTE.
Fort bien l Le tombeau une chofe dont on ne jouira jamais , comme fi l'on n'eftôit pas plus lonf;-temps mort qu'yen vie ? Ap- prenez que ie^faire bâtir un vieil monu- ment, c^eft fe faire revivre ;'prcs Ton trépas. Une mai Ton , quelque belle qu'elle loit, change de nom com.me de Maître ^ mais un fuperbe M.uiolée eft un tableau qui nous remet inceilamment devant fes ytuxde la pofteriré. P.ir exemple , qui prendront le îbin de publier que j'ay vécu , moy qui ay y eu mourir av^nt moy ma femme, mes cnfans 3 6c oui fuis redé le dernier de ma
des Char^ps Eî'ijees, j i 7
famille ? Qin fçauroit , dis -je , la haute fortune que j'ay faire , fi je n'avois dans le lieu de ma naiiFance fait graver en lettre d'or , fur le Marbre , fur Le bronze y & fur le Porphyre , une Epitaphc que le n'ou- blier ay jamais? - — -
Toy qui reg^arte ce Tombeau , Ne penfe pas que la Sculpture , , L'Argenr, le Marbre , la Dorure , En foit rOuvragc le plus beau. Ce qu'il renferme en foy fait toute fa richclTc. C'elloirun Homme tout dirin , Actif, laborieux , afpre au gain, - Qoi ne devoir qu'à luy Ton bien Scfa nobîeiTe. Rends donc àfa vertu l'hommage que tu dois. V a fait élever ic Tômbeafu que tu vois.' G'eft lay qui par fes i"o'ns,qui par îoniçz\ô\i faire Parfes protirs fecrcts , & fon efprit adroit, S'eft fait le Seigneur de la Terre Qu'en fon jeune âge il labouroit,
Hc bien , que dites-vous ? Puis-je crain- dre après cela que mon nom refle enfevely dans l'oubly. ?
DORANTE. Tour cela efl le plus beau du monde :, mais moy , nonnobdant ce bel Epitaphc, fi j'avuis à retourner au jour , ce feroit encô- ra une m^ifon que- je ferois bâtir ^ &: non pas un tombeau.
FELONTE. Ah y ! ahy ! ahy 1 quel enteftcment ! quell «iiceil^emenc l.
Scènes Françoifis
M À T H U R I "N enïrè en chantant.
La la la la la la.
FELONTE.
'Cette ombre- là n'a pas la mine cl*avoir efté la dupe d'un bâtiment. Ahy l ahy ! ahy! DORANTE. Que j*envie fon fort 1 Theureux eftat ! tropKeureufe innocence !
FELONTE. Hé hé , c'eft Mathurine , une fille de ma Terre 1
MATHURINE. Hé bon jour , Monficur Fclonte \
FELONTE. Fort bicn^fort bien. ( a Dorante ) Faites- vous dire par elle ce que c'eft que mon. H)mbeau. •w.: MATHURINE. Morguene , la belle chofe ! il efloit tout bâti de marbre ; puis y avoit tout autour de grands pieds de porc frais. FELONTE. Elle veut dire , des Colonnes de porfîr..
MATHURINE. OuVjOuyl, des Colonnes pour frire.. Tant y a que c'eft ban dommage qu'on Tait boutç à bas^
des champs Ê lifeer. 51^
F E L O N T E.
Comment ? on a démoli mon tombeau?
MATH URINE. Oh que çme vous cmbarFallc pas. Igna rien de perdu. Stila qui a acheté votre Charge de Seigneur du Village , en a pris tous les matériaux pour bâtir les delFeihs du jardin.
FELON TE. Mon Tombeau , jufte Ciel 1 qu*entens-jc Eu de monEfïigie qui eftoit dellus, qu'en a-t'il fait î
M A T H U R I N E. Votre Figie : Quoy cette grande iT^ure camarde qui avoir la gueule tout de travers^ &: qu'on difoit qui vous reirembloic com- me deux gouttes diaux ?
FELONTE. Ouv. L'ir.fame , où l'a-t'il mife ?
^iATHURINE. Qiic cane vous boutte pas en peine, tant y aqu^il vous a boutte en bel air : il l'a mife tout au biau mitan du grand balîîn. F h L O N^T E. Ah 5 j'ctoufFe !
MATH URINE. Vous ririez trop de voir comme il vous a fai^orté. Il vous a boutte fur la telle un grand bois de cerf,^ long^de ça , qui vous fore tout du bàu mitan du front.
X V j
j 20 Scenti Françoifei
F Ë L O N T E. Je n'en puis plus l je crevé L- MATHURINE. Taftigué , que cela vous (ledban I il fait appeller cela le bafîin d'AcVeon. —^ -n-^ DORANTE. Voila certes un beau monument r Ahy ! ahy ! ahy !
MATHURINE. Aga donc , ceux-là avec leurs maifons & leurs tombeaux 1 Jecroy qu'ils font foux. Je fons ban pu chancheux , nous. Comme je n'avons rian lai^jlèz , je n'avons riea à. regretter. Auili chantons- je toujours.
îc n'ons en arrivant icy ,.
Dieu mercy , Rien trouvé d'étrange, l'avons vécujà haui comme on vit icy bas.
le n'avons point frelaté nos appa*;. le n'avions qu'un Amant, je l'aimions fans mélcgc Le Colledeur Gros Gean , ny le Fermier Colin Pour nous plaire Niavions que faire De nous bailler un dcmy-cein. De ces férues de Villes Il n'en eft pas ainjl. Pour fîmple grand mercy > On n'a pas leurs Coquilles.
des Champ Eh fées,. 5. 2 ^
SCENE
DE CEPHISE ET DE LEONICR.. CE PHI SE.
1 .. Eonice en ces lieux !
LEONICE. Seroit-ce bien là Cepliife ? CEPHISE. ^-Tu es donc morte , ma chère }
LEONICE. Tu vois ma Petite y le fort ne m'a guè- re fait plus de quartier qu'à toy. Je nec'ay furvecu que d'une dixaine d'années. CEPHISE. Tu ne contes dix années pour rien , ma fille?
LEONICE. Pas pour grand chofe : Du moins di» années de plaîfirs paifent bi^n vite , ma toute bonne.
CEPWISE. Je l'avoue. Mais eftois-tu fî fort en eflat d'en prendre , toy que je n'ay jamais veu deux heures de fuite dans une £arfait& fantc ?
5 i i Sce'/i6f Fra?içoifes
LEONlCE. A ce que tu dis.
CEPHISE.
Avons-nous fait une partie de jeu , de Promenade ou de Comédie , que tu .ne te fois trouvée mal ? J'en ay*«l^u ton Epoux dans les allarmes mortelles j & il y avoir tel jour que tu tombois évanouie quatre ou cinq fois entre fes bras. Tu nedifois donc pas la vérité ?
LEONICE. Que tu es funple , Cephife , & qu'on voit bien que tu es morte jeune | Sans cela pourroit-on t'excufer d'ignorer les rufes innocentes dont une jolie femme fe ferc pour attendrir en fa faveur toute une Com- pagnie 1
CEPHISE/ Comment donc ?
LEONICE. Quel plaifir ne relient- elle pas , quand par une petite indirpoficion fubite ou affc- <^ée 5 elle appercoit le trouble & la crainte parmy une troupe de gens qui ne fon- geoient auparavant qu'à le divertir > CEPHISE. Qiie dit-elle ? Ce n'cftoitdonc pas de bonne foy que tu te trouvois mal ? LE.ONICE. Qii'appelle-tu de bonne fov ? Er où en ferions-nous ;, nous autres fcmines , Enous.
/
des Champs Elifées. ^25
eftions obligées d'en avoir dans tout ce c[iie nous faifons ?
. C E P H I S E. Ouaîs ! Quoy ? ces douleurs de côté ,ccs maux de tefte , ces frifTons , ces etourdilTe- meiis?
LEO NI CE. Pures Minauderies ?
CEPHISE. Je croy , Dieu me pardonne , qu*elle dit cela tout de bon I II y a donc bien du plai- fir à fe faire jetter de l*eau au viflige ^ & à fe faire brûler du papier fous le nez ?
LEÔNICE. '
Plus que je ne te fçAurois dire. Crois- moy , Cephife , il faut qu'une Femme foit femme \ &c ces petites iimagrées que tu condamnes 3 font dereifencede fonfcxe» CEPHISE. Et mais , mon Dieu , je ne veux pas qu'une femme fafTe des armes , ny que'lle joue à la Paulme : Mjiis anfïi ne faut-il pas que pour paroître qlus femme qu'une autre, elle afFede une delicateile ridicule. Qu'une femme mette des moûches5du rouo;e ou du blanc : Je dis plus j Qiie toutes les lemaines elle fe baigne dans du lait -, qu'elle change deux fois l'année de peau , qu'elle fe faiïè même coudre toutes les nuits depuis la tefte jufqu'aux pieds dans des parchemins gras , ôc qu'elle tienne en. dormajit fes bras fuf-
514 Scsm Françoifef
pendus k des cordons de foye , il n'y a riea à dire à cela : La nature Ta mife au monde pour plaire jôc tout ce qu'elle fait dans cette veuë4à 5 luy doit eftrc permis* Mais que pour marquer une plus grande delicatelTe,. elle marche dans fa Chambre , comme fi elle eftoit parquetée d'orties ; qu'une bou-- gie éreinte luy caufe des vapeurs 3 & qu'élu le refte évanouie pendant une heure , fous ombre qu'elle fe fera baifTée pour amallèr fon gand j c'eft ce que je ne fçaurois luy palfer , non plus que de garder le lit quin- ze jours , après avoir grondé un Valet du^ rant une haire.
LEONICE. Qiie tu es peuple , ma pauvre Cephife J^ Dans quel monde vivois-tu pour ignorer». CEPHISE. Peuple tant qu'il te plaira. Pour moy , fi j'eftois homme y une femme qui gein^ droit toujours , ne feroit pas ma marotte. - LEONICE.. C'eft à dire que tu aimerois mieux de ces femmes robuftes qui affedtenr d'avoir une fanté à l'épreuve de tour , qui mangent de tout ce que les autres mangentique le froid & le chaud , tout accommode : Et en un mot, de ces infipides,quî pournerien,fen- tir 5 trouvent tout bien fait chez elles, qui ne grondent pas une fois en un jour , &: qui jL biiLcaiair. vie-chaiPé. Servante. ny-Valersl:
des Champs Elifies. ^ i f
Ah l'horrcnr qu'une femme telle que je la dépeins lEt moyjCephire,^ j*eftois homme, j'aimerois autant époufer un SuifFe qu'une femme d'un fi grofïïer temperamment. CE PHI SE.
Que veux-tti ? chacun a Ton goût. Pour moy je chéris la joye Se la fanté. Je le ré- pète encore j j'aimerois beaucoup mieux fî j'eftois homme , que ma femme joliaft du Clavefîîn que de la Scrincrue. LEONICE.
Badines tant que tu voudras. Pour moy, je parle ferieufement ; Se je fouticndray toujours qu'il faut de la mignardife & de la delicatelle dans notre fexe j ces grimaces Se ces petites fimagrées que tu n'approu- ves point , Se qin donnent la pointe aii mérite d'une jolie perfonne , Se qui*la ren- dent fi friande aux yeux des hommes d'au- jourd'huy. Nous voyons tous les jours des femmes régulièrement belles , qui pour négliger ces. petites reiîburces , voulant tout devoir à leur beauté , reftent louvenr inconnues au milieu mefme de la Cour ^ tandis qu'une petite Camufe qui n'aura pour tout agrément qu'un peu de jcuncfTe Se de minauderies , fera a la mode , Se. fe rendra la pafïîon des gens du meilleur goût.
CE PHI SE.
A DieUj, charmante Minaudiere , tu me
5 2(? Scènes Françotfes gafteroisl'efprit (î j'eftois long-temps av; toy : il n"*)^ a qu'un moment que j'y fuis .
6 il me prend déjà envie d'avoir mal à la tufte.
LEONICE. Tu feras roûjours toy^mefme. Adic folle 5 adieu.
«?*^ Cir f^T, C>^ (t<- ' i7K Ç^^ Ci' Q*r ■ cK G^7 tftT C^" <3^:5
'«^••£*5' &*9- ■^^- £^ i^f^ • fc^ g^- S^ *^ .^#3 -^^
S C H N £ DES Juge MENS
DE MOME.
P L U T O N , O R P H ET , M O M E,
plîificurs autres.
M O M E.
Q
^^ Uc l'Homme ell inconfiirtt ? Teî aujourd'huy >parun doux Hymenéët-' Avec Iris unit fa deftinée, Qui le lendemain s'^cn rcpent. Pour pénétrer j d'où vient cette dif^race. Et nous mettre en eltat de n'en pouvoir dou'ter, Queflionnons-les chacun félon leur claîTe. Ca , voyons par qui dcburer. Ell- ce par vous, Brune au tein blefme : Qu'eil-ce? D'où vient cette pafle couleur?
Votre mary d'un lonp; Garcfme, Vous auroi:-il Fau Tenrir ia riG;a;ur >
des champs Elifées r 2 7
Chez l'Epoufe Aramon ya-t-il chercher fortune ?
D'une autre , quel bcfoin ^'aller faire l'eniplov ? Eft-on {"ans befogoe chez foy , Quand on eft TEpoux d'une Brune î Cependant il eft des Mans , Comme de cenains beaux Efprics ,
Qui de Livres che2 eux gardent plus d'un Vo- lume
Sans fc trouver tentez d'en lire un feu! feiiill^. A ce qu'on a , l'on s'accoutume. Mettel-les dans-'Un Cabinet , Qui d'un Voifin , ou d'un Compère îalTe la demeure ordinaire. Leur tombe-t-il un Livre fous la main , Fût- il d'un Aureur miferable
L'infortuné Bouquhi , Ils en lifent jufqu'a la Table.
Cette comparaVfon peut fervir au beioin.
La îemme, a le bien prendre , eft ce Livre ordinaire. Que Us Maris ne lifent point , Ou du moins qu'ils ne hfeni guère.
N 1 S O N. Ah, jofte Ciel î qu'il s'en faut bien „
Que tous noirs chagrms foient de cette nature
C'eft ce qui met mon cœur à la torture.
Mon Epoux n'a pour ïïr.oy qiiC trop d'^mpreâc- ment.
Tout ce qu'il fait fent moins le Mary que l'Amant^ Il eft joli plein de tendreiîe , Amoureux fans eftie jaloux : Je l'aimerois, je le confelle. Si d'un autre il eftoit l'Epoux.
MOME. Vit-on jamais pareil caprice ? Qa*cft-ce à dire ? Votre Mary Comme un Livre étranger vous lit i, Lt vous luy faites Tinjuftice
5 ^ s Scènes Frarjpifes
De ne faire que reftimer. N I S O N.
Eft-ce ma faute àmoy, fi je ne puis l'aimer ? Un Epoux fut-il fait comme les grâces mcmej
Son mérite fut-il extrême ; Il ne valut jamais le moindre Favory. fuc-il tourné d'un air à donner du martyre,
Ce n'cft toû)ours,quoy qu'on en puiiTe dir A le bien prendre qu'un mary. MOME. Port bien. Cequ'clledit nefontpas faribole?, Maintes femmes diront qu'elle :\ bonne raifon.
Ch.inre OrpKte. Il fç.nt des paroles i-" Qiu ne s'accoid.nt point trop ia;;l delîirs cî ton.
O R P H E" E chuinte fur l'air des TrembUmu %4'un homme entre m rziariage , §j'il prenne une Fille fage , fc^«/ p^-jfe m [on 'voiftnage Pour exemple Ae vertu : Tàt il rufé comme un Braque ,. Er fagi comme un Fibraqjie , Vfî jeu/ie fm furviem • Craque : yofU le fage , Cocu,
MOME. j
A d'autres. Approchez, Bonhomme- " Vous faites honte a nos adolefcens. Four être du vieux temps. Vous n'en valez pas moindre fommc Mais revenons a nos Moutons, Et laiiTons-là la parentcfe , Dites-nous , ne vous en déplaife , Pour plu^d'une raifon , Mes- vous Oncle , ou bien en ligne matennclls^ Auric'Zi-vous le Qermain- Sur cette gentille Puceliej,
K '.
des Char/ips Eli fées, 5 25^
A qui vous pr'jfcntez la main 1 G E R O N T E.
Qui ? Cccce bonne Umc , Donc les yciiX paroilient fi douz? Depuis deux ans elle cil ma femme : mis jugez bien par là que je iuis lou Epoux.
M O M E.
Toy fon Epoux :- Pour un f^xagenaire Prendre lemmc de quatorze ans, C'cft à mon fens ,
Un coup bien téméraire. )uand jevoy cet air vif , ccice blancheur de tein ; 2ue je te vois ride , t<3ut franc , pour toy je trem- ble. ' r . r
a , Bonhomme , croy-moy ; Ton vif âge 5: le nen Ne nuaBCent pas bien cnfemble.
G £ R O N T E. De me railler vous avez tort.
M O M E. K'aurois-tu point le mémei^ort E)s certain fameux peifonage, ( Tameax par fon ancienneté s*cntcnd , ) :ar Phiftoirenous dit qu'il n'avoit quunedenr. Cet Homme a peu pics de ton âge, Eilioit entête de Chevaux. Il en avoir tout des pins beaux , kn fcellez , bien briicz , ce n etou que dorure. es Voifms les moutoient,& n'en rioicnt^as peu , Quand du. Bonhomme la voiture Eftoit un fiege aapres du feu. G E R O N T £. eftvray, j'y confens. efuis plus âgé qu'elle ! Mais je l'ay bien paye par mes Ducats.
^ MOME.
Ecoute-le. Cette Chanfen nouvelle Semble cftrc faite pour ce cas.
$ yO Scene6 Françoifes
O R P H E"'E chmte. Shénnd un Vietlinri fans cervelle , Epru de jeune femelle , Vtut partager avec elle. Ses Loén à double carats : Il arrive que la Belle , Au ",6 une prefie l'oretUe , £r chez, l'ami ^ Forelle , Mange avec luy fe: Ducats. M O M. E à un autre. CcH: avons à glifTer. Vous êtes le plus proche, Qu'ell-ce? De quoy vous plaignez-vous» Là, dites quel reproche Avez-vous à luy faire eu qualité d*£poux O R A N T E. Je ne me plains que de moy-mcme. Pour éviter le trille fort Des Maris malheureux , j'ay pris un foin extrême "£t jen'ay fait qu'un inutile effort. Croyant trouver dans Tinnocttice Le repos, l'amour, la douceur. Je prens femme dés fon enfance Dans une famille d'honneur , Où par douzaine on compte les Lucreces. J'cleve avfîcqiie foin ce petit rejetton -, Et luy cache d'amour les trompeufes carelfcs ,
^ Pour ne la pas gâter par ma leçon : Quand d*un trait innocent qae je ne puis com prendre ,
Un jour clleme vint chercher, Et dans un moment fçut m'apprendra Ce que pendant dix ans j'avois fçû luy cacher.
Après avoir un fi long-temps feu feindre Jugez fi de mon fort , j'ay fujet de me plaindre ?
MOME. Pour des Maris trompez éviter le deftin , Par une humeur prévoyante.
des Champs El fées. ^ 3 i
ChoJiir fenime innccnte , Ce n'eft pas i'ndion de l'Homme le plus fin. L'Amour eft un don de nature. Où la fcience a peu de part. Les animaux feuls , &{"ans art , Ne vont-ils pas chercher leur nourriture ? De rinùuid de ta temme au lieu d'cllrc furpns , le loùtiens cjue pour fatisfaire
A l'amoureux myrcere , Il faut plus de corps que d'efprit. O R A N T E. Comment parer ce coup à l'honneur fi cruel? Si de la fottcon craint l'efprit trop hebeté, La Sçavante nous traite-t-elle Avecque plus d'humanitc î
MOME. Non. Mais la chofe efl: différente. Cette dernière fçait deguifer le poifon.
Sur cefujet il faut qu'Orphée chante Un petit couplet de chanfon. O R P H £• E chante. L ignorante Ridicule , Flu4 natte que i* Mule j VofM f^iii prend' e la piliule , Sxns en déguifer le g(-ût. La. Sfnvame dijfimuUy Guérit du n.oinUre fcrupulcy Es fuit que de h férule On ne ttjfent peu le coup. M O ME à un autre. Comme dans cette Serge elle eft anéantie 1
A vous la belle, au linge uni î Quelle fimplicité 1 Quel air de modeftie! De combien de vertu ce cœur paroit fourni 1 A voir fon aullere fageife , Maigre cette grande jeunelFc On la prendroit pour femme du vieux temps.
5 5-2- Scènes Françolfts
Que les Epoux vivoienc contens i Toute Femme étoit fage. Ce nom de Favory N'étoic poinc encore en ufîo-e. Chaque Femme aimoit fon Mary , Aimanr mieux qu'on ia crût vcrtueufe que beMe, C'efl amii qu'on vivoir dans le fiecl-e pailé : Mais on n'en trouve plus delTus ce bon modèle : Le moule en eft calfé. Toy qui par un doux Hjmcnce, Toiiis 3 plame main d'un fi rare trefor , Tout franc c^'ell bien à tort , Si tu n'es pas content de cette dcflinéc.
O R G A N. Ouy conten: ! ^i-ait & jour entendre quereller •
B E L O N D £ Par la jarny , je croy qile je t'entens pnrier
Dis-moy , Nigaut qui mei:e poulie pondre, Suis-je pas Femme de vertu? Parle. Trouves-tu rien à tondre •Sur le difcours qu'il a tenu ? Suis-je une Courcufe, une intame ? Tous nos enfans font- ils pas de toy ? Je connois& plus d'une Femime, Qi^^^'^^^^^oit pas tant que moy. Je fais d'une maifon qui craint peu qu'on ca- quette. ^
L'on n'en a jamais veu fortir qu'une Coquette :
Encor le fut-elle afon dam j Car on luy fît tout net habiter Je Cnuvent,
Puis comme une mal-avift e. Elle fut en un mot jufqu'aux fourciis rafée. MOME. La :on{ure eft aufterc au dernier point.
BELONDE k^ome Vous pouvei bien juger.
MOME,
à^s Champs Elifeef, 5 5 5
M O M E. Ah î ne m'appprochez poinr. ]e retranche le tout de mon pnnegyrique. le ne luis point admirateur D'une vertu diabolique. La mal-pcllc, quelle fureur 1 Celuy-là n'eftoit point un for, ne fans étude. Qui voulant définir la Prude , A tait voir par bonne raifon , Que quelque bon vent qui la poUiTcj Une Prude dans fa maifon ,^ Eiloit un Diable en taille-douce. B ELO N DE. Les Homme-s en tout temps pour les Honames
feront.
MOME. Toujours en bouche quelques gammes BELON DE. Si l'on faifoit des Juges E.cmmes , Quelquefois aurions-nous d' allez bonnes raifons.
Q R ANTE à Morne. V«y€z, comme à crier on la voit toujours prefte ? MOME. Aufll pourquoy la prcnois-tu!
ORANTE. C'eft la crainte d'eftre Cocu , Qui m'a fait faire une fi bonne emplette, M O M E. Bon 1 voila de nos enteftez I Ecoute bien cette maxime. Pour eftre en rime , _ Elle n'en cft pas moins pleine de veiitcz.
O R P H E' E chun-te, e^xnd aune Prude cruelle, T» /^M ta n;ci:té fidi-Ke , Ccmotes tfi que ia eervdie
A a
5 3 4 S'Cenef Franc 9 if es
Kefifte à Cks Airs grondans ? D un utitre tu crains lu crefle ; Mais qu'importe pour la bifie , ^and la mal efi k U tejle , ^'tl foit dtffui ou dtdans f
M E L I N D E k Gérante, Mon cher petit Mary, que ma joye efl: extrême, Quand je te pofîede un moment ? MOME. Oh Yoicy bien un autre compliment ' M E L I N D E. Tu ne me réponds rien. Tu me parois tout blême. Es-tu malade ? Ah Ciel ! conferrez mon Epoux» GERANTE. . LaiiTez-moy la, retirez- vous.
MOME. Voila repondre à la tendrelTe D'une allez bizarre f.icoii.
GERANTE.' Si vous connoillicz fcs finefles, Vous avoiiriez biec-toa que j'ay raifon. Cette Coquette hcifte, Ne m'appelle jamais fon Cœur ni fon i^mour, Qu'elle n'ait en pen{ce De me joiier un mauvais tour. ME LIN DE. Comme îl traitte ma flamme ? Il m'accufc, l'ingrat, d'eftre fourbe & fans foy :
Cependant elt-il une femme Aulîî raifonnablc que moy ? A le bien contenter je fais ma feule étude. Pour qu'il n'ait pas fujcrjcomrac il eut autrefois. De m'açcufer d'avoir une habitude, je change d'ami tous les mois. Au reile bonne ménagère. ]c ne vous le dis qu'en fecict.
des champs Eli fies, j ^ ^
Pour épargner {"on ordinaire -, Te ne mange qu'au Cabarcr. Et comme il cft des Hypocrites Qui tâchent de noircir la plus charte aclion,
je prens laRuit peur faire mes vifiLes, Afin de ménager fa réputation.
le vous fais voir m.on ame tcvutc nue. Vous liriez dans mon Coeur tout ce que je vous dis.
Vit-on jamais Femme àParis Vivre avec plus de retenue ? MOME. Tout franc vous avez, tort , & , foit dit entre nods ,
Elle a àc grands égards poar vous. G E R O N T E. De cette aim..ible Prude, Qiie ne fuis-je l'Epoui 1 Mon fort feroit b:en rude Si je venois m'en plaindre à vous. La CoqucttCjil cft vray dans l'amoureux myfterej
S^ait le plaifir alTaifonner : Mais d'un autre côte, le mal qu'elle peut faire, Gaftc bien le plaiiîr qu'elle fcait nous donaer. M O M E- Vous avez beau pour la Scvere Vanter vôtre inclination , 7e Rc m'oppofc point à ce qui peut vous plaire ; Mais Quafit a moy, je fuis pour la Chanfon,
O R P H E' E chxnu. Lu C' quitte Aimable i
T>e earejfes 'voui accable ; ït quoy qu'un mary traitaiU Soit co'-ffé comme un Taureau , îU'im^ortc : C'efi U méthode. Tout E^oux s'en accommode •■> A a i;
5 5^ Scènes FrA'fiçolfes
Et quand on e(l à U mode ,
§^'tmt>:>tte, Cornes oh Chapeau ?
GERANTE à Mom.,
En rcFufant de hn(cï nôtre chaîne ,
Trouve donc a nos maux quelqae adoucilTemenCi
Et du lien qui fait nôtre cruelle peine,
Bnl'e le nœud du moins pour un monocnt»? O R P H E' E charme. ' ^
St da/is i'^imoureux rr.yfltre , Chnun ejîoit volontaire. On s'aif^érûit coTîrTie frère j Ht f-.ns ce mAUiiu dintr.icî, VcyrOit-r}H ta-'ti di rfiiftret
C f-f: h HriMU d* tiCiai-e éUi burboUilU tout cila.
557
P L A I D O Y E'
D' A R L E QJJ I N.
DEFENSEUR DU BEAU SEXE^ & (quelques Portraits.
PORTRAITS
ÇUJE FAIT COLOMBINE
i>Es Femmes.
UNe Femme eft une Protée , qui chan- ge de figure & de caraéleue , comme il lay plaiil: Diffimulée dans ies penfccSjin- genieuie dans fes paillons , polirique dans fes veucs, friponne dans Tes difcours , Co- quette dans fes manières , afFcdée dans fes airs , faude dans fes vertus, intereiFée dans fes libcralitezjhipocritedans Tes épargnes: Toujours rufée , toujours équivoque, &c toujours une contre-vérité. Du plus au moins , voila comme nous fommcs faites.. (*y^ V T R E. Nostlehors font réglez , nos airs font gracieux,nos mines font modeftes : tout ce qui paroift eft bon : Mais tournez la mé- daille 5 rien n'eft plus bizarre que nôtre, humeur ; ^rien n'eft plus faux, que nôtrei marite.. Nôtre petit particulier cache d^
A. a. iij,
5 ^^ PUïdoyé d'ç^rîeejHw^
i-nyfteres curieux , que nos artifices enve» lopenr. La Coquetterie eft le fond de nôtre humeur : C'cft par cet endroit qu'il faut nous regarder, pour nousconnoître: Tout lerefte efl-eiT.prunté. Nous n'avons de bien naturel que le defir àt plaire. <î^ V TK £. Voulez- vous connoître une femme ? Fi- gurez-vous un joly petit monftrejqui char- me les yeux , & qui choque la raifon ^ qui plaiftj&qui rebute^qui eft Ange au dehors. Harpie au dedans. Mettez enremblc la te- fte d'une Linote , la langue d'un Serpent, les yeux d'un B iilic , l'humeur d'un Chat, l'adrefîe d'un Singe , les inclinations noc- turnes d'un Hibou , le brillant du Soleil, les inegnlicez de la Lune , envelopez cela 4'une peau bien blanche, ajoûtez-y des bras, des jambes, &: cetera ; vous aurez ime Femme toute complette.
FLAIDOYE" D'ARLEQ^UlNa
Pjptr la défenfe des Femmes.
ARLEQ.UIN.
Moy quhaài iu dé?- us de nos belles , Ay mainte-foi' diveity tout Paris \ Aujourd'huy conric les Mans , Je vaiv prendre p-iTy pour elles, « [ Alm tempi , altre Cure.^i Loin d'afpirei au foihle honneur De faite rangu ,Xnei par mes d,^çs Ciitiqacs. D up. S tyrique Aotcur Les cx^rclTicHS cauftiqucs ,
Vèferjfeur du hau Sexe. 539
îe regarde en p :ié le pauvre genre humain. • Si la foEcc crainte dc^ Coinrrs , Mcr^à l'Hymen de nop é:io.tes barnrs , Ma foy , c'clt f .it de Itiy ; ic le vois fur la Hn.-
Et quel cft ce déchaînement, jufte Ciel ? Où en fommes-nous ? On traîne pelle- nieiîe le Convent ^ l'Opcra chez la Cor- nu : Les Femmes fouffrent patiemment cet outrage : ^ un Efcadron coctFé ne va pas fondre fur la telle qui a enfanté de fi mon- ftrucufes calomnies.
Vers Ifahdle, Sexe charmmr, au fîccîe d Amadis , Un Jongleur peu couiuois oia-r-il d'une m)ure, Contre vous noiicit Ces Ecvus , Sans effuycr p'us (vMtxt avan-ure.
Aujourd'huy comment en ufe-t-on?Les Hommes dans un dégoût terrible pour tout ce qui s'appelle femi-vie, ne peuvent enten- dre parler d'Hymen, fans des foulevemens de cœur épouvantables. Ils font d'un froid inouy fur cet article j & pour lesrechaufer on s'avife de leur ordonner quelques do- fes d'une Apologie à la glace l Qiiel rcme- de 1 Co-ntraria tomranis curn'rJar.
C'eft donc par pure neceffité , tres^illu- ftre Magiftrat Cavalier , que je prens au- jourd^iuyladéfenfedemes anciennes en- nemies. J'aypeur que les hommes conti- nuant a fe dégoûter des femmes, l uDge de Tt-lymcn ne s'aboliirc. Le monde finiroitj l'Hoitclde Bourgogne deviendroit dcferî : & il ne i'eft déjà que trop.
A a iii>
€ 40 Plaidoyé d* Arlsqmn
Ainfî' j*entreprens de rétorquer contre les hommes tout ce qu'ils ont le front de reprocher à mes parties j &: de leur faire voir qu'ils font cux-même la caufe de tous les défauts dont ils les accufent.
Comment, Mefïleurs les Hommes, ofez- vous blâmer dans les femmes ce qui n*y cft precifément que pour vous? Oubliez- vous que le delTein de vous plaire , eft le reflbrt qui fait jouer toutes leurs Machines ? A quoy bon s'il vous plaift^cette vieille Co- quette prend-elle tant de foin d'un fqiielec ufé ? Pourquoy fait-elle renchérir le Blanc Ôc le Vermillon ? Pourquoy la voit-on manger par compas &: par mefure de peur de déranger Tes dents pofliches ? N'eft-ce pas parce qu'elle couche en joue quelqu'urr de ces jeunes Godelureaux qui joiientavec elle, 6c qui luy gagnent fon argent.
Voyez cette jeune beauté qui palFc la meilleure partie de fa vie à s'habiller 5c à fe . deshabiller, qui n'eft jamais contente de fa cof fFure , qui ajoute ou retranche toujours quelque chofe à fon ajuftcment. Entrez dans fon cœar;5c vous verrez qui a plus de p irt de fon fexe ou du vôtre à tons fes tortille- mcns (Se fes minauderies. Une femme fe pa- re-t-elle pour les autres femmes ? Qiii l'a jamais penfé ? C'eftvouSjMeflieurs les Dé- goûtezjqui vépôndcï de l'extravagance des Modesjtic la. magni.Qcence des habits, & de |axuJ4iediS.faimii£^ y^ouaremcfî»-
Déferîfeur du beau Sexe, 541
tre en apedt qu'on a inventé le Ragoût des GoLirgâdineSjcIes Ag?,çâte?5&des Barrières.
Preuve que tous les ajuftemens des fem- mes font uniquement pour les hommes, mettei-les en lieu où elles ne voyent que des personnes de leur rexe,^ vous les trou- verez d'un neglif^é affreux : Une cornette au nivcin de fon front 5 un corfét modefte & bien \iÇ£é . de bons pros fouliers de ma- roquin , & un grand tablier de ménagère. Voila comme cftoit à fa c.mipagne cette B:li|,djni '.s j.;ppcs fc foûticnnent d'or, qu'une coe'frure à triple étage rend d'une taille gigûnrefqae , qui ne peut mettre le pied dans Tes mules, tint elles font petites. Et pourquoy ccla?parce qu'elle n'avoit nul intereft de plaire ?.ux Chapons de fa Balle- cour, & qu'elle voudroit bien donner dans l'œil à quelque poulet d'Inde des Tuille- ries. Si les Hommes ne voyoient rien , les Femmes ne fcroient nulle dépenfe en ha- bits. Ainlî s'ib veulent épargner ce qui leur en coûte ^ ils n'ont qu'à fe crever les yeax, COLOMBINE.
Bel expédient, & de facile exécution i
'ARLEQJLJIN. On fe plaint que les femmes s'amufent à mille bagatellesjqu'elles fe font une occu- pation d'entretenir leurs chiens,de Elire re- peter des fottifes à leurs Perroquets, d'ap* prendre des malices à leurs Singes. Hclas qu'on les interroge toutes. Combien re
5 4 2.. PUidoyé d'arlequin
pondront, Qii'animal pour animal,nn Ma« ry eft univcnt moins amufant qu'un Do- guinjqu'avec le mauvais d'un Singe^il a'eii a pas toujours le bon j & qu.'il y a plus de cent Maris à Paris, qui ne loiJtiennent pas mieux une converlation que des Perro- quets ? Entrons dans l'intérieur des Mai- ions. Voyons les replis du ménage. Un M-iry bouru qui ne parle que par monofyl- labes, qui polfede le fecret de dire de frrof- les paroles eni:x lettres:N'eft-il pas la'fcu- le caufe de ce que fa femme' va chercher converfation ailleurs?Celui-€y eft toujours îiux trou<Jes de fa moitié ; il ne l'abandon- ne pas d'un pas ; il eft de toutes fes parties. Çeiuy-Ià ne voit prefque jamais la fiinne : Il loge, il mange, il couche dans un appar- tement feparé. A peine la rencontre-t-il une fois le mois chez d'Autel ou chez Pro- cope ; Deux extremitez également vicieu^ ies , également à craindre pour le front d'un mary, & dont il eft la feule caufe ' C O L O M B I N E. Malheur au mary qui me verra trop,auffi bien qu'à celuy qui me verra trop peu ARLEQUIN. On fait un crime aux femmes de la ma- gnificence de leurs ameiiblemens,de la dé- penfe qu'elles font en Bijoux, en Porcelai- ncs,^en Pagodes. Helasiqui ne fçait que la phu'part de ces appartemens fuperbes , font autant de belles prifons où l'on réduit de
Défenfeur du beau Sexe, 54c jaunes femmes,(l'ailleurs tres-raifonnables, à fe joiier avec des Poupées, à faire remuer leurs Pagodes. Elles remuent au moins ces Pagodes,6c font un fîgne de confcntement: au lieu que la plufpart des cpoux, toujours inflexiblesjtoûjours rebarbatifs/e font une loi de ne confcntir jamais.
C O L O M B I N E. Il eft vray qu'il eft des maris bien rabo- teux î ARLEQUIN. . Que diray-je des autres griefs ? Ow fc plaint que les femmes font exactes à payer les penSons à leurs Amans^qu'elles n'épar- gnent rien pour faire leurs équipages. Ah lexe maudit , ( parlant au P.irterre , ) que n'avez -vous de l'argent ? Pourquoy eftes- vous oblig-ez d'avoir recours k elles?En un
o
mot , que les hommes deviennent raifon- nables , & les femmes le feront : Qu'ils fc mettent à plus bas prixj&r les femmes feront moins dcdépenfe : Qii'ils aillent à elles, dc elles ne les chercheront point : Car tant qu'ils fuiront , il faudra bien qu'elles cou- rent après, &: qu'elles fui vent l'inftinâ: que La Nature leur a donné. J
C O L O M B I N E.
Voila de foibles raifons. Prononccf, Monlieur le Juge.
ARLEQUIN [émet dans un FautemU & rend cette Sentence,
Nous avons maintenu & gardé les Fem- mes dans tous leui'S droits, & dans la pof-
-^4 ^laidoyé À'o^rleqmn
feffion des PtivilegeSjFranchifcs & Immn- nitez de leur fexe : Leur permettons d'em- ployer pour fe faire aimer tout ce qu'elles aviferont bon cftre -, à la referve des Mi- nauderies qui pourroient déranger quel- que chofe dans TcEconomie du vitage. Confentonsquc pour engager les hommes, elles n'épargnent rien ny dans leurs paru- rcs,ny dans leurs ameublemcns, & qu'elles puiflent mefme faire quelques avances , fî mieux n'aiment lefdits Hommes^reprendte les Us & Coutumes de la vieille Cour , & faire feuls toutes les démarches.
Permettons aux riches Bourgeoifes d'eftre auffi magnifiques que les Femmes de qua- lité , à la charge néanmoins qu'elles en fe- ront toujours fo.rt diftinguées par leurs airs èc leurs manières. Voulons que les femmes foient réputées Dames & MaîtrelTes du fexe Mafculin, &: que les Hommes qui ont l^efprit bien fait le fairent un honneur de les aimer & de les fervir. Defitndons aux Vieilles d'afpirer aux Fleurettes des jeunes Officiers, à moins qu'elles ne foient en eft^t de leur faire le fond de deux Campa- gnes au moins. Faifons pareilles deftenfes aux jeunes & jolies Femmes de payer leurs Amans , quelques bien-faits qu'ils foient ; & ce nonobftanr l'ufage contraire , que nous déclarons abiifif. Condamnons en outre les Hommes à tous les dépens, F I N.
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